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Sarah Bernhardt vue du Brésil (1886-1905) : un jeu avec le modèle théâtral

français1
Thèse de doctorat en cours depuis octobre 2011 à l’Université de Versailles St-Quentin-
en-Yvelines, sous la direction du Professeur Jean-Claude Yon.

Dans le domaine théâtral, les rapports entre le Brésil et la France s’intensifient


tout au long du XIXe siècle. Paradoxalement, les regards se tournent vers la culture
française dans un moment où les intellectuels brésiliens souhaitent construire l’art
dramatique national. Pour cela, le passage d’importants artistes européens au Brésil
pendant cette période a été fondamental. Au travers de leurs tournées, ces comédiens
ont accentué la présence théâtrale française au pays, en la poussant au-delà du domaine
des textes ou des idées théâtrales. Ainsi, afin de questionner la création d’un théâtre
brésilien à l’égard d’un modèle théâtral français au XIXe siècle, il convient d’analyser
la manière dont ces acteurs ont été reçus, regardés et commentés au Brésil. Dans le but
de développer ces questions, cette recherche est centrée sur les voyages de Sarah
Bernhardt au Brésil en 1886, 1893 et 1905.

Comme l’observe Faria (2001), dans son étude sur les idées théâtrales au Brésil
durant le XIXe siècle, en ce qui concerne le théâtre, la filiation française paraît évidente.
Selon l’auteur, pendant la première moitié de la période, les rares écrits sur l’art
dramatique au pays restaient fort connectés aux mouvements artistiques en vogue en
Europe. Les intellectuels brésiliens réagissent comme des commentateurs des
innovations européennes, françaises surtout, et envisagent la construction d’un théâtre
national à partir des prémisses établies au «Vieux Monde». Pour illustrer la question, on
ne manque pas d’exemples. Nous pouvons évoquer le texte cité par Faria (2001, p.24),
Essais sur la tragédie, de 1833, dont les auteurs sont les lettrés Bernardino Ribeiro,
Justiniano José da Rocha et Antônio Augusto de Queiroga2.

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1
Les citations tirées d’ouvrages écrites en langue étrangère ont été traduites par l’auteur.
2
Jeunes étudiants de droit à São Paulo, ces auteurs ont instauré au Brésil les premiers débats autour de la
querelle entre les romantiques et les classiques (FARIA, 2011, p.20.)

! 1!
Dans un mot, vos drames pensez-les comme Corneille, écrivez-les
comme Racine, mouvez-les comme Voltaire. A partir de ces règles, et
de ces exemples, le théâtre brésilien surgira en gloire et méritera d’être
compté au nombre de ceux qui peuvent servir de modèle.

Le ton pédagogique avec lequel les auteurs critiquent au long du texte les idées
romantiques montre qu’il s’agit bien de défendre les principes classiques, en tant que
modèles sur lesquels devraient se baser les dramaturges brésiliens.
Bien éloigné des conceptions classiques, Arthur Azevedo (AZEVEDO, 1896 In
NEVES; LEVIN, 2009), figure majeure du théâtre brésilien à la fin du XIXe, continue
d’exalter l’art dramatique français. Dans ses chroniques journalistiques, l’auteur
apprécie le théâtre français comme un idéal à atteindre par les artistes brésiliens :

Pour avoir une littérature dramatique, la France n'a pas attendu les
progrès de la politique, ni du commerce, ni de l'industrie. Faisons la
même chose, quoique nous n'ayons pas en mains des grands auteurs, ni
de grands acteurs

En effet, Paris s’accaparait les regards des lettrés brésiliens, des auteurs de
théâtre et des acteurs. Le pays de Sarah Bernhardt est alors contemplé comme un
modèle de culture, de bon goût, d’érudition, de cosmopolitisme, de progrès et, enfin, de
Civilisation. En tirant profit de l’occasion, les artistes français tentent de faire fortune en
Amérique, à partir des tournées dans les principales villes latino-américaines, aux Etats-
Unis et au Canada. Le cas de Bernhardt, dite la « divine », est particulièrement
intéressant : souvent endettée et critiquée par les journalistes parisiens, Sarah se
présente au Brésil comme une sorte d’ambassadrice de la culture et du génie français.
C’est ce que suggère le témoin de l’actrice au journal Le Figaro, le 26 décembre 1896.

J’ai traversé les Océans emportant mon rêve d’art en moi, et le génie de
ma nation a triomphé ! J’ai planté le verbe français au cœur de la
littérature étrangère, et c’est ce dont je suis la plus fière. Grâce à la
propagande de mon art, la langue française est aujourd’hui la langue
courante de la jeune génération. Je le sais parce que des professeurs me
l’ont dit là-bas (…) le public me l’a prouvé…(…) En Amérique du Sud,
au Brésil, les étudiants se sont battus à coup de sabre parce qu’on
voulait les empêcher de crier : Vive la France ! en traînant ma
voiture... (TALMEYR, 1896)

En se décrivant comme un outil de propagande de la culture française, Sarah


cherchait à attribuer à ses tournées une valeur collective, importante pour toute la

! 2!
France. Ainsi, la comédienne jouait un double jeu: l’actrice se servait du prestige de son
pays dans les Amériques, en même temps qu’elle contribuait, grâce à ses tournées, à la
diffusion du théâtre français, à échelle internationale.
En effet, les voyages d’artistes comme Sarah Bernhardt ont été décisifs pour la
propagation du répertoire, de la mise en scène et du jeu d’acteur français. Plus efficaces
que les pièces originales, dont la compréhension demandait une connaissance préalable
de la langue française, ces comédiens deviennent de véritables médiateurs entre le
public local et la culture hexagonale. Il est bien vrai que, pour se faire comprendre par
les spectateurs natifs, plusieurs artistes étrangers comptaient sur l’aide des brochures
contenant des traductions ou résumés en langue locale des textes représentés. Ces livrets
pouvant être consultés pendant les représentations3. Cependant, même si les traductions
facilitent le dialogue entre les comédiens étrangers et le public natif, l’expressivité des
artistes n’y est pas moins importante : elle était fondamentale à l’accès du spectateur
étranger aux œuvres dramatiques françaises. Marks (2003, p.3), dans son livre sur la
première tournée de Sarah Bernhardt aux Etats-Unis, remarque cet aspect:

Les successives critiques suggèrent que le public de Sarah Bernhardt


abandonnait les librettos, séduits par la performance de l’actrice. En
jouant dans sa langue natale, Bernhardt a ‘parlé’ la langue des émotions,
et a laissé les spectateurs émus et enthousiastes. Ils ont finit par la
comprendre, c’est-à-dire, d’une façon différente d’une traduction
épurée.

Pour l’auteure, le jeu de scène de la “divine”, influençait directement la manière


dont les spectateurs étrangers “percevaient” le texte représenté. Aussi, Yon (2008,
p.12), en présentant un panorama du théâtre français à l’étranger, reprend une amusante
anecdote de l’imprésario Schürmann4, qui souligne l’importance de l’acteur en tant
qu’élément déterminant du processus de diffusion de l’art dramatique française au XIXe
siècle:

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3
Il faut aussi noter le répertoire d’artistes comme Sarah Bernhardt était composé de pièces de succès,
dont du moins l’intrigue était connue du public brésilien. Par exemple, La Dame aux camélias, de Dumas
Fils, jouée par Bernhardt lors de sa première tournée au Brésil, avait déjà été représentée à Rio de Janeiro
en 1856, par la troupe brésilienne du Théâtre Ginásio, où travaillait le metteur en scène français Emile
Doux. (SOUZA, 2002, p.73)
4
Né le 9 avril 1857, Joseph Schürmann a organisé les tournées d’importants artistes européens, tels que
Adelina Patti, Sarah Bernhardt, Coquelin et Antoine.

! 3!
(…) Il arriva d’ailleurs qu’un soir, dans une ville du Far West
américain, par suite d’une erreur dans la distribution des brochures, le
public regarda Sarah Bernhardt jouer La Dame aux camélias tout en
suivant consciencieusement sur la brochure le résumé de Phèdre ;
personne ne s’était aperçu de l’erreur…

Ce quiproquo montre que, tout comme les traductions des pièces originales, les
divers éléments liés au phénomène théâtral ont déterminé la manière dont le théâtre
français s’est diffusé dans le monde. Car en fin de compte, un spectateur qui ne
remarque pas la différence entre le résumé de Phèdre et la représentation de La Dame
aux camélias est certainement beaucoup plus attentif à la présence scénique, ou aux
costumes de Sarah Bernhardt, qu’au texte du spectacle. Peut-être même que pour ce
spectateur, plus important que l’œuvre jouée était l’action de fréquenter le théâtre où se
trouvait « la France », incarnée par Sarah Bernhardt.

L’importance des comédiens dans la diffusion du théâtre français au XIXe siècle


semble, alors, évidente. Néanmoins, il convient de noter que l’exemple de Sarah
Bernhardt reste toujours un cas particulier d’une actrice renommée, et dont les tournées
ont été, en règle générale, bien succédées. Evidemment, en fonction de la notoriété de la
comédienne et de l’impact de ses voyages au Brésil, l’exemple de la « divine » est un
élément-clé pour les réflexions sur l’influence culturelle française dans le territoire
brésilien. Admirée par les intellectuels comme un modèle pour les artistes locaux, les
voyages de l’actrice méritent d’être étudiés au sein d’une réflexion sur la construction
du théâtre brésilien à l’égard de la présence française dans ce pays. Au-delà du sujet de
ma thèse, il serait, par exemple, très opportun de comparer le cas de Sarah aux tournées
d’autres artistes français moins populaires qui ont sillonné le pays sans les ressources
financières d’une Bernhardt. C’est à dire : l’ensemble des études sur les divers aspects
de la présence française au Brésil (artistes, circulation d’œuvres originales, leurs
traductions et adaptations) réunira, enfin, des éléments essentiels à la construction d’un
panorama des rapports culturels franco-brésiliens au XIXe siècle.

! 4!
REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES

AZEVEDO, Arthur. O Theatro, 27/02/1896. In NEVES, Larissa de Oliveira ; LEVIN,


Orna Messer. O theatro : crônicas de Arthur Azevedo (1894-1908). Campinas : Editora
da Unicamp, 2009.

FARIA, João Roberto. Idéias Teatrais : o século XIX no Brasil. São Paulo: Perspectiva:
Fapesp, 2011.

MARKS, Patricia. Sarah Bernhardt’s first American theatrical tour, 1880-1881. North
Carolina: Mc Farland & Company, Inc., Publishers, 2003.

SOUZA, Silvia Cristina M. de S. As noites no Ginásio : teatro e tensões culturais na


corte (1832-1868). Campinas : Editora da Unicamp, CECULT, 2002.

TALMEYR, Maurice. Examen de Sarah, Le Figaro, Paris, ano 42, n. 361, p.1, 26
dez.1896.

YON, Jean-Claude. (Org.) Le théâtre français à l’étranger au XIXe siècle : histoire


d’une suprématie culturelle. Paris: Nouveau Monde, 2008.

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