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Jean Laplanche

Entre séduction
et inspiration :
l'homme

lei
1\ \

:; .

~ 'i:
~
QUADRIGE/PUF
Buts du processus
psychanalytique *

La formuIation proposée pour ces joumées d' études 1,


« Buts du processus psychanaIytique )}, fait montre
d'une grande clairvoyance. Elle nous permet de poser
dês Ie départ une distinction essentielle entre Ies buts
qu'on voudrait assigner, pour ainsi dire de I'extérieur, à
I'anaIyse, et Ies buts qui se dégagent du processus Iui-
même. Une distinction d'autant pIus importante qu'elle
est, de nos jours, de pIus en pIus occultée.
D'une certaine façon Ia psychanaIyse, constamment
mise en doute quant à ses résultats, n'a de cesse que de
se mesurer avec d'autres techniques - psychoIogiques
ou non - du point de vue de I'efficacité, ce qu'on pour-
rait nommer aussi Ia « conformité à un but )}.
RappeIons-nous Ies définitions pIatoniciennes et sur-
tout aristotéIiciennes, qui n'ont pas vieilli sur ce point :
Ie savoir technicien, artisanaI, est ceIui qui subordonne
ses moyens et ses rêgIes à I'obtention d'un but précis,
mais proposé de l'extérieur. La fabrication d'une

* Revue française de psychanalyse, 4, 1997.


1. Conférence prononcée Ie 22 novembre 1996 à Ia Deutsche Psycha-
naIytische Vereinigung (Wiesbaden).
chaussure, Ia construction d'un navire ou d'un tempIe, Et Freud de citer, parmi d'autres, deux éventualités :
obéissent certes aux « regles de l'art») elles-mêmes Ie mari qui envoie sa femme irascible en analyse, dans le
fixées par Ia science de Ia nature, mais ce n' est pas but de ramener Ia paix dans le ménage, ou bien les
l'architecte qui décide ou sera placé le temple, à quelle parents qui « réclament qu'on rende Ia santé à leur
divinité il sera dédié, et par qui les fonds nécessaires enfant qui est nerveux et indocile »).
seront apportés. Nous connaissons bien les difficultés de ces cas : ana-
L'actualité de cette question nous incite à nous attar- lyses à l'initiative de Ia famille ou de I'autorité judi-
der un peu sur cette situation, ou l'anaIyste serait consi- ciaire : enfants, psychotiques, délinquants, etc.
déré comme un spécialiste auquel on s'adresse en lui La perspective de Freud n'est d'ailleurs pas purement
proposant un but précis, extrinseque au processus Iui- négative. L'analyse peut se produire parfois, mais le
même. résultat risque d'aller à I'encontre des souhaits du com-
Freud a décrit cette éventualité, dans ses commentai- manditaire : une preuve de plus que les buts intrinse-
res, à propos de son « cas d'homosexualité féminine »). ques au processus sont sur un tout autre plan que les
La patiente est envoyée à Freud par son pere, dans buts assignés, de I'extérieur, au psychanalyste.
l'espoir de Ia débarrasser de sa perversion. A défaut L'aspect grossier, voire caricatural, des situations
d'un résultat analytique - auquel le pere ne croit évoquées risque cependant de nous masquer ce fait
guere -, « un mariage rapide devait réveiller les i1"!stincts contemporain: le danger d'une généralisation de ce
naturels de Ia jeune fille et en _~tºY.fferles.penchánts non qu'on peut nommer « psychanalyse sur commande »4.
naturels »)2. Et Freud de reprendre ici, pourrait-on dire, La demande sociale de soins psychiques, devenue quasi
l'antique description platonicienne: « D'autres situa- universelle, se trouve relayée d'une part par le confrere
tions que celle-ci sont pour l' analyse plus ou moins médecin qui envoie le patient à l'analyste et qui en
défavorables, ajoutant de nouvelles difficultés aux diffi- espere Ia guérison de telle « maladie »),d'autre part et
cultés internes du caso Des situations comme celle du surtout par l'immixtion constante des organismes de
maitre d'ouvrage qui commande à l'architecte une villa santé sociale. Non contents de payer les soins, ceux-ci
selon ses gouts et ses besoins, ou celle du pieux dona- ont le « mauvais gout ») d' en exiger des résultats précis.
teur qui se fait peindre un tableau sacré, dans le coin Se trouve ici introduite Ia présence permanente d'un
duqueI trouvera place son propre portrait en orant, ne tiers dans l'analyse, avec exigence de rapports périodi-
sont fondamentalement pas compatibles avec les condi- ques, comptabilisation du nombre des séances et
tions de Ia psychanalyse. »)3 menace éventuelle d'interruption des remboursements.
II serait intéressant d'étudier l'évolution de cette
2. GW; XII, 274, OCF-P, XV, p. 237. Une fois de plus, lorsque
Freud emploie le mot Instinkt et non ce1ui de Trieb, c'est pour caractériser
demande sociale, à travers le monde moderne. Elle est
voire moquer une conception popuIaire de Ia sexualité (,natureIle ,).
3. GW; p. 275, OCF-P, p. 238.
de plus en plus assujettie à des criteres objectifs et prag- tique, Ia mere institution reste présente, symbolique-
matiques du type DSM III ou IV. Mais en même temps, ment avec tout son poids, dans Ia salle d'attente et
sous Ia pression d'une certaine opinion publique, elle aucune dénégation ne peut faire qu'il n' en soit pas
bannit de ses indications tout ce qui peut apparaitre ainsi.
comme un reliquat du « sexisme })freudien : qui oserait, Freud préfere - et nous avec lui - que Ie sujet vienne
aux États-Unis, prétendre que I'homosexualité est un à nous « de son propre mouvement }).La situation qu'il
trouble relevant de l'analyse? Inversement, une autre qualifie d'idéale est que Ie sujet souffre d'un conflit qu'iI
fraction de l'opinion publique s'étonnera que Ia psycha- ne peut résoudre et qu'iI demande notre « assistance }).
nalyse n'ait pas éradiqué Ia délinquance, particuliere- Une partie de lui - son moi évidemment - pourra être
ment Ia délinquance sexuelle, sans prendre évidemment considérée comme alliée du processus.
en considération I'existence ou l'absence d'une souf- Ajoutons cependant ceci, du point de vue de notre
france subjective chez de tels sujets. theme: cette spontanéité apparente ne signifie nulle-
Ces évolutions contradictoires démontrent combien ment que nous devions adhérer aux buts du patient, tels
Ies demandes en question sont marquées de pragma- qu'ils sont exprimés dans sa demande. De ces buts,
tisme et d'idéologie. Comme Ie mari de tout à l'heure, dans leur formulation manifeste, nous avons le devoir
qui demandait en fait qu' on Iui guérisse son mariage, Ia de nous méfier.L~moi, comme nous l'expliciterons
société demande qu'on Ia soigne de ses névrosés. plus loin dans notre partie métapsychologique, est une
Mais avant de quitter ce trop vaste domaine de Ia instance de méconnaissance. Son autonomie est une
psychanalyse sur commande, je ne puis passer sous illusion. Tres souvent, il ne fait que véhiculer et refléter
silence une de ses formes Ies plus pernicieuses: ce ces buts sociaux, hétéronomes, que nous avons évoqués
qu'on appelle couramment analyse didactique. La cri- plus haut, et qui restent présents même s'iIs sont inté-
tique radical e déjà formulée par Anna Freud n'a pas riorisés. Nous savons aussi que le moi, s'il prétend
empêché Ies institutions analytiques de formuler cette représenter les intérêts du tout, n'est en fait qu'une des
demande: qu'on Ieur fabrique, et ceci par l'analyse, parties, donc partiale, du conflito
une personnalité conforme à Ieurs souhaits. Je ne m'en- De son côté, le symptôme, parfois mis au premier
gagerai pas dans un examen détaillé des contradictions plan dans Ia demande, ne saurait être pris à sa valeur
de cette pratique, et de Ia situation qu'elle engendre, manifeste. Il n'est pas - à Ia différence du symptôme
avec un processus analytique authentique. Pour définir médical classique - un simple signe séparé. Nous savons
rapidement Ia situation de l'analyse didactique, disons d'ailleurs que, des l'engagement du processus, il passe
que, dans l'analyse d'enfants, Ia mere attend parfois tres vite au second plano
dans Ia salle d'attente, et une véritable analyse ne L'abolition
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- ou tout au moins Ia mise au second
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s'instaure que Iorsque - symboliquement et même réel- plan - des représentations de but cons<::ientt':s~est partie
lement - on Iui ferme Ia porte. Dans Ia situation didac- i,n.!~~~!lte <:i.~111regle fondamentale, même si celle-ci
n'est qu'un idéal imparfaitement observé. Mais l'analyse Je crains que nous ne puissions aller beaucoup plus
exige, de Ia part de l'analyste lui-même, Ia même sorte loin, tant que nous envisageons les buts indépendam-
d'ascese ou de,fêc~tpar rapport aux buts qu'il pourrait ment du processus lui-même. Mais de celui-ci, que peut-
lui-même entrevo Ir. Ceei des le premier entretien, et jus- on dire ? On sait qu'il est sans cesse référé par Freud à
qu'au demier. Non pas qu'i! doive être indifférent à Ia Ia métapsychologie. Les formulations ont varié. Les
Csouffrance. lei, on pourrait peut-être contraster les deux plus aneiennes, « rendre l'inconscient conseient )},voire
mots allemands voisins de Indifferenz et Gleichgültigkeit. même « lever l'amnésie infantile )}, semblent garder
L' analyste fait preuve de Gleichgültigkeit en ce sens précis quelque chose de Ia vieille illusion, peut-être issue de
'!i qu'il doit gleichmassig gelten lassen tous les éléments que l'hypnose, que l'inconscient serait comme une se conde
lui propose l'analysant5• Parmi les refusements qu'il doit personnalité, un second moi qui devrait être libéré, pour
s'imposer à lui-même figure en bonne place Ia méfiance supplanter à son tour un moi « répressif )}. Une idée
à l'égard des buts adaptatifs concrets qu'il pourrait ima- contestable qui a donné naissance à bien des illusions,
giner. 11se méfie aussi de l'idée de guérison, une idée que par exemple du côté du « freudo-marxisme )}, ou, à
les médecins eux-mêmes ont relativisée, abandonnant Ia l'inverse, à bien des préventions contre Ia psychanalyse
visée d'une restitutio ad integrum au profit d'une relation accusée - lorsqu' on ne Ia dit pas inefficace - de libérer
~Eouvelle des forces en présence. les instincts pervers cachés.
Le psychanalyste est bienveillant; il veut le bien de La formule demiere, Ia plus inspiratrice dans son
son patient mais sans lui donner une figure précise, et ouverture, est certainement le : wo Es war, soll Ich wer-
sans se lellrrer non plus sur ce que serait une autonomie den, auquel il convient d'ajouter ce commentaire:
retrouvée. « C'est un travail culturel comme par exemple l'asse-
On connait le fameux passage conclusif des Études sur chement du Zuyderzee. )}7

l'hystérie: « Vous vous convaincrez que nous aurons lei évidemment, les questions se pressent à propos de
beaucoup gagné si nous parvenons à transformer votre chaque moto Quel est ce ça, s'il devait s'enraeiner,
misere hystérique en malheur commun. )}6 Un passage comme le croit trop souvent Freud, dans un ensemble
qui trouverait ses échos, non seulement chez les de forces d' origine biologique? Quel peut bien être
Stoiciens mais à nouveau chez Platon lorsqu'il distingue l'espoir de le « eiviliser )}?
le bien de l'âme, du plaisir sans limites ou du pouvoir Quel est donc ce moi (Ich) ? S'il est instance de refou-
injuste. Le mal de l'âme, c'est précisément cette misere
dont elle souffre, dans un conflit obscur et ravageur.
lement, de méconnaissance et de négation, quelle est sa
possibilité de vraiment s'approprier le ça? Mais à
l'inverse, si le Ich de cette formule - comme le veut
J
5. L'allemand possede deux mots, l'un plutôt négatif: Indifferenz (in- Lacan de façon quelque peu idéaliste - n' est pas le moi-
différence), l'autre à connotation plus positive Qeich-gültigkeit, qui signifie
(,accorder une valeur égale ,). ·C
6. GW, I, p. 312 ; OCF-P,II.
. .s Ie sujet éterneI de Ia « philosophie du Non pas en raison d'une sorte de pragmatisme
mstance mal . . . d' l' ';l
. 1( travaiI »seralt-tl susceptlble accomp Ir . qui s'énoncerait ainsi : « D'abord faire, puis justifier ce
sUJet» que ( . ..
'1 t enfin ce processUs clvtllsateur ? La compa- qu'on a fait », mais parce que Ia cure (situa-
( Que es, , "
1 • l'assechement du Zuyderzee n est pas tres tion + méthode) est une invention, l'apport par Freud
, ralson avec d'fi ..
j • nte . e1le renvoie aux vues e mtlvement de quelque chose de radicalement nouveau; un nou-
enthouslasma . .
J pesslmlstes
.. .' de Freud sur Ie ..renoncement puIslonnel.
,. d veau dont nous prétendons montrer qu'il trouve sa
~ . 1 nt Ia phrase de Freud a Ie mente e poser source 10m en arriere, dans l'originaire même de l'être
Fma eme , . ~ M"I
. inhérent au processus IUl-meme. aIS 1 humain.
un « deVolr », .
. t de reprendre Ia questlon, avec nos propres Cette invention n'est certes pas instantanée, mais e1le
nous reVIen
moyens. est historiquement datable dans une courte période,
N otr e these sera donc double : . " . d'
entre Ies Études sur !'hystérie et l'analyse de « L'homme
1 / Le but du processus ne se conçOlt qu a partIr une aux rats I).
., . de ce qu' est Ia cure ; en aucun cas le proces- Cette pratique, on peut dire d'une certaine façon
exphcltatlOn , , , d
it être subordonne a un but propose e que Ies théories successives « boitent à sa suite » : « Ce
sus ne saur a . , 1" ..
, ,. L s éléments majeurs qUl sont a exp lClter lCl qu'on ne peut atteindre en volant, iI faut l'atteindre en
1 extene . ur e ." . d
rt Ia situation analytlque, generatnce u boitant. »8
sont d'une P a . .
t d'autre part Ia méthode avec ses drmenslOns Ainsi en va-t-iI des différentes théories de I'appareil
transfert, e . ,. d'
assoctatlve-. . d'ssociative
1
d'une part, mte.rpretatlve
_.. .
..alltr~
. psychique, ou des théories des pulsions : Ieur progres
part .. d est toujours motivé par des problemes posés par Ia
.' n'est pas dans une posltlOn secon e, pratique.
2/Lacure " .,
, par rapport a Ia metapsychologte. En d au- Cependant, ce que je viens d'avancer sur Ie fait que
subordonnee '1 1 11
nous refusons une sequence se on aque e Ia théorie « boite à Ia trame» est partie1lement faux.
tres termes, . 1" . d'
" , mier serait l' observatlOn c mlque, SOl- lsant Car l'invention de Ia pratique analytique va en fait de
1element pre 11 .. fi' ,
· ctive à partir de Iaque e seralt m eree une pair avec I'invention d'une premiere théorie : Ia théorie
neutre et ob Je, . . 1
,.
theone me't apsychologt'que, tandls que Ia techmque,
, a de Ia séduction ; et on peut même affirmer que Freud
. 't a' son tour un ensemble de preceptes, un n'était pas 10m d'un seul et même « coup d'aile » dans
praxls, seral .,..
. t ' déduire à partIr de Ia theone. Le ralsonne- Ies deux domaines à Ia fois. L'abandon de Ia théorie de
mstrumen a ., fi' d
ment seral't aIors' . notre psychlsme .etant con orme e Ia séduction l' empêchera de mettre à jour Ie rapport
fu~reeoo, 11 te1le queIs sont .Ies,metlleurs moyens de.Ie étroit entre les deux inventions, nous laissant cette
. , 1 ;l Ce qui poseralt, a nouveau, Ia questlOn tâche ouverte : Ia mise en relation entre l'originaire de
falre evo uer . , .
't nger à assigner à une te1le evolutlOn.
d'un but era
ns au contraire que Ia cure est dans une
Nous pens O "h ' 8. Was man nicht erfliegen kann das sol! man erhinken, cité par Freud,
.. ml'ere par rapport a Ia metapsyc ologte. GU7, XIII, p. 69 ; OCF-P, XV, p. 338.
posltlon pre ,
Ia cure et ce qui se trouve à l'origine dans l' existence étant: Qu'est-ce qui m'arrive? Comment le maitriser
humaine. en me l'appropriant par une ({traduction}) ?
Nous voilà donc amenés à reprendre Ia théorie de Ia Pour ce point de départ, on peut se référer au début
séduction de Freud, mais en tenant compte d'un certain du texte de Freud ({Sur les théories sexuel1es infanti-
nombre de concepts qui, depuis des décennies, pro- leso » Freud cite deux grandes énigmes du monde adulte
posent des dimensions nouvel1es pour réfléchir sur le auxquel1es est confronté l'enfant: Ia différence des
processus analytique. Nous tenterons de donner tout sexes, l'arrivée d'un petit frere ou d'une petite sreur.
leur poids à des termes comme langage, message, Mais il est bien d'autres messages, plus originaires:
traduction, symbolisation, et, finalement, herméneu- ceux qui ont pour porteurs le sein, ou encore les pre-
tique ; de ces termes, nous ne pouvons guere nous pas- miers soins et attentions corporels.
ser pour décrire Ia cure, mais il nous revient de mon- Je dois m'expliquer ici sur Ia dissymétrie adulte-bébé,
trer qu'ils ne sont pas moins indispensables pour que j'introduis avec les mots : ({ce qui m'arrive ». Une
décrire Ia genese de l'appareil psychique et du conflit : dissymétrie qui est en contradiction avec les idées cou-
ceci à condition qu'ils soient positionnés au lieu qui rantes sur l'interaction et Ia réciprocité. Je ne nie pas
leur revient. l'idée de réciprocité, mais à condition de délimiter le
Nous partirons aujourd'hui du terme d' herméneu- cadre de sa validité de façon précise. 11 n' est pas ques-
tique. Un mot souvent employé - de façon critiquable à tion de nier l'attachement réciproque entre le petit
notre avis - pour décrire le processus analytique. humain et le parent qui le nourrit, le soigne et le pro-
La plupart des activités herméneutiques couramment tege. Les messages de chaque membre de ce couple
décrites se rapportent à des situations secondes. Au-delà reçoivent de l'autre les réponses plus ou moins appro-
de ces herméneutiques dérivées, c'est une herméneu- priées: le bébé est d'emblée ouvert sur le monde et
tique fondatrice que nous postulons : Ia situation origi- avant tout sur le monde humain, adulte. La relation
naire de quelqu'un qui a à interpréter, à donner sens à premiere entre le petit être vivant et sa mere est une
({ce qui lui arrive l). relation au sens plein, fait des communications et des
Mais ce qui lui arrive n'est pas de Ia réalité brote. Ce affects les plus variés. Une relation riche, en partie pro-
n'est même pas, comme le veut Heidegger, un ({être-là l) grammée génétiquement, et que les psychanalystes ont
(Dasein) ou un ({être-jeté })(Geworfenheit). Ce sont des eu tort pendant longtemps, et à Ia suite de Freud, de
messages venant de l'adulte et adressés au petit être réduire à l'apport de nourriture. Le terme autoconserva-
humain. tion mis en avant par Freud n' est pas inexact pour
Au lieu d'invoquer une soi-disant activité herméneu- décrire ce domaine, si ce n' est qu'il induit à tort une
tique de l'analyste, il faut donc dire : le premier hermé- négation de Ia dimension affective.
neute, l'herméneute originaire est l' être humain. Ce J'en viens maintenant à Ia dissymétrie qui n'est pas
qu'il a à traduire, ce sont des messages, Ia question moins essentiel1e que Ia réciprocité. La psychanalyse
nous a appris que I'adulte est habité par un ça incons- Face à ces messages énigmatiques I'enfant est d'abord
cient, que celui-ci est sexueI (ou sexueI-agressif, je n'en passif; il n'a pas Ia réponse instinctuelle appropriée. II
discute pas ici) et est constitué de représentations et est dans une situation de traumatisme, qu'iI doit tenter
fantaisies, qui infiltrent Ies comportements. Mais, du de surmonter par une reprise active, en comprenant,
côté du nourrisson, rien ne nous permet d'affirmer qu'iI c'est-à-dire en traduisant.
ait, des Ie départ, des fantaisies et un inconscient (ni Nous disons donc que I'être humain est à I'origine
d'ailleurs un moi).
dans une situation de passivité, et en position d'her-
Or, au cours de Ia relation adulte-enfant, l' expérience méneute. Mais cette herméneutique fondamentale n' est
nous montre que Ies fantaisies sexuelles Ies plus ancien- pas une herméneutique de Ia situation, de Ia facticité,
nes sont remises en mouvement chez I'adulte par mais une herméneutique du message.
I'apparition de ce petit être, cet autre moi-même, tel Nous voulons souligner Ia radicalité de cette situa-
que j'étais moi-même jadis, livré aux soins corporeIs Ies tion: I'être humain, du point de vue sexueI, est centré
plus délicieux et peut-être Ies plus perverso d'emblée sur I'autre, il gravite autour de I'autre : c'est ce
. La relation s'établit donc à un double niveau' , Ie que je nomme un copemicianisme fondamental.
mveau du Iien autoconservatif, réciproque, constitue Ia Mais, d'autre part, iI n'a de cesse que de retrouver
base de Ia communication. Mais chez I'être humain, une situation de maitrise, ou de pseudomaitrise, ou il
cette base autoconservative est d'emblée habitée pourrait se considérer comme centre et origine : Ie mou-
infestée, parasitée par une communication qui se pro~ vement ptolémai'que n'est pas moins important que Ie
duit dans une seule direction : de I'adulte vers I'enfant. copernicianisme de départ, contre IequeI iI constitue
Ce que nous nommons « messages énigmatiques}) ce une défense.
sont Ies messages dirigés de I'adulte vers I'enfant, mes- C'est donc dans un mouvement d'autoappropriation
sages qui voudraient être purement autoconservatifs : je que l' on peut assimiler à une traduction - que se cons-
veux te nourrir, te soigner, etc., mais qui sont « compro- titue I'appareiI psychique. Mais ce qui est capital c'est
mis}) (au sens freudien du terme) par I'immixtion de que cette traduction est toujours nécessairement impar-
fantaisies sexuelles. Je te nourris mais - inconsciem- faite et en échec. Ceci précisément en raison du fait que
ment - je t' enfourne de Ia nourriture, au sens sexueI de I'enfant n'a pas, au départ, Ies moyens suffisants pour
I'intromission (Ia Nahrungszufuhr devient Nahrungsein- intégrer, comprendre, lier Ies éléments sexueIs dissimu-
fuhr - comme iI apparait dans un Iapsus significatif de lés dans Ies messages de I'autre adulte.
Freud, dans son Entwuif einer Psychologie)9. D'une façon schématique, on peut donc dire que Ia
constitution de I'appareiI psychique - avant tout Ia divi-
9. ln GW.Nachtragsband, p. 410, trad. franç. La naissance de Ia psy_ sion entre un ça et un moi - est pour I'essentiel un résuI-
c~analyse, Pan,s, PUF? 1956, p. 336. Et J. Laplanche, La révoIution coperni- tat de ce processus de traduction. Le moi integre ce qui
Clenne machevee, Pans, Aubier, 1992, p. XXVII, n. 52.
peut être traduit et mis en forme dans Ies messages
(processus primaire) sur les représentations qui, pour
sexuels de l'autre. Ce qui ne peut être traduit, le résidu
de Ia traduction constitue le ça inconscient10 ; celui-ci ainsi dire, passent à leur portée.
Par le processus du refoulement, l'altérité psychique
échappe à Ia liaison et devient désormais un pôle de
a changé radicalement de place : dans Ia relation coper-
déliaison.
nicienne initiale, c'est Ia relation à l'autre personne (der
Le refoulement originaire et, apres lui, les refoule-
Andere) qui était en cause. Une fois le systeme psy-
ments secondaires ne sont pas autre chose que le résul-
chique refermé sur lui-même, avec Ia constitution du
tat, obligatoire, de cet échec partiel de Ia liaison.
moi comme instance, l'altérité est devenue interne: le
Ne perdons pas de vue Ia formule initiale de notre
ça est devenu das Andere, l'autre par excellence, mais un
« sollen »: wo Es war, sol! Ich werden. Nous pouvons
désormais ajouter cette précision essentielle : le moi et le autre interne.
Comment concevoir le conflit psychique, une fois
ça dont il est question ne sont pas deux entités d'origines
constitué le systeme moi-ça? On peut assurément le
différentes : l'une qui serait prétendument biologique
définir comme un conflit pulsionnel : entre ce que nous
l'autre rationnelle ou culturelle. Lemoi et le ça se consti~
nommons les pulsions sexuelles de mort - Ia sexualité
tuent, au départ, dans un seul et même mouvement : le
sous sa forme Ia plus déchainée - et les pulsions sexuel-
moi englobe ce qui, à partir du message sexuel de l'autre,
les de vie, orientées par Ia visée de totalité : totalité de
peut être traduit, intégré, à une histoire plus ou moins
l'objet et totalité du moi pris comme objeto
cohérente. Le ça est ce qui est resté rebelle à Ia traduc-
On peut le définir comme conflit entre les deux ins-
tion; insistons encore sur ceci: le ça inconscient n'est
tances, le moi comme centre de liaison, dominé par
p~s comme un second « moi )},aussi unitaire que le pre-
l'Éros, et le ça ou se retrouvent des niveaux diver~ de
mler. Le processus du refoulement travaillant comme le
déliaison, jusqu'à Ia pulsion sexuelle de mort qUI est
d~t Freud, de façon « hautement individuell~ )},a pour
resultat une « instance )}qui n'est pas comparable à celle comme son gouffre central.
On peut enfin le défmir, de façon plus abstraite, voire
du moi, et qui mérite à peine le nom d'instance : elle est
philosophiquel1, comme lutte de deux principes : li~ison
faite de représentations non coordonnées entre elles
. ' et déliaison ; des principes qui se recouvrent partlelle-
mtemporelles, non contradictoires les unes par rapport
ment avec Ia distinction topique des instances, mais qui
aux autres, exerçant une attraction quasi mécanique
se retrouvent aussi à l'reuvre à l'intérieur de chaque
instance.
10. Freud arrive presque à cette formule dans L'Homme MoiSe (GW', Il est hors de mon propos de décrire plus en détail
X~, 2.03: :,~(Alors.une p.artle des contenus du ça est admise par le moi, les modalités du conflit, normal, ou névrotique. Je vou-
et eleve~a I etat preconsclent, une autre partie n'est pas atteinte par cette
traductlOn et reste en .a~ere dans le ça, comme l'inconscient proprement
d:t. » Ave~ cet~e rest~ctlOn .que F~eud reste prisonnier de Ia conception 11. Freud, on le sait, se réfere à I'opposition empédocléenne de 'P'À(oc
d un ça blO.lo~qu~1?nmordlal,~t Ignore Ia catégorie du message, le seul
élément qUISOltventablement a traduire. et vii.xoç.
drais seuIement insister sur Ie point suivant. Ce conflit siste parfois une intention traductive. On peut dire que
se produit désormais dans l'aire ptoIémalque celle de Ia phobie «traduit » en danger extérieur, réel, un danger
«.I~appar:i~?e I'âme» décrit par Freud. L'o~position puIsionnel. En fait, pIutôt que de traduire, elle Ie trans-
halsonldehalson, ou encore Eros/puIsion sexuelle de pose d'un Iieu à un autre, mais sans Ie travail
~ort: .o~ e~core ~oilça, confronte Ie moi à un pôIe d'intégration et sans cette prise en considération d'un
d aItente qUI est desormais interne. De pIus, à Ia diffé- contexte qui sont Ie fait d'une véritabIe traduction. Cela
re~ce de Ia situation originaire Ie moi n'est pIus en est du à ceci que Ie ça refouIé n' est pas constitué de
pres~n~e de messages « à traduire », mais de restes messages, ni même de séquences ayant un sens, mais au
Choslfies12.
contraire d' éIéments qui ont justement échappé à Ia
Les fa~tasmes. inconscients ne se présentent pas mise en sens originaire.
comme « a tradUIre» (zu übersetzen) mais comme « à Pour conclure, iI faut bien avouer que Ie conflit psy-
accompIir », « à remplir» (zu erfüllen). L'altérité de chique, une fois constitué, offre bien peu de perspective
I'autre externe, maIgré son étrangereté, se présentait sur d'une véritabIe résoIution, ou même d'un progres. Il est
Ie mode de Ia communication et par Ies voies du Ian- voué Ie pIus souvent, même sous des formes déguisées,
g~ge" ~ême ,si ceI~i-ci n'était d'abord que gestuel. à Ia contrainte de répétition : répétition des modes de
L alterlte de 1autre Interne, Ie ça inconscient, se mani- satisfaction substitutive - répétition des mécanismes de
fes.te sur I~ mode de Ia formation substitutive par Ies défense.
vOles~u de~Iacement et de Ia condensation, étrangere à Tout ce Iong trajet était nécessaire pour en arriver au
toute IntentIon communicative. processus anaIytique. Avec d'embIée cette constatation :
,La même opposition se retrouve au niveau de Ia si Ia cure ne faisait que mettre en jeu Ies mêmes forces
defense. Dans Ies deux cas, celle-ci vise Ia Iiaison face qui sont spontanément à I'reuvre chez Ie sujet humain,
au danger de Ia déIiaison. Mais Ia Iiaison originaire' face avec un appareil psychique constitué, ou Ia Iiaison se
au message énigmatique externe, était avant to~t de joue entre un moi et un ça dans l' en<;~!l:l:!e « ptoIé- t\
I~ordredes connexions de senso C'est une liaison traduc- maique » du moi, on ne voit pas de queIs moyens elle
tt.ve. Au .co~traire, f~ce.a~ ça inconscient, une fois ceIui- pourrait disposer pour mettre en route un véritabIe
CI constItue, Ie mOI utlhse des mécanismes de défense changement. Les traductions anciennes, Ies pIans de vie
beaucoup pIus « mécaniques », ceux-Ià mêmes que (qu'iIs soient cahotiques ou rigides), Ies mythes et idéo-
Anna ~re~d a décrits, à Ia suite de S. Freud. Certes, on Iogies de chacun pesent de tout Ieur poids sur une exis-
pourralt dlre que, dans Ie mécanisme de défense, il sub- tence constituée.
Pour reprendre Ia métaphore de Ia traduction, ce
~,," 12. Ce que Fr~ud nomme Sachvorstellungen, et que j'interprete : non
qu'on croit être traduction nouvelle n'est héIas bien
pas Vorstellungen emer ~ache (représentations d'une chose), mais Vorstel- souvent qu'une traduction de traduction. E. Kris a bien
lungen aIs Sachen (representations comme choses).
montré comment toute une anaIyse pouvait se dérouIer
sans que l'idéalisation mythique d'un individu soit Ie façon bien plate - « neutralité ), est à concevoir comme '(,i
moins du monde mise en question13• Ia capacité de I'analyste à susciter et à soutenir cette
Reprenons donc Ia question: quel est donc I'espoir situation ou I'autre (l'analyste) est supposé détenir Ia
fo~, uto~ique, permettant d'envisager que I'analyse vérité du sujet. C'est là une réitération de Ia situation
pUlsse falre autre chose que réaménager localement un adulte-enfant, mais avec cette différence majeure que
jeu de forces constitué des les premiers refoulements et l'anaIyste doit se garder de remplir - à son tour - le
des Ia constitution de I'opposition moi-ça. Par quels transfert, par ses propres messages compromis par son
moye~s (:moi ) pourrait-il devenir là ou était « ça ), si Ia inconscient. Ce qu'on nomme - de façon tres discutée-
COnstltutl0n des deux instances est, comme nous I'avons contre-transfert, et maitrise du contre-transfert ne peut
dit, complémentaire, et si I'inconscient est ce qui être autre chose qu'une relation tres particuliere de
d'emblée a échappé à Ia mise en mythe par le moi? I'analyste à son propre inconscient, à sa propre altérité.
Mon idée est que Ia pratique inaugurée par Freud a Non pas une intégration (impossible et non souhaitable)
po~r signification latente, et donc pour but, de remettre de cette altérité à son moi, mais une reconnaissance qui
en ,eu le conflit originaire copernicien, celui qui a donné est en même temps une tenue à distance et une sorte de
naissance au jeu de forces secondaire et au conflit dérivé respect. .
leque! se joue ensuite entre le moi et son autre interne. ' Ce que je nomme transfert en creux - un transfert qUl
Cette réinstauration de Ia situation originaire se fait n' est pas rempli par telle ou telle imago encombrante et
par deux moyens principaux : 1 lIa situation analytique indéIogeable - est donc une réinstauration de ce qu'on
et le transfert qui en est le produit; 2/1'analyse, comme pourrait nommer « transfert originaire ) ; si en effet le
méthode de détraduction. transfert se caractérise par un dédoublement de I'autre,
Notre point de vue sur le transfert, c'est que celui-ci et, si 1'0n peut s'exprimer ainsi, par Ia présence de
ne saurait se réduire à une répétition pure et simple des I'altérité dans I'autre, Ia situation originaire enfant-
reIations à teI ou tel type d'objet infantile, une répétition adulte peut être déjà dite, en ce sens, transférentielle.
que nous constatons par ailleurs constamment dans Ia Il reste à parler du second élément, à côté de Ia situa-
vie quotidienne. tion : précisément I' analyse. Car si Ia situation est le lieu
A ce transfert qui est en quelque sorte obturé et blo- d'une remise au travail de Ia relation aux énigmes pro-
qué par cela même qu'il répete - ce que nous nommons venant de I'autre, ce travail ne peut s'effectuer qu'à tra-
« transfert en pIein) - nous opposons une réinstaura- vers une déconstruction, une détraduction des mythes
tion, non pas de Ia relation à tel objet particulier, mais et idéologies par lesquels le moi s'est construit pour
de Ia reIation à I'énigme même. Ce qu'on nomme - de faire face à ces énigmes. C'est te travail proprement ana-
Iytique, lié à Ia méthode de libre association qui peut
13. The Personal Myth - A Problem in Psychoanalytic Technique être dite aussi libre dissociation. Je ne puis entrer dans le
(1956), in Problems of Memory. détail, sinon pour souligner certains points :
Ce travail commun de l'analyste et de l'analysé ne tence exposée à l'autre - restant toujours l'individu
doit pas être mis au service de conceptions préétablies, humain lui-même.
celles-ci fissent-elles partie de l'arsenal des théories
psychanalytiques (castration, CEdipe, position dépres- A ce tournant de notre exposé, reprenons encore Ia
sive, etc.). formule de Freud «wo Es war, sol! Ich werden ». Les
Ce travail s'attaque avant tout aux auto-théorisations modifications que nouS lui apportons sont les suivantes :
propres au moi du sujet. Ce n'est que par inférence que Le moi n'est pas une instance définitive. II est cons-
les éléments inconscients (non intégrés par le moi) peu- truit contre une altérité fondamentale, par les moyens de
vent être repérés. Les « constructions dans l'analyse}) Ia mise en sens (traduction) et des identifications. Mais
dont parle Freud sont avant tout des reconstructions le ça lui-même n'est pas une instance originaire, il est au
des processus de refoulement anciens, c'est-à-dire des contraíre le reliquat d'un processus qui a laissé tomber
reconstructions des constructions défensives que le sujet du non-traduit.
s'est jadis forgées. En ce sens, ce sont des étapes qui De ce fait, le « werden sol! » qui constitue le but de
doivent être, à leur tour, analysées, jusqu'à s'approcher l'analyse n'est pas une conquête d'un ça antédiluvien
au plus pres - sans jamais les atteindre - des messages par un moi autonome. II est une tentativ~ de remis,e.en
originaires. route du proces originaire, ou l'autre a « conquenr»
Ce travail de détraduction progressif, ou par couches n'était pas l'autre interne inconscient, mais l'autre
successives, s'accompagne constamment du mouve- externe source des messages énigmatiques. Cet autre
ment inverse. Car il ne faut jamais négliger que le moi fut, autrefois, l'origine d'une véritable « pulsion à tra-
lui-même, selon le terme de Freud, est mu par une con- duire» (Trieb zur Übersetzung: terme inventé par les
trainte à Ia synthese, en fonction même du danger de romantiques allemands). .
déliaison réactualisé par l' analyse. On peut même dire Nous avons dit plus haut que si Ia cure ne mettalt en
que cette force de synthese constitue Ia tendance répa- jeu que les forces déjà présentes à l'intérieur. de
ratrice propre au mouvement spécifiquement « psycho- l'appareil, il y avait peu de chances qu'elle a~out1sse
thérapique ». mieux que le conflit psychique spontané. Nous aJo~tons
L' analyste - sauf dans les cas diniques ou Ia synthese maintenant que Ia force motrice nouvelle engendree par
spontanée est manifestement déficiente - n'a pas à pro- Ia situation transférentielle et le rapport à l'énigme est
poser lui-même de schémas ou de canevas pour Ia retra- précisément cette « pulsion à traduire f), renouvelée.
duction, pas davantage les schémas psychanalytiques Finalement, on pourrait définir le but du processu.s
dassiques que d'autres. En ce sens, Ia psychanalyse, comme une nouvelle tentative de structuration du mOl,
dans son essence, reste bien une « antiherméneutique }), une nouvel1e traduction qui tente de mieux tenir
le seul herméneute, celui qui donne un sens, plus ou compte, de se réapproprier, dans une forme nouvel~e,
moins adéquat mais toujours inadéquat - à son exis- des éléments jusqu'ici exclus. Mais il ne faut pas oubher
Ia différence entre Ie but de l'analysant et celui de considéré comme une modalité, mais bien particuIÍ(~re,
l'analyste. Le premier, soumis au traumatisme de Ia de cette prolongation. Il s'agit, devrait-on dire, du
cure, ne cesse d'reuvrer pour tenter de se cicatriser au maintien de Ia blessure par l'autre. Si Ferenczi pouvait
plus vite. L'analyste, au contraire, ne peut et ne doit pas reprocher à Freud de ne pas I'avoir immunisé con~re d.e
donner son assistance à ces tentatives répétées de liai- nouvelles expériences traumatiques, c'est faute d aVOlr
son. Il est avant tout I'artisan de Ia déliaison, et il doit vu toute Ia fécondité du « nouveau })venant de I'autre. Il
sans cesse ramener I'analysant dans Ia voie de l'analyse. s'agit bien d'analyse infinie, mais tres différente de ce
Mon dernier point, cependant, sera celui-ci : si ambi- ressassement de schémas de compréhension « psychana-
tieux que soit Ie but ainsi défini - une remise en marche Iytique })et de Ieur application dans Ia vie quotidienne,
du processus originaire - il ne saurait échapper que que I'on peut constater chez d'anciens analysants deve-
celui-ci revêt finalement un aspect « ptolémaique ». nus des techniciens de Ia psychanalyse.
Pour plus compréhensive qu' el1e soit, Ia nouvel1e unité 2 / Dans Ia fin de I'analyse, Ie mouvement d'un teI
du moi se referme obligatoirement sur une nouvelle ver- transfert de transfert est à percevoir par I'analyste, éven-
sion du ça comme autre interne. tuel1ement à saisir - et à accepter. Une méfiance justifiée
Faut-iI penser qu'un renfermement « ptolémaique }), à l'égard du « transfert Iatéral ) - Iorsqu'iI vient entraver
et finalement narcissique, constitue Ie but dernier, par Ie travail analytique - doit se conjuguer avec une attitude
rapport auquella cure el1e-même ne constituerait qu'un d'acceptation Iucide concernant Ia transposition et Ia
épisode de restructuration fécond, mais transitoire ? poursuite, à l'extérieur, de Ia relation copernicienne.
L'expérience nous montre, cependant, qu'iI n'en est 3 / La définition du domaine cultureI, pris au sens
pas toujours ainsi. La dimension du transfert, une fois Iarge, ne saurait se passer des notions de message,
débarrassée de son aspect de Ieurre purement projectif, d'adresse et d'énigme. Le message du « créateur }),
nous est apparue dans sa vérité, comme « transfert en même mo deste, se définit par Ie fait que son adresse ne
creux }),soit une réitération du rapport à I'autre comme vise pas une seule personne, sur qui iI faudrait produire
messager d'énigmes. Dans certains cas, cette ouver- un « effet}) déterminé : el1e est potentiel1ement infinie,
ture - cette blessure - du transfert peut se trouver, à son ouverte sur Ia réception énigmatique d'un public « épars
tour, transférée hors de Ia cure, dans une relation dans Ie futur) (Mal1armé).
d'adresse à I'autre et de vulnérabilité par I'inspiration de 4/ Finalement, c'est toute Ia notion de sublimation
l'autre, qui est Ie propre des créateurs, et ceci queI que qui serait à repenser. Dans Ia perspective habituel1e, chez
soit Ieur domaine de création. Cette éventualité nécessi- Freud comme chez Melanie KIein, cel1e-ci reste une
terait, à son tour, de Iongues explications. construction avant tout ptolémaique, secondaire, des-
1/ La continuation de l'analyse comme autoanalyse a tinée à domestiquer I'étrangereté du rapport à I'autre.
été souvent préconisée, notamment dans l'exercice de Ia C'est ici qu'une vieille notion comme celle d' « inspi-
profession d'analyste. Ce dont je parle ici peut être ration ) serait à remettre en valeur, comme correspon-
dant à une sorte de pressentiment du caractere copemi-
cien de Ia création cuIturelle. 11 nous sembIe que Ia
pratique instaurée par Freud ait apporté du nouveau
non pas dans Ie concept de subIimation, mais dans Ia
sublimation elle-même, en y introduisant sa « révoIution
copemicienne >}.

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