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PISTE 41 : Présentation
Dans la France monarchique, malgré la progression importante du rôle de l’État dans la création et
la vie du droit, le droit commun grâce auquel les juristes interprètent et mettent en œuvre les normes
de droit positif, reste pour l'essentiel doctrinal et jurisprudentiel.
Malgré certaines spécificités propres à la tradition française, il n'y a pas sur ce point de différences
radicales avec ce qui se passe dans les autres pays européens. Pour les juristes de l'Ancien monde, le
degré de généralité des règles ne saurait résulter d'une imposition autoritaire, en clair ils ne
sauraient dépendre de l’État.
Il doit donc être cherché dans la plus ou moins grande étroitesse de leurs liens avec la raison qui est
pour eux la première loi des Hommes, c'est pourquoi ils qualifient de droit commun et utilise
comme telles celles de ces règles dans lesquelles ils reconnaissent la plus fidèle expression de la
raison souveraine.
Deux catégories de règles se sont vues ainsi reconnaître un statut particulier d'une part les règles
dites du droit des gens, entendus en son sens classique, celles dont les juristes constatent qu'elles
sont reçues, bien que sous des formes particulières par la plupart des Nations. D'autre part les lois
romaines, les lois civiles dont nul n'ignore, nul ne conteste qu'elles ont civilisé la quasi-totalité du
monde européen et qu'elles constituent l'une des bases des différentes législations nationales ainsi
que de leur mise en œuvre.
Ce droit commun européen qui est le cœur de la tradition classique ne va pas disparaître avec la
modernité.
A l'intérieur des différents ordonnancement juridiques nationaux, on continuera à rencontrer des
règles présentées comme l'expression du droit commun, sur le fond leur contenu subira peu de
variations et en ce qui concerne leur rôle , il demeurera globalement le même mais les fondements
qui permettent de justifier l'applicabilité universelle qui est reconnue à ces règles, ces fondements
vont être modifiés et malgré l'étonnante permanence des contenus, ces mutations vont être
suffisamment importantes pour entraîner un changement de vocabulaire qui est à l'origine de deux
des phénomènes essentiels de la modernité juridique, d'un côté l'émergence du droit naturel
moderne, de l'autre côté l'étatisation du droit qui va se concrétiser à travers la codification. Ce qui
tout d'abord permet l'émergence du droit naturel moderne c'est la disparition ou plutôt la
désintégration du droit des gens classiques.
A l'orée du XVIIème siècle, ce sont les théologiens eux-mêmes qui montrent que ce concept d'un
droit médian est impossible à penser mais au delà des problèmes logiques, si ce droit médiateur
disparaît c'est parce que Dieu en fait s'éloigne d'un monde où la science ne lui laisse plus une
véritable place. Le droit des gens disparaît aussi parce que désormais l'esprit habitué aux démarches
rigoureuses qui sont celles de la science moderne, le consentement, l'assentissement de la plupart
des Hommes ne paraît plus constituer un garant suffisant, l'applicabilité universelle reconnue aux
normes du droit des gens classiques ainsi au reste qu'à celle du droit romain, reposait en effet sur la
conviction que le consentement, la concorde qui rassemblait sur certains points les jugements des
Hommes, les opinions humaines, cette concorde pouvait permettre d'apercevoir à leurs points de
convergence une figure, une ombre du droit naturel, même si par ailleurs la raison ne réussissait pas
à démontrer totalement la nécessité de ces règles, or c'est la raison pour laquelle le droit des gens va
disparaître et le droit romain changer de fondements, le droit moderne qui se met en place ne croit
plus qu'à la logique du nécessaire.
Ce qui disparaît avec le droit des gens et avec le droit romain qui était l'instrument qui permettait la
mise en œuvre du droit des gens, ce ne sont pas les règles que ces droits proposaient mais le statut
qu'il leur était assigné. Le droit des gens et le droit romain contenaient en effet la plupart des règles
La première étape à franchir pour la constitution du droit naturel moderne c’est de mettre à l'écart le
droit des gens entendu en son sens classique.
Tel en effet qu'il est encore décrit par beaucoup au XVIème siècle, le droit des gens s'oppose de par
sa simple existence et de par les liens qui le rattache et au droit naturel et au droit positif, à la
séparation théorique radicale que la pensée juridique moderne va instaurer entre d'un côté un droit
naturel conçu comme une pure construction de la raison, et de l'autre côté un droit positif qui
désormais ne tire plus sa validité que de l'autorité qui en est la source et qui l'impose.
C'est donc parce qu'il faut permettre l'avènement d'une nouvelle vision du droit naturel qu'il est
Le qualificatif dont on a pris l'habitude de désigner les penseurs qui appartiennent à ce courant est
emprunté au titre que l'un de ses fondateurs va donner à son œuvre principale.
Parmi les premiers maîtres, ceux qu'on appelle les fondateurs, deux sont en effet essentiels, le
premier c'est celui de Hugo de Groot que l'on appelle de son nom latin GROTIUS, un
jurisconsulte et diplomate des Pays-Bas, dont l’œuvre maîtresse publiée en 1625, s'intitule du droit
L’œuvre de Jean Domat est un moment essentiel de l'Histoire de la pensée juridique française parce
qu'elle renvoie à l'avenir et qu'elle renvoie au passé. Elle prépare l'avenir, l'historiographie française
a rangé le magistrat du temps de Louis XIV au premier rang des fameux jurisconsultes précurseurs
de la codification. Il suffit ici d'évoquer le jugement célèbre apporté au XIXème siècle sur son
œuvre principale, les lois civiles dans leur ordre naturel, sont comme la préface du code napoléon.
Mais si l’œuvre de Domat, par ses résultats concrets, débouche sur la codification, elle s'enracine
par ailleurs et de manière essentielle dans la puissante tradition augustiniste qui depuis la tradition
carolingienne conduit une grande partie des penseurs chrétiens à attendre de l'autorité publique
qu'elle contribue comme la puissance spirituelle mais avec d'autres moyens à rétablir dans une
société et un monde déréglé par la perversion des Hommes, l'ordre qui avait vocation selon la
volonté divine à y régner, ordre qui doit à la fin des temps y être rétabli pour unir à nouveau Dieu et
les Hommes. Le lien qui est ainsi établi à travers l’œuvre de Domat entre le passé et le futur
explique l'importance de cette pensée.
Pour mieux la mesurer, quelques mots sur sa vie nous permettrons de présenter la problématique
dans laquelle s'enracine son projet de mettre le droit en système.
Né à Clermont en 1625, mort à Paris en 1696, Jean Domat après avoir fait ses humanités chez les
Jésuites de Paris, étudie le droit à Bourges, où il a pour maître un disciple de Cujas, le grand maître
de la jurisprudence humaniste, revenu dans sa ville natale pour se consacrer d'abord à la profession
d'avocat, il y fait la rencontre en 1689 de Pascal, fondée sur un intérêt commun pour les
mathématiques, sur la convergence de leurs convictions jansénistes, une amitié profonde va lier les
deux hommes.
Devenu avocat du roi au présidial de Clermont en 1657, Domat va remplir cette mission pendant
presque trente ans. Participant en 1665 au grand jour d'Auvergne, Domat se lie avec quelques hauts
magistrats du parlement de Paris, ses amitiés jouent un rôle dans son installation à la capitale en
1681. Le plan de l'ouvrage qu'il prépare pour mettre en ordre les lois reçoit en effet l'agrément du
Roi auquel il est présenté, ce qui lui vaut une pension qui lui permet d'y travailler exclusivement.
Précédé du traité des lois qui en présente comme les prolégomènes théoriques, cette œuvre intitulée
les lois civiles dans leur ordre naturel paraît en 1689.
Le succès que cette œuvre obtient auprès d'un large public conduit à une seconde édition à laquelle
seront adjoint en 1697 après sa mort 4 livres du droit public, un traité consacré à montrer l'unité du
droit public ainsi que les harangues et discours qui avaient été prononcés par lui comme avocat du
roi de 1657 à 1681.
Pour mieux montrer, le succès de cet ouvrage, il faut rappeler le jugement de Boileau à cette
époque, il écrit que l'ouvrage de Domat lui a permis de discerner dans la science du droit une raison
qui lui était jusqu'alors demeurait étrangère donc selon Boileau, cette œuvre témoigne d'une
nouvelle raison juridique.
Sa vie en témoigne, Domat est un homme de foi, sa foi étant marqué par l'orientation janséniste
mais il est également un homme de droit et il doit résister à la tentation de devenir un homme de
science.
C'est au point de convergence de ces trois qualités que s’enracine l’œuvre de celui qui est sans
doute le plus grand jurisconsulte français des temps modernes. Et c'est pour l'essentiel de là qu'il tire
l'étonnante puissance de conviction qui fut rapidement et durablement celle de Jean Domat.
PISTE 45 : La mise en système du droit : les lois civiles dans leur ordre naturel
Mettre les lois dans leur ordre naturel. Pour comprendre ce projet il faut d'abord noter tout ce qui
sépare sur ce point Domat de la vision traditionnelle. Il ne s'agit pas seulement en effet de rappeler
les thèses classiques de la validité des lois posées par les Hommes, celles-ci leur vient de ce qu'elles
expriment la loi divine . Il s'agit et c’est le moment profondément novateur de la pensée du
jurisconsulte de transformer ce lien.
Alors que dans la présentation classique, ce lien ne peut être établi que par le juge, dans le jugement
c'est à dire de manière nécessairement ponctuelle et précaire. Domat va tenter de transformer donc
ce lien en un lien purement logique de telle sorte que ce lien s'impose au juge, 2ième mutation il
s'agit de faire ce travail pour la totalité des lois nécessaires à la vie sociale et il s'agit de le faire en
les faisant toutes apparaître comme les conséquences logiquement déduites d'un seul et unique
principe, le projet en soi n'avait rien de véritablement nouveau, il était en particulier en cette
deuxième moitié du XVIIème siècle ce à quoi songeait du coté des philosophes, un Leibnitz.
Mais le jurisconsulte français croit avoir trouvé le moyen de le réaliser vraiment. Selon lui, ce qu'il
faut changer radicalement ce n'est pas le contenu du droit et de fait il va pour construire son œuvre
réutiliser pour l'essentiel les matériaux fournis par le droit romain. Ce qu'il faut modifier c'est les
méthodes de la sciences juridique c'est à dire tout à la fois, les procédés d'exposition des règles et
par le même mouvement les techniques de leur mise en œuvre .
C'est donc à une autre raison que celle qui inspire les méthodes traditionnelles qu'il va faire appel.
De l'attrait premier qu'il a partagé avec Pascal pour les nouvelles méthodes d'investigation du
monde proposé par la pensée scientifique moderne, le magistrat garde une conviction qu'il ne
remettra jamais en cause, bien que leur utilisation dans le domaine de la physique soit infructueuse
pour connaître le monde car Dieu ne permet pas à l'Homme de connaître le monde entièrement,
malgré cela, les procédés de la raison mathématique ce que Domat, à la suite de Descartes, appelle
le mos geometricus, la manière mathématique ou géométrique de raisonner. Les procédés donc de
cette raison constitue donc une méthode infaillible qui peut être utilisé dans tous les domaines et en
particulier pour la science du droit, cette méthode permet de déduire une infinité de règles
particulières de quelques principes premiers et évidents.
C'est donc à la méthode reine de la science moderne que Domat fait appelle lorsqu'il entreprend de
mettre les lois civiles dans leur ordre naturel , c'est à dire de les mettre en système pour constituer
ce corps unifié de lois dont les juges de la France de Louis XIV ont, selon lui, un besoin urgent.
Pour constituer ce corps unifié, il faut bien évidemment tout d'abord identifier les milles règles
qui sont nécessaires à la vie sociale. Et ce sont ici les lois civiles, c'est le terme qu'il utilise c'est à
dire les lois romaines qui vont être utilisées.
Selon Domat, le recours au droit romain demeure indispensable . Pour lui les règles qui ont trait à la
vie sociale constitue toujours une solution concrète aux difficultés journalières que rencontrent les
Hommes de sorte qu'il faudrait plusieurs vies à un jurisconsulte pour élaborer toutes celles qui sont
nécessaires et il est donc nécessaire d'emprunter ces règles là où on peut les trouver c'est à dire pour
l'essentiel dans les compilations du droit romain.
Deuxième exigence : déterminer le principe premier à partir duquel pourra être édifié le corps que
toutes ces règles ont vocation à former.
Or, selon Domat, la révélation en montrant à l'Homme sa véritable nature lui indique ce que sont les
fondements et les buts de la société à laquelle son Créateur l'a destiné. C’est donc selon lui la loi
proposée par le Christ qui doit être le fondement de toutes les règles destinées à régir les Hommes.
Cette loi c'est la loi fondamentale de l'Amour. Dieu a demandé à commander plus exactement