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THEME 8 : Nouvelles figures du droit naturel

PISTE 41 : Présentation

Dans la France monarchique, malgré la progression importante du rôle de l’État dans la création et
la vie du droit, le droit commun grâce auquel les juristes interprètent et mettent en œuvre les normes
de droit positif, reste pour l'essentiel doctrinal et jurisprudentiel.
Malgré certaines spécificités propres à la tradition française, il n'y a pas sur ce point de différences
radicales avec ce qui se passe dans les autres pays européens. Pour les juristes de l'Ancien monde, le
degré de généralité des règles ne saurait résulter d'une imposition autoritaire, en clair ils ne
sauraient dépendre de l’État.
Il doit donc être cherché dans la plus ou moins grande étroitesse de leurs liens avec la raison qui est
pour eux la première loi des Hommes, c'est pourquoi ils qualifient de droit commun et utilise
comme telles celles de ces règles dans lesquelles ils reconnaissent la plus fidèle expression de la
raison souveraine.
Deux catégories de règles se sont vues ainsi reconnaître un statut particulier d'une part les règles
dites du droit des gens, entendus en son sens classique, celles dont les juristes constatent qu'elles
sont reçues, bien que sous des formes particulières par la plupart des Nations. D'autre part les lois
romaines, les lois civiles dont nul n'ignore, nul ne conteste qu'elles ont civilisé la quasi-totalité du
monde européen et qu'elles constituent l'une des bases des différentes législations nationales ainsi
que de leur mise en œuvre.
Ce droit commun européen qui est le cœur de la tradition classique ne va pas disparaître avec la
modernité.
A l'intérieur des différents ordonnancement juridiques nationaux, on continuera à rencontrer des
règles présentées comme l'expression du droit commun, sur le fond leur contenu subira peu de
variations et en ce qui concerne leur rôle , il demeurera globalement le même mais les fondements
qui permettent de justifier l'applicabilité universelle qui est reconnue à ces règles, ces fondements
vont être modifiés et malgré l'étonnante permanence des contenus, ces mutations vont être
suffisamment importantes pour entraîner un changement de vocabulaire qui est à l'origine de deux
des phénomènes essentiels de la modernité juridique, d'un côté l'émergence du droit naturel
moderne, de l'autre côté l'étatisation du droit qui va se concrétiser à travers la codification. Ce qui
tout d'abord permet l'émergence du droit naturel moderne c'est la disparition ou plutôt la
désintégration du droit des gens classiques.
A l'orée du XVIIème siècle, ce sont les théologiens eux-mêmes qui montrent que ce concept d'un
droit médian est impossible à penser mais au delà des problèmes logiques, si ce droit médiateur
disparaît c'est parce que Dieu en fait s'éloigne d'un monde où la science ne lui laisse plus une
véritable place. Le droit des gens disparaît aussi parce que désormais l'esprit habitué aux démarches
rigoureuses qui sont celles de la science moderne, le consentement, l'assentissement de la plupart
des Hommes ne paraît plus constituer un garant suffisant, l'applicabilité universelle reconnue aux
normes du droit des gens classiques ainsi au reste qu'à celle du droit romain, reposait en effet sur la
conviction que le consentement, la concorde qui rassemblait sur certains points les jugements des
Hommes, les opinions humaines, cette concorde pouvait permettre d'apercevoir à leurs points de
convergence une figure, une ombre du droit naturel, même si par ailleurs la raison ne réussissait pas
à démontrer totalement la nécessité de ces règles, or c'est la raison pour laquelle le droit des gens va
disparaître et le droit romain changer de fondements, le droit moderne qui se met en place ne croit
plus qu'à la logique du nécessaire.
Ce qui disparaît avec le droit des gens et avec le droit romain qui était l'instrument qui permettait la
mise en œuvre du droit des gens, ce ne sont pas les règles que ces droits proposaient mais le statut
qu'il leur était assigné. Le droit des gens et le droit romain contenaient en effet la plupart des règles

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qui vont réapparaître dans les systèmes de droit naturel qui vont être élaborés par l’École du droit
de la nature et des gens.
Deux mutations vont permettre cette récupération. D'une part la désintégration du concept de droit
des gens, qui permet de présenter les règles qui lui était attachées comme de pures déductions de la
raison. D'autre part la mise en perspective historique du droit romain qui d'un côté conduit à la
réduire au droit d'une communauté politique disparue et à en faire donc le domaine de l'Histoire
mais qui de l'autre côté permet de récupérer les normes qu'il proposait pour en faire un droit de
raison. C’est à la présentation de ce nouveau droit fondé sur la seule raison que va s'attacher la
nouvelle école de pensée qui domine la réflexion sur le droit au XVIIème et au XVIIIème siècle,
celle qu'on appelle l’École du droit de la nature et des gens ou encore École du droit naturel
moderne.
Pour cette nouvelle orientation de pensée dont les représentants viennent pour l'essentiel de l'Europe
protestante, la rupture intervenue dans l'interprétation du dogme a eu à l'évidence son importance,
pour cette Ecole ce n'est plus dans la relation de l'Homme à Dieu qu'il faut rechercher le fondement
permettant de fonder et de présenter les règles du droit juste par lui-même c'est à dire du droit
naturel, c'est désormais du côté des Hommes qu'ils cherchent ses fondements et ils les trouvent pour
l'essentiel dans le caractère raisonnable qui fait à leurs yeux la nature humaine.
Pour dessiner la figure de ce nouveau droit naturel sans Dieu, ils vont donc s'attacher à déterminer
les prérogatives constitutives de cette identité humaine, et s'efforcer de montrer que puisqu'elles
expriment l'essence, la nature de l'Homme, elles doivent être considérées comme des droits dont le
respect s'impose à tout législateur. A travers leur œuvre c’est donc la doctrine des droits naturels de
l'Homme, des droits de l'Homme qui s'esquisse et qui se précise. Plusieurs questions cependant
demeurent ouvertes. Comment s'accorder tout d'abord sur le contenu de ces droits ? Comment
ensuite leur donner une traduction en termes de droit positif ? Comment les mettre surtout
définitivement à l'abri de toute remise en cause ?
Ce que la raison de l'un croit démontrer est souvent remis en cause par la raison de l'autre et nul
n'ignore que seul l'intervention du législateur humain est capable d'arrêter, de clore les débats de
doctrine. Mais si on fait intervenir le législateur, comment empêcher que celui-ci ne détruise ce
qu'il aura lui même créer ?
Ces incertitudes, ces doutes mêmes expliquent que d'autres jurisconsultes ait choisi d'emprunter
d'autres voies et tout en s'efforçant de présenter le droit comme un système de proposition
rationnellement déduites les unes des autres et refuser de se passer de la référence à Dieu.
Cette voie c’est celle en Allemagne, du philosophe Leibnitz, malgré son intérêt théorique, son
œuvre n'aura que peu de résonance dans le monde des juristes, en France, c'est un magistrat du
siècle de Louis XIV, Jean Domat, qui va entreprendre de mettre le droit en système tout en
s'attachant à rattacher toutes les règles qu'ils utilisent, les lois civiles à la loi fondamentale que Dieu
a commandé aux hommes de respecter.
Cette œuvre de Jean Domat va jouer un rôle essentiel dans notre histoire puisqu'elle prépare la
codification.

PISTE 42 : La désintégration du droit des gens classiques

La première étape à franchir pour la constitution du droit naturel moderne c’est de mettre à l'écart le
droit des gens entendu en son sens classique.
Tel en effet qu'il est encore décrit par beaucoup au XVIème siècle, le droit des gens s'oppose de par
sa simple existence et de par les liens qui le rattache et au droit naturel et au droit positif, à la
séparation théorique radicale que la pensée juridique moderne va instaurer entre d'un côté un droit
naturel conçu comme une pure construction de la raison, et de l'autre côté un droit positif qui
désormais ne tire plus sa validité que de l'autorité qui en est la source et qui l'impose.
C'est donc parce qu'il faut permettre l'avènement d'une nouvelle vision du droit naturel qu'il est

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nécessaire de faire disparaître le droit des gens traditionnel. D'où bien sûr la lenteur de cette
disparition, la complexité des chemins qui y mènent.
Tout au long du XVIème, on constate que les différentes éléments constitutifs de cette notion sont
progressivement ébranlés puis désintégrer et ce travail permet de reclasser les différentes
institutions du droit des gens avec deux conséquences, d'un côté le droit naturel s'enrichit des
principales institutions de l'ancien droit des gens qui lui sont incorporés, de ce fait il acquière ce qui
lui manquait dans la tradition scolastique, il acquière tout simplement un contenu, en ce qui
concerne le terme droit des gens, il va désormais tendre à qualifier le seul droit qui régit les
relations entre les Nations et donc il tend à se réduire à ce que l'on appellera plus tard le droit
national public, en mentionnant que ce terme ne sera inventé par Bentham qu'au début du XIXème
siècle.
Les conséquences de cette évolution sont exposées au début du XVIIème siècle par celui qui est le
plus grand sans doute des penseurs de la seconde scolastique, le théologien jésuite espagnol
Francesco Suarez. Il démontre que le droit des gens diffère essentiellement du droit naturel et qu'il
n'est qu'une partie du droit positif.
Pour reprendre cette évolution, il convient de décrire les mutations qui sont apportées aux différents
éléments de la vision classique. Rappelons ces éléments, la thèse d'une droit naturel commun à
l'ensemble de la nature, la présentation du travail de la raison, la place donnée à l'assentiment des
nations. Les différentes évolutions qui se produisent dans ces trois domaines permettent de faire
apparaître les fondements du nouveau droit naturel qui va émerger, le droit naturel moderne. La
notion classique reposait sur une vision extensive du droit naturel que l'on concevait comme un
ordre de nature, assignant à chaque chose et à chaque être animé une place au sein de l'Univers,
cette vision extensive est de plus en généralement repoussée, si l'on doit reconnaître qu'il y a un
droit commun entre les Hommes et les bêtes écrivent certains jurisconsultes, alors il faut affirmer
qu'il y a un droit de courir, un droit de boire, un droit de dormir et personne bien évidemment ne
peut s'exprimer ainsi. Suarez confirme ces propos et ce rejet, Dieu dit-il gouverne les êtres
dépourvus de raison par une loi mais cette loi n'est que métaphorique, en effet les créatures
irrationnelles n'agissent pas librement et par conséquent conclut-il, elles ne sont pas capables de loi.
Deux évolutions à l'arrière plan ébranlent les données de cette vision traditionnelle, d'une part le
progression de la nouvelle image de l'univers qui est liée au développement de la science moderne.
Elle met en cause les bases de la vision hiérarchique qui régnait jusqu'alors et qui justifiait l'idée
d'un droit naturel commun à l'ensemble de la Création. Lié à cette nouvelle image scientifique du
monde, les progrès de la vision subjective du droit, bouleverse également les données
traditionnelles, on tend à analyser comme de véritables droits subjectifs, les différents statuts
attribués à chaque être, ce qui conduit à des affirmations dont il est ensuite facile de souligner
l'absurdité.
De là une première conclusion, le droit , la justice, la loi sont liés à la liberté et à la raison qui
caractérise l'être humain et par conséquent elles ne conviennent qu'aux seuls êtres humains.
L'effondrement des autres éléments de la méthode classique va susciter davantage de discussions, le
rôle de la raison était en effet important dans la constitution traditionnelle mais sa portée restait
incomplète, certes elle connaissait par une sorte d'évidence immédiate les principes du droit
naturel , en revanche dans la constitution du droit des gens, les préceptes qu'elle énonçait ne relevait
que du probable et ne présentait pas ce caractère de nécessité absolue qui pour ces esprits est le seul
critère acceptable.
La tentation est dès lors de simplifier, de distinguer, deux modes de raisonnement, ou bien la raison
se contente de déduire tous les préceptes qui sont effectivement contenus dans les principes
généraux du droit naturel, dans ce cas, ces conclusions ont la même valeur que les prémisses d'où
elle est partie et toutes les règles constituent du droit naturel, ou bien la raison résonne sur le
probable, sur les choses contingentes et changeantes, dans ce cas les règles qu'elle édicte ne tire plus
leur force obligatoire que du fait qu'elles sont posées, imposées par l'Homme. C’est le mérite de

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Suarez de démontrer la nécessité de modifier cette présentation classique. Selon lui, la longueur du
raisonnement est accidentelle et elle ne saurait conduire comme on l'a fait jusqu'à présent à
distinguer deux catégories de règles au sein du droit naturel. De deux choses l'une explique t-il ou
bien la force du précepte tient de ce qu'il est rationnellement déduit des principes premiers, dans ce
cas ce précepte fait partie du droit naturel ou bien la force de ce précepte ne vient pas de la raison et
dans ce cas là nous sommes en présence de droit positif.
Il reprend alors la liste des institutions classiquement rattachées au droit des gens, et il les
redistribue entre le droit naturel et le droit positif.
Déjà avant lui certains théologiens avaient décrits les principales institutions du droit des gens en
les présentant comme la mise en œuvre de permissions, de facultés convenant à la nature de
l'Homme vivant en société. Un caractère légitime avait ainsi été conféré à l'exercice de certaines
aptitudes qualifiées de faculté ou de permission. Suarez reprend cette présentation mais il montre
que la légitimité de ces permissions peut être démontré en raison, et que par conséquent, elles
constituent des droits qui appartiennent à l'Homme de par le droit naturel.
Ainsi l'occupation d'un lieu, la conduite d'une guerre, l'acquisition d'une propriété, tous ces actes
sont, pourvus que soit respecté certaines conditions, licites en vertu du droit naturel car dit Suarez,
ils constituent sa mise en œuvre. Et il conclut avec force, dans une formule parfaitement moderne, il
y a un droit naturel de faire tout cela, la raison le montre par la seule force de ses raisonnements.
Suarez est ainsi amené à faire passer la plus grande partie des institutions de l'ancien droit des gens
dans le domaine du droit naturel, reclassement qui est l'une des conséquences les plus importantes
de sa présentation car par là il permet l'émergence du nouveau droit naturel.
Les termes qu'il utilise font bien sûr songer aux définitions subjectives du droit qui sont déjà
apparus dans la mouvance du courant nationaliste, de fait au regard du contenu et du statut de ces
permissions, de ces facultés, la présentation qui est faite par les théologiens annonce les grands
systèmes de droit naturel conçu comme un ensemble de facultés légitimes. Ces systèmes donc
présenteront les théoriciens modernes.
En ce qui concerne maintenant la présentation du rôle assigné au consentement des Nations, il
permet donc de corroborer les conclusions que nous venons d'évoquer, il permet également de
donner au droit des relations entre États, un statut en partie nouveau.
Là aussi les conclusions sont importantes car c’est le nouveau droit international qui apparaît, entre
les Hommes, il y a, affirment les théologiens, une véritable unité et elle est quasi politique et
morale. Certes les États sont des communautés parfaites mais ils font partie d'une communauté plus
grande, laquelle comme toute société a besoin d'un roi pour régir les relations de ceux qui la
compose.
Ce droit c'est donc le droit de cette communauté de l'Humanité, il naît soit d'accords particuliers, ce
sont les Traités, soit d'un accord virtuel dont les coutumes internationales sont l'expression. Cette
désintégration du droit des gens classiques permet donc d'une part de le réduire à ce qu'on va
appeler plus tard, au XIXème siècle, le droit international public, c'est le point que nous venons de
voir mais surtout elle donne les premiers éléments pour construire un nouveau droit naturel qui ne
sera plus que l'expression de la raison. Ce droit naturel moderne va être présenter par l’École du
droit de la nature et des gens.

PISTE 43 : L’École du droit de la nature et des gens

Le qualificatif dont on a pris l'habitude de désigner les penseurs qui appartiennent à ce courant est
emprunté au titre que l'un de ses fondateurs va donner à son œuvre principale.
Parmi les premiers maîtres, ceux qu'on appelle les fondateurs, deux sont en effet essentiels, le
premier c'est celui de Hugo de Groot que l'on appelle de son nom latin GROTIUS, un
jurisconsulte et diplomate des Pays-Bas, dont l’œuvre maîtresse publiée en 1625, s'intitule du droit

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de la guerre et de la paix ( de jure belli ac pacis), marqué par un extraordinaire déploiement
d'érudition cette œuvre est une œuvre charnière. Des penseurs attachés aux thèses nouvelles y
verront un point de départ ; c’est selon eux GROTIUS qui a posé les bases de la nouvelle figure du
droit naturel. De fait, dans les prolégomènes de cet ouvrage, on peut lire une des formules clés de la
nouvelle vision des fondements du droit, il faut, affirme GROTIUS, que toutes les règles
présentées puissent être considérées comme valide et vraie même si on accepte de considérer que
Dieu n'existe pas. Proposition dont il ne manque pas de rappeler immédiatement qu'elle a un
caractère blasphématoire et inadmissible, mais il la propose quand même . Donc un point essentiel,
le droit naturel doit être valide même si on met Dieu à l'écart de la construction juridique.
Des innovations fondamentales mais il faut reconnaître que le lecteur contemporain est surtout
frappé par l'importance de la dette du jurisconsulte hollandais à l'égard des thèses et des thèmes
venus de la scolastique.
Même s'il emprunte beaucoup à GROTIUS et par lui à l'ancienne tradition, les ruptures sont plus
décisives chez le deuxième grand maître de l’École, Samuel de Bufendorf, un luthérien professeur
à l'université de Heidelberg. Son œuvre principale parue dans les années 1860-1870 s'intitule le
droit de la nature et des gens, et il s'ouvre sur la présentation d'une distinction essentielle
directement empruntée à Descartes dont il se veut le disciple, la distinction donc entre les êtres
moraux et les êtres physiques, ces choix théoriques permettent à Bufendorf, lorsqu'il aborde les
questions de droit de détacher la présentation des concepts juridiques de tout ancrage dans les faits
et d'en donner une analyse purement abstraite.
Pour compléter la présentation des penseurs de la modernité juridique, il conviendrait également
d'évoquer les noms et l’œuvre des représentants de l’École anglaise. Bien qu'il ne soit ni l'un, ni
l'autre des jurisconsultes de formation et de profession et ce qui explique que leur influence ne sera
pas immédiate dans le monde des juristes, il est évident que les thèses défendues par Thomas
Hobbes d'un côté, John Locke de l'autre vont avoir une influence très importante mais nous
n'aurons pas le temps de les présenter de manière plus complète.
C'est dans l’œuvre des fondateurs que se font les ruptures et les innovations décisives pour
l'émergence de la figure du droit naturel moderne.
Mais c'est pour l'essentiel au XVIIIème siècle que seront véritablement tirés et présentées les
conséquences des principes nouveaux, de multiples traités de droit naturel sont alors rédigés. Pour
l'essentiel par des professeurs puisque le droit naturel est l'objet d'un enseignement dans les
universités du monde germanique, mais également en Suisse. C'est donc une véritable science du
droit naturel qui prend forme et ceux qui la promeuve s'attache à présenter sous une forme
rationnelle , si possible déductive, les différentes prérogatives qui constituent les droits exprimant
l'essence de l'être humain, ces droits donc que l'on va appeler de plus en plus couramment les droits
de l'Homme.
Il n’est guère possible du fait de sa richesse et du grand nombre de ses représentants de présenter ce
courant de pensée dans son ensemble, c'est la raison pour laquelle nous nous borderons à rappeler
ce qui caractérise cette nouvelle figure du droit naturel si on la compare avec celle qui relevait de la
tradition ancienne.
L'ancienne pensée politique et juridique, laissait une large place à la raison humaine mais elle ne lui
attribuait pas un véritable pouvoir créateur.
La pensée juridique moderne au contraire croit dans les possibilités créatrices du discours de la
raison, selon eux , la raison humaine ne se contente pas de décrire un ordre qui s'imposerait de lui
même en vertu de la sagesse et de la volonté supérieure de celui qui en est l'auteur, c'est à dire Dieu,
cet ordre, elle le construit en même temps qu'elle se déploie elle même, ceci en vertu d'une sorte de
parallélisme présupposé, jamais véritablement démontré entre l'ordre logique des constructions de
la raison et l'ordre ontologique qui est à la base des être qui entourent l'Homme.
Donc un parallélisme entre les lois selon lesquelles s'ordonne le discours humain et les lois selon
lesquelles s'ordonne la matière.

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Les conséquences de ce rationalisme qui puise ses racines dans le discours scientifique sont
essentielles pour ce que l'on appelle dès cette époque les sciences humaines et en particulier pour le
droit et pour la politique. On en tire d'abord l'idée que c'est à la raison d'examiner le bien fondé, la
valeur de toutes les institutions et de toutes les règles. Tout ce qui ne trouve pas grâce aux yeux de
la raison doit en conséquence, être réformé voire détruit. Telle est la raison pour laquelle les
Hommes de la révolution de 1789 qui ont le sait , s'inspireront de cette pensée jusnaturaliste
moderne, ces révolutionnaires donc pratiqueront selon une expression qui reviendra souvent dans
leur discours la politique de la table rase. Ils estimeront nécessaire de passer au crible de l'examen
rationnel toutes les institutions héritées du passé et ils anéantiront toutes celles qui leur paraîtront
contraires au principe sur lesquels selon les règles de la raison la société humaine doit être bâti.
Au nom de la raison, c'est donc d'abord une œuvre destructrice qui sera menée. Mais bien
évidemment la raison doit également donné les moyens d'élaborer l'ordre nouveau. Elle le fait
d'abord en présentant les principes, elle le fait en permettant la construction d'un nouvel ordre
juridique et politique fondé sur ces principes. Ces principes constituent un droit naturel que la loi a
vocation non seulement à respecter mais également à mettre en œuvre.
Tel qu'il se présente à travers les systèmes élaborés par les professeurs du XVIIIème siècle, le droit
naturel se présente en effet comme un ensemble de règles a priori qui se fonde sur la seule raison
humaine, la raison construisant ce droit naturel à partir des principes innées qui sont présentés
comme exprimant ce qu'est l'Homme en son essence. Le droit naturel ainsi présenté constitue une
sorte de code idéal, lequel doit constituer la base nécessaire du droit positif et le but vers lequel il
convient de faire converger les règles de ce droit.
Pour comprendre dès lors, les nouveaux rapports entre la loi et droit naturel, on peut là aussi les
opposer à ce qui était proposé par la pensée juridique classique. Selon l'ancienne tradition, nous
l'avons vu, l'opposition droit naturel, droit positif est d'utilisation courante, mais dans la mesure où
il n'est pas connaissable en lui même, le droit naturel se manifeste pour l'essentiel à travers un
certain nombre d'institutions que leur généralité et leur permanence dote aux yeux des juristes d'une
valeur particulière. Il se concrétise, nous l'avons vu pour l’essentiel dans l'histoire, c'est dans les
données de l'expérience institutionnelle de l'humanité que le juriste qu'il soit juge ou législateur
doit aller chercher les matériaux de son œuvre. Ce droit naturel prend souvent la forme de droits
acquis, de libertés historiques garanties aux différents groupes de la société.
Pour la pensée juridique moderne au contraire, il ne saurait y avoir de libertés au pluriel, conçues
comme autant de privilèges, cette pensée part du principe que chaque être humain a des droits
naturels qui sont liés à son essence puisqu'ils sont liés à l'essence de l'Homme, ces droits naturels
doivent par conséquent être reconnus à la totalité des êtres humains.
Sur la liste de ces droits de l'Homme, il y bien sûr quelques variations mais tous s'accordent pour y
inclure la liberté, l'égalité et le droit de propriété. Le droit naturel par conséquent ne se découvre pas
à travers l'ordre historique des sociétés, il constitue un préalable à la formation de toute société car
il faut voir en lui le résultat des affirmations de la raison humaine , il n'exprime pas la nature des
choses mais la nature de l'Homme. Or, pour l'essentiel, les droits naturels correspondent aux
prérogatives liées à la nature raisonnable de l'être humain, ils expriment ce qu'est l'être humain en
son essence.
Ces droits naturels, ces droits de l'Homme (cette expression se diffuse au XVIIIème siècle) doivent
être respectés par les lois cela va sans dire mais elle doivent également permettre la mise en œuvre
de ces droits proclamés, droits naturels, là aussi en ce qui concerne le rôle de la loi, les mutations
vont être importantes.
Les libertés des anciens groupes sociaux étaient fondées nous l'avons dit sur des droits, elles
constituent des droits acquis. La liberté révolutionnaire au contraire n'est plus le résultat mais au
contraire le fondement du droit positif, le but de toute règle posées par le législateur c'est de garantir
les droits naturels et inaliénables de la personne humaine. La question cruciale est donc de
déterminer quels sont les moyens qui permettent d'assurer concrètement à ces droits naturels la

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supériorité que la raison leur reconnaît, il faut bien évidemment à ce point faire intervenir l’État, et
c'est à ce moment que les réponses apportées par le jurisconsulte français Jean Domat peuvent
montrer tout leur intérêt.

PISTE 44 : La problématique de Jean Domat

L’œuvre de Jean Domat est un moment essentiel de l'Histoire de la pensée juridique française parce
qu'elle renvoie à l'avenir et qu'elle renvoie au passé. Elle prépare l'avenir, l'historiographie française
a rangé le magistrat du temps de Louis XIV au premier rang des fameux jurisconsultes précurseurs
de la codification. Il suffit ici d'évoquer le jugement célèbre apporté au XIXème siècle sur son
œuvre principale, les lois civiles dans leur ordre naturel, sont comme la préface du code napoléon.

Mais si l’œuvre de Domat, par ses résultats concrets, débouche sur la codification, elle s'enracine
par ailleurs et de manière essentielle dans la puissante tradition augustiniste qui depuis la tradition
carolingienne conduit une grande partie des penseurs chrétiens à attendre de l'autorité publique
qu'elle contribue comme la puissance spirituelle mais avec d'autres moyens à rétablir dans une
société et un monde déréglé par la perversion des Hommes, l'ordre qui avait vocation selon la
volonté divine à y régner, ordre qui doit à la fin des temps y être rétabli pour unir à nouveau Dieu et
les Hommes. Le lien qui est ainsi établi à travers l’œuvre de Domat entre le passé et le futur
explique l'importance de cette pensée.

Pour mieux la mesurer, quelques mots sur sa vie nous permettrons de présenter la problématique
dans laquelle s'enracine son projet de mettre le droit en système.
Né à Clermont en 1625, mort à Paris en 1696, Jean Domat après avoir fait ses humanités chez les
Jésuites de Paris, étudie le droit à Bourges, où il a pour maître un disciple de Cujas, le grand maître
de la jurisprudence humaniste, revenu dans sa ville natale pour se consacrer d'abord à la profession
d'avocat, il y fait la rencontre en 1689 de Pascal, fondée sur un intérêt commun pour les
mathématiques, sur la convergence de leurs convictions jansénistes, une amitié profonde va lier les
deux hommes.
Devenu avocat du roi au présidial de Clermont en 1657, Domat va remplir cette mission pendant
presque trente ans. Participant en 1665 au grand jour d'Auvergne, Domat se lie avec quelques hauts
magistrats du parlement de Paris, ses amitiés jouent un rôle dans son installation à la capitale en
1681. Le plan de l'ouvrage qu'il prépare pour mettre en ordre les lois reçoit en effet l'agrément du
Roi auquel il est présenté, ce qui lui vaut une pension qui lui permet d'y travailler exclusivement.
Précédé du traité des lois qui en présente comme les prolégomènes théoriques, cette œuvre intitulée
les lois civiles dans leur ordre naturel paraît en 1689.
Le succès que cette œuvre obtient auprès d'un large public conduit à une seconde édition à laquelle
seront adjoint en 1697 après sa mort 4 livres du droit public, un traité consacré à montrer l'unité du
droit public ainsi que les harangues et discours qui avaient été prononcés par lui comme avocat du
roi de 1657 à 1681.
Pour mieux montrer, le succès de cet ouvrage, il faut rappeler le jugement de Boileau à cette
époque, il écrit que l'ouvrage de Domat lui a permis de discerner dans la science du droit une raison
qui lui était jusqu'alors demeurait étrangère donc selon Boileau, cette œuvre témoigne d'une
nouvelle raison juridique.
Sa vie en témoigne, Domat est un homme de foi, sa foi étant marqué par l'orientation janséniste
mais il est également un homme de droit et il doit résister à la tentation de devenir un homme de
science.
C'est au point de convergence de ces trois qualités que s’enracine l’œuvre de celui qui est sans
doute le plus grand jurisconsulte français des temps modernes. Et c'est pour l'essentiel de là qu'il tire
l'étonnante puissance de conviction qui fut rapidement et durablement celle de Jean Domat.

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Témoigne de cette importance, le nombre très élevé de réédition dont ses traités vont être l'objet,
ceci jusque dans les premières décennies du XIXième siècle.
Atteste également de cette influence, le grand nombre de références et d'emprunts qui vont être fait
à l’œuvre de Jean Domat lors de la rédaction du Code Civil. Placé par ses fonctions, avocat du roi,
au cœur du fonctionnement de la justice monarchique, Domat est en effet convaincu que c'était
d'une part dans l'incertitude et le désordre des lois, d'autre part dans les défaillances humains des
juges qu'il fallait chercher la raison des défauts de la justice monarchique.
Comme le montrent en effet les harangues, son projet s'enracine dans une méditation sur les moyens
susceptible de permettre au juge de remplir la mission que Dieu lui a expressément assigné. Les
juges ne cessent de répéter Domat doivent en toute circonstances rendre le jugement de Dieu.
Chez Domat en effet, dont la réflexion reprend les grands thèmes de la tradition des juges français,
c’est au juge au moins autant qu'au prêtre qu’est assigné la tâche de ramener les Hommes vers Dieu.
Le ressort fondamental de cette pensée doit donc être recherché dans cette idée que Domat se fait
du juge et de la fonction judiciaire, et la plupart des jurisconsultes de son temps partage cette
conviction, la justice demeure la première et la principale fonction de l’État.
Et s'il en est ainsi c'est que le juge met en œuvre la prérogative même par laquelle Dieu conduit les
Hommes. Elle est donc l'instrument essentiel, d'un pouvoir , le pouvoir politique dont tous
demeurent convaincus que sa vocation est de mener les Hommes vers Dieu. Par conséquent pour
être légitime et efficace la justice doit être construite sur les paroles de l’Écriture Sainte et c'est un
premier point important, Domat est ainsi amené à donner une portée véritablement constituantes
aux règles qu'il tire de la parole divine pour organiser la justice.
Selon lui, en effet, seul Dieu peut enseigner aux Hommes ce qu'est la justice, la justice ne fait qu'un
avec Dieu, elle est le moyen par lequel il gouverne depuis toujours ces êtres libres que sont les
Hommes. Il faut donc considérer que comme Dieu le lui a lui même expressément enseigné, les
juges ont vocation à tenir sa place en terre avec cette conséquence qu'ils sont appelés à rendre le
jugement de Dieu. Par conséquent, lorsqu'il juge un différent, le juge certes met en application les
lois inventées par les Hommes, le droit positif, mais pour accomplir sa véritable mission il doit dans
le même mouvement et avec les mêmes instruments rétablir une autre loi. Une loi dont les lois
humaines ne doivent être que la mise en œuvre, une loi qui en son essence vient de Dieu et vise par
conséquent les fins qui sont celles du Créateur.
Aux yeux de l'avocat du Roi, les juges manquent presque continuellement à ce qui est leur véritable
mission, s'il en est ainsi c’est parce que pour l'essentiel les méthodes d'interprétation qu'ils mettent
en œuvre ne leur permette pas de rendre une bonne justice. Ici l'hétérogénéité que confère aux
règles leur origine et leur portée rend selon Domat inévitable une trop grande liberté dans le mise
en œuvre des règles.
Les dangers de cette trop grande liberté sont en outre aggravé par la situation qui est celle du juge
dans le débat judiciaire bien qu'il soit investi d'une mission divine, le magistrat rappelle Domat
n’est qu'un homme en face d'autres Hommes.
Et il est inévitable qu'il prenne part si peu que ce soit aux intérêts et aux passions qui se présentent
et s'expriment devant lui , et qui sont à la racine des interprétation multiples qui sont données des
normes en conflit.
Ici l'inflexion janséniste qui marque l'ensemble de la pensée Domatienne, radicalise le regard du
magistrat, et elle s'exprime par des formules qu'il faut citer, le cœur, écrit Domat, juge comme
l'esprit aime. A ses yeux par conséquent, aucun juge ne peut espérer échappé à l'emprise des
passions qui pervertissent tout jugement humain. Contrairement à ses prédécesseurs il ne croit pas
que le respect des lois et de l'ordre judiciaire puisse assurer au juge l'assistance divine sans laquelle
il ne peut donc espérer tenir la place de Dieu, il faut donc c'est sa conclusion donner un tour d'écrou
de plus, contraindre le juge à respecter non pas seulement la loi elle-même mais à respecter l'ordre
purement logique qui doit lié les lois entre elles. C'est à ce but que répond son œuvre, il s'agit de
mettre en ordre, mettre en système, la totalité des règles nécessaires pour la résolution des

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conflits. Les lois civiles dans leur ordre naturel que nous allons étudier constituent donc la
réalisation de ce projet.

PISTE 45 : La mise en système du droit : les lois civiles dans leur ordre naturel

Mettre les lois dans leur ordre naturel. Pour comprendre ce projet il faut d'abord noter tout ce qui
sépare sur ce point Domat de la vision traditionnelle. Il ne s'agit pas seulement en effet de rappeler
les thèses classiques de la validité des lois posées par les Hommes, celles-ci leur vient de ce qu'elles
expriment la loi divine . Il s'agit et c’est le moment profondément novateur de la pensée du
jurisconsulte de transformer ce lien.
Alors que dans la présentation classique, ce lien ne peut être établi que par le juge, dans le jugement
c'est à dire de manière nécessairement ponctuelle et précaire. Domat va tenter de transformer donc
ce lien en un lien purement logique de telle sorte que ce lien s'impose au juge, 2ième mutation il
s'agit de faire ce travail pour la totalité des lois nécessaires à la vie sociale et il s'agit de le faire en
les faisant toutes apparaître comme les conséquences logiquement déduites d'un seul et unique
principe, le projet en soi n'avait rien de véritablement nouveau, il était en particulier en cette
deuxième moitié du XVIIème siècle ce à quoi songeait du coté des philosophes, un Leibnitz.
Mais le jurisconsulte français croit avoir trouvé le moyen de le réaliser vraiment. Selon lui, ce qu'il
faut changer radicalement ce n'est pas le contenu du droit et de fait il va pour construire son œuvre
réutiliser pour l'essentiel les matériaux fournis par le droit romain. Ce qu'il faut modifier c'est les
méthodes de la sciences juridique c'est à dire tout à la fois, les procédés d'exposition des règles et
par le même mouvement les techniques de leur mise en œuvre .
C'est donc à une autre raison que celle qui inspire les méthodes traditionnelles qu'il va faire appel.
De l'attrait premier qu'il a partagé avec Pascal pour les nouvelles méthodes d'investigation du
monde proposé par la pensée scientifique moderne, le magistrat garde une conviction qu'il ne
remettra jamais en cause, bien que leur utilisation dans le domaine de la physique soit infructueuse
pour connaître le monde car Dieu ne permet pas à l'Homme de connaître le monde entièrement,
malgré cela, les procédés de la raison mathématique ce que Domat, à la suite de Descartes, appelle
le mos geometricus, la manière mathématique ou géométrique de raisonner. Les procédés donc de
cette raison constitue donc une méthode infaillible qui peut être utilisé dans tous les domaines et en
particulier pour la science du droit, cette méthode permet de déduire une infinité de règles
particulières de quelques principes premiers et évidents.
C'est donc à la méthode reine de la science moderne que Domat fait appelle lorsqu'il entreprend de
mettre les lois civiles dans leur ordre naturel , c'est à dire de les mettre en système pour constituer
ce corps unifié de lois dont les juges de la France de Louis XIV ont, selon lui, un besoin urgent.
Pour constituer ce corps unifié, il faut bien évidemment tout d'abord identifier les milles règles
qui sont nécessaires à la vie sociale. Et ce sont ici les lois civiles, c'est le terme qu'il utilise c'est à
dire les lois romaines qui vont être utilisées.
Selon Domat, le recours au droit romain demeure indispensable . Pour lui les règles qui ont trait à la
vie sociale constitue toujours une solution concrète aux difficultés journalières que rencontrent les
Hommes de sorte qu'il faudrait plusieurs vies à un jurisconsulte pour élaborer toutes celles qui sont
nécessaires et il est donc nécessaire d'emprunter ces règles là où on peut les trouver c'est à dire pour
l'essentiel dans les compilations du droit romain.
Deuxième exigence : déterminer le principe premier à partir duquel pourra être édifié le corps que
toutes ces règles ont vocation à former.
Or, selon Domat, la révélation en montrant à l'Homme sa véritable nature lui indique ce que sont les
fondements et les buts de la société à laquelle son Créateur l'a destiné. C’est donc selon lui la loi
proposée par le Christ qui doit être le fondement de toutes les règles destinées à régir les Hommes.
Cette loi c'est la loi fondamentale de l'Amour. Dieu a demandé à commander plus exactement

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aux Hommes de s'aimer les uns les autres, cette loi fondamentale de l'Amour est le principe
premier absolument certain qui est nécessaire pour construire le système juridique.
Toute l’œuvre juridique de Jean Domat va donc consister à faire apparaître les lois comme des
conséquences logiquement déduite de cette unique loi capitale, concrètement cela signifie qu'il va
s'attacher à reconstituer les liens logiques qui permettent donc de présenter les lois civiles comme
des déductions de la loi fondamentale qui ordonne aux Hommes de s'aimer entre eux.
Un travail de mise en ordre, de mise en système, il permet d'unifier les lois selon un ordre qui est
tout à la fois vertical et horizontal, il est d'abord vertical et cet ordre vertical c’est l'ordre qui est créé
par le raisonnement déductif qui de degré en degré rassemble des lois aux principes premiers qui est
leur base.
Mais cet ordre est également horizontal car à chaque degré de cette chaîne démonstrative, ce n'est
pas une loi mais plusieurs règles qui sont déduites de sorte que dans la pyramide qui est ainsi
construite, on peut discerner des sortes d'étages dans l'ordonnancement juridique général.
Conséquence toutes les lois se voient assigner un rang que détermine leur plus ou moins grande
proximité avec la norme fondamentale. Elles se voient assigner également une place au sein de cet
ordonnancement juridique.
De là plusieurs conséquences essentielles qui ont vocation à modifier radicalement les procédés par
lesquels le juge interprète la loi. Tout d'abord, l'établissement de liens logiques rassemblant
l'ensemble des normes les fait tout apparaître comme la mise en œuvre du principe unique qui en est
la base. La conséquence précise c'est que selon Domat le lien établi confère à toutes les lois la
même valeur fixe et irréfutable qu'aux principes premiers dont elles sont déduites. Ici une
affirmation essentielle, toutes les normes désormais affirment Domat doivent être considérées
comme essentiellement juste, toutes dans l'esprit du juge doivent bénéficier de la même
irréfutabilité fondamentale qui est celle des lois révélées par Dieu.
Et la conséquence bien évidemment est que le juge perd le pouvoir qui était le sien d'apprécier la
valeur des lois et de leur conférer une valeur plus ou moins importante, en outre, chaque loi a
désormais son champ d'application déterminer par sa place dans son nouveau corps du droit.
Par là le juge discerne immédiatement qu'elles sont les lois applicables aux lois qu'il doit trancher.
Comme en les voyant à leur place, il les voit également dans la hiérarchie qui de proche en proche
les rattache à la loi première, il sait selon quel ordre d'applicabilité, il convient de les interpréter et
grâce à ces modifications, grâce à cette nouvelle méthode, le juge sera assuré que le jugement ainsi
formulé exprime une loi qui peut être considéré comme la loi même de Dieu.
Grâce à ce nouvel instrument que fournit la mise en système du droit, l'acte de jugement et
l'irréductible part d'arbitraire qu'il comporte tend à se transformer en un pur acte de connaissance et
c'est bien un nouveau statut qui est assigné au juge.
C'est donc réduire l’œuvre de Domat que d'y voir une simple étape dans le processus qui nous
conduit à la codification de 1804, si Domat a été salué comme le précurseur du Code c'est bien
évidemment d'abord parce qu'un certain nombre des articles de ce Code ont été empruntés à son
travail de jurisconsulte mais l'apport le plus important de Domat est que sa pensée et son œuvre
montrent à quelles exigences répondent, en quoi consiste, et vers quoi mène ce rassemblement des
règles juridiques que l'on va appeler plus tard une codification.
Non point seulement, une simple amélioration technique des modes de présentation des normes, là
une meilleure lisibilité du droit, mais une mutation essentielle qui affecte tout à la fois les buts
assignés à la loi et surtout les modalités de sa mise en œuvre qui affecte par là le statut du juge, ce
sont ces points que nous allons pouvoir étudier en présentant le phénomène de la codification.

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