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Collection
Pratiques et enjeux pédagogiques Philippe Perrenoud
dirigée par Michel Develay
avec la collaboration de Philippe Meirieu

Construire
des compétences
dès l'école

@ ESF éditeur 1997


2e édition 1998
ISBN 2 7101 1250 7
ISSN 1275-0212

Le Code de la propriété intellectuelle n'autorisant, aux termes de l'article L.122-5, 2° et


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représentation ou reproduction intégrale, ou partielle, faite sans le consentement de
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représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une
contrefaçon sanctionnée par les articles L. 335-2 et suivants du Code de la propriété
intellectuelle.

23, rue Truffaut, 75017 Paris


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Programmes scolaires et compétences

Programmes scolaires et compétences


L'approche par compétences ne s'oppose à la culture générale que si on donne à cette dernière une
orientation encyclopédique. Si l'on réduit la culture générale à une accumulation de connaissances, aussi
riches et organisées soient-elles, on délègue leur transfert et la construction de compétences aux formations
professionnelles, avec des exceptions pour quelques compétences disciplinaires jugées fondamentales. Ce
n'est pas la seule conception possible. Préparer les jeunes à comprendre et transformer le monde dans lequel
ils vivent, n'est-ce pas l'essence même d'une culture générale ? Pourquoi la culture deviendrait-elle moins
générale lorsque la formation ne passe pas seulement par la familiarisation avec les œuvres classiques ou
l'assimilation de connaissances scientifiques de base, mais aussi par la construction de compétences
permettant de faire face avec dignité, sens critique, intelligence, autonomie et respect d'autrui aux diverses
situations de l'existence ? Pourquoi la culture générale ne préparerait-elle pas à faire face aux problèmes de
la vie ?

Cette orientation n'est pas absente des études longues, qu'on crédite souvent de vertus globales de
formation de l'esprit à travers les langues anciennes, l'analyse grammaticale, l'explication de textes,
l'apprentissage de la démarche expérimentale, les mathématiques ou l'informatique. Ce credo, consacré par
la tradition humaniste aussi bien que scientifique, par exemple dans la mouvance de Bachelard, ne renvoie-t-
il pas à ce qu'on appelle ici des compétences ?

Compétences et pratiques sociales


Toute compétence est fondamentalement liée à une pratique sociale d'une certaine complexité. Non pas à
un geste précis, mais à l'ensemble des gestes, des postures, des paroles inscrits dans la pratique qui leur
donne sens et continuité. Une compétence ne renvoie pas nécessairement à une pratique professionnelle, et
exige moins encore que celui qui s'y adonne soit un professionnel à part entière. Ainsi peut-on, en amateur,
donner un concert, organiser des voyages, animer une association, soigner un enfant, planter des tulipes,
placer de l'argent, jouer une partie d'échecs ou préparer un repas. Toutes ces pratiques, toutefois, admettent
une forme professionnalisée. Ce qui n'a rien d'étrange : les métiers nouveaux naissent rarement ex nihilo, ils
représentent en général l'aboutissement d'un processus de professionnalisation graduelle d'une pratique
sociale au départ diffuse et bénévole. II est donc normal que toute compétence largement reconnue évoque
une pratique professionnelle instituée, émergente ou virtuelle.

Dans les formations professionnelles, on entend préparer à un métier qui confrontera le praticien à des
situations de travail qui, en dépit de la singularité de chacune, pourront être dominées grâce à des
compétences d'une certaine généralité. Un contrôleur aérien ou un médecin doivent savoir faire face à une
situation d'urgence, un commissaire de police à une prise d'otages, un ingénieur à un dysfonctionnement
imprévisible, un avocat à un témoin inattendu, un négociateur ou un joueur de tennis à des tactiques inédites
de leurs adversaires, etc. La mise en place d'une formation professionnelle consiste d'abord à bien identifier
les situations pertinentes, en considérant à la fois les situations relativement banales, mais qui n'appellent pas
pour autant un traitement de routine, et les situations exceptionnelles, qui requièrent la totalité de l'expertise,
de la créativité et du sang-froid du praticien. Sans être simple, ce travail est au principe de la transposition
didactique en formation professionnelle [Arsac et al., 1994 ; Perrenoud, 1994]. Dans ce domaine, on n'est
jamais à court de situations concrètes à partir desquelles réfléchir. Le problème est plutôt de ne pas se perdre
dans leur diversité, de les regrouper et de les hiérarchiser pour identifier un nombre restreint de compétences
à développer et les ressources qu'elles mobilisent.

La question se pose très différemment dans le cadre des formations scolaires générales, dans la mesure où
elles ne conduisent à aucune profession particulière, ni même à un ensemble de professions. Quel est alors le
principe d'identification des situations à partir desquelles on pourrait repérer des compétences ? Face à ce
problème, on peut distinguer deux stratégies : la première est de mettre l'accent sur des compétences

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transversales, alors que leur existence même est contestée [Rey, 1996], la seconde de « faire comme si » les
disciplines formaient d'ores et déjà à des compétences dont l'exercice en classe préfigurerait la mise en
œuvre dans la vie professionnelle ou extraprofessionnelle.

À la recherche de compétences transversales


Pour écrire des programmes scolaires visant explicitement le développement de compétences, on peut
envisager de prélever dans diverses pratiques sociales des situations problématiques pour en « extraire » des
compétences dites transversales. Si l'on tente un instant l'exercice, on s'apercevra que la gamme est très
vaste, presque inépuisable. Pour la réduire, parvenir à des listes de longueur raisonnable, on cherchera à
élever le niveau d'abstraction, à composer de très larges familles de situations.

Que trouvera-t-on alors ? En général, les caractéristiques générales de l'action humaine, qu'elles relèvent
de « l'agir communicationnel » ou de l'action technique : lire, écrire, observer, comparer, calculer, anticiper,
planifier, juger, évaluer, décider, communiquer, informer, expliquer, argumenter, convaincre, négocier,
adapter, imaginer, analyser, comprendre... Pour rendre comparables les situations les plus diverses, il suffit
de les dépouiller de leur contexte. On retrouve alors les caractéristiques universelles de l'action humaine,
interactive, symbolique, non programmée, donc objet de décisions et de transactions. À un certain niveau
d'abstraction, on peut la définir indépendamment de son contenu et de son contexte.

C'est ainsi qu'il est parfaitement possible et légitime de donner un sens à des verbes comme argumenter,
prévoir ou analyser. Argumenter : « Discuter en employant des arguments, prouver ou contester quelque
chose par des arguments ». Argument : « Raisonnement destiné à prouver ou à réfuter une proposition, et,
par extension, preuve à l'appui ou à l'encontre d'une proposition ».

Prévoir : « Connaître et annoncer (une chose future) comme devant être, devant se produire ». Prévision :
« Action de prévoir, connaissance de l'avenir ».

Analyser : « Faire l'analyse de... ». Analyse : « Opération intellectuelle consistant à décomposer un texte
en ses éléments essentiels, afin d'en saisir les rapports et de donner un schéma de l'ensemble » ou « Action
de décomposer un mélange dont on sépare les constituants ».

Le Robert l'atteste, on peut trouver un sens à ces trois concepts tout à fait indépendamment des contextes
et des contenus de l'action visée, en ne retenant que ce qu'il y a de commun à une multiplicité d'actions ou
d'opérations en réalité très différentes. Cela signifie-t-il que ces actions, ainsi réunies logiquement, font appel
à une seule et même compétence ? Rien n'est moins sûr.

Prenons l'exemple de l'analyse. On peut défendre l'idée qu'une personne pourrait maîtriser une
démarche analytique générale, applicable à tous les contenus, dans les contextes les plus divers. On
peut soutenir au contraire que, dans chaque type de contexte et pour chaque type de contenu, il faut
construire une compétence spécifique. Cette seconde thèse paraît plus proche de ce que nous
apprennent aussi bien les sciences humaines que notre expérience quotidienne : qui sait analyser un
texte ne sait pas ipso facto analyser un produit chimique, et inversement. Le Robert distingue
d'ailleurs explicitement deux sens, en faisant de l'analyse chimique une pratique spécifique. Mais les
autres démarches d'analyse ont-elles plus d'unité ? Peut-on considérer l'analyse d'un nombre, d'une
constellation stellaire, d'un paysage, d'un tableau clinique, statistique ou artistique, d'un rêve, d'une
radiographie ou d'une partition musicale comme des manifestations d'une seule et même compétence ?
Dans tous les cas, il y a pourtant analyse, au sens d'une séparation des composants, mais l'unité du
concept dans l'esprit de l'observateur, et même dans celui du sujet concerné, ne commande pas l'unité
de la compétence. S'il existe un improbable acteur ayant développé une compétence d'analyse de
réalités aussi diverses, par delà la pluralité des contextes, des contenus, des enjeux et des finalités de
l'analyse, on peut simplement avancer l'hypothèse que sa « compétence analytique » ne s'est pas
constituée d'emblée et s'est construite par généralisation, mise en relation ou transfert de compétences
plus spécifiques.

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En fin de compte, il appartient à chacun, lorsqu'il est aux prises avec la réalité, de constituer à sa façon
des familles de situations. S'il est capable de grouper toutes les situations appelant une analyse et de
mobiliser, pour y faire face, une seule et même « compétence analytique », fort bien, mais cela n'autorise ni
à postuler une compétence aussi large chez d'autres acteurs, ni même à en prédire ou à en souhaiter le
développement progressif chez chacun, comme s'il y avait un bénéfice indéniable à savoir analyser n'importe
quoi à partir d'une seule compétence. Quelqu'un peut exceller dans diverses démarches d'analyse en ayant
développé, pour chacune, une compétence spécifique. Rien ne dit qu'il serait moins efficace, au contraire.

Pratiques de référence et transposition


Cette problématique est embarrassante pour qui souhaite élaborer un référentiel de compétences
transversales. Par définition, un tel référentiel est standard, et invite donc tous ceux qui s'en servent à se plier
aux familles de situations retenues par les auteurs du référentiel, donc à leur vision du monde. Cette façon de
faire est en partie défendable dans le champ des métiers, du fait de la référence commune à une culture
professionnelle qui propose une typologie des situations de travail. Il n'y a rien d'équivalent pour les
situations de la vie. Les actions et opérations répertoriées dans le dictionnaire – imaginer, raisonner,
analyser, anticiper, etc. – ne correspondent pas à des situations identifiables, tant leur niveau de formulation
est abstrait et ne fait référence à aucun contexte, aucun enjeu, aucune pratique sociale.

Ce problème ne se pose pas seulement pour des compétences méthodologiques ou transdisciplinaires, il


surgit dans chaque discipline : en français, par exemple, résumer désigne des pratiques très diverses, de
même qu'argumenter, interroger, narrer ou expliquer. Les textes de même type ont une unité syntaxique au
niveau de la « grammaire textuelle », mais leur sens pragmatique peut être très varié. Résumer pour
retrouver de l'information, pour donner un aperçu, pour inciter à lire, pour dispenser de lire, pour appuyer un
jugement critique, pour faciliter les recherches dans une base de données sont des pratiques distinctes, qui
renvoient en général à des compétences différenciées, même s'il y a toujours « contraction de texte », donc
quelques opérations textuelles communes.

Couvrant un ensemble de disciplines et de niveaux, un plan d'études ne peut se permettre d'égarer les
enseignants censés s'en servir dans une myriade de situations particulières, dont chacune poserait d'ailleurs,
au moment de l'énoncer, des problèmes éthiques ou idéologiques difficiles. Inscrire « savoir argumenter »
dans un référentiel de compétences pour l'école de base ne dérange que ceux qui pensent – sans doute est-ce
une minorité aujourd'hui – qu'il vaut mieux ne pas former le plus grand nombre à l'argumentation, sous peine
de menacer l'ordre social. En revanche, si l'on spécifie les situations et les pratiques argumentatives de
référence, on se trouve devant d'innombrables dilemmes politiques et éthiques. Dans la vie, en effet, on
argumente pour servir de nobles causes, pour faire entendre le droit ou la raison, mais aussi pour influencer
autrui à des fins moins admirables, emporter une décision, réduire un contradicteur au silence, se disculper,
échapper à une sanction, dissimuler une tromperie, détourner l'attention, mendier une faveur, briller en
société, mettre l'autre en difficulté, gagner une élection, se faire engager, obtenir une autorisation,
marchander ou vendre, gagner du temps. Qui admettrait que l'école prépare ouvertement à des situations
« moralement ambiguës » ? Alors qu'argumenter paraît, in abstracto, une compétence « noble », toute
référence à un enjeu réaliste pourrait susciter un vif débat éthique et idéologique. On peut tenter le même
exercice avec raisonner, calculer, ou imaginer :

– on peut « imaginer » une fête insolite ou un supplice original,

– on peut « calculer » pour mettre au point un budget de développement ou une fraude fiscale ;

– on peut « raisonner » pour sauver une vie ou préparer un hold-up.

On comprend pourquoi l'école ne s'aventure pas sur le terrain miné des pratiques sociales et s'en tient
généralement, lorsqu'elle propose un référentiel de compétences transversales, à des formulations prudentes,
assez « éthérées », au mieux assorties de quelques exemples présentables. De tels programmes, hélas,
laissent entière la question de la transposition didactique. Si l'on forme les compétences par la pratique, ce
doit être nécessairement dans des situations concrètes, avec des contenus, des contextes et des enjeux
identifiés. Lorsque le programme ne propose aucun contexte, il laisse aux enseignants la responsabilité,

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c'est-à-dire le pouvoir et le risque, de le déterminer. Ceux qui souhaitent donner aux professeurs la plus
grande autonomie possible dans le choix des contenus et des démarches de formation s'en féliciteront. Cela
pose cependant deux problèmes :

• Les professeurs acquis à l'idée de compétences assumeront des responsabilités considérables dans le
choix des pratiques sociales de référence et y investiront leur propre vision de la société, de la culture et de
l'action, plus encore que lorsqu'ils transmettent des connaissances.

• Les professeurs qui ne voient pas l'intérêt d'une telle approche, qui ne sont ni désireux ni capables de
faire ce travail de transposition à partir des pratiques sociales, le négligeront et s'en tiendront à des
compétences disciplinaires consacrées, par exemple, en français, le résumé, l'explication de textes, la
composition d'idées, en mathématiques les opérations arithmétiques, la résolution de problèmes ou
d'équations, la construction de figures, la démonstration. Ils investiront par ailleurs l'essentiel de leur énergie
dans la transmission de connaissances théoriques et de méthodes.

Y a-t-il une réponse satisfaisante à cette question ? Peut-être, à condition que les auteurs des programmes
soient à la fois assez engagés pour faire des choix clairs et assez habiles pour multiplier les exemples de
situations dépourvues d'équivoque, sans pour autant tomber dans le piège de la liste exhaustive. Ce qui
exigerait une réponse claire, et donc courageuse, à la question de savoir quel type d'êtres humains l'école
veut former, en vue de quelles pratiques familiales, sexuelles, politiques, syndicales, artistiques, sportives,
associatives, etc. Le choix des compétences transversales à développer en dépend !

Les connaissances pourraient en réalité poser les mêmes problèmes, si l'on voulait bien y réfléchir. On se
protège en remettant à chacun la responsabilité morale de l'usage des savoirs – science sans conscience... –
et en accentuant le caractère général et propédeutique des savoirs enseignés à l'école primaire ou au collège.
Ce n'est qu'en aval dans le cursus qu'on dispense – par exemple aux futurs médecins, chimistes,
informaticiens ou ingénieurs – des connaissances susceptibles de sauver ou de détruire des vies ou des biens.
S'agissant des compétences, il est difficile de noyer pareillement le poisson, car il n'existe pas de
compétences propédeutiques, chacune donne d'emblée un pouvoir sur autrui et sur le monde, et l'usage de ce
pouvoir est immédiatement inscrit dans des rapports sociaux, donc suspect de « sentir le soufre », si l'on
renonce à la langue de bois.

Les systèmes éducatifs sont-ils prêts à appeler un chat un chat ? Ils vont plutôt, s'ils adoptent le langage
des compétences transversales, s'en tenir à des formulations très générales et aseptisées, sans référence à des
pratiques ou des contextes identifiables. Ainsi, les textes seront assez lisses et neutres pour pouvoir être
adoptés par des instances de décision qui ne parviennent à tomber d'accord que sur des intentions assez
vagues. Une société démocratique est, légitimement, à la recherche d'un compromis acceptable [Perrenoud,
1995 a]. Cette recherche du consensus ne favorise pas l'expression claire des finalités de l'école. Elle
obscurcit toute référence concrète à la vie des gens, pour ne pas souligner la diversité des valeurs et
l'inégalité des conditions sociales. On pourrait peut-être, aujourd'hui encore, proposer de former les élèves à
la compréhension active des enjeux et des dangers de l'ingénierie génétique. Qui oserait faire une
proposition équivalente pour le nucléaire ? Les lobbies, qui sentiraient leurs intérêts menacés, feraient
pression en faveur d'une formule plus prudente, par exemple « Comprendre les enjeux, les chances et les
dangers du développement technologique ».

Compétences et disciplines
Développer des compétences dès l'école conduirait, craignent certains, à renoncer aux disciplines
d'enseignement et à tout miser sur des compétences transversales et une formation pluri-, inter- ou
transdisciplinaire. Rien n'est plus faux. La question est plutôt de savoir à quelle conception des disciplines
scolaires on se rattache. En toute hypothèse, les compétences mobilisent des connaissances dont une grande
partie sont et resteront d'ordre disciplinaire, aussi longtemps que l'organisation des savoirs savants
distinguera des disciplines, chacune prenant en charge un niveau ou une composante de la réalité.

Cette position peut surprendre, puisque ce sont les tenants des compétences « transversales » qui, le plus
souvent, défendent l'approche par compétences, alors que les défenseurs des approches disciplinaires s'en

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défendent... C'est justement ces clivages qu'il faut dépasser. L'accent mis ici et là – effet de mode ! – sur les
compétences dites « transversales » peut, paradoxalement, nuire à l'approche par compétences, qui ne nie
pas les disciplines, même si elle les combine parfois dans la résolution de problèmes complexes. La
transversalité totale est un fantasme, le rêve d'un no man's land où l'esprit se construirait hors de tout
contenu ou plutôt, en n'utilisant les contenus que comme des terrains d'exercice plus ou moins féconds de
compétences « transdisciplinaires ». Je ne peux ici que renvoyer aux réflexions de Romainville [1994].

Le vrai débat n'oppose pas, à mon sens, partisans des disciplines et tenants du pluri-, de l'inter- ou du
transdisciplinaire. Il oppose :

• d'une part, ceux qui pensent que l'école doit s'en tenir à transmettre des savoirs et à développer quelques
capacités intellectuelles très générales (savoir analyser, argumenter, etc.) hors de toute référence à des
situations et à des pratiques sociales ;

• d'autre part, ceux qui plaident pour la construction de compétences de haut niveau aussi bien à
l'intérieur des disciplines qu'à leur intersection, donc travaillent le transfert et la mobilisation des
connaissances dans des situations complexes, bien au-delà des exercices classiques de consolidation et
d'application.

L'insistance exclusive sur le transversal – au sens d'interdisciplinaire ou de non disciplinaire – appauvrit


considérablement l'approche par compétences. Elle rejette dans le camp des adversaires tous ceux qui
seraient prêts à faire un bout de chemin en direction des compétences, mais les voient ancrées dans les
disciplines. Une « concession purement tactique » n'aurait aucun intérêt. Si les compétences sont, pour une
large part, articulées à des savoirs disciplinaires, c'est tout bonnement parce que les disciplines organisent en
partie le monde du travail aussi bien que la recherche. Le souci du développement de compétences n'a rien à
voir avec une dissolution des disciplines dans un vague « potage transversal ». Ce qui ne dispense pas
d'interroger les fermetures et les intersections des disciplines.

On sait aujourd'hui qu'ingénieurs, médecins, gestionnaires, chercheurs utilisent bien d'autres


connaissances que celles qui relèvent de leurs disciplines respectives. Dans certaines fonctions, la discipline
de base compte moins que la capacité réflexive et la faculté d'apprendre. Tout cela contribue à rééquilibrer
une vision du monde trop schématiquement liée aux découpages disciplinaires. Il serait absurde de tomber
dans l'excès inverse, pour charger les disciplines de toutes les aliénations, après les avoir parées de toutes les
vertus. Il est vrai que leur existence scolaire peut prendre la forme de l'isolement, de l'ignorance des autres
ou du déni mutuel. Dans les entreprises et les administrations, les frontières sont moins rigides et les
identités plus mobiles. On peut plaider pour des carrefours, des lieux d'intégration, des coopérations entre
disciplines, dès l'école, sans pour autant nier la cohérence de chacun, qu'elle doit à une « fermeture
optimale ». Bref, le « tout transversal » ne mène pas plus loin que le « tout disciplinaire » !

Entre « tout disciplinaire » et « tout transversal »


Si l'on réfère chaque compétence à une famille de situations, la question cruciale est d'ordre empirique :
les situations les plus probables font-elles appel prioritairement aux ressources d'une discipline ? de
plusieurs ? de toutes ? d'aucune ? On peut et on doit envisager plusieurs cas de figure.

• Il y a des situations dont la maîtrise puise essentiellement ses ressources dans une seule discipline :
écrire un conte, expliquer une révolution, identifier des transformations géophysiques, disséquer une souris
ou transcrire une mélodie mobilisent des connaissances disciplinaires différentes, même si toutes font appel
à certains savoir-faire méthodologiques communs à plusieurs disciplines et à des schèmes de pensée et de
communication plus généraux. Les situations scolaires, y compris au stade de l'évaluation, sont en général
construites pour être « intradisciplinaires », mais il en va de même de situations de travail, lorsque la tâche
professionnelle coïncide avec une discipline, ce qui est le cas d'une partie des métiers exigeant une formation
littéraire, gestionnaire ou scientifique « pure ».

• Il y a des situations dont la maîtrise puise dans les ressources de plusieurs disciplines identifiables. C'est
le cas de nombreuses situations de la vie en dehors de l'école, dans le travail et hors du travail. Dans le

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travail, les emplois moins qualifiés font en général appel à des aspects de certaines disciplines scolaires, le
français, les mathématique, parfois, certains éléments de biologie, de chimie ou de physique. Dans certaines
professions très qualifiées, les situations auxquelles sont confrontés les praticiens les conduisent à
développer des compétences mobilisant les apports de plusieurs disciplines, sans s'enfermer dans aucune. Un
médecin, un architecte, un ingénieur, un chef d'entreprise, utilisent de larges fragments de plusieurs
disciplines scolaires et universitaires, mais aussi des savoirs constitués propres à leur domaine d'action, qu'ils
soient savants, professionnels ou fondés sur l'expérience. De fait, toutes les unités ou facultés
interdisciplinaires – par exemple en sciences de la terre, du travail, de l'éducation, de la communication ou
de la santé – sont construites autour de champs de pratiques sociales, qui constituent des carrefours
interdisciplinaires. Les compétences professionnelles développées s'appuient alors sur diverses
connaissances, disciplinaires, interdisciplinaires et professionnelles. Quant aux situations de la vie
quotidienne, elles mélangent très souvent quelques bases scolaires – savoir-faire et connaissances
disciplinaires – et d'autres éléments, relevant de la connaissance commune, des savoirs professionnels ou des
savoirs d'expérience. Organiser ses vacances, planifier un déménagement, poser une moquette, régler une
succession, entretenir un jardin, rédiger un tract : ces activités mobilisent toutes un peu de français et, selon
les cas, de mathématiques, de géographie, de biologie, de droit, d'économie, mais aucune ne s'inscrit dans
une seule sphère disciplinaire.

• Il y a des situations dont la maîtrise ne passe par aucune connaissance disciplinaire – sauf la langue
maternelle, qui préexiste à son enseignement – et relève uniquement de savoirs d'expérience ou d'action, de
savoirs traditionnels ou professionnels, ou encore de savoirs locaux difficiles à classer selon une grille
disciplinaire. À quelles disciplines scolaires fait-on appel lorsqu'on organise un mariage ou qu'on dresse son
chien ?

Bien entendu, il n'existe aucune pratique humaine dont une science constituée ou émergente ne puisse
s'emparer, pour la décrire, mais aussi lui proposer des références théoriques ou procédurales. Notons
cependant que les disciplines alors pertinentes ne sont pas enseignées à l'école et ne sont que des apports
potentiels, dans la mesure où tous les praticiens ne les maîtrisent pas ou n'en connaissent même pas
l'existence. C'est ainsi que la zoologie, l'éthologie, la psychologie et la sociologie animales offrent sans doute
des bases scientifiques à une action de dressage. On peut imaginer qu'avec leur incorporation à certains
programmes scolaires et surtout leur vulgarisation par les médias, elles influenceront de plus en plus la
conduite des propriétaires d'animaux. Aujourd'hui, ils agissent, pour une part, à partir de connaissances
issues de la tradition, de l'expérience ou de certains savoirs professionnels, ceux des éleveurs ou des
vétérinaires, eux-mêmes issus de savoirs disciplinaires.

La mobilisation de connaissances disciplinaires dans les situations de l'existence est mal connue. Il serait
salutaire de multiplier les enquêtes sur les connaissances que les gens utilisent effectivement dans la vie,
leurs sources, leurs modes d'appropriation. Une étude approfondie montrerait, peut-être, que les savoirs
disciplinaires sont moins importants que les spécialistes ne le croient, mais sont présents, au moins
marginalement, dans de très nombreuses situations, même s'ils n'ont pas été appris à l'école. Quelqu'un qui
s'intéresse aux plantes ou aux voyages saura plus de botanique ou de géographie qu'il n'en a jamais appris à
l'école. On peut cependant faire l'hypothèse que ce qu'il a appris ailleurs, en parallèle ou plus tardivement,
s'est en partie organisé à partir des notions de base et de la matrice disciplinaire mises en place par
l'enseignement fondamental.

L'honnêteté consiste à dire, aujourd'hui, que nous ne savons pas exactement à quoi servent les
disciplines scolaires – au-delà de lire, écrire et compter – dans la vie quotidienne des gens qui n'ont
pas fait d'études supérieures. La raison est bien simple : la scolarité a été historiquement construite
pour préparer aux études longues. On ne se soucie que depuis peu de son rapport aux situations de la
vie professionnelle et non professionnelle. Paradoxalement, ces questions se posent surtout depuis que
l'école obligatoire ne débouche plus que marginalement sur le monde du travail. Auparavant, il
semblait pertinent de donner d'une part une culture générale élémentaire à ceux qui entraient dans la
vie professionnelle ou un apprentissage en entreprise, d'autre part une préparation académique à ceux
qui poursuivaient leurs études au lycée. Le fait que ni l'école primaire, ni même l'école moyenne – le
collège – ne constituent plus un niveau final d'études oblige à se demander à quoi servent ces cycles
d'études, sans ignorer qu'ils préparent désormais à une grande diversité de destins scolaires et sociaux.

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Programmes scolaires et compétences

La réflexion sur les compétences interdit de libérer les disciplines scolaires de la question de leur utilité,
en leur laissant le droit de déléguer ce souci à des ateliers interdisciplinaires ou transversaux. Chaque
discipline a la tentation de se désintéresser du problème et de s'enfermer dans la logique qu'elle connaît le
mieux : densifier, moderniser, complexifier les savoirs enseignés et s'en tenir à quelques compétences
disciplinaires consacrées, résumé de texte, lecture de cartes géographique ou résolution d'équations, par
exemple. La volonté de développer des compétences combat ces fermetures.

[…]

L'idée de « socles de compétences »


Un socle de compétences est un document qui énumère, de façon organisée, les compétences qu'une
formation doit viser. Pour l'école obligatoire, il tend à garantir à chacun un « capital minimum », un « Stock
Minimum Incompressible de Compétences » (SMIC), en deçà duquel l'insertion sociale deviendrait
problématique. Un socle de compétences n'est pas un programme classique, il ne dit pas ce qu'il faut
enseigner, mais ce que les apprenants doivent maîtriser, et il le dit dans le langage des compétences. Cette
intention ne le met pas à l'abri des dérives évoquées plus haut à propos du collège.

L'idée de socle n'évoque pas d'images bien précises dans l'esprit de ceux qui n'ont jamais consulté un
document répondant à cette appellation. Tentons donc d'en donner une idée à partir d'une réalisation
concrète. En Belgique, le ministère de l'Éducation a publié, en 1994, un volume de près de 160 pages A4
intitulé « Socles de compétences dans l'enseignement fondamental et au premier degré de l'enseignement
secondaire ». Ce n'est pas un document contraignant, plutôt un outil de travail, encore expérimental. II vise
une meilleure continuité des apprentissages dans l'enseignement fondamental (maternelle et primaire) et son
articulation au début du secondaire. La préface du ministre indique cependant que « dans une phase
ultérieure, ces socles de compétences ont vocation d'être la référence unique fixant le niveau des études ». Ils
auront alors force de loi. L'introduction de socles de compétences est explicitement justifiée par le souci
d'homogénéiser les niveaux d'exigence, sans niveler par le bas : « Garants de la démocratisation de l'école,
guide de l'apprentissage et garde-fous de l'évaluation, les socles de compétences jalonnent le difficile chemin
qui doit conduire, au-delà de l'égalité d'accès à l'école, à l'égalité des résultats de l'action éducative et des
exigences visées pour tous les enfants » [ 1994, p. 15]. Le document distingue des compétences transversales
et des compétences disciplinaires.

Les compétences transversales sont « intimement liées aux compétences disciplinaires puisqu'elles se
retrouvent à l'intersection de différentes disciplines. Elles constituent non seulement les démarches
fondamentales de la pensée, transférables d'une matière à l'autre, mais englobent également toutes les
interactions sociales, cognitives, affectives, culturelles et psychomotrices entre l'apprenant et la réalité qui
l'entoure » [ibid., p. 11]. Parmi les compétences disciplinaires, le document distingue des compétences
globales, dites d'intégration, « qui rassemblent et organisent un ensemble de savoirs, savoir-faire et savoir-
être dans leurs dimensions transversales et disciplinaires » [ibid., p. 19] et des compétences spécifiques, « à
développer dans des situations d'apprentissage pour atteindre, au fil du temps, une plus grande maîtrise des
compétences d'intégration » [ibid., p. 20]. « Échanger, correspondre par lettre pour informer,
communiquer » est une compétence d'intégration en langue maternelle, qui mobilise plusieurs compétences
spécifiques :

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Programmes scolaires et compétences

• choisir les informations adéquates ;

• organiser la lettre selon la structure générale qui convient (date, en-tête, formule de politesse...) ;

• assurer la cohérence entre les phrases (temps des verbes, mots de liaison, indicateurs spatio-
temporels...) ;

• utiliser le vocabulaire approprié, en fonction du contenu ;

• construire des phrases correctes ;

• respecter les conventions orthographiques ;

• disposer le texte de manière satisfaisante sur la page...

Le document développe ensuite, en 25 pages, les compétences d'intégration et les compétences


scientifiques proposées en français puis, en 35 pages, l'équivalent pour les mathématiques. Pour ces deux
disciplines maîtresses de l'enseignement fondamental, on trouve, en regard de chaque compétence, des
indicateurs des maîtrise visés en fin de cycle, à 8 ans et 12 ans.

Voici par exemple un extrait d'une compétence mathématique [ibid., p. 85] :


PERCEVOIR DANS LES INDICATEURS À 8 ANS INDICATEURS À 12 ANS
OBJETS FAMILIERS DES
ÊTRES GÉOMÉTRIQUES
DISTINGUER SOLIDES, en construction • identifier dans un environnement
SURFACES, LIGNES ET ce qui correspond à des solides, à des
POINTS surfaces, à des lignes, à des points
RECONNAÎTRE • reconnaître dans un ensemble • reconnaître dans un ensemble
CERTAINS SOLIDES d'objets familiers ceux qui ont la forme d'objets familiers ceux qui ont la forme
ET LES NOMMER d'un cube d'un cube, d'un parallélépipède
rectangle, d'un cylindre, d'une
pyramide, d'un cône
RECONNAÎTRE • reconnaître dans les surfaces • reconnaître dans les faces des
CERTAINES SURFACES frontières des objets familiers la forme objets familiers la forme du rectangle,
ET LES NOMMER du rectangle, du carré, du triangle du carré, du losange, du trapèze, du
(sans discriminer les triangles triangle et de l'hexagone
particuliers), du disque
RECONNAÎTRE en construction • reconnaître des faces ou des
LES RELATIONS côtés parallèles ou perpendiculaires
DE PARALLÉLISME ET
DE PERPENDICULARITÉ

Dans la partie réservée à l'enseignement secondaire, s'ajoutent des chapitres plus courts, relatifs aux
sciences, aux langues modernes et au trio « histoire-géographie-étude du milieu ».

On y retrouve des notions familières, parce que ces compétences supposent des connaissances, et
notamment la construction de concepts et du langage correspondants. On notera aussi l'étroite imbrication
entre une conception des compétences et l'organisation logique d'un socle. Quiconque veut construire un
socle peut s'inspirer d'un tel document, mais devrait au préalable s'assurer qu'il adopte la même définition
des compétences transversales et disciplinaires.

Dans un document du ministère belge paru en 1996, on voit surgir une représentation plus graphique,
inspirée des travaux d'Edith Wegmüller et Linda Allal, à Genève, orientés vers l'évaluation des compétences.
C'est ainsi qu'une compétence principale renvoie à des satellites.

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R e t our

Programmes scolaires et compétences

Savoir ce qu’est un
Respecter dictionnaire et une
des consignes définition

Connaître l’ordre
Reconnaître quand il faut Utiliser le alphabétique
utiliser le dictionnaire dictionnaire

Choisir, parmi plusieurs


définitions, celle qui
convient au contexte Transposer le mot à rechercher
dans la forme qui figure dans le
dictionnaire
Connaître le sens des
abréviations

La principale difficulté théorique, lorsqu'on rédige un socle, est de gérer l'emboîtement des poupées
russes.

Un socle de compétences tient-il lieu de programme ? Dans la conception belge, les socles ne se
substituent ni aux programmes, ni aux documents pédagogiques. Mais alors, que deviennent les
programmes ? Une simple liste de connaissances, ressources indispensables à mobiliser ? Dans ce cas se
pose la question de leur organisation logique et chronologique. Faut-il enseigner les savoirs pour eux-
mêmes, au gré de programmes notionnels, ou faut-il les organiser « en étoile », autour de compétences qui
les mobilisent et en justifient l'assimilation à ce moment du cursus ?

On se trouve pris entre deux logiques. L'une conduirait à s'en tenir à des compétences larges, en
suggérant, à titre indicatif, l'inventaire des ressources qu'elles mobilisent, compétences plus spécifiques,
savoir-faire, méthodes ou connaissances disciplinaires. Il n'y aurait pas alors de programme, avec le risque
que les savoirs travaillés différent fortement d'une classe à l'autre, sous l'empire de la diversité des situations
d'apprentissage aussi bien que des conceptions des pratiques de référence et des compétences. II n'y a, en
effet, pas de consensus facile sur les ressources que mobilise une compétence, même aussi neutre que
« Savoir utiliser le dictionnaire ». Selon leur vision des opérations en jeu et le poids qu'ils accordent aux
diverses ressources requises, les professeurs ne travailleraient pas exactement les mêmes connaissances.
Pour certains, l'usage du dictionnaire supposerait l'exploration préalable de champs sémantiques structurés,
en partant du principe qu'il faut connaître approximativement le sens de beaucoup de mots pour utiliser le
dictionnaire ; d'autres insisteraient sur la connaissance du dictionnaire comme outil de travail, avec son
histoire, ses codes et ses conventions, les choix qui sous-tendent l'organisation et la rédaction des rubriques,
les modes les plus rationnels et pertinents de consultation, par exemple en cours de lecture ou de rédaction
d'un texte.

La seconde logique serait de ne rien laisser au hasard, en proposant un monstrueux édifice, un labyrinthe
dans lequel seuls les auteurs des socles de compétences se retrouveraient, tant les informations seraient
pléthoriques, les emboîtements sans fin et les cheminements tortueux.

Comme toujours, l'école sera prise entre deux tentations ; d'une part, faire confiance aux enseignants, au
risque d'accroître les inégalités ; d'autre part, tout contrôler, au risque de favoriser une transposition

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R e t our

Programmes scolaires et compétences

didactique bureaucratique : « Je travaille telle compétence, mobilisant telles connaissances, comme il est
indiqué à la page 563 du volume XVI des socles de compétences... »

Alors que les programmes notionnels ne disent rien de la transposition didactique interne (du
programme aux contenus effectifs de l'enseignement et du travail scolaire), ni des méthodes
d'enseignement-apprentissage ou d'évaluation, en renvoyant les professeurs à leurs croyances
personnelles, à leur formation et aux méthodes et manuels scolaires, l'approche par compétences ne
peut assumer une telle dichotomie entre le programme d'une part, les démarches et outils de formation
d'autre part. Cela pourrait restreindre l'autonomie des enseignants tout en leur demandant un plus haut
niveau de professionnalisation, donc de responsabilité.
Dans les formations professionnelles, les plans de formation insistent autant sur les dispositifs et les
démarches que sur les compétences visées, car cela forme un tout. Comment retrouver une telle unité
dans l'enseignement de base, sans régresser vers une (nouvelle) tentative de normalisation des
pratiques pédagogiques ? Je ne vois pas à ce dilemme de solution simple. La seule voie me semble de
ne pas dissocier l'écriture de nouveaux programmes d'une réflexion sur les pratiques d'enseignement,
le travail scolaire, les dispositifs d'enseignement-apprentissage.

Perrenoud, Philippe. - Construire des compétences dès l’école. - ESF, 1997. - p. 43-67

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