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Violence, crise de la famille, banlieues et cités difficiles sont dans l’air du temps.
Outre la sociologie naïve, idéologiquement pesante, que ces thèmes ne
manquent pas d’importer dans les soucis des praticiens de la santé mentale, à
leur corps défendant, ils les éloignent de la clinique qui est leur champ de
compétence propre, et, peut-être, l’émoussent ou la déforment. Aussi
proposons-nous de remettre sur le tapis la question controversée de l’existence
d’une catégorie d’usage banal en psychiatrie, le « psychopathe ».
•D’où vient la notion de « psychopathie »? Qui l’a inventée, dans quel but?
Comment a-t-elle pris la relève de l’ »imbécillité morale » des psychiatres du
19ème siècle? A-t-on changé de problématique, ou bien simplement de nom?
•A certaines conditions, mais lesquelles, le passage à l’acte, tant craint, est-il
indicateur d’une structure subjective sous-jacente, que la simple conduite
psychopathique objective tendrait à masquer? D’autant que bien des
adolescents connaissent aussi des phases chaotiques, apparemment
psychopathiques, où la loi sous toutes ses formes est mise en question, et dont
la plupart émergent sans dommage visible. •Perversion et psychose, border-
line, ces catégories permettent-elles de liquider l’illusion nosologique de la
« psychopathie »? Ou bien ne sont-elles pas une fuite devant la réalité
irréductiblement sociale, et peut-être politique du phénomène? Et que nous
disent au juste les sociologues sur ces phénomènes? •A quoi tient enfin
l’incurabilité des psychopathes? Car il est notoire qu’ils utilisent les institutions
de soin, mais ne s’y soignent pas. Mais est-il vraiment sûr qu’aucun n’évolue
favorablement? Dans quelles institutions et de quelle manière, alors?
Que faire?
De notre journée de juin 2001 est ressorti moins le tableau confus que nous
redoutions (avec la conclusion absurde: « la psychopathie n’existe pas, donc il
n’y a pas de psychopathes! »), que la juxtaposition de plusieurs tableaux
différents. On ne voit plus guère le « psychopathe » de la tradition allemande,
escroc haut en couleur, cyniquement immoral. Mais peut-être s’est-il fondu
dans le décor d’une société où règne l’impératif: « Ne réfléchissez pas, passez
à l’action! », et qui fait l’éloge des apparences les plus superficielles du succès.
En revanche, chez les criminels sexuels sous les feux des médias, les thèmes
de la psychose et de la perversion sont au premier plan. Question classique : y
a-t-il des étayages pervers dans la psychose? Les criminels auxquels chacun
pense ne sont-ils pas des psychotiques non-décompensés? Cela doit-il influer
sur leur traitement, exclusivement pénal aujourd’hui, malgré les réserves de
quelques experts psychiatres? Mais qui veut « soigner » un pédophile égorgeur
d’enfants ou un tueur en série?
Comme on voit donc, la clinique est sommée de s’aligner sur une échelle du
mal et du crime: faut-il alors fabriquer une structure psychopathique pour
répondre à l’exigence sociale de médicaliser les déviants? Leur jeunesse ou
l’irrationalité destructrice de leur conduite doit-elle les amener au psychiatre un
peu comme s’il fallait retarder l’étape ultime de l’incarcération?
1.On l’a souligné, cette prise en charge dicte depuis longtemps la catégorisation
des psychopathes. Dans les époques où un vent progressiste gonflait les voiles
de la psychiatrie, des éducateurs politiquement motivés se faisaient fort de
rectifier le rapport au social de la jeunesse déboussolée. Cette époque, qui
avait ses naïvetés, est passée. Car la prise en charge collective des premières
déviances n’étant plus à l’ordre du jour budgétaire, on recueille dans les
services des individus depuis longtemps en rupture avec tout. La pente à
individualiser le mal social comme fondamentalement lié un trouble psychique
spécifique reprend ainsi indûment l’avantage. Des responsables politiques se
défaussent en invoquant un jargon psychiatrique de circonstance – alors que
les jeunes délinquants, mettent à l’écart les plus violents d’entre eux : ils
menacent la sécurité de la bande. Comment critiquer ces distorsions
intéressées de l’idée de « conduite anti-sociale »? 2.Mais si elle doit éviter de
servir de police mentale, la psychiatrie doit aussi proposer quelque chose. Il ne
sert à rien de détruire l’illusion d’une unité de la psychopathie si c’est pour
refuser de réfléchir aux soins à donner aux entités multiples dans laquelle on la
démembre, et qui toutes enveloppent un rapport déterminé à la violence.
Pour continuer nos réflexions sur ce thème nous avons donc choisi de poser
aux intervenants de cette seconde journée plusieurs questions: