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TYPOLOGIE I'OLOGIE DES SOURCES


DES SOURCES DU MOYEN ÂGE OCCIDENTAL .7.1.6..•_rt2.3..:. T\ )YEN ÂGE OCCIDENTAL
A-Ill, 1*.

EXTRAIT
4-1 D~RECTEUR: L. GENICOT

Fasc. 41
DE LA CLASSIFICATION GÉNÉRALE

.... A-III, 1*
A. Sources écrites

III. SOURCES JURIJ?IQUES



1. Normatives:
- sources législatives:
civiles: lois, traités, chartes de franchise, statuts, actes réglementaires,
styles de procédure, statuts universitaires et règlements de collèges; PAR
canoniques: décrétales, concordats, conciles, statuts diocésains, règles
y
religieuses, statuts pour les reclus, statuts de chapitres d'ordres religieux,
délibérations capitulaires
- sources coutumières:
coutumes
records laïques et ecclésiastiques
- jurisprudence:
recueils de décisions notables
rencharges
-doctrine:
traités
abrégés f

gloses, notabilia, casus, quaestiones et summae quaestionum, brocarda,


tabulae, distinctiones
'
lectur;ae, commenta
summae, summulae
- littérature polémique
- livres · professionnels:
livres de droit, composés par les praticiens à leur usage, formulaires, arles
notariae
pénitentiels, à mi-chemin entre les sources normatives et les sources de la
pratique (cf. VI. Sources relatives à la vie religieuse et morale, C, 4).
- •


ISBN no 2-503-36000-9
ISBN no 2-503-3604L-6 1982

-..
TYPOLOGIE DES SOURCES
DU MOYEN ÂGE OCCIDENTAL

A-III, 1*
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LA COUTUME

.
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''1
TYPOLOGIE DES SOURCES
DU MOYEN ÂGE OCCIDENTAL
DIRECTEUR: L. GENICOT

Fasc. 41

A-III 1*

LA COUTUME
PAR

JOHNEILISSEN

PROFESSEUR À L'UNIVERSITÉ LIBIŒ PE BRUxELLES

Conformément à la règle édictée par /'Institut d'Études Médiévales le


manuscrit du présent fascicule a été soumis à un comité de lecture
composé de MM. R. Feenstra, Professeur à l'Université de Leyde et de BREPOLS
M. P. Godding, Professeur à l'Université catholique de Louvain et de TURNHOUT-BELGIUM
MM. L. Genicol et R. Bu/tot, respectivement Directeur et Secrétaire de la
Typologie. 1982

,.,
.-
~, TABLE DES MATIÈRES

BIBLIOGRAPHIE . 9

CHAPITRE 1: NOTION, DÉFINITION, ANALYSE 13


A. La coutume comme source de droit et la coutume comme
source historique . 13
B. Les sources du droit au moyen âge: lex et consuetudo 14
C. Notion . 19
1. Terminologie . 19
2. Définition . 20
3. Différents sens du terme «coutume» 22
D. Analyse des éléments de la coutume 24
1. La coutume est un usage . 24
2. La coutume est du droit non écrit 25
3. La coutume doit être considérée comme obligatoire par
la grande majorité des membres du groupe 27
4. La coutume doit être ancienne 29
5. La coutume doit être bonne et raisonnable 30
6. La coutume ne doit pas nécessairement être approuvée
par l'autorité, le souverain, le seigneur . 31
7. Groupes socio-politiques dans lesquels s'élabore la
coutume. 32
E. Géographie coutumière. 33

CHAPITRE II: ÉVOLUTION DE LA COUTUME 41


A. v•-Jx• siècles: le droit coutumier en Europe depuis la fin
de 1'Empire romain jusqu 'à la fin de 1'Empire carolingien 42
1. La coutume dans les royaumes germaniques . 42
2. La coutume dans le monde byzantin. 45
3. La coutume dans le monde slave et hongrois . 47
4. La coutume dans le monde celtique . 48
B. x•-xn• siècles: la coutume dans la société féodale 49
c. Facteurs de transformation du droit aux XII• et XIII•
siècles 50
1. Droit objectif . 50
© Brepols 1982 2. Droit rationnel. 51
6 TABLE DES MATIERES TABLE DES MATIERES 7

3. Législation . 52 4. Recueils officiels de coutumes . 92


4. Droit romain 53 a. Définition . 92
5. Droit canonique 54 b. Historique . 93
D. La coutume au bas moyen àge 54 c. Modes de rédaction . 96
1. La coutume face aux autres sources de droit . 54 d. Auteurs . 98
2. Domaines nouveaux régis par la coutume . 55 e. Contenu. 98
3. Tendance à la sécurité juridique; les actes écrits . 55 5. Styles 99
4. Modes de preuve de la coutume . 56 6. Commentaires de coutumes 100
5. Rédactions privées de coutumes . 56
6. Rédactions officielles de coutumes 57 CHAPITRE IV: ÉDITIONS ET ÉDITION . 101
7. La réception du droit romain . 58 A. Editions anciennes et modernes . 101
8. Le pouvoir législatif des rois et des princes 59 1. Editions officielles anciennes . 101
2. Editions privées anciennes . 102
CHAPITRE III: REGLES DE CRITIQUE PROPRES AUX DOCUMENTS COUTU- 3. Editions scientifiques des X/Xe-xxe siècles 103
MIERS . 60 B. Modes d'édition de textes coutumiers médiévaux 106
A. Traces occasionnelles de la coutume . 61
B. Textes contenant une ou quelques règles de droit CHAPITRE V: DOMAINES DE L'HISTOIRE QUE L'ÉTUDE DE LA COUTUME
coutumier . 63 PEUT AIDER À COMPRENDRE . 109
1. Enquêtes par turbe . 65 1. La famille . Ill
2. Enquêtes ordinaires par témoins entendus «singulariter » 68 2. Les institutions féodo-vassaliques 112
3. Records ou attestations de coutumes (Weistümer) 69 3. Les structures politiques . 113
a. Définition . 69 4. Les classes sociales et les statuts juridiques des personnes 114
b. Histoire du genre. 71 5. Les modes.de détention des biens . 115
c. Diffusion . 72 6. Les successions 115
d. Evolution . 73 7. Les obligations: histoire du commerce et de l'industrie 116
e. Règles de critique propres. 73 8. Le droit maritime 117
4. Recours à chef de sens . 74 9. Le droit rural . 117
5. Consultations d'une juridiction par une autre. 77 1O. Le droit pénal . 118
6. Jugements . 78 11. Juridictions et procédure 118
C. Recueils de droit coutumier . 80
1. Privilèges urbains, ruraux et régionaux. 81 CoNCLUSIONs . 120
2. « Fueros » ou fors espagnols 85
3. Recueils privés: coutumiers, « Rechtsbücher ». 86
a. Définition . 86
b. Historique . 87
c. Modes de rédaction . 89
d. Auteurs . 91
e. Contenu. 91
f. Diffusion 92
BIBLIOGRAPHIE

On trouvera une très abondante bibliographie sur les sources du droit


médiéval dans le Handbuch der Quellen und Literatur der neueren
europaïschen Privatrechtsgeschichte, Band I: Mittelalter, dirigé par
H. CoiNG, Munich, 1973; mais la coutume, èomme telle, n'y a pas été
étudiée. Voir aussi l'Introduction bibliographique à l'histoire du droit et à
l'ethnologie juridique, 8 vol., publiée à Bruxelles depuis 1964 sous ma
direction.

LEBRUN, A., La coutume. Ses sources, son autorité en droit privé. Paris,
1932 (thèse droit Caen); contient un long exposé historique, très
bien documenté, sur la coutume au moyen âge et aux temps
modernes.
TIMBAL, P., La coutume, source de droit privé français. Paris, 1958-59
(Cours de doctorat d'histoire du droit privé).
BRIE, S., Die Lehre vom Gewohnheitsrecht . Eine historisch-dogmatische
Untersuchung, I: Geschichtliche Grundlegung ( bis zum Ausgang des
Mittelalters). Breslau, 1899.
KRAUSE, H., V0 Gewohnheitsrecht, ÜUDIAN (G.), V° Coutumes, ÜIBERT
(R.), V° Fueros, dans ERLER et KAuFFMANN (ed.), Handworterbuch
zur deutschen Rechtsgeschichte. Berlin, 1964, t. VII, 1675-1683, 1642-
1647, 1319-1328.
CRAVERI P., Ricerche sulla formazione del diritto consuetudinario in
Francia (sec. XIII-XVI). Milan, 1969 (lus nostrurn, 12).
PISSARD H., Essai sur la connaissance et la preuve de la coutume, Paris
1910.
FILHOL, R., La preuve de la coutume dans l'ancien droit français, dans
Recueils de la Société Jean Bodin, t. 17, La Preuve. Bruxelles, 1965,
p. 357-373.
KuMRATH, H ., Etudes sur les coutumes, dans Œuvres, t. Il. Paris, 1843,
p. 133 et ss.
BüHLER, Th., Rechtsquellenlehre, Band 1: Gewohnheitsrecht, Enquête,
Kodlfzkation. Zürich 1977; Band 2: Rechtsquellentypen. Zürich,
1980; voir aussi Enquête, inquesta, inquisitio, dans Zeitschrift der
Savigny Stiftung, Kan. Abt., 61 (1975), p. 53 et svv.
10 BIBLIOGRAPHIE BIBLIOGRAPHIE 11

KüBLER, G., Zur Frührezeption der consuetudo in Deutschland, dans Io., Loi et coutume. Esquisse de l'évolution des sources du droit en
Historisches Jahrbuch, 89 (1969), p. 337-371. Belgique, du XIIe au xxe siècle, dans Rapports des juristes belges
EBEL, F., Über Legaldefinitionen. Rechtshistorische Studie zur Ent- au vr Congrès international de droit comparé. Hambourg, 1962,
wicklung der Gesetzgebungstechnik in Deutschland, insbesondere über Bruxelles, 1964, et dans Revue de droit international et de droit
das Verhiiltnis von Rechtsetzung und Rechtsdarstellung. Berlin, 1974 comparé, 39 (1962), p. 1-40 (cité: Loi et coutume en Belgique).
(Schriften zur Rechtsgeschichte). lo., Loi et coutume. Quelques aspects de l'interpénétration des sources
KAMPHUISEN, P. W., Gewoonterecht. La Haye, 1935. du droit dans l'ancien droit belge, dans Tijdschrift voor Rechts-
CoRTESE, E., La norma giuridica. Spunti teorici ne/ diritto comune classico, geschiedenis, 21 (1953), p. 257-298.
2 vol. Milan, 1962-1964 (1 us nostrum, 6). lo., Les phases de la codification et de l'homologation des coutumes dans
lo., V 0 Norma ( storia), dans Encyc/opedia del Diritto, t. 28. Milan, 1978, les XVII Provinces des Pays-Bas, dans Tijdschrift voor Rechts-
p. 393-412. geschiedenis, 18 (1950), p. 36-67 et 239-290.
SCHMELZEISEN, C. K., Zumfrühen Gewohnheitsrecht, dans Tijdschrift voor Io., La preuve de la coutume dans l'ancien droit belge, dans Hommage au
Rechtsgeschiedenis, 42 (1974), p. 313-324. Professeur Paul Bonenfant. Bruxelles, 1965, p. 563-594.
PucHTA (G. F.), Das Gewohnheitsrecht, 2 vol., 1828-1837. lo., La rédaction des coutumes dans le passé et dans le présent (Colloque
WEHRLÉ, R., De la coutume dans le droit canonique, thèse Paris 1928. Institut de Sociologie U.L.B.). Bruxelles, 1962.
ScHMIEDEL, B., Consuetudo im klassischen und nachklassischen romischen Io., Le droit coutumier d'Uccle, dans S. DRAPIER-BARTIER, S. VAL-
Recht. Graz-Cologne, 1966 (Forschungen zum rômischen Recht, SCHAERTS-GILISSEN, e.a., Uccle. Une commune de l'agglomération
t. 22). bruxelloise, t. 1. Bruxelles, 1958, p. 201-243.
Recht und Schrift im Mittelalter, herausgegeben von P. CLASSEN, dans
Vortriige und Forschungen, édité par le Konstanzer Arbeitskreis für
Mittelalterliche Geschichte, t. XXIII. Sigmaringen, 1977.
Confluence des droits savants et des pratiques juridiques, Actes du
Colloque de Montpellier, décembre 1977. Milan, 1979.

Sur le droit médiéval en général, voir en dernier lieu: R. C. V AN


CAENEGEM, Law in the medieval World, dans Tijdschrift voor Rechts-
geschiedenis, 49 (1981), p. 13-46; Das Recht im Mittelalter, dans
Entstehung und Wandel rechtlicher Traditionen. Fribourg-Munich, 1980,
p. 609-667.

Nous avons consacré quelques travaux à l'évolution générale des


sources du droit, notamment au moyen âge; le problème de la coutume y
occupe une place importante.
GILISSEN, J., Introduction historique au droit. Bruxelles, 1979; Historische
Inleiding tot het Recht. Anvers, 1981.
lo., La loi et la coutume dans l'histoire du droit depuis le haut moyen âge,
dans Rapports généraux au VIe Congrès international de droit
comparé. Hambourg, 1962, Bruxelles, 1964, p. 53-99 (Cité: Loi et
coutume dans l'histoire du droit).
CHAPITRE 1

NOTION, DÉFINITION, ANALYSE

A . LA COUTUME COMME SOURCE DE DROIT


ET LA COUTUME COMME SOURCE HISTORIQUE

La coutume est une source de droit; elle est, plus exactement, une des
sources formelles du droit, c'est-à-dire un des modes ou formes dans
lesquelles les règles du droit positif sont exprimées. Pour beaucoup de
juristes, d'aujourd'hui comme du moyen âge, il n'y a d'ailleurs que deux
sources formelles de droit: la coutume et la loi, lex et consuetudo.
Pour l'historien, la coutume est un genre de source historique; elle J'est
lorsqu'elle se présente sous une forme écrite, par exemple dans un
coutumier ou dans un texte quelconque, tels un jugement, un record, une
enquête par turbe, voire une charte, une chronique, exprimant occa-
sionnellement une règle coutumière. Mais, même non écrite, la coutume
est une source historique médiévale; car sur base de textes juridiques
écrits à une époque donnée, même postérieure au moyen âge, il est
possible de connaître approximativement le droit coutumier d'une région
donnée à une époque antérieure. L'historien pourra s'en servir pour
reconstituer la vie juridique, sociale, économique et politique de cette
époque dans cette région.
Il est clair qu'il ne faut pas confondre ces différents sens du mot
source; nous examinerons ici la coutume, source formelle de droit, en
tant que source historique pour les études médiévales.
Ce petit livre n'est pas une étude de la coutume au moyen âge, encore
moins une histoire du droit coutumier médiéval; conformément au
dessein général de la collection dirigée par notre collègue L. Genicot, et
au plan proposé pour chaque fascicule, nous analyserons la coutume en
tant que source historique utilisée par les médiévistes.
Après avoir, dans le présent chapitre, essayé de définir la coutume à
l'aide de textes surtout médiévaux et d'en avoir analysé les éléments, nous
résumerons brièvement, dans le chapitre Il, l'histoire de la coutume entre
le VI• et le XV• siècle. Le chapitre III est le plus long et le plus impor-
14 CHAPITRE I
NOTION, DÈFINITION, ANA LYSE 15

tant, parce que nous y proposons les règles de critique propres aux mais non négligeable dans celui des droits des autres pays européens 2 •
différents types de textes faisant connaître la coutume. Un bref chapitre La doctrine exerce une influence grandissante sur l'évolution du droit à
IV est consacré aux modes d'édition, anciennes et modernes, des textes partir du XIII• siècle, par suite du développement de l'enseignement du
coutumiers. Enfin, le chapitre V décrit sommairement les différents droit dans les universités, enseignement quasi exclusivement basé sm:
domaines de l'histoire que la coutume peut aider à expliquer et à l'étude du droit romain et du droit canonique; à côté de la doctrine
romaniste, il existe une doctrine canonique, et aussi d'ailleurs, dans la
comprendre.
suite, une doctrine coutumière.
Mais c'est surtout en tant que sources supplétives de droit, appelées à
B. LES SOURCES DU DROIT AU MOYEN ÂGE : LEX ET CONSUETUDO
combler les lacunes de la loi et de la coutume, que la jurisprudence et les
autres sources formelles interviennent dans l'élaboration et la formula-
Parmi les diverses sources formelles du droit, il y en a donc deux qui tion du droit positif. Ce problème des lacunes a bien souvent préoccupé
jouent un rôle capital dans l'évolution du droit des pays européens les théoriciens comme les praticiens du droit : il est d'une importance
depuis le moyen âge: la coutume et la loi 1 • On peut résumer d'une capitale au moyen âge, comme il l'est dans les systèmes juridiques
manière schématique l'évolution générale à cet égard en une double antiques antérieurs au droit romain classique et dans les systèmes
courbe: le droit du haut moyen âge est surtout coutumier, le droit traditionnels de droit d'Asie et d'Afrique; car le droit n'y est que très
moderne est surtout législatif; le rôle de la coutume recule au fur et à partiellement et très imparfaitement formulé et les lacunes sont dès lors
mesure que la loi s'impose. innombrables 3 •
Au moyen âge, les gouvernants, tout comme les juristes, ont géné-
IOe-11 e siècles 16c siècle 19e.2oc siècles ralement négligé, voire ignoré ces problèmes de lacunes et de sources
supplétives de droit; ils se contentaient d'affirmer que la loi et la coutume
Loi étaient les sources du droit par excellence. Pour illustrer cette affirma-
Coutume
(± 90 %)
(± 90 %> tion, il suffit de citer quelques textes montrant qu'on a souvent désigné
l'ensemble du droit positif d'un pays, d'un territoire, d'un groupe socio-
politique par l'expression lex et consuetudo, la loi et la coutume.
L'énonciation de ces deux sources de droit donne d'ailleurs l'occasion
d'affirmer parfois la prééminence de l'une sur l'autre.

Loi Coutume Ainsi, au Bas Empire, une constitution de J'empereur Constantin, de 319, a
(± 10 %> (± 10 %> consacré la prééminence de la loi - et de la raison- sur la coutume, confirmant
la concentration du pouvoir normatif entre les mains de l'empereur: consuetu-
dines ususque longaevi non vilis auctoritas est, verum non usque adeo sui valitura
N'y a-t-il pas d'autres sources formelles du droit durant la période momento, ut aut rationem vinca/ aut legem 4 ; mais Paul avait affirmé que la
médiévale? La jurisprudence et la doctrine ont certes joué un rôle qu'il coutume est la meilleure interprète des lois : Optima enim est legum interpres
importe de souligner. Mais s'agit-il bien de sources formelles du droit? consuetudo 5 •
Certains juristes les qualifient plutôt d'autorité en droit. La fonction de 2
Ph. GoDDING, La Jurisprudence. Turnhout, 1973 (Typologie des sources du moyen âge
ces sources ou autorités évolue d'ailleurs d'une période à l'autre et varie occidental, fasc. 6).
3
Ch. PERELMAN (ed.), Le problème des lacunes du droit . Bruxelles, 1968 (Travaux du
d'un pays à l'autre. La jurisprudence a joué un rôle capital dans la Centre national de recherches en logique), notamment J. GILISSEN, Les lacunes du droit
formation et le développement du common law anglais, un rôle moindre dans l'ancien droit belge, p. 197-246.
4
Codex, VIII, 52 (53), 2 dans Corpus iuris civilis, t. II, editio stereotypa.
5
1 La loi a été étudiée, dans la présente Typologie des sources du moyen âge occidental, D (=Diges ta), 1. 3. 37. Le Digeste a notamment été publié par MOMMSEN dans le
Corpus cité à la note précédente.
par L. GEN!COT. Turnhout, 1977 (fasc. 22).
16 CHAPITRE I NOTION, DÉFINITION . ANALYSE 17

Dans l'Empire byzantin, Saint Nicéphore, patriarche de Constantinople, mort les leges et consuetudines du Pays de Galles qui sont examinés par Edouard l"' et
en 828, écrit: Quid alium enim est lex nisi scripta consuetudo? Sicuti vicissim ses conseillers à Ruddlan après la guerre avec ce pays 13 .
consuetudo est lex non script a 6 . Qu'est la loi si ce n'est une coutume écrite, L'expression «loi et coutume» est souvent employée au bas moyen âge pour
comme inversément la coutume est la loi non écrite. désigner l'ensemble du droit d'un territoire ou d'une ville. Ainsi, dans l'une des
Isidore de Séville, dans ses Etymologiae, constate que: Lex est constitutio plus anciennes chartes urbaines de Flandre, celle de la ville de Saint-Omer de
scripta. Mos est vetustate probata consuetudo, sive lex non scripta. Consuetudo 1127, il est prévu que tout délinquant sera jugé secundum leges et consuetudines
autem est ius quoddam moribus institutum, quod pro lege suscipitur cum deficit ville 14 . La charte de la ville d'Arras de 1163 est intitulée: tatia est lex et
lex 7 • consuetudo quam cives Attrebatenses tenent 15 , formule reprise dans la charte de
Selon Grégoire de Tours (VI• siècle), le roi doit jurer utleges consuetudinesque Gand de 1165-1177, Haec est lex et consuetudo quam Philippus ... Gandensibus
novas populo non injligeret 8 . instituit observandam 16 . Les bourgeois de Dinant obtiennent en 1299 d'Albert,
Pour Gratien, dans son Decretum (environ 1140), la loi est du droit écrit, la roi des Romains, quod iidem legibus er consuetudinibus libere gaudeant 17 .
coutume du droit non écrit: Quae in scriptis redacta est, constitutio sive ius
vocatur; quae vero in scriptis redacta non est, generali nomine consuetudo videlicet On peut multiplier les exemples. Partout en Europe durant les derniers
appel/atur 9 . siècles du moyen âge, la coutume et la loi sont considérées comme les
Paraphrasant les Étymologies d'Isidore de Séville, le rédacteur du Landrecht de seules sources du droit; et la part de la loi est alors très minime; ce n'est
Haute-Bavière sous Louis de Bavière énonce clairement la théorie des deux
qu'à partir des Temps modernes que la loi tend à supplanter la coutume.
sources du droit: Secundum Ysidorum quinto Erhymologiarum ius est nom en
generale, lex autem est species iuris, ius autem dictum quia iustum est, amne autem Le rôle de la coutume comme source de droit au bas moyen âge semble
ius legibus et moribùs constat; lex autem est constitutio scripta, mos autem avoir été plus grand en France, en Suisse, en Belgique, aux Pays-Bas,
constitutio vetustate approbata .. . 10 . L'empereur Frédéric Barberousse, dans une dans les pays scandinaves, qu'en Angleterre, en Allemagne, en Italie, en
lettre adressée aux évêques allemands en 1158, précise que son empire doit être Espagne. En Angleterre, Je common law, droit né de la procédure devant
régi par deux sources de droit: les lois des empereurs et la bonne coutume de ses
les tribunaux royaux aux XIIe et XIIIe siècles, a rapidement acquis un
ancêtres: Duo sunt, quibus nostrum regi oportet imperium, leges sanctae impera-
torum et usus bonus predecessorum et patrum nostrorum 11 . rôle prépondérant, doublé par J'equity au XVIe siècle. La plupart des
Les deux premiers grands recueils de droit anglais, ceux de Glanvill (fin ouvrages modernes de synthèse de l'histoire du droit anglais se bornent
XII•siècle) et de Bracton (vers 1254), décrivent le droit de leur pays sous le titre à exposer l'histoire des institutions judiciaires, celle du common law et
de: lex et consuetudo. Dans un acte destiné à l'Irlande par lequel Henri III fait celle de l' equity 18 . La coutume y occupe peu de place; on se contente
connaître en 1236le droit en vigueur dans son royaume d'Angleterre, ce sont les
généralement de signaler l'existence de feudal customs, de manorial
leges et consuetudines Anglicanae qu'il vise expressément 12 . Et en 1284, ce sont
customs, de constitutional customs, de customs ofmerchants. Mais il y a eu
6 SAINT NICEPHORE, Antirrheticus
peu d'efforts au moyen âge et aux temps modernes pour consigner les
J/1 adv. Constantinum Copr., dans MIGNE, PG, t. C ,
col. 387; J. DE MA LAFOSSE, La loi et/a coutume à Byzance, manifestations d 'autorité, sources coutumes locales par écrit 19 ; et il y a très peu d'études en langue anglaise
d'enseignement, dans Études de droit contemporain, nouv. série (VI< Congrès internat. droit consacrées à la coutume médiévale.
comparé, Travaux et recherches de l'Institut de droit comparé à l'Université de Paris),
Paris, 1962, p. 59-69. 13
Statures of the Rea lm, !, 55.
7 [SIDORUS, 14
episcopus Hispaniensis: Etymologiarum sive originum libri XX, éd. Lindsay, G. ESPINAS, Recueil de documents relatifs à l'histoire du droit municipal, Artois. Paris,
t. I, Oxonii, 1911, V, 3, 2. 1943, t. III, p. 300.
8 Historia Francorum, lX, 30, éd. 15
B. KRUSCH et W. LEVISON, MGH, SRM, t. l, 1, G. EsPINAS , op. cil. Paris, 1934, t. 1, p. 270.
p. 448-449. 16
R. C. VAN CAEN EGEM et L. Ml LIS, Kritische uitgave van de« Grote Keure » van Filipp
9 Distinctio 1, C. 5. Ed . A. FRIEDBERG,
Corpus iuris canonici, t. 1. Leipzig, 1879, col. 2. van de Elzas, graaf van V/aanderen, voor Gent en Brugge (1165-/177) dans Bull. Comm .
10
M. VON FREYBERG, Sammlung IV, 1834, p. 385 (cité par A. WOLF, Gesetzgebung, in roy. d'histoire, 163 ( 1977), p. 232.
COING (ed.), Handbuch, p. 538, n . 2). 17
J. BaRMANS, Recueil des ordonnances de la principauté de Liège, 1' série. Bruxelles,
11 Cité d'après H.
KRAUSE, V 0 Geset::gebung, dans Handworterbuch der deutsche 1878, p. 127.
Rechtsgeschichte, t. VII, 1970, col. 1612. 18
Exemples: H. POTTER, An historica/ Introduction to English Law and ils Institution,
12 A la
question de savoir comment il est jugé dans des cas similaires en Angleterre, le 3e éd. Londres, 1948; T. F. T. PLUCKNETT , A concise His tory of the Common Law, 5< éd.
roi répond: vos significamus quod in reg no nostro Angliae semper talis fuit lex el consuetudo Londres, 1956; S. F.C. MtLSOM , Historical Foundations of the Common Law. Londres,
in hoc casu (Statures of the Rea lm, l, 7; G . J . HAND, English Law in freland(/ 290-1324) . 1969; J.H. BAKER, An Introduction to English Legal History, 7 éd. Londres, 1979.
Cambridge, 1967, p . 2. 19
T. PLUCKNETT, op. cit., p. 296.
18 CHAPITRE 1 NOTION, DÉFINITION , ANALYSE 19

En Allemagne, la coutume a incontestablement joué un rôle prépon- La coutume a été progressivement dominée par la législation aux
dérant au moyen âge et même encore aux temps modernes. L'ouvrage Temps modernes. Les idées des philosophes et des juristes du XVIII•
fondamental de S. Brie, publié en 1899, en témoigne 20 . L'importance du siècle sur la souveraineté de la nation, le régime représentatif, la
Sachsenspiegel et des autres coutumiers est mise en évidence. Mais ici séparation des pouvoirs aboutissent à reconnaître la loi comme l'unique
aussi l'intérêt des historiens du droit se porte davantage vers le droit source du droit, et par conséquent à l'élimination de la coutume. Les
savant et vers la législation que vers le Gewohnheitsrecht; d'autres juristes de l'École de l'Exégèse, au XIX• siècle, développent la doctrine
recherchent les formes originales de mise par écrit du droit, notamment légiste, proclamant que «tout le droit est dans la loi».
dans les Willküren et les Weistümer 21 . Il y a d'ailleurs peu de publica- D'autres juristes, surtout à partir du début du XX• siècle, admettent à
tions de documents consacrés exclusivement à une coutume donnée; la nouveau la pluralité des sources du droit et réservent une certaine place à
plupart des éditions de sources de droit urbain (Stadtrechte) ou de droit la coutume; si celle-ci est réduite dans certaines branches du droit- tel
territorial (Landrechte) contiennent autant, si pas plus, de droit législatif le droit pénal qui applique l'adage Nullum crimen sine lege - , elle est
et de jurisprudence que de droit coutumier. encore considérable dans les branches du droit qui ne dépendent pas
Il en est de même en Italie. Si le droit local et territorial y fut surtout entièrement de l'État, par exemple le droit supraétatique, tel le droit
coutumier aux XII•-XIII• siècles, et si ces coutumes ont fait l'objet de international, ou le droit infraétatique, tel le droit disciplinaire 24 •
nombreuses rédactions dans la suite, ce ius proprium (ou droit local, droit Certaines tendances de l'évolution médiévale de la coutume peuvent
propre à une ville ou une région) y fut aussi largement dominé par les mieux être comprises à la lumière de l'évolution moderne.
statuta, la législation des seigneuries locale ou territoriale. Mais c'est le
ius commune, droit commun né de l'étude du droit romain par les
Glossateurs et les Post-Glossateurs à partir du XII• siècle, qui intéresse c. NOTION

surtout les historiens italiens du droit 22 .


En Espagne, la coutume a fait l'objet de nombreux travaux; mais c'est 1. Terminologie
surtout à l'édition et à l'étude des fueros, une variante régionale, Le mot coutume est dérivé du latin consuetudo, qui avait déjà en droit
auxquelles les historiens de drmt . 1 ' 23
espagno se sont consacres . romain le sens du terme juridique actuel coutume. Les Romains
employaient aussi mos ou mores dans le même sens.
zo S. BRIE, Die Lehre vom Gewohnheitsrecht. Eine historisch-dogmatische Untersuchung. Consuetudo a donné en français médiéval costudne, costumne,cous-
t. 1, Breslau, 1899. tume, coustumerie, costume/. Le mot costume, emprunté à l'italien
21 G. THEUERKAUF, Lex, speculum, compendium iuris. Rechtsauf:eichnung und Rechts-
costume, dont l'étymologie est la même que celle du terme français
bewusstsein in Nord-Deutschland vom 8. bis zum 16. Jahrhundert. Cologne et Graz
1968 (Forschungen zur deutschen Rechtsgeschichte, Bd 6); F. EBEL, Über Legaldefini- coutume, signifiait d'abord: «manière d'être extérieur, consacré par les
tionen. Recluslli.ttorische Studie zur Enrwicklung der Geset;:gebungsteclmik in Deutschland, mœurs», pour devenir «manière de se vêtir» et ensuite «vêtement».
insbesondere über da.5 Verhiiltnis 1'(111 Rechrse/Zimg und Reclusdarstellrmg . Berlin, 1974
(Schriften zur Rechtsgeschichte); le mëme, Gesdrichte der Geset=gebung in Deutschland,
2' éd. Goningen. 1958; le même, Die Willkur. eine Studie zu der Denkformen des ~l:eren
24
deutschen Rechts. Gottingen, 1953. Sur les Weistümer, cf. infra p . 70. Nous avons deJa fa1t J. GrussEN, Introduction historique au droit . Bruxelles, 1979, surtout p. 371-454;
remarquer, dans la Bibliographie (supra p. 9), que dans le monumental Handbuch der le même, La loi et la coutume dans l'histoire du droit, op. cit.; A. LEBRUN, La coutume,
Quellen und Litera/ur der neueren europiiischen Privatrechtsgeschrchte, Band 1: Mrttelalter, op. cit.; P . W. KAMPHU!SEN, Gewoonterecht. La Haye. 1935; J. Th. DE SM!DT, Rechts-
édité par H. COING (Munich, 1973), la coutume n'est pas étudiée comme Rechtsquelle, ma1s gewoonten.De gebruiken en plaatselijke gebruiken waarnaar het Burgerlijk Wetboek verwijst.
Amsterdam, 1954 (Bijdragen en mededelingen van de Commissie voor Rechtsgewoonten
bien la législation et la doctrine. .
22 F. CALASSO Media Eva del Diritto, 1: Le Fonti. Milan, 1954 (votr not. Cap. VIII: La der Koninklijke Nederlandse Akademie van Wetenschappen, 1); B. DrESTELKAMP, Das
consuetudine come fonte di diritto e i suai rapporti con la legge, p. 181-214); E. BESTA , Fonti Verhiiltnis von Gesetz und Gewohnheit im 16. Jahrhundert, aufgezeicht am Beispiel der
del Diritto italiano, della caduta del{"/mpero romano sino ai tempi nostri. Milan, 1962 oberhessischen Erbgewohnheiten von 1572, dans Festschrift Hans Thieme, 1977 p . 1-33;
(ristampa 2' éd.) (le chap. XXXIV, consacré aux consuetudini, compte trois pages!). H. <5UENTHER, Zur Entstehung von Volkergewohnheitsrecht . Berlin, 1970; H.A . MARX,
23 Infra p. 85-86.
Das Gewohnheitsrecht im heutigen Strafrecht.Mainz, 1969.
20 CHAPITRE 1 NOTION, DÉFINITION, ANALYSE 21

Les langues latines utilisent des termes dérivés de consuetudo: italien Il existe évidemment de nombreuses autres définitions, anciennes et
modernes, de la notion de coutume . Nous nous sommes inspirés de
28
consuetudine, espagnol costumbre, portugais costume, roumain cutuma;
aussi en anglais: custom; les langues germaniques désignent le même celle qu'un juriste flamand du début du XVI• siècle, Philippe Wielant, a
concept par giwona(heit) 25 , Gewohnheit (allemand), gewoonte (néer- donnée dans l'introductio n de son livre consacré à la «Pratique civile»: la
landais) 26 . coutume est un droit non écrit, introduit par les usages et les actes
En grec, notamment dans la version grecque du Corpus iuris civilis et continuellem ent répétés des hommes ou des praticiens, dont on s'est servi
dans les Basiliques, consuetudo est traduit par cruvi]8Eta. publiquemen t, sans opposition de la majorité du peuple, le temps
Dans les langues slaves, des termes assez variés semblent avoir été nécessaire pour le prescrire (traduction) 29 .
employés pour désigner la coutume. Dans le russe moderne, le terme est Wielant n'a évidemment pas inventé cette définition; il s'est inspiré de
obychai, comme aussi en tchèque: obycai. Dans les plus anciennes celles qui furent données à la fin du moyen âge par d'autres juristes, tant
sources russes, notamment les traités entre Kiev et Byzance du x• siècle, coutumiers que romanistes et canonistes. Ainsi, Jehan Boutillier, juriste
on emploie les termes pokon et zakon; mais ceux-ci acquièrent le sens de de la région de Tournai, écrivit dans sa Somme rural vers 1393 que la
loi dès les XII•-XIII< siècles. En polonais, la coutume est appelée coutume est un droit non écrit tenu et gardé notoirement, et qui équivaut
zwyczaj 27 . à la loi par l'approbatio n des anciens du pays, pour autant qu'on n'ait
pas vu user le contraire . Dans la Summa de legibus Normannie (vers
30
Le terme coutume, en tant que source de droit, est courant depuis le
haut moyen âge. La principale difficulté résulte du discrédit jeté sur le 1230), on définit la coutume: Consuetudines sunt mores ab antiquitate
concept de coutume depuis la fin du XVIII• siècle, notamment parce
qu'on a souvent confondu la notion générale de coutume avec la
coutume d'une époque déterminée, celle de l'Ancien Régime, qu'on a 28
Citons quelques autres définitions puisées dans des ouvrages plus ou moms récents.
voulu abolir à l'époque de la Révolution française; depuis lors, le terme Pour A . LEBRUN (La coutume, ses sources, son autorité en droit privé. Paris, 1932, p. 220), la
usage a supplanté en partie le terme coutume dans le vocabulaire des coutume est <<une règle de droit non écrit, née de faits déterminés, qui, fournissant les
garanties voulues, indiquent à l'homme de façon certaine comment il doit se comporter et la
juristes. conduite qu'il doit observer dans ses rapports sociaux>>. Pour P. TIMBAL (La coutume,
source du droit privé français, Cours d' histoire du droit privé, Paris, 1958-59, p. 22), «la
coutume est un usage juridique oral, consacré par le temps et accepté par la population
2. Définition d'un territoire déterminé».
29
PHILIPPE WIELANT (env. 1440-1520), Praktijke civile (écrit au plus tard en 1519),
publié par VAN TSESTIGH, Anvers, 1573; réimpression photostatique par les soins de
On peut définir la coutume comme étant un ensemble d'usages d'ordre
Eg. I. STRUBBE, Amsterdam, 1968, Fontes iuris Bata vi rariores, n° 3, p. 27): Inleiding,
juridique, qui ont acquis force obligatoire dans un groupe socio-politique cap. 29, 41: «Costume es recht niet gescreven, inbrocht by usantiën ende continuele acten
donné, par la répétition d'actes publics et paisibles pendant un laps de temps van anderlingen ofte practesienen openbaerlijck geüseert, sonder wederseggen vander
meeste menichte van volcke, soe langen tijt ais om costume te mogen prescriberen».
relativement long. 30
Jehan BOUTILLIER, Somme rural, éd. Charondas le Caron. Paris, 1603, p. 3: «Droit
non escrit est la coustume en pais coustumier, tenue et gardée notoirement, et équipolle à
loy par l'approbation des anciens du pais, en manière qu'on n'ait point veu entre
25 Le terme apparaît à la fin du VIII' siècle dans le Althochdeutsch: kiwonaheite, les présens le contraire». Sur Boutillier, voir G . VAN DIEVOET, Jehan Bowil/ier en de
kewonaheit, giwonaheiti, giwon; dans les sources anglo-saxonnes du X' siècle: gewunan. Somme rural. Louvain 1951. L'œuvre de Boutillier inspira largement l'échevin anversois
Voir G. K6BLER , Zur Frührezeption der consuetudo in Deutschland, dans Historisches Willem VAN DER TANERIJEN , dans la rédaction de son Boec van der loopender praktijken der
Jahrbuch, 89( 1969), p. 344-350, qui conclut (p. 350): «demnoch ist mit giwona(heit) Raedcameren van Brabant, écrit en 1474-1476 (éd. E. STRUBBE, Bruxelles, 1952); on y
künstlich ein neues Wort geschaffen worden, um einen dem bisherigen eigenen Denken trouve les deux définitions suivantes de la coutume: «Üngescreven rechten zijn die
unbekannten Sachinhalt nationalsprach zu benemen». Sa démonstration ne paraît pas très loofflijcken costumen, heerbrengen ende gewoenten openbairlijc ende van outs gehouden
convaincante. bij approbacien van den ouders ende costumiers van den lande, voire recht, alsoe dat men
26 Danois: skik, brug, saeduane; hongrois: szokas. tusscen partijen present niet en heeft geweeten oft gesien die contrarie houden noch useren»
27
Renseignements fournis par notre ancien assistant, F. Gorlé, professeur à l'Universi- (p. 7) et plus loin «Costume, na dat die rechten seggen, is een redelijcke gewoente eenen
taire Instelling Antwerpen. behoirlijcken tijt onderhouden» (p. 8).
NOTION. DÊFINIT!ON, ANALYSE 23
CHAPITRE 1
22
- la coutume en tant qu'une règle de droit déterminée: le droit
probati, a principibus approbati et a popt1lo consen•ali quid cujus sil vel ad
d'aînesse est une coutume, comme l'est le droit de maineté, le privilège de
quem penineat limitanres 31 . masculinité, etc.
A cette époque aussi, les Glossateurs ont analysé le concept de
co·uturoe qu'il trouvait définie dans les textes du droit romain reproduit Il peut aussi avoir un sens plus précis, plus limité; en voici trois
dans le Digeste, ceux de Julien , d'Herrnogérùen de Paul d'Uipien et exemples.
d'autres 32 . li se trouvaient confrontés aux difficultés ré ultant de
a) Droits seigneuriaux
l'application de ces définitions aux coutumes locales de leur temp en
Aux XIe et XIIe siècles le terme consuetudines désigne souvent les
Italie. Eux et leurs uccesseurs, surtout les Bartolistes en ont fait une
redevances ou prestations dues au seigneur, ou du moins certaines
analyse de plus en plu fouillée, mais sans toujours tenir compte des
d'entre elles. Les consuetudines sont aussi l'ensemble des droits dont une
rapports entre coutume et loi dans la réalité médiévale. Nous avons
terre est grevée. Celui qui doit ces prestations est parfois appelé
préféré les définitions de la coutume données par les coutumiers médié-
consuetudinarius, celui qui les perçoit ou reçoit le constumarius,constu-
vaux tout en sachant bien que leurs définitions n'ont pas été à 1 abri de
33 mator34.
toute intluence du droit savant de leur époque •
Les redevances dues sont généralement qualifiées d'après leur objet:
consuetudo quadrupedum (portant sur des animaux), consuetudo navium
3. Différents sens du terme «coutume» (portant sur les bateaux), consuetudo avenae, vini, piscium, salis (1 'avoine,
Le terme consuetudo, coutume, peut être pris dans au moins trois sens le vin, le poisson, le sel). La charte de Lorris, concédée en 1155 par le roi
de France Louis VII, vise la consuetudo de nutritura, c'est-à-dire les droits
différents: perçus sur les produits nécessaires à la consommation familiale. En
- la coutume, en tant que source formelle de droit, par opposition à
la loi, la jurisprudence, la doctrine, les principes généraux de droit, etc., anglais, le sens actuel du mot customs, droits de douane, dérive de ce sens
- la coutume en tant que l'ensemble des règles coutumières d'un particulier de consuetudo.
groupe socio-politique donné, par exemple la coutume des Alamans, la b) Redevances dues à des institutions ou autorités ecclésiastiques
coutume de Normandie, la coutume de Paris, la coutume de Bruxelles Consuetudo episcopa/is, archidiaconi, decani, désigne les droits perçus
(c'est-à-dire celles des habitants de la ville de Bruxelles); par l'évêque, par l'archidiacre, par le doyen de chrétienté.
L'expression consuetudines parrochiales désigne parfois l'ensemble des
redevances des paroissiens, y compris les dîmes; le plus souvent, elles ne
31 A. TARDIF, Coutumiers de Normandie. Paris, 1896, t. II, p. 34; LEBRUN, dans La visent que ce qu'on a appelé les «louables coutumes», à savoir les
coutume, op. cit., cite de nombreuses autres définitions médiévales et modernes de la
perceptions opérées à l'occasion de l'administration des sacrements et des
coutume. autres actes de la liturgie 3 5 .
) l D ., 1, 3, 32 a 41. M. KASER. Morus mujorum und Gewohnheitsrecht, dans Zeitschrift

der Savig 11y.Stifiwzg fiir Rechtsgeschicliw. Rom. Abt ., 59 (1939), p. 52 et sv.; B. ScHMIEDEL,
Consuetudo lm klassischen und nachklassiSclren riimischen Recht. Graz-Cologne, 1966 c) Coutumes monastiques
(Forsc bungen zum rômischen Recht. 22. Abb.); G. LoMBARD!, Sul titolo «q~ae sit longa Les règles des Ordres religieux ont souvent été complétées par la
corlSIIetudO JI ne/ Codice·giuslineaneo, daf)S Srudia et Documenta Hzstonae et /uns, 18 ( 1952),
coutume; et celle-ci fut parfois mise par écrit. Chaque monastère avait
p. 22svv. . , . ses propres coutumes, parfois consignées dans un liber consuetudinarius.
33 Nous n'entrerons pas ici dans l'examen des problemes souleves par les romamstes du

bas moyen âge a propos du concept de coutume et de ses rapports avec les autres sources de
droit. Parmi une abondante bibliographie, voir notamment S. BRIE, Gewohnheztsrecht.
Breslau, 1899, p. 118svv.; W. ENGELMANN, Die Wiedergeburt der Rechtskultur in Italien 34
P. TIMBAL, La Coutume ... , op. cit., p. 29; J.-f. LEMARIGNIER, La dislocation du
durch die wissenschaft/iche Lehre. Leipzig, 1938, p. 93 et svv.; F. CALASSO, Medwevo del
«pagus" et le problème des «consuetudines" (X-Xl" siècles), dans Mélanges Halphen. Paris,
Diritto,!. Lefonti. Milan, 1954, p. 210svv.; J.P. DAWSON, The Oracles of the Law. Ann
1951, p. 401-410.
Arbor, 1968, p. 128 svv.; E. CORTESE La norma giuridica. Spunti teorici ne/ diritto comune 35
P. TIMBAL op. cil., p. 21.
classico, t. Il. Milan, 1964, p. 101-167.
24 CHAPITRE 1 NOTION. D ÉF INITION . ANALYSE 25

Le recueil des règles de l'Ordre des Bénédictins, par exemple, s'appelle teus usages que, qui vourroit pledier encontre et mener dusques à
consuetudines monasticae 36 . jugement, li usages seroit de nulle valeur» 38 . Claude Liger, dans ses
Coustumes d'Anjou et du Maine écrits au XIV• siècle, constate que
«Coustume et usaige différent, car coustume est droit, mais usaige est
D. ANALYSE DES ELÉMENTS DE LA COUTUME fait»;il précise que i'«usaige est un (ait duquel est causée coustume, par
taisible consentement du peuple» 39 •
Reprenons la définition proposée pour la notion de coutume en tant L'usage naît de la répétition d'actes ou du comporteme nt des hommes
que source de droit et analysons-en les différents éléments, plus spéciale- dans un groupe social donné; il implique une continuité d'agir dans un
ment sous l'angle de la coutume médiévale. sens donné. L'usage devient coutume lorsque cette façon d'agir est
ressentie par le groupe comme obligatoire, en ce sens qu'une action
1. La coutume est un usage contraire à l'usage est considérée comme devant être sanctionnée. Cette
sanction vient le plus souvent de l'autorité judiciaire; c'est pourquoi on a
Définir la coutume en faisant appel à la notion d'usage ne fait que souvent affirmé que la coutume n'est définitivement établie qu'à partir
déplacer la difficulté; car, bien souvent, on n'a pas fait de distinction du moment où les juges la constatent, et l'appliquent. Mais cette
entre les deux termes. Usage a souvent été considéré comme un confirmation jurisprudentielle n'est pas requise pour que le groupe sente
synonyme de coutume, ainsi qu'il résulte, par exemple, des textes de et accepte la façon d'agir comme obligatoire, c'est-à-dire comme règle de
beaucoup de recueils de droit coutumier du bas moyen âge et des temps droit.
modernes: les Usatges de Barcelona, Usatges de Gerona, les «coustumes
et usaiges» du Hainaut, etc. 2. La coutume est du droit non écrit
De plus, le terme coutume a connu une réelle défaveur à la fin du
XVIII• siècle, à l'époque de la Révolution française; voulant abolir La plupart des définitions médiévales de la coutume mettent l'accent
l'Ancien Régime, les hommes de la Révolution manifestèrent leur sur le caractère de droit non écrit de celle-ci. Cette constatation est
hostilité aux coutumes qui, à leurs yeux, perpétuaient les corvées, le certainement valable pour les coutumes des peuples sans écritures;
servage, la féodalité. Les rédacteurs du Code civil français (1800-1804) durant leur phase préhistorique, les peuples ne connaissent guère d'autres
n'utilisèrent pas le terme coutume; dans les rares cas où ils faisaient appel sources formelles du droit que la coutume, et celle-ci est alors nécessaire-
à cette notion, ils se servirent- à tort ou à raison- du mot usage. ment non écrite. Il en est de même pour une grande partie des peuples
Dès le début du XVIII• siècle, le terme usage tendit à supplanter celui d'Europe avant les XII•-XIII• siècles; dans ce schriftlose Zeit, ces temps à
de coutume. Couchot, dans son Praticien universel, écrit en 1747: «Les peu près sans écriture, le droit, forcément non écrit, est coutumier.
Anciens appelaient coutume ce que nous appelons usage; aussi les Mais il n'en est plus de même à partir du bas moyen âge; les coutumes
coutumes qui ne sont point écrites, sont proprement des usages; c'est sont, dans beaucoup de régions, mises par écrit; elles sont, plus exacte-
pour cela que depuis que nos coutumes ont été rédigées par écrit, on ment, décrites par des personnes qui, sans avoir l'autorité pour imposer
appelle usage tout ce qui s'observe sans être écrit» •
37
les règles dont elles constatent l'existence, en ont cependant une connais-
L'usage est cependant un concept différent de celui de coutume. Les sance effective: juges, plaideurs, fonctionnaires, etc. Mais une telle
juristes du bas moyen âge eux-mêmes ont souvent mis cette différence en description des règles de droit ne leur enlève pas leur caractère coutu-
évidence. Beaumanoir, en 1283, affirme que la coutume est obligatoire, mier; elle n'empêche pas la désuétude d'une règle, ou la naissance d'une
tandis qu'on peut plaider contre l'usage. «La disférence qui est entre coutume nouvelle. De telles descriptions de coutume deviennent de plus
coustume et usage, si est que toutes coustumes sont à tenir, mes il i a de
38
Ph. DE BEAUMANOIR, Coutumes du Beauvaisis, éd. A. SALMON. Paris, 1899, n" 684,
36
A. ALBERS,Consuetudines monasticae, 5 vol. Montecassino, 1900-1912. t. I, p. 347 (Coll. de textes pour servir à l'étude et l'enseignement de l'histoire, 24).
39
37
CoUCHOT, Le Praticien universel. Paris, 1747, 9' éd., t. l, p. 12-13. Ed. C.J. BEAUTEMPS-BEAUPRÊ. t. Il. Paris, 1877, p. 454 et 456, no 1200 et 1215.
26 CHAPITRE J NOTION, DÉFINITION , ANALYSE 27

en plus fréquentes à partir du XIII• siècle. C'est pourquoi on peut scient.C'est pourquoi il existe si peu de formulations de règles juridiques
considérer les derniers siècles du moyen âge comme une période de au haut moyen âge.
«coutumes écrites»; mais d'innombrables coutumes restent non écrites. La période qui précède immédiatement le XII" siècle est dès lors une
La situation change, en partie du moins, à partir du moment où période d'importan ce capitale dans l'élaborati on des règles juridiques du
l'autorité politique procède à l'homolog ation ou au décrètement de la bas moyen âge et des temps modernes. Un grand nombre de règles de
coutume. Par cette procédure, qui dans certaines régions d'Europe droit privé qui ont survécu jusqu'à l'époque contemporaine, se sont
commence déjà au xrn· siècle, mais ne se généralise qu'aux xv· et xvr· lentement élaborées durant le haut moyen âge.
siècles, la coutume rédigée et officiellement promulguée perd certains de C'est pourquoi on a tort- à notre avis - de rechercher les origines
ses caractères essentiels pour devenir à peu près une sorte de loi; nous y des particularités coutumières dans un passé plus lointain.
reviendrons . Un exemple de ce genre d'erreur est la théorie que l'éminent juriste et historien
Ce qu'il importe de souligner ici, c'est que durant une partie du moyen du droi~ néerlandais E. M. Meijers a développée au sujet des origines du droit des
âge, la coutume n'est pas nécessairement du droit non écrit. Mais elle successiOns et des régimes matrimoniaux dans une partie de l'Europe; constatant
que dans certaines régions, les règles en cette matière ne paraissent être ni
l'est certainement durant sa phase de formation; au moment où la cou-
d:origine romaine, ni d_'~rigine germanique, ni d'origine celtique, il a proposé
tume s'élabore et se fixe, elle est par essence non écrite. Il faut aussi d en. reche.rcher les ong~nes da~s le comportem ent des peuples ligures qui
souligner que durant cette phase, elle n'est même pas orale, contraire- auraient vecu dans certames régwns d'Europe dix siècles avant le Christ; il a
ment à ce qu'on affirme trop souvent. Car précisément durant cette phase appelé ce système le «droit ligurien de succession». Il est vrai qu'il a admis lui-
de formation , la règle de droit n'est pas encore formulée; elle peut exister même la fragilité de l'hypothèse ligurienne; il a seulement voulu insister sur
l'origine très particulière et très ancienne du système de dévolution successorale
sans être énoncée. Ce n'est qu'à partir du moment où le groupe social
dont il avait mis certains caractères spécifiques en évidence 41 .
s'est rendu compte, autrement dit est devenu conscient de l'existence de la
règle juridique née de l'usage, qu'il peut arriver- mais non nécessaire-
ment - qu eUe soil exprimée oralement. L'analyse des comportements 3. La coutume doit être considérée comme obligatoire par la grande
des peuples archaïques, dans le cadre d'études d ethnologie juridique, majorité des membres du groupe
montre le passage des groupes sociaux du niveau de l'inconscience au
40 Il n'y a coutume que si la grande majorité du groupe socio-politique
niveau de la subconscience et ensuite au niveau de la conscience ; à ces
dans lequel elle se forme, l'admet, c'est-à-dire y consent et la considère
niveaux correspondent des comportements réflexes, ensuite des compor- comme obligatoire.
tements réfléchis, enfin des comportements «intelligés». La formation
II n'est toutefois pas requis que ce consentement soit formel; il ne faut
des règles de droit passe par ces différents niveaux; la coutume s'élabore
pas qu'il soit exprimé; ce serait d'ailleurs impossible dans la pratique.
par des comportements réflexes dans l'inconscience du groupe social; elle
Il suffit que ce consentement soit tacite. Claude Liger s'en est rendu
se fixe par des comportements réfléchis, dans le subconscient des
compte, lorsqu'il écrivit dans sa Coustume d'Anjou: «Usaiges est ung fait
hommes; elle ne se traduit en normes formulées qu'au moment où ces
duquel est causée coustume par taisible consentement du peuple» 42 . Les
hommes en ont conscience .
Ce schéma, tout théorique qu'il soit, permet de se rendre compte du ~~ E. M. MEIJERS, Le droit ligurien de succession en Europe occidentale, t. 1: Les Pays
mode de formation des règles coutumières. Il peut être appliqué aux alpcns. Harlem , 1928 ; Het Ligurisch Erfrecht in de Nederlanden, t. J: Het West-Brabantsche
Erfrecht. Harlem, 1929; t. II: Het West-VIaamsche Erfrecht, 1932; t. III ; Het Oost-
coutumes médiévales, comme aux coutumes des peuples archaïques. A VIaamsche Erfrecht, 1936. Voir aussi J. YVER , Les deux groupes des coutumes du Nord dans
l'égard des coutumes que nous trouvons formulées au bas moyen âge, la Rev~e du Nord, 35 (1953), p. 197-220 et 36 (1954), p. 5-36 et J. GILISSEN, De beteken'is van
période antérieure constitue un niveau de formation dans le subcon- Mel)ers voorde Europese rechtsgeschiedenis, dans Weekblad voor privaatrecht, notarisambt
en. regis~ratie, t. Ill (1980), p. 32-40; L'apport de Meijers à l'histoire du droit, dans
Tydschrift voor Rechtsgeschiedenis, 48 (1980) p. 355-371.
42
40 J. POIRIER, Introduction à l'ethnologie de l'appareil juridique, dans Ethnologie C. LIGER, Coustumes d 'Anjou et du Maine, éd. BEAUTEMPS-BEAUPRÉ ' t. JI ' p . 454 '
n• 1200.
générale.Paris, s.d. [1968], p. 1095-1098 (Encyclopédi e de la Pléiade).
CHAPI TRE 1
NOTIO N, DÉFI N ITIO N, AN ALYSE 29
28
nsu ulentium com- 4. La coutume doit être ancienne
Institutes de Justinien emploient l'expression: conse 43
probati, qui est reprise par Gratien au xnc siècle . Hostiensis au
Un usage ne devient coutume que s'il existe depuis
un temps relative-
etemi tempore pres-
XIII• écrit: consuetudo esr usus rationabifis comp ~en~ long. II faut, en général, de très nombreuses répétitions
de la façon
binari o aclu seu naître un
criptus vel firmatus ; nullo actu contrario inrerruptus d agn; quelques actes répétés ne suffis ent pas pour faire
e
inductus communi
comradictorio iudicio vel quod non extel memoria coutume.
44 exprimée dans la
uremium comprobaticme .
de la coutume, , L'i.d~e qu 'il faut. un temps relativement long est déjà .
Ce consentement tacite du peuple justifiait 1 autorité defimtwn . du drOit romain donné par He , .
rmogemen. . . . quae longa
e de ceux des époques plurimos observa ta 45. Les
aux yeux des juristes de la fin du moyen âge, comm cons_uetudme comprobata sunt ac peran nos
et des canonistes.
postérieures, sous l'influence évidente des romanistes Institutes de Justinien parlent de diuturni mores 46.
'

nt pût s exprimer. . n ,est


Dans la pratique il était bien rare que ce consenteme Nous avons précis ·
é: relativement long · En effet , la dure'e re qmse
es, ne précise com- fi d de la
Rien dans les définitions et dans leurs commentair p~s IXe; elle vane beaucoup, presque de cas à cas; tout dépen
ment ce consentement devrait se manif ester ni de qui il devrait émaner.
frequence des actes .dont la répétition engendre la coutu me s·
. 1 ces actes
manif estati on extérieure t t · fi · plusieurs dizaines
D une manière générale, il n'y avait aucune son . res requents a un moment donné, par exemple
J'unan imüé pour
d'un tel consentement. Il ne fallait évidemment pas par JOUr, la coutume peut naître en quelques jours
; si au contraire les
e ocial suffisait. Le . ,
établir une coutu me; une grande majorité du group actes
t:
sont rares. -pa.
r exem ple les moda lités del a successiOn au tron e_
la masse, n em-
fait que quelques personnes agissent autrement que i1 a.udra des dizames d'années, voire un ou deux siècle
s avant que J'usage
pas parce qu il y a
pêchait pas la formation de la coutume; ce n est d ev1enne coutume.
t pas érigé en
A cô~é de cette situ~tion de fait, les juristes des derni
iété n'étai ers siècles du
quelques voleurs que Je respect de la propr
coutume. deux théor ies: selon J'une la coutu me d 't 't
moyen age ont const,rmt , OI e re
manière négative, immémor· 1 , t -a- d'
Le consentement pouvait d ailleurs s'exprimer d'une . Ia e, ce~ ne tellem ent ancie nne que perso nne ne se sou-
contr e l'application
c est-à-dire par l'ab ence d'opp ositio n de réaction VIenne du contr ane; selon 1'autre, des délais différ
ents sont fixés selon
d agir d une ou de in o .
de la coutume; si au contraire une façon déterminée que la coutume est conforme ou contraire au droit roma
, u mconnue
de de désap probation ou celui- ci.
certaines personnes provoquait une attitu par
par consé quent pa
d opposition, il n'y avait pas de consentement, et L~ théorie du caractère immémorial de la coutume est énonc
ée par
;lusi.eurs auteu~s. Selon Beaumanoir,
de coutu me. la coutu me doit avoir été:
certaines régions
Enfi n- et surt out- à une certaine époque dans <mamtenue de sil~nc tans ~omme il puet souvenir à homm e» 47. Dans le
assemblées dont le
dans certains groupes socio-politiques il a existé des ~omn;-on l~w anglais, le drOit que le juge est censé déclarer
est la coutu me
utile voire nécessaire pour Rea/rn On
consensus a pu être considéré comme Imm~monale du royau me: the imme moria l custo m of the
mes libres de certains -.à ce
1 appro batio n de la coutume: assemblées d'hom a~mit cependant aux temps modernes, une limite - arbitraire
e et les things des
peuples germaniques survivant dans 1 Al/ting de 1 Island tzme ofr:zemory.: 1189, date de l'avènemen t de Richa rd Cœur de Lion 48.
nes villes d Italie
pays scandinaves, assemblées de bourgeois dans certai Selon 1 expressiOn allemande gutes a/tes Recht ,
la coutume doit être
du moyen âge.
de Flandre, assemblées d'ordres ou d'état s à la fin bonne et ancienne, ce qui condamne l'innovation
La théorie roma niste , que l' on t rouve chez certam ·. s auteurs au XIV• et
X • .. . .
rmité ou non
V Siecles, distingue des durées différentes selon la confo
45
can. b., éd. FRIEDBERG, op. cit., D .. I, 3, 35.
43 !nstitutiones, l., Il, ~9: GRATIEN , Decreturn, l, 12, 46
Inst., I, II, 9.
47 p 346
t. I, p. 28.
1, p. 16. Cf. A. LEBRUN, op. 48 TH.pDE BEAUMANOIR, Coutum
es du Beauvaisis, éd. A. SALMON no 683 ' t . II ' p .
44
HOSTIENSIS, Surnma aurea, I: De consuetudine, rubrica · LUCKN ETT A concise h' t .r h C '
Londre s,
.
1956,
e en droit canoniq ue. Paris, 1928, p. 155; E. ' ts ory oJ t e ornmon Law, 5' éd.
cil. , p. 52-53; R. WEHRLÉ , De la coutum p. 312.
(storia ) , dans Encycl opedia del Diritto , t. 28, p. 400svv.
CoRTESE, Norrna
30 CHAPITRE 1 NOTION. DÊFINIT!ON , ANALYSE 31

avec le droit romain: trente ou quarante ans si la coutume est contra jus, L'abrogation des mauvaises coutumes est d'ailleurs une des pre-
c'est-à-dire contraire au droit romain tel qu'il était connu et compris à mières manifestations du pouvoir législatif des souverains et des grands
l'époque, vingt, dix ou cinq ans (selon les auteurs) si elle est praeter jus, seigneurs ; la théorie du caractère raisonnable de la coutume a permis le
c'est-à-dire si la règle est inconnue en droit romain, dix ou cinq ans ou contrôle de la coutume par une autorité . Au Bas Empire, l'Empereur
même un délai plus court si elle était conforme au droit romain. Boutillier peut ainsi écarter une coutume qu'il considérait contra !egem. En 1267
dira à la fin du XIV• siècle : «Coustume maintenue par le terme de dix à Tournai, le roi de France abroge la consuetudo que dicenda est potius
ans vault, si elle est consonante au droit escript» 49 . corruptela, qui autorisait un meurtrier fugitif ou banni à racheter
son droit de bourgeoisie moyennant quatre livres, pourvu qu'il se
5. La coutume doit être bonne et raisonnable soit réconcilié avec les parents du mort 54 . En 1410, le comte de
Sous l'influence des définitions de la coutume en droit romain, Hainaut édicta deux ordonnances tendant à réformer plusieurs coutumes
notamment de la constitution de 319 déjà citée 50 , on a souvent affirmé «grandement contre raison et droiture»; ille fait à la requête des Etats
que la coutume devait être raisonnable. Beaucoup de canonistes du de Hainaut qui lui demandaient de détruire «telles mauvaises coutumes
moyen âge ont mis l'accent sur cette qualité 51 . Parmi les commentateurs et usages, et en ce lieu remettre et constituer boins et raisonables termes,
de coutume, les uns ne citent pas cette qualité; tel est le cas de lois et usages» 55 .
Beaumanoir, de Boutillier, de Wielant; d'autres en font mention, par
exemple Jacques d'Ableiges, qui écrit: «Coustume est ung raisonnable 6. La coutume ne doit pas nécessairement être approuvée par l'autorité, le
establissement ... » 52 . souverain, le seigneur
Mais qu'entend-on par «raisonnable»? Les canonistes eux-mêmes ne
A l'époque moderne, une condition essentielle de l'autorité de la
parviennent guère à le préciser. Hostiensis, dans sa Summa aurea, dit:
coutume était le consentement exprès ou au moins tacite du souverain.
Utrum autem sit rationabilis vel non relinquo iudici cum nec certa regula
Comme l'écrivit Prévôt de la Jannès en 1770, «dans les Etats monarchi-
possit tradi 53 . Selon certains auteurs des XIV• et XV< siècles, sont non
ques, tels que la France, où la volonté seule du Prince fait la loi, les
raisonnables les coutumes qui: coutumes ne peuvent recevoir le caractère de loi que par l'approbation
soit sont contraires au droit naturel; expresse ou tacite du Souverain» 56 .
soit ne peuvent être gardées «sans péché mortel»;
Cette condition n'était pas requise au moyen âge. Parmi les coutumiers
- soit vont à l'encontre des droits de l'Église;
français, seule, semble-t-il, la Summa de legibus Normanniae l'exige: a
- soit vont à l'encontre des droits du prince.
principibus approbati 57 ; encore peut-on expliquer cette exception par
D'une manière plus générale, on considérait au bas moyen àge que
l'influence des romanistes et des canonistes, qui affirmaient que la
les coutumes «mauvaises» n'étaient pas «raisonnables»; seules les
coutume n'était obligatoire que si le souverain y consentait 58 .
«bonnes» coutumes devaient être gardées. C'était toutefois un élé-
D'une manière générale, le pouvoir du souverain et des seigneurs n'était
ment purement subjectif: qui disait, qui décidait qu'une coutume était
pas absolu au moyen âge; au contraire, - sauf les cas fréquents de
mauvaise?
Dans leur serment d'inauguration, certains grands seigneurs, p. ex. le 54
L. VERRIEST, Coutumes de la ville de Tournai, t. I. Bruxelles, 1923, p. 144.
duc de Brabant, le comte du Hainaut, s'engagèrent expressément à 55
Ch. FA!DER, Coutumes du pays et comté de Hainaut , t . 1. Bruxelles, 1871, p. 80 et 88.
Voir surtout F. OLIVIER-MARTIN, Le Roi de France et/es mauvaises coutumes au moyen âge,
maintenir les «bonnes coutumes et à abroger les mauvaises».
dans Zeitschrift der Savigny Stiftung, Germ. Abt., 58 ( 1938), p. 108-137; J. G!LISSEN, Loi er
49J. BoUTILLIER, Somme rural, 1, Il, éd. Paris 1603, p. 6. coutume. Quelques aspects de l'interpénétration des sources du droit dans l'ancien droit belge,
50Supra p. 15 « ... a ut rationem vincat ... ». dans Tijdschrift voor Rechtsgeschiedenis, 21 (1953), p. 257-296.
56
51 R. WEHRLE , De la coutume dans le droit canonique, p. 111-119. PREVOT DE LA lANNEs, Les principes de la jurisprudence française. Paris, 1770, t . 1, p. 2.
57
52 Jacques d'ABLEIGES , Grand Coutumier de France, éd. E. l.ABOULAYE et R. DARESTE. SUMMA, ch , X , 1, éd. Tardif. Paris, 1896, t. Il , p. 34.
58
Paris, 1868, p. 192; autres exemples (CL Liger, etc.) dans A. è.EBRUN, op. cit., p. 50. R . WEHRLE, op. cil., p. 141 . E. JANSSENS, La coutume, source formelle du droit d 'après
53 HosTIENSIS, Summa aurea, 1: De consuetudine, rubrica 2-3. Saint-Thomas d'Acquin et d'après Suare:::, dans Revue Thomiste, 1931, p. 687 et svv .
CHAPITRE 1
NOTION. DËFINITION . ANALYSE 33
32

pouvoir tyrannique ou arbitraire- le princ~ s'engagea~t à ~especter 1~ personnes qui habitent un territoire donné et sont soumises à son droit
coutumes du moins les bonnes coutumes; Il ne pouvait creer le droit, commun: coutume d'une ville, coutume d'un ou de plusieurs villages,
tout au ~lus pouvait-il le constater. Il n'est donc guère question coutume d'une principauté.
Dans les systèmes de droit sans écriture, les coutumes sont presque
d'intervention pour reconnaître l'autorité de la coutume.
toujours personnelles. En Afrique noire le droit traditionnel, presque
exclusivement coutumier, était propre à chaque ethnie: coutume des
7. Groupes socio-politiques dans lesquels s'élabore la coutume Zande, des Mangbetu, des Luba, des Pende, des Yombe, pour ne citer
La coutume nait et se développe dans un groupe social donné; elle est que quelques exemples zaïrois. En Europe aussi, au haut moyen âge, les
le droit,- au moins en partie- le système juridique de ce groupe social; coutumes sont également personnelles: coutumes des Francs Saliens des
Frisons, des Saxons, des Wisigoths parmi les peuples germani~ues,
elle y est au moins une des sources du droit. .
Il est toutefois très difficile de définir le genre de groupe social dans coutumes des Polanes, des Russes parmi les peuples slaves ; il en fut
lequel une coutume déterminée s'est formée . Ce n'est pas l'État, ou les de même chez les Celtes . Lors des invasions de la partie occidentale
diverses formations politiques qui en ont souvent tenu lieu au moyen de l'Empire romain par les ethnies germaniques, on y appliqua la
âge: il peut y avoir plusieurs, même un grand nombre de coutumes dans personnalité du droit; la population romaine continuait à être jugée
un État ou dans une de ces entités, dans une principauté territoriale par - théoriquement - selon le droit romain, tandis que les peuples
exemple. Si à la fin du moyen âge les souverains vont tendre à unifier le germaniques étaient jugés selon leurs coutumes propres.
droit coutumier dans leur État, c'est un phénomène tardif qui se A la fin du moyen âge, les coutumes- du moins une grande partie
développe au moment où la législation supplante progressivement la d'entre elles - sont territoriales: on les désigne d'ailleurs en général par
le nom d'un lieu : pays, région, ville, village ; par exemple: coutume de
coutume. Champagne, coutume de Normandie, coutume de Paris, coutume de
Ce n'est pas la famille, ou tout autre nuclear group : ces groupes sociaux
sont en général trop petits pour voir naître des règles obligatoires Bruxelles, coutume d'Uccle, etc .. ..
de comportement; l'autorité du chef de famille, en général le père
(paterfamilias, mundoaldus) dans les sociétés européennes médiévales,
maintient J'ordre au sein du groupe familial sans se référer à une coutume E. GÉOGRAPHIE COUTUMIÉRE

donnée. Le détroit coutumier, c'est-à-dire le territoire dans lequel on applique


Ce sont tous les autres groupes sociaux ayant un caractère politique,
c'est-à-dire une certaine autonomie, qui ont eu leur coutume propre: une même coutume, ne peut - sauf quelques exceptions - être décrit
le clan, la tribu, l'ethnie, la communauté villageoise, la communauté avec précision que pour le xv•, voire le XVI• ou XVIIe siècle; pour
urbaine, la seigneurie, le grand fief, etc. , et aussi les groupes de de nombreuses coutumes territoriales, les plus anciennes listes des villes
stratification sociale ayant une relative autonomie vis-à-vis des autres et villages où elles sont appliquées, ou des juridictions qui les appliquent,
groupes: coutume des nobles, coutume des vassaux, coutume des ne datent que de cette période. Des cartes de géographie coutumière
marchands, coutume des ecclésiastiques, coutumes des religieux de tel ou ne peuvent donc être dressées que pour les XVI•-xvn• siècles c'est-à-
dire à la période de déclin de la coutume. C'est cependant ce ~u'a fait
tel ordre, coutume des bourgeois, coutume des serfs, etc.
Durant les premiers siècles du moyen âge, en général jusqu'au XI• ou Klimrath pour la France et ce que nous avons tenté de faire pour les
xn· siècle, les coutumes sont personnelles: toutes les personnes qui font XVII Provinces des Pays-Bas 59 .
partie du même groupe social sont soumises à la même coutume; la 59
La carte de Klimrath date de 1837 (Éludes sur les co wumes, op. cil.); elle a été
coutume n'est alors pas liée à un territoire donné. A partir du xn• siècle corngée et complétée par un groupe d'historiens du droit français pour être reproduite en
_ plus tôt ou plus tard dans certaines régions - les coutumes 1967 dans la not1ce C/ 1 France (avanl 1789), dans l'In!roduuion bibliographique à /'hisloire
du drrnl, op. cit. La carte que j 'ai dressée vers 1950-60 des détroits de coutume dans les
deviennent territoriales: une coutume donnée s'applique à toutes les
34 CHAPITRE 1 NOTION , DÉFINITION. ANALYSE 35

Ces cartes présentent cependant un réel intérêt pour 1'histoire juridique


des derniers siècles du moyen âge, car les détroits de coutume ont connu
une grande stabilité. En général, ils n'ont guère subi de changements
depuis le XIII< siècle. Ainsi les limites du détroit de la coutume de
Normandie sont restées celles du XII• siècle, car les 24 «paroisses
picardes», rattachées plus tard au duché, ont conservé leur droit picard.
A juste titre, Timbal insiste sur le rôle des ressorts de justice dans la
formation des droits coutumiers 61 . Ces ressorts remontent en général au
xn·, peut-être au xr· siècle; leur géographie correspond dès lors,
dans une certaine mesure, au morcellement de la puissance politique et
surtout judiciaire de cette époque. Ainsi, là où des seigneurs étaient
parvenus à réaliser dès cette époque une certaine unité politique et
judiciaire sur un territoire relativement étendu, comme par exemple
en Normandie ou en Champagne, on trouve une seule coutume terri-
toriale; ailleurs, le morcellement est beaucoup plus accentué, jusqu'à un
particularisme propre à un ou quelques villages. Dans la mesure où les
pagi carolingiens survivent sous l'une ou l'autre forme aux xr·-xn·
siècles, - p. ex. en Flandre dans les chatellenies -, ils constitueront
souvent le détroit de coutumes: coutumes du Franc de Bruges, de la Salle
d'Ypres, de la Salle de Lille, etc.
Il s'est ainsi formé, dans certaines régions, une hiérarchie de coutumes:
coutume générale de la principauté, coutume régionale, coutume locale;
par exemple pour le comté de Hainaut : coutume générale du comté,
coutume des ressorts de Mons et de Valenciennes, relativement étendus,
enfin coutumes locales de Binche, du Roeulx, d'Enghien, etc.
Dans de nombreuses régions du nord-ouest de l'Europe, les villes ont
eu dès le XII•-XIII• siècle des coutumes propres, caractérisées en général
par une plus grande égalité entre les habitants, (p. ex. égalité entre mari et
IF JJL!liN~lE femme, égalité entre aînés et puînés en matière de succession), par
~rD [[J'If UNITIIJEJRJE
-~RA:>o+<r
.., LA CARTE: DE. H .KLin
]) •APRc,S "" (1 8 3f)
60 l'abolition des preuves irrationnelles, par le développement d'un droit
commercial 62 . Ces coutumes urbaines constituent autant d'îlots de droit
- - - ·- --- ·- ~ ch -ea. :;<~ce. Uv 1'(89-
plus individualiste au milieu de coutumes rurales, restées axées sur
_______ .c~ ~ e.MJœ ,h•'if' d.e d/uK;t; WtU:. ar-ar o~.e. dJ<dé ~­
les communautés familiales et villageoises. Parfois le droit urbain a
-------~dM~ dt.~-

principautés belges a été publiée dan mo~ /ntroduc~~on his~orique au droit, op. P· 237 ci!-· 61
(éd. neerlandaise. p. 258). Sur la géographte coutu_mtere. votr J. YvER E.~sm de geographze P.C. T!MBAL, La coutume ... , p. 152.
62
coutumière. Egalité emre ht!ritiers et exc/us10n des enfants ~oc es. Pans, 1966 • J. GJLJSSEN et 1. RoGGEN, Le problème du droit privé urbain en Belgique, dans Recueils
w. MERK , Wege und Ziele der geschichflichen Reclusgeographie. Berhn, 1926. de la Société Jean Bodin, t. !, La ville. Bruxelles, 1957, p. 221-284.
6o Cf. p. 33, n. 59.

NOTION . DEFINITION . ANALYSE 37
CHAPITRE l
36
(
1t ...
~

~
To.
'
;

..
...

·..
Vllu:mael
) ' ~- .~ ;: -·~! ~. ;-, { ~. -- ~

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~ y.~;. ~JI "1--. "' ~ • "~ '""" "" "J(" ~ "x)( x" "x x " ~
AIX-LA-CHAPELLE

~~~~~···~· ~~~
"" .. i-

COLOGNE
CHAPITRE 1
40
. , , ions rurales environnantes (exemple: leges
largement essaime dans les reg b t). d'autres fois Je droit rural a CHAPITRE II
. d 1 sud-est du Bra an , ,
lovanzenses ans e . U 1 , J'égard de Bruxelles). Les deux
mieux résisté à cet essmmage (ex. cc e a . t d'Uccle illustrent cette ÉVOLUTION DE LA COUTUME AU MOYEN AGE
cartes des détroits des coutumes de Louvam e
situation à la fin du moyen âge. , . Le droit médiéval est presqu'exclusivement coutumier; autrement dit,
es sont dessinées, diffère l'une de l'autre. J al la coutume est la principale, et même à certaines époques, dans certaines
La manière dont ces deux cart . ,. . une même coutume ; ceue
. . qm ont app •que régions, pour certains domaines, l'unique source du droit.
tracé les contours des .regwns . hes en général ; mais elle comporte
méthode est conforme a celle d~s g:ogrl~.Ptendue exacte des villages médiévaux ; Le problème de l'évolution de la coutume est dès lors, dans une large
.
certames erreurs car on ne conna1t guere e
d l'. t due des terntOlres . . 'Il · de
VI ageois, mesure, d'une part celui de l'évolution du droit en général, d'autre part,
t s de base e e en · 1 t
en se servant comme car : ire du XIX< siècle. on commet inévltab emen celui des rapports entre les différentes sources de droit.
cartes de la fin du X~lll • :o • e il n'est guère possible de temr compte
Il faut, nous semble-t-il, nettement distinguer la période antérieure
d'innombrables mexactitudes ?e me~s~ème de cartographie est valable pour
au XII• siècle et celle qui est postérieure au XIUC siècle, les XII" et
des nombreuses enclave . Mais ce y . ession générale du territoire dans
,., e s'agisse que de donner une •mpr XIII• siècles étant, dans les différentes régions d'Europe, mais à des
autant qu • n . 63
lequel s'applique une coutume donnee 1. . ·te a· · ndiquer par des flèches les moments différents d'une région à l'autre, une période charnière dans
. R ond By cons1s . ·
Le système adopte par' aym . idictions allaiertt à chef de sens; Il est a l'évolution du droit. Les principales transformations dans ce domaine
J
'uridictions auxquelles d autres JUT . . t la me·me coutume. Ce type de carte
· ·d· t' smva1en
supposer que to~tes ces JUfl ~~ •_ons . il eut mieux montrer l'enchevêt:ement ~es
sont le passage d'un système irrationnel à un système rationnel de
eut être plus precis que le precedent , p !" tendue de ces détroits et Ii peut et re preuves, le recours plus fréquent à l'écrit, la formulation d'un droit
P · · î n'md1que pas e 64
détroits coutumiers; mais 1 , . , t de l'enchevêtrement des coutumes . objectif se superposant aux innombrables droits subjectifs, l'apparition
peu compréhensible à cause preCJsemen de la loi comme source de droit, la renaissance du droit romain.
A partir du XII•-XIII• siècle, la coutume est, par rapport à la période
antérieure, relativement bien connue. Les sources écrites deviennent
nombreuses: actes de la pratique, jugements, enquêtes par turbe, records,
chartes contenant des privilèges urbains ou territoriaux, et surtout
recueils de coutumes, parfois fort étendus. Mais, en même temps, la
coutume n'est plus l'unique source de droit: la législation royale,
princière, seigneuriale ou urbaine se développe et supplante parfois
la coutume. Le droit romain renaissant, dorénavant étudié dans les
universités, comble les lacunes de la coutume en se faisant progressive-
ment reconnaître comme droit supplétif; il prend ainsi la place de la
coutume dans beaucoup de domaines. Le droit canonique, alors à
l'apogée de son rayonnement, connaît une première codification de ses
règles de droit.
De même, il semble qu'il faille distinguer la période féodale de la
'U 1 ubliée en annexe à J. GIUSSEN, Le droit
période préféodale. Si la période féodale ne se situe pas partout en même
63 Carte du détroit de la coutume d cc e, Sp VALSCHAERTS·GILISSEN e.a., Uccle , une temps, si la féodalité a plus profondément pénétré dans certaines régions
, l d J DRAPIER·BARTIER, ·
coutumier d Ucc e, a~s .' · 1 Bruxelles, 1958. que d'autres, elle constitue néanmoins presque partout en Europe
commune de /'agglomeraiiOil bruxellms_e. 1. .d 1 d ché de Brabant. Bruxelles, !965
64 R BYL Les juridictions scabmales anhs et lu tt es de l'Université de Bruxelles, occidentale une époque aux institutions bien différentes de celles de la
· ' 1 · d h1losop 1e e e r
(Recueil des travaux de la Facu te e p période antérieure.
17).
42 CHAPITRE II ÉVOLUTION DE LA COUTUME AU MOYEN ÀGE 43

A. ve-lxe SIÈCLES: coutumes que d'ethnies . Certains germaniste s continuent à croire - à


LE DROIT COUTUMIER EN EUROPE DEPUIS LA FIN DE L'EMPIRE ROMAIN tort, nous semble-t-il - en un germanisches Urrecht, un droit ger-
D'OCCIDEN T JUSQU'À LA FIN DE L'EMPIRE CAROLINGIE N manique unique très ancien, dont seraient issues toutes les coutumes des
tribus germaniqu es (Stammesrechte) .
Les grandes invasions qui disloquent l'Empire romain d'Occident à la Dans les royaumes germaniqu es qui se formèrent à la suite des
fin de l'antiquité, modifient considérab lement la carte juridique de invasions, la coutume resta la principale source de droit; mais les rois (ou
l'Europe. Les peuples germaniqu es dominent toute la partie occidental e; chefs) ont aussi légiféré, édictant sous le nom de constitutiones, edicta,
les peuples slaves la partie orientale; des peuples celtes survivent dans les decreta, capitula, des règles de droit de caractère relativeme nt général
parties les plus occidentale s. L'Empire romain est réduit au sud-est de et permanent dans leurs royaumes. Les historiens du droit allemands
l'Europe et y forme dorénavan t l'Empire de Byzance. Au VIlle siècle, distinguen t dès lors ce Konigsrecht des Volksrechte.
l'Islam s'installe dans le sud-ouest de l'Europe. Au surplus, dans les royaumes qui naissent dans les limites de l'ancien
Droits germaniqu es, slaves, celtiques sont des droits presque exclusive- Empire romain d'Occident , le principe de la personnali té du droit laisse
ment coutumiers . subsister, côte à côte, deux systèmes juridiques ; d'une part, les coutumes
Il y a lieu donc d'examiner , pour la période antérieure au xe siècle, le des tribus germaniqu es, d'autre part, le droit romain tel qu'il est figé dans
problème de la coutume : quelques grands recueils de droit, notammen t le Bréviaire d'Alaric (506),
dans le droit des royaumes germaniqu es; mais aussi tel qu'il se transforme dans la pratique en ce qu'on a appelé le
droit romain vulgaire . La fusion des deux droits fut lente; elle dura
3
dans l'empire byzantin;
dans le monde slave; plusieurs siècles dans certaines régions. Elle se fit d'ailleurs par voie
dans le monde celtique. coutumière , sans interventio n, semble-t-il, de l'autorité, royale ou autre;
elle se fit aussi dans le sens coutumier ; à savoir par l'absorptio n
1. La coutume dans les royaumes germaniques d'éléments des deux systèmes juridiques dans les nombreuse s coutumes
régionales ou locales 4 .
L'ancien droit germaniqu e, antérieur aux invasions, n'a pas connu,
semble-t-il , la loi comme source de droit; du moins on n'en connaît 3
En dernier lieu: G. VISMARA, Lefonti del diritto romano nel/"alto medioevo seconda la
pas d'exemple . Les règles de droit, pour autant qu'elles existaient, più recente storiograjia (1955-1980) , dans S1udia el Documenra Hiswriae el Juris, 47 ( 1981 ),
étaient coutumière s . Tacite, parlant du mariage chez les Germains, dit p. 5 et svv. Sur le concept de droit romain vulgaire, voir P. C.KoP, Beschouwingen a ver hel
1 ::gn. <<vulgaire >> Romeinse rech1. La Haye-Zwolle , 1980 (Rechtshistor ische Studies, t. 6).
notammen t: Plus ibi boni mores valent quam alibi bonae leges . Voir surtout 1. GAUDEMET, La forma/ion du droit séculier el du droil de /"Eglise aux IV'' el
Le droit coutumier des peuples germaniqu es d'avant le ye siècle n'a V" siècles, 2'éd. Paris, 1979, p . 32 svv.; E. LEVY, Wes/ Roman Vu/gor Law. The Law of
pas été mis par écrit; il échappe par conséquen t à notre connaissan ce. Properly. Philadelphie, 1951; le même, Westromi.sches Vu/garrechl im Kai.serrecht, un/er
besonderer Berücksichtigung der Gesel::gebung Kons/anlins des Grossen . Weimar, 1966
Pourtant d'innombr ables travaux ont été publiés pour essayer de re- (Forschungen zum rômischen Recht, 21. Abh.) ; F. WIEACKER Vu/garismus und Klassi-
constituer ce qu'a pu être l'ancien droit germaniqu e; on s'est servi des :::ismus im Recht der Spiitantike. Heidelberg, 1955 (Sitzungsberi chte Heidelberger Aka-
rares sources contempor aines, tels César et Tacite, et surtout des demie, Phii .-hist. Klasse, a. 1955, fasc . Ill); le même, « Vu/garrecht >> und « Vulgarismus ,; ;
a/te und neue Probleme und Diskussionen, dans Studi in onore di Arnaldo Biscardi, t. I (sous
rédactions de droits de peuples germaniqu es, scandinave s et islandais presse) ; A. BECK , Romisch-vulgarrechtliche Elemente in schwei::erischen Schenkungs- und
d'époque postérieure 2 . Kaufurkünden der früheren Mitt elalters, dans Festschrift K.-S. Bader. Zurich et Cologne,
1965, p . 41 et svv.
En réalité, il n'y eut pas un droit germaniqu e unique, mais un grand
S. L.GUTERMAN, From persona/ ta territorial Law. Aspects of the His tory and Structure
4

nombre de droits; on peut supposer qu'il y eut au moins autant de of the Western legal-constitutiona/ Tradilion. New York, 1972 ; le même, The Transition
from Persona/ir y to Territoriality of Law in Feudalism, dans Album J. Ba/on. Namur, 1968,
1
TACITE , Germania, XIX in fine, ed. Goelzer. Paris, l923, p. 187. p. 157-167; L. STOUFF, Etude sur le principe de la personnalité des lois depuis les invasions
Bibliographie dans M. ScOVAZZI, Germanisches Recht, Bruxelles, 1963, dans
2 barbares jusqu 'au XII' siècle. Paris, 1894. Les travaux récents tendent à démontrer que les
J. GILISSEN (éd .), Introduction bibliographique, op. cil., B/ 2. notwns de personnalité et territorialité du droit sont des concepts qui n'apparaissen t qu' au
44 CHAPITRE Il ÉVOLUTIO N DE LA COUTUME AU MOYEN ÂGE 45

Les Volksrechte, continua tion des Stammesrechte de l'époque anté- Charlema gne, peu après avoir été fait empereur, et probable ment
rieure, restent essentiellement coutumiers. Il y en a des dizaines, pro- conscient du caractère de sa nouvelle dignité, semble avoir eu l'intentio n
bablemen t des centaines, dans chaque royaume, encore que nous n'en de faire rédiger l'ensemble des «droits nationau x» d'une manière aussi
connaissions qu'un tout petit nombre. On a, dans la plupart de ces complète que possible, afin que les juges rendent leurs sentences sur base
royaumes et principautés germaniques, procédé à la mise par écrit d'une d'un droit écrit, et non arbitraire ment: iudices secundum scriptam !egem
iuste iudicent, non secundum arbitrium suum . Cet effort fut vain · il
8
partie de ces coutume s: Lex Sa/ica, Lex Frisionum, Lex Alemanorum,
etc .... n'aboutit qu'à la rédaction de quelques complém ents aux leges, quelq~es
La nature de ces leges barbarorum a fait l'objet de très nombreu x capitula legibus addita.
travaux; il est d'ailleurs dangereu x de généraliser, car chaque lex a un On a longtemp s considéré Charlema gne comme un grand législateur.
caractère propre: la Lex Frisionum est, par exemple, très différente de Dans son importan te étude consacrée aux capitulaires, F . L. Ganshof a
la Lex Visigothorum 5 . Si certaines, comme précisément la lex des montré que, ni Charlema gne, ni ses prédécesseurs et successeurs dans
Wisigoths, sont dans une large mesure des actes législatifs, d'autres ne la monarch ie franque, n'ont vraiment beaucoup légiféré. La plupart
sont que des rédaction s privées de la coutume, dans lesquels des «diseurs des capitulaires sont des actes d'admini stration, non des actes de
de droit» ( Urteilfinder) constatai ent certaines règles coutumières. législation. On ne peut certes sous-estimer l'importa nce des capitulair es
En général, ces leges ne sont pas des lois au ens d actes législatifs ; ce carolingiens dans l'exercice du gouverne ment, procuran t par l'écrit
sont plutôt des recueils de coutumes · elles servent à con rater Je droit une stabilité et une régularité inconcevable dans les périodes sans
existant, c est-à-dire comme on le dit dans la lex des Lombard s appelé écriture qui ont précédé et suivi en Occident celle qui s'étend de 751 à
877, période des capitulaires • Comparé e à 1'activité législative presque
6 9
édit de Rotharis (643) les antiquas Jeges parrwn quae scriptae non erant ·
nulle de ces périodes sans écriture , la productio n d'actes de législation
7 10
mais des dispositions de droit nouveau peuvent y avoir été insérées •
sous Pepin III, Charlema gne, Louis le Pieux et Charles le Chauve a été
VI JI • siècle (M . B. BRUG IÊRE, Littérature et droit dans la Gaule, p . 2 19-229. Cf. surtout les une réalité ; mais elle n'a pas p~ faire reculer, loin de là, l'importa nce
t ravaux sur Je droit vi igothique: H . G. ScHMIDT, Zum Geltungsumfang der
ülceren capitale gardée par la coutume comme source de droit.
m Ge.rer:gebw 1g ; A. o 'ORS, La territorialid ad del (ierecho de los Visigodos, d a ns
wesrgotisclu
sul l'alto
1 Goti in Ocddeme : problemi, Settimane di studio del Centro italia no di studi
medioe,•o, 3. Spolète, 1956; e t dans Estudios •isigoricos, L 1. Rome-Mad rid , 1956
: A. 2. La coutume dans le monde byzantin
y terrirorialid ad del derecho en la epoca visigoda. dans
GARCIA GA LLO, t ationalidad
An ua rio de Historia del Derecho Espanol, 13 ( 1936-41 ). L'empire byzantin est la continua tion de l'empire romain; le droit
s A . GARCIA GALLO, Consideraciim critic·a de los esrudios sobre la legislaci6n
y la
byzantin est la phase ultime du droit romain. C'est à Byzance que furent
de Hüroria del Derecho espaiïo/, 44 ( 1974);
costumbre visigotlt1s, d ans Atuwario
G . ScHERILLO . Sul valorl! della consue111dine ne/le ux romtma Wisigothorum, dans RivisTa
der
de Storia del Dirirro italiano, 5 (1932), p. 459-491. les capitulaires. Grenoble, 1920. Sur les /eges en général, voir: Cl. SCHOTT, Der Stand
6 Edit de Rotharis, cap. 386 (éd. F. BEYERLE , Die Geset::e der Longobarden. Weimar, Leges-Forsc hung, dans Frühmittela !terliche Studien. Jahrbuch des Instituts Jür Frühmittel-
Die
1947, p .l56). . . alterforschung der Universitiit Münster , 13 (1979), p . 29 et svv.; R. BUCHNER,
' Dans cert.a.ines leges rédigées en latin on trouve de nombreuses allusrons
a la Reclrtsque!len, dans WATTENBACH-LEVISON, Deutschlands Geschichtsque!len im Mitrelafter.
dans Weimar, 1953.
consuewdo : 19 fois dans le Lex Visigollmrum, 11 fois da ns la Lex Burgundionum 8 fois
Capitulaire «programm atique» du printemps 802, c. 26, éd. BORETIUS, dans MGH '
8
6 fois dans les rex tes lom bar ds. une foi dans la Lex Ribuariu, dan
la Lex Baiuwariorrun,
ni dans Capitula regum Francorum, ! , no 33, p . 96.
les Leges Alamannorum, et dans la Lex Frisionwn. On n'en trouve pas de mention
F. L. GANSHOF, Wat woren de Capitularia ? Bruxelles, 1955; le même, Recherches
9
,
les versions successives de la Ll!x Sa/lm. ni dans la Lex Saxonum, la Lex Tlwringorum par
l'EII'a ad Amorem. Da ns la Lex Frisionum il est dit d'une règle j uridique donnée dans
une sur les Capitulaires. Paris, 1958, notamment p. 79 et 104; traduction allemande
n lit : ut n? Weimar et Darmstadt, 1961 (nouvelle
région donnee ,qu'elle esttalis co/1~1/f!tudo (ar[. 15); dans la Lex Alammmorum o W.A. ECKHARDT, Was waren die Kapitularie
op de
convf!/111/S secwrdum consuewdin em am iquam fiat in amne t'em ena (art. 36, 1 ). Dans le édition remaniée par F. L. Ganshof en plusieurs endroits). F. L. GA NSHOF, Een kijk
mais il beschikking en en levend rechr in de Karolingisc lre tijd, dans
prologue de la Lex Baiuwariorum o n trouve un long passage sur la comuetudo; verhoudinge n tussen normatieve
est en grande partie .emprunté a ux Etymologie s d'Isidore de Sèville (cf. supra,
p. 16). Mededelingen Kon. VI. Academie, KI. Leueren. Brussel, 1965, XXVII, nr. 2.
Sur la législation de Chilperic 1, F. BEYERLE, Das legislative Werk Chilperichs !, dans
0
G . KOBLER, Zur Fnïlrrezeption der consucludo in Deutschlan d, op. cil .. p . 35 1-353 : '

J. PETRA U-GAY, La notion de «lex» dans la cou11m1e salienne et ses mmsformatiotiS dans Zeitschrift der Savigny Stiftung, Germ. Abt., 78 (1961) , p. 1-38.
CHAPITRE Il
ËVOLUTION DE LA COUTUME AU MOYEN ÂGE 47
46

compilés au VIe siècle les Digest a (recueil d'extraits d'écrits des juris- Ce développement se situe à deux niveaux. Certaines coutumes
consultes du 1er, Il" et III< siècles) et le Codex (recueil de lois impériales, s'élaborent et se développent dans le cadre du droit byzantin, c.à.d. du
datant du Ille au VIe siècle), et que furent rédigées les Jnstitutiones droit savant des classes supérieures, à Byzance et ailleurs dans l'Empire.
(manuel destiné à l'enseignement du droit) et les Novellae (collections de Elles contribuent à transformer le droit des codifications et compilations
lois byzantines du VIe siècle); l'ensemble sera appelé plus tard le Corpus dans un sens plus hellénique, plus oriental.
iuris civilis. Ces recueils marquent la fin d'une évolution juridique dont Mais d'autres coutumes restent en vigueur au niveau des masses
populaires, que ce soit dans les villes ou surtout à la campagne. Ce
Rome fut le centre.
Les Byzantins ont beaucoup écrit; les sources juridiques écrites sont «droit populaire» grec, auquel les historiens grecs ont consacré de
abondantes. A côté d'adaptations et de traductions grecques du Corpus nombreuses études, est un ensemble de coutumes locales qui, souvent
iuris civilis, dont les Basiliques (IXc siècle) sont les plus importantes, depuis l'antiquité, ont survécu à travers l'Empire byzantin et l'occupa-
mais apparemment de valeur purement académique, de nombreuses tion ottomane, jusqu'au XIXe et xxe siècles.
compilations (les unes publiées, les autres encore manuscrites) corres-
pondent mieux au droit en vigueur dans l'empire byzantin; les unes sont 3. La coutume dans le monde slave et hongrois
officielles, d'autres sont privées; leur contenu est relativement varié, tout Les Slaves étaient des peuples sans écriture, au moins jusqu'au
en se ressemblant. Elles contribuent à l'assimilation d'un droit latin par xe siècle. Leurs systèmes juridiques durant le haut moyen âge nous
une civilisation grecque. sont restés inconnus; nous pouvons supposer qu'ils étaient avant tout
Comme dans le Bas Empire romain, la loi reste- théoriquement -la coutumiers. On trouve quelques traces de ces anciennes coutumes dans
principale source de droit. Dans cet empire absolutiste et théocratique les plus anciens documents, par exemple les traités conclus entre Byzance
qu'est l'empire byzantin, l'empereur est la <<loi vivante»; et il légifère et la Russie kievaine au xe siècle.
beaucoup; à l'époque de Justinien les Novellae, c.à.d. les nouvelles lois, Les plus anciennes rédactions de coutumes slaves ne datent que du
furent nombreuses et constituèrent un complément important aux codi- XIIIe ou XIVe siècle. Ainsi, Pravda Russkaia (Droit russe) est un
fications. texte juridique datant du XIIIe siècle, dont il reste de nombreuses
Mais, comme à Rome, la coutume reste source de droit. On met versions différentes, dans plus de cent manuscrits 12 . Certains passages
l'accent sur certains éléments fondamentaux: il faut que la consuetudo semblent être législatifs, mais la majeure partie est certainement d'origine
soit longa, c.à.d. ancienne; il faut que le consensus populi l'ait admise; il coutumière. Chez les autres peuples slaves, les premières rédactions de
faut qu'elle soit raisonnable. La coutume peut être transformée en loi par coutumes sont même plus récentes 13 , mais on peut reconstituer - très
la volonté de l'empereur. Léon VI, dans la préface à sa Collection de partiellement -le droit coutumier de l'époque antérieure à l'aide d'actes
113 Novelles, annonce qu'il adopte un certain nombre de coutumes et de la pratique 14 .
précise: «En leur accordant le privilège de la loi, nous les avons élevées
au rang et à la dignité de lois au lieu de leur laisser le caractère de 12
Infra, p. 89.
coutumes sans fondement» 11 . Le même empereur pose d'ailleurs le 13
Infra, p. 89.
principe que doit être considérée comme abrogée toute règle coutumière 14
L. ScHULZ, Russische Rechtsgeschichte. Lahr, 1951; D. KAISER The Growth of the
qu'il n'a pas confirmée. Mais cette affirmation reste théorique; les Law in Medieval Russia. Princeton University Press, 1980; J. BARDACH, Historia pafzst•m i
prawa Po/ski, do polowy XV wieku, 2 vol. Varsovie, 1957; S. VILFAN, Rechtsgeschichte der
coutumes continuent à se développer dans le monde byzantin. Slovenen. Graz, 1968, (Gr~zer Rechts- und Staatswissenschaftliche Studien, Band 21). Sur
11 J. DE MALA FOSSE, La loi et la coutume à Byzance, manifestations d'autorité et sources
les pays balkaniques: V. CUBRILOVJC (rédacteur), Le droit coutumier et les autonomies sur
d'enseignement, dans Travaux et Recherches de l'Institut de Droit comparé de l'Université de les Balkans et dans les pays voisins, dans Recueil des Travaux Symposium international,
nov. 1971, publié par l'Académie serbe des Sciences et des Arts, Editions spéciales, n" 1.
Paris, t. XXIII, 1962, p. 59-69, notamment p. 64, n. 1; G. MICHAELIDÈS-NOUAROS, Les
Belgrade, 1974; N.F. PAVKOVIC, Pravo preée kupovine u obiéajnom prava Srba Î Hrvata.
idées philosophiques de Léon le Sage sur les limites du pouvoir législatif et son attitude envers
les coutumes, dans Mnemosynon Bizoukidou (Mélanges Bi:::oukidès) . Thessalonique, 1960, Studija iz pravne etnologije (Droit de préemption dans le droit coutumier chez les Serbes et
les Croates). Belgrade, 1972,
p. 27 SVV.
48 CHAPITRE Il ÉVOLUTIO N DE LA COUT U ME A U MOYEN ÂGE 49

Le droit coutumier hongrois ne fut mis par écrit qu'au début du B. Xe-XIIe SIÉCLES: LA COUTUME DANS LA SOCIÉTÉ FÉODALE
XVIe siècle, par l'Opus tripartitum juris consuetudinarii, rédigé par
Étienne Werboczy. S'il y avait eu aux XW-XIW siècles quelques Dans la société féodale qui s'installe à peu près partout en Europe
lois, appelées decreta, elles ne comprenaient, comme ailleurs, que des occidentale aux xe et XI< siècles, la coutume reste la source principale,
dispositions de droit pénal et de procédure. Le droit civil resta exclusive- même exclusive du droit. A part quelques exceptions, notamment dans
ment coutumier; et ces coutumes ne furent pas mises par écrit; il n'y eut l'Empire germanique sous Otton I (936-973) et en Angleterre, on ne
aucun Rechtsbuch, aucun recueil de droit coutumier; tout au plus a-t-on trouve guère de traces d'actes législatifs. En France surtout, on n'a pas
conservé quelques contrats permettant de dégager un certain nombre de légiféré entre l'époque des derniers capitulaires (fin IX< siècle) et celle des
règles du droit coutumier médiéval des Hongrois 15 . premières ordonnances royales ou seigneuriales (XIIe siècle) 1 7 .
Le droit romain a à peu près entièrement disparu; tout au plus y a-t-il
4. La coutume dans le monde celtique quelques survivances dans le vocabulaire juridique (p. ex. l'emploi de
Des peuples celtiques ont occupé une grande partie de l'Europe termes tel que stipulatio), mais le sens même de ces termes n'est plus
occidentale; les Gaulois, les Belges étaient des Celtes. La plupart celui de l'époque romaine. Il faut attendre le XIIe siècle pour assister à
d'entre eux ont été romanisés; puis, certains ont été germanisés. Mais une renaissance du droit romain en Italie, sous la forme d'étude et
d'autres Celtes ont échappé à la romanisation et la germanisation. Tel d'enseignement des codifications byzantines du VIe siècle dans les écoles,
est le cas des Bretons dans l'ouest de la France, des Gallois à l'ouest puis les universités que les plus fameuses engendrèrent. Les coutumes du
de l'Angleterre, et surtout des Irlandais où, malgré huit siècles d'angli- Midi de la France, tout comme celles d'Espagne et d'Italie, ont toutefois
cisation, le particularisme celtique a subsisté jusqu'à nos jours. conservé la trace de certaines institutions romaines; dans ces «pays de
Avant leurs contacts avec les Romains et leur conversion au chris- droit écrit», en réalité presque aussi coutumiers que ceux du Nord, les
tianisme, les Celtes étaient des peuples sans écriture. On ne connaît «pays de droit coutumier», le droit resta imprégné de souvenirs de
presque rien de leur système juridique, à peine quelques indications sur l'époque romaine 18 .
leur organisation politique et leur structure familiale. Leur droit était Seul le droit canonique s'est maintenu et développé; il apparaît à cette
coutumier; mais, faute de documents, il échappe presqu'entièrement à époque comme le seul droit écrit, surtout par les nombreuses collections
notre connaissance. de textes juridiques compilées à cette époque 19 . Mais le droit canonique
L'Irlande toutefois a connu un «âge d'or» aux VIe et VIle siècles, ne régit guère que les institut,ions religieuses, et aussi, dès cette époque,
lorsque le monachisme y atteignit un développement extraordinaire. certaines matières de droit privé, tels le mariage et le testament.
L'écriture y fut introduite; les légendes gaéliques furent transcrites par La coutume est donc la source presque exclusive du droit durant
)es moines; elles nous livrent quelques bribes des vieilles coutumes l'époque féodale. Le système féodo-vassalique fut coutumier, du moins
irlandaises. dans la mesure où on connut alors un droit objectif, superposé aux
De cette époque date au i la première rédaction du Senchus Mor la
17
«grande tradition» vaste recueil de droit coutumier · il fut utilisé et J. GlLlSSEN , Introduction historique du droit , op. cit ., p. 173-176 ; F.L. GANSHOF ,
Qu'est-ce que la féodalité, 4' éd. Bruxelles, 1968; en dernier lieu: S. REYNOLDS, Law and
complété ju qu'au XIVe i.ècle. Dans le Pays de Galles la plus ancienne communities in Western Christendom, c. 900-1140, dans The American Journal of Legal
rédaction de coutumes s appelle les «lois>> de Howel le Bon; elle date History, 25 (1981 ), p. 205-224.
18
Il y a évidemment une assez grande différence entre les régions du Nord et celles du
de 943 16 . Sud de l'Europe, à savoir l'Italie, l'Espagne (non musulmane), le Midi de la France. Voir en
1 s I. ZAn A y, L'importance de /'él•olurion de l'ancien droil hongrois au point de vue de la
dernier lieu M. ROUCHE, Les survivances antiques dans trois cartulaires du Sud-Ouest de la
théorie des sources, dans Revue m(ernatÎ(JIIOie de droit comparé, 21 ( 1970), p. 477-488; T. France au X' et Xl' siècles, dans Cahiers de civilisation médiévale, 23 (1980), p. 93-108 .
19
LEH, La codification du droit coutwnier hongrois·, même Revue, Il {1960). p. 559-573. VOir P. FOURNIER et G. LE BRAS, Histoire des collections canoniques en Occident depuis
les Fausses Décrétalesjusqu'au Décret de Gratien, 2 vol., Paris, 1931-1932; G. FRANSEN,
aussi p. 95.
16 R. THURNEYSEN , Das Keltische Recht, dans Zeitschrift der Savigny Stiftung, Germ. Les collections canoniques. Turnhout, 1973 (Typologie des sources du moyen âge occi-
Abt. , 55 (1935), p. 81-104 ; Ancient Laws of freland , 4 vol., Dublin et Londres , 1865-1879 ; dental, n• 10) .
A. OWEN, Ancien/ Laws and Institutions of Wales. Londres, 1841.
50 CHAPITRE Il ÊVOLUTION DE LA COUTUME AU MOYEN ÂGE 51

nombreux droits subjectifs nés des rapports féodaux et du régime objectif, en tant qu'ensemble de règles juridiques générales et uniformes,
seigneurial. Epoque d'inégalité sociale, où chaque homme se situe existe au cours des siècles précédents, mais il est rarement formulé; par
dans une hiérarchie complexe et où les rapports sociaux sont établis ailleurs des droits subjectifs subsistent même de nos jours. C'est au
d'homme à homme. Mais, faute d'écrits, ces rapports, notamment ceux XII• siècle qu'apparaissent, un peu partout en Europe occidentale, les
qui sont établis dans les contrats féodo-vassaliques, sont généralement premiers efforts de formulation d'un droit objectif. Il s'agit de règles
coutumiers. C'est la tradition, _L~.s~pétition__d:_ê._ç_t~_s_ qui fait_g~tre les de droit, applicables à tous les habitants d'un territoire ou à tous les
0 ~gles juridiq~~~ --q0_régi~~~t les .I.!Ql1Yellesinstitu1i9.!1S. . membres d'un groupe social déterminé, jouissant d'une certaine auto-
LëscouÎÜmes de l'époque féodale ne concernent plus, du moms dans nomie politique. Ce sont, par exemple, les règles de droit public ou privé
la majeure partie de l'Europe occidentale, un groupe ethnique donné; qu'on trouve dans les privilèges concédés aux villes ou territoires, ou
elles sont liées à un territoire. Les coutumes cessent d'être personnelles dans les premiers recueils de droit rédigés dans certaines principautés, ou
pour devenir territoriales; on dira plus tard qu'elles sont réelles 20 . encore les premiers actes législatifs de souverains, de grands seigneurs ou
Toutefois, les différentes class~s.. i9..f.i.al~LQJ1t _9orénav s ropres de villes 2 2 .
coutumes: ~~turne des ~~-~aux, des nobles coutume des ecclésiastiques, Ces efforts de formulation du droit vont de pair avec l'usage grandis-
d~~- moines, coutume des marchands, des burgenses, des vilains des sant de l'écriture dans le domaine juridique. Alors que la période
paysans, etc. d'avant le XII"-XIII• siècle peut être considérée, du point de vue
de l'historien du droit, comme une «schriftlose Zeit», une période à
C.
peu près sans documents écrits, celle qui suit fait un constant appel à
FACTEURS DE TRANSFORMATIO N DU DROIT AUX XII• ET XIII• SIECLES
l'écriture. La plupart des séries de types de documents commencent au
Dans l'histoire européenne du droit, les XII• et XIII• siècles marquent xn·-xrn· siècle, par exemple les coutumiers, les enquête~ par turbe, les
de profondes transformations. Celles-ci apparaissent ici plus tôt, là plus recours à chef de sens; les actes écrits sont innombrables à partir du
tard; mais dans l'ensemble, c'est surtout entre 1150 et 1280 qu'elles se XIII• siècle, alors qu'ils sont sporadiques pour la période antérieure.
manifestent 21 . Celles qui nous paraissent les plus fondamentales pour
2. Droit rationnel
l'avenir de l'évolution juridique sont:
la formulation d'un droit objectif; C'est surtout par son système de preuves que le droit médiéval devient
- l'apparition d'un système rationnel de preuves; rationnel. Des épreuves rationnelles remplacent aux XII• et XIII• siècles
- J'apparition de la législation tant au niveau local qu'au niveau des les preuves irrationnelles, tels que ordalies et duels judiciaires 23 . Les
Etats naissants et des grandes principautés; parties cessent de s'en remettre à Dieu pour trancher leurs conflits; elles
- la renaissance du droit romain; demandent à des juges ou à des arbitres de rechercher la vérité et de
- la codification du droit canonique et l'analyse de celui-ci, ainsi que trancher les litiges en tenant compte de normes juridiques. Justice et
celle du droit romain, dans la doctrine. équité apparaissent comme fondement du droit.

1. Droit objectif 22
G . K. SCHMELZEISEN , Objekrives und Subjektives Rechr . Zu ihrem Verhalrnis im
Dès le XII" siècle, des règles de droit objectif tendent à se superposer Mille/a/rer, dans Zeirschrifr der Savigny Srifrung, Germ . Abr. , 90 (1973), p. 101-120.
23
Sur l'évolution des modes de preuves au moyen âge, voir surtout La Preuve,
à la masse des droits subjectifs. Cette évolution est très lente; le droit deuxième partie: moyen âge er lemps modernes dans les Recueils de la Sociéré Jean Bodin,
t. 17, Bruxelles, 1965, notamment les études de R . C. Van Caenegem. Voir aussi Ph.
20Supra, p. 33. GoDDING, La preuve en marière civile du 1 1" au 18'"siècle, dans Travaux et Conférences Fac.
21J. GIUSSEN, Loi el Courume en Europe, op. cit.; R.C. VAN CAENEGEM, Be- Droit Univ . Bruxelles, 9 (1962), p. 111-128. Des preuves irrationnelles furent encore utilisées
schouwingen over het gewoonterechr in hel graafschap Vlaanderen in de 12' eeuw, dans dans certaines régions au XV', voire même aux XVIII' et XIX' siècles; l'évolution fut au
Tijdschrift voor Rechtsgeschiedenis, 35 (1967), p. 485-499. surplus beaucoup plus lente en Europe orientale qu'en Europe occidentale.
CHAPI TRE Il ÉVOLU TIO N DE LA COUTU ME AU MOYE
N ÂGE 53
52
ent de corae, keuren
Dans le nord de l'Euro pe appar aissen t des systèm
es relati veme nt paix, l_'oc~roi de privilèges généraux, le dével oppem
le jury en Angle terre, la ou Wzllkuren dans le nord de l'Euro pe, etc. zs_
ration nels de libre reche rche de la vérité. Tel est
en Frise, les namnden en
veritas scabinorum en Fland re, le seventuig 4. Droit romain
coutu mes locale s; elles
Suède ; ce sont des systèmes de preuv e nés de
ns, notam ment sur les · · 1e. D ans 1es
repos ent en ordre princ ipal sur l'enqu ête par témoi . , sance
du droit début e en Italie au XII• srec
. renais
La . .
inform ation s recueillies par des témoi ns privilégiés. um;er srtes qm appar mssen t et se dével oppen t
d'abo rd en Italie, peu
siècle un systèm e
Dans le sud de l'Euro pe se dével oppe dès le XII< apres en Espag ne, en Franc e, en Angle terre, plus
tard dans l'Emp ir
réglem enté de preuves, accor dant à chaqu e mode de preuv e une valeu r c'est le droit ro~a~:
dessus de la Polog ne: en Sca?d inavie , le droit est enseig né; mais
um; au
déterm inée: probatio plena, probatio semiplena, indici e~ le dr01t canomq~e,, en réalité un droit savan t, bien différent
du droit en
t notam ment l'aveu , ent et des
preuv e pleine se situe le notorium, comp renan ;rgue ur dan~ les drfferents pays, qui fait l'obje t de l'ense ignem
de iure. Ce système de
l'auto rité de la chose jugée, la préso mptio n iuris et e~udes doc;n.?ales. To~te_fois, ce droi~ savan t s'infliltre dans la pratiq ue
ique; appliq ué en
preuv e est décrit dans la doctr ine roma niste et canon des 1~ XIII srecl~. ~es legrs~es, au servrce des prince
s et de 1'Eglis comm e
e
impos é presq ue parto ut en
Italie dès le XII• siècle, puis en Franc e, il s'est de~ vr!l~s, font penet rer les rdées romai nes dans les conce ption s politi ques
24
Europ e aux XV•-XVI• siècles, sauf en Angle terre et Jundr ques de leur temps .
. 26

en même t
Un exemple d'une telle infiltr ation dès le XIII• siècle , emps
d 1 · · mière , sont les nomb reuse s
3. Législation que e_ ~ resrst ance de la pratiq ue coutu
dans les actes de la
La loi appar aît à nouve au aux XII• et XIII• siècle
s, comm e sourc e de reno_ncratrons aux excep tions de droit roma in
27
tenda nt à éclipser la pratrq ue •
droit; elle amor ce alors une évolu tion ascen dante
jurist es au XIX• siècle,
coutu me; elle sera recon nue par de nomb reux 25
L GENJCOT L a 101.•• op. Ct!., .
p.
23
svv.; J . GILJSSEN, Introduction hislorique au droil
· . '
comm e sourc e presq ue exclusive du droit. p. 277 sv., _w. EBEL, Gescht chte der Gesetz gebung in Deutschland, 2' éd. Giittin gen, 1958. ID '
elles étaien t rares, en Rechls. Gôttin gen ,·953'
Certe s, il y eut des lois avant le XII• siècle, mais Dz~6W~lkur. Eme S!ud:e ZU den Denkformen des iilteren deu/sch : lus Roman um 'Medit
, on trouv e à peu près d'élab oration
ne va~te synthe ce problè me est en cours
voire exceptionnelles. Or, à la fin du XIII" siècle . se de
en 1962, mais l'entre -
Aevz, sous~t dtrectt on de E .. GENZMER; les premie rs fascicu les ont paru
là moin s intense, mais
parto ut en Europ e une activité législative, ici plus, ~nse sem e ralentt e deputs le décès de Genzm er; 36 fascicules ont paru. En attend ant
opéré e au cours des Munic h et Berlin 1947 (rïm · · '
réelle. La grand e muta tion s'est, à cet égard , aussi · KoscHAKER, Europa und dos romische Recht,
e à la conce ntrati on ~~~~~::esru~~:tc~ÏeC~~N~ (é~.) Handbuch der Quel/en, op. cit., t. I; La biblio;ra;~:::ste~
XII• et XIII• siècles. C'est à cette époqu e qu'on assist 500) dan
d'un nomb re limité de . · EENSTRA, Drou romam du moyen âge (1 100-J
et à l'affe rmiss emen t du pouv oir entre les mains 1 G!LISSEN, (ed.), lntroduclion bibliographique à l'histoire du droi! .. ., B/ 10 . B ruxe ' Il s
· es,
le sens mode rne du 1980.
perso nnage s et qu'ap paraî t la notio n d'Eta t, dans 1 d ·
renonciations aux exceptions de droit romain da ns e rou
27
J. GIL!SSEN, L'apparilion des
terme . fl amand au XIII• siècl d R
e, ans evue internationale des droi!s de l'Antiq uité 3' ·
L'em pereu r du Saint Empi re, les rois, les ducs, les
princes territo riaux
513-53 0 (=Mél anges F. de Vissche r, t. IV)· complé:nen/~:e:~
tF. IVV (1950), p. ,
XII•, au moins dès le XIII• siècle. De Note sur /'ap'Pan't'lon d es renonc ·wtwns ·
aux exceptions de droit romain
ont élabo ré des ordon nance s dès le d
· ERCAUTEREN
1 . . , .
Eludes hisloriq ues à ta · · ·d
omes pour acqué rir le an.~ es prmctpautes belges au XII!" siècle, dans l ( ~~::c~;:ti/
nomb reuse s villes ont aussi été suffis amme nt auton Ver:::ich
Noe/ Dzdze~. Pans, 1960, p. 325-34 0. 0 . P. CLAVA DETCH ER, Der
à leurs habit ants des
droit de légiférer, c'est- à-dire le pouvo ir d'imp oser des Mittelalters d · · _)
auf Excepn onen m den bündnerischen Urkunden 8· p' Rians Zeusch rift fur
I p. 101-13 8 et 363-38
règles de droit par voie d'auto rité. schweizerisches Recht, N.F., 77 (1958), • · ESENBERG, Roman
Law R · · d . nth Centuries, dans Essays in H
dével oppem ent de la .r , enuncw twns, an Busmess in the Thirlee
Nomb reux sont les facteurs qui ont contr ibué au o; A. P. Evans. New York ' .1955 p 207 225· J L G
Les clauses de
...
renonc
onour
iation au
du mouv emen t de .. ' · - ' .- · AY,
loi: une trans forma tion des menta lités, la laïcis ation XIII' .. l d l . la Société
gne, dans Mémoires de
:œc e_ ans a partze mendw nale du comlé de Bourgo
i~u~~~~~{, ;~ ~~-~~l/~1 ~institutions
01
des a~ciens pays b_ourguignons, comtois et romands,
ln (renuncia-
du moyen âge. Paris, 1939; HLOSSER, D1e Rechts- und Emredever::ichtsforme
24
J. Ph. LÉVY, La hiérarchie des preuves dans le droit savant . , ·
en des Mitte/a lters Aalen 1963 (U t h
des origines à nos jours, dans Recueils de la Société Jean twne1) der deutschen Urkund · ' n ersuc ungen zur
Je même, L'évolution de la preuve deutsc hen St t d R h KùBLE R, Verzich t und
aa s- un ec tsgeschichte, Neue Fol ge, Band 2); G.
Bodin, t. 16. Bruxelles, 1963, p. 9-70.
ÉVOLUTION DE LA COUTUME AU MOYEN ÂGE 55
54 CHAPITRE Il

faut attendre le XVI• siècle pour assister à l'éclosion d'une doctrine


5. Droit canonique
coutumière.
Le droit canonique lui-même subit de profondes transformations au La jurisprudence apparaît comme une autre source du droit; les juges
cours du XIIe siècle. S'il est, dans la majeure partie de l'Euro~e, le populaires et surtout les juges professionnels se réfèrent aux jugements
seul droit écrit au cours des siècles précédents, aucun des recueils de rendus dans des cas similaires. En Angleterre, le common law est un
textes n'atteint l'importance quantitative et qualitative du Décret de droit jurisprudentiel, un judge made law, dès le début du XIV• siècle.
Gratien (env. 1140) et des Décrétales de Grégoire. IX (1234). La Sur le continent, le rôle de la jurisprudence est loin d'être négligeable à
conception des canonistes sur les rapports en~re lo_t et co_u~um~ a la même époque.
grandement contribué à développer l'idée de la pnmaute de la legislatiOn
étatique au bas moyen âge 28 • 2. Domaines nouveaux régis par la coutume

En réalité, si la coutume cesse d'être l'unique source de droit, elle


D. LA COUTUME AU BAS MOYEN ÂGE
conserve néanmoins une place importante par les domaines qu'elle régit.
Ces domaines sont d'une part les domaines traditionnels de la coutume:
1. La coutume face aux autres sources de droit la famille, les successions, les régimes matrimoniaux, les obligations qui
naissent des rapports usuels dans une économie fermée; mais d'autre part
A partir de l'époque pour laquelle l'historien dispose d'un grand des domaines nouveaux lui appartiennent aussi, par exemple le jus
nombre de documents de droit coutumier, c'est-à-dire les XIII•, XIVe ~t mercatorum, les coutumes des marchands, origine du droit commercial
xve siècles, la coutume cesse d'être la source quasi exclusive d~ drmt. moderne; ces coutumes apparaissent aux xn•-XIII• siècles et se dévelop-
La loi prend une place de plus en plu importante q_ue ce _smt sous pent autour d'institutions nouvelles: la lettre de change, la lettre de foire,
forme de législation impériale ouro ale, de législation e1gne~1~e ou de le billet à ordre, la société en commandite, la société anonyme, etc ....
législation urbaine. Mais cette activité législative est ~uantlt~~vement Dans les villes, naissantes à cette époque, les rapports entre artisans,
encore très réduite: tout au plu quelques dizaines de l01s par s1ecle dans les rapports entre employeurs et employés voient naître un droit social
chaque pays, dans chaque principauté. La législati~n c~n~erne r_ar~ment qui, s'il est en partie réglementé par les ordonnances urbaines, c'est-à-
le domaine de ce qu'on nomme maintenant le drmt pnve; celm-ci reste dire législativement, est aussi largement régi par les usages profes-
presque exclusivement coutumier, sauf dans les v~ll_es. . , sionnels, c'est-à-dire la coutume.
Le droit romain apparaît comme source suppletive de drmt, d abord
en Italie plus tard dans le Saint Empire moins dans !es autr~ pays: 3. Tendance à la sécurité juridique; les actes écrits
France, Angleterre pays scandinaves. L'étude_du dro~t rom~m. et du
droil canonique dans le universités donne naiSsance a une lttterat~e Les nécessités d'une plus grande sécurité juridique aboutissent ici plus
juridique de plu en plus abondante· les juri tes élab~re~t une doctn_n~ tôt, là plus tard, à la mise par écrit des principales règles coutumières:
romano-canoni que. 11 y a très peu de travaux consacres a la coutume tl rédactions privées d'abord, aux XIIIe et XIV• siècles, rédactions offi-
cielles, ordonnées par le pouvoir, surtout aux XV• et XVI• siècles.
Renunciation, dans Zeitschrift der Savigny-Stiftung, Germ. Abt., 85 ( 1968), P· 211-217. De même, un grand nombre d'actes juridiques sont consignés par écrit,
y. JEANCLOS , Les renonciations au XIII' siècle d'après quelques_ cartulwres champenot~, que ce soit sous forme d'instrumentum privatum, acte privé, ou le plus
dans Mémoires de la Société pour l'histoire du droit et des mscuutzons des anctens pays souvent sous forme d'instrumentum publicum, acte public fait devant
bourguignons, com1ols el romands. 29 ( 1968-1969). p. 437-454. .. .
2s M .J. ÛDENHEIMER, Die chrisrlich-kircl!liche Amell an der Verdrungu11~ der ~~~el­ l'une ou l'autre autorité (échevinage, notaires, doyens de chrétienté, etc.).
alterlichen Reclusslruktur und 0 , der Enrstehw1g der Vorherrschafr de~ st~atbch-gesélo.TI!II Ce sont autant de preuves préconstituées; le principe «Témoins passent
Redus im dewschen undfranzosischeTI Rechrsgebiel. EiJ1 Beilrag z~r hL~toflschen SirukT~tr­ lettres» va se muer en «lettres passent témoins», d'abord en Italie, aux
cmalyse der modemen kontinemo1-europiiist hen Reclusordmmgen. Bâle, 1957 (Basler Stud1en
XIV• et XV• siècles, plus tard en France, aux Pays-Bas, même en
zur Rechtswissenschaft, n° 46).
56 CHAPITRE II ÉVOLUTION DE LA COUTUME AU MOYEN ÂGE 57

Angleterre 29 . II est même paradoxal qu'au bas moyen âge, tant d'actes XI• siècle; mais c'est au XIII• siècle que le nombre de rédactions privées
publics ou même privés aient été écrits, alors que la coutume est bien devient considérable. Il y en a au moins cent qui, par l'étendue des
souvent restée non écrite 30 . matières traitées, constituent déjà de véritables exposés généraux et
relativement systématiques du droit coutumier d'une région ou d'une
4. Modes de preuve de la coutume ville donnée.

Si la preuve des faits devient rationnelle 3 1 , a fortiori la preuve de la


6. Rédactions officielles de coutumes
coutume n'a plus rien d'irrationnel. Ou bien les juges connaissent la
coutume par leur propre expérience; elle est dite notoire; il ne faut pas A partir du xv• siècle, la coutume connut une lente décadence en tant
la prouver. Ou bien, une coutume invoquée n'est pas connue des juges, que source de droit. Parmi les nombreux facteurs qui expliquent cette
il faut la prouver. L'enquête par turbe est le mode spécifique de preuve décadence, nous voudrions en mettre trois en évidence qui apparaissent
de la coutume; il y en a d'autres, notamment les records, les Weistümer, déjà au cours des derniers siècles du moyen âge:
le recours à chef de sens, à Oberhof Les résultats de ces enquêtes ou - la rédaction officielle des coutumes, aboutissant à leur transforma-
recours sont finalement mis par écrit; ils constituent une des sources tion en droit écrit, voire en loi;
documentaires les plus importantes durant les derniers siècles au moyen - la réception du droit romain en tant que «droit commun» comme
âge; nous les analyserons dans le chapitre IIP 2 . droit supplétoire, éliminant le rôle supplétoire joué par la coutume;
- la tendance à l'absolutisme, poussant les monarques à écarter tout
5. Rédactions privées de coutumes frein à leur pouvoir et toute forme de particularisme local.
Parmi les rédactions de coutumes des XIII• et XIV• siècles, certaines
Si le XIII• siècle est le premier grand siècle de l'histoire de la législation
étaient faites à l'initiative et sur l'ordre de l'autorité, soit locale, soit
au moyen âge, il est aussi en Europe le grand siècle de la rédaction des
régionale. Tel fut le cas en Italie, en Espagne, dans le Midi de la France,
coutumes. Le besoin se fait alors sentir, presque partout, de mettre par
dans certaines villes et pays d'Allemagne, et en Scandinavie (infra,
écrit un certain nombre de règles de droit coutumier appliquées par les
p. 94-95). Mais c'est surtout aux XV• et XVI• siècles que les autorités
tribunaux. Ces rédactions sont le plus souvent l'œuvre d'un praticien du
ont pris l'initiative de faire rédiger et homologuer officiellement les
droit, qui en prend l'initiative dans son propre intérêt et dans celui des
coutumes; l'ordonnance de Montilz-les-Tours, en France (1454), celle
collègues. On les appelle des rédactions «privées», par opposition aux
de Charles-Quint dans les Pays de par-deça (1531), décrivent la manière
rédactions officielles faites à l'initiative de l'autorité et approuvées par
dont ces rédactions et homologations doivent être faites.
elle 33 . Les effets de la rédaction officielle des coutumes n'ont pas été partout
On trouve certes déjà des rédactions de coutumes aux XI• et XII•
les mêmes; on peut toutefois, sous réserve de certaines situations
siècles, par exemple les coutumes frisonnes et les Usages de Barcelone au
particulières, constater que les coutumes homologuées ont été reconnues
29 J. GrLlSSEN , Individualisme et sécurité juridique: la prépondérance de la loi et de /"acte par le prince comme ayant force de loi. Tel est le cas en Allemagne, en
écrit au XVI" siècle dans /"ancien droit belge, dans Individu et Sociélé à la Renaissance. Belgique, en Scandinavie, comme précédemment en Italie et en Espagne;
Colloque international tenu en avril 1965 à /"Université libre de Bruxelles. Bruxelles, 1967, en France aussi, sous quelques réserves 34 . L'autorité de la coutume
p. 33-58 (Travaux de l'Institut pour l'étude de la Renaissance et de l'Humanisme).
3 ° Ce paradoxe a été bien mis en évidence par H. LEVY-BRUHL, Sociologie du droit. homologuée lui vient dorénavant de l'approbation du prince.
Paris, 1961, p. 52-53. La rédaction officielle des coutumes a empêché, ou du moins limité, la
31
Supra p. 5!-52. réception du droit romain. Tel est le cas certainement en France et en
32 H. PISSARD, Essai sur la connaissance et la preuve de la coutume. Paris, 1910;

J. GILISSEN La preuve de la coutume dans /"ancien droil belge, dans Hommage au Professeur
34
P. Bonenfant. Bruxelles, 1965, p. 563-594; R. FrLHOL, La preuve de la coutume dans l'ancien R. FILHOL, La rédaction des coutumes en France, dans La rédaction des coutumes dans
droit français, dans Recueils de la Société Jean Bodin, t. 17, 1965, p . 357-373 . le passé et dans le présent, Colloque de l'Institut de Sociologie, U.L.B . Bruxelles, 1962;
33
Infra , p. 86 svv. A. LEBRUN, La coutume; op. cil., p . 79 et svv.
58 CHAPITRE II ÉVOLUTIO N DE LA COUTUME AU MOYEN ÂGE 59

Hongrie; beaucoup moins en Belgique, où souvent 1'acte d'homolog ation 8. Le pouvoir législatif des rois et des princes
des coutumes renvoie expressément au «droit commun écrit» comme L'éliminat ion progressive de la coutume par la loi aux XVI•, XVII• et
droit supplétoire 3 5 • En Allemagne aussi, de nombreuse s «Reforma- XVIII• siècles, est également due à la transforma tion même du pouvoir
rionen» tendirent à introduire du droit commun dans le droit de la ville législatif.
ou du pays 36 .
La France est, à cet égard, un exemple typique. Le roi parvint à
Enfin, la rédaction officielle des coutumes a abouti à une certaine
monopolis er, aux XV• et XVI• siècles, toute l'activité législative; les villes
sclérose, une «pétrificat ion» du droit coutumier ; elle a maintenu le droit
et les grands seigneurs cessèrent de pouvoir faire des actes de législation.
dans son stade d'évolutio n atteint au XVI• siècle, entravant l'évolution Au surplus, le pouvoir de légiférer est exercé par le roi seul sans
normale de la coutume au cours des XVJJ• et XVIII• siècles ; elle a ainsi interventio n de quelque organe représenta tif que ce soit. Le Bret' dans
contribué à diminuer l'autorité de celle-ci. son traité De la souveraineté du Roi publié en 1634, écrit: «Puis~ue les
rois ont été institué de Dieu pour rendre la justice à tout le monde ... », il
7. La réception du droit romain n'y a qu'eux qui puissent faire de «bonnes et saintes ordonnanc es»
Le développe ment d'un droit commun en Italie sur base des travaux «changer les lois et ordonnanc es anciennes» , car «le roi est le seul
souverain en son royaume» • Les seules limites du pouvoir royal étaient
39
de juristes romanistes du bas moyen âge, la réception de ce droit commun
dans la plupart des pays d'Europe comme droit supplétoire ou du moins, les «lois fondament ales du royaume», d'ailleurs très peu nombreuse s.
comme en France, en tant que ratio script a , ont contribué à la
37
D'autres pays connurent aussi un système presque absolutiste de gouver-
décadence de la coutume comme source de droit. ~ement: Espagne, Prusse, Russie, Autriche, certaines principaut és ita-
Dorénavan t, les juges disposent d 'un système juridique apparemm ent liennes et allemandes .
complet, dans lequel ils peuvent puiser pour trouver la solution des A l'égard de la coutume, la royauté absolutiste adopte une attitude
litiges qui leur sont soumis. En outre, ces juges sont de plus en plus, négative, car la coutume est une force surtout conservatr ice et parti-
à partir du xv· siècle, recrutés parmi les légistes formés dans les culariste, qui s'oppose à l'unificatio n du droit, donc à l'unificatio n du
universités; ils ne cherchent guère à connaître et à étudier les diverses :~ya_ume. Les rois se servirent donc de leur pouvoir législatif pour
coutumes de leur ressort, car ils les estiment trop primitives, trop ehmmer la coutume dans toute la mesure du possible.
archaïques , trop peu savantes. Plaideurs et juges se laissent guider par les
arguments tirés des ouvrages de doctrine, surtout de ceux de l'école
bartoliste. Ils contribuen t ainsi à cette Verwissenschaft/ichung du droit
que Wieacker a bien mise en évidence: le droit appliqué devient un droit
38
scientifique, qui s'éloigne de plus en plus des réalités sociales •

35
J. GILISSEN, A propos de la réception du droit romain dans les provinces méridionales
des Pays de par-deça aux XVI' et XVII" siècles, dans Mélanges R. Monier. Lille, 1958,
p. 127-138 = Revue du Nord, 40 (1958), p. 259-270.
36
F. WIEACKER, Privatrechtsgeschichte der Neuzeit, under besonderer Berucksichtigung
der deutschen Entwickfung, 2' éd. Gôttingen, 1967; H. COING, Die Re=eption des romischen
Rechts in Frankfurt am Main. Francfort, 1939.
F. ÛLIVIER-MA~TIN, Les lois du Roi. Paris, 1945-46, p. 171 et svv. (Cours d'histoire
39
37
Sur la notion de ratio scripta en France, du XIII' au XVIII' siècles, voir A. GuzMÀN,
Ratio scripta, dans lus commune- Sonderhefte 14. Francfort, 1981. du drmt public); Cardm LE BRET, De la souveraineté du Roy, 1' éd. Paris , 1634·, autre éd .,
1689, p. 18-20.
38
F. WIEACKER , op. cil ., p. 131 et SVV.
COUTU MIERS 61
RÈGLES DE CRITIQU E PROPRES AUX DOCUM ENTS

il faut éviter d'inter préter les textes juridiques médiévaux à J'aide


-
~e~ concepts du droit actuel ou, ce qui est souvent plus grave encore, à
et même
1 mde de concepts du droit romain ; il est légitime au contraire,
2
CHAPI TRE Ill
et de les interpr éter sur base
recommandé d'essayer de les comprendre
similai res qu'on peut encore
RÈGLES DE CRITI QUE PROP RES d'une connaissance suffisante des sociétés
écriture en
AUX DOCU MENT S COUT UMIE RS «approcher>> aujourd'hui, à savoir certaines sociétés sans
Afrique ou en Asie.
unes
La coutum e médiévale a laissé beaucoup de traces écrites. Les
normes
sont spécifiques, mais elles n'ont consigné qu'une partie des
de tout TRACE S OCCASIONNELLES DE LA COUTU ME
coutumières du temps. Les autres sont occasionnelles: documents A.
homm es; elles perme ttent de
genre, relatifs aux faits et agissements des une
connaître quelques autres règles coutumières ou au moins de confirm er Dans les régions du monde où la coutume reste actuellement
ion de
les documents coutumiers propre ment dits. En réalité, ces source
s écrites source impor tante du droit, il est possible de procéder à la rédact
ble des d'obse rvation s faites «sur le terrain )).
ne permettent de connaître qu'une petite partie de l'ensem recueils coutumiers au départ
de rédac tion- officielle
coutumes médiévales, parce que la majeure partie n'en a jamais
été mise Pour l'Afrique noire, par exemple, des efforts
la coloni sation
par écrit; elle échappe par conséquent à notre connai ssance et à nos ou privé e- de coutumes ont été faits, tant à l'époque de
investigations, n'ayan t guère laissé de traces. qu~ de~ui~ 1'indépendance d_es Etats africains. On a établi des question-
ête sur
types, naires ~ 1 usag~ de ceux qm se chargent de ce travai1 . L'enqu
3
Nous examinerons les règles de critiques propres à ces différents
le t~rram_ ~onsiste non seulement à interro ger des memb res du groupe
plus précisément: encore à
- aux traces occasionnelles des coutumes; s?cw-p obtiqu e dont on cherche jJ. décrire la coutume, mais
, et aussi à chercher
- aux documents établissant l'exis tence - voire la preuv e-
d'une VIvre avec eux pour mieux observer leurs usages
ancien nes mais
ou de quelques règles coutumières (turbe, témoig nage, chef de sens, dans les décisions judiciaires actuelles ou plus ou moins
jugement, record); actée~ par un scribe, juge ou greffier, le droit coutumier tel qu,'il est
d'exemple
- aux documents constituant un exposé relatif à un ensem
ble plus effectivement appliqué pour résoudre les litiges. Citons, à titre
, peuple du Nord du Zaïre et d~
ou moins étendu de règles coutumières (coutumiers, livres
de droit, la rédaction de la coutume des Zande
notre collègu e Jacque s
commentateurs). l'Ouest du Soudan, telle qu'elle fut faite par
4.
n des Vanderlinden
Deux erreurs fondamentales sont à éviter dans l'interp rétatio
la périod e antérie ure
textes juridiques du moyen âge, surtou t de ceux de
P~usieurs exemples dans le texte, infra; voir notamm ent Recht und Schrifi
au XIIe siècle:
1 irn Mil/el-

- il faut éviter de généraliser dans l'espace et dans le temps:


un texte alter (ed. P. ~LAS~EN), dans Vortriige und Forschu ngen, herausg egeben vom Konstanzer
dans laquell e ou pour laquell e il Arbeuskrets fur Mllte/alterliche Geschichte ' t. XXIII ' 1977 .
donné n'est utilisable que pour la région 2 dans Tijdschrifi voor
a été rédigé. Un des P. W. A. IMMINK , La transforma rion des concepts en histoire,
a été élaboré ou écrit et pour la période à laquell e il Rechtsgeschiedenis, 24 (1956), p. 1-47.
savoir si La ré~acrion des coutumes dans le passé et dans le présent.
3
Colloque organisé par
gros problèmes que pose la critique des textes coutumiers est de (Etudes d'histoir e et d'ethno -
e ils ont été ~ et d'ethnol ogie juridiqu es, Bruxelle s, 1962
ces textes sont valables pour la période penda nt laquell le Cenm; hzstotre
ent les contribu tions de A. N .
s, tels les logie JUridiques, 3), sous la direction de J. GILISSEN, notamm
rédigés; la réponse est affirmative pour certains types de source ~LL01T et _de!· "YANDERLIN~E.N. ~oi~ aussi p. 243-332: J.umtwnier , africain
POIRIER Profer de questionnaire
recours à chef de sens ou les enquêtes par turbe; elle est plus
douteuse d ~tlm~log te J_u rid~que, appiUJué a 1 enquête du droit ; R. VERDI ER,
de son langage j uridique . Langage de la cauwme et
qui ont pu conser ver la trace de L Afrtque 1101re a_ la recherch e
pour les coutumiers ou les Weistümer, langage de la lot, duliS Zeitschrift fiir vergleicltellt/e Reclllsll
'issenschafi. 73 ( 1973),
r au mome nt de leur
coutumes anciennes qui n'étaient plus en vigueu p. 229-244.
4
Zande. Bruxelles 1969.
rédaction 1 . J. VANDERLINDEN, Coutumier, manuel et jurisprudence de droit
62 CHAPITRE III RÈGLES DE CRITIQUE PROPRES AUX DOCUMENTS COUTUMIERS 63

Une telle recherche est évidemment impossible pour les coutumes Les proverbes et brocards peuvent aussi contenir la formulation
médiévales. Il faut admettre que la très grande masse du droit coutumier d'une règle juridique d'origine coutumière. On a même cru jusqu'à tout
médiéval échappera toujours à notre connaissance, parce que nous ne récemment que les proverbes étaient le moyen par excellence par lequel
disposons pas de textes et que nous ne pouvons aller travailler sur le un peuple exprimait ses règles coutumières. Beaucoup d'études d'ethno-
terrain pour reconstituer le droit de tel groupe socio-politique à tel logie juridique, notamment africaine, sont basées sur les proverbes de la
moment. Nous ne savons rien, par exemple, de la coutume des habitants région. Pour les proverbes du bas moyen âge, on a maintenant démontré
de la région de Bruxelles aux IX• et x• siècles car ils n'ont pas laissé de que certains d'entre eux sont l'expression populaire de règles juridiques
traces écrites; nous devons nous résigner à ignorer quelles règles de droit d'origine romaine ou, au moins, emprunté au droit savant romano-
y étaient en vigueur. canonique de J'époque. Tel est le cas de «Un témoin, pas de témoin», et
Cette ignorance est presque générale pour la période antérieure aux de «Pas de règle sans exception» 5 •
XII•-XIII• siècles; au contraire, pour les deux ou trois derniers siècles du On a aussi cherché des règles coutumières dans les poèmes du moyen
moyen âge, nous connaissons relativement bien diverses coutumes âge; il faut cependant interpréter avec beaucoup de prudence ces œuvres
régionales; mais il reste beaucoup de lacunes. de pure imagination, encore que les poètes aient dû refléter dans leurs
A défaut d'enquête sur le terrain, le médiéviste peut cependant cher- poèmes les modes de vie de leur temps 6 •
cher des renseignements dans les sources historiques non juridiques. Des L'archéologie fournit très peu de renseignements dans le domaine de
règles de succession peuvent être déduites de la généalogie de maisons la coutume; tout au plus peut-on citer les rites funéraires qui peuvent
princières, sans qu'aucun texte ne fasse allusion à la coutume appliquée. révéler des coutumes en matière de succession.
Par exemple, le droit d'aînesse n'existait pas dans la succession au trône Le folklore est une source plus importante de connaissance de Ja
aux VI•-Ix• siècles dans les royaumes d'origine germanique; la règle de la coutume, pour autant qu'on en trouve une trace suffisamment sûre pour
représentation successorale est apparue en Flandre dans la succession à telle ou telle période du moyen âge. Les usages en matière de mariage en
la fonction comtale au XIV• siècle. sont une utilisation 7 .
Tous les genres de documents sont susceptibles de fournir des indica-
tions sur les coutumes en vigueur à l'époque de leur rédaction. Mais une B. TEXTES CONTENANT UNE OU QUELQUES RËGLES DE DROIT COUTUMIER
sévère critique s'impose dans chaque cas, avant de pouvoir conclure à
l'existence de telle ou telle coutume. Ainsi, les actes de la pratique, telles L'historien dispose souvent de textes énonçant une ou quelques règles
que chartes, notices, etc., font presque toujours la preuve d'un acte de droit coutumier. Ces textes peuvent avoir été rédigés expressément
juridique, par exemple d'un contrat, d'une donation, d'une vente, d'une pour établir - pour prouver en justice- une règle de droit; ou bien, ils
testament, d'un partage de succession. contiennent l'énonciation de cette règle dans le cadre d'un litige (pièces
Il faut distinguer les règles que l'on peut déduire de l'acte lui-même, de procédure, jugement, etc .... ) ou d'un accord; ou bien encore, sans
surtout de son mode de rédaction, et celles qu'on pourrait déduire des être établis à titre de preuve de la coutume et sans émaner d'une
clauses des actes . A cet égard, une critique très vigilante s'impose: ce
n'est pas parce qu'on rencontre la même clause dans cinq ou dix actes 5
A. FOTH, Ge/ehrtes romisch-kanonisches Recht in deutschen Rechtssprichworten 1971 ·
qu'on peut en déduire l'existence d'une coutume en ce sens; c'est le T. BüHLER, Rechtsque/lentypen, p. 1 19-120; E. WüHLHAUPTER, Die Rechtsfibel, rééditée~
complété par H. BATLT. Bamberg, 1956, p . 17 et svv.; F. ELSENER, «Keine Regel ohne
contraire, le plus souvent, qui est vrai, car la clause de l'acte peut être
Ausnahme» , dans Festschriji for den 45. Deutschen Juristentag . Karlsruhe, 1964, p. 24 et
destinée à déroger au droit en vigueur. svv.; C. D. ScHOTT, «Ein Zeuge, kein Zeuge», dans Festschriji F. Elsener. Sigmaringen,
Les documents littéraires peuvent révéler l'existence d'une coutume, 1977, p. 232 et svv .
H. FEHR , Die Dichtung des Mitlela/ters ais Quelle des Rechts, dans Festschriji Karl
6
soit directement, soit indirectement. Directement, lorsque le récit in-
Haff Innsbruck, 1950, p. 62 et svv.: le même, Das Recht in der Dichtung. Berne, 1931.
voque une coutume ou décrit une règle coutumière. Indirectement, 7
L. VINCENT DoucET-BON, Le mariage dans les civilisations anciennes. Paris , 1975
lorsque le récit littéraire décrit une situation dont l'historien peut déduire (coll. Evolution de l'Humanité).
l'existence ou l'inexistence d'une règle de droit. #
64 CHAPITRE III RÈGLES D E C RIT IQU E PROP RES AUX DOCUMENTS COU TUM IERS 65

procédure judiciaire, des textes quelconques peuvent contenir une ou Un grand nombre de recueils de coutumes qui seront examinés sub C
plusieurs règles coutumières. sont des preuves préconstituées des règles de droit coutumier; il en est
Nous écartons dans le présent chapitre l'examen des recueils de de même de certains genres de documents analysés sous B: privilèges
coutumes, c.-à-d. des textes qui contiennent un nombre relativement urbains, régionaux, ruraux, records, surtout rédactions officielles de
grand de règles coutumières; ces recueils feront l'objet de considérations coutumes. Les textes isolés de droit coutumier sont rarement des preuves
dans la subdivision C, encore qu'il ne soit pas toujours aisé de classer les préconstituées; ce sont le plus souvent des actes d'une procédure
documents historiques dans l'un ou l'autre genre; un record, par déterminée, actes tendant à apporter aux juges chargés de trancher le
exemple, peut énoncer un grand nombre de normes coutumières. litige, la preuve que telle règle de droit existe, ou n'existe pas.
Les documents établis pour prouver une coutume donnée sont surtout Mais il ne faut pas oublier que, dans la très grande majorité des cas, la
nombreux au bas moyen âge; il s'agit notamment d'enquêtes par témoins coutume alléguée ne devait pas être prouvée, soit parce qu'elle n'était pas
entendus singu/ariter, d'enquêtes par turbe, d'attestations ou records de contestée par l'autre partie,soit parce que le juge la considérait comme
coutume, de recours à chef de sens, de conseils demandés à une notoire. Car, «ce qui est notoire ne doit pas être prouvé».
juridiction ou à des juristes, de jugements. Comme l'écrit Jacques d'Ableiges dans son Grand Coutumier de France
Ce genre de documents devient plus rare à partir de l'époque où les (mais qui concerne en fait Paris et l'Ile de France) vers 1387-1388: «qui
coutumes locales et régionales sont mises officiellement par écrit. Cette propose coustume, ilia peult proposer privée ou notoire : la notoire chet
époque correspond en général avec les débuts des Temps modernes (fin en discrétion du juge, et la privée se veult prouver en turbe» 10 . La
xve, surtout XVIe siècle), mais il y a de nombreuses rédactions officielles théorie de la notoriété a été développée, voire créée par les canonistes et
dès les XIIIe et XIVe siècles, surtout en Italie, en Espagne et dans le Midi les romanistes aux XIIe et XIIIe siècles 11 ; elle a été appliquée à la preuve
de la France 8 . de la coutume au moins dès le XIII< siècle. C'est la partie qui allègue une
D'autre part, il y a peu de documents établis pour prouver une coutume qui doit la prouver: debet probari qui allegat consuetudinem,
coutume antérieure au XIIIe, en tout cas au XIIe siècle. Les raisons écrit Azon vers 1210 dans son Lectura sur le Codex 12 . Ce sera donc
en sont multiples; nous les avons déjà analysées 9 : prédominance d'un tantôt le demandeur, tantôt le défendeur, selon que l'un ou l'autre
système de preuves irrationnel, difficulté de concevoir un droit objectif, invoque une coutume donnée qui n'est pas notoire. Ce n'est donc pas
etc. La rationalisation des modes de preuves, en même temps que la l'application de l'adage romain : Actori incumbit probatio, actuellement
tendance à la formulation abstraite du droit objectif et que la perception en vigueur.
de la distinction entre le fait et le droit, apparaissent dans la majeure
partie de l'Europe au XIIIe siècle, plus tôt dans le Sud, plus tard dans l. Enquêtes par turbe
l'Est et dans le Nord scandinave. Les particuliers, de même que les L'enquête par turbe est, dans une grande partie de l'Europe occiden-
autorités et les juges, cherchent à connaître les règles coutumières qui les tale, le mode de preuve spécifique de la coutume. Elle consiste en une
régissent, et par conséquent à les mettre par écrit pour éviter de devoir déclaration concernant une règle coutumière donnée, déclaration faite
les prouver. par au moins dix personnes qualifiées, appelés turbiers ou coutumiers,
Il faut en effet distinguer deux types de preuves dans le domaine de la connaissant bien la coutume du lieu, s'exprimant à l'unanimité et disant
preuve de la coutume comme dans celui de la preuve des faits en général : qu'ils savent que la coutume certifiée est appliquée 13 .
il y a d'une part des preuves préconstituées, c'est-à-dire des preuves 10
Ed. E . LABOULAYE et R. 0ARESTE . Paris, 1868, p . 192. Jacques d'Ableiges fut, entre
établies en dehors et avant tout litige, et d'autre part des preuves tendant autres, conseiller à Tournai (1391-92). Sur d'Ableiges, la notice biographique par P. PETOT
à permettre de résoudre un litige. et P.C. TIMBAL, dans Histoire /iuéraire de la France, 40 (1968), p. 1-52.
11
J. Ph. LEVY , Les hiérarchies des preuves dans le droil savant du moyen âge. Paris, 1939,
p . 32 et svv.
12
8
Infra, p. 93-94. Azo , Lectura Codicis , éd. Paris 1577, p . 670 : ad 1. 1, tit. Quae sir longa consuetudo.
13
9 Supra, p. 41. Sur l'enquête par turbe, voir H. PTSSARD , Essai sur la connaissance et la preuve de la

.
66 CHAPITRE III RÈGLES DE CRITIQUE PROPRES AUX DOCUMENTS COUTUMIERS 67

Les Lois, enquêtes et jugements des Pairs du Castel de Lille donnent en La trace écrite de l'enquête par turbe peut être soit une allusion dans
1387 (ou 1287) la définition suivante: «Quand uns homs fait le fet de une décision judiciaire ou dans la relation d'un procès, soit la transcrip-
prouver une coustume, il le convient prouver de dix coustumiers ou de tion de la déclaration faite par les turbiers. Dans le premier cas, il faut
plus de bonnes gens dignes de foy; ainsi convient qu'il dient que celle être extrêmement prudent dans l'utilisation du texte: son rédacteur peut
coustume, il l'aient veu jugier et où ce fu et qui le juga, et qu'ille dient avoir eu un intérêt direct ou indirect à affirmer l'existence d'une règle
que il le tiennent à bonne ceste coustume et ce jugement, et le terme du coutumière, ou à déformer la déclaration faite par les turbiers. Si on
temps ... » 14 • dispose d'une relation détaillée de l'enquête, on se trouve évidemment
Le roi de France Louis IX promulgua en 1270 une ordonnance devant une excellente source pour la connaissance du droit coutumier.
Jnquiretur de consuetudinibus in hune modum, précisant les différents Les enquêtes par turbe se présentent sous la forme soit de documents
éléments de l'institution et utilisant in fine l'expression in turba pour isolés, soit de recueils ou registres dans lesquels un scribe en a recopié;
désigner la façon dont les coutumiers doivent s'exprimer 15 . L'institution aux XVI• et xvn• siècles, on en a parfois publié en annexe à des éditions
est probablement plus ancienne quoiqu'on ne trouve guère d'exemples de coutumes rédigées 18 .
d'enquêtes par turbe avant la seconde moitié du XIII• siècle. La plupart Quand on est certain de se trouver devant une enquête par turbe, on
des historiens qui l'ont étudiée, se sont ralliés aux conclusions de Brunner peut au moins en déduire qu'à la date de la turbe- si on la connaît- et
qui la rattache aux enquêtes collectives de l'époque carolingienne et qui pour le lieu pour lequel elle a été faite, l'existence de la coutume est
en suivent l'évolution, notamment dans le jury normand et le jury certaine. Il faut cependant être attentif à la nature même de ce genre de
anglais 16 . document avant d'en tirer des conclusions plus générales.
L'ordonnance de 1270 interdit l'enquête par turbe pour la preuve de D'abord, si on a dû recourir à une enquête par turbe à un moment
faits, mais elle l'impose pour prouver la coutume. donné, c'est précisément parce que la règle de droit invoquée n'était pas
L'enquête par turbe était orale, au moins jusqu'au XV• ou XVI• siècle: certaine («notoire» dans la terminologie de l'époque), qu'une des parties
les «coutumiers» ou turbiers venaient «dire» au tribunal ce qu'ils au procès en contestait l'existence et que les juges (c'est-à-dire les
savaient au sujet de la coutume alléguée; le Facet de Saint-Amand-sur- meilleurs connaisseurs de la coutume) ont hésité. II serait dès lors
Scarpe précise que le turbier doit dire: «J'ai veu en tel cas ensi faire et téméraire d'en déduire que la règle de droit coutumier attestée par
user» 17 . l'enquête par turbe existait depuis longtemps, même si les coutumiers
l'affirment.
coutume. Paris, 1910, p. 98-112; J.P. DAWSON, The Oracles of/he Law, op. cir., p. 269-273;
J.F. POUDRET, Enquêtes sur la coU/ume du pays de Vaud el coU/umiers vaudois à la fin du
Il ne faut pas perdre de vue que les coutumiers sont généralement
moyen âge, in Jus Romanum in Helvetia, t. III. Bâle-Stuttgart, 1967, p. 14 et svv.; J. choisis par la partie qui doit prouver la coutume qu'elle invoque; et que
GILISSEN, La preuve de la cou/ume, op. cir., p. 568-586; C . OOUXCHAMPS-LEFEVRE et Ph. par conséquent cette partie a pu exercer une certaine pression sur les
GoDDlNG,Enquête par lurbe du Conseil de Namur ( 1496-1630 ). Bruxelles, 1972.
14
R. MONIER,Les Lois, enquêtes et jugements des Pairs du Castel de Lille. Lille, 1937,
coutumiers qu'elle a choisi. Il semble que dans certains cas les coutumiers
p. 107, * 162 . Ce recueil contient des textes datant de 1283 à 1406; le* 162 pourrait dater de étaient désignés par les juges, ce qui leur donnait une plus grande
1287 ou de 1387 (cf. note 143 sub p. 98). indépendance et une apparente impartialité. D'ailleurs, les noms des
15
Ce texte pourrait être un arrêt de règlement plutôt qu'une ordonnance; il n'a en tout
cas pas créé l'enquête par turbe, mais l'a réglementée. P.C. TIMBAL, La coutume ... , p. 139;
coutumiers sont souvent indiqués dans les enquêtes par turbe, avec
texte publié dans E. BouTARIC, Acres du Parlement, Paris, 1867, t. II, no 25473, et Ch. V. diverses mentions utiles à attester leur autorité en tant que coutumier:
LANGLOIS, Tex/es re/a/ifs à /'hisloire du Parlemenr depuis les origines jusqu 'en 1314. Paris, âge et professions exercées précédemment.
1888, n° 58, p. 79.
16
H. BRUNNER, Die Enlstehung der Schwurgerichle. Berlin 1871 : voir toutefois les
La valeur probatoire d'une turbe dépendait-elle du nombre de
conclusions deR. C. VAN CAEN EGEM, Royalwrils in Eng/andfrom the Conques/ lo G/anvi/1. coutumiers? On serait tenté de Je croire en constatant le nombre
Londres, 1959, p. 103.
17
Texte cité parmi des décisions datées d'entre 1345 et 1367, in E. M. MEIJERS et
18
J.J. SALVERDA DE GRAYE , Les lois el cou/urnes de Selim-Amand. Haarlem 1934, p. 141, Exemple: J. B. CHRISTYN, Les droits el cou/urnes de la ville de Bruxelles, ... ensemble
*27. les slaiU/s de la ville ... , les /Urbes et sentences recueillis par .... Bruxelles, 1762.
68 CHAPITRE Ill RÈGLES DE CRITIQUE PROPRES AU X DOCUMEN TS COUTU MIERS 69

élevé de coutumier dans certains cas. Dans le provinces belges aux de leurs témoignages, sans être tenus - semble-t-il- par les règles du
xvc.xvie iècles, le nombre de coutumiers allait elon le cas, de onze à système de preuve romano-canonique.
vingt-quatre 19 , mais on trouve ailleurs des exemples de turbe ave~ 50 Wielant affirme que certains juristes préfèrent ce mode de preuve
voire 70 coutumiers. Il en fallait au moins dix. Accurse, au XIII< siècle parce qu'il est plus sûr et meilleur 23 . Il semble avoir existé dès avant le
0 XIII< siècle; il s'est maintenu dans le Nord comme dans le Midi de la
avait déjà glosé sur un texte du Digeste: «Turba queflr ex decem » l •
Pour savoir si les juges étaient tenus par une turbe, il faut se référer France, ainsi que le prouve un arrêt du Parlement de Paris de 1287 24 .
au système de preuves romano-canoniques qui s'est impo é en Oc_cident Ce mode est actuellement - aux XIX• et XX• siècles - le procédé le
aux xrv•-xv• siècles : il n y a probario plena que s'il a deux témoin : plus usuel de preuve de la coutume.
tesris unus, œstis nul/us. Or, différents styles (c'est-à-dir recueil de Les règles de critique propres à l'enquête par turbe s'appliquent aux
règles de procédure) du xvr· siècle constatent que « une tourbe ne témoignages recueillis singulariter. D'ailleurs, trois des particularités
sera comptée que par ung témoing» 2 1 • On en déduira - tardivement de l'enquête par turbe s'y retrouvent. Il fal-lait au moins un certain
c'est-à-etire aux XVI' et XVII' siècles, semble-t-il - qu'il fallait deux nombre de témoins, même si la règle testis unus, testis nu/lus n'était
turbes pour valoir preuve pleine. En fait on ne trouve guère de double appliquée qu'aux XIV• et XV• siècles; en tout cas fallait-il, à en juger par
turbe parmi les textes mécüévaux. certains exemples, au moins trois témoignages concordants; mais on en
L'enquête par turbe est officiellement supprimée en France par trouve souvent beaucoup plus, même plusieurs dizaines.
1 ordonnance de Colbert de 1667 · il rîy a dorénavant plus de preuve Il fallait aussi que les témoins établissent posséder une connaissance
spécifique de la coutume. Aux Pays-Bas en Belgique, elle subsiste effective de la coutume; c'est pourquoi ils énoncent comme dans
sporacüquement jusqu à la fin du xvm• siècle- on connaît encore des l'enquête par turbe, leur âge, leurs fonctions anciennes et actuelles etc
enquêtes par turbe faites à Namur en 17S9 et 1790. Il fallait enfin que ces témoins justifient ce qu'ils savent, c'est-â-dir~
comment ils savent que telle coy.tume est appliquée à tel endroit.
2. Enquêtes ordinaires par témoins entendus « singulariter >> Si le document conservé contient tous ces éléments, on peut lui
accorder à peu près la même foi qu'à une enquête par turbe, surtout si
Si t'enquête par turbe est propre à la preuve de la coutume, elle na on connaît aussi la décision judiciaire, et que celle-ci applique la règle
pas éliminé les autres modes de preuves de celle-ci, et plus spécialeme~t coutumière attestée par les témoins . Dans la négative une grande
l'enquête ordinaire au cours de laquelle les juges entendent un certam prudence s'impose car, bien plus que pour les turbiers, les témoins
nombre de personnes venant témoigner de 1existence d'une règle cou- entendus singulariter peuvent être influencés par l'une des parties.
tumière donnée. Ce genre d enquête - iJ1quisilio - est la même tant
22
pour la preuve des faits que pour la preuve de la règle du droit . 3. Records ou attestations de coutume ( Weistümer) 25
Les témoins sont entendus singulariler, les uns aprè les autres; il ont
soumis aux questions des parties ou de leurs défenseurs c'est-à-di-re au a. Définition
cross-examination du droit anglo-saxon · les juges apprécient la valeur Le record consigne les coutumes réglant la vie d'une communauté
rurale à l'occasion d'un des rappels oraux qu'en faisait l'échevinage ou
19 J. GILISSEN, La preuve de la coutume, op. cit. , p . 578.
23
20 AccuRSE, sur Digeste. 47, 1O, 7, 5 ; dans les textes de droit romain, turbo a le sens de Ph. WIELANT , Practijke civile, éd. 1573, op. cit.
24
multitude, grand nombre de personnes mêlées à une rixe . Sur le nombre de dtx dans les «Dictumfuit per arrestum quod super consuetudinibus super quibus inquirendum esr, ...
textes de droit canonique, cf. H. PISSARD, Essaz sur la connazssance et la preuve de la inquiretur per testes singu/ares, cum terra Agenensis regitur jure scripto», Olim, t. II, p. 268.
n• 6, cité par P. TIMBAL, La coutume ... , p. 139.
coutume. p. 141 , n. 5. 25
21 Exemples dans J. G!LISSEN, op. cit., p. 578.
Ce chapitre a été rédigé par L. Genicot que je remercie vivement. Les problèmes
. .
22 Th. BüHLER, Enquête, Inquesta, Jnquisitio, dans Zeitschrift der Savzgny·Stiftung, Kan. soulevés par les records de coutumes, les solutions proposées et la bibliographie qui les
Abt., 61 (1975), p. 53 svv.; ID., Gewohnheit, Enquête, Kodification. Zunch, 1977, concernent sont présentés dans D. WERKMÜLLER, Über Aujkommen und Verbreitung der
p. 28 svv.; J _ GILISSEN, La preuve de la coutume, op. cit., p. 582-586. Weistümer nach der Sammlung von Jakob Grimm. Berlin, 1972, p. 77 et svv.; cette
70 CHAPITRE III RÈGLES DE CRITIQUE PROPRES AUX DOCUMENTS COUTUMIERS 71

toute autre autorité locale, assisté éventuellement d'anciens, à la requête confinent cependant dans le droit civil et le droit rural et ne concernent
du seigneur ou plus rarement des dépendants et en présence de ces pas le droit pénal 30 .
derniers. b. Histoire du genre
Ce type de documents est désigné dans les textes du temps par des
termes très divers; les uns sont d'usage général: records, Weistümer, Le record s'enracine dans la tradition germanique. Le problème est de
wijsdommen; les autres d'emploi plus local, par exemple, Offnungen pour savoir à l'initiative de qui et à quel moment il s'est constitué tel qu'il a
été défini plus haut.
Saint -Gall 26 .
Le record peut être général, quand il répond à la définition ci-dessus. Il Pour certains, il a été suscité par les paysans soucieux de garantir leurs
peut être partiel, à la requête d'un particulier pour remémorer telle ou droits et de limiter leurs obligations. Cette vieille théorie de J. Grimm a
telle disposition coutumière. été rajeunie notamment par B. Huppertz et H. BaltJ3 1 . Pour d'autres
Comme il procède de l'unique manière de dire le droit dans le monde plus nombreux, il est dû à l'action des seigneurs et plus précisément il est
germanique 27 , le record est apparenté à d'autres types qui traitent du dérivé du coutumier seigneurial lu aux plaids seigneuriaux; celui de
même sujet, comme les Rode! de la région de Bâle 28 , ou qui sont établis Münchweier, de la seconde moitié du XIIe siècle, dit que jura curiae sunt
recitanda 3 2 .
dans des conditions analogues et ont une portée similaire, comme les
records de doyenné 29 . En tout cas, il n'existe que par le concours du seigneur et de ses
dépendants 33 .
L'intérêt exceptionnel des records est incontestable. Il n'est guère
d'aspect de la vie des campagnes qu'ils ne touchent. La plupart se La date d'apparition se situe au XIIe siècle 34 . Des textes plus anciens
font cependant penser à des records. Mais il ne sont peut-être pas assez
explicites. Tel ce passage du c. 16 du Cantatorium Sancti Huberti 35 ,
bibliographie s'articule sur celle de H. BALTL, Die os/erreichischen Weislümer. Studien rédigé avant 1106, qui rapporte la façon dont le comte de Chiny, en
;:ur Weistumsgeschichte, dans Milleifungen des fnslituts for Osterreichische Geschichls-
1079, s'est enquis de la légitimité d'exactiones levées par ses agents à
fors~ung; 59 (1951) , p. 365 et svv., et W. MüLLER , Die Offnungen der Furstablei
SI. Galien. Ein Beilrag ::ur Weislümerforschung. Saint-Gall, 1964. Voir aussi H. FEIGL, Givet. Il n'est pas question là d'un élément essentiel: la présence des
Von der mündlichen Rechlsweisung ::ur Auf:::eichnung: Die Ents!ehung der Weislümer und assujettis. Celle-ci n'est pas mentionnée non plus dans une charte de
verwandten Quel/en, dans Recht und Schrifl im Mille/al/er, Vortriige und Forschungen, 23
(1977), p. 425-449, et B. DIESTELKAMP, Reichsll'eistümer ais normal ive Quel/en?, dans le
30
même volume, p. 281-310; P. BLICKTE (ed.), Deu/sche /iind/iche Rechtsquel/en. Pro- H. WIESSNER, Sachinhalt und wirtschaflliche Bedeu/ung der Weistümer im deutschen
bierne und Wege der Weistumsforschung. Stuttgart, 1977; 1. BoDER, Die saarliindischen Kulturgebiet. Bade, 1934. Il appert également du chapitre III de O. WERKMÜLLER, op. cil.,
Weistümer. Dokumente der Territorialpolilik, dans Veroffentlichungen der Kommission for p. 57-65.
31
saarliindische Landesgeschichte und Volksforschung, t. 8. Saarbrücken, 1978; H. REIGL, B. HUPPERTZ, Raüne und Schichten bauerlicher Kulturformen in Deutschland. Bonn,
Rechtsen/wicklung und Gerichlswesen Oberosterreichs im Spiegel der Weistümer, dans 1930, p. 253; H. BALTL, Die osterreichischen Weistümer op. cil., p. 365 et svv., avec des
Archiv für osterreichische Geschichle, Osterreichische Akademie der Wissenschaften, Phil. arguments dont L. Genicot a montré la faiblesse dans l'Introduction aux Sources du droit
Hist. KI., t. 130, Vienne 1974. Pour la Belgique, v. J. BEHETS, De oorsprong van de jaar- en rural du quar/ier d'Entre-Sambre-el-Meuse, Bruxelles 1968, p. VIII .
32
voogdgedingen en van de wijsdommen, voornamelijk in de Zuide/ijke Nederlanden, dans C.E. PERRIN, Recherches sur la seigneurie rurale en Lorraine d"après les plus anciens
Tijdschrifl voor Rechtsgeschiedenis, 39 (1971), p. 375-450. censiers. Paris, 1935, p. 685.
33
26
C'est sans raison que C.E. PERRIN, Chartes de franchises el rapports de droits en Comme le souligne K. BADER, Staal und Bauernlum im deutschen Mille/alter dans
Lorraine, dans Le Moyen Age, 42 (1946), a créé le vocable de «rapport de droit». Ade/ und Bauern, éd. Th. MAYER. Leipzig 1943, p. 119. '
34
27
W. EBEL, Geschichle der Gesetzgebung in Deu/sch/and, 2' éd., 1958; L. Genicot a G. FRANZ, Geschichte des deutschen Bauernstandes. Stuttgart, 1970, p. 58;
résumé les thèses de Ebel dans son fascicule sur La loi, op. cit. p. 31, n. 9. C.E. PERRIN, Recherches, loc. cil., en date l'apparition au XIII' siècle.
35
28
Th. BüHLER, Gewohnheilsrecht und Landesherrscha/1 im ehemaligen Fürstbistum La chronique de Saint-Hubert dite Cantatorium. Nouvelle édition publiée par
Base/. Zurich, 1972. K. HANQUET. Bruxelles, 1906 (Commission royale d'histoire . Recueil de textes pour servir
29
Dont certains sont édités dans les Analec/es pour servir à l'histoire ecclésiastique de la à l'étude de l'histoire de la Belgique), p. 39: lndicta bannali evocatione /ocius Gabelionis
Belgique, notamment t. 5 (1868), p. 276 et svv. ou dans d'autres périodiques, comme les potes/atis, adjuravit antiquiores et meriores, interposito sacramenlo Jacte sibi fidelilalis ut
Annales de la Société archéologique de Namur, 12 ( 1872-1873) p. 364 ; on verra à leur sujet J. edicerenl ei veritatem huius consuetudinis. lili /ocuti cum consilio, responderunt comili per
PAQUAY, Juridictions, droits et prérogatives des archidiacres de l'Eglise de Liège, dans Rodericum prepositum et Gobertum villicum, sicut erant adjura ti, exacliones istas ab iniquis
Analecta ecclesiastica Leodiensia, 2 (1855), p. 20 et svv. minis tris esse inventas et ideo judicio eorum omnino adnichi/andas.
72 CHAPITRE JIJ RÈGLES DE CRITIQUE PROPRES AUX DOCUMENTS COUTUMIERS 73

1165-1167 36 aux termes de laquelle, pour régler un différend entre le Quant à D. Werkmüller 42 , il se demande notamment si l'usage du record
monastère de Lobbes et les échevins du lieu sub fide juramenti sui quod est lié à la structure ou à la nature de la seigneurie (grandes seigneuries
nabis prestiterant; les échevins ont tenu concilium cum archidiaconibus, ou seigneuries morcellées- seigneuries laïques ou ecclésiastiques).
clericis et baronibus nostris plurimis qui presentes erant, puis rappelé les Ailleurs, le record l'a cédé à la charte de franchise ou à d'autres
coutumes; celles-ci ont alors été consignées par écrit, consilio et horta tu procédures et d'autres types de documents, comme les enquêtes sur les
archidiaconum, clericorum et baronum nostrarum. Pour rester dans la coutumes menées dans le Mâconnais pour trancher les conflits entre
même région, le premier texte qui consigne un record en bonne et due seigneurs rivaux 43 . Il n'est d'ailleurs pas établi que record et autres
forme est de 1220 et concerne Tamines 37 • genres s'excluent.
Sans doute le record a-t-il été d'abord oral. Il a été mis sur parchemin
d. Evolution
non pas précisément, comme le soutient Th. Bülher, lorsque des tiers ont
émis des prétentions sur la seigneurie ni, généralement, lors de l'abandon Les records ont continué dans de nombreuses localités à être rappelés
du faire-valoir direct 38 , mais quand le recours à l'écrit s'est généralisé. Et de temps à autre pendant l'époque moderne. Mais il ne s'en est plus guère
il n'est devenu courant que lorsque les communautés rurales ont pris élaboré de nouveaux. Les règles de la vie des seigneuries se sont alors
conscience d'elles-mêmes. Ces deux phénomènes ne se placent guère modifiées par d'autres voies: mandements du prince ou du seigneur,
qu'au XIIIe siècle. accords entre celui-ci et ceux qu'il qualifie désormais sujets, règlements
arrêtés par la communauté, etc .... Les records partiels, eux, ont proliféré
c. Diffusion à l'occasion de procès.
Le record paraît propre aux pays où le droit et surtout la procédure En telle région, le record s'est, au seuil des temps modernes, transformé
germanique se sont perpétués. Il semble qu'il ne s'est d'ailleurs pas dans son contenu et corrélativement dans sa portée. Dans l'évêché de
implanté dans tous ces pays; selon G. Franz 39 , il est inconnu en Bavière, Bâle, par exemple, comme Bühler l'a montré, il s'est mué en instrument
par exemple. Quels facteurs lui auraient donc donné naissance? Selon politique entre les mains du prince, moyen d'affirmer la souveraineté de
C.E. Perrin 40 , il s'est accrédité dans les contrées où les plaids généraux celui-ci, notamment en définissant et en lui attribuant les droits régaliens.
ont continué à être une réalité et particulièrement là où l'avouerie s'est Il faudrait voir si une pareille évolution ou d'autres se sont opérées dans
installée car, dans les seigneuries laïques, les excès de l'exploitation d'autres régions.
seigneuriale ont provoqué une réaction qui a mené à l'octroi de chartes
e. Règles de critique propres
de franchises tandis que les seigneuries ecclésiastiques ont continué à
vivre sous le régime de la coutume. Pour G. Franz 41 , il est resté ignoré Il faut établir attentivement toutes les circonstances de la rédaction,
de la Bavière parce que l'autorité princière s'y est tôt affirmée et il a notamment pour saisir le rôle respectif du seigneur et des dépendants.
proliféré là où la communauté rurale s'est le plus fermement constituée. Il faut suivre le même record chronologiquement, pour juger de la
modification de certaines dispositions ou de l'introduction de nouvelles,
36
Publiée par A. HANSAY, Chartes de l'ancienne abbaye de Lobbes, dans Bulletin de la
moyen de juger de l'évolution dans les positions du seigneur et des
Commission royale d'histoire, 69 (1900), p. 86. dépendants et de déceler l'apparition de nouveaux problèmes de la vie
37
E. PONCELET, Chartes du prieuré d'Oignies, dans Annales de la Société archéologique rurale.
de Namur, 31 (1912), p. 36 et L. GENICOT et R.-M. ALLARD, Sources du droit rural du
Quartier liégeois de l'Entre-Sambre-et-Meuse. Bruxelles, 1982, p. 747 . Les Contributions à
Le record contient d'ordinaire des prescriptions d'époques diffé-
l'Histoire économique et sociale, 6 (1970-1971), Bruxelles, 1972, font état, p. 197, d'un rentes 44 . Qui veut 1'utiliser doit donc en distinguer les couches et se
record de coutumes dressé en 1210 pour Vaux, à la demande des paysans du lieu.
38
Comme le soutient K. R. KOLLNIG, Elsiissische Weistümer. Francfort, 1941, p. 35 42
Über Aujkommen und Verbreitung ... ,p. 152.
et sv. 43
G. DUBY, La société aux XIe et XIIe siècle dans la région mâconnaise. Paris, 1953,
39
Loc. cit. p. 611-613.
40
Recherches, loc. cit. 44
F. PATZELT, Entstehung und Character der Weistümer in Osterreich. Budapest, 1924,
41
Loc. cit. p. 35 et K. R. KOLLNIG, Probleme der Weistumsforschung . Heidelberg, 1957, p. 22.
74 CHAPITRE III REGLES DE CRITIQUE PROPRES AUX DOCUMENTS COUTUMIERS 75

demander si certaines des coutumes ne sont pas totalement ou partielle- s'adressait à une autre juridiction - son chef de sens, son caput, son
ment anachroniques 45 . Un érudit n'a-t-il pas récemment soutenu, en Oberhof, hoofdbank, chef-banc, - pour lui demander comment elle
comparant les records de la terre brabançonne de Jauche au XIVe siècle devait juger; en général, la juridiction subalterne ne pouvait pas modifier
avec d'autres documents, que, sous la pression du seigneur, les échevins la décision qui avait été préparée par son chef de sens.
avaient attribué à celui-ci des droits et redevances dont il ne jouissait Le chef de sens était souvent la juridiction dont le droit avait été
pas 46 ? Le record ne doit jamais être coupé des autres sources du droit; concédé à une ville ou un village, qui était ainsi devenu une juridiction
sans quoi, il donne une image fausse ou mutilée. subalterne. Mais dans de nombreux cas, une telle concession n'existait
La comparaison entre records permet de déceler l'existence de familles, pas, ou du moins ne nous est pas connue; le chef-banc était la juridiction
analogues aux familles de chartes de franchises; il faudrait les détecter dans une localité qui faisait fonction de chef-lieu de la région ou
pour interpréter correctement 4 7 . apparaissait comme plus importante que des dizaines ou centaines
d'autres dans la même région; tel est le cas d'Uccle par rapport aux
4. Recours à chef de sens villages des environs de Bruxelles.
C'était donc, en général du moins, un cas d'espèce qui était soumis au
Le recours à chef de sens est une institution largement répandue dans
chef de sens; et la réponse ne concernait que ce cas-là, jugé tant en fait
le nord-ouest de l'Europe continentale; elle porte des noms différents
qu'en droit. Mais il arrivait aussi que la juridiction subalterne pose, soit
d'une région à l'autre, notamment inquesta, inquisitio, consilium habere,
d'office, soit à la requête d'une des parties, une question de droit in
caput, recours à chef de sens, rencharge (pays de Liège et régions
abstracto, à savoir quelle était, en telle matière, la coutume appliquée par
avoisinantes), te hoofde gaan 48 , Sprüche, recours à un Oberhof49 .
la juridiction chef de sens? La réponse ressemble alors à une attestation
Cette procédure n'est pas, dans sa forme classique, un mode de preuve
de coutume délivrée à la demande de la juridiction subalternante 50 .
de la coutume; il s'agit de la consultation d'une juridiction par une
autre qui s'estime «mie sage», minus sapiens. Mais les décisions des
juridictions consultées, lorsqu'elles ont été mises par écrit, contiennent Quelques exemples sont utiles pour illustrer cette source d'informations sur
la coutume. Les échevins de la ville d'Ypres, en Flandre, sont chef de sens de
souvent l'énonciation d'une ou de quelques règles de droit coutumier et ceux de la ville de Saint-Dizier en Champagne, située à plus de 400 km; on
constituent par conséquent une excellente source de connaissance de la a conservé un recueil de plus de 300 consultations données par les échevins
coutume, aussi bien pour les intéressés au moyen âge qu~ pour les d'Ypres à ceux de Saint Dizier entre 1305 et 1470, connu sous le nom de
historiens d'aujourd'hui. Tout Lieu de Saint-Dizier 54 . Dans beaucoup de cas, les noms des parties sont
Par le recours à chef de sens, une juridiction qui ne s'estimait pas mentionnées dans la demande, en même temps qu'un exposé détaillé du litige;
dans d'autres cas, la demande est faite d'une manière abstraite; voici un exemple:
suffisamment informée pour trancher le litige qui lui était soumis, «Chier signeur, laissiez-nous savoir par quel temps bourgois de Saint-Disier
puent acquérir possession sens lettres, li uns sus l'aure, si comme d'eretages.
45
E. PATZELT, loc. cil., croit que certaines règles énoncées dans les Weistümer sont Echevin de la ville d'Ypre ont jugié, selon la loy de la ville d'Ypre, que acquerre
périmées. Le problème est analogue à celui que posent les censiers . le puent par trente ans et trente jours» 52 . La coutume d'Ypres avait donc
46
G. DESPY, Les campagnes du Roman pays de Brabant au moyen âge : la terre de Jauche
admis, en matière de prescription acquisitive d'immeubles, le délai long de droit
aux XIV' et XV'' siècles. Louvain, 1981, p. 45 svv (Centre belge d'histoire rurale, n" 59).
47
0. WERKMÜLLER, op. cil ., p. 133.
romain (30 ans) au lieu du délai d'un an et un jour, d'origine germanique 53 .
48
B.D. H. HERMESDORF, Te hoojde gaan, dans Vers/. en Meded. Oud Vader/. Recht, Xl
50
(1954), p. 17-50; R. MONIER, Le recours à chef de sens au moyen âge dans les villes Sur la similitude des recours à chef de sens ou Sprüche des échevins et les Weistümer,
flamandes, dans Revue du Nord, 13 (1927), p. 5-19; J. GILISSEN, La preuve de la coutume. voir notamment A. STOLZEL, Die Entwicklung der deutschen Rechtsprechung, t. 1. Berlin,
op. cit., p. 589-591. 1901, p. 67 et 235.
49 51
Le terme Oberhof était usuel dans l'Ouest de l'Allemagne au bas moyen âge, mais Publié par A. BEUGNOT, Olim, ou registres des arrêts rendus par la Cour du Roi
presque inconnu dans les parties centrale et orientale où il ne pénétra qu'à l'époque sous les règnes de Saint Louis ... , t. Il. Paris, 1842, p. 718 svv., puis par L. GILLIODTS-
moderne (E. BoEHM, Der Schoppenstuhl zu Leip::ig und der siichsische !nquisitionsprozess in VAN SEVEREN, Coutumes de la ville d'Ypres, t. Il. Bruxelles, 1908, p. 61 svv.
52
Barockzeitalter, dans Zeitschrift für die gesammte Strafwissenschaft, 59 (1940), p. 630-39; Ed. Beugnot, p. 738; éd. L. Gilliodts-Van Severen, p. 69, no 25.
53
J. P. DAWSON, The Oracles of the Law. Ann Arbor, 1968, p. 158, n. 1. Ph. GoDDING, Courtes et longues prescriptions aux XII" et Xlll' siècles, principale-
ment en Brabant, dans Hommage au Professeur P. Bonenfant. Bruxelles, 1965, p. 151-167.
76 CHAPITRE III RÈGLES DE CRITIQUE PROPRES AUX DOCU MENTS COUTUM IERS 77

Quant à la coutume de Saint-Dizier, on peut déduire de ce recours à chef de Le recours à chef de sens apparaît à la fin du XII• siècle. Un des
sens que la régie de la prescription trentenaire y fut en vigueur à partir de la exemples les plus anciens est le recours de Boulogne à Tournai, établi
date de ce recours ; mais on ne peut rien en déduire quant à la règle applicable dès 1200.
auparavant : ni qu 'il fallait 30 ans et 30 jours, ni qu 'il fallait un an et un jour, ou
un quelconque autre délai ; tout au plus, y avait-il doute, incertitude.
On le trouve dans le Nord et dans l'Est de la France, dans ce qui
va devenir les Pays de par deça, et dans la partie germanique du
D'autre part, à partir de la date à laquelle une règle de droit fut établie Saint-Empire, mais guère en Espagne et en Italie.
par la procédure du recours à chef de sens, on peut admettre qu'elle était Le recours à chef de sens se transforme, assez souvent, au xv• ou
applicable non seulement dans la ville ou le village qui avait fait la XVI• siècle, en un appel. La juridiction inférieure statue dorénavant sans
demande et, bien sûr, dans le ressort du chef de sens lui-même, mais aussi consulter la juridiction supérieure; mais le jugement de la juridiction
dans les autres lieux qui allaient à chef de sens à la même juridiction. inférieure pouvait être mis à néant par la juridiction supérieure saisie de
Par exemple, environ 400 juridictions (échevinages, cours censales, etc.) de l'appel.
villes et de villages alla ient à rencharge aux échevins de la ville de Liège dés le
XIII• siècle 54 ; le droit coutumier liégeois tel que déclaré par ses échevins, doit 5. Consultations d 'une juridiction par une autre
être considéré comme en vigueur dans la vaste région formée par ces villes et
villages, et qui déborde le territoire de la principauté ecclésiastique de Liège. Dans le recours à chef de sens, il y a une juridiction supérieure et une
juridiction subalterne; celle-ci est tenue de consulter toujours la même
Une certaine prudence s'impose tout de même ; l'exemple brugeois le
juridiction supérieure et de rendre le jugement dans le sens qui lui est
prouve. La ville de Bruges était chef de sens de plus de vingt villes situées
proposé. Mais on trouve aussi de nombreux exemples de consultation
entre l'embouchure de l'Aa et celle de l'Escaut: Aardenburg, Damme,
d'une juridiction par une autre, sans qu'il existe de lien de subordi.nation
Ostende, Furnes, Nieuport, Dixmude, Bergues-Saint-Winoc, etc . .. . entre elles.
Toutes ces villes ont eu à peu près le même droit coutumier, notamment
De telles consultations peuvell't avoir eu lieu pour toutes sortes de
dans le domaine des successions et des régimes matrimoniaux 55 . Mais les
raisons. Par exemple, une juridiction doit, dans un litige concernant
coutumes de certaines de ces villes subalternes furent officiellement
un partage, appliquer le droit de succession d'une autre ville ou région;
rédigées aux XIV•, XV• ou XVI• siècle; et lorsqu'on compare ces textes
elle demande alors officiellement à la juridiction de cette ville ou région
entre eux, on relève certaines différences, surtout de détail il est vrai 56 .
de lui dire quelles règles de droit coutumier il faut appliquer. Ainsi, en
Le recours à chef de sens a pu contribuer à fixer le détroit de
1294, les jurés de Tournai demandent une attestation de la coutume de la
nombreuses coutumes dans le nord-ouest de l'Europe continentale. La
Salle de Lille en matière d'acquêts aux Pairs du Castel de Lille 58 .
coutume de Louvain fut appliquée, du XIII• au XVIII• siècle, dans une
Autre cas: les juridictions chefs de sens peuvent, selon certains textes,
centaine de villes et villages qui tous allaient à chef de sens à Louvain;
prendre conseil «là où ils veulent»; tel est le cas des échevins de chacune
certains appliquaient au XIII• siècle, selon la charte qui leur fut concédée,
des cinq grandes villes de Flandre qui, selon une charte de 1297, lorsqu'ils
les leges lovanienses , c'est-à-dire non les lois, mais la coutume de
«n'en sont saiges», peuvent consulter ceux des autres grandes villes, ou
Louvain. La carte des échevinages du duché de Brabant au xv• siècle
même «là où ils vouront » 59 .
avec indication de leur chef de sens, est très suggestive à cet égard, si on la
Les échevins d'une de ces villes, Douai, rendent ainsi en 1365 un
compare à la carte des détroits coutumiers que nous avons publiée 57 •
jugement après avoir eu «ad vis et délibéracion . :. as bonnes villes
54
C. DE BoRMAN , Les Echevins de la souverainejusrice de Liège, 2 vol. Liège, 1892-1899. voisines, si comme d'Arras, de Lille, de Tournay, de Valenciennes et
55
E. M. MEIJERS, H er West- Vlaamse he Erfrechr, op. cir. , p. Il et svv.
56
Exemples dans J . GILISS EN, De Roudenisse in hel oud-VIaamse recht, dans Tijdschrift
voor Rechtsgeschiedenis, 31 (1 963), p. 346-402.
58
57
Cf. supra, p. 38-39. R. BYL, L r!s j uridictions scabinales dans Ir- duch é de Brabanr ( des R. MoNIER, L ois ... des Pairs du Casrel de Lille, n . 298, p. 171 et n. 143, p. 98.
59
orig ines à la fin du xv• siècle ) . Bruxelles, 1965 (Recueil des travaux de la Faculté de Charte de Gand, de 1297, dans A. E. GHELDOLF , Coutume de la ville de Gand, t. 1.
philosophie et lettres de l' Université de Bruxelles, 17). Bruxelles, 1868, p. 500, art. 7.
78 CHAPITRE III REGLES DE CRITIQUE PROPRES AUX DOCUMENTS COUTUMIERS 79

de Cambray» 60 . Déjà selon sa charte de 1228, les échevins de Douai en fournissaient la preuve 62 . Le précédent judiciaire put établir le
devaient aller à inquisitio vel inquesta à Arras, mais pouvaient demander caractère notoire d'une coutume 63 .
conseil là où ils veulent: cons ilium habere potuerint ubi voluerint 61 . Aussi, de nombreux recueils coutumiers du moyen âge citent des
Exemple typique de coexistence de recours à chef de sens et de décisions judiciaires comme preuve de la coutume. Beaumanoir, par
consultation. exemple, cite une bonne centaine de décisions judiciaires dans son
Les consultations présentent évidemment le même intérêt pour la ouvrage sur la coutume de Beauvaisis (1283) 64 .
connaissance de la coutume que les recours à chef de sens, du moins pour Les relations de procès sont souvent plus intéressantes que les
la coutume de la juridiction qui la rédige. Ces consultations sont souvent jugements inscrits dans les registres officiels des cours et tribunaux. Dans
plus précises, plus détaillées que les décisions du chef de sens, car la ces relations, on note souvent les différentes phases de la procédure, les
juridiction consultée tient à expliquer, voire à justifier les particularités arguments invoqués par les parties et aussi la coutume dont telle ou telle
de sa coutume. Elles ont la même valeur que les attestations de coutumes, partie demande l'application. Les notes prises par un praticien à
déjà examinées supra. l'audience peuvent ainsi être beaucoup plus utiles à la connaissance de la
coutume que les jugements eux-mêmes. Willem de Moelnere, échevin,
6. Jugements puis amman d'Anvers au début du xv• siècle, reproduit la plaidoirie des
avocats pour prouver certaines règles de la coutume d'Anvers 65 . Les
Au moyen âge, tout jugement tendant à mettre fin à un litige entre Year Books anglais, recueils annuels des décisions judiciaires des Cours
deux ou plusieurs parties, est basé presque nécessairement sur une ou royales de Westminster, rédigés probablement par des avocats, relataient
plusieurs règles de droit coutumier. Même si les juges statuaient sur base parfois toutes les phases du procès 66 .
d'une ordalie- ce qui fut relativement fréquent jusqu'au xn· siècle-- Si les recueils officiels de jurisprudence contenant le texte des juge-
les règles relatives au recours à l'ordalie, à la procédure de celle-ci, aux ments sont donc généralement peu utiles pour la connaissance des
conclusions qu'on pouvait en tirer, furent autant de règles de droit coutumes, les recueils privés de jurisprudence contiennent au contraire de
coutumier. nombreuses indications intéressantes. Le plus souvent les commentateurs
Les jugements sont cependant rarement une source documentaire pour ou arrêtistes ne reproduisent pas le cas d'espèce, mais se bornent à
la connaissance de la coutume, car ils n'étaient pas motivés en droit au dégager la règle appliquée, le «notable de droit».
moyen âge; ils se bornaient au dispositif, à la décision; tout au plus On peut d'ailleurs suivre l'évolution de ce genre de recueils vers une
invoquaient-ils exceptionnellement des considérations de fait. Si excep- formulation de plus en plus abstraite de la règle coutumière: dans une
tionnellement un jugement est motivé, ce sont le plus souvent des première phase, le recueil contient la relation presque complète du
considérations de fait, et non des motifs de droit qui sont invoquées. On procès, avec le nom des parties, leurs arguments, les différents incidents
y trouve donc rarement Je texte de la coutume appliquée. D'ailleurs, très de la procédure. Au second stade, les noms des parties sont omis, de
peu de jugements sont alors consignés par écrit; seuls le sont ceux des
62
hautes juridictions, comme les Parlements en France. Ph. GoDDING , La jurisprudence, op. cit. , p. 9-11 ; 0 ., l , 3 de legibus, 34; voir le
commentaire du texte du Digeste dans HosnENSIS , Summa aurea, tit. de consuetudine, ~
A l'époque romaine, Ulpien avait soutenu que la meilleure preuve Qualiter, supra p. 28.
d'une coutume alléguée est sa reconnaissance par un jugement contra- 63
J . Ph. LËVY, La hiérarchie des preuves dans le droit savant du moyen âge.Paris, 1939,
p. 32.
dictoire rendu antérieurement. Si les Romanistes et les Canonistes du bas 64
A. SERGENE, Le précédent judiciaire, dans Revue historique de droit français et
moyen âge refusèrent toute autorité comme source de droit aux décisions étranger, 39 (1961 ), p. 359.
judiciaires, ils admirent toutefois qu'elles établissaient une coutume ou 65
E. STRUBBE et E. SPILLEMAECKERS, De « Antwerpse rechtsaantekeningen» van
Wil/em de Moelnere, dans Bulletin de la Commission des anciennes lois et ordonnances, 18
(1955), p. 7-149.
66
60
G. EsPINAS, La vie urbaine à Douai, t. IV. Paris, 1913, n• 1257, p. 410. Th. F. PLUCKNETT, A concise history of the Common Law, 5' éd. Londres, 1956,
61
Ibidem , t. III, p. 24. p. 268 svv.
80 CHAPITRE Ill RÈGLES DE CRITIQUE PROPRES AUX DOCUMENTS COUTUM IERS 81

même que les détails de la procédure et du jugement. Au dernier stade, il terminologie médiévale est cependant trop imprécise pour permettre de
ne reste plus que la règle de droit, introduite par une formule telle que: ranger parmi les recueils d'actes législatifs tous les recueils qui s'intitulent
«Il a été jugé que ... ». Le Paweilhar Giffou, de Liège (XIII" s.), est un leges, constitutiones, etc . ... ; en réalité, ce terme très général, plus proche
exemple permettant de suivre cette évolution 6 7 . de «droit» que de «loi» à cette époque, couvre des recueils de textes
juridiques de toutes espèces, presque toujours autant de coutumes que de
lois, au sens moderne de ce terme.
C. RECUEILS DE DROIT COUTUMIER

Pour l'analyse d'une typologie des recueils de droit coutumier, il


Tout au long du moyen âge, on rencontre des documents historiques semble utile de distinguer ceux d'avant le XII< siècle, et ceux d'après cette
qui constituent des recueils de droit coutumier, c'est-à-dire des textes période:
dans lesquels sont énoncées plus ou moins systématiquement un certain - les premiers recueils de droit des peuples germaniques et celtiques
nombre de règles de droit coutumier. Ce nombre peut être petit ou depuis le ye siècle jusqu'au xre siècle ; il n'en sera plus question ici, une
grand: quelques unités ou plusieurs centaines; ce qui distingue ce partie du chapitre II y étant consacrée 70 :
genre de documents du type des documents analysés dans la subdivision - les privilèges concédés à des villes, villages, seigneuries ou régions,
précédente, c'est qu'il ne s'agit plus ici d'un cas d'espèce à l'occasion depuis le XI• siècle, sous forme de charte dans laquelle est consigné
duquel une règle de droit coutumier est attestée, mais d'un ensemble, plus un ensemble de règles de droit, généralement une confirmation de
ou moins étendu, établi indépendamment d'un litige donné. coutumes;
Il ne faut pas confondre les recueils de droit coutumier avec de - les recueils de coutumes, rédigés à partir du xn· et surtout du
nombreux recueils de droit qui ne sont pas uniquement ou principale- XIII• siècle, par des particuliers, souvent à usage personnel, recueils
ment des livres de coutumes. C'est ainsi que nous n'examinerons pas: appelés souvent «coutumier» ou «livre de droit» (Rechtsbuch);
- les recueils de droit romain, que ce soit ceux du début du moyen âge - des recueils officiels de coutumes, rédigés sur ordre de l'autorité,
(tel surtout la Lex romana Visigothorum ou Bréviaire d'Alaric, de 506), reconnus ensuite par celle-ci comme ayant force obligatoire;
ou que ce soit ceux de l'époque de la renaissance du droit romain (par - les œuvres des commentateurs de coutumes, genre qui n'apparaît
exemple, les très nombreux ouvrages juridiques des glossateurs et des toutefois qu'au xve siècle et surtout XVI• siècle.
autres romanistes des XIIIe, XIV• et xv• siècles 68 );
- les recueils de droit canonique, depuis la collection de Dyonisius 1. Privilèges urbains, ruraux et régionaux
Exiguus (environ 500) jusqu'aux recueils qui vont constituer les éléments
Dans la seconde moitié du XIe siècle et surtout au XIIe et au
du Corpus Juris Canonici: le Décret de Gratien (env. 1140), les Décrétales
XIII• siècles, des villes ou des villages - anciens ou naissants - se sont
de Grégoire IX (1234), le Sexte (1298), les Clementinae, (1304), les
Extravagantes de Jean XXII (1384) et les Extravagantes Communes efforcés d'obtenir de leur seigneur la concession ou la confirmation de
(15e s.) 69; privilèges, tant sur le plan économique et social que sur le plan juridique.
- les recueils de législation, par exemple les collections de capitulaires, A l'origine ces concessions ont pu être faites sans écrit ; toutefois, très tôt
les premiers recueils d'ordonnances royales ou seigneuriales, etc. La par rapport au mouvement de développement urbain, des villes ou des
villages ont obtenu que les privilèges concédés fussent mis par écrit
généralement, en forme de charte.
67
A. BAGUETTE, Le Paweilhar Giffou. Edition critique. Liège, 1946. Nombreux autres
Le mouvement s'est étendu à des territoires plus étendus, tels que
exemples cités dans Ph. GoDDING, op. cil., p. 34.
68 Voir R. FEENSTRA, Droit romain au moyen âge, dans Introduction bibliographique, seigneuries ou circonscriptions administratives, voire à toute une prin-
op. cil., (ed. J. GILISSEN), B/11. Bruxelles, 1980, etH. COING (éd.), Handbuch, op. cil. cipauté.
69
Voir J. GAUDEMET, Droit canonique, dans Introduction bibliographique, op. cit., B/9.
Bruxelles, 1963. 7
° Cf. supra, p. 42-45 et 48.
82 CHAPITRE III RÈGLES DE CRITIQUE PROPRES AUX DOCUMENTS COUTUMIERS 83

Ces chartes urbaines, rurales ou régionales sont des documents d'un municipale; on en a dénombré plus de 300 73 . Elles s'appliquent nor-
grand intérêt pour la connaissance de la coutume, car, dans une large malement dans la ville et dans la banlieue de celle-ci; exceptionnellement,
mesure, elles constituent pour beaucoup de villes, villages ou régions, la elles ont un détroit plus étendu, comme à Bordeaux -le diocèse- ou en
première mise par écrit de leur droit coutumier. Encore faut-il éviter Provence. Des chartes urbaines d'Italie et des fueros d'Espagne sont du
toute généralisation à cet égard: la concession de chaque charte de même genre. Le mode de rédaction de ces chartes municipales est
privilèges est un cas particulier, qu'il faut examiner dans le cadre des relativement simple: ce sont les autorités municipales qui les rédigent ou
circonstances de lieu et de temps. Elle est le résultat, occasionnel et les font rédiger. Ainsi à Toulouse, les capitouls rédigent le texte de 1286,
momentané, d'un conflit entre les forces en présence: seigneur, habitants avec l'aide du Conseil de ville; il fut ensuite soumis pour approbation au
du lieu, tierces puissances. Toute charte contient un certain nombre de roi de France; celui-ci désigna deux commissaires, le sénéchal de
règles du droit coutumier local ou régional que l'une des parties - Toulouse et l'abbé de Moissac, pour l'examiner; il l'approuva enfin,
généralement les habitants - cherchent à se faire confirmer; mais elle après en avoir rejeté quelques articles comme inéquitables ou contraires à
contient aussi un certain nombre de règles nouvelles, soit réclamées par ses droits. Ce mode de rédaction sera repris plus tard, dans les
les habitants, soit imposées par le seigneur, soit énoncées à l'occasion ordonnances du xv· siècle, pour la rédaction officielle des coutumes.
d'un litige. On ne peut pas se fier à la terminologie du texte de la charte Dans certains cas, les conseils de ville désignent des commissaires pour la
elle-même; car la réalité peut être toute différente, encore que difficile à rédaction d'un projet (Arles, douze en 1162: Montpellier, sept en 1204).
saisir. Le contenu des privilèges urbains et ruraux varie à l'infini. Dans
Dans certains cas, le rédacteur de la charte affirme expressément que celle-ci certains cas, ils ne contiennent pas de droit coutumier, mais accordent un
constitue une rédaction de la coutume du lieu. Citons comme exemple la charte statut privilégié aux habitants de la ville ou de la bourgade: chartes de
de Tournai de 1188 par laquelle le roi de France Philippe Auguste donne et franchise, chartes accordant ou reconnaissant une commune. La plupart
concède aux bourgeois de la ville l'institution de paix et la commune ad eosdem des chartes contiennent un certain nombre de dispositions, souvent une
usus et consuetudines quos dicti burgenses tenuerant ante institutionem communie; dizaine ou une vingtaine. Elles concernent les privilèges des habitants de
puis vient le titre Hec autem sunt consuetudines (en français: «et telles sont les
coustumes») qui est suivie de trente-sept dispositions de droit coutumier 71 . Autre la ville, de la franchise, de la bourgade, par rapport aux habitants des
exemple : la charte du roi Philippe III confirmant les consuetudines de Toulouse régions alentour, notamment en matière de juridiction et d'impôts;
qu'on lui a soumises 72 . d'autres concernent la réglementation des rapports des habitants avec le
prince ou le seigneur, souvent une limitation des droits seigneuriaux;
De nombreuses villes et bourgades du Midi de la France firent mettre
enfin, certaines dispositions concernent des problèmes de droit privé ou
leurs coutumes par écrit au cours du xn• et du début du XIII• siècle
de droit pénal, les unes confirmant la coutume existante, d'autres
sous forme de charte municipale pour mieux résister, semble-t-il, à la
innovant à l'égard de celle-ci. La part de chacun de ces types de
diffusion du droit romain : beaucoup de ces textes sont d'ailleurs
dispositions varie d'une charte à l'autre; elle est souvent difficile à
relativement étendus, parfois plus de cent articles (Toulouse 1286,
déterminer. Dans les chartes qu'on appelle de coutume, la part de celle-ci
160 articles), contrairement à ce qui se constate à la même époque dans
les régions plus septentrionales. Certaines coutumes urbaines connurent
73
deux ou plusieurs rédactions successives, toujours plus étendues (ex.: Liste dans E. JARRIAND, La succession coutumière dans les pays de droit écrit, avec un
tableau des coutumes des pays de droit écrit, dans Rev. hist. droit français, 1890, p. 58-75.
Arles, 1142, 1162, 1202; Montpellier, 1141, 1204; Toulouse 1152, 1286). Voir aussi P. ÜURLIAC, Les coutumes du Sud-Ouest de la France, dans Anuario de Historia
Dans certaines régions du Midi,presque chaque bourgade a sa charte del Derecho espanol, 23 (1953), p. 407-422, et dans ses Etudes d'Histoire du droit médiéval,
t. 1, Paris s.d. (1980), p. 3-15; J. TARDIF, Coutumes de Toulouse. Paris, 1884; E. BAILLAUD
et A. VERLAGUET, Cowumes et privilèges du Rouergue, 2 vol., Toulouse, 1910; M. GoURON,
71
L. VER RI EST, Coutumes de la ville de Tournai. Bruxelles, 1923, p. 114: version romane Catalogue des chartes et franchises de la France, II: Les chartes de franchise de Guienne et
p. 119. Gascogne. Paris, 1935 (Société d'histoire du droit) ; J. RAMIERE de FORTANIER, Recueil de
72
Texte dans Recueils des Ordonnances du Louvre, t. XII, p. 322; A. LEBRUN, Lo documents relatifs à l'histoire du droit municipal en France: Chartes de franchise de
Coutume, op. cit., p. 23, n. 3. Lauragais. Paris, 1939 (Société d'histoire du droit).
84 CHAPITRE III RÈGLES DE CRITIQUE PROPRES AUX DOCUMENTS COUTUMIERS 85

est en général plus importante que dans les autres chartes urbaines ou moyen âge; elle reste encore controversée. Dans certains cas, la charte
rurales. urbaine précise qu'elle contient un ensemble de textes législatifs; tel est le
Les dispositions coutumières sont généralement de deux types: les cas de la plupart des villes italiennes; de même, la ville d'Arles établit et
unes confirment des règles qui peuvent avoir déjà été reconnues en justice promulgue entre 1162 et 1202 ses Statuta sive leges municipales. Mais le
et que le prince ou le seigneur admet avoir été appliquées (par la cour sens de lex, leges, est ici équivoque; il peut déjà (ou encore) signifier loi
capitulaire à Toulouse, par exemple) et promet d'observer; d'autres au sens romain et moderne du terme; mais il peut aussi désigner
définissent des règles nouvelles; en réalité ce sont des dispositions l'ensemble du droit d'une ville ou région 75 ; par exemple les leges
législatives qui se confondent avec la coutume ancienne. A Narbonne par lovanienses ne sont pas des ordonnances urbaines de Louvain, mais bien
exemple, les seigneurs (vicomte, archevêque et abbé de Saint-Paul) un ensemble de dispositions coutumières concédées à des bourgades
approuvent en 1232les coutumes des bourgeois, tam illas que obtinuerunt situées aux environs de Louvain.
quam alias de novo constitutas 74 . Certains auteurs des XIVe et xve siècles considèrent que les coutumes
Il est en général malaisé de déterminer quelles dispositions confirment officiellement rédigées ne sont plus tout à fait des coutumes, sans
des coutumes existantes et quelles autres sont de droit nouveau, non toutefois être assimilables à la loi. Claude Liger, dans ses Coutumes
coutumier, droit d'origine législative. Parfois le caractère législatif se d'Anjou et de Maine (XIVe s.) écrit: «Si au consentement du peuple
manifeste par une allusion au texte d'une ordonnance urbaine, c'est-à- d'anciens païs les coustumes sont mises et rédigées en escript, toutefoiz
dire à une règle introduite dans le droit urbain par l'organe législatif de la ne sont-elles pas layes ne coustumes» 76 .
ville; ces ordonnances portent des noms très variés, tels que statut, ban, Nous reviendrons sur cette question à l'occasion de l'étude des effets
recès, willekeuren; et cette appellation se retrouve dans la charte urbaine, de la rédaction officielle de coutumes 77 .
indiquant ainsi l'origine législative de la disposition. C'est ainsi qu'en
Italie la plupart des textes de ce genre s'appellent des statuta, c'est-à-dire 2. « Fueros » ou fors espagnols
des lois municipales, alors que la part de la coutume n'y est toutefois pas
Les fueros ou fors forment un genre de mise par écrit de coutumes
négligeable.
propres à l'Espagne. Ils apparaissent au milieu du IXe siècle. Ils sont
Les autres dispositions sont des coutumes anciennes que la charte
apparentés aux privilèges urbains ou ruraux, analysés au paragraphe
confirme et dont le prince ou le seigneur reconnaît l'existence et qu'il
précédent.
promet de respecter. Parfois il s'agit de coutumes déjà reconnues en
Les plus anciens sont appelés fueros breves, et aussi cartas pueblas,
justice.
chartae libertatis, chartae privilegii, etc. Comme les privilèges, ils
Il arrive aussi que le privilège urbain ou rural recopie partiellement
émanent toujours d'une autorité: le roi, le seigneur ecclésiastique ou
celui d'une autre ville ou village: les coutumes de Narbonne (1230) et
laïque. Comme eux, ils ne contiennent qu'un nombre limité de règles:
de Carcassonne sont copiées sur celles de Montpellier ( 1204); la coutume
parfois une ou deux, généralement dix à vingt, rarement plus. Les uns
de Louvain a essaimé, non seulement dans des villages du sud-est
concèdent ou confirment la concession de privilèges à une ville ou, plus
brabançon, mais surtout vers Bois-le-Duc et de là vers de nombreuses
rarement, à un village, à une région ou à un monastère; ils contiennent en
villes de Hollande.
général la mise par écrit de coutumes locales, ou du moins de quelques
Les coutumes ainsi officiellement mises par écrit par l'autorité locale
points contestés. D'autres règlent la situation des cultivateurs vis-à-vis de
et confirmées par le prince ou le seigneur restent-elles des coutumes?
leur seigneur et déterminent leurs prestations; ils s'apparentent plutôt
Elles perdent certes un de leurs principaux défauts: l'incertitude. Mais
deviennent-elles, pour autant, des lois? La question était incertaine au
75
' Supra, p. 17.
76
C . J. BEAUTEMPS-BEAUPRÉ, Coutumes et ins/ilulions de /"Anjou el du Maine
74
P.C. TIMBAL, La coutume ... , p. 85, citant le texte d'après MüUYNES, Inventaire des antérieures au XVI" siècle: cou/urnes el styles, Paris 1877/83, t. II, p. 455.
77
Archives communales de Narbonne, p. 22. Infra, p. 93.
86 CHAPITRE JJ1 REGLES DE CRITIQUE PROPRES AUX DOCUMENTS COUTUMIERS 87

aux records ou Weistümer. Lesfueros sont du droit local ou droit spécial, raison de leur nombre, de leur étendue, de leur diffusion. Cependant, ce
par opposition au droit général, droit coutumier provenant de la Lex sont des sources difficiles à utiliser, parce que leurs auteurs ont subi des
Wisigothorum, appelée à partir du VII• siècle Liber Judiciorum. influences diverses, surtout celle du droit romain et celle du droit
Dès le XII• siècle, les fueros s'allongent; certains constituent de canonique. Il est dès lors bien malaisé, dans beaucoup de cas, de
véritables codes, rédigés d'une manière plus ou moins systématique, distinguer ce qui est emprunté aux droits romain ou canonique, ou à
tendant à tout réglementer. Leur contenu est généralement coutumier; d'autres auteurs, et ce qui constitue vraiment la description de la coutume
mais certaines règles proviennent de jugements ou de décisions du conseil citée. Il faut, pour chaque recueil, bien étudier - dans la mesure du
municipal, ou encore ont été copiées sur d'autres fueros; enfin, sous possible - la personnalité de l'auteur, la structure du recueil, les
l'influence du droit romain renaissant et surtout des Siete Partidas, des manuscrits disponibles; souvent des ajouts romanistes ont été faits aux
dispositions d'origine romaines y sont insérées. Les textes ainsi remaniés xv•, XVI• ou XVII• siècles, alors que nous ne connaissons l'ouvrage
sont soumis à l'approbation royale ou, le cas échéant, seigneuriale. En qu'à travers une édition ou une copie de cette époque.
même temps des coutumes générales prennent, elles aussi, le nom de Par exemple, la Somme rural de Jehan Boutillier est un livre de droit de la
fueros. Le roi Ferdinand III le Saint donne le nom de Fuero Juzgo à une région de Tournai, écrit vers 1393-95; il contient surtout du droit coutumier de
traduction du texte de la Lex Wisigothorum ou Liber Judiciorum; Tournai, d'Artois et de Flandre, mais il est rempli d'emprunts au droit romain;
or, il n'est généralement utilisé qu'à travers des éditions des XVI• et XVII• siècles,
Alphonse X le Sage publia le Fuero Real, appelé aussi Libero de las Ley es.
et de quelques incunables de la fin du xv· siècle, peu accessibles; il existe
Les fueros furent très répandus dans toute la péninsule ibérique, au fur cependant des manuscrits plus anciens, mais aucune édition moderne n'a encore
et à mesure de la Reconquista. En Catalogne toutefois, les textes pu être réalisée 79 .
similaires sont appelés consuetudines (p. ex. de Gerone, de Lerida),
b. Historique
costumbres (p. ex. de Tortosa), consuetudes (p. ex. de Horta) 7 8 .
Ce genre de recueils de coutumes apparaît en Italie, en Espagne, en
3. Recueils privés: coutumiers, « Rechtsbücher » Angleterre, en Russie dès le XII• siècle, en France, dans la partie
germanique du Saint Empire, dans les principautés belges, dans les
a. Définition régions slaves au XIII• siècle. Leur nombre augmente considérablement
On donne en France le nom de «coutumier» à des ouvrages privés, aux XIV• et xv• siècles, pour faire alors place aux rédactions officielles
dans lequel un particulier a exposé les règles du droit coutumier d'une des coutumes et aux commentaires de coutumes.
région déterminée; dans les pays de langue allemande, on les appelle Pour montrer dans quelle large mesure les recueils de coutumes sont
généralement Rechtsbücher (livres de droit), ce qui évite de faire allusion répandus en Europe au bas moyen âge, il suffira d'en citer un ou deux
à la source du droit exposé. par pays.
Ces ouvrages n'ont aucun caractère officiel, contrairement aux chartes
Par exemple, en Italie, le Splendor consuetudinum Venetorum, écrit au début du
urbaines, rurales et territoriales et aux fueros analysés aux paragraphes XIII" siècle par Iacopo Bertaldo, chancelier de la République, constitue déjà une
précédents. Leurs auteurs sont généralement des praticiens du droit, systématisation du droit coutumier vénitien 80 . Un recueil d'Us us Venetorum daté
le plus souvent des officiers de justice: baillis, sénéchaux, écoutètes, du milieu du XIII• siècle, avait été reconnu officiellement par le doge Dandolo en
ammans, etc. 1195. A Pise, dès 1160, on rédige une codification du droit, dont une partie, les
Constituta usus, sont une rédaction du droit coutumier local 81 .
Ces recueils sont les sources documentaires les plus importantes pour
la connaissance des coutumes des derniers siècles du moyen âge, en 79
G. VAN DIEVOET, Jehan Boutillier en de Somme rural, op. cil.
80
Edité par F. ScHUPPER dans Bib/iotheca luridica Medii Aevi, t. III. Bologne, 1897,
78 Courte note, sur \esfueros avec bibliographie abondante, de F. DE ARVIZU, in Revue p. 99-153.
81
historique de droit français et étranger, 57 (1979), p. 375-388. Voir surtout A. GARCIA- P. CLASSEN, Kodifikation fm 12. Jahrhundert: Die Constituta usus et /egis von
GALLO, Aportacibn al estudio de los fueros, in Annuario de Historia del Derecho espaiiol, 26 Pisa, dans Recht und Schrift im Mitre/a/ter. Vortriige und Forschungen herausgegeben
(1956), p. 387-446. vom Konstanzer Arbeitskreis für mittela/ter/iche Geschichte, 23 (1977), p. 311-317;
88 CHAPITRE IJI RÈGLES DE CRITIQUE PROPRES AUX DOCUMENTS COUTUMIERS 89

En Espagne, de très nombreuxfueros sont, à l'origine, des rédactions privées Plus à l'Est l'apparition des premiers grands coutumiers se situe au XIV• siècle,
de coutumes locales ou régionales, remontant aux xn· et xnr· siècles 82 . par exemple en Pologne le Najstarszy Zwod Prawa Polskiego (d'abord écrit
En France, la Summa de legibus Normanniae date de 1235-1238, le Conseil à un en allemand) 91 , en Bohème, le Kniha Roimberska, coutumier des seigneurs
ami de Pierre de Fontaines de 1253-1258; les Coutumes de Beauvaisis de Philippe de Rozmberk du début du XIV• siècle, et la Prava zemska ceska, écrit par
de Beaumanoir sont de 1279-1283 83 . Dans le Nord, le Facet de Saint-Amand André de Du ba, juge suprême du royaume de Bohême, à la fin du XIV• siècle 92 .
remonte à 1265 84 , la première rédaction du Livre Roisin de Lille à 1267 85 . En Russie, la Pravda Russkaia est un coutumier du XII• et surtout XIII• siècle,
En Angleterre, de nombreux borough customs et county customs remontent partiellement influencé par le droit romain par le canal du droit byzantin 93 .
également au XIII• siècle 86 . En Ecosse, les Leges quatuor burgorum constituent
un recueil du droit des quatre bourgs d'Edimbourg, Roxburgh, Berwick et c. Modes de rédaction
Sterling, datant de la seconde moitié du XIII• siècle 87 . Les coutumiers étant des œuvres pnvees, il n'existe pas de mode
Dans les pays scandinaves, les plus anciens recueils de droit remontent
déterminé de rédaction. Chaque auteur a poursuivi un but déterminé; il a
également aux xn• et XIII• siècles, notamment les «lois» de Gulathing, de
Frostathing, en Norvège, celles de Vestrogothie et d'Upland en Suède, le Jyske généralement puisé son information à de multiples sources; il a rédigé
Lov au Danemark 88 . Les Gragas d'Islande datent probablement de vers 1260, le son texte comme il le voulait.
Haflidaskra (1117) est plus ancien, de même que le Kristinn réttr forni 89 . Le but poursuivi était souvent l'enseignement du droit ou une
En Allemagne, c'est également du XIII• siècle que datent les premiers grands meilleure connaissance du droit dans la pratique judiciaire. Pierre de
recueils de droit coutumier: le célèbre Sachsenspiegel d'Eike von Repgow
Fontaines rédige son Conseil à un ami pour enseigner le droit au fils du
(environ 1220-1275), le Schwabenspiegel (1274-1275), le Deutschenspiege/ 90 .
roi de France. Eike von Repgow, dans la préface de son Sachenspiegel,
A. SCHAUBE, Zur Entstehungsgeschichte des pisanischen Conslitutum usus, dans Zeitschrift explique en vers pourquoi il écrit son livre: «Ce droit, je ne 1'ai pas conçu
fiir das gesammle Hande/srecht, 46 (1897), p. 1-47. Texte publié par F . BoNAINI, Statut! 1

inedit! della Città di Pisa del XII al XIV secolo, t. Il. Florence, 1870, p. 634-1026.
moi-même; il nous est venu de nos bons ancêtres; mais j'ai voulu le
82
Supra, p. 85-86. R. GtBERT, Espafia, dans Introduction bibliographique à l'histoire du conserver; j'ai voulu que mon trésor ne disparaisse pas sous terre avec
droit, éd. J. GILISSEN, C/7 . Bruxelles, 1965; le même, Historia general de derecho espafiol. moi» (traduction) 94 .
Madrid, 1974; A. GARCIA GALLO, Manual de Historia del Derecho espafiol, t. 1. Madrid,
1967. Le recueil Libro de Leyes, mieux connu sous le nom de Siete Partidas (provenant de t. l, revu par K. A. ECKHARDT, 1934; t. II, parC. BoRCHLING et J. VON GIERKE, 1931;
sa division en sept parties), n'est pas un coutumier, ni unfuero, mais une vaste compilation G. K.!SCH, Sachsenspiegei-Bibliographie, dans Zeitschrift der Savigny Sriftung, Germ. Abr.,
faite à l'initiative du Roi de Castille Alphonse X le Sage, à partir de 1256, dont la majeure 90 (1973), p. 73-100; W. KoscHORRECK (éd.), Der Sachsenspiegel in Bildern. Aus der
partie a été empruntée au Corpus iuris civilis, aux décrétales ainsi qu'aux œuvres des Heidelberger Bilderhandschrift ausgewiihlt und erlaurerr, 1976 (lnsel-Taschenbuch 218);
glossateurs, des décrétistes et des décrétalistes. nombreuses éditions de textes du Sachsenspiegel et du Schwabenspiegel, éditées ou
83
A. CHENON, Histoire générale du droit français public et privé, t. 1. Paris, 1926, rééditées par K. A. EcK HARDT dans la Bibliorheca rerum historicarum (Aalen) entre 1972
p. 553-557; G. LEPOJNTE, Petit précis des sources de l'histoire du droit français. Paris, et 1979, notamment dans les séries Rechtsbücher et Studia; certaines éditions ont paru
1937, p. 61-64; A. MARNIER, Le Conseil de Pierre de Fontaines. Paris, 1846; A. SALMON, auparavant dans la série Germanenrechte, dans les années 1950-1960.
Philippe de Beaumanoir, Coutumes de Beauvaisis, 2 vol. Paris, 1888-1900; 3• volume par 91
Edition des deux textes par J. MATUSZEWSKI, Nafstarszy Zwod Prawa Polskiego .
G. HUBRECHT, Commentaire historique et juridique. Paris, 1974. Varsovie, 1959 (avec résumé de l'introduction en allemand; sur la date, cf. p. 298-302).
84
E. M. MEIJERS et ] . ] . SALVERDA DE GRAVE, Des Lois el Coutumes de Saint-Amand. 92
V. BRAN DL, Kniha roimberska (Coutumier des seigneurs de Rozmberk). Prague, 1872
Haarlem, 1934. (édition insuffisante); Fr. ëÀDA, Nejvyssiho sudi Kralovstvi ceského Ondfeje:: Dubé Pra va
85
R. MONIER, Le Livre Roisin, coutumier lillois de /afin du XIII" siècle. Paris-Lille, 1932, zemska ceska (Coutumier du pays de Bohème par André de Dub:l.). Prague, 1930.
(Documents et travaux publiés par la Soc. d'hist. du droit des pays flamands, picards et 93
Edition de l'Académie des Sciences de l'URSS: Pravda Russkaia, pod redakrsiei B.D.
wallons, II). GREKOVA. Moskva-Leningrad, 1940-1947; G. VERNEDSKY, Medieval Russian Laws. New
86
M. BATESON, Borough eus/oms, 2 vol. Londres, 1904-1906 (Selden Society, t. 18 et York, 1947; L.K. GOETZ, Das russische Recht, 4 vol., Stuttgart, 1910-1913 (traduction et
21). Liste de counry customs dans N. NEILSON, Harvard Law Review, t. 38, p. 483-484. commentaire); D. KAISER, The Growth of the Lmr in medieval Russia. Princeton, 1980.
L'histoire des coutumes locales est négligée en Angleterre en raison de l'intérêt trop exclusif 94
Eike VON R.EPGOW, Sachsenspiegel, Préface, vers 151-158:
des historiens du droit anglais pour le common law. Diz recht en habe ich silbir nicht erdacht,
87
Lord CooPER, An Introduction ta Scottish legal History. Edimbourg, 1958, p. 7. Ez haben von aldere an uns gebracht
88
Cf. G. HAFSTROM, Suède-Finlande, in Introduction bibliographique, op. cil., D/8. Unse guten vorevaren
Bruxelles, 1980; O. FEN GER, Danemark, in ibidem, D/5, 1967. Mag ich auch, ich will bewaren,
89
Cf. S. KALI FA, Islande, in Introduction bibliographique, op. cit., D/7, 1977; Daz min schatz under der erden
A. HEUSLER, Isliindische Rechl. Die Graugans. Weimar, 1957 (coll. Germanenrechte, IX). mit mir nicht verwerden.
90
G. HOMEYER, Die deulschen Rechtsbücher des Mittelalters und ihre Handschriften, Von gotis genaden die lere min
sai al der werlt gemeine sin
90 CHAPITRE III RÈGLES DE CRITIQUE PROPRES AUX DOCUM ENTS COUTUMIERS 91

D'autres coutumiers étaient l'œuvre de praticiens qui désiraient con- d. Auteurs


signer leur connaissance de la coutume locale par écrit pour permettre Les coutumiers ou Rechtsbücher sont généralement l'œuvre d'un
aux juridictions de mieux juger, aux plaideurs d'être mieux informés. homme, un juriste connaissant bien la coutume de la ville ou de la région
L'auteur, vivant au sein du groupe socio-politique dont il désire décrire dans laquelle il vit. Ce sont beaucoup plus rarement des œuvres
la coutume, puise avant tout dans sa propre connaissance du droit local; collectives.
il consigne par écrit ce qu'il sait personnellement, ou ce qu'il a appris par Les historiens se sont efforcés de connaître la vie et la carrière de ces
des parents et amis vivant la coutume avec lui. Lorsque l'auteur occupe juristes-coutumiers. Eike von Repgow, auteur du Sachenspiegel, fut un
- ou a occupé - une fonction administrative ou judiciaire au sein du conseiller et vassal du comte Hoyer von Falkenstein; Philippe de
milieu dont il décrit la coutume, tout en étant lui-même étranger à ce Beaumanoir est un auteur bien connu à la vie mouvementée; il fut
milieu, il peut connaître la coutume pour l'avoir appliquée ou fait notamment bailli de Clermont en Beauvaisis (dont il décrit la coutume),
appliquer, ou pour l'avoir vu appliquer. Sa principale source est alors la bailli de Vermandois, sénéchal de Poitou; Jehan Boutillier fut lieutenant
jurisprudence, c'est-à-dire l'ensemble des décisions judiciaires. du bailli de Tournaisis, pensionnaire de la ville de Tournai.
Pour exercer une critique adéquate de chaque partie d'un coutumier, Une meilleure connaissance de la biographie des auteurs permet
il faut essayer de savoir quelles ont été les sources d'informations de d'exercer une meilleure critique de leurs œuvres. S'ils ont fréquenté l'une
l'auteur: a-t-il une connaissance personnelle de la coutume? Ou s'est-il ou l'autre école de droit, on peut supposer a priori que leur œuvre a été
borné à copier d'autres auteurs? Est-il influencé, volontairement ou influencée par le droit savant, alors qu'ils ont souvent essayé de le cacher.
involontairement, par l'enseignement du droit romain et/ou canonique?
Dans certains cas, l'auteur s'est contenté de réunir, souvent sans e. Contenu
ordre ni méthode, un certain nombre d'adages ou de brocards. Tel est La plupart des coutumiers ne contiennent pas exclusivement du droit
notamment le cas de l'auteur anonyme du «Dit is 't recht van Uccle», des coutumier. Ce sont avant tout des Rechtsbücher, des livres de
environs de 1300. Dans d'autres cas, l'auteur décrit minutieusement un droit exposant l'ensemble des règles juridiques que leur auteur estime
certain nombre de règles coutumières, mais il le fait sans plan et sans applicables à un endroit donné. On y trouve généralement, à côté d'une
ordre, au fur et à mesure qu'il acquiert la connaissance des règles. Dans quantité plus ou moins grande de règles d'origine coutumière, d'autres
d'autres cas encore, plus rares il est vrai, l'auteur a conçu un plan règles qui sont d'origine législative, et surtout des emprunts au droit
méthodique, a rédigé le texte suivant un ordre déterminé, a exposé les canonique et/ou au droit romain.
cas, a dégagé des normes et énoncé des exceptions. Il fait presque œuvre Par exemple, les Siete Partidas d'Alphonse X de Castille, de 1272, contiennent
de doctrine; son ouvrage est déjà un commentaire doctrinal de la en grande partie des emprunts au Corpus juris civilis, aux Décrétales, aux œuvres
coutume; il dépasse la simple mise par écrit. Tel est notamment le cas de des glossateurs et des décrétistes, à côté de textes tirés des Rôles d'Oléron et des
lois et coutumes locales. Le Tractatus de legibus et consuetudinibus Angliae de
Beaumanoir dans ses Coutumes de Beauvaisis.
Bracton, écrit vers 1256, contient dans sa première partie un exposé de droit civil
Le plan de quelques coutumiers est celui du Codex du droit romain; qui suit le plan des Institutes; l'auteur, un juge royal, a fait d'amples emprunts à
mais il s'agit alors d'ouvrages largement influencés par le droit savant. la Surnrna d'Azon 96 . La plupart des coutumiers français de la seconde moitié du
Tel est le cas des Siete Partidas, en Espagne.
Enfin, dans quelques cas, l'auteur a écrit en vers. La préface du
96
Sachenspiegel est écrite en vers par Eike von Repgow. Il existe un Berijmd F . W . MAITLAND, Selected passages from the works of Braclon and A:::o. Londres,
1894 (Selden Society, t. 8); E. H . I<ANTOROWICZ, BracTOnian problems. Glasgow, 1941 ;
Erjboek (livre du droit de succession, en vers) du Franc de Bruges 9 5 . T. PLUCKNETT, Early Eng/ish legal Litera/ure. Cambridge, 1958, p. 53 et sv.; H. R.
RICHARDSON, Bracron, The Problem of his text. Londres, 1965 (Selden Society, Supp1e-
mentary Series, 2). Edition de l'ouvrage de Bracton par G. E. WOODBINE , 4 vol. New
Haven, 1915-1941 ; traduction anglaise par S. E . THOR NE (Selden Society, 4 vol. ,
Cambridge (Mass .)-Londres, 1968-1977) qui présente de nouvelles théories sur la genèse
95 L. GILLIODTS-VAN SEVEREN, Coutumes du Franc de Bruges, 1, 1879, p. 455 . de l'ouvrage.
92 CHAPITRE III RÈGLES DE CRITIQUE PROPRES AUX DOCUMENTS COUTUMIERS 93

XIIIe siècle, par exemple le Conseil à un Ami, de Pierre de Fontaines, les droit, mais se contentait de faire mettre par écrit, de constater, c'est-à-
Etablissements de Saint-Louis, le Livre de jostice et de plet, ont également, dans dire d'homologuer le droit coutumier existant. La rédaction officielle fut
une mesure plus ou moins large, été inspirés par des textes de droit romain 97 . souvent l'homologation de coutumes existantes.
f. Diffusion La rédaction officielle des coutumes fut aussi, dans certains cas, un
premier effort de codification; ce fut l'occasion d'une mise en ordre
Le succès des rédactions privées des coutumes a été très variable.
systématique de 1'ensemble des droits coutumiers d'une région donnée 9 8 .
Certaines n'ont guère été connues que dans leur région d'origine; on n'en
a pas fait de copies; il a fallu attendre le XI Xe et même le xxe siècle pour b. Historique
que les historiens s'y intéressent et les éditent. Tel fut notamment le cas La rédaction officielle des coutumes fut ordonnée en France par le roi
de l'œuvre de Beaumanoir en France, de celle de Fleta (Commentarius Charles VII, par son ordonnance de Montilz-les-Tours, de 1454. Elle fut
iuris Anglicani) en Angleterre, du commentaire de droit brabançon de
ordonnée dans les Pays de par-deça par l'empereur Charles Quint, par
Willem van der Tanerijen qui ne fut édité qu'en 1952.
son ordonnance de 1531. Dans ces pays le phénomène n'apparaît donc
D'autres, au contraire, ont connu une grande diffusion dès l'époque
qu'à la fin du moyen âge, voire au début des Temps modernes. En réalité,
de leur rédacteur. Tel fut le cas du Sachsenspiegel qui fut recopié des
il est bien plus ancien dans d'autres pays; et même dans les deux pays
dizaines de fois, dont certains manuscrits furent, dès la fin du XIIIe siècle
cités, des autorités locales ou territoriales ont décrété officiellement les
illustrés de nombreuses miniatures, qui fut traduit en néerlandais, en
coutumes de leur région. Au surplus, de nombreuses coutumes officielles
polonais, en tchèque, qui fut largement diffusé en Europe orientale,
rédigées aux xv•, XVI• ou XVIIe siècle, sont d'un intérêt capital pour
jusqu'en Russie, comme source du Jus Saxonicum ou Jus Teutmticum.
la connaissance du droit médiéval, ayant été les rédactions les plus
De nombreux autres coutumiers allemands, des XIIIe et XIVe siècles,
anciennes et les plus complètes des coutumes d'une région donnée.
tels le Deutschenspiegel, le Schwàbenspiegel, le Frankenspiegel, furent
Sous réserve de ce que nous avons dit des leges barbarorum, les plus
influencés par le Sachsenspiegel.
anciennes rédactions officielles de coutumes ont eu lieu en Italie et
en Espagne. Malgré l'influence grandissante du droit romain dans ces
4. Recueils officiels de coutumes
régions, certaines coutumes y ont connu une rédaction officielle dès
a. Définition le XII• siècle. A Milan par exemple, les coutumes contenues dans
Les recueils officiels de coutumes sont des textes rédigés à la demande le Liber consuetudinum Mediolani ont été publiées officiellement par
de l'autorité publique, souvent corrigés et amendés et officiellement les autorités de la ville dès 1216 99 . A Naples, la rédaction officielle
décrétés ou promulgués par elle. des coutumes fut l'œuvre conjointe de l'autorité urbaine et du roi: en
Ils diffèrent du type précédent, à savoir des recueils privés, en ce qu'ils 1300, Charles II d'Anjou ordonne la nomination d'une commission de
ont un caractère officiel; ils ont dès lors une force obligatoire. La douze personnes pour composer un recueil des omnes veras antiquas et
coutume officiellement établie ne devait plus être prouvée; il suffisait de approbatas consuetudines universitatis ejusdem. Le texte fut soumis à
produire un extrait de la coutume décrétée. Il était même interdit l'assentiment des bourgeois et ensuite présenté au roi; celui-ci le fit
d'entreprendre de prouver coutume contre le texte authentique. revoir et amplement modifier par son conseilller, le juriste napolitain
La coutume officielle est dite «décrétée» parce que le plus souvent un Bartolomée de Capoue, avant de le promulguer officiellement en 1306
décret ou ordonnance du prince lui conférait son caractère officiel et sous le nom de Consuetudines neapolitanae 100 .
obligatoire. 98
J. VANDERLINDEN, Le concept de code en Europe occidentale du XIII" au XIX' siècle.
On disait souvent que la coutume officielle était «homologuée», Essai de définition. Bruxelles, 1967, p. 29 svv .
99
pacce que le prince (ou l'autorité) ne créait en principe pas de nouveau Edition: BESTA et BARN!. Milan, 1949.
100
R. TRIFONE, JI diritto consuetudinario di Napoli ela sui genesi. Milan, 1910. Pour la
même région, voir aussi E. BESTA, lntorno alla formazione della Consuetudini di Messina,
97
E. CHENON, op. cil., p. 554-557. dans Archivio storico perla Sicilia orientale, V, 1 ( 1908), p. 62-70; reproduit dansE. BESTA,
94 CHAPITRE III RËGLES DE CRITIQUE PROPRES AUX DOCUMENTS COUTUMIERS 95

En Espagne, de nombreuxfueros ou costums furent rédigés aux XII•, territorial ou simplement par l'autorité urbaine investie du droit de
XIII• et XIV• siècles sur ordre du roi ou des autorités locales et légiférer. Les rédactions privées des coutumes de Normandie (Summa de
rendus obligatoires par eux. Ainsi en Aragon, les fueros connus sous le legibus Normaniae) et de Bretagne (Très ancien coutumier de Bretagne)
titre de Codigo de Huesca, rédigés à l'initiative du roi Jacques I, furent se sont vu reconnaître valeur officielle ou quasi officielle. A Bruxelles, le
officiellement promulgués dans une réunion de la curia plena tenue à Statut des partages est une ordonnance faite par les échevins de la ville en
Huesca en 1247 101 . 1355 pour fixer officiellement et définitivement la coutume en matière de
Au Danemark, le Jyske Lov fut promulgué en 1241 par le roi succession 1 0 5 .
Waldemar II 102 . En Suède, le Lands/ag (loi du pays) - en fait En Allemagne, les nombreuses Reformationen de droit urbain (Stadt-
les lois et les coutumes - fut promulgué par le roi Magnus Ericsson rechte) ou de droit du pays (Landrechte), faites aux XV• et XVI• siècles,
vers 1347, après l'union de la Suède et de la Norvège. Un siècle sont également des rédactions officielles des lois et coutumes, ordonnées
plus tard, en 1442, un important Codex Christophorianus du roi par les autorités compétentes de la ville ou du pays. Citons, à titre
Christophe de Bavière, fut rédigé pour satisfaire aux exigences de d'exemple, le Landrechtreformation de Bavière, de 1518, le Württemberger
la grande noblesse. Landrecht de 1555, la Kurkolnische Reformation de 1538, le Ostfriesische
Dans d'autres pays, le mouvement de rédaction officielle des coutumes Landrecht de 1515 et, parmi les rédactions de droit urbain, celles de
ne s'intensifie qu'aux xv• et XVI• siècles. Il en est notamment ainsi en Nuremberg (1479), de Worms (1499), de Francfort (1509) et surtout celle
France et dans les Pays de par-deça, à la suite d'ordonnances de 1454 de Fribourg-en-Brisgau (1520), œuvre du grand juriste Zasius 106 .
et de 1531 104 . Mais ces deux ordonnances ont surtout systématisé En Hongrie, le Tripartitum opus iuris consuetudinarii inclyte Regni
et généralisé une procédure de décrètement qui était déjà appliquée dans Hungariae est rédigé en 1517 par Istvan Werbôczi sur ordre du roi, en
certaines régions. Certaines rédactions de coutumes urbaines, surtout vue d'être homologué; s'il ne l'a pas été, il fut cependant accepté comme
dans le Midi de la France, dans les Pays de par-deça et en Allemagne, autorité par les tribunaux hongrois, maintenant ainsi l'unité du droit
avaient reçu un caractère officiel par leur promulgation par le prince hongrois nonobstant la division du pays en trois parties à la suite de
l'invasion turque 107 .
Scritti di storia giuridica meridionale. Bari, 1962, p. 383-394; L. GENUARDI, La Jorma::ione
En Pologne aussi, on fit au XVI• siècle des efforts pour une ré-
delle Consuetudini di Palermo, dans Archivio storico siciliano, 31 (1906), p . 462-492 ;
R. TRIFONE , Dirillo romano commune e diritto particolari ne/1'/ta/ia meridionale. Milan, formation et une codification de l'ensemble des règles de droit, aussi
1962 (coll. lus Romanum Medii Aevi, V, 2 d). bien les lois que les coutumes. Le projet de 1534 s'appelle d'ailleurs
101
A. GARCIA GALLO, op. cil., p. 264. Décret royal de promulgation dans J. L. LACRUZ
Correctur consuetudinorum regni Poloniae; la Diète refusa toutefois de
BARDEJO, Dos Textos interesantes para la historia de la compilacù)n de Huesca, dans
Anuario de Historia del Derecho espafw/, 18 (1947), p. 531-541. G. MARTINEZ DIEZ, En l'approuver 108 .
torno a los Fueros de Aragon de las Cortes de Huesca de 1247, dans le même Anuario, 50
(1980), p. 69-92. Nombreux autres exemples espagnols dans A. WoLF, Die Gesetzgebung
der entstehenden Territorialstaaten, dans H . COING, Handbuch ... , op. cit., t. 1, p. 666-694.
105
102
K. VON SEE, Das Jütsche Recht . Weimar, 1960; P . SKAUTRUP, Den Jyske Lov, Text E. M. MEIJERS, Het West-Brabantsche Er/recht. Haarlem, 1929, Bijlagen p. 42-43 ;
med Oversaettelse, Aarhus-Copenhague, 1941; P.J. JQlRGENSEN, Dansk Retshistorie, 3' éd. A. DE CUYPER , Coutumes de la ville de Bruxelles. Bruxelles, 1869, p. 296-301.
106
Copenhague, 1965 . F. WIEACKER, Privatrechtsgeschichte der Neuzeit, 2' éd. Gottigen, 1967, p. 101-111;
1 03
Le prologue de ce texte est emprunté en partie au prologue des Décréta/es de W. KUNKEL, Quel/en zur neueren Privatrechtsgeschichte, t. 1, 1: Altere Stadtrechts-
Grégoire IX. Edition: H. COLLIN et C . ScH LYTER, Sveriges ga mla /agar, t. XII, p. 1 et sv v ; reformationen, 1936 ; t. 1, 2 : Landrechte des 16. Jahrhunderts, 1938.
107
G.HAFSTROM, Land och Lag, 4' éd . Stockholm, 1970. Première édition en latin en 1517, en hongrois en 1565, en croate en 1574, en
104
J. P. DAWSON , The Codification of the French Customs, dans Michigan Law Review, allemand en 1599. 1. ZAJTAY, Introduction à l'étude du droit hongrois (la formation
38 (1939), p. 765 svv.; R. FILHOL, La rédaction des coutumes en France aux XV" et historique de droit civil). Paris, 1953; J. ILLÈS, Revezerès a magyar jog torténetebé
XVI' siècles, dans La rédaction des coutumes dans le passé et le présent, publiée sous la (Introduction à l'histoire du droit hongrois), 2' éd. Budapest, 1930 (s'occupe surtout de
direction de J. GILISSEN. Bruxelles, 1962, p . 63-85; J. GILISSEN, La rédaction des coutumes l'œuvre de Werboczi).
108
en Belgique aux XVI' et XVII' siècles, dans ibidem, p . 87-111; le même, Les phases de la K . GRZYBOWSKI , La loi et la coutume en Pologne depuis le X' siècle jusqu'à 1795,
codification et de l'homologation des coutumes dans les XVJI Provinces des Pays-Bas, in dans Rapports polonais présentés au VI' Congrès international de droit comparé. Varsovie
Tijdschrift voor Rechrsgeschiedenis, 18 ( 1950), p. 38-67 et 239-290. 1962, p. 51 (Académie polonaise des Sciences).
96 CHAPITRE Ill RÈGLES DE CRITIQUE PROPRES AUX DOCUMENTS COUTUMIERS 97

c. Modes de rédaction La phase suivante de la procédure consistait dans la demande d 'avis


Le mode de rédaction implique généralement plusieurs phases, depuis de certains légistes. Le plus souvent, le prince soumettait le projet à
le projet initial jusqu'à la promulgation ou l'homologation par l'autorité certains de ses conseillers en leur demandant de veiller à ce que rien
(royale, princière ou locale) . La procédure est souvent décrite dans ne s'y trouve qui puisse diminuer ses droits, sa « hauteur, autorité et
le préambule du texte décrété; elle l'est parfois dans l'ordonnance prééminence». Parfois, surtout aux xv• et XVI• siècle, Je projet était
ordonnant la rédaction (ex.: France 1454, Pays de par-deça 1531, etc.). soumis à des licenciés ou docteurs en droit (romain etjou canonique),
L'initiative était souvent prise par le prince ou par l'autorité locale, en vue d'améliorer la rédaction et surtout d'y introduire des normes du
ordonnant de mettre les coutumes par écrit. Mais il arrivait aussi droit savant tel qu'il était enseigné à l'époque.
que la communauté d 'habitants ou certains d 'entre eux avaient adressé Finalement, le texte était approuvé par le prince, ou par J'autorité
une requête au prince· pour qu'il ordonne la rédaction des coutumes. de la ville, qui, en le promulguant, lui conférait force obligatoire. Cette
Les motifs tant des requêtes que de la décision de l'autorité, étaient promulgation emportait décrètement; elle pouvait être faite dans la
généralement l'insécurité juridique et les difficultés de preuve de la même forme que pour une ordonnance, une loi. Elle pouvait aussi être
coutume, avec comme conséquence la longueur des procès . faite dans une forme plus détaillée, disant par exemple qu'il ne pouvait
La première phase était l'élaboration d' un projet. L'autorité pouvait être allégué de coutumes contraires à celles qui étaient énoncées dans le
confier ce travail soit à un homme qu'il estimait particulièrement texte, qu'il fallait combler les lacunes en recourant soit à telle autre
qualifié, soit à une commission de quelques praticiens, soit à un groupe coutume, soit au «droit commun écrit», c'est-à-dire au droit romain tel
de personnes non spécialisées, mais représentant les différents éléments qu'il était interprété par les légistes à l'époque.
du groupe social intéressé. En Hongrie par exemple, Je roi confie à un Dans certains pays, par exemple en France aux xv•-XVI• siècles, le
seul homme, Istvan Werboczi, le soin de rédiger le projet des coutumes Roi n'intervenait pas . Lorsque,les Etats s'étaient «accordés » sur les
générales du royaume. A Naples, c'est une commission de douze articles, les commissaires du Roi faisaient homologuer ou enregistrer Je
personnes qui reçoit l'ordre du roi Charles II de rédiger le recueil. En texte au Parlement compétent et lui donnaient ainsi force obligatoire ;
France et dans les Pays de par-deça, les ordonnances de 1454 et 1531 les articles «discordés» pouvaient être soumis à ce Parlement qui
confient le travail préparatoire à un ensemble de praticiens: bailli, tranchait 11 0 .
sénéchal, échevins, avocats, hommes de loi, etc. Toute cette procédure de rédaction, de contrôle, d'approbation et de
Le projet était ensuite soumis, dans certains cas, à l'ensemble des promulgation pouvait prendre beaucoup de temps: au moins quelques
habitants concernés ou, le plus souvent, à certains groupes privilégiés années, souvent des décennies. Fréquemment, les obstacles furent à ce
d'entre eux. A Naples, par exemple, c'est- théoriquement -l'ensemble point considérables que le projet fut abandonné à l'une ou l'autre phase,
des bourgeois de la ville dont l'assentiment est demandé. Théoriquement surtout par suite du mécontentement du prince à l'égard de l'une ou
parce qu'on conçoit mal comment en ce début du XIV• siècle l'ensemble l'autre partie du texte.
des bourgeois pouvait exprimer sa volonté librement et en connaissance Nous possédons ainsi, à côté de textes officiellement promulgués, de
de cause. En France, au xv• siècle, ce sont les Etats de bailliage qui sont nombreux projets non entérinés. Pour J'historien, ces projets présentent à
appelés à approuver ou amender le projet: noblesse, clergé, tiers état. On peu près autant, sinon plus, d'intérêt que les textes officiels; ils sont
possède le procès-verbal de certaines de ces réunions 109 , où plusieurs souvent bien plus près de la réalité sociale de la fin du moyen âge que les
dizaines de députés de chaque ordre furent présents. Dans les Pays de textes officiels, dans lesquels les princes ont fait introduire des règles
par-deça, les Etats ne sont généralement pas intervenus. juridiques dans l'intérêt de leur autorité.

109
Publiés notamment dans Ch. A. BoURDOT DE RICHEBO URG , Grand Coutumier de 11 0
R. FILHOL , La rédaction des coutumes en France aux XV" et XVI' siècles, op . cit .,
France, 4 vol. Paris, 1724. p . 72 .
98 CHAPITRE III RÈGLES DE CRITIQUE PROPRES AUX DOCUMENTS COUTUMIERS 99

Si on a conservé un ou plusieurs projets outre le texte officiel, il est concernant le droit privé: famille, régime matrimonial, succession,
d'un grand intérêt de les comparer; les différences révèlent souvent régime des biens, parfois droit des obligations, certains contrats. Parfois
certains aspects de la lutte entre les justiciables et l'autorité. aussi, une troisième partie concerne le fonctionnement des corporations
de métiers dans la ville.
d. Auteurs
Contrairement aux recueils privés de coutumes, la plupart des recueils 5. Styles
officiels sont des œuvres collectives. Rares sont les recueils officiels qui
ont été rédigés par un ou quelques auteurs et qui n'ont guère subi de Le style, qu'on appelle aussi «manière de procéder», est un recueil
modifications durant les différentes phases de leur rédaction. contenant les règles de procédure appliquées par et devant une juridiction
Il est toutefois possible dans certains cas de connaître le nom et les donnée ou par un ensemble de juridictions. Jehan Boutillier le définit,
qualités de certains ou de tous les auteurs d'un projet. Il importe alors dans sa Somme rural ( 1383): «Stille est une chose en Cour tellement
d'essayer d'identifier ces personnages, surtout d'essayer d'établir s'ils reiglée et stillée et de si long temps que nul des fréquentans d'icelle Cour
furent des praticiens ayant une bonne connaissance de la coutume qu'ils ne le rameine en doute» 112 .
mirent par écrit, ou au contraire des légistes, formés dans l'une ou l'autre Le plus souvent, le style est incorporé dans le recueil - officieux
université, et ayant bien souvent interprété la coutume à consigner à ou officiel - de coutumes; il en constitue un chapitre, exposant la
l'aide d'éléments du droit savant. compétence et les règles de procédure propres à la ou aux juridictions du
ressort dont la coutume est rédigée. Mais il arrive aussi, surtout à partir
e. Contenu du xv· siècle, que le style fasse l'objet d'une rédaction propre, distincte
Le contenu des recueils officiels de coutumes varie d'une époque à de celle des coutumes contenant les règles du droit positif. Pour la
l'autre, d'un pays à l'autre. Si l'ordonnance de 1454 en France, et plupart des grandes juridictions, tels les Parlements en France, le Grand
celle de 1531 aux Pays de par-deça ordonnant la rédaction officielle des Conseil de Malines et les Conseils de justice dans les Pays de par-deça, le
coutumes, donnent quelques précisions sur ce que ces textes devaient Reichskammergericht et autres hautes juridictions des pays germaniques,
contenir, il n'y a pas de plan uniforme pour les autres. Une ordonnance leur style a été rédigé aux xv• et XVI• siècles et a été conservé, plus
de Charles-Quint de 1531 uniquement pour la Flandre énumère certaines ou moins modifié, jqsqu'à leur disparition, à la fin du XVIII• ou au
matières: juridiction (c'est-à-dire organisation judiciaire et compétence), début du XIX• siècle. Les styles ont alors été remplacés par des Codes
droit de succession, régime matrimonial, donations, contrats, retrait ou règlements de procédure (civile ou pénale), imposant des règles de
lignager, droit pénal 111 . procédure uniforme dans tout un pays.
Certains recueils tendent à la mise par écrit de l'ensemble du droit, En France, l'ordonnance de Villers-Cotterets, de 1539, met fin à la
tel qu'il existait à l'époque. Mais c'est surtout ce qu'on appelle au- rédaction de styles particuliers. C'est dorénavant par ordonnance royale
jourd'hui droit civil qui fait l'objet des rédactions; ce que nous appelons que la procédure fut réglementée; les grandes ordonnances de Colbert, de
droit public, c'est-à-dire les institutions étatiques ou seigneuriales, leur 1667 et 1670, ont codifié et unifié la procédure civile et la procédure
fonctionnement et surtout les rapports entre le prince et ses sujets, fut pénale.
rarement mis par écrit. Les princes, surtout les rois de France et Quelques styles sont antérieurs au xv• siècle. Ainsi en France, le
d'Espagne, semblent avoir craint toute atteinte à leurs droits. Stylus curiae Parlementi, ou Style du Parlement de Paris, de Guillaume
C'est dans les coutumes urbaines que le contenu est le plus uni- du Breuil, datant d'environ 1330 113 , en Espagne, à Majorque, les Stili
forme: d'une part les règles propres à l'administration de la ville et sive ritus curiarum, de 1444, ou encore les Stilus palatii de la Rota
au fonctionnement des institutions judiciaires, d'autre part les règles

111 112
J. VANDERLINDEN, Essai sur la structure des textes coutumiers en Flandre aux XVI' J. BoUTILLIER, Somme rural, éd. 1623, p. 7.
113
et XVII" siècles, dans Tijdschrift voor Rechtsgeschiedenis, 26 (1958) p. 269-293. Edition critique de F. AUBERT, Paris 1909.
100 CHAPITRE III

romaine, l'un, anonyme, de 1337, l'autre écrit par Thierry de Niem vers
1387 114 .
CHAPITRE lV
6. Commentaires de coutumes
ÉDITIONS ET ÉDITION
Les coutumes, surtout celles qui connurent une rédaction officielle,
ont quelquefois fait l'objet d'analyses et d'études par des juristes,
Beaucoup de textes de coutumes ont été publiés, soit sous l'Ancien
généralement appelés ~ommentateurs de coutumes.
Régime alors que ces textes avaient encore un intérêt pratique, soit
Ce genre se développe surtout à partir du XVIe siècle, mais il y a
depuis le XIXe siècle dans le but de faciliter les recherches historiques. Un
quelques ouvrages datant des XIII", XIVe et xve siècles. A Toulouse,
assez grand nombre de textes coutumiers médiévaux sont encore inédits;
par exemple, la coutume rédigée en 1286, a fait l'objet d'un commentaire
on ne possède même guère d'inventaires des manuscrits disponibles.
dès 1296 115 .
Dans une première partie de ce chapitre, nous examinerons les moyens
Les commentaires de coutumes ne se distinguent pas aisément des
d'accès aux éditions anciennes et modernes. Dans la seconde, nous
rédactions privées de coutumes, des coutumiers, qui sont parfois une
examinerons quelques problèmes propres à l'édition de textes de droit
mise par écrit d'une coutume donnée, assortie de commentaires des
coutumier.
règles coutumières. Beaumanoir, par exemple, décrit les coutumes du
Beauvaisis, et en même temps il analyse certaines institutions et donne
un commentaire de la coutume décrite. A. ÉDITIONS ANCIENNES ET MODERNES
De nombreux commentaires de coutumes ont été publiés dès la fin du
xve ou au XVIe siècle. Citons comme exemple le commentaire de 1. Éditions officielles anciennes
Chasseneuz sur la Coutume de Bourgogne, publié en 1517 116 . Pour les
La plupart des rédactions officielles de coutumes ont été publiées à
coutumes de France, on trouvera la liste de ces commentaires dans
l'époque ou peu après l'époque de leur rédaction, le plus souvent à
1'ouvrage de Gouron et Terrin 11 7 .
l'initiative et sur l'ordre de l'autorité qui avait homologué la coutume.
Certaines coutumes ont même connu de nombreuses éditions, qui
s'échelonnent depuis la fin du xve ou début du XVIe siècle jusqu'à la fin
du xvme siècle.
Étant des éditions officielles de recueils coutumiers officiels, ces textes
sont authentiques. Leur caractère d'authenticité est parfois attesté par
114
G. BARRACLOUGH, Ordo iudiciarus qui in Romana curia consuevit communiter l'autorisation d'imprimer donnée à l'imprimeur par l'autorité centrale ou
observari, in Jus pontificium, 17 (1937), p. 111-130 et 209-217; G . ERLER, Der Liber locale qui a décrété la coutume. Parfois, ces éditions contiennent non
cancellariae apostolicae vom Jahre 1380 und der Stilus palatii abbreviatus Dietrichs von seulement la coutume locale ou régionale, mais un commentaire par un
Nieheim. Leipzig 1888, repr. anast . Aalen, 1971.
115
H. GILLES, Les coutumes de Toulouse ( 1286) et leur premier commentaire ( 1296 ), ou quelques juristes, tantôt très court, article par article, tantôt long et
dans Recueil de l'Académie de Législation, 6' s., t. V, 1969, p. 63-65 . Voir aussi quelques abondant, avec de nombreuses comparaisons avec d'autres coutumes ou
quaestiones relatives à la coutume de Toulouse dans les responsa des professeurs à avec le droit savant de l'époque.
l'Université de cette ville publiées par E. M. MEIJERS, Responsa doc forum Tholosanorum.
Haarlem, 1938 (Institut historique de droit, II, 8). En tant que textes authentiques, on ne doit guère les soumettre à la
116
Commentaria Bartholomei de Chasseneu:::, jurim doc/oris advocati ... , in Consue- critique d'authenticité; ces textes font connaître exactement l'ensemble
tudines ducatus Burgundie principaliter et totius fere Ga/lie consecutive. Lyon, 1517. des règles coutumières que 1'autorité estimait être établies à la date de
Nombreuses éditions au XVI' siècle.
117
A. GoURON et O. TERRIN, Bibliographie des coutumes de France. Editions antérieures leur homologation. Il est vrai que cette date est presque toujours
à la Révolution. Genève, 1975. postérieure au moyen âge, car l'imprimerie ne fut généralisée qu'à la fin
102 CHAPITRE IV ÉDITIONS ET ÉDITION 103

du xv• et au XVI• siècles. Mais, dans la mesure où ces textes officiels Pour la France, A. Gouron et O. Terrin ont relevé systématiquement
font connaître le droit coutumier d'un ou deux siècles antérieurs - et 1'ensemble des éditions de coutumes antérieures à la Révolution 3 . Cette
souvent ils sont la source presque unique de notre connaissance de la excellente bibliographie contient la référence à plus de deux mille éditions
coutume des XIII• et XIV• siècles - il faut exercer une critique très du XV• au XVIII• siècles, les unes officielles, les autres privées, sans ou
attentive pour dégager ce qui est ancien, et probablement coutumier, de avec commentaire.
ce qui constitue des apports de la législation et surtout des emprunts au Quelques coutumes médiévales non homologuées ont fait l'objet d'une
droit romain tel qu'il était enseigné dans les universités à la fin du moyen édition sous l'Ancien Régime. Par exemple, Le Vieux Coustumier de
âge. Poictou, rédigé en 1417, fut édité à quatre reprises de 1486 à 1509, avant
Il est parfois possible de faire cette critique. Pour un assez grand la réformation officielle de cette coutume en 1514 4 . Le Sachsenspiegel
nombre de coutumes de France, on a conservé - et même publié dans et d'autres coutumiers allemands connurent de nombreuses éditions
les éditions successives - le procès-verbal par lequel les trois Ordres ont anciennes.
approuvé la coutume qu'ils ont rapportée 1 . En Belgique, la Commission L'ouvrage monumental de Charles-A . BouRDOT DE RICHEBOURG,
royale des Anciennes Lois et Ordonnances a souvent publié, à la suite Nouveau Coutumier général, ou Corps des Coutumes générales et parti-
de la réédition de la coutume homologuée, les projets antérieurs de culières de France, publié en quatre volumes in-folio en 1724, contient
rédaction de coutumes, avec parfois les observations des autorités locales le texte d'une grande partie des coutumes françaises, surtout de celles
ou celles de l'autorité provinciale ou centrale. du Nord et du Centre, parfois en deux ou trois versions successives; il
Pour l'étude de la coutume médiévale, il faut évidemment se servir de est encore actuellement d'un emploi pratique, s'il n'y a pas d'édition
la plus ancienne rédaction disponible. de ce qu'on appelle généralement scientifique récente disponible. L'auteur dit dans le titre avoir «exacte-
le «cahier primitif» de la coutume, résultant de la première phase de ment vérifiées sur les originaux conservés au greffe du Parlement de Paris
rédaction officielle; même si elle date, elle aussi, du XVI• siècle, elle sera et des autres Cours du Royaume».
en tout cas plus proche de la réalité médiévale que le texte homologué 2 • Il existe des recueils de ce genre pour beaucoup de régions, par exemple
les Anciennes et Nouvelles coutumes locales de Berry par G. THAUMAS DE
2. Éditions privées anciennes LA THAUMASSIÈRE 5 , le VIa ems Recht de Laurent VAN DEN HANE pour
En dehors des éditions officielles, il existe de nombreuses éditions la Flandre 6 , le Brabandts Recht de Jean Baptiste CHRISTYN pour le
Brabant 7 •
privées de coutumes imprimées aux XVI<, XVII• et XVIII• siècles.
Les unes sont faites par un imprimeur, reproduisant plus ou moins
3. Éditions scientifiques des X/Xe et XXe siècles
fidèlement l'édition officielle; d'autres sont faites à l'initiative de l'un
ou l'autre juriste, ajoutant des commentaires sur le texte coutumier; Au cours du XIX• siècle quelques institutions, les unes officielles, les
d'autres encore sont des recueils de l'ensemble des coutumes d'une région autres privées, ont été créées dans le but, principal ou accessoire,
ou d'un pays donné. d'assurer l'édition scientifique des coutumes médiévales.
3
A. GoURON et O. TERRIN, Bibliographie des coutumes de France. Editions an!érieures à
la Révolu/ion. Genève, 1975.
1
De nombreux procès-verbaux de ce genre ont été publiés dans l'ouvrage de 4
R. FILHOL, Le Vieux Cous lumier de Poictou. Bourges, 1956 ; A . GoURON et 0. TERRIN ,
Ch. BOURDOT DE RICHEBOURG, Nouveau Coutumier général .. . de France, 4 vol. Paris, op cit., p. 219-220.
1724. Le procès-verbal très détaillé de l'homologation des coutumes de Saint-Omer et Nize 5
Première édition: Bourges, 1679.
en 1743 a été publiée dans l'édition princeps de 1744, imprimée par P. G. Simon. 6
L. VAN DEN HAN E, Vlaems rechl, dat is cos/umen ende wetten ghedecreteerl by de
2
E. 1. Meijers a publié les parties relatives aux successions et aux régimes matrimoniaux Gravefz ende Gravinnen van Vlaenderen. Gand, 1664 ; cinq éditions; éditions par coutume,
de nombreuses rédactions de coutumes antérieures aux coutumes homologuées de Flandre, 1665, 1782; traduction française, Cambrai, 1719.
d'Artois, de Brabant et de Suisse dans les Bijlagen de ses ouvrages sur Le droit ligurien de 7
J . B. CHRISTYN, Brabants recht , dat is de generale costumen van de Landen en
succession (cf. supra, p. 27, n. 41 ). Hertoghdommen van Brabandt, 2 vol. Anvers et Bruxelles, 1692.
104 CHAPITRE IV ÉDITIONS ET ÉDITION 105

En Belgique, la Commission royale des Anciennes Lois et Ordon- En Suisse, la collection «Les Sources du droit suisse - Sammlung
nances est une institution officielle créée par arrêté royal du 18 avril Schweizerischer Rechtsque/len» est publiée au nom de la Société suisse
1846 au sein du Ministère de la Justice pour publier «un recueil des des Juristes par sa Commission des sources du droit. La plupart des
dispositions qui ont régi les divers territoires dont se compose la Belgique 54 volumes de cette collection contiennent des documents de toutes
actuelle». Composée de douze membres, cette commission a publié espèces concernant le droit (surtout médiéval) d'une ville ou d'une
depuis lors une centaine de volumes, dont un grand nombre dans la série région; les textes coutumiers y sont mêlés à de nombreux textes législatifs
in-quarto réservée aux coutumes, homologuées et non-homologuées. Ce (Statutarrecht) et judiciaires 13 .
travail est presque terminé; il ne reste plus que quelques coutumes locales En France, il n'y a guère de grandes collections modernes de publi-
à publier (Renaix, Pays de Waes, etc.). Mais il reste encore beaucoup à cations de coutumes . Ce sont les sociétés savantes régionales qui ont, à
faire pour achever la publication des documents médiévaux dans le cadre l'occasion, publié l'un ou l'autre groupe de coutumes; par exemple la
de ce qu'on a appelé les «sources et développements» de la coutume «Société d'histoire du droit et des institutions des anciens Pays du droit
homologuée. Si pour la Flandre ce travail a été réalisé en grande partie, écrit» a accueilli dans ses «Publications» les coutumes de l'Agenais
il n'y a à peu près rien de fait pour les autres régions 8 . publiées par P. Ourliac et M. Gilles 1 \ le «Centre lorrain d'histoire du
Aux Pays-Bas, la Vereniging (maintenant Stichting) tot uitgaaf der droit» a publié le texte de la coutume et du style du comté de Vaudémont
bronnen van het Oud- Vaderlandse recht (Association - actuellement dont l'édition a été préparée par J. Coudert 15 .
Fondation - pour l'édition des sources de l'ancien droit national) est En Allemagne, on s'est surtout intéressé aux Weistümer. Jacob Grimm
une société savante, fondée en 1879, groupant un grand nombre de a, avec ses collaborateurs, rassemblé et publié en six volumes, de
personnes s'intéressant à l'ancien droit néerlandais et à la publication 1840 à 1869, un grand recueil de Weistümer allemands, les uns d'après
de ses sources. Avant 1940, elle se consacra surtout aux sources du d'anciennes éditions, d'autres copiés sur des manuscrits; quoiqu'encore
moyen âge et du xvi· siècle; depuis lors, elle publie aussi des documents irremplaçables, l'édition des rextes ne répond plus aux exigences de la
d'une époque plus récente et des réimpressions d'éditions anciennes 9 . A critique actuelle 16 . On trouvera la liste des principales éditions de
l'occasion de son centenaire, elle a organisé un congrès consacré aux Weistümer dans D . Werkmüller 17 ; la liste de celui-ci souffre cependant
problèmes de la publication des sources historiques du droit 10 . de lacunes pour les pays étrangers à l'Allemagne actuelle ou l'Autriche,
Il existe aussi, aux Pays-Bas, des groupements locaux qui publient comme la Belgique.
des documents médiévaux coutumiers, tels les Oudfriesche taal- en On pourrait continuer l'énumération des institutions qui se sont
rechtsbronnen 11 et les Overijsselsche stad-, dijk- en markeregten 12 . intéressées à la publication de sources coutumières médiévales, encore

aussi la série Altfriesische Rechtsque//en, Texte und Überset::ungen, 6 vol. 1963-1977, in


8 Liste des publications notamment dans R. FEENSTRA, Repertorium bibliographicum R. FEENSTRA, op. cit., p. 81.
12
institutorum et sodalitatum iuris historiae, 2• éd. Leyde, 1980, p . 96-100. Liste des coutumes Publié par la Vereeniging tot beoefening van Overijsse/sche Regt en Geschiedenis
publiées dans J. GILISSEN, introduction historique au droit. Bruxelles, 1979, p . 272-276, ou (fondée en 1858) ; trois séries: Stadregten (Droits urbains), 16 vol., Dijkregren (Droits des
Historische Jn/eiding tot het Recht . Anvers, 1981 , p. 290-294. Sur l'état des travaux de digues), 8 vol., Markeregten (Droits des communautés rurales) , 25 vol. (cf. R. FEENSTRA,
la Commission, voir le dernier Rapport au Ministère de la Justice ... par le secrétaire op. cit., p. 196-198).
13
Ph. GoDDING dans Je Bulletin de la Commission royale des Anciennes Lois et Ordonnances, Liste dans R. FEENSTRA , op. cil., p. 167.
14
xxv (1971-1972), p. 54-72. P. ÜURLIAC et M . GILLES, Les coutumes de l'Agenais, 1: Les coutumes du groupe de
9 Liste des 72 publications dans R. FEENSTRA, Reperrorium , p. 199-201; voir aussi Marmande. Montpellier, 1976.
15
p. Ill: Fontes iuris Batavi rariores (depuis 1967). L'Académie néerlandaise des sciences a Centre lorrain d'histoire du droit, La coutume de Vaudémont, Nancy, 1970 (Publica-
créé une Commissie voor Rechtsgewoonten (Commission des coutumes) qui publie des tions du Centre lorrain) (éditée par A. MESSNER, J.P. KREMER et]. COUDERT; le même
Bijdragen en medede/ingen; mais celles-ci ne concernent pas Je moyen âge. Centre, Le style de Vaudémont, Nancy, 1972 (édité par J. COUDERT).
16
10 Eeuwfeestcongres . « Pub/iceren en profiteren van rechtsbronnen», dans Vers/agen en J. GRIMM (ed.), Weistümer, 6 vol., 1840-1869; plus un volume de registres par R.
Medede/ingen van de Stichting tot Uitgaaf der bronnen van hel oud-vader/andse recht, nieuwe ScHROEDER, 1878; reproduction anastatique de la 1• édition. Darmstadt, 1957.
17
reeks, t. 2, 1980. D. WERKMÜLLER, Über Aujkommen und Verbreitung der Weisrümer nach der
11 Quatorze volumes publiés de 1927 à 1977 (R. FEENSTRA, Repertorium, p . 147). Voir Samm/ung von Jakob Grimm. Berlin, 1972.
106 CHAPITRE IV ÉDITIONS ET ÉDITION 107

que, en dehors des pays cités, on ne trouve guère d'institutions ou de seule édition ancienne, sans en avoir recherché d'autres, et sans les avoir
séries de publications exclusivement réservées à l'édition des coutumes. confrontés pour établir le texte exact. Les éditions du xxe siècle sont
On trouvera une abondante bibliographie concernant les coutumes généralement meilleures, étant établies selon les règles modernes de
dans l'Introduction bibliographique à l'histoire du droit que nous publions critique des textes médiévaux.
depuis une vingtaine d'années; en ses huit volumes sont réunies près Les règles pour l'édition de textes coutumiers médiévaux sont avant
d'une centaine de notices bibliographiques concernant tous les pays tout les règles générales de toute l'édition de documents du moyen âge.
d'Europe au moyen âge et aux époques moderne et contemporaine, mais Tout d'abord, l'édition doit être complète. On ne peut omettre aucune
aussi concernant l'antiquité, l'ethnologie juridique et les pays des autres partie, car le document n'intéresse pas uniquement les spécialistes qui
continents 1 8 . ont préconisé ou réalisé l'édition. L'édition d'une partie du texte, par
exemple uniquement la partie concernant le droit de succession, ou
celle relative au régime matrimonial, peut être utile pour l'étude de
B. MODES D'ÉDITION DE TEXTES COUTUMIERS MÉDIÉVAUX
ces matières 19 , mais elle n'est pas défendable sur le plan scientifique.
La publication de l'introduction, du protocole et des parties finales
Il reste encore des sources de droit coutumier médiéval à publier; il
est essentielle pour la critique du document, pour l'analyse de son
reste aussi de nombreux textes à rééditer d'une manière scientifiquement
authenticité, pour sa datation, de même que pour déterminer la localité
valable.
ou la région où la coutume était appliquée.
Les éditions anciennes doivent être soumises à une critique sévère.
Cette remarque vaut autant pour l'édition de coutumiers et de
Souvent elles reproduisent une version correspondant à l'état du droit à
commentaires de coutumes que pour l'édition de records, d'enquêtes par
l'époque de l'édition, et non à l'époque de la rédaction initiale; car il
turbe, de recours à chef de sens. Omettre par exemple la liste des échevins
arrivait souvent que le texte original ait été complété ou modifié au cours
ou des turbiers est une regrettable lacune; tout au plus serait-ce
des siècles sans que nous le sachions, et que l'éditeur du texte se soit
admissible dans le cas où la liste est exactement la même dans plusieurs
servi d'un manuscrit dans lequel ces ajouts et modifications avaient été
actes consécutifs; il suffirait dans ce cas d'indiquer dans une note la
incorporés. Même s'il existe une édition ancienne du texte, il est toujours
raison de l'omission et le renvoi adéquat à la liste publiée complètement.
prudent de consulter les manuscrits les plus anciens et, si possible,
L'édition doit mentionner autant que possible toutes les copies
l'original. Il est de même très utile de publier une édition moderne, établie
disponibles. Pour les textes coutumiers qui sont restés en vigueur à
d'une manière critique à l'aide de tous les manuscrits disponibles, et
l'époque où l'imprimerie était connue, il peut être utile de rechercher les
indiquant quelles parties sont ou paraissent appartenir au texte original,
éditions successives. Ainsi, pour l'édition de «Vieux Coustutzier de
et quelles parties furent ajoutées postérieurement, et quand elles furent
Poictou», son éditeur René Filhol s'est servi non seulement des huit
ajoutées.
manuscrits du xve siècle, mais aussi des quatre éditions qui se sont
Si, dans de nombreux cas, les coutumes officielles ont été publiées ou
échelonnées de 1486 à 1508 20 .
republiées aux XIXe ou xxe siècles en vue de faciliter les recherches
Il est aussi très utile d'indiquer dans quelles circonstances les différen-
historiques, elles figurent souvent parmi les documents le plus an-
tes copies ont été dressées. Non seulement l'éditeur pourra y puiser des
ciennement publiés au XIXe siècle, .parce qu'elles font connaître l'état
éléments pour établir les rapports entre les copies, mais l'historien peut y
du droit et des institutions d'un pays ou d'une ville à la fin de l'ancien
trouver des données utiles pour apprécier la diffusion géographique des
régime. Ces éditions ont rarement été faites avec un soin suffisant; on
règles coutumières. Par exemple, l'analyse détaillée des manuscrits, des
s'est souvent contenté de publier le texte d'un seul manuscrit ou d'une
19
Par exemple, les coutumiers flamands, artésiens, brabançons et suisses publiés par
18
J. GILISSEN (sous la direction de), Introduction bibliographique à /"histoire du droit et à E. M. Meijers dans ses quatre volumes sur Le droit ligurien des successions, supra, p. 27,
l'ethnologie juridiques, 8 vol. parus, Bruxelles 1963-1982 (Centre d'histoire et d'ethnologie n. 41.
20
juridiques). Un 9e et dernier volume paraîtra probablement en 1983. R. FILHOL, Le Vieux Coustumier de Poictou. Bourges, 1956.
108 CHAPITRE IV

éditions et des traductions de la Somme rural de Jehan Boutillier a permis


à Guido Van Dievoet de déterminer la diffusion de ce texte coutumier
dans l'espace et dans le temps 21 .
CHAPITRE V
Lorsque les copies s'échelonnent dans le temps, il peut être utile de
reproduire les variantes de fond dans J'édition. Ces variantes peuvent
DOMAINES DE L'HISTOIRE
témoigner de J'évolution de la coutume, ou de sa variation selon les
QUE L'ÉTUDE DE LA COUTUME
régions.
PEUT AIDER A COMPRENDRE
Le mode de conservation des copies doit être signalé. Il peut être
significatif des origines des documents, par exemple d'un record ou
Nous avons déjà écrit à plusieurs reprises que la coutume est la
Weistum, si celui-ci est gardé par Je seigneur ou par la communauté.
principale source du droit durant tout le moyen âge. Même si durant les
derniers siècles la législation commence à jouer un certain rôle, même si à
la même époque 1'enseignement du droit dans les universités assure Je
développement d'un droit savant basé dans une large mesure sur le droit
romain, la coutume reste jusqu'au xv· siècle dans la pratique- c'est-à-
dire dans la réalité sociale- la source presque unique du droit.
Il est dès lors évident que toute étude d'histoire du droit du moyen âge
doit utiliser en ordre principal des textes de droit coutumier pour essayer
de reconstituer telle ou telle branche du droit à telle époque, à tel endroit.
Il existe de nombreuses études dans ce sens; mais il y a beaucoup d'autres
études d'histoire du droit médiéval qui négligent, voire ignorent presque
entièrement les textes coutumiers .
L'exemple le plus typique est le remarquable Handbuch der Quel/en und
Literatur der neueren europiiischen Privatrechtsgeschichte, publié en 1973
sous la direction de H. Coing, et dont le tome I (de plus de 900 pages) est
entièrement consacré au moyen âge, de 1100 à 1500. La coutume n'y est
pas étudiée! Il est vrai que le livre porte un sous-titre: Die gelehrten
Rechte und die Gesetzgebung excluant donc la coutume; et il est vrai que
dans le très long et excellent chapitre consacré à la législation (écrit par
Armin Wolf), il est quelques fois question de la coutume, surtout des
coutumiers et des recueils de droit qui contiennent souvent autant de lé-
gislation et de droit savant que de coutume (supra, p. 81 ). Il n'empêche que
cet excellent exposé présente une image fausse de la réalité, en omettant
d'étudier ce qui était la source essentielle du droit médiéval, tout en
examinant en détail la formation de ce droit savant dont l'influence ne
deviendra réelle qu'à la fin du moyen âge, voire aux temps modernes.
Le droit pénètre dans tous les domaines de la vie sociale; ce sont donc
tous les domaines de l'histoire médiévale que l'étude de la coutume
21
G. VAN DIEVOET , Jehan Boutillier en de Somme rural. Louvain, 1951 , p. 71-124. permet d'explorer et de comprendre.
110 CHAPITRE V DOMAINES DE L'HISTOIRE CONCERNÉS 111

L'histoire sociale avant tout: l'étude des classes sociales n'est pas successions, régimes matrimoniaux, douaires, donations, retraits lignagers et les
indépendante de l'étude des statuts juridiques des individus, statuts matières criminelles ; de nombreuses rédactions de coutumes flamandes suivirent
fidèlement ces instructions, allant jusqu'à adopter J'énumération précitée comme
essentiellement coutumiers. L'histoire économique ne se conçoit pas sans
plan de leur exposé du droit coutumier 1 .
l'étude des institutions économiques; tant dans le cadre de l'économie
fermée que dans celui de l'économie d'échange naissante, la coutume La situation concrétisée par ces instructions· du XVI• siècle, reflète
est partout présente. L'histoire politique- pour autant qu'on n'en fasse un état de fait antérieur, donc médiéval; ce sont les matières énumérées
pas une histoire uniquement événementielle - se situe dans des cadres dans l'instruction de 1546 qui étaient régies quasi exclusivement par la
plus ou moins généraux et permanents de rapports de gouvernés et coutume.
gouvernants; pour autant qu'on soit sorti de l'anarchie, de l'arbitraire D'autre part la coutume est généralement du droit non écrit, c'est-à-
et de la violence, les rapports politiques sont régis par des règles de dire du droit qui ne laisse guère de traces; et pourtant il a existé! Il en est
droit qui sont presque toutes coutumières au moyen âge. L'histoire des ainsi pour toute la période antérieure au milieu du XIII• siècle; on n'a
relations internationales est aussi dominée par la coutume internationale conservé que de rares rédactions de coutumes de cette période; on
ou interrégionale; il en est même encore ainsi au 20• siècle, sous réserve dispose parfois, pour certaines régions à certaines époques, de sources
de l'importance grandissante des traités. Droit de la paix et droit de la plus abondantes dans le domaine législatif, p. ex. les capitulaires aux
guerre sont encore embryonnaires; mais l'importance des paix, imposées VIII• et IX• siècles; il n'empêche que la plupart des domaines du droit
par l'autorité ou convenues entre certains chefs religieux ou laïques, est étaient régis par la coutume, mais que, à défaut de sources historiques,
allée grandissante; les règles du droit de la paix se sont presque toutes on ne peut pas la connaître.
développées coutumièrement.
Au contraire, l'historien de l'histoire culturelle, de l'histoire des lettres Nous faisons part ci-après de quelques réflexions sur différents
et des arts, de l'histoire des sciences, trouvera peu dans les coutumes domaines de l'histoire pour souligner d'une part dans quelle mesure dans
médiévales. Il en est de même de l'historien de l'histoire événementielle, chacun de ces domaines le droit médiéval a été soit plus, soit moins
de l'histoire ponctuelle, encore qu'il importe bien souvent de situer un coutumier, et d'autre part quels aspects non strictement juridiques
fait dans le cadre juridique propre au lieu et à l'époque. peuvent être intéressés par les sources coutumières.
Il va de soi que toute question d'histoire du droit ou des institutions au
moyen âge doit être étudiée à l'aide des documents qui permettent de 1. La famille
connaître la coutume de cette époque. Mais, nous l'avons dit à plusieurs
La famille médiévale est, en Europe occidentale, une famille patri-
reprises, l'importance quantitative de ces sources historiques varie d'une
linéaire, virilocale, monogamique. Le mariage en constitue l'institution
époque à l'autre, d'une région à l'autre. Le rôle de la coutume comme
de base. Or, depuis le bas moyen âge au moins, cette institution est régie
source du droit varie aussi selon les matières; ainsi, la coutume joue un
par le droit canonique, plus spécialement par un ensemble de décrets et
rôle plus considérable dans ce que nous appelons actuellement droit privé
de décrétai es ainsi que de règles tirées du ius divinum par les canonistes 2 •
que dans le domaine du droit public; et dans le droit médiéval, certains
Si donc durant les derniers siècles du moyen âge, le mariage échappe au
domaines sont plus spécialement coutumiers, tels les successions, les
droit coutumier, il n'en est pas de même durant le haut moyen âge; la
régimes matrimoniaux, les modes de détention des biens mobiliers et
matière y reste quasi exclusivement coutumière.
immobiliers, tandis que d'autres sont, au moins au bas moyen âge, plus
specialement régis par le droit canonique, - telle mariage -, ou par le 1
J. VANDERLINDEN, Essai sur la structure des textes coutumiers en Flandre aux XVI' et
droit savant, - telles les obligations. XVII' siècles, dans Tijdschrift voor Rechtsgeschiedenis, 26 ( 1958), p. 270.
2
1. GAUD EMET, Sociétés et Mariage. Strasbourg, 1979; P. DAUDET, Etude sur l'histoire
Dans la lettre de Charles Quint au Conseil de Flandre du 30 janvier 1546, de la juridiction matrimoniale. Les origines carolingiennes de la compétence exclusive de
rappelant des ordonnances antérieures sur la rédaction officielle des coutumes, il l'Eglise, thèse Paris, 1933; le même, L'établissement de la compétence de l'Eglise en matière
est précisé que cette rédaction concerne surtout les matières de juridiction, de divorce et de consanguinité. Paris, 1941.
112 CHAPITRE V DOMAINES DE L'HISTOIRE CONCERNËS 113

En outre, toutes les autres matières du droit familial sont régies par la coutumes féodales variaient dans le temps et surtout dans l'espace, d'une
coutume, qu'il s'agisse de l'étendue du groupe de famille, p. ex. en région à l'autre; mais le droit féodal était forcément coutumier, à une
matière defaida ou vengeance privée, de communauté de biens, de retrait époque où d'ailleurs l'autonomie de la volonté individuelle était loin
lignager, ou qu'il s'agisse de l'autorité au sein de ce groupe, p. ex. la d'être reconnue.
puissance du père ou de père et mère, le statut juridique de la femme et Ces coutumes n'ont généralement été consignées par écrit qu'au xn• et
des enfants, la tutelle et tant d'autres. Et même en matière de formation surtout au XIII• siècle: Consuetudines feudorum en Italie 5 , le Lehnrecht
de lien matrimonial, il y eut - et il subsiste même de nos jours - de du Sachsenspiegel en Allemagne, les Leenrechten van Vlaanderen, etc.
nombreuses règles coutumières complémentaires aux normes du droit Elles ne reflètent que très imparfaitement le fonctionnement du système
canonique: cérémonies nuptiales, cortèges, rites, etc.; elles survivent féodo-vassalique à l'époque classique cx·-xn· siècle) mais permettent
souvent dans le folklore moderne 3 . d'en suivre l'évolution et la décadence durant les derniers siècles du
D'autre part, toute la matière des régimes matrimoniaux, c'est-à-dire moyen âge.
du régime des biens entre époux durant le mariage et lors de sa
dissolution, est régie par la coutume. Il en est ainsi dans le nord de 3. Les structures politiques
l'Europe occidentale où apparaissent au moyen âge des régimes très
L'étude des structures politiques au moyen âge tend à chercher les
variés des communautés de biens entre époux; il en est aussi ainsi dans
règles qui ont régi les rapports entre gouvernés et gouvernants. Si le
la partie méridionale, où dominent des systèmes influencés par le
terme «État» dans son acception actuelle n'apparaît qu'à la fin du
régime dotal romain, mais où les variantes locales sont essentiellement
moyen âge, la notion existe déjà beaucoup plus tôt 6 .
coutumières.
Dans la mesure où l'historien cherche à établir des règles relativement
générales du comportement des gotlvernants et de leurs rapports avec les
2. Les institutions féodo-vassaliques
gouvernés, il doit nécessairement trouver des coutumes; car il n'y avait
Les institutions féodo-vassaliques sont régies par la coutume, car à pas d'autres sources juridiques dans ce domaine à cette époque. Il n'y
l'époque de leur apparition et de leur développement, il n'y eut guère avait pas de constitutions, dans le sens actuel de ce terme, établissant les
d'actes législatifs, à part quelques capitulaires. Les liens de dépendance principales règles juridiques concernant les institutions de l'État; il y a
d'homme à homme qui, en même temps qu'un morcellement extrême du tout au plus quelques «chartes de libertés» fixant certains rapports entre
droit de propriété, caractérisent la féodalité médiévale, naissent d'actes gouvernants et gouvernés, telles la Magna Charta anglaise, de 1215, la
juridiques généralement oraux; l'acte de foi et d'hommage, précisant les Bulle d'or du roi André en Hongrie, de 1222, la Paix de Fexhe dans la
obligations des deux parties, était très rarement mis par écrit 4 . Si le principauté de Liège, de 1316.
recours à l'écrit était plus fréquent dans le Midi que dans le Nord, il Dans la mesure où l'historien cherche à décrire le rôle de tel person-
n'empêchait pas la formation et le développement de coutumes féodales. nage- empereur, pape, roi, seigneur, évêque, etc.- il peut se contenter
Il est vrai que le droit féodal donne l'impression d'être surtout de décrire des faits ponctuels, révélant l'attitude individuelle de son
contractuel : il repose sur le contrat féodo-vassalique, impliquant un personnage; mais s'il veut généraliser, décrire p. ex. les sources du
accord de volonté entre le seigneur et le vassal. Mais ces innombrables pouvoir - par le sang, par l'élection, par la conquête - , il doit
contrats, le plus souvent oraux, s'ils pouvaient varier dans le détail des forcément chercher quelle était la coutume appliquée. Dans ce domaine;
modalités, étaient inévitablement coulés dans un même moule. Les le droit coutumier remplace progressivement l'arbitraire, la violence.
5 Consuetudines feudorum, ed. K. LEHMANN; editio altera cur. K. A. ECKHARDT. Aalen,
3
L. VINCENT DoUCET-BON, Le mariage dans les civilisations anciennes. Paris, 1975; 1971 (réédition corrigée des éditions de 1892 et 1896).
Amour et mariage en Europe, Actes du colloque international. Musée de la Vie Wallonne, 6, R. FEDOU, L'Etat au moyen âge. Paris, 1971, p. 6; B. GuE NÉE, L'Occident aux XIV' et

Liège, 1978 (introduction par J. Gilissen). XV' siècles, Les Etats. Paris, 1971 (Nouvelle Clio, 22); Gouvernés et Gouvernants, dans
4
F. L. GANSHOF, Qu'est-ce que la féodalité, 4e éd. Bruxelles, 1968, p. 76. Recueils de la Société Jean Bodin, t. 23-25. Bruxelles, 1965-68.
114 CHAPITRE V DOMAINES DE L"HISTOIRE CON CERNÊS 115

Ainsi, comme l'écrit R. C. Van Caenegem, «le roi Henri II (d'Angleterre) II importe de distinguer statuts juridiques et classes sociales ; si au
qui se rendait compte que pendant ]'«anarchie» du roi Etienne de xx· siècle, il n'y a plus guère d'inégalités juridiques entre les citoyens
nombreux droits régaliens s'étaient perdus, entreprit-il d'arrêter et même d'un même Etat, il subsiste encore de nombreuses inégalités sociales et
de renverser cette tendance, d'où son ardent désir de voir consigner les économiques, et par conséquent de classes sociales plus ou moins
«coutumes» du temps d'Henri 1» 7 . désavantagées. A fortiori au moyen âge. Classes sociales et statuts
Il est vrai que les sources écrites des coutumes de ce que les juristes juridiques des personnes ne se superposent pas nécessairement; une des
modernes appellent le droit public, font généralement défaut. Ce n'est difficultés des études d'histoire sociale médiévale consiste précisément à
qu'aux XIV• et xv• siècles que des ouvrages y sont consacrés, p. ex,. Je distinguer les deux notions, l'une de fait, l'autre de droit.
De cura rei publicae et sorte principantis de Philippe de Leyde 8 , ou Je
Il Principe de Machiavel; mais dans ces ouvrages, l'influence des 5. Les modes de détention des biens
concepts romains rend difficile la recherche de la coutume médiévale.
Les rapports entre les hommes et les biens, notamment les modes de
Celle-ci, le plus souvent, doit être reconstituée à l'aide des cas d'espèce
détention, de possession et de propriété des biens, ont été régis au moyen
parmi lesquels l'historien doit savoir distinguer les cas conformes à la
âge en majeure partie par la coutume. Ce n'est qu'au bas moyen âge,
règle générale, c'est-à-dire à la coutum~, et les cas particuliers qui
dans les coutumiers des XIII• et XIV• siècles, qu'une certaine systémati-
constituent des exceptions.
sation est introduite dans ces matières: distinction des biens féodaux et
non féodaux, alleux, distinction entre les notions de détention, de
4. Les classes sociales et les statuts juridiques des personnes
possession, de propriété, etc.; et dans cette systématisation certains
L'inégalité prédomine dans la société médiévale. Chaque individu concepts sont empruntés - parfois mal à propos - au droit romain.
appartient, consciemment ou inconsciemment, réglementairement ou Mais, dans l'ensemble, les structures du régime des biens sont purement
coutumièremen t, à une classe sociale qui est avantagée ou désavantagée coutumières.
vis-à-vis et par rapport à d'autres classes sociales. Certaines classes Les modes de détention des biens - mobiliers et surtout immobiliers
jouissent de privilèges, d'autres sont soumises à des exactions; les plus - expliquent, dans une large mesure, la plupart des problèmes éco-
désavantagées subissent un régime arbitraire, dépendant entièrement de nomiques et sociaux. Beaucoup de travaux historiques dans ce domaine
la volonté de leurs maîtres. ont insuffisamment exploité les sources juridiques, surtout les sources
Il est évident que tous ces rapports sont régis presqu'exclusivement coutumières; d'aucuns généralisent une situation ou une règle sur base
par la coutume, très rarement par la loi ou par des contrats. Durant de quelques textes concernant des cas particuliers, alors que l'étude du
les derniers siècles du moyen âge, les coutumes de certaines classes droit coutumier en vigueur à l'époque et dans la région envisagée aurait
sociales ont été par-ci par-là, mises par écrits: coutumes des nobles permis de présenter une image plus réelle des modes de possession de la
(ex. Luxembourg), coutumes des bourgeois (c'est-à-dire des habitants terre et des biens mobiliers .
privilégiés des franchises), coutumes des paysans (surtout dans les
records ou Weistümer), etc. Seuls les privilèges du clergé ont partielle- 6. Les successions
ment été fixés par des textes législatifs ou doctrinaux de droit canonique:
Tout le domaine des successions est presque exclusivement coutumier
décrets et décrétales, écrits des canonistes, concernant le privilège de
au moyen âge. La plupart des rédactions - privées ou officielles - de
juridiction (privilegium fori), 1'exemption de l'impôt, les bénéfices, etc.
coutumes consacrent une importante partie au droit de succession. Ce
droit est d'ailleurs relativement plus complexe au moyen âge que de nos
7
R . C. VAN CAEN EGEM, Le problème des chartes de liber lés, dans Album E . Malyusz,
1976, p. 7 (du tiré à part).
8 jours: il se caractérise notamment par l'inégalité entre les hommes et les
R . FEENSTRA, Philip of Leyden and his /realise De cura rei publicae el sor le principanlis.
Glasgow, 1970 (The David Murray Lectures, 29); texte de l'édition de 1516 reprint en 1971, femmes, entre l'aîné ou le puîné et les autres enfants, entre enfants de
Fontes iuris balavi rariores, n° 4, Amsterdam. différents mariages, entre enfants légitimes et naturels, etc. ; de même, les
116 CHAPITRE V DOMAINES DE L' HISTOIRE CONCERNËS 117

différents types de biens, tels alleux, fiefs, censives, furent souvent soumis le droit des obligations prend rapidement un grand essor; de nouveaux
à des règles différentes de dévolution. types de contrat apparaissent et se développent, tels les louages de service
II a existé au moyen âge un très grand nombre de systèmes coutumiers et de choses, les dépôts, la société commerciale, les sûretés personnelles et
de dévolution successorale. Presque chaque coutume territoriale avait un réelles, etc.
régime successoral propre. On a essayé de les grouper en systèmes: Si la plupart de ces contrats ont, dans un~ certaine mesure, existé à
système graduel, plus ou moins d'origine romaine, système parentélaire, l'époque romaine et s'ils ont aux XIII•, XIV• et xv• siècles emprunté une
d'origine germanique, système dit «ligurien» de succession proposé par partie de leurs règles de fonctionnement au droit romain renaissant,
Meyers pour regrouper le système de la Flandre et d'une partie du d'autres sont d'origine coutumière médiévale, par exemple le billet à
Brabant et de Hollande avec ceux de certaines régions des Alpes et des ordre, la lettre de change, les divers types de sociétés commerciales:
Pyrénées. sociétés en commandite, sociétés anonymes, etc.
Le droit de succession est d'un grand intérêt pour l'étude de l'histoire
sociale. Certes il n'apporte guère de renseignements sur l'histoire des 8. Le droit maritime
plus pauvres, de ceux qui ne possédaient pas de biens; mais pour les
L'histoire maritime, plus spécialement l'histoire de la navigation, ne
autres catégories sociales, il permet de comprendre la formation ou la
peut être écrite sans se servir de coutumiers relatifs à la matière:
disparition des fortunes, les rapports entre les différents membres d'une
Consulats de la mer (Barcelone), Rôles d'Oléron, coutumes de Damme
même famille, souvent dictés par l'espoir de succéder, les conflits entre
et de Wisby, autant de recueils des xn•-Xvi• siècles, publiés naguère
eux, etc.
par Pardessus 9 ; ils concernent tant les règles internationales de la
Les règles successorales n'intéressent pas seulement la succession aux
navigation que celles du commerce maritime. Ces domaines sont forcé-
biens, mais aussi la succession aux fonctions. Par exemple, qui succède à
ment coutumiers, parce qu'il n'y a pas de législateur universel et que
la fonction du chef de famille à la mort du paterfamilias romain, du
les traités internationaux qui réglementent actuellement ces matières,
mundoaldus germanique? Qui succède à la fonction de roi, de prince, de
n'apparaissent qu'aux temps modernes et surtout durant la période
seigneur?
contemporaine.
C'est aussi de manière coutumière que naît le testament au XII• siècle.
Dans le Midi de l'Europe, l'institution romaine réapparaît à cette
9. Le droit rural
époque; si les règles de droit romain, plus ou moins modifiées par le droit
canonique, y sont applicables, il n'en est pas de même dans les régions La vie rurale est dominée par les traditions, par les coutumes. Dans
septentrionales qui ont vu naître un droit de succession testamentaire les communautés comme dans les domaines ruraux les rapports entre les
différent de celui du droit romain; il suffit de rappeler que l'institution hommes sont régis bien plus par des coutumes que par des contrats
d'héritier, obligatoire en droit romain, ne l'était nullement dans les librement consentis par les parties. Les règles propres à l'exploitation
coutumes du Nord, car, contrairement au droit romain, on pouvait y agricole et forestière sont coutumières, du moins dans la mesure où elles
mourir en partie testat, en partie intestat. sont contraignantes.
Les communautés rurales ont conservé durant tout le moyen âge, -et
7. Les obligations; histoire du commerce et de l'industrie parfois jusqu'à nos jours-, des droits d'usage, tels que droit de vaine
pâture, droit de parcours, droit de glanage, de ratelage, de passage, etc.
Le droit des obligations s'est peu développé durant la majeure partie
du moyen âge. Aussi longtemps que l'économie fermée prédominait, les 9 J. M . PARDESSUS, Collection des lois maritimes
antérieures au XVIII" siècle. Paris,
rapports économiques entre les hommes étaient limités à quelques types 1828-1845 ; bibliographie plus récente dans P . J . A. CLAVAREAU, Les sources du droit
maritime au moyen âge, dans Tijdschrift voor Rechtsgeschiedenis, 18 (1950), p. 386-412, et
de contrats: vente, échange, prêt, donation. Mais, lorsque l'Europe dans A . KORTHALS ALTES, Ons oudste Zeerecht. Zwolle, 1976 (= Uitgaven Molengraaff
occidentale s'ouvre à une économie d'échanges, aux XII• et XIII• siècles, Instituut voor Privaatrecht te Utrecht, 5).
118 CHAPITRE V DOMAINES DE L'HISTOIRE CONCERNÉS 119

Leur appellation montre suffisamment leur caractère coutumier. De d'une lente transformation des institutions. Ici aussi, le rôle de la
même, l'exploitation des bois et des sarts communaux était réglée par la coutume a été essentiel dans la naissance du droit de juger, dans
coutume 10 . l'organisation de ce qui deviendra l'ensemble des cours et tribunaux,
dans les attributions des collaborateurs des juridictions. L'histoire des
1O. Le droit pénal échevinages, leur origine, leur organisatio"n, leur compétence en est un
bon exemple 14 . Ces juridictions, qui subsistent jusqu'à nos jours notam-
La matière que nous appelions actuellement droit pénal a été dominée
ment en Allemagne et même en Union Soviétique, ne comptent que des
pendant une grande partie du moyen âge par les rapports de famille: tout
juges populaires, c.-à-d. des juges issus du peuple et jugeant suivant la
méfait qui portait atteinte à la personne ou aux biens d'un individu
coutume du groupe socio-politique. Ces juges populaires ne feront une
entraînait une réaction, une vengeance, de la famille lésée envers la
place- fort limitée d'ailleurs- à des juges professionnels, juges savants
famille de l'auteur du méfait. Il est évident que tout ce qui est relatif à la
formés dans les universités naissantes, qu'aux XIV• et XV• siècles. Dans
vengeance privée,- ce qu'on appelle aussi le droit pénal privé-, était
les conseils de justice ou parlements, qui apparaissent à cette époque
régie par la coutume 11 .
comme juridictions d'appel, la place des juges professionnels est plus
A partir du moment où l'autorité - royale, seigneuriale, urbaine -
considérable; ils élimineront même les juges populaires à la fin du moyen
intervient pour maintenir la paix, pour réprimer les crimes et délits, pour
âge. Leur rôle a été très important dans 1'application de la coutume au
faire exécuter les peines infligées par les tribunaux, cette autorité a
degré d'appel; en France et en Belgique ils interviennent souvent dans la
légiféré en la matière, ou du moins fixé dans des chartes de privilèges
rédaction officielle des coutumes.
quelques normes, surtout les peines réprimant certaines infractions
La procédure est aussi essentiellement coutumière. On utilisait un
graves. De nombreuses études sur le droit pénal au bas moyen âge,
terme spécifique, style, pour désigner les premiers recueils dans lesquels
surtout dans les villes, sont basées sur ce genre de documents 12 ; mais la
sont relatés la manière de procéder devant telle ou telle juridiction:
matière pénale reste néanmoins coutumière, soit qu'il n'existe pas de
citation, litiscontestation, enquête, procès, jugement, exécution, etc. Ces
textes législatifs applicables dans telle ou telle région donnée, soit que le
styles n'apparaissent qu'aux XIII•-XJV• siècles; auparavant, les règles
texte est très incomplet. Si même aux XIIJ•-XJV• siècles le principe de la
étaient non écrites, c.-à-d. coutumières 15 .
légalité des infractions et des peines a pu être admis dans quelques villes,
il y fait place à la fin du moyen âge à l'arbitraire des juges, mais dans le
respect de la coutume locale 13 .

11. Juridictions et procédure


L'organisation judiciaire au moyen âge, depuis le mallum franc
jusqu 'aux parlements et cours de justice du xv· siècle, n'a presque jamais
été l'œuvre préméditée d'un souverain ou d'unjuriste, mais est le résultat

10
Les communautés rurales, dans Recueils de la Société Jean Bodin, t. 40-45 (sous
presse).
11
P. W. !MMINK, La liberté et la peine. Etude sur la transformation de la liberté en
Occident avant le XII' siècle. Assen, 1973.
12
R. C. VAN CAEN EGEM, Geschiedenis van het Strafrecht in Vlaanderen van de Xl" tot de
XIV" eeuw, Bruxelles, 1954.
13
B. SCHNAPPER, Les peines arbitraires du XIII' au XVIII' siècle (doctrines savantes et
usages français), dans Tijdschrift voor Rechtsgeschiedenis, 41 (1973), p. 237-277 et 42 (1974), 14
R. BYL, Les juridictions scabinales, op. cit .
p. 81-112. 15
Supra p. 25.
DÉJÀ PARU:

Fasc. l: Introduction, par L. GENICOT, Professeur à l'Université Catholique de Louvain et


CONCLUSIONS collaborateurs. 1972. 34 pages. 90 fr.b.
Fasc. 2: Les décréta/es el les collections de déué1ales , par G. FRANSE N, Professeur à
l'U niversité Catholique de Louvain. 1972. 45 pages. 115 fr.b.
La coutume a été durant tout le moyen âge la principale source de Fasc. 3: Les actes publics, par L. GENICOT, Professeur à I'U niversité Catholique de
Louvain. 1972. 50 pages. 125 fr.b.
droit ; son déclin ne commence qu'au terme de la période, pour se Fasc. 4: Les documents nécrologiques, par N. HuYGHEBAERT, O .S.B., Maître de
poursuivre durant les temps modernes; depuis la fin du XVIII• siècle, elle conférences à l'Université Catholique de Louvain. 1972. 75 pages 190 fr. b.
Fasc. 5: Les dépôts de pollens jiJssiles, par R. NOEL, Professeur aux Facultés Univer-
est presque entièrement éclipsée par la loi. sitaires de Namur. x-85 pages, diagr. h.t. 240 fr.b.
La coutume joue, dès lors, un rôle capital dans l'histoire du droit et des Fasc. 6: La jurisprudence, par Ph . GoDDING , Professeur à l' Université Catholique de
Louvain. 1973. 44 pages. 115 fr.b.
institutions du moyen âge. Elle est également importante pour l'histoire Fasc. 7: La céramique, par A. MA TTHYS, Collaborateur scientifique au Centre National
des classes sociales, des rapports sociaux, de même que dans certains de Recherches Archéologiques en Belgique. 1973. 71 pages. 200 fr .b.
Fasc. 8: La miniature, par M. SMEYERS, Assistant à la Katholieke Universiteit Leuven.
aspects de l'histoire économique. Elle est secondaire comme source 1974. 124 pages. 275 fr.b.
d'histoire culturelle. Fasc. 9: La nouvelle, par A . SEMPOUX, Professeur à l'Université Catholique de Louvain.
197 3. 36 pages. l 00 fr. b.
Nous ne pouvons connaître la coutume que par les traces écrites Fasc. 10: Les collections canoniques, par G. FRANSEN , Professeur à l'Université Catholique
qu'elle a laissées. Dans l'ensemble du moyen âge, ces traces sont rares, de Louvain. 1973. 55 pages. 135 fr.b.
Fasc. ll: Les sll//u/s synodaux, par O. PONTAL, Attachée à l'Institut de Recherche et
presque inexistants pour des siècles entiers; et on ne peut pallier cette d'Histoire des Textes de Paris. 1975. 97 pages. 300 fr.b.
carence par d'autres modes d'investigations, par exemple sur le terrain, Fasc. 12: Le roman, par J.Ch. PA YEN, Professeur à l'Université de Caen et F. DIEKSTRA,
Professeur à l'Université Catholique de Nimègue. 1975. 159 pages. 500 fr.b.
comme cela se pratique aujourd'hui en Afrique ou ailleurs. Ce n'est qu'au Fasc. 13: Le fabliau et le lai narratif, par O. JoDOGNE, Professeur émérite à l'Université
XIII•, XIV• et surtout xv• siècles que les sources sont plus abondantes. Catholique de Louvain et J.Ch. PAYE N, Professeur à l'Université de Caen.
1975. 63 pages. 200 fr.b.
On peut parfois extrapoler d'un siècle à un autre, car la coutume est Fasc. 14: Les annales du haut moyen âge, par M. McCORMICK, Docteur en histoire
généralement conservatrice; mais le procédé est dangereux. C'est une médiévale. 1975. 57 pages. 175 fr.b.
Fasc. 15: Les généalogies, par L. GENICOT, Professeur à l'Université Catholique de
erreur de vouloir reconstituer l'état du droit d'une période donnée à Louvain. 1975.44 pages. 150 fr.b.
l'aide de sources écrites rédigées plusieurs siècles plus tard. Fasc. 16: Die Universa/chroniken, von K. H. KRüGER , Akademischer Rat an der Univer-
sitat Münster. 1976. 64 pages. 300 fr.b.
Les sources de la coutume sont variées: allusions dans un texte Fasc. 17: Leu ers and Let/er-Collections, by G. CONSTABLE. Professor of History, Harvard
littéraire, rédaction occasionnelle d'une règle coutumière, jugements, University. 1976. 64 pages. 300 fr.b.
Fasc. 18: Les relevés de feux, par M.-A. ARNOULD, Professeur à l'Université Libre de
records, chartes de villes, de villages, de pays, coutumiers, livres de droit, Bruxelles. 1976. 98 pages. 400 fr.b .
commentaires de coutumes, etc . Chaque type de sources a son propre Fasc. 19: Les tarifs de tonlieux, par G. DESPY, Professeur à l'Université Libre de Bruxelles.
1976. 48 pages. 225 fr.b.
système de critique historique. Fasc. 20: Les armoiries, par M . PASTOUREAU , Conservateur au cabinet des médailles de la
Pour l'interprétation des textes, l'historien fera utilement appel à un Bibliothèque Nationale (Paris). 1976. 81 pages. 350 fr.b.
Fasc. 21: Les monnaies, par Ph. GRIERSON, Professeur aux Universités de Cambridge et de
historien du droit. La terminologie juridique est souvent difficile; la Bruxelles. 1977. 49 pages. 275 fr.b .
pénétration du droit savant (romain et canonique) la rend parfois Fasc. 22: La loi, par L. GENICOT, Professeur à l'Université Catholique de Louvain. 1977.
55 pages. 275 fr.b.
confuse; la datation et la zone d'application de certains textes ne sont Fasc. 23: Les visites pastorales, par N. COULET, Chargé d'enseignement à l'Université de
pas toujours aisées à déterminer. La collaboration d'historiens du droit Provence. 1977. 86 pages. 450 fr. b.
Fasc. 24-25: Les légendiers et autres manuscrits hagiographiques, par G. PHILIPPART,
est toujours fructueuse . Docteur en Philosophie et Lettres. 1977. 160 pages. 750 fr.b.
Fasc. 26: Les martyrologes du moyen âge latin, par Dom DUBOIS, O.S.B., Chargé de
conférences à l'École pratique des Hautes Études, IV' section. Paris. 1978.
89 pages. 500 fr. b.
Fasc. 27: Les « libri paenitentiales », par C. VoGEL , Professeur à l'Université des Sciences
humaines de Strasbourg. 1978. 1 16 pages. 600 fr. b.
Fasc. 28: Les polyptyques et censiers, par R. FosSIER, Professeur à l'Université de Paris-!.
1978. 73 pages. 400 fr.b.
122

Fasc. 29: L ·archilecture. Considérations générales, par L. F. GE NICOT, Professeur aux


Universités de Louvain et de Liège. 1978. 88 pages. 500 fr.b.
Fasc. 30: La plain!e funèbre, par C. THIRY, chercheur qualifié du F.N.R.S. 1978.
91 pages. 500 fr.b.
Fasc. 31: Les cawlogues de bibliolhèques, par A. DEROLEZ, Conservateur des manuscrits à
la Rijkse Universiteitsbibliotheek Gent et chargé de cours à la Vrije Universiteit
Brussel. 1979. 72 pages. 425 fr.b.
Fasc. 32: Les /ex/es alchimiques, par R. HALLEUX, Chercheur qualifié du F.N.R.S. et
Maître de conférences agrégé de l'Université de Liège. 1979. 153 pages. 900 fr. b.
Fasc. 33: Translalionsberichle und andere Quel/en des Reliquienskul!es, von M. HEINZEL-
MANN, Deutsches Historisches Institut Paris. 1979. 126 pages. 750 fr.b .
Fasc. 34 : Les armes, parC. GAlER, Directeur du Musée d'armes de Liège. 1979. 96 pages.
575 fr.b.
Fasc. 35: Les inscriplions médiévales, par R. FAVREAU, Professeur à l'Université de
Poitiers. 1979. 128 pages. 750 fr.b.
Fasc. 36: Les sceaux, par M . PASTOUREAU, Conservateur au cabinet des médailles de la
Bibliothèque Nationale (Paris). 1981. 80 pages. 550 fr.b.
Fasc. 37: « Gesta episcoporum », « ges/a abbcaum »,par M. SoT, Maître-assistant à l'Univer-
sité de Paris-X Nanterre. 1981. 60 pages. 350 fr.b.
Fasc. 38 : Les récits de voyages et de pèlerinages, par J. RICHARD, Professeur à l'Université
de Dijon. 1981. 86 pages. 550 fr .b.
Fasc. 39: Les sources as/ronomiques (Tex/es, Tables, inslrumen/s ), par E. POULLE,
Professeur à l'École des Chartes (Paris). 1981. 88 pages. 550 fr. b.
Fasc. 40: L :«exemplum », par _C. BRÉMOND et J. LE GoFF, Directeurs d'études à
l'Ecole des Hautes Etudes en sciences sociales (Paris) et J.-C. ScHMITT,
Maitre-assistant à l'École des Hautes Études en sciences sociales (Paris).
1982. 168 pages. 1.150 fr. b.
Fasc. 41 : La coutume, par J. GILISSEN, Professeur à l'Université libre de Bruxelles.
1982. 122 pages. 850 fr.b.

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