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TEXTES À COMMENTER

ROMAN XXe s.

M. Proust, À la recherche du temps perdu.

Du côté de chez Swann

Le thème principal c’est l’idée de l’amour à travers Swann et à travers Odette, c’est l’axe
principal de tout le texte, un couple des personnages dont l’un est bien présent et l’autre est
absent, Swann est présent, Odette absente.

Le personnage de Swann fait la recherche angoissé d’Odette, c’est le récit d’une recherche
faite par un narrateur hetérodiegètique, avec deux types de focalisation : zéro et interne, c’est
une mélange de ces deux focalisation parce qu’on mélange la philosophie avec la fiction, le
passage au discours généralisant c’est passer du formel au général, c’est passer du discours
de la fiction au discours de la réflexion.

Quand il emploi le discours généralisant c’est quand l’auteur formule son conception de l’amour,
il réfléchit sur le thème centrale du texte

Elle n’était pas chez Prévost; il voulut chercher dans tous les restaurants (« dans tout
les restaurants > nature obsessive, jaloux et obsédé de l’amour, un amour
possessive…) des boulevards. Pour gagner du temps, pendant qu’il visitait les uns, il
envoya dans les autres son cocher Rémi (le doge Loredan de Rizzo) […]( le
personnage du cocher montre le goût de Proust par la classe des domestiques, mais
non des domestiques habituels, des domestiques très nobles, qui va actuer comme un
confident, qui dit même à son seigneur ce qu’il doit faire, un domestique mais au même
temps conseilleur) […] qu’il alla attendre ensuite-n’ayant rien trouvé lui-même-à
l’endroit qu’il lui avait désigné. La voiture ne revenait pas et Swann se représentait
(interne) le moment qui approchait, à la fois comme celui où Rémi lui dirait: «Cette
dame est là», et comme celui où Rémi lui dirait, «cette dame n’était dans aucun des
cafés.» Et ainsi il voyait la fin de la soirée devant lui, une et pourtant alternative,
précédée soit par la rencontre d’Odette qui abolirait son angoisse, soit, par le
renoncement forcé à la trouver ce soir, par l’acceptation de rentrer chez lui sans l’avoir
vue. (Ce portrait qu’on fait du personnage de Swann, un personnage obsessif, très
jaloux peut nous montrer d’une certaine manière qu’il est une personne névrotique, il
considère l’amour comme la possession de l’autre > apuntes)

Le cocher revint, mais, au moment où il s’arrêta devant Swann, celui-ci ne lui dit pas:
«Avez-vous trouvé cette dame?» mais: «Faites-moi donc penser demain à commander
du bois, je crois que la provision doit commencer à s’épuiser.» Peut-être se disait-il que
si Rémi avait trouvé Odette dans un café où elle l’attendait, la fin de la soirée néfaste
était déjà anéantie par la réalisation commencée de la fin de soirée bienheureuse et
qu’il n’avait pas besoin de se presser d’atteindre un bonheur capturé et en lieu sûr, qui
ne s’échapperait plus. Mais aussi c’était par force d’inertie; il avait dans l’âme le
manque de souplesse que certains êtres ont dans le corps (foc zéro), ceux-là qui au
moment d’éviter un choc, d’éloigner une flamme de leur habit, d’accomplir un
mouvement urgent, prennent leur temps, commencent par rester une seconde dans la
situation où ils étaient auparavant comme pour y trouver leur point d’appui, leur élan.
Et sans doute si le cocher l’avait interrompu en lui disant: «Cette dame est là», il eut
répondu: «Ah! oui, c’est vrai, la course que je vous avais donnée, tiens je n’aurais pas
cru», et aurait continué à lui parler provision de bois pour lui cacher l’émotion qu’il avait
eue et se laisser à lui-même le temps de rompre avec l’inquiétude et de se donner au
bonheur.

Mais le cocher revint lui dire qu’il ne l’avait trouvée nulle part, et ajouta son avis, en
vieux serviteur:

– Je crois que Monsieur n’a plus qu’à rentrer.

Mais l’indifférence que Swann jouait facilement quand Rémi ne pouvait plus rien
changer à la réponse qu’il apportait tomba, quand il le vit essayer de le faire renoncer à
son espoir et à sa recherche:

– «Mais pas du tout, s’écria-t-il, il faut que nous trouvions cette dame; c’est de la plus
haute importance. Elle serait extrêmement ennuyée, pour une affaire, et froissée, si
elle ne m’avait pas vu.»

– «Je ne vois pas comment cette dame pourrait être froissée, répondit Rémi, puisque
c’est elle qui est partie sans attendre Monsieur, qu’elle a dit qu’elle allait chez Prévost
et qu’elle n’y était pas,»

D’ailleurs on commençait à éteindre partout. Sous les arbres des boulevards, dans une
obscurité mystérieuse, les passants plus rares erraient, à peine reconnaissables.
Parfois l’ombre d’une femme qui s’approchait de lui, lui murmurant un mot à l’oreille, lui
demandant de la ramener, fit tressaillir Swann. Il frôlait anxieusement tous ces corps
obscurs comme si parmi les fantômes des morts, dans le royaume sombre, il eût
cherché Eurydice. (L’intertexte est donné pour évoquer la légende du couple de
Eurydice et Orphée, histoire de l’amour fatal, Eurydice a été mordue par un serpent, el
elle meurt et elle descende aux enfers, Morphée va le chercher, descend aux enfers,
les dieux lui accordent son désir avec une condition : avant qu’il arrive sur le monde
terrestere, il ne peut pas se retourner pour la regarde, il se retourne et il perd sa femme
…)

De tous les modes de production de l’amour, de tous les agents de dissémination du


mal sacré, il est bien l’un des plus efficaces, ce grand souffle d’agitation qui parfois
passe sur nous.(discours géneralisant > foc zéro) Alors l’être avec qui nous nous
plaisons à ce moment-là, le sort en est jeté, c’est lui que nous aimerons. Il n’est même
pas besoin qu’il nous plût jusque-là plus ou même autant que d’autres. Ce qu’il fallait,
c’est que notre goût pour lui devint exclusif. Et cette condition-là est réalisée quand-à
ce moment où il nous fait défaut-à la recherche des plaisirs que son agrément nous
donnait, s’est brusquement substitué en nous un besoin anxieux, qui a pour objet cet
être même, un besoin absurde, que les lois de ce monde rendent impossible à
satisfaire et difficile à guérir-le besoin insensé et douloureux de le posséder. (Tout le
paragraphe est marqué par la focalisation zéro).

(Dans ce dernier paragraphe on développe toute la théorie de l’amour Proustien, un


amour souffrant, un amour fatal, qui fait du mal mais qui apparait comme le fruit du
hasard > tout un vocabulaire de la souffrance qui nous montre la fatalité, l’absurde de
l’amour…) cette amour proustien annonce les théories de l’amour réaliste qui se
développeront dans l’amour réaliste.
A. Malraux, La condition humaine.

Tchen tenterait-il de lever la moustiquaire ? Frapperait-il au travers ? L’angoisse lui


tordait l’estomac ; il connaissait sa propre fermeté, mais n’était capable en cet instant
que d’y songer avec hébétude, fasciné par ce tas de mousseline blanche qui tombait
du plafond sur un corps moins visible qu’une ombre, et d’où sortait seulement ce pied à
demi incliné par le sommeil, vivant quand même — de la chair d’homme. La seule
lumière venait du building voisin : un grand rectangle d’électricité pâle, coupé par les
barreaux de la fenêtre dont l’un rayait le lit juste au-dessous du pied comme pour en
accentuer le volume et la vie. Quatre ou cinq klaxons grincèrent à la fois. Découvert ?
Combattre, combattre des ennemis qui se défendent, des ennemis éveillés ! > C’est la
signification du combattre, son drame l’épouse à combattre, assassiner un homme qui
est endormi, celui qui est endormi ne peut pas se défendre « ennemis éveillés » ; c’est
comment le personnage prend conscience de l’absurdité de son acte,

C’est par la lumière que l’auteur fait sortir le seul détail de l’homme qui est venu
assassiner, c’est un jeu de l’espace, l’espace du dedans et l’espace du dehors,
l’espace du dedans est marqué par la tragédie, du drame de le personnage qui est
obligé de tuer l’homme qui est endormi, dans cette espace du dedans le personnage
prend conscience de sa situation et l’espace du dehors pars la lumière. Les
personnages de Malraux doivent lutter contre les autres et contre sois mêmes

La vague de vacarme retomba : quelque embarras de voitures (il y avait encore des
embarras de voitures, là-bas, dans le monde des hommes…). Il se retrouva en face de
la tache molle de la mousseline et du rectangle de lumière, immobiles dans cette nuit
où le temps n´existait plus.

Il se répétait que cet homme devait mourir. Bêtement : car il savait qu’il le tuerait. Pris
ou non, exécuté ou non, peu importait. Rien n’existait que ce pied, cet homme qu’il
devait frapper sans qu’il se défendît, — car, s’il se défendait, il appellerait.

Les paupières battantes, Tchen découvrait en lui, jusqu’à la nausée, non le


combattant qu’il attendait, mais un sacrificateur. Et pas seulement aux dieux qu’il avait
choisis : sous son sacrifice à la révolution grouillait un monde de profondeurs auprès
de quoi cette nuit écrasée d’angoisse n’était que clarté. « Assassiner n’est pas
seulement tuer… » (Le personnage prend conscience de qu’il ne va pas tuer, il n’est
pas un combattant, sinon un assassin, qui montre aussi l’idée d’absurdité de la guerre
et même l’absurdité de l’héroïsme) […] Dans ses poches, ses mains hésitantes
tenaient, la droite un rasoir fermé, la gauche un court poignard. Il les enfonçait le plus
possible, comme si la nuit n’eût pas suffi à cacher ses gestes. Le rasoir était plus sûr,
mais Tchen sentait qu’il ne pourrait jamais s’en servir ; le poignard lui répugnait moins.
Il lâcha le rasoir dont le dos pénétrait dans ses doigts crispés ; le poignard était nu
dans sa poche, sans gaine. Il le fit passer dans sa main droite, la gauche retombant
sur la laine de son chandail et y restant collée. Il éleva légèrement le bras droit,
stupéfait du silence qui continuait à l’entourer, comme si son geste eût dû déclencher
quelque chute. Mais non, il ne se passait rien : c’était toujours à lui d’agir.

Ce pied vivait comme un animal endormi. Terminait-il un corps ? « Est-ce que je


deviens imbécile ? » Il fallait voir ce corps. Le voir, voir cette tête ; pour cela, entrer
dans la lumière, laisser passer sur le lit son ombre trapue.
C’est avec cette absurdité du combat, l’absurdité de tuer une personne qui dors
comment l’auteur montre un aspect essentiel de la condition humaine : la tragédie de
la condition humaine

J.-P. Sartre, « L´Enfance d´un chef », dans Le mur.

Il raconte l’arrivée d’un français de Provence à Paris ; le titre déjà montre beaucoup, avec le mot
chez il est en train de montrer que l’enfant deviendra un jour un chef tel comme son père. Le
titre situe l’œuvre dans un récit déterminé : nouvelle d’apprentissage, il a quitté son village pour
venir à la capitale et faire un apprentissage, dans ce cas l’apprentissage d’une idéologie. Les
noms des personnages nous montrent déjà quelque chose : Lucien : la lumière, l’intelligence.

Tout le texte est construit sur la technique de l’intertextualité : « l’action Française » : revue crée
au début du XXe, antisémite ; « Barrés » : écrivain de l’époque, écrivain patriotique qui est
aussi d’un village du Provence et qui est venu pour faire son apprentissage à la capitale.
(Déraciné comme le personnage de Lucien).

Lemordant tente de manipuler à Lucien avec des auteurs tels comme Barrés, il tente de lui faire
entrer des idées, Lucien ne se laisse pas manipuler et il choisit être un « être en situation », et
avec l’intertextualité de Rimbaud et Verlaine, il montre que le personnage préfère être plus
proche des déclassés tels comme eux parce qu’ils sont des déclassés mais aussi ils ont eu de
liberté pour choisir sa vie.

Elle ne parut que le jeudi, Lucien la trouva en seconde page sous ce titre : La jeunesse
de France donne un bon direct dans les gencives de la Juiverie internationale. Son
nom était là, condensé, définitif, pas très loin de celui de Lemordant, presque aussi
étranger que ceux de Flèche et de Flipot qui l´entouraient ; il avait l´air habillé. « Lucien

Fleurier, pensa-t-il, un nom de paysan, un nom bien français ». Il lut à haute voix toute
la série de noms qui commençaient par F, et quand ce fut le tour du sien, il le prononça
en faisant semblant de ne pas le reconnaître. Puis il fourra le journal dans sa poche et
rentra chez lui tout joyeux.

Ce fut lui qui alla, quelques jours plus tard, trouver Lemordant. « Tu fais de la
politique ? lui demanda-t-il.- Je suis ligueur, dit Lemordant, est-ce que tu lis quelquefois
L´Action ?- Pas souvent, avoua Lucien, jusqu´ici ça ne m´intéressait pas, mais je crois
que je suis en train de changer ». Lemordant le rergardait sans curiosité, de son air
imperméable. Lucien lui raconta, tout à fait en gros, ce que Bergère avait appelé son
« désarroi ». « D´où es-tu ? demanda Lemordant.- De Férolles. Mon père y a une
usine.- Combien de temps es-tu resté là-bas ?- Jusqu´en seconde.- Je vois, dit
Lemordant, eh bien, c´est simple, tu es un déraciné. As-tu lu Barrès ?- J´ai lu Colette
Baudoche.- Ce n´est cela, dit Lemordant, avec impatience. Je vais t´apporter Les
Déracinés, cet après-midi : c´est ton histoire. Tu trouveras là le mal et son remède ».
Le livre était relié en cuir vert. Sur la première page un « ex-libris André Lemordant »
se détachait en lettres gothiques. Lucien fut surpris : il n´avait jamais songé que
Lemordant put avoir un petit nom.

Il commença sa lecture avec beaucoup de méfiance : tant de fois déjà on avait voulu l
´expliquer ; tant de fois on lui avait prêté des livres en lui disant : « lis ça, c´est tout à
fait toi » Lucien pensa, avec un sourire un peu triste, qu´il n´était pas quelqu´un qu´on
pût démonter ainsi en quelques phrases. Le complexe d´Œdipe, le Désarroi : quels
enfantillages et comme c´était loin tout ça ! Mais, dès les premières pages, il fut
séduit : d´abord ça n´était pas de la psychologie-Lucien en avait par-dessus la tête, de
la psychologie-les jeunes gens dont parlait Barrès n´étaient pas des individus abstraits,
des déclassés comme Rimbaud ou Verlaine, ni des malades comme toutes ces
Viennoises désoeuvrées qui se faisaient psychanalyser par Freud. Barrès commençait
par les placer dans leur milieu, dans leur famille : ils avaient été bien élevés, en
province, dans de solides traditions ; Lucien trouva que Sturel lui ressemblait. « C´est
pourtant vrai, se dit-il, je suis un déraciné ». Il pensa à la santé morale des Fleurier,
une santé qui ne s´acquiert qu`à la campagne, à leur force physique (son grand-père
tordait un sou de bronze entre ses doigts) ; il se rappela avec émotion les aubes de
Férolles : il se levait, il descendait à pas de loup pour ne pas réveiller ses parents, il
enfourchait sa bicyclette et le doux paysage d´Ile-de-France l´enveloppait de sa
discrète caresse. « J´ai toujours détesté Paris », pensa-t-il avec force. Il lut aussi Le
Jardin de Bérénice et, de temps à autre, il interrompait sa lecture et se mettait à
réfléchir, les yeux dans le vague : voilà donc que, de nouveau, on lui offrait un
caractère et un destin, un moyen d´échapper aux bavardages intarissables de sa
conscience, une méthode pour se définir et s´apprécier.

A. Camus, L´Étranger

L’étranger : le titre de l’œuvre montre déjà une caractéristique fondamentale de


l’œuvre, un étranger de ce monde, de la société, un homme hors du canon, hors des
normes : montré par exemple avec son réaction au mort de la mère : aucune. A partir
de sa conduite, le personnage devient un être à part, le titre est donc trop significative,
il nous montre la nature du personnage. Camus montre cette anormalité, cette nature
du personnage aussi avec l’écriture de l’auteur, qui ne montre plus que l’écrit, il n’y a
pas d’expression d’aucune sentiment, c’est une écriture révolutionnaire pour l’époque,
une écriture qui révolte par rapport au canon, une écriture qui représente le
personnage, un personnage complètement neutre
Camus se force de faire une parole des énoncés qui n’ont pas des marques, qui ne
sont pas personnalisés.

Le verbe savoir est un verbe très important dans tout l’œuvre, dans sa forme négative
qu’on trouve dans la première phrase, on dit déjà l’absurde du monde que le
personnage ne peut pas arriver à comprendre, le personnage et même Camus. Pour
exprimer l’histoire d’une vie libré à l’absurde, l’écrivain élabore un type d´écriture, une
écriture d’une syntaxe très particulière, une syntaxe qui dise au lieu d’organiser, le
vocabulaire est capable d’exprimer la pesanteur sociale, la pesanteur humaine…

Le patron est le symbole de la force, de la domination, qui est chargé de dire la


condition du travailleur, c’est-à-dire ce qui fait l’auteur c’est projeter la vie d’un être qui
ne parvient pas à s’abstraire du scénario d’une vie de rutine, car la rutine s’inscrit
également dans le texte ; les personnages à commencer par le protagoniste très
sommairement décrits, les descriptions sont réduites, brèves… les personnages se
citent, sont présentés comme d’archétypes. Tous les personnages prouvent à travers
leurs discours qu’ils se conforment à l’habitude, même la mère qui s’a conformé à
l’asile.
L’absurde est le centre de l’œuvre, montré par l’attitude des personnages par leurs
discours.

Aujourd'hui, maman est morte. Ou peut-être hier, je ne sais pas. J'ai reçu un
télégramme de l'asile: «Mère décédée. Enterrement demain. Sentiments distingués.»
Cela ne veut rien dire. C'était peut-être hier.

L'asile de vieillards est à Marengo, à quatre-vingts kilomètres d'Alger. Je prendrai


l'autobus à deux heures et j'arriverai dans l'après-midi. Ainsi, je pourrai veiller et je
rentrerai demain soir. J'ai demandé deux jours de congé à mon patron et il ne pouvait
pas me les refuser avec une excuse pareille. Mais il n'avait pas l'air content. Je lui ai
même dit : «Ce n'est pas de ma faute.» II n'a pas répondu. J'ai pensé alors que je
n'aurais pas dû lui dire cela. En somme, je n'avais pas à m'excuser. C'était plutôt à lui
de me présenter ses condoléances. Mais il le fera sans doute après-demain, quand il
me verra en deuil. Pour le moment, c'est un peu comme si maman n'était pas morte.
Après l'enterrement, au contraire, ce sera une affaire classée et tout aura revêtu une
allure plus officielle.

J'ai pris l'autobus à deux heures. II faisait très chaud. J'ai mangé au restaurant, chez
Céleste, comme d'habitude. Ils avaient tous beaucoup de peine pour moi et Céleste
m'a dit: «On n'a qu'une mère.» Quand je suis parti, ils m'ont accompagné à la porte.
J'étais un peu étourdi parce qu'il a fallu que je monte chez Emmanuel pour lui
emprunter une cravate noire et un brassard. Il a perdu son oncle, il y a quelques mois.

J'ai couru pour ne pas manquer le départ. Cette hâte, cette course, c'est à cause de
tout cela sans doute, ajouté aux cahots, à l'odeur d'essence, à la réverbération de la
route et du ciel, que je me suis assoupi. J'ai dormi pendant presque tout le trajet. Et
quand je me suis réveillé, j'étais tassé contre un militaire qui m'a souri et qui m'a
demandé si je venais de loin. J'ai dit «oui» pour n'avoir plus à parler.

L'asile est à deux kilomètres du village. J'ai fait le chemin à pied. J'ai voulu voir maman
tout de suite. Mais le concierge m'a dit qu'il fallait que je rencontre le directeur. Comme
il était occupé, j'ai attendu un peu. Pendant tout ce temps, le concierge a parlé et
ensuite, j'ai vu le directeur : il m'a reçu dans son bureau. C'était un petit vieux, avec la
Légion d'honneur. Il m'a regardé de ses yeux clairs. Puis il m'a serré la main qu'il a
gardée si longtemps que je ne savais trop comment la retirer. Il a consulté un dossier
et m'a dit: «Mme Meursault est entrée ici il y a trois ans. Vous étiez son seul soutien.»
J'ai cru qu'il me reprochait quelque chose et j'ai commencé à lui expliquer. Mais il m'a
interrompu: «Vous n'avez pas à vous justifier, mon cher enfant. J'ai lu le dossier de
votre mère. Vous ne pouviez subvenir à ses besoins. Il lui fallait une garde. Vos
salaires sont modestes. Et tout compte fait, elle était plus heureuse ici.» J'ai dit: «Oui,
monsieur le Directeur.» Il a ajouté: «Vous savez, elle avait des amis, des gens de son
âge. Elle pouvait partager avec eux des intérêts qui sont d'un autre temps. Vous êtes
jeune et elle devait s'ennuyer avec vous.»

C'était vrai. Quand elle était à la maison, maman passait son temps à me suivre des
yeux en silence. Dans les premiers jours où elle était à l'asile, elle pleurait souvent.
Mais c'était à cause de l'habitude. Au bout de quelques mois, elle aurait pleuré si on
l'avait retirée de l'asile. Toujours à cause de l'habitude. C'est un peu pour cela que
dans la dernière année je n'y suis presque plus allé. Et aussi parce que cela me
prenait mon dimanche — sans compter l'effort pour aller à l'autobus, prendre des
tickets et faire deux heures de route.

Le directeur m'a encore parlé. Mais je ne l'écoutais presque plus. Puis il m'a dit: «Je
suppose que vous voulez voir votre mère »
N. Sarraute, Enfance.

Dans l’extrait il faut souligner l’existence de deux vois, une voix plus
attaché à l’enfance et une autre voix de remémoration, il y un changement
entre le temps du récit et le temps de l’histoire, c’est Sarraute qui parle car
il s’agit d’un récit autobiographique, les événements de l’enfance
concernent le récit de l’histoire, mais le récit lui-même, la narration se situe
dans le présent, c’est-à-dire que Sarraute se dédouble de manière telle que
la voix du passé fait apparaitre l’enfant qu’elle fut (Natacha), et la voix du
présent fait apparaitre l’adulte qu’elle est (Natalie).

Natalie tente de récupérer son passé d’enfant, dédoublement constitue l’une


des caractéristiques essentiels de ce livre de Sarraute du point de vue du
genre de l’autobiographie, car dans une autobiographie on trouve
seulement une voix, c’est un monologue intérieur dans le sens qu’elle se
parle, elle se raconte, l’autobiographie traditionnelle fait seulement
apparaitre une voix, alors Sarraute dédouble sa voix jouant sur le temps de
l’histoire et sur le temps du récit, le dédoublement de cette voix peut
s’interpréter aussi comme la façon de dire « aujourd’hui même j’ai du
mal », la récupération de son enfance ne se fait pas sans problèmes, et sa
problématique est montré, la problématique passe à travers le langage.

Je parle le moins possible de maman… Chez mon père tout ce qui peut l´évoquer
risque de faire monter et se montrer au dehors…pas dans ses paroles, mais dans le
froncement de ses sourcils, dans le plissement de ses lèvres qui s´avancent, dans les
fentes étroites de ses paupières qui se rapprochent…quelque chose que je ne veux
pas voir…

-De la rancune, de la réprobation…osons le dire…du mépris.

-Mais je n´appelle pas cela ainsi. Je ne donne à cela aucun nom, je sens confusément
que c´est là, en lui, enfoui, comprimé…je ne veux surtout pas que cela se metta à
bouger, que cela vienne affleurer…
Mon père lui-même, quand il le faut vraiment, désigne ma mère par le nom du lieu qu
´elle habite : « As-tu écrit à Pétersbourg ? » « Tu as une lettre de Pétersbourg ». Les
mots « ta mère » qu´il employait autrefois, maintenant, je ne sais pourquoi, ne peuvent
plus lui passer les lèvres.

Et voilà qu´un jour, sous le regard de mon père que je sens posé sur mon visage, un
regard qui s´attarde, ne le quitte plus, je relève un de mes sourcils, comme le fait
maman, j´ouvre mes yeux tout grands, je les fixe devant moi très loin, mes yeux
comme ceux de maman s´emplissent d´étonnement, de désarroi, de candeur, d
´innocence…
Mon père regarde toujours ce que je tiens étalé, immobile devant lui…
Mais ce n´est pas moi, c´est lui, c´est son regard à lui qui a fait venir cela sur mon
visage, c´est lui qui le maintient…

-On aurait pu croire que ce que son regard ferait apparaître, ce serait plutôt l´air fermé
et dur que ta mère avait parfois, celui qu´elle avait dû le plus souvent lui montrer et qu
´il devait le mieux connaître.

-Si je l´avais senti, c´est cet air-là que j´aurais pris et je l´aurais encore durci…par
défi…comme on le fait parfois en pareil cas…

-Oui, et aussi par désespoir…

-Mais ce n´est pas cet air que mon père a cherché sur mon visage, ce n´est pas lui qu
´il a voulu retrouver, et ce qui est arrivé ensuite prouve que j´avais senti juste. Il s´est
tourné vers l´ami qui était là, c´était l´ami commun de mes parents qui m´avait amenée
de Berlin…nous étions seuls tous les trois…et mon père, détachant enfin ses yeux de
moi, s´est tourné vers lui et lui a dit : « C´est étonnant comme par moments Natacha
peut ressembler à sa mère… » et dans ces mots quelque chose d´infiniment fragile,
que j´ai à peine osé percevoir, je craignais de le faire disparaître…quelque chose a
glissé, m´a effleurée, m´a caressée, s´est effacé.

P. Gripari, Rêveries d´un martien en exil.

Récit et histoire provoquent une pseudo-connaissance, sur des choses qui


n’existent, Gripari à travers le langage arrive à créer une réflexion sur la
littérature, sur l’histoire fictive. Le pouvoir de l’imagination est très important
dans les œuvres de l’auteur, le travail sur le langage, le mode d’expression,
trouver des formules inédites, on peut affirmer que Gripari donne une définition
de la littérature fonde sur le pouvoir de l’imagination sur le langage renouvelé,
par son goût sur le néologisme et son vision didactique.
Entre l’Histoire et les documents qu’il appelle « mensonges utiles » et la
littérature et l’art appelés « mensonges par jeu », il introduit une catégorie : les
démi-mensonges qui sont à usage collectif et même officiel.
Gripari fait voir l’influence de cette philosophie post—moderne, cette
philosophie de la déconstruction, de la méfiance à l’égard, des donnés
préétablies

Il trouve la plaisir dans les mensonges par jeu, dans la littérature, dans l’art,
dans le pouvoir de la littérature de nous faire vivre dans un ailleurs inventé,
mais possible et par la même crédible. Sur ce jeu de vrai et du faux travaille ce
travail, le lettre qui ouvre « les réveries d’un martien en exile », jouent le rôle
d’une préface qui permet à l’auteur de poser ses propres opinions sur la vie et
plus précisement sur son métier d’écrivain, il montre que son fantastique est de
la post.modernité et qu’il vise à se méfier des acquis pour accorder toute
l’importance au pouvoir de l’imagination.
Les Terriens, en effet, ne savent pas converser psychiquement, même à courte
distance. Il est courant de voir, ici, deux personnes parfaitement connues l´une de l
´autre, assises dans la même pièce, et néanmoins obligées de se parler pour se
comprendre. A force d´employer continuellement les mots, ils en arrivent très vite à
jouer avec, à construire des phrases grammaticalement correctes, mais ne symbolisant
aucune réalité. Is bâtissent ainsi des histoires, des récits, parfois interminables, qui
provoquent dans l´esprit de qui les écoute une sorte de pseudo-connaissance, portant
sur des individus, des choses, des collectivités qui n´ont jamais existé, des
événements qui n´ont jamais eu lieu… Non que l´auditeur soit dupe : il sait que c´est
du mensonge et l´accepte comme tel. Mais lui-même jouit délicieusement de cette
information qui n´en est pas une et qui, pourtant, s´impose d´une certaine façon, par le
pouvoir de l´image…Sur Terre comme sur Mars, imaginer, c´est déjà la moitié de
croire.

Voilà pourquoi la littérature terrienne, loin d´être, comme la nôtre, uniquement


historique et documentaire, se compose avant tout de fictions. Mais il n´y a pas que la
littérature écrite : il y a la peinture, qui est la représentation, sur des surfaces
préparées, de paysages, de scènes ou de portraits, le plus souvent fictifs ; il y a le
théâtre, qui est un lieu spécialement construit, où des acteurs, spécialement payés,
viennent à heure fixe, dans un décor artificiel, devant plusieurs centaines de
spectateurs payants, feindre des actes, des discours, des personnages, des situations
sans aucun lien avec la vie réelle ; il y a enfin le cinéma, qui n´est pas autre chose que
l´art de mentir avec des images animées.

Le jeu, certes, n´est pas sans danger, car à force d´abuser des symboles, on les use.
Aussi les plus grands menteurs sont-ils ceux qui savent inventer, non seulement sur le
fond, mais dans les modes d´expression, renouveler la manière, trouver des formules
inédites, pour prévenir l´accoutumance, la fatigue des amateurs.

Entre le mensonge utile (le nôtre) et le mensonge par jeu, il y a une catégorie
intermédiaire, aux limites mal définies, celle des demi-mensonges. Ces derniers sont
surtout à l´usage collectif, et même officiel. Certains sont recommandés à la demi-
croyance des foules pour leur valeur au point de vue hygiène mentale : c´est le cas des
dogmes religieux ; d´autres sont imposés, bien que personne n´y croie d´une façon
sérieuse, à titre de discipline politique : c´est le cas des statistiques, des programmes
de partis, des idéologies sociales. Je prise peu ces mensonges là qui, trop souvent
confiés à des individus maladroits, peu scrupuleux, d´esprit borné, sont cause de
malentendus sans nombre et de crimes collectifs continuels. Mais j´avoue prendre,
depuis peu, un plaisir véritable au mensonge littéraire. Imaginer, même sans être dupe,
donne l´impression de posséder je ne sais quelle liberté impossible, une sorte de
pouvoir souverain sur le monde. Communiquer le fruit de son imagination, c´est en
quelque sorte susciter chez autrui une représentation du monde qu´on a créé, l´obliger,
d´une certaine manière, à y vivre. Tout cela est agréable, et même très agréable,
parfois même franchement voluptueux.

C´est pourquoi j´ai appris à mentir, moi aussi. Tu trouveras ci-après les résultats de
mes quelques essais dans ce domaine… Continue donc de lire, mais surtout n´oublie
pas que rien de ce qui suit n´est vrai, que seule cette lettre est purement véridique.
C´est le mieux que je puisse faire en attendant ma grâce ou, si elle ne vient pas, la
mort du Souverain-mort que, cela va sans dire, je m´interdis de souhaiter, mais qui, si
elle survenait sans qu´il y eût de ma faute, arrangerait bien, je dois l´avouer, mes
petites affaires… Si la chose arrive, préviens-moi tout de suite. Je n´aurai plus alors
qu`à me débarrasser de Michel Barbezutte, en le précipitant sur un de ces véhicules
qui passent continuellement devant ma porte, et à rejoindre enfin notre chère planète.
Je compte sur une réponse de toi par retour de notre onde porteuse et, en attendant, je
te rolle un skate.

Ton ami

(signé) Lobzmork.

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