Академический Документы
Профессиональный Документы
Культура Документы
C'est au niveau de cette "qualité" que la recherche peut intervenir, en se posant deux questions :
en quoi consiste une meilleure qualité ? comment, le cas échéant, est-elle
obtenue ? L'intérêt scientifique de ces questions mérite que le chercheur dépasse l'image un
peu stéréotypée qui lui vient à l'esprit dès que l'on parle d'agriculture biologique.
Ce type d'agriculture parvient à obtenir, avec moins d'intrants et un souci de respect de
l'environnement, des produits quelquefois "meilleurs", vendus plus cher, même si cela ne va
pas sans entraîner des problèmes agronomiques et un surcroît de travail. Cette option peut tout à
fait rester en accord avec les objectifs que la Direction Générale de l'Institut donnait en 1987
pour l'agriculture de demain, qui restent d'ailleurs d'actualité, et que l'on peut rappeler
brièvement :
- produire pour vendre,
- produire pour moins acheter,
- produire avec un maximum de valeur ajoutée,
- produire différemment,
- produire en préservant les ressources naturelles,
- apprendre aux autres à produire.
Il est clair que l'action des mouvements écologistes et des promoteurs de l'agriculture biologique
a joué depuis les années 70 un rôle important dans l'apparition des notions de qualité, de
diversité et de préservation de l'environnement.
A l'évidence, l'agriculture biologique ne pourra progresser que si elle investit dans la recherche
et si la recherche s'y investit. C'est ainsi qu'en 1988, le groupe Carnot, nouvellement implanté
dans le secteur de l'agriculture biologique, a attribué des prix et des allocations à des étudiants
travaillant sur des thèmes intéressant ce domaine. Ce genre d'action (malheureusement isolée et
sans lendemain) souligne l'attitude résolument ouverte de certaines "écoles" d'agriculture
biologique vis-à-vis de la recherche, alors que la majorité des efforts des dirigeants a été jusqu'à
présent d'investir au niveau politique (partis, lobbying auprès de la CEE).
Les relations entre l'agriculture biologique et la recherche institutionnelle n'ont jamais été
simples. De l'expérience des dix dernières années, on peut tirer plusieurs enseignements :
1. la sensibilité aux problèmes soulevés par l'agriculture biologique est très différente selon les
secteurs scientifiques. Les économistes, sociologues et zoologistes ont beaucoup plus travaillé
dans des domaines intéressant l'agriculture biologique que les agronomes, les zootechniciens ou
les microbiologistes du sol. C'est donc le phénomène "agriculture biologique" plutôt que les
pratiques qu'elle promeut, qui a jusqu'à présent été privilégié;
2. l'agriculture biologique n'a pas su utiliser, par manque de structuration de son activité, les
résultats de la recherche traditionnelle néanmoins susceptibles de l'intéresser;
3. l'agriculture biologique n'a pas su formuler ses questions aux chercheurs;
4. on remarque un décalage entre les principes affichés et la pratique de l'agriculture biologique
ainsi qu'une forte hétérogénéité dans les objectifs et les moyens au niveau des agriculteurs qui la
pratiquent;
5. l'agriculture biologique a tendance à faire de ses objectifs de véritables dogmes, ce qui ne
facilite pas le dialogue avec les chercheurs, tenus eux à une discipline toute rationnelle.
Ainsi, en ce qui concerne le premier point, peut-on citer quelques problématiques de recherche
menées à l'INRA depuis 15 ans sur des thèmes intéressant l'agriculture biologique, engagées
parfois à l'instar du Ministère de la Recherche :
- diversification des modèles de développement rural (groupe DMDR);
- liaisons entre les pratiques agricoles, le paysage et l'environnement (département Systèmes
Agraires et Développement);
- socio-économie des exploitations en agriculture biologique (Economie et Sociologie Rurale);
- lutte biologique (Zoologie);
- engrais verts (Agronomie).
Pour tirer parti des acquis de l'INRA et pour poser à la Recherche les questions permettant
d'établir un dialogue fructueux, il serait nécessaire aujourd'hui que l'agriculture biologique
s'organise nationalement et qu'elle dispose de responsables capables d'établir et de poursuivre
un contact avec les chercheurs. Enfin, il faut qu'elle n'esquive pas les questions difficiles; cette
attitude est particulièrement importante lorsqu'on veut introduire la confiance au sein de la
communauté des chercheurs. Or, deux de ces "questions difficiles" semblent dès maintenant
impossibles à éluder.
1. La lutte biologique
Le cas de la lutte biologique en arboriculture fruitière et en cultures protégées est exemplaire. II a
montré l'impossibilité pour les structures de l'agriculture biologique de s'associer à l'INRA
pour reprendre et diffuser les travaux des chercheurs dans un domaine qui pourtant les intéresse
au premier chef, et cela faute d'une organisation efficace. Pourtant l'INRA avait, dans ce
domaine, investi beaucoup et joué un rôle de pionnier. Et l'utilisation de cette méthode de lutte
est en passe de se généraliser en Europe, aussi serait-il regrettable que les agriculteurs
biologiques ne soient pas parmi les premiers à employer les techniques de lutte biologique sur
maïs, vigne, tomate, chou, voire châtaigner d'ici quelques années. Il est réconfortant de voir que
les viticulteurs biologiques coopèrent, depuis deux ans, avec les chercheurs pour la mise au
point de la lutte biologique contre le ver de la grappe par l'emploi du Trychogramme.
2. La microbiologie des sols
Jusqu'à maintenant la qualité du sol est surtout appréciée en fonction de critères chimiques
(teneur en phosphore, potassium) ou physico-chimiques. L'agriculture biologique utilise, de
plus, la notion de "qualité biologique d'un sol". La multitude des techniques permettant de
l'apprécier montre que ce critère est aujourd'hui encore très mal cerné. La recherche aurait intérêt
à bien définir cette notion, pour la rendre réellement opérationnelle. Il en va de même du concept
de "fatigue des sols" pour lequel la détermination des parasites vrais et des parasites de
"faiblesse" pourrait être utile.
3. La fertilisation raisonnée
"Ne pas apporter d'engrais chimiques", cette règle, que l'agriculture biologique refuse
aujourd'hui de remettre en question, est acceptée avec d'autant plus d'enthousiasme par
l'opinion publique, que le mot "nitrate" est devenu depuis peu synonyme de pollution. C'est un
perpétuel sujet de discorde avec les agronomes pour qui les nitrates provenant de la
minéralisation de la matière organique ne sont pas différents de ceux qu'introduit la fertilisation
azotée. Cette question divise même les "écoles" d'agriculture biologique.
La réduction des intrants (en particulier des engrais azotés) a été depuis 15 ans l'un des soucis
majeurs des agronomes. Ils ont tenté durant de nombreuses années de faire admettre aux
agriculteurs la notion de fertilisation raisonnée. Contrairement à une opinion assez répandue, la
Recherche agronomique en France ne s'est pas seulement préoccupée de l'augmentation
inconditionnelle des rendements.
On peut cependant remarquer que le radicalisme qui consiste à refuser l'utilisation des engrais et
des pesticides de synthèse a incité certains agriculteurs à trouver des solutions de remplacement
parfois originales et efficaces. Celles-ci posent aux chercheurs d'intéressantes questions
(importance des associations et des successions de cultures, de la disponibilité du sol en azote,
rôle des populations d'adventices maintenues dans certaines limites, prise en compte d'effets
allélopathiques, etc.).
4. La caractérisation de la qualité
Du champ à l'assiette, il reste à caractériser un produit sur tout la chaîne. La lourdeur des
caractérisations biochimiques, chimiques, bactériologiques, morphologiques ou
organoleptiques, ainsi que le caractère non systématique des réponses aux tests de comparaison
des produits issus de l'agriculture traditionnelle et de l'agriculture biologique ont conduit
l'administration et les producteurs biologiques à définir à travers un cahier des charges le produit
par la façon dont il est cultivé. Si elle a l'avantage d'être simple et pratique, cette façon de
procéder ne satisfait pas le chercheur et ne devrait pas satisfaire le consommateur, car "produire
autrement" ne signifie pas forcément "produire mieux". Par ailleurs le contrôle du respect de ce
cahier des charges est très difficile à assurer et pour l'instant, il est effectué par la profession
elle-même.
L'agriculture intégrée va mettre en place des systèmes de culture intégrés (voir figure 2). Elle
apparaît comme l'étape intermédiaire entre une agriculture biologique, radicale dans ses
principes, et une agriculture traditionnelle surtout soucieuse jusqu'à aujourd'hui de rendements
élevés. Si les méthodes de l'agriculture intégrée sont appliquées en arboriculture et en
maraîchage depuis quelques années, elles ne sont pas encore utilisées en grandes cultures.
Néanmoins, le Ministère fédéral de l'Agriculture vient de prendre des dispositions pour
généraliser, en Suisse, l'utilisation de cultures intégrées et renforcer la recherche dans ce
domaine.