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Introduction

Patrice ROUSSEL 1

Traiter les personnes avec équité, créer un climat de justice dans l’entreprise, tels
sont certains des enjeux majeurs des politiques de ressources humaines des organisa-
tions. Y parviennent-elles ? Le rôle des organisations syndicales et des représentants
du personnel, l’importance du droit social et des institutions judiciaires en charge de
son application, sont là pour rappeler que cette quête d’idéal est confrontée à de
nombreux obstacles.
C’est en fonction de ce point de départ que le deuxième volume de Comporte-
ment organisationnel se propose de développer trois thématiques complémentaires. La
nature de l’équité, ses caractéristiques, ses déterminants et ses conséquences sont
étudiés dans une première partie consacrée à la justice organisationnelle. Ce premier
thème est prolongé par deux autres grandes thématiques du comportement organisa-
tionnel qui soulignent l’importance des obstacles auxquels sont confrontés les diffé-
rentes parties prenantes à la relation d’emploi. Les enjeux de carrière rassemblent un
ensemble d’écrits dans la deuxième partie de l’ouvrage. Ils sous-tendent que les ques-
tions relevant des différentes discriminations des personnes dans la carrière, sont
variées, fluctuantes, et cristallisent de nombreux problèmes au sein des organisations
liés au genre, à l’origine ethnique ou religieuse, à l’âge, à l’origine sociale et au con-
texte familial, à l’organisation même de l’entreprise et à ses modes de management.
Cette partie examine également les stratégies mises en œuvre par les salariés pour
réaliser leurs objectifs de carrière. Elle insiste enfin sur l’analyse des politiques et des
systèmes de gestion de carrière mis en place par les organisations. La troisième partie
de l’ouvrage se penche sur une question qui devient un problème de société majeur,
celui de l’épuisement professionnel. Les chercheurs, la presse économique et sociale,
la médecine du travail, les organisations syndicales, les agences de conseil en condi-

1 Professeur des Universités, Directeur du GRACCO CNRS (Groupement de Recherche sur les Attitu-
des, les Comportements et les Compétences dans les Organisations).
6 Comportement organisationnel – 2

tions de travail, alertent l’opinion publique depuis quelques années sur les effets
d’une société qui serait devenue particulièrement anxiogène. Ces signaux d’alerte sou-
lignent le poids et les effets du stress au travail, mais plus loin encore, expliquent
certains de leurs prolongements qui relèvent de l’état de la santé au travail, en parti-
culier de l’épuisement professionnel.
Le deuxième volume de Comportement organisationnel aborde ainsi trois thè-
mes de recherche majeurs. Ils viennent compléter les analyses du premier volume qui
étaient consacrées au contrat psychologique, aux émotions au travail et à la socialisa-
tion organisationnelle. Ces différents thèmes sont représentatifs de l’évolution de la
recherche en comportement organisationnel et de sa vitalité. Ce deuxième volume
montre une nouvelle fois la richesse des confrontations disciplinaires entre le mana-
gement, la gestion des ressources humaines, la psychologie sociale et la psychologie
industrielle et organisationnelle. Le comportement organisationnel s’empare de ques-
tions sociales, nombreuses, essentielles pour nos sociétés. Il les examine en croisant
des ressources variées et complémentaires. En se situant à l’intersection de ces diffé-
rentes disciplines, il est en position de croiser des corpus théoriques, qui sans son
action en matière de recherche, pourraient s’ignorer, ainsi que des méthodologies qui
rendent accessible le champ expérimental de l’entreprise ou des organisations publi-
ques et non lucratives.
Le deuxième volume de Comportement organisationnel poursuit le but de cette
série d’ouvrages, en proposant aux lecteurs académiques, étudiants et professionnels,
des manuscrits à la pointe de la connaissance dans l’étude des attitudes et des com-
portements des individus au travail, et dans l’analyse des fonctionnements des grou-
pes humains dans leur milieu professionnel. Il s’inscrit dans la dynamique du
Groupement de Recherche sur les Attitudes, les Comportements et les Compétences
dans les Organisations (GRACCO) 2, créé en 2003 par le CNRS 3. Son but est de struc-
turer la recherche francophone dans le domaine du comportement organisationnel, et
de coopérer avec les meilleurs chercheurs internationaux du domaine.
Ainsi, les éditeurs de ce deuxième volume invitent-ils des auteurs francopho-
nes et anglophones réputés dans les différentes thématiques explorées. Assâad El
Akremi, éditeur de la première partie consacrée à la justice organisationnelle, réunit
deux des plus importants chercheurs du domaine, Jerald Greenberg et Russell Cropan-
zano, ainsi qu’un des auteurs contemporains majeurs en comportement organisation-
nel, Denise Rousseau. Sylvie Guerrero, éditrice de la partie consacrée aux enjeux de
carrière fait intervenir des spécialistes parmi les plus reconnus du sujet, en France et
au Canada. Elle les associe à des jeunes chercheurs qui témoignent de l’importance
des travaux en cours sur ce thème. Enfin, Jean-Pierre Neveu, éditeur de la dernière
partie sur l’épuisement professionnel, réunit plusieurs des principaux chercheurs fran-
çais du domaine, et invite deux auteurs espagnols, Pedro Gil-Monte et Bernardo
Moreno.
Les éditeurs de l’ouvrage proposent d’explorer et d’approfondir ces trois thè-
mes à travers plusieurs chapitres rattachés à chacune des trois parties. Ces chapitres
sont de nature complémentaire et visent à confronter connaissances théoriques et

2 GDR CNRS GRACCO 2652. http://gracco.univ-tlse1.fr


3 Centre National de la Recherche Scientifique.
Introduction 7

fondamentales, méthodes de mesure et d’intervention en milieu organisationnel, éva-


luations empiriques des théories et prédictions pour le management.
La première partie de l’ouvrage est consacrée à la théorie de la justice organi-
sationnelle. Son éditeur, Assâad El Akremi, invite plusieurs auteurs de réputation
mondiale à coopérer avec de jeunes chercheurs à travers trois chapitres complémen-
taires.
Le premier chapitre, de Jessica Bagger, Russell Cropanzano et Jaewon Ko,
porte sur l’analyse des définitions de la justice organisationnelle, sur la présentation
des principaux modèles théoriques de ce concept, ainsi que sur ses nouveaux déve-
loppements. Ces auteurs nous proposent un état de l’art passionnant et remarquable.
Remarquable, car les travaux sur les concepts d’équité et de justice au sein des orga-
nisations sont innombrables depuis le début des années 1960 jusqu’à ce jour. Or ce
chapitre parvient à proposer une synthèse très claire, précise et complète du concept
de justice organisationnelle. Il dirige les lecteurs de manière avisée vers les textes
fondamentaux, parmi un dédale de manuscrits publiés dans les revues scientifiques
depuis près de cinquante ans. Cet état de l’art est passionnant car il permet au lecteur
d’entrevoir très précisément les multiples applications des concepts d’équité et de
justice en management et gestion des ressources humaines. Depuis longtemps, les
questions de rémunération ont été traitées par le biais de l’équité puis de la justice
distributive (Adams, 1963, 1965 ; Porter et Lawler, 1968 ; Miceli et Lane, 1991) 4. Ce
chapitre montre un grand nombre d’autres applications possibles dans les domaines
du recrutement, de l’appréciation du personnel, du management des hommes et des
équipes, du changement organisationnel, de la communication interne, etc. Il montre
que l’équité des résultats obtenus par une personne dans son travail (rétributions ou
sanctions) relève d’un sentiment de justice, dite distributive. Mais ce sentiment peut
être contrarié ou amplifié par d’autres perceptions qui relèvent de la justice procédu-
rale et de la justice interactionnelle. La justice procédurale souligne l’importance
qu’accordent les salariés à la manière dont l’entreprise alloue les résultats positifs
(rétributions, reconnaissances) et négatifs (sanctions). Les procédures et les métho-
des de management choisies et mises en place par les entreprises, sont alors prises
comme cibles des perceptions individuelles de justice ou d’injustice. Parallèlement,
l’étude de la justice interactionnelle permet de comprendre l’origine et les effets de la
qualité du traitement interpersonnel que les salariés reçoivent de la part des autres
dans l’organisation (hiérarchie, collègues). Cette dernière facette de la justice dans
les organisations nous semble appelée à un grand avenir tant en matière de recher-
che, que de mise en application en management des ressources humaines. À un
moment où les organisations demandent aux cadres de se comporter comme des
managers, voire comme des leaders, la justice interactionnelle permet d’examiner
comment les salariés reçoivent les comportements et les attitudes de leurs supérieurs,

4 Adams, J.S. (1963). Toward an understanding of inequity, Journal of Abnormal and Social Psy-
chology, vol. 67, n° 5, pp. 422-436. – Adams, J.S. (1965). Inequity in social exchange, in
Berkowitz, L. (Ed.) Advances in Experimental Social Psychology, New York, Academic Press, vol. 2,
pp. 267-299. – Porter, L.W., & Lawler, E.E. (1968). Managerial attitudes and performance, Homewood,
Illinois, Irwin. – Miceli, M.P., & Lane, M.C. (1991). Antecedents of pay satisfaction : a review and
extension, in Rowland, K.M., & Ferris, G.R. (Eds.), Research in Personnel and Human Resources Mana-
gement, Greenwich, Conn., JAI Press, vol. 9, pp. 235-309.
8 Comportement organisationnel – 2

en termes de sincérité dans les rapports humains, de courtoisie et de respect, enfin de


qualité et de transparence dans la communication et les explications données par rap-
port aux décisions qu’ils prennent. Ce chapitre dessine les contours des nouvelles
voies de recherche à suivre en matière d’analyse de la justice. Il donne un éclairage
précis des travaux de recherche contemporains les plus récents et les plus féconds.
Les deux autres chapitres consacrés au concept de justice organisationnelle
prolongent cet état de l’art. Ils creusent un certain nombre d’analyses correspondant
à des problématiques de recherche soulevées par les observations en entreprise.
Le deuxième chapitre, de Assâad El Akremi, Mohamed Ikram Nasr et Julie
Camerman, aborde ces problématiques à travers une recension des modèles de recher-
che sur la justice organisationnelle et une analyse détaillée des déterminants du sen-
timent de justice. Ce chapitre permet de comprendre avec précision les
caractéristiques des trois facettes du sentiment de justice tel qu’il peut être ressenti
par chaque salarié. Il revient avec plus de détail sur la définition de ces trois princi-
pales caractéristiques de la justice organisationnelle. Ce sentiment ressenti par l’indi-
vidu s’exprime d’une part à l’égard des résultats qu’il obtient dans son travail
(rétributions, reconnaissances, sanctions) – la justice distributive ; d’autre part, à
l’égard des processus et des systèmes de gestion mis en place pour prendre les déci-
sions d’allocation de ces résultats – la justice procédurale ; enfin, à l’égard de la
manière dont la hiérarchie, ou les managers, mettent en œuvre ces systèmes de ges-
tion et se comportent en matière de relations humaines – la justice interactionnelle.
Chacune de ces facettes de la justice organisationnelle trouve son origine dans des
déterminants qui lui sont soit spécifiques, soit qu’elles partagent toutes les trois
selon des degrés de prégnance divers. L’examen détaillé des facteurs explicatifs du
sentiment de justice ressenti par les individus dans les organisations conduit les
auteurs à proposer une contribution originale où les phénomènes modérateurs et
médiateurs sont mis en exergue et étudiés.
Le troisième chapitre, de Jerald Greenberg, Marie-Elène Roberge, Violet Ho et
Denise Rousseau, s’intéresse à un aspect très particulier de la justice organisation-
nelle, celui du sentiment de justice ou d’injustice que suscitent certaines nouvelles
formes de contrat de travail et de gestion salariale. Ces auteurs américains s’appuient
sur ce qu’ils nomment les « i-deals » pour aborder cette question. Ces nouvelles for-
mes de négociation du contrat de travail et de gestion salariale correspondent à une
gestion individualisée où le salarié, souvent cadre, manager ou expert d’une fonction,
négocie avec son entreprise, les termes spécifiques de son contrat de travail, au-delà
des minima sociaux garantis dans les accords d’établissement, d’entreprise ou de con-
vention collective, en matière de rémunération, de progression de salaire, de couver-
ture sociale, de retraite sur-complémentaire, parfois de « parachutes dorés » et de
plan d’achat d’actions, de gestion de carrière, d’avantages en nature, de conditions de
travail, de définition des responsabilités, etc. La gestion individualisée d’une partie
de la population des salariés d’une organisation peut poser des problèmes d’équité
interne et de justice organisationnelle. Le propos du chapitre est de permettre leur
identification afin que les entreprises et les salariés utilisant ces contrats individuali-
sés, puissent anticiper les problèmes de justice organisationnelle et adopter des choix
qui devraient permettre de les éviter. Les auteurs dénomment ces pratiques de négo-
ciation individualisée des termes du contrat de travail, des « arrangements
Introduction 9

idiosyncrasiques ». L’examen des problèmes de perception de justice ou d’injustice de


ces arrangements est effectué à partir de plusieurs relations dyadiques qui entraînent
différents problèmes et différentes formes de justice ou d’injustice. Les perceptions et
leurs effets sont alors étudiés pour chaque partie prenante des différentes dyades,
d’une part entre le salarié concerné et son supérieur direct avec qui il négocie cet
arrangement, d’autre part entre ce salarié et ses collègues traités ou non par d’autres
« arrangements idiosyncrasiques », enfin, entre les collègues et le supérieur hiérar-
chique qui a accepté, voire négocié, ce traitement personnalisé. Chacune de ces rela-
tions dyadiques en matière de justice est étudiée selon ses conséquences possibles au
regard de la justice distributive, de la justice procédurale puis de la justice interac-
tionnelle. La justice interactionnelle, en particulier, est analysée de manière minu-
tieuse, en fonction des deux dimensions qui la constituent, selon les travaux
antérieurs de l’un des auteurs du chapitre, Jerald Greenberg. Cet auteur propose de
distinguer la justice informationnelle et la justice interpersonnelle pour mieux appré-
hender les caractéristiques de la justice interactionnelle.

Dans la deuxième partie de l’ouvrage, Sylvie Guerrero invite plusieurs cher-


cheurs francophones et anglophones à présenter les résultats des recherches récentes
sur les questions d’enjeux de carrière.

Cette partie est introduite par le quatrième chapitre proposé par Fabienne Bas-
tid et Ketty Bravo. Son titre est évocateur : « Réussir sa carrière : approche
conceptuelle ». Il souligne que ce chapitre a pour ambition de définir la notion de
carrière dans les organisations contemporaines. Cette définition s’intéresse essentiel-
lement à l’analyse du succès de carrière. Selon les approches théoriques examinées,
on entend par succès de carrière, soit une réussite objective d’un parcours de carrière
(la progression en termes de salaire, de statut, de responsabilités à travers une suc-
cession d’emplois), soit une réussite subjective centrée sur le niveau de réalisation
personnelle (satisfaction à l’égard de la carrière, place du travail et de l’emploi dans
la vie personnelle, accomplissement identitaire…). Au fur et à mesure que les organi-
sations se transforment, la notion de carrière a évolué. L’enjeu de la réussite profes-
sionnelle s’est élargi et offre de plus en plus de possibilités aux individus. Au-delà de
l’avancement par promotion, la mobilité fonctionnelle et la mobilité géographique, ou
encore, la qualité et le contenu de l’emploi, le type de rôle occupé dans l’organisa-
tion, sont apparus comme des enjeux de carrière importants. Gérer les carrières est
devenu une activité complexe et essentielle dans le fonctionnement des entreprises ;
complexe car les attentes des salariés sont variées, urgentes et contraintes par les
possibilités, les besoins et les politiques de l’entreprise ; essentielle car la carrière est
un facteur déterminant de la motivation des salariés, du climat social, du développe-
ment des compétences individuelles et collectives, et in fine, de la performance de
l’entreprise. Or les organisations sont confrontées à ce que nous proposons d’appeler
« le paradoxe de la gestion des carrières ». D’une part, elles considèrent la gestion
des carrières comme un moyen de contribuer à la performance organisationnelle (en
tant que facteur de motivation, de développement et de gestion des compétences, de
cohérence interne), d’autre part, elles s’engagent sur une élévation du niveau moyen
des qualifications et dans le recrutement de salariés de plus en plus compétents qui
développent de fortes attentes en matière de réussite professionnelle et de carrière,
enfin, elles tendent à raccourcir les lignes hiérarchiques, à aplatir les structures des
10 Comportement organisationnel – 2

organisations, à rajeunir la pyramide des âges, à réduire ou redistribuer ses domaines


d’activité, ce faisant, à réduire son offre de mobilité verticale, voire de mobilité hori-
zontale. Face à ses contradictions, comment l’entreprise peut-elle réaliser la quadra-
ture du cercle ? Celle-ci s’intéresse dès lors à l’idée d’élargir la notion de carrière, par
une diversification des situations professionnelles à travers lesquelles les salariés
vont pouvoir se réaliser. Elle tente ainsi d’apporter des réponses à ce dilemme. En ce
sens, le chapitre expose les modèles d’étapes de carrière qui montrent comment l’indi-
vidu peut envisager sa réussite professionnelle en fonction de plusieurs stades de sa
vie de salarié dans l’entreprise. À chaque étape de la vie, les attentes peuvent grande-
ment différer en matière de carrière. Mieux les comprendre permet d’anticiper les
réponses adaptées de la part de l’entreprise. Il examine également les modèles
d’ancres de carrière que Schein a développés au cours des années 1970 à 1990, pour
identifier les principales attentes, motivations et profils de salariés pour telle ou telle
forme de développement de carrière. L’outil permet alors aux responsables en charge
des carrières de mieux piloter cette activité en s’appuyant sur la diversité des situa-
tions individuelles. Viennent s’ajouter les nouvelles définitions qui intègrent des for-
mes particulières de carrière telles que la carrière « nomade » et la carrière
« protéenne ». Celles-ci soulignent qu’une partie des salariés est de plus en plus
acteur dans la gestion de sa carrière, et tend à prendre l’initiative de la mobilité et de
la formation pour se réaliser. Enfin, ce chapitre développe une analyse synthétique
des modes de mesure opérationnelle de la réussite de carrière en distinguant critères
objectifs et critères subjectifs.
Le cinquième chapitre de l’ouvrage est consacré à un enjeu de carrière de plus
en plus saillant dans notre société, celui des couples à double carrière. Hélène Chal-
liol-Jeanblanc présente les difficultés et les atouts des couples, dont chacun des
membres a sa propre carrière à gérer. L’auteur rappelle les changements de modèles
matrimoniaux, sociologiques, démographiques, culturels qui ont conduit à la progres-
sion du salariat féminin d’une part, à l’élévation considérable de son niveau de quali-
fication et de professionnalisation d’autre part. Ce chapitre contribue à repenser la
relation entre vie professionnelle et vie familiale, à analyser le rôle des politiques et
des pratiques de GRH dans cette relation, à en apprécier leur impact d’une part sur la
carrière du conjoint ou de la conjointe du salarié, d’autre part sur les relations intra-
personnelles (estime de soi, stress, engagement dans le travail et l’organisation…) et
interpersonnelles (conflits travail-famille, conflits dans le couple et conséquences sur
l’activité professionnelle…). Or les couples de salariés sont représentatifs de la
société et de sa diversité. Les situations personnelles et les attentes des salariés sont
hétérogènes. Par conséquent, l’auteur expose les différentes typologies de couples à
double carrière et distingue notamment les couples qui visent une « double
réussite », ceux qui acceptent le sacrifice de l’un des membres, ceux qui s’engagent
dans différentes formes de soutien (émotionnel, instrumental, d’échanges de ressour-
ces…), ou encore, ceux dont les valeurs sont davantage tirées vers l’égalité, ou vers
l’équité, en termes de répartition des rôles, des tâches, des objectifs de réussite. Ce
chapitre contribue à proposer que la gestion de la diversité puisse ainsi s’élargir aux
problèmes des couples à double carrière. Il aidera les organisations à identifier l’hété-
rogénéité des attentes des couples, et des solutions à développer en matière de ges-
tion des carrières. Il concourt enfin à définir une gestion individualisée des
ressources humaines pour les entreprises.
Introduction 11

Le sixième chapitre de Raymond Lee et Céleste Brotheridge, élargit la problé-


matique du conflit travail-famille, à une vision plus optimiste et adaptée à l’évolution
récente de la société : celle de l’enrichissement et de la conciliation du lien entre le
travail et la famille. Un nombre croissant de travaux tendrait à montrer que la recher-
che d’un équilibre entre vie au travail et vie familiale ne conduirait pas nécessaire-
ment ou exclusivement au conflit. Un corpus théorique propre aux travaux sur l’étude
du lien entre travail et famille est analysé et croisé avec d’autres concepts qui vien-
nent l’enrichir, notamment le soutien organisationnel perçu. Une typologie de ces tra-
vaux dégage trois courants de pensée. Le premier correspond à l’approche classique
de l’étude du conflit entre le travail et la famille. Il examine les conditions de partage
des ressources entre les rôles professionnels et personnels, les tensions qu’elles créent
chez l’individu et au sein du couple, enfin, les conflits de rôle qu’elles suscitent. Une
deuxième approche conceptuelle adopte une vision positive en étudiant l’enrichisse-
ment entre vie au travail et vie familiale. Elle se focalise sur l’analyse des expériences
dans un rôle (soit professionnel, soit familial ou d’ordre privé) qui peuvent améliorer
la qualité de vie dans l’autre rôle (professionnel ou familial). Elle suppose un phéno-
mène d’entraînement positif d’une sphère vers l’autre (familiale / professionnelle), à
travers des expériences de transfert d’humeurs, de compétences, de valeurs, de com-
portements, contribuant à l’équilibre psychologique de la personne, ainsi qu’à travers
ses conséquences sur l’amélioration des performances individuelles dans un rôle
donné (salarié ou parent). Une dernière approche conceptuelle examine le principe de
conciliation entre vie au travail et vie familiale. Elle insiste moins sur les conséquen-
ces individuelles afin de mieux mettre en valeur les améliorations attendues dans le
fonctionnement des systèmes, celui de la famille et celui du groupe de travail. Enfin,
ce chapitre offre une revue critique des résultats de recherche propres à ces trois cou-
rants de recherche et propres à ceux qui tentent de croiser ces différentes perspecti-
ves.
Le septième chapitre se penche sur un enjeu de carrière fondamental dans nos
sociétés contemporaines, celui concernant les femmes. Sophia Belghiti-Mahut et
Fabienne Bastid posent les termes du débat auquel elles souhaitent contribuer. Pre-
nant le cas de la France, elles rappellent que la population active féminine s’élève
actuellement à 12,5 millions de personnes, représentant 46 % de la population active
totale. Or cette population, chiffres à l’appui, est frappée par la problématique du pla-
fond de verre. Cette notion décrit le phénomène de blocage dans l’ascension hiérarchi-
que suscité par des barrières invisibles qui empêchent les femmes d’accéder aux
postes à responsabilité, non pas par manque de compétences et d’aptitudes, mais en
raison d’une discrimination de genre. Le plafond de verre renvoie à une métaphore
décrivant l’existence d’une barrière invisible dans les organisations, barrière en des-
sous de laquelle les femmes pourraient avancer, et au-dessus de laquelle, elles ne
pourraient plus progresser. Les auteurs examinent les causes sociologiques, psychoso-
ciologiques et organisationnelles de cette discrimination et de l’effectivité de ces
barrières invisibles dans les organisations. Ne s’arrêtant pas au constat et à ses cau-
ses, les auteurs développent ensuite les stratégies d’évitement de ces plafonds de
verre, soit mises en œuvre par les personnes concernées, soit mises en place par cer-
taines organisations qui se soucient de la gestion de la diversité. Cette approche per-
met aux entreprises de ne pas focaliser leur attention sur une seule population
sujette à la discrimination, mais d’aborder globalement ce problème en fonction du
12 Comportement organisationnel – 2

genre, de la race, de la religion, du handicap, ou encore de l’orientation sexuelle. Un


état de l’art des travaux ayant identifié et expliqué ces stratégies est proposé. Alors
que des pays tels que le Canada et les États-Unis sont particulièrement avancés sur
ces questions, les résultats de ces travaux enrichiront la réflexion des organisations
qui, en France, s’interrogent ou s’affairent à la mise en place de mesures en faveur
d’une gestion de la diversité. Le chapitre s’achève par l’étude des travaux traitant de
la réussite des femmes dans leur carrière. Elle s’appuie sur une typologie qui distingue
différents comportements types observés : la soumission à la différence, la reconnais-
sance de la différence, l’exploitation de la différence, et la revendication de la diffé-
rence. L’analyse s’appuie sur la prise en compte de la diversité des attentes des
femmes en matière de carrière. Elle sous-tend une autre question de société, non
résolue, quant au mode de résolution optimale de ces discriminations, entre une
approche souple et pragmatique de ces questions, intégrée dans une gestion indivi-
dualisée des carrières, et une approche volontariste et collective de type discrimina-
tion positive.
Le huitième chapitre de Alain Roger et Marie-Ève Lapalme, parachève la partie
consacrée aux enjeux de carrière. Il élargit l’analyse précédente à l’ensemble des indi-
vidus d’une organisation, en intitulant le chapitre : « L’individu face au plafonnement
de carrière ». Cette notion se réfère au sentiment de stagnation professionnelle, de
blocage durable dans un emploi, d’impossibilité de pouvoir progresser. Le phénomène
de plafonnement de carrière est corrélé avec l’âge et peut être accéléré en fonction du
cumul de plusieurs handicaps liés au genre, à l’origine sociale et ethnique, etc. La
notion se conceptualise avec les avancées de la connaissance. Les définitions retien-
nent trois formes de plafonnement de carrière : un plafonnement structurel lié à la fin
des possibilités de promotion, un plafonnement de contenu lié à la maîtrise complète
d’un poste et au sentiment de ne plus pouvoir progresser en termes de compétences
et d’élargissement du rôle, enfin, un plafonnement de vie lié à un manque général
d’accomplissement dans tous les aspects de la vie personnelle. Puis, le chapitre
expose une analyse théorique de la mesure du plafonnement de carrière qui s’appuie
sur la distinction entre mesures subjectives et mesures objectives. Il examine ensuite
les déterminants de ces formes de plafonnement. Les causes individuelles renvoient
aux données socio-démographiques, ainsi qu’aux facteurs de personnalité et de moti-
vation. Les déterminants organisationnels recouvrent les problèmes de manque
d’opportunités de carrière liés au contexte économique (réduction de la taille des
entreprises), à la structure de l’organisation (aplatissement des niveaux hiérarchi-
ques), à son orientation stratégique (défensive ou de croissance), aux pratiques de
gestion des ressources humaines (absence ou effectivité d’une gestion des carrières).
Enfin, cette analyse systématique du plafonnement de carrière recense les conséquen-
ces observées de ce phénomène sur la satisfaction des salariés, leur engagement
organisationnel, leur intention de quitter l’entreprise, leur santé au travail et leur per-
formance dans le travail. Ce chapitre contribue ainsi à traiter un questionnement plus
général. Alors que le vieillissement de la population active s’accélère, la pyramide des
âges, dans un grand nombre d’organisations, crée des goulots d’étranglement pour
l’accès aux promotions et pour la gestion des mobilités. Aussi, la diversité des appro-
ches de la mobilité et du développement personnel retient-elle tout l’intérêt des res-
ponsables de ressources humaines pour suppléer aux risques de démotivation
collective que pourrait entraîner la non-prise en compte de ce phénomène massif
Introduction 13

qu’est devenu le plafonnement de carrière. Ce chapitre permet d’apprécier l’ensemble


des données du problème, en vue de poser les bonnes questions et de développer les
réponses appropriées.

La troisième et dernière partie de l’ouvrage conduit Jean-Pierre Neveu à inviter


des auteurs majeurs en France et en Espagne sur le thème de l’épuisement profession-
nel (le burnout). Les deux premières parties de l’ouvrage ont souligné les contraintes
organisationnelles qui pèsent sur les hommes et les femmes d’entreprises, et qui se
traduisent par des problèmes liés, entre autres, au manque d’équité ou de justice
(partie 1), aux enjeux et aux difficultés de carrière (partie 2). Ces phénomènes sont
de mieux en mieux compris, et les organisations disposent de moyens et de ressources
pour les maîtriser. Plus récemment, un autre phénomène se serait amplifié, celui de la
dégradation de la santé psychologique des salariés, dont le révélateur le plus saillant
serait l’épuisement professionnel. Ce thème permet à des auteurs en gestion et en
psychologie de la santé, notamment, de confronter leurs analyses et de développer
ensemble une contribution enrichissante. En effet, en croisant analyses théoriques,
méthodologiques et empiriques, l’épuisement professionnel est étudié de manière
pragmatique, et particulièrement utile pour le fonctionnement des organisations et la
qualité de la gestion des ressources humaines.

Le neuvième chapitre de l’ouvrage est consacré aux violences en entreprise et


à l’épuisement professionnel. Pedro Gil-Monte, Bernardo Moreno et Jean-Pierre Neveu
ont choisi d’aborder la question de l’épuisement professionnel en la reliant à celle de
la violence au travail. Différents observateurs d’entreprises – médecins du travail,
sociologues, responsables et experts des ressources humaines, psychologues, psycha-
nalystes, juristes – soulignent, depuis plusieurs années, la montée en puissance des
phénomènes de violence en milieu professionnel. Voici donc deux phénomènes dont
l’évolution serait concomitante. Les auteurs du chapitre postulent que l’épuisement
professionnel serait déterminé par différentes formes de violence au travail. Ils défi-
nissent l’épuisement professionnel comme une pathologie résultant de certains types
de violence et d’agressions dans le travail. Cette pathologie se caractérise par un sen-
timent d’impuissance du salarié pour faire face aux problèmes engendrés par son envi-
ronnement de travail. Dans un premier temps, les auteurs se consacrent aux
définitions de la violence au travail et de ses différentes formes. Ils la distinguent de
la notion d’agressivité qu’ils considèrent comme étant une des caractéristiques
saillantes de la violence. Les travaux théoriques observent deux formes de violence
générique : la violence physique et la violence psychologique. Cette dernière fait ici
davantage l’objet d’attention, car elle est faiblement décelable et rend particulière-
ment vulnérables les personnes qui la subissent. Les violences d’ordre psychologique
présentent différentes facettes qui peuvent aisément se combiner : harcèlement, inti-
midation, brimade, humiliation, exclusion, déconsidération et atteintes émotionnelles.
Le problème s’aggrave lorsqu’une situation de pouvoir intervient entre deux personnes
concernées par ces formes de rapports. L’arbitraire caractérise dans ce cas le compor-
tement du supérieur hiérarchique, alors que la paralysie psychologique et l’aliénation
caractérisent celui de la victime. Néanmoins, les auteurs vont s’attacher à analyser les
actes de violence et leurs conséquences, dans le cas des relations de service entre le
salarié et le client. En effet, alors que les entreprises ont très largement intégré dans
leur organisation et leurs modes de fonctionnement, les principes de service client,
14 Comportement organisationnel – 2

d’orientation client, de management par la qualité, de qualité de service…, le client


serait effectivement devenu Roi. Personnel hospitalier, chargés de clientèle de ban-
que, vendeurs/vendeuses, enseignants…, les métiers de service sont particulièrement
visés par les analyses des auteurs du chapitre. Pour eux, la détérioration des relations
interpersonnelles est la principale source de stress au travail et le principal facteur
d’épuisement professionnel. Ils décèlent chez les personnels en contact clients, des
réactions négatives et cyniques à leur égard. Ce comportement peut se transformer en
burnout, si ces salariés développent le sentiment de se transformer en personnes froi-
des et déshumanisées. Dans ce cas, ils auraient le sentiment d’être devenus des indivi-
dus dont le comportement serait opposé à leurs valeurs et leurs attentes initiales. Le
processus se prolonge par un désenchantement vis-à-vis du métier, un sentiment de
culpabilité et une usure physique. Puis, la spirale négative peut se poursuivre par une
sensation d’échec, une perte d’estime de soi, enfin, de la dépression. Ce processus de
l’épuisement professionnel est examiné à l’appui de quatre modèles théoriques. Ce
cheminement conduit les auteurs à proposer un modèle de « frustration-agression »
pour expliquer ce processus et ses conséquences, notamment dans le cadre des rela-
tions interpersonnelles entre le salarié et les clients. Par ailleurs, les auteurs soulè-
vent au cours de cette analyse la problématique du salarié agresseur qui devient un
enjeu important de la qualité des services rendus au client ou à l’usager. À l’évidence,
cette approche permettra aux responsables de ressources humaines de mieux cerner
les clés de ces mécanismes. Elle est conçue pour étudier l’anticipation de la dégrada-
tion des rapports interpersonnels, en vue de prendre des mesures correctives, et si
possible, des mesures structurelles proactives qui en limiteront l’occurrence et les
incidences négatives.
Le dixième chapitre de l’ouvrage est proposé par Nicole Rascle et Marilou Bru-
chon-Schweitzer. Les auteurs établissent un large état de l’art sur le lien entre burn-
out et santé au travail, avant de présenter une méthodologie d’intervention en
entreprise visant à prévenir, détecter et réduire les cas d’épuisement professionnel. La
première partie de ce chapitre fait le point sur les différentes définitions théoriques
de l’épuisement professionnel, concept pour lequel les auteurs justifient l’emploi du
terme originel de burnout. Elles rappellent que le terme vient d’une métaphore
« désignant l’état de ce qui est carbonisé, consumé par le feu » afin de caractériser
l’état d’usure professionnelle. Puis, elles montrent l’évolution de la définition théori-
que du concept à travers les principaux travaux de recherche du domaine, conduits
essentiellement dans les années 1980. Elles en retiennent plusieurs traits communs
pour caractériser l’épuisement professionnel : épuisement physique et mental ;
affects négatifs à l’égard du travail, du métier, de l’organisation (fatigue, anxiété,
désillusion) ; écarts entre attentes initiales élevées à l’égard du travail et réalité d’un
travail exigeant et offrant peu ou pas de reconnaissance ; processus de dégradation
progressive des ressources énergétiques déployées dans le travail, puis désengage-
ment de celui-ci. Les auteurs analysent ensuite les instruments de mesure du burnout,
en particulier l’échelle de Maslach (MBI) qui constitue une référence dans le domaine.
Cette échelle distingue trois dimensions qui permettent de décrire le burnout : l’épui-
sement émotionnel (la personne n’a plus d’énergie pour effectuer son travail qui
devient une corvée), la dépersonnalisation (détachement du travail), le sentiment de
faible accomplissement personnel (dévalorisation de soi, abaissement de son estime
de soi ainsi que du sentiment d’auto-efficacité). Nicole Rascle et Marilou Bruchon-
Introduction 15

Schweitzer exposent ensuite les résultats de leur revue de littérature à propos du lien
entre burnout et santé au travail. Elles examinent d’abord ce lien au regard des tra-
vaux sur la santé mentale. Cette partie permet de bien différencier des phénomènes
qui pourraient être confondus, notamment le burnout, la dépression et l’anxiété. Ce
travail de comparaison et de différenciation est très important car il permet aux res-
ponsables de ressources humaines, aux managers et aux collègues de travail de mieux
identifier les symptômes qu’ils observent chez certains d’entre eux. Le risque de con-
fusion peut entraîner de mauvais diagnostics et des réponses inadaptées aux problè-
mes rencontrés. Si l’épuisement professionnel et la dépression créent des troubles
similaires, le premier présente des symptômes d’une moindre intensité et exclusive-
ment liés au contexte de travail, alors que le second correspond à des troubles plus
graves induits par des facteurs internes et externes au milieu professionnel. En carica-
turant les deux situations, une personne en situation de burnout pourra s’en sortir en
changeant de travail et d’entreprise, alors qu’une personne dépressive devra avoir
recours à un traitement nécessitant une hospitalisation. Les auteurs relèvent les prin-
cipaux points communs aux deux phénomènes : affectivité négative, fatigabilité,
repli sur soi, altération du sentiment d’auto-efficacité. Puis, elles examinent les liens
entre le burnout et la santé physique au travail, en particulier le stress ainsi que dif-
férentes pathologies qui peuvent dépendre du burnout (risques d’infarctus, diabète,
affaiblissement du système immunitaire). L’analyse se prolonge par l’étude du lien
entre burnout et comportements à risque. Ces comportements sont variés et relèvent
du tabagisme, de l’alcoolisme, des déséquilibres alimentaires, de l’absence d’activité
physique, de consommation de substances psycho-stimulantes (tabac, café), ou psy-
choleptiques (tranquillisants, substances illicites). Ainsi, les conséquences du burn-
out sont variées, complexes, graves, et renforcent d’autres facteurs qui peuvent lui
être associés pour déclencher des processus de dégradation de la santé physique et
mentale d’un nombre significatif de salariés. Ce nombre de personnes concernées dans
une entreprise, ainsi que la fréquence et l’intensité de l’épuisement professionnel,
s’expliquent par différents facteurs que les auteurs examinent avec précision. En pre-
mier lieu, les déterminants contextuels du burnout soulignent le poids des caractéris-
tiques du travail en tant que facteurs de stress (charge de travail, ambiguïté et conflit
de rôle, degré d’autonomie, d’autocontrôle, de participation à la prise de décision,
respect de l’équité…). En second lieu, les déterminants individuels du burnout distin-
guent les facteurs sociodémographiques (âge, genre, ancienneté) et de personnalité
(affectivité, optimisme, lieu de contrôle, sentiment d’auto-efficacité, résilience,
endurance, conscienciosité, agréabilité, etc.). Néanmoins, l’ensemble des analyses
montre un nombre insuffisant de travaux de recherche et des méthodologies incom-
plètes ou inadaptées pour procéder à toutes les mesures nécessaires qui permettraient
de statuer définitivement sur les liens de cause à effet. Pour autant, les résultats
observés permettent de relever un grand nombre de corrélations entre ces différents
phénomènes. Partant de là, les auteurs tentent de modéliser les liens entre les déter-
minants du burnout, puis de proposer une méthode d’intervention afin de réduire
l’épuisement professionnel et d’améliorer la santé des personnes au travail. Cette
méthode d’intervention s’articule autour de trois séquences : les interventions primai-
res, secondaires et tertiaires. Les interventions primaires articulent une phase de dia-
gnostic visant à prévenir le burnout et ses conséquences, notamment par un audit du
stress auprès des personnels d’une organisation, puis une phase d’intervention tour-
16 Comportement organisationnel – 2

née vers l’organisation. Celle-ci a pour objectif de prévenir l’épuisement professionnel


en remédiant aux « stresseurs » professionnels (amélioration des conditions de tra-
vail, changement de culture d’entreprise et du style de management, changement
organisationnel, évolution du contenu du travail, etc.). Elle est prolongée par une
phase d’intervention tournée vers les individus : prévention du stress par des pro-
grammes adaptés aux personnels de l’organisation. L’intervention secondaire vient
ensuite renforcer la démarche de prévention de l’épuisement professionnel en déve-
loppant les ressources individuelles pour faire face aux difficultés du travail (gestion
du stress, stratégies d’adaptation, soutien individuel), et en renforçant le soutien
social de l’organisation (information, aide matérielle, soutien émotionnel, coaching
des personnes vulnérables au burnout ou sujettes au stress). Enfin, l’intervention ter-
tiaire est celle qui est sollicitée lorsque les deux premières ont échoué. Elle est
d’ordre curatif et se préoccupe de l’encadrement personnalisé des personnes touchées
par l’épuisement professionnel. Une nouvelle fois, la méthodologie développée par les
auteurs distinguera les démarches tournées vers l’individu, de celles tournées vers
l’organisation (en lien avec la médecine du travail et le service de gestion des res-
sources humaines).
Didier Truchot étudie, dans le dernier chapitre de l’ouvrage, les effets des exi-
gences professionnelles et de l’engagement au travail sur le burnout. Il se réfère aux
premiers travaux sur le burnout réalisés au milieu des années 1970 qui suggéraient
son origine comme une conséquence, d’une part, d’un excès d’engagement dans le tra-
vail et l’organisation, d’autre part, d’une activité professionnelle trop exigeante. Ces
travaux dressaient le profil des personnes connaissant un épuisement professionnel et
identifiaient trois caractéristiques principales : (1) une volonté de ces personnes
d’exercer leurs compétences en apportant aide et soutien (à leurs collègues, clients),
(2) une confrontation de ces personnes à un nombre excessif de clients,
(3) l’exécution de tâches administratives consommatrices de temps, d’énergie, qui
entravent leur autonomie. Les premiers auteurs parlaient de maladie du battant. Le
burnout est alors apparu comme un état d’épuisement physique, émotionnel et mental
provoqué par une implication de long terme dans des activités professionnelles émo-
tionnellement exigeantes. Or, depuis la fin des années 1970, l’étude de l’engagement
ou de l’implication dans le travail et l’organisation est devenue un sujet central du
comportement organisationnel. Avec l’émergence du concept de culture d’entreprise
et des pratiques mises en œuvre par les entreprises (gestion de la culture d’entre-
prise, communication interne et externe, charte d’entreprise, etc.), l’implication est
apparue comme l’attitude et le comportement le plus à même de représenter le lien
affectif que l’individu établit avec son organisation, son identification aux buts et
valeurs de celle-ci, sa loyauté vis-à-vis d’elle, et sa volonté de s’engager durablement
dans ses activités. Depuis le milieu des années 1980, les études sur l’implication au
travail et dans l’organisation se sont intensifiées, reflétant l’évolution des pratiques
de management. Les auteurs phares du domaine, Meyer et Allen (1997) 5 ont souligné
les effets possiblement négatifs d’un excès d’implication de la part des salariés dans
leur organisation. Didier Truchot, selon une perspective différente, venant de la psy-
chologie de la santé, se propose d’examiner ce cas de figure, en élargissant l’analyse à

5 Meyer, J.P., & N.J. Allen (1997). Commitment in the workplace – Theory, research and applica-
tion, Thousand Oaks, Sage Publications.
Introduction 17

la question du niveau d’exigence de toute activité professionnelle. L’implication et


l’engagement sont étudiés par l’auteur à l’aide d’une notion plus large qu’est l’orienta-
tion de carrière. Il l’a définie comme étant la signification du travail pour l’individu,
qui recouvre l’ensemble des buts, des valeurs, des aspirations, des perspectives pro-
fessionnelles, et des récompenses attendues, attaché à un emploi. De là, il définit
l’épuisement professionnel comme la conséquence d’un écart trop important entre
une orientation de carrière et l’environnement de travail réel et perçu. Afin d’exami-
ner de façon plus pertinente ces interactions, Didier Truchot propose de relier l’enga-
gement, l’exigence du travail et le burnout, selon plusieurs types d’orientation de
carrière. En effet, le profil des personnes et les caractéristiques des emplois occupés
étant tellement différents, il serait illusoire d’analyser ces liens de manière uniforme.
Le niveau et la forme d’engagement des salariés dans leurs organisations divergent
considérablement, ainsi que le niveau et le type d’exigence que leur emploi requiert.
En fonction de tel type d’orientation de carrière et de telles caractéristiques de
l’emploi, peut-on anticiper des risques d’épuisement professionnel chez ces
personnes ? C’est l’investigation que l’auteur se propose de poursuivre.
Ainsi, à travers les onze chapitres à venir, les lecteurs seront-ils amenés à
découvrir, ou à approfondir des connaissances sur les comportements individuels et
collectifs dans les organisations. L’ouvrage se focalise sur des sujets d’actualité qui
sont au cœur des réflexions des directions de ressources humaines d’entreprises, qui
nourrissent les analyses stratégiques de la responsabilité sociale des organisations,
qui font l’objet de débats politiques et conduisent les parlementaires de chaque pays
à légiférer sur de nombreuses questions soulevées et traitées dans cet ouvrage. Ces
questions de société qui relèvent du droit à l’équité et à la justice dans le travail, de
la préoccupation par les entreprises du développement des personnes, des attentes en
matière d’éradication des discriminations dans les organisations, du besoin d’amélio-
rer les conditions de travail, de prévenir la santé physique des salariés, de respecter
leur intégrité morale et psychologique, soulignent que le comportement organisation-
nel contribue à la réflexion collective sur des sujets fondamentaux. Sur ces sujets, le
comportement organisationnel se propose de les aborder en tentant de concilier les
attentes et les contraintes des salariés, et celles des organisations.
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Partie I

La justice organisationnelle

Assâad EL AKREMI 1

Sommaire

Chapitre 1. La justice organisationnelle : définitions, modèles


et nouveaux développements 25

Chapitre 2. Justice organisationnelle : un modèle intégrateur


des antécédents et des conséquences 47

Chapitre 3. La justice des arrangements idiosyncrasiques au


travail : quelle justice à l’ère de
l’individualisation ? 89

1 Je tiens à remercier Christine Vicens, Narjes Sassi et Mohamed Ikram Nasr pour leur grande con-
tribution à la révision des différents chapitres de cette partie.
La justice organisationnelle 21

Considérée depuis longtemps comme « la première vertu des institutions sociales »


(Rawls, 1971, p. 29), la justice a intégré depuis une trentaine d’années le contexte
organisationnel comme un déterminant essentiel des attitudes et des comportements
au travail. L’extension du domaine de la justice organisationnelle n’a cessé alors de
s’agrandir. Introduite dans les années 1980 par Jerald Greenberg (co-auteur du troi-
sième chapitre de cet ouvrage), la notion de justice organisationnelle a depuis fait
l’objet de plus de 500 articles publiés dans les revues scientifiques sur le comporte-
ment organisationnel et le management des ressources humaines (Colquitt, Greenberg
et Scott, 2005). Cette magnifique évolution s’explique par l’importance accordée par
les individus et les groupes à la justice, à l’équité, à l’égalité, à l’impartialité et à
l’intégrité dans leur vie au travail. Il n’y a pas une pratique, un évènement, ou un
échange dans l’organisation qui ne soit pas marqué peu ou prou par un jugement de
justice. Aussi bien les attentes que la sensibilité des salariés aux questions de justice
ne cessent de croître, exigeant de la part des organisations et des supérieurs hiérar-
chiques un traitement équitable et respectueux en échange d’une performance accrue.
S’interrogeant sur les raisons qui incitent les individus à valoriser la justice
dans le contexte organisationnel, Gillespie et Greenberg (2005) estiment que la jus-
tice est souvent essentielle pour trois raisons :
1. elle renforce les sentiments d’estime de soi dans la mesure où un traitement
juste reflète une valorisation et une reconnaissance des contributions de
chacun ;
2. elle garantit le contrôle que les individus peuvent avoir sur les rétributions et
les résultats des décisions d’allocation des ressources étant donné que des pro-
cédures justes peuvent mener à des récompenses favorables aux individus ;
3. elle reflète et signale le respect des valeurs morales et éthiques par les indivi-
dus et les groupes dans l’organisation.
L’intégration de ces trois raisons montre que la justice est essentielle dans les
organisations parce qu’elle fonde le sens de l’appartenance et l’identité de chaque
membre. Les perceptions de justice représentent donc une condition fondamentale
pour le développement et le maintien de relations constructives assurant la confiance
et la qualité des échanges entre les acteurs organisationnels. La justice devient-elle
ainsi un déterminant des comportements productifs et des performances dans les
entreprises.
Étant donné l’importance accrue des perceptions de justice dans les organisa-
tions, un nombre impressionnant d’études a été consacré à ce thème. Colquitt, Green-
berg et Scott (2005) ont regroupé cette littérature autour de cinq questionnements :
le construit de la justice et sa validité, le processus de formation des jugements de
justice, les conséquences de la justice, les domaines d’application et le caractère
généralisable des connaissances sur la justice. Les trois premiers chapitres de cet
ouvrage se font l’écho de ces questionnements, permettant ainsi d’offrir aux lecteurs
francophones un état de l’art complet sur un thème qui ne cessera de passionner un
nombre grandissant de chercheurs et de praticiens.
Le premier chapitre représente une contribution de l’un des auteurs les plus
reconnus et les plus prolifiques sur le thème de la justice organisationnelle : Russell
Cropanzano. En s’associant avec Jessica Bagger et Jaewon Ko, Russell Cropanzano
22 Comportement organisationnel – 2

présente un magnifique état de l’art sur le construit de la justice, sur l’évolution de sa


structure et sur ses fondements motivationnels. Ces auteurs s’attellent d’abord à clari-
fier le concept de la justice en distinguant ses trois dimensions : la justice distribu-
tive, la justice procédurale et la justice interactionnelle. Les spécificités de chaque
dimension sont parfaitement définies, permettant ainsi de clarifier les différences et
les chevauchements entre les trois dimensions de la justice. Les auteurs précisent
aussi les effets d’interaction entre ces différentes dimensions. S’interrogeant sur les
motivations qui sous-tendent les préoccupations de justice dans les organisations,
Bagger, Cropanzano et Ko exposent les trois modèles théoriques fondamentaux. Le
modèle instrumental (Thibaut et Walker, 1975 ; Leventhal, 1980) selon lequel la jus-
tice, surtout procédurale, permet aux individus de garantir et de maximiser leurs gains
économiques et d’assurer leurs intérêts personnels. Le modèle relationnel (Tyler et
Lind, 1992) intègre la théorie de l’identité sociale en montrant que les individus valo-
risent la justice parce qu’elle leur renvoie leur propre valeur et statut au sein du
groupe et de l’organisation. Enrichi par la théorie de l’échange social, ce modèle per-
met de mettre l’accent sur le rôle de la justice dans le développement de relations de
qualité entre les membres de l’organisation, contribuant ainsi à l’amélioration des
performances. Le troisième modèle, dit déontique (Folger, 2001 ; Folger, Cropanzano
et Goldman, 2005) est très prometteur et permet de rattacher la justice aux notions
d’éthique, de responsabilité et d’obligations morales. La justice est-elle ainsi valori-
sée en soi comme une vertu organisationnelle.

Le deuxième chapitre a pour ambition de construire un modèle intégrateur des


antécédents et des conséquences de la justice organisationnelle. Assâad El Akremi,
Mohamed Ikram Nasr et Julie Camerman proposent une revue de littérature exhaustive
des déterminants des perceptions de la justice et de leurs effets sur les attitudes et
les comportements des individus. Les auteurs mettent l’accent sur trois points essen-
tiels. Le premier point concerne la nécessité de développer davantage d’études sur les
antécédents et les processus psychologiques fondant les perceptions de justice orga-
nisationnelle. En effet, la majorité des études sont focalisées sur les conséquences et
occultent relativement deux questions essentielles : pourquoi les individus se sou-
cient-ils de l’équité des autres à leur égard et comment forment-ils leurs jugements de
justice ? Le deuxième point met l’accent sur l’importance de développer les cadres
théoriques de compréhension des antécédents et des conséquences de la justice orga-
nisationnelle. Certes, les nouvelles théories telles que la théorie de la justice (Folger
et Cropanzano, 1998, 2001) et la théorie des heuristiques de la justice (Lind, 2001)
apportent des éclairages remarquables sur les dynamiques de la justice. Néanmoins,
les études empiriques testant ces théories restent très limitées. Le troisième point
montre que la compréhension des relations de la justice avec d’autres variables indivi-
duelles et organisationnelles est fortement enrichie par l’intégration des effets modé-
rateurs caractérisant l’individu ou le contexte étudié. À cet égard, les traits de
personnalité, les valeurs culturelles et les caractéristiques structurelles de l’organisa-
tion représentent les variables modératrices dont l’intégration dans les recherches
futures semble d’une grande pertinence.

Le troisième chapitre est orienté vers l’application et la généralisation des


connaissances sur la justice à des contextes organisationnels en évolution continue.
Jerald Greenberg, Marie-Élène Roberge, Violet Ho et Denise Rousseau présentent une
La justice organisationnelle 23

application originale de l’étude de la justice aux pratiques d’individualisation à tra-


vers un nouveau construit que les auteurs ont appelé i-deal. Il s’agit des arrange-
ments idiosyncrasiques et individualisés entre un salarié et son manager, permettant
de dépasser les logiques de standardisation et d’égalité des traitements qui marquent
les accords collectifs. La remise en question de ces logiques et l’individualisation
accrue des relations de travail remettent les questionnements sur l’équité et la justice
au premier plan des problèmes organisationnels. Bien que la justice ait toujours
représenté une préoccupation majeure dans les relations de travail (Adams, 1965),
son application dans les organisations avait plutôt tendance à revêtir un caractère
collectif, représentée essentiellement par des revendications syndicales dont l’objectif
était de garantir un meilleur partage de la valeur ajoutée des entreprises et d’assurer
une égalité de traitement entre les salariés (Tyler et Smith, 1998). Greenberg et al.
montrent que le développement des i-deals nécessite une étude plus approfondie des
perceptions de la justice intégrant le manager, le salarié et ses collègues. En focali-
sant sur des relations dyadiques (Manager-Employé ; Manager-Collègue ; Employé-Col-
lègue), les auteurs traitent de manière systématique l’impact de l’individualisation sur
les différentes formes de justice distributive, procédurale, interpersonnelle et infor-
mationnelle et montrent de manière claire la multiplicité et la complexité des facteurs
à prendre en considération afin de faire de la justice un idéal normatif dans une ère
où l’individualisation permet paradoxalement d’accroître les opportunités de dévelop-
pement d’une justice selon les mérites et les risques d’une injustice à l’égard de tous
ceux qui ne répondent pas aux critères de l’excellence organisationnelle.
Chapitre 1

La justice organisationnelle :
définitions, modèles et
nouveaux développements

Jessica BAGGER, Russell CROPANZANO et Jaewon KO 2

Il est difficile d’imaginer le management contemporain sans accorder une attention


particulière aux perceptions de justice au travail. Durant les deux dernières décen-
nies, la recherche a démontré que les perceptions de justice des processus d’alloca-
tion sont liées à de nombreuses variables organisationnelles importantes (Cohen-
Charash et Spector, 2001 ; Colquitt, Conlon, Wesson, Porter et Ng, 2001 ; Konovsky,
2000 ; Jouglard-Trischler et Steiner, 2005 ; Steiner, 1999). Par exemple, nous savons
que le traitement juste des salariés a tendance à promouvoir leur performance au tra-
vail (Cropanzano, Prehar et Chen, 2002 ; Rupp et Cropanzano, 2002) et à augmenter
l’occurrence des comportements de citoyenneté organisationnelle (Moorman, 1991 ;
Moorman, Blakely et Niehoff, 1998). La justice a aussi tendance à promouvoir la con-
fiance et l’engagement des salariés dans les organisations (Folger et Konovsky, 1989 ;
Pillai, Schriesheim et Williams, 1999) et les équipes de travail (Korsgaard, Schweiger
et Sapienza, 1995). De plus, la justice permet d’éviter les effets négatifs des crises
économiques dans les organisations (Schaubroeck, May et Brown, 1994) et de réduire
le stress des employés (Cropanzano, Goldman et Benson, 2005). L’injustice a tendance
à promouvoir des effets opposés, en incluant les comportements vindicatifs de repré-
sailles (Skarlicki et Folger, 1997), les vols (Greenberg, 1990, 1993a, 2002 ; Nadisic,
2005), la violation des règles organisationnelles (Tyler, 1990), les comportements de
retrait (Hendrix, Robbins, Miller et Summers, 1998 ; Schwarzwald, Koslowsky et
Shalit, 1992) et les actes de sabotage sur le lieu de travail (Ambrose, Seabright et
Schminke, 2002).

2 Eller College of Management, University of Arizona.


26 La justice organisationnelle

Armés de telles conclusions, plusieurs auteurs se sont pressés d’introduire


l’objectif de justice dans les pratiques de gestion des ressources humaines. Ces inter-
ventions intègrent les systèmes de sélection et de recrutement (Gilliland, 1993,
1994), les programmes de tutorat (Scandura, 1997), les changements organisation-
nels (Daly et Geyer, 1994), les systèmes de rémunération (Jones, Scarpello et Berg-
mann, 1999 ; Lee, Law et Bobko, 1999 ; Scarpello et Jones, 1996), la gestion des
licenciements (Brockner, DeWitt, Grover et Reed, 1990), le développement du lea-
dership (De Cremer, 2003 ; Skarlicki et Latham, 1996, 1997), les tests d’usage des
drogues sur le lieu de travail (Konovsky et Cropanzano, 1991), la conciliation entre
vie familiale et vie au travail (Grover et Crooker, 1995), l’évaluation des performances
(Korsgaard et Roberson, 1995), l’acceptation des contrôles organisationnels (Makkai
et Braithwaite, 1996) et la gestion des nouveaux projets (Leung, Smith, Wang et Sun,
1996 ; Sapienza et Korsgaard, 1996).
Face à des perspectives aussi encourageantes, il est essentiel de faire le point
sur les développements conceptuels sur la justice organisationnelle. Avec de tels (ou
ce qui nous semble être) progrès, il est facile de perdre de vue les principes premiers
sur ce thème. Ce chapitre représente, dans ce sens, une pause réflexive pour reprendre
un souffle et repartir vers des nouveaux horizons sur la justice organisationnelle.
Nous reconsidérons ici la justice organisationnelle dans une perspective générale qui
se focalise sur les définitions fondamentales et sur la structure du construit afin d’en
souligner les principes théoriques. Notre objectif est de fournir une synthèse sur un
thème important en termes d’intérêt intellectuel grandissant et d’applications mana-
gériales prometteuses.

1. Définitions fondamentales
de la justice organisationnelle

Comment « la justice » est-elle comprise dans la tradition des recherches en compor-


tement organisationnel ? C’est par rapport à cette question que les spécialistes de
l’éthique peuvent nous offrir une taxinomie utile. En philosophie morale, les auteurs
font une distinction entre deux types d’éthique (Thompson, 2003). L’éthique descrip-
tive ou non normative fait référence à la façon dont les individus se comportent dans
le monde réel. L’éthique normative ou substantielle désigne comment les individus
doivent se comporter. Ainsi, cette éthique est-elle prescriptive par opposition à la
première essentiellement descriptive (Sabbagh, 2001 ; Velasquez, 1992). La recherche
sur la justice organisationnelle adopte généralement une approche descriptive. En
conséquence, les auteurs essaient de décrire les résultats probables d’un événement
particulier ou d’une action. La valeur de cet effort réside dans sa capacité à aider à la
prise de décision dans le monde réel. Par exemple, l’introduction de procédures orga-
nisationnelles justes pourrait améliorer la performance au travail. Dans la mesure où
une meilleure performance est un objectif intéressant pour l’organisation, la justice
procédurale devient alors un moyen valorisé pour atteindre cet objectif.
Malgré cette qualité, nous ne devons pas oublier que l’approche descriptive a
au moins une limite sérieuse. Bien qu’une description du comportement individuel
puisse servir à guider une prise de décision éthique, elle ne mène pas directement et
Définitions, modèles et nouveaux développements 27

nécessairement à des principes moraux. Comme les philosophes David Hume (1783/
1984) et G.E. Moore (1903/2004) l’ont merveilleusement illustré, la déclaration de
« ce qui est » (ce que les individus font vraiment) ne conduit pas directement à la
déclaration de « ce que doit être » (ce que les individus devraient faire). L’éthique
normative exige une réflexion complémentaire sur ce qui est approprié et bon (Hos-
mer, 1996) et une action n’est pas nécessairement juste tout simplement parce que
beaucoup d’individus la font.

En plus d’être descriptive, l’approche de la justice organisationnelle est subjec-


tive. Ainsi, les chercheurs dans ce domaine n’investiguent pas ce qui est vraiment
juste ; ils focalisent plutôt leurs études sur ce que les individus pensent être juste.
À cet égard, un événement donné peut, ou pas, être juste, selon que les individus
croient qu’il l’est ou non. La finalité de la recherche est alors de déterminer, empiri-
quement, les facteurs qui influencent les perceptions de justice, mais aussi la façon
dont les individus se comportent dès qu’ils ont catégorisé un événement comme juste
ou injuste. Qu’un philosophe moral (ou une autre personne) souscrive à ces juge-
ments subjectifs ou non, est une question secondaire pour certains spécialistes de la
justice organisationnelle.

2. Structure de la justice organisationnelle

Afin d’engager des recherches empiriques sur les perceptions de la justice, les auteurs
ont besoin d’une description cohérente et opérationnelle de ce à quoi la justice
« ressemble ». Ainsi, nous avons besoin d’une représentation sensée de la structure
de la justice organisationnelle. Historiquement, les auteurs ont fourni cette représen-
tation en divisant les perceptions de justice en composantes ; en commençant
d’abord par un type de justice et en ajoutant progressivement de nouveaux éléments
au fur et à mesure de l’évolution des recherches.

À cet égard, la justice distributive est le type le plus ancien de justice organi-
sationnelle, avec une tradition de recherche longue et prodigieuse (cf. Adams, 1963,
1965 ; Blau, 1964 ; Crosby, 1976, 1984 ; Homans, 1961 ; Mark et Folger, 1985 ;
Martin, 1981). La justice distributive fait référence à la justice perçue des rétribu-
tions (récompenses reçues suite à une distribution des ressources matérielles ou
socio-émotionnelles au sein de l’organisation). Bien que la justice distributive reste
un thème important (Markovsky et Younts, 2001), nombre d’auteurs estiment mainte-
nant que ce thème ne fournit qu’une vision partielle de la justice organisationnelle
(Tyler, 1997 ; Tyler et Smith, 1998). En effet, une idée perspicace des théoriciens de
la justice organisationnelle a été de considérer que les individus se soucient aussi du
processus d’allocation, ou des moyens par lesquels les rétributions sont allouées aux
individus (Folger et Greenberg, 1985 ; Greenberg et Folger, 1983). Empruntée à la
pensée juridique (cf. Thibaut et Walker, 1975), cette idée a donné lieu à la justice
procédurale (Greenberg, 1986 ; Leventhal, 1976, 1980). L’accent mis sur le processus
a depuis été l’un des critères essentiels de distinction dans l’étude de la justice sur le
lieu de travail (Byrne et Cropanzano, 2001). Néanmoins, nous n’avons pas toujours
une vision complète de toute l’histoire. Peu de temps après l’intégration de la justice
28 La justice organisationnelle

procédurale, Bies et Moag (1986) ont ajouté le concept de justice interactionnelle, ou


de la justice du traitement interpersonnel que l’on reçoit dans l’organisation.

2.1 LA JUSTICE DISTRIBUTIVE

Théorie de l’équité. La justice distributive se réfère aux perceptions et aux réactions


quant aux rétributions reçues suite à une allocation des ressources, confrontées à ce
que les employés croient mériter, et basés sur une comparaison avec autrui (Deutsch,
1975 ; Homans, 1961 ; Leventhal, 1976). La justice distributive est liée à une longue
tradition de recherche aussi bien dans les sciences humaines (Markovsky et Younts,
2001) que dans la philosophie normative (Sabbagh, 2001). Concernant la justice
organisationnelle, le pionnier le plus important était Stacy Adams (1963, 1965 ;
Adams et Freedman, 1976). Dans sa théorie de l’équité, Adams a conçu un modèle de
référence en justice distributive. L’approche adoptée par Adams fait partie des théo-
ries de l’équilibre et de la consistance, qui ont défini ce qui est « équitable » comme
l’équilibre entre les contributions d’une personne et ses rétributions (cf. Heider,
1958). En outre, Adams a postulé que les individus ne sont pas concernés par le
niveau absolu de leurs rétributions, mais plutôt par le caractère juste de ces rétribu-
tions en comparaison avec celles d’un autre individu considéré comme référent. La
justice est déterminée en calculant un ratio des rétributions aux contributions et en
jugeant dans quelle mesure ce rapport est comparable aux ratios du référent. Ce réfé-
rent peut être un collègue, l’individu lui-même à un point antérieur dans le temps, ou
même un référent imaginaire qui peut, d’une manière ou d’une autre, être conçu par
l’individu ayant reçu la rétribution (Folger et Kass, 2000 ; Kulik et Ambrose, 1992).

En se basant sur la logique de la dissonance cognitive (Adams et Rosenbaum,


1962), Adams a soutenu qu’un salarié qui a été sous-payé sentirait de la colère ou du
ressentiment. Cela pourrait motiver l’individu, afin de restaurer l’équité, soit à chan-
ger son comportement (par exemple en travaillant moins dur), soit à changer ses
cognitions (par exemple en estimant que le référent initial était inadapté). L’aspect le
plus intéressant de la théorie de l’équité concerne ses prédictions sur les cas de sur-
récompense. Adams (1965) a postulé que, lorsque l’individu s’estime beaucoup mieux
rétribué qu’un référent, la culpabilité s’ensuivrait probablement. Ce qui pourrait aussi
entraîner un changement du comportement. Par exemple, dans le cas d’un régime de
salaire à la pièce, l’individu est payé pour chaque unité produite. S’il y a sur-récom-
pense, plus un individu travaille, plus grand sera le sentiment d’injustice résultant de
la sur-récompense, puisque chaque unité produite génère plus d’augmentations,
apparemment mal reçues. Se basant sur ce raisonnement, Adams (1963) a prédit et
montré que les employés relativement surpayés, dans un système de salaire à la pièce,
baisseraient la quantité de leur performance (afin de limiter le gain, estimé injuste,
de plus d’argent), mais aussi augmenteraient la qualité de leur performance (afin
d’intégrer à chaque unité de travail plus de valeur pour leur employeur). Bien que les
prédictions d’Adams sur l’inéquité de la sur-récompense semblent contre-intuitives,
elles ont été plutôt soutenues par la recherche (cf. Greenberg, 1988, 1990 ; Green-
berg et Ornstein, 1983 ; Harder, 1992 ; Prichard, Dunnette et Jorgenson, 1972 ;
Schwarzwald et al., 1992), même si les effets de la sur-récompense se sont avérés
plus faibles que ceux de la sous-récompense (Greenberg, 1982). De plus, comme nous
Définitions, modèles et nouveaux développements 29

le discuterons plus loin, les effets de la sur-récompense sont modérés par les valeurs
de l’individu (Vecchio, 1981).

Règles alternatives pour la justice distributive. On peut dire sans exagérer que
l’importance accordée à la théorie de l’équité dans les premières recherches sur la jus-
tice organisationnelle est énorme. En décrivant ces premières recherches, Lind (cité
par Byrne et Cropanzano, 2001, p. 9) a observé que « la justice était synonyme de la
théorie de l’équité d’Adams ». Ceci dit, il est important de signaler que les études
empiriques sur la théorie de l’équité portaient très souvent sur des situations de
rémunération à la performance (cf. Harder, 1992). Ainsi, les rétributions équitables
ont-elles tendance à être très appréciées dans les cultures nationales individualistes,
comme les États-Unis (James, 1993). De plus, cette vision de l’équité a pour avantage
de favoriser la compétition interne entre les salariés (Kabanoff, 1991), si c’est sou-
haité par l’organisation. Le corollaire est que la compétition peut perturber l’harmo-
nie et l’esprit d’équipe. Par ailleurs, il y aura toujours des personnes qui ne trouveront
pas juste l’allocation des rétributions sur la base du critère de l’équité d’Adams
(cf. Chen, Meindl et Hui, 1998 ; Kim, Park et Suzuki, 1990). Compte tenu de ces limi-
tes, Deutsch (1975, 1985) a proposé de traiter l’équité comme une règle possible de
la justice distributive et de montrer que d’autres règles peuvent être tout aussi, ou
encore plus, valides selon les situations organisationnelles.
En conséquence, les théoriciens de la justice (cf. Deutsch, 1975, 1985 ; Leven-
thal, 1976 ; Sampson, 1986) conviennent maintenant que les individus utilisent une
variété de principes ou de règles comme base pour distribuer les rétributions organi-
sationnelles. Par exemple, Deutsch (1975, 1985) a postulé l’existence d’au moins trois
règles fondamentales de distribution – l’équité (rétribuer chacun selon ses contribu-
tions), l’égalité (rétribuer chacun de la même manière que les autres) et le besoin
(rétribuer chacun selon ce qui lui est nécessaire).
Deutsch (1985) a suggéré que la pertinence d’une règle d’allocation dépend de
la nature du contexte social ou de la forme d’interdépendance sociale qui est en jeu.
La règle d’équité est orientée vers l’objectif de découvrir, de valoriser et de récompen-
ser les différences entre les membres de l’organisation. Ceci est valable aussi bien
pour la contribution potentielle des membres à la performance organisationnelle que
pour leur contribution réelle. Pour cette raison, la règle d’équité peut être en conflit
avec des rapports sociaux qui mettent l’accent sur l’avenir commun des membres. Par
conséquent, la règle d’égalité peut prédominer dans les contextes sociaux où le but
est de préserver l’harmonie collective et où les participants ont potentiellement des
liens amicaux, ont développé des relations de longue date, et/ou se considèrent
comme partageant les mêmes valeurs et attitudes (Martin et Harder, 1994). Les distri-
butions sur la base de la règle du besoin sont préférées dans les contextes personnels
tels que les familles, ou dans les contextes de services sociaux tels que la santé publi-
que et l’assistance sociale, où l’objectif est de favoriser le bien-être de chaque indi-
vidu (Steiner, Trahan, Haptonstahl et Fointiat, 2006).
Il est évident qu’il existe d’autres considérations à intégrer dans le choix des
règles de distribution et de rétribution dans les organisations comme la rareté des
ressources (Skitka et Tetlock, 1992) et la nature des ressources à allouer (Martin et
Harder, 1994). Spécifiquement, l’équité semble devenir moins importante lorsque la
30 La justice organisationnelle

rareté des ressources s’accentue (cf. Coon, Lane et Lichtman, 1974 ; Lane et Messe,
1972). Les récompenses de nature socio-émotionelle ont tendance à être distribuées
selon la règle d’égalité ou sur la base des besoins personnels, alors que les récompen-
ses de nature économique sont souvent distribuées selon la règle d’équité (Martin et
Harder, 1994), bien qu’il y ait des exceptions à cette disposition générale (Chen,
1995). En conclusion, le fait qu’une personne qui a moins contribué à la performance
globale reçoit une plus grande rétribution que les autres, peut être considéré comme
injuste ou peut ne pas l’être. Les individus ont tendance à adopter différentes règles
de distribution selon divers critères contextuels tels que les relations sociales, la
rareté et les caractéristiques des ressources allouées.

2.2 LA JUSTICE PROCÉDURALE


En analysant les procédures juridiques, Thibaut et Walker (1975) ont réalisé une série
d’études sur la nature des réactions qui suivraient différentes procédures de résolu-
tion de litiges. Thibaut et Walker ont appelé leur modèle la théorie de la justice procé-
durale. Dans ce modèle, la justice procédurale représente les perceptions subjectives
des individus de la manière avec laquelle les rétributions ont été distribuées. Dans le
contexte organisationnel, ceci se réfère le plus souvent à la manière dont les salaires
et les avantages sont attribués. Thibaut et Walker, dans leur théorie de la justice pro-
cédurale, distinguent deux niveaux d’analyse, la phase de processus et la phase de
décision (Thibaut et Walker, 1978). Dans la première phase, le contrôle du processus
renvoie à la capacité d’une personne à contrôler la manière dont les preuves, dans
une affaire juridique, sont retenues. La seconde phase inclut le contrôle de la déci-
sion, qui désigne la capacité de la personne à déterminer le résultat effectif de
l’affaire (Thibaut et Walker, 1978). La recherche a montré que le contrôle du processus
(généralement opérationnalisé en termes de voice, droit à l’expression) peut être plus
important que le contrôle de la décision dans la perception de la justice. Si les procé-
dures utilisées donnent aux parties en litige un droit à l’expression, ceci améliore
l’acceptation des résultats de la décision, même lorsqu’ils sont négatifs (cf. Lind,
Kurtz, Musante, Walker et Thibaut, 1980).
La notion de justice procédurale a été ensuite rapidement appliquée en dehors
du domaine de la prise de décision juridique. Les développements les plus marquants
ont été réalisés par Leventhal (1976, 1980) et ses collègues (Leventhal, Karuza et Fry,
1980). Pour Leventhal, le droit à l’expression ou voice, est seulement un élément,
parmi d’autres déterminants de la justice du processus. Les attributs de la justice pro-
cédurale incluent l’application cohérente des règles, l’absence de biais, l’exactitude, la
possibilité de correction, la représentativité des intérêts de toutes les personnes con-
cernées et l’adéquation avec les normes éthiques en vigueur.

2.3 LA JUSTICE INTERACTIONNELLE


La justice interactionnelle désigne la qualité du traitement interpersonnel que les
individus reçoivent de la part des autres (Bies et Moag, 1986). Au départ, la justice
interactionnelle a fait l’objet de certaines controverses. Certaines études ont traité la
justice interactionnelle comme un aspect social de la justice procédurale
(cf. Cropanzano et Greenberg, 1997 ; Tyler et Bies, 1990), alors que d’autres études
Définitions, modèles et nouveaux développements 31

l’ont abordée comme une forme indépendante de justice organisationnelle (cf. Bies,
2001 ; Cropanzano et Prehar, 1999). Les recherches récentes soutiennent, en général,
la distinction entre la justice procédurale et la justice interactionnelle (cf. Cohen-
Charash et Spector, 2001).
D’autres recherches ont proposé des conceptions différentes, en subdivisant la
justice interactionnelle en deux dimensions (Greenberg, 1993b). Plus spécifiquement,
cette approche structurelle appelle à la distinction, au niveau de la justice interac-
tionnelle, entre la justice interpersonnelle et la justice informationnelle (Greenberg,
1993b). La justice interpersonnelle recouvre la sincérité et le respect dont bénéficie
un individu de la part d’un autre. La justice informationnelle se réfère à l’adéquation
des explications données. Cette approche a bénéficié d’un important soutien empiri-
que (Colquitt et al., 2001 ; Greenberg, 1993a, 1994).
Ainsi, de nombreux chercheurs utilisent de plus en plus une structure à quatre
dimensions de la justice organisationnelle : distributive, procédurale, interperson-
nelle et informationnelle (Colquitt, 2001 ; Colquitt et al., 2001 ; Jouglard-Trischler et
Steiner, 2005, Nadisic, 2006a). Cependant, en dépit de ces études prometteuses, la
structure à quatre dimensions de la justice a encore besoin de nouvelles recherches.
Compte tenu du manque d’études empiriques sur cette structure, ce chapitre retient la
distinction entre justice distributive, procédurale et interactionnelle.

3. Rétributions associées aux différents types


de justice organisationnelle
Dans le domaine de la justice organisationnelle, lorsque l’objectif est d’expliquer des
variables dépendantes qui sont liées à une rétribution spécifique, les récompenses
perçues comme injustes ou défavorables représentent de meilleurs prédicteurs
(l’accent est alors mis sur la justice distributive). Inversement, lorsque l’objectif est
d’expliquer des variables dépendantes relatives à un décideur spécifique (tel que le
supérieur hiérarchique) ou à l’organisation, les processus et les facteurs interaction-
nels sont de meilleurs prédicteurs (l’accent est alors mis sur la justice procédurale).
Sweeney et McFarlin (1993) ont appelé cette dichotomie le modèle bi-factoriel. Ce
modèle met l’accent sur les effets principaux et distincts de la justice distributive et
de la justice procédurale. Brockner (2002) et Brockner et Wiesenfeld (1996) ont mon-
tré que ces deux types de justice peuvent aussi interagir et opérer ensemble. Nous
considérerons d’abord le modèle bi-factoriel et discuterons ensuite les modèles d’inte-
raction.

3.1 LE MODÈLE BI-FACTORIEL


Étant donné que la justice distributive concerne, par définition, ce que les individus
reçoivent, il est supposé qu’elle a un impact sur les réactions des employés aux rétri-
butions spécifiques à l’organisation (cf. Cohen-Charash et Spector, 2001). Si la justice
distributive est un déterminant principal de la satisfaction d’un salarié à l’égard d’une
rétribution organisationnelle spécifique ou d’un résultat d’une décision précise, la
justice procédurale est un déterminant principal de ses attitudes et comportements
32 La justice organisationnelle

liés à l’organisation dans sa globalité (cf. Cropanzano et Greenberg, 1997). La justice


procédurale semble notamment avoir un impact plus grand sur les réactions à l’égard
de l’organisation et de ses dirigeants (Lind, 1995 ; Tyler et Degoey, 1995).
Dans une étude devenue classique, Folger et Konovsky (1989) ont démontré
cette dichotomie. En étudiant les augmentations de salaire, ces auteurs ont constaté
que lorsque les participants estimaient leur augmentation trop basse, ils étaient par-
ticulièrement insatisfaits de l’augmentation elle-même. Cependant, la justice perçue
des procédures déterminant ces augmentations de salaire prédisait davantage la con-
fiance à l’égard du supérieur hiérarchique et l’engagement organisationnel. Ce constat
est cohérent avec l’idée selon laquelle la justice distributive a un impact plus élevé
sur ce que les salariés pensent de leurs rétributions spécifiques, alors que la justice
procédurale a un impact plus élevé sur ce que les salariés pensent de leur employeur
en général.
Les études empiriques semblent généralement vérifier le modèle bi-factoriel
(voir Cropanzano et Schminke, 2001 ; Lind et Earley, 1992 ; Tyler, 1990 ; Tyler et
Lind, 1992). Plusieurs études ont montré que si les salariés perçoivent une injustice
salariale, leur satisfaction à l’égard des rémunérations semble en conséquence baisser
(McFarlin et Sweeney, 1992 ; Sweeney et McFarlin, 1993 ; Sweeney, McFarlin et Inder-
rieden, 1990 ; Summers et Hendrix, 1991). Toutefois, même si la rétribution elle-
même, par exemple le salaire, est perçue comme désavantageuse, les salariés restent
engagés à l’égard de leur organisation s’ils perçoivent les procédures comme justes
(Cooper, Dyck et Frohlich, 1992 ; McFarlin et Sweeney, 1992 ; Schaubroeck, May et
Brown, 1994 ; Sweeney et McFarlin, 1993).

3.2 L’INTERACTION ENTRE LA JUSTICE DISTRIBUTIVE ET


LA JUSTICE PROCÉDURALE

L’effet fondamental. Les recherches sur la justice organisationnelle ont démontré que
les individus évaluent souvent le caractère juste d’un événement en tenant compte du
processus par lequel la rétribution a été allouée. Dans les organisations, il arrive que la
rétribution soit perçue comme défavorable ou injuste. Même dans ce cas ; si la procé-
dure par laquelle la rétribution désavantageuse a été allouée, est perçue comme juste,
les salariés éprouveraient, probablement, moins de sentiments négatifs (Brockner,
2002). Brockner et Wiesenfeld (1996) ont suggéré que cet effet interactif peut être
soutenu dans les deux sens : celui des rétributions et celui des procédures.
Pour illustrer cette affirmation, commençons par le processus. Lorsqu’une rétri-
bution correspond aux attentes d’un individu, il est en principe satisfait, même si la
procédure peut être ambiguë. En revanche, lorsqu’une rétribution est contestable, les
individus accordent plus d’attention au processus de distribution. Si le processus est
perçu comme juste, les individus seront moins enclins à remettre en cause le décideur,
même si la rétribution est désavantageuse. Mais lorsque la rétribution et la procédure
sont inappropriées, le mécontentement est maximisé. Ainsi, les processus ont-ils un
plus grand impact quand la récompense est faible. Dans les cas où la rétribution est
perçue favorablement, les questions relatives au processus sont moins préoccupantes.
Nous pouvons aussi décrire ce même phénomène interactif selon la perspective de la
rétribution. Lorsque le processus est perçu comme juste, les individus sont motivés
Définitions, modèles et nouveaux développements 33

d’accepter ses conséquences. Ils semblent indifférents au fait que la rétribution obte-
nue soit favorable ou défavorable. Néanmoins, lorsque le processus de distribution est
jugé injuste, les individus ne vont l’accepter que s’il leur fournit une rétribution avan-
tageuse. Ces résultats sont importants puisqu’ils impliquent qu’un processus juste
peut atténuer les effets négatifs d’une rétribution désavantageuse, mais aussi qu’une
rétribution juste peut modérer les effets négatifs d’un processus de distribution abu-
sif.

Impact des interactions sur les cognitions sur soi. Les études expérimentales et de
terrain qui cherchent à comprendre cet effet interactif suggèrent que les procédures
et les rétributions agissent réciproquement pour prédire l’estime de soi (cf. Brockner,
Heuer, Siegel, Weisenfeld, Martin et Grover, 1998 ; Koper, Van Knippenberg, Bouhuijs,
Vermunt et Wilke, 1993 ; Schroth et Shah, 2000) et le sentiment d’auto-efficacité
(Gilliland, 1994). Néanmoins, l’interaction entre la justice procédurale et la justice
distributive semble avoir une forme différente dans l’explication des cognitions sur
soi. Les études de Brockner et al., de Gilliland, Koper et al., et Schroth et Shah ont
toutes montré qu’en recevant un feedback négatif, les individus s’évaluent de façon
moins positive dans les cas où le feedback est perçu comme résultant d’une procédure
juste que dans les cas où le feedback est perçu comme résultant d’une procédure
injuste. C’est une conclusion inhabituelle, dans le sens où la justice procédurale rend
l’impact du feedback négatif plus mauvais qu’il ne le serait autrement !
L’explication de cet effet semble être liée à la nature même du feedback de
performance. Ce feedback comporte généralement des informations sur les aptitudes
et les compétences. En recevant un feedback évaluant ces capacités, un processus
équitable peut inciter les individus à accepter leur feedback comme ayant une vali-
dité plus grande. Ainsi, lorsque les procédures sont perçues comme justes, un feed-
back négatif découlant de ces procédures aurait une plus grande valeur évaluative. Au
contraire, lorsque les procédures sont perçues comme injustes, le feedback sera plus
facilement écarté. En somme, les informations ont plus d’importance et d’impact
quand elles sont fondées sur des procédures justes plutôt que sur des procédures
injustes. En conséquence, un feedback positif et juste incite les individus à s’évaluer
de manière plus favorable, alors qu’un feedback négatif et juste les incite à s’évaluer
d’une manière beaucoup moins favorable. Par extension, un feedback négatif et
injuste aura probablement moins d’impact négatif sur l’évaluation de soi (Brockner
et al., 1998 ; Koper et al., 1993 ; Schroth et Shah, 2000).

Quelques réflexions finales. En général, lorsque les procédures et les rétributions


associées ne correspondent pas à ce qui est souhaité, les individus ont tendance à
éprouver un moindre niveau de justice. Si le processus ou la rétribution est perçue
comme juste, les individus tendent à accepter l’événement dans une plus large mesure
que dans le cas où aucun des deux n’est perçu comme juste. Autrement dit, le proces-
sus importe plus quand la rétribution est défavorable et importe moins quand la rétri-
bution est considérée favorable. Bien que les études empiriques disponibles vérifient
généralement ces hypothèses, deux précisions sont à mentionner.
Premièrement, il faut signaler que l’interaction entre justice distributive et
justice procédurale n’est pas toujours observée. Dans certains cas, elle n’est pas tout
34 La justice organisationnelle

simplement testée (cf. Konovsky et Cropanzano, 1991), dans d’autres, les niveaux
significatifs ne sont pas atteints (cf. Lowe et Vodanovich, 1995) ; enfin les variables
dépendantes étudiées, sont parfois seulement liées aux effets principaux de la rétri-
bution (cf. Cropanzano et Konovsky, 1995). Malgré cela, lorsque les perceptions de la
justice distributive et la justice procédurale sont considérées ensemble, l’effet inte-
ractif est empiriquement soutenu (Brockner, 2002 ; Brockner et Wiesenfeld, 1996).
Deuxièmement, en étudiant l’interaction entre le processus et la rétribution,
les auteurs ont parfois confondu la justice de la rétribution et son caractère favorable.
Bien que les deux puissent être importants, ils ne représentent pas la même chose. La
« justice » se réfère à un jugement de nature morale, alors que la « favorabilité » dési-
gne un jugement sur un avantage personnel. Logiquement, la justice distributive et le
caractère favorable de la rétribution ont des liens nomologiques distincts, en termes
d’antécédents et de conséquences (Skitka, Winquist et Hutchinson, 2003 ; Van den
Bos et al., 1998). Pour cette raison, il est très important que les chercheurs spécifient
exactement avec lequel des deux concepts la justice procédurale interagit (Nadisic,
2006b). Certains auteurs ont précisé que la justice procédurale interagit avec le
caractère favorable de la rétribution (cf. Brockner, 2002 ; Cropanzano et Konovsky,
1995), d’autres ont annoncé que la justice procédurale interagit avec la justice de la
rétribution (cf. Goldman, 2003 ; Skarlicki et Folger, 1997). D’autres ont enfin décrit
l’interaction entre le processus et la rétribution comme impliquant à la fois la justice
de la rétribution et son caractère favorable (cf. Brockner et Wiesenfeld, 1996 ;
Cropanzano et Folger, 1991). Chaque approche peut avoir des avantages et des limi-
tes, mais les recherches futures devraient distinguer entre la justice distributive
stricto sensu et le caractère favorable de la rétribution.

3.3 LE TRIPLE EFFET INTERACTIF : JUSTICE DISTRIBUTIVE × JUSTICE


PROCÉDURALE × JUSTICE INTERACTIONNELLE

Skarlicki et Folger (1997) ont estimé que la seule interaction entre processus et rétri-
bution est très réductrice. Ces auteurs ont soutenu en particulier que si la justice
interactionnelle ou la justice procédurale sont perçues comme élevées, les individus
accepteraient mieux une rétribution perçue comme injuste. Autrement dit, lorsque la
justice procédurale est faible, l’interaction prédite entre justice distributive et justice
interactionnelle devient probable. Dans le cas où la justice procédurale est élevée,
l’interaction entre justice distributive et interactionnelle n’est pas nécessairement
significative. Ces idées suggèrent qu’il y a un triple effet interactif entre les trois for-
mes de justice. En termes empiriques, Skarlicki et Folger (1997) ont montré que ce
triple effet interactif prédit l’impact de la justice organisationnelle sur les comporte-
ments déviants sur le lieu de travail.
À l’exception de cette étude, seules quelques recherches ont testé la triple
interaction entre les trois formes de justice. Néanmoins, ces tests ont généralement
soutenu cet effet interactif. Par exemple, dans une étude de terrain, Goldman (2003)
a interrogé par questionnaire 583 travailleurs récemment licenciés afin de savoir s’ils
ont engagé un recours juridique contre l’organisation (plainte auprès d’une instance
gouvernementale pour demander des indemnités conformément à la loi). Goldman a
trouvé un triple effet interactif entre la justice distributive, la justice procédurale et
Définitions, modèles et nouveaux développements 35

la justice interactionnelle sur l’engagement d’un recours juridique. Plus précisément,


l’effet de la justice distributive sur le recours est significatif seulement quand la jus-
tice procédurale et la justice interactionnelle sont perçues faibles. Ce qui laisse sup-
poser que des procédures justes puissent réduire l’intention de recours juridique qui
résulterait probablement des situations de licenciement dans lesquelles le traitement
interpersonnel est perçu comme injuste. En outre, la relation n’est pas significative
lorsque la justice procédurale et la justice interactionnelle étaient perçues élevées.
Dans une étude récente, Cropanzano, Slaughter et Bachiochi (2005) ont étudié
la justice perçue et l’attractivité des politiques de discrimination positive. Les auteurs
ont prédit un triple effet interactif des formes de la justice sur l’attractivité des poli-
tiques de discrimination positive et sur l’intention de postuler à un emploi dans
l’organisation. Ces hypothèses ont été empiriquement vérifiées. L’interaction entre la
justice distributive et la justice interactionnelle s’est avérée significative lorsque la
justice procédurale était perçue faible.

4. Les trois fondements motivationnels de la justice

Notre analyse a jusqu’à présent manqué de répondre à une question fondamentale :


pourquoi les individus se soucient-ils de la justice ? La littérature fournit trois répon-
ses différentes, bien que non mutuellement exclusives. Les deux visions traditionnel-
les de la justice concernent les besoins matériels et de valorisation de soi au sein du
groupe (les modèles instrumental et relationnel) (Cropanzano, Rupp, Mohler et
Schminke, 2001), alors que la troisième vision, plus récente, est basée sur la moralité
(cf. Cropanzano, Goldman et Folger, 2003).

4.1 MOTIF 1 : LE MOTIF INSTRUMENTAL


Selon le modèle instrumental, les individus se soucient de la justice dans le sens
éclairé de l’intérêt personnel. Nous comprenons tous, et donc le raisonnement est
valable, que par moments, nous ne pouvons pas recevoir les résultats que nous sou-
haiterions. Cependant, à long terme, les processus justes assurent de meilleures
opportunités pour maximiser les gains personnels (ce type de raisonnement est consi-
déré en détail par Cropanzano, Rupp, Mohler et Schminke (2001) et Lind et Tyler
(1988) qui ne le voient pas comme une explication complète des motivations de la
justice). Le modèle instrumental repose sur la vision classique selon laquelle la jus-
tice est motivée par les incitations économiques et que la justice est importante
parce qu’elle apporte des récompenses matérielles (cf. Cropanzano et Ambrose, 2001 ;
Shapiro, 1993).
Les études empiriques soutiennent cette vision instrumentale, du moins
comme une explication partielle des motivations de la justice. Plusieurs chercheurs
ont constaté que les individus sont plus satisfaits par rapport aux processus lorsque
les rétributions leur sont favorables (cf. Shapiro et Brett, 1993). Dans leur méta-ana-
lyse, Cohen-Charash et Spector (2001) ont également trouvé un lien significatif entre
le salaire et la justice procédurale ; des salaires plus élevés étaient corrélés de façon
positive avec des perceptions plus élevées de justice organisationnelle. Le modèle
36 La justice organisationnelle

instrumental est aussi vérifié dans les études qui montrent que les individus ont ten-
dance à évaluer plus positivement les processus quand les rétributions obtenues sont
favorables par opposition aux processus aboutissant à des rétributions défavorables
(cf. Cole et Flint, 2003 ; Conlon, 1993 ; Conlon et Ross, 1993).
Cependant, la prudence est de mise pour ne pas surestimer l’importance du
mobile instrumental. Les gains économiques sont potentiellement importants, mais il
semble improbable qu’ils fournissent la justification unique à l’intérêt de la justice
organisationnelle. Force est de constater que les effets empiriquement vérifiés ne
sont pas toujours élevés (cf. Tyler, 1989, 1991). D’ailleurs, quelques études n’ont pas
permis de vérifier significativement le modèle instrumental (cf. Giacobbe-Miller,
1995 ; Tyler, 1994). D’autres études ont constaté que le souci de justice reste présent,
même lorsque les gains économiques personnels sont contrôlés (cf. Conlon, 1993 ;
Cropanzano et Randall, 1995 ; Krehbiel et Cropanzano, 2000 ; Lind, Kanfer et Early,
1990 ; Shapiro et Brett, 1993). Certes, les gains économiques constituent un pro-
blème de justice, mais d’autres motifs importants devraient également être considé-
rés.

4.2 MOTIF 2 : LES RAPPORTS INTERPERSONNELS


Un autre groupe de modèles sur les motivations de la justice est focalisé sur les rela-
tions entre les individus. Deux cadres théoriques sont alors communément utilisés : le
modèle de la valeur de groupe ou le modèle relationnel (Tyler et Blader, 2000) et la
théorie de l’échange social (Blau, 1964).

Le modèle de la valeur de groupe/modèle relationnel. Lind et Tyler (1988 ; Tyler et


Lind, 1992) ont proposé un modèle centré sur l’identité relationnelle (appelé aussi
modèle de la valeur de groupe). Ce modèle suggère que les individus utilisent les pro-
cédures pour estimer la valeur qui leur est accordée par le groupe, l’organisation, ou
l’autorité utilisant ces procédures (Tyler et Lind, 1992). Basé sur la théorie de l’iden-
tité sociale, le modèle relationnel insiste sur le besoin des individus d’appartenir à
des groupes sociaux (Tyler, 1997 ; Tyler et Smith, 1998). Selon ces auteurs, les indivi-
dus éprouvent des sentiments de valeur de soi grâce à des procédures justes. Ceci est
valable parce que des procédures justes reflètent le respect pour l’individu de la part
du groupe, de l’organisation, ou de l’autorité décidant de ces procédures. Ainsi les
individus se soucient-ils de la justice parce qu’elle indique leur position, statut et
renommée au sein du groupe. Au contraire, les individus connaissent des sentiments
négatifs de soi à la suite de procédures injustes. Les procédures injustes signifient
pour l’individu qu’il est moins respecté par le groupe, l’organisation, ou la figure
d’autorité. Cette injustice indique que l’individu n’est pas accepté comme un membre
à part entière dans le groupe. La recherche suggère que l’effet des procédures sur ces
sentiments positifs ou négatifs survient indépendamment de la rétribution reçue
(Lind et Tyler, 1988).
Les perceptions de justice procédurale sont déterminées par la réunion de trois
« jugements relationnels ». Premièrement, la neutralité est évaluée. Les procédures
d’allocation utilisées doivent être impartiales, honnêtes et basées sur des arguments
pertinents ; si ces conditions sont vérifiées, la neutralité est assurée. Deuxièmement,
Définitions, modèles et nouveaux développements 37

la loyauté (ou la bienveillance) est estimée. La figure d’autorité devrait être motivée
par la prévenance, l’intégrité et un intérêt sincère pour les besoins des autres. Si des
motifs justes sont à la base de la décision ou l’action, la confiance peut être accordée
à la figure d’autorité. Troisièmement, la reconnaissance de statut (ou le standing) est
évaluée. Si la figure d’autorité traite les membres du groupe avec dignité et respect,
elle montre qu’elle est sensible au statut de ces membres (cf. Tyler, 1989, 1990,
1994).
Une caractéristique importante du modèle relationnel/valeur de groupe est
qu’il accorde de l’importance aux relations à long terme. Selon ce cadre théorique, les
individus sont concernés par la justice car ils craignent l’exclusion de leur groupe
social. Par extension, plus le groupe est important pour les individus, plus ils crain-
dront l’exclusion et plus la justice sera cruciale. Ainsi, le modèle relationnel postule
que la justice importe plus quand l’identification au groupe est élevée et moins quand
l’identification au groupe est faible. Différents chercheurs ont testé ce modèle
(Brockner, Tyler et Cooper-Schneider, 1992 ; Huo, Smith, Tyler et Lind, 1996 ; Tyler et
Degoey, 1995).
Brockner, Tyler et Cooper-Schneider (1992) ont exploré le modèle relationnel
dans deux études de terrain. Dans la première étude, Brockner et ses collègues ont
examiné les réactions des survivants à un licenciement. Leur mesure d’identification
au groupe était l’engagement organisationnel avant que les licenciements pour res-
tructuration n’interviennent. Comme prévu, Brockner et al. (1992) ont trouvé un effet
modérateur de l’identification au groupe sur le lien entre la justice et diverses varia-
bles dépendantes. En particulier, la justice perçue avait des effets plus faibles sur les
conséquences du licenciement, l’intention de départ et l’effort au travail, pour les
individus dont l’identification à l’organisation était initialement faible. Inversement,
pour les individus dont le niveau d’identification à l’organisation était élevé, la per-
ception de justice avait des liens plus forts avec les variables dépendantes. Ces résul-
tats ont été répliqués dans une seconde étude auprès d’un échantillon de citoyens de
la ville de Chicago. Les participants ont été interrogés à deux reprises, à environ un
an d’intervalle. L’identification à la ville a été opérationnalisée comme la fierté accor-
dée à la police locale et l’obéissance aux lois en vigueur. Au cours de la période sépa-
rant les deux enquêtes, 291 participants ont eu maille à partir avec la police ou les
tribunaux. Les individus ayant une forte identification à la ville ont réagi plus signifi-
cativement à la justice de leur traitement que ceux ayant une faible identification.
L’étude de Tyler et Degoey (1995) a concerné un échantillon de 401 résidents
d’une communauté de Californie. Les chercheurs se sont intéressés à la façon dont les
citoyens ont réagi à la pénurie d’eau en 1991. Ils ont constaté que l’interaction entre
la justice procédurale et l’identification prédit le respect accordé à la communauté.
Les autres conclusions de l’étude étaient plus mitigées, mais soutenaient générale-
ment le modèle de valeur de groupe/modèle relationnel. Dans une autre étude, Huo,
Smith, Tyler et Lind (1996) ont étudié 305 employés de différents groupes ethniques.
Huo et ses collègues ont utilisé une méthodologie rétrospective. Plus précisément, ils
ont demandé aux participants de rapporter un désaccord passé avec leur superviseur
direct. Ils leur ont demandé ensuite de décrire leurs réactions face à ce conflit. Les
résultats montrent que lorsque le subordonné s’identifiait à son patron, les considéra-
tions relationnelles (par exemple, la neutralité, la bienveillance et la reconnaissance
38 La justice organisationnelle

de statut) exerçaient des effets forts. Inversement, lorsque le subordonné ne s’identi-


fiait pas à son patron, les effets des considérations relationnelles étaient faibles et
les considérations instrumentales (par exemple, le caractère favorable du résultat)
avaient des effets forts.

Théorie de l’échange social. Il faut être prudent lorsqu’il s’agit d’aborder la théorie
de l’échange. En effet, il n’y a pas une seule « théorie », mais plutôt une famille de
modèles liés (Cropanzano, Rupp et al., 2001). Les théories modernes, par opposition
à celles plus anciennes (cf. Gergen, 1969 ; Homans, 1961 ; Kelley et Thibaut, 1978 ;
Thibaut et Kelley, 1986), ont tendance à soutenir que les individus ajustent leurs
stratégies d’échange sur la base de leurs rapports avec d’autres personnes ou avec
l’organisation. Plus précisément, il y a deux types essentiels d’échange : économique
ou social (cf. Blau, 1964 ; Cropanzano et Prehar, 2001 ; Foa et Foa, 1974, 1980 ;
Masterson, Lewis, Goldman et Taylor, 2000 ; Rousseau, 1995 ; Rousseau et Parks,
1993 ; Shore et Tetrick, 1994). Les deux types d’échange représentent les pôles oppo-
sés d’un continuum.
D’un côté du continuum, il y a les échanges économiques qui impliquent des
transactions concrètes sur des avantages, souvent de nature matérielle. Ces échanges
sont probablement quid pro quo. Par exemple, les salariés peuvent, dans leurs rela-
tions d’échange avec leurs employeurs, se limiter aux tâches pour lesquelles ils sont
précisément rémunérés. Les échanges économiques ne sont pas nécessairement fon-
dés sur la seule maximisation du profit. En effet, ils peuvent être gouvernés (au
moins partiellement) par certaines obligations entre les parties concernées par
l’échange. L’obligation la plus généralement discutée est le respect de la norme de
réciprocité. Selon cette norme, on doit rendre une faveur ou des avantages reçus
(pour une discussion classique, voir Gouldner, 1960 ; Levinson, 1965 ; Mauss, 1967).
Le manquement à cette norme en omettant de rendre le traitement favorable serait
probablement perçu comme injuste. Heureusement, le contraire est aussi vrai.
L’accomplissement des obligations de réciprocité peut favoriser le développement de
relations plus solides et un engagement mutuel entre les parties (Molm, 2003 ; Molm,
Takahashi et Peterson, 2000).
Les relations d’échange social représentent l’autre borne du continuum. Dans
les situations d’échange social, les individus échangent probablement des avantages
relativement abstraits, comme le soutien émotionnel ou l’empathie. Les échanges
sociaux ont tendance à être caractérisés par un sens de l’engagement (Bishop et
Scott, 2000 ; Bishop, Scott et Burroughs, 2000 ; Deckop, Mangel et Cirka, 1999) et
par la confiance (Konovsky et Pugh, 1994). Par conséquent, les individus dans les
relations d’échange social ne demandent pas de retour immédiat des faveurs qu’ils
accordent aux autres. Les relations d’échange social sont décrites par les participants
comme des relations à long terme et de grande qualité (cf. Liden, Sparrowe et Wayne,
1997 ; Settoon, Bennett et Liden, 1996 ; Wayne et Green, 1993 ; Wayne, Shore et
Liden, 1997). Ainsi, les individus ayant des relations d’échange social avec leur
employeur, déploient des niveaux supérieurs de performance au travail et de compor-
tements de citoyenneté organisationnelle (Cropanzano et al., 2002 ; Moorman et al.,
1998 ; Masterson et al., 2000 ; Rupp et Cropanzano, 2002).
Définitions, modèles et nouveaux développements 39

La justice organisationnelle et la théorie de l’échange social représentent deux


littératures différentes, bien que les dernières années aient connu des efforts pour les
intégrer (cf. Cropanzano, Rupp et al., 2001). Ces modèles intégratifs sont générale-
ment explicites. Ils postulent que la justice organisationnelle, et surtout la justice
procédurale et la justice interactionnelle, engendrent des relations d’échange social.
Ces relations génèrent à leur tour une plus forte performance au travail et plus de
comportements de citoyenneté organisationnelle. Autrement dit, la relation
d’échange social a un rôle médiateur. C’est la relation, et non la justice en soi, qui est
la cause proximale des comportements au travail. La justice est ainsi un antécédent
qui crée une relation de haute qualité contribuant à l’efficacité.

La théorie de l’échange social a connu un soutien empirique important. Par


exemple, Konovsky et Pugh (1994) ont appliqué la théorie de l’échange social à
475 salariés dans le secteur hospitalier. Ces auteurs ont montré que la justice procé-
durale (opérationnalisée, dans cette étude, comme une combinaison de justice procé-
durale et de justice interactionnelle) prédisait la confiance. La confiance prédisait à
son tour les comportements de citoyenneté organisationnelle (OCBs). La justice dis-
tributive n’avait pas de liens significatifs avec ces variables. Dans une autre étude,
Moorman et al. (1998) ont constaté que la justice procédurale prédisait le soutien
organisationnel perçu. Les salariés qui pensaient que leurs relations avec l’organisa-
tion reflétaient un soutien plus fort avaient des niveaux supérieurs de comportements
de citoyenneté organisationnelle. Dans une étude plus récente, Cropanzano et al.
(2002) ont distingué entre la justice procédurale et la justice interactionnelle. Ces
auteurs ont constaté que la justice procédurale prédisait les évaluations de perfor-
mance au travail. Cependant, comme prévu par la théorie de l’échange social, la rela-
tion entre justice interactionnelle et performance est médiatisée par la qualité de
l’échange entre le leader et le subordonné (LMX, voir Liden et al., 1997 ; Settoon
et al., 1996 ; Wayne et al., 1997). Les résultats trouvés par Cropanzano et ses collè-
gues sont restés significatifs même en contrôlant les perceptions de justice distribu-
tive.

Les recherches récentes admettent l’importance de la justice dans le dévelop-


pement de relations d’échange social, tout en accordant plus d’attention à l’entité
sociale en question. Masterson et ses collègues (2000) ont soutenu que les employés
peuvent développer une relation d’échange social avec leur supérieur hiérarchique
immédiat, ou avec leur employeur considéré globalement. Ces auteurs ont davantage
soutenu que la justice procédurale créerait des relations d’échange social avec l’orga-
nisation, alors que la justice interactionnelle créerait plutôt des relations d’échange
social avec le supérieur hiérarchique direct. En administrant un questionnaire à
651 employés d’une université américaine, Masterson et al. (2000) ont trouvé un fort
soutien empirique en faveur de ce modèle. D’une part, la justice procédurale était
directement liée au soutien organisationnel perçu, qui était à son tour directement
lié aux intentions de départ et aux comportements de citoyenneté favorables à l’orga-
nisation. La justice interactionnelle, d’autre part, était directement liée à la qualité
du LMX, qui était directement lié aux évaluations des performances au travail.
D’autres études empiriques (Barling et Phillips, 1993 ; Cobb, Vest, et Hills, 1997 ;
Findley, Giles et Mossholder, 2000) ont apporté un appui supplémentaire aux modèles
de l’échange social.
40 La justice organisationnelle

Récemment, Rupp et Cropanzano (2002) ont distingué la cible de la relation


de l’échange social (l’organisation vs. le supérieur hiérarchique direct) en fonction du
type de justice (procédurale vs. interactionnelle). En utilisant un échantillon de
232 dyades employés-superviseurs, ces auteurs ont mesuré à la fois la justice procé-
durale et la justice interactionnelle de la part du superviseur et de l’organisation. Les
résultats trouvés par Rupp et Cropanzano sont cohérents avec la théorie de l’échange
social. Par ailleurs, cette étude a aussi montré le rôle particulier du supérieur hiérar-
chique. Ainsi, la qualité de la relation entre le salarié et le superviseur a également
un impact significatif sur la relation du salarié avec l’organisation.

Comparaison entre le modèle relationnel et la théorie de l’échange social. Le


modèle de valeur de groupe/modèle relationnel et la théorie de l’échange social ont
globalement plusieurs points communs. Les deux modèles soutiennent que l’impact de
la justice provient de l’intérêt de l’individu pour son appartenance à des groupes qu’il
considère importants. Néanmoins, les modèles diffèrent quant à la nature de cet inté-
rêt. Dans le modèle relationnel, les individus sont plus concernés par leur position
sociale au sein du groupe. L’injustice renvoie à une sorte d’opprobre, voire de déshon-
neur et d’avilissement public, qui crée chez l’individu des inquiétudes quant à son sta-
tut au sein du groupe. La théorie de l’échange social est basée sur le sens des
obligations. Plus spécifiquement, les individus estiment qu’ils doivent quelque chose
à l’autre personne et essaient de s’acquitter de cette dette en retour. Ce qui est dû
varie évidemment selon la nature de la relation entre les parties. Il peut s’agir d’une
simple réciprocité pour les rétributions reçues (dans les relations d’échange économi-
que) ou d’une réciprocité aussi complexe que le soutien émotionnel (dans les rela-
tions d’échange social). Les deux mécanismes semblent toutefois valables. En effet,
nous reconsidérerons l’idée selon laquelle les individus ont souvent un sens de l’obli-
gation « d’agir justement ». Les recherches futures devraient explorer les circonstan-
ces dans lesquelles chacune de ces hypothèses théoriques se réalise.

4.3 MOTIF 3 : LES MOTIFS MORAUX DE LA JUSTICE


Dans un article fascinant, Greenberg et Bies (1992) mettent en évidence une appa-
rente déconnexion entre les théories de la justice organisationnelle et les théories de
l’éthique des affaires. Ce manque d’intégration est surprenant dans la mesure où tant
les auteurs de la justice que les spécialistes de l’éthique des affaires sont concernés
par la perception que les individus ont des conduites morales dans les organisations.
Cropanzano, Rupp et al. (2001) ont suggéré que l’une des raisons pour lesquelles la
recherche sur la justice organisationnelle n’a été que partiellement incorporée dans la
littérature sur l’éthique des affaires est la prédominance des deux fondements motiva-
tionnels que nous avons exposés plus haut – le motif instrumental et le motif inter-
personnel. Autrement dit, aucun de ces deux motifs n’est concerné par la justice en
soi. Dans le cadre instrumental, nous nous intéressons à la justice en tant que moyen
de s’assurer d’un avantage économique à long terme ; dans le cadre relationnel, nous
accordons de l’importance à la justice pour sauvegarder notre position et notre rang
au sein du groupe. Dans aucun des cas, les motifs de la justice ne sont vus comme
intrinsèquement intéressants. Les auteurs en éthique des affaires ont une conception
différente de la justice. Leur première préoccupation est l’identification des conduites
Définitions, modèles et nouveaux développements 41

appropriées au sein de l’organisation. Faire ce qui est juste est considéré comme ayant
une valeur au-delà des récompenses financières et sociales que cela pourrait apporter
(Halberstam, 1993 ; Henrich, Boyd, Bowles, Camerer, Fehr, Gintis et McElreath, 2001 ;
Holley, 1999).
Une approche pertinente serait donc de combler ce hiatus entre la justice
organisationnelle et les considérations éthiques. Selon cette approche, l’intérêt pour
la justice est partiellement basé sur une obligation morale. Les individus adhèrent aux
normes de la justice parce qu’ils croient que c’est conforme au devoir moral et que
c’est la meilleure chose à faire (Bies, 1993, 2001 ; Folger, 1994, 1998). Cette appro-
che est différente des deux premières expliquant l’importance de la justice par l’inté-
rêt économique et l’intérêt relationnel. Elle complète les fondements motivationnels
de la justice en se focalisant directement sur les principes moraux qui ne sont pas
explicites dans les cadres instrumental et relationnel.

Le modèle déontique. Folger (2001) estime que les individus considèrent souvent
qu’ils ont un devoir moral d’agir justement envers les autres. Les individus sont aussi
motivés par la réciprocité de la justice, même lorsque cette réciprocité ne leur profite
pas économiquement (Folger, Cropanzano et Goldman, 2005). Une revue des preuves
empiriques de cette conception a été présentée par Cropanzano, Goldman et Folger
(2003). Ces auteurs ont procédé de deux manières. D’abord, ils ont utilisé une argu-
mentation par exclusion afin d’écarter les motivations instrumentales et relationnel-
les pour la justice, ensuite ils ont eu recours à une argumentation par inclusion en
mesurant directement les valeurs attachées à la justice.
Premièrement, l’argument par exclusion suppose que si on peut exclure toutes
les autres explications plausibles de l’intérêt humain pour la justice, les possibilités
restantes seraient valables. Deux articles (Kahneman, Knetsch et Thaler, 1986 ;
Turillo, Folger, Lavelle, Umphress et Gee, 2002) ont étudié, d’une manière expérimen-
tale, les réactions des tierces personnes qui étaient témoins d’une violation de nor-
mes de justice. À ces observateurs, on avait fourni la possibilité de sanctionner le
transgresseur, bien que cette action puisse leur coûter une partie de leurs ressources
monétaires. Kahneman et ses collègues (1986) offraient aux participants à l’étude le
choix de partager une certaine somme d’argent avec d’autres participants qui avaient
déjà participé à une étude similaire. Parmi ces premiers participants, certains avaient
réparti l’argent de manière égale avec les autres alors que d’autres s’étaient montré
cupides, en privilégiant leur intérêt personnel et en s’attribuant plus d’argent que les
autres. Si les participants à la seconde étude donnaient de l’argent à un ancien parti-
cipant « impartial », ils recevaient 5 $. Si, au contraire, ils donnaient de l’argent à un
ancien participant cupide et « partial », ils recevaient 6 $. Ainsi, ils devaient renon-
cer à 1 $ pour punir le participant « partial », et simultanément récompenser le parti-
cipant « impartial ». En conformité avec le modèle déontique, 74 % des participants
ont choisi de s’allouer seulement 5 $, punissant ainsi le participant « partial ». Dans
la même lignée, une série d’expériences réalisées par Turillo et ses collègues (2002)
ont répliqué l’étude de Kahneman et al. (1986), en ajoutant quelques nouvelles carac-
téristiques importantes. Par exemple, dans la seconde expérience, certains partici-
pants avaient le choix de punir le transgresseur « partial », tout en récompensant la
victime de l’allocation injuste de la première expérience ; alors que d’autres partici-
42 La justice organisationnelle

pants avaient le choix de punir le transgresseur, tout en récompensant une personne


neutre. Conformément à l’étude de Kahneman et al. (1986), les participants voulaient
toujours renoncer aux récompenses monétaires pour s’assurer que le transgresseur de
la norme d’équité ne profite pas des résultats de l’allocation.
Deuxièmement, l’argument par inclusion cherche à évaluer directement le
modèle déontique de la justice et ainsi à écarter les autres explications plausibles.
Ces études expérimentales en laboratoire manipulent souvent des caractéristiques du
contexte, des valeurs morales et observent les comportements résultant de cette
manipulation (Vecchio, 1981 ; Greenberg, 2002). Par exemple, Vecchio (1981) a étu-
dié les réactions des individus à la sur-rémunération. Les recherches basées sur la
théorie de l’équité (Adams, 1963, 1965) avaient déjà montré que les individus qui tra-
vaillaient sous un régime à la pièce et qui se sentaient surpayés augmentaient la qua-
lité de leur production. Vecchio a étendu ces conclusions en examinant la même
situation, mais avec une mesure du développement moral. Comme prévu, Vecchio a
remarqué que seuls les individus ayant des niveaux supérieurs de développement
moral ont adopté le comportement identifié par Adams. Les individus ayant des
niveaux inférieurs de développement moral ne se sont pas comportés conformément à
la théorie de l’équité. Ces résultats prouvent que les individus valorisent l’équité,
mais seulement lorsqu’ils sont moralement responsables. Dans une étude expérimen-
tale plus récente, Greenberg (2002) a étudié les réactions des individus au sous-paie-
ment et a testé si ces réactions différaient selon le degré de développement moral.
Après les avoir sous-payés, on a donné aux employés d’un service client une opportu-
nité de voler de l’argent. Bien que le développement moral ne se soit pas avéré signi-
ficatif dans toutes les situations, il avait un impact lorsque l’organisation était la
source de la faible rémunération (par opposition aux situations où ce sont les direc-
teurs qui ont agi injustement) ; cet impact était donc significatif lorsque les indivi-
dus avaient des niveaux inférieurs de développement moral et lorsqu’aucun
programme d’éthique n’était dispensé dans l’organisation.
Comme suggéré par ces études, les individus se soucient vraiment de la justice
pour des raisons autres que des considérations purement instrumentales ou interper-
sonnelles. En se basant sur des situations d’allocation des ressources, les individus
sont souvent disposés à renoncer à des récompenses monétaires s’ils peuvent punir
une personne injuste. Dans de telles situations, les individus considèrent la justice
comme une fin en soi, plutôt que comme un moyen pour des gains économiques ou
interpersonnels.

Les obligations morales. Une autre approche de la justice et du raisonnement moral


a été fournie dans une excellente étude de Skitka (2002). Comme déjà suggéré, un
processus juste peut souvent éviter les effets négatifs d’une rétribution défavorable
(Brockner, 2002 ; Brockner et Wiesenfeld, 1996). Skitka a montré qu’il y a des limites
importantes à cet effet et que ces limites peuvent être comprises en examinant les
normes morales de l’individu. Selon Skitka, certaines rétributions révèlent des valeurs
sous-jacentes importantes. On appelle ces convictions fortes et solidement internali-
sées par l’individu « les obligations morales ». Des exemples de ces vertus incluent les
engagements forts pour ou contre des phénomènes comme l’avortement, la peine
capitale, le contrôle des armes ou la censure.
Définitions, modèles et nouveaux développements 43

Dans une série d’études, Skitka et Houston (2001) ont constaté que, lorsqu’une
obligation morale est violée, les individus ressentent souvent des niveaux inférieurs
de justice, sans nécessairement tenir compte du processus de prise de décision. Par
exemple, les participants à une recherche, basée sur un scénario hypothétique, ont
estimé qu’il est injuste de condamner une personne innocente de meurtre, même si
l’enquête a été justement réalisée. La prise en compte des procédures était impor-
tante, seulement lorsque la culpabilité du défendeur ou son innocence étaient peu
évidentes. Les recherches de Skitka sur les vertus morales sont très instructives. Cet
auteur suggère que dans les cas où une valeur importante pour l’individu est violée,
les précautions en termes de procédures ne peuvent pas compenser les perceptions
d’injustice. Les questions relatives aux motivations morales de la justice méritent une
plus grande attention de la part des théoriciens de l’organisation.

5. Conclusion et perspectives
L’objectif de ce chapitre était de fournir au lecteur une large introduction à la justice
organisationnelle, en incluant des définitions, des modèles et de nouveaux dévelop-
pements. Nous avons présenté la structure de la justice, les interactions entre les dif-
férents types de justice et les trois fondements motivationnels qui déclenchent les
perceptions de justice. Dans ces paragraphes conclusifs, nous résumerons quelques
points clés et aborderons les directions, nouvelles et intéressantes, vers lesquelles la
recherche sur la justice organisationnelle s’oriente.

5.1 REVISITER LA STRUCTURE DE LA JUSTICE


En considérant l’état de la littérature de la justice pour ce chapitre, nous avons
estimé nécessaire de présenter le modèle à trois facteurs de la justice ; celui distin-
guant la justice distributive, la justice procédurale et la justice interactionnelle. Cette
typologie reflète l’approche actuellement dominante dans la littérature. Cependant,
des travaux empiriques, récents et prometteurs, scindent la justice interactionnelle en
deux catégories : la justice informationnelle et la justice interpersonnelle (Colquitt,
2001 ; Colquitt et al., 2001 ; Greenberg, 1993a, 1993b, 1994). La comparaison des
modèles à trois et à quatre facteurs fournit des directions utiles pour les auteurs. Ceci
devrait constituer une priorité pour la recherche future.
Il est certainement important de ne pas exagérer l’opposition entre ces struc-
tures de la justice. Le modèle à quatre facteurs ne signifie pas que le modèle à trois
facteurs est incorrect, mais propose seulement la distinction au niveau interactionnel
entre une dimension interpersonnelle et une dimension informationnelle afin d’amé-
liorer la précision de l’analyse. Cette précision est certes très utile, mais remet-elle
pour autant en question tout ce que nous avons déjà appris sur les perceptions de la
justice ? Il nous semble que non ; le modèle à quatre facteurs étend, mais ne gomme
pas, les acquis du modèle à trois facteurs.
44 La justice organisationnelle

5.2 NATURE DE L’INTERACTION


Alors que l’interaction entre le processus et la rétribution est bien affirmée (Brockner,
2002 ; Brockner et Wiesenfeld, 1996), la triple interaction fournit une extension
potentiellement prometteuse. Bien que les recherches empiriques sur l’impact de la
triple interaction des types de justices sur différentes variables de comportement
soient encore très limitées, les études existantes suggèrent la robustesse de ce phé-
nomène (Cropanzano et al., 2005 ; Goldman, 2003 ; Skarlicki et Folger, 1997). Évi-
demment, des études empiriques supplémentaires sur ce thème sont à encourager.
Il est intéressant de considérer la triple interaction à la lumière de la structure
à quatre facteurs. La triple interaction utilise la justice interactionnelle comme une
variable modératrice. Néanmoins, si on considère la justice interactionnelle comme à
la fois interpersonnelle et informationnelle, quelles seraient les implications pour la
triple interaction ? Il y a, à notre avis, deux possibilités. La première, c’est qu’il y a
peut-être une quadruple interaction qui sera à identifier et à tester dans les recher-
ches futures. Dans ce cadre hypothétique, les effets négatifs de l’injustice seraient
plus forts lorsque les quatre types de justice sont perçus comme faibles. Une seconde
explication consisterait à dire que seule la justice informationnelle ou interperson-
nelle (mais pas les deux) interagit avec le processus et la rétribution. Par exemple, le
fait de donner des informations aux individus réduit éventuellement l’impact négatif
d’un processus injuste et d’une rétribution défavorable (cf. Sitkin et Bies, 1993),
alors que la justice interpersonnelle n’aurait pas cet effet modérateur. Nous recon-
naissons qu’il ne s’agit là que de spéculations. Les recherches empiriques ne l’ont pas
encore démontré, et la théorie n’est pas encore suffisamment solide non plus, pour
permettre une prédiction significative. Cependant, il serait très intéressant de consi-
dérer ces hypothèses dans les recherches futures.

5.3 MOTIFS POUR LA JUSTICE


L’étude des fondements moraux dans la justice organisationnelle constituerait un axe
de recherche très intéressant. Le travail de Folger (1998, 2001) est très instructif à ce
propos. Folger et ses collègues (voir par exemple, Cropanzano et al., 2003 ; Folger
et al., 2005 ; Turillo et al., 2002 ; Nadisic, 2006c) suggèrent que la justice traduit,
partiellement, l’exercice d’un devoir moral. Ce fondement déontique apporte un com-
plément très pertinent aux motifs instrumentaux et interpersonnels de la justice.
Dans la mesure où les recherches sur la justice organisationnelle continuent d’appro-
fondir les motifs sous-jacents aux comportements de justice, le modèle déontique
semble très prometteur. Explorer ces perspectives exaltantes, ainsi que d’autres ques-
tions sur la justice organisationnelle, s’avérerait très fécond pour de futures recher-
ches.

5.4 QUELQUES RÉFLEXIONS FINALES


Ce chapitre présente un état de l’art de la justice organisationnelle. Nous avons élargi
le débat en identifiant les limites du thème : le comportement organisationnel reste
un domaine de recherche empirique. L’objectif de cette recherche est de décrire les
événements et les actions qui permettent de promouvoir une perception de la justice
Définitions, modèles et nouveaux développements 45

(ou de l’injustice), ainsi que les attitudes, les sentiments et les comportements qui
résulteraient de ces perceptions. C’est un thème important et passionnant et nous
espérons que cet aperçu a permis de démontrer la richesse de ce champ de recherche.
Évidemment, il reste beaucoup à apprendre et beaucoup à faire pour que les entrepri-
ses profitent de cette connaissance. La recherche sur la justice organisationnelle offre
de nouveaux horizons pour rendre les organisations plus efficaces, mais surtout plus
humaines.
Chapitre 2

Justice organisationnelle :
un modèle intégrateur
des antécédents et des conséquences

Assâad EL AKREMI, Mohamed Ikram NASR, Julie CAMERMAN 1

Dans une remarquable contribution théorique faisant l’état des connaissances sur la
justice organisationnelle, Cropanzano, Byrne, Bobocel et Rupp (2001) se sont basés
sur la taxonomie de Cronbach (1957) organisant la recherche en sciences comporte-
mentales pour classer les travaux sur la justice organisationnelle en deux catégories
correspondant à deux approches différentes. Premièrement, le paradigme expérimen-
tal dit aussi « événementiel » regroupe les travaux utilisant en majorité l’expérimen-
tation pour comprendre l’impact d’événements organisationnels spécifiques sur les
jugements de justice. Deuxièmement, le paradigme corrélationnel rassemble les étu-
des qui, par des enquêtes de terrain, cherchent à examiner les relations entre les
évaluations de justice en général et les réactions des employés à l’égard de l’organi-
sation et de ses agents. Cropanzano et al. (2001) suggèrent qu’il serait particulière-
ment intéressant d’intégrer ces deux paradigmes de recherche en étudiant la relation
entre l’équité perçue des événements spécifiques que vit l’employé au sein de
l’entreprise, ses jugements sur la justice des entités sociales avec lesquelles il intera-
git (principalement l’organisation et les figures d’autorité) et ses attitudes et com-
portements à l’égard de celles-ci. Une telle intégration permettrait, selon ces
auteurs, une meilleure compréhension des dynamiques de la justice en milieu organi-
sationnel.
En réponse à cet article, Van den Bos (2001) souligne que la majorité des étu-
des sur la justice organisationnelle utilisent les enquêtes de terrain (paradigme corre-
lationnel). Ainsi, nous avons atteint un niveau de compréhension assez développé

1 Université de Toulouse 1 – LIRHE – Université Catholique de Louvain.


48 La justice organisationnelle

des effets des perceptions de justice sur les attitudes et les comportements des
employés mais nous ne connaissons que peu de choses sur deux autres questions
fondamentales : pourquoi les individus se soucient-ils de l’équité des autres à leur
égard et comment forment-ils leurs jugements de justice ? Van den Bos (2001) sou-
tient par conséquent qu’il reste beaucoup à faire dans l’étude des antécédents et des
processus psychologiques fondant les perceptions de justice organisationnelle.
Notre travail sur le présent chapitre a été l’occasion d’apprécier la pertinence
de la remarque de Van den Bos (2001). Il est, en effet, facile de constater que
l’impressionnant volume des recherches traitant de la justice organisationnelle con-
traste avec la rareté et la disparité des études empiriques sur les causes des percep-
tions de l’équité au travail et leurs processus cognitifs et affectifs. Comparées à
celles examinant les effets de la justice, ces recherches sont à la fois moins nom-
breuses et moins valorisées. Ainsi, il est étonnant de relever que même les travaux
présentant les avancées de la recherche en justice organisationnelle ne s’intéressent
qu’aux conséquences attitudinales et comportementales résultant des perceptions de
justice et négligent les antécédents de celles-ci (voir par exemple la méta-analyse de
Colquitt, Conlon, Wesson, Porter et Ng, 2001). L’ambition de ce chapitre est de faire
le point sur les antécédents, les conséquences et les facteurs modérateurs des per-
ceptions de la justice (voir figure 2.1, p. 49). Nous passerons en revue les détermi-
nants organisationnels, relationnels et individuels de ces perceptions, avant
d’examiner leurs conséquences comportementales et attitudinales. Nous soulignerons
ensuite le rôle des variables modératrices des effets de la justice et ses domaines
d’application en GRH en présentant enfin des voies prometteuses pour des recher-
ches futures.

1. Les antécédents des perceptions


de la justice organisationnelle

Il importe de préciser au préalable que les chercheurs s’accordent que les employés
utilisent certains critères pour juger de l’équité des situations et des personnes et que
c’est essentiellement la mesure dans laquelle l’organisation et ses agents respectent
ces critères qui détermine les perceptions de justice organisationnelle. En particulier,
il est admis que l’adéquation entre, d’une part, les caractéristiques des outcomes 2
décisionnels, des procédures menant à ces outcomes et du comportement inter-
personnel des figures d’autorité et, d’autre part, les normes et les principes de justice
valorisés par l’individu, détermine fortement ses jugements de la justice distributive,
procédurale et interactionnelle (Folger et Cropanzano, 1998 ; Cohen-Charash et
Spector, 2001). Par exemple, les perceptions de justice interactionnelle d’un employé
– qui estime qu’une personne juste est une personne qui respecte les autres et les
traite avec courtoisie – dépendront du respect et de la courtoisie que son supérieur
hiérarchique montrera à son égard. Même si cela peut paraître évident, il nous semble
utile de distinguer clairement entre les critères de jugement qui définissent ce que

2 Nous avons préféré garder le vocable anglais outcomes pour désigner les résultats, les récom-
penses ou les rétributions obtenus par l’individu suite à une décision organisationnelle.
Un modèle intégrateur des antécédents et des conséquences

FIGURE 2.1 – Modèle intégrateur des déterminants et des conséquences des perceptions de justice organisationnelle
49
50 La justice organisationnelle

l’individu considère comme juste et les déterminants de ses perceptions de justice qui
sont les caractéristiques des événements et des personnes faisant l’objet de ses juge-
ments.
Les informations qu’utilise l’employé pour évaluer l’équité des outcomes, des
procédures et des figures d’autorité proviennent la plupart du temps de ses propres
expériences avec ces trois éléments. De récentes recherches suggèrent, toutefois, que
les perceptions et les expériences des collègues de travail influencent aussi les per-
ceptions de justice de l’employé à travers un mécanisme de contagion sociale
(Lamertz, 2002 ; Colquitt, Zapata-Phela et Roberson, 2005). Cette influence sociale
des collègues de travail est ainsi considérée comme une quatrième catégorie de déter-
minants des perceptions de justice.
Au-delà de ces déterminants organisationnels et relationnels (les caractéristi-
ques des outcomes, des procédures et du comportement des figures d’autorité et
l’influence sociale des collègues de travail), certaines recherches soutiennent que les
perceptions de justice sont aussi influencées par des déterminants individuels tels
que les caractéristiques démographiques et les traits de personnalité (ex., Major et
Deaux, 1982 ; Wanberg, Bunce et Gavin, 1999 ; De Cremer, 2003 ; Colquitt, Scott,
Judge et Shaw, 2006). Bien que l’on ne sache pas précisément si ces variables indivi-
duelles sont des causes directes des perceptions de justice ou plutôt des modérateurs
des effets des autres déterminants sur celles-ci, nous organiserons notre revue des
travaux théoriques et empiriques portant sur les antécédents de la justice organisa-
tionnelle en deux parties : une première partie concernera les déterminants organisa-
tionnels et relationnels et une deuxième partie sera consacrée aux déterminants
individuels.

1.1 LES DÉTERMINANTS ORGANISATIONNELS ET RELATIONNELS


En milieu organisationnel, les employés évaluent la justice des événements, des
situations et des échanges relationnels qui peuvent altérer leur bien-être matériel et
socio-émotionnel. En particulier, la littérature a permis d’identifier successivement
trois types de facteurs organisationnels pouvant potentiellement provoquer les senti-
ments de justice des employés : (1) les outcomes des décisions et des pratiques orga-
nisationnelles (Adams, 1965 ; Leventhal, 1976), (2) les procédures donnant lieu à ces
outcomes (Thibaut et Walker, 1975 ; Leventhal, 1980) et (3) le comportement inter-
personnel des figures d’autorité à leur égard (Bies et Moag, 1986 ; Bies, 2001). Ces
trois déterminants correspondent aux trois évolutions conceptuelles qui ont marqué
l’histoire du champ de la justice organisationnelle : la justice distributive, la justice
procédurale et la justice interactionnelle.
En plus de ces déterminants reflétant l’expérience personnelle de l’employé, de
récentes recherches suggèrent que les perceptions de justice sont aussi déterminées
par l’influence sociale qu’exerce le groupe de travail sur l’individu (Lamertz, 2002 ;
Colquitt, 2004 ; Colquitt, Zapata-Phela et Roberson, 2005). Selon ces travaux, les
expériences et les récits des collègues de travail peuvent agir, selon un phénomène
de contagion sociale, sur les jugements de justice organisationnelle de l’employé ainsi
que sur certaines de ses réactions à l’égard de l’organisation et de ses agents. Dans ce
Un modèle intégrateur des antécédents et des conséquences 51

qui suit, nous allons passer en revue l’essentiel des travaux théoriques et empiriques
concernant ces quatre catégories de déterminants organisationnels.

1.1.1 Les outcomes des décisions et des pratiques organisationnelles


Les outcomes des décisions et des pratiques organisationnelles sont les récompenses
que reçoit l’employé en contrepartie du travail et des efforts qu’il fournit (salaire, pri-
mes, promotions, statut, etc.). L’équité de ces outcomes a dominé les premières
recherches en justice organisationnelle avec les travaux de Homans (1961) et la théo-
rie de l’inéquité d’Adams (1963, 1965) qui est souvent décrite comme la première
théorie s’intéressant explicitement aux perceptions de justice en milieu organisation-
nel (Byrne et Cropanzano, 2001). Depuis, plusieurs avancées ont permis d’améliorer la
compréhension de l’impact des récompenses sur les perceptions de justice distributive
(Ambrose et Arnaud, 2005). Ainsi, certaines recherches récentes montrent que l’éva-
luation de l’équité d’un outcome se base sur l’appréciation de sa valeur (Greenberg,
2001) ainsi que sur son caractère approprié, moral ou éthique (Folger et Cropanzano,
1998), c’est-à-dire sur sa cohérence avec les normes d’allocation valorisées par l’indi-
vidu en termes de critères d’équité, d’égalité et de besoin (Colquitt, 2001 ; Colquitt,
Greenberg et Zapata-Phelan, 2005).
Concernant la valeur de l’outcome, les chercheurs s’accordent sur le fait que la
justice est au moins partiellement déterminée par le caractère favorable ou pas de
l’outcome tel que perçu par l’individu, même si dans certaines circonstances 3, un out-
come défavorable peut paradoxalement être perçu comme juste (Messik et Sentis,
1979 ; Greenberg, 1994 ; Brockner, Chen, Mannix, Leung et Skarlicki, 2000 ; Skitka,
Winquist et Hutchinson, 2003). Les résultats de la méta-analyse de Cohen-Charash et
Spector (2001) suggèrent que le caractère défavorable de l’outcome est négativement
et fortement corrélé aux perceptions de justice distributive (r = -0.49). L’influence de
la valeur de l’outcome sur les jugements de justice peut s’expliquer par l’existence
d’un biais égocentrique qui fait que « les individus pensent que les modes d’allocation
qui leur sont les plus bénéfiques sont les plus justes » (Greenberg, 2001, p. 251).
Au-delà de sa valeur, un outcome sera considéré comme juste s’il respecte les
normes d’allocation valorisées par l’individu ou le groupe concerné. Une norme d’allo-
cation est « une règle sociale qui spécifie les critères définissant certaines distribu-
tions de récompenses et de ressources comme équitables et justes » (Leventhal,
1976, p. 94). La littérature fait état d’au moins trois normes ou règles de
distribution 4 : l’équité, l’égalité et le besoin (Deutsch, 1975, 1985 ; Leventhal,
1976). Un jugement porté sur la justice d’une allocation donnée est le plus souvent
bâti sur une combinaison de ces trois normes, plutôt que sur la primauté d’une seule
(Kellerhals, 1995). Ceci dit, la prédominance d’une règle par rapport aux autres est

3 Un outcome décisionnel négatif peut être perçu comme juste si les procédures qui l’ont engen-
dré sont perçues comme justes et si ces procédures ont été expliquées adéquatement, sincèrement et
avec respect (voir le chapitre de Bagger, Cropanzano et Ko pour plus de détails sur cet effet d’inte-
raction).
4 Certains auteurs élargissent la liste des normes de justice distributive et identifient quatre
(Lerner, 1977) ou même dix-sept (Reis, 1986) règles d’allocation, mais l’approche distinguant les
trois normes d’équité, d’égalité et de besoin est de loin la plus dominante et la plus acceptée.
52 La justice organisationnelle

fonction des caractéristiques culturelles, des objectifs poursuivis par le décideur, de


la proximité affective entre les acteurs impliqués dans l’échange, de la nature et de la
rareté des ressources à distribuer (Leventhal, 1976 ; Deutsch, 1985 ; James, 1993 ;
Kellerhals, 1995 ; Chen, Meindl et Hui, 1998).
La norme de l’équité suppose que les rétributions reçues soient proportionnel-
les aux contributions réalisées (Greenberg, 1987a). En d’autres termes, une récom-
pense est perçue comme juste si elle se base sur l’évaluation et la rétribution des
contributions relatives de chacun (Cropanzano et Ambrose, 2001). Selon la théorie de
l’inéquité d’Adams (1965), les individus évaluent de manière cognitive le rapport
entre leurs contributions et les rétributions qui en résultent et ce en le comparant au
ratio d’une autre personne prise comme référent. Le sentiment de justice est alors
basé sur un mécanisme psychologique caractérisé par l’exigence d’égale proportionna-
lité entre les contributions et les gratifications des divers acteurs comparés. Un out-
come sera perçu comme injuste quand la personne juge que son ratio de rétributions /
contributions et celui de la personne prise comme référent sont différents. En philo-
sophie morale, la norme de l’équité est un fondement de la justice selon les mérites
d’Aristote, qui suggère qu’une allocation juste des ressources serait celle établie selon
la règle de proportionnalité entre apports et récompenses (Greenberg et Bies, 1992).
Rawls (1971) définit quant à lui le principe de l’équité comme un principe moral qui
repose sur l’idée selon laquelle les individus qui ont accepté une limitation de leur
liberté afin de respecter les règles de la coopération sociale ont le droit d’exiger un
engagement semblable de la part de ceux qui en tirent avantage. Dans le champ de la
recherche organisationnelle, la rétribution au mérite constitue une incitation à pro-
duire plus et mieux (Sheppard et Tuchinsky, 1996). Cette norme a été en outre celle
qui a le plus retenu l’attention des chercheurs en justice organisationnelle parce
qu’elle s’accorde avec les situations où la performance et la productivité sont souhai-
tées (Colquitt, 2001).
L’alternative la plus intuitive à la règle de l’équité est celle de l’égalité dite
aussi norme de parité. Cette norme décrit les décisions d’allocation par lesquelles les
ressources sont distribuées de manière égale à toutes les parties, sans tenir compte
des différences de contribution (Deutsch, 1985 ; Chen, Meindl et Hui, 1998). Ici, la
justice distributive est atteinte quand chaque membre d’un groupe social donné
reçoit la même part des ressources allouées (Cropanzano et Ambrose, 2001). La règle
de l’égalité est supposée promouvoir l’harmonie sociale (Leventhal, 1976 ; Greenberg,
1987a), puisqu’elle influence positivement le sens d’appartenance et donc l’identifi-
cation de chaque membre au groupe (Sheppard et Tuchinsky, 1996). La norme du
besoin, représentant la troisième règle d’allocation, est celle qui est la moins étudiée.
Elle stipule qu’une allocation juste des ressources permettrait d’assurer la satisfaction
des besoins élémentaires de chacun (Deutsch, 1985 ; Sheppard et Tuchinsky, 1996).
La règle d’allocation selon les besoins pourrait être résumée par l’expression : « De
chacun selon ses possibilités, à chacun selon ses besoins » (Kellerhals, 1995, p. 265).
En somme, les perceptions de justice distributive semblent être déterminées
par le degré de cohérence entre, d’une part, les outcomes des décisions organisation-
nelles et, d’autre part, les normes d’allocation préférées par les individus concernés.
Par ailleurs, le jugement porté sur une rétribution ne repose pas sur un mécanisme
aussi simple que semble le suggérer la présentation des normes d’allocation. Nombre
Un modèle intégrateur des antécédents et des conséquences 53

de facteurs culturels, relationnels et individuels paraissent influencer la préférence de


l’une ou de l’autre de ces trois normes.

Normes d’allocation et facteurs culturels, relationnels et individuels


Tout d’abord, l’appartenance culturelle pourrait déterminer l’importance accordée par
les individus à la justice en règle générale (Kidder et Miller, 1991 ; Tyler, Boeckmann,
Smith et Huo, 1997) ainsi que la manière avec laquelle ceux-ci interprètent les événe-
ments organisationnels et définissent les comportements socialement appropriés
(Skarlicki, 2001). De plus, les recherches empiriques soutiennent fortement que les
normes d’évaluation des outcomes sont différentes dans les cultures collectivistes et
les cultures individualistes (Greenberg, 2001). Ainsi, il est généralement admis que
les personnes appartenant à une culture collectiviste ont tendance à juger les out-
comes suivant les règles de l’égalité et du besoin alors que, dans une culture indivi-
dualiste, les allocations de ressources sont considérées comme plus justes quand elles
respectent la règle de l’équité (Murphy-Berman, Berman, Singh, Pachauri et Kumar,
1984 ; Kim, Park et Suzuki, 1990 ; Miles et Greenberg, 1993 ; Morris et Leung, 2000 ;
Greenberg, 2001 ; Murphy-Berman et Berman, 2002 ; Clayton et Opotow, 2003). Cer-
taines études ont montré, par exemple, que les Américains préfèrent les distributions
selon le mérite (Deutsch, 1985 ; Leung et Bond, 1984 ; Miles et Greenberg, 1993),
que les Chinois et les Coréens sont plus favorables à l’utilisation de la règle de l’éga-
lité (Leung et Bond, 1984 ; Kim, Park et Suzuki, 1990) et que les Indonésiens et les
Indiens estiment plus juste l’allocation selon les besoins (Murphy-Berman et al.,
1984 ; Murphy-Berman et Berman, 2002). Toutefois, notons que quelques travaux
(ex., Leung et Iwawaki, 1988 ; Chen, Meindl et Hui, 1998) vont à l’encontre de ces
affirmations et suggèrent que les préférences d’allocation ne sont pas déterminées
par l’appartenance culturelle mais plutôt par la situation et la nature de la relation
dans lesquels se fait la distribution.
Selon ces auteurs, le jugement d’une allocation dépend de la nature de la rela-
tion entre les acteurs. Les idéaux et les critères de justice sont dans cette perspective
influencés par la proximité affective et culturelle de la relation entre les individus. La
règle du mérite et de l’équité semble plus pertinente lorsque la relation met en inte-
raction des personnes ni trop proches ni trop différentes alors que la règle du besoin
prend davantage d’importance quand il s’agit d’acteurs proches affectivement et cul-
turellement (Martin et Harder, 1994 ; Kellerhals, 1995 ; Chen et al., 1998). De même,
l’interdépendance des acteurs peut jouer un rôle important. Ainsi, la règle de l’équité
est préférée dans les situations où l’interdépendance est faible, alors que la règle de
l’égalité est préférée lorsque l’interdépendance est forte (Chen et al., 1998).
D’autres chercheurs ont suggéré que le choix de l’application d’une norme ou
d’une autre dépend aussi de l’objectif principal de la situation d’échange considérée.
Plus précisément, Deutsch (1975) et Leventhal (1976) ont soutenu que la règle de
l’équité est la plus appropriée quand l’objectif est de promouvoir la productivité indi-
viduelle et la compétition. Par contre, la règle de l’égalité serait plus appropriée pour
encourager la solidarité et l’harmonie au sein du groupe, et l’allocation selon les
besoins de chacun favorise le bien-être et le développement personnels. Enfin, les
préférences d’allocation semblent dépendre aussi de certains facteurs individuels tels
que l’identité sociale, le statut socio-économique, le niveau d’ambition personnelle et
54 La justice organisationnelle

le cadre éthique adopté (Kellerhals, Modak et Sardi, 1995 ; Schminke, Ambrose et


Noel, 1997 ; Chen et al., 1998). Ainsi, on pense par exemple que le mérite est plus
important lorsqu’on est en haut de la hiérarchie sociale, alors que le besoin et l’éga-
lité sont plus valorisés en bas de l’échelle hiérarchique (Kellerhals, Modak et Sardi,
1995 ; Chen et al., 1998).
En résumé, les recherches des quatre dernières décennies ont établi que la jus-
tice distributive est déterminée par la mesure dans laquelle les outcomes reçus sont
favorables et respectent les normes et les principes d’allocation préférés par l’individu
concerné dans un contexte relationnel et culturel donné. Le deuxième facteur organi-
sationnel susceptible d’être évalué en termes de justice correspond aux procédures
donnant lieu à ces outcomes. Le paragraphe suivant s’intéresse aux antécédents de la
justice perçue de ces procédures.

1.1.2 Les procédures organisationnelles


Suite aux travaux sur la justice distributive et en particulier à la théorie de l’inéquité
(Adams, 1965), s’est développé un deuxième courant de recherche s’intéressant à la
justice des procédures par lesquelles les outcomes sont déterminés (Thibaut et Walker,
1975 ; Leventhal, 1980 ; Lind et Tyler, 1988 ; Tyler et Lind, 1992). Les recherches sur
la justice procédurale ont vu le jour dans le champ d’investigation psychosociale des
phénomènes juridiques avec les travaux de Thibaut et Walker (1975) sur la comparai-
son entre les systèmes juridiques anglo-américains et européens. Ces auteurs soutien-
nent l’idée que le processus de résolution de conflit se divise en deux phases : la
phase de processus et la phase de décision. Leurs résultats suggèrent que le système
anglo-américain est considéré comme plus équitable par les parties prenantes car,
contrairement au système européen, il leur permet de participer et d’influencer le pro-
cessus de prise de décision.
À partir de cette comparaison, Thibaut et Walker (1975, 1978) ont conclu
qu’une procédure sera jugée d’autant plus juste qu’elle permet aux personnes concer-
nées d’avoir : (1) un contrôle sur le processus (avoir l’opportunité d’exprimer son avis
et de présenter son argumentation durant le processus de prise de décision) et (2) un
contrôle sur la décision (la possibilité d’influencer le résultat décisionnel per se).
Depuis, ces deux critères de justice procédurale ont reçu un fort appui empirique dans
le contexte organisationnel (ex., Lissak, 1983 ; Bies et Shapiro, 1988 ; Korsgaard et
Roberson, 1995 ; Cohen-Charash et Spector, 2001 ; Colquitt, 2001) et ont été systé-
matiquement cités par les travaux qui s’intéressent à la justice procédurale. Par exem-
ple, en alternant entre expérimentation et enquête de terrain, Bies et Shapiro (1988)
ont montré que les procédures qui offrent aux employés la possibilité de participer au
processus de prise de décision sont perçues comme plus justes que celles qui ne le
permettent pas. Aussi, la méta-analyse de Cohen-Charash et Spector (2001) fait-elle
état d’une forte corrélation entre la mesure dans laquelle les procédures organisation-
nelles permettent aux employés de participer à la prise de décision et la justice per-
çue de ces procédures (r = 0.52).
Alors que l’approche de Thibaut et Walker (1975) s’intéressait uniquement à la
participation et au contrôle sur le processus de prise de décision, Leventhal (1980)
élargit, quant à lui, le concept de justice procédurale en le reliant à d’autres critères.
Un modèle intégrateur des antécédents et des conséquences 55

Il suggère que, pour être perçue comme justes, les procédures utilisées dans une déci-
sion ou une pratique organisationnelle doivent satisfaire six critères. C’est la mesure
dans laquelle ces procédures :
1. sont exemptes de biais, c’est-à-dire qu’elles ne doivent pas être influençables
par la recherche de l’intérêt personnel des décideurs (Bias-suppresion rule) ;
2. donnent lieu à des allocations cohérentes, c’est-à-dire s’appliquent de manière
impersonnelle et intemporelle. Cette règle implique une certaine stabilité des
caractéristiques de la procédure dans le temps et une élimination de toute
forme de favoritisme (aucune personne ne pourra avoir un avantage particu-
lier) (Consistency rule) ;
3. sont basées sur des informations fiables, précises et des avis informés afin de
minimiser la probabilité d’erreur (Accurancy rule) ;
4. permettent aux individus de réviser et de corriger les décisions en leur don-
nant la possibilité de faire appel (Correctability rule) ;
5. représentent les intérêts, les valeurs et les objectifs majeurs de toutes les par-
ties (individus et groupes) affectées par la décision (Representativeness rule).
Cette règle correspond à la notion de contrôle du processus de Thibaut et
Walker (1975) ;
6. respectent les standards éthiques et les valeurs morales valorisés par les indi-
vidus concernés (Ethicality rule).

Plusieurs travaux ont testé et validé empiriquement les propositions de Leven-


thal (1980) (ex., Barrett-Howard et Tyler, 1986 ; Greenberg, 1986, 1987b, 1991 ;
Kravitz, Stone-Romero et Ryer, 1997 ; Bauer, Maertz Jr, Dolen et Campion, 1998 ; Col-
quitt, 2001 ; Myyry et Helkama, 2002). Par exemple, Greenberg (1987b) a montré que
l’usage d’informations perçues comme fiables pour fonder l’évaluation de la perfor-
mance des employés agit positivement sur l’équité perçue du système d’évaluation, de
l’évaluateur et des résultats de l’évaluation. D’autres recherches ont aussi démontré
que les jugements de justice procédurale sont affectés par le niveau d’absence de
biais (Kravitz et al., 1997), par la cohérence des décisions prises (Barrett-Howard et
Tyler, 1986), par la possibilité de participer à l’élaboration des procédures (Renn,
1998) et par la possibilité de les revoir et de les corriger (Greenberg, 1986). Ces
résultats empiriques confirment l’intérêt et la pertinence des critères proposés par
Leventhal (1980).
Il est ainsi largement admis que, lorsque les procédures sous-tendant les déci-
sions et les pratiques organisationnelles respectent les principes identifiés par
Thibaut et Walker (1975) et par Leventhal (1980), celles-ci influencent fortement les
perceptions de justice procédurale (Cropanzano, Rupp, Mohler et Schminke, 2001 ;
Folger et Cropanzano, 1998 ; Colquitt Zapata-Phela et Roberson, 2005). Plusieurs
chercheurs ont suggéré que les caractéristiques des procédures agissent aussi sur
l’évaluation et l’acceptation des outcomes des décisions organisationnelles (ex., Tyler
et Folger, 1980 ; Lind et Earley, 1992 ; Brockner et Siegel, 1996 ; Brockner et
Wiesenfeld, 1996 ; Van den Bos, Vermunt et Wilke, 1997 ; Brockner, Ackerman et
Fairchild, 2001). Quand la procédure est perçue comme équitable, les employés ont
tendance à accepter et à réagir plus positivement aux outcomes reçus même si ces
56 La justice organisationnelle

derniers sont défavorables (Van den Bos, 2005). Cet effet d’interaction 5 entre procé-
dures et outcomes, connu sous le nom du fair process effect, pourrait s’expliquer par le
fait que, comparées aux outcomes décisionnels, les procédures offrent des informa-
tions qui révèlent plus d’éléments sur le statut, l’intégration et l’appartenance de
l’employé au sein de son groupe ainsi que sur l’estime que lui portent les figures
d’autorité ; ces informations sont généralement les premières disponibles et sont plus
facilement interprétables que les informations sur les outcomes (Van den Bos et al.,
1997).

1.1.3 Les rôles des figures d’autorité


Au milieu des années 1980 et sous l’impulsion des travaux de Bies et de ses collègues
(Bies et Moag, 1986 ; Bies, 1987 ; Bies et Shapiro, 1987, 1988 ; Folger et Bies,
1989 ; Tyler et Bies, 1990), un troisième courant de recherche s’est développé s’inté-
ressant aux rôles du supérieur hiérarchique dans la formation des perceptions de jus-
tice par les subordonnés. Ce courant de recherche a donné naissance au concept de
justice interactionnelle en montrant que les employés prennent en considération
l’équité de leur supérieur hiérarchique dans leur évaluation de la justice organisation-
nelle.
En effet, Bies et Moag (1986) soutiennent que la justice perçue des figures
d’autorité est conditionnée par le respect de quatre règles de comportement
interpersonnel : (1) la justification (la mesure dans laquelle le supérieur explique de
manière adéquate le pourquoi des pratiques et des décisions), (2) la sincérité (la
mesure dans laquelle il tient ses promesses et ne ment pas), (3) le respect (la mesure
dans laquelle il traite ses subordonnées avec dignité, politesse et respect), et (4) la
mesure dans laquelle il s’abstient d’utiliser des remarques déplacées ou des propos inju-
rieux. Ces quatre critères ont été généralement étudiés comme représentant deux
facettes de la justice interactionnelle. La facette informationnelle – dite aussi la
facette des explications (explanations ou social accounts) – intègre les deux premiers
critères identifiés par Bies et Moag (1986), et la facette interpersonnelle, dite aussi
sensibilité interpersonnelle (interpersonal sensivity), qui correspond aux deux autres
critères (Greenberg, 1993b ; Colquitt, 2001). Ainsi, on pense que la justice inter-
actionnelle est atteinte lorsque les supérieurs hiérarchiques traitent leurs subordon-
nés avec respect, sincérité et sensibilité et qu’ils leur expliquent les raisons justifiant
les décisions et les procédures qui les concernent.
Ces deux facettes de la justice interactionnelle correspondent en réalité à deux
rôles que doit jouer le supérieur hiérarchique dans ses interactions avec les employés
pour être perçu comme juste. Les travaux à ce sujet suggèrent que les subordonnés
considèrent leur supérieur hiérarchique comme étant à la fois un partenaire relation-
nel à part entière, et un agent ou un représentant de l’organisation (Ambrose et
Schminke, 2003). Cette dualité de rôle du supérieur hiérarchique peut être expliquée
par le fait qu’il est chargé de la mise en œuvre et de l’explication des stratégies, des
décisions, des procédures et des pratiques organisationnelles et qu’il entretient en

5 Voir le chapitre de Bagger, Cropanzano et Ko dans ce volume pour plus de détails concernant
l’interaction entre justice procédurale et justice distributive.
Un modèle intégrateur des antécédents et des conséquences 57

même temps une relation quotidienne et personnelle avec les employés (Whitener,
1997).

La facette informationnelle : mettre en application et expliquer les décisions et les pro-


cédures organisationnelles
Selon Folger et Cropanzano (1998, 2001), les jugements de justice se basent sur un
processus d’attribution des responsabilités où l’individu essaie, à travers l’imagination
de scénarios alternatifs – ce qui aurait, aurait pu et aurait dû se passer –, d’évaluer la
responsabilité des autres dans la situation considérée. C’est pour former de tels juge-
ments que l’individu cherche généralement à comprendre les circonstances et les cau-
ses des décisions et des événements qui le concernent, surtout quand ceux-ci sont
négatifs, inattendus ou controversés (Bies, 1987 ; Cropanzano et Wright, 2003 ;
Bobocel et Zdaniuk, 2005). En milieu organisationnel, les explications données par le
supérieur ont été considérées comme une source particulièrement importante d’infor-
mations permettant à l’employé de comprendre et de juger l’équité des procédures,
des décisions et des pratiques organisationnelles (Bies et Moag, 1986 ; Lind et Tyler,
1988 ; Tyler et Bies, 1990 ; Bobocel et Zdaniuk, 2005). Il a été ainsi suggéré que
« les employés n’ayant souvent que peu de connaissances directes sur les procédures
par lesquelles les décisions organisationnelles sont prises, les explications données
par les leaders pourraient être la principale base, si ce n’est parfois la seule, sur
laquelle les employés décident si une situation est juste ou injuste » (Bobocel et
Zdaniuk, 2005, p. 470).
Depuis, en reprenant la taxonomie de Scott et Lyman (1968), la plupart des
recherches distinguent entre deux formes d’explications : les excuses et les justifica-
tions. Une excuse est une explication causale par laquelle le décideur admet le carac-
tère défavorable ou inapproprié de l’événement mais conteste sa responsabilité
personnelle renvoyant à l’absence d’une mauvaise intention de sa part et aux effets
de circonstances externes qui échappent à son contrôle (Folger et Cropanzano, 1998 ;
Shaw, Wild et Colquitt, 2003 ; Bobocel et Zdaniuk, 2005). Au contraire, la justification
est une explication par laquelle l’acteur admet sa responsabilité dans ce qui s’est
passé mais essaie de tempérer le caractère négatif ou inapproprié de la situation
(Bies, 1987 ; Shaw et al., 2003 ; Bobocel et Zdaniuk, 2005).
Plusieurs recherches ont examiné les effets des explications (justifications et
excuses) sur les perceptions de justice organisationnelle (ex., Bies et Shapiro, 1987,
1988 ; Gilliland, 1994 ; Gopinath et Becker, 2000 ; Gilliland et al., 2001; Shaw et al.,
2003 ; Hausknecht, Day et Thomas, 2004). Généralement, les résultats de ces études
montrent que, lorsqu’un événement controversé, inattendu ou négatif est adéquate-
ment et sincèrement expliqué par les figures d’autorité, les employés réagissent plus
positivement à l’égard de l’événement, du décideur et de l’organisation dans son
ensemble (pour une revue de ces études, voir Bobocel et Zdaniuk, 2005). Par exemple,
Bies et Shapiro (1988) montrent en utilisant l’expérimentation (étude 1 : processus
de recrutement) et l’enquête de terrain (étude 2 : décision d’attribution de budget)
que la présence de justifications de la part du décideur influence positivement les
jugements de justice de la situation. De même, les travaux de Gilliland (1993, 1994 ;
Gilliland et al., 2001), de Cropanzano et Wright (2003) et de Hausknecht et al. (2004)
suggèrent que, lorsque le recruteur explique de manière adéquate la procédure de
58 La justice organisationnelle

sélection, les candidats perçoivent celle-ci comme plus juste. Gopinath et Becker
(2000) montrent, pour leur part, que dans un contexte de restructuration, les explica-
tions managériales qui aident les employés à comprendre les événements influencent
positivement leurs perceptions de justice procédurale concernant les réductions des
effectifs qui en résultent. Enfin, dans une récente méta-analyse, Shaw et al. (2003)
montrent que des explications (justifications et excuses) adéquates déterminent les
perceptions de justice procédurale (r = 0.49) et distributive (r = 0.40).
Même si peu d’études ont examiné le processus psychologique sous-tendant les
effets des explications (Bobocel et Zdaniuk, 2005), il est communément admis que
des explications adéquates sont valorisées par les employés pour le respect et l’estime
qu’elles véhiculent et les informations qu’elles apportent concernant le pourquoi et le
comment de la prise de décision (Bies et Moag, 1986 ; Lind et Tyler, 1988 ; Tyler et
Bies, 1990 ; Tyler et Lind, 1992 ; Greenberg, 1993b). Il est aussi important de noter
que les effets bénéfiques des explications ne sont pas systématiques et que celles-ci
ne sont efficaces que lorsqu’elles sont perçues par les employés comme adéquates et
sincères (Bies et Shapiro, 1987, 1988 ; Folger et Cropanzano, 1998 ; Shaw et al.,
2003 ; Bobocel et Zdaniuk, 2005). C’est pour cette raison que les chercheurs prévien-
nent les managers que toutes les explications ne se valent pas et que c’est la perti-
nence et la sincérité de l’explication qui sont davantage à privilégier (Bobocel et
Zdaniuk, 2005).

La facette interpersonnelle : le supérieur hiérarchique comme partenaire relationnel


Être équitablement traité par son supérieur dépasse la simple explication des caracté-
ristiques formelles des procédures et des décisions organisationnelles (Folger et
Cropanzano, 1998). Les employés s’attendent aussi à ce que les dirigeants les traitent
avec respect, honnêteté, courtoisie et politesse, qu’ils se soucient de leurs droits et
leur bien-être et qu’ils respectent certains standards moraux des comportements inter-
personnels (Bies et Moag, 1986 ; Bies, 2001). Le supérieur hiérarchique est considéré
comme un partenaire relationnel et la mesure dans laquelle il respecte les principes du
comportement interpersonnel constitue une base qu’utilisent les employés pour juger
de sa justice (Bies, 2001) et de sa loyauté (Tyler et Degoey, 1996). Décrivant les effets
de la sensibilité interpersonnelle sur les perceptions de justice, Bies et Tripp (2001 :
201) stipulent que « les violations ne sont pas limitées aux règles formelles mais
incluent aussi les infractions des normes sociales et de l’étiquette. Par exemple, quand
les supérieurs hiérarchiques ou les collègues de travail font des promesses mais ne les
tiennent pas (…), les victimes pourraient être incitées à venger ces torts. » Sur le
plan empirique, certaines études ont apporté un soutien aux effets du respect, de
l’honnêteté et de la sensibilité interpersonnelle sur les perceptions de justice inter-
actionnelle (ex., Bies, 1987 ; Greenberg, 1993a ; Bies et Tripp, 1996). Par exemple, en
utilisant la méthode des incidents critiques, Bies (1987) a montré que le respect
qu’accordent les supérieurs hiérarchiques à leurs subordonnés détermine les percep-
tions de justice interactionnelle de ces derniers. Dans le même sens, Greenberg
(1993a) a montré dans une étude expérimentale que porter de l’intérêt aux sentiments
des individus a des effets positifs sur leurs perceptions de justice.
Une explication des effets des éléments interpersonnels sur les perceptions de
justice peut se trouver dans l’interprétation que fait Bies (2001) des analyses de Cahn
Un modèle intégrateur des antécédents et des conséquences 59

(1949). En effet, partant des travaux de Cahn sur le sentiment d’injustice, Bies (2001)
formule l’hypothèse selon laquelle les gens voient leur personne comme sacrée. En
particulier, ce sens du sacré implique la préservation d’une personnalité inviolée,
l’indépendance individuelle et le respect de la dignité et de l’intégrité de la personne.
Selon Cahn, la limité du « soi sacré » se définit à partir de l’examen des outrages qui
le violent. Bies (2001) identifie à cet égard une variété d’événements organisation-
nels de nature interpersonnelle qui violent le « soi sacré » et qui devraient ainsi sus-
citer le sentiment d’injustice (ex. : la trahison de la confiance, les promesses non
tenues, l’invasion de la vie privée, le manque de respect). Par exemple, Bies (2001)
suggère que faire confiance à une autre personne engendre une vulnérabilité et
expose le « soi sacré ». Dans le cas où cette autre personne ne tient pas ces promes-
ses ou se conduit de manière irrespectueuse, la victime va considérer que sa vulnéra-
bilité a été exploitée, ressentira un sentiment d’injustice (Bies et Tripp, 1996) et
jugera cette personne comme inéquitable. Bies (2001) conclut que la qualité du trai-
tement interpersonnel reçu peut avoir un impact sur l’identité de l’employé et que
dans le cas où ce traitement communique de l’irrespect (ou traduit toute autre viola-
tion des normes morales de la conduite interpersonnelle), il devrait susciter le senti-
ment d’injustice.
Pour clore ce paragraphe, il est important de remarquer que les rôles informa-
tionnel et interpersonnel du supérieur hiérarchique ne sont pas indépendants mais se
chevauchent mutuellement puisque donner une explication adéquate et sincère pour
une décision controversée constitue aussi une expression du respect du supérieur à
l’égard de ses subordonnées et de l’intérêt porté à leurs sentiments et à leur bien-être
(Folger et Cropanzano, 1998).
Les déterminants des perceptions de justice présentés jusqu’ici relèvent de
l’expérience personnelle et individuelle de l’employé. Un autre déterminant organisa-
tionnel influençant les perceptions de justice traduit l’aspect social et collectif de la
formation de ces perceptions en mettant en exergue le rôle des expériences et des
perceptions des collègues de travail comme source d’influence sociale sur les juge-
ments faits par les employés.

1.1.4 L’influence des collègues de travail


Récemment, certains chercheurs ont suggéré qu’en plus de ses expériences personnel-
les, l’employé se base sur les expériences et les récits de son entourage immédiat
pour former ses perceptions de justice organisationnelle (Lind, Kray et Thompson,
1998 ; Lamertz, 2002 ; Colquitt, 2004 ; Degoey, 2000 ; Colquitt et al., 2005). En par-
ticulier, les collègues de travail ont été considérés comme des agents de contagion
sociale dans le sens où ils représentent une importante source de comparaison
sociale, d’identification et d’informations pertinentes sur les caractéristiques des pro-
cédures appliquées et la signification des comportements interpersonnels des supé-
rieurs hiérarchiques. L’ensemble de ces éléments permet ainsi aux employés de juger
de l’équité des événements et des partenaires auxquels ils ont à faire au sein de
l’organisation (Lamertz, 2002 ; Umphress, Labianca, Brass, Kass et Schloten, 2003).
Quand un employé est incertain concernant son évaluation de l’équité des décisions,
des pratiques et des figures d’autorité (Van den Bos et al., 1997 ; De Cremer et Sedi-
kides, 2005), les informations que lui procurent les récits et les expériences de justice
60 La justice organisationnelle

vécus par ses collègues peuvent l’aider à interpréter ces événements et par la suite
influencer ses jugements de justice et ses réactions envers l’organisation et ses
agents (Lamertz, 2002 ; Colquitt et al., 2005). De plus, cette influence des collègues
pourrait être plus importante dans le cadre du travail par équipe où l’interdépendance
des tâches et des résultats, les processus d’identification sociale et l’absence relative
d’autorité hiérarchique (Colquitt et al., 2005) augmentent la fréquence des interac-
tions et le niveau d’interdépendance entre les coéquipiers et accentuent ainsi le sen-
timent d’un destin commun (Bishop et al., 2000 ; Cole et al., 2002).
Les effets des expériences et des récits des collègues et des coéquipiers sur les
jugements de justice de l’employé ont été testés et validés empiriquement par de
nombreuses études (Lind, Kray et Thimpson, 1998 ; Van den Bos et Lind, 2001 ; Kray
et Lind, 2002 ; Lamertz, 2002 ; Colquitt, 2004 ; Colquitt et al., 2005 ; De Cremer et
Van Hiel, 2006). Les résultats de ces travaux suggèrent généralement que les expé-
riences et les perceptions de justice des collègues de travail déterminent directement
les perceptions de justice de l’employé, mais dans une moindre mesure que ses pro-
pres expériences, de telle façon qu’il faut beaucoup d’injustice « indirecte » pour éga-
ler une petite expérience personnelle d’injustice (Lind et al., 1998, p. 17). Ainsi, dans
une étude de terrain portant sur un échantillon de 115 employés, Lamertz (2002) a
trouvé que les perceptions de justice interactionnelle et procédurale sont influencées
par les perceptions de justice interactionnelle des collègues de travail les plus pro-
ches. Colquitt (2004) a fait quant à lui état de résultats, quelque peu différents, mais
tout aussi intéressants. En effet, les deux études expérimentales menées par cet
auteur suggèrent que les expériences personnelles de justice et celles des autres inte-
ragissent pour déterminer les perceptions, les attitudes et les comportements indivi-
duels de telle façon que la relation entre le vécu personnel des participants, d’une
part, et leurs perceptions de justice, leur niveau de coopération et de performance,
d’autre part, était plus forte quand leurs coéquipiers étaient traités équitablement
que lorsque ceux-ci étaient traités de manière injuste. Ces résultats ouvrent une nou-
velle voie de recherche sur l’aspect social de la construction des perceptions de jus-
tice en proposant des nouveaux mécanismes par lesquels ceux qui nous entourent
influencent nos perceptions, nos jugements et nos réactions.
En somme, le soutien empirique apporté par l’ensemble de ces travaux con-
firme que le courant dit de « la construction sociale des perceptions de justice »
(Lamertz, 2002 ; Degoey, 2000) apporte une vision originale et intéressante au
champ de la justice organisationnelle. Notre interprétation et nos jugements sur la
justice de notre environnement organisationnel et interpersonnel ne sont pas une
affaire purement personnelle, mais dépendent, en plus, de nos propres expériences,
de ce que nos proches ont vécu et ce qu’ils nous racontent.

1.2 LES DÉTERMINANTS INDIVIDUELS : TRAITS DE PERSONNALITÉ ET


CARACTÉRISTIQUES DÉMOGRAPHIQUES

Dans notre revue de la littérature, il nous a semblé paradoxal que le rôle des différen-
ces individuelles sur les perceptions de justice ait suscité un intérêt si limité. Les
recherches dans le domaine du comportement organisationnel ont généralement sou-
tenu l’idée selon laquelle les individus diffèrent quant à leurs attentes, préférences,
Un modèle intégrateur des antécédents et des conséquences 61

sensibilités, valeurs et choix des règles d’échange (Major et Deaux, 1982). Ce qui sup-
pose l’existence de différences individuelles significatives dans les perceptions de jus-
tice organisationnelle. Nonobstant, les recherches sur les déterminants individuels
sont rares à cause de la focalisation sur les déterminants situationnels de la justice
(Major et Deaux, 1982 ; Cohen-Charash et Spector, 2001). Ces recherches abordent le
rôle des différences individuelles selon deux perspectives :
■ La première perspective considère les traits de personnalité et/ou les caracté-
ristiques démographiques comme des variables modératrices des liens entre,
d’une part, les perceptions de justice, et d’autre part leurs antécédents et leurs
conséquences (Colquitt, Scott, Judge et Shaw, 2006 ; Henle, 2005 ; Huseman,
Hatfield et Miles, 1987 ; Skarlicki, Folger et Tesluk, 1999 ; Schmitt, Neumann
et Montada, 1995).
■ La seconde perspective s’intéresse à l’impact direct des différences individuel-
les sur les perceptions de justice. Ainsi, certaines recherches ont-elles consi-
déré des traits de personnalité tels que l’affectivité négative (Wanberg, Bunce
et Gavin, 1999 ; Folger et Konovsky, 1989) ou le locus de contrôle (Sweeney,
McFarlin et Cotton, 1991 ; Skitka et Tetlock, 1992 ; Avery, 2003) comme des
antécédents des perceptions de la justice.
En général, le rôle des différences individuelles demeure peu étudié, et donc
très souvent confus, dans les recherches sur la justice organisationnelle. Afin de clari-
fier ce rôle et de favoriser, à notre sens, l’un des axes les plus prometteurs de la
recherche future, nous présenterons dans un premier temps les études sur les antécé-
dents personnels de la justice ainsi que celles sur le rôle modérateur des traits de per-
sonnalité. Nous aborderons ensuite les travaux récents de Skitka (2002, 2003) et De
Cremer (2003) sur les liens entre la justice organisationnelle et l’identité individuelle.
Notre objectif est de montrer que la prise en compte des différences individuelles
peut permettre d’enrichir considérablement la compréhension de l’importance relative
accordée ou non à la justice dans le contexte de travail, en fonction de la sensibilité
et des attentes de chaque individu.

1.2.1 Les antécédents individuels de la justice


Les recherches sur les antécédents individuels de la justice sont très rares. La plupart
des recherches sont en effet focalisées sur les antécédents situationnels de la justice.
Le faible intérêt pour les antécédents individuels s’explique par l’idée selon laquelle
c’est essentiellement la nature défavorable et négative d’un outcome ou d’un évène-
ment qui déclenche et façonne les perceptions de justice (Colquitt et Greenberg,
2003). En effet, seule la méta-analyse de Cohen-Charash et Spector (2001) intègre les
déterminants individuels dans l’analyse. Par ailleurs, il existe une distinction entre
l’impact des caractéristiques démographiques et celui des traits de personnalité sur
les perceptions de justice.

L’impact des caractéristiques démographiques


Les caractéristiques démographiques telles que le genre, l’âge et l’appartenance
raciale sont les plus étudiées en tant qu’antécédents directs ou variables de contrôle
des perceptions de justice (Cohen-Charash et Spector, 2001). Le genre est la caracté-
62 La justice organisationnelle

ristique démographique qui a suscité le plus d’intérêt de la part des chercheurs en


justice organisationnelle. Kulik et al. (1996) ont étudié les différences de jugement
de justice procédurale entre les hommes et les femmes, en partant de l’hypothèse
selon laquelle les femmes seraient plus sensibles aux relations interpersonnelles et à
la cohésion sociale alors que les hommes préfèrent avoir plutôt un contrôle sur les
outcomes. Contrairement à cette hypothèse, Kulik et al. (1996) ont trouvé que, dans
leur échantillon, les femmes accordaient plus d’importance au contrôle des outcomes
qu’à la cohésion sociale. Toutefois, Tata (2000) et Ramamoorthy et Flood (2004) ont
montré que les femmes accordent davantage d’importance à la justice procédurale
qu’à la justice distributive. Une autre étude sur la perception de la discrimination à la
promotion a montré que les femmes sont plus sensibles que les hommes aux percep-
tions de « plafond de verre » et par conséquent à l’injustice des pratiques de gestion
de carrière (Foley, Kidder et Powell, 2002). L’impact du genre sur l’importance et les
jugements de justice organisationnelle reste donc assez ambigu et nécessite de nou-
velles recherches empiriques.
Globalement, les caractéristiques démographiques semblent avoir un impact
faible ou non significatif sur les perceptions de justice organisationnelle. Dans leur
méta-analyse de 190 études, Cohen-Charash et Spector (2001) ont trouvé des faibles
corrélations (de r = -0.10 à r = 0.13) entre d’une part l’âge, le genre, la race, le niveau
d’éducation et l’ancienneté, et d’autre part les perceptions de justice. L’impact des
caractéristiques démographiques sur la justice semble être complexe pour diverses
raisons. La première est que les membres d’un même groupe démographique ne parta-
gent pas nécessairement les mêmes expériences et les mêmes attentes et préférences
en termes de justice (Truxillo et Bauer, 1999 ; Cohen-Charash et Spector, 2001). La
seconde raison est que la sensibilité à la justice d’un même individu, ainsi que ses
attentes et ses préférences, ne sont pas stables et peuvent varier dans le temps, en
fonction des circonstances et indépendamment de son appartenance à un groupe
démographique donné (Cohen-Charash et Spector, 2001).

L’impact direct des traits de personnalité


En tant qu’antécédents directs des perceptions de justice, les traits de personnalité
ont aussi fait l’objet d’un nombre très limité d’études. Wanberg et al. (1999) ont
trouvé un lien direct entre l’affectivité négative et la justice perçue lors des licencie-
ments. Folger et Konovsky (1989) ont aussi identifié une corrélation négative entre la
justice procédurale et l’affectivité négative. Ce trait de personnalité sert de filtre per-
ceptuel qui introduit un biais négatif dans l’interprétation de l’environnement de tra-
vail (Watson, Clark et Tellegen, 1988). Les individus ayant une forte affectivité
négative ont davantage tendance à percevoir comme injustes les situations organisa-
tionnelles que les individus à faible affectivité négative. D’ailleurs, Cohen-Charash et
Spector (2001) ont trouvé une corrélation négative entre l’affectivité négative et la
justice procédurale et interactionnelle (r ≈ -0.25).
En se basant sur une étude expérimentale, Avery (2003) a montré que deux
autres traits de personnalité qui sont le sentiment d’auto-efficacité et l’extraversion
sont des prédicteurs significatifs de la valeur accordée à la justice procédurale, défi-
nie en termes de droit d’expression (voice). Les individus extravertis et ayant con-
fiance en leur capacité à contribuer significativement aux décisions organisationnel-
Un modèle intégrateur des antécédents et des conséquences 63

les semblent ainsi accorder plus d’importance à la justice procédurale. Sweeney,


McFarlin et Cotton (1991) ont trouvé un lien direct entre le locus de contrôle et les
perceptions de justice procédurale. Le locus de contrôle correspond à une relation
causale de moyen-fin, sous-jacente à l’appréciation des capacités propres dont dis-
pose un individu lorsqu’il doit faire face à une situation perturbatrice ou à un chal-
lenge. Les individus à locus de contrôle externe identifient et attribuent ce qui leur
arrive à des facteurs sur lesquels ils n’ont aucune maîtrise. Le lien direct entre le locus
de contrôle et la justice procédurale est cohérent avec une logique instrumentale de
la justice selon laquelle les individus cherchent à contrôler les procédures de prise de
décision pour s’assurer que les outcomes leur soient favorables (Thibaut et Walker,
1975 ; Tyler, 1987). Les individus à locus de contrôle externe pensent que, dans tous
les cas, ils sont incapables de contrôler les outcomes et accordent ainsi moins
d’importance à la justice procédurale.
À l’exception de ces quelques recherches, il est étonnant de constater la quasi-
absence d’études empiriques sur l’effet direct des traits de personnalité sur les per-
ceptions de justice. Ceci peut s’expliquer par la faiblesse, l’absence ou l’incohérence
de résultats des études déjà publiées. Par ailleurs, il semble plus pertinent d’intégrer
les traits de personnalité en tant que variables modératrices des liens entre les anté-
cédents situationnels et les perceptions de justice, afin de développer une perspec-
tive transactionnelle dans laquelle les caractéristiques de la situation et les
caractéristiques de l’individu interagissent pour déterminer l’importance, le sens et la
nature du jugement de la justice (De Cremer, 2003).

1.2.2 Les effets modérateurs des caractéristiques individuelles


L’étude des effets modérateurs des différences interindividuelles mobilise, relative-
ment, plus de chercheurs sur la justice organisationnelle. Ces effets modérateurs sont
étudiés à deux niveaux, en amont et en aval de la justice : le premier niveau, très
rarement étudié et auquel nous consacrons ce paragraphe, concerne les liens entre les
antécédents organisationnels et les perceptions de justice ; le second niveau, de plus
en plus étudié et qui sera abordé ultérieurement dans ce chapitre, situe l’effet modé-
rateur entre les perceptions de justice et leurs conséquences attitudinales et compor-
tementales. L’objectif de développer les recherches sur les effets modérateurs en
amont des perceptions de justice est d’identifier les caractéristiques individuelles,
surtout les traits de personnalité, qui peuvent amplifier ou neutraliser les effets des
événements organisationnels sur les différentes formes de justice distributive, procé-
durale et interactionnelle. Autrement dit, il s’agit de mettre l’accent sur les différen-
ces individuelles en termes d’attentes de justice et de sensibilité à la justice (Colquitt
et Greenberg, 2003). Le rôle des attentes sur les perceptions de justice et de satisfac-
tion a été étudié par Van den Bos et al. (1998) et Ordóňez et al. (2000). Dans une
étude récente, Cherry, Ordóňez et Gilliland (2003) ont montré que la congruence entre
les attentes individuelles et les résultats d’une évaluation des performances influence
positivement et plus fortement les perceptions de justice que le niveau de satisfac-
tion à l’égard de cette évaluation.
La sensibilité à l’équité peut être aussi considérée comme une caractéristique
individuelle qui amplifie ou neutralise les jugements de justice (Huseman et al.,
1987 ; King et Miles, 1994). Souvent étudiée comme une variable modératrice des
64 La justice organisationnelle

conséquences de la justice, seule une étude de Miles, Hatfield et Huseman (1989) a


montré le rôle de cette caractéristique dans la préférence et la perception des ratios
rétributions / contributions. D’autres recherches sont nécessaires pour renforcer la
compréhension du rôle modérateur des caractéristiques démographiques et des traits
de personnalité tels que les cinq dimensions de personnalité (Big Five) dans les méca-
nismes de formation de jugements de justice et pas seulement dans l’étude de leurs
conséquences sur les attitudes et les comportements au travail (figure 2.2).

FIGURE 2.2 – Rôles modérateurs de certaines caractéristiques individuelles

1.2.3 Conception de soi et justice organisationnelle


Skitka (2002, 2003) a développé plusieurs modèles intégrant, d’une part, les concepts
d’identité et de soi et, d’autre part, les motifs de la justice. En basant son analyse sur
les trois fondements motivationnels de la justice, à savoir le motif instrumental, le
motif relationnel et le motif moral (voir Bagger, Cropanzano et Ko, chapitre 1), Skitka
Un modèle intégrateur des antécédents et des conséquences 65

(2003) montre que l’importance accordée à la justice par les individus dépend de la
saillance de leur définition de soi. En effet, Skitka (2002, 2003) met l’accent sur la
forte correspondance entre les trois fondements de la justice et les trois composantes
matérielle, sociale et morale du soi. Ainsi, en fonction de la prédominance de l’une de
ces composantes, les individus privilégient des règles distinctes de justice distribu-
tive et/ou de justice procédurale. Par exemple, les individus dont le soi matériel est
saillant ont tendance à valoriser les règles de l’équité distributive (Adams, 1965) et
de cohérence procédurale (Leventhal, 1980), alors que les individus dont le soi social
est prédominant se focalisent davantage sur les principes de respect et de statut
(Lind et Tyler, 1988) et les règles d’égalité distributive (Deutsch, 1985). Récemment,
un nombre croissant de recherches ont mis l’accent sur l’importance d’une intégration
des concepts d’identité personnelle et de soi dans l’étude des mécanismes psychologi-
ques de la justice organisationnelle (Brockner et al., 2004 ; De Cremer, 2003 ; Schroth
et Shah, 2000 ; Tyler et Blader, 2003).

Ainsi, les différences individuelles en termes d’identité, de valeurs et de traits


de personnalité peuvent améliorer la compréhension d’une question de plus en plus
récurrente dans les réflexions sur la justice organisationnelle (Cropanzano et al.,
2001 ; Greenberg, 2001 ; Greenberg et Colquitt, 2005) : pourquoi et dans quelle
mesure les individus se soucient-ils de la justice organisationnelle ? En dépit de leur
différence en termes instrumental, relationnel et moral, les trois fondements motiva-
tionnels de la justice se rejoignent pour mettre l’accent sur la conception, la cohé-
rence et l’accomplissement de soi. À cet égard, nombre d’études ont montré l’impact
positif des perceptions de justice, essentiellement procédurale et interactionnelle, sur
l’estime de soi (Brockner et al., 2003 ; Brockner et al., 2005 ; Koper et al., 1993 ;
Schroth et Shah, 2000 ; Tyler, Degoey et Smith, 1996). Cependant, certains auteurs
considèrent que les construits de soi, y compris l’estime de soi, constituent davan-
tage des facteurs modérateurs de l’impact des perceptions de justice sur les attitudes
et les comportements des individus au travail que des conséquences de ces percep-
tions (Brockner et al., 1998 ; De Cremer, 2003 ; De Cremer et al., 2004 ; Vermunt
et al., 2001).

En basant notre raisonnement sur l’idée selon laquelle les perceptions de jus-
tice sont orientées par divers objectifs et attentes, il nous semble pertinent d’avancer
que ces perceptions sont déclenchées par un souci de développement, de valorisation
et de renforcement de l’identité et de soi. Si la justice procédurale influence par
exemple l’estime de soi (Schroth et Shah, 2000), c’est parce qu’à l’origine les indivi-
dus accordent de l’importance à la manière dont ils sont traités dans les échanges
sociaux. Ainsi, en fonction de leurs caractéristiques de soi et de leurs traits de per-
sonnalité, les individus seraient plus ou moins sensibles à la justice organisationnelle
dans la mesure où ces caractéristiques personnelles reflètent les besoins égocentri-
ques (modèle instrumental), les besoins d’appréciation par les autres (modèle rela-
tionnel) et les besoins de cohérence des valeurs et de continuité de soi (modèle
moral). Par ailleurs, De Cremer et Sedikides (2005) ont montré que l’incertitude
entourant le soi a un rôle significatif dans les perceptions et les effets cognitifs,
affectifs et comportementaux de la justice procédurale. Autrement dit, plus l’individu
est incertain quant à son identité et son soi, plus il est sensible aux variations de la
justice procédurale dans l’organisation.
66 La justice organisationnelle

L’intégration des traits de personnalité et des concepts de soi et d’identité


comme des antécédents et surtout comme des variables modératrices des perceptions
de la justice permet-elle ainsi de clarifier dans quelles circonstances ces perceptions
émergent et sont déterminantes (Brockner et al., 2004 ; De Cremer, 2003 ; Johnson,
Selenta et Lord, 2006). L’importance relative des informations sur les outcomes, les
procédures et les traitements interpersonnels dépendrait alors de la saillance de tel
ou tel aspect de soi (Skitka, 2003). Par exemple, lorsque les individus sont égocentri-
ques et concernés par leur intérêt personnel et matériel, la perception de la justice
distributive serait prépondérante. Dans le cas où les individus accordent plus d’impor-
tance à leur statut et leurs relations avec autrui, les aspects procéduraux ou interac-
tionnels de la justice deviennent davantage saillants (Brockner et al., 2005). Ainsi,
« la valeur de la justice et son sens précis pour l’individu varient en fonction de son
concept de soi » (Johnson, Selenta et Lord, 2006, p. 2). Nous pensons que la compré-
hension de l’importance relative des antécédents des perceptions de justice, de leur
variation entre les individus et de leur évolution dans le temps peut être grandement
améliorée par l’intégration des concepts de soi et des traits de personnalité.

2. Les conséquences de la justice organisationnelle


Comment les employés réagissent-ils quand ils se sentent (in)justement traités ?
Cette question a été le fer de lance de la recherche en justice organisationnelle.
Depuis la théorie de l’équité d’Adams (1965) et jusqu’aux conceptualisations les plus
récentes telles que le modèle d’engagement au groupe (group engagement model)
(Tyler et Blader, 2001, 2003 ; Blader et Tyler, 2005), les chercheurs se sont toujours
intéressés à la description et à la compréhension des effets des perceptions de justice
dans les lieux de travail. Cet intérêt a donné naissance à un grand nombre d’études
empiriques menées dans différents contextes organisationnels. Leur principal apport
est de démontrer que les perceptions de justice organisationnelle constituent une
base motivationnelle importante déterminant certains des comportements et des atti-
tudes les plus critiques des employés et d’apporter ainsi une légitimité académique et
une attractivité managériale à ce champ de recherche (Colquitt et Greenberg, 1993 ;
Conlon, Meyer et Nowakowski, 2005).
Dans cette section, nous allons passer en revue les attitudes et les comporte-
ments qui ont été reliés à la justice organisationnelle. Toutefois, deux remarques
s’imposent au préalable afin de donner au lecteur une image complète et fondée de
l’état de la recherche sur les conséquences de la justice organisationnelle. En premier
lieu, il est utile de préciser que, malgré les avancées faites durant plus de trois décen-
nies d’étude des effets de la justice en milieu organisationnel, la recherche empirique
sur les conséquences de la justice organisationnelle manque d’intégration, dans le
sens où il est aujourd’hui très difficile de comparer les résultats des différentes étu-
des. Ceci revient principalement à la divergence des structures adoptées par ces étu-
des pour conceptualiser les perceptions de justice organisationnelle. En effet, ces
études ont et continuent à utiliser trois acceptations différentes de la dimensionna-
lité de la justice organisationnelle. Un premier groupe restreint la justice organisa-
tionnelle à deux dimensions – distributive et procédurale – soit en négligeant la
justice interactionnelle, soit en l’intégrant dans la dimension procédurale (ex., Folger
Un modèle intégrateur des antécédents et des conséquences 67

et Konovsky, 1989 ; McFarlin et Sweeney, 1992 ; Huffman et Cain, 2001 ; Lam,


Schaubroeck et Aryee, 2002). Un deuxième groupe d’études reconnaît, sous l’impul-
sion des travaux de Bies et ses collègues (Bies et Moag, 1986 ; Bies, 2001), la sépara-
tion entre les dimensions interactionnelle et procédurale et utilise ainsi une structure
à trois dimensions (ex., Robbins, Summers, Miller et Hendrix, 2000 ; Aryee, Budhwar
et Xiong Chen, 2002). Enfin, un troisième groupe adopte la vision de Greenberg
(1993b) scindant la justice interactionnelle en deux facettes (informationnelle et
interpersonnelle) et produisant ainsi une conceptualisation à quatre dimensions de la
justice organisationnelle (ex., Colquitt, 2001). Ces trois structures distinctes se
retrouvent d’ailleurs dans les trois méta-analyses sur la justice organisationnelle.
Viswesrman et Ones (2002) se contentent de séparer la justice distributive et la jus-
tice procédurale. Cohen-Charash et Spector (2001) adoptent la structure à trois
dimensions. Colquitt, Conlon, Wesson, Porter et Ng (2001) articulent leur travail
autour des quatre dimensions distributive, procédurale, informationnelle et interper-
sonnelle de la justice. De plus, il est malheureusement rare qu’une étude prenne en
compte simultanément les effets des différentes dimensions de la justice sur les atti-
tudes et les comportements des employés. La majorité d’entre elles ne s’intéressent
qu’à une seule ou deux dimensions et négligent les autres, ce qui peut nuire à la per-
tinence et à la significativité des résultats et ne permet pas de comparer les effets
relatifs de chacune des dimensions de justice par rapport aux autres.
Notre deuxième remarque concerne les relations entre les perceptions de jus-
tice organisationnelle et les attitudes et comportements des employés. Elles sont
supposées obéir à une certaine logique décrite par deux modèles théoriques qui
visent à expliquer le pouvoir prédictif relatif des différentes dimensions de la justice
organisationnelle (distributive, procédurale et interactionnelle). Le premier modèle,
appelé modèle bi-factoriel et proposé par Sweeney et McFarlin (1992, 1993) a pour
objectif de distinguer le pouvoir prédictif des dimensions distributive et procédurale.
Selon ce modèle, la justice distributive est un antécédent important de l’évaluation
des résultats individuels tandis que la justice procédurale permet de prédire des éva-
luations plus générales des systèmes et des autorités. Le second modèle, appelé le
modèle agent / système et proposé par Bies et Moag (1986) vient compléter le précé-
dent puisqu’il permet de faire la distinction entre la justice procédurale et la justice
interactionnelle. Ce modèle s’est, en effet, développé suite à la prise en compte dans
la recherche sur la justice organisationnelle des éléments interpersonnels et informa-
tionnels. Le modèle agent / système soutient que la dimension interactionnelle est
liée à l’évaluation de la figure d’autorité, tandis que la justice procédurale prédit
l’évaluation du système ou de l’organisation elle-même. Tout au long de cette section,
nous essaierons de voir si les résultats empiriques confirment ou pas les prédictions
de ces deux modèles théoriques.
Notre revue des conséquences de la justice organisationnelle va s’articuler
autour de trois groupes de variables qui ont été reliées aux perceptions de justice :
les attitudes et les émotions, les performances au travail et les comportements con-
treproductifs. Pour chacune des variables considérées, nous accorderons un intérêt
particulier au pouvoir prédictif relatif de chaque dimension de la justice organisation-
nelle. À la fin de chaque paragraphe, nous présenterons un tableau résumant les
68 La justice organisationnelle

résultats des trois méta-analyses 6 (Cohen-Charash et Spector, 2001 ; Colquitt et al.,


2001 ; Viswesrman et Ones, 2002).

2.1 LES ATTITUDES ET LES ÉMOTIONS


Il est communément admis que la première réaction au sentiment d’(in)justice est de
nature émotionnelle et attitudinale. La théorie de l’inéquité d’Adams (1965) décrivait,
déjà, les sentiments de colère et de culpabilité engendrés par les situations de sous-
et de sur-paiement. Depuis, plusieurs émotions et attitudes ont été considérées
comme des conséquences des perceptions de la justice organisationnelle. Nous nous
intéressons ici aux plus importantes d’entre elles.

2.1.1 La satisfaction au travail


La satisfaction au travail est un état émotionnel positif qui résulte de l’évaluation que
fait l’individu de son travail ou de ses expériences de travail (Ensher, Grant-Vallone et
Donaldson, 2001). Ainsi, étant une réaction globale vis-à-vis du système organisa-
tionnel, la satisfaction au travail devrait, selon le modèle bi-factoriel et le modèle
agent / système présentés ci-dessus, être essentiellement déterminée par la justice
procédurale.
Les études de terrain n’apportent cependant qu’un soutien mitigé à cette affir-
mation et produisent des résultats peu cohérents (McFarlin et Sweeney, 1992 ;
Mossholder, Bennett et Martin, 1998 ; Masterson, Lewis, Goldman et Taylor, 2000 ;
Tepper, 2000 ; Lam, Schaubroeck et Aryee, 2002 ; Foley, Ngo et Wong, 2005). En
effet, certains travaux montrent que la justice distributive affecte la satisfaction au
travail plus que la justice procédurale (McFralin et Sweeney, 1992 ; Tang et Sarsfield-
Baldwin, 1996 ; Leung, Smith, Wang et Sun, 1996). D’autres font état d’une prédomi-
nance des effets de la justice procédurale par rapport aux autres dimensions (Lissak,
1983 ; Masterson et al., 2000) et d’autres encore suggèrent que les trois dimensions
de justice (distributive, procédurale et interactionnelle) sont reliées dans des propor-
tions semblables au niveau de satisfaction au travail (Lam et al., 2002 ; Aryee et al.,
2002). Cette divergence des résultats se reflète dans les conclusions des trois méta-
analyses du domaine de la justice organisationnelle. Alors que Colquitt et al. (2001)
trouvent que la justice procédurale est un meilleur antécédent de la satisfaction au
travail que les deux autres dimensions, Cohen-Charash et Spector (2001) et
Viswesrman et Ones (2002) constatent que la satisfaction au travail est fortement,
mais similairement corrélée aux trois dimensions de la justice organisationnelle (voir
tableau 2.1, p. 74).

6 Puisque les structures de la justice organisationnelle adoptées par les trois méta-analyses sont
différentes et que nous utilisons ici une conceptualisation à trois dimensions, les corrélations entre
la justice procédurale et les attitudes et comportements considérés sont exclusivement tirées de la
méta-analyse de Cohen-Chararsh et Spector (2001). Ce choix est motivé par le souci d’assurer la
cohérence des résultats présentés.
Un modèle intégrateur des antécédents et des conséquences 69

2.1.2 La satisfaction à l’égard des outcomes


La satisfaction à l’égard des outcomes désigne le niveau de satisfaction de l’employé
quant aux résultats des décisions le concernant. Plusieurs recherches ont étudié
l’impact des perceptions de justice organisationnelle sur la satisfaction de l’employé à
l’égard d’outcomes spécifiques tels que le salaire, la promotion et l’évaluation de la
performance (ex., Folger et Konovsky, 1989 ; McFarlin et Sweeney, 1992 ; Tremblay et
Roussel, 2001 ; DeConinck et Stilwell, 2004 ; Cook et Crossman, 2004).
Selon la logique décrite plus haut, la satisfaction à l’égard des outcomes
devrait être davantage reliée à la dimension distributive de la justice qu’aux dimen-
sions procédurale et interactionnelle ; parce que la justice distributive concerne
l’équité perçue de ces mêmes outcomes. Les résultats des études empiriques soutien-
nent généralement cette logique. Par exemple, Folger et Konovsky (1989) ont trouvé
dans une étude portant sur 217 employés d’une usine industrielle que la justice distri-
butive explique mieux le niveau de satisfaction à l’égard du salaire que la justice pro-
cédurale. Dans un autre célèbre article, McFarlin et Sweeney (1992) ont étudié les
effets de la justice distributive et de la justice procédurale sur les attitudes de
675 employés d’une banque américaine. Leurs résultats montrent que, comme prévu,
les perceptions d’équité distributive déterminent plus fortement la satisfaction des
employés envers le salaire que les perceptions de justice procédurale. Plus récem-
ment, les études de Summers et Hendrix (1991), de Tremblay et Roussel (2001) et de
DeConinck et Stilwell (2004) ont reproduit le même type de résultats confirmant que,
parmi les trois dimensions de la justice, la dimension distributive a le plus grand pou-
voir prédictif de la satisfaction à l’égard des outcomes. Enfin, les résultats des méta-
analyses de Colquitt et al. (2001) et de Cohen-Charash et Spector (2001) vont dans le
même sens en montrant que la satisfaction à l’égard des outcomes est plus corrélée à
la justice distributive (r ≈ 0.60) qu’à la justice procédurale (r = 0.43) ou à la justice
interactionnelle (r = 0.30).

2.1.3 L’engagement organisationnel


Dans son sens le plus large, l’engagement organisationnel désigne la loyauté ou le
lien d’identification et d’implication qui relie l’employé à l’organisation considérée
comme un tout (Porter, Steers, Mowday et Boulian, 1974 ; Bozeman et Perrewé,
2001). L’engagement est une des variables classiques des recherches sur le comporte-
ment organisationnel et les études empiriques ont montré que les employés fortement
engagés envers l’organisation adhèrent plus aux objectifs de l’entreprise, ont une
meilleure assiduité au travail et sont plus performants que ceux qui sont faiblement
engagés (ex., Dessler, 1999).
Les chercheurs sur le thème de la justice organisationnelle se sont, ainsi, mas-
sivement intéressés aux effets de l’équité sur le niveau d’engagement organisationnel
des employés (53 études empiriques examinent la relation entre la justice procédurale
et l’engagement entre 1975 et 2001, soit près d’un tiers de l’ensemble des études sur
les effets de la justice organisationnelle 7). Le plus souvent, ces recherches soutien-
nent que, conformément au modèle agent / système et au modèle bi-factoriel, la jus-

7 Selon Colquitt et al. (2001).


70 La justice organisationnelle

tice procédurale devrait exercer l’effet le plus fort parmi les dimensions de la justice
organisationnelle. La validation empirique de cette affirmation a été apportée dans
un premier temps par les travaux de Folger et Konovsky (1989) et de McFarlin et
Sweeney (1992) puis consolidée par plusieurs études qui rapportent des corrélations
élevées entre la justice procédurale et l’engagement organisationnel (ex., Beugré,
1996 ; Mossholder, Bennett, Kemery et Wesolowski, 1998 ; Masterson et al., 2000 ;
Gopinath et Becker, 2000).
D’autres travaux ont cependant montré que la dimension distributive et, dans
une moindre mesure, la dimension interactionnelle peuvent affecter l’engagement
organisationnel significativement et parfois, aussi fortement que la dimension procé-
durale (Chang, 2002 ; Aryee et al., 2002 ; Simons et Roberson, 2003). Ce qui permet
de nuancer le soutien apporté à nos deux modèles théoriques de référence. Par exem-
ple, dans une étude visant à démontrer les effets des perceptions groupales de justice,
Simons et Roberson (2003) ont trouvé qu’aussi bien au niveau individuel qu’à celui
agrégé de l’unité de travail, la justice procédurale et la justice interactionnelle sont
corrélées dans des proportions similaires à l’engagement organisationnel. De même,
Aryee et al. (2002) ont présenté des résultats analogues concernant les effets relatifs
des dimensions distributive et procédurale sur l’engagement organisationnel. De plus,
ces auteurs ont montré que la confiance accordée à l’organisation joue un rôle de
médiation partielle dans ces relations. Les résultats des méta-analyses résumées dans
le tableau 2.1 vont d’ailleurs dans ce sens en suggérant que la justice distributive
affecte l’engagement des employés aussi fortement que la justice procédurale. Ces
résultats relativement inattendus peuvent être dus au contexte culturel individualiste
(où l’équité des rétributions tient généralement un rôle important dans la détermina-
tion des réactions des employés à l’égard de l’entreprise) au sein duquel a été menée
la majeure partie des recherches sur la justice organisationnelle (essentiellement le
contexte américain).
Il importe aussi de noter que d’autres variables mesurant l’attachement de
l’employé à son organisation et la qualité de sa relation avec celle-ci ont été étudiées
en relation à la justice organisationnelle. Ainsi, et en concordance avec les prédic-
tions du modèle bi-factoriel et de celui de l’agent / système, la justice procédurale
s’est révélée être un fort déterminant du niveau de confiance accordée à l’organisa-
tion (Brockner et al., 1994 ; Brockner, Ackerman et Fairchild, 2001 ; Aryee et Xiong
Chen, 2002 ; Aryee et al., 2002) et du soutien organisationnel perçu (POS) (Master-
son et al., 2000 ; Wayne, Shore, Bommer et Tetrick, 2002).

2.1.4 Les intentions de départ


Les intentions de départ peuvent être définies comme la dernière manifestation atti-
tudinale précédant l’acte de quitter l’organisation, c’est-à-dire comme le précurseur
psychologique le plus immédiat du départ effectif de l’organisation (O’Neill et Mone,
1998). Étant donné les difficultés de l’opérationnalisation des départs effectifs,
l’intention de quitter a été utilisée par nombreux chercheurs (pour des exceptions,
voir Aquino, Griffeth, Allen et Hom, 1997 ; Simons et Roberson, 2003) comme un
proxy pour tester l’effet de différentes pratiques organisationnelles sur les comporte-
ments de départ des employés (ex., Dailey et Kirk, 1992 ; Allen, Shore et Griffeth,
2003 ; Thorsteinson, 2003 ; Conlon et al., 2005 ; Foley, Ngo et Wong, 2005 ; Lee et
Un modèle intégrateur des antécédents et des conséquences 71

Rwigema, 2005). Ceci est d’autant plus accepté que l’intention de départ semble être
effectivement reliée au taux de départs effectifs (Aquino et al., 1997 ; Cropanzano,
Howes, Grandey et Toth, 1997).
Bien qu’il soit communément admis que les perceptions de justice influencent
les intentions de départ des employés (Aquino et al., 1997 ; Beugré, 1998 ; Tepper,
2000 ; Masterson et al., 2000 ; Cohen-Charash et Spector, 2001 ; Kickul, Lester et
Finkl, 2002 ; Allen et al., 2003 ; DeConinck et Stilwell, 2004 ; Conlon et al., 2005 ;
Foley et al., 2005), l’étude de la relation justice organisationnelle – intentions de
départ a donné lieu à des résultats peu précis quant à la contribution relative de cha-
cune des dimensions de la justice. Masterson et al. (2000) ont trouvé que la justice
procédurale est un déterminant plus fort de la volonté des employés de quitter
l’entreprise que la justice interactionnelle alors que les résultats de Dailey et Kirk
(1992) suggèrent que l’intention de départ est davantage affectée par le niveau de
justice interactionnelle. De même, dans une remarquable étude basée sur le cadre de
la Referent Cognitions Theory, Aquino et al. (1997) ont montré que les dimensions pro-
cédurale et interactionnelle déterminent significativement les taux effectifs de départ
volontaires à travers le rôle médiateur des intentions de départ et que les effets de la
justice interactionnelle sont plus importants que ceux de la justice procédurale.
Enfin, en étudiant les effets du changement organisationnel, Kickul et al. (2002) ont
constaté que la justice procédurale et la justice des figures d’autorité influencent
similairement l’intention des employés de quitter l’entreprise suite à un changement
majeur.
Ceci dit et bien que la majorité des études suggèrent que la justice distributive
est le déterminant le moins fort, parmi les dimensions de la justice, des intentions de
départ, certaines recherches vont à l’encontre de cette affirmation (ex., Roberts,
Coulson et Chonko, 1999 ; Aryee et al., 2002 ; Brotheridge, 2003). Par exemple, dans
une étude reliant les perceptions de justice et le stress, Brotheridge (2003) a montré
que la justice distributive a des contributions uniques dans l’explication des inten-
tions de retrait et de départ et ce au-delà des effets de la justice procédurale. Dans
une autre étude, Aryee et al. (2002) observent que la justice distributive est plus for-
tement corrélée aux intentions de départ que les dimensions procédurale et interac-
tionnelle. Il est important de noter que ces dernières études représentent bien plus
que de simples exceptions à la règle puisque les résultats de la méta-analyse de
Cohen-Charash et Spector (2001) vont dans le même sens en décrivant des corréla-
tions égales entre d’une part les dimensions distributive et procédurale et d’autre part
les intentions de départ (voir tableau 2.1, p. 74). Ces résultats suggèrent que l’inten-
tion de quitter l’entreprise, variable communément considérée comme le résultat
d’une évaluation réfléchie de la justice de l’organisation comme système, peut être
aussi une réaction « à chaud » motivée par une rétribution insatisfaisante ou par un
traitement interpersonnel injuste de la part des figures d’autorité (Colquitt et al.,
2001, p. 430).

2.1.5 L’acceptation des décisions organisationnelles


Dans un environnement concurrentiel marqué par la nécessité de maîtriser les coûts,
la capacité de l’entreprise à faire accepter des décisions défavorables ou contraignan-
tes à ses employés (comme par exemple la réduction des salaires ou la suppression de
72 La justice organisationnelle

certains avantages en nature), tout en préservant leur niveau de motivation, revêt


une importance particulière pour sa survie et sa réussite (Conlon et al., 2005). La jus-
tice peut constituer dans ce cadre un outil managérial favorisant l’acceptation par les
employés de telles décisions. Comme le montrent les travaux sur l’interaction entre
procédures et outcomes, une décision négative peut être acceptée si elle est perçue
comme procéduralement juste (ex., Brockner et Wiesenfeld, 1996 ; Van den Bos et al.,
1997 ; Van den Bos, 2005) et si elle est expliquée adéquatement et sincèrement par
les figures d’autorité (Bies et Shapiro, 1988 ; Holbrook Jr, 2002 ; Bobocel et Zdaniuk,
2005). L’acceptation des décisions étant une réaction qui peut être en même temps
orientée vers l’organisation et vers le supérieur hiérarchique, les modèles théoriques
retenus ici (modèle bi-factoriel et modèle agent / système) supposent qu’elle soit
essentiellement déterminée par les dimensions procédurale et interactionnelle de la
justice.
Globalement, les études empiriques menées jusqu’ici semblent soutenir ces
prédictions (Kim et Mauborgne, 1993 ; Greenberg, 1994 ; Worsham Jr, 1996 ; Rob-
bins, Summers et Miller, 2000 ; Wenzel, 2002 ; Trivedi, Shehata et Lynn, 2003 ;
Richardson, 2005). Par exemple, dans une étude longitudinale visant à examiner le
sens des liens de causalité entre les dimensions de la justice organisationnelle et un
ensemble d’attitudes et de comportements, Robbins et al. (2000) ont montré que la
justice procédurale (mais pas la justice distributive) détermine l’acceptation des déci-
sions et les comportements de conformité à l’autorité. Dans une autre étude devenue
célèbre, Greenberg (1994) a trouvé que la justice interactionnelle représentée par
l’équité des éléments informationnels (communication et justification de la décision)
et des éléments interpersonnels (sensibilité interpersonnelle : sincérité, respect)
favorise l’acceptation de l’interdiction de fumer sur les lieux de travail. De même, plu-
sieurs travaux s’intéressent aux déterminants des réactions des citoyens à l’égard du
système fiscal. Ils montrent que lorsque ces derniers jugent que les procédures utili-
sées pour la fixation des taux de taxation sont justes et que les explications qu’ils ont
reçues concernant ces procédures sont claires et pertinentes, ils ont plus tendance à
accepter de payer leurs taxes que lorsqu’ils perçoivent le système comme procédurale-
ment et interactionnellement injuste (Worsham Jr, 1996 ; Wenzel, 2002 ; Trivedi
et al., 2003 ; Richardson, 2005).
En résumé, les résultats de ces travaux indiquent clairement que les percep-
tions de justice procédurale et interactionnelle affectent la disposition des individus
à accepter des décisions négatives ou contraignantes. Toutefois, il est à noter que
l’étude de Mani (2002) présente une exception à cette tendance. En effet, s’intéres-
sant au système d’évaluation de la performance d’une université américaine, Mani
(2002) a démontré que la justice perçue du système d’évaluation détermine la satis-
faction des employés à l’égard de leur supérieur et la confiance qu’ils lui accordent.
Pour autant, cet auteur n’a pas trouvé de relation significative entre la justice procé-
durale et le niveau de conformité des employés aux procédures dictées par le système.

2.1.6 Les attitudes envers les figures d’autorité


En plus des attitudes traduisant l’état émotionnel général de l’employé, la justice
organisationnelle a été aussi reliée à l’évaluation que fait celui-ci de ses supérieurs
hiérarchiques directs, ainsi que des autres figures d’autorité au sein de l’entreprise, et
Un modèle intégrateur des antécédents et des conséquences 73

des attitudes qui en résultent (Folger et Konovsky, 1989 ; McFarlin et Sweeney, 1992 ;
Konovsky et Pugh, 1993 ; Gopinath et Becker, 2000 ; Masterson et al., 2000 ; Wayne
et al., 2002 ; Aryee et al., 2002 ; Cropanzano, Pehar et Chen, 2002 ; Ambrose et Sch-
minke, 2003). Par exemple, Cropanzano et al. (2002) ont montré dans une étude
basée sur la théorie de l’échange social que la justice interactionnelle influence la
satisfaction à l’égard du supérieur (r = 0.42) et la qualité de la relation d’échange
membre – supérieur (Leader – Member eXchange : LMX) (r = 0.44), plus fortement que
la justice procédurale (respectivement 0.27 et 0.25). Dans une autre étude utilisant le
même cadre théorique, Aryee et al. (2002) ont examiné la relation entre les percep-
tions de justice, la confiance et les attitudes et comportements des employés. Leurs
résultats montrent que les effets de la justice interactionnelle sur la confiance accor-
dée au supérieur dépassent largement ceux de la justice procédurale et de la justice
distributive (r = 0.71 contre 0.28 pour la justice procédurale et 0.29 pour la justice
distributive). De même, les résultats de Masterson et al. (2000) démontrent que la
justice interactionnelle est un meilleur antécédent du LMX que la justice procédurale
(respectivement r = 0.67 et 0.38). L’ensemble de ces résultats confirme les prédic-
tions du modèle agent / système étant donné qu’en règle générale, les attitudes
orientées vers le supérieur sont plus affectées par la justice interactionnelle que par
la justice des procédures ou des résultats décisionnels.
Cependant, les méta-analyses de Colquitt et al. (2001) et de Cohen-Charash et
Spector (2001) n’apportent qu’un soutien partiel à ce raisonnement. En effet, bien
qu’elles confirment les résultats décrits pour la relation justice – LMX, elles infirment
la logique agent / système en ce qui concerne les effets des dimensions de justice
organisationnelle sur la satisfaction à l’égard du supérieur, la confiance accordée au
supérieur et les évaluations générales des figures d’autorité (voir tableau 2.1, p. 74).
Ceci s’explique probablement par le fait que ces méta-analyses sont basées en grande
partie sur des études qui, soit ne considèrent pas simultanément les effets des trois
dimensions de la justice (en négligeant la plupart du temps la justice interaction-
nelle), soit intègrent les éléments interactionnels sous la houlette d’une conceptuali-
sation large de la justice procédurale. Par exemple, Folger et Konovsky (1989)
rapportent que la justice procédurale prédit mieux la confiance accordée au supérieur
que la justice distributive tout en incluant dans leur mesure de la justice procédurale
des items correspondant à des éléments interpersonnels et informationnels qui relè-
vent clairement de la dimension interactionnelle (honnêteté, franchise, feedback
approprié…). D’autres recherches négligent complètement la justice interactionnelle
dans l’examen des effets de la justice sur les réactions attitudinales envers la hiérar-
chie (ex., McFarlin et Sweeney, 1992 ; Ball, Trevino et Sims, 1993 ; Gopinath et
Becker, 2000).
74 La justice organisationnelle

Satisfaction au travail

Satisfaction à l’égard

Satisfaction à l’égard

Intentions de départ
Échange Membre –
Confiance accordée

Confiance accordée
des rétributions

à l’organisation
organisationnel

Leader (LMX)
du supérieur

au supérieur
Engagement
De 0.35 à De 0.61 De 0.55 à De 0.37 De 0.55 à
Justice distributive 0.43 0.27 -0.40
0.56 à 0.62 0.58 à 0.51 0.57

De 0.52 à
Justice procédurale 0.43 0.43 0.50 0.48 0.65 0.37 -0.40
0.57

De 0.35 à De 0.19 à
Justice interactionnelle 0.30 0.52 0.35 0.51 0.67 -0.24
0.43 0.38

TABLEAU 2.1 – Corrélations entre les perceptions de justice organisationnelle et les


réactions attitudinales et émotionnelles des employés

2.2 LES PERFORMANCES AU TRAVAIL


Depuis les travaux d’Organ et ses collègues (Organ, 1977, 1988 ; Smith, Organ et
Near, 1983), la notion de performance au travail s’est élargie pour inclure deux clas-
ses de comportements : (1) La performance à la tâche dite aussi performance intra-
rôle qui fait référence aux comportements faisant partie du rôle formel de l’employé
et conditionnant sa productivité dans le sens le plus strict du terme ; et (2) la perfor-
mance extra-rôle qui correspond aux comportements de citoyenneté organisation-
nelle, c’est-à-dire les comportements allant au-delà des exigences du rôle formel et
qui participent positivement à la performance collective (comportements d’entraide,
de courtoisie, etc.). Nous allons dans ce qui suit examiner les effets des différentes
dimensions de la justice organisationnelle sur ces deux formes de performance au tra-
vail.

2.2.1 La performance à la tâche


Les premières études examinant les effets de la justice organisationnelle sur la perfor-
mance intra-rôle des employés ont été menées à la fin des années 1970 et au début
des années 1980 et se sont exclusivement intéressées au rôle de la justice des procé-
dures dans l’amélioration de la productivité des employés et de leur capacité à satis-
faire les exigences de leurs rôles (Bobocel et Zdaniuk, 2005). Depuis et bien que les
résultats de certains de ces premiers travaux aient été peu encourageants
(ex., Kanfer, Sawyer, Earley et Lind, 1987), plusieurs études récentes ont permis
d’établir l’existence d’une relation solide entre les perceptions de justice organisa-
tionnelle et le niveau de performance à la tâche des employés (ex., Konovsky et
Cropanzano, 1991 ; Miles et Klein, 1998 ; Libby, 1999 ; Shaw, Gupta et Delery, 2002 ;
Rupp et Cropanzano, 2002 ; Aryee et al., 2002 ; Brotheridge, 2003 ; Aryee, Chen et
Budhwar, 2004 ; Chang et Dubinsky, 2005).
Les résultats de ces travaux ne sont toutefois pas unanimes quant au pouvoir
de prédiction relatif de chacune des trois dimensions de justice. Certaines études sug-
gèrent que la justice distributive influence davantage la performance au travail
Un modèle intégrateur des antécédents et des conséquences 75

(ex., Lam et al., 2002 ; Weaver et Conlon, 2003). Par exemple, dans une étude compa-
rative entre Hong Kong et les États-Unis, Lam et al. (2002) ont constaté que, pour
leurs deux échantillons, la justice distributive est significativement corrélée à la per-
formance intra-rôle et ceci en contrôlant les effets de la justice procédurale. Un autre
groupe de travaux soutient que la justice procédurale exerce les effets les plus impor-
tants sur la performance (ex., Konovsky et Cropanzano, 1991 ; Miles et Klein, 1998 ;
Douthitt et Aiello, 2001 ; Lau et Lim, 2002 ; Aryee et al., 2004). Par exemple, dans
une étude portant sur 195 employés d’un laboratoire médical, Konovsky et
Cropanzano (1991) ont comparé les effets de la justice perçue des procédures et celle
des outcomes sur un ensemble de variables attitudinales et comportementales. Leurs
résultats montrent que seule la justice procédurale est significativement reliée au
niveau de performance. Enfin, un troisième groupe de recherches montre que la jus-
tice interactionnelle des managers détermine la performance plus fortement que la
dimension procédurale (ex., Libby, 1999 ; Masterson et al., 2000 ; Rupp et Cropan-
zano, 2002 ; Cropanzano et al., 2002). Par exemple, les résultats de Masterson et al.
(2000) indiquent que la justice interactionnelle influence significativement la perfor-
mance intra-rôle (r = 0.19), alors que la relation entre justice procédurale et perfor-
mance est non significative. Il est intéressant de remarquer que les rares travaux
étudiant simultanément les effets des dimensions distributive, procédurale et interac-
tionnelle sur la performance intra-rôle confirment la thèse soutenue par ce dernier
groupe de chercheurs en montrant que la justice des interactions interpersonnelles
influence fortement le niveau de rendement des employés comparativement aux deux
autres dimensions (Robbins, Summers, Miller et Hendrix, 2000 ; Aryee et al., 2002).
Ainsi, dans une étude intégrant la justice et l’échange social, Aryee et al. (2002) ont
trouvé des résultats qui suggèrent clairement que la justice interactionnelle influence
la performance à la tâche beaucoup plus fortement que les dimensions procédurale et
distributive (respectivement r = 0.34, 0.19 et 0.12).
Les résultats des méta-analyses (Colquitt et al., 2001 ; Cohen-Charash et
Spector, 2001 ; Viswesrman et Ones, 2002) ne vont pas dans le même sens que ces
derniers travaux en indiquant que les effets de la justice procédurale sur la perfor-
mance sont plus importants que ceux des dimensions distributive et interactionnelle
(voir tableau 2.2). Comme c’est le cas pour les attitudes à l’égard des figures d’auto-
rité, nous pensons que ce résultat peut être dû au fait que ces méta-analyses se
basent en grande partie sur des études qui, soit ne prennent pas en compte conjoin-
tement les effets des trois dimensions de la justice, soit utilisent une conceptualisa-
tion large de la justice procédurale intégrant des facettes qui sont en réalité plus
proches de la justice interactionnelle. En résumé, s’il ne fait plus de doute que les
perceptions de justice organisationnelle influencent la performance intra-rôle des
employés, la question de savoir quelle dimension exerce les effets les plus importants
reste posée et nécessite plus de recherches empiriques prenant en considération
simultanément les dimensions distributive, procédurale et interactionnelle de la jus-
tice.

2.2.2 Les comportements de citoyenneté organisationnelle


Les comportements de citoyenneté organisationnelle (Organizational Citizenship beha-
viors – OCBs) peuvent être définis comme des comportements volontaires de la part
76 La justice organisationnelle

des employés, « non directement ou explicitement reconnus par le système formel de


récompense, et qui, à un niveau agrégé, favorisent le fonctionnement efficace de
l’organisation » (Organ, 1988, p. 4). Autrement dit, les OCBs sont des comportements
spontanés, positifs et prosociaux (Skarlicki et Latham, 1997) qui vont au-delà de ce
qui est formellement prescrit ou requis de l’employé (Cropanzano et al., 1997) et qui
ne sont pas récompensés par des rétributions formelles (Cardona, Lawrence et Bentler,
2004). Nombre de chercheurs ont souligné le caractère critique de ces comportements
pour le succès et la survie de l’entreprise. D’aucuns suggèrent que la capacité de
l’organisation à stimuler les OCBs constitue une source d’avantage compétitif puisque
cette capacité est valorisée, rare, difficilement imitable et non-substituable (Cardona
et al., 2004).

La relation entre la justice organisationnelle et les OCBs a été largement étu-


diée et les résultats empiriques soutiennent l’existence d’une relation positive assez
robuste entre les deux phénomènes (ex., Farh, Podsakoff et Organ, 1990 ; Moorman,
1991 ; Niehoff et Moorman, 1993 ; Konovsky et Organ, 1996 ; Tepper, Lockhart et
Hoobler, 2001). Ces résultats sont d’autant plus solides que l’influence de la justice
sur les OCBs se base sur une logique quasi-évidente et donc facilement acceptée. En
effet, comme le note Greenberg (1993 : 250), « les individus se comporteront de
manière altruiste envers l’organisation dans laquelle ils travaillent s’ils pensent qu’ils
ont été équitablement traités par cette organisation ». En s’inspirant de la théorie de
l’inéquité d’Adams (1965), on peut aussi considérer que les OCBs sont un input que
les employés vont utiliser pour réagir face à la justice des situations qu’ils rencon-
trent. Ainsi, l’employé va diminuer ou augmenter le niveau de ses comportements
citoyens en fonction de l’équité du traitement qu’il pense recevoir (Tepper, Locjhart et
Hoobler, 2001). Dans une logique d’échange social (Blau, 1964), les OCBs, par leur
nature volontaire et dépassant le cadre des systèmes formels de rémunération, consti-
tuent une ressource qui peut être échangée par les individus qui ont bénéficié de
récompenses sociales (Moorman, 1991). La motivation de ces comportements qui ne
font pas l’objet de rémunération formelle, ne peut pas donc être expliquée par
l’échange économique. Les OCBs font partie d’un échange social et constituent dans
ce cadre la principale monnaie ou commodité d’échange que maîtrisent les employés
dans leurs relations avec les différents partenaires au sein de l’organisation (Ayree
et al., 2002).

Depuis les travaux de Williams et Anderson (1991), la plupart des recherches


distinguent entre les comportements de citoyenneté dirigés vers les individus (OCBI)
et ceux dirigés vers l’organisation (OCBO).

Les comportements de citoyenneté organisationnelle orientés envers l’organisation (OCBO)

Les comportements de citoyenneté organisationnelle orientés envers l’organisation


peuvent être classés en trois dimensions : (1) la conscience professionnelle inclut
des comportements tels que l’assiduité et l’investissement dans les tâches, ainsi que
le fait de bien faire son travail et de porter une attention particulière aux détails
(être méticuleux) ; (2) l’esprit sportif correspond à des comportements tels que ne
pas se plaindre même dans les moments difficiles, être toujours dévoué à l’organisa-
tion et agir comme un membre d’une équipe ; et (3) la vertu civique intègre les com-
Un modèle intégrateur des antécédents et des conséquences 77

portements visant à dire et à changer ce qui va mal au travail, ainsi que les
comportements innovateurs et créatifs (Kidder et Parks, 2001).
Les OCBO représentent une réaction comportementale dirigée vers l’entreprise
comme un système global et devraient donc être, suivant le modèle agent / système,
essentiellement déterminés par la justice procédurale. Les travaux empiriques étu-
diant les effets de la justice organisationnelle sur les OCBO ne permettent pas de sou-
tenir unanimement cette logique (Niehoff et Moorman, 1993 ; Moorman et al., 1998 ;
Masterson et al., 2000 ; Aryee et Chay, 2001). Alors que Masterson et al. (2000) ont
estimé que la justice procédurale prédit mieux les OCBO que la justice interactionnelle
et que Moorman et al. (1998) ont fait état de corrélations significatives entre la jus-
tice des procédures et certaines dimensions des OCBO, Niehoff et Moorman (1993) ont
identifié des corrélations significatives entre les trois dimensions de la justice (distri-
butive, procédurale et interactionnelle) et les trois dimensions des OCBO (conscience
professionnelle, esprit sportif et vertu civique). Les résultats des méta-analyses de
Colquitt et al. (2001) et de Cohen-Charash et Spector (2001) vont aussi dans ce sens
en constatant des corrélations quasi égales entre les trois dimensions de justice orga-
nisationnelle et les OCBO (voir tableau 2.2, p. 78).

Les comportements de citoyenneté organisationnelle orientés envers les individus


(OCBI)
Les comportements de citoyenneté organisationnelle orientés vers les individus peu-
vent être de deux types : (1) l’altruisme désigne tous les comportements volontaires
visant à aider les autres dans des tâches ou des problèmes reliés au travail. Ces com-
portements sont orientés vers les collègues et le supérieur hiérarchique et renvoient
aux notions d’entraide et de solidarité ; (2) la courtoisie englobe les comportements
motivés par l’intérêt porté au bien-être des autres. Être attentif aux conséquences de
ses agissements sur les autres, être à l’écoute et apporter un soutien moral sont des
exemples de comportements appartenant à cette catégorie des OCBI (Kidder et Parks,
2001 ; Aryee et al., 2002).
En tant que variable interpersonnelle par nature, les OCBI sont généralement
associés à la justice interactionnelle plutôt qu’aux deux autres dimensions de la jus-
tice (modèle agent / système) (Masterson et al., 2000 ; Colquitt et al., 2001 ; Bies,
2001 ; Aryee et al., 2002). Les résultats des études empiriques et des méta-analyses
soutiennent cette logique en montrant que la justice perçue du supérieur hiérarchique
détermine fortement les OCBI. Par exemple, Aryee et al. (2002) ont montré que, parmi
les trois dimensions de justice, la justice interactionnelle est le meilleur déterminant
des OCBI et que la confiance accordée au supérieur joue un rôle de médiation dans
cette relation. De même, les résultats de Masterson et al. (2000) suggèrent que la
justice interactionnelle a une plus grande influence sur les OCBI que la justice procé-
durale.
78 La justice organisationnelle

Performance
OCB OCBO OCBI
à la tâche

Justice distributive De 0.10 à 0.15 De 0.18 à 0.25 De 0.20 à 0.25 De 0.15 à 0.16

Justice procédurale 0.45 0.23 0.21 De 0.03 à 0.11

Justice interactionnelle De 0.13 à 0.16 - 0.24 De 0.18 à 0.29

TABLEAU 2.2 – Corrélations entre les perceptions de justice organisationnelle et les


indicateurs de performance (intra-rôle et extra-rôle)

2.3 LES COMPORTEMENTS CONTREPRODUCTIFS


L’impact des perceptions de justice sur les comportements contreproductifs a suscité
un intérêt croissant des chercheurs depuis l’article précurseur de Greenberg (1990a).
Cet auteur a montré que les salariés qui ont reçu une explication adéquate des déci-
sions de baisse de salaire reportaient une évaluation plus positive de l’équité salariale
et commettaient moins de vols sur leur lieu de travail que les salariés n’ayant pas reçu
d’explications concernant ces décisions. Dans leur méta-analyse, Cohen-Charash et
Spector (2001) ont trouvé des liens négatifs, d’une part, entre les perceptions de jus-
tice distributive et les comportements contreproductifs (r = -0.24) et les conflits au
travail (-0.15) et, d’autre part, entre les perceptions de justice procédurale et les
comportements contreproductifs (-0.29) et les conflits (-0.13) (voir tableau 2.3,
p. 79). Définis généralement comme des comportements portant atteinte de manière
plus ou moins sévère aux intérêts de l’organisation ou de ses membres (Robinson et
Bennett, 1995 ; Griffin et O’Leary-Kelly, 2004), les comportements contreproductifs
semblent représenter une conséquence, presque intuitive, des sentiments d’injustice.
Le lien entre ces comportements dommageables pour l’organisation et la justice dis-
tributive s’explique par l’idée établie par la théorie de l’équité d’Adams selon laquelle
les individus peuvent réagir négativement à l’injustice ressentie en changeant leurs
comportements dans un sens qui rééquilibre leur ratio rétribution / contribution (Bies
et Tripp, 1996 ; Greenberg et Scott, 1996 ; Triveno et Weaver, 2001 ; Henle, 2005).
Dans une organisation qui les traite de manière inéquitable, les individus baisseraient
ainsi leurs comportements productifs, et s’engageraient même dans des comporte-
ments nuisibles aux intérêts de cette organisation. L’impact de l’injustice procédurale
sur les comportements contreproductifs trouve ainsi son explication dans un cadre
d’échange social où il y a une réciprocité de traitement négatif de la part de l’organi-
sation et de l’individu (Alexander et Ruderman, 1987 ; Dailey et Kirk, 1992 ; Skarlicki
et Folger, 1997 ; Jawahar, 2002). Selon le modèle agent / système, lorsque l’injustice
est interactionnelle, les comportements agressifs et violents sont orientés vers le
supérieur hiérarchique ou les collègues, attisant ainsi les conflits interpersonnels sur
le lieu de travail (Bies et Tripp, 1996 ; Kim, Smith et Brigham, 1998 ; Aquino, Lewis
et Bradfield, 1999 ; Jawahar, 2002).
En adoptant le cadre d’analyse proposé par Robinson et Bennett (1995) et en
distinguant les comportements contreproductifs selon leur cible (organisation vs. per-
Un modèle intégrateur des antécédents et des conséquences 79

sonnes) et leur degré de sévérité (actes mineurs vs. actes graves), Conlon, Meyer et
Nowakowski (2005) ont distingué quatre cas de figure. Le premier concerne les com-
portements contreproductifs mineurs et orientés vers l’organisation (ex. : flânerie,
usage personnel des biens de l’organisation). Ces comportements semblent être sou-
vent la conséquence d’une injustice procédurale (Blader, Chang et Tyler, 2001 ; Fox,
Spector et Miles, 2001 ; Lim, 2002). Le deuxième cas porte sur les comportements
mineurs orientés vers d’autres individus dans l’organisation (ex. : supérieur hiérarchi-
que, collègues, subordonnés). Ces comportements peuvent être les conséquences
d’une injustice interactionnelle, mais aussi de l’injustice distributive et procédurale
(Weiss, Suckow et Cropanzano, 1999 ; Tepper, 2000 ; Conlon et Shapiro, 2002). Le
troisième cas concerne les comportements contreproductifs graves orientés vers
l’organisation (ex. : vols, sabotage). Ces comportements semblent être essentielle-
ment influencés par l’injustice procédurale (ex. : absence d’explication des décisions
préjudiciables) et par l’injustice interactionnelle (Greenberg, 1993a ; Ambrose,
Seabright et Schminke, 2002). Enfin, les comportements contreproductifs graves
orientés vers les autres membres de l’organisation sont essentiellement influencés par
l’injustice procédurale (Greenberg, 2002 ; Greenberg et Barling, 1999).
L’impact des perceptions de justice sur les comportements contreproductifs
n’est pas toujours direct et linéaire. Il est principalement modéré par des traits de
personnalité tels que le degré de développement moral (Greenberg, 2002), l’impul-
sivité et la socialisation (Henle, 2005), l’affectivité négative et le caractère agréable
(Skarlicki, Folger, Tesluk, 1999). Le développement d’études empiriques testant le
rôle modérateur d’autres caractéristiques individuelles telles que la stabilité émo-
tionnelle, le biais d’attribution hostile constitue un axe futur de recherche (Jawahar,
2002).

Comportements
Conflit
contreproductifs

Justice distributive De -0.22 à -0.30 -0.18

Justice procédurale -0.28 -0.19

Justice interactionnelle De -0.33 à -0.35 -

TABLEAU 2.3 – Corrélations entre les perceptions de justice organisationnelle et les


comportements contreproductifs

3. Les modérateurs des effets


de la justice organisationnelle

Les résultats, quelque peu mitigés, des études sur les effets directs de la justice lais-
saient supposer que des modérateurs étaient potentiellement à l’œuvre dans l’impact
de la justice. Nombre d’auteurs mettent l’accent sur l’intérêt d’une approche inter-
80 La justice organisationnelle

active « Situation x Individu » pour la compréhension des effets de la justice organi-


sationnelle (Skarlicki et al., 1999 ; Colquitt et al., 2001 ; Gilliland et Steiner, 2001 ;
De Cremer, 2003 ; Nowakowski et Conlon, 2005). Deux grandes catégories de modéra-
teurs peuvent être distinguées : les modérateurs situationnels et les modérateurs
individuels. La première catégorie désigne les conditions structurelles ou contextuel-
les qui favorisent la sensibilité à la justice et accentuent son impact sur les attitudes
et les comportements des salariés. La seconde catégorie reprend les éléments disposi-
tionnels qui prédisposent un individu à être plus sensible qu’un autre à l’une ou
l’autre forme de justice et à réagir plus fortement à l’injustice.

3.1 MODÉRATEURS SITUATIONNELS


Trois modérateurs situationnels étudiés dans le cadre de la relation entre justice et
conséquences ont retenu notre attention. Il s’agit de la structure organisationnelle,
de la culture organisationnelle et des dimensions de justice elles-mêmes.
Ambrose et Schminke (2003) suggèrent que la structure organisationnelle est
un modérateur potentiel de la relation entre les perceptions de justice et leurs consé-
quences. Ces auteurs reprennent la distinction classique entre le type mécanique et le
type organique de structure. Le premier type définit des structures qui sont rigides et
bureaucratiques. Le pouvoir y est centralisé, les communications y suivent des lignes
hiérarchiques rigides, et les styles de leadership et les descriptions de fonction y sont
uniformes. Enfin, les règles formelles prédominent la prise de décision. À l’opposé,
une structure organique est caractérisée par des modes décentralisés de prise de déci-
sion, des canaux de communications ouverts et flexibles et des règles qui sont adap-
tables. Or, comme il est admis que les règles qui sont cohérentes avec un système
d’objectifs deviennent le standard de référence sur la base duquel la justice est éva-
luée (Leventhal, Karuza et Fry, 1980 ; Schminke, Ambrose et Cropanzano, 2000), les
auteurs suggèrent que les règles formelles représentent le standard d’une structure
mécanique, tandis qu’une structure organique aura, pour standard, les transactions
interpersonnelles. C’est pourquoi, ces auteurs postulent que la justice procédurale
sera plus importante dans une structure mécanique, tandis que la justice interaction-
nelle sera essentiellement saillante dans une structure organique. Les résultats de leur
étude montrent effectivement une relation plus forte entre la justice procédurale et le
support organisationnel perçu dans une structure de type mécanique et une relation
plus forte entre la justice interactionnelle et la confiance envers le supérieur dans une
structure de type organique.
D’autres auteurs suggèrent que les normes culturelles sont un modérateur
potentiel de l’effet de la justice. C’est le cas, par exemple, de Farh, Earley et Lind
(1997) qui ont testé l’effet modérateur de la culture sur l’impact de la justice dans un
échantillon chinois. Les résultats révèlent, comme prévu par les hypothèses, que les
personnes qui partagent des valeurs plus modernes et moins traditionnelles montrent
une relation plus forte entre justice organisationnelle et comportement de citoyen-
neté organisationnelle. Steiner et Gilliland (1996) ont souligné que contrairement aux
salariés français, les salariés américains basaient leur jugement de la justice des pro-
cédures de sélection davantage sur des critères de scientificité. Cependant, la dimen-
sion culturelle la plus étudiée est la distance au pouvoir. Il semble raisonnable de
Un modèle intégrateur des antécédents et des conséquences 81

penser que la manière dont les gens varient dans leur évaluation de la distance adé-
quate entre l’autorité en place et les subordonnés est susceptible d’influencer leur
perception de justice ainsi que leurs réactions conséquentes (Lee, Pillutla et Law,
2000). Ainsi, des personnes appartenant à des cultures caractérisées par une forte
distance au pouvoir, c’est-à-dire qui estiment légitime que l’autorité en place ait un
fort pouvoir sur les subordonnés, sont susceptibles d’accepter beaucoup plus d’exi-
gences de la part de l’autorité qui a tout pouvoir de décision. Par contre, les person-
nes ayant une faible distance au pouvoir sont davantage susceptibles de remettre en
question le pouvoir de l’autorité et donc d’attendre de cette dernière une plus grande
justice dans les procédures et dans les résultats. En d’autres termes, pour une même
action de la part de la figure d’autorité, une personne ayant une faible distance au
pouvoir l’évaluera comme plus injuste qu’une personne ayant une forte distance au
pouvoir. Les résultats confirment cette hypothèse. En effet, Lee et al. (2000) ont
montré que le lien entre les perceptions de justice et l’évaluation de l’autorité (con-
fiance dans l’autorité) était plus important pour les personnes avec une faible dis-
tance au pouvoir. De tels résultats sont également obtenus par Lam, Schaubroeck et
Aryee (2002) qui ont trouvé un effet modérateur de la distance au pouvoir dans la
relation entre les perceptions de justice et la satisfaction, la performance et l’absen-
téisme. Dans une autre étude, Blader, Chang et Tyler (2001) ont comparé les salariés
taïwanais ayant une forte tolérance pour la distance au pouvoir avec des salariés
américains habitués à un écart de pouvoir plus faible entre les subordonnés et leurs
supérieurs. Les résultats montrent que le lien entre l’injustice procédurale et les com-
portements de vengeance était légèrement plus faible pour l’échantillon taïwanais
que pour l’échantillon américain.

Avec la multiplication des dimensions de la justice, de nombreux chercheurs se


sont intéressés à l’effet d’interaction entre justice procédurale et justice distributive
sur les attitudes et comportements. Dans un souci de synthèse, Brockner et Wiesen-
feld (1996) ont répertorié 45 études qui traitaient du sujet. Il est ressorti de leur
analyse une importante cohérence des résultats. En effet, la majorité des études
s’accordait sur le fait que le niveau de justice procédurale était plus positivement lié
aux réactions des individus lorsqu’il y avait une faible justice distributive ou lorsque
les résultats étaient défavorables. De même, le niveau de justice distributive était
plus positivement lié aux réactions des individus lorsque la justice procédurale était
relativement faible. L’effet modérateur de la justice distributive et de la justice inte-
ractionnelle est aussi soutenu par certaines études. Par exemple, Greenberg (1993b) a
montré que les salariés qui ont reçu une explication valide et respectueuse (aspect
représentant la justice interactionnelle), commettaient moins de vols en réaction au
sous-paiement (injustice distributive) que les salariés qui ont été traités avec moins
de sensibilité interpersonnelle.

Enfin, Weiss, Suckow et Cropanzano (1999) font partie des rares chercheurs qui
se sont intéressés au lien entre la justice et les émotions. Ils ont montré, dans une
étude de laboratoire, que l’émotion de joie était prédite essentiellement par la valeur
des outcomes (outcomes favorables vs. défavorables). Par contre, la culpabilité et la
colère étaient influencées par une combinaison spécifique de la valeur des outcomes
et de la qualité de la procédure. En effet, les résultats rapportaient une plus grande
colère lorsqu’une procédure biaisée en défaveur du groupe était couplée avec un out-
82 La justice organisationnelle

come défavorable. La culpabilité, quant à elle, était le fruit d’une combinaison entre
un outcome favorable et une procédure biaisée en faveur du groupe. Krehbiel et
Cropanzano (2000) ont étendu les résultats de cette première étude à d’autres émo-
tions. Ils ont montré que deux émotions positives (joie et bonheur) ainsi qu’une émo-
tion négative (déception) sont directement prédites par la valence des outcomes
(favorables vs. défavorables). Deux émotions négatives (colère et frustration) sont
prédites par une interaction entre une procédure injuste et des outcomes défavorables
tandis que deux autres émotions négatives, la culpabilité et l’anxiété, sont prédites
par une interaction entre une justice procédurale faible et des outcomes favorables.

3.2 MODÉRATEURS DISPOSITIONNELS


En plus de l’effet modérateur de la situation, il est également plausible de trouver des
différences interindividuelles susceptibles de rendre les individus plus ou moins sensi-
bles à la justice. C’est pourquoi plusieurs auteurs se sont penchés sur les variables
idiosyncrasiques susceptibles de modifier l’impact de la justice sur les réactions des
individus.
Une des premières caractéristiques individuelles étudiées est l’estime de soi.
Dans un article reprenant cinq études, Brockner et ses collègues (1998) ont montré
que la justice procédurale avait plus d’impact sur les réactions (confiance, motivation
au travail, intention de rester dans l’entreprise et identification à l’organisation) des
personnes ayant une haute estime d’elles-mêmes. Il est à noter que l’opérationnalisa-
tion de la justice procédurale s’est centrée sur un élément particulier de ce type de
justice, à savoir la possibilité qu’a la personne de donner son avis sur la procédure
(voice). L’argument qui sous-tend cette hypothèse est qu’une personne qui a une
haute estime d’elle-même va avoir plus confiance dans sa capacité à influencer la
décision à prendre. Cet argument est donc adapté particulièrement à cette facette de
la justice procédurale, et susceptible de ne pas s’appliquer aux autres. C’est pourquoi
il serait nécessaire de répliquer ces résultats en prenant en compte l’ensemble des
facettes de cette dimension (Leventhal et al., 1980).
Bien que les résultats soient mitigés, plusieurs études ont montré que le genre
modérait la relation entre la justice et ses conséquences. Une étude menée par Swee-
ney et McFarlin (1997) montre que les femmes et les hommes valorisent différemment
la justice distributive et procédurale. Selon ces auteurs, alors que les femmes valori-
sent plus la justice procédurale, les hommes, quant à eux, sont davantage attentifs à
la justice distributive. Les résultats de leur étude corroborent une telle affirmation.
En effet, la relation entre la justice procédurale et l’intention de rester dans l’organi-
sation, la satisfaction au travail et l’engagement organisationnel est plus forte pour
les femmes que pour les hommes. C’est exactement le pattern inverse qui est observé
pour la relation entre justice distributive et ces mêmes conséquences : la relation est
plus prononcée chez les hommes. Lee et Farh (1999) ont tenté de reproduire de tels
résultats mais sans succès. Ces auteurs montrent que les femmes font davantage con-
fiance à leur supérieur hiérarchique lorsqu’elles estiment leur augmentation de salaire
juste. Enfin, une étude de Lee, Pillutla et Law (2000) contredit également les pre-
miers résultats de Sweeney et McFarlin (1997) en montrant que le lien entre justice
procédurale et satisfaction par rapport à l’organisation était plus important chez les
Un modèle intégrateur des antécédents et des conséquences 83

hommes que chez les femmes. Le manque de consensus dans les résultats et surtout
le peu d’études relevant de ce domaine suggèrent la nécessité d’investiguer plus en
profondeur l’effet du genre dans la relation entre la justice et les attitudes et les com-
portements des individus.
Skarlicki, Folger et Tesluk (1999) se sont intéressés à certaines dimensions de
la personnalité comme variables modératrices de l’effet de la justice organisationnelle
sur les comportements de vengeance et de représailles. Ces auteurs ont montré que,
pour des individus ayant une forte affectivité négative, la combinaison entre une fai-
ble justice interactionnelle et une faible justice distributive prédisait le développe-
ment de comportements de représailles, ce qui n’était pas le cas pour les personnes
ayant une affectivité négative faible. De même, cette combinaison entre une faible
justice interactionnelle et une faible justice distributive menait à des comportements
de représailles chez des personnes ayant un faible niveau d’agréabilité, mais pas pour
ceux ayant un niveau élevé d’agréabilité.
La sensibilité à la violation de la justice (Sensitivity to Befallen Justice, SBI)
est une variable peu étudiée dans le cadre de la justice organisationnelle, mais poten-
tiellement intéressante et pertinente en tant que modérateur (Schmitt, 1996 ;
Schmitt et Dörfel, 1999). Ces auteurs suggèrent que les individus diffèrent dans leurs
besoins individuels de justice ainsi que dans l’importance donnée à la justice comme
valeur centrale. C’est pourquoi ces auteurs suggèrent que l’impact de la justice varie-
rait selon l’importance que les individus lui accordent et leur tendance à ruminer
lorsqu’il y a injustice. Les résultats corroborent ce postulat en montrant que l’injus-
tice procédurale prédisait plus de prise de jours de maladie chez les personnes ayant
une forte sensibilité à la violation de la justice. Cette variable est à distinguer de la
sensibilité à l’équité (Equity sensitivity) qui désigne plutôt la préférence de telle ou
autre règle de distribution des ressources et la tolérance de sa violation (Huseman
et al., 1987). À cet égard, King, Miles et Day (1993) ont montré que la sensibilité à
l’équité a un rôle modérateur de la relation entre l’injustice distributive et la satisfac-
tion.
Dans une volonté de théorisation des effets modérateurs des traits de person-
nalité, Colquitt, Judge, Scott et Shaw (2006) se sont inspirés de la théorie de
l’inéquité (Adams, 1965), la théorie de la justice (Folger et Cropanzano, 1998, 2001),
et la théorie heuristique de la justice (Lind, 2001) pour déterminer des variables de
personnalité susceptibles de modérer la relation entre les perceptions de justice et
leurs conséquences. C’est ainsi qu’ils ont émis l’hypothèse que la sensibilité à l’équité,
le niveau de moralité, la propension à faire confiance et l’aversion au risque étaient
des variables de personnalité susceptibles de modérer l’effet de la justice. Les résul-
tats ont partiellement corroboré cette hypothèse. En effet, Colquitt et al. (2006) ont
montré que la sensibilité à l’équité n’avait pas l’effet escompté, par contre l’effet des
trois formes de justice étudiées dans cette recherche (distributive, procédurale et
interactionnelle) sur la performance était plus fort pour les personnes à haute mora-
lité. Quant à la propension à faire confiance, elle modérait l’effet de la justice sur la
performance et le vol. Enfin, les résultats ont montré que les personnes ayant une
forte aversion pour l’incertitude étaient plus sensibles à l’injustice procédurale et
interactionnelle et que cela avait des répercussions sur leur performance (plus fai-
bles) et leurs comportements de vol (plus importants). Ces résultats rejoignent les
84 La justice organisationnelle

travaux novateurs de Van den Bos (2001) qui montrent que les individus semblent
fortement sensibles à la violation des règles de justice et réagissent plus négative-
ment à cette violation lorsqu’ils sont incertains par rapport à l’avenir.

4. Les domaines d’application de la justice :


Exemples des pratiques de GRH
La sélection représente un domaine fort étudié dans le cadre des perceptions de la
justice. En effet, de nombreuses études ont été consacrées à la justice et à ses réper-
cussions dans le domaine particulier de la sélection du personnel. L’étude de référence
sur le sujet est celle de Gilliland (1993, 1994) qui montre que le sentiment de justice
permet de prédire l’intention de recommander l’entreprise aux autres ainsi que le sen-
timent d’efficacité personnelle. Plus particulièrement, l’auteur montre que les person-
nes qui ont reçu une explication quant aux raisons de leur rejet de la sélection sont
plus enclines à recommander l’entreprise. De plus, les personnes qui ont été retenues
suite à un processus de sélection dont le contenu était lié à la fonction à pourvoir ont
un sentiment d’efficacité personnelle plus fort que ceux qui ont été rejetées suite à
une telle procédure de sélection. Dans une étude empirique longitudinale, Ployhart et
Ryan (1997) montrent un effet d’interaction entre la justice procédurale et la justice
distributive pour prédire les intentions de recommander et de re-postuler ainsi que
l’autoévaluation de la performance. De manière générale, les résultats ont montré
qu’une perception favorable à l’entreprise était plus prononcée chez les individus qui
percevaient les résultats de la sélection comme justes. Dans une autre étude longitu-
dinale, Bauer, Maertz, Dolen et Campion (1998) ont montré que le sentiment de jus-
tice à l’égard des procédures de sélection avait un impact sur l’attractivité de
l’organisation et sur les intentions de la recommander à d’autres candidats (voir
encadré 2.1, p. 85).
Notons qu’en plus de ce foisonnement d’études sur les procédures de sélection
du personnel, d’autres domaines d’applications de la justice à la GRH ont été étudiés
(Folger et Cropanzano, 1998). C’est le cas, notamment du changement organisation-
nel. Notons, par exemple une étude de Kickul, Lester et Finkl (2002) qui montre un
effet modérateur des dimensions de la justice procédurale et interactionnelle sur
l’effet de la violation du contrat psychologique dans le cadre d’un changement organi-
sationnel. Dans le même ordre d’idée, Gopinath et Becker (2000) ont mené une étude
sur le lien entre la justice et la confiance dans le cadre d’un rachat suivi d’un licencie-
ment collectif. Ils ont montré que la justice procédurale permettait de prédire la con-
fiance accordée au nouveau propriétaire et l’implication organisationnelle envers la
nouvelle entité. Parmi le peu d’études qui traitent du lien entre la justice et le stress,
retenons celle de Judge et Colquitt (2004) qui montre un effet médiateur du conflit
travail-famille sur le lien entre d’une part la justice procédurale et interpersonnelle et
d’autre part le stress. S’intéressant également au phénomène de conflit travail-
famille, Siegel et ses collègues (2005) ont trouvé que la justice procédurale modère la
relation entre le conflit et l’implication organisationnelle. En effet, ils montrent que
les conséquences négatives engendrées par le conflit travail-famille sur l’implication
Un modèle intégrateur des antécédents et des conséquences 85

organisationnelle sont moins prononcées lorsque les travailleurs perçoivent une forte
justice procédurale.

Encadré 2.1
Antécédents et conséquences de l’équité perçue des pratiques GRH
Exemple de la sélection

Dans l’environnement économique actuel, la sélection constitue une pratique impor-


tante pour l’entreprise parce que sa qualité influence les performances futures de
celle-ci et sa capacité à attirer des employés qualifiés (Smither et al., 1993 ; Folger
et Cropanzano, 1998). La sélection est également un moment important pour les
candidats qui y participent parce qu’elle affecte leurs évaluations d’eux-mêmes et
peut susciter chez eux des sentiments d’(in)justice (Gilliland, 1993 ; Cropanzano et
Wright, 2003). Les premiers travaux prenant en compte la dimension sociale des
processus de sélection remontent à la fin des années 1980 (ex., Bies et Shapiro,
1988 ; Campion et Arvey, 1989), mais c’est Gilliland (1993) qui a proposé le pre-
mier modèle théorique complet intégrant la littérature de la justice organisationnelle
et celle des systèmes de sélection. Ce modèle a été amélioré, testé et validé empiri-
quement par plusieurs recherches (ex., Ployhart et Rayan, 1997 ; 1998 ; Gilliland
et al., 2001 ; Bauer et al., 2001; Hausknecht, Day et Thomas, 2004 ; Bell, Wiech-
mann et Ryan, 2006). Les résultats de ces travaux font état d’un grand nombre
d’antécédents et de conséquences des perceptions de la justice de la sélection dont
les plus importants sont résumés dans la figure 2.3 (p. 86).

L’application des critères de la justice distributive, procédurale et interactionnelle a


permis d’identifier les caractéristiques de la méthode de sélection et du comporte-
ment des recruteurs déterminant la justice perçue du résultat du processus de sélec-
tion, des méthodes et des tests utilisés et des agents responsables de l’application
de ce processus. Ainsi, la procédure de sélection est jugée comme d’autant plus
juste quand elle est pertinente, quand elle donne l’opportunité au candidat de mon-
trer ses compétences et de vérifier l’exactitude des résultats sur lesquels se base la
décision et quand elle est appliquée de manière cohérente à travers le temps et les
personnes (Gilliland, 1993, 1994 ; Bauer et al., 2001 ; Bell et al., 2006). Le recru-
teur doit quant à lui assurer un feedback rapide, expliquer convenablement et hon-
nêtement la procédure des tests de sélection, traiter les candidats avec respect et
leur donner l’occasion d’exprimer leurs points de vue (Gilliland, 1993, 1994 ;
Cropanzano et Wright, 2003 ; Hausknecht et al., 2004). Certains travaux ont en
plus comparé l’équité relative des méthodes de sélection les plus utilisées
(ex., Smither et al., 1993 ; Rynes et Connerley, 1993 ; Folger et Cropanzano,
1998). Ainsi, on sait que la méthode des interviews est perçue comme équitable
parce qu’elle permet au candidat de s’exprimer et de prouver ses compétences. Par
contre, la méthode des tests de capacités cognitives est perçue comme beaucoup
plus injuste parce qu’elle est considérée comme peu pertinente et peu reliée aux
aspects concrets du travail. Enfin, l’évaluation de la justice du processus de sélection
est affectée par des modérateurs tels que l’expérience passée du candidat et ses a
priori sur l’image de l’entreprise en question (Gilliland, 1993).
86 La justice organisationnelle

Plusieurs comportements et attitudes ont été reliés à la justice perçue du système de


sélection. Par exemple, durant le processus, les perceptions de justice peuvent déter-
miner la motivation du candidat et sa décision à accepter ou non le poste (Gilliland,
1993, 2001 ; Ployhart et Rayan, 1997). Pour les candidats recrutés, cette première
expérience avec la justice de l’entreprise peut affecter leur satisfaction au travail,
leur engagement, leur performance et le niveau de leurs comportements de citoyen-
neté organisationnelle (Gilliland, 1993, 1994 ; Bauer et al., 2001 ; Cropanzano et
Wright, 2003). Il a été enfin suggéré que la justice du système de sélection déter-
mine l’attractivité et l’image de l’entreprise en général (Bauer, Maertz Jr, Dolen et
Campion, 1998).

FIGURE 2.3 – Antécédents et conséquences de la justice perçue du processus de


sélection / recrutement

5. Conclusions et recherches futures


À la lecture de cette synthèse sur la justice organisationnelle et sur la base des cen-
taines d’études sur les antécédents et les conséquences de celle-ci, il apparaît claire-
ment que la justice a des effets non négligeables sur nombre d’attitudes et de
comportements fondamentaux dans les organisations. S’il ne faut en citer que quel-
ques-uns, pensons à la performance, la satisfaction au travail, l’engagement organisa-
tionnel, l’intention de départ ou encore les comportements de citoyenneté
organisationnelle et les comportements contreproductifs. Ces résultats sont impor-
tants, mais il leur manque toujours un appui théorique solide et intégrateur. En effet,
lorsqu’il s’agit d’expliquer le lien entre la justice et ses conséquences, seuls deux
modèles théoriques, qui ne sont pas toujours empiriquement corroborés, émergent :
le modèle bi-factoriel et le modèle agent-système. Il faut cependant noter que les
chercheurs se rendent progressivement compte de cette lacune et tentent, actuelle-
ment d’y répondre. C’est notamment le cas de Blader et Tyler (2005) qui proposent
une revue de la littérature théorique centrée sur « pourquoi » les individus sont sensi-
Un modèle intégrateur des antécédents et des conséquences 87

bles à la justice – et donc réagissent avec force à la violation de ses normes. Ces
auteurs notent cependant que des nouvelles théories comme la théorie de la justice
(Folger et Cropanzano, 1998) et la théorie des heuristiques de la justice (Lind, 2001),
si elles expliquent bien pourquoi les individus sont sensibles à la justice, elles ne per-
mettent pas toutes d’expliquer pourquoi la justice engendre telle ou telle consé-
quence. De plus, la plupart de ces théories sont nouvelles et n’ont donc pas encore eu
l’occasion d’être testées empiriquement.
Par ailleurs, si les effets de la justice sont importants, ils ne semblent pas
l’être de manière identique dans toutes les situations, ni pour tout le monde. En effet,
certaines situations génèrent un plus grand intérêt pour la justice que d’autres. C’est
ce que nous avons montré dans la partie consacrée aux modérateurs situationnels et
aux domaines d’application. Il est également ressorti de ce chapitre, que les individus
ne sont pas égaux face aux perceptions de la justice. Certains y sont plus sensibles
que d’autres. Nous avons vu, en effet, que certaines variables dispositionnelles telles
que le genre, la sensibilité à la justice ou encore certains traits de personnalité modu-
lent à la fois en amont et en aval les perceptions de justice, aussi bien au niveau des
antécédents qu’au niveau des conséquences.
Au-delà de savoir quand la justice a ou n’a pas d’effet, il est également primor-
dial de mieux comprendre comment cet effet a lieu. Quel est le processus qui le sous-
tend ? Les chercheurs ont bien compris toute l’importance qu’il y avait à saisir ce qui
se passait dans cette « boîte noire processuelle », tant pour une meilleure compré-
hension scientifique que pour des impératifs managériaux. S’est ainsi développé tout
un courant de recherche sur la médiatisation et la modération de l’effet de la justice.
Jusqu’à présent, la théorie sur laquelle se basent essentiellement ces recherches est
la théorie de l’échange social. L’action jugée comme juste de la part de l’organisation
ou du supérieur hiérarchique est un signal que cette entité a la volonté de s’engager
dans une relation positive. Le travailleur y répond en adoptant des attitudes ou com-
portements adéquats. D’autres théories telles que la théorie de l’engagement dans le
groupe (Tyler et Blader, 2001) semblent également émerger, permettant de lever un
bout du voile qui repose sur les processus en jeu.
En ce qui concerne les perspectives et l’évolution de la littérature en justice
organisationnelle, deux courants émergents ont retenu notre attention. Il s’agit de
l’approche multi-formes/multi-sources et de l’approche multi-niveaux. La première
approche se base sur l’idée qu’il existe plusieurs formes de justice qui peuvent émaner
d’au moins deux sources distinctes au sein d’une organisation (l’organisation elle-
même et le supérieur direct). Il n’est pas exclu, à l’avenir, de détecter d’autres sources
de justice. Pensons notamment aux collègues. La seconde perspective émergente
aborde les perceptions de justice à différents niveaux dans l’organisation. Si les per-
ceptions sont essentiellement individuelles, leur cohérence à travers les membres d’un
groupe de travail peut avoir des répercussions sur des attitudes ou comportements à
pertinence groupale tels que par exemple la performance. Dans le même ordre d’idée,
à côté des recherches qui agrègent les perceptions individuelles, d’autres optent pour
une évaluation de la manière dont le groupe d’appartenance est traité.
Un courant très récent de la littérature sur la justice organisationnelle est con-
sacré à son étude à un niveau agrégé. L’étude des processus et des mécanismes col-
lectifs de formation des sentiments de justice constitue ainsi un axe très prometteur
88 La justice organisationnelle

des recherches futures. Nonobstant, seules quelques études s’y sont déjà intéressées,
et les résultats semblent encourageants. Dans ce domaine, Mossholder, Bennettt et
Martin (1998) font figure de précurseurs. Ces auteurs ont exploré les perceptions de
justice dans et à travers les unités d’une entreprise de services financiers. Cette étude
avait pour objectif de déterminer si les personnes d’une même entité de travail parta-
geaient les mêmes perceptions de justice procédurale et si ces perceptions partagées
permettaient de prédire la satisfaction au travail et l’engagement organisationnel au
niveau individuel. Les résultats révèlent un consensus intra-unité et des variations
inter-unités quant aux perceptions de la justice procédurale. De plus, les résultats
montrent que les individus appartenant à des unités qui montraient un niveau élevé
de justice rapportaient un plus haut niveau de satisfaction au travail que ce que l’on
aurait pu attendre sur la base de leur niveau individuel de perception de justice.
Simons et Roberson (2003) étendent cette précédente étude essentiellement sur deux
points. Tout d’abord, ils s’intéressent à deux niveaux supérieurs au groupe de travail,
à savoir le niveau du département et celui de l’organisation. Ensuite, ils intègrent,
dans leur modèle, la dimension de justice interactionnelle qu’ils agrègent également à
ces deux niveaux d’étude. Les résultats de cette étude montrent que, au niveau dépar-
temental, la justice procédurale prédit directement l’engagement organisationnel,
tandis que la justice interactionnelle prédit l’engagement organisationnel de manière
indirecte, via la satisfaction à l’égard du supérieur hiérarchique. Ces résultats sont
reproduits au niveau organisationnel.
Une autre piste pour aborder le niveau groupal de la justice organisationnelle
est proposée par Naumann et Bennett (2000). Ces auteurs introduisent le concept de
« climat de justice procédurale » qui est une cognition collective quant à la manière
dont un groupe de travail est traité. Les résultats de leur recherche indiquent un con-
sensus élevé parmi les membres des groupes de travail quant à ces perceptions de jus-
tice groupale. De plus, les résultats d’analyses inter-niveaux montrent que les
perceptions agrégées de justice expliquent une part de variance unique des consé-
quences au-delà de celle prédite par le niveau individuel. Dans le même ordre d’idée,
Colquitt (2004) montre, à travers deux études, que la performance est prédite par
l’interaction entre la perception individuelle de justice et la perception de la justice
envers l’équipe dont fait partie l’individu. Ainsi, l’auteur a trouvé que la performance
est meilleure lorsque la justice était perçue de manière cohérente et uniforme au sein
de l’équipe. Ces effets étaient plus importants dans des équipes avec une forte inter-
dépendance et plus faibles pour les personnes ayant une forte sensibilité à l’équité.
Ehrart (2004) va dans ce sens et montre que le climat de justice procédurale, tel que
perçu par les membres d’un département d’un grand magasin, prédit leurs comporte-
ments citoyens au travail.
Comme nous pouvons le voir à travers cette synthèse, nos connaissances sur la
justice organisationnelle ont fortement progressé depuis l’apparition du concept dans
la littérature organisationnelle, mais elles sont loin d’être abouties et d’assurer une
compréhension claire d’un phénomène particulièrement complexe et touchant au
cœur de la nature humaine. Beaucoup d’éléments théoriques et de tests empiriques
restent à développer, mais l’espoir d’un monde organisationnel plus juste est grand
car les travaux en cours annoncent des lendemains prometteurs.
Chapitre 3

La justice des arrangements


idiosyncrasiques au travail :
quelle justice à l’ère
de l’individualisation ?

Jerald GREENBERG, Marie-Élène ROBERGE, Violet T. HO


et Denise M. ROUSSEAU 1

La standardisation des pratiques de gestion des ressources humaines a longtemps


marqué la pensée managériale. Qu’il s’agisse d’identifier la rémunération que les
employés reçoivent pour un emploi donné (sous forme d’échelle salariale), de spéci-
fier comment la performance à l’emploi sera évaluée (sous forme de grille d’évaluation
de la performance), ou de délimiter l’ensemble des tâches à effectuer (comme dans
une description formelle des emplois), l’uniformisation des pratiques organisationnel-
les et de gestion des ressources humaines est la règle générale. En fait, l’homogénéité
des pratiques de ressources humaines a gagné en popularité depuis la révolution
industrielle au XIXe siècle (Kornblith, 1998) et l’avancement de la gestion scientifique
au XXe siècle (Taylor, 1911). Animés par la volonté de réduire et de maîtriser la varia-
bilité des comportements humains (Budd, 2004), les employeurs ont développé
l’homogénéisation et l’uniformité des pratiques de ressources humaines ; ce qui a
contribué au renforcement de l’efficacité des organisations et à la promotion de la
coopération et de la confiance dans les relations interpersonnelles (Lazear, 1981).
Ces dernières années, la standardisation a été cependant érodée par deux for-
ces proéminentes du marché du travail qui ont fait de l’individualisation un nouveau
standard dans la gestion des ressources humaines. Premièrement, étant donné que la
compétition à embaucher, à motiver et à retenir les meilleurs employés s’intensifie,

1 University of Ohio – University of Nanyang – Carnegie Mellon University.


90 La justice organisationnelle

plusieurs organisations ont de plus en plus recours aux tactiques utilisées par les
équipes sportives pour s’assurer de conserver les meilleurs athlètes et par les produc-
teurs de films pour s’assurer les meilleurs acteurs – en traitant les employés les plus
convoités, qu’ils soient candidats ou déjà titulaires à l’emploi, comme des
« vedettes » (Lee, MacDermid et Buck, 2000). Des individus si exceptionnels ne méri-
tent pas des traitements standard mais plutôt des traitements exceptionnels qui, par
définition, excluent la standardisation – la devise devient alors « Seuls les gens ordi-
naires reçoivent des arrangements ordinaires ».
La seconde force qui a miné l’hégémonie de la standardisation provient de
l’accroissement des attentes des travailleurs concernant leur droit de parole (Budd,
2004). Comme le travail d’équipe et les collaborations entre travailleurs sont devenus
monnaie courante, les normes sociales ont développé la capacité des employés à
s’exprimer sur les arrangements de travail qui satisfont leurs besoins et désirs indivi-
duels au-delà des accords collectifs (Freeman et Rogers, 1999). Cela est spécialement
vrai en ce qui a trait aux politiques qui rendent possible la conciliation entre la pour-
suite simultanée d’une carrière et des opportunités de la vie personnelle (Grover et
Crocker, 1995). Dans cette optique, les salariés ont de plus en plus accès aux informa-
tions concernant certains employeurs qui acceptent de s’adapter aux pressions du
marché du travail pour attirer les meilleurs travailleurs (Cappelli, 2000). Dans la
mesure où cela est considéré comme étant la nouvelle norme, il n’est pas surprenant
de trouver des employés qui exercent des pressions sur leur propre employeur afin
qu’il accepte des arrangements individualisés sur une base ad hoc (au moins jusqu’à
ce qu’ils soient institutionnalisés ; Rousseau, Ho et Greenberg, sous presse).
Mises en commun, ces deux forces contribuent à l’érosion des pratiques de res-
sources humaines standardisées en faveur de celles qui sont individualisées et très
spécifiques aux besoins de certains profils de salariés (Rousseau, 2000). Cette ten-
dance à développer des ententes de travail non standard représente un changement
fondamental de paradigme dans les relations de travail contemporaines.

1. La nature des i-deals

Les arrangements fortement spécifiques et individualisés qui permettent aux tra-


vailleurs et aux managers de négocier des contrats de travail idiosyncrasiques bénéfi-
cient d’une popularité grandissante dans les grandes entreprises (Rousseau, 2005),
suscitant ainsi l’intérêt des chercheurs en ressources humaines (Rousseau, 2001,
2004). Nous désignons de tels arrangements idiosyncrasiques par i-deals (Rousseau
et al., sous presse), terme qui sert d’abréviation ainsi que d’indicateur sous-entendant
que de tels arrangements sont idéaux 2 tant pour l’employeur que pour l’employé. Plus
spécifiquement, nous définissons les i-deals comme des ententes volontaires et per-
sonnalisées, de nature non standard, négociées entre employeurs et employés dans le
respect du contrat de travail. Les caractéristiques clés des i-deals sont les suivantes :

2 De l’anglais « ideal ». Nous avons préféré garder le vocable de i-deal pour désigner l’accord indi-
vidualisé et personnalisé, conclu entre l’entreprise et un travailleur possédant une compétence spéci-
fique ou un haut potentiel.
La justice des arrangements idiosyncrasiques au travail 91

1. Les i-deals sont négociés individuellement de manière à refléter la valeur de


l’employé sur le marché du travail telle que reconnue par l’employeur (Bartol et
Martin, 1989).
2. Les i-deals génèrent un certain degré d’hétérogénéité intragroupe en ce qui
concerne les gains et bénéfices reçus par les autres collègues au travail (Klein,
Dansereau et Hall, 1994).
3. Les i-deals sont basés sur les intentions mutuelles pour servir les intérêts des
deux parties, les employeurs (ceux qui désirent des contributions extraordinai-
res) et les employés (ceux qui désirent une reconnaissance spéciale et des
conditions de travail exceptionnelles).
4. Les i-deals varient tant en termes de forme (ex. : relativement aux salaires ou
aux avantages divers) qu’en termes d’étendue (allant d’un élément idiosyncra-
sique unique et singulier inclus dans un contrat standardisé à un contrat com-
plètement spécifique et individualisé).
5. Les i-deals peuvent être formés soit entre l’employé potentiel et l’employeur,
dans l’objectif de créer une entente mutuelle satisfaisante pour la fixation des
termes du contrat (cela désigne un i-deal de type ex-ante), ou encore entre
l’employé déjà embauché et l’employeur, afin de réviser les termes du contrat
déjà existant (cela désigne un i-deal de type ex-post).
La littérature rapporte certaines illustrations concernant des employés considé-
rés comme ayant certains « talents » et qui ont été capables de capitaliser sur leur
valeur ajoutée en négociant des conditions de travail plus avantageuses et favorables
par rapport à celles de leur collègues (Frank et Cook, 1995 ; Rosen, 1981). Hochschild
(1997), par exemple, décrit le cas d’un ingénieur, possédant des compétences ayant
une valeur extraordinaire, et qui s’est retrouvé résigné à quitter l’entreprise pour pou-
voir assouvir sa passion pour la photographie sous-marine. Alarmés par les coûts à
long terme qu’engendrerait le départ de cet ingénieur, les responsables de l’entreprise
négocièrent un i-deal qui permettait à cet employé de valeur de suivre des cours de
photographie sous-marine pendant une année avant de réintégrer le travail. Cet arran-
gement peu commun se voulait bénéfique pour les deux parties, l’ingénieur (en lui
offrant l’occasion de développer et d’assouvir sa passion pour la photographie) ainsi
que l’entreprise en s’assurant de la fidélisation de cet ingénieur à haut potentiel.
De cet exemple, il est important de souligner la nature gagnant-gagnant de
ces arrangements tant pour l’employé (E) que pour l’organisation (O). Ceci définit les
caractéristiques des i-deals, les distinguant des relations de travail davantage person-
nelles qui permettent à un employé en particulier de recevoir un traitement de faveur.
Par exemple, tel que décrit par Rousseau et al. (sous presse), les i-deals diffèrent de
ce qui est considéré comme étant du favoritisme ou du copinage. Dans ces cas,
l’arrangement individuel est bénéfique pour l’employé (ex. : en obtenant des missions
et des attributions au travail qui lui sont favorables) et pour son superviseur (ex. : en
obtenant en retour des faveurs de nature sociale ou politique), mais peut ne pas l’être
pour l’organisation (Pearce, Branyiczki et Gigley, 2000), et peut même dans certains
cas lui causer du tort et lui porter préjudice (Rousseau, 2004). Lorsque des arrange-
ments personnalisés détournent les règles, ou n’ajoutent pas de valeur à l’organisa-
tion, ils ne peuvent donc pas être considérés comme des i-deals.
92 La justice organisationnelle

La même chose pourrait être dite à propos de certaines pratiques de gestion


habituellement passées sous silence, telles que par exemple le fait de pardonner les
vols commis par un employé (Tomlinson et Greenberg, 2004). En permettant aux
employés de voler, certains managers vont compter sur une sorte de « structure sala-
riale invisible » (Ditton, 1977), afin d’avoir des opportunités additionnelles d’influen-
cer leurs subordonnés (Greenberg et Tomlinson, 2004). Dans ce cas, malgré le fait que
les employés (grâce à des revenus supplémentaires) ainsi que les managers (grâce à
ce qu’ils gagnent en termes d’opportunité d’influencer ces employés) retirent des
bénéfices, leur organisation en souffrira (à cause des ressources perdues), rendant de
tels arrangements des non i-deals. Pour qu’un arrangement idiosyncrasique soit consi-
déré comme un i-deal, il doit être idéal pour toutes les parties. Cela requiert souvent
des ajustements dans le style de gestion, tel qu’il en sera question dans ce chapitre.

2. La justice sans la standardisation


Bien que ce ne soit pas reconnu pas tous, la standardisation des pratiques de gestion
est un moyen qui permet de réguler les perceptions de justice dans le contexte du tra-
vail. Par sa nature particulière, la standardisation implique des traitements égaux des
travailleurs dans des conditions équivalentes, et « traiter d’égal à égal » est un cri-
tère de justice accepté depuis Aristote (Ostwald, 1962). Aussi, il n’est pas surprenant
que les efforts pour s’assurer que les travailleurs reçoivent « un salaire honnête pour
un travail honnête » et pour limiter les risques d’exploitation et la corruption par les
employeurs (Foulke, 1974) aient été considérés comme un moyen d’assurer la justice
(Jackall, 1989). Les pratiques de gestion des ressources humaines standardisées assu-
rent une certaine justice en uniformisant les procédures formelles ; un point déjà sou-
ligné par Taylor (1911) en développant l’organisation scientifique du travail.
Toutefois, la justice est beaucoup plus illusoire dans le cas des i-deals parce qu’ils
constituent une exception à la règle, une île d’hétérogénéité dans un océan d’homo-
généité. Il existe différentes normes de justice selon Deutsch (1975, 1985) : l’équité,
l’égalité et le besoin (cf. Bagger, Cropanzano et Ko, chapitre 1). La règle d’égalité
assurée par la standardisation des pratiques organisationnelles est certes remise en
question par les i-deals. Ajouté au fait que les i-deals sont précisément faits dans le
secret et gardés privés, il devient donc clair que ces arrangements constituent un ter-
rain fertile pour des injustices potentielles.
En dépit d’une popularité grandissante, la nature spécifique des i-deals les pré-
disposent à être perçus comme étant injustes. En confrontant ces faits aux résultats
empiriques sur les problèmes associés à la perception d’injustice dans les organisa-
tions (ex. : diminution de la performance au travail, diverses formes de retrait des
employés tels que des départs volontaires, et différentes formes de comportements
contreproductifs tels que le vol effectué par les employés ; pour une revue de la litté-
rature voir Greenberg et Colquitt, 2005 et El Akremi, Nasr et Camerman, chapitre 2), il
devient nécessaire que les i-deals soient gérés d’une façon qui minimise les risques de
perceptions d’injustice. Certes, nous ne soutenons pas que des procédures intrinsè-
quement injustes soient choisies de façon à déguiser la véritable nature des i-deals.
Nous ne croyons pas du tout que les i-deals soient injustes par nature. Nous affirmons
plutôt que la nature ad hoc des i-deals, avec la façon dont ils sont typiquement créés
La justice des arrangements idiosyncrasiques au travail 93

et communiqués, requiert des efforts consciencieux pour une gestion juste. Ces efforts
ne sont généralement pas nécessaires quand des pratiques de ressources humaines
standardisées sont utilisées.
À cette fin, nous allons présenter un cadre conceptuel qui identifie les ques-
tions de justice selon les points de vue des acteurs des i-deals. Nous discuterons sys-
tématiquement ces questions en nous focalisant sur les diverses préoccupations de
justice que peuvent avoir les différents acteurs des i-deals. Nous terminerons par une
discussion des problèmes clés, implications et applications pratiques de notre ana-
lyse.

2.1 CADRE CONCEPTUEL


Dans la mesure où les i-deals caractérisent le monde organisationnel contemporain,
nous croyons qu’il est primordial de comprendre les réactions des individus aux i-deals
ainsi que l’intérêt des organisations à continuer de les proposer. De plus, comme les i-
deals représentent un échange des ressources dans le milieu de travail, les individus
sont sensibles au message de justice que ces i-deals transmettent (Greenberg, 1996 ;
Rousseau, 2001). De ce fait, percevoir les i-deals comme étant appropriés et légitimes
a probablement des effets considérables et bénéfiques sur l’organisation et les
employés (Rousseau, 2005 ; Rousseau et al., sous presse).
Dans cet ordre d’idées, nous allons analyser les i-deals en respectant les diffé-
rentes perspectives de la justice organisationnelle : la justice distributive, la justice
procédurale, la justice interpersonnelle et la justice informationnelle (pour une revue
de la littérature voir Colquitt et Greenberg, 2003 ; Colquitt, Greenberg et Scott,
2005 ; Bagger, Cropanzano et Ko, chapitre 1). Chacune de ces perspectives représente
un point focal différent de la justice à travers lequel les i-deals peuvent être compris
et évalués. Plus particulièrement, notre analyse de la justice des i-deals est guidée par
un cadre conceptuel basée sur une combinaison de chacune des quatre dimensions de
la justice organisationnelle et de chacune des trois formes de relation en dyade entre
les différents acteurs des i-deals, à savoir les managers, les employés concernés par
l’i-deal et leurs collègues respectifs.

2.1.1 Les acteurs des i-deals


Bien que les i-deals soient formés entre les managers (M) et les employés (E), ceux-ci
ne sont pas les seuls acteurs concernés par ces arrangements individualisés. Pour
mieux comprendre la justice des i-deals, nous devons également considérer deux
acteurs additionnels – les collègues de travail (C) et bien entendu, l’organisation (O)
dans laquelle les accords idiosyncrasiques sont établis. La figure 3.1, p. 94, identifie
les relations dyadiques clés, E-M, E-C, M-C, pour lesquelles une attention particulière
doit être accordée dans l’analyse de la justice des i-deals. Cette illustration permet
également de différencier graphiquement entre un i-deal ex-ante (dans un tel cas, E
n’est pas encore un membre de l’organisation) et un i-deal ex-post (dans un tel cas, E
est déjà un membre de l’organisation) en termes de relations d’échange entre le sala-
rié et les autres acteurs. Notre analyse de la justice des i-deals sera considérée à partir
des perspectives de chacune de ces dyades.
94 La justice organisationnelle

FIGURE 3.1 – Cadre d’analyse des accords individualisés au travail

Avant de commencer notre analyse, trois précisions semblent nécessaires. Pre-


mièrement, pour simplifier la présentation, nous postulons que M est le même indi-
vidu à qui E se rapporte et avec qui E négocie l’i-deal. Bien sûr, la division du travail
dans les organisations peut signifier que cela est ou n’est pas le cas dans tous les i-
deals (Rousseau, 2005). Deuxièmement, bien que O soit certainement un acteur
important, nous allons toutefois lui accorder moins d’attention dans notre analyse.
Ceci reflète le fait que E, M et C sont déjà considérés comme faisant partie de O (du
moins potentiellement, dans le cas de E) et que les impacts des i-deals sur O sont pro-
La justice des arrangements idiosyncrasiques au travail 95

bablement de nature plus distante. Bien entendu, dans la mesure où les i-deals peu-
vent avoir des effets sur le système organisationnel, au-delà des résultats immédiats
réalisés par E, M et C, nous considèrerons également O en tant qu’acteur dans notre
analyse. Troisièmement, à moins que cela ne soit mentionné, nous focaliserons notre
intérêt sur les i-deals ex-post à l’exclusion des i-deals ex-ante. Cela est justifié par le
fait que les relations interpersonnelles entre E et les autres acteurs n’ont pas encore
été créées dans le cas des i-deals ex-ante. Au risque de trop simplifier, la distinction
majeure est de nature temporaire – justifiant les arrangements qui ont déjà été éta-
blis dans le cas des i-deals ex-post et ceux qui sont à construire dans les cas des
i-deals ex-ante.

2.1.2 Types de justice


Notre analyse de la justice des i-deals sera basée sur les quatre types de justice qui
ont été identifiés dans la littérature par Greenberg (1993b) et ont été empiriquement
vérifiés par Colquitt (2001). Afin de compléter les définitions données par Bagger,
Cropanzano et Ko dans le chapitre 1 de cet ouvrage, nous présenterons succinctement
la justice distributive, la justice procédurale, la justice interpersonnelle et la justice
informationnelle.

La justice distributive
La justice distributive fait référence aux perceptions de l’équité des rétributions
reçues. Dominant l’approche traditionnelle de la justice organisationnelle (Greenberg,
1987), elle est principalement fondée sur la théorie de l’équité d’Adams (1965). Les
recherches sur la justice distributive ont montré que les individus préfèrent maintenir
une distribution des rétributions qui reflète la contribution relative de chacun à une
tâche commune (Greenberg, 1982).

La justice procédurale
Les perceptions de la justice des procédures et des règles utilisées pour déterminer
les rétributions peuvent être influencées par plusieurs critères tels que le fait d’accor-
der aux individus le droit à la parole lors de la prise des décisions (Thibaut et Walker,
1975), de baser ces décisions sur des informations précises, d’être cohérent dans
l’application des règles ou d’assurer des possibilités de révision des décisions prises
(Leventhal, 1980). La justice procédurale a reçu une attention importante dans les
recherches compte tenu de ses implications sur les pratiques de gestion des ressour-
ces humaines (Cropanzano, Rupp, Mohler et Schminke, 2001 ; Folger et Cropanzano,
1998). À cet égard, un intérêt particulier a été accordé à la perception de justice des
procédures d’évaluation du rendement (cf. Greenberg, 1986), du système de rémuné-
ration (cf. Greenberg et McCarty, 1990) et du système de sélection du personnel
(cf. Gilliland et Hale, 2005).

La justice interpersonnelle
La justice interpersonnelle désigne le degré de respect et de sensibilité manifesté à
l’égard d’un individu. Plusieurs recherches ont démontré que la perception d’un degré
élevé de justice interpersonnelle est associée à des réactions positives même lorsque
96 La justice organisationnelle

les rétributions sont négatives (pour une revue de la littérature, voir Greenberg,
1985 ; Folger et Cropanzano, 1998). Par exemple, il a été démontré que lorsqu’un
manager fait preuve d’écoute et de réceptivité des critiques de la part de ses
employés, cela améliore l’acceptation par ces employés des politiques anti-tabac
(Greenberg, 1994), et diminue la tendance des employés licenciés à s’engager dans
des poursuites judiciaires contre leur ancien employeur (Lind, Greenberg, Scott et
Welchans, 2000).

La justice informationnelle
La justice informationnelle désigne la qualité des informations utilisées pour expli-
quer la manière avec laquelle les décisions ont été prises ainsi que la précision des
explications fournies à propos des rétributions reçues. Plus précisément, lorsqu’un
supérieur hiérarchique communique honnêtement l’information, au moment opportun
et d’une manière adaptée aux besoins des individus, la perception de la justice infor-
mationnelle est meilleure. De plus, la précision de l’information communiquée témoi-
gne de ce type de justice (Shaw, Wild et Colquitt, 2003). Nombre des effets positifs
de la justice interpersonnelle ont été également observés en réponse à un haut degré
de justice informationnelle (Colquitt et Shaw, 2005 ; Bobocel et Zdaniuk, 2005 ; El
Akremi, Nasr et Camerman, chapitre 2).

3. Les perceptions de la justice des i-deals


dans la dyade Employé-Manager

Dans la mesure où les i-deals sont négociés directement entre les employés et leurs
managers, ces deux parties ont directement l’opportunité de formuler des ententes
satisfaisant leurs préoccupations respectives de justice. Après tout, tant que chacune
des parties ne croit pas que l’i-deal est juste, elle ne sera pas prête à accepter une
entente ni même à continuer de négocier, et ce jusqu’à ce que justice soit établie.
Ceci suppose que la justice est une qualité désirable dans la relation employé-
employeur, un aspect que l’on ne retrouve nécessairement pas dans la littérature (Carr
et Greenberg, 2005). La nature non standard des i-deals présente des défis particuliers
pour la réalisation d’une justice acceptée par les parties directement impliquées.

3.1 LA JUSTICE DISTRIBUTIVE


Il est relativement simple de maintenir une perception de la justice distributive parmi
des employés bénéficiant d’arrangements standardisés de travail. Dans une même
organisation, cela consiste à offrir des rétributions et des conditions de travail com-
parables aux employés ayant accompli des tâches similaires. Même si cela est plus
facile à dire qu’à faire (Ostroff et Atwater, 2003), la tâche est simplifiée par l’utilisa-
tion de règles standardisées et de référentiels propres à chaque entreprise. En interne,
les comparaisons en matière d’équité ont tendance à avoir un impact considérable sur
les perceptions de justice parce que les travailleurs disposent de plus en plus d’infor-
mations, d’une part, sur les salaires grâce aux politiques de transparence, et d’autre
part, sur les performances de chacun à partir de l’observation directe de leurs collè-
La justice des arrangements idiosyncrasiques au travail 97

gues. De plus, la proximité entre ces individus rend saillantes les comparaisons. Ainsi,
un ensemble d’obligations et de récompenses prédéfini étant assigné à un emploi, le
maintien de la justice ne tient plus qu’au respect des principes établis pour la distri-
bution de ces récompenses.
Dans le cas des i-deals, il y a au moins quelques principes standards de distri-
bution des rétributions qui ne sont pas respectés. Par définition, ce qui est standard
est intentionnellement omis des i-deals. Certes, les référents existants peuvent être
considérés comme un point de départ à partir duquel E et M négocieront les rétribu-
tions et les contributions qui représenteront ensuite la seule référence de leur rela-
tion de travail. Dans ce cas, les revendications de justice auront tendance à être
formulées davantage en fonction des conditions externes du marché qu’en fonction de
principes internes de l’entreprise (Rousseau et al., sous presse). En effet, un intérêt
majeur de l’i-deal est la possibilité d’associer une connaissance des conditions du
marché de travail avec une adaptation de celles-ci à des situations individuelles.
Par exemple, supposons qu’une experte des systèmes informatiques soit à la
recherche d’un meilleur emploi. Cette analyste a identifié un nouvel employeur poten-
tiel qui peut lui offrir des conditions de travail très attrayantes, quoique le salaire
pratiqué pour les autres analystes de cette entreprise soit inférieur à celui offert sur
le marché de travail. De son côté, cet employeur est très intéressé pour engager l’ana-
lyste car ses compétences seront potentiellement très avantageuses pour l’avenir de
l’organisation. Afin d’éviter que le bas salaire ne devienne un « briseur d’entente »
(deal breaker), la candidate et le manager négocieront un i-deal de type ex-ante grâce
auquel elle sera payée au même niveau que celui du marché de travail. Bien que ceci
donne à l’experte un salaire supérieur à celui des autres analystes de la même entre-
prise, le manager peut justifier cette pratique comme étant équitable car l’embauche
de cette experte constitue une opportunité unique assurant à l’entreprise une orien-
tation stratégique désirée. Cet arrangement gagnant-gagnant bénéficiera à la nou-
velle employée (qui travaillera alors où elle veut et au salaire qu’elle désire) ainsi qu’à
l’entreprise (qui aura ainsi de nouvelles opportunités d’affaires). Pour E et M, cet
arrangement est considéré comme distributivement juste dans la mesure où chacun
est convaincu que les bénéfices obtenus sont proportionnels aux contributions con-
senties. Dans cette perspective, les coûts de l’i-deal sont adéquatement compensés
par les bénéfices qui découleraient du travail réalisé par l’experte. Toutefois, comme
nous l’expliquerons ensuite, à moins que l’arrangement ne soit géré de façon appro-
priée, il peut créer des tensions dans les relations entre E et C ainsi qu’entre M et C,
rendant le coût plus élevé que prévu.
Considérons maintenant l’exemple suivant dans lequel l’experte E est déjà
employée par l’entreprise. Supposons que E souhaite rester dans cette entreprise, et
qu’elle apprenne qu’elle est sous-payée parce que son salaire, bien qu’il soit équiva-
lent à celui de ses collègues, est bien inférieur à celui pratiqué sur le marché. Pour
redresser la situation, E propose à son manager un i-deal de type ex-post qui lui assu-
rera un meilleur salaire. En supposant que M reconnaisse le bien-fondé de la demande
de E et ne peut pas risquer le départ ou la désaffection de E, M sera davantage enclin
à accepter un tel i-deal. Bien entendu, pour que l’arrangement qui en résulte soit un
i-deal plutôt que le résultat d’une pression excessive de la part de E (comme dans le
cas d’un « chantage affectif », Forward et Frasier, 1998), M doit pleinement approuver
98 La justice organisationnelle

les conditions de E et accepter un accord avantageux pour son entreprise. Comme


dans l’exemple précédent sur l’i-deal de type ex-ante, ce serait le cas si M estime que
retenir E permettra à l’organisation de s’engager dans de nouvelles stratégies promet-
teuses.
En général, un i-deal peut prendre la forme d’une révision de la rémunération
et de la charge de travail afin que E obtienne un salaire plus élevé et que l’entreprise
bénéficie d’une plus-value importante liée à ses compétences. Toutefois, la manière
avec laquelle cette entente particulière est accomplie peut poser problème. Si E reçoit
un salaire plus élevé simplement parce qu’elle effectue une plus grande charge de tra-
vail, son ratio d’équité (contributions vs. récompenses) demeure identique ; entrete-
nant ainsi chez E le sentiment d’être sous-payée. Nous présumons que les référents
externes de comparaison, qui justifieraient l’attribution à E de récompenses dispro-
portionnellement supérieures à ses contributions réelles, sont à la base de sa
demande d’un i-deal en forme d’augmentation de salaire. En termes de justice distri-
butive, le fondement de cette revendication est que l’équité implique la rémunération
des employés au taux établi sur le marché de travail. Même si E peut être payée plus
qu’un collègue, ayant un profil comparable et effectuant le même travail, l’argument
de E dans la proposition d’un i-deal serait que ce cas particulier est limité à l’organi-
sation. Toutefois, si E peut être mieux payée pour effectuer le même travail dans
d’autres organisations, la comparaison avec les standards du marché est une justifica-
tion pertinente pour la demande de l’i-deal. La responsabilité immédiate de M est
donc de vérifier l’exactitude des affirmations de E à propos de l’équité externe et de
faire les ajustements nécessaires pour que la rémunération à l’intérieur de l’organisa-
tion soit comparable à celle offerte ailleurs.
Il importe de noter que les i-deals ne sont pas tous basés sur des standards
externes de comparaison. Plusieurs i-deals sont formulés en termes de besoins indivi-
duels, tels que le besoin de concilier travail et vie familiale. Par exemple, E peut
négocier un i-deal avec M lui accordant un horaire très flexible et lui permettant
d’assurer des obligations familiales imprévues. L’idée est que dans la plupart des orga-
nisations, les efforts pour promouvoir la justice distributive sont précisément formu-
lés en termes de récompenses basées sur les contributions, même si elles sont
différées. La norme de l’équité en justice distributive (Deutsch, 1985) suppose que
les individus soient rétribués proportionnellement à leurs contributions au travail
(une prémisse fondamentale de la théorie de l’équité selon Adams, 1965). Dans ce
cadre, E demande un traitement individualisé qui implique un changement fondamen-
tal dans les règles utilisées par l’organisation. Comme dans le cas de n’importe quel
i-deal, répondre à une telle demande requiert une démonstration claire des bénéfices
apportés aux deux parties. Par exemple, dans le cas susmentionné, un accord peut
être conclu de façon à ce qu’en fonction des besoins de l’entreprise, E travaille à des
heures irrégulières, comme le soir ou les fins de semaines, en échange de l’horaire
flexible demandé. Évidemment, en considérant la situation comme temporaire, l’i-deal
le serait aussi. Donc, une fois ses obligations familiales réglées, E devrait reprendre
ses horaires habituels. La nature temporaire de l’i-deal est cohérente avec la justice
distributive dans la mesure où le message envoyé aux individus concernés suggère
« qu’une entente particulière s’applique uniquement sous des conditions particulières ».
La justice des arrangements idiosyncrasiques au travail 99

3.2 LA JUSTICE PROCÉDURALE


L’i-deal représente une étonnante contradiction en termes de justice procédurale.
D’une part, en négociant un i-deal, M accorde à E un droit à la parole (voice) quant à
ses préoccupations personnelles, promouvant ainsi une perception de la justice procé-
durale (Lind et Tyler, 1988). En se basant sur la théorie des inférences de Jones et
Davis (1965), la nature hautement inhabituelle de l’i-deal augmente la disposition de
E à voir le comportement de M à son égard comme intrinsèquement justice (Green-
berg, 1990b). Le fait que M écoute E et lui accorde un arrangement de travail indivi-
dualisé qui l’aide dans une situation particulière est considéré comme une indication
claire de l’engagement du manager par rapport aux principes de la justice organisa-
tionnelle.
D’autre part, la nature non standard d’un i-deal constitue en soi une violation
de la justice procédurale dans la mesure où E est traité de façon incohérente par rap-
port aux autres employés qui sont dans des situations en apparence similaires
(Leventhal, 1980). Ainsi, E envoie aux autres un message selon lequel il ou elle est
prêt(e) à briser les règles organisationnelles standardisées et à accepter un traite-
ment individualisé. Pour E, bénéficiaire immédiat de l’i-deal, le comportement de M
est interprété, du moins au départ, comme un signe de générosité et de souplesse.
Toutefois, avec le temps, le même comportement peut être interprété différemment,
lorsque E commence à se demander dans quelle mesure M s’engage à respecter les
règles. À moins que les bénéfices pour l’organisation soient très clairs, un i-deal peut
être interprété comme une sorte de favoritisme qui constitue une violation grave de
la justice procédurale (Folger et Greenberg, 1985). Ceci apparaît plus particulièrement
dans les cas d’un i-deal de type ex-ante, où l’une des premières choses que E apprend
au sujet de M est qu’il est un « briseur de règles » ; une caractéristique considérée
comme positive au départ peut devenir une source d’incertitude sur l’intégrité de M
(Trevino et Weaver, 2003).
Bien que l’image suivante soit imparfaite, la situation ressemble à la réaction
d’une personne qui épouserait un partenaire avec lequel elle a eu une aventure extra-
conjugale. Au moment de l’aventure, ces personnes attribueraient l’infidélité à la
nature profondément unique de leur relation. Toutefois, après le mariage, elles peu-
vent se référer à ces comportements illégitimes comme un fondement pour s’interro-
ger sur la capacité de leur conjoint à être fidèle (Fincham et Bradbury, 1990). Après
tout, la personne connaît dès le début la capacité de son conjoint d’être infidèle.
Comme dans le cas d’un individu qui peut être toujours suspicieux sur la fidélité de
son conjoint, l’employé qui reçoit une i-deal peut en venir à s’interroger sur l’engage-
ment de M vis-à-vis des règles organisationnelles. Ceci peut s’avérer être un élément
clé dans l’incertitude de E quant à la crédibilité de M à promouvoir la justice organisa-
tionnelle (Lind et Van den Bos, 2002). En considérant surtout les résultats empiriques
sur l’effet de primauté dans la perception de justice (cf. Lind, 2001), on peut s’inter-
roger sur la clairvoyance de débuter une relation de travail en démontrant ouverte-
ment la volonté de l’un des partenaires de défier les procédures organisationnelles
établies.
100 La justice organisationnelle

3.3 LA JUSTICE INTERPERSONNELLE


La perception de justice interpersonnelle par E dépend du niveau de respect que M
démontrera à son égard lors de la négociation de l’i-deal. Par exemple, M serait consi-
déré comme injuste au niveau interpersonnel s’il exerce une forte pression inappro-
priée sur E pour qu’il accepte un i-deal qui ne lui convient pas. Ce type de traitement
refléterait l’échec de M à reconnaître les contributions de E à l’organisation, ou pour-
rait même être considéré comme un effort visant à miner E. Les actions augmentant
les soupçons de E à ce propos ont tendance à renforcer l’idée que la seule particula-
rité de l’i-deal proposé par M est son inadaptation aux désirs de E. Ainsi, l’entente ne
serait pas seulement considérée comme injuste, elle ne pourrait pas tout simplement
être considérée comme un i-deal.
Au contraire, la proposition d’un i-deal procure l’opportunité à M de manifester
sa reconnaissance de la valeur de E pour l’organisation. En d’autres termes, les perfor-
mances exceptionnelles de E peuvent être reconnues par un traitement exceptionnel ;
ce qui est cohérent avec la théorie relationnelle de la justice organisationnelle (Lind
et Tyler, 1988). Selon cette théorie, les procédures accordant à l’individu le droit à la
parole signifient son acceptation en tant que membre valorisé dans le groupe. Ceci
correspond à une forme de justice dans la mesure où ces procédures montrent le res-
pect que la figure d’autorité a pour les droits et les opinions d’un subordonné (Tyler
et Lind, 1992). Par leur nature particulière, les i-deals procurent précisément ceci,
tout en adressant le message selon lequel E a de la valeur pour M. Ce processus a éga-
lement pour résultat de développer des réactions bénéfiques pour l’organisation de la
part de E (pour une revue de la littérature sur les conséquences de la justice, voir
Cropanzano et Greenberg, 1997 et El Akremi, Nasr et Camerman, chapitre 2 de cet
ouvrage) – notamment en termes d’accroissement de l’engagement organisationnel
(McFarlin et Sweeney, 1992), de réduction du taux de turnover (Aquino, Griffeth,
Allen et Hom, 1997), de conformité aux politiques organisationnelles (Greenberg,
1994) et de réduction des intentions à engager des poursuites judiciaires contre
l’organisation lors des conflits (Lind et al., 2000).
Force est de constater que l’effet de la justice interpersonnelle est si robuste
que certains auteurs ont exprimé leurs préoccupations à propos des risques d’inciter à
une « fausse conscience » (MacCoun, Lind et Tyler, 1992, p. 127) ou à une « justice
dérisoire » (Greenberg, 1990b, p. 138) à savoir la tendance chez les figures d’autorité
à donner aux employés le droit à la parole simplement pour développer des impres-
sions de justice. Ce type de manipulation peut se produire, par exemple, si M tente de
mettre en exergue une justice apparente en offrant à E un contrat de travail sous la
forme d’un i-deal plutôt que de satisfaire les objectifs de E en utilisant tout simple-
ment les pratiques déjà établies de GRH. Même si nous ne pouvons pas dire que cela a
toujours été le cas (et que nous ne pourrions jamais le faire), nous sommes d’accord
avec le constat que certains managers ne sont pas au-dessus de la tentation d’utiliser
des impressions de justice comme une façon moins coûteuse de distraire les employés
par rapport à des rétributions qui peuvent être considérées comme substantiellement
inéquitables sur la base d’un critère normatif général (MacCoun, 2001, p. 864). La
nature non coûteuse et contrôlable de la justice interpersonnelle (traiter les individus
La justice des arrangements idiosyncrasiques au travail 101

avec dignité et respect) rend ironiquement ce type de justice à la fois très promu et
très facile à manipuler.

3.4 LA JUSTICE INFORMATIONNELLE


Pour que E et M croient que leur i-deal est juste, chacun doit croire que les demandes
de l’autre sont légitimes. Par exemple, M doit croire E quant à son besoin d’avoir des
conditions individualisées de travail et E doit croire en la capacité de M à créer et à
appliquer l’arrangement négocié. En conséquence, les i-deals sont basés sur une con-
fiance mutuelle et réciproque. Cependant, dans la mesure où les parties partagent
ouvertement des informations vérifiables soutenant leurs demandes, les déclarations
de confiance semblent alors moins indispensables pour promouvoir la justice informa-
tionnelle. En effet, l’idée selon laquelle la confiance peut servir d’indicateur à la vali-
dité des informations nécessaires aux jugements de justice a été empiriquement
démontrée (voir Lewicki, Wiethoff et Tomlinson, 2005). Par ailleurs, Tyler et Lind
(1992) ont montré que les faits ont un impact plus grand que les opinions sur la pro-
motion des perceptions de justice. À cet égard, les recherches ont démontré que les
employés peuvent percevoir les rétributions défavorables comme étant justes
lorsqu’elles sont expliquées de manière claire, précise et crédible (Cropanzano et
Greenbreg, 1997).
Étant donné que les i-deals ont comme point de départ des politiques déjà éta-
blies pour l’ensemble des salariés, il incombe à M de montrer à E la justice de ces
arrangements. Cela se fait souvent en partageant avec les employés des informations
qui justifient les demandes sur lesquelles l’i-deal est basé. Par exemple, E peut fournir
un dossier médical justifiant son besoin de flexibilité horaire afin de pouvoir prendre
soin d’un enfant malade, et M doit partager ces informations pour aviser les autres du
changement des horaires de E. En faisant cela, chacune des parties s’assure qu’elle ne
tire pas avantage de l’autre. En plus, l’action de partager l’information est en soi utile
pour promouvoir l’impression que M n’a rien à cacher. Même si M a violé les règles
organisationnelles en accordant l’i-deal à E, le partage de l’information procure l’assu-
rance que l’action potentiellement discutable, voire douteuse, est en réalité le résul-
tat d’une réflexion avisée.
Il est aussi important de noter les bénéfices qui sont associés à la promotion
de la justice de l’i-deal. Par exemple, lorsque l’information selon laquelle M traite jus-
tement ses employés est partagée et soutenue par des données pertinentes, M peut
accroître sa réputation d’être juste et honnête dans ses négociations avec les autres
(Ferris, Blass, Douglas, Kolodinsky et Treadway, 2003). De plus, ces impressions de
justice peuvent être bénéfiques à E dans une multitude de cas (Greenberg, 1990b).
Dans le contexte actuel, l’un des bénéfices est que la réputation de justice de M peut
influencer la volonté de E ou de C à proposer de nouveaux i-deals de type ex-post. Les
employés seraient ainsi réticents à approcher M concernant un i-deal s’il a la réputa-
tion d’être injuste.
102 La justice organisationnelle

4. Les perceptions de justice des i-deals


dans la dyade Employé-Collègue

Bien que les i-deals soient négociés directement entre E et M, la nature et les termes
de leur accord ont peu de chance de demeurer secrets et cachés. Puisque E travaille
avec C, les aspects les plus apparents de l’accord individualisé conclu entre E et M
deviennent inévitablement connus de C. Par exemple, C peut facilement se rendre
compte que E n’effectue que certaines tâches ou qu’il bénéficie d’horaires de travail
flexibles. Ces traitements de faveur dont peut bénéficier E attisent les soupçons et
soulèvent des questions concernant le ou les motifs de tels traitements et le caractère
équitable et juste de telles pratiques. Comme dans le cas de la relation entre E et M,
la justice dans la relation entre E et C peut également être analysée selon les quatre
types de justice organisationnelle.

4.1 LA JUSTICE DISTRIBUTIVE


Lorsque C prend connaissance du fait que E bénéficie d’un i-deal de la part de M, la
question que C sera enclin à se poser est : « Est-ce que E bénéficie d’un avantage non
mérité et/ou supérieur à celui dont je bénéficie ? ». La sensibilité des individus aux
inégalités salariales étant vive (Greenberg, 1982), la probabilité que C perçoive de
l’injustice dans l’i-deal de E est importante. Même si E ne se considère pas comme
étant surpayé comparativement à C (parce que l’i-deal comporte certaines caractéris-
tiques particulières qui font que E estime mériter son salaire), E peut néanmoins pen-
ser que C doute que son traitement soit préférentiel et marqué par le favoritisme. La
perception d’une différence de traitement suffit à provoquer ou à accentuer auprès
des collègues de E le sentiment d’être sous-payés, et ce indépendamment des motifs
que ce dernier peut donner pour justifier l’arrangement individualisé dont il bénéficie.
L’i-deal ayant été négocié entre E et M, et non entre M et C, forçant ce dernier à con-
sidérer cet arrangement comme un fait accompli, il semble légitime de penser que les
individus recevant des i-deals puissent se sentir plus ou moins surpayés relativement
à leurs collègues (au début du moins, jusqu’à ce que des ajustements cognitifs soient
opérés (Greenberg, 1982)). Un sentiment d’inéquité est donc possible aussi bien de la
part de E (avec éventuellement de la culpabilité) et de C (avec éventuellement de la
déception et du ressentiment).
Par ailleurs, comment E peut-il renforcer l’impression d’être surpayé auprès de
ses collègues ? Selon la théorie de l’équité (Adams, 1965), en réponse à l’avantage
concédé par M, E va augmenter ses efforts au travail pour montrer à celui-ci que
l’avantage en question est mérité et/ou pour exprimer sa reconnaissance. Ce même
comportement observé par les collègues va encore attiser leurs soupçons concernant
les raisons des rémunérations attribuées à E. Une autre option intéressante serait que
E décide de convaincre C qu’il mérite de recevoir un traitement spécial puisqu’il est un
employé particulièrement performant. À cet effet, E peut faire preuve d’un engage-
ment important dans des comportements de citoyenneté organisationnelle par rap-
port à C – des OCBI (comportements volontaires extra-rôle dirigés vers les autres
individus plutôt que vers l’organisation, tels que l’entraide et la courtoisie ; Williams
et Anderson, 1991). Par exemple, en assistant les collègues dans leurs problèmes et
La justice des arrangements idiosyncrasiques au travail 103

en les aidant à respecter les échéances, les individus bénéficiant des i-deals remé-
dient à la culpabilité qu’ils peuvent ressentir et créent des relations cordiales avec
ceux qui pourraient avoir du ressentiment à leur égard. Les OCBI sont à ce titre recon-
nus comme un moyen de promouvoir une bonne entente entre les collègues au travail
(Podsakoff, MacKenzie, Paine et Bachrach, 2000).
Cependant, l’engagement de E dans des OCBI dirigés vers C est étroitement tri-
butaire du degré auquel E s’identifie individuellement à C, ainsi qu’à l’organisation
comme système. Selon la théorie de l’identité sociale (Tajfel et Turner, 1985), plus les
individus s’affirment et se reconnaissent comme membres d’un groupe, plus ils seront
enclins à s’investir dans ce groupe. Cette dynamique explique les contributions consi-
dérables que les individus, bénéficiant d’arrangements idiosyncrasiques, vont apporter
à l’équipe dans laquelle ils travaillent (Ashforth et Meal, 1989). Nous croyons donc
que l’employé qui reçoit un i-deal sera prédisposé à manifester des OCBI envers ses
collègues seulement quand ils sont membres d’une même équipe. Les perceptions de
l’équité des i-deals, dans le cadre de la relation entre E et C, sont ainsi dépendantes
du degré d’identification que l’individu a vis-à-vis de son groupe de travail.

4.2 LA JUSTICE PROCÉDURALE


La littérature sur la justice procédurale s’est longtemps focalisée sur l’analyse des
réactions des individus face aux décisions contrôlées et prises par les autres (Thibaut
et Walker, 1975). Il n’est donc pas surprenant que les relations interpersonnelles où
les écarts de pouvoir formel sont marqués aient été au centre des questions sur cette
forme de justice (Folger et Greenberg, 1985 ; Lind et Tyler, 1988). Cette vision montre
l’utilité de la conception retenue pour la justice procédurale lorsqu’il s’agit d’expliquer
la relation supérieur-subordonné dans les organisations hiérarchiques (Colquitt et
Greenberg, 2003), mais elle ignore totalement les relations entre les collègues d’un
même niveau hiérarchique. Étant donné que la relation entre E et C se retrouve dans
la catégorie pair-pair, il n’est pas surprenant que les recherches traditionnelles sur la
justice procédurale soient limitées dans l’explication et l’analyse de telles dyades.
Toutefois, Cropanzano et Ambrose (2001) offrent un aperçu de cette dynami-
que dans leur analyse de la justice procédurale. Spécifiquement, ils proposent que
« les individus peuvent ressentir une forme d’outrage moral, non parce qu’ils sont per-
sonnellement traités de manière injuste, mais parce que des individus qui leur ressem-
blent vivent et travaillent dans des situations où les procédures et les règles sont
injustes » (p. 140). Bien que les preuves empiriques de ce sentiment appelé
« sentiment fraternel d’injustice » soient limitées, il est clair que les individus témoins
de violations de la justice procédurale peuvent être sensibles aux préjudices encourus
par des individus auxquels ils s’identifient (Leung, Chiu et Au, 1993). En extrapolant
cette idée, l’hypothèse que C sera sensible à la justice des procédures utilisées pour
établir l’i-deal de E semble intéressante même si elle demeure empiriquement non
vérifiée. Cette idée semble fondée dans la mesure où C est également dans une rela-
tion d’échange avec M, et peut interpréter l’i-deal conclu entre E et M comme un
indice révélant la prédisposition de M à être juste dans l’application des procédures.
Donc, en cherchant des informations sur lesquelles baser ses propres attentes pour un
traitement juste de la part de M, C pourrait prendre en considération les manières
104 La justice organisationnelle

dont M se comporte avec les autres. Le cas de E par exemple pourrait lui servir de
référence. En partant de l’idée selon laquelle l’i-deal convenu entre E et M est unique
et n’est possible que dans une entreprise donnée, le caractère équitable de cet accord
est alors attribué à M et/ou à l’organisation dans laquelle les parties contractantes
opèrent (Joses et David, 1965). C’est ainsi sur la base des arrangements observés dans
l’organisation que C fondera ses propres attributions de justice. Il sera enclin à consi-
dérer que les comportements de M et les i-deals qu’il concède aux autres sont un baro-
mètre de l’engagement de M dans le respect et l’application de procédures justes.
Aussi, dans la mesure où les revenus de C sont liés de près aux revenus de E – comme
dans le cas du travail par équipe où l’interdépendance des revenus est forte (Colquitt
et al., 2005) – C sera attentif et sensible à toute information concernant E et la
manière dont il est traité par M.

4.3 LA JUSTICE INTERPERSONNELLE

La nature de certains i-deals permet à E d’effectuer moins de travail ou des tâches dif-
férentes de celles qui lui sont assignées habituellement. Par exemple, considérons le
cas d’un i-deal de type ex-post grâce auquel E est autorisé à quitter régulièrement le
bureau plutôt que C afin qu’il puisse par exemple prendre soin de son enfant malade.
Puisque E doit compléter ses heures en travaillant les fins de semaines, le bénéfice de
C est de ne pas avoir à travailler durant ces heures indésirables. Toutefois, l’arrange-
ment peut être quelque peu gênant pour C qui doit fournir davantage d’efforts pour
compenser les heures d’absence de E (Rousseau et al., sous presse). En supposant que
les départs réguliers de E puissent causer un manque temporaire de personnel, il en
résulterait un alourdissement de la charge de travail de C (Dietzel et Coursey, 1998).
Donc l’i-deal, quoique potentiellement acceptable pour C, pourrait avoir des consé-
quences négatives immédiates sur les jugements de justice organisationnelle. Pour
cette raison, C pourrait nourrir une rancœur contre E pour avoir causé cette indésira-
ble et injuste situation.

En supposant que C ne soit pas hostile à l’idée d’assurer une part de la sur-
charge de travail induite par les termes de l’i-deal et que E en soit conscient, il
incombe alors à ce dernier de gérer en conséquence sa relation avec C. À cet effet, E
pourrait manifester sa sensibilité et sa reconnaissance face aux dispositions de C à
assumer le coût engendré par l’arrangement. En exprimant ouvertement sa gratitude à
l’égard de C et en le remerciant, E franchit un pas important vers l’acceptation de
l’i-deal par C comme étant juste (O’Malley et Greenberg, 1983).

Outre cette reconnaissance clairement exprimée, E peut également manifester


certaines attitudes et comportements qui renforcent implicitement son appréciation
de la bonne volonté de C. Précédemment, nous avons mentionné que E doit manifes-
ter des OCBI dans le but d’apaiser sa culpabilité à cause des inconvénients potentiels
supportés par C. Nous suggérons que E utilise les OCBI de façon intentionnelle, dans
un effort instrumental pour renforcer son appréciation des efforts de C. Par exemple,
rester au bureau plus tard que d’habitude pour aider un collègue qui en a besoin. Le
moindre petit geste peut véhiculer l’appréciation et la sympathie que E a pour C. Le
bénéfice symbolique de ces actions est au moins aussi important que les mots.
La justice des arrangements idiosyncrasiques au travail 105

4.4 LA JUSTICE INFORMATIONNELLE


Afin de garantir une certaine justice interpersonnelle, E se doit de faire preuve de
sensibilité, de compréhension et d’empathie quant aux coûts supportés par C à cause
de l’i-deal. La promotion de la justice informationnelle est également primordiale. Il
est ainsi important que E explique à C de façon détaillée les raisons de l’i-deal et de
justifier précisément pourquoi cet i-deal serait fondé. Donc, E devrait être clair con-
cernant tous les aspects de l’accord, en précisant par exemple comment il a été fait et
dans quelles conditions. Plus encore, E devrait assurer une transparence totale con-
cernant tous les aspects de l’accord.
Pour améliorer les perceptions de justice informationnelle, C doit être pleine-
ment convaincu du bien fondé et de la légitimité des besoins de E pour l’i-deal. Cela
nécessite que E fournisse des informations claires et nécessaires à C sur les raisons de
l’arrangement. Cela est spécialement important dans la mesure où l’information est
délibérément fournie par E sans qu’il y soit obligé. Du moment où les explications
fournies sont objectives, il devient alors difficile à C de les rejeter (Greenberg,
1993a). Le cas échéant, C pourrait douter que E puisse avoir des choses à cacher, le
menant ainsi à suspecter que E ait eu droit à un traitement de faveur de la part de M.
Lorsque E n’arrive pas à justifier à ses collègues son besoin réel de l’i-deal, alors que
l’i-deal en question leur cause potentiellement un tort, l’attitude de E peut être per-
çue comme une sorte de rigidité. Elle pourrait également suggérer que E s’estime au-
dessus des règles prescrites, ce qui risque de provoquer le mécontentement de ses
collègues. Donc, pour assurer une certaine justice, E devrait faire de C un allié en lui
expliquant de façon claire et détaillée les conditions et la nature de la situation qui
justifie ses besoins pour un i-deal.
À cet effet, E doit faire preuve de beaucoup d’honnêteté et de tact pour faire
accepter sa situation « avantageuse ». En étant complètement ouvert et honnête
concernant la nature, les motifs et les termes de l’i-deal, E risque d’être perçu comme
étant vantard à propos de ses qualités exceptionnelles et malicieux quant à la nature
unique de son arrangement avec M. Donc, dans ses efforts de promotion de la justice
informationnelle, E doit également se préserver contre la violation de la justice inter-
personnelle. Cette situation est probable lorsque les informations fournies par E ser-
vent ses intérêts et ne sont pas communiquées dans le but d’éclairer les autres sur la
situation. Le message, bien que difficile à réaliser, doit être clair « informer mais res-
ter modeste » (Shlomo et Weiner, 2000). Malheureusement, comme beaucoup d’études
sur la justice interpersonnelle et la justice informationnelle ont été réalisées en
milieu expérimental où ces formes de justice ont été manipulées et non pas mesurées,
les recherches existantes ne fournissent pas de recommandations précises quant aux
modes de promotion de ces types de justice.
106 La justice organisationnelle

5. Les perceptions de justice des i-deals


dans la dyade Manager-Collègue
Bien que les managers négocient les i-deals avec les employés et que ces deux parties
les considèrent généralement comme justes, les managers doivent aussi justifier le
caractère équitable de ces arrangements aux autres employés de l’unité de travail. Des
raisons instrumentales et d’autres symboliques sont à la base de la nécessité de com-
muniquer l’information au reste du groupe. Spécifiquement, il est probable que l’i-deal
ait des effets sur la nature et la disponibilité des ressources que M alloue à C. Lorsque
C prend connaissance que M est en accord avec les arrangements individualisés, ceci
le renseigne sur les pratiques de justice valorisées par l’organisation elle-même, dans
la mesure où M est le représentant de l’organisation et que ce qu’il valorise personnel-
lement est forcément valorisé par le système (Brockner et Siegel, 1996). Ainsi que
nous allons maintenant l’illustrer, ces considérations peuvent avoir des implications
pour la gestion de différents types de justice organisationnelle dans la dyade M-C.

5.1 LA JUSTICE DISTRIBUTIVE


Lorsque nous avons discuté de la justice distributive des i-deals dans la dyade E-C,
nous avons reconnu la possibilité que E puisse se sentir avantagé par rapport à C et
qu’il puisse s’engager dans des comportements citoyens orientés vers C afin de réduire
son sentiment de culpabilité. Étant donné que E et M sont directement impliqués
dans l’i-deal et que C est une tierce partie, il serait intéressant de considérer que la
dynamique entre M et C soit parallèle à celle entre E et C. En d’autres termes, dans la
mesure où M peut ressentir de la culpabilité pour l’arrangement individualisé dont
bénéficie E, il peut potentiellement faire des efforts pour compenser C. Cependant,
compte tenu de la position élevée de M au sein de la hiérarchie (comparativement à
C), cette dynamique peut être différente de celle concernant la dyade E-C.
De par son statut et les responsabilités qui lui incombent (Wiggins, Dill et
Schwartz, 1965), M peut être réticent à consentir des traitements personnalisés de
ses subordonnés. Toutefois, dans la mesure où M a internalisé la logique sous-jacente
à l’i-deal et qu’il est convaincu du bénéfice commun (incluant C) qui en découle, il
n’aura pas tendance à reconnaître qu’il a créé des circonstances d’iniquité. Alors qu’il
est potentiellement admis que E puisse penser qu’il a bénéficié d’un traitement de
faveur et qu’il puisse (avec le temps, du moins) se sentir coupable des coûts suppor-
tés par autrui, M, dans son rôle de maintien de la justice et de l’équité du système,
voit les choses différemment. Il sera convaincu que toutes les parties prenantes sont
gagnantes ; ce qui, bien évidemment, fonde substantiellement l’i-deal. La position de
M dans la hiérarchie l’oblige de justifier continuellement les arrangements individuali-
sés et de clarifier leur caractère juste et équitable pour éviter qu’ils ne soient consi-
dérés comme du favoritisme.
Dans une certaine mesure, M se sentira coupable d’avoir concédé un avantage
important à E s’il reçoit des plaintes importantes de la part de C qui se juge désavan-
tagé par l’arrangement entre E et M. Dans la mesure où les ressources sont rares, par-
ticulièrement en milieu organisationnel, C sera singulièrement sensible aux ressources
cédées et distribuées par M puisque cette distribution peut potentiellement lui être
La justice des arrangements idiosyncrasiques au travail 107

préjudiciable (Greenberg, 1981). Cet aspect est important dans la mesure où la con-
ceptualisation de la justice distributive (Adams, 1965) met l’accent exclusivement sur
les membres de la dyade directement impliqués dans l’échange, sans tenir compte des
conséquences pour une tierce partie. Cependant, la tierce partie (C dans le cas de
l’i-deal) peut jouer un rôle clé dans la mesure où les éléments relatifs à C renseignent
sur les effets potentiels indésirables de l’échange entre E et M. Par exemple, C peut se
plaindre à M que l’i-deal conclu avec E lui impose de travailler davantage et à un
rythme plus important. C peut ainsi communiquer des informations concernant les
pratiques organisationnelles inéquitables, mais il peut également exprimer ouverte-
ment ses sentiments d’insatisfaction. À cet effet, C peut mettre la pression sur M pour
changer l’arrangement négocié avec E. Alternativement, C peut exiger une forme de
compensation pour les inconvénients encourus à cause de l’i-deal. Même si de telles
insatisfactions ne sont pas ouvertement exprimées, il est probable que des sentiments
négatifs soient exprimés sous d’autres formes telles que le sabotage (Ambrose,
Seabright et Schminke, 2002), des absences non justifiées (De Boer, Bakker, Syroit et
Schaufeli, 2002) ou même la démission (Griffeth et Stefan, 2001).

5.2 LA JUSTICE PROCÉDURALE


La justice procédurale est assurée dans l’i-deal convenu entre M et E puisque ce der-
nier a pu exercer son droit de parole et d’expression de ses opinions. Ce type de jus-
tice peut également se manifester dans un i-deal entre M et C lorsque le droit de ce
dernier à exprimer ses opinions est pris en compte par son supérieur. Solliciter l’opi-
nion de C à propos de l’arrangement conclu entre E et M, offre ainsi à C la possibilité
d’exprimer son opinion à propos de l’i-deal. Ce qui favorise les perceptions de justice
procédurale.
Dans la dyade entre M et C, la justice procédurale peut être assurée non seule-
ment en garantissant le droit d’expression des opinions concernant un i-deal en soi,
mais aussi parce que M traite E et C de façon analogue. Plus spécifiquement, dans le
cas d’un i-deal entre M et E, la justice procédurale pour C peut être promue en don-
nant à C l’opportunité de bénéficier d’un arrangement similaire – soit maintenant,
soit quand cela lui sera utile. Ce qui garantit la permanence et la cohérence des prati-
ques et des décisions, critères représentant un déterminant majeur de la justice pro-
cédurale (Leventhal, 1980). M peut éluder les perceptions d’injustice en offrant un
arrangement comparable pour les autres membres du groupe.
Bien que cela puisse paraître simple d’un point de vue théorique, en pratique,
M pourrait avoir des difficultés à assurer une certaine justice procédurale vis-à-vis de
C en garantissant une constance de l’arrangement concédé à E. La raison première est
que cet arrangement est foncièrement individualisé et dépend des circonstances et
des parties concernées par l’accord ; sa généralisation est ainsi peu probable. Ce sont
les besoins ou les talents particuliers de E qui rendent l’i-deal unique. Alors qu’il est
aisé de généraliser des arrangements standard, la tâche est plus difficile pour des
arrangements individualisés qui sont par définition non comparables.
Par conséquent, ce ne sont pas tant les modalités de l’arrangement qui sont les
plus importantes pour la promotion de la justice d’un i-deal parmi les membres d’une
unité de travail, mais plutôt la régularité des opportunités offertes à chaque membre
108 La justice organisationnelle

d’en bénéficier. En d’autres termes, si E reçoit un i-deal de la part de M, l’application


du critère de cohérence de la justice procédurale devrait être respectée dans la mesure
où C a une opportunité égale d’obtenir un i-deal comparable. Par essence, cette
notion d’opportunité renvoie à la possibilité de conclure dans le futur des i-deals
comparables ; éventualité fondée sur le principe de confiance (Lewicki et al., 2005).
Dans ce cas, la confiance implique la croyance de C à propos de la volonté et de la
capacité de M à négocier un i-deal comparable dans le futur.

5.3 LA JUSTICE INTERPERSONNELLE


Précédemment, nous avons noté que pour augmenter les perceptions de justice inter-
personnelle de C, E devait exprimer sincèrement son appréciation des efforts de C et
reconnaître les coûts engendrés par l’i-deal établi avec M. De la même manière, pour
que M puisse augmenter les perceptions de justice interpersonnelle de C, il doit éga-
lement reconnaître et exprimer sa compréhension face aux préjudices potentiellement
supportés par C à cause de l’i-deal établi avec E.
Il est probable que de telles actions soient particulièrement appréciées par C
lorsqu’elles proviennent de M plutôt que lorsqu’elles proviennent de E. M ayant
davantage de pouvoir par rapport à E, c’est l’approbation de M qui est requise pour
que l’arrangement soit accepté. C’est M qui doit refléter la justice inhérente aux rela-
tions interpersonnelles, il est donc tenu de démontrer et d’exprimer une sensibilité à
tout dommage ou préjudice potentiellement causé à C par l’arrangement. De plus, M
est perçu par C comme la personne susceptible de lui fournir dans le futur des res-
sources de valeur. De ce fait, percevoir M comme une personne juste peut être d’une
importance majeure. En reconnaissant la justice de M envers E, C est psychologique-
ment rassuré de la capacité que M a de faire preuve de justice envers lui dans le futur
(Lind, 2001).
Bien que la théorie relationnelle (Lind et Tyler, 1988 ; Tyler et Lind, 1992) ne
concerne que les relations entre les parties directement impliquées dans l’échange
social, il est possible que les croyances de C à l’égard de la justice interpersonnelle de
M, intrinsèque à l’i-deal avec E, puissent orienter l’opinion de C quant à des manifes-
tations futures de justice interpersonnelle dont il serait directement bénéficiaire.
Cette idée relève de l’attribution indirecte puisqu’au lieu de baser ses perceptions de
la justice de M sur des interactions directes avec ce dernier, il est probable que C
forme son jugement de justice sur les connaissances qu’il a du traitement que M a eu
envers E. Les recherches récentes ont montré dans ce sens que les jugements de jus-
tice d’un individu se basent aussi sur les perceptions, les expériences et les récits de
ceux qui composent son entourage (pour une revue de la littérature voir Colquitt
et al., 2005 et El Akremi, Nasr et Camerman, chapitre 2). Dans la mesure où l’objectif
est de promouvoir l’équité inhérente à ses actions, les efforts de M dans le renforce-
ment des impressions de justice devraient dépasser le cadre de son arrangement avec
E pour atteindre les autres personnes (Greenberg, 1990).
En considérant le cas où M serait insensible ou nierait volontairement l’exis-
tence d’un préjudice potentiel pour C (suite à l’arrangement avec E), cette situation
ne ferait qu’aggraver le malaise de C et serait à l’origine de la dégradation progressive
des relations interpersonnelles entre M et C. Nombre de recherches ont mis l’accent
La justice des arrangements idiosyncrasiques au travail 109

sur les intenses réactions négatives générées par des perceptions d’insensibilité face
à des injustices sociales (Greenberg, 1990a, 1993a, 1994 ; Lind et al., 2000), il serait
donc impertinent que les managers fassent preuve de ce genre d’insensibilité. La
nature non standard des i-deals attise l’hypersensibilité des collègues aux préoccupa-
tions de justice ; les managers ne doivent pas négliger que des impressions d’injustice
peuvent être engendrées par la conclusion d’i-deals. Lorsqu’on prend en compte que la
perception d’une injustice par C peut être multipliée par le nombre de collègues for-
mant le groupe de travail, on s’aperçoit aisément que les effets négatifs potentiels
suite à l’i-deal peuvent être importants et graves pour l’organisation dans son ensem-
ble.

5.4 LA JUSTICE INFORMATIONNELLE


En dépit de l’expression courante « Je n’ai pas besoin de m’expliquer », lorsqu’il s’agit
d’un i-deal, les explications que M peut fournir à C augmentent les perceptions positi-
ves de justice concernant M. En fournissant à C des informations concernant l’i-deal
avec E et des arguments justifiant cet arrangement, M contribue au renforcement de
l’image positive d’un être juste et intègre qu’il renvoie aux autres (Greenberg, 1990b).
Afin que les efforts de M ne soient pas perçus comme de stratégies de rationalisation
ou une manœuvre pour dissimuler une décision injuste, il est important que M se base
sur une information valide, fiable et réelle pour justifier l’i-deal.
Un des facteurs majeurs de la promotion de la justice informationnelle réside
dans le contenu de l’information transmise aux employés. Ce sont ainsi les faits qui
justifient la décision – du moins lorsqu’ils sont convenablement communiqués par M.
À ce facteur s’ajoute la volonté de M à communiquer et à partager l’information avant
même qu’on ne lui la demande. Il est fort probable que sa volonté de communiquer
l’information soit perçue comme un indice de sa bonne foi, augmentant ainsi la possi-
bilité qu’il soit perçu comme une personne juste (Greenberg, 1990b ; Shaw et al.,
2003). Sur la base de ces explications, nous croyons que les perceptions de justice ne
dépendent pas uniquement de l’information en soi, mais bien du partage volontaire
des explications que M fournit à C ; M étant perçu, dans ces circonstances, comme
une personne juste.
Selon cette perspective, choisir le moment approprié pour fournir des explica-
tions est primordial. Ce n’est pas seulement l’information fournie qui est importante,
ni même le fait de la partager. L’importance réside davantage dans la manière dont
cette information est communiquée (Bobocel et Zdaniuk, 2005). Il s’agit de savoir
partager l’information avant même que le besoin pour cette information ne se fasse
ressentir. Cette idée est empiriquement soutenue par certaines recherches démontrant
que les individus émettent des attributions internes de justice lorsque le comporte-
ment est volontaire plutôt que lorsque le comportement semble être motivé par des
manœuvres politiques (Greenberg, 2003).
S’appuyant sur certaines recherches existantes (ex., Shaw et al., 2003), nous
avons souligné que les perceptions de C de la justice de M augmentent lorsque C est
au courant des raisons qui ont favorisé la prise de décision concernant le i-deal con-
clu. Nous avons également souligné que les impressions de C concernant la justice de
M peuvent potentiellement augmenter en fonction de la communication d’informa-
110 La justice organisationnelle

tions réelles et fiables à propos de l’i-deal. En communiquant volontairement des


informations, M promeut, développe et entretient l’image d’une personne juste
puisqu’en dépit de la nature non standard et individualisée de l’i-deal, ce dernier n’est
pas secrètement conclu. Cela suggère, notamment, que M soit sérieux concernant sa
promesse d’offrir dans le futur, sous des conditions comparables, un i-deal similaire à
d’autres employés ; ce qui amène C à lui accorder plus de confiance et à le considérer
comme un supérieur hiérarchique juste.

6. La justice comme un i-deal :


problèmes, implications et applications

Notre analyse a soulevé quelques problèmes fondamentaux à propos de la justice


organisationnelle et de la nature des i-deals appelant à davantage d’efforts et de
recherches pour la compréhension de l’impact de l’individualisation sur les percep-
tions de justice. De plus, de nombreux aspects soulevés peuvent avoir des implica-
tions managériales considérables pour la compréhension de la nature de la justice
organisationnelle et pour les pratiques de gestion des i-deals. C’est sur ces aspects
problématiques que nous nous focaliserons dans ce qui suit.
Conformément aux approches les plus courantes de la justice organisation-
nelle, notre discussion des i-deals s’est basée sur l’analyse de la situation selon une
perspective temporelle statique. Cependant, il est important de mentionner que
puisqu’il s’agit de perceptions de justice, ce que les gens perçoivent comme étant
juste à un certain moment peut changer par l’accumulation d’expériences additionnel-
les. En dépit du fait que cette idée ait été admise au cours des vingt dernières années
(Cosier et Dalton, 1983), l’aspect dynamique et changeant des perceptions de justice
a été largement ignoré. Toutefois, le phénomène des i-deals nous incite à porter une
attention particulière à l’importance du changement des perceptions de justice lors-
que les individus reçoivent les i-deals à un moment donné, qu’ils vivent avec pendant
un certain temps et qu’ils en subissent les effets sur une période prolongée.
Le fondement théorique sous-jacent à cette idée est éclairé par la théorie des
heuristiques de la justice (Lind, 2001). Spécifiquement, Lind postule que lorsque les
individus s’engagent dans une nouvelle relation avec d’autres individus et/ou des
organisations, ils ont tendance à se faire rapidement un jugement (de façon heuristi-
que) sur la justice en se basant sur des informations disponibles au préalable dans
l’organisation et qui interpellent leur sensibilité à la justice. En d’autres termes, Lind
(2001) estime qu’il y a un effet de primauté des jugements de la justice par rapport à
d’autres jugements sur la confiance par exemple. Conformément à cette idée, Lind,
Kray et Thompson (2001) rapportent des résultats expérimentaux démontrant que les
employés qui subissent des traitements injustes de la part de leur superviseur au tout
début de leur relation salariale sont davantage à même de percevoir ce dernier comme
étant injuste comparativement à ceux qui reçoivent le même traitement d’injustice de
la part du superviseur quelque temps après leurs premiers échanges. Sur la base de
tels résultats, Lind (2001) affirme que « le meilleur moment pour faire d’un individu
un membre engagé et coopératif de l’organisation est sans doute au début de sa rela-
tion avec celle-ci. Manifestement, un traitement juste de la nouvelle recrue aura des
La justice des arrangements idiosyncrasiques au travail 111

retombées très bénéfiques sur le soutien et l’acceptation de l’organisation et de ses


agents » (p. 73).

6.1 LA FRÉQUENCE DE L’USAGE DES I-DEALS


La promotion de la justice procédurale à travers l’usage d’i-deals soulève une question
se rapportant à la fréquence, à la régularité et à la cohérence de ces arrangements
individualisés. Est-il préférable de garantir des i-deals très avantageux et limités dans
le temps ou bien d’avoir recours à des i-deals fréquents ?
Il est évident que l’une et l’autre de ces alternatives sont difficiles à assurer du
fait que le droit à l’expression dans les organisations reste limité (Greenberg, 2000).
Selon les recherches menées sur l’amélioration des perceptions de justice suite à la
garantie du droit de parole (voice), Peterson (1999) rapporte un degré de satisfaction
plus élevé à l’égard des leaders qui développent la participation de leurs subordonnés
à la prise de décision. Toutefois, Peterson (1999) rapporte également que lorsque le
droit de parole est trop important, les individus ne sont pas forcément davantage
satisfaits et peuvent même devenir sceptiques quant aux qualités du leader qui, en
quelque sorte, viole certaines règles organisationnelles en renonçant en partie à son
pouvoir décisionnel et se montre ainsi incapable d’assumer la responsabilité des déci-
sions à prendre. La satisfaction à l’égard du leader (qui tend à être corrélée avec la
perception de justice du leader ; Colquitt, 2001) et la magnitude du droit de parole
définissent donc une courbe en U inversé.
L’application de ces résultats à la gestion des i-deals doit être menée avec pré-
caution. La garantie d’un i-deal n’assure pas nécessairement des perceptions positives
de justice. Un i-deal, lorsqu’il est fondé, justifié et approprié à la situation et au con-
texte, apporte beaucoup à la promotion des perceptions de justice. Dans le cas con-
traire et lorsque les i-deals sont inadaptés, leurs effets négatifs peuvent être
dévastateurs. En effet, un i-deal est par essence une dérogation à la norme et aux
règles habituelles, le message transmis peut être que le manager est insensible et non
respectueux des règles organisationnelles ; ce qui a pour effet d’altérer et d’affaiblir
la justice perçue de ses décisions et actions plutôt que de la consolider. Cette idée
renforce la nécessité d’une gestion spécifique des i-deals afin que leurs effets négatifs
soient bien maîtrisés. Utiliser les i-deals de façon appropriée peut non seulement aug-
menter les perceptions de justice, mais également accroître effectivement le potentiel
des ressources humaines en termes de motivation et d’implication au travail.

6.2 L’IMPORTANCE DE LA SINCÉRITÉ ET DE LA CONFIANCE


L’usage approprié des i-deals repose sur la sincérité et la confiance du manager. Donc,
pour que les i-deals fonctionnent tel que prévu, M doit être perçu comme étant hon-
nête quant à ses intentions concernant l’arrangement individualisé. En d’autres ter-
mes, M doit inspirer confiance à ses subordonnés (Brockner et Siegel, 1996 ; Lewicki
et al., 2005). En effet, l’employé n’a aucun recours formel et légal si le manager
n’arrive pas à respecter ses engagements. De plus, la nature informelle des i-deals
suppose que les aspects non écrits soient acceptés par les deux parties. De ce fait, le
112 La justice organisationnelle

succès de cet arrangement dépend de la force de contrat psychologique entre ces par-
ties (Rousseau, 1995, 2000).
Les recherches sur la confiance ont principalement mis l’accent sur les effets
néfastes du manque de sincérité des managers sur l’acceptation des décisions organi-
sationnelles. Bien que nous soyons conscients qu’il n’existe aucune étude examinant
directement les i-deals selon cette perspective, il serait intéressant d’extrapoler à par-
tir des recherches existantes sur la confiance. Par exemple, selon Shapiro, Buttner et
Barry (1994), afin que les explications données par un supérieur hiérarchique soient
acceptées comme étant justes, elles doivent non seulement être valides et précises,
mais elles doivent aussi être perçues comme honnêtes et intentionnellement sincères.
Donc, si un employé perçoit les explications reçues à propos de l’i-deal d’un collègue
comme étant non sincères ou même mal intentionnées, le bénéfice attendu peut se
transformer en préjudice.
Dans la mesure où les intentions de manipulation de la part du manager peu-
vent être généralisées et attribuées à l’organisation (Brockner et Siegel, 1996), cette
situation altère, inéluctablement, les perceptions de justice dans l’organisation.
Comme le souligne Greenberg (2000), « tant que les employés ne sont pas convaincus
que leur supérieur hiérarchique est franc et sincère avec eux, l’usage par celui-ci des
explications peut probablement se retourner contre lui » (p. 187). Sur la base de ces
explications, nous recommandons aux managers de surtout ne pas manipuler les sala-
riés et de ne pas manquer de sincérité concernant l’individualisation des pratiques
organisationnelles.

7. Conclusion

De plus en plus, dans le contexte actuel de travail, managers, travailleurs et collègues


sont susceptibles de se retrouver engagés dans la négociation d’i-deals – soit directe-
ment, en tant que participants, soit indirectement en tant que tierce personne affec-
tée par ces arrangements individualisés. De par leur complexité, il est clair que notre
compréhension de la nature des i-deals est essentielle afin de les gérer efficacement.
Tel que nous l’avons détaillé dans ce chapitre, les théories sur la justice organisation-
nelle offrent des concepts utiles pour comprendre davantage les conséquences de
l’individualisation des pratiques de gestion.
Notre chapitre a souligné l’importance de la justice organisationnelle et de ses
apports théoriques dans la compréhension et l’analyse des réactions des personnes
face aux i-deals. Nous avons surtout mis l’accent sur les aspects de justice qui fondent
les perceptions de l’i-deal par les individus ainsi que les aspects qui garantissent les
conditions premières de sa formation et de sa réalisation. Cependant, puisque nos
connaissances concernant les i-deals restent encore limitées (Rousseau, 2005 ; Rous-
seau et al., sous presse) et que le champ de la justice en milieu organisationnel est
encore en train de gagner en précision (Greenberg et Colquitt, 2005), nous reconnais-
sons certaines limites à notre analyse. Cependant, nous pensons avoir soulevé un
ensemble de questions intéressantes qui peuvent servir de pistes pour des recherches
futures traitant de la justice à l’ère de l’individualisation.
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Partie II

Les enjeux de carrière

Sylvie GUERRERO 1

Sommaire

Chapitre 4. Réussir sa carrière : approche conceptuelle 143

Chapitre 5. Famille et carrière chez les couples à double


carrière 169

Chapitre 6. Enrichissement et conciliation du lien entre le


travail et la famille 189

Chapitre 7. Les femmes et le plafond de verre 207

Chapitre 8. L’individu face au plafonnement de carrière 223

1 Université du Québec à Montréal.


Les enjeux de carrière 141

La notion de carrière et la conception de la carrière, ont subi de profondes transfor-


mations au cours des dernières décennies. L’image de la carrière organisationnelle,
linéaire et verticale, loin d’être la norme, serait-elle une exception de nos jours ? Les
études statistiques européennes et internationales témoignent de l’évolution des
caractéristiques des cheminements professionnels vers des parcours plus atypiques,
qui laissent plus de place à un équilibre entre la vie privée et professionnelle (par
exemple, on note une augmentation du travail choisi à temps partiel, ou encore des
travailleurs autonomes). Que traduisent ces évolutions sur les attentes des employés
en matière de carrière ? Pour reprendre les travaux de Hall, le modèle traditionnel de
la carrière est-il mort ? C’est à ces questions que les cinq chapitres qui suivent ten-
tent de répondre.
Le quatrième chapitre reprend les modèles traditionnels de la carrière et mon-
tre comment ils ont évolué au cours des années 1990 et 2000. De nouveaux critères
de mesure du succès professionnel tels que le sentiment d’accomplissement, y seront
évoqués pour illustrer et opérationnaliser les évolutions rencontrées chez les
employés et les travailleurs. Ce chapitre offre au lecteur une belle perspective sur les
tendances actuelles en matière de carrière. Ces tendances seront ensuite détaillées
dans les chapitres qui suivent.
Le cinquième chapitre porte sur la problématique des couples à double carrière
et les difficiles choix entre la carrière de l’homme et celle de la femme. Le chapitre
suivant approfondit un aspect bien particulier des couples à doubles carrière : le souci
de l’équilibre vie privée – vie professionnelle. Pour ce faire, il fait appel à un champ
théorique très novateur et encore peu développé dans les recherches sur la carrière :
la conciliation du lien entre le travail et la famille. Ce chapitre fait état de toutes les
recherches qui montrent comment le travail peut être une source d’épanouissement et
d’enrichissement, même pour la famille. Le septième chapitre prend le contre-pied du
chapitre précédent et insiste sur les difficultés de carrière des femmes. Certes, de
nombreuses avancées sont constatées quant à l’accès des femmes aux postes de
cadres et de hauts dirigeants, mais il reste encore limité : c’est ce que chercheurs et
praticiens nomment le plafond de verre. Nous nous arrêterons quelques instants sur
ces difficultés, pour mieux les comprendre et identifier des voies d’amélioration pour
la carrière des femmes. Enfin, le chapitre huit reprend un thème traditionnel de la lit-
térature sur la carrière : le plafonnement de carrière. Quoique plus ancien, ce thème
n’en reste pas moins majeur pour les années à venir, qui devront composer avec une
masse importante de salariés et de travailleurs de plus de 40 ans.
Chapitre 4

Réussir sa carrière :
approche conceptuelle

Fabienne BASTID2 et Betty BRAVO 3

Introduction

Le sens premier du mot carrière signifie « voie où l’on s’engage », dérivé du terme
latin « carrus » qui donne plus tard « carriara » désignant le terrain utilisé pour les
courses de chevaux 4. De par son étymologie même la carrière n’a donc rien de chao-
tique, faire carrière est suivre un chemin tout tracé de manière chronologique et
ascendante. Le terme de carrière renvoie par conséquent directement à une forme
organisationnelle prédéfinie, l’entreprise pyramidale où la progression est verticale.
Weber (1972) est l’un des premiers à théoriser la carrière en définissant un idéal-type,
la carrière bureaucratique, lequel s’impose comme LA définition de la carrière. Ce con-
cept s’est appliqué dans le contexte organisationnel sous l’impulsion des travaux de
Hall (1976) ou encore de Schein (1978). La carrière est alors envisagée comme une
progression linéaire d’emplois dans une organisation à l’intérieur d’une industrie don-
née. L’étude de la carrière organisationnelle s’impose avec la prédominance des gran-
des entreprises bureaucratiques et des relations d’emploi stables.
Toutefois, les théoriciens de la carrière voient leur objet d’étude évoluer en
même temps que les bouleversements économiques, sociaux et technologiques de ces
dernières années. En effet, en France, sur environ 24 millions d’actifs occupés 5,
approximativement 15 millions de personnes occupent un emploi de salarié à temps

2 Euromed Marseille.
3 IAE Montpellier 2.
4 Voir le dictionnaire Le Trésor de la Langue Française informatisé, Université de Nancy, CNRS,
source électronique : http://atilf.inalf.fr
5 Enquête sur l’emploi INSEE, mars 2004.
144 Les enjeux de carrière

plein, et à durée indéterminée. Dès lors, à peu près un tiers des emplois sont occupés
par des non-salariés, des travailleurs dits atypiques (CDD, intérim…) ou encore des
salariés à temps partiel. De même, la France compte aujourd’hui 30,7 millions d’hom-
mes et 31,7 millions de femmes dont plus de 12,5 millions d’actives, soit 46 % de la
population active totale. Ainsi, depuis les années 1970, la participation des femmes
au marché du travail ne cesse d’augmenter. Pourtant, des inégalités face à l’emploi
subsistent : chômage plus élevé que pour les hommes, temps partiel plus fréquent et
moindre accès aux postes d’encadrement et de direction 6. Dans le même temps, le
niveau d’études des jeunes Français a beaucoup progressé entre 1985 et 1995, et s’est
stabilisé ces dernières années. Les diplômés de l’enseignement supérieur sont deux
fois plus nombreux en 1996 qu’en 1985, et représentent, en 2001, près de 38 % d’une
classe d’âge. Ces progrès sont dus à l’ouverture de différentes étapes du cursus sco-
laire à des fractions plus importantes de jeunes. De plus, l’enseignement supérieur a
connu un développement massif de 1987 à 1995, prolongeant l’essor de l’enseigne-
ment secondaire 7.

Ces différentes évolutions de la population active présagent une adaptation de


la part des entreprises en termes de structure de la main-d’œuvre (plus flexible, plus
féminine mais aussi plus diplômée) et une évolution des parcours professionnels qui
ne s’envisagent plus uniquement selon la définition traditionnelle de la carrière. Dans
les nouveaux modèles de carrière, la réussite professionnelle dépend moins des élé-
ments de reconnaissance de l’entreprise que de la satisfaction générale du travailleur
par rapport à l’accomplissement des buts professionnels qu’il s’est fixés. Si la carrière
se conçoit comme une notion de progrès ou d’avancement, alors le succès de carrière
est forcément mesuré par le statut, le salaire et l’avancement obtenus dans une orga-
nisation (Aryee, Chay et Tan, 1994). Par contre, si d’autres logiques de carrière sont
envisagées, comme c’est le cas au regard des caractéristiques actuelles de la popula-
tion active, les critères du succès peuvent alors être la satisfaction au travail, la satis-
faction dans la carrière et dans la vie en général (Feldman et Bolino, 2000).

Si l’entreprise veut s’adapter aux changements de la structure de sa main-


d’œuvre, elle doit s’interroger sur la façon dont ce personnel évolue dans l’organisa-
tion et y envisage sa place. Les organisations devront donc repenser et renouveler les
pratiques de gestion des travailleurs atypiques en s’interrogeant sur la façon de les
motiver et donc sur les critères de succès qu’ils valorisent. Pour renouveler ces prati-
ques, encore faut-il que l’organisation connaisse cette population spécifique. Or peu
d’études concernent ces catégories particulières de la population active et,
lorsqu’elles existent, les résultats sont peu satisfaisants car ils ne permettent pas de
comprendre les raisons du désengagement des individus au travail : plafond de verre,
inadéquation entre les compétences et les emplois, conflit de rôles… ? Les entrepri-
ses ont peut-être négligé le fait que l’individu ne se développe pas seulement dans le
travail et que son comportement est influencé par bien d’autres facteurs non liés au
travail.

6 Source : Enquête sur l’emploi, Insee, « La parité à pas comptés », C. Colin, Z. Djider, C. Ravel,
Division Études Sociales, Insee, n° 1006, mars 2005.
7 Formation initiale, orientations et diplômes de 1985 à 2002, Économie et Statistique, n° 378-
379, juillet 2005.
Réussir sa carrière : approche conceptuelle 145

Dans cette optique, l’introduction de la notion de sentiment de réussite profes-


sionnelle, qui s’appuie sur les théories du succès de carrière, nous semble pertinente
pour comprendre les comportements et l’engagement à la fois des femmes au travail
et des travailleurs atypiques. Cette notion aurait l’avantage, par rapport au concept
de succès de carrière, d’envisager l’individu dans ses sphères professionnelle et privée.
L’objectif de ce chapitre est double : présenter cette nouvelle notion en théorie des
carrières et recenser les différentes mesures de la réussite de carrière. Il se décompo-
sera en deux parties. Dans la première partie les évolutions des théories des carrières,
qui permettent de comprendre l’apparition de ce sentiment seront recensées. Nous
verrons ainsi l’évolution du concept de carrière en étudiant le passage de la carrière
organisationnelle traditionnelle à la notion de carrière nomade. Dans la deuxième par-
tie, les approches visant à mesurer ce sentiment de réussite seront analysées. Nous
nous interrogerons notamment sur le concept de réussite de carrière, sa définition et
sa mesure dans le nouveau contexte de travail.

1. Du succès de carrière au sentiment de réussite


professionnelle : un cadre théorique renouvelé
pour étudier les carrières
Pour appréhender la notion de réussite professionnelle, il faut aborder le développe-
ment des nouvelles formes de carrières. Ceci impose au préalable une définition du
cadre conceptuel de la carrière traditionnelle.

1.1 LES MODÈLES DE LA CARRIÈRE ORGANISATIONNELLE TRADITIONNELLE


Dans ces modèles, la carrière se rapporte à une organisation dans laquelle l’individu
peut espérer gravir des échelons hiérarchiques préalablement définis. Il peut alors
prévoir les étapes de sa vie professionnelle selon une « logique d’avancement »
(Kanter, 1989). La carrière est alors la combinaison d’une progression verticale,
d’expériences de travail dans les différents départements de l’entreprise et d’une évo-
lution vers des postes clés. Considérée comme une séquence d’emplois occupés, elle
a, dans ce cas, pour critère de réussite, les augmentations de salaire liées aux évolu-
tions dans l’entreprise (Gunz et Jalland, 1996). Nous verrons comment définir la car-
rière organisationnelle, particulièrement en gestion avec les modèles des stades de
carrière (Super, 1957) et des ancres de carrière (Schein, 1978).

1.1.1 La carrière en gestion : approches et niveaux d’analyse


Les recherches sur la carrière sont divisées en deux approches : les approches objecti-
ves qui observent le parcours professionnel de l’individu, et les approches subjectives
qui s’intéressent aux perceptions de son propre parcours par l’individu. Dès 1937, les
sociologues de l’Université de Chicago présentent, d’une part, une définition objec-
tive de la carrière qui est considérée comme une succession de statuts et de postes
bien définis dans une entreprise structurée. Stephens (1994) met l’accent sur les
aspects objectifs, les données observables et mesurables comme le niveau de salaire
ou les promotions obtenues. D’autre part, se distingue une définition subjective
146 Les enjeux de carrière

représentant la façon dont une personne perçoit globalement l’évolution de sa vie et


interprète ce qui lui arrive (Roger, 1993). La carrière subjective selon Barley (1989)
englobe l’interprétation interne des expériences professionnelles, la perception de la
place du travail dans la vie en général, et le sens qu’un individu donne aux différents
évènements. Au-delà de la carrière objective, il faut comprendre l’ensemble des repré-
sentations associées à la carrière, comme étant ce que les auteurs appellent des
« visions du monde ».
Outre cette première distinction, la carrière s’analyse à travers plusieurs
niveaux : à un niveau individuel, les carrières représentent une séquence de transi-
tions entre des emplois illustrant des choix parmi des opportunités, et à un niveau
organisationnel, la carrière est vue comme une partie d’un processus de reproduction
sociale (Evetts, 1992). Pour Vardi (1980), ces approches se combinent pour compren-
dre les phénomènes qui sont liés à la gestion des carrières (tableau 4.1).

Approches subjectives Approches objectives

Approche psychologique : Approche sociologique :


Choix professionnel Modèles de carrière
Niveau d’analyse individuel
Aspirations, ancres de carrière Étapes de carrière
Satisfaction

Approche psychosociologique : Approche économique :


Niveau d’analyse organisationnel Engagement organisationnel Analyse du marché du travail interne
Socialisation Gestion des carrières

TABLEAU 4.1 – La perspective pluridisciplinaire de la notion de carrière


(adapté de Vardi, 1980, p. 345)

Schein (1971) identifie ces deux niveaux d’analyse de la carrière. Pour l’indi-
vidu, la carrière fait référence aux attributs et expériences qui lui permettent d’évo-
luer dans une organisation ; a contrario, d’un point de vue organisationnel, la carrière
représente plutôt la progression des personnes dans la structure. L’auteur propose
d’envisager la carrière comme le résultat de l’interaction individu-organisation. La
carrière peut alors prendre la forme de trois types de mouvements : vertical, qui cor-
respond à l’ascension ou à la « descente » d’une personne dans la hiérarchie de
l’organisation ; radial, qui correspond à l’augmentation ou à la diminution de la cen-
tralité d’une personne, c’est-à-dire à son influence au sein de l’organisation ; et cir-
conférentiel, qui correspond à un mouvement d’une fonction ou d’une division de
l’organisation vers une autre.
Hall (1976), quant à lui, aborde la carrière du point de vue des individus et la
définit comme la perception individuelle des attitudes et comportements associés aux
expériences et aux activités professionnelles tout au long de la vie. Il envisage quatre
critères pour appréhender la réussite de carrière : l’avancement hiérarchique dans la
structure organisationnelle, les attitudes individuelles en termes de satisfaction ou
d’implication, l’accomplissement identitaire en termes d’expériences et de rôles tenus,
et la capacité d’adaptation. Ainsi, Hall donne une place importante aux attentes indi-
viduelles dans la définition des critères du succès de carrière.
Réussir sa carrière : approche conceptuelle 147

Ainsi, la carrière comme « une séquence d’évolution des expériences de travail


d’une personne au cours du temps » 8 (Arthur, Hall et Lawrence, 1989, p. 8) reflète
bien les relations de travail établies entre l’individu et l’organisation, et c’est cette
conception qui a dominé les recherches sur la carrière jusqu’au début des
années 1990. Dans ce cadre, les travailleurs font des choix de carrière qui révèlent
différentes stratégies de cheminements de carrière. Ces choix ont été conceptualisés
dans la littérature selon deux perspectives : les étapes de carrière et les ancres de
carrière (Mercure, Bourgeois et Wils, 1991).

1.1.2 Les modèles des étapes de carrière


Les modèles des étapes de carrière conceptualisent les choix professionnels dans une
perspective dynamique et déterministe. Beaucoup de modèles de développement de
carrière ont été développés. Ils analysent la carrière comme une succession d’étapes.
À chaque étape de carrière, les tâches de travail et la relation au travail évoluent. Ce
développement peut se découper en quatre grandes phases : apprentissage, maîtrise,
routine, désengagement. Ainsi, les théories sur les étapes de carrière décrivent la car-
rière comme une succession de différentes étapes dans le temps selon l’âge des indi-
vidus. Le choix professionnel est donc un événement limité à une seule période de la
vie. À un moment donné, les individus choisissent d’entrer dans une profession et y
restent généralement tout au long de leur vie active. La majorité des travailleurs font
face à des problèmes semblables dans leur carrière et à des moments particuliers de
leur vie.
Pour Super (1957), le développement de la carrière et même les choix quant à
la carrière sont plutôt le résultat d’un processus que d’un événement unique dans la
vie. Les individus diffèrent en matière d’intérêts, et de personnalité, néanmoins les
choix professionnels et le développement de la carrière peuvent être décrits en termes
de stades. Le développement de carrière est un processus continu qui va de l’enfance
jusqu’à la vieillesse et qui est influencé par différents facteurs. Ainsi, les préférences
et les compétences professionnelles évoluent en fonction du temps. Ces changements
se résument en une série d’étapes (Super, 1957) :
1. Stade de la croissance : curiosité et fantasme professionnels
2. Stade de l’exploration : cristallisation, spécification et réalisation
3. Stade de l’établissement : stabilisation, consolidation, et avancement
4. Stade du maintien : conserver sa position, mise à jour, et innovation
5. Stade du désengagement : ralentissement, planification de la retraite, et vie
de retraité.
Cette recherche soutient l’existence de différences d’attitudes et de comporte-
ments en fonction des stades de carrière. Dalton, Thompson et Price (1977), construi-
sent un modèle qui décrit les stades de la carrière, contribuant à une meilleure
compréhension de la gestion de la carrière professionnelle :
Stade I. Apprentissage du travail lié à l’organisation. Dépendance à la super-
vision

8 Traduction personnelle.
148 Les enjeux de carrière

Stade II. Responsable de projet : collaborateur indépendant. Indépendance


dans une aire d’expertise
Stade III. Prise de responsabilité pour le travail des autres. Implication dans la
formation et la supervision
Stade IV (atteint par certains seulement). Abandon du contrôle des tâches
routinières. Exercice du pouvoir.
Si une personne change d’orientation, elle doit recommencer au premier stade.
Ainsi, le succès de carrière apparaît comme lié au stade de carrière et à la satisfaction
des besoins spécifiques à ce stade. Ces modèles postulent que les individus font des
choix de carrière obéissant à une série d’étapes qui correspondent aux phases d’un
cycle. Cependant, plusieurs choix stratégiques et individuels liés au parcours profes-
sionnel ne peuvent pas être expliqués par les modèles des étapes de carrière en raison
des évolutions de l’environnement économique. Il n’existerait que peu de progression
linéaire et idéale de carrière ou de stades prédictibles. Elle suivrait un cours unique et
propre à l’individu. Hall (1996) a remis en cause la carrière linéaire, notamment les
phases de carrière. Les auteurs montrent en effet que les différentes phases pour-
raient se présenter plusieurs fois. Finalement, toutes ces recherches sur les étapes de
carrière, laissent plusieurs questions en suspens : quand une étape est terminée ne
pouvons-nous jamais y revenir ? Les choix professionnels sont-ils tous aussi figés
dans le temps ? Il nous semble que plusieurs choix liés au parcours professionnel ne
peuvent pas être expliqués par ces modèles en raison des évolutions tout au long du
parcours professionnel des attentes de carrière des individus. Pour pallier cette fai-
blesse, le modèle des ancres de carrière (Schein, 1978) peut alors être proposé.

1.1.3 Le modèle des ancres de carrière


Le modèle des ancres de carrière consiste à étudier les motivations dominantes qui
sont à la base d’une orientation de carrière. Il permet notamment de comprendre les
choix professionnels individuels, et de sortir du déterminisme des étapes de carrière.
Il envisage la carrière comme menée par des ancres qui naissent des expériences de
travail et qui aident ou contraignent l’individu dans ses choix. Ces ancres de carrière
lui permettent de définir ses propres critères de réussite. En analysant le chemine-
ment de carrière de 44 diplômés de MBA du Minnesota Institute of Technology sur
une période de vingt ans, Schein (1978) définit huit mobiles fondamentaux de car-
rière pouvant expliquer des orientations différentes (tableau 4.2, p. 149).
Cette typologie est susceptible d’être utilisée pour comprendre les motivations
en termes de choix professionnel. Beaucoup de recherches mobilisent ce modèle pour
apprécier le rôle des aspirations individuelles dans le choix de carrière (Feldman et
Bolino, 2000 ; Igbaria, Kassicieh et Silver, 1999 ; Martineau, Wils, et Tremblay, 2001).
Une théorie du choix de carrière utilisant la perspective des ancres de carrière
peut saisir les variables qui prédisposent à choisir tel ou tel emploi et peut expliquer
les résultats de carrière (« career outcomes ») des individus comme, par exemple, le
niveau de revenu ou la satisfaction au travail. En effet, la principale hypothèse de
Schein est que, si les individus sont en adéquation avec leur ancre de carrière et leur
environnement de travail, alors la probabilité qu’ils atteignent un certain niveau de
résultats de carrière est élevée.
Réussir sa carrière : approche conceptuelle 149

1. Compétence technique Utilisation de compétences spécifiques. Reconnaissance liée à l’expertise

2. Compétence managériale Recherche d’un statut et de responsabilités. Reconnaissance liée à la promotion

3. Autonomie/indépendance Besoin de ne pas être contraint par des règles. Reconnaissance liée à l’octroi d’autonomie

4. Sécurité/stabilité Recherche d’un emploi stable assurant un bon salaire. Reconnaissance liée à la loyauté

5. Créativité entrepreneuriale Création de nouveaux concepts. Reconnaissance liée aux talents

6. Service Opportunité de refléter la mission de l’organisation. Reconnaissance liée au dévouement

7. Défi Recherche d’un niveau de difficulté à franchir. Reconnaissance liée au défi

8. Style de vie Conciliation vie privée/vie professionnelle. Reconnaissance liée à la flexibilité désirée

TABLEAU 4.2 – Les définitions des ancres de carrière (Schein, 1990, p. 20)

Les travaux de Schein ont mis en lumière la distinction entre le processus ini-
tial de choix professionnel et la formation de l’identité de carrière. Schein suggère
qu’à travers les premières expériences de travail, les individus développent une ancre
de carrière. Il définit les ancres comme des concepts intégrant la perception par
l’individu de ses capacités et talents professionnels, de ses valeurs de base, et un sens
développé de ses motivations et besoins relatifs à la carrière (Schein, 1990). Les
ancres exercent une force qui va conduire l’individu dans un contexte de travail en
accord avec les aptitudes, les valeurs et motivations représentées par ses ancres.

Selon Schein, chaque individu possède une seule ancre de carrière, il ne peut
pas en avoir plus, dans le cas contraire c’est qu’il n’a pas eu assez d’expériences de
travail pour développer ses priorités qui vont déterminer ses choix. Le manque
d’appariement entre le profil de l’individu et son organisation va entraîner des résul-
tats négatifs, comme le faible niveau de réussite de carrière ou le changement
d’emploi. C’est dans cet aspect que l’auteur s’inscrit dans le courant de la carrière
organisationnelle. D’autres auteurs, quant à eux, montrent qu’un individu peut avoir
au moins deux ancres de carrière : une ancre primaire et une ancre secondaire qui
peuvent d’ailleurs être complémentaires ou incompatibles (Feldman et Bolino, 1996 ;
Martineau et al., 2001). Ces auteurs montrent que le postulat de la stabilité décou-
lant de l’existence d’une ancre dominante constitue un obstacle à la compréhension
des phénomènes dynamiques comme les changements de carrière (Mercure et al.,
1991). Ainsi, en intégrant la possible multiplicité des ancres le modèle peut permet-
tre d’étudier les nouvelles formes de carrière.

Compte tenu des changements socio-économiques, organisationnels ou encore


technologiques, certaines ancres paraissent mieux correspondre aux nouvelles rela-
tions d’emploi. Par exemple, les individus ancrés « sécurité/stabilité » ont plus de
chance d’avoir des difficultés sur le marché du travail actuel, tandis que les individus
ancrés « autonomie/indépendance » sont plus à même d’accepter le changement. De
même, l’évolution rapide des technologies favorise le besoin continuel des individus
ancrés « compétences techniques », de maintenir leur employabilité. Pour eux, le
succès n’a rien à voir avec la promotion, il se définit plutôt par la possibilité de déve-
lopper l’expertise. De même que pour les individus ancrés « compétence de gestion »,
150 Les enjeux de carrière

les restructurations, la diminution du nombre de niveau hiérarchique ou encore le


développement de l’entreprise-projet rendent les promotions difficiles, et boulever-
sent ainsi les critères objectifs du succès de carrière. Pour les individus ancrés
« créativité », les conditions actuelles sur le marché du travail sont adaptées à ceux
qui cherchent à gérer leur carrière et à devenir leur propre patron. Enfin, l’ancre qui
semble à l’heure actuelle le plus se développer chez les travailleurs est l’ancre « style
de vie ». En effet, les individus cherchent de plus en plus à concilier leur vie profes-
sionnelle avec leur vie privée. Les conséquences de ces évolutions en termes de suc-
cès sont importantes. L’individu recherchera moins la sécurité de l’emploi que
l’employabilité, et la satisfaction dans la vie en général prend une part importante
dans la définition de la réussite professionnelle.

Succès de carrière traditionnel Évolution du succès de carrière

Compétence technique Avoir l’expertise reconnue par ses pairs Développer son employabilité

Compétence managériale Atteindre un statut, un revenu, et des Mobilité horizontale, capacité à manager
responsabilités

Créativité entrepreneuriale Arriver à créer des concepts nouveaux Être son propre patron

Sécurité/ stabilité Assurer un bon salaire et avoir une certaine Augmenter ses connaissances et expériences
stabilité pour dépasser la dépendance à l’organisation

Autonomie/ indépendance Recherche d’autonomie Naviguer facilement dans le monde


professionnel

Style de vie Avoir une certaine flexibilité du temps dans Arriver à concilier vie professionnelle et vie
l’organisation privée

Dévouement à une cause Parvenir à refléter la mission de Gérer des problèmes d’environnement
l’organisation

Challenge Arriver à franchir des difficultés Se trouver toujours de nouveaux défis


professionnels

TABLEAU 4.3 – Évolutions du succès en fonction des ancres de carrière


(adapté de Schein, 1996)

1.2 REVISITER LA NOTION DE CARRIÈRE :


ÉVOLUTION DU CONTRAT PSYCHOLOGIQUE ET CARRIÈRE NOMADE

Dès 1976, Weick conteste la continuité de la carrière et la qualifie de discontinue, et


de déterminée par les événements extérieurs. Plus récemment, Lichtenstein et Men-
denhall (2002) envisagent la carrière comme étant dynamique et non linéaire dans le
sens où elle englobe des discontinuités dans sa progression. En outre, les bouleverse-
ments dans les structures organisationnelles ont conduit les chercheurs à remettre en
cause le modèle de la carrière organisationnelle. De nouvelles formes de carrière sont
proposées accentuant le rôle de l’individu dans la gestion de son propre parcours.
L’affaiblissement du modèle de la grande entreprise et les nouveaux modes d’organisa-
Réussir sa carrière : approche conceptuelle 151

tion ont conduit à l’érosion des conditions pré-requises pour effectuer une carrière
organisationnelle et ouvrent la voie au travail non standard tels que le travail tempo-
raire ou l’auto-emploi.

1.2.1 La transformation des structures organisationnelles


Nombre d’entreprises ont diminué leur structure hiérarchique pour augmenter leur
flexibilité, ont mené des actions de restructuration et ont réduit leur masse salariale
(Miles et Snow, 1996). Inkson (1999) suggère une incompatibilité entre la carrière
organisationnelle et les conditions actuelles de l’environnement de travail. Sans pro-
clamer la disparition des formes traditionnelles d’organisation, différents change-
ments économiques et sociaux engendrent de nouvelles formes d’entreprises
impliquant des visions nouvelles de la gestion des carrières. Selon Allred, Snow et
Miles (1996), il y aurait différents types de carrières spécifiques à chaque nouvelle
forme organisationnelle.

Structures Responsabilité de la
Parcours de carrière Compétences clés
organisationnelles carrière

Réseau Entre différentes firmes Techniques commerciales et L’entreprise et l’individu


de collaboration

Cellulaire Professionnel indépendant Techniques commerciales et L’individu lui-même


de gestion de soi

TABLEAU 4.4 – Les structures organisationnelles et parcours de carrière


(Allred et al., 1996, p. 22)

D’autres travaux montrent comment les nouvelles formes organisationnelles


ont un impact sur la conception de la carrière. Weick et Berlinger (1989) préconisent
que, dans des environnements forts, les bureaucraties prédominent, alors que, dans
des environnements faibles, soumis à l’ambiguïté et à l’incertitude, des organisations
moins formelles appelées des self-designing organizations apparaissent. Les individus
attendent moins de récompenses extrinsèques de la part de ces organisations et
recherchent davantage un épanouissement personnel et une satisfaction dans la vie
en général.
Ainsi, dans le cadre de ces nouvelles formes d’organisations se développent de
nouveaux parcours professionnels. Ils préfigurent une évolution dans les critères du
succès de carrière des individus, les entreprises ne promettant plus une ascension ver-
ticale à tous. En effet, les attentes liées à la carrière évoluent et deviennent très dis-
parates en fonction des différentes populations de salariés, et de la durée des liens
noués, ce qui met en avant l’intérêt d’une réflexion sur les évolutions du contrat psy-
chologique.
152 Les enjeux de carrière

1.2.2 L’évolution du contrat psychologique :


de la sécurité de l’emploi à l’employabilité
L’idée d’un contrat psychologique s’est développée quand Argyris (1960) a abordé le
« psychological work contract » pour décrire la relation subjective qui peut exister
entre un employeur et un salarié. Ce concept de contrat psychologique a par la suite
été défini par Rousseau (1989) comme « les croyances des salariés sur les obligations
réciproques qui existent entre eux et leur employeur, et qui servent de fondements
aux relations salariales » (p. 123). Il constitue un échange de sécurité de l’emploi
contre l’engagement et la fidélité du salarié.
Sont distinguées dans le contrat psychologique des composantes transaction-
nelles (obligations spécifiques monétaires de court terme) et des composantes rela-
tionnelles (obligations de long terme basées sur un échange socio-émotionnel)
(Rousseau et McLean Parks, 1993). Les implications des restructurations organisation-
nelles et de l’externalisation sur les relations d’emploi ont mis au jour l’intérêt du
concept de contrat psychologique. Il permet de comprendre les changements survenus
dans les relations entre employeurs et employés (Rousseau, 1989 ; Rousseau et
McLean Parks, 1993). L’échange de fidélité et d’engagement contre la sécurité de
l’emploi n’est plus garanti. Les organisations essaient dorénavant d’assurer l’employa-
bilité de leurs salariés. L’employabilité, en réponse aux besoins de flexibilité, rem-
place la sécurité de l’emploi, fondement de l’implication des salariés dans le
paradigme traditionnel. Elle serait la capacité de tout individu situé sur le marché du
travail à trouver un emploi, à l’intérieur ou à l’extérieur de l’entreprise (Dany, 1997),
et serait à la base d’un nouveau contrat psychologique.
Le contrat psychologique permet de donner un cadre interprétatif aux nouvel-
les relations d’emploi, la nature relationnelle du contrat laissant la place à des logi-
ques transactionnelles. Cette approche par le contrat psychologique permet
d’introduire la notion d’engagement au travail pour des salariés sortis du modèle de la
carrière traditionnelle, et de s’interroger sur sa définition. Guerrero (2001) parle d’un
engagement calculé avec un horizon temporel plus court et des salariés plus fréquem-
ment présents sur le marché du travail, ce qui donne lieu à des parcours profession-
nels atypiques.

1.2.3 Revisiter la notion de carrière :


le paradigme de la carrière nomade
Les définitions traditionnelles de la carrière ne semblent plus totalement appropriées
pour le système de carrière contemporain (Arthur et Rousseau, 1996b). Certaines
entreprises ne peuvent plus offrir une carrière mais plutôt des opportunités de car-
rière dont la responsabilité du développement revient aux individus (Hall, 1996). La
carrière peut alors avoir une perspective différente, qui n’est pas basée sur l’avance-
ment professionnel linéaire. Des critères de réussite nouveaux seraient pris en compte
comme la satisfaction dans la vie, la conciliation vie professionnelle/vie privée ou
encore le développement des compétences.
La pertinence de l’approche classique des carrières est donc remise en cause et
sont proposées de nouvelles formes de carrières à travers les concepts de « carrière
Réussir sa carrière : approche conceptuelle 153

protéenne » (« protean career ») (Hall, 1976), ou plus récemment de « boundaryless


career » (Arthur et Rousseau, 1996a). L’expression carrière « protéenne » est née des
travaux de Hall (1976, 1996). C’est une carrière gérée par l’individu et non par l’orga-
nisation, qui change au cours du temps et en fonction de l’environnement économi-
que. La notion de succès de carrière ne dépendrait plus de la reconnaissance externe
mais serait liée à la réalisation de projets personnels. Le but est le « succès
psychologique » (« psychological success »), c’est-à-dire l’accomplissement person-
nel, l’individu passant d’un besoin de récompenses extrinsèques à celui de récompen-
ses intrinsèques.
Le courant de la « boundaryless career » (Arthur et Rousseau, 1996a) est pro-
bablement l’un des plus mobilisés dans le contexte actuel des nouvelles formes de
carrières s’érigeant comme un paradigme alternatif à celui de la carrière tradition-
nelle. Cette notion de « carrière sans frontière » ou plutôt selon Cadin (1997) de
« carrière nomade », repose sur l’idée que les carrières ne sont plus contraintes par
les frontières des entreprises et constituent au contraire une « série d’opportunité
d’emploi qui dépasse les frontières d’un seul lieu de travail » (Defillippi et Arthur,
1996, p. 116). Elle ne caractérise pas une seule forme de carrière mais différents
modèles qui défient le système d’emploi traditionnel. Sullivan (1999) relève les diffé-
rences entre la carrière traditionnelle et la carrière nomade.

Carrière traditionnelle Boundaryless career

Relations d’emploi Sécurité contre fidélité Employabilité contre performance et


flexibilité

Frontières De l’entreprise De plusieurs entreprises

Compétences Compétences spécifiques Compétences transférables

Mesure du succès Salaire, promotion et statut Intérêt du travail

Responsabilité dans la gestion de la L’organisation L’individu


carrière

Formation Programme formel Formation permanente

Étape Liée à l’âge Liée à l’apprentissage

TABLEAU 4.5 – Comparaison de la carrière traditionnelle et de la boundaryless career


(Sullivan, 1999, p. 479)

Le courant « boundaryless » se positionne ainsi dans une nouvelle sphère


organisationnelle en rupture avec l’ère industrielle et la carrière traditionnelle. Cadin
et al. (2000, p. 78) mobilisent différents concepts pour entériner cette théorie :
■ Les initiatives des individus (« enactment ») (Weick, 1996) : dans des envi-
ronnements faibles, c’est-à-dire des contextes ambigus, incertains, les per-
sonnes sont amenées à construire leur carrière hors des modèles
institutionnalisés.
154 Les enjeux de carrière

■ La mise en sens du parcours professionnel (« sensemaking ») (Weick, 1995) 9 :


les individus, vivant des transitions professionnelles inédites, sont amenés à
rechercher une cohérence entre leurs expériences. Les carrières sont moins
choisies que « mises en sens », les individus étant guidés par leurs propres cri-
tères de réussite.
■ La redéfinition de la notion de compétences (« knowing » : Arthur et al.,
1995) : les compétences techniques, identitaires et relationnelles sont prises
en compte comme critères de réussite, tout autant que les éléments de salaire
et de statut.
■ Les communautés de pratiques : elles jouent un rôle important pour
« affranchir les théories des carrières du poids historique des organisations »
(Cadin et al., 2000, p. 79). Les individus doivent mobiliser d’autres espaces
sociaux pour développer leur apprentissage.
De plus, Cadin et al. (1999) proposent une typologie de parcours
professionnels : sédentaires, migrants, frontaliers et sans frontières. Basée sur des
comparaisons d’histoires de carrières entre la France et la Nouvelle-Zélande, l’étude a
permis de constater qu’un nombre important de personnes avait une carrière qui
échappait au canon organisationnel. Les motifs à l’origine des mobilités profession-
nelles sont souvent les licenciements, les faillites d’entrepreneurs, l’externalisation ou
encore des motifs personnels tels que le sentiment de blocage de carrière, le désir
d’autonomie, la réalisation des motivations personnelles.
Le passage de la carrière linéaire aux parcours professionnels dits atypiques
fait évoluer le concept même de carrière. Nicholson et West (1989) parlent
d’« histoire professionnelle » (« work histories ») pour désigner la carrière dans un
environnement sans progression hiérarchique linéaire. Le nouveau paradigme en théo-
rie des carrières, qu’est celui de la carrière nomade, permet de comprendre l’évolution
des relations entre les salariés et les organisations. Cette évolution permettra
d’appréhender la redéfinition de la réussite professionnelle pour des individus n’évo-
luant pas dans une carrière organisationnelle traditionnelle.

1.2.4 Le succès de carrière en évolution :


« le sentiment de réussite professionnelle »
Les facteurs qui supportent et renforcent le succès – tels que la sécurité de l’emploi,
le revenu ou le statut – ne sont plus forcément les mêmes dans les années 2000 qu’ils
ne l’étaient dans les années 1930, lors des premières réflexions sur la carrière. Les
individus doivent réexaminer leurs aspirations de carrière, et chercher d’autres sources
de « succès psychologique » que celles décrites dans les premiers travaux sur les car-
rières (Mirvis et Hall, 1996). Les carrières dites « alternatives » contribuent à changer
les perceptions de l’individu en termes d’attentes et engendrent la redéfinition du
succès de carrière (Hall, 1996). Ce n’est pas seulement la représentation de la carrière
qui change, ce sont les critères du succès qui évoluent. La notion de sentiment de
réussite professionnelle permet de faire référence aux enjeux auxquels sont confron-

9 Weick, K. (1995). Sensemaking in organizations, Thousand Oaks, Sage, cité par Cadin et al.
(1999). Les carrières « nomades », facteur d’innovation, Revue française de gestion, n° 126, p. 60.
Réussir sa carrière : approche conceptuelle 155

tés les individus dans leur sphère privée, sans limiter l’analyse à la seule sphère pro-
fessionnelle.
En s’intéressant à la perception des individus, le terme « sentiment » est perti-
nent pour faire référence à une « vision du monde » (Laufer et Paradeise, 1982). De
même, le sentiment de réussite professionnelle permet d’envisager l’individu à travers
ses différentes composantes de vie : individuelle, familiale et sociale. Cette dimension
« non professionnelle » apparaît également dans les études sur le succès de carrière
qui l’opérationnalisent par des éléments d’ordre privé, comme la satisfaction dans la
vie en général (Boudreau, Boswell et Judge, 1999). Ainsi, le sentiment de réussite
professionnelle est valorisé pour ce qu’il apporte personnellement à tout individu.
En mobilisant, en complément de la littérature précédemment étudiée, le cou-
rant des nouvelles formes de carrière, un certain nombre de dimensions s’avèrent per-
tinentes pour décrire le sentiment de réussite professionnelle. Ces différentes
dimensions permettent d’obtenir une vision complète du sentiment de réussite
professionnelle :
■ la satisfaction dans la carrière : c’est l’importance que l’individu accorde à son
parcours professionnel et aux choix personnels qui y sont liés. La carrière est
donc envisagée comme la succession des différentes expériences profession-
nelles et des buts atteints, et non comme une ascension verticale dans une
seule entreprise ;
■ la perception de la satisfaction au travail : la notion de satisfaction au travail
prend la forme d’une réussite en termes de choix professionnels ;
■ la perception de satisfaction dans la vie en général : les choix professionnels
sont généralement influencés par la vie personnelle et familiale. La satisfac-
tion dans la vie est ici très liée à l’emploi du temps professionnel ;
■ la perception de l’employabilité interne et externe : il s’agit ici de la capacité à
être mobile, à développer des contacts, dans son réseau professionnel de tra-
vail ou sur le marché du travail. On distingue, d’une part, l’employabilité
interne, qui permet de « se faire connaître et reconnaître grâce à ses capacités
et compétences », et d’autre part, l’employabilité sur le marché du travail, où
il est question de mobilité externe. Il s’agit des capacités à développer sa
réputation du fait de sa mobilité et de ses compétences.

2. Mesurer la réussite de carrière

La mesure de la réussite de carrière sous-tend plusieurs questionnements et


réflexions. Tout d’abord, elle pose la question de la nature de la réussite de carrière
que l’on se propose de mesurer ou plus simplement du « que mesure-t-on ? ». Elle
soulève également la question des instruments de mesure utilisés ou du « comment
mesure-t-on ? » ainsi que du « qui effectue cette mesure ? ». C’est l’ensemble de ces
questions que nous aborderons dans cette section. Nous verrons dans un premier
temps comment les chercheurs sont passés de la conceptualisation à l’opérationnali-
sation de ce concept et dans un second temps comment la recherche empirique
156 Les enjeux de carrière

appréhende cette mesure, mettant ainsi en lumière les limites et les difficultés inhé-
rentes à une telle démarche et les voies de recherche restant à développer.

2.1 MESURER LA RÉUSSITE DE CARRIÈRE :


DE LA CONCEPTUALISATION À L’OPÉRATIONNALISATION

La question de la mesure de la réussite de carrière est étroitement liée à l’évolution


de la théorie des carrières telle que nous l’avons décrite précédemment. Le cadre
théorique le plus souvent retenu pour mesurer la réussite de carrière est celui proposé
dès la fin des années 1930 par Hugues (1937, 1958) qui distingue carrière objective
et carrière subjective. Ainsi, la carrière objective qui fait référence aux différentes
positions occupées par un individu, facilement observables par un tiers est évaluée
par « la réussite de carrière objective » et la carrière subjective, perception et juge-
ment par l’individu de sa propre carrière, est mesurée par « la réussite de carrière
subjective ».
La recherche empirique s’est longtemps principalement consacrée à la mesure
de la réussite de carrière objective, opérationnalisée à travers l’utilisation de critères
objectifs relatifs au salaire, au niveau hiérarchique et à leurs évolutions. Cette appro-
che est à mettre en relation avec la conception traditionnelle de la carrière organisa-
tionnelle, telle que décrite par Hall (1976, p. 202), où la « performance » de la
carrière se mesure à l’aune de la position dans l’organisation, et du salaire. Ainsi,
Arthur et Rousseau (1996, p. 8) relèvent que plus de 75 % des articles relatifs à la
recherche empirique sur la carrière, parus dans cinq revues académiques majeures 10
entre 1980 et 1995, se focalisent sur les aspects objectifs de la carrière. Dans une
revue très complète des études empiriques réalisées depuis 1990, relatives à l’avance-
ment dans la carrière managériale, Tharenou (1997) synthétise les différentes façons
d’opérationnaliser la réussite de carrière objective. Ainsi, l’avancement dans la car-
rière managériale est traditionnellement évalué en termes de nombre ou de rythme de
promotions au sein des différents niveaux hiérarchiques de l’organisation, de niveau
hiérarchique atteint et de niveau et/ou d’évolution de rémunération (Rosenbaum,
1984 ; Schneer et Reitman, 1990 ; Gatticker et Larwood 1990 ; Miner et al., 1991 ;
Brett et al. 1992 ; Reskin et Ross, 1992 ; Bretz et Judge, 1994 ; Judge et al., 1995).
Il est ainsi possible de noter un premier « décalage » entre théorie et recher-
che empirique relatives à la réussite de carrière. En effet, dès 1978, Schein affirme
qu’il est également important de s’intéresser à la satisfaction de carrière d’individus
dont on peut considérer qu’ils ont réussi sur le plan hiérarchique et salarial (Schein,
1978). Illustrant cette nécessité, en 1980, Bartolomé et Evans posent la question
suivante : « Must success cost so much ? », et mettent en évidence les effets négatifs
possibles de la réussite de carrière objective sur un certain nombre de managers
(Bartolomé et Evans, 1980).
D’autres recherches ont également suggéré que certains managers, qui présen-
tent un niveau de réussite de carrière objective élevé, peuvent a contrario se montrer
insatisfaits de leur carrière (Korman, 1980 ; Korman et al., 1981). Dans ce contexte, il

10 Academy of Management Journal, Administrative Science Quarterly, Journal of Management, Jour-


nal of Management Studies et Journal of Organizational Behavior.
Réussir sa carrière : approche conceptuelle 157

devient nécessaire de s’intéresser à la mesure de la réussite de carrière subjective et


ce d’autant plus qu’elle peut avoir des conséquences sur le bien-être psychologique et
la qualité de vie des salariés et donc sur la performance de l’organisation. En effet,
selon ces auteurs, si des individus ne se montrent pas satisfaits de leur carrière, il
existe un risque élevé d’aliénation et de détachement, qui affecte finalement la per-
formance individuelle et la relation aux autres au sein de l’organisation.
Gatticker et Larwood (1986), à la suite d’une approche qualitative menée par
Gattiker 11, font figure de précurseurs à travers leurs recherches visant à la conceptua-
lisation et à l’opérationnalisation de la réussite de carrière subjective. En effet, dans
sa recherche doctorale, Gattiker a interrogé des managers et des non-managers afin
d’explorer leur conception de la réussite de carrière, contrairement aux études réali-
sées antérieurement qui se fondent sur une définition de la réussite de carrière sub-
jective élaborée par le chercheur. Dans un deuxième temps, les deux auteurs ont
validé les différentes dimensions obtenues à travers une étude quantitative menée
auprès de 221 répondants, dont 137 managers et 73 collaborateurs, appartenant à
des organisations différentes et sélectionnés par leurs employeurs sur la base de leur
réussite au sein de leur organisation. Un des résultats importants de cette étude est
que la conception de la réussite de carrière subjective comprend plusieurs dimensions
qui peuvent être différenciées entre dimensions organisationnelle et non organisa-
tionnelle. Les auteurs concluent ainsi à la nécessité de situer les recherches sur la
réussite de carrière dans le contexte plus large de la vie en général et d’étudier
notamment l’impact possible des aspects et des rôles non-professionnels sur la réus-
site de carrière subjective. Le tableau 4.6 présente de façon détaillée les différentes
dimensions retrouvées par ces auteurs.

Gattiker et Larwood (1986) Perception de la réussite de carrière


Réussite organisationnelle
• Réussite dans l’emploi
• Réussite interpersonnelle
• Réussite financière
• Réussite hiérarchique
Réussite extra-organisationnelle
• Réussite de vie
Greenhaus et al. (1990) Satisfaction de carrière
• Satisfaction vis-à-vis de la réussite de carrière
• Satisfaction vis-à-vis de l’atteinte des objectifs de carrière
• Satisfaction vis-à-vis de l’atteinte des objectifs de salaire
• Satisfaction vis-à-vis de l’atteinte des objectifs d’avancement hiérarchique
• Satisfaction vis-à-vis de l’atteinte des objectifs de développement de nouvelles
compétences
TABLEAU 4.6 – La mesure de la réussite de carrière subjective

Il est à noter que, hormis Peluchette (1993), dont l’originalité de la démarche


réside dans l’étude exclusive de la réussite de carrière subjective, les dimensions

11 Gattiker U.E. (1985), Organizational careers : Testing a model of career success. Unpublished
Ph.D. dissertation, Claremont Graduate School, cité par Gattiker et Larwood (1986).
158 Les enjeux de carrière

dégagées par Gatticker et Larwood (1986) resteront sans grand écho. Dans une étude
consacrée à l’étude de l’effet de la race sur l’évaluation de la performance au travail et
sur la réussite de carrière, Greenhaus et al. (1990) proposent une échelle de mesure
de la satisfaction de carrière qui sera par la suite retenue comme outil de mesure de
référence de la réussite de carrière subjective. Cette échelle mesure la satisfaction des
individus à la fois par rapport à des critères objectifs et subjectifs (cf. tableau 4.6) et
représente contrairement à l’approche de Gatticker et Larwood, une conception de la
réussite de carrière subjective élaborée par le chercheur et non par les salariés eux-
mêmes. Dans cette conception, les individus évaluent notamment leur réussite de car-
rière à l’aune d’objectifs qu’ils sont censés s’être fixés parmi lesquels figurent le
salaire, l’avancement hiérarchique, mais également le développement de nouvelles
compétences, ce qui constitue un élément nouveau par rapport aux conceptions anté-
rieures.
Judge et al. (1995) font également figure de précurseurs dans la recherche
empirique relative à la réussite de carrière, dans la mesure où ils sont parmi les pre-
miers à étudier simultanément réussite de carrière objective et subjective (Gatticker
et Larwood, 1989). Ils proposent une définition de la réussite de carrière comme
« résultats ou accomplissements positifs psychologiques ou relatifs au travail qu’un
individu retire de ses expériences au travail ». Ils mettent également l’accent sur
l’aspect évaluatif de ce concept et donc sur l’importance du « qui ? » porte le juge-
ment. Ces auteurs retiennent pour définition de la réussite de carrière objective, les
réalisations observables de la carrière que sont le salaire et la promotion hiérarchique
(London et Strumf, 1982). Concernant la définition de la réussite de carrière subjec-
tive, les auteurs retiennent le « sentiment d’accomplissement et de satisfaction par
rapport à la carrière » mesurée par l’échelle de Greenhaus et al. (1990) et précisent
que la carrière est « une séquence d’emplois occupés tout au long de la vie de
l’individu ». Ils incluent également la satisfaction par rapport au travail (Locke, 1976)
comme un élément de la réussite de carrière subjective.
Ainsi, il est possible de relever dans la littérature relative à l’opérationnalisa-
tion de la réussite de carrière quatre hypothèses sous-jacentes, qui méritent, selon
Heslin (2005), d’être encore largement discutées :
■ les éléments objectifs (tels le salaire et l’avancement hiérarchique) sont des
indicateurs de réussite adéquats pour évaluer les carrières, même au-delà des
contextes professionnels et managériaux dans lesquels la plupart des recher-
ches sur la carrière ont été effectuées ;
■ la satisfaction par rapport au travail et la satisfaction de carrière telles que
définies par Greenhaus et al. (1990), permettent de saisir toutes les dimen-
sions de la réussite de carrière subjective ;
■ tous les individus sont identiques dans leur façon de considérer leur réussite
de carrière objective, comparée à leur réussite de carrière subjective ;
■ enfin, la littérature relative à la réussite de carrière postule généralement que
les individus conceptualisent et évaluent leur réussite de carrière seulement
par rapport à des critères internes, comme par exemple leurs propres objectifs
de carrière.
Réussir sa carrière : approche conceptuelle 159

Afin d’aller plus avant dans la discussion de ces pré-requis, nous nous propo-
sons d’établir un état de la recherche empirique autour de l’opérationnalisation de la
réussite de carrière, à partir notamment de l’analyse récente et particulièrement
exhaustive de Arthur et al. (2005).

2.2 MESURER LA RÉUSSITE DE CARRIÈRE : ÉTAT DE LA RECHERCHE EMPIRIQUE


Arthur et al. (2005) ont effectué une analyse approfondie des articles relatifs à la
réussite de carrière, parus dans des revues majeures de sciences sociales 12 sur la
période 1992-2002. Nous proposons dans ce qui suit une synthèse des résultats et
renvoyons le lecteur à l’article original pour une analyse détaillée des différentes étu-
des.
Il est à noter tout d’abord qu’à côté du career success, majoritairement utilisé,
les différents auteurs font appel à une large variété de termes pour désigner le
concept : career outcomes, career satisfaction, career advancement, managerial advan-
cement, managerial career advancement, career path, career plateau, career optimism,
perceived career success, career effectiveness, career and emotional outcomes. Sur
l’ensemble des articles sélectionnés, soit 68 au total, Arthur et al. (2005) soulignent
les éléments suivants :
■ les critères objectifs sont encore le plus souvent utilisés pour évaluer la réus-
site de carrière ; 90 % des articles y font référence dans la définition retenue,
85 % des articles l’opérationnalisent et 28 % y font même exclusivement réfé-
rence. Il est cependant à noter que parmi ces derniers, il s’agit majoritaire-
ment d’articles datant d’avant les années 2000 ;
■ les aspects subjectifs de la réussite de carrière concernent quant à eux 78 %
des articles, 72 % des articles l’opérationnalisent et 15 % y font exclusivement
référence. Au total, c’est un peu plus de la moitié des articles étudiés qui font
référence à la dualité de la carrière, ce qui signifie aussi qu’un peu moins de la
moitié des articles n’y font pas explicitement référence. S’agissant plus préci-
sément de la réussite de carrière, plus du tiers des articles ne font pas réfé-
rence à sa dualité et plus de 44 % ne l’opérationnalisent pas ;
■ concernant la relation entre réussite de carrière objective et subjective, 37 %
des articles s’intéressent à l’influence de la réussite de carrière objective sur la
réussite de carrière subjective, considérant ainsi que la perception de la réus-
site de carrière (la réussite de carrière subjective) s’établit sur la base de l’éva-
luation de critères objectifs de réussite, tels le salaire ou le niveau
hiérarchique (Judge et al., 1995). Une proportion beaucoup plus faible d’arti-
cles aborde l’influence de variables subjectives sur la réussite de carrière
objective, faisant l’hypothèse de relations entre la personnalité, les attitudes
et les comportements des individus et le niveau objectif atteint dans leur car-

12 Academy of Management Journal, Administrative Science Quarterly, Career Development Quarterly,


Human Relations, Journal of Applied Psychology, Journal of Career Development, Journal of Manage-
ment, Journal of Management Studies, Journal of Occupational and Organizational Psychology, Journal
of Organizational Behavior, Journal of Social Psychology, Journal of Vocational Behavior, Organization
Science, Organization Studies et Personnel Psychology.
160 Les enjeux de carrière

rière. Enfin, 32 % des articles envisagent la relation réciproque entre réussite


de carrière objective et subjective, à la fois sur le plan théorique et empirique,
la plupart questionnant la relation entre réussite de carrière objective et men-
toring.

Ainsi, il est à noter que malgré les avancées de la théorie des carrières qui
soulignent la nécessité d’intégrer les aspects subjectifs aux côtés des aspects objec-
tifs de la réussite de carrière, de nombreuses études empiriques continuent à n’étu-
dier qu’un seul de ces deux critères.

2.2.1 La réussite de carrière objective


Le tableau 4.7, p. 161, synthétise les critères utilisés pour opérationnaliser la réus-
site de carrière objective dans les différentes études rapportées par Arthur et al.
(1995). L’analyse faite par Arthur et al. (2005) met en évidence la place centrale
encore largement accordée aux éléments financiers et hiérarchiques quant à l’évalua-
tion de la réussite de carrière objective. L’accessibilité de ces données par le cher-
cheur contribue vraisemblablement à expliquer leur large utilisation. Cependant, les
changements organisationnels et les caractéristiques des nouvelles carrières tels que
décrits précédemment (cf. section 1.1.2), remettent en question la pertinence de
l’utilisation exclusive de ces critères. Hollenbeck et McCall 13 (2003) observent par
exemple que les différences des systèmes de stratification sociale et de taxation des
différents pays, « contaminent » l’évaluation de la réussite de carrière de managers
évoluant dans des environnements globaux, par des critères objectifs classiques. De
même, les critères traditionnels tels le salaire ou la progression hiérarchique verticale
ne constituent pas les seuls critères objectifs selon lesquels peuvent être évaluées les
carrières dans des environnements professionnels particuliers tels la fonction publi-
que, la recherche ou encore le design. Enfin, dans une étude réalisée par Friedman et
Greenhaus (2000) auprès de plus de 800 professionnels des affaires à qui il était
demandé de classer 15 indicateurs potentiels de leur réussite de carrière, l’analyse
factorielle met en évidence 5 dimensions : le statut, le temps disponible pour soi-
même, le défi, la sécurité, et les relations sociales. Ces dimensions, hormi le statut,
paraissent bien éloignées des critères classiquement et encore largement utilisés par
la recherche empirique.

Ainsi, et bien que les limites de ces critères objectifs aient depuis longtemps
déjà été soulignées (Hilton et Dill, 1962), il est à noter qu’ils restent encore souvent
les seuls critères retenus dans la recherche empirique. L’amélioration de la mesure de
la réussite de carrière objective dans des recherches futures pourra être obtenue par
la prise en compte des spécificités des contextes de carrière dans la définition des
critères objectifs de la réussite de carrière (Heslin, 2005). La prise en compte des
aspects subjectifs de la réussite de carrière à côté des aspects objectifs est également
une des façons dont la recherche peut répondre à ces limites.

13 Hollenbeck G.P. et McCall M.W. (2003), Not in my wildest imagination’: The global effect. In
P.A. Heslin et M.J. Evans (Chairs), Conceptions of career success. Symposium conducted at the annual
meeting of the Society for Industrial/Organizational Psychology, Orlando, FL, April 2003, cités par
Heslin (2005).
Réussir sa carrière : approche conceptuelle 161

% d’utilisation
Critères utilisés
sur 68 études

Critères relatifs au salaire – Résultats financiers, salaire actuel, salaire de base, relatif, % d’augmen- 68 %
tation du salaire, moyenne d’augmentation du salaire, primes, stocks options, rémunération (totale,
annuelle), revenu, ressources, revenu annuel avant impôt, réussite financière

Critères relatifs à la position hiérarchique – Avancement de carrière, position dans l’organisation, 50 %


nombre de niveaux entre manager et dirigeant, statut professionnel, niveau hiérarchique, niveau
managérial, promotions (nombre, taux), nombre d’années dans le job actuel, espérance de promo-
tion, temps passé sans promotion, plateau de carrière

Autres critères – Autonomie, pouvoir, étendue du pouvoir, nombre de collaborateurs, nombre 30 %


d’années avec supervision de collaborateurs, nombre de postes offerts, congruence, ancienneté,
satisfaction extrinsèque de carrière, performance dans le job, heures travaillées, médailles, opportu-
nités de développement, mobilité géographique, mobilité professionnelle en relation avec l’âge,
rétention organisationnelle, productivité, employabilité, mesure objective du statut identitaire, con-
texte professionnel, contexte familial, structure familiale, progression de carrière (auto-évaluée)

TABLEAU 4.7 – Les critères objectifs d’évaluation de la réussite de carrière


D’après Arthur et al. (2005)

2.2.2 La réussite de carrière subjective


Le tableau 4.8 synthétise les critères utilisés pour opérationnaliser la réussite de car-
rière subjective dans les différentes études rapportées par Arthur et al. (2005).

% d’utilisation
Critères utilisés
sur 68 études

Critères relatifs à la carrière – Satisfaction vis-à-vis de la carrière, satisfaction vis-à-vis de l’avance- 44 %


ment hiérarchique, satisfaction vis-à-vis des progrès de carrière, satisfaction vis-à-vis des opportunités
de carrière, perception de réussite de carrière, perception de réussite de management de carrière,
barrières dans la carrière, perception de plateau de carrière, succès de carrière intrinsèque, satisfac-
tion par rapport aux opportunités de carrière, satisfaction par rapport aux perspectives de carrière,
perception de mobilité verticale, perception de mobilité vers le management, évaluation par le supé-
rieur hiérarchique des possibilités de promotion, implication dans la carrière

Critères relatifs au travail – Satisfaction vis-à-vis du travail, rôle au travail, estime de soi au travail, 31 %
intérêt vis-à-vis du travail, implication dans le travail, implication dans le métier, implication dans
l’organisation, intention de rester dans la profession

Autres critères – Perception d’acquisition de connaissances et de compétences, soutien social, sou- 25 %


tien des collègues, sentiment d’intégration sociale, opportunités de développement personnel, senti-
ment identitaire, adaptabilité, curiosité, émotions, satisfaction vis-à-vis de la vie en général,
perception de discrimination, perception de l’évaluation par le supérieur hiérarchique, perception du
stress, perception de justice procédurale, conflit travail/hors travail, locus de contrôle vis-à-vis de la
carrière, socialisation organisationnelle

TABLEAU 4.8 – Les critères subjectifs d’évaluation de la réussite de carrière


162 Les enjeux de carrière

La réussite de carrière subjective est généralement approchée par la satisfac-


tion vis-à-vis de la carrière elle-même, le plus souvent mesurée par l’échelle de Green-
haus et al. (1990) (cf. infra). Cette échelle de mesure unidimensionnelle présente de
bons scores de validité interne mais peut s’avérer limitée pour prendre en compte
toutes les dimensions de la réussite de carrière perçue par tous les répondants. En
effet, mesurer la satisfaction par rapport au salaire ou encore par rapport au niveau
hiérarchique n’a pas nécessairement du sens pour des individus travaillant dans des
contextes très différents, présentant des caractéristiques différentes et/ou qui peu-
vent valoriser d’autres aspects dans leur conception de la réussite de carrière.
En France, Bravo (2005) s’est appuyée sur ces critères pour développer une
échelle du sentiment de réussite professionnelle. Elle mesure plusieurs critères sub-
jectifs de la réussite professionnelle des travailleurs en solo (ou autonomes) à partir
d’une liste de 19 items qui présentent 4 critères tirés des échelles de Diener et al.
(1985), d’Eby et al. (2003), de Greenhaus et al. (1990), et de Mottaz (1985) :
■ cinq items portent sur la satisfaction à l’égard de sa carrière : « Je suis satis-
fait(e) du succès que j’ai atteint dans ma carrière » ; « je suis satisfait(e) du
progrès que j’ai accompli dans l’atteinte de mes objectifs globaux de
carrière » ; « je suis satisfait(e) du progrès que j’ai accompli dans l’atteinte de
mes objectifs de revenu » ; « je suis satisfait(e) du progrès que j’ai accompli
dans l’atteinte de mes objectifs d’avancement » ; « je suis satisfait(e) du pro-
grès que j’ai accompli dans l’atteinte de mes objectifs de développement de
nouvelles compétences » ;
■ trois items évaluent la satisfaction au travail : « d’une façon générale, je suis
satisfait(e) au travail » ; « si j’avais l’opportunité de recommencer je choisirais
le même type de travail que celui que j’ai actuellement » ; « si l’on tient
compte de toutes les données relatives à mon travail, je suis satisfait(e) » ;
■ cinq items sont relatifs à la satisfaction dans sa vie en général : « la plupart du
temps ma vie est proche de mon idéal » ; « les conditions de ma vie sont
excellentes » ; « je suis satisfait(e) de ma vie » ; « jusqu’ici j’ai obtenu ce que
je voulais d’important de la vie » ; « si je pouvais refaire ma vie je ne change-
rais presque rien » ; « je pourrais obtenir une mission comparable à ma mission
actuelle dans une nouvelle entreprise cliente » ; « il y a beaucoup de missions
qui me sont ouvertes étant donné mes compétences et mon expérience » ;
■ six items mesurent l’employabilité interne et externe : « mes clients me per-
çoivent comme un atout pour leurs organisations » ; « étant donné mes com-
pétences et mes expériences, les entreprises pour lesquelles je travaille me
perçoivent comme une valeur ajoutée » ; « il y a beaucoup d’opportunités qui
me sont ouvertes dans mes entreprises clientes » ; « étant donné mes compé-
tences et mes expériences, d’autres entreprises clientes pourraient me perce-
voir comme une valeur ajoutée » ; « il y a beaucoup de missions qui me sont
ouvertes étant donné mes compétences et mon expérience » ; « étant donné
mes compétences et mon expérience, d’autres entreprises clientes pourraient
me percevoir comme une valeur ajoutée ».
Toutefois, le recours à ces échelles n’est pas exempt de critiques. De nombreu-
ses limites existent quant à l’utilisation de la satisfaction vis-à-vis du travail, rappe-
Réussir sa carrière : approche conceptuelle 163

lées par Heslin (2005) : la première est qu’une personne considérant qu’elle a jusque
là eu une belle carrière ne jugera pas nécessairement sa carrière moins réussie parce
qu’elle a momentanément un travail qui la satisfait moins ; la deuxième est qu’une
personne très satisfaite de son travail actuel peut se montrer insatisfaite de sa car-
rière antérieure ; la troisième est qu’un travail satisfaisant mais offrant peu de pers-
pectives d’évolution n’entraîne pas nécessairement un sentiment de réussite de
carrière. Afin de répondre aux limites des indicateurs utilisés ci-dessus, d’autres critè-
res peuvent être pris en compte afin d’approcher plus finement la mesure de la réus-
site de carrière subjective, comme le montre le tableau 4.9. Eby et al. (2003), dont
l’étude est trop récente pour avoir été prise en compte dans la méta-analyse d’Arthur
et al. (2005), proposent ainsi d’intégrer à côté de la satisfaction de carrière mesurée
par l’échelle de Greenhaus et al. (1990), la perception d’employabilité interne et
d’employabilité externe comme indicateurs de la réussite de carrière dans un contexte
de carrières nomades. Parmi les autres indicateurs de mesure, la question de l’équili-
bre entre la vie dans le travail et dans le hors-travail, et la satisfaction vis-à-vis de la
vie en général comme indicateur de la réussite de carrière a été soulevée déjà depuis
longtemps (Gatticker et Larwood, 1986) sans qu’aucun consensus ne se dégage, la
plupart des études empiriques ignorant encore aujourd’hui cette dimension.

Carrière objective Carrière subjective

Point de référence interne 1 – Critère objectif / référent interne 2 – Critère subjectif / référent interne
Ex. : mes objectifs en termes de salaire et de Ex. : mes objectifs en termes d’équilibre vie
promotion professionnelle / vie privée et d’épanouisse-
ment personnel

Point de référence externe 3 – Critère objectif / référence externe 4 – Critère subjectif / référence externe
Ex. : le salaire de mes collègues et mon Ex. : mon plaisir et ma motivation à travailler
niveau social par rapport à ceux de mes pairs

TABLEAU 4.9 – Quatre types de critères de réussite de carrière


D’après Heslin (2005), traduction libre.

L’ensemble de ces remarques conduisent à s’interroger et à proposer de nouvel-


les pistes de recherche pour l’amélioration de la mesure de la réussite de carrière sub-
jective (Arthur et al., 2005 ; Heslin, 2005 ; Gunz et Heslin, 2005 ; Eby et al., 2003 ;
Sturges, 1999). Il est possible de les résumer de la façon suivante :
■ dans un premier temps, la nécessité de s’interroger encore sur ce que les indi-
vidus attendent de leur carrière paraît centrale dans la mesure où, comme le
montrent Finegold et Mohrman (2001) 14, la question de l’équilibre travail/vie
privée apparaît par exemple comme une des facettes essentielles de la carrière
sur un échantillon de 4500 individus (managers et travailleurs intellectuels)
appartenant à huit pays différents, alors que la plupart des études empiriques

14 Finegold D. et Mohrman S.A. (2001), What do employees really want ? The perception vs the rea-
lity. Papier présenté lors de la réunion annuelle du Forum économique de Davos, Suisse, cités par
Heslin (2005).
164 Les enjeux de carrière

portant sur la réussite de carrière subjective n’incluent pas en général le moin-


dre item sur cet aspect-là ;
■ dans un second temps, il apparaît que la mesure de réussite de carrière subjec-
tive peut encore être améliorée à travers ce que Gunz et Heslin (2005) présen-
tent comme les approches objectiviste et subjectiviste à différencier de
l’approche de carrière objective et subjective. L’approche objectiviste de la
réussite de carrière subjective consisterait à demander à des individus d’éva-
luer leur réussite de carrière par rapport à des critères définis par le chercheur
et identiques pour tous. L’approche subjectiviste consisterait avant de deman-
der à des individus d’évaluer leur réussite de carrière, de définir au préalable
les bases et les critères sur lesquels ils s’évaluent eux-mêmes. Dans ce con-
texte, le recours à des approches qualitatives, encore très peu utilisées dans ce
domaine (Gersick et al., 2000 ; Sturges, 1999), paraît particulièrement adapté.

En outre, la question du point de référence est posée par Heslin (2005). En


effet, dans une étude réalisée auprès d’étudiants en MBA en formation continue, il
apparaît que 68 % des répondants utilisent un point de référence externe pour éva-
luer leur réussite de carrière, tel que « je suis relativement bien rémunéré par rapport
à mes pairs » (Heslin, 2003). L’analyse de la recherche empirique montre que le point
de référence le plus souvent utilisé par les chercheurs est l’individu lui-même ou ses
propres aspirations, à l’instar de l’échelle de Greenhaus et al. (1990). Ainsi, Heslin
propose de reconsidérer les critères utilisés par les individus pour évaluer leur réussite
de carrière à travers le prisme présenté dans le tableau 4.9.

2.2.3 Réussite de carrière objective et subjective : une relation qui


reste à explorer
Si la recherche empirique tend de plus en plus à prendre en compte et à opérationna-
liser la dualité du concept de réussite de carrière, elle s’est assez peu intéressée jus-
que-là, comme nous l’avons signalé précédemment, à la relation existant entre
réussite de carrière objective et subjective. À l’instar de Judge et al. (1995), qui mon-
trent une relation certes modérée mais positive entre réussite de carrière objective et
subjective, la recherche a principalement considéré l’influence de critères objectifs
tels le salaire ou le niveau hiérarchique sur la satisfaction de carrière, l’hypothèse
implicite étant que la réussite de carrière subjective est directement reliée à la réus-
site de carrière objective.

La relation entre réussite de carrière subjective et objective a, dans une moin-


dre mesure, fait également l’objet d’investigation, les chercheurs étudiant principale-
ment l’influence de critères subjectifs relatifs par exemple à la personnalité, à
l’attitude ou au comportement (Orpen, 1998), sur la réussite de carrière objective.
Peu d’études empiriques en revanche ont envisagé l’interdépendance des deux cons-
truits. Ng et al. dans une méta-analyse consacrée à l’étude des déterminants de la
réussite de carrière objective et subjective, montrent que le salaire, la promotion
(retenus comme critères objectifs de réussite de carrière) et la satisfaction de carrière
(retenue comme critère subjectif de réussite de carrière) sont des construits concep-
tuellement distincts et corrélés de façon modérée (Ng et al., 2005).
Réussir sa carrière : approche conceptuelle 165

Sur le plan théorique, il est possible de rapporter deux perspectives assez radi-
calement opposées. Nicholson et Waal-Andrew (2005) analysant les relations pouvant
exister entre réussite de carrière objective et subjective, rappellent qu’il n’existe a
priori qu’une relation modérée entre réussite de carrière objective et réussite de car-
rière subjective, comme le confirme la présence d’individus dans les quadrants 2 et 3
du tableau 4.10. Cependant, ces auteurs affirment la primauté de la réussite de car-
rière objective sur la réussite de carrière subjective, faisant de cette dernière une
sorte de « sous-produit » de critères objectifs tels le salaire ou le niveau hiérarchique.
En effet, selon cette perspective, le fait que la réussite de carrière subjective ne soit
pas corrélée à la réussite de carrière objective, peut s’expliquer par une autorégula-
tion opérée a posteriori par les individus afin de maintenir leur équilibre et de sup-
porter une position défavorable.

Réussite de carrière objective

Faible Élevée
Réussite de Faible 1. Malheureux perdants 2. Malheureux gagnants
carrière
subjective Élevée 3. Heureux perdants 4. Heureux gagnants

TABLEAU 4.10 – Relations entre réussite de carrière objective et subjective


D’après Nicholson et Waal-Andrew (2005), traduction libre.

Hall et Chandler (2005), s’appuyant sur le modèle du succès psychologique


développé par Hall (2002), s’inscrivent dans une perspective sensiblement différente.
En effet, ces auteurs montrent comment la réussite de carrière objective peut ne pas
nécessairement conduire à la réussite de carrière subjective et même à l’opposé com-
ment « … task success can lead to psychological failure… ». C’est le cas notamment
lorsque les comportements associés à la réussite de carrière objective amènent à un
échec de la vie privée, lorsque les succès professionnels ne s’accompagnent pas de
changements identitaires ou encore lorsque les changements identitaires ne sont pas
reconnus par l’environnement professionnel. Plus encore, les deux auteurs montrent
comment la réussite de carrière subjective peut conduire à la réussite de carrière
objective dans le cas notamment d’individus engagés dans une carrière de type voca-
tion.
En l’état actuel de la théorie et de la recherche empirique autour du concept
de réussite de carrière et de son opérationnalisation, nous proposons au lecteur, plu-
tôt que de prendre parti pour l’une ou l’autre des perspectives, de s’appuyer sur leur
point de convergence qui consiste à faire de la relation entre réussite de carrière
objective et réussite de carrière subjective, un sujet de recherche qui reste encore lar-
gement à explorer.
166 Les enjeux de carrière

3. Conclusion

La notion de carrière en ce début de XXIe siècle fait l’objet de très nombreux ques-
tionnements, qu’il faut relier aux bouleversements technologiques, économiques et
sociaux que connaissent les organisations depuis plusieurs décennies. D’une vision
traditionnelle de la carrière organisationnelle sanctionnée et couronnée par le gravis-
sement des différents niveaux de la hiérarchie et des grilles de salaire à une vision
renouvelée de la carrière désormais dite nomade, qui au sein ou en dehors de l’organi-
sation s’évalue à l’aune du bien-être et de l’épanouissement personnel, le chercheur
trouve un terrain d’investigation et de questionnement particulièrement fécond.
Nous avons tenté dans ce chapitre de montrer à travers l’évolution de la théo-
rie comment le regard porté sur les carrières a changé : quand l’approche classique en
matière de carrière mettait l’accent sur la carrière organisationnelle essentiellement
pilotée par l’entreprise, les chercheurs ont changé de paradigme à travers les
« nouvelles carrières » en mettant l’accent sur le rôle central des individus dans la
construction de leur parcours professionnel. Ainsi, le recours à des approches pluridis-
ciplinaires et la nécessité d’étudier les carrières dans leur contexte de travail, avec
une approche dynamique qui prend en compte à la fois les aspects subjectifs et les
contextes objectifs sont aujourd’hui préconisés. La question de la définition et de
l’évaluation de la réussite de carrière prend alors tout son sens. En effet, comment
définir la réussite de carrière dès lors que selon les individus et les contextes dans
lesquels ils évoluent, les carrières devenues « histoires professionnelles » peuvent
présenter des cheminements tellement différents ?
La définition de la réussite de carrière a connu une évolution liée au change-
ment de paradigme en matière de carrière ; d’une conception essentiellement objec-
tive, « nous définissons le succès de carrière objectif comme les résultats du travail
observables et que l’on peut mesurer par des critères tels que le revenu ou les
promotions » (Jaskolka et al. 1985, p. 190), les théoriciens ont déjà depuis long-
temps souligné la dualité de la réussite de carrière à travers ses aspects objectifs et
subjectifs et la nécessité de considérer ces deux aspects afin d’avoir une compréhen-
sion globale du concept (Gattiker et Larwood, 1990). Nous pouvons suggérer d’en
retenir la définition suivante : « le bien-être psychologique, les résultats liés au tra-
vail ou encore les accomplissements de l’individu accumulés tout au long de ses pro-
pres expériences » (Judge et al., 1995, p. 486).
Partant de là, se pose la question de la mesure de la réussite de carrière.
Comme nous l’avons souligné dans la seconde section de ce chapitre, la recherche
empirique s’est longtemps principalement consacrée à la mesure de la réussite de car-
rière objective, opérationnalisée à travers l’utilisation de critères objectifs relatifs au
salaire, au niveau hiérarchique et à leurs évolutions. Plus récemment, la recherche
empirique à intégré les aspects subjectifs de la réussite de carrière notamment à tra-
vers la mesure de la satisfaction vis-à-vis de la carrière et de l’échelle développée par
Greenhaus et al. (1990). Néanmoins, certaines limites subsistent et de nombreuses
pistes restent à explorer.
Tout d’abord, nonobstant les avancées de la théorie des carrières qui souli-
gnent la nécessité d’intégrer les aspects subjectifs aux côtés des aspects objectifs de
Réussir sa carrière : approche conceptuelle 167

la réussite de carrière, de nombreuses études empiriques continuent à n’étudier qu’un


seul de ces deux critères. Il apparaît aujourd’hui nécessaire d’exhorter les chercheurs
à intégrer les deux. Plus encore, la relation entre réussite de carrière objective et sub-
jective reste encore pauvrement explorée et de nouvelles études empiriques permet-
traient d’apporter un éclairage utile à la fois aux théoriciens et aux gestionnaires des
carrières. Plutôt que de mesurer la réussite de carrière avec des instruments étalonnés
par le chercheur sur la base de modèles de réussite « universels », c’est-à-dire généra-
lement masculins, verticaux et uni-organisationnels, l’approche subjectiviste prônée
par Gunz et Heslin (2005) consiste avant de demander à des individus d’évaluer leur
réussite de carrière, de définir au préalable, les bases et les critères sur lesquels ils
s’évaluent eux-mêmes. Dans ce contexte, le recours à des approches qualitatives,
encore très peu utilisées dans ce domaine (Gersick et al., 2000 ; Sturges, 1999) paraît
particulièrement adapté.
Pour conclure cette partie, nous proposons de mettre en perspective ces élé-
ments avec ce que le lecteur va découvrir au fil des chapitres suivants. Nous n’avons
eu de cesse, au cours de ce développement, de montrer comment les carrières en ce
début de XXIe siècle peuvent apparaître différentes du modèle classique de carrière
organisationnelle. Si les carrières ont changé, c’est également que les hommes et
désormais les femmes qui les façonnent ont également profondément changé. Il y a
cinquante ans, Monsieur Cadre, après avoir brillamment réussi ses études dans une
école de première catégorie, la même que celle de son père, avait rejoint une grande
société française, où après avoir franchi régulièrement et sûrement les différents
échelons de la hiérarchie des cadres et de la grille de salaire, avait atteint le sacro-
saint statut de membre de la direction. Pendant ce temps, Madame son épouse, avait
donné naissance et éduqué trois adorables chérubins, dont ils espéraient qu’ils réus-
sissent aussi bien sinon mieux que Monsieur Cadre. Aujourd’hui, Monsieur Cadre a
beaucoup changé en même temps que les organisations dans lesquelles va se dérouler
son parcours professionnel. Monsieur Cadre est devenu dans un tiers des cas Madame
Cadre. Dix ans après avoir quitté le système éducatif, il a connu deux ou trois grandes
entreprises, dont une publique qui a été privatisée et une qui a disparu. Il est passé
du marketing à la gestion d’un projet stratégique de ressources humaines, après un
MBA aux États-Unis, qu’il a pu poursuivre grâce à une mobilité internationale. Il ou
elle approche les quarante ans, se préoccupe d’avoir son deuxième enfant, peut-être
de gérer son avenir professionnel compte tenu de la mobilité géographique de son
conjoint, d’obtenir un congé parental, ou encore de mettre sur pied une année sabba-
tique pour faire son tour du monde en bateau… Monsieur Cadre ne peut dire quelle
fonction il occupera dans cinq ans et Madame Cadre, satisfaite de son équilibre vie
privée/vie professionnelle, commence à se sentir à l’étroit sous son plafond de verre.
Chapitre 5

Famille et carrière chez les couples


à double carrière

Hélène CHALLIOL-JEANBLANC 1

Introduction

Les changements survenus dans les modèles matrimoniaux durant les années 1970, la
multiplication des mesures visant à assurer l’égalité entre les sexes, la participation
croissante des femmes dans les études supérieures ont favorisé l’émergence de cou-
ples remettant en cause la répartition traditionnelle des rôles entre les hommes et les
femmes : les couples à double carrière. Considérée tout d’abord comme révolution-
naire, la vie en couple à double carrière est en passe de devenir une norme régulière
de la société (Segalen, 1996) et constitue pour de nombreux auteurs un des change-
ments socio-démographiques majeurs dans les caractéristiques des salariés et plus
particulièrement des cadres (Smith, 1992 ; St Onge, Guerin, Trottier, Simard et
Haines, 1993). Les chercheurs en gestion des ressources humaines se sont intéressés
à l’impact de ces évolutions sur les attitudes et les comportements des individus au
travail et plus largement sur le développement de leur carrière.

Dans ce chapitre, nous nous attacherons à faire état de ces recherches et de


leurs implications pour la gestion des salariés en couple à double carrière. Nous com-
mencerons tout d’abord par présenter le champ de la recherche. Les questions aux-
quelles les chercheurs se sont intéressés ainsi que les débats qui existent autour de la
définition de la notion de couple à double carrière seront alors exposés. Nous verrons
ensuite quels ont été les principaux apports des recherches réalisées. Dans ce sens,
nous présenterons les sources de conflits et de satisfactions dans les couples à double
carrière et leurs conséquences sur la carrière des conjoints. Nous conclurons ce chapi-

1 Université Toulouse 3.
170 Les enjeux de carrière

tre en montrant comment les recherches réalisées permettent de définir de nouveaux


axes de réflexion pour la recherche et les pratiques de gestion.

1. Les couples à double carrière :


champ de la recherche et définitions

L’augmentation du travail salarié des femmes et les changements qui en découlent sur
la répartition des rôles entre les conjoints ont ouvert la voie à différents types de
recherches. D’un côté, la montée du salariat féminin a favorisé l’analyse de la spécifi-
cité des attitudes et des comportements des femmes au travail et les comparaisons
hommes / femmes. En outre, elle a amené les chercheurs à repenser la relation entre
vie professionnelle et vie familiale et à analyser l’impact des pratiques de gestion des
ressources humaines sur cette relation. D’un autre côté, l’apparition et l’augmentation
croissante des couples à double carrière ont amené les chercheurs en gestion à s’inté-
resser à l’impact de l’activité professionnelle du conjoint sur les attitudes et les com-
portements des individus au travail et plus généralement sur le développement de
leur carrière.
Nous allons tout d’abord voir quelles ont été les principales phases et perspec-
tives adoptées dans le développement de ces recherches. Nous examinerons ensuite
les définitions et les typologies des couples à double carrière proposées dans la litté-
rature.

1.1 LES 4 PHASES D’ÉVOLUTION DE LA RECHERCHE SUR LES COUPLES


À DOUBLE CARRIÈRE

L’analyse de la littérature permet de dégager quatre principales phases dans le déve-


loppement de la recherche sur les couples à double carrière.

1. La première phase a été centrée sur le changement dans les rôles des fem-
mes. Il s’agissait d’étudier les conséquences de leur nouveau rôle sur leurs responsabi-
lités traditionnelles de soins au mari et aux enfants et de voir comment elles étaient
affectées par les demandes « concurrentielles » du travail, de la famille et du couple
(Amatea et Fong-Beyette, 1987 ; Hall, 1972). Implicitement, ces recherches suppo-
saient que seul le rôle des femmes avait changé. Quand ils ont été pris en compte, les
hommes ont été considérés comme des modérateurs supposés de la capacité des fem-
mes à gérer efficacement les demandes de la famille et du travail (Rosin, 1996).

2. La deuxième phase est ensuite caractérisée par l’analyse des différences de


réactions selon les sexes (Crouter, 1984 ; Wiersma et Van den Berg, 1991). La déci-
sion des femmes de poursuivre une carrière commence à être considérée comme à la
fois un choix et un droit. Les hypothèses concernant la gestion des domaines profes-
sionnels et familiaux basculent de l’idée que les femmes doivent faire toutes les adap-
tations vers l’idée que les arrangements doivent se faire entre les conjoints. Les
principales questions posées sont alors du type : est-ce que les hommes et les fem-
mes font face de différentes manières aux difficultés qu’ils rencontrent dans la ges-
Famille et carrière chez les couples à double carrière 171

tion de leurs rôles professionnels et familiaux ? Y a-t-il des différences dans leur
satisfaction par rapport au couple, à la profession ou aux enfants ?
3. La troisième phase tient compte du contexte plus large dans lequel survien-
nent les comportements. Elle pose que la manière dont les couples à double carrière
combinent travail et famille dépend de nombreux autres facteurs au-delà de leurs pré-
férences et de leurs souhaits tels que les normes sociales et les pratiques organisa-
tionnelles (Ingram et Simons, 1995 ; Osterman, 1995 ; St Onge et al., 1993). Les
questions posées sont du type : comment les politiques et les pratiques organisation-
nelles peuvent-elles s’adapter aux hommes et aux femmes qui ont une vie de famille ?
Quelles sont les caractéristiques des entreprises qui mettent en place des politiques
visant à faciliter la gestion de l’interface travail-famille ?
4. La quatrième phase, qui émerge aujourd’hui dans la littérature, fait porter
l’analyse sur la façon dont les normes sociales et les pratiques organisationnelles
interviennent dans les processus d’interaction entre les conjoints. Les questions
posées ont pour objet les stratégies d’adaptation mises en place dans les couples à
double carrière pour faire face aux divers conflits qu’ils rencontrent (Bielby et Bielby,
1992 ; Wiersma, 1994 ; Ribbens, 1994). Dans cette perspective, des chercheurs
comme Sekaran et Hall (1989) soulignent la nécessité, dans la conceptualisation et le
développement des modèles théoriques, de se centrer sur le couple comme unité
d’analyse plutôt que de mettre en avant le rôle déterminé culturellement de l’un ou de
l’autre des partenaires aux différentes phases critiques du cycle de vie familiale.
L’analyse de l’évolution de la recherche sur les couples à double carrière amène
à faire trois constats principaux. Tout d’abord, les recherches sont essentiellement
descriptives et centrées sur les problèmes. Cela tient sans nul doute au fait que ces
problèmes sont importants et qu’ils demandent une attention particulière. Cependant,
une analyse plus théorique des causes sous-jacentes à ces résultats est rarement réa-
lisée. Les théories développées dans le cadre de la sociologie de la famille et de la
psychologie pourraient être, dans ce sens, davantage utilisées. Par ailleurs, les recher-
ches sur les couples à double carrière ont peu pris comme unité d’analyse le couple.
Cela peut s’expliquer par la complexité d’une telle approche puisqu’il s’agit d’étudier
non seulement les attitudes et comportements de chacun des conjoints dans les diffé-
rents domaines de leur vie, mais aussi les perceptions qu’ils ont l’un de l’autre et de
leurs interactions (Sekaran et Hall, 1989). Enfin, les thèmes traités, les concepts uti-
lisés dans les recherches sont en liaison constante avec l’évolution des représenta-
tions. Dans ce sens, comme le souligne Segalen (1996) pour la sociologie, « la famille
reste un domaine où la production du savoir n’est jamais totalement neutre et
objective » (p. 45). Il est important dans les études qui touchent la famille, peut être
plus encore que dans d’autres domaines, de distinguer les idées qui sont véhiculées
dans le langage, la morale ou le marché, des pratiques réelles qui les concernent. En
effet, la famille, la répartition des rôles entre hommes et femmes concernent tout un
chacun dans son identité propre et dans ses interactions avec l’autre, mais concernent
aussi la société toute entière parce qu’elles contribuent à la structuration de son
organisation.
172 Les enjeux de carrière

1.2 DÉFINITIONS ET TYPOLOGIES DES COUPLES À DOUBLE CARRIÈRE

1.2.1 Définitions de la notion de couple à double carrière


La notion de « couple à double carrière » a été introduite par Rapoport et Rapoport
en 1969 pour décrire des couples dans lesquels deux activités professionnelles égale-
ment revendiquées coexistent. Ces couples étaient alors considérés comme un type de
famille inhabituel et révolutionnaire puisqu’ils remettaient en cause la structure fami-
liale traditionnelle dominante à l’époque. En effet, la caractéristique de tels couples
est que chaque partenaire poursuit une carrière tout en maintenant une vie familiale.
La définition de la notion de carrière proposée par les Rapoport a amené des cher-
cheurs à distinguer les couples à double carrière, non seulement des couples tradi-
tionnels, mais aussi des couples dits « à double revenu ».
■ Les couples traditionnels sont caractérisés par une division des rôles telle que
le mari est principalement impliqué dans un travail rémunérateur et la femme
est principalement impliquée dans les activités relatives à l’entretien de la
maison et à l’éducation des enfants (Pleck, 1979). La « carrière à deux »
(Papanek, 1973) est typique dans cette structure familiale avec à la fois le
mari et la femme impliqués dans la progression et la promotion de la carrière
du mari. La femme est concernée par la carrière seulement en tant qu’agent de
soutien, facilitant le développement de la carrière de son mari.
■ Les couples « à double revenu » représentent tous les couples dans lesquels les
deux conjoints occupent un emploi rémunéré, quel que soit le type d’emploi,
qu’il soit à temps complet ou partiel, permanent ou temporaire (Ribbens,
1994).
■ Les couples « à double carrière » représentent un sous-ensemble de la catégo-
rie plus large des couples à double revenu. Le terme de « carrière » (career) est
utilisé pour caractériser des emplois exigeant un haut niveau d’implication,
d’investissement, de formation et de temps, et offrant des possibilités de pro-
gression. Il est opposé à des « emplois » (jobs) susceptibles d’être occupés
pour des raisons essentiellement économiques, plus sujets à des interruptions,
ne proposant pas une progression de carrière claire ou ne reposant pas sur une
accumulation de connaissances (Rapoport et Rapoport, 1971). Lorsque deux
vies professionnelles sont réunies, de nombreux auteurs considèrent que seuls
les couples dans lesquels les deux conjoints ont une « carrière » sont des cou-
ples à double carrière. Le terme de « double carrière » suppose ainsi une impli-
cation dans la carrière de la part des deux partenaires à la fois (Smith, 1992).
À l’inverse, dès que l’un des deux conjoints voit son travail comme un emploi
sans avenir, ils parlent de couples à double revenu.
Si la distinction entre couple traditionnel et couple à double carrière fait
l’objet d’un quasi-consensus dans la littérature, la distinction entre couple à double
revenu et couple à double carrière est loin d’être claire. Cette difficulté se retrouve
d’ailleurs dans la façon dont les auteurs ont opérationnalisé ces concepts. La simple
dichotomie entre « la femme travaille – ne travaille pas » a été prédominante depuis
les années 1970 et continue à être utilisée pour distinguer les couples traditionnels
des autres types de couples. Pour différencier les couples à double carrière des cou-
Famille et carrière chez les couples à double carrière 173

ples à double revenu, les chercheurs ont proposé plusieurs opérationnalisations visant
à rendre compte des différences sous-jacentes aux notions de « carrière » et
d’« emploi ». Dans ce cadre, si des recherches intègrent les caractéristiques d’emploi
des deux conjoints, beaucoup se sont centrées sur les caractéristiques de l’emploi de
la femme et ses attitudes à l’égard de son emploi :
■ le niveau de participation de la femme dans la force de travail en examinant le
nombre d’heures travaillées dans un emploi rémunéré ou en séparant les fem-
mes travaillant à temps plein et à temps partiel ;
■ le type d’emploi occupé par la femme ;
■ la motivation au travail des femmes en distinguant celles qui ont une orienta-
tion « carrière » ou « salaire », c’est-à-dire les femmes qui travaillent pour leur
satisfaction personnelle des femmes qui travaillent pour avoir plus de revenus.
Certains chercheurs utilisent les perceptions qu’ont les conjoints eux même de
leur activité professionnelle pour assigner les individus dans les catégories « emploi »
ou « carrière ». Quoi qu’il en soit, force est de reconnaître que le terme de double car-
rière est souvent utilisé dans un sens très large pour décrire un échantillon qui com-
prend, en fait, des familles à double revenu (par exemple Sekaran et Hall, 1989).
Ribbens (1994) note que, s’il fallait se limiter à la définition rigoureuse des Rapoport,
il faudrait éliminer les deux tiers des recherches dans la littérature.
Au-delà des différences dans l’opérationnalisation des notions d’« emploi »
versus « carrière », le statut marital et familial des individus est pris en compte dans
les recherches de manière variable. Comme le souligne Smith (1992), certains auteurs
ne retiennent que les couples mariés bien que les résultats des recherches sur les cou-
ples à double carrière soient communs à l’ensemble des couples, qu’ils soient mariés
ou non, hétérosexuel ou homosexuel. D’autres omettent de leurs analyses le statut
parental des individus rendant obscur l’impact de tensions spécifiques à certains sta-
des de la vie des individus.
Ces différences à la fois dans la terminologie employée et dans l’opérationnali-
sation des concepts ont contribué à un corps de recherche tourmenté par des résul-
tats conflictuels (Betz et Fitzgerald, 1987 ; Sekaran, 1986 ; Smith, 1992). Plus
profondément, elles traduisent un débat entre les auteurs qui posent la nécessité de
distinguer les couples à double carrière des couples à double revenu et ceux qui rejet-
tent cette distinction et qui proposent des approches différentes pour rendre compte
de la diversité des couples. Examinons maintenant les arguments avancés par ces dif-
férents auteurs.
Pour Aldous (1982), les couples à double revenu ne représentent pas un phé-
nomène nouveau puisqu’ils ont toujours existé, particulièrement parmi les couples
aux revenus assez faibles. Les couples à double carrière représentent, en revanche, un
phénomène plus récent du fait de la proportion de femmes attachées à poursuivre une
carrière de la même manière que les hommes. Par ailleurs, pour de nombreux auteurs,
la carrière apporte une position sociale, représente une source de réalisation person-
nelle et nécessite une implication qu’un emploi occupé pour des raisons seulement
économiques n’apporte pas (Rapoport et Rapoport, 1971; Ribbens, 1994). En outre,
dans les couples à double carrière, le fait que les femmes aient une carrière favorise-
rait la participation de leurs maris dans les rôles familiaux et la reconnaissance de
174 Les enjeux de carrière

leur rôle professionnel (Falkenberg et Monachello, 1990). Enfin, pour certains cher-
cheurs, la distinction entre couple à double carrière et couple à double revenu se jus-
tifie par l’hypothèse implicite sous-jacente dans la définition des couples à double
carrière qui est qu’aucun conjoint ne doit nécessairement subordonner ses attentes de
carrière aux attentes familiales (Gilbert et Rachlin, 1987). Ces couples se distinguent
alors principalement des couples à double revenu par leurs engagements et leurs res-
ponsabilités qui correspondent à des différences en termes d’identité et d’objectifs de
vie. Quels que soient les arguments avancés, ces analyses soulignent dans la défini-
tion des couples à double carrière, l’importance des motivations et des objectifs de
vie de chaque conjoint, la perception du travail de chacun des conjoints et de l’impli-
cation des deux conjoints dans les activités familiales.
D’autres auteurs rejettent la distinction entre couples à « double carrière » et
à « double revenu » en posant que les différences entre les couples ne tiennent pas
au type d’emploi occupé par les conjoints. Brett, Stroh et Reilly (1992) argumentent
que tous les types de travail ont des implications pour la famille et qu’alors aucune
distinction ne devait être faite entre les couples à double revenu et à double carrière.
De même, Sekaran et Hall (1989) utilisent le terme de « famille à double carrière »
pour inclure tous les couples à double revenu sans se préoccuper du type de profes-
sion de chaque conjoint. Pour eux, beaucoup des problèmes et des dilemmes auxquels
font face les couples dans lesquels les deux conjoints travaillent sont similaires. Dans
le cas des couples de professionnels les problèmes sont seulement plus vifs en raison
du type de progression de carrière associé à leur emploi. Considérant que le type
d’emploi occupé par les conjoints ne permet pas de rendre compte de la diversité des
couples, certains de ces chercheurs ont proposé, comme nous allons maintenant le
voir, d’utiliser des critères différents du type d’emploi pour catégoriser les couples
dans lesquels les deux conjoints travaillent. Bien que ces chercheurs continuent
généralement d’utiliser le terme de « double carrière », il semble alors que les couples
à double revenu et les couples à double carrière tels que définis plus haut ne soient
alors considérés que comme une seule et même catégorie de couples.

1.2.2 Typologies des couples à double carrière


Afin de rendre compte de la diversité des couples dans lesquels les deux conjoints tra-
vaillent, des chercheurs ont proposé de catégoriser ces couples en tenant compte de
différents aspects de leur fonctionnement : la compatibilité des attentes de rôles
entre les conjoints, la répartition des rôles maritaux entre les conjoints, les stades du
développement de la vie des couples, les règles d’échange du couple. De fait, ces
typologies dépassent la simple dichotomie entre couple à double carrière et couple à
double revenu et paraissent plus à même de rendre compte de la diversité des cou-
ples. Néanmoins, comme nous allons le voir, certaines d’entre elles ne précisent pas
suffisamment la définition des dimensions retenues pour différencier les couples et ne
couvrent pas tous les cas possibles.

A. TYPOLOGIE SELON LA COMPATIBILITÉ DES ATTENTES DE RÔLES


Dans l’objectif de comprendre le stress dans les couples à double carrière, Hall et Hall
(1980) ont identifié quatre types de couples selon l’implication plus ou moins forte
de chacun des partenaires dans les deux sphères que constituent le travail et la
Famille et carrière chez les couples à double carrière 175

famille : (1) les « accommodateurs » : chaque partenaire est fortement impliqué dans
une sphère différente ; (2) les « alliés » : les deux sont impliqués dans la même
sphère mais aucun ne souhaite s’impliquer dans l’autre ; (3) les « adversaires » : cha-
que partenaire est fortement impliqué dans son travail et veut que l’autre s’occupe
des tâches domestiques ; (4) les « acrobates » : chaque partenaire est fortement
impliqué dans son travail et dans sa famille. Cette typologie a été une des premières
tentatives de catégorisation des couples à double carrière. Néanmoins, il apparaît que
les types de couples identifiés ne reposent pas sur des dimensions clairement définies
mais surtout ne couvrent pas tous les cas possibles pour les dimensions retenues.
Savigny (1993) propose de distinguer les couples à double carrière en fonction
des orientations de chacun des conjoints. L’orientation familiale correspond à un
mode d’organisation qui privilégie les contraintes familiales aux contraintes profes-
sionnelles, l’inverse s’applique à l’orientation professionnelle. Quatre catégories de
couples sont ainsi définies : les couples « professionnels », « traditionnels »,
« exceptionnels » et « familiaux ». Cette typologie présente l’avantage de reposer sur
deux dimensions simples couvrant quatre cas possibles. Néanmoins, en posant une
orientation dominante dans l’une ou l’autre des sphères, elle exclut la possibilité
d’une volonté de la part d’un ou des deux conjoints de ne pas privilégier un domaine
de sa vie par rapport à l’autre, soit la définition initialement proposée dans la littéra-
ture des couples à double carrière.

B. TYPOLOGIE SELON LA RÉPARTITION DES RÔLES MARITAUX

Gilbert (1993) utilise la spécialisation des rôles entre les conjoints comme indicateur
de la répartition des rôles et du pouvoir dans les couples. Elle distingue alors trois
types de couples à double carrière : (1) « traditionnel / conventionnel » : les deux
partenaires sont impliqués dans une carrière, mais la femme a la responsabilité des
tâches domestiques et de l’éducation des enfants en plus de ses responsabilités
professionnelles ; (2) « participant / moderne » : l’éducation des enfants est partagée
par les conjoints, mais la femme a la responsabilité des tâches domestiques ;
(3) « partage de rôle / égalitaire » : ce type de couple correspond à la vision initiale-
ment envisagée par les Rapoport en 1969. Dans ces familles, les deux conjoints sont
activement impliqués à la fois dans l’éducation des enfants et dans les tâches domes-
tiques aussi bien que dans la poursuite de leur carrière. Ainsi, cette typologie met en
avant le degré de participation des hommes dans la gestion des rôles éducatifs et
domestiques dans le fonctionnement des couples à double carrière. Néanmoins, elle
pose non seulement que tous les hommes sont fortement impliqués dans leur carrière,
mais aussi que l’implication professionnelle des femmes est conditionnée à la partici-
pation de l’homme dans la réalisation de ses rôles familiaux.

C. TYPOLOGIE SELON LES STADES DE LA VIE FAMILIALE ET


DE LA VIE PROFESSIONNELLE

Sekaran (1992) décrit plusieurs types de couples sur la base des stades de carrière
dégagés par Hall (1976) et les relie aux stades de développement personnel mis en
lumière par Erickson (1950) et aux stades de la vie familiale des couples à deux car-
rières dégagés de ses propres recherches (Sekaran, 1986). Cette analyse permet de
distinguer cinq stades dans la vie des couples à double carrière : (1) « début du mode
176 Les enjeux de carrière

de vie à deux carrières » ; (2) « jeune couple marié sans enfants » ; (3) « jeunes
parents » ; (4) « parents matures » ; (5) « le nid vide ». Cette typologie invite à
prendre en considération les difficultés propres à chaque stade de la vie des couples à
double carrière et propres à chacun des conjoints en intégrant les principaux domai-
nes de la vie des individus. En proposant un schéma unique de développement, elle
rencontre néanmoins une des limites souvent avancées dans les analyses des stades
de développement à savoir que les couples et les individus qui les composent peuvent
adopter des solutions différentes face aux difficultés qu’ils rencontrent à chacun des
stades et ainsi avoir des parcours qui s’écartent de ce schéma.

D. TYPOLOGIE SELON LES RÈGLES D’ÉCHANGE DU COUPLE


Challiol (2001) propose une typologie selon les règles d’échange du couple. Cette
typologie vise à prendre en compte la répartition des rôles entre les conjoints tout en
dépassant l’approche en termes de structure de rôle (qui fait quoi) jusqu’alors rete-
nue. Dans ce sens, les approches en termes d’échange social appliquées à la dyade
conjugale (Kaufman, 1995 ; Kellerhals, Troutot et Lazega, 1993) conduisent à analy-
ser les règles d’échange du couple. Il s’agit de voir « qui donne quelle quantité de res-
source, en compensation de quelle autre ». Cette notion de règles d’échange, très
largement définie, vise à intégrer l’interdépendance des conjoints dans le choix de
leurs actions et à appréhender le fait que les conjoints cherchent à établir un compro-
mis mutuel acceptable. Les recherches réalisées sur les couples à double carrière per-
mettent d’identifier les différents types de règles d’échange que les conjoints vont
pouvoir définir. Pour ce faire, la typologie proposée part de l’hypothèse prédominante
dans la littérature qui est que les individus des couples à double carrière, à la diffé-
rence des couples traditionnels (qui se caractérisent par une différenciation des rôles
entre les conjoints) souhaitent se réaliser pleinement à la fois dans leurs rôles profes-
sionnels et familiaux sans sacrifier un domaine par rapport à l’autre. Cet « idéal » est
considéré comme un point de référence pour analyser les réactions des partenaires
dans les couples à double carrière. En référence aux travaux sur les couples à double
carrière, Challiol (2001) parle alors de limitation des exigences des rôles professionnels
(ou familiaux) quand les individus ne cherchent pas à répondre à l’ensemble des
demandes que ces rôles « idéaux » exigent pour mener à bien une carrière (ou pour
répondre aux besoins de la famille). Dans ce cadre, choisir de travailler à temps par-
tiel, refuser une mutation géographique ou une promotion, établir des priorités entre
les rôles, faire appel à une aide extérieure pour l’éducation des enfants, décider de ne
pas avoir d’enfants etc., sont des exemples de décisions allant dans le sens d’une limi-
tation des exigences de rôle. Ainsi chacun des conjoints pourra limiter ou non les exi-
gences qu’il peut avoir par rapport à ce rôle « idéal » dans le domaine professionnel
ou familial et ce, de manière temporaire (à un stade de sa vie) ou définitive. Sur cette
base, 16 types de couples ont pu être identifiés selon que chacun des conjoints cher-
che ou non à limiter les exigences de ses rôles professionnels et/ou familiaux
(tableau 5.1).
Famille et carrière chez les couples à double carrière 177

Limitation des rôles de l’homme

Professionnel et Professionnel Familiaux


Ni l’un ni l’autre
familiaux seulement seulement

Professionnel et Les indépendants La femme La femme en


L’homme délaissé
familiaux tranquilles tranquille attente

Professionnel L’homme Les alliés


Limitation des Les traditionnels L’homme dévoué
seulement tranquille familiaux
rôles de la
femme Familiaux L’homme en Les Les alliés
Le superman
seulement attente exceptionnels professionnels

La femme La femme Les acrobates


Ni l’un ni l’autre La superwoman
délaissée dévouée surdoués

TABLEAU 5.1 – Typologie des couples à double carrière


selon les règles d’échange du couple

Cette typologie présente plusieurs avantages. Tout d’abord, elle permet de


retrouver la quasi totalité des types de couples déjà identifiés dans littérature. Elle
permet, en outre, de préciser et de compléter les typologies existantes dans la mesure
où, à la différence des approches antérieures, elle ne s’inscrit pas dans la perspective
compensatoire de l’implication posant que la baisse de l’implication dans une sphère
se traduit par une augmentation dans l’autre. Des types de couples jusqu’alors oubliés
dans les typologies existantes ont ainsi pu être identifiés. Néanmoins, cette typologie
pourrait être utilement complétée par une analyse de l’engagement des individus dans
des rôles extra-professionnels et extra-familiaux. De plus, les rôles familiaux pour-
raient distinguer plusieurs aspects : rôles domestiques, rôles liés à l’éducation des
enfants, rôles liés aux activités de loisirs, etc. Ces extensions pourraient conduire à la
définition de typologies plus détaillées reflétant mieux la diversité des couples à dou-
ble carrière mais sans doute plus complexes à utiliser.

2. Les impacts de la vie en couple à double carrière


Dans leurs premières études sur les couples à double carrière, Rapoport et Rapoport
(1969, 1971) ont cherché à dégager, sur la base d’une métaphore de nature économi-
que, les « coûts » et « bénéfices » de ce style de vie remettant en cause la répartition
traditionnelle des rôles au sein de la famille. Ils ont initié dans cette voie bon nombre
de recherches nord-américaines qui ont permis de dégager les sources de conflits et
de satisfactions dans les couples à double carrière et leurs conséquences sur les atti-
tudes et comportements des individus qui composent ces couples. Nous allons main-
tenant présenter les principaux résultats de ces recherches.
178 Les enjeux de carrière

2.1 LES SOURCES DE CONFLITS


Les conflits observés peuvent provenir des rôles assignés traditionnellement à chaque
sexe dans notre société, ou bien des difficultés rencontrées par les conjoints pour
gérer à la fois leurs rôles professionnels et familiaux.

2.1.1 Conflits liés aux rôles assignés à chaque sexe


Les individus qui dévient des normes socioculturelles acceptées concernant les
devoirs et responsabilités de chaque sexe (idéologie de rôle de sexe) sont confrontés
à ce type de conflits. Les couples à double carrière, par définition, dévient des nor-
mes « traditionnelles » qui prônent l’existence d’une différence marquée entre les
hommes et les femmes (O’Neil, Fishman et Kinsella-Shaw, 1987 ; Parson et Bales,
1955). Les dilemmes susceptibles d’apparaître sont liés à l’écart entre les rôles
« appris » et « acquis » et à la redéfinition d’un mode de relation conjugale (Rapo-
port et Rapoport 1971 ; Wiersma, 1994). Les femmes peuvent craindre la remise en
cause de leurs qualités de mère et cherchent à rester désirables tout en se réalisant
professionnellement. Pour les hommes, s’impliquer en tant que père peut être vécu
comme un empiétement par rapport au maintien de leur domination ou de leur ambi-
tion (Gilbert et Rachlin, 1987). Enfin, quand les conjoints comparent leurs réalisa-
tions professionnelles, les femmes qui progressent plus vite que leur mari peuvent se
sentir coupables et refouler la joie qu’aurait pu leur procurer leur succès. De leur côté,
leur conjoint peut avoir des difficultés à accepter leur succès (Sekaran, 1986) ou se
sentir remis en cause dans son rôle de principal pourvoyeur de fond (O’Neil et al.,
1987 ; Wiersma, 1994).
Pour gérer ces conflits, Rapoport et Rapoport (1969, 1971) considèrent que se
développent, de manière plus ou moins consciente, des « lignes de tensions
identitaires » qui représentent les limites de la définition des rôles de sexe pour cha-
que conjoint sans affecter leur estime de soi. Pour O’Neil et al. (1987), les rôles de
sexe posent à chacun des conjoints des dilemmes qui peuvent être résolus par une
réévaluation des rôles de sexe traditionnels ou par l’intégration de nouvelles notions
de la masculinité et de la féminité. Lorsqu’ils ne sont pas résolus ces dilemmes peu-
vent conduire à une adhésion rigide aux normes stéréotypées de la masculinité et de
la féminité et ainsi confiner le comportement d’un ou des deux conjoints dans des
rôles et des fonctions limités (O’Neil et al., 1987). Ce type d’attitude de la part d’un
des conjoints peut alors générer une surcharge de rôles pour son partenaire et limiter
les possibilités d’une relation équitable. Par exemple, Gilbert et Rachlin (1987) défi-
nissent quatre options qui s’offrent à la femme qui redoute de mettre en cause son
mari dans son rôle : réduire sa carrière, choisir une profession moins exigeante, rester
dans des positions de bas niveau ou arrêter complètement de travailler.

2.1.2 Conflits entre les rôles professionnels et familiaux


Les difficultés à concilier rôles professionnels et familiaux ont été principalement étu-
diées au travers de la notion de conflit travail-famille. Ce conflit est une forme de con-
flit inter-rôles dans laquelle le temps passé, l’implication psychologique, ou le
comportement de la personne dans un rôle (professionnel ou familial) affecte sa parti-
Famille et carrière chez les couples à double carrière 179

cipation dans un autre rôle (Greenhaus et Beutell, 1985). Deux dimensions du conflit
ont été distinguées : le conflit travail → famille et famille → travail (Kopelman,
Greenhaus et Connolly, 1983 ; Frone, Russel et Cooper, 1992a). Quelle que soit l’appro-
che retenue, les recherches dans ce domaine ont montré que le conflit famille-travail
est lié aux caractéristiques de la situation de travail (temps de travail, environnement
professionnel...) et de la situation familiale (nombre et âge des enfants...). Quand
elles ont distingué les deux formes de conflits, les recherches montrent que la vie pro-
fessionnelle des individus interfère plus avec leur vie familiale que l’inverse (Frone,
Russell et Cooper, 1992b ; St Onge, Renaud, Guerin et Caussignac, 2002).
Les effets négatifs du conflit travail-famille sont nombreux et ont fait l’objet
de plusieurs écrits. Par exemple, les recherches montrent qu’il conduit à un accroisse-
ment du stress au travail (Bacharach, Bamberger et Conley, 1991 ; Frone et al.,
1992a ; Judge, Boudreau et Bretz, 1994) ; à une diminution de la satisfaction et de
l’engagement au travail (Bacharach et al., 1991 ; Frone et al., 1992a) ; à une aug-
mentation de l’absentéisme (St Onge et al., 1993) ; à une diminution du bien-être
psychologique et physiologique (Aryee, 1993 ; Thomas et Ganster, 1995). Higgins,
Duxbury et Iving (1992) observent une corrélation négative avec la qualité de vie au
travail et dans la famille.
Si les recherches dans ce domaine sont très nombreuses, la plupart d’entre
elles n’ont pas étudié spécifiquement les couples à double carrière en prenant le cou-
ple comme unité d’analyse. En effet, les chercheurs ont peu ou pas étudié l’effet com-
biné des caractéristiques de la situation professionnelle de chacun des conjoints sur
les conflits qu’ils ressentent. Lorsqu’elles se sont centrées sur la dynamique des cou-
ples à double carrière, les recherches ont montré que la saillance (valorisation et
implication) du rôle professionnel de chaque partenaire, la priorité de carrière
(l’importance relative accordée à la carrière de chaque conjoint), le conflit travail-
famille ressenti par le partenaire et le soutien entre les conjoints jouent un rôle
essentiel pour comprendre les conflits inter-rôles ressentis. Pour les femmes, les con-
flits sont d’autant plus importants qu’elles ont la responsabilité quotidienne des acti-
vités domestiques et de l’éducation des enfants et qu’elles ressentent un manque de
soutien de leur conjoint (Bailyn, 1970 ; Greenhaus et Beutell, 1985 ; Gilbert et
Rachlin, 1987). Pour les hommes, le conflit serait d’autant plus important que leur
implication professionnelle est supérieure à celle de leur conjoint, que les deux con-
joints perçoivent leur propre carrière comme étant prioritaire, ou qu’ils donnent cha-
cun une faible priorité à leur propre carrière (Greenhaus, Parasuraman, Granrose,
Rabinowitz et Beutell, 1989). De manière générale, les recherches tendent à montrer
que les femmes sont plus affectées en termes de surcharge de rôle, de conflit de rôles,
d’anxiété et de stress que les hommes par le stress, la surcharge de rôle, les conflits
de rôles que vit leur conjoint dans la vie professionnelle (Bolger, DeLongis, Kessler et
Wethington, 1989 ; Hammer, Allen et Grigsby, 1997 ; Westman, Etzion et Danon,
2001).
D’autres auteurs ont adopté une approche développementale de ce type de
conflits 2. Les dilemmes ont trait à l’établissement de la famille et à la gestion du

2 Dans cette approche, les conflits ont souvent été dénommés comme des conflits liés aux cycles
de rôle (traduction de « role cycling »).
180 Les enjeux de carrière

développement professionnel et familial des conjoints. La décision d’avoir des enfants


et de quand les avoir a été identifiée comme un dilemme important dans les couples
à double carrière (Gilbert et Rachlin 1987 ; Sekaran, 1992 ; Wiersma, 1994). Les cou-
ples ressentent le besoin de pouvoir choisir d’avoir des enfants sans être pénalisés
professionnellement. La question de savoir quand est souvent plus cruciale pour la
femme à qui on attribue traditionnellement l’éducation des enfants et pour qui
l’obtention d’adaptations nécessaires pour combiner travail et famille est souvent
plus facile (congé parental, temps partiel...). Par la suite, au stade de jeune parent,
face aux difficultés croissantes de gérer demandes professionnelles et familiales, un
« choix forcé » semble devoir être fait : privilégier l’avancement de sa carrière au
détriment de sa famille, ou assumer ses responsabilités familiales mais renoncer à
l’amélioration de sa vie professionnelle (Sekaran, 1992). Enfin, la mobilité profession-
nelle est une des questions les plus difficiles pour les couples à double carrière. Trou-
ver deux offres d’emploi attractives dans une même localisation n’est pas un petit
exploit. Bien que le couple veuille donner un poids identique aux intérêts des deux
partenaires, une décision strictement égalitaire est souvent impossible (Bielby et
Bielby, 1992 ; Wiersma, 1994).
Pour gérer ces conflits, Hall (1972) a identifié trois stratégies principales.
(1) La redéfinition structurelle du rôle consiste à modifier la source du conflit (méca-
nisme d’adaptation) en changeant les attentes des autres définies de manière externe
(négocier avec les personnes qui définissent le rôle, chercher à éliminer certaines
activités dans le rôle, trouver un soutien pour le rôle, etc.). (2) La redéfinition person-
nelle du rôle implique de changer ses propres perceptions des attentes du rôle (méca-
nisme de défense) par exemple en posant des priorités entre les rôles et à l’intérieur
des rôles, en ignorant des demandes de rôle, en éliminant des rôles, etc. (3) Le com-
portement de rôle réactif consiste à essayer de mieux satisfaire toutes les demandes
en améliorant sa manière de réaliser les rôles, en travaillant plus, etc.
Plus spécifiquement, pour les couples à double carrière, Bailyn (1978) consi-
dère que les couples peuvent choisir, soit de différencier les responsabilités en déci-
dant quel partenaire sera plus impliqué dans le travail et lequel sera plus impliqué
dans la famille, soit de partager équitablement les responsabilités tout au long des
cycles de vie. Une telle décision peut être plus ou moins temporaire et peut prendre
différentes formes telles que l’établissement de cycles en mettant en avant la carrière
(ou la famille) à un stade de la vie et la famille (ou la carrière) à un autre stade. Pour
cet auteur, le « système différencié » est facile à gérer, mais implique potentiellement
des coûts très élevés pour les conjoints qui renoncent ainsi à certains aspects de leurs
rôles. Le « système de partage » est plus difficile à gérer, mais peut être plus
« rémunérateur » à long terme.
Sekaran et Hall (1989), identifient également deux systèmes de
développement : (1) un développement séquentiel qui peut se traduire pour l’un des
conjoints (généralement la femme) par : l’arrivée d’un enfant « arrête l’emploi »,
« suspend temporairement l’emploi », ou « retarde l’entrée dans l’emploi » ; (2) un
développement simultané dans lequel les deux conjoints gèrent en parallèle leur
emploi et leur rôle de parent. Sekaran et Hall (1989) complètent cette analyse en
introduisant le concept d’« a-synchronisme », qui correspond à une situation dans
laquelle une personne ou un couple est « hors normes » par rapport à la définition
Famille et carrière chez les couples à double carrière 181

généralement acceptée de la période à laquelle on doit avoir atteint des positions


particulières dans sa vie ou sa carrière. D’après eux, tout partenaire d’un couple à
double carrière, quel que soit le système choisi, sera confronté à ce type de situation.

2.2 LES SOURCES DE SATISFACTIONS


Choisir un style de vie non-traditionnel pour lequel il y a peu de soutien de la société
suggère qu’à côté des conflits difficiles à gérer, les individus peuvent trouver des
bénéfices substantiels (Gilbert et Rachlin, 1987). Ces bénéfices sont d’ailleurs étroi-
tement liés à la manière dont les couples vont gérer les conflits qu’ils rencontrent, au
soutien et à la perception de l’équité entre les conjoints.

2.2.1 Les bénéfices potentiels


Les femmes qui, comme leur conjoint, font « carrière » ont l’opportunité de se déve-
lopper professionnellement et d’établir une identité personnelle en dehors du mari et
des enfants, d’obtenir une indépendance économique, une plus grande satisfaction
intellectuelle et une meilleure estime de soi (Gilbert, 1993 ; Gilbert et Rachlin, 1987 ;
Rapoport et Rapoport, 1971). Pour les hommes, les bénéfices sont moins évidents. La
vie en couple à double carrière leur permet néanmoins une liberté plus grande dans
leurs choix professionnels puisqu’ils n’ont plus la totale responsabilité économique de
la famille et qu’ils peuvent s’impliquer davantage dans leur rôle de père (Gilbert et
Rachlin, 1987 ; Rosin, 1996). Plus globalement, les couples ont la possibilité d’aug-
menter le revenu de la famille, de se développer au-delà des stéréotypes liés aux rôles
de sexe dans une relation basée sur un partage égal du pouvoir et de l’initiative (Gil-
bert et Rachlin, 1987 ; Rosin, 1996 ; Sekaran, 1986).

2.2.2 Le soutien entre les conjoints


Le soutien mutuel des conjoints est considéré comme central pour maintenir un sys-
tème de double carrière (Gilbert et Rachlin, 1987 ; Rapoport et Rapoport, 1971). Sui-
vant la définition retenue par Granrose, Parasuraman et Greenhaus (1992), le soutien
marital peut être défini comme un échange de ressources entre les conjoints perçu
par le « donneur » et le « receveur » comme étant destiné à améliorer le bien-être du
« receveur ». Ce soutien peut prendre la forme d’un soutien émotionnel (démonstra-
tion d’amitié, d’intimité, d’attachement, d’écoute, etc.) et/ou d’un soutien instru-
mental (actions concrètes permettant de faire face à une situation stressante telle
que donner des informations, rendre un service, donner des conseils, etc.).
Le soutien entre les conjoints facilite la gestion des conflits susceptibles de
survenir. Il peut modifier la perception du stress en permettant aux individus de se
rendre compte que leurs difficultés sont prises en compte par les autres et acceptées,
voire partagées. Il donne les moyens de comprendre et d’interpréter une situation.
Les recherches montrent que le soutien du conjoint est corrélé négativement au con-
flit travail-famille pour les femmes comme pour les hommes (Wiersma et Van den
Berg, 1991) et réduit le niveau de stress professionnel des hommes (Bures, Hender-
son, Mayfield, Mayfield et Worley, 1996).
182 Les enjeux de carrière

Les attentes et les évaluations du soutien apporté sont largement déterminées


par les normes traditionnelles (Granrose et al., 1992). Ainsi, les hommes s’attendent
généralement, s’ils fournissent au ménage un soutien instrumental, à être valorisés et
à recevoir du soutien de la part de leur épouse dans la réalisation de leur rôle profes-
sionnel. Les femmes, quant à elles, attendent plutôt une valorisation si elles fournis-
sent un soutien émotionnel aux membres de la famille et un soutien instrumental
dans la maison. Lorsqu’elles travaillent, elles peuvent attendre de leur conjoint qu’il
les soutienne dans leur carrière, mais aussi dans l’éducation des enfants et dans les
travaux domestiques (Gilbert et Rachlin, 1987 ; Rapoport et Rapoport, 1971). Cepen-
dant, compte tenu de leur socialisation les femmes peuvent ne pas se sentir autori-
sées à demander ou à recevoir un tel soutien. Ainsi, pour Granrose et al. (1992), les
conjoints sont incités à fournir du soutien quand (1) ils pensent que l’échange de
soutien est en accord avec leur idéologie des rôles de sexe, (2) ils valorisent les rétri-
butions de la vie familiale, (3) ils croient qu’ils pourront recevoir un soutien équitable
en retour. Gilbert (1993) va plus loin en posant que les couples à double carrière peu-
vent aller au-delà de la vision de la dépendance comme une caractéristique sur
laquelle les hommes et les femmes diffèrent pour voir la dépendance comme un pro-
cessus interpersonnel qui sert de véhicule pour le développement de la mutualité
entre les partenaires.

2.2.3 Égalité ou équité dans les couples à double carrière


L’égalité, pour laquelle les femmes surtout se sont battues, est aujourd’hui une reven-
dication pour beaucoup, à la fois comme valeur abstraite et comme objectif pratique
(Gilbert et Rachlin, 1987). Dans les études sur les couples à double carrière, la ques-
tion a souvent été de voir comment les responsabilités domestiques sont gérées, le
partage égalitaire des tâches étant considéré comme un indicateur de l’existence d’un
style de vie égalitaire. Cependant, les recherches mettent toutes en évidence le fait
que les mentalités sont beaucoup plus affectées que les pratiques. En effet, il n’existe
pas de commune mesure entre l’importance du travail « extérieur » de la femme et
celle du travail « intérieur » de l’homme (Kellerhals et al., 1993 ; Segalen, 1996).
Pour Gilbert et Rachlin (1987), si l’égalité dans la répartition des tâches est difficile à
atteindre, c’est parce que c’est seulement la femme qui en bénéficie et qu’il existe des
résistances à la fois individuelles et dans la société.
Ces constats ont conduit les chercheurs à s’interroger sur la pertinence du con-
cept d’égalité pour analyser les relations conjugales, une telle perspective paraissant
trop rigide et fondamentalement moins utile qu’une perspective fondée sur l’équité
(Gilbert et Rachlin, 1987). En effet, l’égalité impliquerait un partage égal des respon-
sabilités, une interchangeabilité ou une flexibilité dans l’allocation des tâches et
l’absence d’une attribution stricte des rôles selon les stéréotypes sexuels. Le concept
d’équité, quant à lui, se réfère à un sentiment de justice basé sur les perceptions de
l’individu de l’équilibre global de ses rétributions et contributions dans une situation.
Les individus dans une relation inéquitable sont supposés être insatisfaits et motivés
pour restaurer l’équité ou réduire l’iniquité. Pleck (1985) suggère par exemple qu’un
« effet d’iniquité » peut être lié, non pas au fait que la femme sent qu’elle en fait
trop, mais qu’elle perçoit que l’homme en fait trop peu. Ainsi, c’est le sentiment de
justice plutôt qu’une condition stricte d’égalité qui est le critère essentiel avec lequel
Famille et carrière chez les couples à double carrière 183

les individus évaluent une relation. Dans cette perspective, plusieurs études montrent
que quel que soit l’arrangement entre les conjoints c’est bien le sentiment que la
répartition est juste qui explique la satisfaction des conjoints (Gilbert, 1993 ; Gilbert
et Rachlin, 1987).
Cette approche en terme d’équité impose de prendre en compte les valeurs sur
la base desquelles les individus évaluent leur relation. Gilbert (1993) considère que
les couples se répartissent les responsabilités de diverses manières en fonction de
leurs valeurs, leurs intérêts, et des contraintes ou réalités externes de leur situation.
Ce qui importe, c’est moins l’égalité de pouvoir que les perceptions d’équité ou de
retours proportionnels dans l’échange des ressources économiques et personnelles.
Étant donné la division traditionnelle des rôles et l’asymétrie actuelle dans les rela-
tions à double carrière, la réussite de ce type de relation repose pour une très grande
part sur la capacité de la femme à faire pression pour atteindre ce qu’elle considère
comme une situation équitable.

3. Implications managériales et recherches futures :


vers une prise en compte des relations entre les conjoints
Les recherches sur les couples à double carrière montrent que ce style de vie n’est pas
sans conséquence sur les attitudes et les comportements professionnels des conjoints
et plus largement sur le développement de leur carrière. Nous voudrions, dans cette
dernière partie, présenter deux axes de réflexion dans lesquels les gestionnaires, qu’ils
soient chercheurs ou praticiens, devraient, selon nous, s’engager pour définir des pra-
tiques de gestion des carrières adaptées aux salariés en couple à double carrière. Nous
nous interrogerons tout d’abord sur le caractère généralisable des résultats obtenus
sur les conséquences de la vie en couple à double carrière sur la carrière des indivi-
dus. Nous montrerons alors qu’une approche par type de couples peut constituer une
voie de recherche prometteuse. Nous verrons ensuite quelles sont les difficultés aux-
quelles se voient confrontées les entreprises dans la prise en compte des change-
ments survenus dans la situation conjugale de leurs salariés et à quelles conditions
elles pourraient le faire.

3.1 DANS QUELLE MESURE PEUT-ON CONSIDÉRER LES COUPLES


À DOUBLE CARRIÈRE COMME UNE POPULATION HOMOGÈNE ?
L’analyse des sources de conflits et de satisfactions dans les couples à double carrière
fait apparaître qu’elles sont intrinsèquement liées à la répartition des rôles entre les
conjoints. En effet, les conflits et les bénéfices ne seront pas les mêmes selon que la
répartition des rôles entre les conjoints leur permet ou pas de répondre à leurs aspira-
tions individuelles concernant leurs différents rôles de vie, aux contraintes et oppor-
tunités de leurs situations professionnelles et familiales, aux normes de la société et
des organisations.
La répartition des rôles définie entre les conjoints des couples à double car-
rière découle en grande partie des stratégies qu’ils mettent en place pour faire face
aux conflits qu’ils rencontrent et pour tirer profit des bénéfices que leur offre ce style
184 Les enjeux de carrière

de vie. Dans ce cadre, comme nous l’avons vu, les conjoints des couples à double car-
rière vont pouvoir décider de limiter leurs objectifs professionnels et/ou familiaux et
ce, comme l’a montré Hall (1972) soit en changeant leurs exigences internes (changer
la vision des problèmes, revoir les niveaux d’exigence...) soit en changeant les exi-
gences externes (modifier les attentes des autres, faire appel à une aide exté-
rieure...). En outre, cette décision pourra concerner un des partenaires ou les deux
(Bailyn, 1978) et pourra être temporaire ou définitive (Sekaran et Hall, 1989). Ainsi,
selon les stratégies mises en place par les conjoints, la répartition des rôles dans les
couples à double carrière va pouvoir avoir des conséquences sur la carrière des con-
joints qui peuvent être différentes pour chacun des conjoints du couple mais aussi
d’un couple à l’autre.

Ces résultats appellent à utiliser d’autres critères que le type d’emploi occupé
par les conjoints pour comprendre le fonctionnement des couples à double carrière et
ses conséquences sur la carrière de chacun. Dans ce sens, comme nous l’avons vu, les
recherches les plus récentes intègrent dans leur analyse des variables propres à rendre
compte de la répartition des rôles entre les conjoints (saillance des rôles, idéologie
de rôle de sexe, priorité de carrière...). De même, des auteurs proposent de différen-
cier les couples selon la répartition des rôles entre les conjoints en tenant compte de
différents aspects de leur fonctionnement (compatibilité des attentes de rôles entre
les conjoints, répartition des rôles maritaux, etc.). Ces analyses, qui invitent à adop-
ter une approche par type de couples selon la nature de la relation entre les con-
joints, nous semblent constituer une voie de recherche prometteuse. En effet, une
telle approche peut éclairer des résultats jusqu’alors contradictoires dans les recher-
ches qui ont considéré les couples à double carrière comme une population homo-
gène. Dans ce sens, Ribbens (1994) montre que c’est principalement la priorité de
carrière entre les conjoints qui intervient dans la décision d’accepter une mutation.
Challiol (2001) montre que les variables qui interviennent dans l’explication de la
décision d’accepter une mutation géographique sont différentes selon les règles
d’échange du couple auquel appartient l’individu. Au-delà de l’explication de la déci-
sion de mutation, il semblerait intéressant de différencier les individus selon le type
de couples auxquels ils appartiennent dans l’étude des conflits travail-famille, dans
l’analyse de leur évolution de carrière, dans les comparaisons des attitudes et des
comportements au travail des hommes et des femmes en couple à double carrière.

Pour les pratiques de gestion, cette approche amène à dépasser les segmenta-
tions basées sur des a priori (tels que le conjoint travaille ou non, le type d’emploi
qu’occupe le conjoint, etc.). En effet, comme le souligne Igalens (1997), inférer les
attentes et les préférences des salariés sur la base de critères établis a priori peut
conduire à des pratiques discriminatoires mais surtout inefficaces si aucune étude
préalable n’est conduite pour connaître les souhaits des salariés et a posteriori pour
justifier cette pratique. Pour autant, souligne cet auteur, il ne s’agit pas de remettre
en cause la nécessité d’utiliser des critères pour segmenter la population et ainsi
définir des politiques de gestion des ressources humaines plus efficientes mais de
renouveler les méthodes qui permettent de les définir. Dans ce sens, les résultats des
recherches récentes invitent à intégrer dans les pratiques de gestion de carrière la
nature des relations entre les conjoints des couples à double carrière. En effet, il
apparaît que pour les décisions de mutation, les éléments déterminants dans la déci-
Famille et carrière chez les couples à double carrière 185

sion ne seront pas les mêmes selon les règles d’échange du couple (Challiol, 2001), la
priorité de carrière entre les conjoints (Ribbens, 1994), les priorités du couple (Chal-
liol et Mignonac, 2005). De même, il ressort des recherches sur les couples à double
carrière que la prédisposition des individus à accepter une mutation peut varier dans
le temps. En effet, les relations dans le couple sont susceptibles d’évoluer tout au
long des stades de la vie professionnelle et familiale des salariés et de leur conjoint
(Becker et Moen, 1999 ; Sekaran, 1992 ; Wiersma, 1994). Ainsi, les conjoints d’un
même couple peuvent être à un moment donné de leur vie professionnelle et familiale
très peu enclins à accepter une mutation alors qu’ils peuvent être tout à fait disposés
à être mutés à un autre moment de leur vie.
Ainsi, plus que le type d’emploi occupé par les conjoints, ce sont les stratégies
mises en place par les conjoints et les attitudes que chacun adopte à l’égard de ses
rôles qui conditionnent les contraintes et les opportunités qui vont intervenir dans la
gestion de leur carrière. Il semble alors que pour améliorer de manière significative
les pratiques de gestion des salariés en couple à double carrière, les entreprises aient
tout intérêt à prendre en compte la nature des relations entre les conjoints des cou-
ples à double carrière. Néanmoins, l’intégration de tels éléments dans les pratiques de
gestion pose la question de l’intrusion de l’entreprise dans la vie privée de ses sala-
riés, point que nous allons maintenant examiner.

3.2 GESTION ET VIE PRIVÉE EN QUESTION


Les décisions prises par les conjoints des couples à double carrière pour gérer au
mieux leurs rôles professionnels et familiaux relèvent de la vie privée des salariés.
Néanmoins, lorsqu’elles touchent la vie professionnelle des conjoints, elles peuvent
aller ou non dans le sens des attentes des entreprises qui les emploient. Il apparaît
alors que les entreprises gagneraient à prendre en considération la manière dont les
individus gèrent les contraintes et les opportunités liées à leur situation conjugale et
familiale plutôt que d’en subir les conséquences.
C’est dans cette optique que des politiques « family friendly » ont été dévelop-
pées dans certaines entreprises. Ces pratiques visent à apporter des réponses aux dif-
ficultés que rencontrent les salariés dans la gestion de leur vie familiale et
professionnelle et se traduisent par la mise en place de différents types de mesure.
S’il existe une grande variété de mesures, Parker et Allen (2001) proposent d’en dis-
tinguer deux grandes catégories: celles qui visent une flexibilité dans la gestion du
temps de travail (aménagement du temps de travail, possibilité de travail à domicile,
etc.) ; celles qui visent à apporter des aides dans la prise en charge des personnes
dépendantes que ce soit les enfants ou les personnes âgées (création d’une crèche sur
le lieu de travail, congé parental, etc.). Par ailleurs, certaines mesures concernent
plus spécifiquement les couples à double carrière lorsqu’il s’agit de faciliter la mobi-
lité des salariés en proposant des aides à la famille et plus spécifiquement au conjoint
suiveur (compensation financière, aide à la recherche d’emploi, aide à l’intégration
dans le pays d’accueil, etc.).
Ces mesures sont mises en place dans les entreprises dans l’objectif de recru-
ter, de conserver et d’accroître la flexibilité, la productivité et l’efficacité d’un person-
nel compétent. Dans ce sens, les recherches ont montré que la perception du soutien
186 Les enjeux de carrière

apporté par l’organisation dans la gestion de l’interface famille travail a un impact


significatif sur l’implication organisationnelle, la satisfaction au travail, le conflit
famille travail et l’intention de départ du personnel (Allen, 2001 ; Thomas et Ganster,
1995 ; Thompson, Beauvais et Lyness, 1999). Plus largement, la mise en place de
telle politique aurait un impact positif sur la performance de l’entreprise (Perry-Smith
et Blum, 2000).

Néanmoins, les politiques mises en place sont variables d’une entreprise à


l’autre. En effet, comme le montrent les recherches (Igram et Simons, 1995 ; Oster-
man, 1995), la mise en place de tels programmes dépend des caractéristiques de
l’entreprise elle même (taille, proportion de femmes cadre, etc.) et des caractéristi-
ques de son environnement (marché de l’emploi, pratiques des concurrents, etc.). En
outre, la mise en place de ces pratiques dans les entreprises est variable d’un pays à
l’autre (Todd, 2004). En effet, en la matière, les initiatives peuvent être plus ou
moins prises et/ou valorisées par les gouvernements (Starrels, 1992). Cette disparité,
qui rend difficile la comparaison des résultats obtenus dans les recherches, a amené
des chercheurs à proposer des outils pour positionner les entreprises selon leur enga-
gement dans des politiques visant à faciliter la gestion entre vie professionnelle et
familiale de leurs salariés. Ces outils intègrent non seulement les mesures mises en
place, mais aussi la culture de l’entreprise, la nature des relations de travail et l’orga-
nisation du travail (Galinsky et Stein, 1990 ; Thompson et al., 1999).

Par ailleurs, force est de constater que, en France notamment, les entreprises
restent timorées dans ce domaine. Les réticences des entreprises dans la mise en
place de ces pratiques sont expliquées de différentes manières. Tout d’abord par le
droit du travail qui pose dans ses principes de base l’absence de discrimination dans
l’exécution du contrat de travail sur la base d’informations relatives à la vie privée du
salarié. Néanmoins, comme le rappelle Thévenet (2001), l’application de la conven-
tion européenne des droits de l’homme conduit à considérer qu’il est impossible
d’exclure la vie privée de la sphère du travail. Si le salarié est protégé quand il tra-
vaille dans ce qui touche à sa vie privée, la reconnaissance d’une telle imbrication
entre ces deux sphères peut conduire, pour l’auteur, à des interprétations nombreuses
qui ne seront pas toujours favorables au salarié. Ensuite, certains voient dans la mise
en place de ces pratiques le retour du paternalisme et craignent de voir réapparaître
les dérives d’un tel mode de management tel qu’on l’a observé au début du XXe siècle.
D’autres préfèrent alors parler d’entreprises maternantes même si la référence au
féminin n’écarte pas la question de l’intrusion de l’entreprise dans la vie privée de ses
salariés. Enfin et surtout, l’individualisation des pratiques de gestion pose la question
de l’éclatement du collectif de travail et de l’équité sociale. Plus spécifiquement, pour
Thévenet (2001), l’individualisation des modes de gestion tenant à la prise en compte
des problèmes extra-professionnels contient en germe des problèmes d’équité, pose la
question de savoir si on peut réellement accommoder tout le monde et comment réa-
gissent les autres. Dans ce sens, des recherches montrent que la mise en place des
politiques visant à faciliter l’équilibre entre vie professionnelle et vie familiale peut
générer des sentiments d’injustice pour les salariés qui ne peuvent pas en bénéficier
et dissuader les salariés et les managers d’y avoir recours afin de préserver le senti-
ment d’équité dans l’entreprise (Rothausen, Gonzalez, Clarke, et O’Dell, 1998 ; Parker
et Allen, 2001). Ainsi, si la présence de telles politiques a des effets bénéfiques pour
Famille et carrière chez les couples à double carrière 187

l’organisation, la justice dans leur application conditionne leur utilisation et leur effi-
cacité. Pour Igalens (1997), ce n’est pas l’individualisation des politiques qui pose
problème puisque les pratiques de segmentation ont toujours existé. En revanche, il
pose la nécessité pour les entreprises qui souhaitent segmenter leur gestion des res-
sources humaines de mettre en place « des politiques sociales intégratrices qui assu-
reront la cohésion et la synergie entre les groupes préalablement identifiés »
(p. 2989).

Quoi qu’il en soit, la question de la prise en compte des contraintes et des


opportunités liées à la vie conjugale des salariés en couple à double carrière nous
apparaît comme centrale pour les entreprises qui souhaitent assurer la stabilité et la
flexibilité de leurs ressources humaines. En effet, il ressort de nos analyses, qu’en
l’absence d’une prise en compte de ces contraintes et de ces opportunités, les salariés
peuvent être amenés à prendre des décisions n’allant pas dans le sens attendu par
l’entreprise ni même parfois dans le sens de leurs propres aspirations professionnelles.
C’est typiquement le cas dans les décisions de mutation géographique pour lesquelles
les salariés sont souvent amenés à assumer seuls non seulement le risque profession-
nel associé à toute forme de mobilité mais aussi les conséquences de leur décision sur
la vie professionnelle de leur conjoint. En outre, si l’emploi du conjoint apparaît
essentiellement comme une contrainte dans la gestion des mutations cela n’est pas
toujours le cas. L’emploi du conjoint peut constituer une opportunité pour l’individu
en lui offrant une plus grande liberté dans ses choix professionnels qui peut se tra-
duire dans des choix permettant une plus grande prise de risque et/ou un meilleur
équilibre entre vie professionnelle et vie familiale. Cette marge de manoeuvre est
pourtant rarement prise en compte dans la gestion des salariés en couple à double
carrière.

Ainsi, si les changements survenus dans les caractéristiques de la vie conju-


gale des salariés constituent pour beaucoup d’entreprises encore des contraintes sup-
plémentaires dans la gestion de leurs ressources humaines, ils peuvent constituer une
source de richesse. Néanmoins, pour cela il faudra que les entreprises abandonnent
certains modèles de gestion des ressources humaines basés sur des normes de com-
portements remises en cause par les salariés en couple à double carrière. Un des
enjeux majeurs pour l’avenir de ces entreprises pourrait être alors de définir des prati-
ques de gestion qui répondent aux préoccupations de leurs salariés sans entraver leur
droit légitime au respect de la vie privée et sans retomber dans les travers d’un pater-
nalisme envahissant. Dans ce sens, les entreprises pourraient, comme elles le font
déjà pour certains de leurs recrutements et parfois pour gérer la mobilité géographi-
que de leurs cadres, faire intervenir des spécialistes externes dans des dispositifs
visant à définir le projet professionnel des salariés qu’elles souhaitent faire évoluer,
ou à certaines étapes de leurs négociations dans la gestion de carrière de ces salariés.
Une telle pratique permettrait de gérer les questions relatives à la vie privée des sala-
riées tout en respectant leur droit, les spécialistes dans le domaine du conseil étant
généralement tenus à la confidentialité et à une déontologie propre à leur spécialité.
En outre, l’entreprise pourrait offrir à cette occasion une aide aux salariés, éventuelle-
ment accompagnés de leurs conjoints, pour les décisions qu’ils sont susceptibles de
prendre. Une telle approche permettrait ainsi de limiter les risques pris à la fois par
l’entreprise et par les salariés dans la gestion de leur carrière. Pour autant, elle ne
188 Les enjeux de carrière

peut résoudre toutes les questions relatives à l’intrusion de l’entreprise dans la vie
privée de leurs salariés et, dans ce domaine, de nombreuses analyses sont encore à
mener. Dans cette perspective, comme l’indique Pras (2001), « toute réflexion sur
gestion et vie privée doit se garder d’être réductrice. (...) Une bonne compréhension
du problème nécessite l’interaction des regards de l’entreprise (responsable d’entre-
prise, économiste, gestionnaire), de l’individu (citoyen, salarié, consommateur), du
sociologue, du législateur (politique, juriste) et cela dans des contextes
multiculturels » (p. 62). La difficulté sera de trouver un équilibre entre l’accès à
l’information − nécessaire en termes d’efficacité et d’efficience des entreprises − et
un droit légitime à la protection de la vie privée.
Chapitre 6

Enrichissement et conciliation du lien


entre le travail et la famille

Raymond T. LEE et Céleste M. BROTHERIDGE 1

Introduction

L’enrichissement et la conciliation du lien entre le travail et la famille font l’objet


d’une attention croissante, tant dans la littérature scientifique que populaire, témoi-
gnant par là même de changements sociaux et professionnels importants. Ces change-
ments incluent l’arrivée d’un plus grand nombre de femmes sur le marché du travail, la
mondialisation des échanges, le recours à des technologies de plus en plus sophisti-
quées, ainsi qu’un déclin de la sécurité de l’emploi (Lewis et Cooper, 1999). En outre,
les possibilités nouvelles d’aménagement du travail permises par les télécommunica-
tions ont estompé les frontières physiques et psychologiques entre le travail et la vie
personnelle. Jusqu’à présent, la plupart des travaux de recherche ont insisté sur les
aspects négatifs ou dysfonctionnels de l’interface travail-famille, et ont évoqué deux
types de conflits (Eby, Casper, Lockwood, Bordeaux, et Brinley, 2005 ; Frone, 2003 ;
Guerts et Demerouti, 2003) :
■ l’interférence du travail dans la vie familiale, nommée conflit travail-famille ;
■ l’interférence de la famille dans la sphère professionnelle, nommée conflit
famille-travail.
Toutefois, un nombre croissant de travaux indique que la recherche d’un équili-
bre entre le travail et la famille ne conduit pas nécessairement à des conflits ou à une
perte de ressources et d’énergie (Frone, 2003). Les avancées théoriques les plus
récentes suggèrent que les chevauchements entre les rôles familiaux et professionnels
(Clark, 2000) peuvent être bénéfiques et fonctionnels (Frone, 2003 ; Greenhaus et

1 Université du Manitoba – Université du Québec à Montréal.


190 Les enjeux de carrière

Powell, sous presse ; Rothbard, 2001). Même lorsque les ressources à la disposition de
l’individu sont limitées, à cause de contraintes temporelles ou matérielles par exem-
ple, passer d’un rôle à l’autre peut être enrichissant et peut avoir un effet positif sur
l’autre rôle, et vice versa (Marks, 1977 ; Hochschild, 1997). Ces études ont isolé les
facteurs qui conduisent à enrichir le lien entre le travail et la famille, entre la famille
et le travail, ainsi qu’à concilier le travail et la famille.
Les perspectives théoriques qui ont été utilisées pour expliquer le conflit tra-
vail-famille (Guerts et Demerouti, 2003) peuvent aussi être appliquées pour améliorer
la compréhension de l’enrichissement travail-famille, incluant la théorie des frontières
entre le travail et la famille, qui est basée sur les domaines culturels et l’identité de
rôle (Ashforth, Kreiner et Fugate, 2000 ; Clark, 2000) ; la perspective des systèmes
écologiques (Grzywacz et Marks, 2000) ; et enfin le modèle exigence-contrôle de
Karasek (1979). Toutes ces perspectives placent les ressources au cœur de la compré-
hension du conflit travail-famille. La théorie de la conservation des ressources adopte
une autre approche. Elle se centre uniquement sur la manière dont les différentes for-
mes de ressources opèrent dans l’interface travail-famille (Hobfoll, 1989 ; e.g.,
Brotheridge et Lee, 2005). Dans ce chapitre, nous utilisons la théorie de la conserva-
tion des ressources comme cadre interprétatif de notre revue de littérature. Pour ce
faire :
a. nous présenterons cette théorie et les théories qui lui sont reliées, ainsi que
leur application au cas de l’enrichissement et de la conciliation travail-
famille ;
b. nous définirons les concepts d’enrichissement et de conciliation travail-
famille ;
c. nous ferons l’état de l’art des travaux scientifiques les plus récents sur ce
sujet ;
d. nous considérerons leurs implications théoriques et pratiques pour l’avenir.

1. Perspectives théoriques
Les recherches antérieures ont utilisé le modèle de la conservation des ressources
(Hobfoll, 1989) comme outil de compréhension des facteurs qui conduisent à éprou-
ver du stress dans son travail, à percevoir des conflits travail-famille, et un équilibre
travail-famille (Brotheridge et Lee, 2005 ; Geurts et Demerouti, 2003). Ce modèle
explique l’impact du stress sur la tension psychologique et le bien-être, par des
déséquilibres entre les exigences requises pour chaque rôle – professionnel et person-
nel –, et les ressources disponibles et nécessaires pour respecter de telles exigences
(Hobfoll, 1989). Les individus tentent de (re)gagner des ressources inaccessibles ou
perdues mais, ce faisant, doivent y consacrer davantage de temps et d’énergie. Selon
Hobfoll (1989), il existe quatre types de ressources dont les pertes peuvent conduire
à accroître le stress et la tension d’un individu : (1) les ressources matérielles, (2) les
conditions sociales (climat de travail), (3) les caractéristiques personnelles (statut de
l’emploi), (4) les énergies (temps et expertise). Bien que Brotheridge et Lee (2005)
aient trouvé que le modèle de la conservation des ressources soit utile pour expliquer
le conflit travail-famille, les travaux les plus récents suggèrent qu’il peut aussi être à
Enrichissement et conciliation du lien entre le travail et la famille 191

même d’expliquer l’enrichissement des relations entre le travail et la famille


(cf. Greenhaus et Powell, sous presse ; Marks, 1977).

Comme le suggère Marks (1977), les exigences entre des rôles multiples peu-
vent servir à épuiser ou au contraire nourrir l’énergie d’un membre d’une famille et
d’une entreprise. L’élément critique qui le permet est la construction sociale de l’éner-
gie humaine, pour laquelle un individu : (1) décide de la façon d’utiliser son énergie
et choisit d’honorer certains exigences au détriment d’autres, (2) concentre ses éner-
gies dans un rôle donné, (3) perçoit les pertes ou les gains d’énergie en fonction de
l’évolution des attentes dans ses différentes activités ainsi que de l’évolution des
attentes de ses partenaires dans chacune des sphères professionnelles et personnel-
les, et (4) perçoit la disponibilité de son énergie en fonction de son engagement à
l’égard des activités professionnelles ou personnelles. Ces quatre facteurs sont suppo-
sés améliorer l’engagement de l’individu dans un de ses rôles. Cet engagement se tra-
duit par du plaisir à mener à bien un travail, par de la loyauté à l’égard de son
partenaire, par l’anticipation des récompenses et par l’évitement des sanctions.

Les facteurs identifiés par Marks (1977) qui conduisent à un enrichissement


entre les deux rôles ont été confirmés dans l’étude de Rothbard (2001) sur l’engage-
ment dans les rôles familiaux et professionnels. Cette auteure définit l’engagement
vis-à-vis de son rôle comme « la présence psychologique de l’individu et la focalisa-
tion sur certaines activités de son rôle… Cette présence a deux composantes
majeures : l’attention et l’implication que l’on octroie à son rôle… L’attention renvoie
à la disponibilité cognitive et à la quantité de temps que l’on passe à réfléchir à son
rôle… alors que l’implication porte sur le degré de monopolisation d’un rôle et ren-
voie à l’intensité de la concentration sur un rôle en particulier… » (Rothbard, 2001,
p. 656). L’hypothèse qu’il est possible d’enrichir son énergie affirme que :
(1) l’engagement dans le rôle professionnel, compris comme l’attention et l’implica-
tion liées à son travail, est associé à des réponses émotionnelles positives au travail ;
(2) les émotions positives éprouvées au travail conduisent à un plus fort engagement
dans sa famille. L’individu est alors plus à même d’accorder de l’attention et de
s’impliquer dans les activités de sa famille. Dans la même veine, (3) l’engagement
dans le rôle familial est associé à une réponse émotionnelle positive vis-à-vis de sa
famille ; (4) les émotions positives éprouvées dans le domaine familial conduisent à
un engagement supérieur dans son travail. À l’opposé, l’hypothèse de la perte d’éner-
gie suppose que : (1) l’engagement dans son travail conduit à une émotion négative
au travail ; (2) les émotions négatives s’étendent au domaine familial et nuisent à
son engagement vis-à-vis des membres de sa famille. De même, (3) l’engagement
familial produit des émotions négatives, et (4) ces émotions négatives sont transfé-
rées ensuite du domaine familial à la sphère professionnelle. Donc, alors que l’hypo-
thèse de l’enrichissement des énergies stipule que l’énergie peut être accrue si
nécessaire, l’hypothèse de la perte d’énergie affirme à l’inverse que l’énergie est limi-
tée, contrainte, et ne peut s’étendre (la dépense d’énergie dans un rôle affaiblit
l’énergie qu’il reste pour accomplir un autre rôle, Lewis et Cooper, 1999 ; Marks,
1977). Bien que ces deux hypothèses puissent sembler mutuellement exclusives, il est
tout à fait possible que les deux logiques – gain et perte d’énergie – agissent en
même temps lorsque l’individu tente d’équilibrer son engagement entre ses rôles pro-
fessionnels et familiaux. Un tel résultat a été vérifié par Rothbard (2001), après avoir
192 Les enjeux de carrière

contrôlé l’effet du genre dans la socialisation et les affirmations culturelles sur le


temps et l’énergie.
En s’appuyant entre autres sur les travaux de Marks (1977) et de Rothbard
(2001), Greenhaus et Powell (sous presse) présentent un modèle du processus par
lequel l’enrichissement travail-famille dépend du type de ressources qui peut être uti-
lisé pour rééquilibrer les rôles familiaux et professionnels. Leur modèle fait état de
deux types de variables, instrumentales et affectives, qui permettent d’enrichir la
relation travail-famille. Greenhaus et Powell affirment que les ressources telles que
les compétences, les perspectives d’évolution, les ressources psychologiques et physi-
ques, le capital social, et les ressources matérielles obtenues dans l’un de ses rôles
pourraient être utilisées et appliquées pour améliorer les performances dans l’autre
rôle, et vice-versa. L’impact d’un rôle sur la performance dans l’autre rôle devrait être
tout particulièrement important lorsque les ressources sont perçues comme pertinen-
tes et cohérentes avec les exigences et les normes de l’autre rôle. En outre, les res-
sources fournies par l’un des rôles pourraient produire des émotions positives dans
l’autre rôle, notamment lorsque ce second rôle est central dans l’identité de l’individu
(Ashforth et al., 2000 ; Rothbard, 2001). Ce modèle implique que l’enrichissement, à
l’identique du soutien social, pourrait servir de régulateur pour protéger les individus
des conséquences négatives des conflits travail-famille. L’accumulation des activités
dans un rôle particulier génère en général des ressources variées et extensives et offre
la possibilité d’enrichir ou au contraire de dégrader l’interaction entre les deux rôles.
Dans cette logique, l’objectif devient d’identifier les conditions pour lesquelles l’accu-
mulation des rôles est davantage source d’enrichissement que de création de conflit.
Nous allons approfondir la revue de littérature directement sur ce dernier point.

2. Distinctions conceptuelles
Greenhaus et Powell (sous presse) ont défini l’enrichissement travail-famille comme,
« la mesure avec laquelle les expériences dans un rôle améliorent la qualité de vie
dans l’autre rôle » (p. 6). Carlson, Kacmar, Wayne et Grzywacz (2006) ont noté que
cet enrichissement est fondé sur le concept d’entraînement positif entre le travail et
la famille, qui fait référence au transfert de facteurs tels que les humeurs, les compé-
tences, les valeurs, et les comportements d’un domaine vers l’autre, de sorte que les
deux domaines deviennent similaires (Rothbard, 2001). L’enrichissement et l’entraîne-
ment positif entre le travail et la famille sont deux concepts distincts dans la mesure
où les expériences dans un domaine peuvent être transférées ou avoir des retombées
qui n’améliorent pas toujours la qualité de vie ou les performances dans l’autre
domaine (Carlson et al., 2006). Lorsque l’on souhaite faciliter la relation travail-
famille ou famille-travail, l’engagement dans un domaine produit des résultats qui
améliorent le fonctionnement dans l’autre domaine de sa vie. La différence majeure
entre l’enrichissement et la conciliation est que, alors que la première se focalise sur
les améliorations des performances individuelles dans un rôle donné (à savoir en tant
qu’employé ou parent), la seconde insiste sur les améliorations dans le fonctionne-
ment du système (à savoir la famille ou le groupe de travail dans leur ensemble). Tou-
tefois, l’enrichissement et la conciliation travail-famille ont été opérationnalisés de
façon similaire dans les recherches empiriques (Greenhaus et Powell, sous presse) et
Enrichissement et conciliation du lien entre le travail et la famille 193

sont utilisés de manière interchangeable dans la plupart des travaux. Nous procéde-
rons à l’identique dans la présente revue de littérature.

Concepts Définitions

Conflit travail-famille Type de conflit inter-rôle pour lequel « la participation dans le rôle familial est rendue plus diffi-
cile à cause de son implication dans un rôle professionnel » (Greenhaus et Beutell, 1985,
p. 77).

Conflit famille-travail Type de conflit inter-rôle pour lequel « la participation dans le rôle professionnel est rendue plus
difficile à cause de son implication dans un rôle familial » (Greenhaus et Beutell, 1985,
p. 77).

Enrichissement travail-famille « L’amélioration dans un rôle conduit à améliorer la qualité de vie dans un autre rôle »
Enrichissement famille-travail (Greenhaus et Powell, sous presse, p. 6).
L’enrichissement famille-travail ce centre sur les améliorations des performances liées à son
rôle.

Conciliation travail-famille « L’implication au travail (ou à la maison) est facilitée grâce aux expériences, compétences et
Conciliation famille-travail opportunités développées à la maison (ou au travail) » (Frone, 2003, p. 145).
La conciliation travail-famille met l’accent sur les améliorations du processus ou du système.

TABLEAU 6.1 – Définitions des concepts

L’enrichissement et la conciliation doivent être clairement distingués du con-


flit travail-famille et du conflit famille-travail (cf. tableau 6.1 pour les définitions de
ces concepts). Bien que ces concepts soient tous bi-directionnels, les concepts liés
aux conflits sont basés sur la prémisse qu’il y a une quantité de ressources fixe à par-
tager entre les rôles professionnels et personnels, sur un principe de « somme zéro ».
Donc, l’utilisation des ressources telles que le temps et l’énergie dans un domaine
réduit d’autant la disponibilité des ressources similaires dans l’autre domaine.
À l’opposé, l’enrichissement et la facilitation travail-famille (de même que leur con-
trepartie famille-travail) suggèrent que l’utilisation de ressources dans un domaine
peut augmenter la disponibilité et l’utilisation de ressources dans l’autre domaine.
Selon les conflits travail-famille et famille-travail, les ressources disponibles sont
limitées et créent une réduction nette des ressources disponibles dans un autre
domaine. Selon l’enrichissement et la conciliation travail-famille (et famille-travail),
la quantité de ressources est partagée et s’étend. Ainsi, l’enrichissement et la conci-
liation impliquent une relation positive et proche de la symbiose. Comme l’ont
démontré Grzywacz et Butler (2005), les variables qui illustrent le conflit et celles qui
illustrent la conciliation, bien que distinctes, ne sont pas parfaitement orthogonales.
La co-existence de niveaux variés de conflit et de conciliation entre le travail et la
famille est donc tout à fait envisageable (Grzywacz et Bass, 2003).
194 Les enjeux de carrière

3. Revue de littérature

3.1 MESURES DU CONFLIT ET DE LA FACILITATION ENTRE LE TRAVAIL


ET LA FAMILLE

Plusieurs revues exhaustives et détaillées ont été consacrées au conflit travail-famille


(Eby et al., 2005 ; Frone, 2003 ; Geurts et Demerouti, 2003). Ces revues s’appuient
sur le fait que seulement une poignée d’études ont étudié l’enrichissement (quelque-
fois présenté comme un effet d’entraînement positif ou de conciliation entre le travail
et la famille; voir Greenhaus et Powell, sous presse). Greenhaus et Powell ont relevé
que, des 21 corrélations entre le conflit et l’enrichissement qui sont mentionnées
dans leur méta analyse, seulement 8 sont significatives. En outre, la corrélation
moyenne de ces études est de -.02, ce qui signifie que les deux construits sont tout à
fait distincts. La plupart de ces études ont examiné le conflit et la conciliation à la
fois entre le travail et la famille, et entre la famille et le travail, à partir des quatre
types d’équilibre travail-famille de Frone (2003).
Bien que presque toutes les études aient opérationnalisé l’enrichissement et la
conciliation comme des construits uniques, Greenhaus et Powell (sous presse) ont
suggéré que l’enrichissement comporte plusieurs facettes et devrait être mesuré selon
plusieurs dimensions. De même, Carlson et al. (2006) ont développé des sous-échelles
séparées entre le travail-famille et la famille-travail, qui mesurent : (a) le gain de res-
sources, (b) le type de bénéfices obtenu grâce à un rôle donné, et (c) l’amélioration
du fonctionnement de l’individu dans l’autre rôle. Carlson et al. affirment que mesurer
ces dimensions séparément est fondamental pour conduire des recherches sur les élé-
ments à prendre en compte dans les interfaces entre plusieurs rôles. De plus, une
mesure séparée permet de comparer les effets des interactions travail-famille et
famille-travail. Pour l’enrichissement travail-famille, trois sous échelles ont été obte-
nues et validées (Carlson et al., 2006) : (1) le développement (« Mon engagement
dans mon travail m’aide à acquérir des compétences qui m’aident qui améliorent mon
rôle dans ma famille »), (2) les affects (« Mon engagement dans mon travail me met
de bonne humeur, ce qui m’aide à améliorer mon rôle dans ma famille »), et (3) le
capital (« Mon engagement dans mon travail me fournit un sentiment de succès qui
m’aide à améliorer mon rôle dans ma famille »). Pour l’enrichissement famille-travail,
trois sous-échelles ont été créées et validées (Carlson et al., 2006) : (1) le dévelop-
pement (« Mon engagement dans ma famille m’aide à comprendre les différents points
de vue et à améliorer mon rôle dans l’entreprise »), (2) les affects (« Mon engage-
ment dans ma famille me rend heureux et m’aide à améliorer mon rôle dans
l’entreprise »), et (3) l’efficience (« Mon engagement dans ma famille m’évite de per-
dre du temps au travail, ce qui m’aide à améliorer mon rôle dans l’entreprise »). Ces
mesures capturent les concepts de gains de ressources et les améliorations du fonc-
tionnement de manière plus complète que ne l’ont fait les mesures antérieures, qui
étaient unidimensionnelles. En outre, les dimensions de l’enrichissement sont quelque
peu différentes dans les domaines familiaux et professionnels.
En cohérence avec la théorie de la conservation des ressources, les résultats de
l’étude de Carlson et al. (2006) soutiennent l’hypothèse que les ressources sont utili-
Enrichissement et conciliation du lien entre le travail et la famille 195

sées différemment selon les domaines et que les concepts de conflit et de conciliation
travail-famille sont en effet distincts. Ces résultats ont été également obtenus dans
diverses autres études (Aryee, Srinivas et Hwee, 2005 ; Butler, Grzywacz, Bass et Lin-
ney, 2005 ; Kirchmeyer, 1992). Par exemple, Voyandoff (2004) a montré que, alors que
les exigences tendent à prédire du conflit dans l’interface travail-famille, les ressour-
ces tendent au contraire à encourager le processus de conciliation.

3.2 RARETÉ VS EXPANSION DES RESSOURCES


Une des premières études qui a comparé le modèle de rareté (qui conduit au conflit)
au modèle d’expansion (qui conduit à la conciliation) a été présentée par Kirchmeyer
(1992). Dans le modèle de rareté, l’engagement organisationnel et la satisfaction au
travail ont été présentés comme reliés négativement au temps et à l’engagement
investis dans le domaine personnel, et non professionnel; à l’opposé, dans le modèle
qui prône l’expansion des ressources, les deux attitudes au travail sont supposées être
associées positivement au temps et à l’engagement consacrés aux sphères non profes-
sionnelles. Afin d’étudier de manière plus approfondie la relation entre les ressources
personnelles et les attitudes au travail, l’engagement organisationnel et la satisfac-
tion au travail ont été présentés comme reliés aux ressources issues de la participa-
tion à des activités non professionnelles. À partir d’un échantillon d’hommes et de
femmes issus de milieux professionnels variés, les résultats montrent que le modèle
d’expansion est plus pertinent que le modèle de rareté pour expliquer les attitudes au
travail. Non seulement la plupart des employés sont actifs dans les sphères non pro-
fessionnelles, mais leur niveau d’engagement et de satisfaction au travail n’est pas
réduit par des investissements accrus en termes de temps ou d’engagement dans les
activités extra-professionnelles. Les ressources personnelles apparaissent donc comme
abondantes et même capables d’être étendues.
Ainsi, plus on passe du temps avec sa famille et ses réseaux de travail, et non
moins, plus les scores d’engagement organisationnel et de satisfaction au travail sont
élevés. L’étude de Kirchmeyer suggère que les ressources, appréhendées en tant
qu’affects positifs issus du travail, sont transférables de la famille vers le domaine
professionnel. En outre, en cohérence avec la théorie de la conservation des ressour-
ces, les ressources personnelles servent à fournir de l’énergie aux individus pour deve-
nir plus impliqués dans leur carrière (Hobfoll, 1989 ; Marks, 1977).
Une étude récente réalisée par Butler, Grzywacz, Bass, et Linney (2005) a exa-
miné comment le contrôle et les exigences vécues dans son travail interagissent pour
affecter le conflit et la conciliation travail-famille. S’appuyant sur le modèle exi-
gence-contrôle de Karasek (1979), ils formulent l’hypothèse qu’à la fois le contrôle et
le niveau de compétence dont on bénéficie dans son emploi, modèrent l’impact des
exigences sur le conflit et la conciliation travail-famille. Plus spécifiquement, ils sup-
posent que les exigences subies dans le travail sont reliées au conflit travail-famille
lorsque l’individu dispose de peu de contrôle et de compétences ; au contraire, il n’y a
aucun lien avec le conflit travail-famille lorsque le niveau de contrôle et de compé-
tences est élevé. À l’opposé, les exigences subies dans le travail sont reliées à la con-
ciliation travail-famille quand le contrôle et les compétences sont importants, mais
ne sont pas reliées à la conciliation quand ils sont faibles. Les résultats issus d’un
196 Les enjeux de carrière

échantillon de 46 couples à double carrière ont révélé des variations quotidiennes


significatives chez les participants, en matière de conflit et de conciliation travail-
famille. Les relations qui ont été trouvées entre les caractéristiques du travail et le
conflit travail-famille sont significatives pour les exigences et le contrôle dont dis-
pose l’individu dans son emploi, mais ne le sont pas pour le niveau de compétence.
Ainsi, ce n’est pas ce que l’individu fait dans son travail, mais la quantité de travail et
la mesure avec laquelle il peut exercer du contrôle sur son travail qui comptent. Con-
trairement à ce que prône la théorie exigence-contrôle, les exigences sont davantage
reliées au conflit travail-famille lorsque le contrôle exercé sur ses activités profes-
sionnelles est fort, ce qui laisse à penser que les emplois « actifs » peuvent être
néfastes à l’équilibre entre les rôles professionnels et personnels. Les relations entre
les caractéristiques de son travail et la conciliation sont aussi significatives. Au total,
les résultats de l’étude de Butler et al. soulignent des variations quotidiennes dans
l’équilibre entre les exigences et les ressources (surtout le contrôle). Mais posséder
trop d’une ressource n’est pas toujours avantageux, puisque cela conduit au conflit
travail-famille. Néanmoins, et en cohérence avec la théorie de la conservation des
ressources, le niveau de compétence et le contrôle sont des ressources transférables
depuis le travail vers les domaines familiaux.

3.3 CONCILIATION TRAVAIL-FAMILLE VS CONCILIATION FAMILLE-TRAVAIL


Les études de Kirchmeyer (1992) et de Butler et al. (2005) ont toutes les deux
démontré qu’il est possible de transférer des ressources soit du travail vers la famille,
soit de la famille vers le travail. Cependant, aucune n’a examiné le transfert simultané
dans les deux directions (cf. Brotheridge et Lee, 2005 ; Frone, 2003). Une des premiè-
res recherches à avoir étudié à la fois la conciliation travail-famille et famille-travail a
été réalisée par Grzywacz et Marks (2000). Leur étude vise à tester le rôle conjoint de
plusieurs variables explicatives du travail et de la famille. À partir d’un échantillon
d’employés américains, ils arrivent à la conclusion que l’anxiété, les exigences du tra-
vail et de la famille, le conflit familial, et l’engagement dans son travail, ne sont pas
reliés aux deux types de conciliation. À l’opposé, l’extraversion, le soutien social reçu
au travail, et la latitude dans la prise de décision sont tous reliés aux deux types de
conciliation. Le soutien social issu de la famille est associé seulement à la concilia-
tion famille-travail. En faisant référence encore une fois à la théorie de la conserva-
tion des ressources, ces résultats suggèrent que certaines ressources (le soutien des
collègues) sont transférables du domaine professionnel au domaine familial et vice
versa, mais que d’autres (à savoir le soutien familial) se transfèrent seulement d’un
domaine à un autre et non dans les deux directions. Donc, la possibilité de transférer
les ressources d’un rôle à un autre varie selon l’importance de son rôle (Greenhaus et
Powell, sous presse).
Une étude récente d’Aryee, Srinivas et Hwee (2005) a repris les quatre élé-
ments de la typologie de Frone, dont le conflit et la conciliation travail-famille et
famille-travail, comme conséquences des exigences et des ressources disponibles chez
l’individu (l’âge, la personnalité), dans l’emploi (la charge de travail, le soutien des
collègues), et dans la famille (l’engagement familial). Les résultats obtenus à partir
d’un échantillon d’employés de l’Inde confirment la pertinence du modèle de l’expan-
sion des ressources, au détriment du modèle de la rareté des ressources. Plus spécifi-
Enrichissement et conciliation du lien entre le travail et la famille 197

quement, ils arrivent à la conclusion que l’engagement au travail est relié


positivement à la conciliation travail-famille, alors que l’engagement à l’égard de sa
famille est relié négativement à la conciliation famille-travail. L’engagement au tra-
vail, en tant que source de motivation intrinsèque, conduit à des performances et à
des émotions positives au travail. L’humeur positive a un effet d’entraînement dans le
domaine familial, ce qui permet d’améliorer la conciliation travail-famille. À l’opposé,
l’influence négative de l’engagement à l’égard de la famille sur la conciliation famille-
travail laisse penser que dans une société collectiviste comme l’Inde, où le rôle fami-
lial prédomine sur le rôle professionnel, les employés se sentent obligés de limiter
leur engagement professionnel. Dans la lignée des travaux de Grzywacz et Marks
(2000), Aryee et al. ont trouvé que le soutien familial est relié à la facilitation
famille-travail, permettant ainsi aux employés de passer plus de temps au travail et
de se concentrer sur le développement de leur carrière.

3.4 DIFFÉRENCES DE SEXE


On a affirmé que, à cause de processus de socialisation différents, les hommes et les
femmes sont susceptibles de vivre le stress au travail et dans la famille différemment
(e.g., Duxbury et Higgins, 1991). Si l’on fait référence au rôle attribué à chaque sexe,
les hommes sont avant tout socialisés en tant que « pourvoyeurs des besoins maté-
riels du foyer » et, donc, peuvent percevoir davantage la famille comme créant des
interférences avec l’emploi. À l’opposé, les femmes tendent à être éduquées en tant
que « protectrices du foyer » et donc, sont plus susceptibles de voir que le travail
interfère sur la famille (Thompson et Walker, 1989). Comme l’ont suggéré Gutek,
Searle et Klepa (1991, p. 561), augmenter les heures passées dans le domaine que
valorise l’éducation reçue devrait être considéré comme normal, et non comme une
perte de temps qui ne pourra pas être utilisée dans l’autre domaine. C’est pourquoi,
comme Pleck (1977) l’a affirmé, les hommes sont plus à même d’accepter que le con-
flit au travail ait un impact sur leur famille, et les femmes sont plus prêtes à conce-
voir que les exigences familiales aient un impact sur leur travail.
Malgré tout, des résultats mitigés ont été trouvés dans les études qui ont exa-
miné les différences de sexe dans la perception des conflits et dans les processus de
conciliation de l’interface entre le travail et la famille. Les résultats des recherches
concernant les différences de sexe dans le conflit travail-famille sont contradictoires
(Frone, Russell et Cooper, 1992 ; Lambert, 1990). Par exemple, bien que quelques
chercheurs aient montré qu’il existe plus de contagion du stress familial vers le stress
au travail pour les hommes que pour les femmes (Bolger, Delongis, Kessler, et
Wethington, 1989), d’autres ont trouvé le résultat opposé (Crouter, 1984 ; Gutek
et al., 1991). De plus, Barnett (1993) a conclu dans sa revue de littérature que les
femmes vivent moins d’effet d’entraînement entre les deux rôles, alors que Williams et
Alliger (1994) arrivent à la conclusion inverse, et ce dans les deux directions – donc à
plus d’effet d’entraînement des émotions et des comportements d’un rôle à l’autre
pour les femmes que pour les hommes.
L’état de l’art proposé par Lambert (1990) indique qu’il n’y a aucune différence
de sexe dans les antécédents et les conséquences du stress liés à l’interaction entre le
travail et la famille (cf. Mottaz, 1986 ; Pleck et Staines, 1985). Cependant, dans une
198 Les enjeux de carrière

étude plus récente de 473 membres sélectionnés au hasard dans les Forces Armées
Canadiennes, Leiter, Clark, et Durup (1994) ont trouvé que le modèle théorique anti-
cipé entre le sexe et le stress au travail, mesuré avec le Maslach Burnout Inventory,
conduit à de meilleurs ajustements aux données que d’autres modèles alternatifs.
Tout particulièrement, les résultats de la MANOVA indiquent que les différences entre
les hommes et les femmes sont significatives pour la fatigue émotionnelle, les symp-
tômes psychosomatiques, la réalisation personnelle, le soutien du superviseur, et la
gestion du stress. Les résultats obtenus avec LISREL à partir de plusieurs échantillons
indiquent que les relations avec les pairs (soutien et cohésion entre collègues) et la
gestion du stress ont des rôles fondamentaux dans la détermination de la conciliation
travail-famille chez la femme, mais pas chez l’homme.
Toutefois, et de façon plus générale, plusieurs chercheurs ont été incapables
de trouver des différences de sexe dans l’importance et la direction des relations entre
les facteurs de stress, l’interférence travail-famille, les conséquences spécifiques à un
domaine, et les conséquences générales telles que la satisfaction à l’égard de sa vie
(Bedeian, Burke, et Moffett, 1988 ; Frone, Russell, et Cooper, 1992 ; Rice, Frone, et
McFarlin, 1992). Par exemple, dans leur étude menée auprès de 119 hommes et
119 femmes, Parasuraman, Greenhaus, et Granrose (1991) établissent que les facteurs
de stress au travail, le soutien au travail, le soutien de l’épouse, et le conflit travail-
famille prédisent la satisfaction au travail avec approximativement la même force
pour les hommes que pour les femmes. Ils arrivent aussi à la conclusion que les fac-
teurs de stress familiaux prédisent la satisfaction à l’égard de la famille avec exacte-
ment la même force pour les hommes et pour les femmes.
D’autres résultats contradictoires sur les différences liées au sexe ont été trou-
vés dans les travaux sur la conciliation travail-famille. Par exemple, Grzywacz et Marks
(2000) ont établi qu’il n’y a aucune différence significative dans les scores moyens de
conciliation entre les hommes et les femmes, quelle que soit la direction de la conci-
liation (travail-famille ou famille-travail). Toutefois, Aryee et al. (2005) arrivent à la
conclusion inverse. Ils trouvent que l’optimisme (en tant que ressource de nature
individuelle) et l’engagement dans le travail ont un impact plus fort sur la facilitation
famille-travail pour les hommes que pour les femmes. Quand on connaît l’importance
de la confiance en soi dans la construction de l’optimisme, on peut penser que les
hommes développent des attentes positives et gèrent mieux les situations de conflit,
conduisant à une meilleure conciliation. Le fait que de telles relations aient été trou-
vées pour la conciliation famille-travail et non pour la conciliation travail-famille
suggère que les hommes exercent plus de discrétion dans la sphère familiale en Inde
que ne le font les femmes. Les chercheurs en ont conclu que la conciliation famille-
travail dépend des attentes liées aux rôles traditionnels des deux sexes, alors que le
conflit travail-famille est sensible aux attentes liées aux rôles modernes des deux
sexes (attentes centrées sur les valeurs et les normes égalitaires).
Rothbard (2001) considère que des différences liées au sexe peuvent être
constatées si l’on teste les processus d’enrichissement et d’appauvrissement de
l’interface travail-famille. Ses résultats tirés d’un échantillon d’employés d’une grande
université publique révèlent que la perte d’énergie (vécue comme moins d’attention
portée à son travail) se produit plus souvent chez les femmes depuis la vie profes-
sionnelle vers la vie familiale. Une explication possible de ce résultat est que dans les
Enrichissement et conciliation du lien entre le travail et la famille 199

cultures occidentales, il y a une plus grande séparation entre les problèmes liés à la
famille et au travail. Sachant que les émotions négatives provenant de la maison sont
plus intenses que celles issues du travail, les femmes et les hommes adoptent diffé-
rentes stratégies pour gérer leur stress. Les femmes qui vivent des émotions négatives
dans leur famille sont plus engagées dans leur emploi (compensation de rôle), un
phénomène que Hochschild (1997) a découvert dans son analyse qualitative sur
l’équilibre travail-famille. À l’opposé, les hommes séparent leur engagement familial
et professionnel, de telle sorte qu’aucun lien n’existe entre les deux domaines (seg-
mentation de rôle), résultat qui a également été trouvé par Hochschild.
De façon similaire, et en cohérence avec les résultats d’Aryee et al. (2005),
Rothbard (2001) a constaté qu’il existe des différences de sexe dans l’enrichissement
travail-famille. Alors que chez les femmes l’enrichissement se produit depuis la famille
vers le travail, chez les hommes il se produit dans la direction opposée, c’est-à-dire
depuis le travail vers la famille. À nouveau, ces asymétries peuvent s’expliquer par des
normes culturelles différentes rattachées au rôle de chaque sexe. Sachant que les
frontières du travail et de la famille sont plus perméables chez les femmes que chez
les hommes (cf. Clark, 2000), il est moins acceptable pour ces derniers de faire part
de leurs problèmes familiaux au travail. Les normes qui sont à la fois culturelles et
organisationnelles encouragent une plus grande segmentation de rôle chez les hom-
mes, ce qui est aussi considéré comme un moyen pour gérer les déséquilibres entre le
travail et la famille (Hochschild, 1997). D’après la théorie de la conservation des res-
sources, les différences de rôle liées au genre supposent que les hommes et les fem-
mes perçoivent et utilisent les ressources différemment. Alors que les ressources
semblent plus transposables de la sphère familiale vers la sphère professionnelle pour
les femmes, pour les hommes, les ressources sont séparées de sorte que les conflits
entre les deux domaines sont gérés séparément.

3.5 VARIABLES SITUATIONNELLES


Les caractéristiques de l’emploi sont une première ressource qui peut affecter la con-
ciliation travail-famille (Butler et al., 2005 ; Grzywacz et Butler, 2005). Grzywacz et
Butler ont cherché à savoir si les emplois qui fournissent beaucoup de ressources con-
duisent à une plus grande conciliation travail-famille. Ils formulent les hypothèses
que la conciliation est facilitée lorsque : (1) les employés occupent des emplois qui
font appel à de l’autorité et à une variété de compétences, (2) les individus bénéfi-
cient d’emplois complexes, (3) les employés utilisent des compétences sociales et
interpersonnelles, (4) et les salariés occupent des postes dont les exigences physi-
ques et environnementales sont faibles. En outre, le besoin de développement per-
sonnel a été présenté dans cette étude comme une variable modératrice de la relation
entre les caractéristiques de l’emploi et la conciliation travail-famille. Les résultats,
obtenus à l’aide d’un échantillon américain de salariés de 25 à 74 ans, soutiennent
fortement les hypothèses émises. Quatre des cinq caractéristiques citées précédem-
ment sont corrélées à la conciliation travail-famille. En outre, deux indicateurs objec-
tifs des caractéristiques de l’emploi, la complexité et les compétences sociales, sont
liés à la conciliation. Ainsi, les emplois qui nécessitent des compétences sociales per-
mettent d’améliorer les compétences interpersonnelles à la maison, améliorant de ce
fait la capacité à maintenir ou promouvoir des relations familiales constructives
200 Les enjeux de carrière

(cf. Hochschild, 1997). Cependant, contrairement à ce qui était attendu, la com-


plexité est associée positivement à la fois à la conciliation et au conflit. Ceci peut
s’expliquer par le fait que certains emplois, tels que des postes managériaux, sont à la
fois exigeants et riches en ressources. Selon la théorie de la conservation des ressour-
ces, bien que les caractéristiques de l’emploi puissent être utilisées comme des res-
sources de qualité (cf. l’autorité et la prise de décision), elles renvoient aussi à des
exigences telles que les individus ont des difficultés à démêler et à rééquilibrer les
deux sphères de leur vie. Enfin, l’étude de Grzywacz et Butler (2005) conduit à la con-
clusion que le besoin de développement personnel ne modère pas la relation entre les
caractéristiques de l’emploi et la conciliation travail-famille, suggérant ainsi que les
ressources situationnelles sont d’une plus grande importance que les ressources indi-
viduelles (cf. Greenhaus et Powell, sous presse).

Le conflit et la conciliation travail-famille sont non seulement des conséquen-


ces importantes, mais aussi, comme l’ont démontré Rothbard (2001) et Kirchmeyer
(1992), des variables médiatrices du bien-être et de l’adaptation des individus. En
s’appuyant sur des travaux de recherche antérieurs, Voydanoff (2005) a étudié com-
ment les variables de la typologie de Frone (2003) peuvent être considérées comme
des variables médiatrices de la relation entre les ressources (antécédent), et la satis-
faction au travail, le stress au travail, la satisfaction maritale, et le risque marital
(conséquences). Les résultats révèlent que le conflit travail-famille sert de variable
intermédiaire (médiatrice) entre les antécédents identifiés et le stress. En outre, le
conflit famille-travail et la conciliation famille-travail médiatisent l’impact du soutien
social (en tant que ressource affective) sur la satisfaction et le risque marital. Donc,
le conflit et la conciliation travail-famille sont davantage associés à la qualité de la
vie au travail que le conflit et la conciliation famille-travail. À l’opposé, le conflit et
la conciliation famille-travail sont plus fortement reliés à la qualité de la vie maritale
que le conflit et la conciliation travail-famille. Ces résultats laissent penser qu’une
douce transition entre le travail, le réseau social, et la famille dépend des ressources
qui peuvent être transférées entre ces différentes sphères (Clark, 2000). En retour, la
facilité avec laquelle les individus jonglent entre les différents domaines de leur vie
affecte leurs attitudes et les relations entre chacun de ces domaines.

3.6 EFFETS CROISÉS

Les études mentionnées dans cette revue de littérature se sont centrées jusqu’alors
sur l’individu comme unité d’analyse. Comme l’ont affirmé Guerts et Demerouti
(2003), c’est une limite importante dans la littérature sur le lien entre le travail et la
famille, et davantage de recherches sont nécessaires sur les effets croisés de l’épouse
ou du conjoint, et vice-versa. Ces auteurs ont affirmé que le couple ou la famille
devraient être l’unité d’étude puisque ce qui se produit chez le conjoint est suscepti-
ble d’affecter le bien-être et l’adaptation émotionnelle du partenaire et des autres
membres de la famille. À partir des travaux sur l’épuisement professionnel, nous avons
identifié quelques études qui ont porté sur l’impact des effets combinés et croisés du
conjoint sur l’autre partenaire et sur les enfants. L’épuisement professionnel est la
variable finale principale dans ces études, et les antécédents étudiés sont très pro-
ches du conflit et de la conciliation travail-famille (Eby et al., 2005).
Enrichissement et conciliation du lien entre le travail et la famille 201

Dans une étude réalisée auprès d’officiers de police, Johnson, Todd et Subra-
manian (2005) ont découvert que les excès d’autoritarisme (i.e., appliquer des stan-
dards du travail à l’environnement familial de manière rigide) servent de variable
médiatrice dans la relation entre l’épuisement au travail et la violence de l’époux, et
prédisent directement la violence de l’époux. Esposito (1990) a aussi mis en avant les
débordements de l’épuisement des policiers sur leurs réactions avec leurs enfants. En
outre, le manque d’accomplissement personnel au travail est associé à une perte de la
cohésion familiale, d’après les perceptions des enfants adolescents des officiers de
police.
Les tensions au travail vécues par l’époux nuisent aussi au bien-être de son
conjoint à cause des effets de contagion (Westman et Etzion, 1995). Dans une recher-
che empirique sur les officiers militaires de combat et leurs épouses, Westman et
Etzion (1995) ont trouvé que le degré de contrôle et d’épuisement des maris est relié
aux mêmes variables chez leurs femmes qui, en retour, influencent les niveaux de
contrôle et d’épuisement des maris. En d’autres termes, l’effet de contagion de la ten-
sion émotionnelle se propage dans les deux directions. Egalement, Beehr, Johnson, et
Nieva (1995) ont mis en évidence que lorsque les officiers de police utilisent la reli-
gion comme stratégie de gestion du stress, la satisfaction de leurs épouses relative-
ment à leur affectation professionnelle s’améliore et les niveaux d’alcoolisme et de
stress diminuent. La religion apparaît ici comme un atout bénéfique aux deux époux.
De même, quand les épouses utilisent la religion pour gérer leur stress, leur niveau de
stress et de fatigue émotionnelle diminue, tout autant que celui des officiers de
police. Ainsi, l’usage de la religion par les épouses est lui aussi profitable aux deux
partenaires (Beehr et al., 1995).
En revenant à la théorie de la conservation des ressources, la gestion du stress
est une ressource importante pour faciliter l’interaction famille-travail, et cette res-
source est transposable de l’épouse au conjoint, et vice-versa. Ceci rejoint les travaux
de Grzywacz et Mark (2000) et d’Aryee et al. (2005) qui montrent que le soutien social
de la famille est associé à la conciliation famille-travail. De façon très intéressante, le
soutien de la famille n’est pas relié aux trois autres conséquences de l’équilibre tra-
vail-famille (à savoir, le conflit famille-travail et travail-famille, et la conciliation tra-
vail-famille), suggérant que l’adaptation positive du conjoint devient une ressource
sociale qui peut être exploitée au travail par l’époux.

4. Discussion
Cet état de l’art souligne l’intérêt naissant des chercheurs pour l’enrichissement et la
conciliation dans le cadre plus vaste des travaux sur l’équilibre travail-famille (Frone,
2003 ; Lewis et Cooper, 1999). Un thème central qui a été couvert dans cette revue de
littérature est le rôle que les ressources jouent en améliorant la conciliation travail-
famille et famille-travail. Plusieurs implications pour les chercheurs et les praticiens
apparaissent à l’issue de ces quelques pages.
202 Les enjeux de carrière

4.1 IMPLICATIONS POUR LES CHERCHEURS


Bien que la conservation des ressources ait servi de cadre théorique pour comprendre
le conflit travail-famille (Brotheridge et Lee, 2005 ; Guerts et Demerouti, 2003), nous
pensons qu’elle peut être tout aussi utile et pertinente pour comprendre comment
enrichir et concilier le lien travail-famille. La théorie proposée par Greenhaus et
Powell (sous presse) et les études qui ont été récemment publiées soulignent plu-
sieurs problématiques intéressantes qui mériteront de plus amples développements
dans l’avenir.
Une première problématique porte sur une meilleure connaissance du proces-
sus par lequel les ressources prennent des voies instrumentales et affectives pour
améliorer les performances intra- et inter-rôle (Greenhaus et Powell, sous presse). Un
beau défi pour l’avenir sera de déterminer si le conflit et la conciliation travail-famille
varient beaucoup d’un individu à l’autre, mais surtout pour un même individu et de
déterminer leur impact sur la performance dans chaque rôle (Butler et al., 2005). La
méthodologie utilisée par Butler et al. (2005), à base d’auto-évaluations quotidien-
nes analysées avec l’approche des incidents critiques (Flanagan, 1954), peut aider les
chercheurs à répondre aux questions suivantes : (1) est-ce que les individus changent
de ressources d’une tâche à l’autre dans un rôle donné ? (2) Est-ce que les ressources
sont transposables de manière équivalente du travail à la famille, et de la famille vers
le travail (cf. Aryee et al., 2005) ? (3) Quelles sont les conditions limites qui détermi-
nent si l’impact des ressources est instrumental, affectif, ou les deux sur les perfor-
mances dans chaque rôle ?
Une deuxième problématique est reliée à la perméabilité d’un rôle à l’autre. Les
développements théoriques actuels sur les frontières inter-rôle (Ashforth et al., 2000)
ont été utilisés pour étudier l’équilibre travail-famille (Clark, 2000). Selon la théorie
de Clark (2000), le travail et la famille génèrent des traditions, des valeurs, et des
comportements différents. C’est pourquoi les individus qui passent d’un rôle à l’autre
doivent faire des transitions quotidiennes entre les deux domaines. La facilité avec
laquelle ils y parviennent dépend du degré de proximité des traditions, des valeurs et
des comportements entre les deux domaines. De même, Ashforth et al. (2000) ont
affirmé que les rôles sont semblables quand les frontières sont flexibles et perméables
et quand l’identité individuelle est similaire d’un rôle à l’autre. À l’opposé, deux rôles
sont distincts quand les frontières ne sont pas franchissables et sont imperméables,
et lorsqu’il existe un fort contraste entre les identités de chaque rôle. Leur théorie
peut aider à répondre aux questions suivantes : (1) dans quelle mesure l’intégration
entre les rôles existe-t-elle, avec quelle facilité les ressources collectées dans un rôle
sont utilisables dans un autre ? (2) Est ce que le degré d’intégration entre les rôles
suit une logique instrumentale ou affective (Greenhaus et Powell, sous presse) ?
Les réponses à ces questions permettront de savoir dans quelle mesure les nor-
mes culturelles, ainsi que les rôles et les professions de chaque sexe, déterminent les
ressources qui vont être transférées pour faciliter les performances dans les deux
rôles. Par exemple, Ashforth et al. (2000) ont proposé que les cultures nationales col-
lectivistes, féminines, avec un faible sentiment d’incertitude et des distances hiérar-
chiques courtes, encouragent une meilleure intégration de rôle que les cultures
nationales individualistes, masculines, avec un fort sentiment d’incertitude et des dis-
Enrichissement et conciliation du lien entre le travail et la famille 203

tances hiérarchiques importantes. Si cette hypothèse est vraie, les possibilités de


transfert des ressources d’un rôle à l’autre varient selon la culture d’un pays. Dans une
société collectiviste comme l’Inde, où le rôle familial prédomine sur le rôle profes-
sionnel, les engagements familiaux peuvent conduire les employés à limiter leur
engagement de carrière, facilitant le lien famille-travail (Aryee et al., 2005). Toujours
en Inde, l’optimisme des hommes (en tant que ressource) et l’engagement dans le tra-
vail interagissent pour faciliter le passage famille-travail, suggérant ainsi que les
hommes sont plus discrets que les femmes dans les activités familiales.
Les différences de sexe dans la séparation et l’intégration des rôles expliquent
pourquoi les femmes occidentales sont plus capables de transposer les ressources
familiales (par exemple, la capacité d’éduquer) au travail lorsque des compétences
similaires sont requises, comme dans le cadre d’activités de soin et de santé. Ceci
peut aussi expliquer pourquoi les hommes concilient mieux l’interaction travail-
famille, et les femmes l’interaction famille-travail (Rothbard, 2001). Les travaux de
recherche qui intègrent la théorie de la conservation des ressources et la théorie des
frontières devraient mieux éclairer l’impact des ressources sur l’adaptation dans cha-
que rôle (Guerts et Demerouti, 2003).
Une dernière problématique qui peut être avancée dans les recherches futures
est la manière dont la conciliation travail-famille affecte l’épouse et la famille d’un
employé (Eby et al., 2005 ; Frone, 2003). Alors que l’enrichissement travail-famille se
centre sur la façon dont l’employé tire profit de l’interaction entre les deux rôles, la
conciliation travail-famille se focalise sur la manière dont l’unité ou le système
(i.e., le couple, la famille, le groupe de travail, l’entreprise) est utile (Carlson et al.,
2006). En ce sens, il y a un besoin pressant de comprendre non seulement comment
les ressources peuvent être transposées d’un rôle à l’autre, mais aussi comment elles
peuvent passer d’un individu à l’autre au profit de toute la famille (e.g., Beehr et al.,
1995 ; Westman et Etzion, 1995). Cet effet croisé a été largement étudié dans les tra-
vaux sur le stress et l’épuisement professionnel. Toutefois, il devrait être examiné
dans une perspective de partage des ressources qui serait cohérente avec la théorie
de l’échange social (Eisenberger, Huntington, Hutchison et Sowa, 1986). Les avanta-
ges et les implications pratiques des effets croisés semblent évidents, comme nous
l’avons souligné plus en avant.

4.2 IMPLICATIONS PRATIQUES


La recherche sur le soutien organisationnel perçu (Eisenberger et al., 1986) suggère
que « lorsque les employés attribuent la bonne transition entre leurs rôles au soin
que l’organisation apporte à leur bien-être, ils éprouvent un sentiment d’obligation et
témoignent de l’engagement à l’égard de leur organisation » (Aryee et al., 2005,
p. 143). Donc, les entreprises auraient intérêt à encourager davantage l’équilibre tra-
vail-famille (Frone, 2003). Malheureusement, la plupart des recherches sur les initiati-
ves organisationnelles qui visent à améliorer cet équilibre portent sur des études de
cas et des faits anecdotiques (e.g., Hochschild, 1997).
Très peu d’études ont porté sur l’impact de l’équilibre travail-famille sur la qua-
lité de vie des employés (Greenhaus, Collins et Shaw, 2003). À partir d’une enquête
menée auprès de comptables, Greenhaus et al. (2003) ont trouvé que les employés
204 Les enjeux de carrière

qui ont consacré plus de temps à leur famille qu’à leur travail, obtiennent des scores
de qualité de vie supérieurs à ceux qui ont passé autant de temps dans les deux
domaines. Les individus « équilibrés », en retour, mentionnent des scores plus élevés
de qualité de vie que ceux qui ont consacré plus de temps au travail qu’à leur famille.
Ces résultats ne sont pas surprenants quand on sait que, dans les relations d’emploi
actuelles, les employés recherchent de plus en plus d’équilibre, de temps et d’énergie
à consacrer aux activités non professionnelles (Lewis et Cooper, 1999). Les employés
demandent plus de flexibilité, dans un contexte de moindre sécurité d’emploi, de
changements accrus d’orientation à mi-carrière, et de nouvelles possibilités de défis
pour les couples à double carrière (Guerts et Desmerouti, 2003 ; Hochschild, 1997).

Face à ces changements de société, les entreprises sont en train de prendre


conscience des avantages à offrir un environnement de travail favorable à la famille
(Frone, 2003). Frone (2003) présente une liste d’initiatives organisationnelles qui
sont mises en oeuvre dans cet objectif: les aménagements de travail flexible (temps
flexible, travail à la maison), les congés (congé parental), l’aide à l’éducation des
enfants (garderies), et les services d’ordre général. Toutefois, aucune de ces initiati-
ves ne fournit aux employés les ressources qui influencent directement leurs perfor-
mances et qui peuvent être exportées dans les sphères non professionnelles. Cela dit,
les recherches sur l’impact des caractéristiques du travail (Aryee et al., 2005 ; Butler
et al., 2005 ; Grzywacz et Butler, 2005) suggèrent que ces dernières facilitent le
transfert vers le rôle familial.

En encourageant et en donnant de l’autonomie aux individus grâce aux pro-


grammes d’enrichissement de l’emploi et aux équipes autogérées, les employés seront
plus capables de gérer leur temps et leur énergie (Hochschild, 1997). Mais surtout, ce
sont les expériences et les compétences acquises par le biais de pratiques d’emploi
progressives qui améliorent le rôle et les performances en dehors du travail. En con-
trepartie, les ressources provenant de l’extérieur du travail, grâce aux contacts avec la
famille et les amis par exemple, peuvent générer une perception plus forte d’être sou-
tenu par les siens, ce qui facilite la conciliation famille-travail. Cette conciliation
réduit le stress et améliore la qualité de vie à la maison (Voydanoff, 2005).

À la lumière des résultats empiriques ci dessus et de ce que le sens commun


conduit à penser, nous remettons en cause le manque d’existence de programmes
visant à l’équilibre travail-famille. L’étude de cas de Hochschild (1997) offre une
réponse partielle, mais néanmoins claire, sur l’importance de cet enjeu. Cette auteure
a étudié la mise en place d’une politique propice à la famille, le Work-Life Balance Pro-
gram, dans une entreprise américaine au début des années 1990. En 1995, l’entre-
prise a du faire face à une compétition accrue et à des réductions d’effectif
(downsizing), tout en poursuivant et en augmentant ses bénéfices. Le Work-Life
Balance Program a été petit à petit démantelé lors de suppressions de poste impor-
tantes, pour couper les frais de personnel. Il paraît insoutenable qu’à un moment où
les employés ont le plus besoin d’un tel programme, il soit supprimé. L’entreprise
n’est pas restée longtemps un endroit où il fait bon travailler. La plupart des salariés
éprouvaient un sentiment d’insécurité dans leur emploi et ceux qui voulaient avoir
plus de temps pour leur famille se sentaient contraints d’utiliser leur temps et leur
énergie au travail. En conséquence, ils éprouvaient un sentiment d’aliénation plus fort
Enrichissement et conciliation du lien entre le travail et la famille 205

dans une entreprise qui prétendait être avant-gardiste en matière de politique fami-
liale, qu’ils ne l’auraient éprouvé dans une organisation classique.
La leçon est claire. Les ressources humaines devraient continuer à être des
atouts majeurs pour relever les défis des entreprises, et les programmes de soutien à
l’équilibre travail-famille apparaissent nécessaires pour répondre à cet objectif (Lewis
et Cooper, 1999). En donnant à ces programmes la priorité numéro un, les organisa-
tions peuvent non seulement enrichir la qualité de vie des employés, mais aussi amé-
liorer leur propre efficacité. À long terme, les deux parties ont tout à y gagner.
Chapitre 7

Les femmes et le plafond de verre

Sophia BELGHITI-MAHUT et Fabienne BASTID 1

Introduction

Plus de 12,5 millions de femmes représentent aujourd’hui, en France, près de la moi-


tié (46 %) de la population active 2 ; ces chiffres sont le résultat d’une progression
récente et considérable des femmes dans le monde du travail, par rapport à un temps,
pas si éloigné, où elles devaient obtenir l’autorisation de leur mari pour exercer une
activité professionnelle. En effet, en 1968, deux années après la levée de cette obli-
gation légale, près de 8 millions de femmes représentaient 35 % de la population
active soit un niveau inférieur à celui de 1931 (Insee, 2004). La féminisation du
monde du travail ne s’effectue pas de façon uniforme selon les secteurs d’activité, les
catégories socioprofessionnelles et les fonctions.
Un enjeu majeur réside dans le plafond de verre, qui caractérise le faible pour-
centage de femmes cadres dans les positions hiérarchiques élevées de l’entreprise.
Ainsi, si en droit elles ont accès à toutes les filières de formation et maintenant à
toutes les professions, les femmes ne sont que 24 % parmi les cadres et représentent
6 % de femmes cadres dirigeants dans les 5000 premières entreprises françaises (Lau-
fer et Fouquet, 1998). En outre, l’évolution de carrière d’une femme cadre est plus
difficile. Une observation de la situation dix ou quinze ans après leur début de car-
rière, montre que leur évolution est différente de celle des hommes (Morrison et al.,
1992). Les inégalités qui subsistent entre hommes et femmes se rapportent aux salai-
res, mais aussi à la carrière. Selon le rapport de Génisson (1999) 3 et de l’INSEE :

1 Université Montpellier 2 – Euromed Marseille.


2 Source : Insee Première, n° 1009, mars 2005 – Enquête sur l’emploi 2004.
3 Les chiffres qui suivent sont tirés d’études menées en 1998 et peuvent être consultés dans les
références suivantes : Génisson, 1999 ; Insee, 1998 ; Ministère de l’emploi – 1, 1999 ; Ministère de
l’emploi – 2, 1999.
208 Les enjeux de carrière

■ considérant les salariés ayant débuté comme « employé », 30 % des hommes


sont passés à la catégorie « profession intermédiaire », puis 26 % des hommes
à la catégorie « cadre supérieur » tandis que seules 17 % des femmes sont
passées à la catégorie « profession intermédiaire » et 4 % d’entre elles à la
catégorie « cadre supérieur » ;
■ considérant les salariés ayant débuté comme « profession intermédiaire »,
38 % des hommes contre 17 % des femmes sont devenus cadres.
Les femmes représentant près de 50 % de la population active et étant en
moyenne un peu plus diplômées que les hommes 4, on s’attendrait à retrouver aux
postes de responsabilités des entreprises la même proportion d’hommes que de fem-
mes. Or ce n’est pas encore le cas. Ce fait à été nommé « glass ceiling » ou « plafond
de verre » (Morrison et Von Glinow, 1990). Qu’est-ce que le plafond de verre et quels
sont les obstacles à la carrière des femmes ? Comment expliquer ces obstacles ? En
d’autres termes, quelles sont les théories de la carrière qui permettent d’expliquer le
plafond de verre ? Les femmes souffrent-elles du plafond de verre et leurs attitudes au
travail en sont-elles affectées ? L’objectif de ce chapitre est de faire un état de l’art
sur la métaphore du « plafond de verre » afin de répondre à ces trois questions.

1. Le plafond de verre : définitions, réalités

1.1 DÉFINITION DU PLAFOND DE VERRE


Rappelons quelques chiffres : les femmes représentent plus de 40 % des cadres fran-
çais et seulement 6 % des cadres dirigeants des 500 premières entreprises françaises.
Ce blocage dans l’ascension hiérarchique est communément désigné par la métaphore
du « plafond de verre ». Cette expression a été utilisée pour la première fois, en 1986
dans un rapport sur la situation des femmes dans les entreprises, par deux journalis-
tes du Wall Street Journal, qui ont désigné ainsi les barrières invisibles qui empêchent
la mobilité verticale des femmes dans les organisations (Hymowitz et Schelhardt,
1986).
Par la suite, Morrison et al., (1987) ont défini le plafond de verre comme étant
les barrières invisibles qui empêchent les femmes d’accéder à certains postes de
management, non pas parce qu’elles ont un déficit d’aptitudes nécessitées par ces
postes, mais uniquement du fait qu’elles sont des femmes. Littéralement, la méta-
phore implique qu’il existe des barrières au-dessous desquelles les femmes sont capa-
bles d’avancer hiérarchiquement, et au-dessus desquelles elles ne peuvent plus
progresser. En réalité, cette métaphore est la description d’un constat : il y a propor-
tionnellement peu de femmes dans les niveaux hiérarchiques élevés par rapport aux
hommes. Certes, les obstacles face à la promotion progressent également pour les
hommes quand ils évoluent dans la hiérarchie, mais l’idée du plafond de verre est que
ces obstacles s’intensifient pour les femmes.

4 Les Femmes. Portrait social. Collection Contours et Caractères, INSEE et Service des Droits des
Femmes, 1995.
Les femmes et le plafond de verre 209

Quelques chercheurs ont contesté la métaphore du plafond de verre, affirmant


qu’en dépit de son caractère facile et évocateur, sa définition demeure imprécise
(Hede et Ralston, 1993). Toutefois, l’expression « plafond de verre » et son évidence
continuent d’exister. Même si le recrutement des femmes est significativement impor-
tant, le déroulement de leur carrière stagne souvent dans les postes de management
intermédiaire. Dix ans après la publication de son premier ouvrage Men and Women in
the Corporation (1977), Kanter (Kanter, 1987) a constaté que même si les femmes
avaient réalisé des progrès considérables dans le milieu du travail, elles n’avaient tou-
jours pas réussi à aller au-delà du plafond de verre et d’accéder aux postes les plus
élevés. En outre, l’existence du plafond de verre est confirmée par les données de tous
les pays occidentaux. Les femmes représentent en Europe 41 % de la population
active, 10 % des postes de management et seulement 1 % des membres de CA (Vinni-
combe, 2000). En 2000, 10,1 % des hommes étaient considérés comme faisant partie
de la direction des entreprises dans l’Union européenne, contre 5,7 % des femmes
(Eurostat, 2002).

1.2 LES CAUSES DU PLAFOND DE VERRE


Morrison et al. (1992) indiquent que les barrières organisationnelles qui constituent
le plafond de verre sont au nombre de six :
1. un environnement professionnel qui les isole et ne les soutient pas ;
2. une structure qui traite les différences comme des faiblesses (selon la croyance
que les femmes ont un style de leadership différent) ;
3. l’exclusion des réseaux ;
4. peu d’aide et de préparation à la fonction de manager ;
5. les problèmes d’équilibre vie professionnelle-vie personnelle ;
6. le développement de la conscience organisationnelle.
Mattis (1994) a poursuivi l’étude des causes organisationnelles explicatives du
plafond de verre. Ce chercheur a trouvé que les organisations américaines qui tentent
d’identifier les barrières spécifiques à la carrière des femmes constatent :
■ l’existence de stéréotypes et des préjugés sur les aptitudes des femmes et leur
congruence à des postes de leadership ;
■ un manque de planification des missions et des postes ;
■ une exclusion des réseaux informels de communication ;
■ une aversion des managers à placer des femmes dans les positions de respon-
sabilité qui sont des positions génératrices de revenu ;
■ une absence de formation efficace en management pour responsabiliser les
managers au développement et à l’avancement des employées femmes ;
■ une absence de planification de la succession ne permettant pas d’apprécier
les potentiels féminins ;
■ des systèmes d’évaluation et de rétribution insuffisants, menant à des inégali-
tés en termes de salaires, primes, avantages… ;
■ un manque de données sur la progression des femmes ;
210 Les enjeux de carrière

■ une rigidité dans la définition des emplois du temps et des postes ;


■ l’absence de programmes permettant aux femmes d’équilibrer les responsabili-
tés professionnelles-familiales.
Ces causes organisationnelles permettent de comprendre les logiques qui font
obstacle à la carrière des femmes. Si, à l’heure actuelle, aucune recherche n’a tenté de
vérifier l’impact conjoint ou séparé de ces différentes causes, elles offrent de belles
perspectives pour les recherches à venir et ouvrent la voie à des travaux empiriques
plus quantitatifs qui permettront d’analyser en profondeur le rôle de l’organisation sur
la carrière des femmes.
Outre les causes organisationnelles, Burke et Mckeen (1994) ont avancé trois
hypothèses pour expliquer le plafond de verre.
La première est construite autour des façons dont les femmes diffèrent des
hommes. Elle conclut que ces différences sont responsables de la difficulté de pro-
gression des femmes dans leur carrière. Ainsi, les caractéristiques des femmes en ter-
mes d’attitudes, de comportements et de traits, les handicapent de façon particulière
et justifient que l’on pense que les femmes manquent de formation et d’expérience
pour être qualifiées à des postes de management. Mais les partisans de cette explica-
tion sont peu nombreux (Morrison et Von Glinow, 1990) et les études montrent qu’il
existe peu ou pas de différences dans les caractères, les aptitudes, la formation et les
motivations des hommes et des femmes (Powell, 1990).
La deuxième hypothèse est centrée sur les règles de partialité et de discrimi-
nation de la majorité envers une minorité. Les femmes cadres sont souvent confron-
tées aux préjugés et aux stéréotypes que les hommes ont d’elles (Kanter, 1977).
L’agrément général veut que le « bon » manager soit un homme.
La troisième hypothèse accentue la discrimination systématique et structurelle
révélée dans les politiques et pratiques organisationnelles qui affectent le traitement
des femmes et limitent leur avancement (Morrison, 1992). Ces pratiques et politiques
se manifestent par le peu de pouvoir attribué aux femmes dans les organisations, le
symbolisme, le manque de mentors et de sponsors, l’attribution de missions non sti-
mulantes et non créatrices d’opportunités d’avancement. Cette hypothèse rejoint les
travaux de Morrison et al. (1992) et de Mattis (1994). Une des contraintes organisa-
tionnelles tient au fait que les femmes sont coupées des réseaux, aussi bien formels
qu’informels, dont l’appui est essentiel pour obtenir un avancement au sein de l’entre-
prise. Alors que les hommes se constituent des réseaux en dehors de leurs heures de
travail, les femmes consacrent davantage leur temps libre à la vie familiale. Leurs res-
ponsabilités en matière d’éducation des enfants et de tâches ménagères pèsent ainsi
sur leur carrière.

1.3 LES STRATÉGIES D’ÉVITEMENT DU PLAFOND DE VERRE


Si l’on considère la démarche à l’envers, en partant des raisons d’ordre organisationnel
ou personnel qui expliquent l’arrivée de certaines femmes à ces postes en dépit de
tout, on constate que ces femmes, arrivées là où c’est le plus difficile, disent qu’elles
ont toutes (Ragins et al., 1998) :
Les femmes et le plafond de verre 211

■ dépassé les attentes de l’entreprise en termes de performance en travaillant


ardemment, en faisant preuve d’une sur-performance et améliorant constam-
ment leurs compétences et expertises ;
■ développé un style qui convient aux hommes en s’adaptant à l’environnement
masculin prédominant, en développant un style de management ni trop mascu-
lin ni trop féminin ;
■ recherché des responsabilités difficiles ou à forte visibilité. Ces missions diffi-
ciles leur permettent d’apprendre à gérer les défis, servent d’exercices pour des
trajectoires de carrières qui amènent au top management et leur fournissent
un accès plus ou moins direct aux décideurs ;
■ eu un mentor influent qui les sponsorise et les introduit dans les cercles des
cadres supérieurs et des réseaux masculins.
Dans la même logique de recherche, Morrison et al. (1987) ont aussi examiné
l’expérience des femmes qui ont atteint des positions élevées dans la hiérarchie. Ils
ont identifié quatre expériences professionnelles critiques :
■ être acceptée par l’organisation ;
■ recevoir des soutiens et des encouragements ;
■ profiter de la formation et des opportunités d’avancement ;
■ se voir offrir des postes à défis et des missions visibles.
Morrison a poursuivi ses travaux et a mené en 1992 une étude dans
60 organisations reconnues par leurs efforts de diversité 5, avec l’objectif d’identifier
les barrières face à l’avancement des femmes, les meilleures pratiques pour la diver-
sité, et les ingrédients de succès de ces efforts. L’auteur a identifié dix pratiques
importantes associées aux efforts de diversité. Ce sont dans l’ordre :
1. l’intervention de la direction ;
2. le recrutement de non managers pour des postes de management ;
3. les groupes internes de soutien ;
4. l’utilisation des statistiques et de profils pour étudier les conditions d’équité
en emploi ;
5. l’intégration des objectifs de la diversité dans les objectifs d’évaluation
globaux ;
6. l’inclusion des facteurs de diversité tels que les critères de promotion dans les
processus de promotion ;
7. l’inclusion des facteurs de diversité dans les plannings de succession ;
8. la formation sur la diversité ;
9. les réseaux informels et les groupes de soutien aux femmes ;
10. les politiques d’équilibre travail/famille.

5 Fait référence à l’hétérogénéité en termes de sexe, de race et de différence ethnique ; par la


suite ce terme a fait référence à un large ensemble de différences, incluant l’âge le handicap ou les
orientations sexuelles. Plus tard, la diversité a requis des définitions allant du multiculturalisme à
l’appréciation de tout ce qui constitue des origines différentes (Deutsch, 1991).
212 Les enjeux de carrière

Finalement, les barrières rencontrées par les femmes dans leur progression ont
plusieurs origines et proviennent de combinaisons « malheureuses » diverses. Entre
les règles formelles et les décisions concrètes, l’univers des entreprises reste essen-
tiellement masculin. Il reflète une réalité aux valeurs sociales et culturelles dominan-
tes. Les décisions de promotion reposent sur des exigences implicitement masculines.
Dans ce sens, l’entreprise serait, comme l’ont montré Bourdieu et Passeron pour
l’école dans les ouvrages Les Héritiers (1964) ou La Reproduction (1970), une institu-
tion qui reproduit les rapports sociaux de domination. La reproduction s’effectue par
la généralisation d’un système de valeurs et d’idéaux collectifs qui définissent dans
l’entreprise quelles sont les compétences désirables, puis leur mode de traitement à
travers des dispositifs de gestion et d’organisation.

2. Les approches théoriques du plafond de verre


Les explications sur l’actuelle inégalité de carrière entre les hommes et les femmes
sont multiples. Trois perspectives sont proposées dans la littérature pour traiter de
ces points (Parker et Fagenson, 1994) : l’approche par le « genre », l’approche par
l’organisation, et l’approche genre-organisation-système. Ces perspectives théoriques
sont utilisées, non seulement comme des modèles de recherches, mais aussi parce
qu’elles décrivent les perspectives organisationnelles adoptées explicitement ou
implicitement quand il s’agit de problème d’égalité de sexe au niveau professionnel.

2.1 L’APPROCHE PAR LE « GENRE »


La première approche pour comprendre l’inégalité professionnelle entre les hommes et
les femmes est l’approche centrée sur le genre (le sexe) développée par Horner
(1972), Terborg (1977), puis plus tard Riger et Galligan (1980). Le concept de genre
est issu de la littérature anglo-saxonne, qui oppose gender à sex pour dissocier les
aspects sociaux (gender) des aspects biologiques (sex) en matière de différence
sexuelle. Selon Stoller (1968), « ce qui détermine le comportement de genre des
enfants n’est pas le sexe (biologique), mais les expériences vécues après la naissance.
Un processus très compliqué commence dès l’étiquetage autoritaire et arbitraire du
petit enfant comme mâle et comme femelle ». Dans l’introduction de son ouvrage
Recherches sur l’identité sexuelle, Stoller (1968) établit déjà la distinction aujourd’hui
classique entre sexe et genre. Le sexe relève du biologique : on est mâle ou femelle
en fonction de l’état de ses organes génitaux, de ses hormones et de ses caractères
sexuels secondaires. Le genre, à l’opposé, se situe sur un plan psychologique. On
retrouve ainsi une représentation du niveau anatomique et biologique de la personne
et du niveau psychologique et sociologique.
L’argument premier de cette première approche est que le genre, que ce soit à
cause des origines biologiques ou des influences sociales, détermine la plupart des
aptitudes, compétences, et autres caractéristiques qui font les comportements.
D’après cette approche, les femmes possèdent moins de compétences et d’aptitudes
nécessaires au management que leurs collègues masculins. Ce postulat suggère que
les problèmes d’avancement des femmes sont dus à des carences dans leurs personna-
lités, leurs motivations et leurs attitudes. De telles carences poussent les femmes à
Les femmes et le plafond de verre 213

adopter des comportements nuisibles à leur performance et à leur avancement dans


les organisations, ce qui explique leur faible nombre dans les échelles supérieures de
la hiérarchie.
Quelques recherches qui se focalisent sur la patriarchie, suggèrent que les
hommes ont le désir de maintenir les femmes dans un statut de dépendance, ce qui
contribue à limiter leurs opportunités d’emploi, y compris leurs chances d’accéder à
des postes de direction (Strober, 1984). Les recherches montrent que cette perspec-
tive est encore présente dans les esprits des managers masculins aujourd’hui (Bren-
nan et al., 1989 ; Heilman et al., 1989). Une autre variation de cette approche
centrée sur le genre, est que les femmes possèdent des compétences différentes de
celles des hommes. Les femmes ont plus le souci des relations humaines et insistent
plus sur les processus que sur les résultats ou les tâches (Helgesen, 1990). La troi-
sième déclinaison de l’approche centrée sur le genre, est l’« approche des contribu-
tions complémentaires » (Adler et Izraeli, 1988), qui est surtout répandue en Europe.
Dans cette optique, les différences entre les hommes et les femmes sont certes basées
sur le genre, mais cette théorie ne suggère pas que les femmes ou les hommes soient
fondamentalement meilleurs ou plus mauvais managers, mais que leurs performances
managériales varient selon les tâches qu’ils ont à accomplir.
L’approche par le genre ne permet pas de comprendre de façon complète la
situation des femmes dans les organisations. Cette perspective demeure inadéquate
pour expliquer toutes les difficultés rencontrées par les femmes dans leur ascension
en se basant uniquement sur des caractéristiques individuelles. En réponse à ces limi-
tes, d’autres approches théoriques ont été proposées dans la littérature.

2.2 L’APPROCHE PAR L’ORGANISATION


La deuxième perspective explicative du plafond de verre soutient que les différences
observées dans le comportement managérial des hommes et des femmes sont provo-
quées par des situations différentes sur le lieu du travail. Cette perspective est appe-
lée l’approche par la structure ou la situation organisationnelle (situation or
organization approach) et affirme que les différences relevées entre les hommes et les
femmes pourraient être dues aux caractéristiques de l’organisation. La manière dont
les femmes utilisent le pouvoir expliquerait leur nombre relativement faible dans les
positions managériales élevées (Kanter, 1977).
Dans cette approche, ce sont donc les caractéristiques des organisations et
non celles des individus qui expliquent les comportements. Cette vision de la problé-
matique des femmes a été popularisée par les recherches de Kanter (1977). Kanter a
mené en 1977 une recherche sur les femmes et l’égalité professionnelle qui s’est pro-
longée pendant deux années dans une entreprise américaine. Le raisonnement de
Kanter repose sur l’idée que le comportement d’une femme cadre est en fait une
réponse « raisonnable » à la situation que l’organisation lui propose. Il est de ce fait
séparable de sa nature féminine et est relié aux caractéristiques formelles des postes
qu’elle occupe et de la position de ces postes dans l’entreprise. Ainsi, pour l’accès aux
positions de direction, quand il est difficile de mesurer objectivement les aptitudes
nécessaires à un poste, le choix des personnes se fait sur des bases de similarités
sociales, par une reproduction « homo-sociale ». Cette reproduction se transforme en
214 Les enjeux de carrière

reproduction « homo-sexuel », et les femmes sont ainsi exclues parce qu’elles ont des
caractéristiques sociales différentes. Kanter (1977) souligne le fait que l’absence
d’opportunités d’avancement incite les femmes à adopter des attitudes défavorables à
leur promotion, comme le désintérêt pour les postes élevés. Ce serait la rareté et non
la féminité en soi qui façonnerait l’environnement professionnel des femmes dans les
sphères de management à prédominance masculine. Cette rareté des femmes cadres
tend à créer trois phénomènes :
1. La visibilité : quand des individus représentent une faible proportion numéri-
que dans un groupe, ils cristallisent alors une plus grande part d’attention que
les autres membres du groupe. La visibilité tend à créer une pression à être
performant. Comme la femme est minoritaire, tous ses actes sont chargés de
conséquences symboliques car elle représente de ce fait toutes les femmes, et
non juste elle seule. Les femmes cadres se retrouvent face au problème de bien
faire sans trop en faire.
2. Le contraste : les personnes appartenant à un groupe majoritaire ont tendance
à exagérer leurs différences avec les personnes qui sont en minorité, ce qui
impliquerait pour les personnes ayant un statut non conforme comme les fem-
mes cadres, des échanges très limités avec les autres membres et des tendan-
ces à être isolées. En dehors d’occasions formelles, les femmes ont moins
d’interaction avec les hommes, ce qui favorise leur isolement.
3. L’assimilation : elle vise à utiliser des stéréotypes pour désigner les personnes
minoritaires. Ainsi, les femmes cadres ne sont jamais vues pour ce qu’elles
sont, mais sont enfermées dans certains rôles qui leur sont désignés et qui ne
les avantagent pas toujours.
Kanter recommande des changements dans le fonctionnement des organisa-
tions afin de favoriser l’acceptation des minorités. Une répartition numérique plus
égalitaire modifierait le comportement des femmes. Le poids critique à atteindre est
estimé à 35 % de femmes en position de cadres. Au-dessous de ce pourcentage, les
personnes minoritaires auraient des difficultés à exprimer leur spécificité et à se dis-
socier des stéréotypes associés à leur groupe.
Pigeyre (1999) a mené une recherche dont la problématique principale porte
sur la carrière et l’analyse des mécanismes mis en œuvre à l’intérieur de l’organisation
pour créer une situation de contraste entre les hommes et les femmes. Son étude a
permis d’analyser les parcours d’une dizaine de femmes exerçant des fonctions de
direction. Elle montre que les carrières des femmes qui atteignent les plus hautes
fonctions sont vues d’une part comme un compromis à la fois fragile et audacieux, et
d’autre part, comme un compromis en marge des règles de gestion. Pigeyre (1999)
définit deux orientations séparées pour les approches habituelles de la carrière : les
approches dites « objectives » qui mettent l’accent sur des éléments contextuels
extérieurs à l’individu, et les approches dites « subjectives », centrées sur l’individu,
mettant l’accent sur les représentations que les individus ont de leurs propres capaci-
tés et compétences, ainsi que les intérêts et valeurs professionnelles.
Ces approches, bien qu’éclairantes, semblent réductrices parce qu’« elles
n’interrogent pas les mécanismes de gestion ni les pratiques, conscientes ou incons-
cientes qui, au sein des organisations favorisent ou au contraire gênent les femmes
Les femmes et le plafond de verre 215

dans leur accès à des fonctions de direction » (Pigeyre, 1999). Les apports de cette
approche privilégiée par Pigeyre, manifestent qu’il est indispensable de se tourner
vers l’intérieur de l’organisation, ses structures et son fonctionnement, pour tenter de
comprendre où et comment se prennent des séries de décisions d’affectation des indi-
vidus aux emplois qui, au bout du compte, se font au détriment des femmes.

2.3 L’APPROCHE GENRE-ORGANISATION-SYSTÈME (G-O-S)


La troisième approche qui a été utilisée pour expliquer l’inégalité de carrières des
hommes et des femmes en management, est l’approche « gender-organization-
system » (GOS). Cette approche, développée intégralement par Fagenson en 1990,
suggère que le comportement des femmes et leur progression dans les organisations
peuvent être expliqués par le contexte organisationnel et/ou le système social et ins-
titutionnel dans lesquels elles évoluent. Ce cadre d’analyse développe en quelque
sorte les deux théories précédentes. Il adopte les aspects de l’approche basée sur le
genre, en affirmant que les situations influencent les comportements des individus,
mais que les individus peuvent être aussi différents les uns des autres en fonction de
leur genre (Fagenson, 1990, 1993). Cette approche comporte aussi deux autres
hypothèses :
a. l’individu et son organisation ne peuvent être compris séparément de la
société (et de la culture) dans laquelle ils évoluent et travaillent ;
b. quand l’individu, l’organisation, ou le système dans lequel ils sont enracinés
changent, les autres composantes changent aussi (Fagenson, 1993).

FIGURE 7.1 – Interaction femme-organisation-société

L’argument central de cette théorie est que la situation des femmes dans les
organisations est affectée conjointement par leur sexe et par la structure de l’organi-
sation. Cette théorie fournit un cadre meilleur pour l’analyse des organisations, parce
qu’elle considère les statuts des hommes et des femmes dans les organisations en
tenant compte du contexte organisationnel et sociétal qui font émerger les différen-
ces ou les égalités, ce que nous avons schématisé dans la figure 7.1. Au lieu d’affir-
mer que les femmes sont meilleures que les hommes ou que les hommes sont
meilleurs que les femmes, propos de l’approche centrée sur le genre, ou que les orga-
nisations ont particulièrement besoin de changer, ce qui est l’argument central de
l’approche organisationnelle, l’approche GOS suggère que les gens, les organisations,
les rôles et les sociétés changent en réponse aux changements environnementaux à
216 Les enjeux de carrière

des rythmes différents (Parker et Fagenson, 1994). Le fait est qu’il existe des rythmes
et des vitesses différentes qui pourraient expliquer pourquoi le progrès envers l’éga-
lité managériale en faveur des femmes est différent à travers le monde.
Une organisation qui adopterait l’approche GOS en viendrait à considérer
l’objectif d’équité managériale pour les femmes comme la quotité d’un changement
systémique, qui nécessite une certaine adaptabilité des membres, de la structure, de
la stratégie et de la vision de l’organisation. Cela suggère un progrès qui ne résulte
pas d’une action singulière, mais d’une interaction de forces sociales, politiques, cul-
turelles et organisationnelles. Cette approche affirme ainsi que la prise en considéra-
tion du contexte de l’organisation comme un concept plus élargi que la structure du
pouvoir, est plus pertinente pour l’analyse. Le contexte de l’organisation comprend
des facteurs tels que la culture de l’organisation, son histoire, son idéologie et sa
politique, aussi bien que sa structure. Selon Fagenson (1990), plusieurs exemples de
situations illustrent pourquoi les femmes ont de la difficulté à accéder à des postes de
haut management :
1. l’effet dévastateur d’un procès en discrimination qu’aurait connu une compa-
gnie (son histoire) ;
2. une croyance organisationnelle que certains individus devraient être promus
en premier car ils possèdent des compétences spécifiques comme les anciens
militaires (les préjugés) ;
3. une culture paternaliste qui utilise les performances individuelles (comme cel-
les démontrées sur le terrain de golf) comme base de promotion. En d’autres
termes, il s’agirait d’une certaine culture basée sur le favoritisme des hommes
complices (culture et politique).
Donc, cette approche suggère un troisième facteur, non évoqué par les deux
autres approches influençant le comportement des femmes et leurs aptitudes à
atteindre les nivaux élevés de la hiérarchie : le système social et institutionnel dans
lequel l’organisation est située. Par exemple, l’« affirmative action » aux États-Unis,
ou les lois sur la maternité, affectent la façon avec laquelle les femmes sont considé-
rées et traitées dans les organisations. Ces facteurs peuvent, à terme, affecter et être
affectés par les attitudes, les comportements et les cognitions que les femmes déve-
loppent envers leur travail et leur organisation.

3. Conception féminine de la carrière et


plafond de verre

L’analyse de la littérature nous montre que la théorie des carrières a traditionnelle-


ment été écrite indifféremment de la variable genre, c’est-à-dire en se fondant princi-
palement sur des modèles masculins. Si la question de la spécificité de la carrière des
femmes est soulevée par les auteurs classiques (Van Maanen et Schein, 1977 ; Hall,
1976 ; Super, 1957), ils ne proposent pas de modèles spécifiques à l’un ou l’autre
genre. Plus récemment et parallèlement à la féminisation des carrières, de nombreux
auteurs ont mis en évidence la nécessité de questionner et de réécrire la théorie des
carrières, dès lors que l’on s’intéresse au plafond de verre (Mainiero et Sullivan,
Les femmes et le plafond de verre 217

2005 ; Powell et Mainiero, 1992 ; Fagenson, 1990 ; Gallos, 1989 ; Marshall, 1989 ;
Larwood et Gutek, 1987).
Larwood et Gutek (1987) affirment que les carrières des femmes sont et reste-
ront vraisemblablement différentes de celles des hommes dans la mesure où les atten-
tes des femmes et des hommes vis-à-vis de la carrière sont différentes. Gallos (1989)
met également en évidence les raisons pour lesquelles le développement de carrière
des femmes est singulièrement différent de celui des hommes. Elle argumente en
affirmant que c’est en utilisant les standards masculins de carrière et de réussite de
carrière, que l’on peut considérer que les carrières de femmes qui ont choisi de favori-
ser l’équilibre entre leur vie professionnelle et privée, ne sont pas réussies. L’auteur
pointe les différences profondes de perspectives, de choix, de priorités et de modèles
de carrière des femmes, influencées par les représentations culturelles, les opportuni-
tés de carrière, les contraintes maritales, liées à la naissance des enfants et aux
demandes familiales plus généralement. Ce sont ces différences de perspective que
nous allons étudier à présent, à travers le sentiment de réussite professionnelle tel
que défini et vécu par les femmes.

3.1 FEMMES ET RÉUSSITE DE CARRIÈRE


Parallèlement au développement de la théorie relative au plafond de verre, d’impor-
tantes recherches empiriques, principalement quantitatives, ont été menées depuis le
début des années 1990 sur l’étude de la réussite de carrière à la lumière de la variable
genre et de ses déterminants. La plupart de ces recherches se sont concentrées sur
l’étude comparative de la réussite de carrière objective des femmes et des hommes et
de l’influence relative des différents déterminants selon le sexe. Landrieux-Kartochian
(2004) propose une analyse très complète de ces différentes études dont nous repre-
nons les conclusions dans le tableau 7.1, p. 218. Les déterminants plus particulière-
ment étudiés dans ces études concernent les variables démographiques relatives à la
situation familiale, au capital humain (expérience professionnelle, interruptions de
carrière), mais aussi au contexte organisationnel (environnement de travail en terme
de genre, mentoring ) et au capital social.
Plus récemment, Ng et al. (2005) ont eux aussi montré, dans une méta-analyse
consacrée à l’étude des déterminants de la réussite de carrière, que les relations entre
les variables relatives au capital humain et au soutien organisationnel et la réussite
de carrière sont différentes pour les femmes et les hommes.
218 Les enjeux de carrière

Études Conclusions

Stewart et Gudykunst (1982) Il y a des différences dans le déroulement de carrière et dans les prédicteurs de carrière des hom-
mes et des femmes cadres. Pour réussir, les femmes doivent percevoir l’importance du système
formel et informel de promotion.

Stroh, Brett et Reilly (1992) Même lorsque les femmes suivent un modèle de carrière masculin, leur progression en terme de
carrière est moindre, ce qui pose la question de savoir pourquoi les femmes devraient continuer à
le suivre. Les organisations devraient donc s’interroger sur leurs comportements pour ne pas les
démotiver.

Chênevert et Tremblay (1998) Les variables prédictives du succès dans la carrière sont différentes pour les hommes et les fem-
mes cadres, ce qui rend nécessaire de construire des modèles de carrière différents et de permet-
tre ainsi aux organisations d’adopter des politiques de ressources humaines adaptées au sexe.

Chênevert et Tremblay (2002) La variable genre ne peut être éliminée pour rendre compte du salaire et du niveau hiérarchique
atteint. L’existence d’une possible discrimination dans les entreprises canadiennes ne peut pas
être niée. Il faut des modèles de carrière différents pour les hommes et les femmes cadres et les
entreprises devraient adopter des politiques spécifiques de gestion de carrière en fonction du
sexe.

Tharenou, Latimer et Conroy Les auteurs confirment les théories selon lesquelles l’avancement des femmes résulte d’interac-
(1994) tions de facteurs personnels et situationnels. Les femmes ont besoin de soutien organisationnel
pour être encouragées à suivre des formations continues et réduire le poids des responsabilités
domestiques.

Tharenou et Conroy (1994) Les variables centrées sur la situation sont plus reliées à l’avancement managérial des femmes
que celles relatives à la personne. Dans l’ensemble, l’avancement des hommes et des femmes
cadres est prédit par les mêmes variables, même si l’avancement des hommes est mieux expli-
qué.

Tharenou (2001) Après le capital humain et les opportunités de carrière, les aspirations à devenir cadre et la mascu-
linité sont les prédicteurs les plus importants pour l’avancement managérial. Au premier niveau du
management, une hiérarchie masculine est un frein à la carrière des femmes. Les encourage-
ments à faire carrière prédisent plus l’avancement des femmes aux plus hauts niveaux de mana-
gement. Par conséquent, les organisations doivent veiller à adopter des politiques d’action
positive pour contrecarrer le poids d’une hiérarchie mâle et créer un climat favorable aux femmes.

TABLEAU 7.1 – La réussite de carrière objective des femmes et des hommes cadres :
conclusions des principales études empiriques
Source : Landrieux-Kartochian, 2004, pp. 74-83.

3.2 FEMMES ET SATISFACTION À L’ÉGARD DE LA CARRIÈRE


Les études empiriques ayant étudié simultanément réussite de carrière objective et
subjective des femmes et des hommes sont rares (Belghiti, 2003 ; Dann, 1995 ;
Gatticker et Larwood, 1990 ; Judge et al., 1995 ; Kirchmeyer, 1998). Elles montrent
pour certaines que les femmes peuvent se montrer aussi satisfaites de leur carrière
que les hommes même si elles atteignent un niveau de réussite de carrière objective
moindre. Parmi les théories pouvant expliquer les différences de perception de réus-
site de carrière entre les femmes et les hommes, celles de Davis (1959), Kanter
Les femmes et le plafond de verre 219

(1977) et Crosby (1982) sont le plus fréquemment mobilisées (Saba et Lemire, 2004).
Selon Davis (1959), les femmes ayant tendance à se comparer aux autres femmes plu-
tôt qu’aux hommes quand elles évoluent dans un environnement fortement masculi-
nisé, se montrent satisfaites de leur carrière car elles effectuent une comparaison
interne. C’est lorsqu’elles comparent leur carrière à celle des hommes qu’elles peuvent
alors se sentir insatisfaites et en conséquence, ne pas attendre un niveau de réussite
de carrière équivalent à celui des hommes. Selon la théorie de Kanter (1977), les fem-
mes, compte tenu de leur faible nombre dans les niveaux les plus élevés de la hiérar-
chie, rencontrent des contraintes au sein des organisations qui les empêchent de
connaître une réussite de carrière objective équivalente à celle des hommes. Cons-
cientes de cet état de fait, les femmes adoptent une conception interne de la réussite
de carrière qui les empêchent d’être insatisfaites. Enfin, Crosby (1982) avance que
c’est parce que les femmes ont des objectifs en termes de responsabilités moins
importants que ceux des hommes, que leur moindre réussite de carrière objective
n’entraîne pas d’insatisfaction. Cette hypothèse est issue de la « relative deprivation
theory ».
Au-delà de la perception de la réussite de carrière, c’est la question de la con-
ception même de la réussite de carrière par les femmes qui est posée. Ainsi, il appa-
raît que les femmes conçoivent davantage que les hommes, la réussite de carrière
comme un processus de développement personnel (Hennig et Jardim, 1978 ; Nichol-
son et West, 1988) qui sous-entend un travail intéressant et des défis (Asplund,
1988 ; Marshall, 1984) et la possibilité de concilier vie professionnelle et vie privée
(Powell et Maniero, 1992). Nous pouvons également citer le travail récent de Sturges
(1999) qui, à travers une approche qualitative, s’est intéressée aux conceptions indi-
viduelles de la réussite de carrière d’un échantillon de cadres hommes et femmes et
qui met également en évidence que les femmes seraient moins enclines que les hom-
mes à définir le succès de carrière en termes hiérarchique ou financier et davantage
en termes d’accomplissement personnel, de réalisation de soi et de reconnaissance
personnelle. Ce résultat n’est que partiellement confirmé dans une étude de Saba et
Lemire (2004), qui montre que le salaire, le nombre de promotions et le niveau de
poste, influencent autant la satisfaction de carrière des femmes que celle des hom-
mes. Nous pouvons retenir de cela que la question des critères retenus par les femmes
pour évaluer leur réussite de carrière mérite encore largement d’être étudiée. Comme
le suggèrent Arthur et al. (2005), le recours à des approches qualitatives peut consti-
tuer une méthodologie de recherche particulièrement efficace et qui a jusque-là été
largement négligée.

3.3 TYPOLOGIE DES CARRIÈRES DES FEMMES


Partant de ces résultats et de la mise en évidence des différences affectant les carriè-
res des femmes par rapport à celles des hommes tant sur la plan théorique qu’empiri-
que, il devient particulièrement pertinent de s’interroger sur les spécificités des
carrières des femmes et de tenter de dessiner les traits caractéristiques des différents
types de carrières conjuguées au féminin. Dès 1982, Laufer, précurseur en ce
domaine, s’intéresse à la carrière des femmes cadres et propose une typologie de
« carrières au féminin » qui, plus de 20 ans après, semble toujours constituer une
base solide de réflexion (tableau 7.2, p. 220).
220 Les enjeux de carrière

La carrière au féminin

Statut des femmes cadres Diplômes Apprentissage du rôle de cadre

Type de carrière 1. La soumission à la différence


– Le rôle féminin traditionnel structure le rapport à la carrière : il faut savoir rester à sa place
– La difficulté d’un projet de carrière autonome
– Accepter de choisir soit la carrière, soit la vie privée, afin de se conformer à la représentation masculine du « choix » nécessaire
à toute femme qui veut faire carrière

Statut fondé sur l’utilisation de la diffé- – Autodidactes – Vendeuse, secrétaire ou aide-


rence, ou sur l’emploi de « qualités – 40-50 ans comptable
féminines » – 15 ans pour devenir cadres, 10 ans
pour devenir chef

Type de carrière 2. La reconnaissance de la différence


– Postes complémentaires à ceux des hommes
– Polarisation sur la compétence
– Recherche de l’influence plutôt que du pouvoir
– Recherche d’un équilibre entre vie professionnelle et vie privée
– Intérêt peu marqué pour les problèmes d’encadrement

Statut plus égalitaire mais des carrières – Diplômes techniques ou – Savoir suivre son patron et avoir sa
différentes : postes d’assistantes, postes universitaires confiance
d’études, postes fonctionnels – 25- 40 ans – Vous aurez des difficultés pour
repartir vers une carrière
opérationnelle
– Chef de produit ? Difficile
– Faire de la route ? Impossible

Type de carrière 3. L’exploitation de la différence


– Choisir un univers à l’écoute des femmes
– S’affirmer comme une femme dans un monde dominé par les hommes
– Goût du conflit
– Refuser le « modèle masculin »
– Se vivre comme femme à travers le travail
– Rôle professionnel qui dévore
– La solidarité du groupe des femmes peut exister face à l’organisation des hommes

Postes dans des fonctions nouvelles et – Autodidactes et/ou diplômes – Passion et curiosité
dans des secteurs nouveaux. Publicité, universitaires – Sortir du stade idiot de l’assistante
marketing dans des secteurs – 25-35 ans – Y aller à l’intuition… et au culot
« féminins » – La stratégie du grignotage

TABLEAU 7.2 – Typologie de carrières au féminin


D’après Laufer, 1982.
Les femmes et le plafond de verre 221

La carrière au féminin

Statut des femmes cadres Diplômes Apprentissage du rôle de cadre

Type de carrière 4. La revendication de la différence


– Faire carrière comme un homme mais… rester une femme
– Pour faire carrière lutter contre la différence
– L’ambition n’est pas forcément le pouvoir
– Refuser la logique du choix : la carrière et la vie privée
– La carrière peut être limitée par le refus de s’assimiler au « modèle masculin » d’identification à l’entreprise
– La solidarité entre femmes ? Jusqu’à un certain point

Postes dans des fonctions traditionnelle- – Diplômes universitaires – Choisir une entreprise qui fournira
ment occupées par des hommes. Ven- – 25-30 ans un tremplin pour la carrière
tes, marketing dans divers secteurs – Savoir ce qu’on veut
industriels – Ne pas se laisser enfermer

TABLEAU 7.2 – Typologie de carrières au féminin (Suite)


D’après Laufer, 1982.

Comme le montrent Peyrat-Guillard et Merdji (1998), plus de 15 ans après, le


modèle de carrière au féminin semble persister. Ainsi, « après une première phase
d’intégration orientée vers la carrière, les femmes semblent plus préoccupées lors de
la mise en couple et des projets d’enfant, par l’élaboration de stratégies de compro-
mis dans la réorientation de leur carrière afin d’arbitrer au mieux les conflits inter-
rôles travail / famille qu’elles anticipent ou qu’elles vivent déjà pour certaines » (Pey-
rat-Guillard et Merdji, 1998).
Parallèlement, et comme le montre une étude rapportée par Hewlett (2002),
l’ascension des femmes se fait plus souvent que pour les hommes, aux dépends de la
vie personnelle et notamment de la maternité, avec tout ce que cela peut comporter
de frustrations et d’insatisfaction. Ceci est confirmé voire même caricaturé par la
« opt-out revolution » dont les médias américains se sont largement fait l’écho (Bel-
kin, 2003), qui représenterait une alarmante perte de talents de femmes à très fortes
compétences qui, choisissant de ne pas participer à la course à l’avancement, quitte-
raient le monde de l’entreprise pour se réaliser personnellement, notamment à travers
la maternité. De façon moins extrême, depuis les travaux de Laufer (1982), le choix
semble avoir un peu évolué, dans le sens où les femmes n’ont plus aujourd’hui à choi-
sir entre carrière et enfants, mais semblent toujours devoir et vouloir choisir leur car-
rière pour pouvoir avoir des enfants et s’en occuper (Landrieux-Kartochian, 2004).
Pour conclure au-delà de la problématique spécifique de la carrière des fem-
mes, nous pouvons citer Fondas (1996) qui, alléguant la féminisation de la culture et
des valeurs des organisations dans le contexte des carrières nomades, prédit :
« Comme les femmes l’ont toujours fait, les hommes vont avoir besoin d’équilibrer
leur vie professionnelle et leur vie privée… Ils vont devoir définir la réussite non plus
seulement comme un job réussi mais comme une vie tout entière bien menée…»
222 Les enjeux de carrière

4. Conclusion
Pourquoi s’intéresser à la carrière des femmes cadres et au fameux « plafond de
verre » ? Tout au long de cette partie nous avons tenté de donner un éclairage théori-
que sur les barrières qui limitent l’ascension hiérarchique des femmes. Le contrôle et
la détection de ces barrières permettraient certainement une présence plus active des
femmes aux hauts niveaux de management.
Le foisonnement de recherches, d’articles, d’interviews, d’émissions et de
reportages contribue au développement d’une « conscience collective » (Yankelovich
et Immerwahr, 1994) de la situation pour que les individus, les organisations se sai-
sissent réellement de la question, ajustent leurs fonctionnements et leurs stratégies
pour dépasser leur simple consentement intellectuel (l’admission de l’inégalité). Dans
le souci de contribuer à faire avancer les recherches sur la place des femmes dans les
entreprises, il serait intéressant de faire parler les femmes. Il manque certainement
des recherches qualitatives sur les femmes cadres, pour cerner les stratégies d’accom-
modation ou d’évolution dans les entreprises (signalons à ce sujet les travaux réalisés
par Laufer depuis les années 1970 et par Landrieux-Kartochian, Belghiti, Bastid ou
Bender et Pigeyre plus récemment). Il serait également pertinent d’effectuer des étu-
des qui s’appuient sur les typologies de carrière de Laufer (1982) ou de Marshall
(1993). Entreprendre des études qualitatives auprès des responsables des ressources
humaines, serait certainement pertinent pour sonder de manière plus fine les élé-
ments de prise de décision qui conduisent à définir les orientations et les pratiques
de promotion.
Une autre voie de recherche intéressante serait d’évaluer de manière approfon-
die les effets de certaines pratiques de gestion des ressources humaines sur le succès
de carrière des femmes. Des recherches relatives aux effets de la flexibilité des horai-
res de travail sur les cadres qui vivent une situation de conflit travail/famille, peuvent
apporter des éléments de recommandations aux responsables de ressources humaines
désireux de créer un climat professionnel accueillant pour leurs employés. Les voies
de recherches et les problématiques soulevées par la question du plafond de verre
sont loin d’être listées, il reste tant à « chercher et à comprendre », comme le dit si
bien Lahire (2001, p. 10) : « Si le monde social traitait indifféremment les individus
des deux sexes, les sciences sociales n’auraient rien à dire à leur sujet. »
Chapitre 8

L’individu face au plafonnement


de carrière

Alain ROGER et Marie-Ève LAPALME 1

Introduction
Les recherches sur la gestion des carrières portent traditionnellement sur les modali-
tés de progression, les types de carrières ou les méthodes à mettre en œuvre pour
améliorer l’adaptation entre l’individu et l’organisation. Les nouvelles approches intè-
grent de plus en plus le ressenti de l’individu au cours de sa carrière : quelles difficul-
tés va-t-il éprouver ? Comment s’adaptera-t-il aux différentes phases de sa carrière ?
Comment vivra-t-il sa fin de carrière ? La réponse à cette dernière question n’est pas
aussi simple qu’on pourrait le penser. Si la fin officielle de la carrière en entreprise est
marquée par la date de la retraite, les salariés considèrent parfois que leur carrière est
terminée lorsqu’ils pensent ne plus pouvoir évoluer et qu’ils se sentent plafonnés.
Kets de Vries et Miller (1985) relient le cycle de vie des individus au chemine-
ment de leur carrière. Ils considèrent que, lorsqu’ils atteignent la quarantaine, ils sont
souvent au maximum de leur compétence et se voient rarement offrir de nouvelles
promotions. Ils se sentent parfois dépassés par les nouvelles générations qui maîtri-
sent mieux les nouvelles techniques. Des difficultés familiales sont fréquentes à cet
âge, de même que quelques ennuis de santé. La crise de la quarantaine est alors sou-
vent une période stressante et anxiogène. Hall et Goodale (1986) définissent aussi la
période de mi-carrière comme une phase de maintien, caractérisée par un plafonne-
ment de carrière, mais ils considèrent que cette période peut aussi apporter un senti-
ment d’accomplissement et de réalisation. Enfin, dans une période de retrait, ou de
désengagement, la personne commence à s’investir dans d’autres activités, à préparer
sa retraite, et elle s’investit moins dans son travail. Elle pourra se satisfaire du chemin

1 Université Lyon 3 – Université du Québec à Montréal.


224 Les enjeux de carrière

parcouru ou être amère à cet égard et avoir du mal à abandonner des activités qui lui
tenaient à cœur. Hall et Goodale soulignent toutefois que ce schéma type des étapes
de carrière peut faire l’objet de nombreuses variantes : lorsque les gens changent
d’orientation, de domaine d’activité, ils peuvent passer plusieurs fois par ces différen-
tes phases. Certains progressent en permanence et ne se trouvent jamais plafonnés,
alors que d’autres le sont très tôt. La perspective des carrières protéennes (Hall,
1976, 1996) suggère que l’évolution de la carrière se fait plutôt de façon récursive à
travers plusieurs cycles de progression-stagnation. Chaque période de stagnation
pourra apparaître comme la fin d’une évolution professionnelle.
Le concept de plafonnement (ou plateau) de carrière correspond à cette idée
de stagnation professionnelle par opposition avec celle d’évolution de carrière. Deux
définitions distinctes mais complémentaires sont proposées dans la littérature selon
l’approche temporelle considérée : une approche tournée vers le passé considère
qu’une personne est plafonnée lorsqu’elle est restée longtemps dans la même situa-
tion sans évoluer. Une approche tournée vers l’avenir définit le plafonnement comme
le sentiment de blocage d’une personne qui pense ne plus pouvoir évoluer. Nous nous
intéresserons plutôt ici à cette orientation fondée sur le ressenti individuel par rap-
port à la disparition de perspectives d’évolution. Dans une première partie, nous abor-
derons donc d’abord la question de la définition et de la mesure du plafonnement
pour ensuite, dans une deuxième partie, analyser ses déterminants, puis dans une
troisième partie ses conséquences. Enfin, nous conclurons sur l’évolution de la recher-
che et quelques pistes d’approfondissement.

1. Définition et mesure du plafonnement de carrière

1.1 QU’EST-CE QUE LE PLAFONNEMENT DE CARRIÈRE ?


L’idée du plafonnement de carrière se situe dans un courant de recherche sur la mobi-
lité interne dans les organisations. Alors que la littérature anglo-saxonne utilise
généralement la notion de « plateau » de carrière, la littérature francophone utilise
plutôt le terme de « plafonnement » qui traduit le même concept et permet d’utiliser
le verbe « plafonner ».

1.1.1 L’évolution des travaux sur le plafonnement


L’origine du concept de plafonnement remonte à près de cinquante ans. Becker et
Strauss remarquaient déjà en 1956, en analysant les évolutions de carrière dans les
organisations, que des personnes étaient « gelées » à certains niveaux et ne progres-
saient plus. Roth (1963), analysant la situation des personnes dont l’évolution est
moins rapide que celle d’un groupe de référence, considère ces écarts comme des
échecs (Becker parle aussi de carrières déviantes) et observe comment des organisa-
tions y font face, par exemple en favorisant la mobilité ou en créant des voies de
garage. Peter et Hull (1970) ont ensuite popularisé la notion dans leur ouvrage sur le
principe de Peter en analysant comment les salariés pouvaient être plafonnés
lorsqu’ils atteignaient leur seuil d’incompétence. Un peu plus tard, Walker (1973) ou
Veiga (1973) parlent de carrières stagnantes pour de longues périodes dans un même
L’individu face au plafonnement de carrière 225

emploi, difficiles à supporter par la plupart des cadres à une période où la norme
devient le cadre mobile.
L’article phare dans ce domaine est probablement celui de Ference, Stoner et
Warren qui, en 1977, définissent la notion de « plateau » de carrière comme le
moment dans la carrière d’un individu où la probabilité de progression hiérarchique
s’avère très faible. De nombreux auteurs comme Feldman et Weitz (1988) ont repris
cette définition. Veiga (1981), puis d’autres auteurs comme Stout, Slocum et Cron
(1988) ou Choy et Savery (1998) ont ensuite élargi la notion en définissant le plafon-
nement de carrière comme l’absence de mouvement à la fois vertical et latéral à l’inté-
rieur de l’organisation, dépassant ainsi la structure linéaire purement hiérarchique
incluse dans les premières définitions du construit. Les travaux plus récents (Bard-
wick, 1986 ; Palmero et al., 2001) franchissent même les frontières de l’organisation
pour analyser les différentes formes de plafonnement.

1.1.2 Les différentes formes de plafonnement


Les écrits de Bardwick (1986) sont venus apporter une contribution impor-
tante à l’évolution du concept de plafonnement de carrière en distinguant trois for-
mes de plafonnement : le plafonnement structurel, le plafonnement de contenu et le
plafonnement de vie.
■ La notion de plafonnement structurel, que l’on nomme aussi plafonnement hié-
rarchique, correspond à la définition traditionnelle du plafonnement de car-
rière, soit la fin des possibilités de promotion dans l’entreprise.
■ Le plafonnement de contenu survient lorsque l’individu connaît très bien son
emploi et qu’il ne lui reste plus rien à apprendre. Il maîtrise complètement son
travail et risque de s’y ennuyer.
■ Alors que les deux autres formes de plafonnement sont directement reliées à la
carrière professionnelle d’un individu, le plafonnement de vie dépasse les fron-
tières du milieu organisationnel. Il reflète le manque d’accomplissement dans
tous les aspects de la vie de ce dernier.
Plusieurs études ont empiriquement validé la distinction entre le plafonnement
structurel et le plafonnement de contenu (Allen et al., 1999 ; Nachbagauer et Riedl,
2002). Si le plafonnement structurel est difficilement évitable, compte tenu de la
façon dont les organisations sont structurées, Bardwick estime que le plafonnement
de contenu, lui, peut être plus aisément contourné et qu’il y a toujours place à de
nouveaux apprentissages.
Roger et Tremblay (2004) distinguent les formes de plafonnement de carrière
selon l’objet de l’évaluation (la structure, la rémunération ou le contenu du travail),
le cadre d’analyse (le travail dans l’organisation, le métier, le marché du travail
externe ou les activités extra-professionnelles), leur nature (objective ou subjective),
leur continuité (seuil ou échelle) et la référence adoptée (absolue ou relative par rap-
port à une population donnée).
226 Les enjeux de carrière

Structure Rémunération Contenu du travail


Objet
(statut, niveau hiérarchique) (salaire, qualification) (variété, apprentissage)

Métier Organisation
Cadre (filière, profession) (entreprise, groupe)
d’analyse Marché du travail Travail et hors travail
(employabilité externe) (incluant extra-professionnel, loisirs…)

Nature des Objectives Subjectives


données (dates, faits, événements) (perceptions)

Seuil Degré ou échelle


Continuité
(oui / non) (plus ou moins)

Absolu Relatif
Référence
(même référence pour tous) (selon la population)

TABLEAU 8.1 – Critères d’analyse des formes de plafonnement


Adapté de Roger et Tremblay (2004)

Cette grille d’analyse (tableau 8.1) permet de mieux situer les différentes for-
mes de plafonnement de carrière évoquées dans la littérature. Sans revenir sur toutes
ces formes, il est important de souligner l’apport pour les recherches sur le plafonne-
ment des concepts de plafonnement salarial, professionnel et externe. Le plafonne-
ment salarial est défini comme l’atteinte ou la perception d’avoir atteint le maximum
de rémunération dans son échelle salariale. Alors que ce construit était évoqué
jusqu’à récemment de façon plus théorique, Tremblay, Wils et Lacombe (1996) l’ont
opérationnalisé de façon pratique en proposant des instruments de mesure objective
et subjective.
Chang Boon Lee (2003) évoque quant à lui la notion de plafonnement profes-
sionnel. Cette forme de plafonnement renvoie au fait de ne plus progresser profession-
nellement, c’est-à-dire de ne plus être en mesure de développer de nouvelles
compétences pour se tenir à jour dans sa profession, quelle que soit l’entreprise dans
laquelle on l’exerce. Comme le plafonnement de contenu, le plafonnement profession-
nel cible les possibilités d’apprentissage pour l’individu. C’est au niveau du cadre
d’analyse que ces deux formes diffèrent. Alors que le plafonnement de contenu est
généralement conceptualisé dans les limites de l’organisation, le plafonnement pro-
fessionnel a pour cadre d’analyse l’ensemble du marché du travail. Le plafonnement
professionnel peut ainsi être vu comme une évolution du concept de plafonnement de
contenu vers un concept plus large qui s’inscrit dans le courant des nouvelles carriè-
res dites protéennes (Hall, 1996) ou sans frontières (Arthur et Rousseau, 1996) dans
lequel le salarié doit s’adapter en permanence pour conserver son employabilité et
assurer sa sécurité d’emploi.
À l’instar du plafonnement professionnel, le plafonnement externe renvoie à
l’idée de la carrière « transorganisationnelle ». Cette notion, proposée par Palmero,
Roger et Tremblay (2001) et reprise par Tremblay (2005) contribue également à l’évo-
lution du concept de plafonnement de carrière. Le plafonnement externe diffère tou-
tefois du plafonnement professionnel car il fait référence à l’absence d’opportunités
L’individu face au plafonnement de carrière 227

de carrière à l’extérieur de l’organisation et non aux possibilités d’apprentissage. Il se


rapproche davantage de la notion de « marketability », abordée dans les écrits de
Veiga (1981), qui mesure la perception d’un salarié face à ses possibilités de trouver
un emploi aussi intéressant que le sien dans une autre organisation. Il peut égale-
ment être rapproché de ce que Marbot et Peretti (2002) appellent le sentiment
d’inemployabilité qui, au-delà du cadre de l’entreprise, prend en compte les évolu-
tions possibles sur le marché du travail.

1.2 COMMENT MESURER LE PLAFONNEMENT DE CARRIÈRE ?

1.2.1 Mesurer le plafonnement de carrière de façon objective


ou subjective ?
On trouve une variété impressionnante de mesures du plafonnement de carrière dans
la littérature empirique. Globalement, ces mesures peuvent être catégorisées en deux
groupes, les mesures utilisant des données objectives et les mesures dites subjectives
ou perceptuelles. Loin d’être contradictoires, les deux approches sont complémentai-
res, comme le montre Ettington (1992) qui analyse les effets de l’interaction entre
ces deux types de mesures. Les premières études empiriques ont davantage utilisé des
indicateurs objectifs de plafonnement tels que l’ancienneté dans l’emploi ou à un
niveau donné. On remarque toutefois que l’intervalle de temps choisi pour déterminer
si une personne se trouve ou non en situation de plafonnement de carrière varie d’une
étude à l’autre, ce qui rend difficile la comparaison entre les études. Dans son article,
Chao (1990) émet différentes critiques quant à l’utilisation d’indicateurs objectifs
pour mesurer le plafonnement de carrière. En effet, alors que les mesures objectives
sont tournées vers le passé, les mesures subjectives du plafonnement de carrière sont
davantage orientées vers l’avenir, et donc vers les possibilités futures de progression
dans la carrière, ce qui correspond mieux à la définition de Ference et al. (1977),
c’est-à-dire le moment dans la carrière d’un individu où la possibilité d’avancement
hiérarchique s’avère très faible. Les résultats de Chao et ceux d’autres chercheurs
(Chang Boon Lee, 2003 ; Tremblay, Roger et Toulouse, 1995) montrent d’ailleurs la
plus grande capacité explicative des mesures perceptuelles de plafonnement par com-
paraison avec des mesures objectives.

1.2.2 Revue des mesures utilisées dans les études empiriques


Alors que les premiers auteurs utilisaient plutôt des mesures objectives, la plupart
utilisent maintenant des mesures subjectives, et certains combinent les deux appro-
ches pour mieux cerner le phénomène.

Mesures objectives. Différents indicateurs objectifs sont utilisés pour mesurer le pla-
fonnement structurel et le plafonnement salarial. Alors que l’atteinte du niveau maxi-
mal de l’échelle salariale constitue le seul indicateur objectif de cette dernière forme
de plafonnement, il existe plusieurs indicateurs de plafonnement structurel. Parmi
ceux-ci, l’ancienneté (dans le poste, la fonction ou à un niveau donné) est certaine-
ment le plus utilisé. Les chercheurs qui mesurent le plafonnement par l’ancienneté
utilisent généralement une mesure dichotomique qu’ils construisent en déterminant
228 Les enjeux de carrière

un seuil au-delà duquel le salarié est considéré comme étant plafonné. Ce seuil, sou-
vent plus arbitraire que théorique, varie d’une étude à l’autre. La plupart des cher-
cheurs utilisent un seuil de cinq ans dans l’emploi (McCampbell, 1996 ; Savery, 1990;
Slocum et al., 1985 ; Stout et al., 1988), mais celui-ci peut s’étendre de trois à
quinze ans (Burke, 1989 ; Choy et Savery, 1998 ; Savery et Wingham, 1991).
Le seuil d’ancienneté peut également être déterminé à partir d’un calcul statis-
tique qui tient compte de la moyenne ou de l’écart type de l’ancienneté pour une
population donnée (Gerpott et Domsch, 1987 ; Nachbagauer et Riedl, 2002). Chao
(1990) estime cependant que la prise de conscience de l’individu face à sa situation
de plafonnement se fait par un processus graduel et que la notion de plafonnement de
carrière est mieux captée par des mesures continues que par des mesures dichotomi-
ques. Plusieurs études plus récentes vont dans ce sens et utilisent le nombre d’années
d’ancienneté comme mesure du degré de plafonnement.
Dans une moindre mesure, l’âge est également pris en compte dans la mesure
du plafonnement structurel, non pas comme un indicateur absolu, mais conjointe-
ment avec d’autres variables. Les mesures d’Evans et Gilbert (1984), de Nicholson
(1993) ou de Veiga (1981) par exemple combinent l’âge avec l’ancienneté dans le
poste ou avec le niveau du poste occupé par le salarié.

Mesures subjectives. De façon générale, les mesures subjectives utilisées par les
chercheurs s’adressent au salarié qui indique sa perception de sa situation de plafon-
nement. Carnazza et al. (1981), pour obtenir une mesure plus valide, croisent l’éva-
luation du salarié et celle de son employeur mais, dans la plupart des études, seule la
perspective du salarié est prise en compte dans la mesure du plafonnement subjectif.
À l’instar des mesures objectives, il n’existe pas de mesure subjective établie
pour les différentes formes de plafonnement de carrière. Les chercheurs ont plutôt
tendance à construire leur propre mesure de plafonnement, si bien qu’on retrouve
dans la littérature une variété importante de mesures qui diffèrent tant au niveau du
nombre d’items, allant de un à six, que de l’échelle utilisée.
Toutefois, on remarque que parmi les recherches plus récentes, plusieurs
auteurs utilisent les mesures de Milliman (1992) ou en empruntent certains items
pour évaluer le plafonnement structurel et le plafonnement de contenu. Ces mesures
sont formées chacune de six items. La mesure de plafonnement hiérarchique com-
prend des items tels : « mes chances d’avancement dans cette organisation sont
limitées » ; « j’ai atteint un point dans cette organisation où je ne m’attends pas à
progresser davantage » ; « il y a peu de chance que j’obtienne une promotion dans
cette organisation », alors que le plafonnement de contenu est mesuré par des items
comme : « mon emploi est devenu routinier » ; « mon emploi me donne l’opportunité
d’apprendre et de me développer (item inversé) » ; « mon emploi m’offre plusieurs
défis (item inversé) » 2. Les chercheurs qui ont effectué des analyses factorielles à
partir de l’ensemble de ces items concluent tous à l’existence de deux formes distinc-
tes de plafonnement (Allen et al., 1998 ; Allen et al., 1999 ; Lentz, 2004). Ces recher-
ches présentent également des coefficients de fiabilité acceptables pour chacune des

2 Traduction libre.
L’individu face au plafonnement de carrière 229

mesures variant de 0.81 à 0.87 pour le plafonnement structurel et de 0.83 à 0.90 pour
le plafonnement de contenu.
Ces premiers travaux de validation empirique ouvrent la voie vers une harmoni-
sation des mesures adoptées par différents chercheurs pour chacune de ces deux for-
mes de plafonnement. Cette harmonisation permettrait la comparaison entre les
études, ce qui est actuellement très difficile à réaliser. Aussi, des efforts semblables
devraient être développés pour les mesures subjectives de plafonnement externe,
salarial et professionnel. Ces travaux empiriques de validation supposent également
une réflexion théorique sur la distinction entre ces formes de plafonnement et
d’autres concepts voisins. Par exemple, lorsque, dans l’échelle de Meyer et Allen
(1997), le « manque d’alternatives perçues » apparaît comme une des facettes de
l’engagement organisationnel continu, on peut se demander comment la notion de
plafonnement externe se situe par rapport à cette variable.

Mesures mixtes de plafonnement. Les différentes mesures de plafonnement de car-


rière sont généralement utilisées de façon isolée par les chercheurs. Toutefois, certai-
nes études ont récemment mis en évidence l’intérêt d’utiliser des mesures combinées
de plafonnement. Par exemple, Ettington (1992) et Roger et Tremblay (1999) forment
quatre profils d’employés plafonnés en croisant les variables de plafonnement structu-
rel objectif et subjectif. Comme le souligne Ettington, bien que pour la majorité des
employés, la perception d’être plafonné correspond aussi à une situation objective de
plafonnement, certains employés se considèrent comme plafonnés alors qu’ils ne le
sont pas objectivement, et inversement. Les résultats de ces études montrent que les
réactions des employés peuvent varier en fonction de ces différents profils.
D’autres études mesurent également de façon conjointe les différentes formes
de plafonnement. Par exemple, Allen et al. (1998) analysent l’effet combiné du pla-
fonnement structurel et du plafonnement de contenu et montrent que les salariés qui
sont doublement plafonnés ont des réactions plus négatives que les salariés qui
n’éprouvent qu’une seule forme de plafonnement. Dans la même perspective, Nachba-
gauer et Riedl (2002) mesurent les effets conjoints des plafonnements structurels
objectifs et subjectifs ainsi que du plafonnement de contenu. L’utilisation de mesures
combinées peut apporter, au niveau de l’explication des phénomènes qui entourent
les différentes formes de plafonnement, une certaine richesse que les mesures isolées
de plafonnement ne peuvent offrir.

2. Quels sont les déterminants


du plafonnement de carrière ?

La littérature sur le phénomène du plafonnement de carrière fait davantage état des


conséquences liées au plafonnement que de ses déterminants. Néanmoins, un bon
nombre de recherches portent sur les différents facteurs qui peuvent contribuer au
plafonnement de carrière chez les salariés. Ces déterminants peuvent être regroupés
en deux catégories : les déterminants individuels et les déterminants organisation-
nels.
230 Les enjeux de carrière

2.1 DÉTERMINANTS INDIVIDUELS


Parmi les variables sociodémographiques qui peuvent influencer le plafonnement de
carrière, l’âge est certainement la variable la plus étudiée. De façon constante, les
études empiriques montrent que les salariés plafonnés sont significativement plus
âgés que les non plafonnés (Slocum et al., 1985 ; Savery, 1990 ; Tremblay et Roger,
1995). Les salariés plus âgés auraient moins de possibilités que les plus jeunes de se
développer professionnellement et de recevoir une promotion à l’intérieur de l’organi-
sation (Shore, Cleveland et Goldberg, 2003). Alors que plusieurs occupent déjà des
postes de plus haut niveau, ce qui limite leurs opportunités, d’autres sont parfois vic-
times de préjugés défavorables (Dedrick et Dobbins, 1991). Toutefois, quand on prend
en considération d’autres variables telles que la scolarité et l’ancienneté, l’âge n’est
plus que faiblement relié au plafonnement de carrière (Tremblay et Roger, 1993).
Les chercheurs s’intéressant au plafonnement structurel ont également mesuré
l’effet du sexe et de l’origine socioculturelle des salariés. Les résultats des recherches
montrent que certains groupes sociaux ont moins de chances de se retrouver en situa-
tion de plafonnement que d’autres (Greenhaus et al., 1990 ; Lim et Thompson, 1998).
Le plafond de verre est défini comme une barrière subtile qui empêche les femmes et
les minorités d’escalader les échelons hiérarchiques pour obtenir des postes de plus
haut niveau (Morrison et von Glinow, 1990). Powell et Butterfield (1994) soulignent
cependant que les femmes et les minorités peuvent eux-mêmes se considérer comme
plafonnés en choisissant de ne pas postuler à des postes de plus haut niveau parce
qu’ils pensent (parfois à tort) qu’il existe un plafond de verre dans leur organisation
ou parce qu’ils refusent les contraintes qu’imposent les postes de haute responsabi-
lité.
La relation entre le plafonnement et le niveau d’éducation est plus ambiguë.
Blake et Mouton (1964) trouvent que le niveau d’instruction des managers est lié à
leur évolution professionnelle (mesurée par un indice de progression hiérarchique) et
à leur style de management. Alors que certains chercheurs rapportent effectivement
un lien négatif entre éducation et plafonnement, d’autres n’ont pu établir de lien
significatif entre ces deux variables (Near, 1985 ; Orpen, 1986 ; Tremblay et Roger,
1993). Allen et al. (1999) trouvent un lien négatif avec le plafonnement de contenu,
mais une relation positive avec le plafonnement structurel subjectif. L’influence du
niveau d’éducation a probablement tendance à s’estomper progressivement au fur et à
mesure de l’évolution de carrière (Lorence et Mortimer, 1985 ; Rosenbaum, 1984 ;
Swinyard et al., 1980).
Outre les caractéristiques sociodémographiques, différentes variables liées à la
personnalité ou à la réussite individuelle ont été mises en lien avec le plafonnement
de carrière. Par exemple, les recherches montrent que les individus qui ont un locus de
contrôle interne, qui sont plus proactifs et qui démontrent de l’assurance quant à leur
capacité d’affronter de nouvelles situations de travail auraient moins tendance à se
retrouver en situation de plafonnement structurel (Lemire et al, 1999 ; Lim et Thomp-
son, 1998 ; Gould et Penley, 1984). Les personnes plus ambitieuses, qui ont la
volonté de progresser et de développer leurs compétences, sont également moins sus-
ceptibles d’être plafonnées. Cette volonté de progresser est souvent associée à la
réussite professionnelle de l’individu. Aussi, les recherches montrent que si un salarié
L’individu face au plafonnement de carrière 231

a déjà cumulé des succès dans sa carrière, il aura moins tendance à plafonner (Forbes,
1987 ; Rosenbaum, 1984 ; Tremblay et Roger, 1993). Ainsi, la réussite dans plusieurs
emplois successifs peut être prise comme un signal de capacité de progression et les
promotions sont attribuées plus fréquemment aux salariés qui ont déjà connu des suc-
cès au cours de leur carrière. Enfin, la réputation qui accompagne souvent cette réus-
site permet d’éviter le plafonnement, aussi bien dans une organisation qu’à l’extérieur
(Fesser et Pelissier-Tanon, 2002).
La figure 8.1 montre que les principaux facteurs individuels qui peuvent affec-
ter le plafonnement de carrière sont également liés entre eux, ce qui rend difficile
l’analyse de leur influence relative.

FIGURE 8.1 – Principaux déterminants individuels du plafonnement de carrière

2.2 DÉTERMINANTS ORGANISATIONNELS


Les réactions des organisations sont étroitement liées au contexte dans lequel elles se
trouvent. L’évolution du contexte économique les conduit souvent à réaliser des ajus-
tements structurels : beaucoup réduisent le nombre de niveaux hiérarchiques, et un
nombre croissant de personnes se retrouvent alors plafonnées.
Tôt ou tard, en raison de la structure de leur organisation, la plupart des sala-
riés risquent de se retrouver en situation de plafonnement, et en particulier dans les
organisations de type bureaucratique. Alors que certaines voies n’offrent que des
opportunités d’évolution limitées, d’autres au contraire sont des tremplins vers des
emplois très divers et procurent à ceux qui les suivent des ouvertures qui limitent
leurs risques de plafonnement. Le fait d’intégrer une filière conditionne donc souvent
la mobilité et le succès de carrière ultérieurs (Cannings, 1988 ; Grandjean, 1981). Des
emplois centraux, plus au cœur de la mission de l’entreprise et plus visibles que
d’autres, offrent aussi des possibilités d’évolution plus fortes : pour ne pas être pla-
fonné, il vaut donc mieux travailler en lien direct avec les principaux dirigeants,
notamment dans les sièges sociaux, être lié à des projets importants pour l’entreprise,
ou avoir de l’autonomie et des occasions de développement ou de défi (Veiga, 1981 ;
Schein, 1978 ; Graen et Scandura, 1986 ; Grandjean, 1981).
232 Les enjeux de carrière

L’existence de « portes d’entrée » à différents niveaux dans l’organisation per-


met d’avoir une idée des opportunités de promotion offertes. Plusieurs auteurs (Near,
1984 ; Vardi, 1980) remarquent que les risques de plafonnement sont plus limités
lorsqu’à un niveau donné les promotions internes l’emportent sur les recrutements
externes. Une analyse de la pyramide des âges par niveau et par famille profession-
nelle permet d’identifier les blocages ou les opportunités d’évolution en évaluant le
nombre d’emplois susceptibles de se libérer au niveau supérieur pour les personnes
appartenant à une catégorie donnée.
L’orientation stratégique compte aussi parmi les facteurs organisationnels qui
peuvent avoir une influence sur le plafonnement de carrière chez les salariés. Se
basant sur la typologie de Miles et Snow (1978), Slocum et al. (1985) ont démontré
que les entreprises ayant une stratégie de type défensif comptaient plus de salariés
plafonnés que les entreprises ayant une stratégie de diversification ou de croissance.
Le développement du marché permet à ces dernières d’élargir leurs activités, et elles
peuvent offrir des opportunités de mobilité verticale à leurs salariés, limitant ainsi les
risques de plafonnement de carrière.
L’importance du rôle de l’organisation sur le plafonnement de carrière des sala-
riés est également mise en évidence dans l’étude de Lemire et al. (1999) qui montrent
que la perception de plafonnement structurel des salariés peut être influencée par dif-
férentes pratiques de gestion des ressources humaines. Par exemple, les activités de
planification de carrière et de développement professionnel dans l’organisation dimi-
nueraient la perception de plafonnement chez les salariés. Il en est de même pour le
travail d’équipe et les possibilités d’occuper de nouvelles fonctions dans l’organisa-
tion. Les activités de mentorat auraient également pour effet de diminuer les risques
de se retrouver en situation de plateau (Greenhaus et al., 1990 ; Foster et al., 2004).
Le soutien de l’organisation pour favoriser le développement de la carrière des sala-
riés est donc un déterminant important de la perception de plafonnement chez ces
derniers. Allen et al. (1999) montrent notamment que le soutien du supérieur immé-
diat diminue non seulement le sentiment de plafonnement structurel, mais également
le plafonnement de contenu. Peu de chercheurs se sont intéressés pour l’instant aux
déterminants du plafonnement de contenu, et ces résultats constituent une première
avancée en ce sens.
Le contexte institutionnel et culturel des organisations détermine aussi en
grande partie leurs réactions face au plafonnement. Les pressions ressenties dans un
environnement très concurrentiel et dans une culture centrée sur les résultats et la
valorisation personnelle tendent à culpabiliser celui qui n’évolue pas. Dans des envi-
ronnements bureaucratiques ou des cultures centrées sur la relation, les pressions
sont beaucoup moins fortes. Le consensus, l’intégration sociale et l’esprit familial per-
mettent aux personnes plafonnées de mieux accepter leur situation.
L’individu face au plafonnement de carrière 233

FIGURE 8.2 – Principaux déterminants organisationnels du plafonnement de carrière

3. Les effets du plafonnement de carrière

La littérature sur le plafonnement fait ressortir un ensemble de variables souvent liées


à cette situation. Les individus comme les organisations réagissent alors de façons
diverses pour s’adapter à ce type de situation.

3.1 CONSÉQUENCES ASSOCIÉES AU PLAFONNEMENT DE CARRIÈRE


Bien que certains chercheurs soulignent que le plafonnement de carrière n’est pas
négatif en soi (Ference et al., 1977 ; Bardwick, 1986), la littérature présente surtout
les conséquences négatives du plafonnement, tant pour les salariés que pour l’organi-
sation. Parmi les conséquences les plus étudiées, on compte le niveau de satisfaction
des salariés, leur niveau d’engagement organisationnel, leur intention de quitter, leur
état de santé et leur niveau de performance.

3.1.1 Satisfaction des salariés


Une des conséquences associées au plafonnement de carrière est la satisfaction des
salariés à l’égard de leur carrière. Il n’est pas étonnant que la plupart des recherches
fassent état d’un effet négatif du plafonnement structurel objectif et subjectif sur la
satisfaction des salariés à l’égard de leur carrière (Chay et al., 1995 ; Chang Boon Lee,
2003 ; Orpen, 1983 ; Tremblay, 2005 ; Veiga, 1981). Ce type de satisfaction est égale-
ment relié négativement au plafonnement de contenu (Armstrong-Stassen et
Cameron, 2005 ; Tremblay, 2005) et au plafonnement professionnel (Chang Boon Lee,
2003). Tremblay (2005) trouve cependant une relation positive avec la perception de
plafonnement salarial. Il explique que l’atteinte du plafond salarial peut être considé-
rée comme une expérience de carrière satisfaisante puisqu’elle témoigne du succès de
l’individu dans son emploi. Bien qu’il soit plafonné, le fait qu’il ait atteint le maxi-
mum de son échelle salariale témoigne d’une certaine réussite qui peut être liée chez
lui à un sentiment de fierté.
234 Les enjeux de carrière

Contrairement à la satisfaction par rapport à la carrière, les études sur la rela-


tion entre le plafonnement et la satisfaction par rapport au travail offrent des résul-
tats plus mitigés. Bien que plusieurs chercheurs aient démontré que plus un salarié
est plafonné au niveau structurel, moins il est satisfait à l’égard de son travail (Chao,
1990 ; Chay et al. 1995 ; Ettington, 1997 ; Tremblay, et al. 1995), d’autres n’ont pu
confirmer cette relation (Near, 1985 ; Allen et al. 1998). En revanche, on observe à
travers les études un effet constant et négatif du plafonnement de contenu et du pla-
fonnement professionnel sur ce type de satisfaction (Allen et al., 1998 ; Chang Boon
Lee, 2003 ; Nachbagauer et Riedl, 2002). En croisant les deux dimensions du plateau
structurel objectif et subjectif, Roger et Tremblay (1999) trouvent que les personnes
les plus satisfaites de leur travail ne sont pas nécessairement celles qui ne sont pas
plafonnées sur les deux dimensions mais celles qui connaissent un plafonnement
objectif sans se sentir plafonnées subjectivement. Ils obtiennent le même résultat
pour la satisfaction par rapport aux collègues. Il est probable qu’après une longue
période dans leur poste, ils aient accepté leur situation – peut-être même l’ont-ils
choisie – et qu’ils n’attendent pas une évolution.
Le plafonnement de carrière semble aussi influencer une autre forme de satis-
faction du salarié, la satisfaction à l’égard de son supérieur immédiat. Les résultats
d’Orpen (1983) mettent en évidence le fait que les cadres structurellement plafonnés
sont moins satisfaits de leur supérieur que les cadres non plafonnés. Ces résultats
sont corroborés par l’étude de Tremblay et al. (1995).
Enfin, la satisfaction à l’égard de l’employeur a également été reliée au plafon-
nement de carrière. Les études qui ont mesuré l’effet du plafonnement structurel et de
contenu sur cette variable obtiennent toutefois des résultats non concluants
(Nachbagauer et Riedl, 2002; Tremblay, 2005; Tremblay et al., 1995). Bien que Trem-
blay (2005) montre un lien significativement négatif entre les plafonnements externe
et salarial et la satisfaction à l’égard de l’employeur, d’autres études sont nécessaires
afin de confirmer cette relation.

3.1.2 Engagement organisationnel


Selon Meyer et Allen (1997), les organisations peuvent susciter l’engagement organi-
sationnel affectif de leurs salariés en leur offrant des expériences de travail qui stimu-
lent le développement de leurs compétences. Des études empiriques ont d’ailleurs
démontré que l’engagement affectif des salariés était positivement relié au niveau de
défi dans l’emploi et aux possibilités de promotion dans l’organisation (Allen et
Meyer, 1990 ; Johnston et al., 1993). Par définition, les individus qui se retrouvent
en situation de plafonnement, que ce soit au niveau structurel ou du contenu, n’ont
plus accès à ces opportunités de développement de carrière. Par conséquent, le pla-
fonnement de carrière influencerait négativement l’engagement affectif des salariés.
Les études qui se sont intéressées à l’effet du plafonnement structurel objectif
sur l’engagement organisationnel des salariés n’ont pu établir de relation significative
entre ces deux variables (Nachbagauer et Riedl, 2002 ; Tremblay, 2005). En revanche,
l’effet négatif du plafonnement structurel subjectif a été observé dans plusieurs étu-
des (Chay et al., 1995 ; Lapalme et al., 2005 ; Lemire et al. 1999 ; Tremblay, 2005).
Ces résultats viennent supporter l’argument de Chao (1990) selon lequel les mesures
L’individu face au plafonnement de carrière 235

subjectives de plafonnement de carrière offriraient un meilleur pouvoir explicatif sur


les attitudes des salariés que les mesures objectives. Enfin, l’engagement organisa-
tionnel serait également relié négativement au plafonnement de contenu et au pla-
fonnement salarial (Tremblay, 2005). On peut cependant se demander dans quelle
mesure la relation n’est pas plus complexe : la causalité pourrait être inversée si l’on
considère qu’un fort engagement affectif envers l’organisation peut conduire un sala-
rié à accepter plus facilement sa situation et à donc se sentir moins plafonné.

3.1.3 Intention de quitter


L’intention de quitter l’organisation est une variable très proche – quand elle n’est pas
une dimension – de l’engagement organisationnel. Les recherches sur le plafonnement
de carrière montrent que les salariés qui sont plafonnés au niveau structurel, de con-
tenu ou salarial ont plus l’intention de quitter leur organisation que les non plafonnés
(Tremblay, 2005 ; Orpen, 1983 ; Lemire et al. 1999 ; Allen et al., 1998). Lorsque le
salarié considère qu’il n’a plus d’opportunités d’évolution de carrière dans son organi-
sation, il a tendance à vouloir combler son besoin de développement professionnel à
l’extérieur. Cette relation sera probablement influencée par l’évaluation que fait le
salarié des possibilités de se trouver un emploi à l’extérieur : le plafonnement externe
serait alors une variable modératrice entre le plafonnement interne et l’intention de
quitter. Contrairement au plafonnement interne, le plafonnement externe est négati-
vement relié à l’intention de quitter l’organisation (Tremblay, 2005), et positivement
à la satisfaction (Palmero et al., 2001).

3.1.4 Santé au travail


Elsass et Ralston (1989) soulignent que le plafonnement de carrière peut avoir des
effets négatifs importants sur le bien-être des salariés. Les études empiriques ont
démontré que la perception de plafonnement structurel pouvait être néfaste pour le
moral des salariés (Lemire et al., 1999), constituait une source de stress et d’aliéna-
tion psychologique chez ces derniers (Burke, 1989), était reliée à un plus haut niveau
d’anxiété (Lamoureux et Cardinal, 1996) et pouvait même être associée à divers pro-
blèmes de santé physique (Lemire et al., 1999). Par ailleurs, Lapalme et al. (2005)
ont démontré que le niveau de détresse psychologique des salariés pouvait être
influencé non seulement par le plafonnement structurel, mais également par le pla-
fonnement de contenu.

3.1.5 Performance au travail


Ference et al. (1977) identifient deux groupes de salariés plafonnés qu’ils distinguent
selon leur niveau de performance : les « piliers », c’est-à-dire les salariés plafonnés
performants, et les « branches mortes », qui représentent les salariés plafonnés qui
n’arrivent plus à atteindre le niveau de performance exigé par leur employeur. Le pla-
fonnement de carrière n’est donc pas nécessairement associé à un niveau de perfor-
mance insuffisant. En outre, comme le soulignent ces chercheurs, les gestionnaires
doivent veiller à ne pas porter uniquement leur attention sur les salariés à potentiel.
Ils ont intérêt à bien suivre les « piliers » et à les accompagner dans leur carrière afin
236 Les enjeux de carrière

qu’ils maintiennent leur niveau de performance et ne glissent pas dans la catégorie


des « branches mortes ».
L’idée que le plafonnement de carrière ne soit pas nécessairement générateur
d’une moins bonne performance chez les salariés se reflète dans les résultats plutôt
mitigés des recherches empiriques qui ont associé ces deux variables. En effet, alors
que Lemire et al. (1999) démontrent que les cadres qui se sentent plafonnés évaluent
plus négativement que les autres leur performance au travail, d’autres chercheurs
n’ont pu noter de différence entre l’évaluation que font les salariés plafonnés de leur
performance au travail et celle que font ceux qui ne sont pas en situation de plafon-
nement (Orpen, 1986 ; Near, 1985). Par ailleurs, il semble que les individus plafonnés
reçoivent une évaluation plus négative de leur performance de la part de leur supé-
rieur immédiat que les individus non plafonnés (Orpen, 1986 ; Ettington, 1997). Il
faut noter cependant les limites de ces études qui n’utilisent que des auto-évalua-
tions peu valides de la performance. La causalité n’est pas non plus bien établie, et on
pourrait considérer que la performance est plutôt un déterminant qu’une conséquence
du plafonnement : si elle n’est pas performante, une personne n’est pas promue et a
peu de chances de l’être dans le futur.
La notion de performance abordée dans les écrits de Ference et al. (1977) fait
référence aux exigences directement liées au poste qu’occupe le salarié. Toutefois, de
plus en plus de chercheurs abordent la question de la performance des salariés de
façon plus globale en prenant en compte l’ensemble de ses actions en faveur de
l’organisation (Organ, 1988 ; Podsakoff et al., 2000). Selon Chay et al. (1995), les
individus qui se sentent plafonnés seront moins enclins à adopter ce type de compor-
tements bénéfiques pour l’organisation. Toutefois, ces résultats ne sont pas corrobo-
rés par l’étude de Tremblay (2005) qui ne trouve pas de lien significatif entre le
plafonnement structurel et l’adoption de ces comportements « discrétionnaires ».
Seul le plafonnement de contenu aurait une influence négative sur cette variable.

3.1.6 Autres conséquences liées au plafonnement de carrière


Certaines études ont démontré que les individus plafonnés seraient moins impliqués
dans leur travail que les individus non plafonnés (Allen et al., 1998 ; Gould et Penley,
1984 ; Lemire et al., 1999). D’après Lamoureux et Cardinal (1996) ou Tremblay
(2005), les salariés en situation de plafonnement de carrière éprouveraient également
un sentiment de compétence plus faible et évalueraient plus négativement leur
niveau de succès. Bien entendu, on pourrait dire également qu’ils sont plafonnés
parce qu’ils sont moins compétents et ont moins de succès. Seules des études longitu-
dinales plus centrées sur le processus conduisant au plafonnement pourraient préciser
ces relations de causalité.

3.2 LES RÉACTIONS AU PLAFONNEMENT DE CARRIÈRE


En raison des diverses conséquences qu’engendre le plafonnement, les individus et les
organisations qui font face à ce phénomène de carrière n’ont d’autres choix que de
réagir. Alors que certains choisissent de canaliser leurs efforts afin de lutter contre le
plafonnement, d’autres au contraire optent pour la recherche de moyens qui permet-
tent de s’en accommoder.
L’individu face au plafonnement de carrière 237

Les différentes réactions au plafonnement de carrière peuvent être considérées


selon la perspective de l’individu ou celle de l’organisation. L’analyse des réactions
individuelles permet de définir plusieurs profils de plafonnés et fait ressortir qu’ils ne
sont pas toujours défavorables au plafonnement de carrière. Les réactions organisa-
tionnelles, qui doivent être adaptées au contexte, consistent principalement à favori-
ser la mobilité interne afin de limiter l’occurrence du plafonnement, mais également à
trouver des moyens pour aider les salariés à mieux accepter leur situation.

3.2.1 Les réactions individuelles


L’impact du plafonnement de carrière pour les salariés est loin d’être négligeable. Tou-
tefois, les réactions au plafonnement peuvent varier en fonction des caractéristiques
individuelles de chacun. Par exemple, il est possible que les individus réagissent dif-
féremment selon qu’ils se trouvent à l’approche de la retraite ou en début de carrière
(Chao, 1990). Nous avons vu que le plafonnement était souvent une source d’anxiété
ou d’insatisfaction pour ceux qui le ressentaient. Lamoureux et Cardinal (1996) mon-
trent que le sentiment de compétence limite l’anxiété des personnes qui se sentent
plafonnées. Plusieurs profils peuvent alors être définis en fonction de l’attitude plus
ou moins favorable et du comportement plus ou moins actif de la personne plafonnée.
Cardinal et Lamoureux (1992) distinguent ainsi trois profils de plafonnés : les
« rebelles », les « résignés » et les « bienheureux ».
Les « rebelles » sont insatisfaits et se plaignent de leur sort. Ils acceptent mal
leur situation parce qu’ils sont ambitieux et sont frustrés de ne pouvoir évoluer. Cer-
tains par exemple ont acquis progressivement plus de pouvoir et de prestige dans une
entreprise, et se trouvent bloqués dans leur évolution. Ils peuvent réagir de façon
positive en s’impliquant fortement pour développer leurs compétences ou leur réseau
de relations et pour chercher activement un nouvel emploi qui leur permette de sortir
de ce blocage. D’autres réagissent de façon négative par des attitudes de dénigre-
ment, d’affrontement et de critique systématique qui bien souvent ne font qu’empirer
la situation.
Les « résignés » supportent la situation sans se révolter. Souvent fatalistes, ils
considèrent qu’ils sont soumis à un système qui ne les satisfait pas, mais duquel ils ne
peuvent se soustraire. Ils restent parfois loyaux et disponibles, occupant sans rechi-
gner des postes « cul de sac ». Ils peuvent être de bons adjoints, ou au contraire
représenter une charge pour l’entreprise. Ils ne prennent pas de risques, font peu
d’efforts pour s’adapter aux changements et se limitent à faire le minimum de ce qui
est attendu d’eux. Near (1984) remarque que ces comportements de retrait s’accom-
pagnent parfois de comportements de substitution liés à un intérêt renforcé pour
d’autres activités liées à la famille ou aux loisirs.
Les « bienheureux » se sentent bien dans leur poste et envisagent d’y rester,
mais ils sont relativement passifs. Le risque pour l’entreprise, mais aussi pour les indi-
vidus eux-mêmes, est l’absence de remise en question et l’obsolescence progressive
de leurs compétences.
En déclinant ces deux dimensions d’activité ou de passivité et d’attitude par
rapport au plafonnement (tableau 8.2), Roger et Tremblay (2004) proposent une qua-
trième catégorie, les « défenseurs », ceux qui cherchent de façon active à préserver
238 Les enjeux de carrière

une situation qu’ils considèrent comme favorable. Certains de ces défenseurs peuvent
être des « bienheureux » que leur entreprise a encouragés à être plus actifs. Cardinal
et Lamoureux suggèrent par exemple de les affecter à des équipes projets, de leur
confier des mandats spéciaux dans l’entreprise ou, temporairement, dans des entrepri-
ses partenaires. Des systèmes de récompenses incitatifs peuvent aussi les encourager
à contribuer activement aux objectifs de l’entreprise et à développer leurs compéten-
ces pour garder une employabilité, au moins interne.

Attitude par rapport au plafonnement

défavorable favorable

actif LE REBELLE LE DÉFENSEUR


Réaction individuelle
passif LE RÉSIGNÉ LE BIENHEUREUX

TABLEAU 8.2 – Quatre types de réactions individuelles face au plafonnement

Lorsqu’il se sent plafonné, l’individu faiblement attaché à son organisation se


prépare généralement à la quitter. Si l’entreprise souhaite le fidéliser parce qu’elle a
besoin de ses compétences, qu’il lui serait difficile de lui trouver un remplaçant, elle
devra trouver de nouveaux moyens d’incitation. Elle pourra développer une forme
d’implication affective en jouant sur des signes de reconnaissance et de valorisation
interne, ou sur une implication calculée fondée sur des critères économiques. Dans le
premier cas, elle cherchera à réduire le sentiment de plafonnement de contenu, et
dans le second, elle jouera plutôt sur le plafonnement salarial.
Waterman, Waterman et Collard (1994) insistent sur la responsabilité conjointe
de l’entreprise et du salarié dans le développement de l’employabilité interne et
externe. Pour éviter les blocages et favoriser les évolutions de carrière, ils dévelop-
pent l’idée de « résilience de carrière », impliquant un apprentissage permanent, une
capacité à se remettre en question pour suivre le rythme du changement, une respon-
sabilisation par rapport à sa propre carrière et une forte implication organisationnelle.
Les recommandations ne manquent pas dans la littérature sur les moyens qui peuvent
être utilisés pour réduire le plafonnement ou faire en sorte qu’il soit mieux accepté et
pour favoriser la mobilité interne. L’entreprise peut favoriser cette « résilience » en
encourageant les formations allant dans le sens d’un développement des compéten-
ces, en informant davantage les salariés sur les opportunités qui leur sont offertes, en
leur permettant de mieux se connaître par des bilans professionnels et des entretiens
périodiques apportant un réel feedback sur la situation dans l’entreprise et ses pers-
pectives, au-delà de l’évaluation classique des résultats et de la performance.

3.2.2 Les réactions organisationnelles


Nous avons vu que l’absence de perspectives d’évolution risquait d’avoir des consé-
quences négatives en termes de satisfaction et de productivité. Pour lutter contre ce
phénomène et mobiliser les salariés, l’enrichissement des tâches permet de redonner
un intérêt au travail. La mobilité horizontale, la rotation des postes, tout en augmen-
L’individu face au plafonnement de carrière 239

tant la flexibilité de l’organisation, apportent une diversité qui peut compenser en


partie l’absence de mobilité verticale. Appelbaum et Finestone (1994) considèrent
que le sentiment de plafonnement peut être réduit en jouant sur la nature des
emplois et en les concevant de façon à favoriser la responsabilisation et l’enrichisse-
ment personnel, par exemple dans des fonctions de type projet ou dans des missions
temporaires.
De nombreuses marques de reconnaissance peuvent aussi, sinon remplacer, du
moins compenser une limitation des perspectives de promotion. La validation des
compétences peut être une forme de reconnaissance qui permet parfois de redonner
des perspectives d’évolution à des personnes qui se sentaient plafonnées. Oiry (2001)
montre par exemple comment une entreprise de pétrochimie introduit un système de
gestion des compétences qui valorise notamment la polyvalence, la qualité et la com-
munication pour redonner à des opérateurs qui se sentaient plafonnés de nouvelles
perspectives de carrière. Certaines entreprises utilisent des symboles tels que le par-
king, l’emplacement et la taille du bureau, ou bien attribuent des titres considérés
comme valorisants.
Des filières spécifiques ont été instaurées dans de nombreuses organisations
pour tenter d’apporter à des experts tels que les chercheurs scientifiques la reconnais-
sance qu’ils attendent. Pour éviter un sentiment de plafonnement souvent frustrant et
démotivant, chez ceux qui ne souhaitent pas s’orienter vers des carrières administra-
tives ou commerciales, des « échelles doubles » (dual ladders) ont été créées pour
offrir des opportunités de carrière aux experts et éviter des conflits de rôles poten-
tiels. L’entreprise conserve alors un réel potentiel technologique et évite de voir des
experts dont les compétences de management sont médiocres s’orienter vers des pos-
tes qui ne correspondent pas vraiment à leurs aspirations et où ils risquent d’être à
nouveau rapidement plafonnés.
D’autres entreprises mettent en place de façon plus ou moins artificielle des
filières donnant au moins aux salariés un sentiment de progression. Dans une entre-
prise de restauration rapide par exemple, les salariés ont le sentiment de progresser
lorsqu’ils passent (à salaire à peu près égal) du ménage aux frites, puis aux hambur-
gers et à la caisse. Ils acquièrent aux yeux de leurs collègues comme à ceux du res-
ponsable du restaurant un statut qui les valorise et qui vient compenser les
contraintes d’un travail qui offre peu de perspectives. Il est vrai que la forte rotation
du personnel dans ce type d’entreprise favorise ce type d’évolution, mais une organi-
sation du travail dans laquelle chacun resterait spécialisé dans des tâches bien préci-
ses serait probablement moins bien accueillie et moins efficace.
Parmi les outils que l’entreprise peut mettre en place pour faire face au plafon-
nement et favoriser la mobilité interne, Cadin, Guerin et Pigeyre (2002) proposent
également de développer l’information par des bourses des emplois qui permettent de
connaître les opportunités offertes, des cartes des métiers qui permettent d’envisager
des filières et des passerelles possibles entre les emplois, des forums métiers ou des
cellules d’orientation pour présenter et analyser les possibilités d’orientation nouvel-
les. Pour organiser la mobilité, les organisations ont également développé des outils
d’aide à la décision comme les organigrammes de remplacement, les revues de person-
nel ou les comités carrière qui permettent de repérer les remplaçants potentiels,
d’organiser une rotation des postes et de coordonner les actions, mais aussi de ne pas
240 Les enjeux de carrière

oublier certaines personnes qui pourraient rester plafonnées dans leur coin simple-
ment parce qu’elles sont dans une position moins visible que d’autres. Thierry et
Maincent (1980) insistent sur la nécessaire cohérence de ces différents moyens entre
eux et sur leur intégration dans le fonctionnement global de l’entreprise.

4. Conclusion

Comme nous l’avons vu dans ce chapitre, bien que l’étude du phénomène du plafonne-
ment de carrière date de près de cinquante ans, celui-ci suscite toujours l’intérêt des
chercheurs du domaine de la gestion. L’aplanissement des structures hiérarchiques et
les vagues de rationalisation qui ont caractérisé ces dernières années ont eu pour
conséquence de limiter les opportunités de promotion pour les salariés, les condui-
sant à se retrouver plus rapidement en situation de plafonnement structurel. Par
ailleurs, la redéfinition de la carrière traditionnelle engendrée par ces bouleverse-
ments a également obligé les chercheurs à repenser la notion de plafonnement de car-
rière, ouvrant ainsi la voie vers de nouvelles pistes de recherches. Depuis la parution
de l’article de Ference et al. en 1977, plusieurs études ont fait évoluer la compréhen-
sion du phénomène de plafonnement de carrière. Dans cette dernière section, nous
identifions certaines pistes de recherches qui pourraient encore être approfondies ou
explorées.
Ference et al. (1977) proposent deux raisons qui expliquent que des individus
puissent être plafonnés : des raisons personnelles et des raisons organisationnelles.
Les individus qui sont plafonnés pour des raisons personnelles sont ceux qui sont vus
par l’organisation comme ne possédant pas toutes les compétences nécessaires pour
occuper un poste de plus haut niveau ou comme n’ayant pas la volonté d’accéder à un
tel poste. Les individus qui sont plafonnés pour des raisons organisationnelles sont
ceux qui, bien qu’ayant les compétences nécessaires pour occuper un poste de plus
haut niveau, ne peuvent y accéder en raison de l’absence de postes disponibles dans
leur organisation. Bien que conceptuellement ces deux situations de carrière soient
différentes, les chercheurs s’intéressant au plafonnement de carrière n’ont pas, ou
encore très peu, approfondi cette distinction.
La définition du concept de plafonnement de carrière mérite aussi des préci-
sions. Les facteurs explicatifs sont difficiles à distinguer des formes spécifiques de
plafonnement : doit-on dire par exemple qu’une personne se sent plafonnée parce que
le contenu de son travail ne présente aucun intérêt, ou bien doit-on dire qu’elle res-
sent un « plafonnement de contenu » ?
Enfin, alors que plusieurs chercheurs se sont employés à identifier les détermi-
nants et les conséquences directes du plafonnement de carrière, encore peu d’études
ont exploré les mécanismes plus complexes entourant le phénomène du plafonne-
ment. Nous avons vu que les liens de causalité sont difficiles à établir dans les études
transversales entreprises par la plupart des chercheurs. Des études longitudinales plus
approfondies devraient permettre de mieux comprendre ces processus complexes. Elles
ne pourront probablement pas se contenter d’études classiques par questionnaires et
nécessiteront des investigations plus longues sur le terrain, prenant en compte les
spécificités du contexte étudié comme l’a fait par exemple Sofer (1970) sur les ingé-
L’individu face au plafonnement de carrière 241

nieurs et cadres de deux entreprises britanniques. Le plafonnement peut être vécu de


façons très différentes selon les catégories de personnel. Hall (1985) compare la
situation de managers, de gestionnaires de projets et de spécialistes techniques, et
Palmero et al. (2001) analysent les réactions d’une population atypique, les tra-
vailleurs à temps partiel.
Dans une des premières études sur le sujet, Lawler (1964) rapporte une forte
relation entre le plafonnement objectif (le temps de séjour dans son poste) et les
attitudes au travail, mais il souligne que les résultats varient beaucoup selon le
niveau hiérarchique des cadres concernés, les cadres supérieurs étant plus satisfaits
lorsqu’ils restent plus longtemps, alors que les cadres de niveau inférieur sont plus
insatisfaits. Des personnes surqualifiées par rapport à leur emploi ou ayant accepté
une rétrogradation – Feldman (1996) parle alors de « sous-emploi » – seront proba-
blement plus sensibles au plafonnement que les autres, dans la mesure où elles ont
une forte aspiration à retrouver leur niveau hiérarchique et leur salaire et à utiliser
pleinement leurs compétences (Feldman, Leana et Bolino, 2002). Les réactions de
personnes appartenant à des catégories professionnelles, mais aussi à des cultures
différentes devraient donc être comparées. Dans les cultures asiatiques, latines ou
anglo-saxonnes par exemple, la notion du temps, essentielle dans le concept de pla-
fonnement, n’a pas le même sens.
Les résultats parfois mitigés des études sur les conséquences des différentes
formes de plafonnement suggèrent aussi que certains éléments pourraient modérer la
relation entre le plafonnement et ses conséquences. À l’exception de quelques études
qui ont démontré l’effet modérateur de caractéristiques liées à l’emploi et du carac-
tère volontaire de la situation de plafonnement sur les conséquences du plafonne-
ment de carrière (Tremblay, 2005 ; Tremblay et Roger, 2004), la recherche sur les
facteurs modérateurs des effets du plafonnement est encore peu avancée. Par ailleurs,
peu d’études se sont penchées sur les mécanismes qui viendraient expliquer les consé-
quences du plafonnement de carrière. Certaines recherches ont par exemple démontré
que les perceptions de soutien du supérieur et de l’organisation pourraient agir
comme variables intermédiaires entre les formes de plafonnement structurel et de
contenu et leurs conséquences (Gerpott et Domsch, 1987 ; Lapalme et al., 2005). Il
serait intéressant d’explorer davantage cette voie afin d’avoir une compréhension plus
fine de la façon dont le plafonnement de carrière influence les salariés.
L’organisation doit-elle, selon la formule de Bell et Staw (1989), considérer les
gens comme des sculpteurs ou comme des sculptures ? Cette question rejoint les deux
approches de la gestion des carrières évoquées par Van Maanen et Schein (1977) :
celle des psychologues qui estiment pour l’essentiel que « les gens font les
carrières », alors que les sociologues considèrent plutôt que « les carrières font les
gens ». Il serait intéressant d’étudier plus à fond l’équilibre à trouver entre des initia-
tives organisationnelles destinées à assurer une cohérence nécessaire, et des initiati-
ves individuelles, qui doivent aussi être encouragées et accompagnées par
l’organisation. Weick (1976) ou Bergmann Lichtenstein et al. (2002) soulignent que,
dans un système dynamique extrêmement complexe, la progression de carrière est dis-
continue, non-linéaire, et qu’elle dépend souvent d’événements fortuits, apparem-
ment mineurs (« l’effet papillon »). Une personne plafonnée pourra ainsi trouver dans
les théories du chaos ou de la complexité un signe d’espoir en se disant que sa situa-
242 Les enjeux de carrière

tion n’est jamais totalement déterminée et que des événements extérieurs ou un


effort personnel peuvent lui permettre de sortir de sa situation : même après une
période de stabilité prolongée, c’est en gardant espoir qu’elle restera plus satisfaite et
moins stressée dans son travail.
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Partie III

L’épuisement professionnel

Jean-Pierre NEVEU 1

Sommaire

Chapitre 9. Violences et épuisement professionnel 265

Chapitre 10. Burnout et santé des personnels : déterminants et


prises en charge 289

Chapitre 11. Exigences professionnelles et implication au


travail : leur rôle dans l’émergence du burnout 313

1 Université Bordeaux IV.


L’épuisement professionnel 263

La notion de burnout, ou en français d’« épuisement professionnel », alimente mainte-


nant un nombre considérable d’études scientifiques que justifient des états de l’art
périodiques (Maslach, Schaufeli et Leiter, 2001 ; Schaufeli et Enzmann, 1998).
Apparu véritablement en France dans les années 1990, le thème a récemment fait
l’objet d’une récession spéciale qui témoigne de la fertilité du champ (Truchot, 2004).
L’objet de cette partie n’est donc pas d’offrir une nouvelle présentation du burnout. Le
souci est plutôt de s’inscrire en complément de ces divers travaux en présentant cer-
taines perspectives de recherches approfondies. Pour cela, il a été choisi de s’intéres-
ser aux rapports de l’épuisement professionnel avec des corrélats porteurs d’enjeux
pour l’organisation. Le but est ainsi d’extraire le burnout de sa « boîte noire » expéri-
mentale pour le confronter aux enjeux pratiques des situations de travail.
Dans un premier temps, la contribution de Pedro Gil-Monte, Bernardo Moreno
et Jean-Pierre Neveu associe le burnout au thème des violences au travail. La présen-
tation fait ainsi ressortir les enjeux et la complexité d’un débat où le salarié est tour
à tour victime et agresseur, aussi bien dans ses rapports à l’intérieur de l’organisation
qu’avec le monde extérieur des consommateurs/usagers. À l’évidence, et comme c’est
souvent le cas en sciences humaines et sociales, le temps de la recherche n’est pas
celui d’une presse populaire aussi avide de sensationnalisme démagogique que sim-
pliste dans ses analyses et ses réflexions constructives.
Le dixième chapitre se penche sur la relation entre le burnout et la notion de
santé. Tout d’abord, Nicole Rascle et Marilou Bruchon-Schweitzer nous éclairent sur
les réalités individuelles de ce rapport, tant sur un plan physique que psychologique.
Dépassant le cadre descriptif, les chercheuses soulignent ensuite un ensemble de pis-
tes de recherches et d’interventions pratiques confirmant, de manière scientifique,
que bien-être individuel et performance organisationnelle sont plus liés qu’antinomi-
ques.
Enfin, Didier Truchot nous invite à considérer le rapport entre épuisement pro-
fessionnel et dynamiques d’implication/engagement. Ce travail crée un pont entre
deux traditions de recherche qui, jusqu’ici du moins, ont évoluées de façon parallèle 2.
Pour donner corps à cette problématique nouvelle, Truchot s’appuie sur une validation
empirique du modèle de Cherniss appliqué au travail de personnels soignants.

2 La récente publication de Wright & Hobfoll (2004) peut suggérer une évolution de cette situa-
tion.
Chapitre 9

Violences et épuisement
professionnel

Pedro GIL-MONTE, Bernardo MORENO et Jean-Pierre NEVEU 3

Introduction
Le burnout est une réponse psychologique au stress chronique d’un travail à caractère
interpersonnel et émotionnel. Il apparaît majoritairement chez des professionnels en
rapport de service direct avec une clientèle d’usagers. Cette réponse se caractérise par
des symptômes : a) une détérioration cognitive en rapport avec une désillusion pro-
fessionnelle, un désenchantement, ou une chute de réalisation personnelle au
travail ; b) une détérioration affective, caractérisée par un épuisement émotionnel et
physique ; c) l’apparition d’attitudes et de conduites négatives, préjudiciables même,
envers la clientèle et l’organisation, et sous forme d’indifférence, de froideur, de dis-
tanciation, voir d’agressivité. Ce dernier symptôme, aussi identifié à l’indolence, à la
dépersonnalisation ou au cynisme, s’accompagne parfois de sentiments de culpabilité
(Gil-Monte, 2005).
En abordant la définition du burnout, il est important de souligner que cette
pathologie doit être parfois comprise comme le résultat de certains types de violence
ou d’agressions au travail. C’est le résultat d’une situation où le travailleur, débordé,
est comme impuissant pour faire face aux problèmes engendrés par son environne-
ment de travail, et plus particulièrement par son environnement social. Les individus
se sentent usés et épuisés par la perception continue de pressions. C’est ainsi que le
burnout trouve davantage son origine dans l’environnement professionnel que dans la
psychologie propre du travailleur. Cette nuance est très importante, car au moment de
traiter le problème du burnout, il conviendra alors de considérer l’environnement psy-
chosocial professionnel pour essayer de le modifier afin de prévoir l’émergence et le

3 UV – UAM – LIRHE.
266 L’épuisement professionnel

développement de cette pathologie, et de dépasser ainsi le cadre exclusif du niveau


individuel.
Dans les sections qui vont suivre, nous nous intéresserons principalement aux
divers types de rapport entre l’expression de la violence au travail et l’épuisement
professionnel. Dans un premier temps, nous aborderons l’étude de la violence propre-
ment dite, de son processus et de son impact sur l’épuisement professionnel. Nous
développerons ensuite le problème complémentaire du rapport entre l’épuisement
professionnel et la violence exprimée à l’encontre du client/patient usager de l’orga-
nisation. Une ultime section ouvrira la question de la violence professionnelle sur une
problématique, théorique et appliquée, de qualité du service rendu par une gestion
appropriée des ressources humaines.

1. Violences et travail
Ces dernières années, le thème de la violence au travail s’est développé sur pratique-
ment l’ensemble de la planète. Il n’est pas circonscrit à des aires en voies de dévelop-
pement économique, même s’il peut s’y s’avérer plus aigu, et touche des populations
en situations diverses sous des formes et des intensités variables (Chappell et
Di Martino, 2000). Cependant, malgré son volume, la recherche sur la violence au tra-
vail est relativement récente, les études empiriques et les modèles théoriques claire-
ment insuffisants. Par exemple, LeBlanc et Kelloway (2002) considèrent que l’étude
des facteurs de prédiction de la violence n’en est encore qu’à ses débuts. Un prélimi-
naire indispensable à toute recherche sur le rapport entre violences et travail est donc
bien une clarification des concepts en jeu.

1.1 DÉFINIR LE PHÉNOMÈNE


La pertinence du thème vient en partie de l’extension qu’il a prise. Toutefois, il est
difficile d’en établir l’importance s’il n’est pas correctement caractérisé. Il est ainsi
établi que la violence peut prendre des formes multiples (Baron, 1993 ; Engel, 1987)
et plusieurs revues de littérature existent à son sujet (Baron et Neuman, 1996 ; Folger
et Baron, 1996 ; Glomb, 1998 ; Neuman et Baron, 1997).
Une définition large et englobant les formes multiples d’expression de la vio-
lence a été proposée par Wynne et al. (1997), et adoptée par la Commission
européenne : « Incidents où des personnes sont insultées, menacées ou agressées en
circonstances de travail, et qui mettent en péril de manière explicite ou implicite leur
santé, leur sécurité ou leur bien-être » (Di Martino, Hoel et Cooper, 2003, p. 3). Cette
définition s’est imposée dans la mesure où elle identifie, tout en les distinguant, les
différents types de violence au travail, et reconnait les conséquences de cette vio-
lence dans le domaine de la santé et le bien-être personnel, tout en évitant de se
focaliser sur les seuls, quoique plus spectaculaires, aspects physiques.
Le cadre conceptuel se fait plus complexe quand on distingue violence et
agression, deux phénomènes proches mais qui ne coïncident pas. En psychologie
sociale, les définitions les plus habituelles de l’agression prennent en comptent deux
aspects (Baron, 1977 ; Berkowitz, 1993) : l’intentionnalité et l’objet de l’agression,
Violences et épuisement professionnel 267

physique ou psychologique. Les motifs de cette violence ont aussi été abordés, qui
distinguent les types d’agressions hostile et instrumental (Berkowitz, 1993 ; Buss,
1961). Le premier est dirigé contre la personne, le deuxième porte sur l’obtention
d’objectifs pour lesquels il semble nécessaire d’agresser ceux qui peuvent s’interposer
à sa réalisation.
En dépit de ces exposés largement consensuels, le débat reste néanmoins
ouvert. Anderson et Pearson (1999) ont affirmé que toute agression n’est pas néces-
sairement intentionnelle, alors que Neuman et Baron (2005) pensent que se centrer
uniquement sur le résultat de l’action peut poser problème. À tout le moins, il semble
que l’intentionnalité ne puisse être considérée comme le critère ultime et définitif.
Une alternative possible est de considérer l’agression comme une conduite intention-
nelle qui engendre des dommages à un tiers, c’est-à-dire de reconnaître l’intentionna-
lité comme un élément critique de l’agression, mais non de la violence. Toute
conduite qui engendre un dommage, indépendamment de l’intentionnalité, constitue
une violence. En ce sens, la violence serait fortement définie par le dommage infligé,
tandis que l’agression serait définie par l’intentionnalité qui la produit.
La reconnaissance des contextes d’occurrence de la violence a été d’une grande
importance théorique et pratique pour délimiter le champ conceptuel. Pour ce faire,
on a coutume d’accepter la proposition taxinomique de la California Occupational
Safety And Health Administration (COSHA) (1995). Cette classification dissocie trois
formes fondamentales de violence :
1. Des actes de violence provenant de personnes n’ayant aucun rapport avec le
travail effectué. Ce type de violence se commet à l’occasion de vols, d’agres-
sions et de hold-ups sur les lieux de travail. L’objectif de cette forme de vio-
lence est l’obtention de biens précieux pour les agresseurs.
2. Des actes de violence provenant de clients qu’on accueille ou envers lesquels
on prête service. C’est le type de violence liée à la réclamation ou à l’exigence
de droits sous supposés. L’objectif de la violence est pour le client d’obtenir un
service qu’il n’a pas reçu.
3. Des actes de violence provenant de collègues ou de supérieurs sur les lieux de
travail. C’est le type de violence associé aux conflits de type organisationnel
ou personnel. L’objectif de ce dernier type de violence est d’obtenir des avan-
tages non reçus ou alors revendiqués par d’autres groupes.
Dans le cadre du présent chapitre, il paraît néanmoins opportun de se focaliser
sur les deux formes principales de violences que sont les violences physiques et psy-
chologiques (Wynne et al., 1997), tout en reconnaissant la difficulté d’établir parfois
une distinction à la fois diachronique et synchronique claire entre les deux.
À l’occasion, nous nous reposerons aussi sur les types de violence répertoriés par la
COSHA, plus particulièrement en ce qui concerne la violence du type II, ou violence
spécifique du client.

1.2 CONTEXTES PROFESSIONNELS


Il n’est pas simple d’estimer l’occurrence de la violence dans chacune de ses formes.
D’abord en raison des possibles divergences de définition. Ensuite en raison de la
268 L’épuisement professionnel

variété des sources et des méthodes fondant la collecte des données. Bien qu’il existe
une tendance d’unification des définitions dans le sens des directives officielles déjà
mentionnées, la méthodologie est encore très variée selon qu’elle repose sur des don-
nées officielles provenant de registres publics, ou d’études de terrain reposant sur des
enquêtes et des questionnaires. Les registres officiels ont coutume de rapporter la
violence sous sa forme d’agression physique, spécialement de type I ou II, suivi de
désordres et d’altération publique. Par contraste, les études par enquêtes et question-
naires se focalisent sur les formes de violence psychologique et sur la perception des
menaces. En ce sens, l’utilisation des deux types de sources peut s’avérer complémen-
taire.
Bien qu’aucun métier ne soit exempt du risque de violence, quelques profes-
sions présentent de plus grands risques que d’autres (Chappell et Di Martino, 2000),
dont par exemple celles des services. Il existe cinq facteurs qui accentuent le risque
de violence dans ce secteur d’activités : 1) la manipulation d’argent et d’objets pré-
cieux, 2) l’attention et le soin aux personnes, 3) le travail d’inspection et de sur-
veillance, 4) le travail en contact avec des personnes à problèmes, 5) le travail en
isolé.
Au cours des dernières années, le secteur des services a connu une augmenta-
tion de tous les types de violence, et notamment ceux relatifs à la violence verbale
(Barling, Rogers et Kelloway, 2001 ; Glomb, 2002). Cris, insultes, menaces et injures
sont monnaie courante dans des centres de soin au client. Nordin (1995) a trouvé
qu’approximativement 24 % de tous les cas de violence se sont produits dans le sec-
teur des services. Un pourcentage beaucoup plus élevé est celui trouvé par Jenkins
(1996) où 64 % de tous les homicides au travail ont lieu dans le secteur des services
(échantillon américain).
Dans ce contexte, la violence du client mérite une mention spéciale. Elle est
reconnue comme un des types fondamentaux de violence au travail. Son étude est
jusqu’à présent nettement insuffisante (Grandey, Dickter et Hock-Pen-Sin, 2004), bien
que différents travaux montrent clairement l’importance de la violence physique des
clients envers les travailleurs du secteur tertiaire (Baron et Neuman, 1996). Des don-
nées récentes indiquent que les agents hospitaliers sont ceux qui subissent la plus
grande violence de type II. De façon plus générale, l’évolution marquée en termes de
services ainsi que l’intérêt croissant pour l’attention portée au client dans des contex-
tes professionnels plus traditionnels ont transformé le rapport clientèle en une des
préoccupations actuelles de la majorité des organisations. La satisfaction client est la
grande obsession des organisations, en partie une raison d’être, ce qui entraîne beau-
coup de contreparties de la part les travailleurs. La violence de type II est habituelle-
ment générée par la frustration des espoirs de services, la colère ou la rage face à
l’incapacité d’obtenir ce qui est souhaité. C’est pourquoi ce type de violence provoque
des conduites agressives réactives (Anderson et Bushman, 2002).

1.3 LA VIOLENCE PHYSIQUE


La violence physique peut se produire dans chacun des trois types reconnus de vio-
lence. Son occurrence est plus grande en type I, celle liée au vol et à l’agression. Tou-
tefois, elle n’est pas non plus absente des violences de type II (violence du client).
Violences et épuisement professionnel 269

Plus rare, mais tout aussi possible, existe aussi la violence physique de type III (vio-
lence dans le cadre interne du travail propre).
La violence physique est la plus remarquable, mais n’est pas toujours la plus
importante par ses effets. Au cours des dernières années, plusieurs recensions ont été
présentées sur sa portée, ses causes, son processus et ses conséquences (Griffin,
O’Leary-Kelly et Collins, 1998 ; Leather, Brady, Lawrence, Beale et Cox, 1999 ; Vanden-
boss et Bulatao, 1996).
La revue de la littérature indique que l’exposition à la violence physique
génère, dans un premier temps, chez les salariés la peur, suivie d’une diminution des
ressources émotionnelles et cognitives (Rogers et Kelloway, 1997 ; Schat et Kelloway,
2000). Toutefois, l’analyse des effets de la violence ne peut se cantonner à la seule
étude de la violence réellement exercée, aux faits violents. La menace environnemen-
tale de violence produit aussi des effets semblables (Hall et Spector, 1991). Les victi-
mes de la violence sont non seulement ceux qui la subissent, mais aussi ceux qui la
prévoient et ceux qui en témoignent. Comme l’a souligné Taylor (1989), ceux qui
assistent à des événements violents souffrent également de leurs effets.

1.4 LA VIOLENCE PSYCHOLOGIQUE


L’agression non physique sur les lieux de travail est plus fréquente que l’agression
physique (Greenberg et Barling, 1999). L’attention portée aux formes de violence psy-
chologique est chaque fois plus grande et se retrouve dans la définition qui en est
donnée par la Commission européenne (Comité Consultatif pour la Sécurité et la
Santé sur le Lieu de Travail): « La violence peut être définie comme une forme de
comportement ou d’action relationnelle entre deux ou plusieurs personnes qui est
négative, et que caractérise une agressivité, parfois répétée, parfois inattendue,
ayant des effets dommageables sur la sécurité, la santé ou le bien-être des employés
en situation de travail » (Di Martino, Hoel et Cooper, 2003, p. 4).
Il existe une vaste gamme de mauvais traitements interactifs au sein des orga-
nisations. Malgré leur faible valeur en termes d’intensité et de gravité, leur persis-
tance en accentue les effets. Ce type d’incidents correspond à ce qu’une littérature
abondante sur le stress nomme « les tracasseries quotidiennes » (daily hassless)
(DeLongis, Coyne, Dakof, Folkman et Lazarus, 1982 ; Kanner, Coyne, Schaefer et Laza-
rus, 1981 ; Lazarus et Folkman, 1984). Ce type de micro-facteurs de stress, faible par
leur intensité, mais constants et chroniques, peut avoir des conséquences plus impor-
tantes que des incidents plus momentanés et importants. Toutefois, ce n’est que
récemment que l’on a commencé à s’intéresser à ce type de comportements pour en
analyser les antécédents et pour en apprécier le poids des conséquences (Donovan,
Drasgow et Munson, 1998 ; Fox et Spector, 2005 ; Tepper, 2000). Le volume des
recherches en la matière reste néanmoins relativement très faible.
Ces dernières années, les thèmes les plus soumis à l’étude ont probablement
été ceux du « mobbing », ou du « bullying ». Le mobbing est reconnu internationale-
ment comme un problème de travail sérieux (Salin, 2001). De façon générale, on con-
sidère que mobbing et bullying correspondent à toute une série d’« actes négatifs »
dans le cadre du travail, i.e. harcèlement, intimidation, brimade, humiliation, exclu-
sion, dirigés vers une ou plusieurs personnes (Einarsen et Skogstad, 1996 ; Rayner,
270 L’épuisement professionnel

Hoel et Cooper, 2002). Un aspect central du cadre conceptuel du mobbing est le désé-
quilibre des pouvoirs entre les parties (Zapf et Einarsen, 2005). Cela indique qu’un des
mécanismes essentiels du mobbing, et indicateur de son degré de gravité, réside dans
la conjugaison d’une carence ressentie des ressources et d’un sentiment d’agression
interpersonnelle. Une des formes de mobbing est celle que Einarsen (1999) a appelé
« le mobbing prédateur ». Ce type de mobbing apparaît lorsqu’en situation de pou-
voir, l’arbitraire est exercé en vue d’obtenir des avantages supplémentaires aux
dépens du droit d’autrui. L’aliénation et la paralysie caractérisent la réponse de la vic-
time.

Similaire, mais non identique, la notion d’atteintes émotionnelles (emotional


abuses) concerne davantage les aspects émotionnels négatifs propres aux interactions
du travail. Plus précisément, il s’agit de « comportements d’hostilité verbale ou non
verbale (sans contact physique) provenant d’un ou plusieurs individus à l’encontre
d’autres personnes dans un but d’affaiblissement et de soumission » (Keashly, Trott et
MacLean, 1994, p. 342). L’atteinte émotionnelle est répétitive, habituelle même, mais
non systématique. Tandis que le harcèlement psychologique est d’ordinaire en rapport
avec un objectif, l’atteinte émotionnelle correspond plutôt à un style de relation
fondé sur la déconsidération de l’autre. En dépit de possibles variations, i.e. rôle de
l’intentionnalité et plus grande couverture du concept de mobbing, la proximité des
notions reste néanmoins claire (Keashly et Harley, 2005).

Anderson et Pearson (1999) ont proposé le concept d’incivilité pour décrire


une des façons dont peut s’exercer la violence psychologique au travail : « un com-
portement déviant de faible intensité à l’intention ambigüe de nuisance envers une
cible, en violation de normes de respect mutuel en vigueur au travail » (Anderson et
Pearson, 1999, p. 457). Comme tel, il s’agirait d’une forme de « comportement anti-
social de l’employé » (Giacolone et Greenberg, 1997), que caractérise l’absence
d’intentionnalité claire et consciente pour causer un dommage. La notion d’incivilité
diffère aussi de celle de « justice interactionnelle » plus en rapport avec une insensi-
bilité des pratiques organisationnelles et managériales (Bies et Moag, 1986). Stricto
sensu, l’incivilité peut être le fait tant de clients, que de personnel étranger à l’orga-
nisation, de collègues de travail ou de supérieurs hiérarchiques. Une des caractéristi-
ques majeures de l’incivilité est sa propension à se diffuser par jeu de contagion ou
par feedback (Anderson et Pearson, 1999).

Le travail émotionnel représente un autre type d’interaction professionnelle


pouvant être associée au burnout (Hochschild, 1983). Selon Morris et Feldman
(1996), le travail émotionnel correspond à tout « besoin d’effort, de planning et de
contrôle nécessaire à l’expression d’émotions souhaitées par l’organisation dans le
cours de transactions interpersonnelles » (p. 987). Le travail émotionnel ne s’identifie
pas à la violence émotionnelle ou verbale, mais à l’exercice d’un processus d’autorégu-
lation émotionnelle pouvant être, parfois, coûteux et gênant. S’inscrivant dans le
cadre d’une relation attentive, voir soumise, l’activité de service oblige une gestion
des émotions négatives habituellement exprimées en situation de conflit (Brotheridge
et Grandey, 2002 ; Hochschild, 1983). De fait, la gravité et l’importance des consé-
quences négatives du travail émotionnel se trouve être la dissonance cognitive res-
sentie par le salarié entre sentiments réels éprouvés et ceux affichés. Zapf (2002) a
Violences et épuisement professionnel 271

ainsi mis en évidence une corrélation sensible entre dissonance et épuisement émo-
tionnel.
Les concepts et les termes précédemment exposés représentent ceux habituel-
lement les plus décrits. Néanmoins, il existe encore une variété d’autres notions rela-
tives au conflit interpersonnel sur les lieux de travail. De moindre intensité, ces
concepts restent proches bien que mettant chacun l’accent sur des aspects caractéris-
tiques aux conséquences particulières.
La mesquinerie tyrannique (petty tyranny) et l’abus d’autorité (abusive supervi-
sion) renvoient à un type de supervision de caractère nuisible et gênant. Ashforth
(1994) parle de mesquinerie tyrannique en référence à un exercice personnel et arbi-
traire du pouvoir, où les normes sont ignorées ou respectées selon les convenances du
moment. Dans la mesure où ce type de comportement est utilisé pour augmenter la
capacité propre du pouvoir, il acquiert une valeur d’agressivité instrumentale.
L’« abusive supervision » correspond à des conduites interpersonnelles hostiles
et persistantes, mais sans agression physique (Moberg, Ritter et Fischbein, 2002).
Elle est associée à la ridiculisation, en privé ou en public, des subordonnés, à l’ostra-
cisme, au sans-gêne, ainsi à la brusquerie et à l’impolitesse. (Bies, 2001 ; Tepper,
2000).
Nous noterons enfin la notion de « laminage social » (social undermining)
(Duffy, Ganster et Pagon, 2002). Elle correspond à un type d’action, le plus souvent
dissimulée, ayant pour effet de miner l’image personnelle et professionnelle du tra-
vailleur qui se trouve alors dans l’impossibilité d’entretenir des relations interperson-
nelles positives et une réputation avantageuse.

2. De la violence au burnout :
conséquences et manifestations

Les conséquences d’une violence perçue sont variées. Certaines sont d’ordre stricte-
ment personnel et peuvent déboucher sur des réactions de stress post-traumatique.
D’autres, de nature plus sociale, peuvent affecter le cadre des relations de la personne
agressée. En tout état de cause, les conséquences les plus manifestes se constatent
en milieu professionnel. Nous aborderons donc successivement les conséquences
observées tant au niveau interpersonnel que personnel en situation de travail.

2.1 L’IMPACT INTERPERSONNEL


La recherche a souligné le rôle du burnout comme risque émotionnel inhérent aux
situations de service que caractérise une interaction de clientèle (Singh, Goolsby et
Rhoades, 1994). Et quand l’effort d’autorégulation émotionnelle du professionnel
devient pesante et continue, la probabilité de fatigue émotionnelle et de burnout
s’accroît (Deery, Iverson, et Walsch, 2002 ; Maslach, 1978). En d’autres termes, la fré-
quence et la perception d’une menace de la part d’un client affecte directement la
probabilité d’apparition du burnout (Grandey, Dickter et Sin, 2004).
272 L’épuisement professionnel

La détérioration des relations interpersonnelles au travail est la principale


source de stress à partir de laquelle se développe le burnout. Cette détérioration est
d’autant plus remarquable qu’elle provient d’une relation clientèle. Si ces relations
sont fréquemment tendues et conflictuelles, que les professionnels ne sont pas for-
més au contrôle du stress émotionnel qui en découle, alors, à la longue (importance
de la fréquence), apparaîtront les symptômes du burnout. Parmi les principaux fac-
teurs d’épuisement professionnel dont l’origine est la clientèle, nous trouvons notam-
ment les agressions physiques et verbales, ainsi que les plaintes exagérées et
répétitives proférées sur un ton irrespectueux. L’analyse clinique du vécu profession-
nel témoigne de cette relation de violence interpersonnelle entre professionnel et
client (encadré 9.1).

Encadré 9.1
L’expérience du burnout par la violence des contacts

« Au fond, je crois que c’est l’attitude du patient envers nous qui influence le déve-
loppement du burnout. Les gens deviennent très agressifs. Je crois que c’est à cause
de ça. Et parce que nous ne nous sentons pas reconnus. Beaucoup de gens te diront
que c’est pour le salaire, mais je ne crois pas que c’est pour ça. Si on est bien et
qu’on se sent reconnu, le salaire passe au second plan. Mais d’être avec un patient
qui ne te passe pas la plus petite chose, que tu fais cent bonnes choses et une mau-
vaise, et alors toutes sont mauvaises... Les gens ne savent pas valoriser. Les cons !
Tu fais un jour une erreur, qui parfois ce sont des bêtises, et ils ne te le pardonnent
pas. Ça, ça t’épuise beaucoup, ça t’épuise énormément. Le manque de reconnais-
sance, voir que tu ne vaux rien pour eux. Les gens d’aujourd’hui ont beaucoup
perdu de bon sens » (Séfa, infirmière, 49 ans, 30 ans d’ancienneté).

« Tu te sens maltraitée dans l’entreprise, y compris aussi par les patients. Comme je
te disais, tous ont des droits mais pas d’obligations. Et ça, c’est mauvais. Je ne sais
pas si c’est par politique ou pourquoi, mais comme pour tout le monde, il y a des
droits et des obligations qu’ils devraient connaître et respecter. Si un homme
t’insulte, par exemple, celui-là dont je t’ai parlé il y a un moment et qui m’a dit : ‘fille
de pute’, et qu’après le surveillant te dit qu’on doit le supporter ! Comment je peux
supporter qu’il me dise ? Pourquoi ? Il avait peut-être raison ? Tu rencontres beau-
coup de gens comme ça, même si c’est pas une majorité. Je pense qu’il devrait y
avoir une idée de plus grande responsabilité envers le personnel soignant. Pas seu-
lement demander des droits pour les patients, mais aussi faire savoir que le patient
a l’obligation de bien se comporter. Enfin, je crois que ça se passe comme ça. Pas
tous, je le répète. Il y a des gens qui sont corrects et instruits, et qui se comportent
bien partout. Mais pour ceux qui ont besoin qu’on leur rappelle qu’il y a des droits
et des obligations, ils doivent savoir qu’ils ne peuvent pas manquer au respect »
(Antonia, infirmière, 8 ans d’ancienneté).

Source : Gil-Monte (2005).

Un ensemble d’études empiriques quantitatives sur les effets de la violence du


personnel-soignant (Lanza, 1985, 1992 ; MacPherson, Eastley, Richards et Mian,
1994) a révélé que même des formes bénignes d’agressivité pouvaient susciter des
réponses émotionnelles intenses. Concernant les facettes du burnout, l’agression phy-
Violences et épuisement professionnel 273

sique et celle psychologique auraient ainsi un impact sur l’effondrement émotionnel,


tandis qu’une agression psychologique seule n’affecterait que le sentiment de réalisa-
tion personnelle ; par contre, aucune de ces deux formes d’agression n’influencerait
de manière significative la dépersonnalisation (Evers, Tomic et Brouwers, 2002).
Ailleurs, sur un échantillon de 180 personnes engagées dans l’aide à domicile,
Büssing et Hodge (2004) ont établi que les formes d’agression physique et psycholo-
gique, provenant tant des patients que de leurs parents, affectent l’effondrement
émotionnel ainsi que la dépersonnalisation.

2.2 L’IMPACT PERSONNEL : LE CAS DE LA CULPABILITÉ


La faute est identifiée comme un symptôme du burnout dans diverses études publiées
principalement au cours des années 1980 (Farber et Miller, 1981 ; Freudenberger,
1974 ; Maslach, 1982a, 1982b ; Pines, 1985 ; Price et Murphy, 1984 ; Scully, 1985).
Maslach (1982a) parle de réaction de Mea culpa. Le fait de penser que « je suis
quelqu’un de méchant », que « je suis incapable de faire ce travail », ou que « je suis
un incompétent », est commun aux professionnels qui font l’expérience du burnout.
Même s’ils reconnaissent qu’il existe bien des situations de stress particulier, ils n’en
continuent pas moins de s’accuser : « je devrais d’être capable de résoudre ce
problème ».
Une des causes fréquentes d’apparition du sentiment de faute est l’existence
de pensées négatives envers les clients, et d’une façon négative et cynique de les
traiter. Les professionnels ont le sentiment de se transformer en des personnes froides
et déshumanisées, ce qu’ils ne veulent justement pas être. Cette impression, conju-
guée au désenchantement vis-à-vis de la profession et à l’usure psychique, provoque
chez certains personnels une sensation d’échec, une perte d’estime de soi, qui peut se
transformer en dépression.
En dépit des éléments cliniques et d’une base théorique pour incorporer la cul-
pabilité comme variable intermédiaire du processus de burnout, le nombre d’études
récentes reste faible. Aucun nouveau modèle n’a été développé intégrant la culpabi-
lité comme facteur explicatif du processus de burnout, ou même discutant des modè-
les disponibles (par exemple, le modèle de Price et Murphy, 1984). Une explication
possible est qu’au lieu d’être appréhendée en tant que telle, l’étude de la culpabilité
est restée associée à celle d’autres dysphories, comme par exemple la dépression réac-
tive (Freudenberger et Richelson, 1980 ; Farber, 1985).
De toutes façons, les divers types de résultats obtenus sur la base d’entretiens
soulignent que le sentiment de culpabilité est un symptôme commun chez certains
individus qui développent un burnout (Maslach, 1982a, 1982b). Ces éléments contri-
buent à renforcer l’idée soutenue par de récentes études (Ekstedt et Fagerberg, 2005)
que la notion de culpabilité est un symptôme pertinent pour la compréhension de
l’épuisement professionnel et de ses rapports avec quelques-unes de ses conséquences
les plus importantes, e.g. dépression, absentéisme.
274 L’épuisement professionnel

3. De la violence au burnout :
modèles théoriques

De nombreuses études empiriques ont validé la relation entre violence et épuisement


professionnel. Nous abordons ici quelques-uns des modèles qui fondent la recherche
dans ce domaine.

Le modèle du conflit. Dans le monde professionnel, le conflit est un événement


fréquent. Le travail se caractérise par un amalgame de personnes, de groupes, de
tâches, d’objectifs d’intérêts. Un tel contexte rend propice divergences, opposition, et
donc aussi stress, entre les approches des uns et celles des autres (Frese et Zapf,
1987 ; Spector, 1987). Toutefois, la problématique du conflit s’est davantage intéres-
sée aux répercussions sur le travail proprement dit que sur le bien-être, la santé et
l’implication émotionnelle des travailleurs (De Dreu, Dierendonck, et Dijkstra, 2004).
Bien que le conflit puisse avoir des effets positifs sur la résolution des problèmes
(Manis, 1972 ; Nemeth, 1986 ; Schwenck, 1990), il peut aussi avoir des effets néga-
tifs sur le bien-être personnel et l’adhésion affective, surtout s’il est de nature inter-
personnelle. De plus, la persistance d’un conflit favorise l’émergence du burnout
(Dreu, Dierendock et Dijkstra, 2004). Les études qui mettent en évidence une relation
entre conflit et diminution du bien-être au travail sont nombreuses. Par exemple,
Spector et al. (2000) ont établi que le conflit avait un rapport avec l’anxiété et la
frustration. D’autres recherches ont confirmé une relation positive entre une situation
de conflit et la dimension d’effondrement émotionnel du burnout (Leiter, 1991a ;
Brondolo, Masha, Stores, Stockhammer, Tunick, Melhado et Karlin, 1998 ; Taylor,
Daniel, Leith, et Burke, 1990 ; Van Dierendonck, Schaufeli et Sixma, 1994). Enfin, on
notera que de tels résultats sont de préférence observés quand le conflit est de nature
interpersonnelle plutôt qu’en rapport avec un point d’ordre technique lié à la tâche
(De Dreu et Weingart, 2003).

Le modèle de l’équité. Une autre explication du lien entre les expressions de


violence et l’apparition du burnout vient de la théorie de l’équité (Adams, 1965).
Celle-ci conditionne l’émergence du burnout à un constat de déséquilibre dans l’inte-
raction sociale des travailleurs. La violence ressentie, en particulier dans ses formes
arbitraires en rapport avec l’abus de pouvoir, l’agression instrumentale ou encore le
« mobbing prédateur », génère un déséquilibre entre le comportement professionnel
et la violence subie. La violence au travail serait ainsi une rupture de l’équilibre inter-
personnel (Buunk et Schaufeli, 1993). De façon similaire, les théories de la récipro-
cité (Buunk et Schaufeli, 1999) font correspondre le burnout à une carence de
réciprocité, soit au niveau organisationnel, soit au niveau du rapport client (Bakker
et al., 2000).

Le modèle de conservation des ressources (COR). Selon cette approche (Hobfoll,


1988, 1989), les personnes s’efforcent de conserver et de développer ce qu’ils valori-
sent comme étant des ressources, e.g. artefacts tangibles, interactions sociales ou
caractéristiques personnelles. Suivant ce modèle, le stress apparaîtrait quand les res-
sources seront menacées, quand les ressources seront perdues ou quand les personnes
s’efforceront d’obtenir des résultats qu’ils n’obtiennent pas (Hobfoll et Freedy, 1993).
Violences et épuisement professionnel 275

La violence représenterait ainsi une menace à ce désir de ressources, une atteinte à


l’intégrité physique, ou psychologique.
Le modèle de la culpabilité. Considérant la faute comme une variable interve-
nant dans le processus de burnout (Gil-Monte, 2005), on peut faire supposer l’exis-
tence de deux profils d’individus (figure 9.1). D’une part, on trouvera des personnes
qui s’accommoderont de stratégies d’ajustement à des conduites éthiquement répré-
hensibles (ex. : justification morale, euphémismes, responsabilité non assumée, etc.).
Ces personnes ne se sentiront pas souvent en faute de traiter des clients/patients de
façon inconsidérée, agressive, ou, de façon plus générale, de ne pas être à la hauteur
de leur rôle professionnel. Ils peuvent rester dans l’organisation pendant des années
sans développer de problème personnel majeur de stress, en dépit d’attitudes et de
comportements hostiles (ex. : indifférence, négligence, apathie, irresponsabilité, ou
encore de cynisme) qui détériorent la qualité de service et donnent lieu à des plaintes
pour mauvais traitement de la part de la clientèle.
Un second profil correspondrait à celui de personnes qui éprouvent des
remords de ne pas remplir correctement leur rôle professionnel, qui se sentent usées
de ne pas pouvoir donner le meilleur d’elles-mêmes, et dont les stratégies d’ajuste-
ment affectent de manière négative et impersonnelle le traitement du client. Ces stra-
tégies ne sont pas efficaces en raison de l’influence de variables psychosociales
(degré de rapport personnel à la collectivité, altruisme), ou bien parce qu’elles vio-
lent un certain type de code éthique, de norme, en rapport avec le rôle prescrit.
Pour ces deux types de profil, le sentiment de culpabilité joue un rôle dans
l’apparition et le développement du burnout.

FIGURE 9.1 – Sentiments de culpabilité et développement du burnout


276 L’épuisement professionnel

4. Du burnout au rapport clientèle :


le rôle des violences
Comme en témoignent de récentes études (Cox, Leka, Ivanov, et Kortum, 2004), le
domaine de la santé au travail (occupational health) s’inscrit le plus souvent dans une
perspective de comportements mettant en jeu la santé des individus (health risk beha-
viors). Dans cette partie, l’approche développée est complémentaire dans la mesure
où elle s’intéresse aux risques encourus par les organisations (organizational risk
behaviors). Il s’agit ainsi d’apprécier dans quelle mesure un mal-être des salariés peut
avoir un impact négatif sur l’état de la performance organisationnelle. En l’occur-
rence, nous avons ici choisi de comprendre comment l’agressivité, voir la violence,
d’une personne au travail s’exprime et pèse sur les relations entretenues avec l’inter-
locuteur externe consommateur/usager d’une prestation. L’objectif est ainsi de com-
pléter la présentation du thème burnout/violences au travail par une perspective
« dé-diabolisée » du salarié/l’agresseur. L’optique n’est bien évidemment pas celle
d’une quelconque culpabilisation, mais plutôt d’une compréhension d’une réaction
non perverse résultant d’un état d’épuisement professionnel. L’enjeu est de taille car
l’usager/consommateur satisfait (ou non) de la qualité des services rendus aura une
influence déterminante sur l’image de marque de l’organisation et, par voie de consé-
quence, sur la durabilité de son développement.
Dans un premier temps, nous reviendrons sur quelques repères fondamentaux
qui balisent l’étude de la relation entre comportements anti sociaux au travail et
santé psychologique. Ce premier développement introductif nous permettra d’aborder
ensuite, de façon plus précise, le cas spécifique de la violence perpétrée par un mem-
bre de l’organisation envers un client/usager. À la suite d’une présentation des divers
résultats théoriques et empiriques disponibles en la matière, un ensemble de perspec-
tives appliquées à la gestion des ressources humaines seront évoquées comme autant
de pistes d’études et d’intervention pratiques pour une meilleure gestion préventive
de la santé au travail.

4.1 CADRES CONCEPTUELS ET PROBLÉMATIQUES


De façon plus ou moins explicite, la plupart des travaux en psychologie sur la violence
au travail prennent pour point de départ la taxinomie de l’agressivité proposée par
Buss (1961). À partir d’une distinction entre expressions physiques et verbales, Buss
confère à l’agression une nature soit active soit passive, directement ou indirecte-
ment dirigée vers la cible du mécontentement. Par exemple, un geste obscène corres-
pond à une agression physique active et directe, alors que le sabotage, ou le vol, est
à placer dans la catégorie d’agressions physiques actives indirectes. Insultes ou
menaces sont, quant à elles, symptomatiques d’agressions verbales actives et direc-
tes, alors que ne pas démentir de fausses rumeurs, faire de la rétention d’information,
ou bien de pas avertir d’un danger imminent relèvent de l’agression verbale passive
indirecte. Un tel cadre théorique permet ainsi de dresser une typologie quasi exhaus-
tive des comportements contre-productifs observés et subis en milieu professionnel.
Nous avons vu en début de chapitre comment ces violences, observées au
niveau des interactions intra-organisationnelles, pouvaient provoquer et alimenter
Violences et épuisement professionnel 277

des états de détresse émotionnelle tels que l’épuisement professionnel. Toutefois, et


tout en conservant le cadre développé par Buss, la problématique de la violence a
aussi été étendue aux rapports entre salariés et usagers/consommateurs. Dans ce cas,
la violence de la relation-client se substitue à celle de la relation inter-collègues
comme source éventuelle d’épuisement professionnel.

La nature et l’effet du rapport entre un acteur organisationnel et son environ-


nement est d’une importance fondamentale pour au moins deux raisons : la qualité de
la performance finale (efficacité) et la prévention des risques causés par les consé-
quences dysfonctionnelles d’une interaction mal maitrisée (réduction de l’incerti-
tude). La complexité du problème vient de l’étroite imbrication entre bien-être du
salarié et nature de l’environnement humain. Les études ont souvent caractérisé le
client/usager comme facteur de stress potentiel pouvant à la longue conduire le sala-
rié vers un burnout. L’intransigeance, l’agressivité des clients dans diverses profes-
sions ont ainsi été démontrées comme facteurs d’épuisement professionnel (Arnetz et
Arnetz, 2001 ; Dormann et Zapf, 2004 ; Evers, Tomic et Brouwers, 2002 ; Rafaeli et
Sutton, 1990 ; Ross, Carswell, et Dalziel, 2002). Cette « tyrannie » du client se trou-
verait renforcée par une obsession de l’organisation de plaire à ses clients selon une
logique économiquement vertueuse « service agréable → client satisfait ». L’ennui
est qu’une telle relation, encore plus souvent supposée que véritablement évaluée
(Shaw-Brown et Sulzer-Azaroff, 1994), peut s’avérer émotionnellement dévastatrice
pour le salarié, surtout dans des métiers caractérisés par la permanence d’une inter-
action avec l’usager (Hochschild, 1983 ; Heuven et Bakker, 2003 ; Grandey, 2003).

En dépit de l’intérêt croissant porté par la recherche sur le rôle éventuellement


nocif du client sur la santé psychologique du salarié, les résultats obtenus restent
néanmoins insuffisants dans une optique d’application au domaine de la gestion des
ressources humaines. En effet, les connaissances, acquises d’un point de vue stricte-
ment psychologique, posent au moins deux problèmes. Tout d’abord, dans la mesure
où le client/usager est indépendant de l’organisation, le locus de contrôle restera
toujours externe, et donc toujours subi. Peu importe finalement de connaître la
nature des liens entre facteurs de personnalité et violence (McCallum, 2001) puisque
non seulement l’organisation ne pourra pas changer la personnalité de ses clients,
mais que le rapport entre personnalité et performance des salariés n’étant pas ferme-
ment établi, une éventuelle prise en compte risque de s’avérer aussi contre-produc-
tive qu’illégale (cf. par exemple le cas de la graphologie (Ben-Shakhar, Bar-Hillel,
Bilu, Ben-Abba et Flug, 1986 ; British, Psychological Society, 2002). Un deuxième
point d’achoppement tient à la problématique de victimisation communément adop-
tée par les recherches. En effet, la nature des investigations relève d’un modèle
pathogénique où le bien-être des personnes passe par l’identification et la cure de
facteurs nocifs. La violence est ainsi conçue comme résultant de contraintes antécé-
dentes (ici, le client/usager) supportées par un salarié qu’il convient d’assister. Cette
vision des choses est compatible avec une certaine judiciarisation des rapports
sociaux qui, privilégiant une logique sanctions/réparations, entretient l’intérêt porté
au seul symptôme du dommage subi et à la quête de responsabilités pénales
(Desjardin, 1997). C’est ainsi le cas, par exemple, d’initiatives légales en matière de
comportements jugés agressifs tels que les harcèlements sexuel et moral, ou encore
l’offense faite à autrui par la tabagie en milieu professionnel. Une telle définition du
278 L’épuisement professionnel

problème de la violence, posée en termes pathogéniques, reste néanmoins particuliè-


rement insuffisante. En effet, elle n’opère que sur le constat de dysfonctionnements,
un handicap certain du point de vue de l’anticipation, une caractéristique stratégique
des impératifs de gestion. Une problématique limitée à la seule violence du consom-
mateur réduit le salarié à l’unique statut de victime, une position de passivité en con-
tradiction avec la réalité des rapports au travail. La problématique pathogénique ne
permet pas d’intégrer le rôle éventuellement actif du salarié dans un rapport de vio-
lence, un scénario relevant justement du domaine de la gestion des ressources humai-
nes.

4.2 APPROCHES ET MÉTHODOLOGIES


Malgré l’acuité du problème, force est de constater que l’étude du rapport entre épui-
sement professionnel et agressivité envers l’usager reste faible en volume. En effet,
comme nous l’avons vu plus haut, la grande majorité des études sur le thème
burnout/violences s’inscrit dans une logique de victimisation où des salariés sont, ou
se sentent, agressés par leur environnement de travail (Leather et al., 1998 ; Neuman
et Baron, 1998 ; Tarquinio et al., 2004).
Sur un plan théorique, l’idée que le burnout peut engendrer des formes de vio-
lence envers un patient ou un client est admise (Jackson et Schuler, 1983 ; Cordes et
Dougherty, 1993). Cette violence est présentée comme un symptôme d’épuisement
professionnel qu’exprime un ensemble de comportements agressifs au niveau inter-
personnel (Schaufeli et Enzmann, 1998). Toutefois, sur un plan empirique, les recher-
ches qui s’intéressent à la validation du phénomène sont plutôt rares.
Un premier type d’approche est de nature qualitative et fondée sur l’analyse
interprétative de symptômes dysfonctionnels. Le matériau de base provient soit
d’entretiens ouverts, soit d’observations participantes (Raffi, Oskouie et Nikravesh,
2004). Il est néanmoins important de constater que la plupart des recherches qualita-
tives suivent une optique cognitivo-comportementale initiée par les premières inves-
tigations (Freudenberger et Richelson, 1980 ; Maslach, 1982b), et représentative des
préférences thérapeutiques majoritairement en cours dans la communauté scientifi-
que internationale. La perspective psychanalytique, très présente en France notam-
ment, n’a jusqu’ici qu’effleuré le thème du burnout. Les méthodes psychodynamiques
d’essence freudienne se sont en effet jusqu’ici cantonnées aux seuls rapports de vio-
lences entre acteurs au sein même d’une organisation envisagée comme « prison
psychique » (Morgan, 1986 ; Pagès, Bonetti, de Gaulejac et Descendre, 1979), sans
vraiment s’intéresser directement au symptôme d’épuisement professionnel. Toutefois,
une étude empirique originale a récemment tenté d’établir un lien entre burnout et
violences du personnel soignant hospitalier selon une problématique de maltraitance
résultant de pulsions agressives symptomatiques, entre autres, de jouissance perverse
de type sadique-anale (Daloz, Bénony, Frénisy et Chahraoui, 2005).
La nature souvent impressionniste et anecdotique de l’approche qualitative se
prête néanmoins difficilement à l’étude comparative et aux généralisations. Sa valeur
explicative, d’un apport certain dans l’optique de psychothérapies individuelles, n’est
cependant pas suffisante pour dégager des normes psychologiques sur la base des-
Violences et épuisement professionnel 279

quelles peut s’appuyer la pratique d’une gestion des ressources humaines au niveau
organisationnel.
Un second type de recherches, de nature plus nomographique, propose une
approche quantitative du rapport burnout/violence. Sur la base de questionnaires
auto-administrés et de recensements des faits, ces études essaient de dégager des
récurrences de comportements, des profils psychologiques, comme autant d’indica-
teurs propres à justifier une politique de ressources humaines intégrant la notion de
bien-être des salariés. En dépit de recherches empiriques conduites dans le milieu du
travail social (Soto et Jones, 1981), l’essentiel du peu d’études quantitatives disponi-
bles à ce jour concerne la profession de policier (Jones, 1980a ; Kop, Euwema, et
Schaufeli, 1999 ; Kop et Euwema, 2001 ; Burke et Mikkelsen, 2005).
Pour évaluer l’épuisement professionnel, la mesure la plus couramment utilisée
est le Maslach Burnout Inventory (MBI), dans ses diverses versions, culturelles
(Schaufeli et Van Dierendonck, 1994) ou professionnelles (Maslach, Jackson, et
Leiter, 1996). De façon alternative, mais antérieurement à l’apparition du MBI, Jones
(1980a) utilise son propre outil, le Staff Burnout Scale for Health Professionals (Jones,
1980b). Pour la mesure des violences, les questionnaires administrés sont de deux
ordres. Tout d’abord, de façon la plus fréquente, l’évaluation porte sur l’attitude des
salariés face au recours éventuel à la violence. En d’autres termes, la mesure concerne
ici le sentiment porté par le salarié sur la justification d’un comportement violent à
l’encontre d’un tiers. Ainsi, concernant le métier de policier, l’attitude face à l’utilisa-
tion de la force sur un suspect ou un délinquant est mesurée selon une méthode de
questionnaire auto-administré initialement développée par Uildriks (1996). Un exem-
ple d’item à évaluer sur une échelle de Lickert – graduée de 1 (absolument d’accord)
à 6 (en total désaccord) – est le suivant : « les agents de police doivent agir plus
souvent en utilisant la force ». En plus d’une évaluation d’attitude, une autre façon
est aussi de s’intéresser au comportement violent de l’agresseur. Suivant le question-
naire de Uildriks (1996), Kop et al. (1999) demandent ainsi à des policiers de rappor-
ter leur utilisation de la violence physique à l’encontre de la population civile.

4.3 RÉSULTATS DE RECHERCHES


Il est intéressant de noter que dès les premières études sur le burnout, les résultats
empiriques (quantitatifs et qualitatifs) ont convergés sur l’existence d’un rapport
entre épuisement professionnel et agressivité envers le client/usager. Ainsi, Maslach
(1982b) rapporte la réaction d’un travailleur social sur une personne venue solliciter
une aide financière pour élever son enfant : « Vous avez besoin d’argent, Madame X ?
Pourquoi ne faites donc vous pas le trottoir ? » (p. 78). Ailleurs, un chirurgien bondit
aux questions posées par la sœur d’un patient : « Si ce n’était pas illégal, ce serait
mon poing dans la gueule, ce qui serait une bonne façon de vous la fermer et que
vous la boucliez » (p. 78).
Plus précisément toutefois, les études ont rapidement souligné l’importance du
rôle joué par la facette dépersonnalisation/cynisme (selon l’échelle de mesure du MBI
adoptée). Cette composante du syndrome d’épuisement professionnel correspond à
une distance psychologique posée entre le salarié et un tiers perçu comme source de
mal-être (Leiter, 1991a). Une forme de prévention, de « retrait psychologique »,
280 L’épuisement professionnel

contre le risque de plus grande déstabilisation émotionnelle, la dépersonnalisation


peut en corollaire être à l’origine de comportements agressifs contre-productifs,
opposés à la mission de relation publique définie par le cadre professionnel. Par
exemple, dans leur étude sur les agents-conseils d’un centre d’appel de crise, Soto et
Jones (1981) dressent un inventaire de comportements hostiles constatés à l’encon-
tre des appelants :
■ non-réponse à l’appel téléphonique ;
■ raccrochage en cours de communication ;
■ refus de mise en rapport entre fugueurs et leur famille.
Dans le monde hospitalier, l’épuisement professionnel peut conduire à des
comportements de négligence vécus comme autant d’agressions par les patients. Rafii
et al. (2004) ont ainsi révélé le problème des comportements d’impatience de la part
d’infirmières au quotidien de leur relation d’aide dans des secteurs « grands brûlés ».
Plus grave, dans un contexte d’établissement spécialisé, la dépersonnalisation a pu
conduire le personnel à l’administration forcée de drogues, au recours à une force
excessive, voire même à des agressions de type criminelles, pour maîtriser les rési-
dents et s’assurer une autorité incontestée (Maslach, 1982b ; Ticoll, 1994). Un rap-
port favorable à la violence exercée sur la population civile a aussi été constaté
auprès de policiers. La dépersonnalisation s’avère ainsi comme une dimension privilé-
giée d’épuisement professionnel associé à l’usage (envisagé ou effectif) de la force
(Burke et Mikkelsen, 2005 ; Kop, Euwema et Schaufeli, 1999 ; Stearns et Moore,
1993). L’état de délabrement émotionnel causé par la nature des conditions de travail
fragilise le « rapport citoyen» à la base du métier de policier. Ce dernier ne se sent
plus concerné pas la nature spécifique des situations humaines et sociales rencon-
trées. L’acte de violence est l’aboutissement d’une rupture de ce contrat psychologi-
que (Rousseau, 1995) passé à l’origine de son recrutement avec la société et les
valeurs démocratiques que le métier est sensé préserver. Enfin, mais de façon plus
anecdotique que systématique, les attitudes et les comportements hostiles liés à la
dépersonnalisation ont aussi été abordés auprès du personnel enseignant à l’encontre
des élèves (Cherniss, 1995).

5. Burnout et violences
envers les usagers/consommateurs :
perspectives
Force est de constater la relative maigreur des connaissances sur le rapport entre bur-
nout et violences faites aux usagers. Le corpus d’investigations est faible en volume
et les recherches entreprises, par-delà les résultats obtenus, pointent un ensemble de
limites que ne sauraient ignorer les efforts d’investigations futures. Concrètement,
deux thématiques semblent fédérer une majorité de problèmes à traiter : la théorisa-
tion et l’expérimentation.
Violences et épuisement professionnel 281

5.1 THÉORIE ET MODÉLISATION


Sur un plan conceptuel, on notera l’absence de cadre théorique adéquat relatif au
problème spécifique de la violence sur le consommateur/usager liée à l’épuisement
professionnel du salarié. Une première raison tient à l’effort théorique, et aussi empi-
rique, de la recherche qui porte surtout sur les processus antécédents du burnout
(Schaufeli et Enzmann, 1998). Ainsi, la violence est appréhendée comme une cause
plutôt qu’une conséquence de dysfonctionnement émotionnel (Vardi et Wiener, 1996).
Une seconde raison tient à l’approche relativement générique du rapport entre l’épui-
sement professionnel et ses conséquences. La seule concession à ce traitement indif-
férencié est de classifier les conséquences en fonction de leur nature,
i.e. personnelles, interpersonnelles, organisationnelles. Ainsi, de façon tout à fait
illustrative, la spécificité du processus menant du burnout à la violence est négligée,
se réduisant à une simple relation de causalité linéaire entre variables dépendante et
indépendante (Cordes et Dougherty, 1993 ; Burke et Mikkelsen, 2005). Un enjeu
important pour la recherche est donc de s’intéresser davantage à la nature différen-
ciée du processus qui conditionne un effet particulier de l’épuisement professionnel,
comme ici la violence envers l’usager/consommateur.
Le recours aux seules théories actuelles du burnout, très focalisées sur les fac-
teurs d’émergence, semble insuffisant pour une plus grande ouverture modélisatrice.
Un apport de cadres conceptuels complémentaires paraît donc nécessaire. Un premier
effort a été récemment entrepris pour mobiliser la théorie psychologique de la domi-
nation (Kiesler, 1983) dans le cadre explicatif d’interactions interpersonnelles conflic-
tuelles (Euwema, Kop et Bakker, 2004). Ainsi, sur un échantillon de policiers, les
résultats ont mis en lumière l’importance du rapport de domination sur la qualité de
l’interaction conflictuelle avec la population civile. Concrètement, un fort rapport de
domination chez un policier s’avère propice a l’expression de comportements qui
enveniment et exaspèrent la qualité de l’interaction avec la population. Fruit d’un tra-
vail original, cette étude n’en demeure pas moins sujette à controverse dans la
mesure où les résultats obtenus suggèrent aux auteurs qu’un certain niveau de burn-
out, conditionnant un abaissement d’attitudes de domination, serait nécessaire pour
une meilleure qualité de travail, i.e. service auprès des usagers.
Une approche alternative, plus réaliste et acceptable d’un point de vue de la
gestion des ressources humaines, consisterait, par exemple, à adapter la problémati-
que « frustration-agression » appliquée aux situations de travail.

5.1.1 De la frustration à l’agression : éléments théoriques


Le travail de chercheur tend à dépasser l’étape descriptive des symptômes de violence
pour s’atteler à l’explication des processus d’occurrences. S’appuyant sur l’hypothèse
théorique « frustration-agression » (Dollard et al., 1939), Spector (1997) développe
ainsi un modèle cognitif original (figure 9.2, p. 282) explicatif des comportements
agressifs au travail.
282 L’épuisement professionnel

FIGURE 9.2 – Modèle de frustration organisationnelle (d’après Spector, 1997)

Ce modèle fait tout d’abord correspondre la violence au travail à un processus


d’évaluation contre-productif d’un environnement organisationnel considéré comme
hostile au développement personnel. Il permet ensuite d’établir un rapport théorique
direct entre violence et santé psychologique. Pour compléter ce cadre théorique,
Neuman et Baron (1997) ont à leur tour proposé un modèle plus général de l’agres-
sion (figure 9.3) qui englobe un plus grand nombre de processus cognitifs.
Le modèle proposé par Neuman et Baron (1997) (voir la figure 9.3, p. 283)
représente une synthèse originale des travaux empiriques sur les dynamiques explica-
tives de la violence organisationnelle. De façon plus explicite que chez Spector, ce
modèle intégrateur sollicite le cadre cognitif proposé par Lazarus (Lazarus et Folk-
man, 1984). Ainsi, l’agressivité correspond-elle à l’aboutissement d’une incapacité à
surmonter un ensemble de facteurs jugés négatifs (comme par exemple la frustra-
tion), relayée par un processus d’évaluation-décision propre à répondre/s’adapter à la
nature de l’agression ressentie. Un comportement de violence au travail peut ainsi
être présent comme une réponse consciente et voulue à une forme d’agression subie
dans le passé.

5.1.2 Limites et développements théoriques du modèle


« frustration-agression »
Nonobstant la pertinence du cadre conceptuel offert par la problématique
« frustration-agression », le type de modélisation existant nous semble devoir être
modifié pour mieux s’adapter au problème du burnout professionnel. En effet, un
modèle comme celui de Neuman et Baron est de nature cognitive, ce qui peut présen-
ter un problème dans la mesure où le cœur de l’épuisement professionnel se réfère à
la notion d’effondrement émotionnel. Pour concevoir un modèle d’ensemble explicatif
de la violence par le burnout, il conviendrait donc de modifier d’abord l’hypothèse
théorique « frustration-agression » pour la rendre plus compatible avec la dimension
émotionnelle de l’épuisement professionnel.
Violences et épuisement professionnel 283

FIGURE 9.3 – Modèle intégré de l’agression (d’après Neuman & Baron, 1997)

A priori, un état d’abattement tel que l’épuisement professionnel est peu com-
patible avec une réaction de violence. Au contraire, le syndrome dépressif d’effondre-
ment émotionnel ou de dévalorisation personnelle semble trop associé au sentiment
de learned helplessness (Seligman, 1975) pour envisager un comportement autre que
celui du retrait et d’abandon par implosion psychologique. Des résultats empiriques
récents auprès d’individus 4 ont néanmoins révélé un lien entre troubles de l’humeur
(affectifs) et agressivité. Un tiers des personnes dépressives étudiées par Fava et
Rosenbaum (1998) présentaient des symptômes de colères soudaines, inhabituelles
par rapport au profil psychologique de ces personnes, et sans rapport avec les situa-
tions vécues au moment de leurs irruptions. C’est ainsi que la notion de « dépression-
hostile » s’est imposée pour devenir un domaine fertile de recherches. Par exemple,
Benazzi et Akiskal (2004) ont vérifié l’association entre irritabilité et occurrence de
troubles affectifs bipolaires (type II) ou de troubles dépressifs graves.
Au regard de ces résultats importants, Berkowitz (2004) a récemment suggéré
que le comportement agressif pourrait être envisagé, non plus comme conséquence

4 La plupart des résultats fondant le domaine sont encore issus de l’observation animale (Renfrew,
1997).
284 L’épuisement professionnel

de la douleur, mais comme tributaire d’une détresse causée par l’expérience d’une
souffrance personnelle. À ce stade, le lien avec la thématique du burnout devient par-
ticulièrement cohérent. La violence du comportement peut ainsi être liée à la souf-
france résultant de la mise en danger, ou de la perte, de ressources personnelles
(Demerouti, Bakker, Nachreiner et Schaufeli, 2001 ; Hobfoll, 1989). Le burnout est
assimilé à une douleur psychologique (Berkowitz, 1978, 1989) s’inscrivant dans un
processus général d’expression de la violence (Lindsay et Anderson, 2000). La relation
agressive n’est donc plus seulement le symptôme d’une interaction contre-productive
entre salarie et usager, mais l’aboutissement de processus (dé)motivationnels propres
à l’agresseur.

5.1.3 Mesures et expérimentation


Sur le plan du protocole de recherche, et plus précisément du design expérimental, un
point d’importance en rapport avec la nature des variables observées semble à la fois
limiter la portée des résultats obtenus et présenter des pistes complémentaires pour
la validation empirique des processus étudiés. Concrètement, la plupart des recher-
ches actuelles appréhendent la violence selon des variables d’attitudes évaluées par
des questionnaires auto-administrés (Burke et Mikkelsen, 2005 ; Kop, Euwema, et
Schaufeli, 1999 ; Kop et Euwema, 2001). La variable principalement sollicitée est
celle concernant « l’attitude envers l’utilisation de la violence », évaluée selon une
échelle d’intensité en 6 items proposée par Kop et al., (1999) sur la base des travaux
de Uildriks (1996). En revanche, l’évaluation de l’acte violent/agressif en tant que tel
n’est pas encore nettement formalisée. Par exemple, lorsque Kop et al. (1999) veulent
mesurer la violence du comportement, ils ont recours à un questionnaire auto-admi-
nistré par les sujets de l’étude eux-mêmes (ex. : « Avez-vous utilisé la violence physi-
que contre la population civile durant les douze derniers mois ? »). Les réponses sont,
quant à elles, étalonnées selon la façon d’utiliser cette violence, i.e. pousser, agrip-
per, frapper avec un bâton, utiliser une arme à feu, etc. L’étude menée par Soto et
Jones (1981) reste un exemple rare d’évaluation de l’agressivité sur une base de fré-
quence des comportements observés et comptabilisés.
Si l’évaluation de la violence effective des salariés envers les usagers est donc
un enjeu important pour la recherche future, sa mesure n’en demeure pas moins pro-
blématique. En effet, puisque l’agressivité peut être considérée comme une faute pro-
fessionnelle, elle pourra être dissimulée par le salarié. Le biais de désirabilité sociale
dans les réponses obtenues ne devra donc pas être sous-estimé. De plus, l’apprécia-
tion objective de ce qu’est un acte violent reste conditionnée par le seuil de tolé-
rance/acceptation des victimes elles-mêmes. Ce seuil peut en effet être fonction de
facteurs culturels (valeurs sociétales, cultures professionnelles et organisationnelles)
ou de personnalité, explicatifs d’un rapport différencié à la relation épuisement pro-
fessionnel/agressivité (Pilowsky et Spence, 1976 ; Rafii, Oskouie et Nikravesh, 2004).
Enfin, comme c’est souvent le cas pour l’étude des comportements, seul le
recours aux études longitudinales pourra valider l’hypothèse apparemment justifiée
d’un processus d’aggravation menant du burnout à l’action violente. À notre connais-
sance, il n’existe à ce jour aucune étude de type longitudinal dans ce domaine.
Violences et épuisement professionnel 285

5.2 VERS UNE GESTION PRÉVENTIVE


À l’instar de la problématique généralement adoptée pour étudier la violence en
milieu professionnel, l’agressivité du salarié envers le client/usager est abordée sur
un mode pathogène. Or, comme souligné plus haut dans la section consacrée aux
cadres conceptuels, cette approche reste limitée d’un point de vue gestionnaire à
l’enregistrement de maux dont les impacts dysfonctionnels sur les plans individuels et
organisationnels se confirment au fil des recherches empiriques successives. Il se
forme ainsi progressivement un déséquilibre entre une sophistication grandissante
dans la compréhension du phénomène et la simplicité des mesures prises pour amélio-
rer la situation. Comme ont déjà pu le souligner certains auteurs (Briner et Reynolds,
1999 ; Maes, Verhoeven, Kittel, et Scholten, 1988), les politiques gestionnaires
de réponse au mal-être des salariés sont essentiellement de nature réactive et ciblée
sur des maux à la nocivité a priori reconnue (problématique pathogénique). Ceci se
traduit par la mise en œuvre de programmes de santé (cures, stages divers de bien-
être…) ou de procédures (lois, règlementations…) qui s’avèrent non seulement oné-
reux mais aussi d’une efficacité douteuse en raison de la difficulté d’en évaluer un
quelconque retour qualitatif ou quantitatif sur investissement. Le traitement de la
violence du salarié sur le consommateur externe est à ce titre particulièrement symp-
tomatique. Nous prendrons pour exemple les mesures actuelles prises au Royaume-Uni
pour faire face aux violences constatées en environnement hospitalier.

5.2.1 Limites d’une approche pathogénique de la violence


Depuis quelques années, le thème de la violence au travail et de sa prise en compte
s’est progressivement imposé dans le milieu hospitalier britannique. L’augmentation
sensible des voies de faits sur le personnel soignant a été le déclencheur d’une cam-
pagne d’ampleur pour remédier à ce dysfonctionnement grave. À cet effet, une struc-
ture spéciale fut crée en janvier 2003 au sein de l’Administration (National Health
Service), le Counter Fraud and Security Management Service (CFSMS). Toutefois, comme
l’indique son intitulé, ce nouvel organisme replace son action contre la violence dans
un cadre plus vaste de promotion de la sécurité sur les lieux de travail, une sécurité
prise au sens large du terme puisqu’étendue aux affaires de fraudes et de corruptions
(http://www.cfsms.nhs.uk). La mission du CFSMS ne se borne pas seulement au con-
trôle. Elle prévoit aussi une activité de formation auprès des soignants, comme par
exemple la résolution de conflit en rapport avec l’agressivité des patients. De façon
plus générale, cet intérêt marqué pour le thème de la violence a débouché sur une
campagne de « tolérance-zéro » engagée dans les établissements afin de protéger les
soignants du comportement violent des patients.
En dépit de premiers satisfecit auto-attribués, un tel type de programme sou-
lève un certain nombre d’interrogations sur la nature et la portée des actions entre-
prises. Premièrement, la violence n’est envisagée que du seul point de vue d’un
usager/patient-agresseur. Or nous avons vu plus haut que le rapport de violence peut
aussi être tributaire d’un état d’affaiblissement émotionnel du salarié, que l’épuise-
ment professionnel pouvait aussi être à l’origine de comportements contre-productifs.
Deuxièmement, dans la mesure où une définition exclusivement objective de la vio-
lence a été donnée, il s’avère difficile d’établir un rapport inéluctable avec l’épuise-
286 L’épuisement professionnel

ment professionnel. Ainsi, par exemple, l’expérience que traduit l’ancienneté dans le
métier influe sur la perception de ce que représente effectivement une violence
(Whittington, 2002 ; Whittington et Higgins, 2002). Enfin, les premiers résultats
obtenus sur la capacité de tolérance des soignants aux agressions des patients ne
fournissent guère mieux que des évidences confirmant une relation positive avec le
burnout. Il a ainsi été établi qu’un meilleur sentiment d’accomplissement personnel
va de pair avec une plus grande tolérance face à l’agressivité (Whittington, 2002).
Par-delà des bonnes intentions fondant la mise en place d’initiatives concrè-
tes, cet exemple marque les limites d’une gestion purement pathogénique de la vio-
lence au travail. La difficulté d’une définition purement objective de la violence, une
logique « médicale » d’identification et d’éradication de facteurs dysfonctionnels, une
démarche ne reposant que sur le seul a priori du salarié victime d’un facteur nocif
(l’usager externe) clairement identifié, marquent les limites d’une gestion essentielle-
ment réactive soumise aux aléas d’un environnement difficilement maitrisables. Pour
pallier de façon fonctionnelle les insuffisances de ce type d’initiatives, une approche
alternative paraît souhaitable qui puisse faire le lien entre les compétences internes
de l’organisation, les perceptions des salariés, et les impératifs de qualité de service
auprès d’une population/clientèle par définition contraignante.

5.2.2 Perspectives de gestion salutogénique de la violence


Dans la mesure où la relation de service ne se limite pas au seul comportement du
client/usager mais concerne aussi la nature de la prestation relationnelle émanant du
salarié, l’intérêt porté au thème de la violence des comportements doit partir d’une
prise en compte l’état psychologique du personnel. Contrairement à la perspective
pathogénique, l’enjeu est ici de tabler sur la qualité des compétences disponibles en
interne pour répondre aux défis posés par les contraintes imposées de la demande
externe (Antonovsky, 1979). Il s’agit donc d’une configuration de gestion anticipative
des situations d’agressions potentielles par un investissement préalable au niveau des
compétences relationnelles des salariés. Une démarche ainsi caractérisée de salutogé-
nique, i.e. fondée sur des facteurs de santé psychologique, aura pour objet de préve-
nir l’ampleur, voire l’occurrence, de comportements contre-productifs, en reliant de
manière fonctionnelle l’acte de service à la volonté correspondante qui doit l’animer.
Pour s’assurer, en amont de la situation d’interaction avec le client/usager, de l’état et
du potentiel des motivations individuelles, le gestionnaire dispose d’un ensemble de
ressources dont la stratégie d’allocation pourra conditionner le caractère préventif
d’une gestion de la santé au travail.
Pour donner corps à une interaction productive entre salarié et usager/con-
sommateur, le développement d’un lien motivationnel réciproque entre les parties
s’avère capital. Concrètement, des études empiriques ont relevé un rapport constructif
et mutuellement satisfaisant entre l’attachement du salarié envers sa structure et
l’attachement du consommateur en termes de fidélité et de réceptivité affective posi-
tive (Ulrich, Halbrook, Meder, Stuchlik et Thorpe, 1991). En d’autres termes, le degré
de sympathie de l’usager/consommateur aura tendance à refléter le degré de bien-être
et d’implication organisationnelle du salarié. L’enjeu pour le gestionnaire est alors de
préserver et de développer les facteurs motivationnels animant cette bonne volonté
du salarié à participer (March et Simon, 1958). Un ensemble de pratiques RH sont
Violences et épuisement professionnel 287

mobilisées comme autant de ressources organisationnelles au service d’une gestion


préventive de cette santé psychologique, préalable indispensable à l’adhésion des
salariés.
Un premier pas est tout d’abord de reconnaître le caractère original de chaque
profession. Autrement dit, tout le monde n’est pas a priori fait pour tous les métiers.
Cette constatation première doit ainsi amener les organisations à se pencher sur la
nature du contrat psychologique les unissant aux salariés dès le stade du recrute-
ment. La désillusion (Edelwich et Brodsky, 1980), les sentiments d’inéquité (Buunk et
Schaufeli, 1993) ou de perte de ressources (Hobfoll, 1989), tous ces processus qui
fondent le processus de burnout et de violence éventuelle, se justifient par la percep-
tion d’un hiatus avec les attentes d’origines qui motivent l’investissement dans l’orga-
nisation. Une idée erronée du métier, amplifiée par une mauvaise information de la
part de l’organisation des réalités professionnelles, forme le terreau d’un divorce psy-
chologique que les agressions environnementales rendront dramatique. Dans le milieu
policier, Kop et al. (1999) font ainsi état d’initiatives en matière de recrutement où
les tests d’aptitudes, par exemple sur le thème de l’utilisation de la force, sont liés à
la pratique professionnelle. Une démarche similaire de pratiques de recrutement en
rapport avec la réalité du métier, e.g. entretiens structurés, jeux de rôles et mises en
situation, a aussi été recommandée pour l’exercice du travail social (Larsons, Lakin,
Bruininks et Braddock, 1998 ; Wanous, 1992).
Le salarié une fois intégré, l’organisation continue son investissement dans la
motivation des salariés comme politique préventive de santé psychologique. Un
ensemble d’études ont ainsi soulignées l’importance de la nature du climat interne qui
replace le salarié au premier plan dans l’interaction avec le consommateur/usager
(Burke, Graham, et Smith, 2005). Une culture-client n’est pas incompatible avec une
culture ressources humaines qui s’intéresse au bien-être des salariés. Des résultats
empiriques ont ainsi confirmé l’existence du lien entre affect positif du salarié et qua-
lité du service rendu auprès du client (Isen, 1970 ; Brief et Motowidlo, 1986 ; Schmit
et Allscheid, 1995). Peu d’études systématiques existent encore malgré tout sur
l’impact réel de telle ou telle pratique de ressources humaines sur une réduction de
l’agressivité du salarié. Néanmoins, des évidences pratiques soulignent déjà la perti-
nence d’une rotation des personnes pour anticiper un état de fatigue mentale nuisible
aux rapports interpersonnels. Par exemple, la plupart des banques organisent le
déplacement périodique entre agences de personnels tels que les chargés de comptes
ou d’affaires, dont l’état affectif a des conséquences importantes sur la qualité de leur
contact avec la clientèle.
Dans la mesure où l’hypothèse théorique se concentre sur le salarié selon une
problématique de motivation, la traduction managériale en termes de prévention
devient plus aisée. Reléguer le client/usager au second plan implique la nécessite
d’une meilleure gestion des facteurs motivationnels qui conditionnent la capacité des
salariés à maitriser l’exercice d’interaction avec l’usager. En d’autres termes, ne pou-
vant changer la psychologie du client, l’organisation investit de façon préventive
dans le bon état de santé psychologique des salariés pour que ceux-ci puissent mieux
surmonter les inévitables situations conflictuelles du métier.
Chapitre 10

Burnout et santé des personnels :


déterminants et prises en charge

Nicole RASCLE et Marilou BRUCHON-SCHWEITZER 1

« Je ne sais plus où donner de la tête.


Je cours dans tous les sens, je me sens débordée, dispersée,
insatisfaite de mon travail… jamais parfait, jamais fini…
Dans la classe, je suis comme le personnage principal
de certains dessins animés de Tex Avery…
partout à la fois, je cours de l’un à l’autre,
j’ai l’impression de me démultiplier par dix au moins…
Alors je me rétrécis, je me ratatine, je m’isole, je manque d’air, je me sens vidée
Et pourtant il faudra bien que demain je motive, je rassure ces chers petits
qui arriveront avec leurs problèmes sociaux, leurs problèmes scolaires,
leurs problèmes affectifs, leurs problèmes psychologiques…,
et que je les transporte dans le paradis de la réussite scolaire…
Et puis, un matin, mon réveil a sonné et je n’ai pas pu me lever.
Il m’était tout à fait impossible d’envisager l’idée de retourner dans la classe…
C’est comme si mon corps refusait brusquement d’obéir à mon cerveau…
Mes muscles étaient devenus si lourds que lever le bras me semblait impossible. »
(Professeur d’école)

Le terme anglo-saxon de burnout (en français, « épuisement professionnel ») utilisé


tout d’abord dans les années 1980 dans le management et en psychologie du travail,
s’est largement répandu depuis. Il désigne un ensemble de réactions émotionnelles,
motivationnelles, comportementales et physiologiques dysfonctionnelles qui se déve-
loppent face à certaines caractéristiques stressantes et chroniques du contexte pro-
fessionnel. Ce syndrome touche de 30 à 40 % des salariés et apparaît dans toutes les
professions. Les recherches ont longtemps porté sur les conséquences interpersonnel-

1 Université Bordeaux 2.
290 L’épuisement professionnel

les, attitudinales et organisationnelles du burnout (Burke et Richardsen, 2000 ;


Schaufeli et Enzmann, 1998), mais ce n’est que depuis moins d’une dizaine d’années
que l’on s’intéresse aux conséquences de ce syndrome sur la santé des personnes. De
toute évidence, le burnout est devenu un concept pluridisciplinaire mettant en paral-
lèle plus qu’en interaction des domaines scientifiques divers. À partir d’une approche
essentiellement psychologique, voire psychologisante, des domaines annexes sont
venus apporter leur compréhension du phénomène de burnout, utilisant nos connais-
sances de l’infiniment petit (neuropsychobiologie, par exemple) à l’infiniment grand
(sociologie). Il est rare de constater qu’un tel construit issu d’une pratique clinique
ait connu un tel développement scientifique tout autant que politique. La manière
avec laquelle on a abordé ce problème a conduit depuis de nombreuses années à diri-
ger les modes d’intervention au travail, particulièrement en structure de soin. Les
scientifiques ont donc une responsabilité qui va au-delà de la connaissance. Ils sont
également porteurs de possibles réponses sociales qu’il est donc nécessaire de mettre
en discussion de manière régulière.
Les définitions de la notion de burnout ont longtemps été assez disparates et
ses frontières confuses 2. Les recherches menées depuis une trentaine d’années dans
divers pays et dans des groupes professionnels variés ont permis d’aboutir à des défi-
nitions plus consensuelles. Ces définitions incluent une ou plusieurs des caractéristi-
ques suivantes : épuisement (physique, mental), affects négatifs, écart entre des
attentes et motivations initiales fortes et un travail exigeant et peu gratifiant
(Maslach, 1982 ; Pines, 1993). Toutefois, au-delà d’un burnout appréhendé comme un
état, la recherche a aussi insisté sur le processus séquentiel du burnout, qui se déve-
loppe dans la durée et en plusieurs étapes (Cherniss, 1980 ; Edelwich et Brodsky,
1980 ; Golembiewski, Munzenrider et Stevenson, 1986).
Si la définition de burnout ne pose guère de problème aujourd’hui, la situation
est beaucoup moins claire en ce qui concerne les dysfonctionnements qui y sont asso-
ciés (ex. : stress professionnel, problèmes émotionnels, problèmes de santé physique,
comportements à risques). La majorité des recherches menées dans ce domaine
(86 %) étant transversales (Truchot, 2004, p. 33), il est plus prudent de considérer le
burnout et ces autres variables, lorsqu’elles y sont associées, comme de simples corré-
lats. Seules, des recherches longitudinales peuvent mettre à l’épreuve des relations de
cause à effet, or elles sont rares. Dans ce type d’étude, on teste en général l’effet de
divers antécédents, professionnels et individuels, sur le burnout, considéré alors
comme conséquence (et beaucoup plus rarement comme prédicteur).
Dans ce chapitre, nous nous focaliserons tout d’abord sur les relations du burn-
out avec la santé mentale, la santé physique et les comportements à risque. Puis,
nous évoquerons les effets de certains antécédents organisationnels et disposition-
nels sur le burnout considéré comme une conséquence. Quelques modèles explicatifs
relatifs à la genèse du processus de burnout seront ensuite présentés. Enfin, dans un

2 Notons que cette notion est parfois confondue avec des notions voisines comme le stress pro-
fessionnel (qui est plutôt un ensemble de caractéristiques perçues du travail se situant en amont) ou
comme la dépression (qui est, comme le burnout, une issue de santé dysfonctionnelle). Si la dépres-
sion et le burnout peuvent apparaître simultanément, il s’agit toutefois de concepts distincts.
Burnout et santé des personnels : déterminants et prises en charge 291

dernier développement, nous aborderons un ensemble d’interventions et de techni-


ques censées réduire le burnout et améliorer la santé des personnels au travail.

1. Burnout et santé mentale


Les troubles émotionnels les plus souvent décrits comme associés au burnout sont les
symptômes dépressifs et l’anxiété. Ce sont surtout les troubles dépressifs associés au
burnout qui ont été décrits dans la littérature 3. Il s’agit bien ici de symptômes
dépressifs (troubles de l’humeur, de l’appétit du sommeil, baisse d’énergie, baisse de
l’estime de soi…) et non d’un trouble dépressif majeur (épisode aigu, isolé, induisant
une telle altération de la vie sociale et professionnelle et une telle souffrance qu’il
nécessite une hospitalisation).
La dépression et le burnout, bien que souvent co-présents, sont des concepts
distincts et comprennent des symptômes assez différents (tableau 10.1). La dépres-
sion est d’origine étiologique multifactorielle et complexe (expériences diverses de
perte, de renoncement, de détresse ; tendance à évaluer de façon négative soi, le
monde et l’avenir). Le burnout se limiterait à la sphère professionnelle : c’est la diffi-
culté à trouver suffisamment de ressources pour faire face aux exigences du travail. Le
burnout serait dans la sphère professionnelle l’équivalent de ce que la dépression est
dans la sphère générale de la vie, une détérioration complète du bien-être de l’indi-
vidu (Warr, 1987) 4.

Dépression Burnout

Humeur dépressive Agressivité, colère


Déplaisir Faible plaisir
Perte de poids Pas vraiment de perte ou de gain de poids
Craintes Peu de craintes
Problèmes de sommeil (réveil précoce) Problèmes de sommeil (difficultés d’endormissement)
Pensées suicidaires Pas de pensées suicidaires
Indécisions Indécisions
Attribution causale : maladie Attributions causales : travail
Générale Au travail uniquement
Faible vitalité Vitalité modérée

TABLEAU 10.1 – Différences symptomatologiques entre la dépression et le burnout


(Demerouti, 2004)

3 L’anxiété (comme état) est parfois présente chez les professionnels atteints de burnout, elle
apparaît comme significativement corrélée avec l’épuisement émotionnel (Jayaratane & Chess,
1983). L’anxiété considérée comme trait serait l’un des déterminants de l’épuisement émotionnel.
4 En effet, des professeurs souffrant d’un sentiment de manque d’équité dans leur travail dévelop-
pent un syndrome de burnout mais pas de dépression ; ceux qui ressentent leur relation au partenaire
comme inéquitable développent une dépression et non un processus de burnout (Bakker, Schaufeli,
Demerouti, Janssen, Hulst et Brouwer, 2000).
292 L’épuisement professionnel

Des analyses factorielles menées sur des échelles de burnout et de dépression


(CES-D et Inventaire de dépression de Beck) ont donné des solutions à deux dimen-
sions (Schaufeli et Enzmann, 1998 ; Bakker, Schaufeli, Demerouti, Janssen, Van der
Hulst et Brouwer, 2000). Le burnout et la dépression sont donc bien des concepts dis-
tincts.
Le fait que ces deux notions, distinctes, soient en même temps associées a été
confirmé empiriquement (co-occurrences ou corrélations). Belcastro et Hays (1984),
par exemple, ont observé que 55,6 % des enseignants atteints d’épuisement profes-
sionnel souffraient également de dépression (dès le début de carrière pour 86,7 %
d’entre eux). Des covariations relativement importantes entre burnout et dépression
ont été observées. Les scores de burnout corrèlent avec les scores de dépression
(Meier, 1984 ; Schaufeli et Enzmann, 1998). L’épuisement professionnel est fortement
associé avec la dépressivité (telle que mesurée par le BDI de Beck, 1961), en particu-
lier avec les items de passivité et de difficulté à engager des actions. Schaufeli et
Enzmann (1998) trouvent 28 % de variance commune entre dépression et épuisement
émotionnel (mais seulement 13 % entre dépression et dépersonnalisation, 9 % entre
dépression et accomplissement) 5. Des plaintes somatiques sont souvent présentes
dans le burnout et dans la dépression. Ces plaintes correspondent à la santé auto-éva-
luée (problèmes cardiovasculaires, gastro-intestinaux, douleurs), problèmes sans
doute amplifiés par l’affectivité négative présente dans les deux syndromes (Watson
et Pennebaker, 1989). Or une variance commune de 20 à 46 % a été observée entre
plaintes somatiques et épuisement émotionnel (Schaufeli et Van Dierendonck, 1993 ;
Laugaa, 2004).
Les relations entre burnout et dépression sont parfois considérées comme dues
à la dépendance commune de ces syndromes à certains antécédents (stress chronique,
personnalité vulnérable). En effet, le névrosisme et l’affectivité négative sont des
dimensions prédisant le développement de symptômes dépressifs (Mc Crae et John,
1992) et d’épuisement professionnel (Zellars, Perrewe et Hochwarter, 2000). Dans une
étude menée auprès de 150 chirurgiens-dentistes français, nous avons trouvé une rela-
tion significative entre troubles dépressifs et épuisement émotionnel (r = 0,53,
p < 0,01), mais seulement chez ceux qui ont une disposition anxieuse (Rascle et Inno-
cente, 2005). D’après une synthèse de 18 études ayant mesuré à la fois la dépression
et le burnout, les affects dépressifs et le burnout ont bien une étiologie commune et
leur développement se ferait en étroite interaction (Glass et McKnight, 1996).
Pour expliquer la covariance entre ces deux notions, certains auteurs ont sug-
géré qu’il pouvait y avoir entre elles des relations de cause à effet. Les quelques
recherches longitudinales menées pour élucider cette question n’ont pas réussi à éta-
blir si la dépression était une cause ou une conséquence du burnout (McKnight et
Glass, 1995).
On peut donc conclure que la dépression et le burnout se sont avérés associés
empiriquement, mais distincts conceptuellement. Sans doute ces deux syndromes
comprennent-ils quelques mécanismes cognitifs et émotionnels similaires (affectivité

5 L’épuisement émotionnel ressemble à la fatigabilité dépressive, la dépersonnalisation au repli


sur soi dépressif, un faible sentiment d’accomplissement personnel aux sentiments d’impuissance, de
désespoir et de faible auto-efficacité que l’on retrouve dans la dépression.
Burnout et santé des personnels : déterminants et prises en charge 293

négative, fatigabilité, repli sur soi, altération du sentiment d’auto-efficacité). Leur


relation pourrait être due également à l’effet de déterminants contextuels et disposi-
tionnels communs (voir infra). Il semble aussi que ces deux processus se développent
et se renforcent mutuellement chez les personnes les plus vulnérables émotionnelle-
ment, lorsqu’elles sont confrontées à des situations professionnelles difficiles.

2. Burnout et santé physique

Un état de stress chronique étant souvent associé au développement de certaines


pathologies (maladies cardiovasculaires, infectieuses, cancers, diabètes, arthrite rhu-
matoïde, douleurs musculo-squelettiques), on s’attendait à ce que le burnout soit
également associé à des problèmes de santé. Or l’évaluation de la santé physique pose
problème. La plupart des mesures sont en effet globales et en outre auto-évaluatives
(comme l’index psychosomatique de la SCL-90, proposé par Derogatis, 1994). Plutôt
que d’utiliser des mesures globales de santé « perçue », qui risquent d’être contami-
nées par l’affectivité négative d’un individu (et par une tendance à l’« amplification
des symptômes »), il serait préférable de faire évaluer par des médecins l’état de
santé d’un individu après un bilan de santé complet et sur une liste détaillée de
symptômes comme la SIRS (Seriousness of Illness rating Scale) de Wyler et al. (1968).
Ainsi, la santé était auto-évaluée globalement dans les premières études consacrées
aux relations entre burnout et santé. Plus d’individus se déclarent malades chez des
infirmiers souffrant de burnout que chez ceux qui n’en souffrent pas (Jones, 1980).
Chez les personnels d’associations humanitaires s’occupant d’enfants, 67 % déclarent
que leur métier affecte leur état de santé (Sakharov et Farber, 1983). Les problèmes
de santé physique se sont avérés corrélés (de .16 à .44) au burnout dans plusieurs
études (Gillepsie, 1980 ; Pines et Aronson, 1981). De tels résultats sont-ils observés
quand la santé est évaluée par un tiers ?

Appels et Mulder (1989) ont observé que l’épuisement émotionnel est associé
à la fréquence des troubles du sommeil et de certaines pathologies cardio-vasculaires
(tachycardie, angine de poitrine). L’épuisement émotionnel est la seule composante
du burnout à être associée notablement (12 % de variance commune) à l’occurrence
des maladies dans diverses professions (Bhagat et al., 1995). Selon ces auteurs,
l’épuisement émotionnel multiplie par deux, chez les hommes et les femmes, le risque
d’infarctus du myocarde pendant les quatre années suivantes, ceci indépendamment
des facteurs de risque classiques 6. Dans une recherche longitudinale ayant consisté à
suivre 104 employés d’une entreprise du secteur de la haute technologie pendant
10 ans, le score de burnout initial prédit une élévation du taux de cholestérol, de tri-
glycérides, d’acide urique, et des anomalies de l’électrocardiogramme (Melamed,
Kushnir et Shirom, 1992, 2002), qui sont des facteurs de risque de pathologie cardio-
vasculaire. Vu les résultats concordants de ces études, on peut considérer comme bien
établi le fait que le burnout soit associé à un risque accru de maladie cardio-vascu-
laire.

6 Dans cette recherche, l’épuisement professionnel était évalué par le Maastricht Questionnaire,
cette dimension correspondant à la fatigue, l’irritabilité et le découragement.
294 L’épuisement professionnel

Le diabète de type II pourrait être une autre pathologie associée au burnout 7.


En effet, il a été observé dans une étude longitudinale menée en Israël sur des
ouvriers et cadres exerçant des professions impliquant des risques importants pour
leurs propres vies ou celle d’autrui (contrôleurs aériens, convoyeurs de fonds) et sui-
vis pendant 3 à 5 ans, que le risque de développer un diabète de type II au cours du
suivi est multiplié par 1,83 chez ceux qui avaient au départ un score élevé de burnout
(Melamed, Shirom et Froom, 2003).
Comment s’expliquent les problèmes de santé des sujets souffrant de burnout ?
On a observé chez ces personnes que le niveau élevé d’excitation physiologique et
psychologique associé à l’exercice de leur travail ne diminue pas une fois le travail
terminé. Un fort niveau d’activation électroencéphalographique, un niveau de cortisol
anormalement élevé, ainsi qu’une forte irritabilité ont été constatés en dehors des
heures de travail chez les individus atteints de burnout (DeVente, Olff, Van Amster-
dam, Kamphuis et Emmelkhamp, 2005). Ainsi chez les professionnels souffrant de
burnout, c’est le maintien d’une activation physiologique élevée et permanente (hors
du contexte de travail) qui induit à la longue des insomnies, de la fatigue chronique
et accroît leur vulnérabilité cardio-vasculaire. On pense qu’il y a chez les individus en
état de burnout une dérégulation du fonctionnement de l’axe corticotrope de l’hypo-
physe (axe reliant l’hypothalamus au cortex surrénalien), qui sous l’effet du stress
chronique, secrète de façon permanente des gluco-corticoïdes, dont le cortisol. Le
taux de cortisol circulant et de cortisol salivaire (cortisolémie) sont considérés
comme des indicateurs de la détresse dont souffrent des individus animaux et
humains soumis à des situations aversives et non contrôlables (Dantzer et Goodall,
1994, pp. 157-166). On sait qu’un taux excessif de corticostéroïdes a pour effet
d’affaiblir les réponses du système immunitaire. Les interactions entre le fonctionne-
ment hormonal, le fonctionnement du système nerveux central et celui du système
immunitaire sont à présent bien connues (Dantzer et Goodall, 2003 ; Segerstrom et
Miller, 2004).
Certains auteurs ont donc tenté de vérifier l’hypothèse selon laquelle le burn-
out affaiblirait l’activité du système immunitaire. Une étude transversale menée sur
des médecins a montré que ceux qui sont épuisés (et ont un très faible niveau
d’accomplissement) présentent une diminution de leur taux de leucocytes : ils ont
moins de lymphocytes circulants et de lymphocytes T (CD3, CD4 et CD8) que ceux qui
ne sont pas épuisés (Bargellini, Barbieri, Rovesti, Vivoli, Roncaglia, et Borella, 2000).
Dans une étude transversale effectuée sur des officiers de police, un score élevé de
dépersonnalisation s’est avéré associé à la réduction de l’activité cytotoxique des cel-
lules « tueuses » NK (Nakamura, Nagase, Yoshida, et Ogino, 1999). D’après une étude
transversale menée par Söderfeldt (1997) sur des enseignants, l’épuisement émotion-
nel s’accompagne d’une baisse d’activité des antigènes (immunoglogulines IgA et
IgG). Ces études montrent bien que le burnout s’accompagne d’un affaiblissement de
l’activité du système immunitaire.

7 Le diabète de type II n’est pas caractérisé comme le diabète de type I par une insuffisance
d’insuline (due à la destruction des cellules du pancréas, que l’on doit compenser par des injections
de cette hormone pour contrôler la glycémie). Son étiologie est complexe (facteurs génétiques,
constitutionnels, surpoids, mode de vie…). Son incidence est de 30 pour 100 000.
Burnout et santé des personnels : déterminants et prises en charge 295

Toutes ces études permettent de comprendre pourquoi, chez les sujets atteints
de burnout, l’expérience prolongée de l’adversité et de l’impossibilité de la contrôler
induisent à la fois une activation de l’axe corticotrope, une cortisolémie élevée et une
baisse des défenses immunitaires ; ce qui rend les professionnels souffrant de burnout
plus vulnérables à diverses maladies infectieuses, ce qui a bien été observé en effet
(Shirom, Melamed, Toker, Berliner, et Shapira, 2005).

3. Burnout et comportements à risque

Les premières recherches qualitatives avaient montré que les professionnels souffrant
de burnout avaient plus de comportements à risque (tabagisme, alcoolisme, troubles
des comportements alimentaires, absence d’activité physique) que ceux n’en souffrant
pas (Maslach, 1982b). On constate chez les sujets épuisés une augmentation de la
consommation de substances psychostimulantes (tabac, café), de substances psycho-
leptiques (tranquillisants, barbituriques, substances illicites) et des troubles des con-
duites alimentaires (boulimie, anorexie). Les études quantitatives ultérieures ont
corroboré ces résultats. Un épuisement émotionnel intense s’est avéré associé à une
dépendance à l’alcool dans plusieurs groupes professionnels : policiers (Cunradi, Gei-
ner, Ragland, et Fisher, 2003), dentistes (Gorter, Eijkman, et Hoogstraten, 2000),
employés dans des services sociaux (Quattrochi-Tubin, Jones, et Breedlove, 1982). De
même, une dépersonnalisation élevée et un faible accomplissement personnel sont
associés à la consommation excessive d’alcool et de médicaments (dans divers grou-
pes professionnels) (Kleiber, Enzmann, et Gusy, 1998). L’ancienneté (nombre
d’années) de la consommation de substances au travail est corrélée au niveau d’épui-
sement professionnel ou de dépersonnalisation (Elman, 1994).
La consommation de ces diverses substances n’a que des effets palliatifs. Si
elle réduit la tension induite par le travail, cet effet est transitoire et, à moyen terme,
s’installent la dépendance et des états de manque aggravant l’affectivité négative des
sujets. Les professionnels souffrant de burnout n’arrivant pas à prendre de la distance
vis-à-vis de leurs problèmes de travail, s’engagent plus rarement que les autres dans
des loisirs ou des activités physiques, ce qui là encore ne leur permet pas de se
détendre et constitue un facteur supplémentaire de risque pour leur santé.
Mais, parce que le burnout et la dépressivité perturbent l’humeur (plus grande
irritabilité, diminution de la sensibilité aux besoins des patients) et les capacités
cognitives (perte des priorités, difficultés de concentration, perte transitoire de
mémoire), ils peuvent avoir des incidences sur la qualité du travail. Ainsi, l’épuise-
ment professionnel abaisse la performance au travail (Motowildo et al., 1986) et ris-
que de compromettre la qualité des soins (Dugan et al., 1996). Très peu d’études
empiriques ont été réalisées sur ce sujet. Les quelques études existantes concernent
des expériences de laboratoire sur les modes de prise de décision en situation de
stress et/ou de burnout (voir Truchot, 2004, p. 31). Elles montrent notamment que si,
dans ce contexte, les décisions prises sont moins coûteuses pour le professionnel,
c’est souvent au détriment du « client ». Ce qui est en cause, c’est souvent la perte de
confiance par le professionnel en ses capacités de résolution de problème et donc de
décision (Cumming et Harris, 2001).
296 L’épuisement professionnel

La perturbation également des mécanismes cognitifs intervenant dans l’atten-


tion et l’inhibition automatique (mémorisation, activité motrice) en situation clini-
que de burnout (Van der Linden, Keijsers, Eling et Van Schaijk, 2005) laisse à penser
que de nombreuses erreurs professionnelles (accidents, mauvais diagnostic, violence à
l’égard de clients) peuvent être la conséquence directe de ces déficits.
Pour résumer, l’on peut dire que, non seulement le burnout a une incidence
directe sur l’adoption de comportements à risque vis-à-vis de la propre santé des pro-
fessionnels, mais que ce syndrome peut affecter indirectement celle des usagers ou
patients. Des travaux empiriques plus rigoureux sont à réaliser dans ce domaine.
En ce qui concerne les trois sections qui précèdent, on peut retenir que les
personnes atteintes de burnout se caractérisent par l’érosion de leurs ressources, ce
qui se traduit par de l’épuisement émotionnel et de la fatigue physique. Le problème
est qu’il ne s’agit pas de simples états momentanés mais bien d’un processus durable,
ces sujets n’arrivant ni à se détendre, ni à se reposer, pouvant ainsi conduire à une
succession de problèmes personnels affectant finalement la santé, mais aussi de pro-
blèmes collectifs compromettant la qualité du travail. Nous allons essayer de com-
prendre quels sont les divers déterminants du burnout, en évoquant successivement
les facteurs organisationnels et dispositionnels prédisposant au burnout et à la santé.
Nous décrirons ensuite, dans la section consacrée aux modèles explicatifs, par quels
mécanismes les contraintes professionnelles conduisent au phénomène de burnout
puis aux problèmes de santé.

4. Les déterminants contextuels du burnout

Le burnout, bien qu’en partie déterminé par des problèmes professionnels et notam-
ment par le stress professionnel, ne s’y réduit pas. En effet, le burnout dépend de
l’effet conjugué de plusieurs facteurs de nature différente : caractéristiques réelles du
travail (« stresseurs »), antécédents personnels (caractéristiques socio-démographi-
ques et dispositionnelles, facteurs de vulnérabilité), mais aussi processus actuels et
individualisés (évaluations et stratégies d’ajustement élaborées par un individu donné
face à une situation donnée, dont certaines sont dysfonctionnelles). Les caractéristi-
ques stressantes du travail situées en amont du burnout (« stresseurs ») sont : la
charge de travail, le rôle professionnel (conflits, ambiguïtés), un faible contrôle de
son travail, l’absence de participation aux décisions, le manque de reconnaissance
(faible équité perçue) et la relation aux usagers (Légeron, 2001).
Les caractéristiques stressantes du travail ne seront pas détaillées ici dans la
mesure où elles ont été décrites par de nombreux auteurs (voir Truchot, 2004, pp. 73-
104, ainsi que son chapitre dans le présent ouvrage). Il convient en particulier d’en
distinguer les aspects objectifs (« stresseurs » professionnels) des aspects subjectifs
(« stress perçu »). Lorsqu’on parle de stress professionnel, on fait référence à des per-
ceptions (retentissement des problèmes professionnels), et à un certain niveau de
réalité (Rascle, 2001 ; Rascle et Bruchon-Schweitzer, 2003). Il convient donc d’étu-
dier les effets des stresseurs professionnels mais aussi celui du stress professionnel
perçu sur le burnout.
Burnout et santé des personnels : déterminants et prises en charge 297

Les études réalisées sur le stress professionnel montrent qu’il comprend plu-
sieurs dimensions. Il inclut : la charge de travail perçue (surcharge et parfois sous
charge de travail, pression du temps…), un sentiment de non équité (salaire jugé
insuffisant vu le travail effectué, travail non reconnu, faibles perspectives de car-
rière), des problèmes relationnels (relations difficiles avec les usagers, conflits avec
les collègues, les supérieurs, climat organisationnel, sentiment d’isolement),
l’absence de contrôle perçu de son travail (contenu, rythme, absence de participation
aux décisions). Il existe soit des échelles génériques, soit des échelles spécifiques
pour évaluer ces stresseurs (fréquence des problèmes), ainsi que le stress profession-
nel perçu (retentissement en termes d’intensité) 8.
Considérons par exemple la charge de travail. Elle peut être évaluée
« objectivement » par la difficulté et le nombre de tâches à exécuter et le temps qui
leur est imparti (on l’évalue souvent quantitativement en nombre, fréquence ou
durée). Les médecins généralistes français par exemple citent le nombre d’appels en
urgence, le nombre d’appels de nuit, le nombre de patients par jour, les heures pas-
sées à remplir des paperasses administratives (Koleck et al., 2000). Si l’on s’intéresse
aux aspects qualitatifs des problèmes professionnels des médecins, on évalue alors
leur stress perçu (retentissement des problèmes en termes d’intensité), sentiment
d’être débordé et de ne pas pouvoir résoudre les problèmes professionnels dans les
conditions imposées (temps imparti, obligations multiples, délais).
Cette distinction entre les aspects objectifs du stress professionnel (ou
« stresseurs ») et les aspects subjectifs (stress perçu) s’est avérée intéressante, par
exemple dans deux des études menées dans notre équipe. Dans une recherche trans-
versale menée sur 200 généralistes, c’est bien le « stress perçu » (évalué par une
échelle spécifique pour des médecins) qui s’est avéré la variable la plus fortement liée
à l’épuisement émotionnel, évalué par le MBI (effet direct de +.51), alors que leur
charge de travail (objective) n’a aucun effet sur les trois composantes du burnout
(Koleck et al., 2000). Dans une étude longitudinale menée sur 259 enseignants du
1er degré, nous avons construit puis validé, à partir d’entretiens semi dirigés, deux
questionnaires spécifiques, l’un mesurant les problèmes professionnels des ensei-
gnants en termes de fréquence (« stresseurs »), l’autre leur retentissement en termes
d’intensité (stress perçu), voir Laugaa et al. (2005a) 9. Selon les résultats de cette
étude, si certains « stresseurs » ont bien un effet sur le burnout, cet effet est soit non
significatif (temps journalier consacré à la classe, temps du trajet entre domicile et
travail, effectif de la classe), soit modeste (entre temps consacré au repas et épuise-

8 Il existe pour estimer le stress professionnel perçu des échelles génériques comme la J.S.S. (Job
Stress Scale) de C.D. Spielberger, adaptée en français par Sifakis, Rascle et Bruchon-Schweitzer
(1999) et des échelles spécifiques, comme le questionnaire de stress pour les enseignants du
1er degré de Laugaa et Bruchon-Schweitzer (2005a). Dans les deux cas, on estime soit des aspects
quantitatifs (par exemple la fréquence de certains problèmes), soit des aspects qualitatifs (par exem-
ple l’intensité) du stress professionnel.
9 Une échelle de 46 items mesurant le stress perçu des enseignants (intensité) a été soumise à
une analyse factorielle (ACP suivie de rotations varimax), qui a donné quatre dimensions (53 % de
V .E. au total) : surcharge de travail (ex. : manque de temps pour suivre les élèves individuellement),
non équité perçue (ex. : manque de considération pour ce métier), conflits et violences (ex. : rela-
tions tendues avec les parents), dysfonctionnements de l’institution (ex. : manque de circulation des
informations).
298 L’épuisement professionnel

ment émotionnel, r = .-17, p < .01 ; entre effectif de la classe et accomplissement


professionnel, r = -.10, p < .05 ; entre nombre d’élèves « signalés » et burnout total,
r = +.17, p < .01). En revanche toutes les composantes du stress perçu sont associées
fortement à l’épuisement émotionnel (de +.28 à +.47, p < .001) et au burnout total
(de +. 19 à +.35).
Une autre caractéristique professionnelle à l’origine du burnout serait la rela-
tion d’aide. Il a été montré plusieurs fois dans les premières recherches que le nombre
d’usagers accroît l’épuisement émotionnel et parfois la dépersonnalisation chez les
enseignants et les soignants. Des résultats plus récents ont permis de comprendre que
ce sont certains aspects qualitatifs de la relation d’aide (plus que ses aspects quanti-
fiables) qui favorisent le burnout : caractéristiques perçues des usagers (problèmes
lourds, complexes, chroniques, absence de coopération…), ressources perçues de la
part de l’organisation (soutien social des collègues et de la hiérarchie ; signification
et objectifs du travail ; reconnaissance du travail…).
D’après ces diverses études, ce sont donc surtout les aspects qualitatifs du
stress professionnel qui affectent le burnout. Ceci ne doit pas nous dispenser de pren-
dre en compte dans ce genre d’étude les caractéristiques aversives objectives du tra-
vail, facteurs organisationnels que l’on doit connaître si l’on veut comprendre les
antécédents du burnout. En outre, le retentissement subjectif de ces mêmes facteurs
nous renseigne sur les différences interindividuelles (deux individus insérés dans le
même environnement professionnel ne le vivent pas forcément de la même façon) 10.
Ainsi, des facteurs de nature différente (réelle, perçue) se conjuguent et peuvent
avoir des effets complémentaires sur le burnout. Nous y reviendrons à propos des
modèles explicatifs (voir infra).

5. Les déterminants individuels du burnout

Diverses caractéristiques individuelles affectent le développement d’un processus de


burnout. Parmi celles-ci figurent des caractéristiques sociodémographiques et socio-
économiques qui seront rappelées brièvement, mais aussi des caractéristiques dispo-
sitionnelles, certaines dimensions de la personnalité fragilisant les individus vis-à-vis
du risque de burnout alors que d’autres les protègent.

5.1 LES CARACTÉRISTIQUES SOCIODÉMOGRAPHIQUES


ET SOCIOÉCONOMIQUES

Les études ayant comparé les scores totaux de burnout des hommes et des femmes
n’ont pas mené à des résultats concordants. Si l’on examine les scores sur les trois
composantes, quelques différences apparaissent. L’épuisement émotionnel semble un
peu supérieur chez les femmes (ce qui n’est pas observé dans toutes les études). Ceci
pourrait être dû au fait que les femmes expriment plus facilement que les hommes
leurs affects négatifs (dans le registre de la détresse émotionnelle) et qu’elles consa-

10 Nous avons vu en début de chapitre que tous les professionnels d’aide et de soin ne sont pas
atteints de burnout (cela ne concerne qu’environ un tiers d’entre eux).
Burnout et santé des personnels : déterminants et prises en charge 299

crent en dehors du travail plus de temps à des tâches domestiques et aux enfants, ce
qui constitue pour elles une charge de travail accrue. En revanche les scores de déper-
sonnalisation masculins sont en moyenne plus élevés (Schaufeli et Enzmann, 1999),
notamment dans des professions comme l’enseignement (Laugaa, 2004). On peut rat-
tacher ce résultat à des normes différentes quant aux rôles masculin et féminin pres-
crits dans notre société : on attend des hommes des qualités fonctionnelles et
instrumentales, des femmes des qualités émotionnelles et empathiques.

En ce qui concerne l’âge, il y aurait au cours de la vie professionnelle des indi-


vidus deux périodes transitionnelles critiques vis-à-vis du burnout : le début et la fin
de la carrière. Au cours des premières années d’exercice d’un métier, le novice va
devoir gérer l’écart inévitable entre ses attentes initiales et la réalité du terrain. Il lui
faudra trouver des réponses (comportementales, émotionnelles, cognitives) pour
s’ajuster aux exigences de ce travail (réponses pas toujours apprises en formation). La
fin de carrière est parfois considérée comme une période difficile surtout dans les
métiers conjuguant de fortes exigences et une faible reconnaissance sociale (ensei-
gnants, personnels soignants). Enfin, le fait de vivre en couple et d’avoir des enfants,
loin de constituer une charge supplémentaire, semble protéger les individus (surtout
les hommes semble-t-il) contre le risque de burnout (Truchot, 2004), en particulier
contre le risque de dépersonnalisation (Laugaa, 2004).

5.2 LES DIMENSIONS PATHOGÈNES DE LA PERSONNALITÉ

On sait que divers traits et types de personnalité (dépression, anxiété, névrosisme,


hostilité, affectivité négative, alexithymie, type A) peuvent avoir un impact patho-
gène sur le bien-être et la santé (voir synthèse de Bruchon-Schweitzer, 2002). Pour-
tant peu d’entre elles ont été étudiées quant à leur effet éventuel sur la genèse du
burnout. Ainsi, un profil comportemental de type A (impatience, vigueur des gestes et
de la voix, irritabilité, ambition, hostilité, compétitivité) s’est avéré associé au risque
de burnout d’après une dizaine d’études menées sur divers groupes professionnels.
L’étude menée par notre équipe sur 200 médecins montre que c’est la composante
« impatience » du type A qui accroît l’épuisement émotionnel, cette relation transitant
par le stress perçu (Koleck, Bruchon-Schweitzer, Thiebaut, Dumartin, Sifakis, 2000).
Les comportements de type A sont encouragés dans certaines institutions où sont prô-
nées l’excellence et la concurrence, mais ces comportements sont coûteux (l’activation
physiologique répétée de divers systèmes use l’individu) et ne facilitent pas les rela-
tions à autrui (faible soutien social reçu). Le risque de pathologie cardio-vasculaire est
multiplié par deux chez les individus de type A (Consoli, 2001). Le névrosisme est la
tendance à ressentir des émotions négatives (colère, anxiété, humeur dépressive,
affectivité négative) et à présenter des comportements particuliers (tension, irritabi-
lité, labilité, hostilité, inquiétude). Le névrosisme, d’après quelques études, augmente
le risque de développer un processus de burnout (l’épuisement émotionnel en particu-
lier). Or ce facteur (l’un des « Big Five ») est apparu comme facteur de vulnérabilité
associé à de nombreux problèmes de santé physique et mentale auto-évalués, les
sujets névrosiques exprimant davantage leur affectivité négative. Cette relation n’est
donc pas surprenante dans la mesure où le burnout est généralement mesuré par des
autoquestionnaires comme le MBI.
300 L’épuisement professionnel

5.3 LES DIMENSIONS PROTECTRICES DE LA PERSONNALITÉ


L’intérêt pour les facteurs contextuels et personnels est beaucoup plus récent que
l’étude des pathologies et de leurs déterminants. Ce courant que l’on dénomme psy-
chologie positive a popularisé des concepts comme le SOC (Sense of Coherence),
l’endurance ou la résilience et a stimulé la recherche de dimensions de la personnalité
pouvant avoir des effets bénéfiques sur la qualité de vie au travail (Seligman et
Csikzentmihalyi, 2000). On sait que de nombreuses dimensions de la personnalité ont
des effets bénéfiques sur la santé et le bien-être (optimisme, lieu de contrôle, senti-
ment d’auto-efficacité, résilience, endurance, sens de la cohérence, affectivité posi-
tive, conscienciosité, agréabilité), voir synthèse de Bruchon-Schweitzer (2002). Là
encore, on peut s’étonner de la relative rareté des études ayant mis à l’épreuve l’effet
de ces facteurs sur le burnout. En ce qui concerne l’endurance (hardiness), type de
personnalité comprenant le contrôle, l’engagement et le challenge (Kobasa, 1982),
quelques études disponibles semblent montrer qu’une forte endurance protège contre
le burnout (10 à 25 % de variance commune selon les dimensions). Cependant,
l’échelle d’endurance de Kobasa étant d’une validité incertaine et les études existan-
tes trop peu nombreuses, l’effet protecteur éventuel de l’endurance devra être contre-
validé par des études ultérieures. Le lieu de contrôle (LOC) est une dimension produite
par des approches sociocognitives de la personnalité. L’internalité consiste à croire
que ce qui nous arrive est dû à des causes internes (conduites, compétences), l’exter-
nalité à croire que ce qui nous arrive est dû à des causes externes (hasard, chance,
autrui). En général, l’internalité a des effets bénéfiques sur la santé, et l’externalité
des effets nocifs. Généralement, on observe que les « internes » développent moins
de burnout que les « externes ». Cependant, ce résultat est à considérer avec pru-
dence car les études correspondantes sont rares (une dizaine) et que les instruments
de mesure du LOC diffèrent d’une étude à l’autre (Glass et Mc Knight, 1996).
Finalement, la seule dimension dont les effets protecteurs vis-à-vis du burn-
out sont bien établis est le sentiment d’auto-efficacité. Selon Bandura, c’est la
« croyance des individus en leur capacité à mobiliser les ressources nécessaires pour
maîtriser certaines situations et y réussir » (Bandura, 1997). Cette dimension, issue
d’une théorie sociocognitive de l’apprentissage, s’est avérée bénéfique pour la santé
et le bien-être, car elle atténue l’impact des événements stressants et est associée à
des styles de vie sains. Une quinzaine de recherches différentes (menées sur des
enseignants, des travailleurs sociaux, des soignants, des employés…) montrent
qu’un fort sentiment d’auto-efficacité est associé à un moindre burnout. Pourtant,
certaines questions restent posées quant à de possibles confusions de cette dimen-
sion avec des notions proches (le contrôle, l’estime de soi) et quant à la mesure
(générale ou spécifique) la plus liée au burnout. On ne sait pas si c’est l’auto-effica-
cité généralisée (proche d’un trait de personnalité) ou l’auto-efficacité spécifique
(sentiment d’auto-efficacité vis-à-vis d’un contexte professionnel bien particulier)
qui prédit le mieux le burnout ultérieur. Outre les échelles génériques, il existe des
échelles d’auto-efficacité professionnelle (mesurant par exemple la croyance des
enseignants en leur capacité à influencer les apprentissages de leurs élèves). Dans
l’étude menée par Laugaa (2004) sur 259 enseignants du 1er degré, l’auto-efficacité
générale (mesurée en début d’année scolaire) est associée à un faible burnout en fin
Burnout et santé des personnels : déterminants et prises en charge 301

d’année scolaire (coefficients de régression partielle : -.18, -.29, -.20 et -.21 avec
l’épuisement émotionnel, le non-accomplissement, la dépersonnalisation et le burn-
out total, tous p < .01).
Par quels mécanismes ces ressources psychologiques (auto-efficacité, opti-
misme, endurance, LOC interne) protègent-t-elles du burnout ? Directement, parce
qu’elles impliquent la croyance en une gestion efficace des situations aversives et
rend les individus moins sensibles aux éventuels obstacles et échecs. Indirectement,
en atténuant le stress perçu, en augmentant le contrôle personnel et en renforçant
certaines stratégies de coping fonctionnelles, comme l’adoption d’un coping actif dans
le cas d’une situation de travail stressante, ce qui réduit le burnout et augmente le
sentiment d’efficacité personnelle (Greenglass, 2002). Ainsi, la personnalité affecte-
rait le burnout de plusieurs façons, à la fois comme antécédent (effet direct) et en
transitant par des processus transactionnels (effets médiateurs ou indirects).

6. Burnout et santé : des modèles explicatifs


Plusieurs modèles ont tenté de décrire et/ou d’expliquer le développement du burnout
(Schaufeli et Enzmann, 1998 ; Truchot, 2004). Mais peu se sont intéressés à expliquer
conjointement les relations entre burnout et santé. Nous nous proposons donc d’avan-
cer quelques pistes causales, mettant en lien l’environnement de travail, la santé
mentale et la santé physique, pour rendre compte de la genèse du burnout. Nous
débuterons par une approche essentiellement socioculturelle pour en arriver à un
modèle biopsychosocial.

6.1 BURNOUT ET SANTÉ : UN MODÈLE SOCIOCULTUREL


Selon les sociologues qui se sont intéressés au burnout ou à « la mauvaise fatigue »
(Meyerson, 1994 ; Loriol, 2000), on ne peut dissocier la construction de ce syndrome
du contexte socio-historique dans lequel il a émergé. Il n’est en effet pas étonnant
qu’il ait d’abord été décrit pour des professions où les notions de vocation et de
dévouement personnel étaient prégnantes dans la pensée collective. Or, comme le
souligne Bibeau (1985), la transformation progressive des représentations collectives
au cours des années 1970 (recherche d’une certaine qualité de vie et rejet des con-
traintes de travail), de même que des moyens de gérer les contraintes professionnelles
(stratégies individuelles de survie plutôt que collectives de lutte) explique certaine-
ment le succès du burnout. La vocation laisse progressivement la place au profession-
nalisme et à son lot de règles notamment de « la bonne relation au client où
l’engagement personnel incontrôlé doit laisser la place à une distanciation toute
professionnelle » (Loriol, 2000) qui peut être rapprochée d’une certaine « distance
cynique », dimension caractéristique du burnout. Mais le processus de construction
sociale du phénomène de burnout ne s’arrête pas là. Attribuer les origines du burnout
pour des infirmiers à leur incompétence dans la relation avec les patients et pour des
travailleurs sociaux aux facteurs macro-sociaux, participe d’une même idéologie pro-
fessionnelle. Ces représentations catégorielles conduisent les professionnels à reven-
diquer, soit l’amélioration de la formation pour les soignants, soit une revalorisation
de la profession pour les travailleurs sociaux. Ainsi, la médicalisation ou la psycholo-
302 L’épuisement professionnel

gisation du phénomène de burnout est-elle selon cette interprétation plus prégnante


dans les métiers du soin. Les liens entre burnout et santé sont donc déterminés par
des facteurs socio-culturels. Mais, si cette approche est intéressante pour comprendre
le développement exponentiel de ce syndrome dans nos sociétés modernes, elle ne
décrit pas les processus individuels à l’œuvre. C’est pourquoi nous allons faire appel
maintenant à d’autres modèles explicatifs complémentaires, ceux du stress.

6.2 BURNOUT ET SANTÉ : LE RÔLE DES PROCESSUS TRANSACTIONNELS


Le burnout peut être envisagé comme un ensemble de réponses (émotionnelles,
cognitives, physiologiques, comportementales) au stress professionnel chronique. Il
est donc assimilable à la dernière phase d’épuisement du syndrome général d’adapta-
tion tel que l’a décrit Selye (1956). Réponse physiologique de l’organisme à toute
agression dans le but de rétablir l’homéostasie, elle se décompose en trois stades :
(1) une réaction d’alarme (2) qui tend à augmenter le degré de résistance de l’orga-
nisme, (3) si cette phase se prolonge trop, l’organisme s’affaiblit et entre en phase
d’épuisement. Durant les deux premières phases, l’organisme est sollicité. Si cette
sollicitation se prolonge, peuvent apparaître des symptômes et des désordres somati-
ques. Les quarante années de recherche sur le stress et la santé ont permis de confir-
mer en partie ce modèle. Les stress psychologiques les plus chroniques sont associés
à une baisse significative de l’activité immunitaire. Alors qu’un stress aigu a tendance
à l’activer dans un objectif d’adaptation de l’organisme, les modifications du système
immunitaire en réponse à un stress chronique deviennent potentiellement délétères
pour celui-ci. Mais comment expliquer cette issue pathologique ?
Comme le soulignent Segerstrom et Miller (2004), nous ne connaissons pas
vraiment toutes les pistes reliant le stress chronique à l’activité immunitaire, pour-
tant deux éléments semblent essentiels dans ce processus : l’émotion et le comporte-
ment. En ce qui concerne le rôle de ce dernier, certaines études réalisées auprès de
personnes dépressives montrent, par exemple, que la perturbation de l’activité immu-
nitaire observée dans cette pathologie mentale est en fait associée à l’adoption de
certains comportements « de maladie » (baisse de l’activité physique, ralentissement
psychomoteur, augmentation de l’alimentation, perte du sommeil et consommation de
tabac). En ce qui concerne l’émotion, elle est impliquée dans le processus de stress à
plusieurs niveaux : tout d’abord, par l’intermédiaire de la personnalité comme facteur
de vulnérabilité ou de résilience qui peut influencer la plus ou moins bonne adapta-
tion psychobiologique d’un individu à une situation stressante. C’est le cas notam-
ment du névrosisme (ou disposition anxieuse) ou de l’optimisme qui semble avoir un
impact non négligeable sur les variations de la compétence immunitaire en situation
de stress modéré et continu (Segerstrom, 2000). Dans ce sens, l’on peut parler de
modèles de cause commune où les relations entre la personnalité et le système immu-
nitaire sont en fait créés par des différences biologiques et génétiques stables.
L’émotion intervient également comme facilitateur ou inhibiteur des compor-
tements sains (fumer pour réduire sa tension émotionnelle, prendre soin de sa santé
quand on est optimiste) (Salovey, Rothman, Detweiler et Steward, 2000).
Or notre connaissance descriptive du syndrome de burnout nous permet de
confirmer le rôle essentiel des émotions et du comportement dans sa genèse ou son
Burnout et santé des personnels : déterminants et prises en charge 303

développement 11. Mais la récence des recherches neurobiologiques sur le burnout,


comme la faiblesse des interactions entre les champs de recherche biologiques et psy-
chologiques n’ont pas encore permis de construire des modèles psychosociaux
incluant des co-fonctionnements entre les émotions et divers systèmes physiologi-
ques.
Selon le modèle de la « conservation des ressources » de Hobfoll et Shirom
(2001), un sujet, face à une situation aversive, va être stressé, puis puisera dans ses
ressources matérielles (maison, argent, stabilité d’emploi), affectives (réseau social)
et dispositionnelles (compétences sociales, estime de soi). Le stress provient donc de
trois sources : 1) quand les ressources sont menacées (insécurité professionnelle,
ambiguïté de rôle) ; 2) quand elles sont perdues (licenciement, divorce) ; 3) quand
l’individu investit ses ressources et n’obtient pas les récompenses attendues (promo-
tion non obtenue), et élabore des stratégies d’ajustement (coping) pour y faire face.
Si ces stratégies sont efficaces, leur réussite, par effet rétroactif, valorisera les res-
sources du sujet (spirale du gain). En cas d’échec, les efforts adaptatifs du sujet
seront vains, il épuisera ses ressources sans pouvoir les reconstituer (« spirale de la
perte »). Même si l’individu tente l’investissement d’autres ressources, elles n’arrivent
pas à compenser les premières. Au terme de ce processus se développe le burnout et
surtout des affects de nature dépressive, dans le sens de l’impuissance-désespoir.
Ce modèle met l’accent d’une part sur les ressources (sociales en particulier) et
d’autre part sur les stratégies d’ajustement (coping).
Sans revenir sur les définitions du soutien social, ni sur ses mesures, largement
détaillées ailleurs (Rascle, 1997 ; Rascle et Bruchon-Schweitzer, 2005), on peut sim-
plement rappeler qu’il ne se confond pas avec les relations sociales effectives d’un
individu (réseau social), ni avec la stratégie de « recherche de soutien social » qui est
bien une stratégie de coping (active) pour rechercher de l’aide et non une simple éva-
luation. Le soutien social agit sur la santé de deux manières : généralement les sujets
intégrés socialement ont une meilleure santé que ceux qui sont isolés, dans le mesure
où ils adoptent plus facilement des comportements sains, par ailleurs, en situation de
stress, disposer d’un soutien social permet de mieux réagir. Le soutien social est une
notion qualitative : c’est ce que l’individu perçoit de l’aide qu’il reçoit (source, type,
satisfaction). La plupart des études prenant en compte le soutien social perçu (et
notamment celui des collègues et de la hiérarchie) ont montré qu’il atténue les effets
du stress professionnel sur le burnout (effets directs, modérateurs ou médiateurs). Les
résultats provenant des différentes études varient selon la définition opérationnelle
adoptée, la profession étudiée, la source de soutien (collègues, famille, supérieurs) et
le type d’étude 12. Ce sont les effets directs (bénéfiques) du soutien social perçu sur

11 Pour bien des auteurs, le travail de gestion et de régulation des émotions des professions de
l’aide et du soin, qui vise à produire ou à inhiber des sentiments de façon à les rendre « appropriés »
à la situation implique une importante mobilisation de ressources, personnelles ou institutionnelles,
une grande dépense d’énergie (Hochschild, 1983 ; Grandey, 1998). De même à l’instar des émotions,
le phénomène de burnout peut être l’objet de contagion (Hatfield, Cacioppo et Rapson, 1994).
12 Le fait que, dans certaines études transversales, le soutien social perçu soit évalué en même
temps que les antécédents ou que le critère (burnout), est évidemment source de confusion (c’est un
processus transactionnel qui devrait être évalué après les antécédents et avant le critère). L’intégra-
tion sociale est un antécédent.
304 L’épuisement professionnel

le burnout qui ont été les plus fréquemment établis (Dormann et Zapf, 1999).
Le coping est l’un des processus transactionnels jouant un rôle essentiel entre
événements stressants et bien-être ultérieur 13. Les stratégies de coping élaborées
face à l’adversité dépendent de caractéristiques individuelles (cognition, personna-
lité) et de celles de la situation (durée, gravité, contrôlabilité, nature). Elles sont le
plus souvent classées en catégories très générales (coping centré sur le problème ou
« vigilant », coping centré sur l’émotion ou « évitant », recherche de soutien social),
que l’on évalue par des outils génériques. Des outils plus spécifiques explorant les
stratégies élaborées face au stress professionnel existent (échelles de Latack, Parkes,
Long) : on y retrouve à peu près les mêmes stratégies que dans les échelles générales
(coping évitant, ou émotionnel ; coping vigilant, ou actif). Il existe aussi des échelles
de coping construites « sur mesure » destinées à un groupe professionnel
particulier 14.
Généralement, il a été observé qu’un coping centré sur le problème et la
recherche de soutien social réduisent le burnout, alors qu’un coping émotionnel ou
évitant l’amplifient. C’est aussi ce que nous avons observé dans une étude transver-
sale menée sur 200 généralistes : le recours à un coping centré sur le problème ren-
force leur sentiment d’accomplissement, cette même stratégie, ainsi que la recherche
de soutien social augmentant leur satisfaction professionnelle (Koleck et al., 2000).
D’après une étude menée sur 259 enseignants du 1er degré, le coping centré sur le
problème (analyser objectivement les problèmes, penser aux aspects positifs de
l’enseignement, être cohérent, encourager les élèves…) augmente le sentiment
d’accomplissement et réduit la dépersonnalisation et l’épuisement. Un coping évitant
(oublier le travail dès que la journée est finie, ignorer les difficultés, ne pas amener
de travail à la maison…) amplifie deux composantes du burnout, la dépersonnalisa-
tion et le non-accomplissement (Laugaa et Bruchon-Schweitzer, 2005b).
Ces résultats sont en accord avec ceux des travaux antérieurs, une stratégie
vigilante ayant des effets fonctionnels dans le milieu enseignant comme dans d’autres
groupes professionnels. Cette stratégie permet de réduire la situation stressante (à
condition que celle-ci soit contrôlable) et donc le stress perçu. Un coping évitant (ou
un coping centré sur l’émotion qui lui est souvent apparenté) accentue la dépersonna-
lisation et le non-accomplissement, ce qui a été retrouvé chez des enseignants et
chez d’autres professionnels. Une stratégie évitante s’est avérée dysfonctionnelle dans
des situations stressantes variées (Paulhan et Bourgeois, 1995). Il s’agit en effet

13 Selon Lazarus & Folkman (1984, p. 141), le coping est « l’ensemble des efforts cognitifs et com-
portementaux, constamment changeants, déployés pour gérer les exigences internes et externes éva-
luées par la personne comme consommant ou excédant ses ressources et menaçant son bien-être ».
On peut déplorer le manque de rigueur actuel dans les dénominations et les définitions des straté-
gies de coping, ce qui accroît la difficulté à synthétiser les résultats acquis. Certains auteurs s’inté-
ressent à une stratégie anticipatrice élaborée avant la confrontation à un stresseur, ou « coping pro-
actif » (Greenglass, 2001). Celui-ci atténuerait le stress perçu lors de la confrontation aux stresseurs,
et réduirait le burnout. Or cette notion, qui caractérise un individu avant sa confrontation à un stres-
seur, est à considérer plus comme un antécédent que comme un processus transactionnel.
14 Il existe par exemple des échelles de coping pour enseignants (échelle de Dewe, 1985). On y
retrouve, à côté des stratégies classiques (coping centré sur le problème, évitement, recherche de
soutien social), des stratégies spécifiques (style d’enseignement traditionnel) : voir Laugaa et Bru-
chon-Schweitzer (2005b).
Burnout et santé des personnels : déterminants et prises en charge 305

d’une stratégie « palliative » qui consiste à tenter d’oublier les problèmes, mais ne les
résout pas et induit une baisse de l’estime de soi et des ressources perçues et accroît
l’insatisfaction et la détresse (Gana et al., 2000).

7. Réduire le burnout et améliorer la santé


des personnels

Comme pour le stress professionnel (Rascle, 2001), les moyens pour réduire le burnout
et ses conséquences sur la santé peuvent prendre trois formes, primaire, secondaire et
tertiaire 15 et être axés sur l’individu et/ou l’organisation (Schaufeli et Enzmann,
1998). Nous verrons que ces interventions s’inspirent plus des techniques de prise en
charge utilisées habituellement dans un contexte d’aide ou de soin que des résultats
des recherches. Nous nous proposons de décrire ci-dessous quelques exemples d’inter-
vention en les rattachant à un modèle intégrant les facteurs contextuels et indivi-
duels expliquant le développement du burnout et de la santé.

7.1 INTERVENTIONS PRIMAIRES

7.1.1 Le diagnostic
Les interventions primaires ont pour but de prévenir le burnout et ses conséquences
sur la santé des professionnels. La première étape est celle du diagnostic. Que ce soit
sur un plan très général, celui de toute une organisation ou un service, ou que ce soit
pour l’individu seul, ce diagnostic peut prendre la forme d’un audit du stress et du
burnout ou d’un autodiagnostic. Pour ce faire, il est fortement préconisé d’utiliser les
outils d’évaluation largement validés de mesure du burnout (voir supra) et d’y associer
des outils d’évaluation du stress professionnel afin d’identifier les sources de stress
susceptibles d’en être la cause. Celles qui ont été les plus souvent répertoriées (Lee et
Ashforth, 1996) concernent la surcharge de travail, la pression du temps, les conflits
et ambiguïtés de rôle, la durée du contact avec le client, le manque de soutien venant
des collègues ou des supérieurs, le manque de participation aux décisions et le man-
que de feedback. Différents questionnaires validés permettent d’évaluer ces sources
de stress (Rascle et Bruchon-Schweitzer, 2004). Au niveau individuel, il est possible
de proposer à un professionnel, de rédiger un journal dans lequel il notera jour après
jour les événements induisant des problèmes de santé. Par exemple : à quel moment
de la journée apparaissent des migraines ou des douleurs de la nuque ? À quelle occa-
sion particulière ? Quel sentiment ou émotion est associé à cet événement ? Qu’a fait
l’individu pour y remédier ? Un « journal de stress » permet d’évaluer la fréquence des
problèmes rencontrés par un professionnel et leurs effets sur sa santé. Au-delà d’un
simple diagnostic, il fournit les matériaux nécessaires à une prise en charge indivi-
dualisée (voir infra).

15 Une prise en charge est dite primaire quand elle fait appel à la prévention du phénomène,
secondaire quand elle consiste à augmenter les résistances individuelles, tertiaire si elle soigne des
professionnels en burnout.
306 L’épuisement professionnel

On peut, bien entendu, évaluer en outre certains facteurs de risque personnels


comme l’âge, le névrosisme ou d’autres facteurs de vulnérabilité. Ceci permet un dia-
gnostic complet qui, associé à l’évaluation des problèmes de santé physique et psy-
chologique, facilitera le choix d’un mode d’intervention et permettra, dans un
deuxième temps, d’en évaluer l’efficacité.

7.1.2 L’intervention primaire tournée vers l’organisation


Un moyen de réduire le burnout des personnels ou d’éviter qu’il n’apparaisse est de
réduire autant que possible les stresseurs professionnels décrits plus haut (voir
supra). Des actions psychosociales et ergonomiques peuvent être menées afin d’amé-
liorer les conditions de travail du personnel.
Le premier axe d’intervention concerne le management. En effet, certains sty-
les autoritaires de leadership peuvent induire du stress et de l’épuisement profession-
nels. Certaines organisations affirment ouvertement « manager par le stress »
(tableau 10.2). Les caractéristiques d’une telle culture d’entreprise (ambiguïtés de
rôle, absence de participation aux décisions, faible soutien social) finissent par pro-
voquer perte d’efficacité, épuisement et démotivation chez les salariés. Les futurs
dirigeants d’entreprise, dans le cadre de leur formation initiale ou continue, doivent
être sensibilisés aux risques induits par l’adoption de certains styles autoritaires de
gestion des ressources humaines. Ce sont souvent les styles de relation (par exemple
entre supérieur et subordonné), qui, encouragés par une organisation, finissent par
user les ressources de leurs salariés.

Style renforçateur de stress Style atténuateur de stress : type de soutien

• Favoritisme • Émotionnel (rassurer, protéger, encourager, empathique)


• Manque de confiance envers les subordonnés • Instrumental (prise de décision collaborative, assurance,
• Incohérence (crée les ambiguïtés de rôle) clarté du discours)
• Autoritarisme (harcèlement) • Informatif (conseils, suggestions d’action, partage
• Inertie d’expériences)
• Feedback nul ou uniquement négatif • Cohérence
• Ne sollicite pas la participation • Style participatif

TABLEAU 10.2 – Deux styles de leadership

En ce qui concerne les professionnels de la santé, on sait que c’est la durée et


la fréquence des contacts avec des usagers qui sont des facteurs accroissant le risque
de développement du burnout. On conseille parfois aux soignants de travailler en
temps partagé ou partiel, ce qui peut atténuer le risque d’épuisement (Greenglass et
Burke, 1999).

7.1.3 L’intervention primaire tournée vers les individus


Afin de prévenir les manifestations de burnout, il est préconisé d’intervenir en amont
du phénomène, sous la forme de programmes d’information sur le stress au travail ou
le stress en général. Par l’intermédiaire de vidéos, de magazines, de séminaires ou
Burnout et santé des personnels : déterminants et prises en charge 307

d’ateliers, ces interventions visent à faire connaître les déterminants du syndrome


d’épuisement et ses mécanismes, ceci permettant de sensibiliser les professionnels et
de leur permettre d’adopter des réponses préventives. Ce travail d’information est par-
ticulièrement recommandé en début de carrière, à un moment où les représentations
du métier sont idéalisées et que le novice adopte des attitudes qui le mettent en dan-
ger (surinvestissement du travail). Nous pensons que toute formation aux métiers de
l’aide et du soin devrait contenir un module de sensibilisation aux problèmes de stress
professionnel et de burnout.
Nous avons vu plus haut que certains facteurs dispositionnels pouvaient
accroître le risque de développer un processus de burnout. Il paraît essentiel, dans
une perspective préventive, de repérer rapidement les salariés les plus vulnérables.
N’importe quel individu n’est pas forcément capable de résister aux exigences de cer-
tains métiers (soignant, enseignant, policier…). Maslach (2001) soulignait judicieu-
sement que le fait que des étudiants en médecine ne se rendent compte qu’en fin de
formation qu’ils n’arrivent pas à supporter la douleur de leurs patients est un véritable
gaspillage. Les facteurs de risque individuels, qu’il s’agisse d’une personnalité vulné-
rable (type A, névrosisme, dépression, anxiété…) ou de représentations erronées du
métier, devraient être diagnostiqués avant l’insertion professionnelle dans certains
métiers.
Auprès des professionnels déjà en poste, on peut engager des actions de pro-
motion de la santé et du bien-être. Une incitation à la pratique sportive régulière et
intense (aérobic, fitness, jogging, natation…) est souvent conseillée, car elle réduit
la réactivité au stress et certaines de ses manifestations physiologiques. Un bon équi-
libre entre la vie professionnelle et la vie privée est aussi recommandé. Tous ces con-
seils pratiques sont censés optimiser les processus transactionnels qui permettent de
faire face à un contexte professionnel stressant (stress perçu faible, contrôle perçu
élevé, stratégies de coping efficaces). L’élaboration d’évaluations et de stratégies
fonctionnelles protège contre le développement d’un processus de burnout (implica-
tion au travail – épuisement – implication plus grande – épuisement).
Mais, dans le cadre du récent courant de la psychologie positive (Seligman et
Csikszentmihalyi, 2000), des programmes de prévention de la santé dont l’objectif est
l’amélioration du bien-être et du bonheur peuvent être appliqués au contexte du tra-
vail. Pour atteindre cet objectif, des techniques de valorisation individuelle et profes-
sionnelle sont préconisées (Seligman, Steen, Park et Peterson, 2005). Il s’agit par
exemple de demander aux personnes de relever durant la journée trois bonnes choses
qui leur sont arrivées et quelle en a été la cause ; d’écrire également une lettre de
remerciements pour une personne qui leur a fait du bien ; de décrire une situation au
cours de laquelle elles se sont senties être à leur apogée ; d’identifier leur force de
caractère et ensuite de la mettre en œuvre durant la semaine à venir, dans des situa-
tions de la vie courante. Comparé à un programme placebo, les sujets soumis à ces
exercices répétés ont connu, dans les mois qui ont suivi, une amélioration significa-
tive de leur état de bonheur initial, de même qu’une réduction de leur état dépressif
de base. Appliqué au contexte professionnel, ce type de programme peut mettre
l’accent sur l’identification des situations (contenu du travail, relations interperson-
nelles…) qui renforcent le sentiment d’auto-efficacité et l’affectivité positive de
l’employé, évitant ainsi le burnout.
308 L’épuisement professionnel

7.2 INTERVENTIONS SECONDAIRES

Les interventions secondaires ont pour objectif d’augmenter les ressources individuel-
les (stratégies adaptatives) face aux exigences du travail, de manière à atténuer leur
impact sur la santé des personnes. Elles sont mises en oeuvre lorsque les interven-
tions primaires n’ont pas pu être réalisées ou n’ont pas été efficaces. Elles sont,
comme les interventions primaires, de deux types : centrées sur les individus ou cen-
trées sur l’organisation.

7.2.1 Interventions secondaires tournées vers l’individu


Les interventions secondaires centrées sur l’individu comprennent soit des méthodes
de gestion du stress soit des groupes de soutien.

Dans le premier cas, on utilise certaines techniques (relaxation, méditation,


biofeedback) censées atténuer les effets physiques et physiologiques du stress (rythme
cardiaque, tension musculaire, etc.), afin d’éviter l’épuisement de l’organisme 16. L’effi-
cacité de ces méthodes contre le développement du burnout reste limitée (Rascle,
2001).

Les techniques cognitives et comportementales, encore assez mal connues,


semblent plus appropriées ici. Elles reposent sur des résultats déjà bien établis (voir
supra, 7.4) : plus que les stresseurs organisationnels en eux-mêmes, c’est le retentis-
sement subjectif du contexte (stress perçu par exemple) qui affecte les salariés. L’un
des objectifs de ces techniques consiste à repérer les « pensées irrationnelles » asso-
ciées au travail, et de les remplacer par des pensées plus réalistes. Les attitudes et
croyances irrationnelles peuvent être : un besoin d’être aimé et apprécié des personnes
que l’on aide ou que l’on soigne ; l’idée que son mécontentement vient forcément du
dysfonctionnement de l’institution et que l’on a aucun moyen d’agir; penser que l’on
n’est bon à rien parce que l’on vient de rater une activité professionnelle…). Le second
objectif de ce type de prise en charge consiste à identifier ses propres stratégies
d’ajustement et d’évaluer leur efficacité pour résoudre les problèmes ou réduire la
tension émotionnelle en situation de stress (voir Rascle, 2001), ce qui peut inciter les
personnels à adopter des stratégies plus fonctionnelles. Les études déjà présentées
ci-dessus ont montré que les stratégies de coping vigilantes (efforts pour contrôler la
situation) sont plus efficaces que les stratégies d’évitement ou émotionnelles pour
prévenir le burnout (Schaufeli et Greenglass, 2001). Ce type d’intervention auprès de
professionnels atteints de burnout s’est avéré efficace, même à un an (Malkinson
et al., 1997, cités par Schaufeli et Enzmann, 1998).

7.2.2 Interventions secondaires tournées vers l’organisation


Parmi les facteurs modérant la relation entre stress professionnel et burnout, le sou-
tien social professionnel joue un rôle essentiel. Il consiste à apporter aux personnels
des informations, une aide matérielle mais aussi un soutien émotionnel. C’est pour-

16 Pour des détails sur ces méthodes, voir Rascle (2001) et Cungi (2003).
Burnout et santé des personnels : déterminants et prises en charge 309

quoi les interventions secondaires tournées vers l’organisation passent souvent par la
mise en place de groupes de soutien dont il existe deux formes : groupe de soutien
par les pairs et coaching.
Divers travaux empiriques ont montré que l’atténuation du burnout dépend du
type de soutien apporté. Himle, Jayaratne et Thyness (1991) ont montré que des tra-
vailleurs sociaux ayant bénéficié d’un soutien instrumental et informatif dispensé par
des collègues et des supérieurs hiérarchiques présentent une diminution de leurs sco-
res sur les trois composantes du burnout. De la même manière, un soutien matériel et
un soutien émotionnel atténuent la dépersonnalisation chez des enseignants et des
infirmiers confrontés à des situations professionnelles extrêmement stressantes
(Burke, Greenglass et Schwarzer, 1996).
Les groupes de soutien par les pairs (collègues ou supérieurs) ont pour objec-
tifs d’analyser ensemble les situations du travail pénibles, d’exprimer et de partager
ses difficultés et de sortir de l’isolement et de la culpabilité. Ils facilitent certaines
acquisitions comme de rechercher et adopter ensemble certaines solutions, d’appren-
dre à recevoir et à donner du soutien. Mais ces groupes ne sont efficaces qu’à condi-
tion de ne pas être centrés seulement sur la décharge des émotions et que si
l’initiative en revient aux professionnels eux-mêmes (Schaufeli et Enzmann, 1998).
Le coaching est un autre type d’intervention secondaire centrée sur l’organisa-
tion. Elle consiste à faire appel à un expert extérieur à l’entreprise. Ce « coach » est
censé donner des informations, des conseils au salarié sur les conduites à adopter ou
les décisions à prendre, ou même un soutien psychologique si nécessaire. Son travail
est d’identifier et de comprendre en quoi les attitudes et comportements de ce profes-
sionnel sont dysfonctionnels, afin d’essayer de l’inciter à les modifier éventuellement.
Ce genre de soutien est parfois dispensé en début de carrière sous forme de tutorat.
La plupart des formations proposées par un organisme à son personnel pour
accroître ses compétences professionnelles lui permettent en effet d’augmenter ses
ressources (réelles et perçues). L’exercice de certains métiers de l’aide et du soin exige
en particulier des capacités bien particulières. Celles-ci doivent être acquises (forma-
tion initiale) ou actualisées (formation continue). Une formation à la relation inter-
personnelle permet à ces personnels de mieux gérer les émotions induites par les
exigences spécifiques de leur métier, ce qui est indispensable pour éviter l’épuisement
professionnel.

7.3 INTERVENTIONS TERTIAIRES


Des interventions tertiaires sont proposées quand le processus de burnout s’est déjà
développé chez les professionnels. Il s’agit alors de soigner ces personnels et/ou de
les placer dans un contexte de travail plus favorable.

7.3.1 Interventions tertiaires tournées vers l’individu


Lorsqu’un professionnel est atteint de burnout, c’est souvent la fatigue chronique qui
est le premier indicateur de la détresse qui s’installe. Si le professionnel accepte de
consulter un médecin (médecin du travail, par exemple), un diagnostic sera établi. Le
professionnel pourra être orienté soit vers un traitement médicamenteux, soit vers
310 L’épuisement professionnel

une psychothérapie. Divers traitements psychologiques peuvent alors être envisagés


(Schaufeli et Enzmann, 1998). L’objectif de ces thérapies est de réduire l’anxiété et la
détresse de la personne épuisée, de lui permettre de reprendre confiance et de faire à
nouveau des projets d’avenir professionnel.

7.3.2 Interventions tertiaires tournées vers l’organisation


Au niveau de l’organisation, il existe tout un panel d’actions palliatives pouvant être
proposées pour réduire le risque de burnout des personnels. La mise en place de ces
mesures se fait sur proposition des médecins du travail ou des services de gestion des
ressources humaines. Les réponses apportées par ces deux types d’instances diffèrent
sensiblement.
La médecine du travail a pour missions d’effectuer un diagnostic quant à la
santé du personnel, mais aussi de soigner ceux qui sont atteints de diverses patholo-
gies (ou de les orienter vers d’autres organismes de soins). Elle a également pour
fonction de diagnostiquer l’inadéquation entre un individu et les exigences de son
travail. Elle peut créer des dispositifs d’aide aux employés, dispositifs généralement
élaborés en accord avec la direction de l’entreprise et faisant l’objet d’une campagne
de communication auprès du personnel. Ces programmes se sont avérés utiles pour
faire face aux problèmes de santé mentale au travail (Rascle, 2001)
Les services de gestion des ressources humaines ont bien entendu un rôle à
jouer lorsque le burnout apparaît chez certains professionnels. Ils peuvent décider
d’améliorer le dispositif de développement de carrière (l’absence de perspectives de
carrière favorise le burnout). On peut par exemple proposer à des enseignants épuisés
une deuxième carrière, ou à des infirmières souffrant de burnout de devenir cadre
infirmier. Il est aussi possible de mettre en place des actions d’outplacement ou de
reconversion (autres métiers ou autres conditions de travail). En effet, lorsque le
métier n’est plus qu’une souffrance pour l’individu, mieux vaut lui proposer, lorsque
c’est possible, un travail qui sera source de satisfaction et d’épanouissement. Mais il
est regrettable de ne pas intervenir bien avant d’en arriver là, vu les savoirs et prati-
ques dont on dispose à présent.

8. Conclusion
Parce que le burnout n’est pas qu’un phénomène subjectif, il doit être envisagé dans
sa dimension sociale, culturelle, mais également biologique. Il est donc essentiel,
dans l’avenir, de multiplier les recherches situées à l’interface entre les sciences
humaines, sociales et médicales portant sur le burnout et la santé. Dans ce sens, il
convient d’approfondir encore le phénomène de « burnout » (déterminants, genèse,
contenus, évolution, dynamique) afin de dépasser la définition opérationnelle qui en
a été faite par Maslach pour mieux prendre en compte ses corrélats avec la santé.
Pour ce faire, il est essentiel de multiplier les études longitudinales visant à suivre
des professionnels durant leur carrière, afin de saisir tout d’abord les divers aspects
de ce syndrome, mais également de mieux comprendre les mécanismes à l’œuvre dans
son développement. Les trente années de recherches réalisées nous ont déjà apporté
beaucoup d’éclairages et ont permis notamment à des professionnels d’identifier leur
Burnout et santé des personnels : déterminants et prises en charge 311

souffrance au travail. Il est important maintenant, au regard des avancées de cette


recherche, de mettre en œuvre des interventions individuelles et collectives spécifi-
ques et surtout d’en évaluer l’efficacité à long terme.
Chapitre 11

Exigences professionnelles et
implication au travail :
leur rôle dans l’émergence du burnout

Didier TRUCHOT 1

Introduction
Observé d’abord chez des professionnels engagés auprès d’autrui (infirmières, tra-
vailleurs sociaux, médecins, etc.), dès les premières publications, le burnout est
apparu comme la conséquence d’un engagement trop intense dans une activité pro-
fessionnelle trop exigeante 2. Vouloir exercer ses compétences en apportant aide et
soutien, répondre sans mesure à un idéal altruiste, mais parallèlement, être accaparé
par de nombreux clients et par un environnement de travail qui sollicite trop les res-
sources internes, autant de facteurs qui figuraient, dans les interprétations du phéno-
mène, comme des causes essentielles. Autrement dit, dès le départ, la question de
l’engagement au travail, et celle de la demande d’engagement, accompagnent les
recherches sur le burnout. D’ailleurs, dans la première version du Maslach Burnout
Inventory, les auteurs avaient inclus une quatrième dimension nommée implication
(involvement). Maslach et Jackson (1981) le présentaient alors comme un facteur
optionnel, l’eigenvalue étant inférieure à 1 3.
En réalité, l’engagement au travail a suscité bien des recherches et des con-
ceptualisations. Morrow (1983) relève, depuis 1956, plus de 25 concepts et/ou échel-

1 Université Franche-Comté.
2 Si le burnout a été d’abord conçu comme une catégorie particulière de stress chronique spécifi-
que aux individus « impliqués » professionnellement auprès d’autrui, on considère aujourd’hui qu’il
peut frapper l’ensemble des individus au travail, quel que soit le contenu de leur activité.
3 Le M.B.I. (Maslach Burnout Inventory) est aujourd’hui l’échelle la plus utilisée pour mesurer le
burnout. Elle comprend trois dimensions : l’épuisement émotionnel, le cynisme et la réduction de
l’accomplissement personnel.
314 L’épuisement professionnel

les de mesures. L’engagement (commitment) a été assimilé aux idées de dévotion, de


loyauté, d’implication. Loin de prétendre à l’exhaustivité, on note par exemple dans la
littérature : la notion d’éthique protestante au travail c’est-à-dire l’idée que le travail
est bon en lui même (Mirels et Garrett, 1976) ; la notion d’engagement organisation-
nel, autrement dit dans quelle mesure un employé accepte les valeurs, les objectifs de
l’organisation et ambitionne d’y rester (Mowday, Steers et Porter, 1979) ; la notion de
salience de la carrière, qui renvoie à la place, à l’importance de son travail au sein de
son existence (Greenhaus, 1971). De leur côté, Neveu et Thévenet (2002) nous pré-
sentent les différentes facettes de l’implication, un concept également multiforme.
Cette dispersion des concepts se retrouve logiquement au niveau des recherches sur le
burnout. On a étudié le burnout en lien avec une myriade de notions telles que
l’investissement, la satisfaction, le retrait, le pattern comportemental de type A,
l’addiction au travail, l’orientation de carrière, le choix vocationnel, l’engagement,
etc.
L’objectif de ce chapitre n’est certainement pas de fournir une revue, pas plus
qu’une analyse de ces concepts et de leur lien avec le burnout. D’ailleurs, le plus sou-
vent, les termes d’investissement, d’implication, ou d’engagement seront utilisés
alternativement. En fait, la trame de ce chapitre est d’abord guidée par un paradoxe.
Avec les premières recherches, on pouvait conclure qu’une implication trop forte con-
duisait au burnout et qu’une réduction des exigences professionnelles représentait un
moyen efficace de prévenir ou d’enrayer ce syndrome psychologique. Pourtant, depuis
peu, certains auteurs (e.g., Schaufeli, Salanova, Gonzalez-Roma, et Bakker, 2002)
avancent que l’engagement au travail, loin de provoquer du burnout est source de
motivation, d’auto-efficacité et finalement de bien-être, tant physique que psycholo-
gique. L’engagement serait le strict opposé du burnout. Ainsi, comme l’écrivent Mas-
lach et Leiter (1997, p. 34), avec le burnout, « l’énergie se transforme en épuisement,
l’implication en cynisme et l’efficacité en inefficacité ». De ce point de vue, le burn-
out correspond à une érosion de l’engagement. Nous aborderons donc l’essentiel de
ces conceptions apparemment contradictoires. Et, dans la seconde partie de ce chapi-
tre, nous nous intéresserons aux caractéristiques de l’environnement de travail sus-
ceptibles de freiner ou d’encourager l’engagement.

1. À l’origine des conceptions du burnout :


engagement irréaliste et charge de travail excessive

En 1974, dans l’article considéré aujourd’hui comme la première description du bur-


nout, Freudenberger écrit que ce syndrôme est la « maladie du battant ». Freudenber-
ger dirigeait une sorte d’hôpital de jour alternatif, une free clinic, où des toxicomanes
recevaient gratuitement un accompagnement psychologique. Et c’est auprès des per-
sonnels de cet établissement, en particulier de jeunes bénévoles, qu’il observe un
ensemble de symptômes physiques et comportementaux qu’il rassemblera sous l’éti-
quette de burnout. Il utilise encore le terme « craquage ». Pour Freudenberger, c’est
bien un engagement excessif en réponse à une trop grande demande qui engendre le
burnout : « Nous fournissons de longues heures de travail avec seulement un mini-
mum de compensation financière. Mais c’est précisément parce que nous nous som-
Exigences professionnelles et implication au travail 315

mes consacrés à notre tâche que nous tombons dans le piège du craquage. Nous
travaillons trop, trop longtemps et trop intensément. Nous sentons une force inté-
rieure qui nous pousse à travailler et à aider, et nous nous sentons poussés de l’exté-
rieur à donner. » Et cette force correspond à un « besoin excessif et finalement
utopique » ouvrant la voie au burnout.
Freudenberger insiste parallèlement sur la charge de travail comme source de
burnout. Les exigences de l’administration, les besoins et les demandes répétées des
clients et finalement un travail de Sisyphe, sont autant de sources du burnout : « la
routinisation du travail que nous accomplissons (…) [le fait] que les gens ont tous
les mêmes problèmes » favorisent le craquage et l’ennui.
Freudenberger et Richelson (1980, p. 13) écrivent alors que le burnout est
« un état de fatigue et de frustration, de dépression, provoqué par la dévotion à une
cause, un mode de vie, ou une relation et qui échoue à produire les résultats
espérés ». En écho, Pines et Aronson (1988, p. 9) affirment que le burnout est « un
état d’épuisement physique, émotionnel et mental causé par l’implication à long
terme dans des situations qui sont exigeantes émotionnellement ». Autrement dit,
charge excessive d’une part, désir de s’engager d’autre part, alors, pointent le risque
de burnout qui se traduira, non seulement par une fatigue chronique, des sentiments
dysphoriques, mais aussi par un processus de désengagement.
Dans le droit fil de cette conception, Cary Cherniss (1980) développera quel-
ques années plus tard un des premiers modèles explicatifs du burnout. Pour lui, le
burnout est « un processus dans lequel un professionnel précédemment engagé se
désengage de son travail en réponse au stress et aux tensions ressenties » (Cherniss,
1980, p. 18).

2. Burnout et engagement initial ou le choc de la réalité :


le modèle de Cherniss
Le modèle de Cherniss s’appuie sur l’analyse d’observations et d’entretiens approfon-
dis auprès de 28 professionnels dont l’activité suppose une implication relationnelle
forte auprès d’autrui (avocats, enseignants, infirmières, etc.). Ces professionnels ont
été observés et interviewés au cours des deux premières années de leur carrière.
Dans ce modèle compréhensif, trois ensembles de variables contribuent au
développement du burnout.
– D’abord, les caractéristiques de l’environnement de travail qui affectent le
burnout directement, mais aussi indirectement à travers les sources de stress. Ces
caractéristiques sont au nombre de huit : 1) Une faible socialisation (poor
orientation) : le jeune professionnel est directement confronté aux mêmes exigences
que les professionnels chevronnés. 2) Une charge de travail élevée : un nombre
important de clients à suivre écourte le temps disponible pour chacun d’eux et
décroît la probabilité que les efforts soient efficients. De plus, cette charge diminue
la possibilité de chercher de l’aide auprès des collègues plus expérimentés. 3) Le tra-
vail routinier, puisque dans les services d’aide, les actes quotidiens finissent par être
répétitifs et n’offrent plus de stimulation. 4) L’étendue limitée des interactions dans
316 L’épuisement professionnel

la mesure où le professionnel se focalise sur un aspect très circonscrit de la situation


des clients. Le médecin s’intéressera à la dimension physique, l’enseignant à l’appren-
tissage, etc. 5) Le manque d’autonomie, les règles institutionnelles et administratives
représentant un entrelacs contraignant de procédures. 6) Le désaccord avec des
objectifs institutionnels qui cadrent mal avec les valeurs du professionnel. Par exem-
ple, l’assistante sociale doit intensifier le nombre de signalements, l’infirmière voit
s’accroître sa charge quantitative de travail au détriment de la qualité des soins.
7) Une supervision, un leadership déficients notamment quand le supérieur hiérarchi-
que offre peu d’appui ou de feedback. 8) L’isolement social, puisque dans bien des
services ou des institutions, les collègues ne sont pas immédiatement présents
lorsqu’un besoin de soutien se fait sentir.
– Ensuite, les caractéristiques individuelles qui ont elles aussi, tout comme les
caractéristiques de l’environnement de travail, un effet direct sur le burnout mais
aussi indirect, à travers les sources de stress. Ces caractéristiques comprennent les
facteurs démographiques, (âge, genre), mais aussi des particularités psychosociales
de l’individu (contacts sociaux, attentes professionnelles) qui déterminent l’équilibre
entre les liens sociaux, les exigences extra-professionnelles, les attentes à l’endroit de
l’emploi. Cet équilibre permettra ou non l’ajustement aux conditions de travail. Ainsi,
et par exemple, les difficultés ou les responsabilités familiales trop lourdes, une
absence ou une insuffisance de liens sociaux et affectifs, sont des variables extra-pro-
fessionnelles qui agiront sur le burnout. Les attentes que les jeunes professionnels
entretiennent à l’endroit de leur travail représentent elles aussi une caractéristique
individuelle majeure. Cherniss les nomme orientations de carrière. Il en dénombre
quatre : l’autocentré (self-investor), plus investi dans sa vie privée que dans sa vie
professionnelle, l’activiste social, qui souhaite dépasser son rôle prescrit pour appor-
ter des changements institutionnels et sociaux, l’artisan, motivé par l’exercice et le
développement de ses compétences et le carriériste, tourné vers la reconnaissance
sociale. D’après Cherniss, les activistes et les artisans ont, comparativement aux car-
riéristes et aux autocentrés, plus de risques d’être frappés de burnout. Nous revien-
drons plus bas sur ces quatre orientations de carrière et sur leur lien avec le burnout.
– Enfin, plus proximales, les sources de stress. Pour Cherniss, elles proviennent
du choc entre la « réalité » du travail de terrain quotidien et le « mythe
professionnel » (professional mystique), c’est-à-dire les attentes initiales relatives à
l’exercice des compétences, à la coopération des clients, à l’autonomie de l’activité, à
la « réalisation de soi », et au climat professionnel. Cette mystique professionnelle
constitue un ensemble de croyances, d’attentes, une représentation collective roman-
tique, partagée par un large public et éventuellement véhiculée par les média. Cette
représentation idéalisée est éventuellement transmise au cours des programmes de
formation. Elle contribuera à façonner les attentes des jeunes professionnels et à pré-
parer le choc de la réalité.
Ces sources de stress se répartissent selon cinq catégories. Elles représentent
les antécédents plus directs du burnout : 1) Le doute concernant ses compétences :
malgré leur formation, les jeunes professionnels ne s’estiment pas toujours bien pré-
parés. 2) Les relations difficiles avec des clients peu motivés, agressifs, etc. 3) Les
interférences bureaucratiques, c’est-à-dire les exigences administratives qui détour-
nent ou entravent l’autonomie du travail auprès des clients. 4) Le manque de stimula-
Exigences professionnelles et implication au travail 317

tion ou d’accomplissement dans la mesure où la nouveauté des premiers mois est


rapidement remplacée par un travail routinier, peu varié, sans découverte intellec-
tuelle. 5) Le manque de collégialité puisque les collègues deviennent source de ten-
sion, de conflit et non de soutien social, de stimulation ou d’inspiration.
Pour Cherniss, le burnout correspond à un changement négatif des
attitudes relatives au travail : affaissement des buts et du sentiment de responsabi-
lité professionnelle, détachement émotionnel vis-à-vis des clients, et parallèlement,
un plus grand intérêt pour soi même. Le développement de ces attitudes négatives
s’apparente à une forme inadaptée de coping.

FIGURE 11.1 – Le modèle du burnout de Cherniss (d’après Cherniss, 1980, 1993)

Dans une recherche longitudinale menée auprès de 362 enseignants et person-


nels administratifs, Burke et Greenglass (1995) ont apporté un soutien empirique à ce
modèle. De fait, les caractéristiques de l’environnement de travail et les sources de
stress au travail sont associées à la fois au changement d’attitude et au burnout
mesuré par le M.B.I. Plus précisément, les analyses en pistes causales montrent que
l’environnement de travail a un effet direct sur le burnout et un effet indirect à tra-
vers les sources de stress. Par ailleurs, une caractéristique personnelle, i.e., le manque
de soutien de son entourage, agit directement sur le burnout. Toutefois dans cette
recherche, les orientations de carrière ne sont pas prises en compte par les auteurs.
En réalité, dans le modèle de Cherniss, c’est l’investissement initial qui engen-
dre le burnout. On retrouve cette conception chez Pines qui affirme (1993, p. 41) que
pour être consumé (une autre traduction possible du terme burnout 4), il faut d’abord
avoir été enflammé (on fire), c’est-à-dire impliqué, investi dans son travail.

4 En anglais, le verbe to burn out signifie « griller » (quand on parle d’une lampe), brûler, se con-
sumer. The candle has burnt itself out se traduit par « la chandelle est brûlée jusqu’ou bout ». D’où
l’usage métaphorique du terme : un professionnel atteint de burnout n’a plus de ressources, il a con-
sumé toute son énergie.
318 L’épuisement professionnel

3. Le burnout comme échec de la quête existentielle

Selon la perspective existentielle avancée par Ayala Pines (Pines, 1993) le burnout
apparaît dans un climat culturel où, pour nombre d’individus, le travail est devenu
l’objet d’une quête existentielle. Voilà pourquoi, « les causes premières du burnout
viennent du besoin des personnes de croire que leurs vies sont signifiantes (meaning-
ful) et que les choses qu’elles font sont utiles et importantes » (Pines et Keinan,
2005, p. 626). Pour Pines, des stresseurs tels que la surcharge de travail, les contrain-
tes administratives, etc., n’engendrent pas du burnout parce qu’ils entravent l’utilisa-
tion des compétences (ce que suppose le modèle de Cherniss), mais pour une raison
plus profonde : l’impossibilité d’utiliser ses compétences prive l’individu de la signifi-
cation qu’il recherche dans son travail. Autrement dit, ces stresseurs empêchent
d’avoir l’impact attendu. Pour Pines, le burnout n’est pas le résultat d’une absence
générale de signification, ou d’un sens de cohérence réduit au sens où l’entend Anto-
novsky (1990). C’est voir sa propre contribution comme non significative qui produit
du burnout. De ce point de vue, plus un individu est entré dans une profession avec
une forte implication, plus grande est la probabilité qu’il soit victime de burnout si les
conditions de travail sont défavorables.

FIGURE 11.2 – Le modèle existentiel du burnout (d’après Pines, 1993)


Exigences professionnelles et implication au travail 319

Dans ce modèle, l’origine des attentes est variée. Dans certains cas, elles peu-
vent être universelles, tout au moins partagées par la plupart de ceux qui rentrent
dans la vie professionnelle, par exemple avoir une influence significative, être
reconnu socialement. Mais ces attentes peuvent aussi être spécifiques à une profes-
sion. Ainsi, les professions dites « aidantes » (travailleurs sociaux, infirmières, etc.)
répondent souvent à l’aspiration collective de faire pour et avec les autres. Bien
entendu, l’origine de la motivation peut être aussi plus personnelle, lorsque l’individu
est influencé par un modèle auquel il s’identifie. Mais, quelle que soit l’origine du
choix vocationnel, les motivations initiales ne trouveront à se réaliser que dans un
environnement de travail idoine. Aussi, si les attentes trouvent un terrain approprié,
alors se produit la boucle positive de feedback et le travail remplit sa fonction exis-
tentielle (cf. figure 11.2). Mais si tel n’est pas le cas, alors, le burnout finira par
apparaître.

Ce modèle suppose que seuls les individus fortement motivés seront enclins au
burnout. De fait, « les idéalistes travaillent dur parce qu’ils espèrent que leur travail
donnera de l’importance à leur vie (…) et donnera un sens à leur existence » (Pines,
1996, p. 83). Et « une personne qui ne possède pas une telle motivation initiale peut
ressentir du stress, de l’aliénation, de la dépression, une crise existentielle, mais pas
de burnout » (Pines, 1993, p. 41). Comme l’écrivent Schaufeli et Enzmann (1998,
p. 113), « par essence, la perspective existentielle du burnout illustre le fait que les
buts et les attentes professionnels profondément enracinés jouent un rôle
instrumental 5 dans le développement du burnout ».

4. L’orientation de carrière

Au cours des années 1980, la notion d’orientation de carrière, avancée par Cherniss
(1980) a contribué à engager un débat sur le lien entre burnout et engagement. Cette
notion subsume un ensemble de variables liées au travail, comme les buts, les
valeurs, les aspirations, les perspectives professionnelles, les récompenses attendues.
Autrement dit, l’orientation de carrière réfère à la signification du travail pour l’indi-
vidu. D’une certaine façon, les travaux de Cherniss se situent dans la lignée de Hall
(1976) ou de Schein (1978). Schein parlait de career anchors pour décrire les compé-
tences, les attitudes qui se développent au fil du temps et guident les choix profes-
sionnels. En fonction de son ancrage de carrière, l’individu se fixe des buts
spécifiques, rencontre des environnements de travail singuliers, une satisfaction plus
ou moins grande. Ces travaux s’apparentent encore à ceux de Holland (1959, 1985)
sur le choix vocationnel.

Pour Cherniss, à chaque orientation de carrière correspond un environnement


de travail optimal, qui s’ajuste au mieux à ses attentes. Et un écart trop important
entre l’orientation de carrière et les caractéristiques de l’environnement favorisera
l’émergence du burnout (cf. supra). Mais cette notion et les travaux empiriques qu’elle
a suscités ont réservé quelques surprises aux auteurs.

5 Souligné par nous.


320 L’épuisement professionnel

4.1 QUATRE ORIENTATIONS DE CARRIÈRE

Dans une recherche longitudinale menée auprès de professionnels de services sociaux,


grâce à des entretiens approfondis, Cherniss a identifié quatre orientations de carrière
différentes. Il faut bien comprendre que dans son esprit, elles ne correspondent pas à
des catégories professionnelles particulières. Dans les lignes qui suivent, nous
détaillerons ces quatre orientations.

L’autocentré (self-investor). Celui-ci est plus intéressé par sa vie personnelle,


en dehors de son travail. La sphère privée, familiale, les loisirs, prennent le pas sur la
profession qui n’est qu’un moyen de faire fructifier la vie privée. En conséquence, les
personnes qui s’inscrivent dans cette orientation s’engagent relativement peu dans
leur travail. Dans la perspective d’un conflit entre vie professionnelle et vie privée, ils
donnent priorité aux intérêts privés et réduisent parallèlement l’engagement profes-
sionnel. Les autocentrés rappellent le profil des désengagés, c’est-à-dire l’identité de
retrait identifiée par Sainsaulieu (1977), celle des individus qui acceptent la dépen-
dance à l’égard de l’autorité pour mieux investir des positions et des rapports sociaux
externes à l’entreprise (famille, loisirs, etc.). Toutefois, à la différence de Sainsaulieu
qui attribuait cette identité aux femmes et aux immigrés, aux individus qui n’ont pas
de pouvoir dans l’organisation, l’orientation de l’autocentré est plutôt conçue par
Cherniss comme celle des individus qui ne cherchent pas à avoir de pouvoir. Il faut
noter cependant que Sainsaulieu a construit sa typologie à partir de trois dimensions
essentielles que sont l’accès au pouvoir dans l’organisation, les normes relationnelles
avec les collègues et avec la hiérarchie et la valeur du travail. Or c’est principalement
la valeur du travail qui sous-tend la typologie de Cherniss.

L’activiste social cherche à promouvoir le changement organisationnel. C’est le


modèle du militant. Critique à l’égard d’une profession qu’il espère transformer, il
dépasse les exigences de son rôle professionnel pour s’investir dans la promotion de
changements sociaux. Pour cet idéaliste, le travail représente plus un engagement
qu’un emploi. Cherniss (1980) et Greenglass et Burke (1989) considèrent que les acti-
vistes seront les cibles privilégiées du burnout. Ils rappellent d’ailleurs les jeunes
bénévoles engagés dans la free clinic dirigée par Freudenberger. Ce sont eux qui subi-
ront le plus rudement le choc de la réalité. De ce point de vue, et comme pour
Freudenberger, plus l’individu est idéaliste, plus il risque d’être frappé de burnout s’il
évolue dans un environnement de travail défavorable.

L’artisan valorise le développement de nouvelles compétences, l’exercice, la


maîtrise, le contrôle de ses capacités. Acquérir des connaissances, tester de nouvelles
méthodes, maintenir une certaine indépendance, autant de situations que recherche
l’artisan. Pour lui, le travail est l’occasion d’exercer son savoir-faire ou de le dévelop-
per au cours d’expériences rafraîchissantes. Le contenu de l’activité professionnelle,
ses qualités intrinsèques, doivent permettre de satisfaire ses aspirations, ses normes
internes. Sans doute les carriéristes s’apparent-ils en partie aux « solidaires » identi-
fiés par Sainsaulieu. Ceux-ci, nous dit-il, accèdent facilement aux réseaux de commu-
nication, sont insérés dans une vie collective fondée sur l’échange, source de
solidarité. C’est aussi pour Sainsaulieu le groupe le plus stable. Or Truchot (2006)
montre qu’effectivement, les artisans forment l’orientation de carrière la plus durable.
Exigences professionnelles et implication au travail 321

Le carriériste recherche le succès conventionnel. Prestige, sécurité financière,


responsabilité, alimentent et dirigent ses efforts. Animé par un fort désir de compa-
raison sociale, soucieux de responsabilité et de promotion, son attention est dirigée
par l’obtention de renforcements extérieurs. Burke (1985) fait l’hypothèse que les car-
riéristes manifesteront plus que les autocentrés et les artisans un pattern comporte-
mental de type A. Les individus de type A sont caractérisés par une forte ambition, de
l’impatience, des attitudes compétitives, de l’hostilité et un grand besoin de réalisa-
tion. Comparativement au type B, les types A ont deux fois plus de chances de mourir
prématurément de maladies cardio-vasculaires et mènent une existence moins heu-
reuse (Friedman et Rosenman, 1974 ; Burke et Weir, 1980 ; Burke, Weir et Du Wors,
1979). Le pattern comportemental de type A est particulièrement intéressant à étu-
dier en lien avec l’engagement au travail et le burnout. En effet, on trouve davantage
les « types A » aux postes de responsabilités. Ils font aussi vivre les valeurs prisées
par l’économie libérale. Les résultats obtenus auprès de 426 policiers (Burke, 1985)
montrent que les « types A » ont de plus fortes orientations carriéristes et de plus
faibles orientations d’autocentré et d’artisan.
Dans une série de recherches transversales (e.g., Burke, Shearer et Deszca,
1984) mais également longitudinales (Burke et Greenglass, 1995), Burke et ses collè-
gues opérationnalisent les orientations de carrière de manière directe en proposant
aux participants une série de quatre portraits, chacun exemplifiant un ensemble parti-
culier d’attitudes et de comportements. Ainsi, le carriériste est décrit, entre autres,
comme étant intéressé par la reconnaissance et l’avancement professionnel, l’auto-
centré par sa vie personnelle et ses loisirs, l’artisan par les emplois qui offrent des
expériences stimulantes et la possibilité de développer de nouvelles compétences,
l’activiste par la volonté d’apporter des changements tant au niveau sociétal que pro-
fessionnel.

4.2 L’ORIENTATION DE CARRIÈRE INITIALE ET ACTUELLE


Au tableau suivant (tableau 11.1, p. 322) sont reportés les résultats de quelques étu-
des montrant, pour différentes professions, la répartition des orientations de carrière
initiales, c’est-à-dire à l’entrée dans la profession, et actuelles. Quand les publica-
tions rapportent les deux répartitions (i.e., initiale et actuelle), la première en itali-
que. Comme le montrent ces données, la répartition des orientations varie
considérablement d’une profession à une autre. On note toutefois une tendance géné-
rale. Quelle que soit la profession d’élection, au départ, plus de la moitié des person-
nes adhèrent aux deux orientations les plus engagées, l’artisan et l’activiste. Les
individus débuteraient donc majoritairement, avec une orientation engagée. Toute-
fois, il semble qu’un certain degré de désengagement devienne inéluctable. Par exem-
ple, dans tous les cas, le pourcentage d’autocentrés augmente au fil du temps, le plus
souvent au détriment du pourcentage d’activistes. Par exemple (cf. Truchot, 2001),
chez les médecins libéraux, les activistes sont initialement 45,2 % et passent, quel-
ques années plus tard à 10,7 %. En revanche, les autocentrés, qui au début représen-
taient 7,9 % de l’effectif, atteignent par la suite 41,7 %.
322 L’épuisement professionnel

Population Auteur Artisans Activistes Carriéristes Autocentrés

Enseignants Greenglass et Burke 61,2 % 17,4 % 11,7 % 9,7 %


(n = 745) (1989) 51,7 % 6,6 % 18,2 % 23,5 %

Policiers Burke et Deszca 31 % 17 % 38 % 14 %


(n = 218) (1987) 50 % 4% 27 % 19 %

Policiers
Burke (1985) 39,1 % 15,1 % 39,1 % 9,6 %
(n = 426)

Médecins libéraux 36 % 45,2 % 10,7 % 7,9 %


Truchot (2001)
(n = 393) 41 % 10,7 % 6,6 % 41,7 %

IDE, AS, Manipulateurs 22,1 % 57,9 % 12,9 % 7,1 %


Truchot (2006)
(n = 235) 39,7 % 24,5 % 11,8 % 24,05 %

Étudiants en médecine 36,6 % 48 % 10 % 5,4 %


Truchot (2005)
(n =650) 47,4 % 25 % 6% 21,6 %

TABLEAU 11.1 – Les orientations de carrière initiales (en italiques) et actuelles

4.3 ORIENTATION DE CARRIÈRE INITIALE ET BURNOUT


Burke et ses collègues ont testé principalement deux hypothèses relatives au lien
entre orientation de carrière initiale et burnout. S’inspirant du modèle de Cherniss
exposé plus haut, ils prédisent que les activistes sociaux seront les plus enclins au
burnout. Porteur d’attentes très élevées, (utilisation des compétences, autonomie,
accomplissement de soi) c’est chez eux que devrait apparaître avec plus de vigueur le
manque d’ajustement entre valeurs, attentes d’une part et réalité de l’environnement
de travail d’autre part. Bref, ils subiront plus que leurs collègues le choc de la réalité.
Les caractéristiques négatives de l’environnement de travail (faible socialisation, sur-
charge de travail, travail routinier), les sources de stress (relations difficiles avec les
clients, travail bureaucratique, manque de stimulation) devraient être ressenties avec
plus d’intensité et absorber davantage l’énergie.
La seconde hypothèse prédit que c’est chez les autocentrés que l’on observera
les scores les plus faibles de burnout. Burke et ses collègues appuient leur hypothèse
sur les recherches relatives au processus d’accommodation entre vie professionnelle et
vie privée. L’individu qui donne priorité au travail, qui décide consciemment d’assujet-
tir les intérêts de la vie privée aux exigences professionnelles aura une faible accom-
modation. Inversement, l’individu qui privilégie la vie privée et qui par conséquent
diminue l’engagement professionnel aura une accommodation élevée. Par conséquent,
puisque les autocentrés subordonnent les exigences professionnelles aux besoins
familiaux, puisqu’ils sont moins engagés dans leur travail, ils éprouvent parallèlement
moins de conflit entre vie professionnelle et vie privée. Ils auront donc, comparative-
Exigences professionnelles et implication au travail 323

ment à ceux qui adhèrent à d’autres orientations de carrière, moins de burnout. Burke
s’appuie entre autres sur les travaux de Bailyn (1977 ; 1978) qui opérationnalise
l’accommodation par un faible score d’implication professionnelle.
Pour tester ces hypothèses, Burke et Greenglass (1988) ont conduit une
recherche auprès de 833 enseignants et personnels de l’administration scolaire, dans
l’Ontario. Les participants ont renseigné un questionnaire comprenant les principales
variables du modèle de Cherniss. En ce qui concerne l’orientation de carrière, les par-
ticipants répondent en indiquant auquel des quatre portraits (cf. plus haut) ils res-
semblaient le plus lorsqu’ils ont commencé dans l’enseignement. Autrement dit, il
s’agit ici de lier les variables de bien-être avec l’orientation de carrière initiale des
individus.
Les résultats, présentés au tableau suivant (tableau 11.2, p. 324), confirment
bien que ceux qui débutent leur carrière avec une orientation activiste ont des scores
plus élevés de burnout. C’est également chez eux que l’intention de quitter est la plus
élevée. Conjointement, leur santé physique est significativement moins bonne que
celle de leurs collègues et leur satisfaction au travail est relativement basse. Pourquoi
de tels résultats ? On trouve des éléments partiels d’explication dans la façon dont les
activistes perçoivent leur environnement de travail. De fait, ils ont des scores signifi-
cativement plus élevés que leurs collègues sur un indicateur qui somme les huit
caractéristiques de l’environnement de travail (faible socialisation, surcharge de tra-
vail, routine, etc.) et sur un autre indicateur qui somme les sources de stress (doutes
sur ses compétences, relations difficiles avec les clients, interférences bureaucrati-
ques, etc.). Parallèlement, et ceci est tout à fait conforme aux hypothèses, c’est chez
eux que le choc de la réalité est le plus fort.
Par ailleurs, les activistes ressentent plus que leurs collègues le conflit de rôle,
c’est-à-dire la présence simultanée de comportements et de buts attendus mais con-
tradictoires. De plus, ils ont des scores plus élevés d’ambiguïté de rôle 6.

6 Le conflit de rôle peut provenir d’une seule source quand, par exemple, un supérieur demande à
une infirmière d’augmenter la qualité des soins et en même temps d’accélérer son rythme de travail.
Mais il est souvent le fait de plusieurs sources. C’est le cas pour les cadres qui doivent rendre des
comptes à des supérieurs ou des services différents et qui n’ont pas les mêmes objectifs. Dans tous
les cas, l’individu risque d’effectuer une tâche qui contredit certaines attentes. Ici, il y a une sur-
charge d’informations contradictoires. Si le conflit de rôle produit un dilemme entre des options
incompatibles, l’ambiguïté de rôle apparaît lorsque les tâches, les objectifs, et par conséquent les
critères de d’efficacité et de performances, sont mal définis. Ici, il y a insuffisance d’informations, la
prescription de la tâche demeurant floue.
324 L’épuisement professionnel

Égoïste Activiste Carriériste Artisan

Variables organisationnelles
Environnement de travail ¹ 115.6a 127.5ab 121.8 118.2b
Sources de stress ² 72.0 75.9a 73.2 70.8a
Conflit et ambiguïté de rôle 17.0a 19.0ab 17.7 17.4b
Choc de la réalité 17.9a 20.4abc 17.9 18.4c
Bien-être
Satisfaction au travail 17.3a 18.0b 18.7 19.7ab
Intention de quitter 3.1cd 3.3ab 2.3ac 2.4bd
Burnout (MBI) 62.3 64.0a 63.6b 58.6ab
Santé physique 11.7a 11.3abc 11.7b 11.6c
TABLEAU 11.2 – Orientation de carrière initiale, variables organisationnelles
et bien-être perçu. D’après Burke et Greenglass (1988).
(Deux moyennes accompagnées de la même lettre sont statistiquement différentes.)
¹ Somme des scores des caractéristiques perçues de l’environnement de travail dans le modèle de
Cherniss : 1) faible socialisation ; 2) charge de travail ; 3) l’étendue des contacts avec les élèves ;
4) l’accord avec les objectifs institutionnels ; 5) l’autonomie ; 6) le type de leadeship et de
supervision ; 7) le manque de stimulation ; 8) l’isolement social. Ces huit caractéristiques sont con-
sidérées comme les précurseurs des changements d’attitude négatifs qui constituent le burnout.
² Somme des cinq sources de stress qui, dans le modèle de Cherniss, représentent les antécédents du
burnout : 1) doute concernant ses compétences ; 2) problèmes avec les clients ; 3) interférences
bureaucratiques ; 4) manque de stimulation et d’accomplissement ; 5) manque de collégialité.
³ Les auteurs ont sommé les scores aux trois dimensions du MBI.

Mais contrairement à la seconde hypothèse, les autocentrés ne ressentent pas


un bien-être particulièrement élevé. Ils sont relativement insatisfaits de leur travail,
et ont une forte intention de quitter leur emploi. Parallèlement leur score de burnout
est parmi les plus élevés, plus élevé que celui des artisans, et semblable, statistique-
ment parlant, à celui des activistes. Autrement dit, et globalement, si un engagement
initial idéaliste semble contribuer à une mauvaise adaptation au travail, un retrait
initial n’est pas davantage prometteur d’une bonne santé au travail. Truchot (2006),
auprès de personnels soignants, trouve qu’en ce qui concerne l’épuisement émotion-
nel ceux qui ont débuté leur carrière avec une orientation égoïste ont aujourd’hui un
score plus élevé que leurs collègues qui sont entrés dans le monde professionnel avec
une orientation d’artisan ou de carriériste. À nouveau, ceci montre que l’orientation
tournée sur la sphère privée, plus désengagée, n’est pas gage de bien-être au travail.
Mais dans cette même recherche, aucun autre effet de l’orientation de carrière n’est
trouvé. Les activistes initiaux n’ont pas de scores plus élevés de burnout que leurs
collègues artisans ou carriéristes. Il est probable qu’entre l’époque où Burke et ses
collègues ont recueillis leurs données (le milieu des années 1980) et l’époque
actuelle, les activistes aient des attentes moins romantiques, plus réalistes, à l’égard
des changements possibles et qu’ils subissent moins le choc de la réalité.
Exigences professionnelles et implication au travail 325

4.4 ORIENTATION DE CARRIÈRE ACTUELLE ET BURNOUT


Dans une autre recherche menées auprès de 295 policiers, Burke et Deszca (1988) se
sont intéressés à l’influence de l’orientation de carrière actuelle. À nouveau, il appa-
raît que les autocentrés ont un plus grand burnout que les trois autres groupes. Ils
indiquent encore plus que les autres avoir pris des congés de maladie au cours des six
derniers mois comparativement aux carriéristes et aux artisans. De plus, ils indiquent
plus de plaintes somatiques et de sentiments négatifs comparativement aux trois
autres groupes. Corrélativement, c’est chez eux que l’environnement de travail est
perçu plus négativement, qu’il s’agisse des scores relatifs aux caractéristiques de
l’environnement ou aux sources de stress. Moins satisfaits de leur travail, ils ont
significativement plus d’intention de le quitter que les membres des trois autres grou-
pes. En d’autres termes, il est possible que les individus répondent à une situation de
travail insatisfaisante en adoptant une stratégie de retrait plutôt qu’une stratégie
centrée sur l’amélioration des conditions de travail.

Égoïste Activiste Carriériste Artisan

Variables organisationnelles
Stresseurs de Cherniss ¹ 142.4 ab 131.4 128.0 126.6b
Sources de stress ² 86.4 ab 77.6 77.2a 76.5b
Conflit et ambiguïté de rôle 21.0 18.4 18.7 19.2
Choc de la réalité 24.3 23.4 24.5 23.7
Bien-être
Satisfaction au travail 19.0 abc 25.7a 23.3b 24.3c
Intention de quitter 3.0 abc 2.0 a 2.4 b 2.2 c
Burnout (MBI) ³ 8.0 ace 66.5 cd 67.8bde 62.1ab
TABLEAU 11.3 – Orientation de carrière actuelle, variables organisationnelles et bien-être
perçu. D’après Burke et Deszca (1988).
(Deux moyennes accompagnées de la même lettre sont statistiquement différentes.)
¹ Somme des scores des caractéristiques perçues de l’environnement de travail dans le modèle de
Cherniss : 1) faible socialisation ; 2) charge de travail ; 3) l’étendue des contacts avec les élèves ;
4) l’accord avec les objectifs institutionnels ; 5) l’autonomie ; 6) le type de leadership et de
supervision ; 7) le manque de stimulation ; 8) l’isolement social. Ces huit caractéristiques sont con-
sidérées comme les précurseurs des changements d’attitude négatifs qui constituent le burnout.
² Somme des cinq sources de stress qui dans le modèle de Cherniss représentent les antécédents du
burnout : 1) doute concernant ses compétences ; 2) problèmes avec les clients ; 3) interférences
bureaucratiques ; 4) manque de stimulation et d’accomplissement ; 5) manque de collégialité.
³ Les auteurs ont sommé les scores aux trois dimensions du MBI.

Dans la recherche déjà évoquée plus haut, Truchot (2006), auprès de person-
nels soignants, trouve que les autocentrés ont le score d’épuisement émotionnel
significativement plus élevé que celui des carriéristes et substantiellement supérieur
à celui des artisans. On trouve des résultats comparables avec la dépersonnalisation.
Les autocentrés entretiennent les attitudes les plus négatives envers leurs patients.
326 L’épuisement professionnel

Ils ont également des scores d’accomplissement moindres que leurs collègues. Des
résultats comparables sont aussi obtenus auprès de médecins (Truchot, 2001) ou
d’étudiants en médecine (Truchot, 2005). Autrement dit, l’ensemble de ces données
montre bien que c’est l’orientation la plus désengagée qui est associée au burnout.
Corrélativement, ces mêmes données montrent que ce sont les artisans et les activis-
tes qui ont les scores les plus faibles de burnout. Autrement, et contrairement aux
hypothèses selon lequel le burnout est la maladie du battant, il semble que, dans cer-
taines conditions, l’engagement ait un effet roboratif.

4.5 LE CHANGEMENT D’ORIENTATION DE CARRIÈRE


D’après Cherniss (1980), certaines orientations de carrière ont plus de chances que
d’autres de changer. Le changement peut être le résultat de frustration et de désillu-
sion. Dans ce cas, les individus qui ont changé d’orientation pourront éventuellement
éprouver une plus grande satisfaction et un meilleur ajustement à l’environnement de
travail. Mais on peut aussi imaginer que ceux qui ont changé d’orientation à cause de
frustration et de désillusion l’ont fait avec un sentiment de résignation. Dans ce cas,
le changement ne doit pas résulter en un meilleur ajustement et certainement pas en
une plus grande satisfaction.
Regardons d’abord si certaines orientations ont plus de probabilités de changer
que d’autres. Dans la recherche exploratoire de Burke et Deszca (1987), environ la
moitié des officiers de police indique avoir changé. Il apparaît que ce sont principale-
ment les activistes qui ont migré vers une autre orientation, (86 % d’entre eux), tan-
dis que les artisans sont les plus stables : seuls 21 % indiquent avoir changé. Truchot
(2001, 2003, 2006), trouve des résultats comparables auprès de médecins généralis-
tes, d’étudiants en médecine et de personnels de centres de lutte contre le cancer
(infirmières, aides soignantes, manipulateurs). Les résultats concernant ce dernier
groupe sont présentés au tableau suivant (tableau 11.4). Comme on le voit, 51 % des
artisans ont conservé leur orientation. En revanche, seulement 32,6 % des activistes
le sont restés. En fait, comme le montre le tableau 11.4., deux orientations attirent
principalement les personnels après quelques années d’ancienneté, celle de l’autocen-
tré et celle de l’artisan, autrement dit le repli sur la vie privée ou l’engagement sur le
contenu de l’activité.

Orientation de carrière actuelle

carriéristes activistes autocentrés artisans


carriéristes 25,8 % 16,1 % 29,0 % 29,0 %
Orientation autocentrés 11,8 % 11,8 % 29,4 % 47,1 %
initiale activistes 9,6 % 32,6 % 22,2 % 35,6 %
artisans 9,4 % 13,2 % 26,4 % 51,0 %
TABLEAU 11.4 – Changement d’orientation de carrière dans les centres de lutte
contre le cancer (d’après Truchot, 2006)
Exigences professionnelles et implication au travail 327

4.6 CHANGEMENT D’ORIENTATION DE CARRIÈRE ET BURNOUT


Burke et Deszca (1987) ont comparé, entre autres, la satisfaction et le bien-être
d’officiers de police selon qu’ils ont ou non changé leur orientation. Est-ce que les
individus qui changent l’idée d’eux-mêmes quand ils poursuivent leur carrière réali-
sent un meilleur ajustement avec leur environnement et par conséquent éprouvent
une meilleure satisfaction ? Est-ce qu’au contraire ils éprouvent frustration et
résignation ?
Une analyse de ces données montre que les individus qui ont changé indiquent
des caractéristiques de l’environnement de travail plus négatives et éprouvent plus de
stress. Mais ces données montrent aussi que les individus qui changent leur orienta-
tion de carrière sont aussi actuellement moins satisfaits et indiquent un bien-être
émotionnel et physique plus pauvre. Truchot (2001, 2003, 2006) trouve constamment
que le changement d’orientation de carrière est associé au burnout. Autrement dit, le
changement du type d’engagement est associé à des symptômes de résignation et de
frustration plutôt qu’avec satisfaction et bien-être psychologique.
En résumé, les premières approches du burnout ont tendance à considérer que
l’individu « à risque » est celui qui recherche dans le travail un développement per-
sonnel, qui poursuit un idéal. Cette idée perdure à travers les théories qui font du
burnout l’échec d’une quête existentielle de signification (Pines, 1993) ou encore
l’échec de l’impossibilité à renforcer l’estime de soi à travers le travail (e.g., Hallsten,
Josephson et Torgén, 2005). Ces approches s’accordent assez bien avec les attentes
qui caractérisaient dans les années 1970, les jeunes professionnels auprès desquels le
burnout fut découvert et qui caractérisent peut-être encore certains professionnels de
la relation (enseignants, infirmières, travailleurs sociaux, etc.). Toutefois, contraire-
ment à leurs hypothèses, les auteurs trouvent que le désengagement est tout aussi
bien source de tension.
Mais aujourd’hui, le burnout n’est plus considéré comme spécifique aux profes-
sionnels de la relation. On sait qu’il atteint tous les individus au travail. Par ailleurs,
le contenu et l’environnement du travail ont considérablement changé au cours des
dernières décennies. Et avec eux changent également les attentes à l’endroit du tra-
vail. Dans ces conceptions, le travail est conçu comme instrumentalisé, il sert un but
particulier (e.g., aider autrui pour servir son idéal militant). Si des stresseurs profes-
sionnels viennent entraver sa réalisation, alors les objectifs ne peuvent être atteints
et le burnout s’ensuit. C’est une autre conception de l’engagement que nous propo-
sent plus récemment Schaufeli et ses collègues.

5. L’engagement au travail

Au cours des dernières années, les recherches sur le burnout ont connu une impulsion
singulière sous l’influence de ce qu’on appelle la psychologie positive (Seligman et
Csikszentmihalyi, 2000). Cette tendance émergente part du constat que traditionnel-
lement les chercheurs se sont intéressés aux états négatifs, aux dysfonctionnements
humains, et n’ont porté qu’un intérêt limité aux états positifs. Ainsi en se basant sur
les recherches recensées dans Psychological Abstracts, Myers (2000) indique que le
328 L’épuisement professionnel

rapport entre les publications relatives aux émotions négatives et celles relatives aux
émotions positives est de 14 pour 1. Ce même constat vaut pour les recherches trai-
tant de la santé au travail. Schaufeli et Bakker (2004) rapportent que, si l’on consi-
dère les livraisons de la revue Journal of Occupational Health Psychology, depuis 1996
le rapport entre les publications relatives aux effets négatifs et aux effets positifs du
travail est de 15 pour 1. Aussi, certains chercheurs ont-ils tourné leur attention vers
l’opposé conceptuel du burnout : l’engagement au travail (Maslach, Schaufeli et
Leiter, 2001 ; Schaufeli et al., 2002).
Pour Schaufeli et Bakker (2004, p. 295), « l’engagement réfère à un état affec-
tivo-cognitif persistant et envahissant (pervasive) qui n’est pas polarisé sur un objet,
un événement, un individu, ou un comportement particulier ». Il s’agit d’un construit
multidimensionnel référant à un état d’esprit positif et satisfaisant (Gonzalez-Roma,
Schaufeli, Bakker, et Llobregat, 2005). Il est caractérisé par la « vigueur» (vigor), la
« dédication » et l’« absorption ». La vigueur correspond à un niveau élevé d’énergie
et de résistance mentale (mental résilience), par la volonté d’investir, de produire des
efforts dans son travail et par la persistance, y compris face aux difficultés. La dédi-
cation est caractérisée par l’idée de signification, par l’enthousiasme, l’inspiration, la
fierté et l’intérêt pour les challenges. Quant à l’absorption, il s’agit d’un état de con-
centration, du fait d’être tout entier à son travail, le temps passant rapidement,
l’individu ayant des difficultés à se détacher de son travail.
La vigueur et la dédication sont aujourd’hui considérées comme les dimensions
centrales de l’engagement. D’un point de vue théorique, la vigueur est l’opposé de
l’épuisement émotionnel et la dédication l’opposé du cynisme (Maslach et Leiter,
1997 ; Schaufeli et al., 2002). Ainsi, des études psychométriques récentes montrent
que les items de l’échelle de vigueur et ceux de l’épuisement émotionnel constituent
en réalité une dimension bipolaire simple que l’on nomme l’énergie. Il en est de même
pour les items de la dédication qui forment avec ceux du cynisme, une dimension
bipolaire simple, l’identification (Gonzalez-Roma, Schaufeli, Bakker et Llobregat,
2005). Il reste toutefois aujourd’hui à vérifier empiriquement la validité des scores
d’énergie et d’identification 7.
Dans une recherche récente menée auprès d’enseignants finlandais, Hakanen,
Bakker, et Schaufeli (2005) se basent sur le modèle exigences-ressources (e.g.,
Demerouti et al., 2001) qui analyse les situations de travail, quel que soit le type
d’occupation, à partir de deux grandes catégories de variables. D’une part, les exigen-
ces, c’est-à-dire les caractéristiques physiques, psychologiques, sociales et organisa-
tionnelles de l’emploi qui supposent des efforts soutenus. Ces exigences et les efforts
qu’elles suscitent représentent donc un coût physiologique et psychologique. D’autre
part, les ressources, c’est-à-dire les caractéristiques physiques, psychologiques, socia-

7 D’après Maslach et Leiter (1997), engagement et burnout peuvent s’évaluer à partir du MBI, le
score d’engagement étant l’inverse du score de burnout. Ceci revient donc à considérer le MBI comme
une échelle bipolaire. Cette conception est toutefois contestée par Schaufeli et Bakker (2004) pour
qui les affects positifs et les affects négatifs ne sont pas les pôles opposés d’un continuum, mais des
états indépendants même s’ils sont corrélés négativement. Aussi l’échelle « Utrecht Work Engage-
ment Scale » (UWES) permet de mesurer ce nouveau construit. Elle est constituée de trois sous-
échelles. Les analyses montrent que le MBI et l’échelle d’engagement sont liés négativement, bien
que le coefficient de corrélation soit généralement modeste.
Exigences professionnelles et implication au travail 329

les et organisationnelles de l’emploi qui réduisent les exigences du travail ainsi que
les coûts qui leur sont associés. Ces ressources ne permettent pas simplement au tra-
vail d’être bien fait, aux objectifs d’être atteints. Elles stimulent en plus le dévelop-
pement personnel et l’apprentissage.
Dans cette recherche, les auteurs s’intéressent à trois catégories d’exigences
(les comportements des élèves, la surcharge de travail et la pauvreté de l’environne-
ment physique) et à cinq catégories de ressources identifiées précédemment comme
suscitant l’implication et l’engagement : le contrôle au travail, l’accès à l’information,
le support hiérarchique, le climat innovant de l’établissement scolaire et le climat
social. Ils mesurent par ailleurs le burnout (MBI-GS) l’engagement au travail (UWES),
mais aussi organisationnel, ainsi que la santé et les capacités professionnelles des
participants.

FIGURE 11.3 – D’après Hakanen, Bakker et Schaufeli (2006). Burnout and work
engagement among teachers, Journal of School Psychology.

Les analyses (figure 11.3) montrent que les exigences sont liées à une dégra-
dation de la santé via le burnout, tandis que l’engagement médiatise la relation entre
les ressources et l’engagement organisationnel. On constate encore que les ressources
sont associées à un faible score de burnout qui est lui même associé à une baisse de
l’engagement professionnel et organisationnel.
Autrement dit, on voit bien dans ce travail comment les ressources organisa-
tionnelles favorisent l’engagement ou, si elles viennent à manquer produisent du
burnout, du désengagement et une mauvaise santé. On l’a vu, ces ressources ren-
voient au climat social, au soutien que les enseignants reçoivent. Ces ressources pré-
sentent l’intérêt, pour prévenir le burnout, de constituer des aspects de
l’environnement de travail sur lesquels il est possible d’agir. En effet, les exigences
représentent des éléments plus stables, en quelque sorte des données inhérentes à la
situation, des éléments de l’environnement qui ne peuvent changer qu’en menant des
changements profonds et sur le long terme.
Depuis les premières recherches sur le burnout, on a largement étudié les fac-
teurs organisationnels qui engendraient du burnout. Nous en avons vu un certain
nombre avec le modèle de Cherniss. Et on trouvera un exposé de ces facteurs dans
Schaufeli et Enzman (1998), Cooper et al., (2002) ou Truchot (2004). Aussi, dans les
lignes qui suivent, aborderons-nous plutôt les stresseurs liés aux modifications récen-
330 L’épuisement professionnel

tes du travail, modifications qui s’accompagnent aussi de nouvelles attentes des indi-
vidus et de nouvelles formes d’engagement. Il paraît d’autant plus urgent de
s’intéresser à ces nouvelles sources de tension que nous savons qu’aujourd’hui le burn-
out n’est pas spécifique aux professionnels de la relation, mais concerne l’ensemble
des personnes au travail.

6. Les exigences du travail et


l’investissement professionnel

6.1 LES NOUVELLES FORMES DE TENSIONS AU TRAVAIL


Depuis quelques décennies, le travail connaît des mutations qui transforment sa
nature et amènent de nouvelles sources de tensions (Sparks, Faragher et Cooper,
2001). Les nouvelles technologies, outre les constants efforts d’adaptation qu’elles
supposent, contribuent à gommer la frontière entre vie privée et vie professionnelle.
Le téléphone cellulaire, l’ordinateur portable permettent de travailler et d’être joint à
tout moment et en tout lieu. Le télétravail, en développement croissant, participe lui
aussi au chevauchement entre ses deux sphères, privée et professionnelle, jusqu’à
présent nettement séparées pour bien des employés. Surcharge d’informations, ajus-
tements constants, nécessité de fournir des réponses rapides, disponibilité perma-
nente envers les clients, insécurité de l’emploi, etc., agissent comme autant de
pressions nouvelles. Au travail salarié des femmes, un phénomène récent dans les
pays occidentaux, sont associés des emplois non seulement précaires mais souvent
des horaires de plus en plus flexibles. Pour un nombre croissant de personnes, les exi-
gences du travail finissent par accaparer une part de plus en plus grande de l’exis-
tence, autant en termes d’énergie dépensée, de ressources déployées que de temps
disponible. Bref, les différents registres de la vie quotidienne se construisent et
s’organisent de plus en plus autour de la question du travail. Ces changements liés
aux nouvelles formes du travail (exigences de flexibilité, délocalisations, fusions
d’entreprises, restructurations, réduction d’effectifs, etc.) ont-ils un effet sur l’inves-
tissement des individus ? D’après Cooper, Dewe et O’Driscoll (2001), « [ils] ont con-
duit directement à l’augmentation de l’insécurité, à une baisse du moral, et à l’érosion
de la motivation et de la loyauté ». De fait, non seulement l’insécurité est source de
troubles psychologiques et physiques (Greenhalgh et Rosenblatt, 1984 ; Greenglass,
Burke et Fiksenbaum, 2001), elle engendre également un désintérêt pour son travail
(Oldham, Julik, Ambrose, Stepina et Brand, 1986). Dans les lignes qui suivent, loin de
prétendre à l’exhaustivité, nous examinerons ces changements à travers trois catégo-
ries de stresseurs assez représentatifs des nouvelles tensions qu’ils représentent pour
l’individu au travail : l’amplitude horaire, le travail posté et la flexibilité des horaires,
l’insécurité de l’emploi.

6.2 L’AMPLITUDE HORAIRE


Les données empiriques montrent que le nombre d’heures travaillées est associé à des
problèmes de santé tels que stress et mal de dos (e.g., Fondation européenne, 1996),
Exigences professionnelles et implication au travail 331

et à de mauvais comportements en matière de santé (e.g., Maruyama, Kohno et Mori-


moto, 1995). La méta-analyse publiée par Sparks, Cooper, Fried et Shirom en 1997, et
portant sur trente-sept mille six cent vingt-trois personnes révèle, même si les corré-
lations sont relativement faibles, une association entre l’amplitude horaire et diffé-
rentes mesures psychologiques de bien-être. Toutefois, cette association n’est pas
entièrement linéaire : ce n’est qu’à partir d’un certain volume horaire qu’elle apparaît.
Bien entendu, la force de cette association varie non seulement en fonction de
l’indicateur de santé retenu, mais aussi d’un groupe professionnel à l’autre, autrement
dit, en fonction de l’activité. L’impact des heures travaillées dépend de l’attractivité
du travail, de sa pénibilité, de son rythme, de son contenu. Et dans bien des recher-
ches empiriques, l’élévation de l’amplitude horaire n’a qu’un effet limité, aucun effet,
voire un effet inverse sur le burnout. Par exemple chez les médecins, l’amplitude
horaire journalière, le nombre de demi-journées travaillées par semaine sont associés
à une diminution du burnout (Truchot, 2001, 2003, 2005). De même, Pines (2000)
montre auprès d’infirmières que le burnout n’est pas associé au nombre d’heures tra-
vaillées. En revanche Van der Hulst et Geurts (2001) montrent que chez des employés
de la poste hollandaise, les heures supplémentaires accomplies sous la pression de la
hiérarchie contribuent à accroître le score de cynisme si le travail est en même temps
jugé peu gratifiant.

6.3 TRAVAIL POSTÉ ET HORAIRES FLEXIBLES


Les résultats concernant la flexibilité des horaires offrent, de leur côté, des résultats
contrastés, ne permettant guère de conclusions assurées. Ainsi, d’après certaines
recherches, des horaires flexibles auraient un effet bénéfique sur des variables telles
que l’équilibre entre vie professionnelle et vie familiale, les tensions ressenties ou la
satisfaction (e.g., McGuire et Liro, 1987 ; Dunham, Pierce et Castaneda, 1987).
Poissonnet et Veron ont réalisé une revue de littérature portant sur les effets des
horaires irréguliers sur le bien-être des professionnels de santé. D’après ces auteurs,
les recherches actuelles n’offrent aucun résultat concluant dans la mesure où elles
n’indiquent pas qu’une modalité particulière de travail posté aurait un effet davan-
tage bénéfique sur la santé.

6.4 L’INSÉCURITÉ DE L’EMPLOI


L’insécurité de l’emploi représente une situation intermédiaire entre l’emploi stable et
le chômage (Jacobson, 1991). On peut la définir comme « un événement interne
reflétant une transformation des croyances concernant ce qui arrive dans l’organisa-
tion et dans son environnement » (Jacobson, 1991, p. 15).
L’insécurité de l’emploi est un des éléments nouveaux qui transforme l’environ-
nement de travail en venant rompre le contrat psychologique traditionnel entre
employeur et employé, à savoir un investissement professionnel constant contre un
emploi stable, des horaires fixes et un salaire raisonnable. Or en fait, aujourd’hui,
l’insécurité de l’emploi frappe aussi les emplois jusqu’à présent réputés stables. Plu-
sieurs enquêtes réalisées dans des pays membres de l’OCDE révèlent que la perception
de l’insécurité de l’emploi s’est accrue au cours des dernières années (e.g., OCDE,
332 L’épuisement professionnel

1999). Non seulement les emplois deviennent de plus en plus précaires, mais cette
insécurité s’accompagne d’horaires de plus en plus flexibles.
Avec l’insécurité de l’emploi, les employés ne savent pas s’ils doivent ou non
se mettre à la recherche d’un autre emploi et n’ont guère de poids pour recouvrir
l’éventuelle sécurité qu’ils connaissaient auparavant. Ils n’exercent aucun contrôle sur
leur environnement. Toutefois une stratégie possible peut consister à se désengager
de son emploi actuel, ce que Greenhalgh (1979) nomme le syndrome de désengage-
ment. Dans ce cas, l’individu se protège en quelque sorte des conséquences éventuel-
les de la perte de son emploi.
D’après les connaissances empiriques actuelles, on peut affirmer que les nou-
velles formes d’insécurité contribuent à saper l’implication de l’individu en même
temps qu’elles contribuent à accroître le burnout qu’il ressent. En 2001, Greenglass,
Burke et Fiksenbaum, ont réalisé une recherche auprès de 1363 infirmiers et infirmiè-
res canadiens. Ils vérifient leur hypothèse centrale à savoir que l’augmentation de la
charge de travail liée à la restructuration et à la réduction des effectifs dans les hôpi-
taux accroît l’épuisement émotionnel qui à son tour entraîne cynisme et réduction de
l’efficacité professionnelle. Par ailleurs, cette élévation de la charge de travail est
associée à des plaintes de somatisation. Dans une étude réalisée auprès d’employés
suisses, Domenighetti, D’Avenzo et Bisif (2000) montrent, à partir de données longi-
tudinales, que l’insécurité perçue de l’emploi à des effets négatifs sur dix indicateurs
de santé et de comportements de santé.
Worrall et Cooper (1998) trouvent que l’insécurité perçue de l’emploi entraîne
une chute de la motivation et un moindre engagement organisationnel des employés.
De son côté, King (2000) trouve que les employés qui perçoivent moins de sécurité
d’emploi soutiennent moins les buts de l’organisation et cherchent moins à produire
un travail de qualité. Et dans une recherche conduite en Australie, Dekker et Schaufeli
(1995) montrent l’influence de l’insécurité de l’emploi sur le désinvestissement.

7. Le contrôle, sentiment de justice et soutien social

Qu’il s’agisse de l’augmentation de l’insécurité, de l’augmentation du rythme de tra-


vail, et des avancées constantes de la technologie qui obligent à des adaptations
constantes, l’ensemble des changements dont il est ici question ont un impact sur un
élément psychologique fondamental pour le bien-être, à savoir le contrôle que l’indi-
vidu exerce sur son activité et sur son environnement. Au travail, le contrôle traduit
dans quelle mesure l’individu est libre de décider comment accomplir une tâche, com-
ment organiser son amplitude horaire, etc. Truchot et Badré (2004) montrent que,
lorsqu’ils perçoivent que leur supérieur hiérarchique exerce un pouvoir de type infor-
mel, i.e., qui laisse davantage d’autonomie décisionnelle, des travailleurs sociaux ont
un moindre burnout comparativement à leurs collègues qui perçoivent un pouvoir for-
mel, i.e., qui les amène à suivre davantage de procédures. Exercer un contrôle effectif
ou simplement croire que l’on exerce ce contrôle est un moteur essentiel à la santé
physique et psychologique (cf. Shapiro, Schwartz et Astin, 1996 pour une revue).
Inversement, les travaux sur l’impuissance acquise (Seligman, 1975) montrent
qu’après avoir vécu un événement incontrôlable (e.g., des efforts répétés constam-
Exigences professionnelles et implication au travail 333

ment suivis d’échecs), l’individu en déduit que les événements futurs ne dépendent
pas de lui. S’ensuit un ensemble de détériorations aux niveaux cognitif, affectif et
motivationnel.
De ce point, le manque de contrôle influence autant la santé que l’engage-
ment. Le contrôle est aussi une caractéristique motivationnelle du travail. Des résul-
tats convergents montrent son influence positive sur l’engagement de l’individu. Par
exemple, lorsqu’ils se perçoivent comme choisissant eux mêmes de réaliser leur acti-
vité, (plutôt que de se sentir diriger), des employés sont davantage motivés et accep-
tent plus volontiers la responsabilité pour les conséquences personnelles de leur
travail (e.g., Hackman et Oldman, 1975). Globalement, le contrôle perçu est associé
positivement à une augmentation de la satisfaction au travail, de l’implication, de la
performance, et de la motivation ; Et il est associé à une baisse de la détresse émo-
tionnelle ou encore de l’absentéisme (e.g., Spector, 1986).
En fait, il semble que les effets bénéfiques du contrôle s’observent autant en
ce qui concerne l’amplitude horaire, la flexibilité que l’insécurité de l’emploi. Dans
leur recherche auprès d’infirmières israéliennes, Krausz, Sagie et Biderman (2000)
font l’hypothèse que les attitudes à l’égard du travail dépendent de deux variables
essentielles, à savoir l’amplitude horaire préférée et le contrôle sur l’aménagement du
temps de travail (par exemple, décider quel jour de la semaine on travaille). Leurs
résultats montrent que l’amplitude horaire effective n’a pas d’influence sur : le burn-
out (mesuré par l’échelle de Melamed, Kushnir et Shirom, 1992), la satisfaction,
l’engagement ou l’intention de quitter son emploi. Mais la préférence pour tel type
d’horaire ainsi que le contrôle perçu sur le choix de cet horaire influence le burnout. Il
faut encore noter qu’ici, lorsque les participants choisissent des amplitudes horaires
hebdomadaires élevées, alors leur engagement institutionnel et leur satisfaction
s’accroît tandis que leur score de burnout décroît. Les résultats de Carr, Gareis et Bar-
nett (2003), obtenus auprès de médecins états-uniens, vont dans le même sens. Chez
elles, le burnout ne varie pas en fonction du fait de travailler à temps plein ou à mi-
temps. En revanche, et quelle que soit l’amplitude horaire (temps plein ou temps par-
tiel), celles qui choisissent le nombre d’heures travaillées ont significativement moins
de burnout. L’influence bénéfique du contrôle s’observe également lorsqu’il s’agit de
travail posté. Barton (1994) montre qu’elles choisissent un travail posté de nuit, des
infirmières ont un bien-être plus élevé comparativement à leurs collègues qui se
voient imposer ce type d’horaire. Dans une étude menée au Canada (CARNET, 1995),
les employés qui déclarent choisir leur emploi du temps indiquent parallèlement réa-
liser de meilleures performances, ressentir moins de tensions comparativement à ceux
qui se voient assigner un horaire fixe.
Si on manque de données sur le sujet, et s’il faut prendre les rares qui existent
avec les plus grandes précautions, quelques recherches tendraient à montrer que le
contrôle, ici le choix que l’employé exerce sur son statut, est un facteur déterminant
également l’influence de la sécurité de l’emploi. Ainsi Pearce (1998) indique que sur
des variables telles que la satisfaction au travail, l’intention de quitter ou encore
l’engagement organisationnel, il n’y a pas de différence entre des employés occupant
un emploi précaire (contract workers) et ceux occupant un emploi plus stable.
334 L’épuisement professionnel

8. La socialisation des compétences


Trop souvent, au sein d’une institution, l’organisation des tâches et des rôles ne per-
met pas aux agents de percevoir le lien entre leurs actions et les buts de l’organisa-
tion. En particulier, si les individus n’ont pas suffisamment d’autonomie dans leur
prise de décision et si, en même temps, ils ne reçoivent pas suffisamment d’informa-
tions et de supports de la part de leur hiérarchie, alors, ils perdront le sens de leur
efficacité. Ils ressentiront du burnout. De fait, comme l’ont montré plusieurs recher-
ches, l’autonomie au travail est liée au burnout (e.g., Cherniss, 1980 ; Leiter, 1991b ;
Poulin et Walter, 1993).
Tout individu au travail a besoin, pour maintenir une identité positive et un
intérêt à ce qu’il entreprend, de pouvoir répondre, à travers ses conduites, à deux
types d’attentes (Leiter, 1991b ; Bandura, 1997) : des attentes de résultat (produire
l’effet attendu) et des attentes d’efficacité (se sentir capable de mener l’action). Sou-
vent, ces deux types d’attentes (ou un des deux) ne sont pas réalisables. Dans bien
des cas, l’action implique un registre étendu de décisions à prendre et par conséquent
une gamme étendue de réponses possibles. Ceci requiert, parallèlement une autono-
mie, qui souvent fait défaut. Leiter (1991b) montre que la latitude des décisions pos-
sibles et l’autonomie sont associées au burnout. Et plusieurs recherches ont montré
que l’adéquation des ressources organisationnelles (Beck, 1987 ; Poulin et Walter,
1993) est également un facteur crucial. Chez les enseignants, Leithwood et al.,
(1999) suggèrent que les établissements scolaires favorisent l’adhésion active aux
buts collectifs de l’institution en donnant aux enseignants l’opportunité de dévelop-
per leurs compétences et de participer aux prises de décision.
Parallèlement, l’individu ne socialise ses compétences que relativement à des
objectifs à plus ou moins long terme. Et ces objectifs ne sont pas des buts isolés. Au
contraire, ils s’insèrent dans des conceptions fixées par l’institution. Faute de quoi, le
professionnel ne peut faire le lien entre ce qu’il entreprend et la poursuite des buts de
l’institution qui, en quelque sorte lui deviennent étrangers. En d’autres termes, dans
la mesure où, dans une organisation, l’individu n’a pas une certaine maîtrise intellec-
tuelle des objectifs alors, il ne peut reconnaître le sens de ce qu’il entreprend. Seule
sa performance individuelle, c’est-à-dire pour elle-même, aurait un sens, indépendam-
ment de tout système social dans lequel il cherche à s’insérer professionnellement et
dont il attend une reconnaissance. C’est sans doute la clé de son engagement.

9. Conclusion
Qu’il s’agisse des résultats issus des recherches sur l’orientation de carrière ou de ceux
obtenus à partir de la notion d’engagement forgée par Schaufeli et ses collègues, les
conclusions convergent. Que le travail serve des buts instrumentaux ou que l’activité
présente un intérêt en soi, l’investissement professionnel semble toujours payant.
Bien entendu, celui-ci ne peut se réaliser que dans un environnement de travail pro-
pice. Les données exposées ici plaident en faveur d’une conception selon laquelle un
meilleur ajustement entre la personne et l’environnement sera le meilleur gage de
l’engagement.
Bibliographie 335

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ces, London: Institute of Management.
Wynne, R., Clarkin, N. Cox, T., & Griffiths, A. (1997). Guidance on the prevention of violence at
work, Brussels: European Commission.
Zapf, D. (2002). Emotion work and psychological well-being. A review of the literature and
some conceptual implications, Human Resource Management Review, vol. 12, pp. 237-268.
Zapf, D., & Einarsen, S. (2005). Mobbing at work: escalated conflicts in organizations. In S. Fox
& P.E. Spector (Eds.), Counterproductive work behaviour, New York: American Psychological
Association, pp. 271-296.
Zellars, K.L., Perrewe, P.L., & Hochwarter, W.A. (2000). Burnout in health care: The role of the
five factors of personality, Journal of Social Psychology, vol. 30, pp. 1570-1598.
Présentation des auteurs 353

Présentation des auteurs

Jessica BAGGER prépare un doctorat sur le thème de la justice organisationnelle à


l’Université d’Arizona sous la direction du professeur Russell Cropanzano. Ses recher-
ches portent sur la justice organisationnelle, les études du genre et les équipes vir-
tuelles. Elle a publié ses travaux essentiellement dans le Blackwell Dictionary of
Organizational Behavior.

Fabienne BASTID est diplômée de l’Institut Supérieur de Gestion (ISG Paris), et pos-
sède 10 années d’expérience professionnelle en management dans des multinationales
de l’industrie pharmaceutique. Doctorante en Sciences de gestion au sein du CEROG-
IAE Aix-en-Provence (en cours), ses domaines de recherche portent sur le capital
humain, la gestion des carrières et les approches par le genre. Fabienne Bastid est
membre de l’AGRH et enseignante à Euromed.

Sophia BELGHITI-MAHUT est maître de conférences à l’Université de Montpellier 2.


Membre du CREGO (Centre de recherche en gestion des organisations), elle mène des
recherches sur les carrières des femmes cadres, leur accès aux position de pouvoir, et
plus globalement leur avancement hiérarchique et la notion de « plafond de verre ».

Ketty BRAVO est docteur en Sciences de gestion et chercheur associé au Centre de


recherche en gestion des organisations à l’IAE de l’Université Montpellier 2. Ses axes
de recherches se concentrent sur la flexibilité du travail, l’externalisation des emplois,
le succès de carrière, les évolutions des formes d’emploi et l’implication au travail. Ils
ont été publiés notamment dans la revue Économies et Sociétés.

Céleste M. BROTHERIDGE (Ph.D., Université du Manitoba, 2003) est professeure au


département d’organisation et ressources humaines de l’École des sciences de la ges-
tion de l’Université du Québec à Montréal. Ses recherches portent sur les domaines du
harcèlement psychologique, de l’épuisement professionnel, du conflit entre le travail
et la famille, et du travail émotionnel. Elle est la présidente de la section du compor-
tement organisationnel de l’Association des Sciences administratives du Canada et un
membre des conseils de rédaction pour les revues suivantes : International Journal of
Stress Management et Journal of Managerial Psychology.

Marilou BRUCHON-SCHWEITZER est professeur émérite de psychologie à l’Université


Victor Ségalen, Bordeaux 2. À la suite de nombreux travaux sur la « psychologie du
corps » ainsi qu’en psychométrie, l’activité scientifique et institutionnelle de Marilou
Bruchon-Schweitzer s’est particulièrement consacrée à la psychologie de la santé, ses
modèles, ses concepts (stress, soutien social, coping, contrôle, burnout), et ses
méthodes.

Julie CAMERMAN est doctorante en psychologie à l’Université Catholique de Louvain-


la-Neuve en Belgique. Ses recherches portent sur la justice organisationnelle, l’enga-
354 Comportement organisationnel – 2

gement organisationnel et les comportements de déviance. Elle est co-auteur de plu-


sieurs articles dans les revues francophones et anglophones.

Hélène CHALLIOL-JEANBLANC est psychologue et docteur en Sciences de gestion.


Maître de conférences à l’Université Paul Sabatier de Toulouse, elle est membre d’une
équipe de recherche au LERASS (Laboratoire d’études et de recherches appliquées en
sciences sociales) et chercheur associé au LIRHE (Laboratoire interdisciplinaire de
recherche sur les ressources humaines et l’emploi). Ses travaux de recherche portent
essentiellement sur la gestion de carrière des individus en couples à double carrière.
Elle a, sur ce thème, réalisé un chapitre dans l’ouvrage Gestion des Carrières : enjeux et
perspectives, paru en 2004, et a publié en 2005, en collaboration avec Karim Migno-
nac, un article dans le Journal of Organizational Behavior.

Russell CROPANZANO est professeur de Comportement organisationnel à l’École Eller


de management de l’Université d’Arizona. Il est considéré comme le spécialiste mon-
dial de la justice organisationnelle. Le Pr. Cropanzano a publié plus d’une centaine
d’articles sur le thème dans les plus grandes revues scientifiques. Il est ou a été mem-
bre dans les comités de rédaction des revues telles que Academy of Management Jour-
nal, Journal of Applied Psychology, Journal of Personality and Social Psychology,
Organizational Behavior and Human Decision Processes, et Social Justice Research. Il
est actuellement l’éditeur en chef du Journal of Management.

Assâad EL AKREMI est maître de conférences et chercheur au LIRHE CNRS et à l’IAE


Université de Toulouse 1. Il est membre du GRACCO – GDR CNRS. Ses domaines de
recherche sont le comportement organisationnel, la flexibilité organisationnelle, la
responsabilité sociale et les méthodes de recherche. Il est également co-éditeur de
deux ouvrages sur la flexibilité des organisations et sur les méthodes d’équations
structurelles appliquées aux Sciences de gestion ; il est membre du comité de rédac-
tion du Journal of Management.

Pedro GIL-MONTE est professeur de psychologie du travail et des organisations à


l’Université de Valence, Espagne. Il dirige l’unité de recherche psychosociale en com-
portement organisationnel (Unidad de Investigación Psicosocial de la Conducta Organi-
zacional) de cette même université. Spécialiste du stress et du burnout, sa production
scientifique s’accompagne d’une activité de formation dans les domaines de la pré-
vention des risques au travail et d’expertise sur le burnout auprès de structures gou-
vernementales.

Jerald GREENBERG est professeur de Comportement organisationnel et de l’Éthique


des affaires à l’École Fisher de management de l’Université d’Ohio. Il est le pionner
des travaux sur la justice organisationnelle. Le Pr. Greenberg a publié plus de
150 articles dans le domaine du comportement organisationnel. En reconnaissance à
sa grande contribution, le Pr. Greenberg est intégré comme un associé permanent de
l’American Psychological Association, l’Academy of Management et l’American Psycholo-
gical Society.
Présentation des auteurs 355

Sylvie GUERRERO est professeure à l’Université du Québec à Montréal, Canada, et co-


titulaire de la chaire de gestion des compétences de l’UQAM. Ses travaux de recherche
portent sur le contrat psychologique et les performances de la Gestion des ressources
humaines. Elle a publié plusieurs articles dans la Revue de Gestion des Ressources
Humaines et International Journal of Human Resource Management, et est l’auteure du
livre Les outils des RH, paru chez Dunod en 2004.

Violet T. HO est professeur de management à l’Université de Nanyang à Singapour.


Elle est titulaire d’un doctorat de l’Université de Carnegie Mellon à Pittsburgh. Ses
recherches portent actuellement sur les réseaux sociaux. Ses travaux ont été publiés
dans l’Academy of Management Journal, Journal of Vocational Behavior, Research in
Personnel and Human Resources Management, Academy of Management Review, Human
Relations et Organization Science.

Jaewon KO est professeur à l’Académie militaire de Séoul en Corée. Il est titulaire


d’un doctorat sur le thème de la justice organisationnelle de l’Université d’Arizona
sous la direction du professeur Russell Cropanzano. Ses premiers travaux sont à paraî-
tre à l’Academy of Management Journal.

Marie-Ève LAPALME est professeure à l’École des sciences de la gestion de l’Univer-


sité du Québec à Montréal. Elle y enseigne divers cours reliés à la gestion des ressour-
ces humaines. Ses intérêts de recherche portent principalement sur la gestion des
carrières et la mobilisation des employés. Elle s’intéresse également à différentes pro-
blématiques reliées au travail atypique.

Raymond T. LEE (Ph.D., Wayne State University, 1989) est membre de la faculté du
I.H. Asper School of Business, Université du Manitoba, où il enseigne des cours de
comportement organisationnel et de gestion de ressources humaines. Ses recherches
s’effectuent dans les domaines du harcèlement psychologique, de l’épuisement profes-
sionnel, du conflit entre le travail et la famille, et du travail émotionnel. Il a publié et
évalué des articles pour plusieurs revues scientifiques et est membre du conseil de
rédaction du Journal of Occupational Health Psychology.

Bernardo MORENO est professeur de psychologie à l’Université autonome de Madrid,


où il dirige le département de psychologie biologique et de la santé. Il est impliqué
dans de nombreux projets scientifiques internationaux, européens et latino-améri-
cains. Sa production scientifique intéresse notamment les thèmes du burnout et de la
personnalité.

Mohamed Ikram NASR est doctorant à l’Université des Sciences Sociales, Toulouse 1
et appartient au Laboratoire interdisciplinaire de recherche sur les ressources humai-
nes et l’emploi (LIRHE, CNRS). Ses domaines d’intérêt sont la justice organisation-
nelle, l’échange social et la socialisation. Actuellement, il prépare une thèse de
doctorat sur la formation et les effets du sentiment de justice au cours de la socialisa-
tion des nouveaux employés.
356 Comportement organisationnel – 2

Jean-Pierre NEVEU, est professeur de Sciences de gestion à l’IEP de l’Université Mon-


tesquieu, Bordeaux 4. Chercheur associé au LIRHE-CNRS, il y coordonne le programme
« Travail, Santé et Gestion des ressources humaines » au sein du groupe de recherche
GRACCO. Ses principaux champs d’investigation couvrent ceux de l’implication au tra-
vail et de l’épuisement professionnel.

Nicole RASCLE est professeur de psychologie à l’Université Victor Ségalen,


Bordeaux 2, et responsable de l’équipe de recherche de psychologie différentielle et
de la santé (EA 3662). Ses champs d’investigation en psychologie de la santé cou-
vrent notamment ceux du stress, de l’épuisement professionnel et de la dépression.

Marie-Élène ROBERGE prépare un doctorat en gestion des ressources humaines à


l’Université d’Ohio. Ses recherches portent sur la justice procédurale et la justice inte-
ractionnelle et le rôle des explications dans leur développement. Elle a publié ses pre-
miers travaux dans Research in Personnel and Human Resources Management et Journal
of Applied Psychology.

Alain ROGER, professeur agrégé des universités, est directeur du Centre de recherche
Magellan, IAE de Lyon (Université Jean Moulin, Lyon 3). Diplômé de l’ESSEC, docteur
de l’Université d’Aix-Marseille et Ph.D. de Northwestern University, il est le co-éditeur
de La gestion des carrières, enjeux et perspectives (Vuibert, 2004), et auteur de nom-
breux articles dans des revues nationales et internationales et de plusieurs chapitres
d’ouvrages (Encyclopédie des ressources humaines, Vuibert ; Tous DRH, Éditions
d’Organisation ; Tous reconnus, Éditions d’Organisation). Ses principaux domaines de
recherche sont la gestion des carrières, la place de la fonction ressources humaines
dans les entreprises, ainsi que la gestion des chercheurs ou des experts dans les orga-
nisations.

Denise ROUSSEAU est professeur de Comportement organisationnel et de Politique


générale à l’École Heinz de Management et de Politique Générale et à l’École Tepper
de Gestion de l’Université Carnegie Mellon à Pittsburgh, Pennsylvanie (États-Unis).
Elle est membre du comité de rédaction du Journal of Management Inquiry et du Jour-
nal of Vocational Behavior. Elle est aussi éditeur en chef du Journal of Organizational
Behavior. La Pr. Rousseau est présidente de l’Academy of Management. Elle est mon-
dialement connue pour ses travaux sur le contrat psychologique, ainsi que sur les
stratégies de gestion de ressources humaines et les effets de la culture organisation-
nelle sur la performance. Elle a à son actif plus de 200 articles et chapitres publiés
dans les meilleures revues académiques (Journal of Applied Psychology, Academy of
Management Review, Academy of Management Journal, Administrative Science Quar-
terly).

Patrice ROUSSEL est professeur des Universités, directeur du GRACCO – GDR CNRS.
Responsable du département Gestion du LIRHE CNRS, et du Master Management des
Ressources humaines à l’IAE de l’Université Toulouse 1. Ses domaines de recherche
sont le comportement organisationnel, les méthodes de recherche et le management
des rémunérations (http://gracco.univ-tlse1.fr). Ses travaux sont publiés dans Jour-
nal of Organizational Behavior, International Journal of Human Resource Management,
Présentation des auteurs 357

Revue de Gestion des Ressources Humaines. Il est l’auteur de quatre ouvrages en


méthodes de recherche et en gestion des ressources humaines. Il est membre du
comité de rédaction du Journal of Organizational Behavior et de la Revue de Gestion
des Ressources Humaines.

Didier TRUCHOT est maître de conférences en psychologie à l’Université de Franche-


Comté (Besançon) et directeur-adjoint du Laboratoire de psychologie EA 3188. Ses
thèmes de recherches sont ceux de l’épuisement professionnel, du raisonnement
social ainsi que de l’impuissance acquise.
Table des matières

INTRODUCTION .................................................................................................................. 5
Patrice ROUSSEL

PARTIE I
LA JUSTICE ORGANISATIONNELLE ........................................................................... 19
Assâad EL AKREMI

CHAPITRE 1
LA JUSTICE ORGANISATIONNELLE : DÉFINITIONS, MODÈLES ET
NOUVEAUX DÉVELOPPEMENTS ............................................................................................ 25
Jessica BAGGER, Russell CROPANZANO et Jaewon KO
1. Définitions fondamentales de la justice organisationnelle ..................................... 26
2. Structure de la justice organisationnelle.................................................................. 27
2.1 La justice distributive .............................................................................................. 28
2.2 La justice procédurale ............................................................................................. 30
2.3 La justice interactionnelle ....................................................................................... 30
3. Rétributions associées aux différents types de justice organisationnelle ............. 31
3.1 Le modèle bi-factoriel.............................................................................................. 31
3.2 L’interaction entre la justice distributive et la justice procédurale.............................. 32
3.3 Le triple effet interactif : justice distributive × justice procédurale ×
justice interactionnelle ............................................................................................ 34
4. Les trois fondements motivationnels de la justice .................................................. 35
4.1 Motif 1 : le motif instrumental ................................................................................ 35
4.2 Motif 2 : les rapports interpersonnels ....................................................................... 36
4.3 Motif 3 : les motifs moraux de la justice .................................................................. 40
5. Conclusion et perspectives ........................................................................................ 43
360 Comportement organisationnel – 2

5.1 Revisiter la structure de la justice............................................................................. 43


5.2 Nature de l’interaction ............................................................................................. 44
5.3 Motifs pour la justice ............................................................................................... 44
5.4 Quelques réflexions finales ....................................................................................... 44

CHAPITRE 2
JUSTICE ORGANISATIONNELLE : UN MODÈLE INTÉGRATEUR
DES ANTÉCÉDENTS ET DES CONSÉQUENCES ........................................................................ 47
Assâad EL AKREMI, Mohamed Ikram NASR, Julie CAMERMAN
1. Les antécédents des perceptions de la justice organisationnelle ........................... 48
1.1 Les déterminants organisationnels et relationnels ..................................................... 50
1.1.1 Les outcomes des décisions et des pratiques organisationnelles .............................. 51
1.1.2 Les procédures organisationnelles ...................................................................... 54
1.1.3 Les rôles des figures d’autorité........................................................................... 56
1.1.4 L’influence des collègues de travail..................................................................... 59
1.2 Les déterminants individuels : traits de personnalité et
caractéristiques démographiques .............................................................................. 60
1.2.1 Les antécédents individuels de la justice .............................................................61
1.2.2 Les effets modérateurs des caractéristiques individuelles ....................................... 63
1.2.3 Conception de soi et justice organisationnelle ..................................................... 64
2. Les conséquences de la justice organisationnelle .................................................... 66
2.1 Les attitudes et les émotions ................................................................................... 68
2.1.1 La satisfaction au travail................................................................................... 68
2.1.2 La satisfaction à l’égard des outcomes................................................................. 69
2.1.3 L’engagement organisationnel ........................................................................... 69
2.1.4 Les intentions de départ ................................................................................... 70
2.1.5 L’acceptation des décisions organisationnelles ..................................................... 71
2.1.6 Les attitudes envers les figures d’autorité............................................................ 72
2.2 Les performances au travail ..................................................................................... 74
2.2.1 La performance à la tâche ................................................................................. 74
2.2.2 Les comportements de citoyenneté organisationnelle ............................................ 75
2.3 Les comportements contreproductifs ......................................................................... 78
3. Les modérateurs des effets de la justice organisationnelle..................................... 79
3.1 Modérateurs situationnels ........................................................................................ 80
3.2 Modérateurs dispositionnels ..................................................................................... 82
4. Les domaines d’application de la justice : Exemples des pratiques de GRH........... 84
5. Conclusions et recherches futures ............................................................................. 86

CHAPITRE 3
LA JUSTICE DES ARRANGEMENTS IDIOSYNCRASIQUES AU TRAVAIL :
QUELLE JUSTICE À L’ÈRE DE L’INDIVIDUALISATION ? ...................................................... 89
Jerald GREENBERG, Marie-Élène ROBERGE, Violet T. HO et Denise M. ROUSSEAU
1. La nature des i-deals ................................................................................................... 90
Table des matières 361

2. La justice sans la standardisation ............................................................................. 92


2.1 Cadre conceptuel ..................................................................................................... 93
2.1.1 Les acteurs des i-deals...................................................................................... 93
2.1.2 Types de justice .............................................................................................. 95
3. Les perceptions de la justice des i-deals dans la dyade Employé-Manager ............ 96
3.1 La justice distributive .............................................................................................. 96
3.2 La justice procédurale ............................................................................................. 99
3.3 La justice interpersonnelle ......................................................................................100
3.4 La justice informationnelle .....................................................................................101
4. Les perceptions de justice des i-deals dans la dyade Employé-Collègue ...............102
4.1 La justice distributive .............................................................................................102
4.2 La justice procédurale ............................................................................................103
4.3 La justice interpersonnelle ......................................................................................104
4.4 La justice informationnelle .....................................................................................105
5. Les perceptions de justice des i-deals dans la dyade Manager-Collègue ...............106
5.1 La justice distributive .............................................................................................106
5.2 La justice procédurale ............................................................................................107
5.3 La justice interpersonnelle ......................................................................................108
5.4 La justice informationnelle .....................................................................................109
6. La justice comme un i-deal : problèmes, implications et applications .................110
6.1 La fréquence de l’usage des i-deals .........................................................................111
6.2 L’importance de la sincérité et de la confiance ........................................................111
7. Conclusion ..................................................................................................................112
BIBLIOGRAPHIE .................................................................................................................113

PARTIE II
LES ENJEUX DE CARRIÈRE ..........................................................................................139
Sylvie GUERRERO

CHAPITRE 4
RÉUSSIR SA CARRIÈRE : APPROCHE CONCEPTUELLE ........................................................143
Fabienne BASTID et Betty BRAVO
Introduction......................................................................................................................143
1. Du succès de carrière au sentiment de réussite professionnelle :
un cadre théorique renouvelé pour étudier les carrières ........................................145
1.1 Les modèles de la carrière organisationnelle traditionnelle .......................................145
1.1.1 La carrière en gestion : approches et niveaux d’analyse........................................145
1.1.2 Les modèles des étapes de carrière....................................................................147
1.1.3 Le modèle des ancres de carrière ......................................................................148
362 Comportement organisationnel – 2

1.2 Revisiter la notion de carrière : évolution du contrat psychologique


et carrière nomade ................................................................................................ 150
1.2.1 La transformation des structures organisationnelles ............................................ 151
1.2.2 L’évolution du contrat psychologique : de la sécurité de l’emploi à l’employabilité... 152
1.2.3 Revisiter la notion de carrière : le paradigme de la carrière nomade ...................... 152
1.2.4 Le succès de carrière en évolution : « le sentiment de réussite professionnelle » ..... 154
2. Mesurer la réussite de carrière ................................................................................. 155
2.1 Mesurer la réussite de carrière : de la conceptualisation à l’opérationnalisation ........ 156
2.2 Mesurer la réussite de carrière : état de la recherche empirique ............................... 159
2.2.1 La réussite de carrière objective....................................................................... 160
2.2.2 La réussite de carrière subjective ..................................................................... 161
2.2.3 Réussite de carrière objective et subjective : une relation qui reste à explorer ........ 164
3. Conclusion ................................................................................................................. 166

CHAPITRE 5
FAMILLE ET CARRIÈRE CHEZ LES COUPLES À DOUBLE CARRIÈRE ................................... 169
Hélène CHALLIOL-JEANBLANC
Introduction ..................................................................................................................... 169
1. Les couples à double carrière : champ de la recherche et définitions.................. 170
1.1 Les 4 phases d’évolution de la recherche sur les couples à double carrière ................ 170
1.2 Définitions et typologies des couples à double carrière ............................................ 172
1.2.1 Définitions de la notion de couple à double carrière............................................ 172
1.2.2 Typologies des couples à double carrière ........................................................... 174
2. Les impacts de la vie en couple à double carrière ................................................. 177
2.1 Les sources de conflits ........................................................................................... 178
2.1.1 Conflits liés aux rôles assignés à chaque sexe..................................................... 178
2.1.2 Conflits entre les rôles professionnels et familiaux.............................................. 178
2.2 Les sources de satisfactions ................................................................................... 181
2.2.1 Les bénéfices potentiels ................................................................................. 181
2.2.2 Le soutien entre les conjoints.......................................................................... 181
2.2.3 Égalité ou équité dans les couples à double carrière............................................ 182
3. Implications managériales et recherches futures :
vers une prise en compte des relations entre les conjoints .................................. 183
3.1 Dans quelle mesure peut-on considérer les couples à double carrière
comme une population homogène ? ....................................................................... 183
3.2 Gestion et vie privée en question............................................................................ 185

CHAPITRE 6
ENRICHISSEMENT ET CONCILIATION DU LIEN ENTRE LE TRAVAIL ET LA FAMILLE ........ 189
Raymond T. LEE et Céleste M. BROTHERIDGE
Introduction ..................................................................................................................... 189
1. Perspectives théoriques ............................................................................................ 190
2. Distinctions conceptuelles ....................................................................................... 192
Table des matières 363

3. Revue de littérature ..................................................................................................194


3.1 Mesures du conflit et de la facilitation entre le travail et la famille ..........................194
3.2 Rareté vs expansion des ressources .........................................................................195
3.3 Conciliation travail-famille vs conciliation famille-travail .........................................196
3.4 Différences de sexe ................................................................................................197
3.5 Variables situationnelles.........................................................................................199
3.6 Effets croisés .........................................................................................................200
4. Discussion ..................................................................................................................201
4.1 Implications pour les chercheurs .............................................................................202
4.2 Implications pratiques ...........................................................................................203

CHAPITRE 7
LES FEMMES ET LE PLAFOND DE VERRE ............................................................................207
Sophia BELGHITI-MAHUT et Fabienne BASTID
Introduction......................................................................................................................207
1. Le plafond de verre : définitions, réalités ...............................................................208
1.1 Définition du plafond de verre ................................................................................208
1.2 Les causes du plafond de verre ...............................................................................209
1.3 Les stratégies d’évitement du plafond de verre ........................................................210
2. Les approches théoriques du plafond de verre ........................................................212
2.1 L’approche par le « genre » ....................................................................................212
2.2 L’approche par l’organisation ..................................................................................213
2.3 L’approche Genre-Organisation-Système (G-O-S).......................................................215
3. Conception féminine de la carrière et plafond de verre .........................................216
3.1 Femmes et réussite de carrière ................................................................................217
3.2 Femmes et satisfaction à l’égard de la carrière ........................................................218
3.3 Typologie des carrières des femmes .........................................................................219
4. Conclusion ..................................................................................................................222

CHAPITRE 8
L’INDIVIDU FACE AU PLAFONNEMENT DE CARRIÈRE........................................................223
Alain ROGER et Marie-Ève LAPALME
Introduction......................................................................................................................223
1. Définition et mesure du plafonnement de carrière .................................................224
1.1 Qu’est-ce que le plafonnement de carrière ? ............................................................224
1.1.1 L’évolution des travaux sur le plafonnement .......................................................224
1.1.2 Les différentes formes de plafonnement.............................................................225
1.2 Comment mesurer le plafonnement de carrière ?......................................................227
1.2.1 Mesurer le plafonnement de carrière de façon objective ou subjective ?..................227
1.2.2 Revue des mesures utilisées dans les études empiriques .......................................227
364 Comportement organisationnel – 2

2. Quels sont les déterminants du plafonnement de carrière ? ................................. 229


2.1 Déterminants individuels ....................................................................................... 230
2.2 Déterminants organisationnels ............................................................................... 231
3. Les effets du plafonnement de carrière .................................................................. 233
3.1 Conséquences associées au plafonnement de carrière .............................................. 233
3.1.1 Satisfaction des salariés.................................................................................. 233
3.1.2 Engagement organisationnel ........................................................................... 234
3.1.3 Intention de quitter ....................................................................................... 235
3.1.4 Santé au travail ............................................................................................. 235
3.1.5 Performance au travail.................................................................................... 235
3.1.6 Autres conséquences liées au plafonnement de carrière ....................................... 236
3.2 Les réactions au plafonnement de carrière .............................................................. 236
3.2.1 Les réactions individuelles .............................................................................. 237
3.2.2 Les réactions organisationnelles....................................................................... 238
4. Conclusion ................................................................................................................. 240
BIBLIOGRAPHIE ................................................................................................................ 243

PARTIE III
L’ÉPUISEMENT PROFESSIONNEL.............................................................................. 261
Jean-Pierre NEVEU

CHAPITRE 9
VIOLENCES ET ÉPUISEMENT PROFESSIONNEL .................................................................. 265
Pedro GIL-MONTE, Bernardo MORENO et Jean-Pierre NEVEU
Introduction ..................................................................................................................... 265
1. Violences et travail ................................................................................................... 266
1.1 Définir le phénomène ............................................................................................ 266
1.2 Contextes professionnels ........................................................................................ 267
1.3 La violence physique ............................................................................................. 268
1.4 La violence psychologique ...................................................................................... 269
2. De la violence au burnout : conséquences et manifestations ............................... 271
2.1 L’impact interpersonnel.......................................................................................... 271
2.2 L’impact personnel : le cas de la culpabilité ............................................................ 273
3. De la violence au burnout : modèles théoriques .................................................... 274
4. Du burnout au rapport clientèle : le rôle des violences ......................................... 276
4.1 Cadres conceptuels et problématiques..................................................................... 276
4.2 Approches et méthodologies .................................................................................. 278
4.3 Résultats de recherches.......................................................................................... 279
5. Burnout et violences envers les usagers/consommateurs :
perspectives............................................................................................................... 280
5.1 Théorie et modélisation ......................................................................................... 281
Table des matières 365

5.1.1 De la frustration à l’agression : éléments théoriques ............................................281


5.1.2 Limites et développements théoriques du modèle « frustration-agression » .............282
5.1.3 Mesures et expérimentation .............................................................................284
5.2 Vers une gestion préventive ....................................................................................285
5.2.1 Limites d’une approche pathogénique de la violence............................................285
5.2.2 Perspectives de gestion salutogénique de la violence...........................................286

CHAPITRE 10
BURNOUT ET SANTÉ DES PERSONNELS : DÉTERMINANTS ET PRISES EN CHARGE............289
Nicole RASCLE et Marilou BRUCHON-SCHWEITZER
1. Burnout et santé mentale .........................................................................................291
2. Burnout et santé physique ........................................................................................293
3. Burnout et comportements à risque .........................................................................295
4. Les déterminants contextuels du burnout ...............................................................296
5. Les déterminants individuels du burnout ................................................................298
5.1 Les caractéristiques sociodémographiques et socioéconomiques ................................298
5.2 Les dimensions pathogènes de la personnalité .........................................................299
5.3 Les dimensions protectrices de la personnalité .........................................................300
6. Burnout et santé : des modèles explicatifs .............................................................301
6.1 Burnout et santé : un modèle socioculturel .............................................................301
6.2 Burnout et santé : le rôle des processus transactionnels ...........................................302
7. Réduire le burnout et améliorer la santé des personnels .......................................305
7.1 Interventions primaires ..........................................................................................305
7.1.1 Le diagnostic.................................................................................................305
7.1.2 L’intervention primaire tournée vers l’organisation ..............................................306
7.1.3 L’intervention primaire tournée vers les individus................................................306
7.2 Interventions secondaires .......................................................................................308
7.2.1 Interventions secondaires tournées vers l’individu...............................................308
7.2.2 Interventions secondaires tournées vers l’organisation.........................................308
7.3 Interventions tertiaires...........................................................................................309
7.3.1 Interventions tertiaires tournées vers l’individu ..................................................309
7.3.2 Interventions tertiaires tournées vers l’organisation ............................................310
8. Conclusion ..................................................................................................................310

CHAPITRE 11
EXIGENCES PROFESSIONNELLES ET IMPLICATION AU TRAVAIL :
LEUR RÔLE DANS L’ÉMERGENCE DU BURNOUT ..................................................................313
Didier TRUCHOT
Introduction......................................................................................................................313
1. À l’origine des conceptions du burnout : engagement irréaliste
et charge de travail excessive ..................................................................................314
366 Comportement organisationnel – 2

2. Burnout et engagement initial ou le choc de la réalité :


le modèle de Cherniss ............................................................................................... 315
3. Le burnout comme échec de la quête existentielle ................................................ 318
4. L’orientation de carrière ........................................................................................... 319
4.1 Quatre orientations de carrière ............................................................................... 320
4.2 L’orientation de carrière initiale et actuelle ............................................................ 321
4.3 Orientation de carrière initiale et burnout .............................................................. 322
4.4 Orientation de carrière actuelle et burnout ............................................................. 325
4.5 Le changement d’orientation de carrière ................................................................. 326
4.6 Changement d’orientation de carrière et burnout .................................................... 327
5. L’engagement au travail ........................................................................................... 327
6. Les exigences du travail et l’investissement professionnel ................................... 330
6.1 Les nouvelles formes de tensions au travail ............................................................ 330
6.2 L’amplitude horaire ............................................................................................... 330
6.3 Travail posté et horaires flexibles ........................................................................... 331
6.4 L’insécurité de l’emploi .......................................................................................... 331
7. Le contrôle, sentiment de justice et soutien social ............................................... 332
8. La socialisation des compétences............................................................................ 334
9. Conclusion ................................................................................................................. 334
BIBLIOGRAPHIE ................................................................................................................ 335

PRÉSENTATION DES AUTEURS ....................................................................................... 353

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