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Daniel Coffigny


DANIEL COFFIGNY

La Vie en Christ

"'./ (

Épiphanie-Spiritualité orientale
Documents

LES lIDITIONS DU CERF


PAlUS
1993
-

INTRODUCTION

UN CHRÉTIEN DANS UN MOJl;DE EN CRISE:


NICOLAS CABASILAS

La vie de Nicolas Cabasilas se situe entre deux


moments déteililinants pour l'Empire byzantin: le sac
de Constantinople de 1204 par les Croisés et
l'annexion définitive de la capitale de l'Orient, par
les Turcs, en 1453,
La plupart des historiens situent la naissance de
Jl9colas Cabasilas à aitre 1319 et 1325.
Sa famille est d'aristocratie et le Père Sala-
, ville précise: « Le nom de son père est Chamaétos.
C'est sa mère qui ~ait une Si Nicolas a
© Les Éditions du Cerf, 1993
de préférence adopté c'est ou parce que ce
(29, boulevard latour-Maubourg nom,a)l8it doute plus ou enoore, et tout
75340 Paris Cedex 07) ensemb~ pour ne pu prise au jeu de mots
ISBN 2-204-04755-4 assez par le vocable
ISSN 0750-1862
tos, qui pourrait sil"ir_: OU u-.ae
LA VIE E CH RIST INTRODUcrION 9
8
" 1 Nous savons, par l'historien Phr:mt- rent par la désorganisation de l'économie et de l'agri-
r7mpant l' ["è're de Nicolas était une personne pieuse culture. Andronic III flatte la jeunesse aristocratique
"Le que a m , S '
.' 1 fin de sa vie, se retira au couvent amte- en lui distribuant terres et privilèges. Il attise d'autre
qUI, vers a ,1
Théodora à Thessalomque , ,» , part la rruncœur du petit peuple accablé d'impôts. En
l'enfance de Nicolas, le long regne 1321, pour apaiser, semble-t-il, les menaces que son
Durant . h à f' L'
282-1318) d'Andronic Il touc e sa m, em pe- petit-fils fait peser sur son règne, Andronic II lui attri-
(1 l' ~e une Église florissante. C'est l'ère de la bue « à titre impérial » la Thrace. Cela ne refrène pas
reur rus h' é . 1
magnifique éclosion du monac ISn:'e, sp cla ement au Andronic III druns sa volonté tenace de conquérir le
mont Athos, proche de Thessalomque. Ces monastè- pouvoir. S'allirunt au tsar bulgare, galvanisrunt les habi-
en effet, « représentent pour les hommes les plus tants de Macédoine, il s'empare, en mai 1328, de
res, ,. d ' d t
It 'vés de Byzance, au mlheu es tnstesses u emps, Constantinople.
CUI " b '
le lieu de refuge et de méditation ou eaucoup vlen- Tous ces détails peuvent paraître superflus druns une
nenl finir leur vie sous l'habit monacal ' ». Introduction à La Vie en Christ. Il me semble, cepen-
Cette vie spirituelle intense de l'Église de Byzance dant, nécessaire d'y recourir. Nicolas Cabasilas a
dépasse les frontières de l'Emp~re: Asie Mi~eure, grandi en entendant analyser et commenter ces évé-
Ru sie, Lithuanie, Balkans. Le blian, en ce qUi con- nements historiques, pain quotidien des conversations
cerne l'État, est moins glorieux! L'armée est si à Thessalonique comme ailleurs. On ne peut pas sépa-
réduite qu'il faut en appeler à des mercenaires étran- rer l'histoire de l'Église et des chrétiens de l'histoire
gers pour se défendre. La flotte est pratiquement dis- générale de l'humanité. Les chrétiens vivent dans le
soute au profit des Génois. La petite noblesse et les monde et bien des réalités politiques, sociales ou éco-
couches paysannes courent à leur déclin. nomiques détenninent leur existence et celle de
On sent là l'influence de la seconde femme l'Église. Les informations n'avaient pas, alors, la rapi-
d'Andronic, Irène de Montferrat. Elle transpose ce dité fugace des ima&es de DM m6dias d'aujourd'hui.
qu'elle a connu des institutions féodales de l'Occident Les événements n'étaient connus qu'avec quelques
à l'Empire byzantin. joufS ou semaines de : on avait le temps de
L'autocrator laisse l'Orient s'effriter au profit des dlstemer ce que chaque fait aux yeux
membres de sa famille qui se partagent le territoire. de Di*"... Ces dei hommes sur
Cela entraîne une crise très dure entre l'empereur et le sens de la vie présente et future déjà, se
son petit-fils, le futur Andronic III ; la des frayer un l'esprit et le de notre
deux Andronic (\321 à 1328). Ces tensions se sold~ auteur.
L \ VIE E ' CHRIST INT RODucno
10 11

'\. " ola, C.,basÎla ortait de l'adolescence, lorsque ~ir, alors " celui q u'on appelle « le flambeau de
B rfaDn, Grec originai.re de, Calabre, déclenche une 1 orthodoxIe » : Grégoire Palamas,
qt!erd1e religieuse, qUI allaIt enflammer pour des Du mont At~os. où il est moine, Grégoire lutte
d 'cnnie l'Orient byzantin. contre les théon es de Barlaam . Celui-ci ébranle en
Philo ophe, Barlaam est déjà depuis 1330 à Cons- effet, toute la tradition mystique de l'orthodo.' t
1 péc' al XIe e
tantinople. L'empereur l'avait remarqué suffisamment ~ us, s 1 ement la pratique spirituelle des moines de

pour l'envoyer auprès du pape Benoît X II comme 1 O~len t, connue sous le nom d'« hésychasme », c'est-
porte-parole de l'Égii e grecque pour préparer l'Union à-dIre: calme, tranquillité,
des Églises, Cette mi sion confidentielle ( 1339) en Avi-
gnon montre l'importance de l'ambassadeur : « Un
étranger n'aurait certainement pa mérité une telle L' hésychasme et Gr~goir. Palamas,
confiance du gouvernement byzantin s' il n'avait donné
de important de a fidélité à l'Orthodoxie et Cette théologie spirituelle de l' hésychasme a des
aux intérêts de l'E mpire ', » racines p,rofondes, ,Dès le. temps des Pères de l'Église
du IV' slecle, Macalfe d'Egypte, moine du désert est
À cette époque, la pensée de T homas d'Aquin passe à l'origine de la prière du cœur ou « Prièr; de
pour le symbole de la théologie occidentale. Jésus ». Ses contemporains fondent théologiquement
Pour permettre la réunion des Églises, Barlaam cette démarche spirituelle, en particulier Évagre du
recourt à la philosophie « nominaliste» de Guillaume Pont en Asie Mineure, Maxime le Confesseur et Gré-
d'Ockham qui alors l'Occident. Barlaam goire de Nysse.
'improvi e théologien: « Dès ses premiers essais Le relais est pris dU X' siècle par Siméon le Nou-
théologique, diriges contre la théologie latine qui, veau Théologien, abbé de Saint-Marnas de Constan-
pou r lu i, 'identifie avec celle de "Thomas" tinople,
(d' '.juin ), c'e t au nom du nominalisme qu'il rejette Enfin, au début du XIV- siècle, viennent Grégoire
la prttention des latin de "connaître" Dieu et de du Sinaï et Nicéphore l'Hésychaste. Ce dernier, d'ori-
" démontrer" la processio n du Saint-Esprit à partir gine italienne, est moine IlU mont Athos.
du Fil , La pensée théologique de l'Orient chrétien Grégoire Palamas affronte Barlaam sur son
l'att ire précisément à cau se de son "apophatisme", « agnosticisme nominaliste». S'il admet que notre
( 'c t-à·dire de son a ffirmation constante que Dieu est ~sprit humain ne peut appréhender Dieu, qui est
inco nnai able ' , » Cette manière de penser fait réa- mconnaissable par nature, Grégoire rappelle une autre
INTRODUCTION 13
LA VIE EN CHRIST
12
' d otre foi. Le Christ, en s'incarnant, a Il existe entre la nature divine et la nature humaine du
donne'e liage
e 0 d" h . Christ incarné une union selon l'hypostase, une union
de Dieu à notre con ItlOn umame.
adapte e ang f . A « hypostatique » ou personnelle.
, . notre rencontre pour nous aIre conmutre
JI VIent a " Divinité et humanité sont si étroitement liées dans le
'Ê . l'me de Dieu et nous assocIer à sa VIe, Notre ,
1 tre 10 1 .. Il ' Christ, qu'elles constituent une seule personne, appartien-
. t Il'gence et toute notre personne sont, aInSI, so 1- nent à une seule personne; l'union entre Dieu et les saints ,
me l ., l ' d
" à entrer dans cette commUniCatIOn, P eme e elle, n'est pas de cet ordre. Dans cette union mystique
ctlees .,
1 mière qu'est la RévélatIOn, C est en ce sens que entre Dieu et l'âme, il y a deux personnes et non pas une
• ;alama~ parle de notre « déification ». « En partici- seule; disons, pour être précis, qu'il y a quatre person-
pant à Dieu lui-même, à sa grâce incréée, l'homme nes : une personne humaine, et les trois personnes divi-
devient lui-même Dieu' . » nes de l'indivisible Trinité,
Barlaam soupçonne alors Palamas de reprendre à C'est une relation Moi-Toi: le « Toi » reste « Toi » si
son compte le « messalianisme». Condamnée par proche de lui que soit le « Moi ». [ ... ]
l'Église byzantine, cette hérésie consistait à .dire qu'on L'union entre Dieu et les êtres humains qu'il a créés ~
peut voir « l'Essence divine avec les yeux corporels ». 1 n'étant ni une union selon l'essence, ni une union selon
Grégoire précise donc que « voir Dieu face à face » l'hypostase, est donc une union selon l'énergie.
ne signifie pas « voir l'Essence divine ». 1 Les sai~ts ne d~vien~ent pas Dieu, mais ils participent
Témoin, aujourd'hui, de cette démarche spirituelle, aux énergies de Dieu, c est-à-dlre à sa vie, à sa puissance,
le Père Kallistos Ware nous en rend compte, en à sa grâce et à sa gloire.
Les énergies [... ] ne doivent pas être « objectivées »,
écrivant:
regardees comme un intermédiaire entre Dieu et l'homme,
une « chpse » ou un don que Dieu accorde à sa création.
Il existe entre les trois Personnes de la Trinité une union
Les énergies sont vraiment Dieu lui-même, non pas Dieu
selon l'essence: le Père, le Fils et l'Esprit Saint sont « un
en essence ». Par contre, entre Dieu et les saints, cette comme il existe en Lui-même, en sa vie intérieure, mais Dieu
union n'existe pas. Bien que «déifiés», les saints ne tel qu'il se communique lui-même par l'amour qui vient de
deviennent pas des membres additionnels de la Trinité, Lui. Celui qu; participe aux énergies de Dieu rencontre Dieu
Dieu reste Dieu , l'homme reste l'homme. L'homme face à face à }ravers une union d'amour directe et person-
devient Dieu par la grâce, mais il ne devient pas Dieu en nelle, dans la nrespre où un atre créé en est capable. Dire
essence, La distinction entre Créateur et créature est atté- que l'homme parl1cipe aux énergies de Dieu mais non pas
nuée par l'amour mutuel, elle n'est pas abolie. Si proche à son essence, c'est dire qu'il existe entre l'homme et Dieu
de l'homme soit Dieu, Dieu demeurera toujours « le Tout une union mais non pas une confusion ... c'est affirmer la
Autre» [... ) proximité de Dieu tout en proclaman( son altérité'.
14 LA VIE EN CHRIST
• INTRODUCTION 15

La controverse entre Barlaam et Grégoire Palamas Temple du Saint-Esprit qui est en vous et que vous tenez
s'étend à d'autres réalités de la vie chrétienne. Bar- de Dieu? Et que vous ne vous appartenez pas' ? »
laam est, notamment, tout imprégné de « spiritualisme
Cette affirmation est reprise par Grégoire. Nos
platonicien », ce qui le conduit au mépris de la corps ont. été sanctifiés par les sacrements de l'initia-
matière et du corps. D'autre part, pour traiter de
tion chrétienne. L'eucharistie réactive en nous la vie
l'histoire humaine, notre philosophe épouse les idées
de Dieu qui circule dans nos membres. C'est donc au-
du vieux paganisme hellénique.
dedans de nous que nous avons à découvrir le Dieu
Le « palamisme » comporte, aussi, la réactualisa- vivant. Dieu est présent comme une Lumière, lumière -
tion de la « Prière de Jésus ». Cette oraison heurte, qui était extérieure aux Apôtres, lors de la Transfi-
de plein fouet, la suffisance intellectuelle de Barlaam, guration sur le Thabor. Désormais, la glorieuse Incar-
tant est simple et populaire cette manière de s'adres- nation rédemptrice du Verbe, à laquelle nous partici-
ser à Dieu. La « Prière de Jésus », dit Myrrha Lot- pons, intériorise en nous cette lumière. Grégoire Pala-
• •
Borodine, « invoque continuellement le Nom sacré. mas ecnt:
Prière jaculatoire remontant à une vénérable antiquité,
restée la colonne et l'axe de la spiritualité orthodoxe ... Le Fils de Dieu (... ) s'unit (... ) en se confondant Lui-
Dans sa brièveté voulue, consacrée par l'usage: "Sei- même avec chacun des fidèles, par la communion à son
gneur Jésus-Christ, Fils de Dieu, aie pitié de moi Saint Corps, (tiisqu'I1 devient un seul corps avec nous
pécheur !", cette invocation, venant d'un cœur hum- (Éphés;ens 3, 6) et fait de nous un Temple de la divinité
ble et ardent, condense en une plénitude saturante le tout entière.
Car daas le cams même du Christ habite corporellement
désir, l'espoir et l'attente de la Présence unique 7. »
toute la plénitude , la Divinité (Colossiens 2, 9). Com-
La théologie de Grégoire Palamas a contrecarré les ment ceux qui communient dignement
théories de Barlaam. Elle synthétise, aussi, remarqua- au rayon divin de son qui est en nous, en éclairant
blem~nt, l'apport des Pères et la recherche spirituelle leur âme, comme il \es corps mêmes des disci-
de l'Eglise d'Orient. Nous relevons quelques thèmes ples sur le Thabor?
Car, alors ce Corps, source de la lumière de la acke,
q,UI sous-tendront l'œuvre de Nicolas Cabasilas. Il
n'était pas encore uni l nos COlpi : il illuminait, du
s agIt de la vie sacramentaire et de son efficacité
ceux qui en approchaient . et envoyait l'iIlumi-
quant à notre union à Dieu.
nation ll'lme par dies '(iD SfIIIibleI; .....
. L'apôtre Paul déclarait dans l'Épître aux Corin- aujourd'hui eirc:oDfondu •• ec JIOUI et . . . . .
th,Ch' . « Ne
. savez-vous pas que votre corps est un nous, il ill~lne 1·... jUllelDeDt de 1'fIItmea'.
LA VIE EN C HRIST INTRODUCTION 17
16
, oulement de cette controverse entre Barlaam Devant ces faction s qui risquent d 'épuiser la vita-
Le der ' dé . ,
égoire Palamas, et son Issue « termmerent lité de la foi orthodoxe, Andronic III réunit un con-
et r G -. '0 . . ff
'h' toire ultérieure de l'Eglise d nent: SI , en e et, cile. À deux moi s d'intervalle - juin et août 1341
l IS ' devant l es progres'
tte dernière était restée passive - on se rassemble dans les tribunes de Sainte-Sophie
~: nominalisme, il ne fait aucun doute que le vérita- de Constantinople. Barlaam, condamné, fait route
ble ouragan d'idées nouvelles que les Temps Moder- vers l'Italie. Quatre jours après la fin du concile de
nes amenaient avec eux, en rompant les cadres de la juin, Andronic III meurt. Jean VI Cantacuzène pré-
société médiévale, l'aurait amenée à une crise sem- side l'assemblée d'août. On y condamne, sans le nom-
blable à cell~ que l'Occident chrétien a subie, c'est- mer, Akindynos, le disciple de Barlaam . D'autre part,
à-dire au néo-paganisme de la Renaissance, à la on promulgue le « Tome synodal » qui approuve
Réforme de l'Église, conformément à la nouvelle phi- l'œuvre de Grégoire Palamas.
losophie nominaliste " ». Jean Meyendorff ajoute: En fait, ce premier « concile palamite », loin de
« Barlaam qui avait fui, en Occident, le réalisme intel- ramener la paix, avive la discorde au sein de l'Église.
lectuel de la Scolastique thomiste se heurtait ainsi en La « querelle hésychastc:» s'amplifie. D'autre part,
Orient au réalisme mystique des moines " . » la mort d' Andronic III déclenche une guerre de suc-
C'est dans cette effervescence théologique que Nico- cession qui dure six années. Bien des raisons s' entre-
las Cabasilas passe sa jeunesse. Ces débats ne sont mêient... la politique à Byzance a toujours une colo-
pas sans avoir marqué sa pensée et son œuvre. La ration ,-théologique !
dispute théologique entre les hésychastes et Barlaam
met à jour des courants divers qui traversent l'Église
de Byzance. L'élite intellectuelle, sous le masque, L'bomLie ea .. maturité: NIceIas CabMIIIIL
essaie de promouvoir l' hellénisme profane. Elle tente
de restaurer un certain néo-platonisme, qui n'est pas Nicolas 8 çOmmenœ ses ~udea à Thes"lonique et
sans résonance religieuse. D'autre part, les évêques les achève, lUITS 1340, à Coostantinople. «Cette
sont empêtrés avec nombre de fidèles dans un con- période est coru\ue par ses lettres à son père et à
servatisme extrême: la sécurité doctrinale avant tout! plusieurs amis, où il exprime une vive nostalgie de
~e mieux est, alors, de répéter l'essentiel des sept con- sa ville natale; cette nostaIaie, jointe à un trop
cll.es ~cuméniques . « La tradition patristique appa- grand enthousiasme pour 1'6tude, le fait tomber
raissait figée comme les Pères eux-mêmes sur les malade". »
splendides mosaïques des églises byzantines " . » Les autres de maeat un
LA VIE EN CHRIST tNTRODUCTION 19
18

homme ayant acqu is une grande culture profane et tée, ainsi que l' a prouvé par ses recherches le P. Sala-
religieu e. N'est-il pas avec Démétrios Kydonès, son ville, depuis des années" . »
ami d'enfance, un passionné de l'Antiquité grecque En \345, Nicolas Cabasilas est un personnage
el de ses philosophies? L'amitié entre Nicolas et apprécié pour son aptitude à la diplomatie. Il est un
Démétrios est suffisamment solide pour supporter des des deux ambassadeurs que la ville de Thessalonique
divergences capitales quant à la foi. Pour Kydonès, envoie à Berrhée. Il vient faire allégeance auprès de
Thomas d'Aquin est le philosophe qui amène à matu- Manuel, le deuxième fils de Jean VI Cantacuzène.
rité ce que contenait en germe la philosophie grec- Avec l'avènement de Jean VI, en février 1347,
que. Démétrios traduira l'ensemble de la Somme con- Démétrios et Nicolas sont appelés comme conseillers
tre les Gentils et une partie de la Somme théologi- de l'empereur. Le mouvement hésychaste reprend
que. Il finira par se convertir à l'Église latine. vigueur. Sorti de son bannissement, Grégoire Pala-
Le cheminement de Nicolas Cabasilas semble plus mas est ordonné archevêque de la capitale macédo-
subtil et plus riche. Comme toute l' élite intellectuelle nienne. La tâche du nouveau pasteur n'est pas aisée.
de on epoque, il est ou ert à l' humanisme qui se fait Les zélotes de Thessalonique, en effet, ne l'admettent
jour au-delà des frontières de l'orthodoxie. Il a accès pas. N'est-il pas envoyé par le pouvoir central de
à la philosophie et a la théologie latines. Son génie Constantinople? violemment les injustices
sera de ne s'enfermer dans aucun courant, mais de sociales, Grégoire sanlJl progressivement se faire aimer
butiner le meilleur suc de chacun. On trouve, ainsi, de son peuple, quand il pourra entrer à Thessaloni-
dans son livre La Vie en Christ, la théologie pal a- que. Ce printemps de l'Église n'ensoleille pas, pour
miste distillée et ouverte à une audience plus large que autant, la situation de l'Empire!
celle à laquelle pouvaient prétendre ceux qui s'en fai- DlJfant une année, Nicolas demeure au mont
saient les « champions» . Sur le plan politique, Athos, auprès de Grqoire palamas, qui attend de
Myrrha Lot-Borodine est catégorique: « Il faut (... ] pouvoir rejoindre sa ville En \348, Nico-
écarter résolument la fâcheuse légende d'un Cabasi- las témoigne en faveur de Niphon accusé de « mes-
las politicien retors, transfuge opportuniste du camp salianisme ». Puis, il la capitale. Peut-être las
des Paléologues au camp des Cantacuzènes, les deux des turbul91ce5 du pouvoir, J"ft V1lOllIe, ~ 1.3~9,
à se retirér clans un m~. Il s adJom-
dynasties rivales du Bas-Empire. En fait, une telle
dre ceux qui sont . . intimes: .,
accusation, contraire aux témoignages irrécusables sur
Kydonès et Nicolal eabuüaa. lOB HlStOln,
la parfaite honorabilité morale du maître byzantin,
l'empereur . . eera pu
repose... sur une erreur de personnes et doit être reje-
LA VIE EN CHRIST INTRODUCTION 21
20
N'colas et Démétrios reçoivent ces louan- Profitant de la faiblesse de son beau-père, Jean V
envers eux. 1 . 1 d 1
. H mes ayant attelllt e sommet e a Paléologue fomente un coup d'État et entre, triom-
ges . « om . h'l
t qui n'ont pas été mOins p 1 osop es enh
Sagesse, e . d phalement, à Constantinople le 22 novembre 1354.
. r le choix d'une vie chaste et exempte es Jean VI Cantacuzène abdique en décembre. Il se retire
action pa . "
maux inhérents au mar~a.ge . », . au mont Athos et devient frère Joasaph.
Mais la situation politique s aggrave et contraint Il semble désormais sérieusement acquis que, même
VI à demeurer à la tête de l'État. Tous ces évé- s'il suivit un temps Jean VI dans sa retraite, Nicolas
J ean à l' . d N'
nements n'étaient-ils pas présents espnt e ICO- Cabasilas soit resté, sa vie durant, un « laïc " », Et
las quand il écrivait: « Un grand nombre d'hommes nous nous rangeons, avec bien d'autres, à cette con-
f rvents ont à s'occuper de multiples affaires. Ils sont, clusion : « Dans sa vie active de conseiller de l'empe-
e~ effet , responsables de villes et de domaines. Mal- . reur comme dans sa retraite vouée à la prière et à
gré cela, ils n'ont pas sombré dans des tracas .a~g01s­ l'écriture, Nicolas a illustré cet hésychasme dans le
sants. Leur esprit n'a pas abandonné sa paIx . » monde, sans qu'il soit besoin de postuler monachisme
Cette « paix », cette « tranquillité en Dieu» (hésy- ou sacerdoce pour rendre compte de cette vie "chaste
Il
chasme) ne rallie pas l'ensemble de l'Église byzantine. et sage" .»
L'historien et philosophe Nicéphore Grégoras, en par- Nicolas Cabasilas, retiré. de la vie publique, com-
ticulier, mène une lutte acharnée contre les « palamis- pose, alors, selon toute ses deux ouvra-
tes». Nicolas Cabasilas entre en lice et publie un ges majeurs: L'Explication de la Divine Liturgie et
pamphlet intitulé: Contre les radotages de Grégoras. La Vie en Christ.
Cette situation conflictuelle pousse Jean VI à con- Nil son oncle a succédé à la
voquer, en juillet 1351, un troisième concile. tête de de • Gr~oire Palamas
assemblée se réunit aux Blachernes à (1359). Mais Nil meurt sans a~oir pu eue intronisé
Nicéphore Grégoras et les adversaires de Palamas comme arcbeveque. Nicolas publie, en le raisant pré-
condamnés. L'hésychasme est reconnu cédier d'une de sa plume, l'ouvr. de son
conforme à la mystique orthodoxe et à la oncle sur Li{, dM StIùtt-EBprit.
des Pères de l'Église d'Orient. Ce concile La hiItorieu, situent la
aussi le premier désaccord de fond entre Nicolas mon de Nicolas v,rs 1397-1398.
son ami Démétrios Kydonès. Celui-ci C'est dans ua de paix civile et
s'éloigne de plus en plus de Jean VI C~tacuzène que s'est d6roul6e la fin de la vie de N"1COIu, l qui
rejoindre le candidat Paléologue. « fut donnt, • de la )IIciM
LA VIE EN CHRIST INTRODUCTION 23
22
, h re déjà si proche de son tragique cou- no uS faire partager. Ce volume de sept livres enferme
ByzanC", eu 1 é· . .
moissonner et lier tous es piS qUI avalent une source fraîche pour qui, aujourd'hui encore, a
chant, de i avaient levé au so 1 bé ni. d e l' É g 1·Ise soif du Dieu vivant. En nous révélant son ardent
germ,é qu
. " ».
d'Onent amour du Christ, Nicolas nous livre aussi la richesse
Le 29 mai 1453, Constantinople tombait aux mains de son humanité. Sa partition d'aérienne liberté com-
des Turcs ottomans! plète la symphonie grandiose des Pères d'Orient.
L'Église orthodoxe a canonisé Nicolas Cabasilas Homme politique influent, il conserve, malgré la
en 1982. dureté des temps, un invincible optimisme. Son
robuste humanisme a plus saveur de Bible que de phi-
losophie hellène. La Vie en Christ nous laisse entre-
voir un poète vibrant de sensibilité, un psychologue
« LA VIE EN CHRIST » DE NICOLAS CABASILAS plein de finesse et un maître enthousiasmant et ten~e.
UNE SOURCE ANTIQUE POUR DES TEMPS NO UVEAUX Toutes ces qualités ne sont pas sans .;ontrepartles :
« On doit en toute impartialité signaler un défaut
majeur quant à la présentation de "œuvre : sa com-
L'ensemble de l'œuvre. position franchement défectueuse. (... ) Avouons que
Cabasilas ne compose pas du tout. Il se contente de
Aucune icône, aucune mosaïque n'a fixé pour nous dresser un plan général du sujet, après quoi il donne
le visage de Nicolas Cabasilas. Peut-être pouvons-nous libre cours au bouillonnement de ses idées qui se pres-
le deviner sur une miniature? Encore faut-il, un ins- sent en : digressions, retours en arrière ou
tant , aband,Onner au rêve notre imagination. Illustrant anticipations ... foisonnent sous sa plume, s'égaillent
les œuvres théologiques de Jean Cantacuzène'" ne dans plusieurs . à la fois". » L'abbé Brous-
voit·on pas derrière l'empereur, au-dessus du patriar- saleux surenchérit: « La d'exposition de
che et des évêques, les membres de la cour byzan- Cabasilas n'est paS et risque-
tine ? Nicolas est, peut-être, l'un de ces personnages rait de rebuter les On dirait un tor-
figés à jamais pour glorifier l'heureuse conclusion du rent formé sur les hauteun, qui dévale des monta-
synode de 1351 ? gnes. et qui. son pour fouiller
Mieux que les traits de son visage, nous avons dans et combler toutes profondes rencontrées
La VIe en Christ ce qui a embrasé le cœur de Nico- sur sa route. avant de powauivie sa course la
lru. Cabasilas ,celquOa l' f· .
att vivre . a voulu
et ce qu'II plaine: li. au COUR ....... cMvdOf>penlent. Ü lui
24 LA VIE EN CHRIST
INTRODUCl10N 25
arrive de se heurter à une idée féconde, Cabasilas las : « V"ici donc un personnage, ni moine, ni prê-
n'hési te pas à s'en saisir, à l'amplifier avec complai- tre, ni même solitaire fuyant le monde dans un stu-
sance, quitte à reprendre le fil de son discours quand dieux isolement, qui s'est imposé à ses contemporains
il aura épuisé cette pensée" . » par un ensemble de qualités morales et intellectuel-
C'est pourquoi cette édition de La Vie en Christ les, autant que par l'élévation de ses principes, et cela
comprend un plan détaillé pour chacu n des livres. Une sans se dérober au commerce de ses semblables, aux
phrase résume l'essentiel de chacun des paragraphes. sentiments humains tout court 2J . »
J'ai emprunté à d 'autres auteurs les titres de chaque Ce « commerce de ses semblables », nous l'avons
livre. vu, l'avait mis au cœur de différents courants qui tra-
Une seule préoccupation m'a guidé pour cette tra- versaient avec vigueur l'Église de son temps. L'un,
duction: Que le message du maître byzantin soit venant d'Occident, avait saisi sournoisement l'élite
accessible au plus grand nombre , par une lecture intellectuelle byzantine: un humanisme sans Dieu,
aisée. affirmant que la vie de l'homme était l'homme lui-

Ce texte est fait pour une lecture méditative. Ce même. L'autre, implanté en Orient, minait l'Eglise
n'est pas un traité de théologie! Un paragraphe suf- hiérarchique : .elle allait répétant des formulations dog-
fira, parfois, à enflammer notre cœur pour l'Aimé! matiques sal1s impact réel sur la vie et les questions
Tout en ayant le souci de fidélité au texte, je n'ai des hommes d'alors. Enfin, le renouveau magnifique
pas voulu être esclave d'un mot à mot desséchant. de l'hésychasme. Ce mouvement prend en compte
Certains passages de La Vie en Christ ont été omis l'homme dans sa totalit~. Cette démarche mystique
parce qu'ils répétaient ce qui avait déjà été énoncé amène à vivre dé Djeu Iui-m!me d'une manière exis-
ou donnaient un texte qu'on peut trouver autre part tentielle sans rien reJ;JIçr de son absolue transcet'dance.
(voir l'homélie attribuée à saint Jean Chrysostome Il ne s'agit pas, ici, * tomber un parallélisme
dans le livre Il). facile. Le XIV' siècle n'est pas le xx· siècle
! Une question, la théo·
. Le lecteur
,. voudra bien me pardonner les imperfec-
logie de ces deux 6poquea troubWea: ~ent.s'har­
lions qu Il ne manquera pas de trouver. Je signale que
monisent la libre action de Dieu et la libre acuon de
pour une traduction plus « scientifique» il pourra l'homme? Un ' ...........t-il. situe bien
recourir à celle de Marie-Hélène Congourdeau . d'h'
aUJour w COi..m e '-ure de
, -Dil"re JIii\O'
(<< Sources chrétiennes», n~ 355 et 361).
La Vie en èluisl.D s'qit d1t diIcDan cie
Av~nt d'ouvrir La Vie en Christ, faisons nôtre ce du concile U, pu le ...,e .... VI :
regard de 'vlyrrha Lot-Borodine sur Nicolas Cabasi-
LA VIE EN CHRIST
26 INTRODUCTION 27
Grâce au Concile, la manière de concevoir l' homme et
de cela, est toujours fragile et faux égoïste et féroc ' .
l'univers en référence à Dieu comme à leur centre et à leur l'h . . f . . . ' e , pUIS
omme msatls ait de SOi, qUi rit et qui pleure' l'homme
fin s'est élevée devant l'Humanité, sans craindre l'accusa-
versatile, prêt à joupr n'importe quel rôle ,mmerru
et l'ho' 'de
tion d'être dépassée et étrangère à l' hom me. • • t

qu:. ne crOit qu à la seule réalité scientifique; l'homme tel


Cette conception, que le jugement du monde qualifiera
~u Il est, qUI pense, qui aime, qui travaille, qui attend tou-
d'abord de folie, mais qu 'il reconnaîtra ensuite, nous
JOurs quelque chose , l'enfant qui grandit (Gn 49 22)
l'espérons, comme vraiment hU!llaine, pleine de sagesse et
porteuse de salut, prétend que Dieu existe.
l'ho~me sacré par l'innocence de son enfance: par ~~
~y~t~re d~ sa pauvreté, par sa douleur pitoyable; l'homme
Oui, qu ' il est une réalité, un être vivant et personnel, mdlvlduahste et l'homme social', l'homm e qUI. 1oue 1e
qu 'il exerce une providence, qu'il est infin iment bon, et te~ps passé et l'homme qui rêve à l'avenir; l'homme
non seulement en lui-même, mais d' une bonté sans mesure pecheur et l'homme saint. [.. .]
à notre égard également, qu'i l est notre créateur, notre La religion du Dieu qui s'est fait homme s'est rencon-
vérité, notre bonheur au point que [' effort de fixer en lui tr~e a~ec la re!igion (car c'en est une) de l'homme qui se
notre regard et notre cœur, dans cette attitude que nous fait Dieu. Qu est-II arrivé? un choc, une lutte, un ana-
appelons contemplation, devient l'acte le plus élevé et le thème? [... ] La vieille histoire du Samaritain a été le
plus plénier de l'esprit, celui qui aujourd ' hui encore peut modèle de la spiritualité du Concile" .
et doit ordonner l'immense pyramide des activités humai-
nes. [...] Cette démarche féconde est également celle de Nico- ..

L'Eglise du Concile, il est vrai, ne s'est pas contentée las Cabasilas en son époque. Rejoindre « l'homme tel
d~ réfléchir sur sa propre nature et sur les rapports qui qu'en réalité il se présente », voilà son propos. Il ne
l'unissent à Dieu : elle s'est aussi beaucoup occupée de réserve pas son ouvrage à des moines ou des elllu-
l'homme, de l'homme tel qu'en réalité il se présente à notre tes. Il s'adresse' à l'ell~nble des chrétiens qui ont,
époque '; l'homme vivant, l'homme tout entier occupé de en son temps, la possibilité de lire. Son message nous
soi, l'homme qui se fait non seulement le centre de tout ouvre une enthQusiasm~ ~spective : « Les hom- ./:.
ce qui l'intéresse, mais qui ose se prétendre le principe et mes deviennent dieux et mi' de Dieu. Notre nature
la raison dernière de toute réalité. Tout l'homme phéno- reçoit les honneurs dus à Dieu et la poussière est éle-
ménal, c'est-à-dire avec le revêtement de ses innombrables
vée à un tel degré de gloire qu'elle égale en honneur
apparences, s' est comme dressé devant l'Assemblée des
et dignité la nature divine". »
Père~ conciliaires, des hommes, eux aussi, tous pasteurs
La spiritualité de Cabasilas ne propose rien
et freres, attentifs et aimants: l'homme tragique victime
d'impOssible à tout chrétien quel que soit son « état
d~ ses propres drames, l'homme qui, hier et aujourd'hui,
de vie » : 4( Notre à l'égard de cette loi
c. erche à se mettre au-dessus des autres, et qui, à
LA VIE EN CHRIST INTRODUCTION 29
28
1

.' r ue aucune épreuve spéciale. Il ne faut ni sup- piteront vers cette lumière qui n'aura jamais cessé de
n Imp Iq multiples peInes," ni
dépenser de l' argent. \
~rer t de ' S les accompagner [... ) Lorsqu'Il jaillira comme l'éclair
Il ne 'n résulte ni déshonneur ni honte. ous aucun au-dessus des nuées, Christ recevra Ses propres mem-
ct nouS n'en serons amOIn 'd' fiS, CeIa ne nous
aspe" he pas d'exercer notre metIer . ' et ne crée nu 1 0 bs- bres qui afflueront de toutes parts, Dieu au milie16
~ pee U ., l ' de s dieux , Coryphée splendide d'un chœur
tacle à nos occupations courantes, n genera contI- magnifique" ! »
nuera à commander, un fermier à cultiver le sol et Ainsi, attendant ce retour du Christ glorieux, nous
un artisan à s'adonner à ses travaux, Personne n'est 1 vivons, ici-bas, la gestation du monde à venir: « En
privé de ses biens ~ cause de cette loi. ?n n: est ~a~ somme, ce monde-ci est dans la douleur pour enfan-
contraint de se retIrer dans quelque COIn desert, ni ter un nouvel homme intérieur "créé selon Dieu". Il
de manger une nourriture étrange, ni de s'habiller dif- est façonné et formé ici-bas, et naît achevé pour cet
féremment, ni de ruiner sa santé ou de se risquer dans autre monde achevé qui ne périt pas. La nature pré-
quelque action téméraire, Tout en restant chez soi et pare le fœtus , quand il est encore dans l'eau et l'obs-
sans perdre aucun de ses biens, on peut constamment curité, en vue de l'autre vie qui est lumière. La nature
s'adonner à cette méditation" , » Le maître byzantin façonne le fœtus pour l'existence qu'il va recevoir.
ajoute: « Nous changeons non pas de lieu mais On observe quelque chose de semblable chez les
• 29
d'existence", » D'emblée il nous indique que c'est saInts .»
au creux du quotidien, au cœur de notre vie que jaillit Dieu lui-même s'est fait pèlerin vers l'homme par
pour nous la vie éternelle, La vie de l'homme est per- l'incarnation, la mort et la résurrection du Christ. Sur
çue, dès lors, comme un pèlerinage. Le chrétien est le chemin de notre existence, aujourd'hui, Il conti-
en route vers sa vraie patrie, nue de faire route avec nous. Il vient à notn: ren-
Comment doit-il se comporter dans l'aujourd'hui contre pour nou~ offrir amitié, pardon et grâce:
du voyage? Telle est la recherche de Nicolas Caba- « Par quel moyen cette vie pénètre nos âmes? Cela
silas. Illuminés par les sacrements (mystères) de l'ini- se réalise par notre initiation aux mystères, c'est-à-
tiation chrétienne, les disciples du Christ s'acheminent dire, être baptisés et chrismés et communier à la ""inte
vers la gloire: « C'est avec ce Soleil [Christ) que Table. Grâce à cela, Christ vient et demeure en nous.
';ivent les bienheureux ici-bas et, à leur mort, cette Il s'unit à nous et ne fait qu'un avec nous. Il étouffe
lumière ne les abandonne jamais. Les justes le péché en nous et nous rend participants de Sa vie
toujours en eux cette lumière. Ils en et de Ses mérites. 11 nous associe à Sa victoire JO. »
quand ils parviendront dans l'autre vie. Ils se Ne fallait-il pas déployer cette fresque aux couleurs
,

LA VIE EN CHRIST INTRODUCTION 31


30
mieux percevoir comment s' harmoni- bruits et la vie en société comme la p'este, ils vou-
du sal ut pou r , lib' d l'h ? laient ne se préoccuper que de Dieu seul. Avec toute
sent le libre vouloir de Dieu et la erte el ' [oCmmh' e J'
«Cohéritiers des mêmes richesses .que Ul rIst , l'énergie dont des hommes sont capables, ils 'étaient
ég nerons avec Lui dans le ' meme Royaume - surpassés en exploits magnifiques et comptaient obte-
nous 'sr que nous-mêmes, de par notre l'b h
1 re c OlX,
' ni~ de Dieu mieux encore , Mais, dès qu'ils ont relâ-
à mom . d 'ch' ,
nous nouS aveuglions en cette vie et e IrIo ns, notre ché q uelque peu leur espérance et leur confiance
tunique royale, Ici-bas, nous devons donc veiller à entière en Dieu , ils se sont, tout à coup, livrés aux
ceci: accueillir Ses dons, garder Ses faveurs, et ne actions les plus honteuses et ils n'ont reculé devant
, )2
pas rejeter la couronne que Dieu , par tant de fati- aucun vice , »
gues et de labeurs, nous a tre~sée , Telle est la vie e,n Myrrha Lot-Borodine, avec sa clairvoyance habi-
Christ que confèrent les mysteres , Telle est cette vie tuelle , écrit:
à laquelle la ferveur de l' homme doit aussi contri-
buer" , » Constatons que, tout en étant un partisan du libre arbi-
Ce texte amène naturellement à mieux cerner tre, ainsi d'ailleurs que tous les théologiens orientaux, Nico-
manière originale dont N icolas Cabasilas traite de las Cabasilas professe un synergisme très nuancé [ .. ,) il
synergie" , commence par placer l'accent fort, avec une telle inten-
La vie spirituelle d'un !!rand nombre était sité, sur la grâce de l'initiation sacramentelle; grâce qui
alors, de stoïcisme, À la gratuité absolue du salut nous confère les prémices de l'être même; si bien qu'il
réponse de l'homme, au lieu de se faire accueil paraît ne réserver à l'homme qu'un rôle passif ou négatif
et libre, tournait parfois à une ascèse héroïque. dans l'ordre du Salut: ne pas refuser, ne pas perdr~ les
las dénonce le danger de ces efforts surhumains, dons accordés à titre gracieux. [... ) En réalité CabasIlas,
l'on semble mettre plus de confiance dans l' volontariste-né, tiendra le plus grand compte de l'exercice
que dans la grâce de Dieu: « Nous connaissons de ce vouloir libre, immanent à la créature-image. [... )
témoins qui, après s'être dévêtus, se sont imposé Toujours est-il que loin de récuser, dans une sorte de
quiétisme, l'apport personnel, actif, du chré-
les efforts pour le bien et la vertu; ils ont fini,
tien engagé, Nicolas Cabasilas ne perdra jamais une occa-
tant, par s'égarer dans les pires excès. Ils sion pour lui rappeler obligations militantes et pour
d'abord réfugiés sur les montagnes. Fuyant tous les stimuler au besoin. - et cela prime tout
,
• C'est,à-dire: comment, d';ins l' œuvre du salut en ici - il cherchera à des _ « »,
ChrISt,. se conjuguent et coopèrent la souveraine libet té de comme il dit en nous et tous, à la voie
et le hbre arbilre humain, royale de l'Amour sacrificiel, voie par le et
32
LA VIE EN CHRIST INTRODUCTION 33

où grâce et liberté se rejoignent spontanément parce croyant, exaltant souverainement sa liberté. Cette
que s'ouvre le passage de l'Amour-Appel à l' Amour- « Pâque » du Christ dans nos vies est méditée et imi-
Réponse " . tée dans les Béatitudes. Elle, est contemplée dans la
..
pnere et nous en sommes nourris par les sacrements.
Ce passage du livre IV de La Vie en Christ est Dans La Vie en Christ, les sacr~ents de l'initia-
significatif de cette démarche : « 11 nous faut consi- tion retiennent longuement Cabasilas. Ils constituent
dérer que Christ, qui nous convie à Son banquet, lutte l'autre partie de son oeuvre. Ce sont le baptême
à nos côtés. Or, un compagnon de combat prête (~ivre II).' .l'o~ction ou chrismation (livre Ill) et
main-forte non à ceux qui paressent et se traînent 1 euchanstle (hvre IV). Le livre V traite de la consé-
mais aux vaillants qui, avec courage et force, lutten~ cration de l'autel. Chacun des livres recèle, cependant,
dignement et bravement contre l'adversaire. [ ... ] Ainsi, une multitude de digressions qui n'ont pas toujours
lorsqu' Il [Christ] nous crée et nous confère l'onction un rapport direct avec le sujet abordé. Rappelons que
Il nous munit de tout ce qui peut enhardir notre cou~ l'écrit de Nicolas n'est pas un traité construit à la
rage, et affermir notre persévérance pour combattre manière des scolastiques occidentaux.
et vaincre. Quan~. Il lutte à nos côtés, Il ne fournit Gardons l'image suggestive du ( torrent »... Ce
plus tout l'effort . » « torrent» met à vif une théologie sacramentaire
Nous pouvons reprendre, avec Myrrha Lot- d'une grande profondeur. Il n'est pas question, en ces
Borodine. cette conclusion: « Et voilà la chaîne quelques lignes, d'en détailler la riche fécondité. Il me
rismatique qui se déroule à travers l'espace idéal semble pourtant utile de so\!ligner d'emblée comment
trois Sacrements, jalonnant en un crescendo notre maître byzantin conçoit les « mystères» :
l'ascension de la c~éature libérée vers son éternité"
\ . « Jamais Cabasilas ne considère \es sacrem\!nts comme
de simples instruments ; toujours, il voit. il célèbre
en eux les véhicules des énergies incréées transmises
aux humains, véritables antennes captant pour eux les
Les livres de « La Vie en Christ ». ondes du divin. Jamais non plus il ne cessera de pro-
clamer, de répéter que leur efficace a pour cause
immédiate l'œuvre salvifique du Fils, du Kyrios (Sei-
,Dans la fructueuse dialectique entre liberté
gneur). Mieux : de la Personne unique, en deux natu-
1 h~mme et grâce de Dieu, ce sont les livres VI et
res non confondues. du Dieu fait homme, mais
qU~emetten.t le plus en valeur l'agir humain.
homme déifié dans sa chair comme dans son âme,
mystere pascal du Christ s'actualise en

-
34
LA VIE EN CHRIST INTRODUCTION 35

.
l'Espnt rep osant éterneIlement sur l' une comme sur ment souffert l'écartèlement de leur corps, refusant
l'autre. De là ce pouvoir de nous transfigurer
.,. en nous toute séparation d'avec Christ. [ ... ] Le charme de
. '1 t à Lui dans l' acte mysténel propre . » l'amour humain est grand, mais la tendresse de Dieu
asslml an . ' d' d" 1
tt
Ce e manière de vOIr est bIen ceIle un ISClp e est plus grande encore à concevoir! [... ) Puisque
. h' h
de G re'goire Palamas et de la mystIque esyc aste. l'amour de Dieu est si vast.:, l'union en laquelle Il
L Vie en Christ ne situe pas le ché' r tien dans une attire ceux qui aiment surpasse l'intelligence humaine.
« l'mQitation psychologique » du Sauveur. , Cabasilas ,Et cela tellement qu'aucune comparaison n'est
détaille plutôt comment chacun des « mysteres » nous pOSSI'bl e " . »
« incorpore » au Christ: « par ces mystères sacrés, Parlant du Sauveur, Nicolas précise plus loin:
comme à travers de larges baies, le Soleil de Justice « Rien qu'II ait en commun avec d'autres. Rien non
pénètre notre monde obscur. Il détruit la vie selon plus à quoi on puisse Le comparer, ni rien qui LUI
ce monde, et exalte la vie sur-natureIle, La Lumière soit comparable, Comment donc pourrait-on connaî-
du monde triomphe ici-bas, selon ce qui est dit: "J'ai tre Sa beauté? Comment L'aimer aussi ardemment
vaincu le monde". Celle lumière pénètre de vie qu'Il est beau? Quand des hommes éprouvent un vif
immortelle et impérissable nos corps mortels et désir de L'aimer. d'une envie qui surpasse la nature
"
penssa bl es " . » humaine ; quand ils désirent réaliser des actions incon-
Partant de notre incorporation en Christ cevables, c'est l'Époux qui les atteint en les inspirant
mystères , Nicolas Cabasilas élabore une ainsi. C'est Lui qui ouvre les yeux à Sa beauté. La
empreinte d'une ardente tendresse pour le profondeur de la blessure que la flèche a
Dieu. Le maître byzantin est captivé par le frappé juste et l'ardeur du ~if lévèle Celui qui a
du Christ, nouvel Éros qui nous blesse d'amour blessé". »
« Est-ce comparable à l'amour divin? Il Preuve de l'efficacité de la en nous: un brû-
que le mariage et l'accord entre la tête et les lant ravissement saisit ccux qui se séduire par
bres expriment tout spécialement l'hallllonie et 1 l'amour du Fils unique, dens le mystère
[... ] Les membres sont unis à la tête, ils vivent de Sa passion. Avec le ~1<JIÎen se fait
cette communion et ils meurent s'ils en sont poète et dècrit les souffreoces de trois failleurs de la
Les membres de Christ sont plus étroitement unis foi, qui n'avaient reçu le Leur martyre
Lu:. qU'~ leur propre tête, c'est même plus par pour le Christ les l SoD 'l'Orpe. Le Christ
qu Ils VIvent que par leur jointure à elle. Les les avait séduits de so" , c o e par un pbil-
heureux martyrs en témoignent, eux qui ont A' .
tre.IDSl ...._; .-~
.. ,~... le :
LA VIE EN Cf-fRI ST INTRODUCTION 37
36
· 'i l combattait lui ouvrit les yeux de l' âme lumière jaillie des mystères, au cas où celle-ci aurait
« Ce1ut qu Gél f . éd ·
et lui montra Sa beauté divine. ase ut tmm I.a- été obscurcie par les ténèbres du péché. Faire revivre
tement ravi par cette beauté. [... ] Cet amour de Chnst ceux qui tombent et meurent à cause de leurs péchés:
est une extase. » . ,. voilà l'œuvre de la Table sainte". »
Ou le noble Ardalion: « Quand II déclar~ qu II Cette excellence de l'eucharislie, Nicolas l'explique
L'aimait [Christ], le feu de l'amour se répandit dans en commentant la parole de Jésus : « Qui mange ma
son cœur, comme s' il lui avait été insufflé [ ... ] le tré- chair et boit mon sang demeure en moi et moi en
sor des fleuves bondit de sa bouche en son
..
cœur . »
lui" . »
~ vec Salaville, notons le jeu de mots voulu par
La théologie cabasilienne des « mystères» recèle Cabasilas entre Evoikos et oikio": « Si Christ
encore d'autres merveilles, mais « La base de tous ces demeure en nous, de quoi avons-nous besoin? Que
développements, c'est bien toujours, on le voit, l'ana- nous manque-t-i1 ? Si noui demeurons en Christ, que
logie du corps, de la tête et des membres, la pouvons-nous désirer de plus? Il est notre hôte et
mation du chrétien au Christ, l'adaptation de la notre demeure" . »
du baptisé à la vie du Christ par tout un Notre incorporation au Christ par les mystères,
de sens nouveaux et de facultés nouvelles nous l'avons vu, amène Nicolas Cabasilas à élaborer
un véritable organisme" ». une théologie de l'ardente tendresse pour le Christ.
De nombreux commentateurs inscrivent, à D'autre part, parlant surtout de l'eucharistie, le maî-
droit, La Vie en Christ dans la lignée paulinienne, tre byzantin nous révèle jusqu'à quelle profondeur le
cause du theme du corps. Il faut rectifier quelque Christ est uni à nous. Ne s'écIiera-t-ii pas, comme
cette vision, au moins en ce qui concerne 1 à bout d'arguments: « IChrist) n'OSf absent d'aucun
tie. Nicolas ne puise-t-il pas à la veine johannique endroit. Il est impossible qu'Il ne soit pas en nous.
de trente-deux fois? Pour ceux qui Le cherchent, Il est CIl eux, plus inti-
Tous les sacrements concourent à notre que leur propre .»
tion au Christ, mais l'eucharistie plus que tout Avec bonheur, Nicolas parfüt sa théo~e de notre
« "Seule l'eucharistie porte à leur perfection les au Christ par uae Qu!,JW est
sacrements" [... ] elle les complète en comblant Dans le droit du il
vide qui, sans elle, ne pourrait l'être. L'eucharistie l'imllle du Chri..-tete par du JCbriat-
l'~uxiliaire des autres sacrements quand ils sont cœur de
Parlant de
nes. Elle ravive ainsi, en ceux qui les ont reçus,
LA VIE EN CHRIST INTRODUCTION 39
38
, de l'eucharistie, cof)1It1e un remède, Caba- Oui, « celui qui a choisi de vivre en Christ doit
noU, avons . 1 "
'1 écn·t· « De ce Cœur bienheureux, a vie vénta- s' attacher à ce Cœur »...
slas . " ' .
ble est impulsée en nous, gra~e aux energles de
, h ristie". » Il aj oute: « QUI donc, plus que la Cinq siècles après Nicolas Cabasilas, une humble
l eue a f'" b ?
"t peut commander e tlcacement aux mem res . carmélite redécouvrit ce message. Thérèse de l'Enfant-
te e, . b
Tous les autres sacrements ~ou s CO?stltu~nt, ~em res Jésus écrivit ces mots de feu: « La charité me donna
d Christ. mais c'est le Pam de vie qUi realise cela la clef de ma vocation. Je compris que si avait
a~ec encore plus de perfec:ion , Car, si les membre~ un corps, composé de différents le plus
vivent c'est à cause de la tete et du cœur [ ... ] ce qUI nécessaire, le plus, noble de tous ne lui manquait pas,
est du rôle de la tête et du cœur Lui revient aussi je compris que l'Eglise avait un cœur, et que ce cœur
puisque nous avons en Lu.i I~ , vie et I.'agir 48.» . était brûlant d'amour. Je compris que l'amour seul
Dans cette insistance partlcuhere de Nicolas Cabasl- faisait agir les membres de l'Église. [ ... ] Je compris
las, il nous est plus aisé de voir aussi quel sens il donne que l'amour renfermait toutes les vocations, que
à l' expression « cœur du corps ». Comme le cœur est l'amollr était tout, qu'il embrassait tous les temps et
le principe intime des forces vitales, le Christ est le prin- tous les lieux ... en un mot, qu'il est éternel! Alors,
cipe intime de nos forces vitales surnaturelles". dans l'excès de ma joie délirante, je me suis écriée :
Citant ce passage de La Vie en Christ : « De Ô Jésus, mon Amour [ ... ] ma vocation, enfin je l'ai
que "Christ une fois ressuscité des morts ne trouvée, ma vocation, c'est l'Amour". »
plus et que la mort n '~xerce plus de pouvoir sur Nicolas Cabasilas termine ainsi sa Vie en Christ :
(Rm 6, 9), pareillement, les membres du Christ ne « Quel mot conviendrait mieux pour dire "vie" que
ront pas la mort non plus. Comment le mot "amour" ? Ce qui seul survit et aux
subir la mort, alors que ~ur toujours ils vivants de continuer d'être quand tout disparaît, c'est
au Cœur vivant 50 ? » la vie, c'est l'amour". »
Myrrha Lot-Borodine jubile: « Voilà lâché le
clef qui explique toutes les transpositions
nes... Cette substitution du "Cœur triomphant Pour ue pa calldun...
débordant de béatitude" à l'image paulinienne
"Tête", substitution consciente et voulue, nous Nous venons de voir en quoi La Vie en Christ dif-
la pente affective d'une âme d'élite, sa course férait quelque peu des thèmes habituels de la théolo-
mue par la soif de l'immense amour in octu". » gie mystique Mais, comme je le précisais


LA VIE EN C HRI ST INTRODUCTION
40 41

rem ière partie de cette Introduction, Nico- pas son but! Il nous fait cependant pressentir où
dans 1a P .
d à so n compte les pomts forts du pala- nous pouvons découvrir l'essentiel.
las repren
.
mlsme. II diffuse la pensée hésychaste à chaque
. page Qui saura savourer ces pages de La Vie en Christ
de son œuvre. Nous l'avons perçu en ce qUi concerne trouvera une source antique et fraîche dans les déserts
l' . d l'h
le domaine sacramentaire où tout agir e omme que sont souvent nos temps nouveaux!
• •
chrétien trouve son on gme.. " À quoi tient cette actualité de Nicolas Cabasilas ?
En d'autres chapitres, Cabasllas decnt comment les D'abord à son expérience. Ce laïc a vécu dans un dè-
sens de l'homme sont transfigurés et saisi.s . pa~ la cie de grands desastres pour l'homme. Un temps de
lumière de la grâce. S' agissant de notre déificatIOn, dévastation de l'Empire byzantin, mais aussi de cnse
cette certitude traverse La Vie en Christ comme une dans l'Église orthodoxe. Ses charges dans la vie publi-
comète illuminant tout sur son passage. Il n'est pas que sont allées de pair avec la défense de la vraie foi.
jusqu'à la « Prière de Jésus » dont Nicolas ne nous Qu'on se souvienne de cet envoyé des Thessaloniciens
entretienne avec douceur: « Nous ne nous auprès de l'empereur ... qui deviendra, quelques années
pas au Maître pour qu'il nous couronne ou noua plus tard, un de ses conseillers. Homme d'action et
accorde quelque autr!! faveur, mais pour qu'II ait contemplatif, chr~ien engag~ dans la vie du monde,
de nous. [... ] Lorsque nous élevons nos voix on comprend aisément ce que cette double « mili-
Dieu, c'est pour implorer Sa miséricorde. C'est tance » a dû stimuler en lui ! Des questions, qui sont
ceux dont les actions ont besoin de pitié, nous les nôtres, au quotidien ...
pécheurs, qui faisons ainsi entendre notre voix. Actuel, Nicolas est aussi par sa manière
invoquons Dieu par notre voix, notre esprit et réaliste et optimiste d'cnvisaaer le monde et l'huma-
pensées, aNn qu'à tout ce par quoi nous nité. La situation de sob n'appelait pas, pour-
nous appliquions l'unique remède salvifique". » tant, à vue humaine, ~e robuste espérance. Loin
Clore ces quelques lignes de « mise en route» fuir le monde, il en le ÜOlJ où J'on réalise son
la lecture de La Vie en Christ m'amène à insister salut et celui des n ne lm pas urgent

l'actualité de Nicolas Cabasilas. Sa personne et de s'encombrer •

message, au-delà des siècles, rejoignent notre Tout en restant chez lOi. et _
rience existentielle de la foi chrétienne. biens, on co ..cal.
Lire cet ouvrage, c'est accepter de ne pas en .,.
ÏDtuiÛOll qui ..... quelque deux
à des notions superficielles ou incomplètes.
. . . . plus ...... ua de Sales
Certes, Cabasilas n'a pas réponse à tout, ce
LA VIE EN CHRIST INTRODUCTION 43
42

l 'Introduction à la vie dévote. Il s' en leur exaltation de notre nature bonne, destinée ab initio
à composer . .
. . C'est une erreur [... ] de voulOIr banmr à la Béatitude. De ce fait , bien qu'heureusement nuancé,
explIque . « b le synergisme cabasilien échappe aux sollicitations secrè-
. d'
la vIe evo te de la compagnie d es soldats
. , d e la ou-
. d es a rtl'sans , de la cour des pnnces, du m énage tes du pessimisme de la lignée du docteur d ' Hippone ; à
tIque plus forte raison, aux déchirements de l'angoisse d'un Pas-
des gens man'é sJO .» . .. cal, d' un Kierkegaard surtout.
Remarquons que pour réaliser leur dessem , I~ lalc lei nous vivons dans un tout autre climat, climat de con-
b yzanmt · et l'évêque savoyard puisent
, leur
,' . doctnne à fiance non déviée de la source originelle. Ni névrose, ni
1 même sève nourricière des Peres de 1 Eghse. « doute, ni angoisse.
:ui se sont promenés en un beau jardin . n 'en Par ailleurs, l'étonnante largeur de vue de l'humaniste
pas volontiers, sans prendre en leu r m a m q uatre chrétien, ainsi que la noble tolérance naturelle à cet homme
cinq fleurs pour les odorer et tenir le lo ng de chez qui la pensée épouse la sensibilité, permettent de voir
• • S1
Journee . » en lui ( ... ) une haute et forte personnalité qui n'appar-
Au « jardin » de La Vie en Christ, les p lantes tient qu'à elle-même" . »
riférantes s'appellent: M axime le Confesseur,
Au terme de ce travail, je tiens à faire mémoire de ma
goire de Nysse, Jean C hrysostome, C yrille de
grand-tante Marcelle Vidal. Dans les dernières sentes de
salem, Basile de César ée... Leurs multiples
sa « Montée au Calme! » ne m'a-t-eUe pas secondé, de lon-
inspirent bien des pages de Nicolas Cabasilas ! gues heures, pour œuvrer à ce livre?
que nous commencions la lecture et la méditation À elle et à Maman Qu'elle a rejointe dans « la Joie qui
La Vie en Christ, je ne résiste pas à camper, par demeure» ; à Michel Heme, pour son affectueux soutien ,
texte de Myrrha Lot-Borodine, la silhouette de à Stéphanie Lac\eJacnce, A4:notf Barrue\ et Sylvain Isabey,
qui nou\ parle de son Bien-Aimé: mes filleuls ; à Bc:lI1ard Tesl'rd et au Pàe Robert Lavcau,
pour leurs conseils amiœux ; à loua ceux auxquels
Moraliste au sens évangélique du mot, il ce livre voit le jour, je d6die eet hllmble travail.
estompe, nous l'avons vu , les disciplines contraignantes
(aoDI 1985),
l'ascèse, dans le rayonnement de la foi, de l'espérance
Castelflllll-d'ÂIIde )986-man 1992),
tout particulièrement, de la Charité aux mille visages ;
YiIl(juif. ell ~ 25 man 1992,
jours l' intuition et la science des cœurs, éclairées en
leurs replis. foie de l'ÂnnOllCÙllion de III Yierp Marie.
• Là encore la synthèse est grecque en tant QU
.ogle théocentrique : celle des Pères pré-augustiniens
LA VI E EN CHRIST
44 INTRODUCTION 45
Notes de Robert Fossier, Le Moyen Âge, Éd. Armand C 1· III
122 d J 0 IR, t. ,
p . . ' ans ean MEYENDORFF, Saint Grégoire Palamas et la
mysllque orthodoxe, Éd. du Seuil, coll. « Maîtres spirituels )'
1. S. SALAVILLE, Introduction à Nicolas CABASILAS , p . 106, et dans Michel KAZLAN, Tout l'or de Byzance, Galli:
L'Explication de la Divine Liturgie, Éd . du Cerf, coll . « Sour- mard, coll. « Découvertes », n° 104, p. 110.
ces ch r~tien nes », n 4.
D
2 1. M. LOT-BORODINE, p. 9.
2. P . LEMERLE, Histoire de Byzance, PUF, coll . « Que sais- 22. S. BROUSSALEUX, La Vie en Jésus-Christ Éd lrenikon,
je ? », n° 107, p. 116. 1932, p. Il. ' .
3. J. MEYENDORFF, Saint Grégoire Palamas et la mystique 23. M. LOT-BORODINE, p. S.
orthodoxe, Éd. du Seuil, coll. « Maître spirituels », n° 20, p. 88. 24. PAUL VI, Discours de la séance publique du 7 dé<embre
4. Ibid., p . 90. 5. Ibid., p. 125. 1965 , coll. « Documents conciliaires » • nO 6 ,Éd
. du C t·
enunon
6. K. WARE, Approches de Dieu dans la tradition ortho- p. 244, 247, 248. '
doxe, Éd. DDB, coll. ,( Théophanie n , p. 192- 193 . 2S. La Vie en Christ, l, 4, E; p. 64.
7. M. LOT-BORODINE, Un maître de la spiritualité byzan- 26. Ibid., VI, 8 ; p. 238-239.
tine au XtV' siècle, Nicolas Cabasilas, Éd. de j'Orante, p. 1 27. Ibid., l, 4, C; p.61.
8. 1 Co 6, 19. Comme tous les textes bibliques qui 28. Ibid., IV, 16, A ; p. 198.
mentionnés dans cet ouvrage, cette citation est extraite de 29. Ibid., l, 2, A; p. SI.
Bible de Jérusalem (Éd. du Cerf). 30. Ibid., l, 9, A ; p. 77-78.
9. G. PALAMAS, Triade pour la défense des saints 31. La Vie en Christ , 1, 9. D·,p. 82 .
tes, l, 3, 38, trad . J Meyendorff, Spcilegium Sacrum 32. Ibid. , VI, 10, B; r 242.
niense, Louvain, 1959. 33. M. LOT-BoRODINE, p. 67, 68.
10. ). MEYENDORFF, p . 103. II. Ibid., p. 91. 34. La Vie en Christ, IV, 9, C et 0 ; p. 182- 183 .
12 . Ibid., p. 101. 35. M. LOT-BoRODINE, p.68.
13 . M.-H. CONGOURDEAU, La Vie en Christ, Éd. du 36. Ibid., p. 6S.
coll. « SObrces chrétiennes », nO 355, p. 12. 37. La Vie en Christ, l, 4, 0; p. 62.
14. M. LOT-BORODINE, p. 3. 38. Ibid., l, 2, E et 11 ; p. 54-<b.
IS. CANTACUZÈNE, Histoire, livre IV, chap. XVI. 39. Ibid., II, 9, E ; Po- 122.
16. N. CABASILAS, La Vie en Christ, VII, 2, H (voir 40. Ibid., Il, 9, H ; Il. 12S-126.
p. 281). 41. S. SALA VILLE, p. n.
17. Voir M.-H. CONGOURDEAU, p. 17 à 25 : « Pretre, 42. LA V~ en Cllrùt, IV, l, D; p. .KJO.
ou laie? » 43. Jn 6, S7.
18. Ibid., p. 25. 19. M. LOT-BoRODINE, p. 18S. 44. S. SAI AVILLB, p_ 42_
20. Les Œuvres théologiques de Jean Contacuùne (1371 4S. LA Vie en Chrùt, IV, l, C; p. IS8.
SOnt conservées à la Bibliothèque nationale à Paris. La 46. Ibid., VI, 12, A; p_ 362.
47_ Ibid., IV, 6; p.l72.
tille à laquelle nous faisons allusion est reproduite dans le
46 LA VIE EN CHRIST

48. Ibid., p. 172-173.


49. . SALA VILLE, p. 59.
50. La Vie en Christ, IV, 15; p. 197.
51. M. LOT-BoRODINE, p. 115.
52. TIlÉRtSE DE L'ENFANT-JÉSUS, Manuscrits autobiographi-
ques, Éd. du Carmel de Lisieux, 1957, p. 229.
53 . La Vie en Christ, VII, 4, D ; p. 315.
54. Ibid., VI, 12, B ; p. 263.
55. Ibid., VI, 8 ; p. 239.
,
56. SAINT FRANÇOIS DE SALES, Introduction à la vie dévote,
Éd. du Seuil, coll. « Livre de vÎe», nOl 21-22, p. 23.
57. Ibid., p. 76.
58. M. LOT-BORODINE, p. 176-177. LA VIE EN CHRIST

• ,
1

1
(/
i

LIVRE PREMIER

« QUELLE TENDRE BLESSURE


, 'AU CENTRE DE MON ÂME' ! »
,
Dieu prend le chemin de l'homme
, et lui manifeste son amour
1 par les sacrements du baptême,
• de la chrismation* et de l'eucharistie

1. - - La vie en Christ
en nlJ1Îs dès cette existence d'ici-bas.

La vie en Christ grandit en nous dès notre exis-


tence ici-bas: elle en tire ses premiers fruits. La vie
,
en Christpouvecependantsa plénitud~ dans la.. 'lie
à venir, lorsgqe nous atteindrons le dernier jour. Cer-
tes, notre actu~le existence ne peut introduire com-
plètement en nous ni la vie en Christ ni la vie du
monde à venir! Mais il n'empeche que nous devions
déjà commencer, en notre existence d'ici-bas, à pro-
duire les premiers fruits de notre vie en Christ. En

• Chez les chrétiens de rite latin :


LA VJE EN C HRJST « QUELLE TENDRE BLESSURE AU CENTRE .. . » 51
50

effet, dans notre existence présente, ce qui est char- venus les unes sans l'huile, l' autre sans le ~êtem~nt
nel fait comme un voile. L' impureté et la corruption de noces mais il était trop tard pour qu tls s en
qui découlent de la chair ne peuvent hériter de •
procurent.
l'incorruptibilité' . Voilà pourquoi Paul pense que ce
erait un gra nd avantage de mourir pour être avec
Christ. Il dit : S 'en aller et être avec Christ est bien 2. - La vie en Christ consiste
préférable'. Mais si la vie à venir devait admettre en l' union avec Lui.
ceux qui n'ont pas les facultés ou la sensibilité d'en
jouir, cela ne leur apporterait pas le bonheur. De tels A. - De même que la nature prépare
êtres habiteraient morts et malheureux en un monde le fœtus pour la vie ...
bienheureux et immortel! En voici la rai son: la
E somme ce monde-ci est dans la douleur pour
lumière apparaîtrait et le soleil brillerait de ses purs
enf:nter un' nouvel homme intérieur cr~é selo~
rayons, mais notre vue ne serait pas formée pour les
Dieu' . Il est façonné et formé ici-~as, et ~aJt acheve
voir. Avec abondance et imprégnant tout, les parfums
• •• de l' Esprit ~e répandraient , mais notre odorat défail-
our cet autre monde achevé qUI ne pént pas ·, La
P d il est encore dans l eau
lant ne pourrait les sentir. nature prépare le fœtus, quan . . 1 mière
. é n vue de l'autre VIe qUI est u .
Ce jour-là, les amis de Dieu pourront participer aux et l'obscunt , e r l'existence qu'il va
mystères avec le Fils de Dieu·. Ils apprendront de Lui La na~ure fa~~;~!e q~~I~~e ~:ase de semblable chez
ce qu' Il a appri s du Père' , à la seule condition de recevotf. On " l'apôtre Paul aux GaJa-
venir comme des amis qui ont des oreilles pour les saints. C'~( y; qu expo::s ue j'enfante à nou-
entendre' . Dans l'autre monde, il ne sera plus temps tes : Mes petIts enfant~, ,q 1 Christ soit
de nouer amitié ou d 'ouvrir nos oreilles, de préparer veau dans la douleur Jusqu â ce que e
notre vêtement de noces ou de parer la chambre nup- formé en vous •.
t;aJe. Seule notre existence présente travaille à cet ave- ,
nir. Ceux qui n'ont rien préparé, avant de s'en aller, B. _ La vÎe futufeJéSt comme
ne partageront pas cette vie-là. Les cinq vierges et « infusée » en notre
l' homme invité aux noces en témoignent: ils étaient
présente... b lu
les embryons n'ont a so -
Cependant, alors ~ue de la vie qui les attend. les
• Il s'agit des sacrements de J'initiation chrétienne que sont ment aucune perception
le baptême, l'onction avec I~ chrême (myron) et J'eucharistie.
52 LA VIE EN CHRIST « QUELLE fENDRE BLESSURE AU CENTRE ... » 53

f bienheureux ont dès l'existence présente maintes révé- orté le feu" et l'épée ", Il ne part pas aussitôt et
• lations sur la vie future. En voici la raison : pOur les ~~p laisse pas aux hommes le soin de pla~t~r. la
enfants à naître cette existence n'est pas présente. Elle semence, de nourrir, d'allumer le feu o~ d utlhser
es:, pour eux, « à venir ». Dans leur condition, aucun l'épée. Lui-même reste réellement ,parmi n~us: Il
rayon de lumière ni quoi que ce soit ne leur fait pres- opère en nous la volonté et le fOire , selon 1 expres-
sentir cette vie. Il n'en est pas ainsi pour nous. Cette sion du bienheureux Paul. C'est Lui qui allume le feu
vie future est comme « infusée» en notre existence et l'applique. C'est Lui qui tient l'épée. En so~me,
présente à laquelle elle se mélange. Pour nous aussi
fanfaronne-t-elle, la hoche, contre ce/~1 ~U/ la
ce Soleil se lève avec la tendresse de Dieu pou r le~
brandit"? Ainsi en est-il pour ceux qUi fUient la
hommes, le chrême céleste s'épanche en nos contrées
Bonté: ils n'arriveront à rien de bon!
fétides. Le pain des anges' est donné aux hommes.

C. - II et donc possible, D. - Mieux: nous ne foisons


dès maintenant, de vivre qu'un avec Christ ...
et d'agir avec Christ... Et pourtant le Seigneur n'a pas simplement promis
d'être présent avec les saints, mais de demeurer av~.c
D:m s ce monde, il est donc possible aux saints de
se disposer et se préparer pour cette vie-la' Ils eux et bien plus: de faire chez eux sa demeure :
d' . . peu- Que puis-je dire '! Là où il est spécifié qu'II est UnI
vent, . es. maIntenant, vivre et agir en accord avec elle.
Paul ecrit: Conquiers la vie éternelle' et s" . avec eux c'est avec un tel amour qu'II devient un
c ' l ' ,
e. n est p us mOi, c'est Christ qui vit en moi'.
1 Je VIS, seul et ~ême Esprit avec eux ! Paul affirme : Celui
Sa'nt I~,nace .déclare : II y a une eau qui vit et par/~ qui s'unit pu Seigneur n'est avec Lui ?u'un seul
en mOI . L'Ecriture est remplie de passages s' '1' esprit" et il n'y a qu'un corps et qu un esprit,
res D'aiU Iml ai- comme il n'y a qu'une: espérance ou terme de l'appel
es! 'Ia V· eurs, que pc: ut -on penser d'autre? Celui qui >1
pour t I~ ne p;Omet-~1 pas aux saints d'être avec eux que vous avez reçu .
oUJours . Ne dit-II pas . " .
toujours jusqu'à la fin du ';'o:Je~:s? avec vous pour
Quand II a semé la semence de vie sur terre Il et

• L' eucharistie.
Voir Ps 77 25 ( 1
• se on 1. grec) el Sg 16, 20.
54 LA VIE EN CHRIST « QUELLE TENDR E BLESSURE AU CENTRE ... » 55

E. - L'union à Christ surpasse toute l'autre, comme c'est le cas entre Christ et l'Église.
union: lOute comparaison (même Aussi l'apôtre Paul, parlant du mariage, dit que c'est
les exemples bibliques) est trop faible un grand mystère, il ajoute: je parle du Christ et de
pour expnmer la profondeur de cette l'Église", montrant que ce n'est pas le mariage mais
union ... l' union avec Christ qu'il propose à l'admiration de
tous. Les membres sont unis à la tête, ils vivent par
L'amour de Dieu pour les hommes est difficile à
cette communion et ils meurent s'ils en sont séparés.
exprimer, et Sa tendrese pour nous dépasse la raison
Les membres de Christ sont plus étroitement unis à
humaine. Il est le fait de la seule bonté de Dieu. C'est
Lui qu'à leur propre tête, c'est même plus par Lui
la paix de Dieu qui surpasse toute intelligence" . Il
qu'ils vivent que par leur jointure à elle. Les bien-
s'ensuit Que son union avec ceux Qu ' Il aime surpasse
heureux martyrs en témoignent, eux qui ont joyeuse-
toute union Qu'on pourrait concevoir; il n' est rien
ment souffert l'écartèlement de leur corps, refusant
à Quoi on puisse le comparer.
toute séparation d'avec Christ. Ils ont sacrifié avec
• joie leur tête et leurs membres, et n'ont jamais accepté
Un seul ne suffisant pas, l'Ecriture a recours à plu-
;ieurs exemples pour pouvoir exprimer cette union ! de se séparer de Christ, même en parole.
En un endroit, elle la compare à un hôte Qui se fixe
dans une maison"; en un a utre, il s' agit d'une
vigne et de son sarment " ; ailleurs, c'est un F. - L'unité même de l'être humain
mariage"; ou encore l'exemple de la tête et des ne supporte pas la comparaison
membres". Aucune de ces images ne convient abso- de notre union à Christ .

lu ment pour exprimer cette union. A partir d'elles,
il est impossible d'atteindre l'exacte vérité. Certes, il J'en viens ~ ce qui est le plus étrange. À qui
faut Que l'union aille de pair avec l'amitié - mais pouvons-nouS" être plus étroitement uni qu'à nous-
est-Cf comparable à l'amour divin? même? Cette unité est plus faible pourtant que notre
union avec Christ. Chacun des bienheureux est plus
Il semblerait Que le mariage et l'accord entre la tête uni au Sauveur qu'à lui-même car il aime le Sauveur
et les membres expriment tout spécialement l'harmo- plus que !/
nie et l'unité. Cependant, ils en sont loin et ne tra- Paul souhaiterait: elit-il, pour le salut des Juifs, être
duisent guère la réalité. Le mariage unit deux êtres anathème, séparé du Cltrist", afin que Christ en
sans pour autant les faire exister et vivre l'un dans retire une plus grande gloire.
-
LA VIE EN CHRIST « QUELLE TENDRE BLESSURE AU CENTRE ... » 57
56

Le charme de l'amour humain est grand, mais. la, ne peut pas remplacer un rayon de lumière. Nous
tendresse de Dieu est plus grande encore à concevOIr. n'employons pas constaI)1ment toutes les fonctions de
Si les méchants peuvent- montrer une si grande gra- nos sens et de nos membres, mais seulement de temps
titude, que devrait-on dire de la bonté de Dieu ? Puis- à autre. L'œil et la main restent oisifs lorsque, par
que l'amour de Die.u e~t si vaste, l'union,.en la.quelle exemple, nous écoutons. La main suffit à ceux qui
Il attire ceux qUI rument surpasse 1 mtellIgence désirent toucher, mais non pour humer, entendre ou
humaine. Et cela, tellement, qu'aucune comparaison voir. Pour cela nous ne tenons aucun compte d'elle
n'est possible. et faisons appel à un autre sens. Le Sauveur, au con-
traire, est toujours présent auprès de ceux qui vivent
en Lui de manière à combler chacun de leurs besoins.
3. - Qu 'est-ce donc que cette

umon En effet, Il est tout pour eux et Il ne les laisse pas
chercher quoi que ce soit ailleurs.
à Christ?

A. - Christ est toujours présent, B. - Christ est Vie,


Il comble chacun de nos besoins, Lumière 'et Chemin.
II est en nous. Les saints n'ont besoin de rien que Lui-même ne
Il y a un grand nombre de choses dont nous avons soit pour eux. Il leur donne la naissance, la croissance
besoin tout au long de notre vie, coîTIme l'air, la et les nourrit. Il est leur vie et leur respiration. Il leur
lumière, la nourriture, les vêtements, ainsi que nos ouvre les yeux. Il leur donne la lumière et les rend
fac ultés naturelles et nos membres. Et pourtant il capables de Le voir Lui-même. Il est Celui qui nour-
arrive que nous ne nous servions pas de tous d'une rit et, en même temps, la nourriture. C'est Lui qui
manière constante et à tout propos. Nous utilisons fournit le pain)le vie qu'Il est Lui-même. Il est la
l' un d'entre eux à un moment, un autre plus tard, vie des vivants, le chrême parfumé de ceux qui res-
chacu~ à tour de rôle pour nous aider à pourvoir au pirent, le vêtement pour ceux qui s'habillent. Il est
besoin de l'heure. Quand nous mettons un vêtement, Celui qui nous rend capables de marcher. Non seu-
celui-ci ne peut pas nous nourrir; ceux qui ont besoin lement II I est Lui")llême la voie", mais Il est le
de nourriture doivent rechercher quelque chose refuge sur le chemin ~le but du voyage. Nous som-
d'autre! mes Ses membres, Il est~otre tête. Avons-nous à lut-
La lumière ne nous permet pas de respirer, et l'air ter ? Il lutte à nos côtés. Pour ceux qui se distinguent
LA VIE EN CHRIST « QUELLE TENDRE BLESSUR E AU CENTRE ... » 59
58
dans le. épreuves, Il est l'arbitre des jeux. S~m~es- non seulement dans le monde à venir mais dès ce
. . ? Il est notre couronne de victOi re. monde présent où nous nous trouvons. Nous est-il
nous vaInqueurs .
possible de vivre ainsi: afin, comme dit Paul, de mar-
cher nous aussi dans une vie nouvel/e" ? Cherchons
c. _ Christ nouS attire vers Lui aussi comment agir avec Christ. Avec Lui, nous som-
par une délicate « contramte »... mes unis ; et avec Lui, nous avons grandi. Je ne sais
Ainsi, de toutes parts, Il nous, tourne vers ~ui. Il pas comment le décrire autrement.
ne nouS laisse pas nous occuper d autre ch~se ~ nous Il est un élément qui vient de Dieu, et un aUlre qui
éprendre de quelqu'un d'autre que ~Ul . Me~e SI nous vient de notre propre ardeur. Le premier dépend tota-
orientons notre désir autrement, Il I~ freIne et I~ lement de Lui. L'autre exige nos efforts. Cependant,
calme. Il bloque cette voie et. empoIgne c,eux ~u~ le deuxième ne dépend de nous que dans la mesure
l'empruntent. Si j'escalade les Cieux, Tu es la, dl!-Il, où nous nous soumettons à Sa bonté, que nous ne
qu'au séjour des morts je me couche, Te VOICI. Je livrons pas le trésor et n'éteignons pas la lampe une
prends les ailes de J'aurore, je me loge ~u plus lom fois allumée. Je veux dire par là que notre action
de la mer : même là, Ta main me ~ondU/t, Ta drOIte nous invite à éviter tout ce qui est opposé à la vie
. 't" . Par une délicate contraInte et une douce
me saISI . à ou qui entraîne à la mort. Ce but vise nOire intérêt
tyrannie, vers Lui seul Il nous attire et nous umt ainsi que la vertu. Par conséquent, personne ne doit
Lui. Cette contrainte ressemble à celle par laquelle ~I tirer l'épée contre soi-même, ni fuir le bonheur, ni
fit réunir ceux qu ' Il avait invités au banquet. Il dit faire tomber de sa tête les couronnes de la victoire.
alors au serviteur: Fais entrer les gens de force, afin Lorsque Christ Lui-même est présent, Il répand en
que ma maison se remplisse" . nous l'esseace même de la vie dans notre âme plus
qu'on ne peut le dire, car Il est réellement présent.
Par sa venue, Il fournit les premiers principes de vie
4. - Comment, dès lors, et en assure aussi le développement. Il est présent,
agir avec Christ ? non dafIs la forme où li est venu la prenùère fois par-
tager nos conditÏûn. de vie, notre compagnie et nos
A. - Tout dépend de Lui préoccupations, mais d'une marùère différente et plus
et /Oui dépend de nous. parfaite: nous sommes unis à Lui dans le même

La vie en Christ est donc présente en nous qUI corps où nous partageons Sa vie et sommes Se
vivons et Iravaillons accordés à elle. Cela se réalise membres.
LA VIE EN CHRIST « QUELLE TENDRE BLESSU RE AU CENTRE ... » 6\
60

De même Sa merveiIleuse tendresse pour les hom~ à la vie. L'onction avec le chrême perfectionne celui
mes L'incite à aimer au plus haut ~egré ~eux qUi qui est re-né, en lui infusant l'énergie qui convient
étaient les plus misérables et à les estimer dIgnes des à une teUe vie. La divine eucharistie prolonge et nour-
plus grandes faveurs. , rit cette vie et cette santé. Le Pain de vie nous per-
L'union par laquelle Il est présent en ceux qu Il met de conserver ce qui a été acquis et nous main-
aime est indicible et surpasse toute comparaIson. De tient en vie. C'est donc par ce pain que nous vivons
• la manière dont Il est présent et accorde Ses et par ce chrême que nous agissons, après avoir reçu
meme, d' d
bienfaiis est tout aussi merveiIleuse : elle est ~gn~ e notre être dans l'eau du baptême.
Celui qui, seul, accomplit ces choses extraordmalres:
Par certains signes et symboles, Il renouvelle ceux qUI c. - C'est Dieu qui prend l'initiative
imitent, comme en la reprod.uisant, la mort qu'Il a de nous sanctifier en nous rejoignant
réellement subie pour notre vIe. Il les crée. à. nouveau sur terre.
par ces actes eux-mêmes et les rend partIcIpants de
Sa propre vIe.
• De cette manière, nous vivons en Dieu. Nous sous-
trayons notre vie à ce monde visible pour la faire
entrer dans l'autre monde qu'on ne voit pas. Nous
B. - La vie nouvelle de Christ changeons non pas de lieu mais d'existence. Ce n'est
nous est conférée par les pas nous qui nous sommes rapprochés de Dieu ou qui
« mystères sacrés ».
sommes montés jusqu'à Lui. C'est Lui qui est venu
Dans les mystères sacrés·, nous reproduisons Son chez nous et qui est descendu jusqu'à nous. Ce n'est
ensevelissement et proclamons Sa mort. Par eux, nous pas nous qui L'avons cherché, mais Lui qui nous a
sommes engendrés et formés, et ainsi unis d'une recherchés< La brebis n'a pas cherché le pasteur, et
manière merveilleuse au Sauveur, ce sont les moyens la pièce de monnaie n'a pas cherché la maîtresse de
par lesquels, selon Paul, nous avons la vie, le mou- maison. C'est Lui qui S'est abaissé vers la terre pour
vement et l'être" . retrouver Son effigie. 1\ se rend là où la brebis errait.
Le baptême nous confère l'être et, en somme, 1\ la 'prend SIl1 !leS. épaules pour l'empêcher de se per-
l'existence selon Christ. 1\ nous saisit alors que nous
sommes morts et corrompus et nous conduit d'abord
dre davantage: n J1e nous enlève pas de ce monde,
mais 1\ nous rend C#lestes tout en nous laissant sur
terre. 1\ nous donne' la vie du ciel en nous pénétrant
• Voir n.• , p. '0. de Sa vie, non en nous élevant dans le ciel, mais en
62 LA VIE EN CHRIST « QUELLE TENDRE BLESSURE AU CE NTRE ... » 63

, fléchissant le ciel et en l'abaissant jusqu'à nous. ferme cette porte. JI l'emprunte, à nouveau, pour
~:lon les paroles du prophète: 11 inclina les cIeux et venir d'auprès du Père jusqu'à nous; ou plutôt, JI
descend 1't" • eq toujours présent parmi nous, selon Ses promes-
ses, JI sera toujours avec nous. C'est pourquoi,
D. - Première conséquence .' comme le déclare le patriarche Jacob, Ce n'est rien
par ces mystères sacrés, comme à de moins qu'une maison de Dieu et la pOrle du
Ciel"'. Par cette porte, non seulement les anges des-
travers de larges baies,
cendent sur terre, présents qu'ils sont en chacun des
le Soleil de Justice
sa:rements·, mais aussi le Maître des anges.
pénètre notre monde obscur.
Par ces mystères sacrés, comme à travers de larges
E. - Deuxième conséquence .'
baies, le Soleil de Justice pénètre notre monde ob~­
le Sauveur Lui-même nous mMtre que
cur. JI détruit la vie selon ce monde, ~t exalt~ ~a vie le baptême nous ouvre les portes du
sur-naturelle. La Lumière du monde tnomphc;.lcl-bas, ciel.
selon ce qui est dit : rai vaincu le monde . Cette
lumière pénètre de vie immortelle et impérissable nos En acceptant de se soumettre au baptême de Jean,
corps mortels et périssables. . le Sauveur a préfiguré, comme en image, notre pro-
Quand la lumière du soleil remplit une mals~n, la pre baptême et nous a ouvert le ciel. JI nous a aussi
lampe n' attire plus le regard de personne car 1 éclat montré comment parvenir au séjour céleste et JI
du soleil l'emporte sur elle et la fait pâlir. De même, déclare qu'à moins de naître d'eau et d'Esprit, nul
la splendeur de la vie à venir pénètre, par les sacre- ne peut entrer au Royaume de Dieu" . Ces paroles
ments, dans la vie présente. Elle rayonne en notre supp.>~t que ce bapteme est une sorte d'entrée et
âme elle éclipse la vie selon la chair et masque la de porte. Ouvrez-moi les porles de justice" suggère
bea~té et la splendeur du monde. Telle est la vie dans David mll par le désir de voir s'ouvrir ces portes. Bien
l'Esprit. Elle domine tout désir de la chair, selon les des prophètes et des rois ont désiré voir" l'artisan
mots de Paul: Laissez-vous mener par l'Esprit et vous de ces portes venir sur telre. David souhaite, s'il le
ne risquerez pas de satisfaire la convoitise peut, ~tY' à cette en~ et franchir ces portes.
charnelle" . Le Seigneur nous a tracé ce chemin en Ne ~nit-il pU' Celui qui a fait une brèche dans le
)
Venant jusqu'à nous. Il a ouvert cette porte en entrant • La PI'.U" dei ..... eIt 6rideate Ipkialeiiieut la
en ce monde. De retour vers le Père, Il permet qu'on Iiluf'JÎe.
LA VIE EN CHRIST « QUELLE TENDRE BLESSURE AU CENTRE ... » 65

·sant· J'entrerai, je rendrai grâce à


dl encore plus belles et plus grandes que celles qui exis-
mur,' en "
Yahvé'" 7 C'est à partir de ces portes. qu avec certI- tent déjà, et qu'il nous est impossible de décrire. S'il
tude nous pouvons arriver à la connaIssan~e la plus se peut que Dieu crée des œuvres si belles et si gran-
parfaite de la bonté et de la tendresse de Dieu envers des, s'il se peut que ces œuvres rivalisent avec Sa
notre peuple. sagesse et Son pouvoir et arrivent presque au niveau
Le signe le plus manifeste de l'amour et de la ~en­ de Son infinité, comme une empreinte de la grandeur
dresse de Dieu pour nous n' est-il pas que notre ame de Sa divine bonté, voilà ce que je considérerais
soit purifiée de sa souillure par ce bain d'eau? Ou comme Son chef-d'œuvre. L'action de Dieu consiste
qu'en nous appliquant l' onction de chrême, Il nous toujours à communiquer Sa bonté; c'est dans ce
associe à Son règne dans les cieux? Ou qu'en tant dessein " qu'Il accomplit toutes choses. C'est le but
qu' invités au banquet, Il nous nourrisse de Son corps des événements passés et à venir, puisque le bien tend
et de Son sang? Les hommes deviennent dieux" et à se répandre el à se communiquer". En agissant
fils de Dieu" ? Notre nature reçoit les honneurs dus ainsi, Dieu veut communiquer le plus grand de tous
à Dieu et la poussière est élevée à un tel degré de les biens. Il ne peut nous en donner de plus grand.
gloire qu' elle égale en honneur et dignité la nature Celui-ci est la marque la plus noble et la plus belle
divine. de Sa bonté, il signifie la limite extrême de Sa
bienveillance.
Or, telle est l'œuvre opérée pour le genre humain

(Economie). Dieu n'a pas communiqué simplement ce
F. - Troisième conséquence: qUI étalt bon pour la nature humaine, et gardé la plus
en agissant ainsi, par Ses mystères grafide part~our. Lui ; mais Il a accordé la plénitude
sacrés, Dieu nous communique le plus
grand bien de tous: ._--- - toutes les richesses de Sa nature
de la divinité":
même. C'est pour cette raison que Paul a dit que
la plénitude de Sa divinité. dans l'Évangile, la justiet! de Dieu se révèle
Telle est la majesté du chef-d'œuvre de Dieu: il . Si force et justice ellistent en Dieu, Il
voile les cieux eux-mêmes. Il cache toute Sa création doit nécessairement les manifester CIl communiquant
en la surpassant en grandeur et en beauté. Car tou- généreusemCllt à tous Sa propre et CIl par-
tes ces œuvres de Dieu, si nombreuses, si belles et tageant avec eux Sa ~titude.
si grandes soient-elles, valent moins que la sagesse et Pour cette raison, on peut à juste titre donner aux
l'art du Créateur. Il pourrait susciter des merveilles mystères les plus sacrés l'appeUation de « portes de
« QUELLE TE NDR E BLESSURE AU CE NTR E ... » 67
LA VIE EN CH RIST
66
. ' Car la tendresse de Dieu pour les hommes Mais quand la Vérité a surgi de terre, pour illumi-
Justice ». . . ner .:eux qui étaient assis dans les ténèbres et l'ombre
et Sa bonté pour nouS - Sa fo rce et ~a Justice -
du mensonge, la Justice est alors descendue du ciel.
nous ont procuré ces entrées dans le ciel.
Pour la première foi s, Elle s'est montrée aux hom-
mes da ns sa réalité et sa perfection. Nous avons été
s. - La geste de Christ : justifiés, en étant libérés de nos chaînes et de notre
son salut est source de vie nouvelle.
honte.
En effet, le Juste a plaidé pour nous en mourant
A. _ Le Seigneur nous ouvre la porte
sur la Croix. Il nous a libérés de nos liens et de notre
et le chemin. . . Il a ainsi payé la dette pour les cri-
D'une autre manière, par un acte de justice et de mes que nous avions audacieusement commis. En con-
jugement, le Seigneur a dressé ce trophée et nous a séquence de cette mort, nous sommes devenus les amis
ouvert cette porte et offert ce chemin. Il n'a pas raz- de Dieu et des justes. Par Sa mort, le Sauveur nous
zié les captifs, mais Il paie la rançon pour eux. Il a a non seulement libérés et réconciliés avec le Père
ligoté l'homme fort", non parce qu ' Il est plus puis- m~s,.11 nous. a donné pouvoir de devenir enfants d;
sant que Lui, mais en le condamnant par une sentence DIeu . Il un~t notre nature à Lui par l'intermédiaire
juste. Il est devenu roi de la maison de Jacob en détrui- de notre chair qu'II a revêtue. Il unit également cha-
sant l'emprise du tyran sur nous .. . C'est ce qui est dit: cun d'entre nous à Sa propre chair par la puissance
Justice et droit sont l'appui de Ton trône" . des mystères.
Ainsi, il fait lever Sa propre justice et Sa vie même
B. - La justice a atteint notre race. dans nœ-âmes. désormais
Non seulement la justice a ouvert ces portes, mais
par elles, la justice a atteint notre race. Dans le passé, b!e :et la pratiquer.
avant que Dieu ait habité parmi les hommes, il n'était
pas de justice sur terre. Dieu, pour qui rien n'est
caché, s'est abaissé Lui-même du haut du ciel pour
la cher~her et voir s'II en trouvait quelque peu, mais
II ne 1 a pas trouvée. N'est-il pas dit: Tous sont
dévoyés, ensemble pervertis. Plus d'honnête homme
plus un seul" ? •
LA VIE EN C HRIST « QUELLE TENDRE BLESSURE AU CENT RE" ,» 69
68
le Soleil· se l 't
ceux qui le re~:~~r:~:. ~~s\~:n~u:o~~SSi l'att,ïtu~e de
6. - Les justes de l'Ancienne Alliance
qui ont espéré en Christ. et faire disparaître Sa lumière C' t pour I.étemdre
le R ' ' es pourquOI quand
A. - Ils ont été préparés pour de l'~ par~~ les j,ustes furent libérés de la ;yrannie
adès tandIS que les méchants restèrent dans
contempler la Lumière le urs fers,
dès son surgissement.
L~s malades qui cherchent par tous les moyens la
Dans l'Écriture, on parle de nombre d'hommes jus- guénson et qui consultent volontiers leur médec'
tes et d'amis de Dieu, avant l'avènement de notre Jus- ~rouvent ~,ans une meilleure condition que ceu~n, ~~
tificateur et Réconciliateur. Il faut voir cela dans le so~t
Ignorent. s Ils, relllèd~,
atteints ou qui refusent les
contexte de leur génération et en référence à ce qui ~e medecm s adressera à eux, comme s'ils étaient
devait advenir. d,éjà :n b?nne santé, avant même de les avoir gué-
Ces hommes ont été préparéS pour être à même, ns ; a moms que le médecin ne juge son art impuis-
dès l'apparition de la Justice, de se précipiter vers elle. ~an~ dev,ant la gravité du mal. C'est en ce sens que,
Sitôt leur rançon payée, ils ont été libérés et ils ont JadIS, DIeu a considéré comme Ses amis et Ses él
pu contempler la Lumière dès son surgissement. Dès ce~ hommes qui faisaient tout ce qui était en leur .,;:~:
la révélation de la vérité ils ont renoncé aux ombres. vOIr pour pratiquer au mieux la justice.
CeIa l~ur ~alut d'être libérés dès qu'est apparu
CelUI qUI aVait le pouvoir de les affranchir. Cepen-
B. _ La différence entre les justes dant, Il ne l~ a pa.s Ii~rés plus tôt. S'ils avaient déjà
el les pécheurs avant la venue vécu de la vIe d:: JUStIce, ils auraient été, pour citer
de Christ. Salomon, dans la main de Dieu et dans la paix"
Justes et pécheurs étaient prisonniers des mêmes quand ils ont quitté leur corps. Or, c'est l'Hadès qui
fers et il~ enduraient la même tyrannie. Une différence les a reçus lorsqu'ils sont partis de ce monde, Quand
toutefois les distinguait: les hommes droits haïssaient notre maJ"tre nous a dOMé la véritable justice et l'ami-
leur captivité et leur esclavage. Ils priaient pour obte- tié de Dieu, ce n'est ~ j'omme s'Il les avait appor-
nir la destruction de leur prison et le bris de leurs tées d'ailleurs. Mais c'eSt Lui qui les a, alors, intro-
chaînes. Ils souhaitaient voir la tête du tyran écrasée
par les pieds des captifs. Quant aux méchants, ils ne
• Le Christ.
considéraient pas leur sort comme un malheur et se •• Pour les Anciens, l'Hadà ~t le séjour des morts,
réjouissaient d'être esclaves. Au temps bienheureux où
« QUELLE TENDRE BLESSU RE AU CENTRE ... » 69
LA VIE EN CHRIST
68
le Solei l' se levait sur eux, ce fut aussi l'attitude de
6. _ Les justes de l'Ancienne Alliance
ceux qui le refusèrent. Ils firent tout pour l'éteindre
qui ont espéré en Christ. et fai ~e disparaître. Sa lumière. C'est pourquoi, quand
le ROI parut, les justes furent libérés de la tyrannie
A. - Ils ont été préparés pour de l' H adès" tandis que les méchants restèrent dans
contempler la Lumière leurs fers.
dès son surgissement. L~s malades. qui cherchent par tous les moyens la
Dans l'Écriture, on parle de nombre d'hommes jus- guénson et qUI consultent volontiers leur médecin se
tes et d'amis de Dieu, avant l'avènement de notre Jus- ~rouvent ~.ans une meilleure condition que ceux 'qui
tificateur et Réconciliateur. Il faut voir cela dans le Ignorent s Ils sont atteints ou qui refusent les remèdes.
contexte de leur génération et en référence à ce qui Le médecin s'adressera à eux, comme s'ils étaient
devait advenir. d.éjà en b?nne santé, avant même de les avoir gué-
Ces hommes ont été préparés pour être à même, fiS ; à mOIDS que le médecin ne juge son art impuis-
dès l'apparition de la Justice, de se précipiter vers elle. ~an~ dev.ant la gravité du mal . C'est en ce sens que,
Sitôt leur rançon payée, ils ont été libérés et ils ont JadiS , DIeu a considéré comme Ses amis et Ses élus
pu contempler la Lumière dès son surgissement. Dès ces hommes qui faisaient tout ce qui était en leur pou~
la révélation de la vérité ils ont renoncé aux ombres. voir pour pratiquer au mieux la justice.
Ce.la l~ur ~alut d'être libérés des qu'est apparu
B. - La diff érence entre les justes CelUI qUI avait le pouvoir de les affranchir. Cepen-
et les pécheurs avant la venue dant, Il ne le:' a p~ li~rés. plus tôt. S'ils avaient déjà
de Christ. vécu de la vie de Justice, Ils auraient été, pour citer
Salomon, dans Itl main de Dieu et dans la paix"
Justes et pécheurs étaient prisonniers des mêmes
quand ils ont quitté leur corps. Or, c'est l'Hadès qui
fers et ils enduraient la même tyrannie. Une différence
les a reçus lorsqu'ils sont partis de ce monde. Quand
toutefois les distinguait: les hommes droits haïssaient
~otre ~"'tre nous a donné la véritable justice et l'ami-
leur captivité et leur esclavage. Ils priaient pour obte-
tié de ~Ieu, ce n'est R/IS j'omme s'Il les avait appo r-
nir la destruction de leur prison et le bris de leurs
tées d'lUlleurs. Mais c'esl Lui qui les a, alors, intro-
chaînes. Ils souhaitaient voir la tête du tyran écrasée
par les pieds des captifs. Quant aux méchants ils ne
.
considéraient pas leur sort comme un malheur et se
' • Le Christ.
réjouissaient d'ètre esclaves. Au temps bienheureux où •• Pour les Anciens. l'Had~ ~ait le séjour des morts.
LA VIE EN CHRIST « QUELLE TENDRE BLESS UR E AU CE NT RE ... » 71
70

duites pour la première fois dans le m?nde. Il ~ ' a D. - A utrefois, la Loi unissait à Dieu
pas trouvé un chemin déjà tracé et conduisant a~ ciel, les j ustes.
~;s c'est Lui-même qui a ouvert cette route. SI cette Désormais c'est la foi et la grâce qui
m~ avait déjà existé, c'est que quelqu ' un d' autr.e
voie le fo nt.
l'aurait ouverte mais nul n 'est monté au ciel horm IS Autrefois, c'était la Loi qui nous unissait à Dieu,
Celui qui est d:Scendll du ciel, le Fils de l'homme qui
mais maintenant, c'est la foi et la grâce et tout ce
est au cIe. 1" .
qui dépend d'elles. Il est clair que, jadis, les rapports
des hommes envers Dieu étaient ceux d'esclaves.
C. - Pourquoi Christ est-II mort si, Aujourd'hui, ce sont des rapports de filiation et
avant Son sacrifice, des hommes d'amitié car la Loi est faite pour les esclaves tandis
ont été amis de Dieu ? que la grâce, la confiance et la foi appartiennent aux
Puisqu'il était impossible de trouver, avant la croix, amis et aux fils. Le Sauveur est le Premier-Né d'entre
le pardon des péchés et l'acquittement de l.a peine, les morts" , il n'est donc pas possible que quelqu'un
que penser de cette justice? Il n' est pas loglqu~ que parmi les morts revienne pour assumer une vie
les justes soient placés dans le chœur des amis de immortelle avant qu'Il soit ressuscité. De même, c'est
Dieu avant de Lui être réconciliés ou d'être couron- Lui seul qui a montré aux hommes le chemin de la
nés et alors qu' ils sont encore dans les chaînes. Bref, sainteté et de la justification.
si 1: Agneau pascal de l' Ancienne Alliance avait tout Paul, en effet, écrit que Christ est entré pour nous,
accompli , aurait-on eu besoin d'une nouvelle victime en précurseur 1...] par-delà le voile" . Il a pénétré
pascale ? Si les allégories et les images avaient apporté dans le sanctuaire quand Il s'est offert au Père. Il
le bonheur recherché, la vérité et la réalité seraient ( y conduit ceux qui le désirent en partageant Sa sépul-
vaines. Pourquoi la mort de Christ anéantirait-elle ture. Il ne s'agit pas de mourir comme Lui mais de
l'ennemi, détruirait-elle le mur de séparatlOn . " et
témoigner de cette mort, en étant plongé dans l'eau
pourquoi se lèverait la Justice comme le soleil, si déjà, du baptême. Partager Sa mort, c'est la proclamer à
avant Son sacrifice, les hommes étaient amis de Dieu la Table sacrée. Là, nous recevons comme une onc-
et justes ? tion et une nourriture, d'une manière indicible, Celui
qUI, mis à mort, ressuscita. Ainsi, après nous avoir
fait franchir les portes, Il nous emmène au Royaume
pour y être couronnés.
72 LA VIE EN CHRIST « Q UELLE TENDRE BLESSURE AU C ENTRE ... » 73

7. - Les portes du paradis B. - Les portes de la vie


et les portes de la vie en Christ. sont ouvertes par Christ.
Les portes du paradis furent ouvertes par Adam.
A. - Les portes de la vie f urent Il convenait qu'elles fussent fermées quand il déchut
ouvertes quand celles du paradis ont de l'état dans lequel il aurait dû rester. Mais les por-
été fermées. te~ des sacrements c'est Ch~ist qui les ouvre, Lui qui
n a pas commiS de faute et ne peut pas pécher
Les portes des sacrements sont plus importantes et car, comme il est dit, Sa justice demeure à jamais"'.
bénéfiques que celles du paradis. Les portes de celui-ci Il est donc nécessaire qu'elles restent ouvertes pour
ne s' ouvrent qu'à ceux qui ont d'abord franchi les condUIre à l~ vIe. Il ne trace pas un chemin qui mène
portes des mystères. Ces portes des mystères furent hors de la vie, le Sauveur qui déclare: Je suis venu
ouvertes lorsque les portes du paradis restaient fer- po.ur que les brebis aient la vie". C'est la vie que le
mées. Les portes du paradis ont laissé sortir ceux qui Selg~eur apporte par les sacrements: ceux qui com-
y étaient, tandis que les portes des mystères font mu ruent à ces mystères participent à Sa passion et à
entrer seulement et ne laissent plus sortir. Sa mort. Il est impossible d'échapper à la mort à
On pouvait donc fermer les portes du paradis, et moins d'être né d'eau et d'Esprit'" et d'entrer ai'nsi
elles le furent en effet. Dans les portes des mystères, dans la vie. Ceux qui n'ont pas mangé la chair du
le voile et le mur de séparation furent complètement Fils de l'homme et bu Son Sang 61 ne peuvent pas
détruits et enlevés. Il est impossible de dresser à nou- non plus avoir la vie en eux.
veau un mur, de fermer les portes, et de séparer ces
deux mondes. Car les cieux ont été non seulement
ouverts, mais ils se sont déchirés", nous dit Ma~c.
8. - La rançon que Cbrlst
Il montre ainsi qu'il n'existe plus ni porte, ni van-
a payée pour nous.
taux, ni voile. Celui qui a réconcilié réunit le monde
de dessus avec celui d'en bas, Celui qui a semé la
A. - Comment aurions-nous
paix entre eux et détruit la barrière de séparation"
pu vaincre ce qui nous avait rendus
ne peut se renier Lui-même", comme le dit le bien-
esclaves ?
heureux Paul.
Il est impossible de vivre pour Dieu sans eue morts
au p«hé. Or, Dieu seul peut tuer le p«hé. C'~ait
LA VIE EN CHRIST « QUELLE TENDRE BLESSURE AU CENTRE ... » 75
74
justice qu'il en fût ainsi. Nous avions été vai ncus de honte maintenant que le péché est vaincu, et elle ceint
notre plein gré. Nous méritions de réparer notre la couronne de la victoire.
défaite. Mais , devenus esclaves du péché, cela nous Cela ne veut pas dire que chaque homme ait encore
était impossible. Comment aurions-~ous pu vamcr~ ce lutté et vaincu, ni qu' il ait vu ses chaînes brisées. Cela
qui nous avait rendus esclaves? Meme SI nous aVIOns c'est ce qu'a réalisé le Sauveur: Il a donné à chaque
été plus puissants, l'esclave n'est cependant pas au- homme le pouvoir de détruire le péché et de parta-
, .. ger le prix de sa bravoure. Après cette victoire, il
de<sus de son mO/tre .
C'est donc l'homme qui, de droit, aurait dû acquit- aurait dû recevoir Sa couronne et célébrer Son triom-
ter cette dette et remporter la victoire. Mais il était phe, or Il a eu à subir blessures, croix et mort.
devenu l'esclave de ceux qu'il devait vaincre.
. .,
Dieu, Comme le dit Paul, au lieu de la joie qui lui était
proposée, JI endura une croix dont il méprisa
qui n'a de dette enve~s personne, . pO.UValt ~altnser ,
cet état de choses. Mais tant que ni Dieu ru 1 homme l'infamie" . Il n'avait commis aucune injustice qui
n'ont engagé le combat, le péché a' persisté. La vie méritât cette sanction et n'avait pas non plus péché.
véritable ne pouvait pas se lever sur nous. L'homme Il n'avait rien à Sa charge dont le dénonciateur le plus
aurait dû arracher le trophée de la victoire pour lui- effronté pût l'accuser.
même mais Dieu seul était capable de le faire. Par Pourtant; blessures, tortures et mort avaient été
conséquent, il était indispensable que l'homme s'unisse réservées, dès le début, au péché. Pourquoi donc le
à Dieu. Ainsi, le même être· possède la nature à la Maître dans sa tendresse pour tous les hommes avait-
fois de celui qui devait engager le combat et de celui Il permis cela? Il n'est pas raisonnable, même pour
qui pouvait vaincre. ( le bien, de prendre plaisir à des atrocités ou à la
mort. Si Dieu permit la mort et la souffrance, dès
, que le péché fut entré dans le monde, ce n'était pas
B. - Dieu fait Sienne la lutte
tellement pour infliger une sanction au coupable mais
de l'humanité et JI vainc le péché. 1
bien plutôt pour apporter un remède au malade.
C'est bien ce qui se passe. Dieu fait alors Sienne , Les actes de Christ ne méritaient pas ce sort.
la lutte de l'humanité, car Il s'est fait homme. .Le Sauveur n'est atteint par aucune maladie et n'a
Homme, étant exempt de tout péché, Il vainc le péché donc besoin d'aucun remède pour guérir. C'est en
car Il est Dieu. Ainsi, notre nature est délivrée de la nous que passe l'efficacit~ du calice qu'Il a bu, tuant
le ~hé qui nous habite. Les plaies de l'innocent
• Autrement dit, Christ qui possède la nature divine et la
nalure humaine. rachètent de grands coupables.
76 LA VIE EN CHRIST « QUELLE TENDRE BLESSURE AU CENTRE ... » 77

c. - Ce rachat est supérieur D. - Christ soulage notre humanité


de beaucoup au mal commis par les du poids de son péché.
hommes. Pourquoi signaler cela? Un Dieu qui est mort.
C ' était un châtiment extraordinaire et gigantesque, C'est le sang d'un Dieu qui a été répandu sur la
supérieur de beaucoup au mal commis par les hom- Croix. Quoi de plus précieux que cette mort? Quoi
mes . Non seulement il annulait l'accusation, mais il de plus terrible? Quel énorme crime avait commis
prodiguait une telle surabondance de biens que les l'homme pour avoir besoin d'un tel prix pour
hommes montèrent jusqu'au ciel, pour y partager la l'expier? Quelle blessure aussi profonde exigeait l'effi-
royauté de Dieu: ces hommes, issus de la terre, les cacité d'un tel remède? ..
pires ennemis, les esclaves les plus méprisables et les Le Maître, sans péché, meurt après avoir souffert
plus déshonorés. de terribles outrages. Il supporte jusqu'au bout les
Cette mort est précieuse, au-delà de ce que nous coups pour les hommes, Lui qui est homme. Il déli-
pouvons calculer. Cependant, elle fut vendue à vil vre notre humanité du poids de son péché. Il rend
prix, grâce à la bienveillance du Sauveur pour Ses aux prisonniers la liberté qu'Il n'avait pas à conqué-
assassins. En cela même, Il choisit d'êtr~ rejeté dans rir pour Lui-même, car il est Dieu et Maître. Voilà
la pauvreté et le mépris. , à quel prix la vraie vie nous pénètre, à travers la mort
Il se laissa vendre et Il subit le sort des esclaves, du Sauveur.
acquérant ainsi le bénéfice de ces outrages.
Il considéra que c'était un gain d'être ainsi humi-
lié pour nous. En acceptant d'être vendu pour une 9. - Les « mystères » sont les moyens
somme insignifiante, Il nous fait comprendre qu'Il est par lesquels nous faisons nôtre le salut
venu gratuitement mourir pour le monde. C'est libre- ,rde Christ.
ment qu'Il est mort, Lui qui n'a commis aucun mal
à l'égard de quiconque, ni dans Sa vie cachée, ni dans A. - Comment expliquer cette victoire
Sa vie publique. Il fut pour Ses bourreaux une source et son couronnement ?
de grâce au-delà de ce qu'eu~-mêmes pouvaient dési- I ~ quel moyen cette vie pénètre nos âmes? Cela

rer ou esperer. se Itaijse par notre initiation aux mystères, c'est-à-
dire, être baptisés et chrismés et communier à la sainte
Table. Grâce à cela, Christ vient et demeure en nous.
-
78 LA VIE EN CHRIST « QUELLE TENDRE BLESSU RE AU CENTRE... » 79

II s'unit à nous et ne fait qu'un avec nous. Il étouffe ce tyran de mourir pour lui et s'il se dressait contre
le péché en nous et nous rend partici pants de Sa vie la loi et protestait contre la justice du verdict (tout
et de Ses mérites, Il nous associe à Sa victoire. Ô cela sans honte et sans cacher sa méchanceté, mais
bonté de Dieu ! en manifestant en public, hardiment et effrontément),
Il couronne ceux qui ont été plongés dans les eaux oui, quel verdict pensons-nous qu'il mériterait? Ne
du baptême, et proclame vainqueurs les convives de le punirions-nous pas au même titre que le tyran?

Son banquet! A l'évidence, nous le ferions!
Pourquoi cette victoire et cette couronne, fruits Imaginons le cas opposé: quelqu'un admire un
habituels de peines et de travail ? Comment expliquer vainqueur. Il se réjouit de sa victoire et lui tresse des
qu'elles viennent d 'un bain, d 'une onction de chrême couronnes. Il provoque pour lui acclamations et
et d'une table? applaudissements dans le théâtre. Il se jette avec joie
Nous ne luttons ni ne souffrons lorsque nous célé- aux pieds du triomphateur, lui baise le front,
brons ces rites, et cependant nous chantons ce com- embrasse sa main droite. Hors de lui-même, il
bat. Nous fêtons cette victoire! Nous vénérons le tro- acclame son héros et la victoire qu'il a remportée,
,
phée et nous manifestons un amour fervent et indi- comme si c'était lui-même qu'on allait couvrir de lau-
cible pour ce vainqueur ! Ses blèssures, Sa plaie et riers. Aux yeux de juges éclairés, cet homme n'aurait-
Sa mort, nous les faisons nôtres. Nous les attirons, il pas quelque part droit aux lauriers du vainqueur,
par tous les moyens possibles, afin de devenir une tout comme le précédent méritait la sanction appli-
seule chair avec Lui qui mourut et ressuscita. quée au 'tyran ? Si, dans le cas des méchants, on exige
Ainsi, nous jouissons à bon droit des bienfaits qui un juste châtiment en tenant compte de leurs inten-
découlent de cette mort et de Son combat. tions, il ne serait guère logique que l'on privât les
bons de ce qui leur est dO. De plus, si le vainqueur
lui-même n'avait pas besoin du prix de sa victoire et
B. - Comparaison entre l'admirateur s'il préférait par-dessus tout voir son admirateur jouir
du ty ran prisonnier et celui qui exulte ,1 de l'honneur à lui décerné, s'il souhaitait comme sa
à la victoire du libérateur. propre récompense de voir couronner son ami, ne
1
Supposons qu'un passant essaie de libérer un tyran conviendrait-il pas que celui-ci reçOt la couronne 1 et
prisonnier et condamné pour le couronner et vanter , pourtant, cet ami n'aura pas eu à suer et à souffrir
sa puissance tyrannique, quel verdict pensons-nous les périls du combat.
qu 'il mériterait? S'il n'envisageait après la chute de
-
80 LA VIE EN CHRIST « QUELLE TENDRE BLESSURE AU CENTRE. .. » 81

c. - Les conséquences que nous à Sa gloire, mais Il Se donne Lui-même à eux , Lu,' ,
tirons de cette comparaison. le vainqueur couronné de gloire. Lorsque nous remon-
Voici ce que produisent pour nous l'ablution bap- tons de l'eau, nous portons le Sauveur en notre âme.
tismale, le banquet et la simple délicatesse de l'onc- Il est sur notre front, sur nos yeux, au tréfonds de
tion par le chrême. Lorsque nous sommes initiés, nous notre être, dans tous nos membres, Lui qui est pur
méprisons le tyran , nous lui crachons dessus et nous de tout péché, libre de toute corruption, tel qu'Il est
le rejetons. Nous louons notre champion, nous ressuscité, tel qu'Il s'est montré à Ses disciples, tel
L'admirons, ~o u s L'adorons et L'aimons de toute qu'JI est monté au ciel et tel qu'JI reviendra nous
notre âme, et dans l'excès de notre amour, nous Le demander le trésor qu'JI nous a confié.
mangeons comme du pain. Nous en sommes oints Ainsi, nous sommes nés, Christ nous a marqués à
comme d'un chrême et nous n0us revêtons de Lui par Son image et de Son sceau, pour que rien d'étranger
l'eau du baptême. Il est clair que Christ a engagé cette ne pénètre en nous, Il veille Lui-même aux portes de
lutte, enduré la mort pour nous et notre victoire, il notre vie.
n'est donc rien d'anormal ni de choquant que nous Il s'approprie alors nos sens - odorat et goût -
parvenions à la couronne de gloire par ces sacrements~ par lesquels pénètrent en nous l'air et la nourriture
Nous manifestons tout l'empressemént possible quand nécessaires à la vie corporelle. Par nos sens, Il entre
on nous dit que cette eau a l'efficacité de la mort en notre âme. Par l'odorat, Il vient sous forme de
et de la sépulture de Christ. Nous le croyons très fer- chrême d~g'l-geant une suave odeur. Par le goût, Il
mement quand nous nous approchons joyeusement vient comme nourriture. Nous Le respirons et Il
~evient notre nourriture. Tout en fusionnant complè·
pour descendre dans l'eau baptismale.
tement, avec nous, Il nous transforme en Son propre
corps et devient pour nous ce qu'une tête est pour
D. - Christ ne nous fait pas des dons les membres et le corps. En conséquence, puisqu'II
insignifiants. est la tête, nous avons part, avec Lui, à tous Ses
Ce ne sont pas des dons insignifiants que Christ biens, car ce qui appartient à la tête influe forcément
nous fait. Ce ne sont pas non plus des biens dérisoi- sur tout le corps.
res dont Il nous estime dignes ! Il accueille avec Ses Nous pouvons nous étonner: sans partager ni Ses
dons, ceux qui viennent à Lui, et Ses dons sont les 1 /PJaies ni Sa mort, qu'Il a subies tout seul, Il nous
fruits de Sa mort et de Sa sépulture. Il ne leur in'!Ïte à participer avec Lui à Sa gloire au moment
accorde pas seulement une couronne ou quelque part d'être couronné. C'est là, cenes, l'effet de son inex-
82 LA VIE EN C HRIST
« QUELLE TENDRE BLESSURE AU CENTRE ... » 83

primable bonté pour tous les hommes. Tout cela n'est


parler de cette vie, il doit d'abord approfondir cha-
pas sans raison; c'est après la crucifixion que nous
cun des mystères pour voir ensuite comment déter-
avons été unis à Christ. Avant Sa mort, nous n'avions • •
mmer son agir.
rien en commun avec Lui. Il était le Fils et le Bien-
Aimé, mais nous étions impurs, esclaves et ennemis.

Lorsqu' Il est mort , la rançon était payée et la prison
du démon a été détruite. Nous avons, alors, obtenu
la liberté. Notes
Nous avons été adoptés au titre de fils.
Nous sommes devenus membres de cette tête bien- l. Pierre DARMANGEAT, « Sur saint Jean de la Croix ~) ,
revue Pyrénées, Toulouse, 1942, n° 7, p. 3.
heureuse et ce qui appartient à la tête deyient égale-
• 2.1 Co 15, 50. 3. Ph l, 23. 4. Jn 15, 15.
ment notre 5.MI Il, 15. 6. Mt 22, 11-14; 25, 1· 13 .
Dorénavant, nous sortons donc de cette eau puri- 7.Ep 4, 24. 8. Ga 4, 19. 9. 1 Tm 6, 12.
fies du péché. Par le chrême, nous avons part à Ses 10.Ga 2, 20.
dons et par le banquet-, nous vivons la même vie que 11. Saint IGNACE D'ANTIOCHE, ÉpÎtre aux Romains.
12.Mt 28, 20. 13. Le 8, 5. 14. Le 12, 49.
Lui. Dans le monde à venir nous serons des dieux 15.Mt 10, 34. 16. Ph 2, 13. 17. Is 10, 15.
amour de Dieu" . Cohéritiers des mêmes richesses 18.Jn 14, 23. 19. 1 Co 6, 17. 20. Ep 4, 4.
que Lui, nous régnerons avec Lui dans le même 21. Ph 4, 7. 22. Mt 22, 1-14. 23. Jn 15, 1-7.
Royaume - à moins que nous-mêmes, de par ndUe 24 Ep 5, 21-33. 25. Col l, 18. 26. Ep 5, 32.
libre choix, nous nous aveuglions en cette vie et déchi- 27. Rm 9, 3. 28. Jn 14, 6. 29. Ps 139, 8- 10.
30. Le 14, 23. 31. Rm 6, 4. 32. Ac 17, 28 .
rions notre tunique royale. Ici-bas, nous devons donc
33. Ps 18, 10. 34. Jn 16, 33. 35. Ga 5, 16.
veiller à ceci: accueillir Ses dons, garder Ses faveurs, 36. Gn 28, 17. 37. Jn 3, 5. 38. Ps 118, 19.
et ne pas rejeter la couronne que Dieu, par tant de 39. Le 10, 24. 40. Ps 118, 19. 41. Jn 10, 35.
fatigues et de labeurs, nous a tressée. 42.Rm 8, 14. 43. Ep l, 10.
44. DENYS L'AeKOPAGITE, Da IIOms divins, IV ; voir GR ~
Telle est la vie en Christ que confèrent les mystè-
OOIKE DE NAZIANZE, Discours, 38, II.
res. Telle est cette vie à laquelle la ferveur de l'homme 45. Col 2, 9. 46. Rm l, 17. 47. Mc3, 27 .
doit aussi contribuer. Si quelqu'un veut maintenant 48. Ps 89, IS. 49. Ps 14, 3. 50. Jn l, 12.
SI. S8 3, 1-3. S2. Jn 3, 13. S3. Ep 2, 14.
54. Coll, 18. SS. He 6, 19-20. 56. Mc l, 10.
• Le banquet eucharistique. S7. Ep 2, 14-IS. S8. 2 Tm 2,.13. S9. 1 P 2, 22.
84 LA VIE EN CHR IST

60. Ps III, 3. 61. ln 10, 10. 62. ln 3, 5.


63. ln 6, 53. 64. Mt 10, 24. 65. He 12, 2.
66. Voir SAINT ATHANASE. Sur "incarnation du Verbe, 54.
3 : « Il s'est fait homme pour que nous deveni ons Dieu. )) LIVRE Il

« CAR TOMBE SUR VOUS


UNE ROSÉE DE LUMIÈRE 1 »

L'efficacité du baptême
pour notre Vie en Christ
,

1. - Introduction :
les sacrements nous unissent à Christ,

A. - Chacun des mystères nous rend


participants de celle vie.
1 Une vie sainte a donc sa source dans les sacrements.
, •1 Voyons maintenant comment chacun de ceux-ci nous
rend participants de cette vie. Si vivre en Christ, c'est
être un avec Lui, comment chaque sacrement nous
unit-il à Lui? Pour etre unis à Christ, il faut éprou-
ver ce que le Sauveur a souffert et expérimenté ; tout
ce par quoi Il est passé.
Exempt de tout péchl!, Il s'est fait chair et sang.
Pourtant, par nature. Il est Dieu même, et cela depuis
le commencement. Il a di!jfil! la nature humaine qu' JI
86 LA VIE EN C HRIST « CA R TOMBE SUR VOUS UNE ROSÉE ... » 87

a, ensuite, assumée, et c' est dans Sa chair, qu'II est nous réconcilie avec Dieu et le chrême nous rend aptes
mort et ressuscité. aux dons d'en haut; quant au repas, il nourrit tout
Pour nous unir à Lui , nous devons prendre part baptisé de la chair et du sang de Christ.
à Sa chair et à Sa divinité; participer à Son enseve-
lissement et à Sa résurrection.
Ainsi sommes-nous baptisés pour mourir de cette 2. - Le baptême est nouvelle
mort et vivre de Sa résurrection. Par la chrismalion, naissance en Christ.
nous participons à l'onction royale de Sa divinité. En
mangeant le pain consacré et en buvant à la coupe A . - Les divers noms donnés au
divine, nous communions à la chair et au sang du
Sauveur. baptême.
Ainsi, Christ auquel nous sommes unis, dans Son Quand nous recevons le baptême, nous naissons en
amour pour nous, s'est fait chair et Il a déifié notre Christ et nous recevons notre être, créé d'absolument
nature par Sa mort et Sa résurrection. Observons que, rien. Les rites, les noms et la liturgie du baptême peu-
pour nous, cela ne se déroule pas dans le même ordre vent nous faire comprendre cela. D'abord l'ordre des
que pour Lui : Christ est descendu du ciel pour que rites eux-mêmes: le baptême est, en effet, le premier
••
nous pUISSIOns y monter. des sacrements auquel nous sommes initiés et, avant
C'est le même chemin que nous empruntons, tous les autres, il nous introduit dans la vie nouvelle.
comme sur une échelle, mais le dernier barreau pour Ensuite, les noms, par lesquels nous parlons du bap-
Lui, qui descend, devient le premier, pour nous, qui tême, nous éclairent sur ce qu'il est. Enfin, la litur-
montons. gie que nous célébrons et ses chants nous renseignent
eux aussi à cet égard.
,1
B. - Chacun des mystères
a sa spécificité. J. L'ordre des sacrements et les noms
Le baptême est une naissance. La chrismation est donnés au baptlme, et d'abord celui de

principe d'énergie et d'agir. Le pain de la vie et la « naISSance ».
coupe d'action de grâce SOnt vraiment nourriture et Voici l'ordre que nous suivoDS : d'abord nous rece-
boisson ' . Avant notre naissance, nous ne pouvions vons le baptême, puis l'onction avec le chrême et
nt agIT, ni nous alimenter. Plus encore: le baptême
ensuite nous nous approchoii. de la Table sainte. Cela
88 LA VIE E N CHRIST « CAR TOMBE SUR VOUS UNE ROSÉE ... » 89

indique que l'ablution baptismale est le commence- C'est ce que déclare Paul en appliquant au bap-
ment de la vie et son fondement premier. Un fait, tême les noms de « vêtement » et de « sceau ». Il
du reste, nous le suggère : Christ, Lui qui a souffert parle de Christ comme gravé et formé dans les chré-
pour nous, a jugé bon d'être d'abord baptisé. Quant tiens; ailleurs, comme drapé autour d'eux, tel un
aux noms donnés au baptême, quel autre sens vêtement. Il dit que les « initiés' » ont été revêtus et
pourraient-ils avoir ? Nous l'appelons « naissance » plongés dans l'eau.
« régénératioll », « création nouvelle », « sceau »,' e~ Paul écrit aux Galates : Mes petits enfants, vous
encore « don gratuit », « illumination » et « immer- que j'enfante à nouveau dans la douleur jusqu'à ce
sion ». Autant de noms qui signifient que ce rite «st que le Christ soit formé en vous' , ou encore: à vos
le commencement de l' existence de ceux qui vivent yeux pourtant ont été dépeints les traits de Jésus-
selon .Dieu. '
-A proprement parler, le mot « naissance » ne signi-, Christ en croix'.
Ailleurs aux Corinthiens: vous tous en effet, bap-
fie rien d'autre. (~ Nouvelle naissance » et « création tisés dans le Christ, vous avez revêtu le Christ' .
nouvelle» explicitent seulement que les baptisés Tant que l'or, l'argent et le bronze n'ont pas été
étaient déjà créés. amollis et fondus par le feu, ce ne sont pour l'œil
Mais ils avaient perdu leur forme originelle. Ils la que matière. On leur donne le nom spécifique
retrouvent, maintenant, par une seconde naissance. d '« or ». d'« argent » et de « bronze », quand cha-
Comme une statue défigurée qu'un sculpteur restaure cun d'eux acquiert une fOt Ille sous les coups des mar-
en sa forme première, ainsi le baptême nous remo- teaux de fer. Ils ne sont plus, alors, un métal quel-
dèle. Il grave une image et communique une forme conque. II en va de même pour les vêtements, ils sont
à notre âme. JI nous rend conformes à la mort et à visibles avant que deviennent apparents les corps qui
la résurrection du Sauveur. les portent.

2. Vêtement et sceau.
,
3. Nom nou veau.
Le baptême est 'également appelé un « sceau» car
il nous marque à l'image du Roi et à Sa ressemblance Quand un objet nouveau apparaît, il reçoit une
1
bienheureuse. Comme la forme revêt, en quelque appellation spéciale: c'est une « statue », une
sorte, la matière et met fin à sa difformité, nous don- « bague», ou tout autre nom qui n'indique plus le
nons à ce mystère les noms de « vêtement» et
« d'immersion» (ou baptême). • C'est-à-dire baptisés.
90 LA VIE EN CHRIST « CAR TOMBE SUR VOUS UNE ROSÉE .. . » 91

métal, mais uniquement la forme qu ' il a désormais tion », car il confère à l'être sa vérité et rend les hom-

acqUIse. mes connaissables aux yeux de Dieu. Il conduit vers
Voici pourquoi le jour bénéfique de notre baptême la lumière d'en haut et chasse ténèbres et malice,
devient le jour où nous recevons un nom. C'est à ce puisqu'il est « Illumination ».
moment-là que nous sommes formés et façonnés.
Notre vie floue et indéfinie reçoit alors forme et con- 5. Bain.
sistance, car nous sommes reconnus par Celui qui sait
identifier les siens. On appelle aussi le baptême: « bain purificateur ».
Paul le dit : maintenant que vous avez connu Dieu Il ôte, en effet, toute souillure et nous permet, en
ou plutôt qu 'If vous a connus' , ce jour-là, nous vérité, de communier à la lumière. Il écarte ce qui
entendons, pour la première foi s, notre, nom: car faisait écran aux rayons divins pour arriver à nous .
nous sommes ~éellement connus.
C' est un fair, qu'être connus de Dieu signifie qu'Il 6. Don.
nous a identifiés . C'est pour cette raison que David Le baptême est appelé « don » parce qu'il est une
déclare, a u sujet de ceux qui n'ont 'pas part à cette naissance. Or, en quoi pouvons-nous contribuer à
vie: Faire monter• leurs noms sur mes lèvres? notre propre naissance? Et, pas plus que dans n?tre
Jamais' 1 En effet, ceux qui se sont soustraits à naissance physique, nous ne savons pas quels biens
cette lumière sont inconnus et laissés à l'écart. désirer qui découlent du baptême. En effet, ~ous ne
- voulons que ce que notre esprit peut concevOir. M31S
4. IIfumination. ces choses ne sont pas montées au cœur de
• • •
f'homme l \ et personne ne pourrait les imaginer
Sans la lumière, nos yeux ne peuvent nen vOIr: SI avant d'y avoir go/Hé.
donc nou s ne recevons la lumière d'en ha~ nous Certes, à propos du baptême, nous entendons par:
nous rendons inconnaissables aux yeux de Dieu. Car 1er de liberté et de royauté. Nous penson~,. alo~ s, a
ce qui n'est pas visible à la lumière, est entièrement une vie heureuse telle que l'homme peut 1 Imagmer.
dépourvu d'existence véritable. Cela corrobore ces Mais, ici tout est car cela dépasse notre pen-
paroles : Dieu connaît les siens' et Demain "'ptin, sée et notre désir.
Yahvé fera connaître qui est à Lui'. Quant '3JlX
vierges folles, Il déclare qu'Il ne les connaît pas l'.
C'est pourquoi le baptême est appelé « iIIumina-
,

92 LA VIE EN CHRIST « CAR TOMBE SUR VOUS UNE ROSÉE ... )} 93

7, Onction, B. - Les cérémonies


Le baptême est appelé « onction» parce que, sur qui précèdent le baptême
ceux qui sont ainsi initiés, il grave Christ, qui fut oint préparent à recevoir la vie en Christ.
pour nous, II imprime en nous le sceau du Sauveur
Lui-même, J. L'exorcisme: invoquer le Nom
L'onction s'applique, en fait, au corps entier de qui est au-dessus de tout nom.
celui qui est oint. Elle imprime, ainsi, sur lui l'Oint' Avant d'avoir été initié, celui qui vient recevoir le
par excellence, manifestant sa forme et demeurant baptême n'est pas encore réconcilié avec D!eu et n'est
comme un véritable sceau, , panncorelibere'de la dlsgrace originelle. C'est pour-
\ quoi, comme premier rite, le candidat avance et le
, 8, Résumé, célébrant

prie pour qu'il soit libéré du dé~on qui le
tient en sa possession,
Ainsi, nous constatons que le sceau a le même sens Le célébrant s'adresse non seulement à Dieu, mais
que la naissance, exactement coÎnme le vêtement et il s'attaque au tyran • lui-même. Il l'expulse en le
l'immersion sont équivalents au sceau, fustigeant et son fouet n'est autre que le « Nom qui
D'autre part, le don gratuit, l'illumination et l'ablu- est au-dessus de tout nom", »
tion produisent la création nouvelle et la naissance,
II est donc clair que tout ce vocabulaire du baptême
2, L'insufflation:
signifie une seule et même chose, c'est-à-dire que le
baptême est notre naissance et le commencement de le souffle est symbole de vie.
notre vie en Christ. Mais, pour savoir si les rites et Le catéchumène est si loin de la vie, si loin d'être
les paroles des mystères atteignent ce ,tfu"t, nous le filset héritier,-'qü;U est encore l'esclave du tyran, Car
découvrirons en détaillant le déroulerent du baptême, celui qui est uni au Mauvais se trouve tota\em~nt
,
1
, séparé d~. Dieu ;-éé qui éQuivaufà une mort complete.
_.
1 • Le démon (que Cabesj!a. nommai! plus haut le Mauvais) .
., Ph 2 9. On reconnaît lA le texte fondamental de la
« Prière de' lèsus » et du pouvoir du Nom sauveur dans l'invo-
cation: «lèsus, Fils du Pm ~el, prend pitié de mOi,
• Christ. pécheur, »


94 LA VIE EN CHRIST
« CAR TOMBE SUR VOUS UNE ROSÉE ... » 95

Au~si, com~e le ca~échumène n'a pas encore part


à la VIe, le célebrant lUi souffle sur le vbagc;. En effet, 4. La renonciation au Mauvais
le souffle, de tout temps, est symbole de la vie. et l'adhésion à Christ,'
« Libérés de la poigne du tyran,
adorer le Roi... »
3. Le dépouillement du candidat au
Ensuite, tourné vers l'Occident, le catéchumène
baptême,' exhale un souffle de sa bouche, signe de la vie qui
renoncer à une vie pour commencer
est dans les ténèbres. Il étend les mains, repousse le
une vie nouvelle. Mauvais encore présent et l'agresse. Il crache à la face
.Ce qui suit vient comme une conséquence: on de cet être immonde. Il dénonce l'alliance détestable
rej ette ce qui existe ici-bas et l'on adopte les réalités et impie. Il rompt brutalement avec cette amère ami-
nouvelles. tié, lui vouant désormais sa haine.
Le catéchumène est vivement encouragé à mépri- Fuyant les ténèbres, le catéchumène court vers le
ser l'un des mondes pour honorer l'autre' à renon- jour. Il regarde l'Orient. Il cherche le soleil. Libéré
cer à l'une des vies pour suivre l'autre av~c empres- de la poigne du tyran, il adore le Roi·. Il condamne
sement et à fuir l'un des maîtres pour s'attacher avec l'usurpateur et reconnaît le Maître légitime. Il prie
ferveur à l'autre. pour Lui être soumis et cherche à Le servir de toute

En abandonnant son état présent, il met en évi- son ame ...
dence qu'il n'est pas encore libéré de ce qu'il a Entièrement dépouillés et ayant rejeté l'ultime vête-
condamné. ment, nous montrons que nous prenons fermement
1.1 accepte en fait, grâce au baptême, ce qu'i1restime le chemin qui conduit au paradis et à la vie qui s'y
meilleur et préférable aux biens présents Il manifeste trouve. Adam, dépouillé de la robe d'innocence, se
en étant baptisé, qu'il commence et choisiv la vie nou: trouva nu. Il n'avait rien d'autre que ce misérable
velle des « initiés ». aspect extérieur. Mais nous, lorsque nous quittons ces
_Quand il pénètre dans le sanctuaire, il quitte t~s tuniques de peau" pour la nudité, nous indiquons
vetements et ses chaussures: ces objets symbolisant clairement que nous rebroussons chemin.
• •• •
ce qUI etait ullie à la vie passée.
• On remarque cette admirable phrase. Ici, le combal plfη
tuel d~bouche sur l'adoration d'où jaillit la conCession de Coi
reconnai'tre le Maitre I4itime. La priàe devient alors un affron-
tement de tendresse avec Dieu.


96 LA VIE EN CHRIST « CAR TOM BE SUR VOUS UNE ROSÉE ... » 97

En nous hâtant d'endosser le vêtement royal, nous Quand il nomme celui qu'il initie, le prêtre chante:
remonlons à notre lieu d'origine ..!Ju'_ dam avait « Un teL .. est oint de l' huile d'allégresse. »
quitté. En sens inverse, nous prenons le chemin par David s'adressant au Sauveur s'exclame: Dieu, ton
lequel Adam est descendu en ce monde. Dieu, t'a donné l'onction d'une huile d'allégresse
Se dévêtir est donc le signe que nou approchons comme à nul de tes rivaux". Par rivaux', il veut
en toute pureté de la vraie lumière ... parler de nous, nous que Dieu , amoureux de l'huma-
nité, rend participants de Sa royauté.
5. L'onction avant le baptême:
« Christ a oint la nature humaine de
Sa divinité. » 3..- Le baptême et sa signification.
Pour comprendre la signification de l'onction
d'huile, considérons la stèle que Jacob offrit à Dieu, A. - La triple immersion:
après l'avoir ointe d'huile. Pensons aussi aux rois et « Celui qui n'était rien, existe!»
aux prêtres oints pour la communauté et pour Dieu. Jusqu'ici, nous n'avons pas encore reçu vie. Les
Ils ne vivent plus pour eux-mêmes, mais pour Dieu gestes dont nous avons parlé sont des signes p~ur
et la communauté au service desquels ils ont été choi- l'initié. Ce sont des préliminaires et une préparatlon
sis. Nous aussi, nous renonçons à notre propre exis- à la vie. Mais, dès qu'il est sorti par trois fois de
tence et à nous-mêmes pour n'appartenir qu'à Dieu. l'eau, après y avoir été immergé", pendant l'invo-
Voilà ce que veut dire: dépouiller notre )orme cation à la Trinité, l'initié entre en possessIOn de tout
ancienne pour devenir semblables à Dieu. Le ~ymbole ce qu'il recherchait. Il naît, il est pétri de jour comme
est donc bien approprié. Il convient fort bien pour l'exprime David".
notre appellation de « chrétiens », car pous avons
reçu l'onction. Celui à qui nous voulons ressemblFr,
Ch rist, a oint Sa nature humaine par Sa divini(é. • « Compagnons )). dans la Vulgate. Qui est le texte latin de
Nous aussi nous participons à cette même onction. la Bible.
"Dans l'Église orientale. le baptànc se donne normalement
L'onction que nous recevons au baptême est le signe par immersion, rarement par limp\e application . de l'eau el
de Son onction. Le célébrant l'indique en prononçant jamais par aspersion. A la suite de ~atjc.... I~, .le ntuel catholi-
sur celui qu'il initie et oint les paroles mêmes de que romain du bapteme prévoit __ la po",blht~ du baptboe
• •
David désignant l'onction et la royauté de Dieu. par ImmerSIOD.


98 LA VIE E CH RI ST « CAR TOMBE SUR VOUS UNE ROSÉE ... » 99

Il reçoit le sceau sacré et entre en possession de tout le prototype est forcément reproduit avec plus de
le bonheur dont il a rêvé. précisio n" .
De ténèbres il devient lumière et celui qui n'était
rien, existe. Il pénètre dans la famille de Dieu . Il est
C. - L 'invocation trinitaire:
comme un fils qui vient d'être adopté. Tiré du cachot
« La Trinité tout entière a voulu mon
et de l'esclavage absolu, il est conduit vers le trône
royal. salut .. . »
L'eau baptismale détruit une vie et en produit une Ceux qui administrent le baptême invoquent DIeu
autre. Elle noie le vieil ho mme et fait émerger en accomplissant le rite d'immersion. Ils ne se ser-
l'homme nouveau. Tout ceci est clair à la fois par vent pas du nom usuel de « Dieu » lorsqu'ils font
les rites et pour ceux q ui les expérimentent. Dispa- appel à la Trinité. Cela ne sufftrait pas pour ceux qui
raître en plongeant dans l'eau, c'est fuir l'air de cet~ aiment la clarté et les nuances. Les ministres du bap-
vie" . Or, fuir la vie, c'est mourir. Émerger pour reve- tême chantent plutôt le nom particulier de chaque
nir à l'air et à la lumière, c' est montrer qu'on cher- Personne de la Trinité, ceci avec la plus grande pré-
che la vie et qu 'on l'a o btenue. cision et la plus grande exactitude.
C'est égjllement pour une autre raison qu'on invo-
que chaque Personne de la Trinité. Celle-ci a sauvé
B. - « 11 se produit effectivement un l'humanité, par un unique et bienveillant amour pour
début de vie. » nous. Mais chacune des Personnes divines contribue
Voilà pourquoi nous invoquons alors le Créateur. à notre salut selon son rôle spécial. Avec le Père,
Il se produit effectivement un début de vie, une ( nous sommes réconciü~, le Fils est le Réconciliateur.
seconde création bien supérieure à la première. Le Saint-Esprit est le don accordé à ceux qui sont
L'image de Dieu dans l'homme se dessine avec plus réconcili~ avec Dieu. Le Père nous libère. Le Fils est
de précision qu'auparavant. La statue est modelée de la rançon versée pour nous libérer. L'Esprit est
manière plus vraie selon le modèle divin. Dès lors, liberté .
. Comme dit Paul: Où est l'Esprit du Seigneur, là
,
• Il est clair Que le baptmc par immersion ne prend sa pleine 1 • C8besjles use dei ;m.... biNiqum mej., comme la pùca.
for~ symbolique Que si l'on est effectivement immerl~. Cette il s'autorise au'si .. reprendre dei transpalitÎOns cultureUes. Ici.
petlle phrase de CabasiJas va très loiD pour affirmer notre sen-
sibilité à une vérité des rites.
i! invite i \'oboerYaIion cie la JriciIIœqu..... doit a..xr
pour reproduire avec le -.NIe.

100 LA VIE EN CHR IST « CAR TOMBE SUR VOUS UNE ROSËE ... » 101

eSI la liberté" . Le Père nous donne une vie nou - faut donc établir une distinction entre les Personnes.
velle. Par le Fils, nous avons été façonnés à nouveau. Ils font appel au Père, au Fils et au Saint-Esprit, qui
Et c 'est l'Esprit qui vivifie". On pressentait déjà la réalisent cette création nouvelle. Ils manifestent ainsi
Trinité lors de la première Création. Le Père alors les actions distinctes de Dieu.
créa. Le Fils était la main de Celui qui créait·. Le
Paraclet·· était le souffle de Celui qui insufflait la •

Vte. 4. - En quoi consiste cette nouvelle
Pourquoi dire tour cela? C'est parce que Dieu naissance que confère le baptême.
sauve l'homme que ces distinctions se révèlent. En
tous temps, Dieu accorda aux créatures d'innombra- A. - Proclamer tout haut le dogme
bles bienfaits. Aucun d'entre eux cependant n'a été trinitaire.
attribué spécifiquement au Père, au Fils ou à l'Esprit
saint. Tout était rapporté à la Trinité, qui crée tout Pourquoi, lors du baptême, ne pas célébrer davan-
par un même pouvoir, une même providence et un tage les dons de Dieu (l'économie du salut) et eux
même agir. Cependant, dans l'acte de bonté par lequel avant tout? Nous le faisons, non par nos paroles
Dieu relève le genre humain, un fait nouveau se pro- mais par nos actes.
duit. Certes, la Trinité tout entière a voulu mon salut. Qui ne le sait? La triple immersion, suivie de
La Trinité tout entière en a prévu sa réalisation. Mais l'émersion, représente les trois jours de la mort du
l'action réalisatrice n'est plus commune. Ce n'est ni Sauveur ainsi que Sa résurrection, sommet de tous Ses
le Père, ni l'Esprit, mais le Verbe qui réalise le salut. dons.
Seul le Fils unique a pris chair et sang. Il a été tor- C'est avec raison que nous proclamons, tout haut,
turé, est mort et /1 est ressuscité. Par ces événements, le dogme trinitaire, alors que notre salut est exprimé,
la nature humaine a repris vie et le baptême est ins- par des actes, dans le silence. Le dogme était au com-
titué comme nouvelle naissance et création nouvelle. mencement, il ne parvient à notre connaissance que
Pour ceux qui invoquent Dieu en ce bain sacré, il par des voix humaines. Notre salut se révèle, plus
lard, pour que des hommes le voient de leurs yeux
• On retrouve ici les affinnations du symbole de Nicée: « par ét e"sément le touchent du doigt. C'est pourquoi le
qui lOut a été fait » (le Fils) et le « donateur de vie» (l'Esprit bienhepreux Jean, qui bien ces deux mode
saint).
.. Paraclet: l'avocat, le défenseur; un des noms de l'Esprit
de révélation, fait à ce sujet allusion au Sauveur dans

salOL sa double nature. Jean 6crit : ct qui était dès le com-
102 LA VIE EN CHRIST « CAR TOMBE SUR VOUS UNE ROSÉE ... » 103

mencemenl, ce que nous avons enlendu et aussi : ce soient en incitant ses esclaves à commettre les actes
que nous avons vu de nos yeux [. . .] ce que nos mains les plus vils.
ont louché du Verbe de vie" ... Entretenue par ces actions, l'habitude en provoque
constamment de nouvelles. Elle naît et engendre sans
cesse; c'est un cercle vicieux. En conséquence, le

B. - L e péché est double: péché ne finit jamais; l'habitude suscite les actions,
action el habitude. et l'accumulation des actions aggrave l'habitude. Les
maux se renforcent ainsi réciproquement et progres-
Il nous reste à examiner en quoi consiste la vie que sent sans cesse: le péché a pris vie tandis que moi,
nous recevons au baptême. Nous mourons à une exis- . SUIS. mort l' ...
Je
tence pour en recevoir une autre, nous abandonnons Tel est donc le vieil homme! Nous l'avons reçu de
un état pour en adopter un autre. En comprenant ce nos ancêtres comme la semence du mal, lorsque nous
en quoi consistent ces changements, nous percevons avons été conçus. Nous n'avons pas connu même un
alors ce que signifie l'expression: vivre selon Christ. seul jour exempt de péché. Nous n'avons pas non plus
Or, le premier état, c'est le péché, et le second, respiré libres de la malice mais, comme le dit le Psal-
c'est la justice. D'un côté, le vieil homme; de l'autre, miste, nous sommes dévoyés dès le sein, égarés dès
l'homme nouveau. le ventre malernel " .
Le péché est double: il s'étend dans le domaine Nous ne sommes même pas restés tranquilles dans
de l'action. Il réside aussi, à l'état d'habitude. la malheureuse situation du péché de nos ancêtres.
L'action pécheresse se passe en un instant et ne dure Nous ne nous sommes pas contentés des maux dont
pas. Sitôt commise, eUe s'achève. Elle est comme une nous avons hérité ...
flèche qu'on envoie et file rapidement. Pourtant, elle
laisse une blessure chez ceux qui la commettent. Ses
traces témoignent de notre mal, de nos déchéances et
du châtiment mérité. C. - De cette maladie et de cette
L'habitude du péché, elle, provient de la répétition mort, le bapt~me nous libère.
des actes mauvais telle une maladie inoculée par une ~;est de ces chaînes si pesantes, de ce châtiment,
nourriture contaminée. Elle est permanente et de .:ette maladie et de cette mort, que le baptême
,
enchaîne les ,âme~ dans des liens infrangibles. Elle nous libère. II le fait si aisément, de façon si immé-
empnsonne 1 espnt et provoque les pires effets qui diate et si parfaite qu'il n'en reste aucune trace. JI
104 LA VIE EN CHRIST « CAR TOMBE SUR VOUS UNE ROSÉE ... » 105

ne nous libère pas seulement de la malice", mais il Ce n'est donc pas uniquement aujourd'hui que Dieu
confère aussI les habitudes opposées. Par Sa mort, accorde ses faveurs à l'humanité comme s'II avait
le Sc;lgneur LUI-même nous a donné le pouvoir de tuer besoin du temps. C'est une réalité existante depuis
le ~ché. Par Sa résurrection, Il nous fait hériter de longtemps ! Ce n'est pas maintenant que le Maître
la vIe nouvelle. Sa mort, en tant que telle, tue la vie paie la rançon pour mes péchés ni qu'II prépare le
du péché et en tant que rançon, elle paie la dette pour remède pour ma guérison. Ce n'est pas d'aujourd'hui
nos 'péc~és. Cette dette, chacun de nous y était que le Maître modèle ses membres ou nous pourvoit
astremt a cause de ses actions mauvaises. en énergies. Il a déjà fait cela! Quand? Le jour où
Ainsi, le baptême nous purifie de toute habitude Il est monté sur la Croix, où Il est mort, où Il est
et de toute action pécheresses. Il nous rend partici- ressuscité. Ce jour-là se réalisa la liberté des hommes.
pants de la mort vivifiante de Christ. Leur beauté et leur forme furent créées, et des mem-
bres et traits nouveaux leur furent donnés. Il n'y a
maintenant qu'à nous approcher pour recevoir Ses
5. - La libération que nous obtient dons !
le baptême.
B. - Nous sommes remis en liberté.
A. - « Je suis dégagé de toute
condamnation. » Voilà ce que réalise pour nous le baptême. Il rend
la vie aux morts et la liberté aux captifs. Il comble
Puisque nous avons part à Sa résurrection par le de la vie bienheureuse ceux qui sont corrompus. La
baptême, Christ nous donne une autre vie. Il forme rançon a déjà été payée et maintenant, nous sommes
Ses membres. Il nous procure les énergies nécessaireS tout simplement remis en liberté. Le chrême est
pour vivre en cette nouvelle vie. C'est pour cela que répandu, sa suave odeur imprègne tout l'univers; il
je SJis complètement dégagé de toute condamnation. ne nous reste qu'à la respirer! Mieux encore, la tâche
Je reçois immédÎatement la santé, car elle est entiè- de respirer ne nous incombe même pas. Cette faculté
rement l'œuvre de Dieu, Lui qui ne dépend pas du a été préparée par le Sauveur, ainsi que la possibilité
temps. d'être libérés et illuminés ...
---
• Soulignons qu'il ne s'agit pas ici d'un sens au~nu~. La
malice est ce Qui est « malici~ » : petri de mal, orient~ dans le
mal, pourrait-on dire.
106 LA VIE EN C HRIST « CA R TOMBE SUR VOUS UNE ROSÉE ... » 107

c. - Conlribuer, si peul que ce soil, surpasse de beaucoup la première. Elle est dotée d'une
à noire libéralion. nature propre. Fallait-il alors mourir si cette mort
En Son inexprimable sollicitude, Christ accomplit n'aboutissait qu'à revenir à cette première vie? Si la
vie nouvelle ne nous communique pas de nouvelles
tout ce qu'il faut pour nous affranchir. Il nous
énergies, en quoi serait-elle résurrection? Ce n'est pas
demande, cependant, de contribuer si peu que ce soit
non plus la vie des anges: qu'avons-nous de com-
à notre liberté, en particulier de croire que le bap-
mun avec les anges? C'est l'homme qui est tombé.
tême nous procure le salut.
Si c'est un ange qui ressuscite à la place de l'homme
Christ nous dit aussi d'approche, volontairement du
tombé, en quoi l'homme aurait-il été créé de nou-
baptême afin de nous en imputer le mérite. Il agit veau? C'est comme une statue brisée qui aurait forme
même comme s'Il était reconnai~sant du bien qu'Il humaine. Si on lui donne une autre forme que celle
nous fa it. \ d'un être humain en la restaurant, n'est-ce pas for-
Cela est si vrai que le Sauveur
, couronne, comme mer une chose autre que la statue primitive?
s'ils avaient lutté et peiné pour le Royaume, ceux qui C'est pour cela qu'il est important que cette vie soit
meurent immédiatement après avoir été baptisés. Ils tout à la fois une vie humaine, nouvelle et plus belle
n'emportent pourtant rien d'autre que le sceau que l'ancienne. C'est par la seule vie du Sauveur que
baptismal! ces changements se réalisent: cette vie est nouvelle
C'est de cette manière que le baptême libère nos en ce sens qu'elle n'a rien de commun avec
A

ames. l'ancienne. C'est une vie incommensurablement plus


belle puisqu'elle appartient à Dieu. Elle possède sa
propre nature puisqu'elle est la vie d'un homme et
,
6. - Le baptême nous confère Celui Qui l'a vécue était homme tout autant que
une nouveauté de vie en Christ. Dieu ; Il était exempt de tout péché Quant à Sa nature
humaine. C'est pour cela Qu'il est nécessaire Que la
A. - La vie de Chrisl 1 ! vie de Christ surgisse pour nous, tandis Que nous con-
surgi! en nous. / naissons une seconde naissance. Ainsi, nous sortons
Puisque le baptême confère la vie - la vie de Celui de cette eau lavés de tout péché.
qui est ressuscité - demandons-nous ce Qu'est cette
vie. Raisonnablement, ce n'est pas la même que la
simple vie conforme à notre nature. La vie nouvelle


108 LA VIE EN CHRIST « CAR TOMBE SUR VOUS UNE ROSÉE ... » 109

B. - Le baptême rer à la vie immortelle, par la puissance des mystè-


est le commencement de la vie à venir. res. Voilà de quoi être stupéfaits!
Ce qui vient d'être dit s'éclaire ainsi; la naissance Il est surprenant que les non-baptisés participent à
par le baptême est le commencement de la vie à venir. la résurrection que seule la mort du Christ a donné
D,es membres et des sens nouveaux nous sont don- au monde! S'ils ont fui le Médecin, refusé Ses soins
nes pour préparer notre vie future. Nous ne pouvons et repoussé le seul remède, quelle sera la cause de leur
no us préparer pour la vie à venir si nous ne recevons immortalité? Il faut envisager deux éventualités.
pas dès ici-bas la v~e de Cluist. Il est Père éternel", Ou tous les hommes jouiront instantanément des
Prmce de la paIX . Adam est le père du monde bienfaits que Christ communique par Sa mort; res-
présent, puisqu'il a inauguré pour le genre humain susciter, vivre, régner avec Lui et posséder la béati-
c~tte vie croupissant dans la corruption. Il est impos- tude ; C'est toi, mon bien, est-il écrit, rien au-dessus
sible de Vivre notre actuelle existence sans recevoir les de toi" .
mêmes sens humains qu'Adam; ceux qui sont néces- Ou bien, il est absolument nécessaire d'y mettre du
saires à cette vie. Mais nul ne peut entrer vivant dans nôtre, et ceux qui n'ont pas donné leur foi à Christ
le monde bienheureux s'il n'a été préparé par la vie ne devraient pas ressusciter.
de Christ et formé selon Son image et Sa ressem- Voici notre réponse ; la résurrection est la restau-
blance. ration de notre nature humaine.
-
Dieu en fait Iibre-
Le baptême, en effet, est une naissance, c'est Chtist ment don, De même qu'II nous crée sans que nous
qui nous engendre et c'est Sa propre vie qui nous est le voulions, de même Il nous ressuscite sans notre
donnée. coopération, Le Royaume, la vision de Dieu et l'union
à Christ sont des privilèges du vouloir. Ces dons ne
sont accessibles qu'à ceux qui veulent bien les rece-
c. - Même les non-baptisés ,r voir et les désirer. Ceux-là seuls éprouveront la joie
doivent ressusciter, de posséder ce qu'ils ont désiré. Pour les autre!>, c'est
En fait, tous les hommes recevront des corps tou- chose impossible. En effet, comment pourraient-ils
jours jeunes et renaîtront incorruptiNes ; les bapti- jouir de la présence de biens et s'y complaire s'ils ne
sés d'abord, mais aussi ceux qui n'aht 'pu se prépa- les ont pas désirés? Ils ne peuvent, en effet, ni les
vouloir, ni essayer de les posséder: car ils ne sau-
raient en goûter la beauté. Le Seigneur dit : On ne
• « Père du siècle à venir. » peut les recevoir parce qu'on ne les voit pas ni ne
110 LA VIE EN CHRIST « CAR TOMBE SU R VOUS UNE ROSÉE .. . » III

les connaît". Ils passeraient brusquement de cette oppose, nul ne peut nous en donner le désir ou nous
vie dans l'autre, aveugles, privés des sen et facultés le faire vouloir.
par lesquels on peut connaître et aimer le Sauveur', Seul le Seigneur arrache la nature humaine à la cor-
et cela sans désirer ni pouvoir être unis à Lui. ruption. 11 est, en effet, devenu le Premier-Né d 'entre
Ne nous étonnons pas: tous les hommes auront la les morls" . Il est entré pour nous en précurseur
vie immortelle mais tous ne vivront pas, cependant, dans le saint des saints ". Il a détruit le péché et
dans la béatitude. Tous jouissent également de la pro- nous a réconciliés avec Dieu. Il a renversé la barrière
vidence de Dieu pour notre nature. Se4ls ceux qui de séparation " . Il s'est consacré Lui-même pour
sont fidèles à Dieu jouissent des dons qui récompen- nous " afin que nous aussi nous soyons consacrés
sent leur bon vouloir. La raison en est simple: Dieu dans la vérité et affranchis de la corruption et du
veut que tous les hommes bénéficient de Ses faveurs. péché. Car nous avons nature et volonté communes
Il communique donc à tous, sans laire de différence , avec Lui. La nature, nous l'avons en commun avec
Ses propres dons: soit pour renforcer leur volonté Lui parce que nous sommes des hommes. La volonté,
. ' parce que nous aimons Sa passion et Son apparition
SOit pour restaurer leur nature. De notre côté, nous
recevons tous les dons de Dieu attachés à notre parmi nous " . Nous obéissons à Ses commandements
nature , même si nous ne les désirons pas. Nous ne et conformons notre volonté à ce qu'Il veut.
pouvons pas nous y soustraire. Ainsi, Dieu fait du Il y a des hommes qui ne remplissent qu ' une con-
bien à ceux qui rechignent, Il les contraint avec ten- dition, et aucunement les autres. C'est le cas de ceux
dresse; de telle manière que lorsque nous voulons qui n'ont pas reçu le baptême. Ce sont des êtres
repousser Sa bonté, nous ne pouvons le faire. humains, qui n'espèrent pas leur salut du Sauveur.
Tel est le don de la résurrection! Il n'e~ pas en
Leur volonté n'est pas complètement en accord av~c
la Sienne. Ils sont frustrés du pardon des péchés et
notre pouvoir de naître ou de renaître, de ressusciter
ou non après la mort. de la couronne de justice. Leur volonté, en effet, e:,t
en contradiction avec celle du Christ. Puisqu'ils ont
Quant à ce qui dépend de notre vouloir: ch\>isy la même nature que Christ, rien ne les empêche d'être
ce qUI est bon, pardonner les offenses, notre droiture libérés de la mort et de ressusciter. Le baptême e t
de caractère, la pureté de notre cœur et aimer Dieu ... source non de la vie présente mais de la vie bienheu-
tout . ceci, que nous pouvons accepter ou refuser, a reuse en Christ. En un mot, tous les hommes peu-
sa recompense en la béatitude. Si nous le voulons vent également obtenir la vie immortelle. Cela nou
.. . '
nou s pouvons en Jouir> mais si notre volonté s'y est acquis par la mort et la résurrection de Chn t.


112 LA VIE EN CHRIST « CAR TOMBE SUR VOUS UNE ROSÉE ... » 1 \3

Voilà pourquoi, la résurrection est le dc'O commun après l' avoir reçu? Ils ont renoncé à leur première
à tous le hommes. Mais la rémission des péchés, la attitude et renié Christ. Mais que dire si, par la suite,
couronne céleste et le Royaume deviennent l' héritage touchés par le repentir, ils reviennent à l'Église après
de seulement ceux qui coopèrent convenablement et avoir agi ainsi? Conviendrait-il de les conduire à nou-
qui, se comportent, dès cette vie, en familiers avec veau vers la purification baptismale? Faudrait-il répé-
l'Epoux et l'autre vie. ter les rites du mystère depuis le début, comme s'ils
Ils naissent de nouveau en fonction du nouvel avaient tout perdu? En fait, l'Église se contente
Adam. R espl~ndissan ts de beauté, ils conservent la d'oindre leur corps avec le saint chrême et, sans plus,
jeunesse qui a pénétré en eux par le baptême. de les réintégrer au nombre des fidèles'.
Christ est le p lus beau des enfants des hoinmes" . Que conclure de cette manière de faire? Sinon que
Ils se tiennent, tête haute, tels les vainqueurs aux jeux deux choses nous pellllettent de rester fidèles à Dieu :
Olympiques . Christ est, en effet, Lui-même leur cou- c'est, d'abord, grâce aux mystères, l'usage de la vue
ronne. Il est leurs oreilles parce qu'Il est le Verbe et et, ensuite, l'aptitude à regarder la lumière de Christ.
leurs yeux, parce qu'Il est le soleil. Il est leur odorat Ceux qui trahissent le christianisme perdent-ils l'usage
car l' Épo ux est comme une suave odeur et une huile de l'œil bien qu'ils gardent effectivement l'organe?
qui s 'épanche" . Ils sont splendides en leurs vête- , (c'est-à-dire la possibilité et l'aptitude de voir).
ments immaculés à cause des noces de cet Époux. L'usage d'un sens est facultatif et il dépend de nous
de chercher la lumière du soleil ou de fermer l'œil.
Mais il nous est impossible de nous arracher l'œil et
7. - L'apostasie De peut pas , 1 de détruire complètement ce sens. Si nous ne pouvons
détruire le don de Christ. détruire radicalement un des sens innés en nous, c'est
,1 encore plus difficile d'arracher ce que Dieu a placé
1
A. - Doit-on à nouveau baptiser ceux 1 Lui-même, en nous, par le baptême.
1
qui ont renié Christ? Le baptême reforme et perfectionne en nous le prin-
Tout ceci nous conduit à une autre Question Qu'on
ne peut passer sous silence. C'est le fait de vouloir, • Dès l'Église primitive, le problème de la réintégration des
de croire et de recevoir ce Qui conduit aux dons du apostats (principalement à cause des persécutions) s'es! posé. Le
baptême. Refuser cette démarche, c'est fuir toute béa- christianisme orientaI a connu des apostasies également par se,
titude. Que dire de ceux Qui ont rejeté leur baptême contacts géographiques et politiques avec l'Islam .
112 LA V1E EN CHRIST « CA R TOMBE SUR VOUS UNE ROSÉE ... » 113

Voilà pourquoi, la résurrection est le d0n commun après l'avoir reçu? Ils ont renoncé à leur premièle
à [Ous les hommes. Mais la rémission des péchés, la attitude et renié Christ. Mais que dire si, par la suite,
couronne céleste et le Royaume deviennent l'héritage touchés par le repentir, ils reviennent à l'Église après
de seulement ceux qui coopèrent convenablement et avoir agi ainsi? Conviendrait-il de les conduire à nou-
qui se comportent, dès cette vie, en familiers avec veau vers la purification baptismale? Faudrait-il répé-
l'Époux et l'autre vie. ter les rites du mystère depuis le début, comme s'ils
Ils naissent de nouveau ·en fonction du nouvel avaient tout perdu? En fait, l'Église se contente
Adam. Respl~ndissants de beauté, ils conservent la d'oindre leur corps avec le saint chrême et, sans plus,
jeunesse qui a pénétré en eux par le baptême. de les réintégrer au nombre des fidèles'.
Christ est le plus beau des enfants des ho'mmes"'. Que conclure de cette manière de faire? Sinon que
Ils se tiennent, tête haute, tels les vainqueurs aux jeux deux choses nous permettent de rester fidèles à Dieu :
Olympiques. Christ est, en effet, Lui-même leur cou- c'est, d'abord, grâce aux mystères, l'usage de la vue
ron ne. Il est leurs oreilles parce qu'Il est le Verbe et et, ensuite, l'aptitude à regarder la lumière de Christ.
leurs yeux, parce qu'Il est le soleil. Il est leur odorat Ceux qui trahissent le christianisme perdent-ils l'usage
car l'Époux est comme une suave odeur et une huile de l'œil bien qu'ils gardent effectivement l'organe?
qui s'épanche"'. Ils sont splendides en leurs vête- (c'est-à-dire la possibilité et l'aptitude de voir) .
ments immaculés à cause des noces de cet Époux. L'usage d'un sens est facultatif et il dépend de nous
de chercher la lumière du soleil ou de fermer l'œil.
Mais il nous est impossible de nous arracher l'œil et
7. - L'apostasie ne peut pas , de détruire complètement ce sens. Si nous ne pouvons
détruire le don de Christ. détruire radicalement un des sens innés en nous, c'est
, encore plus difficile d'arracher ce que Dieu a placé
1
A. - Doit-on à nouveau baptiser ceux Lui-même, en nous, par le baptême.
t
qui ont renié Christ? Le baptême reforme et perfectionne en nous le prin-
Tout ceci nous conduit à une autre question qu'on
ne peut passer sous silence. C'est le fait de vouloir,
• Dès l'Église primitive, le problème de la réintégration des
de croire et de recevoir ce qui conduit aux dons du apostats (principalement à cause des persécutions) s'est posé. Le
baptême. Refuser cette démarche, c'est fuir toute béa- christianisme oriental a connu des apostasies également par ses
titude. Que dire de ceux qui ont rejeté leur baptême contacts géographiques et politiques avec l'Islam .


114 LA VIE EN CHRIST « CAR TOMBE SUR VOUS UNE ROSÉE ... » liS

cipe qui dirige nos actions: l'autonomie de la raison cependant, les énergies infusées lors du baptême. Ils
et de la volonté, ou tout autre chose". n'ont donc pas besoin d'une nouvelle re-formation .
. Chaque faculté de l'âme obéit à ce principe et Le prêtre ne les baptise pas une seconde fois, mais
depend de son Impulsion. il leur fait une onction. Il leur communique la grâce
spirituelle de la « piété» ; autrement dit, la crainte
B. - Les dons de Dieu et l'amour de Dieu, tout ce par quoi ils se renouvel-
sont sans repentance. lent dans leurs dispositions premières. C'est ce que
le chrême est capable de réaliser chez ceux qui sont
Ce principe directeur n'est sujet à aucune pression. .InitIes
'"
...
Rien ne peut vaincre notre personnalité, pas même
Dieu, car Il ne nous prive d'aucun des dons qu'II
nous octroie. Il est dit, en effet: les dons de Dieu
sont sans repentance" . En résumé, Dieu infiniment 8. - Le baptême et les réalités
bon veut pour nous tous les biens désirables et nous du monde à venir.
les accorde, moyennant le libre exercice de notre pro-
pre volonté. Nous sommes réellement les membres du Christ et
Tel est le bien du baptême. Il ne garrotte ni ne sub- c'est l'œuvre du baptême. La splendeur et la beauté
jugue notre volonté. Rien n'empêche ceux qui jouis- des membres découlent de la tête. Ils n'auraient
s~nt des avantages du baptême de vivre dans le péché aucune beauté s'ils n'étaient pas attachés à la tête.
SI tel est leur désir. C'est exactement comme La tête de ces membres est cachée en l'existence pré-
quelqu'un dont l'œil est sain: qui peut l'empêcher sente, mais elle paraîtra dans la vie future. Alors les
de le fermer à la lumière du jour, s'il le veut? ou ;nembres seront resplendissants et clairement manifes-
encore: ceux qui, après avoir reçu le baptême et tous tés lorsqu'ils brilleront, avec la tête, dans la splen-
s~s d~n~, se sont laissés aller jusqu'aux limites de deur. Paul le signale quand il déclare: Vous êtes
1 Impiete et de la corruption, fis n'ont pas perdu, morts, et votre vie est désormais cachée avec Christ
en Dieu. Mais quand Christ sera manifesté, Lui qui
• Il faut souligner ici l'extrême sobriété de la théorie orien- est voire vie, alors vous aussi vous serez manifestés
tale sur ce problème de la liberté humaine. On sait combien le avec Lui, pleins de gloire".
"-,onde OCCIdental avec les querelles sur la grâce a connu une Et le hfenheureux Jean ajoute: Ce que nous serons
slt uat~on embrouillée. On notera comment Cabasilas situe la n'a pas encore été manifesté. Nous savons que lors
hberte par rapport au baptême.
de cette manifestation nous Lui serons semblables .
116 LA VIE EN CHRIST
« CAR TOMBE SUR VOUS UNE ROSÉE ... » 117
C'est donc impossible, maintenant, de connaître
dinaire triomphe de~ lois humaines', et ne peut être
parfaitement la force de cefte autre vie. Je suppose
attribuée ni à la sagesse, ni à la formation, ni aux
même que les saints n'en savent guère davantage ! Ils
efforts personnels, ni à des talents innés, ni à tout
admettent leur ignorance; ce qu'ils savent partielle- autre cau se humaine. Leur âme s'est élancée avec
ment, c'est dans un miroir, d'une manière conf use". enthousiasme vers des choses que l'homme a de la
Et il leur est impossible d'exprimer en par61es même peine à imaginer. Leur corps n'a pas éteint cette fer-
ce peu qu'ils connaissent.
veur et il a supporté toutes les souffrances, si gran-
1
• des fussent-elles imposées par l'âme. Cependant, l'âme
Ceux qui ont le cœur pur en acquièrent cependant et le corps n'ont qu'un pouvoir limité, ni l'une ni
une certaine perception et connaissance. Il ne peuvent l'autre ne sont capables de faire face à certains maux.
pourtant trouver des mots adaptés et capables d' expri- Ils peuvent supporter quelques douleurs, mais sous
mer cette bienheureuse expérience à ceux qui l'igno- l'effet de certaines autres, c'est ou bien l'âme qui
rent. Les merveilles qu'entendit l'Apôtre quand il fut renonce ou le corps qui défaille.
ravi au paradi s et au troisième ciel furent des paro-
les ineffables, qu'il n 'est pas permis à l'homme de B. - L'exemple des martyrs.
redire" !
Rien, cependant, n'a vaincu les âmes bienheureu-
ses des martyrs. Ils furent capables de tenir et de per-
sévérer face à des tortures si cruelles et si nombreu-
9. - Comment les effets du baptême ses que l'imagination la plus folle ne peut même con-
se manifestent-ils? • cevoir. Toutefois, je n'ai pas encore signalé ce qui
est le plus nouveau et le plus original. Ce n'était pas
,1 dans l'espoir de magnifiques récompenses et d'une vie
A. - Unç « manière nouvelle de se
comporter... » 1 meilleure qu'ils méprisaient cette vie présente. Ils n'ont
1
, ... pas voulu accomplir quelque acte audacieux sous
Ce que l'on connaît de cette vie nou'::lIe, ce dont l'effet du raisonnement ou de la persuasion, comme
on peut parler et qui manifeste l'invisible, c'est le cou-
rage de ceux qui ont été récemment initiés. C'est, • Cabasilas, avec beaucoup de finesse, part du combat spiri-
aussi, leur manière nouvelle de se comporter, eux qui tuel que rencontre tout baptisé. Mais il prépare ainsi l'attention
à l'exemple des martyrs, ces baptisés exemplaires beaucoup plus
ont été baptisés et ont persévéré. Leur force extraor-
que des héros humains.


118 LA VIE EN C HRIST « CAR TOMBE SUR VOUS UNE ROSÉE ... » 119

des malades qui endurent des pointes de feu ou le dent. Tous agissaient pareillement, femmes et jeunes
scalpel des chirurgiens. Ce qui est sans précédent, c'est filles , hommes et enfants, de toutes classes et
. de tou-
.
qu'ils aimaient les blessures et brûlaient de souffrir. tes professions. Il faut insister sur ce dermer POInt:
Ils soupiraient après la mort comme après quelque la différence n'est pas mince en ce domaIne: celuI
c.hose de désirable, même sans qu'une autre perspec- qui peine rudement dans son travail habituel n'est pas
tIve leur soit proposée ... Quelques-uns d'entre eux touché de la même manière par les tortures et les
sont allés au-devant de l'épée, de la torture et de la souffrances que celui qui mène une vie sans con-
mort. Quand l'épreuve se présentait, dis n'en éprou- . trainte. Un soldat et un joueur de flûte ne regardent
vaient que plus d'ardeur. D' autres ç>nt passé avec pas du même œil l'épée et la mort.
empressement leur existence dans les souffrances, les Rien ne peut entraver ce surprenant élan vers le
mauvais traitements et les tribulations. Ils n'ont reçu martyre, car rien n'empêche qui que ce soit d'attein-
aucùn soulagement, considérant que leur sort était de dre ce sommet de la sagesse. La même force leur avrut
mourir chaque jour '. Leur corps' obéissait et se cui- donné naissance et les avait aussi formés. Tous sont
rassait dans la lutte contre ses propres exigences. parvenus au plus haut degré de la vertu. Ils ont
Cela n'est pas le fait de deux, ou trois, ou vingt apprécié et aimé le bien plus que la natu~e n.e leur
chrétiens. Ce n'est pas le fait d'hommes seulement ou en donnait pouvoir. Pour l'amour du Chnst, Ils ont
de personnes dans la force de l'âge, mais ils sont des méprisé jusqu'à leur propre vie. Même des comédien-
dizaines de milliers, une multitude incalculable de tous nes des hommes dissolus et méprisés de la société ont
âges et sexes. Les martyrs illustrent clairement notre reç~ la parole du salut. Ils furent transformés et refa-
propos.. . . r çonnés en harmonie avec l'idéal parfait.
CertaIns etaIent croyants avant les persécutions. Ils firent cela aussi rapidement et aisément que s'ils
Pour d 'autres, Christ a fait pénétrer en eux la vraie changeaient simplement de masque'.
vie pendant les persécutions elles-mêmes. Tous, devant
leurs persécuteurs, témoignèrent de leur foi en Christ
et procl amèrent Son nom dans leur désir de mourir.
D' une seule voix, tous lançaient un défi à leurs bùur-
reaux, comme s'ils se ruaient vers un avantage évi-
• II ne s'agil pas d'une image littéraire. Les comédiens anti-
ques portaient des masques qui caractérisent le personnage .
'
• 1 Co
.
sIOn aux momes.
.
15, 31. Il semble que Nicolas Cabasilas fasse ' ici aIIu- Cabasilas marque ici qu'ils ont pris le masque du Chnst, el
l'image est donc trés forte.


120 LA VIE EN CHRIST « CAR TOMBE SUR VOUS UNE ROSÉE ... » 121

C. - « C'est l'Époux de l'Église ils étaient poussés vers ce comportement extraordi-


qui Lui-même les a baptisés. » naire. Quelle fut la cause de leur amour?
Il est arrivé qu'un bon nombre d'entre eux ont été S'ils ont été capables d'aimer à ce point, qui atti-
intégrés dans ce chœur sans avoir été baptisés : ils ne sait le feu de cet amour?
l'avaient pas été avec de l'eau par l'Église. Mais c'est En fait, c'est la connaissance qui provoque l'amour
l'Époux de l'Église Lui-même qui les a baptisés. Pour et lui donne naissance. Il est impossible de s'épren-
beaucoup, Il fit descendre une nuée du ciel ou fit , dre d'amour pour quelque chose de beau sans en
j~illir spontanément de l'eau de la terre pour ies bap- avoir appris déjà la beauté. Cette connaissance est
tiser. La plupart d'entre eux, cependant, furent régé- tantôt très étendue et complète, tantôt imparfaite. JI
nérés de faço n invisible. Les membres de l'Église, tels en est de même de l'amour. Quand on connaît par-
que Paul et d'autres comme lui, complètent ce, qui faitement ce qui est beau et bon, on l'aime avec
manque en Çhrist", ai nsi n'est-il pas étonnant que l'intensité qui convient à tant de beauté; mais
la Tê!e de l'Eglise supplée à ce qui manque au corps l'amour est plus faible pour ce que l'on connaît moins
de l'Eglise. S'il y a quelques membres qui paraissent clairement.
aider la Tête, il est plus normal que la Tête elle-même Voici donc une évidence: le baptême a fait péné-
ajoute ce qui manque aux membres. trer en ' eux un certain besoin de connaître et de savou-
rer Dieu. Ils ont clairement connu la beauté.
Ils ont admiré Sa beauté el goûté, comme l'exprime
D. - « Percés et comme enivrés le psaume, les fruits de Sa bonté" . Je veux dire
par l'amour de Christ. »
qu'ils ont approfondi cette connaissance bien plus par
Cette force par laquelle les martyrs allèrent de l'expérience que par l'enseignement reçu.
l'avant avec tant de courage, et souhaitèrent vivemeht
mourir, ne se trouve pas dans la nature humaine. Cela
E. - Les deux voies d'accès
ne nécessite ni démonstration ni raisonnement. Il faut
j à la connaissance: l'enseignement et
donc supposer que la grâce du baptême en est la
l'expérience.
cause. Cherchons la manière dont l'eau baptismale a
produit en eux ces attitudes. Il y a deux voies d'accès à la connaissance : celle
Ces souffrances et ces épreuves ne pouvaient être qu'on peut acquérir par l'écoute et celle qu'on emma-
supportées que par des amoureux! Percés par les flè- gasine par expérience personnelle. Dans le premier cas,
ches de l'amour du Christ et enivrés de Sa tendresse, cet enseignement ne nous fait pas toujours saisir
122 LA VIE EN CHRIST « CAR TOMBE SUR VOUS UNE ROSÉE .. . » 123

l'objet de la connaissance en tant que tel. Nous com- F. - La supériorité du


prenons mais au moyen de paroles. Nous appréhen- Nouveau Testament.
dons mais comme en image et d' une manière fl oue. C 'est ainsi que le Nouveau Testament diffère de
Nous percevons l'image mais non l'objet lui-même de l'Ancien et lui est supérieur.
la connaissance. Il est impossible de trouver, dans la Jadis, on était instruit par une parole, maintenant,
nature, la copie parfaite d' un objet qui nous permet·· Christ Lui -même est présent et dispose et forme les
trait la connaissance de l'objet lui-même. âmes d'une manière indicible. Les paroles, les ensei-
•• • •
Dans le deuxleme cas : nous connaIssons par expe- gnements et les lois ne permettaient pas aux hommes
rience, atteignant ainsi directement l'objet de la con- d'atteindre le but qu'ils visaient. S'il avait suffi de
naissance. La forme de l'objet saisit l'âme et suscite discours, on n'aurait pas eu besoin d'actes et d'actes
le désir, laissant une empreinte en harmonie avec la pleins de merveilles, au point que Dieu s'incarne, est
beauté... . crucifié et meurt.
Quand l'amour du Sauveur ne suscite, en nous,
aucune initiadve no uvelle ou surnaturelle, c'est que
G. - ' Comment l'expérience façonne
nous ne Le connaissons que par les paroles d'autrui.
Comment serait-il possible de bien Le connaître uni-
-
les saints.
quement par o uï-dire ? On ne peut rien trouver de Cet aspect se révèle avec éclat dès le début des com-
sembla ble à Lui ni rien qu'Il ait en commun avec munautés chrétiennes, en nos Pères eux-mêmes, les
d'autres. Rien non plus à quoi on puisse Le compa- Apôtres. Ils avaient bénéficié d'une formation com-
rer, ni rien qui Lui soit comparable. Comment donc plète, donnée par le Sauveur Lui-même. Ils avaient
pourrait-on connaître Sa beauté? Comment L'aimer vu tous les événements et toutes les grâces qu'II pro-
aussi ardemment qu'Il est beau? Quand des hommes digua à notre nature. Ils furent aussi témoins de tout
éprouvent un vif désir de L'aimer, d'une envie qui ce qu'II a souffert pour le genre humain: Sa mort,
surpasse la nature humaine; quand ils désirent réali- Sa résurrection et Son ascension au ciel.
ser des actions inconcevables, c'est l'Époux qui les Bien Qu'ils eussent connu tous ces événements , les
atteint en les inspirant ainsi. C'est Lui qui ouvre leurs Apôtres ne révélèrent rien de nouveau, de noble, d e
yeux à Sa beauté. La profondeur de la blessure témoi- spirituel ou de supérieur aux merveilles de jadis. Il
gne que la flèche a frappé juste et l'ardeur du désir leur a fallu être baptisés. Quand ils le furent, le Para-
révèle Celui qui a blessé. clet étant répandu en leurs cœurs, ils devinrent des
êtres nouveaux. Animés d'une vie neuve. ils initièrent
122 LA VIE E!'I CHRIST « CAR TOMBE SU R VOUS UNE ROSÉE ... » 123

l'objet de la connaissance en tant que tel. Nous com- F. - La supériorité du


prenons mais au moyen de paroles. Nous appréhen- Nouvea u Testament.
dons mais comme en image et d'une manière floue. C'est ainsi que le Nouveau Testament diffère de
ous percevons l'image mais non l'objet lui-même de l'Ancien et lui est supérieur.
la connaissance. Il est impossible de trouver, dans la Jadis, on était instruit par une parole, maintenant,
nature, la copie parfaite d'un objet qui nous permet- Christ Lui-même est présent et dispose et forme les
trait la connaissance de l'objet lui-même. âmes d'une manière indicible. Les paroles, les ensei-
Dans le deuxième cas : nous connaissons par expé- gnements et les lois ne permettaient pas aux hommes
rience, atteignant ainsi directement l'objet de la con- d'atteindre le but qu'il, visaient. S'il avait suffi de
naissance. La forme de l'objet saisit l'âme et suscite discours, on n'aurait pas eu besoin d'actes et d'actes
le désir, laissant une empreinte en harmonie avec la pleins de merveilles, au point que Dieu s'incarne, est
beauté .. crucifié et meurt.
Quand l'amour du Sauveur ne suscite, en nous,
aucune initiative nouvelle ou surnaturelle, c'est que
nous ne Le connaissons que par les paroles d'autrui. G. _. Comment l'expérience façonne
Comment serait-il possible de bien Le connaître uni- les saints.
quement par ouï-dire? On ne peut rien trouver de Cet aspect se révèle avec éclat dès le début des com-
semblable à Lui ni rien qu'II ait en commun avec munautés chrétiennes, en nos Pères eux-mêmes, les
d'autres. Rien non plus à quoi on puisse Le compa- Apôtres. Ils avaient bénéficié d'une formation com-
rer, ni rien qui Lui soit comparable. Comment donc plète, donnée par le Sauveur Lui-même. Ils avaient
pourrait-on con naître Sa beauté? Comment L'aimer vu tous les événements et toutes les grâces qu'II pro-
aussi ardemment qu'II est beau? Quand des hommes digua à notre nature. Ils furent aussi témoins de tout
éprouvent un vif désir de L'aimer, d'une envie qui ce qu'II a souffert pour le genre humain: Sa mort,
surpasse la nature humaine; quand ils désirent réali- Sa résurrection et Son au ciel.
ser des actions inconcevables, c'est l'Époux qui les Bien qu'ils eussent connu tous ces événements, les
atteint en les inspirant ainsi. C'est Lui qui ouvre leurs Apôtres ne révélèrent rien de nouveau, de noble, de
yeux à Sa beauté. La profondeur de la blessure témoi- spirituel ou de supérieur aux melVeilles de jadis. Il
gne que la flèche a frappé juste et l'ardeur du désir leur a fallu être baptisés. Quand ils le furent, le Para-
révèle Cel ui qui a blessé. clet étant répandu en leurs cœurs, ils devinrent
êtres nouveaux. Animés d'uno vie neuve, ils initièrent
124 LA VIE EN CHRIST « CAR TOMBE SUR VO US UNE ROSÉE ... » 125

d'autres hommes, et allumèrent ainsi, en eux-mêmes les ho mmes avaient entendu, alors, la voix de~ Apô-
et dans le cœur des autres, un ardent désir de Christ. tres qui la prêchaient. Les trophées remportés par les
Les Apôtres ont été proches du Soleil et ils ont par- luttes des martyrs témoignaient de la véritable divi-
tagé Sa vie quotidienne et Ses paroles; mais ils n'ont ni té de Christ , bien plus que toute voix humaine.
perçu Sa lumière qu'en recevant le baptême d'Esprit. Po rphyre avait entendu des milliers de paroles et
C'est ainsi que Dieu a mené vers la perfection les vu bon nombre de héros et de miracles. Il persistait,
saints qui sont venus par la suite. Ils Le reconnurent cependant , dans son erreur et préférait le mensonge
et s'éprirent d'amour pour Lui. Ils ne s'enflammè- à la vérité . Mais, sitôt baptisé, bien que ce fût pour
rent pas à de simples mots, mais ils furent transfor- plaisanter, il se joignit au chœur des martyrs. Il était
més par le pouvoir du baptême. C'était l' Aimé Lui- mime de profession: Il osa parodier le baptême, sur
même qui les façonnait et formait. C'est Lui qui crée la scène du théâtre, pour déclencher les rires. Se plon-
un cœur pur". Il ôte le cœur de pierre et donne un geant dans l'eau, il se baptisa lui-même en invoquant
cœur de chair" et anéantit leur insensibilité. Paul le la Trinité. Les spectateurs se mirent à ricaner. Mais,
déclare: Christ grave non sur des tables de pierre, pour lui, son acte n'était plus une bouffonnerie, ni
mais sur des tables de chair", Il écrit non seulement une comédie. Il devint un être né à nouveau, une
le texte de la Loi, mais S'inscrit Lui-même, le création nouvelle et le mystère lui-même. Il sortit avec
législateur . l'âme d'un martyr,.au lieu de celle d'un mime, avec
un corps noble, formé pour la sagesse et les durs
labeurs. Sa la~gue provoqua, non plus les rires, mais
H. - Comment le baptême a converti , la colère du tyran. Ainsi, celui dont l'existence était
des railleurs de Christ :
cabotinage devint soli,(\ain sérieux et ardent pour
Porphyre, Gélase et Ardalion.
Christ. Après avoir sulii uh grand nombre de tortu-
C' est devenu manifeste en un grand nombre de res, il fut heureux de mourir afin de ne plus trahir
saints : dans l'incapacité d'apprendre la vérité par la Son Aimé même par une parole.
parole des hommes, ils ne connaissent pas la puissance Gélase, lui aussi, parvint à la connaissance et à
de Celui qui était annoncé par les miracles. Dès qu'ils l'amour de Christ de cette manière. Apparemment ,
eurent reçu le baptême, ils se montrèrent, soudain, son premier contact avait été empreint de haine et
d'authentiques chrétiens. d'hostilité. Mais Celui qu'il combattait lui ouvrit les
Le bienheureux Porphyre naquit à l'~poque où la yeux de l'âme et lui montra Sa beauté divine. Gélase
loi du Chrl~l _e répandait dans Je monde entier. Tous fut immédiatement ravi par cette beauté, il prit une
126 LA VIE EN CHRIST « CAR TOMBE SUR VO US UNE ROSÉE ... » 127

attitude opposée, et d'ennemi du Christ, il devint son Ardalion, le trésor des fleuves bondit de sa bouche
ami. Cet amour de Christ est une extase et il con- en son cœur.
duit ceux dont il s'empare au-delà des limites de leur
propre nature humaine. Le prophète souligne ce point 1. - « 6 indicible puissance
faisant allusion à la mise en Croix et à la mort du de Christ ! »
Christ. Il dit que des multitudes seront étonnées
devant Lui, tant son aspect est défiguré, il n'a plus Ô indicible puissance de Christ! Sans accorder
d'apparence humaine"'. bienfaits ou couronnes, sans faire miroiter l'espoir de
grands gains, Christ saisit ces hommes! Il leur fait
Le noble Ardalion également fut baptisé lors d'un partager Ses blessures et Ses outrages. Il les persuade
simulacre de cérémonie pour faire plaisir aux specta- de vérités qu'ils ne pouvaient pas tolérer avant. Subi-
teurs. Il était pitre et cherchait par un tel spectacle tement, tous ces hommes ont rompu avec leurs habi-
à flatter le public. Il fut baptisé, en imitant la pas- tudes invétérées. Ils ont changé radicalement de sen-
sion du Sauveur, non par des symboleS ou des ima- timents. Ils se sont détournés du mal pour n'envisa-
ges, mais en réalité. Par une mise en scène encore, ger que le bien. Personne n'est plus vil qu'un
il imita la profession de foi des martyrs. Il fut sus- comédien· et personne n'est plus sage qu'un martyr.
pendu , nu, sur une croix, par d'autres comédiens, C'est ainsi que, de l'individu le plus perverti et le plus
dans une parodie. dépravé, Christ fait l'un de ses meilleurs sujets. Aux
Mais quand il invoqua Christ et sentit les blessu- yeux de la raison, il n'est pas possible que les bles-
res, il se convertit. Ses paroles s'exprimèrent à l'unis- r ures et l'ignominie puissent faire naître l'amour.
son de son âme et sa volonté s'harmonisa avec son Comment réduire et vaincre un ennemi par ce qui
comportement. Maintenant, il était vraiment devenu excitait son hostilité? Comment le faire par ce qui
ce qu'il feignait d'être dans son rôle: un chrétien. devrait même détourner un fidèle du christianisme?
Voici l'effet des blessures infligées par moquerie et Qui donc, par les douleurs qu'il endure, inspire de
des paroles qu'il prononça. Il se mit sur-le-champ à l'amour à celui dont il est haï délibérément? Qui peul
aimer Christ quand il déclara qu'il L'aimait. Le feu se faire un ami et un défenseur d'un ennemi et d'un
de l'amour se répandit dans son cœur, comme s'il lui persécut~ur ?
avait été insufflé.
• On le sait, dès les premiers siècles, l'Église récusait le théâ-
Pour d'autres hommes, le bien qui pénètre dans la tre et les comMiens puisque toul le rq,.rtoire utilisait la mytho-
bouche provient du bon trésor du cœur", mais pour logie païenne el des thèmes licencieux.
- ,

128 LA VIE EN CHRIST « CAR TOMBE SUR VOUS UNE ROSÉE ... » 129

La prédication de la Parole n'a eu aucun effet sur qu'il est possible à l'homme, confesser la foi et pren-
eux mais la puissance du baptême a réalisé cela. Arda- dre sur soi la passion et la lIlort de Christ.
lion avait entendu les paroles relatives à notre salut. Tel est le pouvoir de la Loi Nouvelle; c'est ainsi
Il avait vu des miracles, car un grand nombre de que renaît le chrétien.
martyrs avaient vaillamment témoigné de leur vivant. Voici la façon dont il atteint une sagesse admira-
Néanmoins, il était resté aveugle et hostile à la lumière ble et entreprend les actions les plus parfaites. Sa foi
jusqu'à son baptême. est inébranlable et il croit sans contrainte. Il règle sa
À ce moment, il a ieçu les blessures (stigmates) de conduite selon la puissance de Dieu et non sur des
Christ et a pu rendre son beau témoignage", car tel lois. Il adhère ainsi fermement à la foi et à la vertu.
est le but du baptême : imiter le témoignage de Christ Il est formé par elles au point de prendre la ressem-
devant Pilate et sa persévérance jusqu'à la mort sur blance bienheureuse de Christ. Le royaume de Dieu
la Croix. On peut imiter Christ, soit par les figures ne consiste pas en parole mais en puissance", dit
et symboles des mystères, soit - le moment venu - Paul. Et ailleurs : Le langage de la croix est [.. .j pour
au risque de notre vie, en témoignant notre foi par ceux qui se sauvent, pour nous, puissance de Dieu".
des actes. .
B. - La Loi Nouvelle est réalité et vie.

10. - Le baptême en tant La Loi Nouvelle est donc spirituelle, car c'est
qu'expérience personnelle de Dieu. l'Esprit qui accomplit tout.
La Loi Ancienne est la loi de la lettre. Elle ne va
A. - « Il règle sa conduite selon la pas au-delà des lettres et des sons. C'est pourquoi elle
puissance de Dieu. » n'est qu'une ombre" et une image. La loi présente
est réalité et vérité. Les mots et les lettres sont comme
Nombreux sont les remèdes qui, à travers les â$es, une image par rapport à la réalité. Avant qu'ils se
ont été cherchés pour guérir l'humanité malade. Seule réalisent, Dieu les avait annoncés en maintes occa-
la mort de Christ a pu apporter la vie et la santé sions, par la bouche des prophètes : Je conclurai [.. .j
véritables. u~ alliance nouvelle. Non pas comme l'alliance que
En voici la raison: boire le remède offert par j'ai .:onclue avec leurs pères".
Christ, c'est naitre pour cette nouvelle naissance, vivre Que signifie donc cela? Voici, dit-II, l'alliance que
Sa vie bienheureuse, jouir de la santé. C'est, autant je conclurai avec la maison d'Israël et la maison de
130 LA VIE EN C HRIST « CAR TOMBE SUR VOUS UNE ROSÉE .. . » 131

Juda. [.. .J Je mettrai ma loi au fond de leur être et connaissance du Créateur. Elle révèle la vérité à
je l'écrirai sur leur cœur" .- Cela revient à dire qu' Il l'intelligence. Elle renforce le désir de connaître
ne les concrétise pas par le simple son des paroles de Christ, Lui qui seul est désirable. C'est pourquoi ,
ses messagers. Mais Il se rend présent comme légis- ardentes sont les aspirations qu'Il inspire, indicible est
lateur et sans intermédiaire. Car JI déclare : Ils Son amour et merveilleuse Sa tendresse ...
n 'auront plus à s'instruire mutuellement, se disant l'un Dieu a insufflé en notre âme le désir d'atteindre
à l'autre: "Ayez la connaissance de Yahvé t " Mais le bien qu'elle souhaite, el de posséder aussi la vérité
ils me c.onnaÎtront tous, des petits jusqu'aux plus qu'elle cherche.
grands" . Pour avoir eu connaissance de cette loi, Nous soupirons après le bien plutôt qu'après le mal,
David s'exclame lui aussi : M oi je sais que le Seigneur après la vérité plutôt qu'après l'erreur. Car personne
est grand" . Il dit : « Je sais », parce qu ' il l' a expé- n'aime être trompé ou être égaré.
rimenté lui-même et non pas entendu de la bouche
Nul ne souhaite rencontrer le mal au lieu du bien.
des autres. C'est pourquoi il encourage les autres à
Or, malgré notre désir, nous n'avons jamais acquis
faire la même expérience, quand iJ ajoute: goûtez et
ces biens dans leur pureté. Ce qui est bon et vrai à
voyez comme Yah vé est bon " ! Cet homme bien- nos yeux nous est plutôt contraire! De même, nous
heureux a loué la bonté de Dieu par toute une gamme ne pouvions nous figurer ni la force de l'amour, ni
de paroles variées. Il invite ses auditeurs eux-mêmes la pléni:ude de la joie, tant que l'objet de notre
à faire l'expérience de Celui dont il chante la louange, amour et de notre joie était absent. De même,
car ses paroles sont impuissantes à en rendre la l'impulsion du désir ou le feu de son mobile restent
réalité. inconnus tant que l'objet du désir est absent.
Pour ceux qui ont goûté le Sauveur, l'objet de leur
désir est présent. C'est pour Lui, dès le début , que
11. - Cette expérience engendre l'amour de l'homme a été créé; pour évaluer et mesu-
l'amuur pour le Créateur. rer le désir qu'on a de Christ. Notre cœur est un écrin
si grand, si vaste, qu'il peut même contenir Dieu.
A. - « L 'homme a soif, Ainsi, rien ici-bas ne nous comble parfaitement et rien
pour ainsi dire, d'une soif infinie... » n'apaise notre désir, même si nous acquérons tout ce
C'est cette expérience que communique le baptême qui est excellent. Nous recherchons toujours comme
à l'âme des baptisés. Elle donne à la créature la si nous n'atteignons jamais ce à quoi nous aspirons.
132 LA VIE EN CHRIST « CAR TOMBE SUR VOUS UNE ROSÉE ... » 133

L'âme de l'homme a soif, pour ainsi dire, d'une eau authentiqueo. Mais, dans le cas des baptisés, comme
infinie. Comment ce monde limité pourrait-il lui rien ne s'y oppose, l'amour se manifeste franche-
suffir~ ? ment: merveilleux et indicible; et la joie est inexpri-
C'est ce à quoi songeait le Seigneur quand Il dit mable. Dieu a fait que ces passions Lui soient ordon-
à la Samaritaine: Quiconque boit de celle eau aura nées. Il veut être, Lui seul, notre amour et notre joie.
soif à nouveau .. mais qui boira de l'eau que je lui Il s'ensuit, à mon avis, que l'intensité de ces passions
donnerai" 'aura plus jamais solj'. Voilà l'eau qui se mesure à l'infini de Sa bonté.
étanche la soif des âmes humaines. Il dit aussi:

J'assurerai le salut à ceux qui en ont solj'. L'œil B. - « A l'abondance de l'amour
fut créé pour percevoir la lumière, l'oreille pour enten- correspond l'abondance de la joie. »
dre les sons, et chaque membre pour atteindre une
Contemplons donc quelle est la grandeur de cet
fin déterminée. Mais le désir de l'âme a pour unique
amour 1... Pour tous les biens qu'Il nous fait, le Sei-
objet Christ en personne. gneur ne demande en échange que notre amour; c'est
Seul, Christ est repos de l'âme, car Christ, seul, là Sa richesse. Que nous L'aimions: Il règle toutes
est le Bien et le Vrai. Lui seul mérite d'être aimé. nos dettes ! Comment ne pas voir comme plus grand
Les hommes ne peuvent aimer et se réjouir qu'autant que tout ce qui, aux yeux de Dieu notre juge, devient
que la nature humaine en est capable, c'est-à;<!1re de la contrepartie de bienfaits infinis?
manière limitée. Cette capacité, c'est Dieu, cependant, Il est clair qu'à l'abondance de l'amour correspond
qui l'Implanta en l'homme, lors de la cr~ation. Mais, l'abondance de la joie. La joie qu'on éprouve est
seules, la force et l'eau de baptême peuvent nous fonction de l'amour et la plus grande joie accompa-
offrir d'aimer et de nous réjouir sans réserve. Ce-ux 8ne toujours le plus grand amour. En effet, l'âme
qui, par conséquent, parviennent jusqu'à Christ; ~ humaine a une grande et merveilleuse capacité
sont entravés en rien, dans leur amour pour Lui. En d'amour et de joie. Cette joie n'est profitable qu'étant
effet, les délices de notre vie terrestre trahissent ce
qu'elles promettent. • On ne s'~onnera pu de cela. Si la tb~loaie et la ,pmtua·
lit~ s'inspirent et CIl premier lieu de l'&nture, eU
Ni l'amour, ni la joie nt peuvent trouver leur épa-
tiennent aussi compte du do~ culturel qui est dans leur patri·
nouissement dans les biens de ce monde car ils ne moine. Ici. on retrouve Platon pour qui tout ce qui est beau
sont que trompe-l'œil. Même si quelque objet paraît est faible reflet de 1'« ldile _, beaut~ unique existaul ~er·
beau, ce n'est qu'un bien faible reflet de la beauté ncllemenl. •
134 LA VIE EN CHR IST « CAR TOMBE SUR VOUS UNE ROSÉE ... » 135

présent Celui qui est parfaitement digne d' amour. 12. - Le baptême
Voilà ce que le Seigneur qualifie de joie da ns la est une illumination.
plénitude" .
A . - Les langues de feu à la
C. - A mour et joie, fruits de Pentecôte: l'Esprit proclame le Verbe.
l'Esprit saint.
La célébration du baptême est un éclatement de
Lorsque l'Esprit demeure en quelqu'un, Il répand lumières: lampadaires, chants, chœurs, processions,
en lui ses fruits. rien qui ne soit radieux. Les robes baptismales, tou-
L' amour et la joie sont premiers Car le fruit de tes resplendissantes, sont préparées pour une festivité
l 'Esprit est charité, j oie" ... de la lumière.
P ar cQnséquent, quand Dieu vient dans notre âme, Le voile qui couvre la tête représente l'Esprit Lui-
Il nous les accorde d' abord pour nous faire sentir Sa même, dont la venue est signifiée par ce symbole. Ce
présence. Sent-on la présence du bien, on l'aime for- voile, taillé en forme de langue, conserve la forme
cément et on s'en réjouit. sous laquelle, tout au début, apparut l'Esprit quand
Quand Christ s'est fait homme, Il a demandé, Il baptisa Lui-même les Apôtres.
avant tout, qu'on Le connaisse. Voilà ce qu'Il ensei- À ce moment-là, Il se posa sur la tête de chacun
gnait et proposait en premier lieu. C'est pour cela d'eux sous forme de langues de feu. Pour quelle rai-
qu'Il s'est fait perceptible et qu'Il a tout ment' à Son son, descendit-Il sous forme de langues?
achèvement. Il déclare: Je ne suis venu dans le A mon avis, parce qu'Il est venu pour expliciter
monde que pour rendre témoignage à la vérité" . le Verbe", qui Lui est familier et pour L'enseigner
Lui-même est la Vérité. C'est presque comme s'Il à ceux qui ne Le connaissaient pas. C'est la fonction
avait dit: pour me manifester et me rendre témoi- de la langue de se faire messagère des pensées invisi-
. -
gnage a, mOI-meme. bles de l'Esprit. Elle manifeste ce qui est intérieure-
C'est ce qu'Il fait, maintenant, quand Il vient en ment caché. Ainsi, le Verbe proclame le Père qui l' a
ceux que l'on baptise. Il rend témoignage à la vérité engendré, tandis que l'Esprit proclame le Verbe.
en chassant ce qui ne présente que les apparences du Christ dit au Père: Je T'ai glorifié" et au sujet du
bien. Il apporte la vérité et la manifeste, comme Il
le dit Lui-même, en se manifestant à eux"' ... • Le sens premier est ici assudment celui du Prologue de saint
Jean (Jn l, 1) mais le sens du mot est tr~s riche.
136 LA VIE EN CHRIST « CAR TOMBE SUR VOUS UNE ROSÉE ... }} 137

Paraclet, Il déclare: Il me glorifiera" . Voîlà donc la 13. - Résumé sur les effets
raison pour laquelle Il apparut de cette manière. du baptême.

A. - Il prépare à la vie future.


B. - « Le fruit de la contemplation
est joie inexprimable et amour ardent. » Tels sont, en réalité, les effets du baptême. Il libère
du péché et il réconcilie l'homme avec Dieu . Il unit
Ce symbole évoque pour nous cette merveille, ce
l' homme comme un fil s à Dieu et il ouvre les yeux
souvenir, ce jour radieux qui vit les débuts du bap-
des fidèles pour qu 'ils puissent percevoir le rayon
tême. Il nous fallait savoir que ceux sur qui l' Esprit
divin.
était d'abord descendu le communiquèrent à leurs suc-
En définitive, il prépare à la vie future. Nous avons
cesseurs. Ceux-ci, à leur tour, l'administrent autour
donc raison d'appeler le baptême « naissance » et de
d'eux. C'est ainsi qu' Il est parvenu jusqu'à nous. Il
le désigner par des appellations similaires. Dans le
ne nous manquera Jamais jusqu'à ce que le Donateur cœur des baptisés, il fait surgir la connaissance de
revienne en personne et ouvertement parmi nous.
Dieu .
Alors le Maître accordera aux bienheureux de Le voir Il est la vie, le fondement et la racine de la vie,
clairement Lui-même, après avoir écarté tout ce qui car le Sauveur a déclaré que la vie éternelle consiste
pourrait Le leur cacher. Actuellement, cependant, ce à connaître le seul véritable Dieu et son envoyé, Jésus-
n'est qu' à travers le voile grossier de la chair que nous Christ" . Salomon déjà s'était exprimé avant Lui, en
L'atteignons. s'adressant à Dieu: Te connaître, en effet, est la PO/ -
Le fruit de la contemplation des bienhefueux est faite justice; savoir ta puissance est la racine de
une joie inexprimable et un amour al·dent. Cette joie l'immortalité"'.
et cet amour les incitent à réaliser de grandes et
nobles actions. Ils accomplissent, ain~i, des œuvres
merveilleuses. Vainqueurs et triomphants, ils su/mo,,- B. - Il ouvre les yeux
tent tous les obstacles. Munis de ces armes puissan· pour les orienter vers Dieu.
tes, ils sont vainqueurs des épreuves et des plaisirs, Ajoutons une preuve tirée de la raison.
et leur j oie l'emporte. Les souffrances et les plaisirs Qui ne sait que la véritable vie de l'homme et sa
ne peuvent les détourner de leur chemin, ni les dis- supériorité consistent dans l'intelligence et le savoir ~
joindre du Sauveur auquel ils sont unis par un si Si cela est exact, cette vie-là devrait nourrir la con-
grand amour. • naissance la plus parfaite, et libérer de toute erreur.

,

138 LA VIE EN CHRIST « CAR TOMBE SUR VOUS UNE ROSÉE ... » 139

Or, y a-t-il connaissance plus parfaite que celle de quer de bon sens que de penser que l'illumination
Dieu? C'est Lui, en effet, qui ouvre les yeux de peut avoir un autre résultat que ce que son nom
l' âme et les oriente vers Lui. Voilà le fruit du signifie.
baptême!

C. - Il est commencement de la vie


en Christ. Notes
Par tout ce qui précède, nous avons démontré que
le mystère du baptême est le commencement de la 'Vie 1. Zohar III, 128 (cité par Claude Vigée dans « La Manne
el la Rosée ), Desclée de Brouwer, 1986, p.91).
en Christ. C'est lui qui fait exister et vivre les hom- 2. Jn 6, 55. 3. Ga 4, 19. 4. Ga 3, 1.
mes et qui leur donne la véritable excellence cie vie 5. Ga 3, 27. 6. Ga 4, 19. 7. Ps 16, 4.
et d'être. Cependant, si ces effets ne se produisent 8. 2 Tm 2, 19. 9. Nb 16. 5. 10. Mt 25, 12.
pas dans tous les baptisés, il n'est pas juste de récri- II. 1 Co 2, 9. 12. Gn 3, 21. 13. Ps 45, 8.
miner contre la faiblesse du mystère. Il faut en attri- 14. Ps 139, 16. 15. 2 Co 3, 17. 16. Jn 6, 63.
17 . Jn l, 1. 18. Rm 7, 9. 19. Ps 58, 4.
buer la faute à ceux qui ont été baptisés. Ou ils ne 20. Is 9, 5. 21. Ps 16, 2. 22. Jn 14, 17.
se sont pas suffisamment préparés à recevoir la grâce, 23. Col l, 18. 24. He 6, 20. 25. Ep 2, 14.
ou, peut-être, ont-ils abandonné leur trésor? Il est 26. Jn 17, 19. 27. 2 Tm 4, 8. 28. Ps 45, 2.
plus juste de blâmer ceux qui ont fait un mauvais 29. Ct l, 3. 30. Rm Il, 29. 31. Col 3, 3-4.
usage de leur baptême, que de critiquer le baptême 32. 1 Jn 3, 2. 33. 1 Co 13, 12. 34. 2 Co 12, 4.
35. Col l, 24. 36. Ps 34, 9. 37. Ps 51, 12.
qui est le même en tout et pour tous. 38. Ez 36, 26. 39. 2 Co 3, 3. 40. Is 52, 14.
Il est évident que cette abondance de dons n'est due 41. Mt 12, 3S. 42. 1 Tm 6, 13. 43. 1 Co 4, 20.
ni à la nature ni à l'effort personnel. C'est l'effet du 44. 1 Co l, 18. 45. He 10, 1. 46. Jr 31, 31-32.
baptême. Sinon ne serait-il pas absurde de supposer 47. Jr31, 33. 48. Jr31, 34. 49. Ps 135, 5.
que la même cause peut avoir des effets différents : 50. Ps 34, 9. SI. Jn 4, 13-14. 52. Ps 12, 6.
S3. Jn 15, 1\ ; 16, 24; 17, 13.
illuminer ou ne pas éclairer? Former des hommes spi- S4. Ga S, 22. S5. Jn 18, 37. S6. Jn 14, 22.
rituels ou les laisser au niveau des contingences ter- S7. Jn 17, 4. 58. Jn 16, 14. 59. Jn 17, 3.
restres? Blâmerions-nous le soleil ou nierions-nous 60. Sa IS, 3.
son éclat parce que certains ne voient pas ses rayons ?
Jugeons plutôt d'aprés ceux qui voient. Ce serait man-
LIVRE III

« L'ESPRIT, EMPRESSEMENT
DE L'AMOUR' »

Les effets de la chrismation

1. - L'Écriture lie le don de l'Esprit


à l'oncûon et à l'imposition des mains.

Nous qui avons été créés et engendrés spirituelle-


ment par le baptême, nous sommes animés des éner-
gies et de l'élan qui nous ont pénétré en pareille nais-
1 sance. Voici ce que réalise pour nous le rite sacré de
la chrismation : il active les énergies spirituelles diver-
• 1
1 sifiées en différentes personnes ou multiples dans une

même personne. Cela dépend des dispositions de cha-
cun à l'égard du mystère.
Ceux qui ont été lavés, dans le baptême, expéri-
mentent ce qui eut lieu aux origines de l'Église. Les
Apôtres, alors, imposaient les mains sur ceux qu'ils
avaient baptisés. L'Écriture dit que l'Esprit fut con-
féré lorsque les Apôtres imposèrent les mains sur ceux


142 LA VIE EN CHRIST
r « L'ESPRIT, EMPRESSEMENT DE L' AMOUR » 143

qu'ils avaient initiés ' . Aujourd'hui aussi le Paraclet mais Il reçut l' Esprit saint . Dans la chair qu'II avait
réside en qui reçoit la chrismation. assumée, Il devint le trésor de toute énergie spirituelle.
Sous l'Ancienne Loi, rois et prêtres étaient égaIe- Il est non seulement Christ, c'est-à-dire « oint », mais
ment oints . La tradition de l'Église consacre les rois Il est aussi chrême, c'est-à-dire « onction » ; dans
avec le chrême, alors que pour les prêtres, elle impose l'Écriture on lit; Ton nom est une huile qui
les mains en demandant le don de l'Esprit. Cela mon- s'épanche' . Il est Christ depuis toujours, c' est plus
tre que l'onction et l'imposition des mains ont même tard qu ' II est devenu chrismation. Avant de prendre
effet et même forèe. la chair en laquelle Dieu voulait se communiquer aux
En outre, ces deux rites partagent les mêmes appel- / hommes, Il était l'Oint demeurant en Lui-même.
lations. L'ordination peut être appelée; onction, et Quand Il s'incarna, la chair reçut, alors, toute la plé-
l' autre rite; « communication de l'Esprit ». nitude de la divinité ' . Jean dit; Dieu Lui donna
En effet, les p lu~ saints désignent l'imposition des l'Esprit sans mesure'. Ce sont toutes les richesses de
mains sur les prêtres comme chrismation. Initiant ceux Sa nature qu'II infuse. Alors, l'onction s'étant répan-
auxquels ils confèrent le mystère du chrême, ils prient due sur Sa chair, Christ devient réellement et est
pour qu'ils reçoivent l'Esprit saint, comme ils le croient. désormais appelé « Onction ». Christ Se communi-
Pour expliquer ce mystère à ceux qui le reçoivent, ils que; voilà pour Lui, ce qu 'est devenir onction et se
l'appellent; « sceau du don de l' Esprit saint" ». C'est répandre.
ce qu' ils chantent, du reste, sur ceux qui sont oints. Christ n'a pas changé de lieu. Il n'a pas non plus
,.- •
détruit ou franchi un mur.
, Il assuma ce Qui Le séparait de nous, et Il n'a ;jen
2. - Christ Lui-même fut
oint par l'Esprit. laissé se dresser entre Lui et nous. Dieu occupe en
• effet tout lieu .
« L'onction de chrême représente ' Ce n'est donc pas un lieu Qui L'éloignait des hom-
Christ comme point de jonction entre mes mais plutôt une dissemblance.
(es deux natures. » Notre nature s'est séparée de Dieu en s'opposant
Nous savons que le Maître Lui-même (Christ) a été à Lui en tout, n'ayant plus rien de commun avec
oint. On ne Lui a pas versé de chrême sur la tête, Lui; Lui seul est Dieu, et notre nature n'est
- Qu'humaine.
• C'est la fo rmule liturgique de la chrismation qui suit immé· Lorsque la chair fut déifiée, la nature humaine
diatement le baptême dans la liturgie orientale. , entra en possessio,! de Dieu Lui-même par l'union


144 LA VIE EN C HRIST l « L'ESPRIT, EMPRESSEMENT DE L'AMOUR .. 145

hypostatique'. La distance qui nous éloignait de Dieu baptême qui a la même efficacité que la croix et la
fut anéantie: Christ se fit onction. La dissemblance mort de Christ, nous recevons l'onction de chrême ,
cessa quand Dieu se fit homme. Il supprime, en Sa ayant ainsi part à l'Esprit saint. Les deux obstacles
p~rs~nne, la séparation entre Dieu et les hommes. ont été enlevés, il n'est plus rien qui empêche le Saint-
Amsl, Christ est le point de jonction entre les deux Esprit de se répandre sur toute chair' , du moins,
natures, alors qu'aucun contact n'est possible entre autant que cela est possible en cette vie. Car la mort
deux êtres distants l'un de l'autre. , est un troisième obstacle dans notre union avec Dieu.
Ceux qui sont revêtus encore de cette chair mortelle
3. - Christ est source , .
erugme comme dans un miroir .
.
ne peuvent pas prétendre à plus qu'une vision en
de notre onction dans l'Esprit. Les hommes étaient séparés de Dieu de trois maniè-
res : par la nature, par le péché et par la mort. Écar-
« Si le vase d'albâtre devenait ... tant successivement les obstacles, le Sauveur a œu-
le chrême qu 'il enferme. » vré pour que les hommes puissent Le posséder par-
Si le vase d'albâtre' se dissolvant devenait, par un faitement et Lui être unis sans aucune entrave. Il
artifice, le chrême qu'il enferme, le parfum du chrême enlève le premier obstacle en partageant notre huma-
se répandrait dans l'air, car il ne serait plus enclo y nité ; le second, en mourant sur la Croix. Quant au
en ce vase, ni renfermé en lui-même . Ainsi, notr'e troisième , la tyrannie de la mort, 11 l'a totalement
nature est déi fiée dans le corps du Sauveur et rien anéanti pour notre nature par Sa résurrection. C'est
ne sépare plus 'Dieu du genre humain. pourquoi Paul écrit: Le dernier ennemi détruit, c'est
Il n'y a plus rien, sauf le péché qui nous empêche la mort', L'Apôtre n'aurait pas considéré la mort
1 comme ennemi si elle n'était un obstacle à notre bon-
de participer à Ses grâces . La double muraille entre
Dieu et nous est anéantie ! En s'incarnant, le Sau- heur. En effet, les héritiers du Dieu immortel doivent
veur a supprimé le mur de la disparité de nature. En être affranchis de la corruption : La corruption ne
mourant crucifié, Il no us a libérés de cette autre peut hériter de l'incorruptibilité". Après la résurrec-
muraille qu'était notre volonté corrompue par le mal. tion générale des hommes, due à la résurrection du
Car la croix nous a arrachés au péché et après le Sauveur, la vision en miroir et en obscurité' dispa-
raîtra: les hommes verront Dieu face à face ", du
• C'est-à-di re, en la personne du Seigneur, vrai Dieu et vrai moins ceux qui ont le cœur pur.
homme.
146 LA VIE EN CHRIST «l.'ESPRIT, EMPRESSEMENT DE L'AMOUR» 147

4. - La chrismation nous confère futurs, chassé des démons et guéri des maladies par
les dons du Saint-Esprit. leur prière. Ces merveilles, ils les ont accomplies non
seulement de leur vivant, mais encore de leur tom-
A. - À l'origine de l'Église. beau, car l'énergie de l'Esprit ne quitte pas ces êtres
Les rites de la chrismation nous communiquent les bienheureux, même après leur mort.
énergies du Saint-Esprit.
Le chrême rend présent en nous le Seigneur Jésus. B. - Aujourd'hui.
En Christ sont à la fois le salut et l'espér;ytce des Chaque fois et en tout temps, la chrismation pro-
biens. En lui nous avons Pilrt à l'Esprit saint et par cure aux chrétiens ces dons qu'on appelle: piété,
Lui nous avons accès auprès du Père ". Certes, la prière, amour, tempérance et bien d'autres dons
Trinité, dans son unité, façonne l'homme en « créa- ~ncore qui sont bénéfiques pour ceux qui les reçoi-
tion nouvelle », mais c'est le Verbe seul qui réalise vent. Cependant, cette réalité échappe à un grand
ce changement. Non seulement, quand Il a partagé nombre de chrétiens qui ne voient pas la grandeur et
notre nature et est demeuré parmi nous, comme l'écrit le pouvoir de ce sacrement.
Paul, Il s'offrit pour enlever les péchés d'un grand Ce fait est déjà signalé dans les Actes des Apôtres:
nombre ", mais dorénavant, c'est pour toujour , ..- Ils n'avaient pas même entendu dire qu'il y a un
aussi longtemps qu'Il porte notre nature humaine qui Esprit saint " .
L'établit comme notre avocat auprès du Père '~. Ce mystère est, en effet, administré aux enfants
Par Sa médiation, Il purifie notre conscience des alors qu'ils n'ont aucune conscience de Ses dons et
œuvres mortes" et c'est Lui aussi qui nous donne quand ils ont atteint l'âge mûr, ces chrétiens se sont
l'Esprit. , détournés du bien, aveuglant ainsi les yeux de leur
Jadis, ce mystère de la chrismation conférait aux •
1 ame.
baptisés des charismes de guérison, de prophétie, de Cependant, l'Esprit communique vraiment Ses dons
langues et bien d'autres encore, témoignant ainsi à ceux que l'on chrisme, les distribuant à chacun en
devant tous du pouvoir surnaturel du Christ. Ces cha- particulier comme Il l'entend" .
rismes furent indispensables tant que le christianisme Notre Maître ne cesse de nous combler , Lui qui a
s'implantait et, avec Lui, la vraie foi. De nos jours, promis d'être avec nous pou~ toujours.
quelques-uns bénéficient encore de ces dons. Tout Ce rite sacramentel n'est donc pas vain, pas plus
récemment, des hommes ont prédit des événements que n'est vaine la rémission des péchés dont nous lave
148 LA VIE EN C HRIST « L' ESPRIT, EMPRESSEMENT DE L'AMOUR » 149

le baptême; pas plus que ne l'est la Table sainte où En résumé, disons que pour ceux à qui Il commu-
nous recevons le corps de Christ. Tout cela ne cessera nique Ses dons, le Saint-Esprit est esprit de sagesse
qu'au retour visible de Celui qui en est la source. Aussi et d'intelligence, esprit de conseil et de force, esprit
est-il nécessaire aux chrétiens de profiter des bienfaits de science et de crainte" . Tous ces dons, l'Esprit les
de la chris mati on et de recevoir les dons de l'Esprit communique à ceux qui Le reçoivent.
saint. Serait-il logique que certains sacrements soient
efficaces et que celui-là soit inutile? Comme le dit
Paul , Celui qui a prom is est fidèle " . Dieu est donc
fid èle, non seulement dans les autres mystères, mais 5. - L'efficacité du chrême.
aussi dans le rite de chrismation . Nous ne devons
déprécier aucun sacrement, ou alors il faut les mépri- Le mystère de chrismation produit donc ses effets
ser tous. C'est la même puissance qui agit en nous. en tous ceux qui ont été initiés. Cependant tous n'ont
C 'est la même immolation de l'Agneau unique, Sa pas la perception de ces dons et ne mani festent pas
mo rt , Son sang, qui confèrent à tous leur efficacité. de hâte autour de ce trésor pour user de ce qui leur
Le Saint-Esprit est donc donné aux uns pour qu'ils est donné. L'immaturité de certains les rend incapa-
travaillent au bien des autres et, comme le dit Pau: , r bles : d'autres restent indifférents car ils ont manqué
pour édifier l'assemblée"'. Certains prédisent la vie à de préparation et de bonne volonté. Parmi eux, cer-
venir, ils enseignent les mystères et libèrent, par un tains se sont repentis, et ont regretté leurs péchés;
• •
seul mot, les ho mmes de leurs maladIes. A d' autres, leur vie selon la droite raison a prouvé l' efficacité de
l'Esprit est do nné pour qu' ils deviennent meilleurs et la grâce dont ils sont pénétrés. C'est en ce sens que
bri llent par leur piété o u par la qualité de leur amour, Paul écrit à Timothée: Ne néglige pas le don spiri-
de leur humilité o u de leur tempérance ... tuel qui est en toi" signifiant, par là, que ces dons
La foi est, a ussi, un don de l'Esprit que les Apô- reçus ne nous sont d'aucun profit si nous vivons dans
tres prient le Sauveur de leur donner: Augmente en l'insouciance. L'effort et la vigilance s'imposent ,
nous la f oi" . C hrist Lui-même demande au Père donc, à ceux qui veulent que ces charismes soient effi-
leur sanctification , en disant: Consacre-les dans la caces en eux.
vérité l l et Dieu exauce immédiatement Sa demande. Si l'un des fidèles excelle en amour, en purtté de
Ces paroles de Paul : L'Esprit Lui-même intercède cœur, maîtrise de soi, humilité, piété ou toute autre
pour nous en des gémissements ineffables" mon- vertu au-delà du commun des mortels, il faut .. attn
trent, me semble-t-il, la force de la prière. buer à la divine chrismation. Nous devons croire que
150 LA VIE EN CHRIST « L' ES PRIT, EMPRESSEMENT DE L'AMOUR » 151

ce don lui fut accordé quand il a reçu ce sacrement, 6. - Les mystère comme moyens
l'efficacité de celui-ci se manifestant plus tard ... du salut.
Quel avantage a urait la chrismation si elle ne nous
pourvoyait pas des biens qu' on recherche en elle ? Si Initiative de Dieu et efforts
nous ne tirons pas ces dons de la chrismation, nous de ['homme.
n'en n'obtiendrons pas d 'autres. Si nous n'obtenons
pas ce qui nous est promis, ce qu'implore le célébrant, Deux conditions établissent notre réconciliation avec
ce qu 'il assure qu 'on va recevoir, n'en attendons nul Dieu et en elles se trouve le salut de tout homme.
autre bienfait! Si ce mystère n'a pas été institué en La première nécessite que nous soyions initiés à ces
vain (car rien d 'autre ne l'est, dans le christianisme; mystères sacrés ; la seconde, que nous exercions notre
notre prédication et notre foi" ne sont pas vaines volonté à la vertu. Les efforts humains n'ont d'autre
non plus, dit l'Écriture). Quand on trouve dans les rôle que de conserver ce qui nous a été donné et ten-
hommes l'énergie spirituelle qui rayonne des grâces dent à ne pas gaspiller ce trésor.
de ce mystère, il faut alors l'attribuer aux prières et Seule la puissance des sacrements nous octroie tous
à la sainte chrismation. ces biens. Les divers rites ont chacun leur effet. Ainsi,
Aux hommes qu'II s'est réconciliés, il n'est aucun la participation à l'Esprit et à Ses dons découle de
bien , pas un seul, qui ne soit donné si ce n'est par l'onction de chrême. On ne peut pas toujours cons-
Dieu! Rien ne nous est accordé si ce n'est par Cehli tater l'efficacité du don spirituel lorsqu'on le reçoit,
qui a été établi médiateur entre Dieu et les hommes! c'est souvent bien plus tard qu'on en découvre l'effi-
Hors les mystères, nous ne pouvons approcher le
j cience. Nous ne devons pas ignorer la cause et l'ori-
Médiateur, Le rencontrer et recevoir Ses biens. Ces gine de son pouvoir. Ainsi, de l'illumination que le

sacrements nous constituent consanguins avec le baptême produit en nous aussitôt que nous le rece-
Christ, ils nous rendent participants de Ses souffran- vons. Cependant, chez tous, cette illumination ne se
ces et de la grâce qu'elles nous ont méritée dans Sa manifeste pas dans l'immédiat. Pour certains fidèles,
chair. il faut un cenain temps, beaucoup de sueur, d'efforts
et d'amour du Christ pour purifier les yeux de leur
âme.
C'est grâce à leur onction de ce chrême que e
sanctuaires favorisent notre prière. Ils deviennent pour
nous ce que leur nom signifie après avoir reçu l'onc-
152 LA VIE EN C HRIST « L'ESPRIT, EMPRESSEMENT DE L'AMOUR » 153

tion du chrême. Car l'onction épandue - Christ - oint ; de même qu'on devient prêtres en étant
nous mène a uprès de Dieu le Père. Christ, en effet, « oints » (c'est-à-dire « Christs »).
S'est anéanti Lui-même". Il est devenu onction et Il Christ est victime par Sa croix et Sa mort puisqu'II
s'écoule jusqu'à notre nature. Quant aux autels, ils est mort pour la gloire de Dieu, le Père. Nous pro-
imitent la main du Sauveur. De la Table sainte con- clamons Sa mort, selon l'Écriture, chaque fois que
sacrée par l'onctio n, no us recevons le pain, comme nous mangeons ce pain " . Bien plus, Christ est
si no us recevions le corps de Christ de Sa propre main chrême à cause de l'Esprit saint, aussi est-II à même
toute pure. d'accomplir les actes les plus sacrés et de sanctifier.
Tout comme les premiers participants de la Table Cependant, en tant que Dieu, Il ne pouvait être
sain te, nous buvons Son sang, comme au jour où l'objet d'une quelconque sanctification. Ce pouvoir
Christ levait à leur santé cette coupe d'effroi. de sanctification appartient à l'autel et à celui qui
offre le sacrifice, et non à ce qui est offert et sacri-
fié . Ne dit-on pas de l'autel qu'il sanctifie, qu'il rend
7. - Résumé: la chrismation fortifie l'offrande sacrée" ? Christ, s'II est le Pain, c'est
ceux qui ont décidé par Sa chair sanctifiée et déifiée. Sa chair qui a reçu
de vivre en Christ (l'Oint). à la fois l'onction et la blessure: Le pain que, moi,
je donnerai, dit-il, c'est Ma chair" en la sacrifiant
Puisque Christ est à la fois prêtre et autel, victinfe pour la vie du monde.
et sacrificateur, offrant et don offert"", Christ a donc C'est pourquoi II est offert sous l'apparence du pain.
départi ces diverses fonctions entre le pain de béné- En tant qu'Oint, Il offre et S'offre en déifiant Sa pro-
diction et le chrême. pre chair. Il nous fait offrande nous aussi pour nous
Par l'onction, le Sauveur est autel et sacrificateur. faire participer à Son onction. Jacob, figurativement,
De tout temps, l'autel remplit sa fonction en étant a dédié une pierre à Dieu après avoir fait sur elle
l'onction". Cette chrismation indique qu'II offrait à
• Ph 2, 8. C'est-A-dire : Christ « s'épanche » jusqu'à notre Dieu cette pierre. Il symbolisait ainsi la chair du Sau-
nature. veur qui est la pierre d'angle" sur laquelle le vérita-
•• N. Cabasilas développera ce point dans son Explication de ble Israël (le seul qui connait le Père ") a répa ndu le
la DIvine Lifurgie. Il fait ici allusion au rite de la « grande chrême de Sa divinité. Peut-etre faisait-il aussi allu-
entrée » dan s la Divine Liturgie de saint Jean Chrysostome:
( Tu es Celui qui offre et Qui est l'offrande, Tu es Celui qui sion à nous? Car des pierres mêmes Dieu peut sus
reçoit et Celui qui est le don. ô Chrisl, nOlCe Dieu. » citer des enfants à Abraham". En nous octroyant

-

154 LA VIE EN CHRIST

l'onction lors de la chrismation, le Saint-Esprit a été


répandu Sur ceux qui ont été oints. Il est, entre autres
aus i, l'Esprit d'adoption qui al/este que nous som: LIVRE I V
mes !nfants de Dieu et qui nous fait crier: Abba,
Père. « LA MANNE DE LA TENDRESSE »
C'est de ces diverses manières q ue la chrismation
fortifie ceux qui veulent vivre en Christ.
Les effets de J'eucharistie
pour notre vie en Christ

Notes

1. « Il est grand, le mystère de la foi ) , dans Les Évêques 1. - Le sommet de tous les mystères.
de France, IÔd. du Centurion, 1978, p. 46.
2. Ac 8, 38-39 et 10, 47-48 .
3. Ct l, 3. 4. Col l , 19. 5. Jn 3, 34.
A . - Dans l'eucharistie
6. Mc 14, 3. 7. Ac 2, 17. 8. 1 Co 1Y, 12. « nous possédons Celui qui est
9. 1 Co 15, 16. 10. 1 Co 15 , 50. I l. 1 Co 13, 13 . ressuscité ».
12. Mt 5, 8. 13. Ep 2, 18. 14. He 9, 28.
15. 1 Jn 2, 1. 16. He 9, 14.
Après la chrismation, no us allons vers la Table.
17. Ac 19, 2.
18. 1 Co 12, Il. 19. He 10, 23. 20. 1 Co 14, • Voici le sommet de la vie ! Pour ceux qui l' atteignent,
21. Lc 17, 5. 22. Jn 17, 17 . 23 . Rm 8, 26. il ne manque rien au bonheur qu 'ils cherchent. Il n'~t
24. 1. I l , 2. 25 . 1 T m 4, 14. 26. 1 Co 15, 14. plus question de participer à la mort , à la sépulture
27. 1 Co Il, 26. 28. Mt 23, 19. 29. Jn 6, 51. ou à une vie meilleure mais il s'agit de posséder Celui
J
30. Gn 28, 18. 3 1. Ep 2, 20. 32. 1 Co 2, 10. qui est ressuscité. Nous ne recevons plus seulement
33 . Mt 3, 9. 34. Rm 8, 15· 16.
les dons surabondants de l'Esprit, mais le bienfaiteur
Lui-même. Nous accueillons le sanctuaire Lui-même,
où s'établit le déroulement des grâces.

« LA MANNE DE LA TENDRESSE» 157
156 LA VIE EN CHRI ST

B. - « Chtist est vraiment présent autant·, car nous sommes dépourvus des dons . . de
en chacun des mystères. » l'Esprit venant de la chris,mation .. Sur ce~x q~1 aVaIent
été baptisés par Philippe, le Samt-Espnt n av:"t pa.s
Christ est présent en chaque sacrement : en Lui encore répandu Ses grâces. En plus du bapteme, Il
nous sommes oints et baptisés; Il est notre repas, Il leur fallait l'imposition des mains de Jean et de
est présent en ceux qui sont initiés et leur communi- Pierre. Nous lisons: II n'était encore tombé sur aucun
que Ses dons. Mais Il ne procède pas toujours de d'eux' lis avaient seulement été baptisés au nom du
même manière. Pour le baptême, Il purifie l'argile du Seign:ur Jésus. Alors Pierre et J~an s~ mirent à le:,r
mal et scelle en elle Sa propre forme. Pour la chris- imposer les mains, et Ils recevO/ent 1 Esprit samt .
mation, Il rend efficaces les énergies de l'Esprit, dont Lorsque nous avons reçu l'Esprit saint et que la
Sa chair est le dépôt. Mais lorsqu'il mène l'initié à chrismation a manifesté Sa force en nous, la grâce
la Table sainte, Il lui donne Son corps en nourriture, nous a été donnée. Il n'en résulte pas, pour autant,
Il le transforme entièrement pour en faire un autre que notre vie soit nécessairement en accord avec le
Lui-mêlJ1;. donateur. Au contraire, nous pouvons fort bien aVOir
L'argile n'est plus l'argile quand elle reçoit la res- des comptes à rendre. Rien n'empêche, cependant,
semblance royale. Elle est déjà le corps du Roi. Il que nous soyions dépourvus du nécessaire malgré
est impossible de concevoir sort plus noble que notre initiation aux mystères et bien que les dons
celui-là! ,r- reçus, alors, ne soient pas détruits.
C'est pour cela que ce mystère vient en dernier. Il Sur ce point, nous avons de nombreux témoins.
n'est pas possible, en effet, d'aller plus loin ou' d'y Cela s'est produit du vivant des Apôtres chez les
rien ajouter de meilleur. Le premier mystère (le ~ap­ Corinthiens. Emplis de l'Esprit, ils prophétisaient, par-
f
tême) appelle nécessairement le suivant (la chrisma- , laient en langues et manifestaient d'autres dons.
tion). Cependant, ils étaient loin de vivre selon Dieu et
Et celui-ci, à son tour, appelle le mystère dernier. l'Esprit, tant ils étaient assaillis par l'envie et l'ambi-
Après l'eucharistie, en effet, il n'est rien vers quoi tion, les querelles et d'autres faiblesses. Paul leur en
on puisse tendre. fait reproche, quand il écrit: Vous êtes encore char-
Il faut s'arrêter ici et discerner quels moyens sont nels, et votre conduite n'est-elle pas tout humaine ?
indispensables pour conserver ce trésor jusqu'au bout. Bien qu'ils fussent spirituels quant aux grâces re~u ,
Nous avons été baptisés et ce mystère a réalisé en cela était insuffisant pour qu'ils rejettent toute malice
nous ses effets, mais sans nous rendre parfaits pour de leur cœur.
158 LA VIE E N C HRIST « LA MANNE DE LA TENDRESS E » 159

Rien n' est ainsi dans l'eucharistie. Ceux en qui le pour qu'aucune des fléches qu'on nous lance ne nous
Pain de vie a produit son énergie, qui est de leur évi- atteigne. S' Il trouve en nous quelque imperfection, Il
ter la mort, ceux-là n'avaient et n' ont aucune dispo- la repousse et l'expulse. Christ réside en notre
sition ma uvaise, en venant à ce repas ! Il est impos- demeure et l'emplit totalement de Sa présence. Nous
sible que ce mystère soit totalement efficace s'il laisse participons non à quelque chose de Lui, mais à Lui-
en ceux qui le reçoivent quelque trace de perversité. même tout entier. Ce ne sont pas quelques rayons et
un peu de lumière que nous recevons, mais bien le
C. - L 'eucharistie comp lète . disque solaire lui-même. Ainsi, nous L'habitons et Lui
le baptême et la chrismation. nous habite au point de ne former avec Lui qu'un
seul esprit. Immédiatement, âme, corps et toutes nos
Pourquoi? Parce que l'efficacité de ce mystère con- facultés deviennent « spirituels », car ils Lui sont inti-
siste, pour ceux qui y prennent parlJ, à ce que rien mement unis. Notre âme est unie à Son âme, notre
ne leur manque. Conformément à Sa 'promesse, nous corps à Son corps et notre sang à Son sang.
demeurons en Christ en communiant à cette Table et Le résultat? C'est que le meilleur l'emporte sur
Christ demeure en nous, car il est écrit: Qui mange r l'inférieur et que le divin éclipse l'humain.
ma chair et boit mon sang demeure en moi et moi Il se produit, alors, ce que Paul dit de la Résur-
.•
en 1Ut. rection: Ce qui est mortel est absorbé par la vie' .
Si Christ demeure en naus, de quoi avons-nous Plus loin, il ajoute: Si je vis, ce n'est plus moi, mais
besoin? Que nous manque-toi! ? Si nous demeurons C"rist qui vit en moi' .
en Christ, que pouvons-nous désirer de plus? Il est . grandeur des mystères ! Voici qui est admirable :
notre hôte et notre demeure. Heureux sommes-nous l'Esprit de Christ se mêle à notre esprit, Sa volonté
d ' être Sa maison! Quelle joie d'être nous-mêmes la se lie à notre vouloir, Son corps se fond avec notre
demeure d'un tel habitant! corps et Son sang coule d'os notre sang ! Que devient
Que manque-toi! à tant de bonheur? Qu'ont-ils à notre esprit lorsque Son Esprit nous saisit ? Notre
voir avec le mal, ceux qui resplendissent d'une telle volonté, quand Sa volonté divine vainc la nôtre?
lumière? Quel mal peut résister à tant de bien? Plus Notre argile, quand un tel feu l'embrast' ?
rien ne peut demeurer ou venir assaillir notre cœur, Qu'il en soit ainsi, Paul en témoigne quand il
quand Christ Se manifeste ainsi, en nous. Il nous exprime qu'il n'a ni esprit, ni volonté, ni aucune vie
entoure et pénètre le plus profond de nous-mêmes. propres.
Il est notre refuge. Il nous enserre de tous CÔtés, Christ lui tient lieu de tout ceI._ Il écrit ; Or nous,
160 LA VIE EN CHRIST « LA MANNE DE LA TENDRESSE » 161

nous avons la pensée du Christ' . Et ailleurs: Vous 2. - « Christ, seul, était capable
voulez, n'est-ce pas, une preuve que Christ parle en par sa vie de rendre à son Père
moi' ; et : Oui, Dieu m'est témoin que je vous aime tout l'honneur qui lui était dû. »
tendrement dans le cœur du Christ Jésus' . 11
exprime donc clairement qu'il a la même volonté que A. - « Pour réparer l'injure, il faut
Christ. En d'autres mots, cela revient à dire: Si je une force supérieure
vis, ce n'est plus moi, mais Christ qui vit en moi". à celle de l'homme. »
L'homme tombé dans le péché ne peut, de ses pro-
,
D. - « Seule l'eucharistie porte pres forces, se relever, ni la bonté humaine à elle seule
à leur perfection les autres ne peut détruire le mal qui ronge les hommes.
sacrements. » Pécher, c'est offenser Dieu Lui-même, car il est
dit: En transgressant la Loi, c'est Dieu que tu
Ce mystère est tellement parfait et supérieur à tout déshonores " ; et pour réparer l'injure il faut une
autre qu'il conduit au comble de ce qui est désira- force supérieure à celle de l'homme ...
ble, d'autant qu'il est le but ultime de tout effort
humain. En ce sacrement, c'est Dieu Lui-même 'lue
nous atteignons, et Dieu s'unit à nous dans la plûs B. - « Tous les efforts des hommes
étroite union. Y a-t-il communion plus intime que ne sont que des préliminaires et des
devenir un seul esprit avec Dieu? préparations à la vraie justice. »

Seule l'eucharistie porte à leur perfection les autres Aucun homme n'est capable de se réconcilier avec
sacrements. Quand on les confère, elle les complète Dieu en prônant sa propre justice.
en comblant un vide qui, sans elle, ne pourrait l'être. Ainsi, l'Ancienne Loi n'a pu détruire cette inimi-
L'eucharistie est l'auxiliaire des autres sacrements tié et les efforts de ceux qui vivent sous la Loi Nou-
1
quand ils sont donnés. Elle ravive ainsi, en ceux qui velle de la grâce sont incapables de rétablir la paix.
les ont reçus, la lumière jaillie des mystères, au cas Dans l'un et l'autre cas, n'interviennent que les œu-
où celle-ci aurait été obscurcie par les ténèbres du vres du dynamisme des hommes et de la justice
péché. Faire revivre ceux qui tombent et meurent à humaine. La Loi elle-même, Paul l'appelle justice de
cause de leurs péchés: Voilà l'œuvre de la Table l'homme. Parlant de l'Ancienne Loi, il écrit: Mécon.
sainte! naissant la justice de Dieu et cherchant à établir la
leur propre, ils ont refusé de se soumettre à la jus-
162 LA VIE EN CH RI ST « LA MANNE DE LA TENDRESSE » 163

tice de Dieu " . L'efficacité de cette loi, contre nos témoigne de Celui qui L'a envoyé, de Sa bonté et de
maux s'est bornée à nous prédisposer à la santé et Son amour des hommes ? JI rend ainsi au Père la
à nous rendre dignes de la main du médecin. C'est gloire qui Lui est due. Si l'on peut évaluer la bonté
pourquoi l'Apôtre ajoute: Ainsi la Loi nous servit- à l'importance des bienfaits, Dieu, dans sa généro-
elle de pédagogue jusqu'au Christ, pour que nous sité pour la race humaine, n'a rien épargné! JI a mis
obtenions de la Joi notre justification" . De même, ~ jeu toutes les richesses de l'humanité du Christ
le bienheureux Jean baptisait en vue de Celui qui car : En Lui habite corporellement toute la plénitude
devait venir; et toute sagesse des hommes et tous , de la divinité". Il est évident que le Sauveur témoi-
leurs efforts ne sont que des préliminaires et des pré- gne de l'extrême degré de l'amour de Dieu pour
parations à la vraie justice. l'homme. Par ce qu'II a fait, Christ, Lui seul,
apprend aux hommes combien Dieu aime le monde
c. - « Le Sauveur honore le Père
et quelle est sa sollicitude pour l'humanité! JI amène
Nicodème à reconnaître l'amour du Père pour les
en Sa propre personne. »
hommes. Ceci est, pour Christ, une preuve suffisante
Par nous-mêmes et par nos propres moyens, nous de l'amour infini, car Dieu, dit-il, a donné Son Fils
ne pouvions pas faire preuve de justice. Christ en per- unique, pour que tout homme qui croit en Lui ne
sonne est devenu pour nous sagesse, justice et sanc- périsse pas mais ait la vie éternelle n .
tification, rédemption ' .. . JI détruit (; inimitié dap! JI n'existe pas de faveur plus grande, ou meilleure,
Sa chair et nous réconcilie avec DieU . JI accompht que celle donnée à la nature humaine par le Père,
cela non seulement pour la nature humaine commune dans l'incarnation de Son Fils. L'homme ne pouvait
à tous et quand 11 meurt pour nous, mais pour cha- donc rendre à Dieu une gloire plus grande que celle
cur des hommes et tous les jours. 11 nous réèoncilie, dont témoigne la sollicitude de l'amour du Fils pour
jadis en étant crucifié et, aujourd'hui, .en nous res- le Père. C'est ainsi que le Sauveur honore le Père en
taurant avec bienveillance, chaque fOlS que nous Sa propre personne.
venons à Lui, en regrettant nos péchés. C'est la seule manière qui convienne à la fois à Lui-
Christ, seul , était capable par Sa vie de rendre à même et à Celui qui L'a engendré. Car, en quoi
Son Père tout l'honneur qui Lui était dû et, par Sa l'honneur de Dieu consiste-t-il, si ce n'est d'èt re
mort de réparer l'injure qui Lui avait été faite ... reconnu dans Sa souveraine bonté?
Q~i ne voit que par le seul fait de venir parmi I.es Telle est la gloire qui Lui était due depuis toujours
hommes et d'être pleinement uni à notre chalr, Chnst mais qu'aucun elre humain ne pouvait Lui offrir.
164 LA VIE EN CHRIST « LA MANNE DE LA TENDRESSE ., 165

C'est pourquoi Dieu dit: Si je suis Père, où donc le corps du Christ est donc le seul remède contre le
est ma" honneur" . Seul le Fils unique était capable péché et Son sang la seule libération des offenses.
de sauvegarder tout ce qui était dO au Père. Christ Au début, en effet, Il a pris chair afin de glorifier
indique que Lui seul peut mener à bien cette lutte et le Père, et le Sauveur Lui-même nous le signale: Je
achever Son œuvre pour la gloire du Père; Il dit avec ne suis né, je ne suis venu dans le monde que pour
raison: Je T'ai glorifié sur la terre [. . .] J'ai mani- rendre témoignage à la vérité". Ensuite, c'est dans
l
festé ton nom aux hommes ' . Car il est , le Verbe ce but qu'II accomplit toute œuvre, et toutes les souf-
qui porte l'image fidèle de Celui qui L'engendre; Res- frances qu'II supporta servaient ce même dessein. Et
plendissement de Sa gloire, effigie de Sa s~bstance". c'est ce corps devenu le trésor de « la plénitude de
En prenant chair, Il devient intelligible à ceux qui la divinité », qui accomplit toute justice, car il était
connaissent par les sens. Il leur manifeste tout le bon exempt du péché. Par Ses paroles et Ses actes, Il
vouloir de l'intelligence qui Le prononce (comme annonça le Père à Ses frères humains qui ne Le con-
Verbe). C'est le sens, je pense, des paroles du Sau- naissaient pas.
veur quand Il répond à Philippe, qui désirait voir le C'est ce corps qui fut immolé sur la Croix. C'est
Père: QUI. m'a vu a vu le Père. '1 0 n compren d ce corps qui, à l'approche du supplice, subit les ter-
donc Isaïe quand il dit: 0" lui donne ce nom: ribles souffrances de l'angoisse et de l'agonie, ruisse-
conseiller-merveilleux, Dieu-fortv.. lant de sueur. C'est ce corps qui fut livré, appréhendé
et traîné devant des juges iniques. C'est Lui qui
devant Ponce Pilate, comme Paul le déclare, a rendu
son beau témoignage". Il a payé de Sa mort Son
3. - Le corps de Christ: témoignage, et ce, sur la Croix ! Ce corps a reçu des
« le seul remède contre le péché ». coups de fouets sur le dos, des clous dans les mains
et les pieds, la lance dans le côté. Il a enduré les dou-
Le Fils unique ne néglige rien pour rendre glor're leurs de la flagellation et les tortures de la crucifixion.
à Son Père, Lui seul détruit la barrière de C'est Son sang qui, giclant des blessures, a obscurci
séparation " et libère l'homme coupable. Jésus, Lui le soleil, ébranlé la terre, sanctifié l'atmosphère et
qui possède double nature, honore le Père en Sa purifié l'univers entier de la fange du péché.
nature humaine qu'II partage avec nous. Si une loi est incapable de rendre parfait quelqu 'un
Parce que c'est avec Son corps et Son sang qu'II qui l'observe, il faut qu'il recoure à une loi qUI en
tresse au Père cette merveilleuse couronne de gloire, est capable.
166 LA VIE EN CHRIST « LA MANNE DE LA TENDRESSE» 167

Il en va de même du repentir, des sueurs et des ne peuvent, cependant, bénéficier pleinement de l'effi-
larmes de ceux qui regrettent les péchés qu'ils ont cacité de cette confession qu'après s'être assis à la
commis contre la grâce reçue, lors de leur baptême. Table du banquet".
Ils ont besoin du sang de l'Alliance Nouvelle et du C'est pourquoi nous sommes baptisés une seule fois
corps immolé: s'ils leur manquent, rien ne peut leur alors que nous approchons fréquemment de la Table.
être utile. Étant hommes, en effet, nous offensons Dieu quoti-
diennement. Ceux qui veulent être délivrés du péché
, ont besoin de faire pénitence, il leur faut peiner et
4. - L'eucharistie, mystère triompher du mal. Or, ils ne pourront obtenir cela
qui nous unit à Christ. 1
qu'en y joignant le seul remède à opposer aux péchés
des hommes.
A. - Dès que les hommes sont « unis Lorsque l'olivier sauvage a été greffé, le bon oli-
au corps et au sang de Christ ... vier l'assimile tout entier. Ses fruits ne sont plus alors
ils en reçoivent, aussitôt, ceux d'un olivier sauvage. Ainsi, la justice des hom-
les plus grands bienfaits. » mes, par elle-même, ne sert à rien mais dès qu'ils sont
unis au corps et au sang du Christ, en y communiant,
L'homme de Dieu, Denys", nous dit que les autres ils en reçoivent aussitôt les plus grands bienfaits: la
sacrements seraient incomplets et sans capacité de pro- rémission des péchés et l'héritage du Royaume: ce
duire leurs propres effets, si on ne leur ajoutait le sont les fruits de la justice de Christ. De même qu'à
banquet sacré·". Il est donc impossible que les efforts la sainte Table nous recevons le corps du Christ, corps
et la justice des hommes puissent les libérer du péché. puissant à vaincre, de même s'ensuit-il que notre jus-
Ils ne peuvent non plus leur en procurer les autres tice se modèle en Christ.
résultats. Lorsque les pécheurs se repentent de leurs Il ne faudrait pas envisager, comme visant unique-
fautes et les confessent aux prêtres""", ils se sentent ment notre corps, ces paroles: Vous êtes le corps du
affranchis de tout châtiment de Dieu, leur juge. U~ , Christ, et membres chacun pour sa part"'. Cette
• Écrivain mystique oriental, de la fin du V· siècle, hau~em~nt
participation s'applique avec plus de justesse à l'âme
estimé dans l'Occident médiéval non moins que dans 1 Église et à ses activités, puisque celui qui s'unit au Seigneur
d'Orient. On l'a souvent confondu, par erreur. avec Denys [ .. .] n'est avec Lui qu'un seul esprit". Ces paroles
l'Aréopagite, disciple de saint Paul (Ac 17, 34) .
•• De l'eucharistie. • De l'eucharistie .
••• Au sacrement de réconciliation.
168 LA VIE EN CHRIST « LA MANNE DE LA TENDRESSE» 169

montrent que cette communion et cette croissance en dans un seul corps et une seule âme. Dans le
commun touchent particulièrement l'esprit et l'âme. deuxième cas, chaque homme est personnellement
libéré du péché et uni à Dieu. N'est-ce pas une
B. - « Il se communique Lui-même manière plus forte encore d'aimer l'homme?
1
à nous. »
Il ne nous était pas possible de nous élever jusqu'à
Lui pour prendre part à Ses bienfaits. Il s'est alors
À cause de cela, Christ n'a pas assumé seulement parfaitement fondu à notre humanité qu ' Il a prise et
un corps·. Il a également pris une âme, un esprit, Il se communique Lui-même à nous en nous rendant
une volonté et tout ce qui est humain. Il veut s'unir ce qu'II a reçu de nous.
à l'ensemble de notre nature et nous fondre complè- Quand nous partageons Son corps et Son sang
tement en Lui. Il nous incorpore à Lui-même, en humains, nous recevons Dieu Lui-même dans notre
associant étroitement ce qui Lui appartient à ce qui âme. C'est donc le corps et le sang de Dieu que nous
nous est propre. recevons: c'est l'âme, l'esprit et la volonté de Dieu
Entre Christ et les hommes, tout est commun, sauf autant que ceux d'un homme.
le péché, c'est pourquoi il n'est rien qui accorde ou r
unisse Christ aux pécheurs. Par tout le reste de notre
h umanité , Il Se fait connaître à nous, dans ,Son c. - « Christ pénètre en nous
amour. Par une bienveillance plus grande encore pour pour ne faire qu'un avec nous. »
les hommes , Dieu est d'abord descendu sur terre puis. Il fallait que le remède à ma faiblesse soit Dieu fait
Il nous a élevés ensuite de la terre jusqu'au ciel. Ainsi, homme! Car s'II était seulement Dieu, Il ne me serait
Dieu ~st devenu homme et l'homme est fait Dieu. pas uni ainsi. Comment pourrait-Il alors devenir notre
Dans le premier cas, l'humanité dans son ensemble nourriture? D'autre part, Christ ne pourrait faire
est lavée de toute faute, car Christ a vaincu le péché cela, s'Il n'était qu'un humain comme nous. En réa-
lité, Christ est les deux ensemble. Il s'unit et se fond
• L'hérésie apollinariste (du nom de son chef de file Apolli· avec les hommes dont Il partage la même humanité .
naire) est une contestation dans .le domaine. christologique. Apol- Par Sa divinité, Il peut exalter et transcender notre
linaire tient que la nature hurruune du Chnst est mcompl~e. ~ nature humaine et la transformer en Lui-même.
saisit l'enjeu: si le Christ n'est pas pleinement homme, s ~l.n .est
pas homme parfait, il Y a un déséquilibre lotaI avec sa dIVInité.
Lorsqu'une force su~eure s'exerce sur une force
Le concile de Constantinople. repérant cette erreur, la condamne moindre, celle-ci perd SOD état d'infériorité. Le fer
en 381. plongé dans le feu n'a plus rien du fer. La terre el
170 LA VIE EN CHRIST « LA MANNE DE LA TENDRESSE " 171

l'eau, soumises au feu, échangent leurs propriétés con- de ses os et la chair de sa chair"'. Tels sont les ter-
tre celles du feu. Par conséquent, si dans ses éléments mes par lesquels l'Apôtre décrit ce mariage.
de même ordre, le plus fort affecte ainsi le plus fai- Jean (le Baptiste), s'exprimant comme l'ami de
ble, que penserons-nous de cette force surnaturelle qui l'Époux" , nous révèle que Christ est l'Époux qui
intervient efficacement? conduit son Épouse.
Il est donc clair que Chri t pénètre en nous pour Ce mystère est une lumière pour ceux qui ont déjà
ne faire qu'un avec nous. Il nous change el nous été purifiés. C'est un moyen de se purifier pour ceux
transforme en Lui-même. Nous sommes comme une qui le veulent. C'est une onction pour ceux qui enga-
petite goutte d'eau dans un immense océan de par- gent le combat contre le Mauvais et les passions. Les
fu m. La force de ce parfum est si grande que ceux premiers n'ont plus qu'à recevoir la Lumière du
sur lesquels il se répand deviennent odoriférants. Leur monde, l'œil débarrassé de ses humeurs. Quant à ceux
être lui-même devient parfum , comme il est écrit: qui ont encore besoin d' être purifiés, de quel autre
nous sommes bien pour Dieu, la bonne odeur du moyen peuvent·ils avoir besoin? Car le sang du Fils
Christ parmi ceux qui se sau vent" . de Dieu nous guérit de tout péché" , selon le mot de
Jean, le disciple bien·aimé du Christ. En ce qui con-
cerne la victoire sur le Mauvais, qui ne sait que, seul,
5. - La chair de Christ nous libère Christ l'a vaincu? Son corps est dressé comme seul
de la loi de la chair. trophée de victoire sur le péché. Par Son corps, Il
est à même de secourir ceux qui luttent car c'est en
Puissant en influence et en grâce, tel est ce ban- ce corp' qu'Il a Lui-même souffert et triomphé quand
quet eucharistique pour les fidèles qui s'en appro- Il fut tenté" ...
chent , purifiés de tout péché el résolus à ne plus le Voilà pourquoi nous avons toujours besoin de cette
commettre. Si nous sommes ainsi bien disposés et pré- chair ! Voilà pourquoi nous participons à cette Table !
parés, Christ peut nous être parfaitement uni. Ce Ceci, afin que la loi de l'Esprit soit active en nous ,
mystère est de grande portée" , dit le bienheureux et que la vie selon la chair n'ait plus de place et qu 'elle
• • • •
Paul, pour exalter semblable union. Voici ces noces ne pUIsse saISIr aucune occasIon pour retomber à t~rre,
lant chantées, où l'Époux très chaste épouse l'Église comme des corps pesants, privés de leur soutien. Pour

comme une vIerge. toutes ces raisons, ce mystà"e eucharistique est parfait.
C'est à ce banquet que Christ nourrit le chœur qui Ceux qui y communient n'ont pes à chercher ailleurs
l'entoure et par ce seul mystère nous devenons l'os ce qu'il fournit exceUemment.
172 LA VIE EN CH RIST « LA MANNE DE LA TENDRESSE» 173

6. - L'eucharistie nous permet fection. Car , si les membres vivent c'est à cause de
d' adorer « en esprit et en vérité ». la tête et du cœur, Christ le dit: Celui qui me mange
vivra, lui aussi, par moill .
Nous sommes faits d' une matière si fragile que le L'homme vit évidemment de nourriture matérielle,
sceau risque d'être effacé, car nous portons ce trésor mais il en va autrement dans la nourriture eucharis-
en des vases d'arg ile". No us prenons donc ce tique. La nourriture naturelle, en soi, n'est pas
remède, no n pas une seule fo is, mais continûment. vivante. Elle ne communique donc pas en elle-même
Le potier doit sans cesse rester assis près de l'argile la vie en nous. Mais comme elle nourrit la vie de
et lui restituer, très souvent, sa forme dès qu' elle notre corps, on a l'impression que c'est elle qui donne
s'estompe. Il nous faut constamment les soins du vie. En revanche le Pain de vie Lui-même est vivant
médecin pour guérir la matière malade et renforcer et Il donne vie, véritablement, à ceux qui Le man-
la volonté défaillante de peur que la mort n'arrive à gent. La nourriture naturelle est changée en celui qui
l' improviste. Il est écrit, en effet: alors que nous la prend. Le poisson, le pain ou tout autre aliment
étions morts par suite de nos fautes, Dieu nous a fait se changent en sang humain. Ici, c'est l'inverse qui
revivre avec le Christ". Et ailleurs: Combien plus se produit: le Pain de vie change celui qui s'en nour-
le sang du Christ [. . .] purifiera-t-il notre conscience rit. Il transforme et assimile celui qui Le mange; et
des œuvres mortes, pour que nous rendions un culte ce qui est du rôle de la tête et du cœur Lui revient
au Dieu vivant" ? De ce cœur bienheureux, la vie aussi puisque nous avons en Lui la vie et l'agir: cette
véritable est impulsée en nous, grâée aux énergies de vie qu'Il possède ...
l'eucharistie.
Nous devenons ainsi capables d'adorer Dieu en
toute pureté. 7. - L'eucharistie fait de nous
Si la pure adoration de Dieu con~i~te,.à Lui être des enfants de Dieu.
soumis, à Lui obéir, à faire tout ce qu'Ji nous ins-
pire, je ne sais pas quand on peut Lui être plus sou- A. - « Ce n'est pas au chœur des
mis qu'en devenant Ses membres. esclaves que nous sommes appelés. »
Qui donc, plus que la tête, peut commander effi-
Vivre selon la droite raison et tendre vers la vertu,
cacement aux membres? Tous les autres sacrements
c'est encore adorer Dieu, et ce peut être le fait des
nous constituent membres de Christ, mais c'est le
serviteurs: Quand vous aurez fait loul ce q UI vous
Pain de vie qui réalise cela avec encore plus de per- •
174 LA VIE EN CH RI ST « LA MANNE DE LA TENDRESSE » 175

a été prescrit, dites: Nous sommes de pauvres B. - « Être adoptés par Dieu,
serviteurs" . Mais l'adoration dont je parle ne peut c 'est une véritable naissance... "
venir que des fils . Ce n'est donc pas au chœur des Tel est l'événement de notre adoption que nous
esclaves que nous sommes appelés, mais à celui des chantons ! Contrairement aux adoptions humaines,
enfants " . C'est pour cette raison que nous parta- elle ne consiste pas dans la simple transmission d'un
geons Sa chair et Son sang el comme il est écrit : Les nom . Elle confère plus qu'un simple honneur. Ceux
enfants ont en commun le sang et la chair" . Christ qui ont été adoptés portent le même nom que les
a pris notre chair et notre ang pour devenir notre enfants de la famille et ce n'est que par le nom qu'ils
Père et pouvoir dire: Me voici, Moi et les enfants ont le même père qu'eux. Mais ils sont différents par
que Yahvé m'a donnés". Nous, pour devenir Ses la naissance et les douleurs de l'enfantement. Tandis
enfants, nous communions à Sa chair et à Son sang. qu'être adoptés par Dieu, c'est une véritable naissance
Par ce sacrement, nous devenons no n seulement Ses et une communion avec le Fils unique.
membres, mais aussi Ses enfants. Nous L'adorons Nous ne partageons pas seulement Son nom, mais
avec une soumission spontanée el de plein gré comme
aussi Son être même, Son sang, Son corps et Sa vie.
des enfants, et avec exactitude comme des membres.
Qu'y a-t-il de plus admirable? Le Père nous reconnaît
Celte adoration est si extraordinaire et si merveilleuse
pour les membres de Son Fils unique. Il retrouve sur
qu'il faut l'envisager sous la comparaison d'enfants
nos visages les traits mêmes de Son enfant. Paul déclare
et de membres . En effet, ni l'une ni l'autre image ne
aux Romains: Ceux que d'avance II a discernés, II les
saurait suffi re pour décrire la réalité. Dans le cas des
, . a auYSi prédestinés à reproduire l'image de son Fils" ...
membres, est-il surprenant que nous n aylons aucune
activité personnelle? .. mais que ce soit Dieu qui nous
meuve comme nos membres sont mus par la tête? c. - De la véritable communion.
De même que nous sommes soumis à nos pères La véritable communion consiste en ceci : la même
selon la chair , en quoi serait-il étonnant.. que nous réalité appartient simultanément à deux personnes. Si
soyons les sujets du Père des esprits ? Que nous les deux la possèdent alternativement, ce n'est pas une
puissions à la fois être sujets comme membres, tout communion, mais une séparation. Il n'y a pas d'Union
en gardant notre liberté comme enfants: voilà qui est proprement dite, car ce que l'un possède seul, n'e t
merveilleux ! pas pr~nt simultanément dans les deux.
Il n 'y a pas partage entre ces deux per~nnes et
elles n'ont rien en commun.
176 LA VIE EN CHRIST « LA MANNE DE LA TENDRESSE » 177

Quand une chose appa rtient d 'abord à J1ne per- Au contraire, la filiation selon les mystères consiste
sonne et à une autre ensuite, ce n 'est qu ' une appa- à être uni et à être en communion et toute rupture
rence de communion. équivaudrait à périr et à cesser d'être.
Résider dans une maison que quelqu 'un a quittée,
ce n'est pas cohabiter avec lui. On ne partage pas non
plus l'emploi, les affaires ou les soucis d ' une per- 8. - L'eucharistie nous forme
sonne, simplement en lui succédant. Il n'y a que celui « homme nouveau » en Christ.
qui demeure clans la même maison ou occupe le même
emploi avec et en même temps qu'un autre qui peut A . - « En déracinant et rejetant le
parler de communion. En ce qui concerne !\Os vieil homme. »
parents, nous ne possédo ns pas, en même temps
qu'eux, leur chair et leur sang, il ne s'agit donc pas Si le mot « parenté » implique une communion et
de communion . Mais avec Christ, nous communions indique ceux qu'unit un même sang, alors la seule
vraiment car en LOut temps nous possédons Son corps, communauté de sang véritable, la seule parenté, la
Son sang, et nous fo rmons un corps aux membres seule filiation sont constituées par notre communion
communs avec Lui. avec Christ. Dès lors, cette filiation estompe la nais-
Si la communauté de chair et de sang nous consti- sance naturelle car on lit: À tous ceux qui l'on reçu,
tue enfants, il est clair que l'eucharistie nous appa- Il a donné le pouvoir de devenir enfants de Dieu" .
rente bien plus étroitement au Sauveur que ne le fait Ils ont déjà, pourtant, été engendrés une fois. Leurs
la naissance vis-à-vis de nos parents. Contrairement parents sont de chair et leur naissance naturelle a pré-
à ceux-ci, Christ ne nous a pas quittés après nous cédé la naissance spirituelle. Mais la seconde naissance
avoir donné naissance et Il nous reste toujours uni. l'a tellement emporté sur la première qu'il n'en reste
P ar Sa présence, Il nous vivifie et Il nous commu- ni trace, ni nom.
nique Sa force. Ainsi, le pain sacré forme l'homme nouveau en
Ceux qui sont séparés de leurs parents, rien ne les déracinant et rejetant le vieil homme. C'est l'un des
empêche de survivre; mais se séparer de Christ, c est effets de la Table sainte que ceux qui l'ont reçu ne
mounr. • sont pas nés du sang". Quand Le recevons-nous?
Pourquoi ne pas dire plus? Les enfants ne possè- Examinons ce mot prenez'" et voyons à quel sacre-
dent leur maturité qu'en se séparant de leurs parents. ment il se réfère. Par ce mot, . noWl sommes conviés
Do nner naissance et naître nécessite cette séparation. au banquet où nous prenons, en v~té, Christ dans
178 LA VIE EN C HRIST « LA MANNE DE LA TENDRESSE » 179

notre main et où nous Le recevons dans notre bou- mystères c'est l'eucharistie qui nous rend parfaits dans
che. Nous le fusionnons avec notre âme, L' unissons une authentique vie chrétienne.
à notre corps et Le coulons en notre sang. Pour ceux
qui reçoivent le Sauveur et s' attachent à Lui sans
cesse, Il est la tête qui gouverne tandis qu'eux sont 9. - L'eucharistie comparée
Ses membres bien adaptés. au baptême.
\ A. - En ce qui concerne
B. - L'eucharistie « restaure notre la purification.

Jeu nesse ». Beaucoup s'étonnent: ce mystère qui est plus par-
fait que les autres, semble être moins efficace que le
Il est normal que les membres naissent de la même
baptême pour libérer du péché.
naissance que la tête. La chair du Christ n'est née
Le baptême nous purifie sans effort de notre part,
ni du sang, ni de la chair, ni d'un vouloir d'homme,
tandis que l'eucharistie exige notre labeur. Rien ne
mais de Dieu", le Saint-Esprit, car ce qui a été
distingue ceux qui sont purifiés dans le baptême de
engendré en elle vient de l'Esprit saint". Il convient
donc que les membres naissent aussi de cette manière. ceux qui n'ont jamais été souillés. Alors que beau-
La naissance de la tête amène celle des membres coup qui communient au banquet eucharistique por-
tent les traces du péché.
bienheureux, car les membres sont formés lorsque naît
la tête. Si pour chacun, la naissance est le commen- Dans les péchés commis, nous remarquons quatre
cement de la vie, naître est donc commencer à vivre. éléments: celui qui a commis le péché, l'acte mau-
Puisque Christ est la vie de ceux qui s'attachent l\ vais, la sanction encourue et l'inclination au mal ainsi
Lui, ceux-ci sont nés quand Christ a pénétré dans introduite en l'âme. Spontanément, en se hâtant vers
notre monde où Il est né. le baptême, le pécheur doit renoncer au péché. Le
Tels sont, grands et nombreux, les bienfaits que reste, la culpabilité et l'attirance pour le mal , est
l'on retire de la Table sainte. enlevé sans effort par la purification baptismale.
L'eucharistie nous libère de la condamnation, elle Quant au pécheur lui-même, il meurt, pourrait-on
efface la honte due au péché, elle restaure notre jeu- dire, dans l'eau baptismale et c'est un homme nou-
nesse et nous attache plus étroitement à Christ veau que rend le bain.
qu'aucun lien de parenté. En somme, de tous les Le cœur brisé et contrit parce que nous somm
IBO LA VIE EN C HRIST « LA MANNE DE LA TENDRESSE » IBI

pécheurs, nous recevons le P ain sacré. C'est Lui qui Table sainte, au _contraire, est servie alors que nous
libère de la sanction et de la faute, evqui lave notre SOlllmes déjà formés. Nous vivons et nous sommes
cœur de son inclination au mal. L'eucharistie ne fai t aptes à nous diriger nous-mêmes. L'eucharistie nous
pas mourir le pécheur car elle n'a pas reçu la force permet d ' utiliser l'énergie et les armes qui nous ont
de créer à nouveau! Ainsi, l'euchan stie est sans effet été fournies. Grâce à elle, nous pouvons poursuivre
sur un seul des éléments du péché: le pécheur lui- le bien, sans y être obligés ou tirés. Nous nous élan-
même . Elle lui permet de subsister :lon plus en tant çons dès lors spontanément comme des athlètes exer-
que justiciable mais comme auteur de son péché. Cer- cés pour la course ...
tains même portent encore les signes de leur maladie Maintenant que le Soleil s'est levé et que, par Ses
et les ~icatrices des anciennes blessures ;, car ils ne s'en mystères, Sa lumière éclate de toutes parts, rien ne
sont pas suffisamment souciés et leur préparation a doit retarder notre action et nos efforts. Nous devons
été insuffisante pour recevoir l'énergie du remède. La manger notre pain à la sueur de notre visage" . Ce
, purification de l'eucharistie diffère de celle du bap- pain, rompu pour nous"', est uniquement destiné
" tême, car elle ne noie pas le pécheur et ne le recrée aux seuls êtres raisonnables. Le Seigneur dit: Tra-
7 pas. Elle purifie certes, en laissant vivre le pécheur vaillez pour la nourriture qui demeure" , et par Ses
et cette purification suppose un effort de sa part. Cela paroles, Il nous ordonne de ne pas rester oisifs et
• inactifs, mais de venir à Son banquet en travaillant.
n'est pas dû au sacrement mais à la nature même des
choses qui fait que les pécheurs sont purifiés a>.Lbap- Paul est formel quand il écarte les paresseux de la
tême en étant lavés et dans l'eucharistie, en étant table corruptible de cette vie : si quelqu'un ne veut
- pas travailler, qu'il ne mange pas non plus" . Quel-
, ,r'

no urns.
les œuvres devons-nous produire si nous sommes im i-
tés à la Table sainte?
B. - La coopération exigée de Il nous faut être, personnellement, animés des dis-
1
notre part. 1 1 posi~i?ns requises, et d'abord n()~s purifier avant d e
Ici , je voudrais parler de l'effort qui iifllL( est participer à ce sacrement. Cela découle de ce que nous
demandé. Lors de notre baptême, nous étions dans venons d'exposer. L'eucharistie n'est pas in férieure
un état informe et dépourvus de la force requise pour aux autres mystères. Elle l'emporte sur tous par son
avancer vers le bien. Ce mystère réalise ses effets en efficacité ...
nous, comme un don gratuit! JI ne requiert rien de
notre part, car nous ne pouvons rien apporter. La


182 LA VIE EN CHRIST « LA MANNE DE LA TENDRESSE » 183

c. - Christ, notre allié plus tout l'effort. À l'heure de la récompense, Il ne


dans le combat. fait plus rien. Il n'est pas pensable que Celui qui
Il nous faut considérer que Christ, qui nous con- modèle et soigne, laisse inachevé ce qui prépare l'ath-
vie à Son banquet, lutte à nos côtés. Or, un compa- lète à la lutte. On ne peut envisager, non plus, que
gnon de combat prête main-forte non à ceux qui l'athlète associé ait à assumer tout l'effort, tandis que
paressent et se traînent , mais aux vaillants qui, avec son compagnon de lutte prendrait ses aises. Il ne con-
courage et fo rce, luttent dignement et bravement con- vient pas que lui seul se mette physiquement en
tre l'adversaire. mesure de combattre. On ne comprendrait pas non
Christ, en agissdnt en chacun de Ses mystères, plus que l'arbitre frotte d'huile l'athlète, agisse comme
devient alors tout poOr nous. entraîneur ou remplisse le rôle de médecin. On ne
Il s'y fait tour à tour notre modeleur quand Il nous peut pas attribuer à l'athlète la victoire, le courage,
purifi e dans le baptême, notre soigneur en nous la force ou tout autre qualité qui serait le lot d'un
oignant par le chrême et notre compagnon de lutte autre. On ne peut admettre et récompenser que la vic-
quand Il nous nourrit à la Table sainte. Il crée les toire qui est manifestement la sienne.
membres au début, puis Il les fortifie par l'Esprit. Pour un champion, il est préférable d'être couronné
Dans l'eucharistie, Il est vraiment présent et soutient sur le podium que d'avoir simplement remporté
le combat avec nous. Après notre mort, il arbitrera l'épreuve. Il est préférable d'être vainqueur plutôt que
pour décerner les récompenses;et siégera comme juge 1 d'être seulement athlète: athlète, on ne l'est que pour
pour les saints dont Il a partagé les labeurs. À l'heure • gagner, remporter la victoire et être couronné ...
du triomphe, les vainqueurs seront couronnés et Lui- Nous l'avons dit, ce don est également une récom-
même sera leur couronJ;)e. pense. Or, une récompense ne produit pas des cham-
pions, mais plutôt les signale et les honore. Dans
/
l'eucharistie, Christ non seulement nous purifie et lutte
D. - On est athlète « pour gagner, à nos côtés, mais Il est la rb:ompense que reçoivent ceux
remporter la victoire qui ont lutté. Qu'y a-t-il, ici-bas, pour récom penser les
et être couronné ». efforts des bienheureux, sinon de recevoir Chri t et
Ainsi, lorsqu'Il nous crée et nous confère l'onction, d'être unis à Lui? Paul, ayant achevé sa course, déclare
Il nous munit de tout ce qui peut enhardir notre cou- que mourir aboutit pour nous à elre unis avec :
rage, et affermir notre persévérance pour combattre J'ai le désir de m'en aller el d'lire avec Christ, dit-il,
et vaincre. Quand Il lutte à nos côtés, Il ne fournit ce qui serait, el de bien préférable
184 LA VIE EN CHRIST « LA MANNE DE LA TENDRESSE » 185

Voilà l'effet souverain de la Table sainte. Sans pour cela dès le début et nous lave de toute souil-
doute pouvons-nous trouver Christ dans les autres lure. Puisqu'II est le chef qui nous entraîne, Il est
m~stères, mais nous Le recevons, alors, pour nous aussi le premier dévêtu pour mener le combat.
preparer à nous unir à Lui . Dans l'eucharistie au Il est notre force contre nos ennemis. Il est aussi
. '
contnure, nous Le recevons déjà véritablement et nous ce prix qui ne s'obtient pas sans peines. En consé-
sommes unis à Lui. Quel autre mystère nous fait quence, si nous soutenons que ce banquet est la
devenir un seul corps et un seul esprit avec Lui ? Quel récompense et la béatitude finales, serait-il logique de
autre mystère nous fait demeurer en Lui et Lui en prétendre qu'il n'est pas efficace? .. .
nous? C'est pourquoi je pense que Christ, Lui-même,
parle de la béatitude des justes comme d'un banquet
où Il les sert en personne" . 11. - Les effets sanctifiants de
l'eucharistie.

JO. - Dans l' eucharistie, Christ est A . - « Par le banquet sacré, nous
la récompense de notre victoire. sommes plus étroitement
unis à Christ. »
Le Pain de vie est donc donné en récompense. Ceux
Qu'est-ce qui opère la parfaite communion entre
qui le reçoivent foulent encore notre terre et y voya-
Dieu et les hommes: l'adoration ou la filiation, ou
gent. Couverts de poussière, ils trébuchent en chc;t
les deux à la fois? Par le banque! sacré, nous som-
et redoutent de tomber entre les mains de briga s.
mes plus étroitement apparentés à Christ que notre
L'eucharistie, cependant, suffit amplement pour leurs
naissance nous affilie à nos père et mère. Christ ne
besoins actuel,s . Elle leyr donne la force et les guidç.
nous fait pas don d'obscures particules de Son corps
Elle les purifie, jusqu'au jour où ils trouveront un
et de quelques gouttes de Son sang. Il nous commu-
lieu de repos là où, selon les paroles de Pierre, il est
nique corps et sang dans leur intégralité. Christ n'est
heureux que l'homme réside" . Pour ceux qui y rési-
pas seulement la cause de notre vie comme no
dent, ce lieu est dégagé des affaires d'ici-bas, là il n'y
parents, mais la Vie elle-même.
a rien d'autre que Christ seul.
Il n'est pas appelé « Vie» en tant que principe de
Il est pour les élus leur couronne, et demeure entiè-
vie, à la manière dont Il appelle les Apôtr
rement présent en eux.
« lumière». Ils avaient été choisis com me nos gu
Aussi donc, Chrisl est purification. Il a tout orienté
-
186 LA VIE EN CHRIST « LA MANNE DE LA T ENDRESSE » 187

des vers la lumière "'. Mais, Chri st est Vie parce gation impossible si nous n'étions rendus aptes spé-
qu ' Il est Lui-même la vraie vie . C'est par Lui que cialement pour cette vie nouvelle en Christ: Nous
nous pouvons- véritablement vivre. avons été ensevelis avec Lui par le baptême ( ...] afin
• • •
que nous VIVions, nous aUSSI, dans une VIe

B. - « Ils sont saints à cause nou velle" .


de Celui qui est saint. " À Timothée, Paul écrit: Conquiers la vie
éternelle" . Ailleurs, il est dit: De même que Celui
Christ rend saints et justes ceux qui Lui sont for- qui vous a appelés est saint, devenez saints, vous
tement unis. Il les instruit en leur apprenant ce qui aussi"'. Nous lisons aussi : Montrez-vous miséricor-
est indispensable. Il exerce leur âme à la vertu, trans- dieux, non pas avec une miséricorde humaine, mais
formant en actes ce que le discernement leur fait per-
comme votre Père est miséricordieux" , et aimez-
cevoir, mais plus encore en devenant Lui-même pour
vous les uns les autres, comme je vous ai aimés" .
eux: sagesse, justice, sanctification '~ .
Avec cet amour, Paul aimait tendrement dans le cœur
Ainsi , les fidèles deviennent bienheureux et saints
du Christ" . Le Sauveur Lui-même recommande à
à cause du Bienheureux qui leur est uni. Par Lui, eux
ses disciples de rester en paix et Il les pénètre de sa
q ui étaient morts ressuscitent et ils deviennent sages,
d'insensés qu ' ils étaient. Ils sont saints, justes et fils propre paix: Je vous laisse la paix, je vous donne
de Dieu au lieu d'être impurs, pervers et esclaves. ma paix" et s'adresse au Père: pour que l'amour
D'eux-mêmes, par leur nature ou leurs efforts, rien dont Tu m'as aimé soit en eux et Moi en eux" .
ne leur permettrait de s'attribuer ces titres. En fait,
ils sont saints à cause de Celui qui est saint. Ils sont
justes et sages à cause de Celui qui est juste et sage 12. - L'union à Christ nous délivre
et qui demeure en eux. S'il y a des hommes méritant du péché.
de se voir discerner ces titres magnifiques et illustres 1

c'est à Lui qu'ils le doivent. Leurs propres efforts et A .. '- « En nous, tout est esclavage. »
facultés sont bien incapables de les rendre justes et Cette nouvelle naissance est divine et surnaturelle.
sages. Leur justice est malice et leur sagesse pure Puisque cette naissance est toute de Dieu et surnatu-
folie .. . relle, notre vie, nos mœurs et notre sagesse sont
Voilà pourquoi nous devons vivre la vie nouvelle désormais nouveaux et spirituels. Le Sauveur le
en Christ et faire preuve de droiture. Ce serait obli- déclare à Nicodème: Ce qui est fié de l'Esprit est
188 LA VIE EN C HRIST « LA MANNE DE LA TENDRESSE » 189

esprit" . Paul ajoute: Je regarde tout comme car 1\ est le Fils et libre de tout péché. 1\ les fait par-
déchets [. . .] afin d'être trouvé en Lui, n 'ayant plus ticiper à Son corps, à Son sang, à Son Esprit et à
ma justice à moi, mais celle qui vient de Dieu et tout ce qui est à Lui. C'est en nous imprégnant de
s'appuie sur la foi" . Son être pur, libre et vraiment divin qu'II nous crée
Cette justice est le manteau royal et, en nous, tout à nouveau, nous libère et nous divinise.
est esclavage. Comment la liberté et la royauté, vers
lesquelles nous devons nous hâter, pourraient-elles être C. - « Dans le banquet eucharistique,
la récompense d 'esclaves ? Ceux qui n'ont à montrer Christ est notre vraie justice. »
q ue des venus d'esclaves, comment pourraient-ils être
dignes de la royauté? De même que la corruption ne Ainsi, dans le banquet eucharistique, Christ, qui est
peut hériter de l'incorruptibilité, cet être corruptible notre vraie justice et notre bien, nous rend meilleurs
doit revêtir l'incorruptibilité, et cet être mortel que nous ne le sommes par nature.
l 'immortalité", de même des œ uvres serviles ne peu- Nous nous glorifions de Ses dons comme si nous
vent mériter la royauté. Il faut être investi de la jus- avions tout gagné nous-mêmes. Nous en obtenons
tice qui vient de Dieu. L'héritier doit être fils et non l'honneur si toutefois nous demeurons unis à Lui. Si
quelqu'un passe pour vraiment saint et juste, et reçoit
esclave. L 'esclave, dit-il, n'est pas toujours dal/s la
quelque éloge pour les talents qui lui sont attribués
maison, le fils y est pour toujours"'.
il sait qu'il le doit à Christ. '
Le Psalmiste déclare: En Yahvé, mon âme se
B. - « Rejeter sa condition d'esclave loue" , et par toi se béniront toutes les nations de la
et montrer celle d'un fils. » n
terre .
Celui qui veut bénéficier de cet héritage doit, tout Rien d'humain ne nous est demandé, mais seule-
d 'abord, rejeter sa condition d'esclave et montrer celle ment ce qui est à Christ. Il nous faut Le porter dans
d'un fils. C'est dire que nous devons nous présenter nos âmes et L'emponer en quittant cette vie. Avant
au Père avec les traits et la beauté du Fils unique sur l'heure d'.être couronnés, nous devons présenter cette
notre visage. Voilà ce que signifie: nous sommes sagesse-là et ce nouveau trésor, veillant à ne pas mêler
affranchis de tout esclavage par le Fils de Dieu et réel- quelque vaine monnaie. Car seule cette sagesse e t
lement libres. Christ l'indique aux Juifs: Si donc le valable comme redevance au royaume des cieux.
70
Fils vous affranchit, vous serez réellement Iibres • Il
libère, en effet, les esclaves et les rend fils de Dieu
190 LA VIE EN CHRIST « LA MANNE DE LA TENDRESSE» 191

D. - « Dieu est le but recherché. " remède, notre régime, et tout ce qui peut assurer notre
rétablissement. Si nous parlons de rénovation de notre
La récompense que nous nous efforçons d' obtenir ,
être, Il nous restaure à partir de Son être même et
c'est Dieu Lui-même.
de Sa propre chair. Lui-même se substitue à notre être
Pour y prétendre, nous devons être à la hauteur corrompu et Il ne recrée pas à partir de la matière,
de la récompense. Le combat qui s'engage est divin. celle dont nous sommes modelés.
Dieu est non seulement le soigneur et l'entraîneur des Il avait, alors, créé l'homme avec la glaise du
athlètes, mais au ssi le champion qui gagne en nous sol" . Aujourd'hui, Il donne Son propre corps. En
la victoire . Dieu est le but recherché et la prépara- restaurant notre vie humaine, Il ne rend pas notre
tion au combat doit correspondre à ce but. âme plus belle en la laissant dans son état naturel,
Quand Il nous a mis sur terre, Christ n'a rien fait mais en versant Son sang dans le cœur des baptisés
ni exigé de nous qui soit au-dessus de notre nature. et Sa propre vie surgit en eux. Il est dit qu'au début
De même , lorsqu'II nous mène vers Dieu et nous JI insuffla dans ses narines une haleine de vie" .
enlève de la terre, Il ne laisse en nous rien de sim- maintenant Il nous communique son Esprit 7l . En
plement humain. Mais Il s'adapte à nous pour répon- effet: Dieu a envoyé dans nos cœurs l'Esprit de son
dre à tous nos besoins. Il ne laisse vide de Lui rien Fils, qui crie,' Abba, Père" ! Pour faire jaillir la
de ce qui peut nous préparer pour atteindre ce but. lumière, aux origines, Il dit : que la lumière soit, et
la lumière fut " . Cette lumière était servile mais
aujourd'hui le Maître Lui-même, comme dit Paul, a
13. - Christ nous crée de nouveau brillé dans nos cœurs" . C'est le même qui avait dit
par l'eucharistie. jadis': Que du sein des ténèbres brille la lumière ' .

A. - «II nous procure Lui-même


ce qui est nécessaire. "
B. -- «De porte à porte,
Si nous envisageons notre condition comme une JI se lait proche ... "
infirmité qui demande la guérison, aussitÔt Christ
vient à notre chevet, Il nous examine et nous prend Autrefois Dieu a répandu Ses bienfaits sur l'huma-
la main. nité au moyen de créatures visibles. Il a guidé
Il nous procure Lui-même ce qui est nécessaire pour l'homme par des commandements, des messager> et
nous guérir. Bien plus, Il se fait Lui-même notre des lois. Tout cela nous a été transmis tantôt grâce
192 LA VIE EN CHRIST « LA MANNE DE LA TENDRESSE» 193

aux anges, tantôt par des hommes justes . 14. - Christ, en nous libérant,
Aujourd' hui , sans intermédiaire et pour tous les cas, devient notre Roi.
1JI agit Lui-même .
Voyons cela de plus haut. Christ n'a pas envoyé A . - « II/allait rendre la liberté aux
un a nge po ur sauver la race humaine: Il vient Lui- captifs. »
mêm e. P o ur que les hommes comprennent pourquoi
Il vient sur terre, Il ne se fixe pas dans un terroir Il fallait encore libérer les captifs de l'Hadès·
en y invitant des auditeurs, mais Il sillonne le pays li ne confie pas ce travail aux anges ou aux archan-
cherchant à qui faire entendre Sa parole . ges, mais descend Lui-même en cette prison. Il fal-
De porte en pOrle, Il se fait proche des plus défa- lait rendre la liberté aux captifs, non pas gratuitement,
vorisés et leur annonce de bonnes nouvelles. Il est pré- mais moyennant la rançon: Il verse Son sang pour
sent aux malades et, de Sa main, les guérit. De la les libérer. C'est de cette manière que, désormais et
salive qu'Il a craché sur la terre, Il fait une boue qu'Tl jusqu'au dernier jour, JI délivre nos âmes, acquitte
mélange de Son doigt. Il en recouvre ensuite le visage nos dettes et nous purifie de toute souillure.
de l'aveugle-né, pour lui ouvrir les yeux " . Il est Lui-même ce par quoi Il purifie. Paul le sou-
Ailleurs, il est écrit que, s'approchant, Il toucha le ligne: ayant accompli la purification des péchés, II
cercueil" . Il se rendit aussi au tombeau de Lazare" s'est assis à la droite de la majesté dans les
où il fit entendre sa voix de près. De loin, pourtant, hauteurs". Pour cette raison, Paul L'appelle
Il aurait pu réaliser tout cela: de simples mots et de serviteur", et Christ se désigne Lui-même ministre" .
simples gestes auraient suffi ! Il pouvait réaliser des Christ JI été envoyé dans le monde, par le Père, pour
merveilles plus grandes encore, Lui qui créa le ciel. servIT et non pour 2tre servi".
-.-
La création est le signe évident de Sa yuissa.nce, mais
en venant parmi nous, Il veut manlfester{Son amour
,
B. - « II ne s'impose pas
pour les horumes. - par la crain.e.
, /
"
Ce n'est pas- uniquement en Sa vie terrestre , Se
montrant dans la faiblesse humaine, que Christ s'est
présent! comme serviteur_ Pour ne pas condamner le
monde , Il a alors caché sa qualité de Maitre. Mais

• L'Hadà; est, chez les A..... " •• le lieu du sejour des mOlU.
194 LA VIE EN CHRIST (. LA MANNE DE LA TENDRESSE » 195

dans la vie à venir, quand Il viendra dans la puis- de chemins contraires à Sa condition. Pour être Maî-
sance et la gloire du Père pour manifester Son règne, tre véritable, Il prend une nature d'esclave, et Il sert
Il se ceindra, les f era mettre à table et, passant de les esclaves jusqu'à la croix et la mort. Il ravit ainsi
l'un à l'autre, Il les servira" . Et cela, bien qu'il soit leur âme et gouverne leur volonté. C'est pour cette
Celui par qui règnent les rois et les princes qui décrè- raison, et sachant que cet esclavage est le secret de
tent le droit" . la royauté de Christ, que Paul déclare: Il s'humilia
n exerce ainsi Sa royauté pure et vraie, Lui seul plus encore, obéissant jusqu'à la mort, et à la mort
se suffisant à Lui-même pour cette royauté. Il entraîne sur une Croix! Aussi Dieu l'a-t-il exalté"'.
ainsi ceux qu'Il gouverne. Il est plus cordial qu'un Isaïe annonce: C'est pourquoi je lui allribuerai des
ami et plus exigeant qu'un tyran. Il est plus tendre foules et, avec les puissants, Il partagera les trophées,
qu'un père, plus intime que des membres et plus parce qu'II s'est livré Lui-même à la mort et a été
indispensable qu'un cœur. Il ne s'impose pas par la compté parmi les pécheurs".
crainte, et n'attire pas à Lui par l'appât de gàins. Il
est l'unique force de Sa puissance qui attire Ses sujets D. - « Il exerce Sa royauté en
et Se les attache. Ce n'est pas régner véritablement parfaite plénitude ... »
que gouverner par la crainte et se rallier des sujets
par de l'argent. Un tel règne reposerait sur des mobi- Par la première création, Christ est maître de notre
les de récompenses ou de menaces. Christ ne régne- nature. Par la création nouvelle, Il a puissance sur
rait pas, à proprement parler, si sa souveraineté notre volonté. Ceci revient vraiment à régner sur les
dépendait de ces motifs; de même que nous ne ser- hommçr. Il s'est soumis l'autorité de la raison et de
vons pas vraiment Dieu si nous Lui obéissons pour la liberté de la volonté, qui font l'homme en sa réa-
lité. C'est pourquoi Il dit: Tout pouvoir m'a été
l'une de ces deux raisons. ,
donné au ciel el sur ten-r". Celui qui est le maître
do monde de tQute éternité découvrir, comme
C. - « Cet esclavage est le secret une nouvea~'t qu'après les célestes, les
de la royauté de Chrisl. » hommes eux-metJ)es Le comme maître
Comme il fallait que Christ régnât, au sens plénier universel, David chante que Da Mg,.. toute la
du mot (car il n'eût pas été convenable qu'II gou- lent, [qu'Ill Mgne sur /t!$ ".,."., n fait alon allu-
....elltât d'une autre manière), Il a su atteindre Son but. sion à ce règne dans . . ,.""., COiliil;,e dit
Ce fut de la manière la plus inattendue. Il se servit Paul, sont admis k Stnnar . . . . . . ltlrit.,
196 LA VIE EN CHR IST {( LA MANNE DE LA TENDRESSE» 197

membres du même corps, bénéficiaires de la même est venu; tandis que l'autre rejoint Christ, dont il est
promesse" . S'unissant fondamentalement à notre tiré.
corps et à notre âme, Christ se rend maître des corps, Chaque vie atteint donc le but qui correspond à la
mais aussi des âmes et des volontés. Il exerce Sa dignité de sa naissance . Tel a été l'homme terrestre,
royauté en parfa ite plénitude. Il gouverne Ses mem- dit l'Apôtre, tels seront aussi les terrestres: tel
bres comme l'âme régit le corps et la tête. l'homme céleste, tels seront aussi les célestes" .
Ceux qui ont choisi d ' aimer tendrement ce joug, Le corps vit, lors du trépas, d'une vie qui est indi-
Christ les conduit à ne plus vivre selon leur propre ciblement bel1e, puisqu'il n'est pas mort à proprement
jugement, comme s' ils n'avaient plus l'usage de leur parler. Comme le dit Salomon, ils ont paru mourir,
volonté, selon l'expression du Psalmiste: Moi, stu- non aux yeux des sages, mais aux yeux des insen-
pide, j e ne comprenais pas, j 'étais une brute devant sés '00 .
toi" . Voilà ce que signifie: Quiconque aime sa vie De même que Christ une fois ressuscité des morts
la perdra, et qui hait sa vie en ce monde la conser- , ne meurt plus et que la mort n'exerce plus de pou-
vera en vie éternelle". Cela se réalise quand la créa- voir sur Lui ''' , pareillement, les membres de Christ
ture nouvelle est si influente que le nouvel Adam ne verront pas la mort non plus 10'. Comment
anéantit l'ancien. Il ne reste rien alors du vieux pourraient-ils subir la mort, alors que pour toujours
levain ", ni de sa naissance, de sa vie ou de sa fin. ils communient au Cœur vivant?
7 '

Il n'y a aucune raison de s'étonner si ce que l'on


voit n'est que cendres. Le trésor est à l'intérieur :
15. - Les membres de Christ Votre vie est cachée 'Ol ; un vase d'argile enferme ce
ne verront pas la mort. f trésor: Ce trésor, ajoute Paul, nous le portons en des
vases d'argile '''.
Dans le vieil Adam , le corps était formé du limon Ceux dont les yeux ne s'arrêtent qu'aux apparen-
de la terre. Le nouvel Adam, lisons-nous, a été engen- ces ne voient que l'argile.
dré par Dieu". Chacune de ces vies possèd~ sa table 1 Mais quand Christ apparaîtra, cette poussière
appropriée. Les nourritures terrestres. cO~~lennent à déproi, ra sa véritable beauté. El1e se manifestera
la première vie, tandis que de Sa chalf, 1 etre céleste comme une partie de l'éclair''' . Elle se fondra dans
nourrit l' homme nouveau. le soleil et émettra le même rayon. Christ déclare.
C' est pourquoi, lorsque notre vie arrive à son A lors les justes brilleront comme le soleil dans le
terme, l'élément terrestre retourne à la terre, d'où il Royaume de leur Père"". De cette splendeur, Christ
196 LA VIE EN CHRIST « LA MANNE DE LA TENDRESSE » 197

mémbres du même corps, bénéficiaires de la même est venu; tandis que l'autre rejoint Christ, dont il est
promesse". S' unissant fondamentalement à notre tiré.
corps et à notre âme, Christ se rend maître des corps, Chaque vie atteint donc le but qui correspond à la
mais aussi des âmes et des volontés. JI exerce Sa dignité de sa naissance. Tel a été l'homme terrestre,
royauté en parfaite plénitude. Il gouverne Ses mem- dit l'Apôtre, tels seront aussi les terrestres.' tel
bres comme l' âme régit le corps et la tête. l'homme céleste, tels seront aussi les célestes"'.
Ceux qui ont choisi d'aimer tendrement ce joug, Le corps vit, lors du trépas, d'une vie qui est indi-
Christ les conduit à ne plus vivre selon leur propre ciblement belle, puisqu'il n'est pas mort à proprement
jugement, comme s'ils n'avaient plus l'usage de leur parler. Comme le dit Salomon, ils ont paru mourir,
volonté, selon l'expression du Psalmiste: Moi, stu- non aux yeux des sages, mais aux yeux des insen-
'00
pide, je ne comprenais pas, j'étais une brute devant sé.s .
toi" . Voilà ce que signifie: Quiconque aime sa vie De même que Christ une fois ressuscité des morts
la perdra, et qui hait sa vie en ce monde la conser~ ne meurt plus et que la mort n'exerce plus de pou-
vera en vie éternelle" . Cela se réalise quand la créa- voir sur Lui''' , pareillement, les membres de Christ
ture nouvelle est si influente que le nouvel Adam ne verront pas la mort non plus 102 . Comment
anéantit l'ancien. Il ne reste rien alors du vieux pourraient-ils subir la mort, alors que pour toujours
levain "' , ni de sa naissance, de sa vie ou de sa fin. ils comm unient au ?
JI n 'y a aucune si ce que l'on
voit n'est que cendres. Le trésor est à l'intérieur:
15. - Les membres de Christ Votre vie est cachée'OJ ; un vase d'argile enferme ce
ne verront pas la mort. Î trésor: Ce trésor, ajoute Paul, nous le portons en des
vases d'argile '''.
Dans le vieil Adam, ,le corps était formé du limon Ceux dont les yeux ne s'arrêtent qu'aux apparen-
de la terre. Le nouvel Adam, lisons-nous, a été engen- ces ne voient que l'argile.
dré par Dieu" . Chacune de ces vies possède sa table Mais quand Christ apparaîtra, cette poussière
appropriée. Les nourritures terrestres conviennent à déPloiera sa véritable beauté. Elle se manifestera
la première vie, tandis que de Sa chair, l'être céleste comlllj: une partie de l'éclair''''. Elle se fondra dans
nourrit l'homme nouveau. le soleil et émettra le même rayon. Christ déclare;
C'est pourquoi, lorsque notre vie arrive à son Alors les justes brilleront comme le soleil dans le
terme, l'élément terrestre retourne à la terre, d'où il Royaume de leur Père"". De cette splendeur, Christ
198 LA VIE EN CHR IST « LA MANNE DE LA TENDRESSE » 199

a resplen d 1· aux yeux d esA potres,


" 107 Ch fi' S t Lorsqu'Il jaillira comme l'éclair au-dessus des
l'appelle: le Royaume du Père. Les Apôtres ont vu nuées, Christ recevra Ses propres membres qui afflue-
cette royauté de Dieu venir avec puissance. Ce jour- ront de toutes parts, Dieu au milieu des dieux, Cory-
là, les justes brilleront d'une même splendeur et d'une phée splendide d'un chœur magnifique.
même gloire. Joie pour eux de recevoir cette lumière Si l'on suspendait dans les airs des corps alourdis
de Christ! Joie de Christ qui en fait don! Car ce et si l' on tranchait leurs attaches, aussitôt ils seraient
pain d'Ici-bas, ce corps auquel ils communient en attirés vers la terre en son centre. Ainsi en est-il pour
l'emportant de la Table sainte, c'est Lui qui appa- les corps des saints. Ils sont attachés à la terre, entra-
raîtra, alors, aux yeux de tous, dans le ciel ''''. En vés et tyrannisés par la corruption. C'est pourquoi
un instant , Il fera éclater sa splendeur de l'Orient à nous gémissons dans cet état "". Mais, lorsque son-
l'Occident comme un éclair. nera l'heure de la liberté, ils se précipiteront vers
Christ, dans un élan irrésistible, pour retrouver leur
place. Aussi Paul, parlant de cette ruée impétueuse,
16. - La gloire future de ceux l'appelle un rapt (un ravissement). Il écrit: Nous
qui vivent en Christ. serons emportés sur des nuées pour rencontrer le Sei-
gneur dans les airs "'. Le Sauveur déclare qu'Il les
A. - « Christ recevra Ses propres emmènera avec Lui: Alors, deux hommes seront aux
membres qui afflueront champs: l'un est pris, l'autre laissé"'. Cela signifie
de toutes parts. » que rien d'humain ne pourra retarder ce laps de
C'est avec ce Soleil que vivent les bienheureux ici- temps. C'est Christ Lui-même qui les attirera! C'est
bas et, à leur mort, cette lumière ne les abandonne pas. Lui-même qui les enlèvera, Lui qui n'est pas asservi
au temps!
Les justes portent toujours en eux cette lumière. Ils en
resplendiront quand ils parviendront dans l'autre vie.
Ils se précipiteront vers cette lumière qui n'aura jamais B. - « Nous le verrons tel qu'II est. »
cessé de les accompagner. Il arrivera alors que chacun Au commencement, Il n'a pas attendu que les hom-
des ressuscités recouvrera l'intégralité de son corps. Les mes Le cherchent. Il est allé Lui-même à notre recher-
os, les membres et les diverses parties du corps s'assem- che, tandis que nous étions égarés. Il nous montra
bleront avec la tête. Cela se produira aussi pour la tête le chemin. Nous relevant, Il nous mit sur se
commune à tous, Christ le Sauveur. épaules ", car nous étions incapables de marcher
200 LA VIE EN CHR IST « LA MANNE DE LA TENDRESSE ., 201

Il relève ceux qui sont tombés, redresse ceux qui des nouveaux plaisirs de ce banquet, bien qu'ils ne
chancellent et rappelle ceux qui se sont fourvoyés, et, les goûtent pas encore pleinement. Mais ils puisent
sans cesse, Il se soucie de notre salut. Il nous ressus- un plaisir plus parfait en se présentant avec Christ
citera au dernier jour, quand nous serons engagés qui se révèle, alors, plus pleinement à eux.
dans l' ultime course vers Lui. .. Telle est la manière dont le royaume des cieux est
Le bienheureux Jean dit: Nous le verrons tel qu'II au-dedans de nous "'.
m
est .
Pour ceux dont la vie terrestre a cessé, Christ n'est
plus du pain et 11 n'est plus leur Pâque car ils sont
arrivés à demeure. Dans Son corps, Christ porte ses Notes
nombreux stigmates de cadavre. Ses mains gardent les
blessures, Ses pieds les traces de clous, et Son côté
1. Ac 8, 12. 2. Ac 8, 16-17. 3. 1 Co 3, 3.
porte la marque de la lance. Le banquet eucharisti-
4.Jn6,57. 5.2Co5,4. 6. Ga 2, 20.
que nous attire vers ce corps. Nous ne pouvons pas 7. 1 Co 2, 16. 8. 2 Co 13, 3. 9. Ph l, 8.
parvenir à Lui en dehors de l'eucharistie, pas plus 10. Ga 2, 20. Il. Rm 2, 23. 12. Rm 10, 3.
qu'il n'est possible à un aveugle de percevoir la 13. Ga 3, 24. 14. 1 Co l, 30. 15. Ep 2, 15-16.
lumière. 16. Col 2, 9. 17. Jn 3, 16. 18. MI l, 6.
Ceux qui ne participent pas à ce banquet n'ont pas 19. Jn 17, 4, 6. 20. He l, 3. 21. Jn 14, 9.
22. 1.9, 5. 23. Ep 2, 14. 24. Jn 18, 37.
la vie en eux. 25. 1 Tm 6, 13. 26. 1 Co 12, 27. 27. 1 Co 6, 17.
Comment Celui qui est immortel pourrait-il être la 28. 2 Co 2, 15. 29. Ep 5, 32. 30. Gn 2, 23.
tête de ces membres morts ? 31. Jn 3, 29. 32. 1 Jn l, 7. 33. He 2, 18.
11 n'y a donc qu'une seule force à l'une et l'autre 34. 2 Co 4, 7. 35. Ep 2, 5. 36. He 9, 14.
Table , comme il yale même convive dans les deux .. 37. Jn 6, 57. 38. Le 17, 10. 39. Ga 4, 6-7.
mondes. Là-haut, c'est le banquet de noces et, ICI- 40. He 2, 14. 41. Js 8, 18. 42. He 12, 9.
bas, sa préparation. Ici et là, c'est le même É~oux.
43. Rm 8, 29. 44. Jn l, 12. 45. Jn l, 13.
46. MI 26, 26. 47. Jn l, 13. 48. MI l, 20.
Ceux qui partent vers cette vie, san~ être mun~s de 49. Gn 3, 19. 50. 1 Co Il, 24. 51. Jn 6, 27
ces dons, n'auront rien de plus. MaIS ceux qUI ont 5~. ~ Th 3, 10. 53. Ph l, 23. 54. Le 12, 37·38.
pu recevoir cette grâce et la garder sont entrés dans 55. Ml 17, 4. 56. MI 5, 14. 57. 1 Co l, 30.
/G' joie de leur Seigneur'''. Ils ont pénétré avec 58. Rm 6, 4. 59. 1 Tm 6, 12.
l'Époux dans la salle des noces"'. Ils jouissent déjà 60. 1 P l, 15; Lv 19, 2. 61. Le 6, 36.
-
200 LA VIE EN CHRIST « LA MANNE DE LA TENDRESSE » 201

Il relève ceux qui sont tombés. redresse ceux qui des nouveaux plaisirs de ce banquet. bien qu'i1s ne
chancellent et rappelle ceux qui se sont fourvoyés. et. les goOtent pas encore pleinement. Mais ils puisent
sanS cesse , Il se soucie de notre salut. Il nous ressus- un plaisir plus parfait en se présentant avec Christ
citera au dernier jour. quand nous serons engagés qui se révèle. alors. plus pleinement à eux.
dans l' ultime course vers Lui. .. Telle est la manière dont le royaume des cieux est
Le bienheureux Jean dit: Nous le verrons lei qu'lI au-dedans de nous"' .
est '" .
Pour ceux dont la vie terrestre a cessé. Christ n'est
plus du pain et Il n'est plus leur Pâque car ils sont
arrivés à demeure. Dans Son corps. Christ porte ses Notes
nombreux stigmates de cadavre. Ses mains gardent les
blessures. Ses pieds les traces de clous. et Son côté
porte la marque de la lance. Le banquet eucharisti- 1. Ac 8, 12. 2. Ac 8, 16-17. 3. 1 Co 3, 3.
que nous attire vers ce corps. Nous ne pouvons pas 4. Jn6.57. 5.2Co5,4. 6. Ga 2, 20.
parvenir à Lui en dehors de I·eucharistie. pas plus 7. 1 Co 2, 16. 8. 2 Co 13, 3. 9. Ph l, 8.
10. Ga 2, 20. II. Rm 2, 23. 12. Rm 10, 3.
qu'il n'est possible à un aveugle de percevoir la 13. Ga 3, 24. 14. 1 Co l, 30.
lumière. 15. Ep 2, 15-16.
16. Col 2, 9. 17. Jn 3, 16. 18. MI l, 6.
Ceux qui ne participent pas à ce banquet n'ont pas 19. Jn 17, 4, 6. 20. He l, 3. 21. Jn 14, 9.
la vie en eux. 22. Is 9, S. 23. Ep 2, 14. 24. Jn 18, 37.
Comment Celui qui est immortel pourrait-il être la 25. 1 Tm 6, 13. 26. 1 Co 12, 27. 27. 1 Co 6, 17.
tête de ces membres morts? 28. 2 Co 2, 15. 29. Ep S, 32. 30. Gn 2, 23.
31. Jn 3, 29. 32. 1 Jn l, 7. 33. He 2, 18.
Il n'y a donc qu'une seule force à l'une et l'autre
34. 2 Co 4, 7. 35. Ep 2, S. 36. He 9, 14.
Table. comme il yale même convive dans les deux 37. Jn 6, 57. 38. Le 17. 10.
mondes. Là-haut, c'est le banquet de noces et, ici- 39. Ga 4, 6-7.
40. He 2, 14. 41. Is 8. 18. 42. He 12, 9.
bas. sa préparation. Ici et là. c'est le même Époux. 43. Rm 8, 29. 44. Jn 1. 12. 45 . Jn l, 13.
Ceux qui partent vers cette vie. sans être munis de 46. MI 26, 26. 47. Jn l, 13. 48. MI l, 20.
ces dons. n'auront rien de plus. Mais ceux qui ont 49. On 3, 19. 50. 1 Co Il, 24. SI. Jn 6, 27.
S~. ~ Th 3, 10. 53. Ph l, 23.
pu recevoir cette grâce et la garder sont entrh dans 54. Le 12, 37.38.
55. Ml 17, 4. 56. MI 5, 14.
" joie de leur Seigneur·... Ils ont pén~tr~ avec 58. Rm 6, 4. 59. 1 Tm 6. 12.
57. 1 Co l , 30.
l'Époux dans la salle des noces"'. Ils jouissent déjà 60. 1 PI, 15; Lv 19, 2.
61. Le 6, 36.
202 LA VIE EN C HRIST

62 Jo 13, 34. 63. Ph l , 8. 64. Jo 14, 27.


65. Jo 17, 26. 66. Jo 3, 6. 67. Ph 3, 9.
68 . 1 Co 15,50,53 . 69. Jo 8, 35. 70. Jo 8, 36.
LIVRE V
71. Ps 34, 3. 72. Go 12, 3. 73. Go 2, 7.
74. Go 2, 7. 75. Jo 20, 22. 76. Ga 4, 6.
77. Go l, 3. 78 . 2 Co 4, 6.
79. 2 Co 4-6 ; Go l, 3. 80. Jo 9, 6.
« VOICI L'ESPACE DE FÊTE· »
81. Le 7, 14. 82. Jo Il,38 . 83. He l, 3.
84. Rm 15, 8. 85. Rm 15, 16. 86. Mt 20, 28.
87. Jo 3, 17 . 88. Le 12, 37. 89. PI8, 15-16. La vie en Christ et son rapport
90. Ph 2, 8-9. 91. Is 53, 12. 92. Mt 28, 18. avec la consécration de l'autel
, 93. Ps 47, 8. 94. Ep 3, 6. 95. Ps 73, 22.
96. Jo 12, 25 . 97. 1 Co S, 7. 98. Jo l, 13 .
99. 1 Co 15, 48. 100. Sg 3, 2. 101. Rm 6, 9.
102. Jo 8, 52 . 103. Col 3, 3. 104.2Co4,7.
105. Le 17, 24. 106. Ml 13, 43 . 107. Mt 17, 2.
108. Mt 24, 30. 109. 2 Co S, 2-4. 110. 1 Th 4, 14. 1. - L'autel et les mystères sacrés.
II I. Mt 24, 40. 112. Le 15, 5. 113. 1 Jo 3, 2.
114. Mt 25, 21. 115. Mt 25, 10. 116. Le 17,21.
Les sacrements nous préparent à la vie véritable,
et c'est de l'autel que se diffuse toute activité sacra-
mentelle : l'eucharistie ou la chrismation, l'ordination
des prêtres et le baptême en sa plénitude. Il n'est dès
lors ni superflu, ni hors de propos, d'examiner le rite
par lequel on consacre l'autel. Nous aurons, alors,
présenté un exposé plus approfondi en traitant du
fondement ou de la racine des mystères.
1
Nous allons décrire la consécration de l'autel et tout
ce que doit faire le consécrateur. Nous examinerons.
tnSU!!e, le sens caché de chaque rite et son effet.

• Hymoe de la liturgie de la Dédicace (K 145). La Li/urgie


des hftlfeS, t. !II, p. 1312.
202 LA VIE EN CHRIST

62. Jn 13, 34. 63. Ph l, 8. 64. Jn 14, 27.


6S. Jn ll, 26. 66. Jn 3, 6. 67 . Ph 3, 9.
68. 1 Co IS, SO, S3. 69. Jn 8, 3S. 70. Jn 8, 36.
71. Ps 34, 3. 72. Gn 12, 3. 73. Gn2, 7. LIVRE V
74. Gn 2, 7. 7S. Jn 20, 22. 76. Ga 4, 6.
77. Gn l, 3. 78. 2 Co 4, 6.
79. 2 Co 4-6 ; Gn l, 3. 80. Jn 9, 6. « VOICI L'ESPACE DE FÊTE· »
81. Le 7, 14. 82. Jn 11, 38 . 83. He l, 3.
84. Rm lS, 8. 8S. Rm IS, 16. 86. Mt 20, 28.
87. Jn 3, 17. 88. Le 12, 37. 89. PT 8, IS - 16. La vie en Christ et son rapport
90. Ph 2, 8·9. 91. Is S3, 12. 92. Mt 28, 18. avec la consécration de l'autel
, 93. Ps 47, 8. 94. Ep 3, 6. 9S. Ps 73, 22.
96. Jn 12, 2S. 97. 1 Co S, 7. 98. Jn l, 13.
99. 1 Co IS, 48. 100. Sg 3, 2. 101. Rm 6,9.
102. Jn 8, S2. 103. Col 3, 3. 104. 2 Co 4, 7.
lOS. Le 17, 24. 106. Mt 13, 43. 107. Mt 17, 2.
108. Mt 24, 30. 109. 2 Co S, 2-4 . 110. 1 Th 4, 14. 1. - L'autel et les mystères sacrés.
111. Mt 24, 40. 112. Le IS, 5. 1\3. 1 Jn 3, 2.
114. Mt 2S, 21. 115. Mt 25, 10. 116. Le 17, 21.
Les sacrements nous préparent à la vie véritable,
et c'est de l'autel que se diffuse toute activité sacra-
mentelle : l'eucharistie ou la chrismation, l'ordination
des prêtres et le baptême en sa plénitude. Il n'est dès
lors ni supuflu, ni hors de propos, d'examiner le rite
par lequel on consacre l'autel. Nous aurons, alors,
présenté un exposé plus approfondi en traitant du
fondement ou de la racine des mystères.
, Nous allons décrire la de l'autel et tout
ce que doit faire le conséci'ateur. Nous examinerons,
ensuite,
, ,
le sens caché de chaque rite et son effet.

• Hymne de la Iilursie de la DMiaoce (K 14'), 1Il LlluTfU!


des hftlns, 1. III, p. 1312.
-
204 LA VIE EN CHRIST « VOICI L'ESPACE DE ffiTE» 205

2. - La célébration de consécration ôte ses vêtements blancs. 1\ se vêt des ornements pon-
de l'autel . tificaux et se rend ensuite dans une pièce contiguë à
- l'édifice sacré. 1\ y prend les reliques des saints
Tout d'abord, le hiérarque' se ceint de vêtements martyrs préparées à cette fin. 1\ les place sur l'une
blancs qu'il noue à ses poignets et à sa taille. Il se des coupelles sacrées qui sont, sur l'autel, destinées
prosterne devant Dieu de tout son long, sur le sol habituellement à l'eucharistie. Puis il les couvre d'un
nu". Après avoir prié pour que ses supplications voile qui protège d'ordinaire le pain consacré et, avec
obtiennent les faveurs désirées, il se relève et procède un profond respect, il élève l'ensemble au-dessus de
à la consécration. sa tête et le porte jusqu'à l'édifice que l'on consa-
Il soulève la table du sol, la place sur sa base et cre. La foule l'accompagne en procession avec des
la fixe. Il demande à d'autres de l'aider dans ce tra· flambeaux, des chants et des flots d'encens.
vail, y collaborant lui-même. Quand il a dressé l'autel, Il s'avance et atteint le temple. Il s'arrête devant
il le lave avec de l'eau chaude. Il prie pour que l'eau les portes fermées. 1\ ordonne à ceux qui sont à l'inté-
purifie l'autel, non seulement des impuretés visibles, rieur de les ouvrir pour le Roi de gloire'. Quand il
mais aussi de l'assaut des démons. entend ceux qui sont à l'intérieur redire ces paroles
Il l'oint ensuite, en versant sur la table un peu de que David prête aux anges lors de l'ascension du Sau-
• •
vin choisi parmi les meilleurs et du chrême prodUit, veur, les portes s'ouvrent. Il pénètre dans le temple
je crois, à partir de suc de roses. Après quoi, il pro- avec la coupelle voilée au-dessus de sa tête.
cède avec le chrême sacré à une triple onction en Parvenu à l'autel, c'est-à-dire dans le sanctuaire,
forme de croix, chantant à Dieu l'hymne célèbre et il dépose sur la table le vase sacré et le découvre. Il
prophétique, c'est-à-dire « Alléluia ». L'autel est alors retire les reliques et les place dans un coffret appro-
couvert, par le consécrateur, d'un linge blanc. Il est prié à leur grandeur. Il verse sur les reliques le chrême
ensuite décoré de riches tentures. On déploie d'autres et les dépose sous la table.
nappes (l'antimension) qui, comme la table, ont été Dès lors, celte maison est une maison de prière. La
ointes de chrême sacré. Sur les derniers linges, pla- table est propre au sacrifice: elle est véritablement
cés sur la table, se trouverqnt les vases sacrés. un autel.
Ces cérémonies accomplies, le célébrant dénoue et

* C'est, en général, l'évêque ou l'un des prêtres qu'il délègue. 1


•• Sur un coussin, ou un tapis.
----,---------------

206 LA VIE EN CHRIST « VOICI L'ESPACE DE FIITE » 207

3, -- Le symbolisme partent d'esquisses, faisant appel à leur mémoire; ils


de la consécration de l'autel. peignent, en contemplant le modèle dans leur âme.
Ceci ne s'applique pas qu'aux peintres, mais aussi aux
A. -- « L'image de l'autel, qu'est sculpteurs, aux architectes, et à tous les artistes. S'il
l'homme lui-même ... » était possible de voir leur âme, on discernerait la mai-
son, ou la statue ou toute autre œuvre, mais dépouil-
Expliquons maintenant la raison de ces cérémonies. lée du matériau.
Comment, par l'action du pontife, la maison devient Ce qui fait du consécrateur un modèle de l'autel
un édifice de prière, et la table un autel. c'est qu'il est non seulement l'artisan, mais aussi le
Le consécrateur, lorsqu'il va accomplir la cérémo- temple de Dieu et l'autel. La nature humaine, seule
, nie, revêt des vêtements blancs. Il symbolise l'image parmi les êtres visibles, peut être vraiment un temple
de l'autel, qu'est l'homme. Si un homme, dit David, et un autel. Tout ce qui est façonné par la main des
est lavé de toute malice et devient plus blanc que la hommes reproduit cette image et ce type.
neige' , s'il rentre en lui-même et s' humilie, Dieu Il est donc indispensable que le modèle lui-même
demeure en son âme et transforme son cœur en uh paraisse avant qu'on en reproduise l'image. Il faut que
autel. Les célébrations signifient cela. L'homme en qui la réalité préside à l'élaboration de la reproduction . Car
Dieu demeure est symbolisé par le vêtement blanc et Celui qui a dit: Quelle maison me bâtirez-vous el quel
resplendissant. L'homme qui s'est humilié et rentre sera le lieu de mon repos ?', a aussi déclaré: J'habi-
en lui-même, le célébrant le représente quand il se terai au milieu d'eux el j'y marcherai'. Cela signifie,
recueille et descend en lui-même. Aussi, le consécra- me semble-t-il, que celui qui veut être utile aux autres

teur représente l'autel en sa personne, avant meme doit tout d'abord l'être à lui-même. Paul le dit de l'évê-
de pénétrer dans le sanctuaire. Ensuite, il consacre le que: Choisi pour faire du bien dans sa ville et à son
lieu sacré. Pour les bons ouvriers et tous les hom- peuple, qu'il commence déjà par son propre foyer!
mes de métier, il en va de même : « l'œuvre à exé· Celui qui veut gouverner bien sa propre maison doit,
cuter est conçue par leur esprit, avant qu'ils y met- selon la pure logique, se régler lui-même' .
tent la main. » La raison fournit aux mains le plan
comme guide et les mains réalisent, ensuite, matériel- B. -- Un commentaire du baptême.
lement le plan.
C'est la pratique des peintres. Ils travaillent d'après Or, pour ce travail, il a besoin de Dieu. Person e
un tableau, qu'ils reproduisent par leur art. D'autres ne peut accomplir quoi que ce soit sans l'aide d
208 LA VIE EN CHRIST « VOICI L'ESPACE DE F~TE » 209

Dieu. Cela est encore plus vrai pour les mystères, où chons, Lui en qui nous nous confions. On peut encore
tout y est œuvre de Dieu. Notre maître commun n'a appeler le baptême les eaux du repos, car il apaise
pas pourvu aux besoins de ses serviteurs, seulement le désir du genre humain, désir dont il est dit: Bien
par un orclre ou en leur envoyant des auxiliaires . Il des prophètes et des rois ont voulu voir ce que vous
est venu Lui-même réaliser tout ce qui était indispen- voyez ".
sable à notre salut. C 'est pourquoi le consécrateur Pourquoi donc le consécrateur, quand il se pros-
indique qu'il est Son disciple. En effet, fort à pro- terne et prie devant Dieu, ne le fait-il pas dès le
pos, il dresse de ses propres mains l'autel, d'où jail- début, à même le sol intérieur du temple? C'est que
lissent pour nous tous les moyens de notre salut. celui-ci n'a pas encore reçu la consécration. Il n'est
Il réalise cela en psalmodiant: Je t'exalte, ô Roi donc pas encore digne du rite sacré. Le sanctuaire
m on Dieu' . C'est une action de grâce envers Dieu, , n'est pas encore devenu une maison de prière, il ne
en souvenir de ses œuvres merveilleuses. peut recevoir dignement celui qui prie. Moïse, au
. Si Paul nous ordonne de rendre grâces en toutes moment où il allait fouler le sol sacré, dut quitter ses
choses' , combien plus devons-nous le faire quand il sandales, afin de ne gêner en rien sa rencontre avec
s'agit de ce don par excellence? Après cela, on ajoute Dieu ". En Égypte, les Hébreux fidèles à Dieu ne
cet autre psaume: Yahvé est mon pasteur, je ne man- devaient fouler le sol que chaussés de leurs san-
que de rien ' . . dales ".
Ces paroles louent la bonté de Dieu envers les hom- Lorsque le consécrateur a prié, il purifie la table
mes. Elles font aussi allusion aux bienfaits des mystè- avec l'eau sanctifiée. Quand le tyran de toute la créa-
res : le baptême, J'onction sacrée, le calice et la table tion eut réduit l'homme en esclavage, il s'asservit tou-

sur laquelle repose le pain sacré. Ce psaume parle du tes les choses sensibles, comme si elles formaient un
baptême: les eaux du repos, et les verts pâturages, palais dont le roi était déchu. C'est pourquoi, désor-
c'est-à-dire: celui que Dieu guide demeurera à jamais mais, nous purifions du Mauvais tout ce qu 'on
avec Lui. Le péché jette la souffrance sur les coupa- emprunte à la nature, et qui est la matière de cha-
bles et il emplit pour nous la terre d'épines'. L'eau cun des mystères. Ainsi, le prêtre purifie d'abord l'eau
qui chasse le péché est l'eau du repos: elle apaise avec laquelle il doit baptiser. Il la dérobe à toute
toute souffrance. Les verts plÎturages sont le lieu du influence du démon par la prière. Puis il ajoute les
repos à jamais: ils s'opposent aux ronces. Le psaume paroles de consécration. Le célébrant commence aussI
parle du lieu de repos: parce que là nous pouvons par laYer la table avec l'eau qui écarte le mal.
accueillir Dieu, le bien suprême, Lui que nous recher- Il indi'que ainsi comment nous devons d'abord nou
-
208 LA VIE EN CHRIST « VOICI L'ESPACE DE F!l,TE)} 209

Dieu. Cela est encore plus vrai pour les mystères, où chons, Lui en qui nous nous confions. On peut encore
tout y est œuvre de Dieu. Notre maître commun n'a appeler le baptême les eaux du repos, car il apaise
pas pourvu aux besoins de ses serviteurs, seulement le désir du genre humain, désir dont il est dit: Bien
par uQ~rn:dre ou en leur envoyant des auxiliaires. Il des prophètes et des rois ont voulu voir ce que vous
est venu Lui~même réaliser tout ce qui était indispen~ voyez " .
sable à notre salut. C'est pourquoi le consécrateur Pourquoi donc le consécrateur, quand il se pros~
indique qu'il est Son disciple. En effet, fort à pro~ terne et prie devant Dieu, ne le fait~i1 pas dès le
pos, il dresse de ses propres mains l'autel, d'où jail ~ début, à même le sol intérieur du temple? C'est que
lissent pour nous tous les moyens de notre salut. celui~ci n'a pas encore reçu la consécration. Il n'est
Il réalise cela en psalmodiant: Je t'exalte, ô Roi donc pas encore digne du rite sacré. Le sanctuaire
mon Dieu' . C'est une action de grâce envers Dieu, n'est pas encore devenu une maison de prière, il ne
en souvenir de ses œuvres merveilleuses. peut recevoir dignement celui qui prie. Moïse, au
, Si Paul nous ordonne de rendre grâces en toutes moment où il allait fouler le sol sacré, dut quitter ses
chdses' , combien plus devon s~nous le faire quand il sandales, afin de ne gêner en rien sa rencontre avec
s'agit de ce don par excellence? Après cela, on ajoute Dieu " . En Égypte, les Hébreux fidèles à Dieu ne
cet autre psaume: Yahvé est mon pasteur, je ne man~ devaient fouler le sol que chaussés de leurs san~
que de rien ' . dales " .
Ces paroles louent la bonté de Dieu envers les hom~ Lorsque le consécrateur a prié, il purifie la table
mes. Elles font aussi allusion aux bienfaits des mystè~ avec l'eau sanctifiée. Quand le tyran de toute la créa~
res : le baptême, l'onction sacrée, le calice et la table tion eut réduit l'homme en esclavage, il s'asservit tou~
sur laquelle repose le pain sacré. Ce psaume parle du tes les choses sensibles, comme si elles formaient un
baptême: les eaux du repos, et les verts pâturages, palais dont le roi était déchu. C'est pourquoi, désor~
c'est~à~dire : celui que Dieu guide demeurera à jamais mais, nous purifions du Mauvais tout ce qu'on
avec Lui. Le péché jette la souffrance sur les coupa~ emprunte à la nature, et qui est la matière de cha~
bles et il emplit pour nous la terre d'épines'. L'eau / cun des mystères. Ainsi, le prêtre purifie d'abord l'eau
qui chasse le péché est l'eau du repos: elle apaise avec laquelle il doit baptiser. Il la dérobe à toute
toute souffrance. Les verts pâturages sont le lieu du influence du démon par la prière. Puis il ajoute les
repos à jamais: ils s'opposent aux ronces. Le psaume paroles de consécration. Le célébrant commence aus i
parle du lieu de repos : parce que là nous pouvons pa; lPer la table avec l'eau qui écarte le mal.
accueillir Dieu, le bien suprême, Lui que nous recher- Il indique ainsi comment nous devons d'abord nous
210
- LA VIE EN CHRIST « VOICI L'ESPACE DE FilTE» 211

détourner du mal pour nous hâter vers le bien. Puis, L'huile aromatisée nous comble de douceur et le
en accomplissant les rites appropriés, il chante ce vin fortifie notre vie.
psaume, allusion au péché de l' homme et à son repen- En apportant ces produits qui alimentent notre vie,
tir : Purifie-moi avec l'hysope, je serai net ; lave-moi, le consécrateur offre l'un et l'autre: l'utile et
je serai blanc plus que neige". l'agréable.
Ensuite, il rend grâce à Dieu et le glorifie. Il agit Car Dieu, en venant, a donné la vie et \'a donnée
ain!ti dans chacun des actes de la consécration, car en abondance " .
il faut tout réaliser pour la gloire de Dieu, en parti- Il n'a pas seulement élevé et libéré l'homme. Il en
culier les sacrements q ui nous sont plus utiles que a fait un roi en lui communiquant Sa béatitude sans
tout, et qui viennent de Dieu seul. partage. À ces parfums, le consécrateur ajoute le
chrême qui possède tout pouvoir pour la consécra-
tion et qui rend l'autel apte au sacrifice.
c. - L'onction de l'autel et celle du
baptisé: « Christ {. ..} a élevé et libéré
l'homme ( .. .] li en a f ait un roi en lui D. - Paroles et gestes de l'eucharistie.
communiquant la béatitude. » Au début, le Sauveur accomplit le sacrifice de Sa

main et avec Sa parole. Comme il est dit, JI prit le
11 ne suffit pas d'être purifié pour recevoir la. grâce pain et le bénit " . Nous aussi nous faisons usage de
de Dieu , il faut aussi, autant que l'on peut, faire notre main et de notre voix. Ce sont les prêtres qui
preuve des vertus correspondantes à ses dons. font entendre cette voix. Elle est aussi efficace que
Pourrions-nous autrement accueillir le dispensateur de si c'était le Sauveur qui commandait: Faites ceci en
cette grâce? Dieu exauce les demandes de celui qui mémoire de moi". Le chrême supplée la main. Car,
prie, et non de ceux qui dorment. Il donne force à selon le bienheureux Denys, le chrême représente
qui s' engage dans le combat. Il accorde la prudence Jésus Les Apôtres ajoutaient leurs propres mains, ils
à qui recherche ce don. En somme, il est toujours en avaient reçu le don. Leurs successeurs ont besoin
nécessaire de manifester notre désir, non seulement de cette initiation par le ,hrême. 1Is ne pouvaient, en
par nos prières, mais aussi par nos actes. C'est pour- effet, que prononcer la parole. Les premiers prêtres
quoi, avant d'oindre l'autel de saint chrême (qui attire n'avaient que leurs mains pour autel. Mais Christ a
le don de Dieu sur l'autel), le consécrateur répand sur construit l'nsuite, par l'intermédiaire de leurs succes-
la table les dons des hommes: le vin et l'huile. seurs, des maisons qui sont réservées aux fidèles.
212 LA VIE EN CHRIST « VOICI L'ESPACE DE FliTE » 213

Lorsqu'il verse le chrême sur la table, contrairement il n'a pas abandonné leurs corps morts. II est telle-
à ce qu'il faisait auparavant, le consécrateur ne pro- ment uni à leur âme qu'JI est, en quelque sorte, pré-
fère aucune parole. Il module seulement pour Dieu sent dans la poussière muette de leurs restes et comme
ce chant, composé de quelques syllabes hébraiques : mélangé à elle. C'est pourquoi, s'il est possible de
« Alléluia». Ce chant est inspi ré par le chœur des trouver et de posséder Christ en quelque chose de visi-
saints prophètes. On peut louer les actes de Dieu par ble, c'est bien dans ces ossements. Lorsque le consé-
un long discours. On peut aussi limiter les chants à crateur arrive au temple avec ces reliques, il leur fait
quelques mots. On exalte, tout autant, Celui q ue l'on ouvrir la porte avec les mêmes paroles qu'il emploie-
ce'1'e b re 1.... rait s'il introduisait Christ en personne.
Il rend honneur aux reliques, de la même manière
1 qu'il honore l'eucharistie. Ces ossements sont le tem-
4. - Les reliques des martyrs placées ple véritable et l'autel de Dieu. Le temple-ci fait de
sous l'autel. main d'homme est l'image du véritable temple! Il fal-
lait donc joindre ces reliques au temple, ajouter la
Le pouvoir de l'autel provient du chrê!pe dont il réalité à l'image. Il fallait parfaire l'image par la réa-
est oint. Il faut que la matière soit adaptée à cette lité, de même que l'Ancienne Loi est achevée par le
puissance. L'autel aura ainsi plus d'efficacité, de Nouveau Testament.
même que le feu et la lumière, quand ils trouvent
pour brûler des corps combustibles. Le nom même
du Sauveur, qui peut réaliser toutes choses lorsqu'on 5. - L'église, temple de Dieu.
L'invoque, n'a pas, cependant, manifesté Sa puissance
de la même manière sur toutes les lèvres. Le consé- Lorsque le consécrateur a achevé toutes les céré-
crateur, en cherchant ce qui pourrait le mieux r~ monies, et préparé la maison pour le sacrifice et les
voir le chrême, n'a rien trouvé de plus approprié' que prières, il allume une lampe au-dessus de l'autel, puis
les ossements des martyrs. Il les a oints et placés sur il sort. Ce faisant, je crois qu'il indique ainsi l'heure
la table. Il parachève ainsi la consécration de l'autel. du sacrifice, correspondant à l'heure de l'institution
Rien n'est plus conforme aux mystères du Christ de l'eucharistie. Car c'était vers le soir, au moment
que les martyrs. Ils ont en commun avec Lui: un où l'on allume les lampes. La lampe nous rappelle
corps, un esprit, et le même genre de mort. celle de la maison de la femme qui avait perdu une
JI était avec eux de leur vivant. Après leur martyre, pièce de monnaie. Elle trouva cette pièce, après avoir
214 LA VIE EN CHRIST « VOICI L'ESPACE DE FlôTE » 215

allumé la lampe et cherché". Elle était cachée dans veux dire son très saint corps, comme JI l'a lui même
l'obscurité et la poussière: comme si elle était enfouie appelé quand Il a dit: Détruisez ce Temple" ·.
sous terre dans l'Hadès. Le balayage de la maison
signifie que Celui qui est descendu au séjour des
morts, l'a rempli de Sa lumière. Il met tout à décou-
vert et amène tout au grand jour! Notes
Le consécrateur, tandis qu'il fait le tour de l'édi-
fice, en oint toutes les parties avec le chrême, afin 1. Ps 24, 7, 9. 2. Ps 51, 9. 3. Ac 7, 49.
d'en faire une maison de prière. Ce mot de « oint» 4. Lv 26, 11 - 12. 5. 1 Tm 3, 2-5. 6. Ps 145, 1.
7. Ep 5, 20. 8. Ps 23 . 9. Gn 3, 18.
produira son effet et favorisera nos prières. Le con-
10. Le 10, 24. 11. Ex 3, 5. 12. Ex 12, 1.
tact des hommes avec Dieu et ce qui oriente notre 13. Ps 51, 9. 14. Jn 10, 10. 15. Me 14, 22.
,
prière, comme l'encens", c'est l'arôme des 16. 1 Co Il,25 . 17. Le 15, 8-9. 18 . Ps 141, 2.
parfums". Le Sauveur est devenu notre avocat et 19. Ct l, 3. 20. 1 Jn 2, 1. 21. 1 R 8, 29.
médiateur auprès de Dieu"'. Il est le seul Engendré 22. Jn 2, 19, 21.
et Il s'est répandu Lui-même sur ses serviteurs. Il nous
réconcilie ainsi avec le Père, qui nous regarde avec
bienveillance. Le Père s'approche de ceux qui cou-
rent vers lui, comme s'Il découvrait en nous le Fils
bien-aimé Lui-même.
Dieu, qui est invoqué en ce lieu, devrait donc venir
dans la maison où l'on fait appel à Lui, là où est
versée l'onction de la prière. En accord avec la prière
de Salomon, ses yeux devraient s'ouvrir jour et nuit (
.
sur cette maISon ".
Cet édifice est appelé temple de Dieu. Pour qu'il
puisse avoir quelque rapport au Temple véritable
qu'est Christ et conduire à Lui ne fallait-il pas qu'il -.
soit oint avec le chrême, comme Christ avait reçu • Ces trois dellùers p'ra.'aphes sont en additif du manus-
l'onction de la divinité? Par « temple de Dieu» je crit de Vienne.
-
214 LA VIE EN CHRIST « VO ICI L'ESPACE DE Ft:.TE» 215

allumé la lampe et cherché ". Elle était cachée dans veux dire son très saint corps, comme Il l'a lui même
l'ob curité et la poussière: comme si elle était enfouie appelé quand JI a dit: Détruisez ce Temple" -.
sous terre dans l'Hadès. Le balayage de la maison
signifie que Celui qui est descendu au séjour des
morts, l'a rempli de Sa lumière. Il met tout à décou-
vert et amène tout au grand jour! Notes
Le consécrateur, tandis qu'il fait le tour de l'édi-
fice, en oint toutes les parties avec le chrême, afin 1. Ps 24, 7, 9. 2. Ps 51, 9. 3. Ac 7, 49.
d' en faire une maison de prière. Ce mot de « oint » 4. Lv 26, 11·12. 5. 1 Tm 3, 2-5. 6. Ps 145, 1.
produira son effet et favorisera nos prières. Le con- 7. Ep 5, 20. 8. Ps 23. 9. Gn 3, 18.
10. Le 10, 24. I l. Ex 3, 5. 12. Ex 12, 1.
tact des hommes avec Dieu et ce qui oriente notre 13. Ps 51, 9. 14. Jn 10, 10. 15. Mc 14, 22 .
,
prière, comme l'encens " , c'est l'arôme des 16. 1 Co 11, 25. 17. Lc 15, 8-9. 18. Ps 141, 2.
parfums". Le Sauveur est devenu notre avocat et 19. Cl l, 3. 20. 1 Jn 2, 1. 21. 1 R 8, 29.
médiateur auprès de Dieu "'. Il est le seul Engendré 22. Jn 2, 19, 21.
et Il s'est répandu Lui-même sur ses serviteurs. JI nous
réconcilie ainsi avec le Père, qui nous regarde avec
bienveillance . Le Père s'approche de ceux qui cou-
rent vers lui, comme s'Il découvrait en nous le Fils
bien-aimé Lui-même.
Dieu, qui est invoqué en ce lieu, devrait donc venir
dans la maison où l'on fait appel à Lui, là où est
versée l'onction de la prière. En accord avec la prière
de Salomon, ses yeux devraient s'ouvrir jour et nuit /
. ".
sur celle mQlson
Cet édifice est appelé temple de Dieu. Pour qu'il
puisse avoir quelque rapport au Temple véritable
qu'est Christ et conduire à Lui ne fallait-il pas qu'il ---
soit oi nt avec le chrême, comme Christ avait reçu • Ces lrois dei iùen du manus-
l'onct ion de la divinité ? Par « temple de Dieu » je cril de Vienne.
- •

LIVRE VI

« LE VISAGE PENCHÉ SUR LUI ' »


\
Comment garder la vie en Christ
puisée dans les sacrements
,
,
1

1. - La nécessité de conserver
la grâce reçue.
,
A. - Il faut nos propres efforts,
notre effective participation.
Comme l'expérience le prouve, et ceci se produit
dans la réalité: nous ne pouvons nous contenter
d'accueillir la vie, en restant passifs, comme si nous
possédions tout. Cherchons les moyens de garder cette
vie !
1
Nous avons déjà dit où, comment et avec quelles
aides, nous avons accueilli cette vie. Exprimons main-
tenant ce qu'il convient de faire pour ne pas perdre
notre bonheur. Il s'agit, en effet, de vivre selon la
vertu et la droite raison. Longuement les Anciens,
aussi bien que des auteurs récents, ont traité de tout
218 LA VIE EN CHRIST « LE VISAGE PENCHÉ SUR LUI » 219

cela sans rien omettre. Peut-être risquons-nous d'effec- sous aucun prétexte. On pourra invoquer l'âge,
tuer un travail superflu en continuant cette recherche. l'emploi, la prospérité ou l'adversité, l'éloignement,
Mais les motifs qui nous ont animé au début nous le désert ou le tumulte de l'agglomération... On
obligent à poursuivre notre exposé. Si nous l'omet- pourra invoquer quelques-unes des innombrables excu-
tions, notre travail nous paraîtrait incomplet. Parlons ses derrière lesquelles s'abritent ceux qui sont accu-
do nc au mieux de nos possibilités. sés . Mais personne n'est affronté à un obstacle insur-
montable sur ce point. Tous les hommes ont les dis-
positions nécessaires pour ne pas combattre la volonté
B. - Quel que soit noire élat de vie:
de Christ.
« La derle est commune pour tous ceux
Tous peuvent observer, à tous égards, les lois
qui sont appelés du nom de Christ ».
dépendant de cette volonté. Ils peuvent diriger et
Laissons de côté ce qui est spécifiquement propre accorder leur conduite avec ce qui Lui plaît. On ne
à chacune des conditions de la vie humaine et exa- peut pas dire que ces choses soient au-dessus des for-
minons ce qui est commun à tous: nos devoirs envers ces humaines, sinon il ne pourrait y avoir de Juge-
Dieu. ment pour ceux qui les transgressent.
Personne ne peut prétendre que les mêmes vertus Aucun chrétien n'ignore qu'il est tenu d'entrepren-
soient requises des hommes d'État et des simples dre cette tâche. Tous ceux qui se sont unis à Christ
citoyens. De même, ceux qui se sont contentés de la se sont engagés, dés le début, à Le suivre malgré tout.
purification baptismale, et ceux qui vivent la vie soli- C'est après s'être ainsi liés qu'ils ont reçu les rites
taire, ne sont pas soumis aux mêmes impératifs. La sacrés du baptême.
vie solitaire a des exigences· particulières avec les Les commandements du Sauveur s'appliquent à
vœux de pauvreté et de chasteté. Ceux qui la mènent tous les fidèles, Ils sont praticables pour ceux qui le
ne jouissent ni des biens terrestres, ni de la disposi- veulent. Ils font partie des impérieuses nécessités sans
tion de leur propre personne. Mais l'obligation,eom- lesquelles nous ne pourrions être unis à Christ. Autre-
mune à tous ceux qui sont appelés du nom de Christ, ment nous serions en désaccord avec Lui dans ce qu'il
doit être honorée par tous. y a de plus grand et de meilleur : la volonté et les
• •
La négligence à régler cette dette n'est excusable Intentions.
1
Il nous est nécessaire de partager la volonté de
• Cette référence à la vie solitaire n'est pas ici de pure fomte.
Cabasilas a connu, en effet, la vie solitaire (voir l'Introduction, Celui au sang duquel DOUS communions. Nous ne
p. 19 s. pouvons pas Lui aue UNa d'une manière, et séparés
-

220 LA VIE EN CHRIST « LE VISAGE PENCHÉ SUR LUI» 221

d'une autre. Nous ne pouvons pas non plus L'aimer Toutefois, Dieu trouva David selon Son cœur. David
d'une façon et Lui être hostiles d' un autre côté. Nous disa,it : Je n :oublie pas Ta Parole, je n'oublie pas Ta
ne pouvon~ pas être Ses enfants et, d'autre part, méri- LOI. Il est ImpOSSIble de vivre sans dépendre de ce
- ter Son blame. Il est impossible également d'être Ses Cœur et nous ne pouvons dépendre de Lui sans vou-
membres en étant des membres morts. Il ne servirait loir ce qu'II veut.
à rien d'avoir été greffés ou d'être nés, nous serions, Examinons comment nous pouvons vivre en dési-
com~e le sarment, séparés de la vraie vigne, sarment rant ce que Christ aime et en nous réjouissant des
rejete pour sécher et brûler au feu ' . mêmes choses que Lui.
,
2. - Nous devons nous altacher à 3. - Jusqu'où va l'amour de Christ.
Christ, source de notre vie.
A. - «Notre royale condition de
Celui qui a choisi de vivre en Christ doit s'atta- liberté actuelle ... »
cher à ce Cœur et à cette Tête, car nous n'obtenons
la vie d'aucune autre sou rce. Mais c'est impossible C'est le désir qui précède l'action, et celle-ci com-
à ceux qui n'harmonisent .pas leur volonté à celle de mence dans la pensée. Nous devons donc, avant tout,
Christ. Il est nécessaire de s'entraîner à vouloir (autant essayer de détourner l' œil de notre âme des choses
qu'il est possible) rester en conformité avec la volonté vaines. Laissons au contraire de bonnes idées enva-
de Christ. Cela en désirant ce qu'Il désire et en nous hir notre cœur, pour qu'à aucun moment, les mau-
réjouissant de Sa joie. Des désirs contraires ne peu- vaises pensées n'y trouvent place.
vent pas subsister dans un même cœur: L'homme De nombreux sujets méritent d'alimenter notre con-
bon, du bon trésor de son cœur tire ce qui est bon, templation et le travail de notre âme ; beaucoup peu-
et celui qui est mauvais, de son mauvais fond tire çs- vent, aussi, occuper et faire les délices de notre esprit.
qui est mauvais' . ' Il semble que la considération des mystères et de leurs
Les fidèles de Palestine, animés des mêmes désirs, richesses soit très agréable et profitable pour la
n'avaient qu'un cœur et qu'une âme'. De 'même, réflexion et l'échange spirituels. Il nous est permis
celui qui ne communie pas aux désirs de Christ va aussi de nous rappeler ce que nous étions avant d'être
contre ce qu'Il commande, n'oriente pas sa vie selon initiés. Il nous est possible encore d'apprécier ce que
Son cœur et dépend visiblement d'un autre cœur. nous sommes devenus ensuite. Nous pouvons enfm
-
222 LA VIE EN CHRIST « LE VISAGE PENCHÉ SUR LUI » 223

songer à notre servitude première, à notre royale con- c. - « Une preuve démesurée de cet
dition de liberté actuelle, aux bienfaits déjà accordés amour lui-même sans mesure. »
et à ceux qui nous attendent. Avant tout, pensons à
Celui qui est le dispensateur de tous ces dons, à Son Deux attitudes sont révélatrices de l'amour, et lui
extrême beauté, à Sa bonté, à Sa prédilection pour assurent de triompher. En la première, l'amant cher-
le genre humain et à l'immensité de Son amour' . che le plus grand bien de l'aimé. En la seconde,
Lorsque ces pensées prennent possession de l'esprit l'amant est prêt, pour l'aimé, à subir de terribles tour-
et envahissent l'âme, il n'est pas facile d'en contem- ments. De ces deux attitudes, la seconde semble cons-
pler d'autres et de porter ailleurs notre désir. Multi- tituer une preuve supérieure d'amour. Toutefois, Dieu
ples et magnifiques sont Ses bienfaits et l'amour qui ne pouvait utiliser cette preuve en raison de l'impas-
pousse à les contempler est si grand que la pensée sibilité de Sa nature divine qui ne peut connaître la
humaine ne peut le concevoir. souffrance. Pour manifester aux hommes l'amour

qu'l\ leur portait, 1\ les comblait de bienfaits. Mais
le signe qui aurait rendu tangible son amour extrême
B. - Christ « en personne cherche n'était pas possible. 1\ ne pouvait pourtant pas cacher
l'esc/ove ... »
un si violent amour. 1\ donna alors une preuve déme-
L'affection humaine, quand elle surabonde, subju- surée de cet amour lui-même sans mesure. Pour cela,
gue ceux qui aiment et les met pour ainsi dire hors 1\ recourt à l'anéantissement (ou kénose) auquel 1\
d'eux-mêmes. Ainsi, l'amour de Dieu pour les hom- s'est réduit. 1\ s'en fait Lui-même l'instrument et se
mes l'anéantit ' . Il ne reste pas chez Lui pour y met en état de pouvoir souffrir.
faire venir l'esclave qu'Il aime, mais Il va, en per- Quand 1\ eut ainsi prouvé Son amour infini par les
sonne, le chercher en descendant jusqu'à lui. terribles tourments subis, 1\ se retourna vers l'homme
Lui, le Riche, vient jusqu'au taudis de l'indigent. qui, se croyant objet de haine, s'était détourné du
S'approchant de lui, Il déclare Son amour et lui bien unique.
demande le sien en retour. Il ne se retire pas s'Il est
méprisé, et ne montre pas de colère si on Le t,aite
indignement. Même repoussé, 1/ se tient à la porte', D. - Christ aux outrages.
et supporte tout pour nous montrer Son amour; Il Mais voici plus étonnant encore: Il ne s'est pas
subit souffrances et mort pour nous en donner la contenté d'endurer les plus tell ibles souffrance~ et d
preuve. mourir de Ses blessures. Après Sa rèsurrection , ayant
224 LA VIE EN CHRIST « LE VISAGE PENCHÉ SUR LUI» 225

échappé à la corruption, Il garde Ses blessures appa- E. - « Qu'es/-il de comparable à ce/


rentes et \1 en porte les cicatrices sur Son corps. Avec amour? »
elles, Il apparaît aux yeux des anges. Il considère Ses
Qu'est-il de comparable à cet amour? Un homme
plaies comme une parure. II prend plaisir à mont rel
a-t-il jamais aimé autant? Une mère a-t-elle aimé
combien Il a souffert. aussi tendrement ' ? Un père a-t-il montré tant
Son corps glorifié est « spirituel, Il est » désormais
d'affection à ses enfants? Qui a jamais été saisi pour
libéré de toute sujétion physique: poids et épaisseur,
quelque beauté, d'une telle folie d'amour, au point
rien ne demeure. Cependant, Il n'a pas rejeté Ses bles-
d'être blessé par celui qu'il aime et de conserver son
sures et en a gardé les cicatrices. S'II l'a voulu, c'est
affection à cet ingrat? Et même d'apprécier par-
par amour pour l'homme. Car, c'est par Ses plaies
qu'II a retrouvé celui qui était perdu. Grâce à ces dessus tout les blessures reçues de lui? C'est la preuve
meurtrissures, Il s'est attaché celui qu'II aimait. L'art que, non seulement Il nous aime mais qu'II nous ché-
des médecins et la nature arrivent, parfois, à faire dis- rit infiniment.
paraître ces traces sur des corps mortels et corrupti- Un tel comble de tendresse s'exprime en ce qu'II
bles; comment comprendre qu'un corps immortel ne rougit pas des infirmités de notre nature et siège
puisse garder ces cicatrices? Il avait, semble-t-il, le sur Son trône royal marqué des cicatrices héritées de
désir de souffrir pour nous, non seulement une mais la faiblesse humaine.
plusieurs fois. Ce n'était pas possible, car Son corps Christ a une si grande estime pour notre nature que
a échappé une fois pour toutes à la corruption. Aussi, sans négltger chacun, II invite tous les hommes à par-
pour épargner les bourreaux qui Lui avaient infligé tager Son diadème. Il nous sauve de la servitude et
Ses blessures, Il a décidé de conserver visiblement nous adopte pour enfants. Il ouvre le ciel à tous, nous
dans Son corps les preuves de Son immolation. II en. montre le chemin et donne des ailes pour y voler.
garde toujours sur Lui les marques des blessures infli- M,eux, c'est Lui-m~me qui nous guide, nous entraîne
gées une fois pour toutes, lors de Sa crucifixion. II et nous encourage quand nous fléchissons.
devient, ainsi, évident pour les générations à venir Il y a plus important encore! Le Maître ne fait
qu'II a été cruci fié et que Son côté fut percé pa,r pas qu'accompagner Ses esclaves, Il ne se contente
amour des esclaves. Il peut désormais présenter Ses iJas de leur partager Ses biens et de leur tendre la
plaies inscrites en Sa faiblesse humaine comme un rnam pour les aider, mais Il S'offre à eult en pel
ornement digne d'un roi. Sonne. C'est pourquoi nous sommes le temple du
D,eu vivant! Nos membres sont les membres de
- 226 LA VIE E N CHRIST « LE VISAGE PENCHÉ SUR LUI » 227

Christ, dont les chérubins adorent le chef! Ces pieds séparer de l'amour de Dieu ", si grandes que soient
et ces mains qui sont nôtres dépendent de Son cœur. .. leurs puissantes influences.
Par la main des tyrans, le Mauvais a pu arracher
la peau des martyrs du Christ. Il a pu couper en mor-
F. - « Quand nous nous rendrons
ceaux leurs membres, broyer leurs os, répandre leurs
compte de la grandeur
viscères et arracher leurs entrailles. Toutefois, mal-
de notre dignité. » gré ses efforts pervers, il ne put réussir à les dépouiller
Nous rendant compte de la grandeur de notre de ce vêtement, ni à dénuder de Christ les bienheu-
dignité, nous ne trahirons pas aisément. Conscients ~eu~. Bien a~ contraire , et sans s'en rendre compte,
de notre royauté, nous n'admettrons pas d'être les tl ajuste Chn st sur eux mieux qu'avant, employant
esclaves de l'esclave fugitif. Si nous gardons mémoire pour ce faire les moyens par lesquels il comptait les
de la Table sainte et du Sang qui a empourpré notre dévêtir.
langue, nous n'ouvrirons pas la bouche sur une lan-
, gue perverse. Après avoir contemplé de si redouta-
bles mystères, comment nos yeux s'attarderaient-ils 4, - L'estime que nous devons avoir

vers ce qui est inconvenant? Nous ne porterons plus pour nous-memes en tant que membres
nos pas, ni n'étendrons la main, vers ce qui .est mau- de Christ.
vais, si reste vivant en notre âme le souvenIr que ce
sont les membres de Christ. « Comme un peuple de dieux autour
Ces membres sont sacrés qui, telle une coupe, con- du Dieu unique ... »
tiennent Son sang. Plus encore: ils sont totalement Qu'y a-t-il de plus sacré que notre corps? Christ
revêtus du Sauveur Lui-même! Ce n'est pas comme y adhère plus étroitement qu'en toute union physi-
un vHement ou comme la peau qui recouvre notr,e que! Prodiguons-lui grand respect pour sa dignité ct,
corps, Ce vêtement qu'est Christ est encore plus étrOI- conscients de sa merveiUeuse splendeur, considérons-
tement uni à ceux qui l'ont revêtu que leurs propres le avec les yeux de l'âme.
os. On pourrait amputer quelqu'un de tout cela, sans Nous gardons de toute profanation les
son accord, mais Christ, personne, h~mme ou ~émon, les vases saints et tous les objets du culte, car ils sont
ne peut contre notre gré nous dépoUiller de LUI .. Paul consacrés. Or, rien n'est plus ' qu'un eue bumain
le confirme: Ni présent ni avenir, ni hauteur ni pro- à qU! Dieu a communiqué Sa nature. Paul nous rap-
fondeur, ni aucune autre créature ne pourra no'"
228 LA VIE EN C HRIST « LE VISAGE PENCHÉ SUR LUt » 229

pelle qu ' Il est Celui devant qui tout s'agenouille, au que tous ceux qui ont partagé les épreuves avec Christ
.r " . ...
p lus haut des cieux, sur la terre et dans les enJers régneront avec L UI.
Il est Celui qui viendra sur les nuées du ciel avec À quelle démonstration de joie pourrait être com-
puissance et grande gloire" , brillant d ' une incompa- parée cette vision? Chœur de bienheureux, peuple en
rable splendeur, c'est un ho mme bien qu ' assurément pleines réjouissances ! Christ descend du ciel sur la
Il soit Dieu. C hacun de nous peut en vérité briller terre et la terre fait lever d'autres soleils vers le Soleil
avec plus d'éclat que le soleil , s'élever sur les nuées, de Justice. Tout est inondé de lumière. D'un côté
voir ce corps de Dieu . Chacun de nous peut voler viennent ceux qui ont montré leur ferme attachement
jusqu'à Lui, S'en approcher et en être regardé par à Christ par leur ~ efforts et leurs souffrances, leurs
Lui avec do uceur. Car lo rsque le Maître apparaîtra, la beurs et leur sollicitude pour leurs frères.
Il brillera d ' une lumière resplendissante, le chœur des Montent, aussi, ceux qui ont imité l'immolation du
bons serviteurs l'entourera. Ils scintillero nt eux aussi Christ: ils ont été soumis au glaive, au feu et à la
de Sa lumière! mort. Ils portent des cicatrices sur leurs corps radieux
Quel spectacle ! Voir une multitude innombrable de et ils triomphent par la marque des blessures qui sont
luminaires a u-dessus des nuées, des hommes exaltés comme une inscription sur un trophée. Cercle de
ensemble po ur des fêtes sans pareilles, ~n peuple: de champions siégeant à côté du Roi, qui par Son immo-
dieux autour du Dieu unique! Des etres ra~leux lation a mérité la victoire. Comme Paul l'exprime:
ento urant la beauté par excellence! Des servIteurs Il est couronné de gloire et d'honneur, parce qu'II
entourant leur maître ! Ce maître nullement jaloux de a souffert la mort " .
partager avec eux Sa splendeur, .ne voit ~as là un
amoindrissement de Sa propre glOIre, en faisant par-
ticiper un grand nombre d'hommes à Sa royauté. 5. - L'amour de Cbrlst conduit au
Christ ne nous considère pas comme Ses esclaves, .et vrai repentir.
ne nous traite pas ainsi. Il nous tient p~ur ~~s a~ls:
Il observe à notre égard les règles de 1 ~IUé, atnSl A. - « Les sentiments de honte et de
qu'II les a établies au début. II nous dIspense toUS peur sont une ruse de notre ennemi. "
Ses biens non pas seulement l'un ou l'autre et noUS r
fait parta~er Sa royauté et Son diadème. C'est à quoi En méditant cela et en COllller.nt du à ces
le bienheureux Paul songe quand il dit que no~ I~m. pensées, nous pourrons comprendre quelle est la
mes héritiers de Dieu et cohéritiers du ChrISt , et dignité de notre nature. NOUI aurons une claire
-
230 LA VIE EN CHRIST « LE VISAGE PENCHÉ SUR LUI» 231
vision de la tendresse de Dieu pour nous. Voici qui des âmes. La honte que nous éprouvons de nos bles-
nous empêchera d'être tentés par le mal. Et, s'il nous sures n'est pas due au désir de nous guérir, mais nous
arrivait d'y succomber, notre méditation nous relè- essayons d'échapper au regard du Sauveur, comme
verait immédiatement. fit Adam quand il se cacha" à cause de sa blessure.
De nombreux obstacles entravent notre salut. Le Il a fui la main du médecin qu'il aurait dû chercher
plus grand de tous est, lorsque nous commettons une et ne voulait pas reconnaître que le péché avait triom.
faute, de ne pas nous tourner immédiatement vers phé de lui. 11 accusa sa femme pour masquer, autant
Dieu pour Lui en demander pardon. Nous avons que possible, la faiblesse de sa propre volonté.
hont~ et peur. Nous pensons que retourner à Dieu Comme lui, plus tard, Caïn tenta par diverses ruses
est un chemin difficile. de se dérober à la vue de Celui à qui rien n'échap-
Nous nous imaginons que Dieu est fâché et en pe " .
colère contre nous. Nous pensons qu'il faut une très La honte et la crainte peuvent être profitables,
grande préparati~n pour n~us approcher de ~ui. La l'humiliation de l'âme et la mortification du corps le
tendre bienveillance de Dieu banmt completement sont aussi, à condition que toutes conduisent à Dieu.
cette idée de notre âme, sachant clairement combien C'est à leurs fruits, dit l'Écriture, que vous les
. '" ""1
Dieu est bon, tu appelleras, Il d"a: 'Vie. VO'~' . . reconnaîtrez " . Mais, quand à la honte et à la
Quelle faute nous empêcherait de retourner Immedia- crainte, c'est une forte tristesse qui succède au péché,
tement vers Lui ? Voici le piège et la ruse de notre il n'en résulte aucun dommage pour qui a compris
ennemi commun: Il nous pousse au péché. ave.c un.e la bienveillante tendresse de Dieu. Même s'ils se sen-
audace éhontée. Puis, après nos pires excès, Il frut nru- tent coupables des pires méfaits, ces hommes ne déses-
tre en nous remords et crainte ir~aisonnés. D:abord, péreront pas. Ils savent qu'aucun des pechés n'est trop
il prépare notre chute, ensuite, II nous empeche de grave pour le pardon, et que rien ne peut surpasser
nous relever; ou plutôt il nous éloi~ne de Dieu et la bonté de Dieu. Ils supportent toute tristesse salu-
nous empêche de retourner près de Lw. Ces deux che- taire et cherchent à l'augmenter, mais rejettent la tris-
mins opposés nous conduisent vers le même gouffre ! tesse contraire à la bonne espérance.
/
Il faut se garder par tous les moyens de cette. ruse.
Soyons vigilants afin d'éviter la suffisanc~ qUI ~ré­
cède le péché, ainsi que la ho~te ~t la crrunte qU! le
suivent. Ces sentiments sont mutiles. La pe.ur n est
pas un stimulant pour agir, mais un engourdissement
-
232 LA VIE EN CHR IST « LE VISAGE PENCHÉ SUR LU I » 233

B. - Les deux genres de regret de nos de toute évidence nourrit en nous la mort. Cette tris-
péchés. tesse est le fait d'une estime exagérée de soi.
L'autre sorte de regret vient de notre amour pour
En ces deux genres de tristesse, à cause de nos notre Maître, car nous Le connaissons clairement
péchés: l'une restaure et l'autre ruine ceux qui s'en comme notre bienfaiteur. Nous ne Lui rendons rien
affligent; nous avons de bons témoins: le bienheu- pour tout ce que nous Lui devons, si ce n'est de Le
reux Pierre dans le premier, et le criminel Judas dans payer de nos péchés.
le second. Le regret du premier le rétablit en grâce: L'orguei l est un mal , de même la douleur qui nous
après ses pleurs amers, il était tout autant uni à Christ arrive par lui. Il en va autrement de l'amour, digne
qu'avant son péché. d'éloge, que nous portons à Christ. Pour les gens sen-
La tristesse de Judas le mena à la pendaison. Il s'en sés, il n 'est pas de plus grand bonheur. Ils souffrent ,
alla chargé de fers à l'heure de la délivrance com- mais leur peine intérieure provient des flèches de cet
mune. Il désespéra, lui seul, d'être lavé, au moment amour qui leur meurtrit le cœur.
où était versé le sang qui purifie le monde entier.
Connaissant par avance les effets de ces deux types
de tristesse, nous accueillons la première mais fuyons 6. - Il est bon de « penser à Christ saas aous
la seconde. Considérons la différence entre les deux: lasser ».
la première nous est bénéfique et la seconde nuisible.
En péchant, nous faisons tort à Dieu et à nous- A. - Fixer notre mémoire sur ce qui a trait à Christ.

memes. La tristesse porteuse de grâces naît de notre amour
Il n'y a donc aucun dommage pour nous à regret- pour Christ. Cet amour dépend de nos pensées sur
ter notre ingratitude envers le Maître. C'est, en réa· Christ et Sa miséricorde pour les hommes (ou phi-
lité, ce qu'il faut faire. Mais quand on a une haute lanthropie). Il nous est bon de fixer notre mémoire
idée de soi-même et que nous la voyons réfutée par sur ce qui a trait athrist : pensons à Lui sans nous
nos actes, parce que nous avons failli à notre devoir, lasser. Méditons sur Lui quand nous sommes seuls
nous sommes navrés : la tristesse nous accable et un et prenons plaisir à parler de Lui avec d'autres . Nous
lourd remords oppresse notre cœur. La vie nous sem· ~evrions faire preuvf', autan( que possible, de celte
ble intolérable, après notre chute en de tels désastres. mcessante préoccupariéJl ~ au long de notre vie ou
Il faut absolument repousser ce genre de regret, qui du moins fréquemment. AJOns cette pensée de telle
234 LA VIE EN CHRIST « LE VISAGE PENCHÉ SUR LUI » 235

sorte qu 'elle s'imprime profondément dans notre cœur n'acq0.et:LPas un bon jugementJie!!lement _en s'ins-
et l'absorbe entièrement. Le feu lui-même n'embrase . . , ,
trUlsant, maIS en agissant concr~temenkDe même Que
que s' il est entretenu de manière continue. De même
pour nous: une méditation occasionnelle n'ouvrira
--
nourriture, armes, remèdes et vêtements _.
sont utiles,
non à ceux qui les ont sous la main, mais à ceux qui
pas notre cœur vers quelque passion. Il faut une plage les utilisent.
de temps longue et continue. -
Les pensées jaillissent de ce que nos sens perçoi-
v'ènt de beau et d'agréable, enflammant ainsi, en 8. - « Si notre esprit est occupé par
nous, le désir. Nos sens, en effet, sont en éveil en de viles pensées... »
nous dès notre naissance. C'est d'eux que s'éveillent Si les pensées mauvaises occupent notre esprit et
ces pensées qui sont nos compagnes et ont notre âge. l'accaparent, alors qu'il perçoit à peine les bonnes
Elles nous incitent à réaliser leur vouloir, car elles sont pensées, faut-il s'étonner que les mauvaises triomphent
agréables et nous habitent depuis longtemps. En avan- dans le domaine de notre âme? Les bonnes pensées,
çant dans la vie, nous agissons avec plus de sagesse inactives, sont alors vaincues et rejetées. Qu'un entre-
et de raison. Dans la mesure où le temps est plus preneur ne construise pas, qu'un médecin ne soigne
court, il nous faut donc plus, d'efforts et une atten- pas, ou que tout autre artisan n'exerce pas son métier,
tion constante pour ressentir un attrait pour le bien. il n'est pas surprenant qu'ils ne tirent aucun profit
Ce sentiment ne nous charme pas spontanément; c'est de leur art. Il n'est pas étonnant, non plus, qu'une
plus tard qu 'il nous atteint, habités que nous som- personne intelligente ne retire aucun avantage de ses
mes d'autres passions. talents, si elle ne les exerce pas. On peul se servir
Que de ténacité ne nous faudra-t-il pas pour rom- d'armes contre des agresseurs, quand on les manipule
pre l'habitude de ces autres passions, pour substituer à son avantage et qu'on utilise son adresse au mieux.
le réel à l'apparent, et le bon à ce qui est agréable? De même pour nous : servons-nous de nos meilleu-
Il n'est donc pas surprenant que les meilleures pen- res pensées comme conseillères, appliquant notre esprit
sées ne prévalent pas toujour~ sur les mauvaises, ni à leur acquisition par fétude! Éprenons-nous de
que, pour des êtres raisonnables, les plus belles ne l'amour de ce Qui est véritablement bon ! Cela exige
l'emportent pas sur les plus viles. , une méditation soutenue. Si notre esprit est occupé
Pour devenir bons, il ne suffit pas de tenir des pro- par de viles pensées et s'y arrête, c'est sa ruine. Il
pos persuasifs quant à la bonté. On doit aussi pas- y a peu de danger s'il ne fl,jt QU'cn avoir connais-
ser du temps à méditer, et réfléchir longuement. On sance, sans s'y attarder. Il noOs est donc
236 LA VIE EN CHRIST « LE VISAGE PENCHÉ SUR LUI » 237

de fuir la méditation du mal. Nous devons, au con- elle seule qui a pénétré les hommp.s du véritable
traire, poursuivre la contemplation du bien . amour de Dieu. C'est elle qui a allumé un brasier que
rien ne peut éteindre, ni les joies, ni les adversités,
ni les choses présentes, ni les choses à venir" . C'est
C. - Vouloir ce qui est biefL ne
pour cette raison je pense, que l'Esprit apparut sous
demande pas un grand effort.
f orme de langues de jeu" . Il vint sur terre, appor-
Vouloir le bien ne demande pas d'effort et ne tant avec Lui un amour ;lUssi brûlant que le feu. C'est
requiert aucun travail préalable. Mais pour atteindre l' amour qui, tout d'abord, fit venir ici-bas le dispen-
et garder ce bien, il en va autrement : cela exige de sateur de la Loi. Le corps même de ce législateur est
la ténacité, de l' application et de la méthode. Com- le fruit de la tendresse de Dieu pour les hommes. Du
ment entreprendrons-nous cette lutte, sachant qu'il est reste, Sa Loi tout entière déborde d'amour. Il mani-
difficile de choisir l'épreuve? Ce qui nous stimule au feste cet amour par tous les moyens. Il apporte notre
combat, c'est le désir de l.a récompense pour laquelle amour comme un don suffisant de notre part com-
nous luttons. Cela rend doux les labeurs, si pénibles pensant tout ce qu'II nous a donné.
soient-ils. Notre amour du bien ne sera enflammé Ainsi, Il ne nous donne pas des ordres, comme à
qu'en y fixant notre esprit pour en percevoir la des esclaves endettés envers Lui. Mais, dès le début,
beauté. Tel fut le feu allumé dans l'âme du prophète Il nous appelle à partager Ses biens comme si nous
par la contemplation de Dieu: Mon cœ~r brûlait en avions accompli déjà, pour Lui, d'innombrables
moi, à force d'y songer le feu flamba . tâches pénibles. Il nous appelle, comme si nous jouis-
Ailleurs, il montre que la loi de Dieu est l'objet sions déjà d'une grande amitié, voire d'une intimité,
de la méditation et que celui qui la médite est un avec Lui. Dès que nous approchons Il nous invite.
homme bienheureux: Heureux l'homme {. ..J, dit-il, comme s'II nous disait: « J'ai combattu pour le
qui se plaît dans la loi de Yahvé et murmure sa loi Royaume, et tressé la couronne par maintes épreu-
jour et nuit" . ves, mais vous la recevrez sans peine. En retour, je
ne vous demande rien de plus que de M'aimer. »
• /' f
o bonté indicible! Il nous aime d'une telle orce
7. - La Loi de l'Esprit est loi qu'II cherche aussi à être aimé de nous: Il fait tout
d'amour. pour cela! PourquOi crée-t-i1 le ciel et la terre, le
Si la méditation de la Loi selon la lettre peut ainsi soleil, le monde visible, et la beauté du monde invi-
sible ? '
enflammer, que penser de la loi de l'Esprit? C'est
-
« LE VISAGE PENCHÉ SUR LUI » 239
238 LA VIE EN CHRIST

nous n'en serons amoindris. Cela ne nous empêche


Tout cela existe par Son simple vouloir. Ne nous
pas d'exercer notre métier et ne crée nul o~stac1e à
enseigne-t-Il pas, ainsi, toute la sagesse pour nous noS occupations courantes. Un général contmuera à
tourner vers Lui et nous persuader de L'aimer? En commander, un fermier à cultiver le sol et un arti-
somme, tels les amoureux ardents, li montre Sa san à s'adonner à ses travaux. Personne n'est privé
sagesse, Sa bonté, et Sa puissance pour nous inspi- de ses biens à cause de cette loi. On n'est pas con-
rer de L'aimer. Bien plus, Il estime si hautement notre traint de se retirer dans quelque coin désert, ni de
amour et lui attache un tel prix, qu'après avoir mis manger une nourriture étrange, ni de s'habiller dif-
en œuvre tout ce qui convient à Sa nature divine, Il féremment, ni de ruiner sa santé ou de se risquer dans
est allé encore plus loin. li a pris une autre nature quelque action téméraire. Tout en restant chez soi et
pour s'en servir dans le même but. Afin de pouvoir sans perdre aucun de ses biens, on peut, constam-
exercer, devenu homme, toute la persuasion qui ne ment, s'adonner à cette méditation ...
Lui était pas accessible en tant que Dieu. Nous l'avons montré précédemment: Christ nous
C'est ainsi que par la nature qui Lui était propre est intime bien plus que nos consanguins, que nos
et par celle qu'Il a prise à l'homme, Il a cherché à parents et que nous-mêmes. Rien ne convient mieux
s'attacher ceux qu'Il aimait. à une âme contemplative que de penser à Christ!
On peut donc dire que la loi de l'Esprit est avec Cette méditation est ce qui, naturellement et familiè-
douceur la loi d'amour et elle nous exerce à la recon- rement, nous est le mieux adapté. C'est la meilleure
naissance. C'est pourquoi nous devons y appliquer manière d'user de notre temps et l'occupation agréa-
notre intelligence. ble, plus que toutes, pour des baptisés. Je parle de
ceux qui ne se sonlpas <alis a11Iès la purification bap-
tismale. Ceux qui ne ressemblent pas à ces Hébreux,
8. - Comment méditer cette Loi? que le bienheureux Étienne traile de nuques raides,
oreilles et cœurs ;ncirconcis 2A •
A. - Méditer « ne crée nul obstacle Ces pensées ne !(fnl pas ton à notre vie humaine;
à nos occupations courantes... " elles nous offrent plutôt plaisir et joie.
Notre engagement à l'égard de cette loi n'Implique Nous avons déjà montré le profit qu'cUes nous pro-
aucune épreuve spéciale. Il ne faut ni supporter de curent et comment elles tournent à notrc plus grand
multiples peines, ni dépenser de l'argent. Il n'en avantage ... ,
résulte ni déshonneur, ni honte. Sous aucun aspect
-
238 LA VIE EN CHRIST « LE VISAGE PENCHÉ SUR LUI )} 239

Tout cela existe par Son simple vouloir. Ne nous nous n'en serons amoindris. Cela ne nous empêche
enseigne-t-Il pas, ainsi, toute la sagesse pour nous pas d'exercer notre métier et ne crée nul obstacle à
tourner vers Lui et nous persuader de L'aimer? En nos occupations courantes. Un général continuera à
somme, tels les amoureux ardents, Il montre Sa commander, un fermier à cultiver le sol et un arti-
sagesse, Sa bonté, et Sa puissance pour nous inspi- san à s' adonner à ses travaux. Personne n'est privé
rer de L'aimer. Bien plus, Il estime si hautement notre de ses biens à cause de cette loi. On n'est pas con-
amour et lui attache un tel prix, qu'après avoir mis traint de se retirer dans quelque coin désert, ni de
en œuvre tout ce qui convient à Sa nature divine, Il manger une nourriture étrange, ni de s'habiller dif-
est allé encore plus loin. Il a pris une autre nature féremment, ni de ruiner sa santé ou de se risquer dans
pour s'en servir dans le même but. Afin de pouvoir quelque action téméraire. Tout en restant chez soi et
exercer, devenu homme, toute la persuasion qui ne sans perdre aucun de ses biens, on peut, constam-
Lui était pas accessible en tant que Dieu. ment, s'adonner à cette méditation ...
C'est ainsi que par la nature qui Lui était propre Nous l'avons montré précédemment: Christ nous
et par celle qu' Il a prise à l'homme, Il a cherché à est intime bien plus que nos consanguins, que nos
s'attacher ceux qu'Il aimait. parents et que nous-mêmes. Rien ne convient mieux
On peut donc dire que la loi de l'Esprit est avec à une âme contemplative que de penser à Christ!
douceur la loi d'amour et elle nous exerce à la recon- Cette méditation est ce qui, natürellement et familiè-
naissance. C'est pourquoi nous devons y appliquer rement, nous est le mieux adapté. C'est la meilleure
notre intelligence. manière d'user de notre temps et l'occupation agréa-
ble, plus que toutes, pour des baptisés. Je parle de
ceux qui ne se sont l1.as salis après la purification bap-
tismale. Ceux qui ne ressemblent pas à ces Hébreux,
8. - Comment méditer cette Loi?
que le bienheureux Étienne traite de nuques raides,
oreilles et cœurs !ncirconcis".
A. - Méditer « ne crée nul obstacle
Ces pensées ne font pas tort à notre vie humaine;
à nos occupations courantes ... »
elles nous offrent plutôt plaisir et joie.
Notre engagement à l'égard de cette loi n'Implique Nous avons déjà montré le profit qu'elles nous pro-
aucune épreuve spéciale. Il ne faut ni supporter de curent et cOinment eUes tournent à notre l'lus grand
multiples peines, ni dépenser de l'argent. Il n'en avantage ...
résulte ni déshonneur, ni honte. Sous aucun aspect
240 LA VIE EN CHRIST « LE VISAGE PENCHÉ SUR LUI » 241

9. - Le profit spirituel B. - La béatitude des pauvres.


de la contemplation de Christ.
Paul nous donne un exemple de la pauvreté en
esprit quand il écrit: Ne vous surestimez pas plus
Le propre de toute bonne méditation est de capter
qu'il ne faut vous estimer, mais gardez de vous une
les énergies de Christ pour produire la vertu. C'est
aussi de contempler Christ et tout ce qu'Il a fait, dans sage estime" . À qui cela s'applique-t-il sinon à ceux
Sa tendresse envers les hommes, pour notre saluL qui font l'expérience de la pauvreté de Jésus? Lui
Voici la vraie vie que nous cherchons: à tous égards, qui est Dieu se fil chair"'. Le Riche choisit notre
elle nous rene' heureux. Voyons ce que doivent accom- pauvreté et le Roi de gloire souffre l'infamie. Celui
plir ceux que Christ proclame bienheureux et en quoi qui libère l'humanité est ligoté et condamné comme
cette béatitude dépend-elle de leur contemplation? violant la Loi, alors qu'II vient pour l'accomplir. Lui
à qui le Père a remis tout jugement" supporte des
, juges qui nattent une populace meurtrière et folle.
10. - Modeler notre vie en Christ sur Quel orgueil ne serait-il pas rabaissé par de tels
les Béatitudes. exemples?
Quand nos actions paraissent signes de haute vertu,
A. - Les Béatitudes: « voie sûre qui elles deviennent alors occasion d'orgueil et celui qui
conduit à la vie bienheureuse... ». a médité sur la vie de Christ, verra qu'il n'a rien
Qui donc le seul Bienheureux appelle-t-il heureux? accompli de grand. Il n'a rien fait pour se libérer de
Ce sont les pauvres en esprit, ceux qui pleurent, sa captivité et n'est même pas capable de sauvegar-
les doux, ceux qui ont faim et soif de la justice, les der sa liberté nouvelle. C'est Christ qui nous a rache-
miséricordieux, les cœurs purs, les artisans de paix, tés par Son sang et nous rend la liberté après l'avoir
les persécutés et tous ceux qu'on outrage pour leur payée à prix fort.
justice et leur attachement pour Christ. Tels sont ceux Mais, parmi les libérés, qui a conservé intégrale-
qui obtiennent la vie bienheureuse. ment la liberté qu'il avait reçue?
Cette méditation est la voie sûre, le pont et l'échelle Qui a gardé intact jusqu'au bout ce trésor spiri-
vers la vie bienheureuse. tuel ? Celui qui ne commet que de légères offen e
COntre la grâce n'est-il pas cODSid~é comme un
héros? Conscients de ce que nous 10111"1(5, queUe r.lÏ-
son aurions-nous d'avoir une haute de DOU$-
242 LA Vl~ EN CHRIST « LE VISAGE PENCHÉ SUR LUI» 243

- mêmes? Nous, dont la vertu n'est guère efficace par D'avoir gardé ce que nous avons reçu? Nous l'avons
elle-même 1 Nous, en qui Dieu a implanté le bien sans trahi ! De ce que nous portons le sceau de Christ?
effort de notre part! Nous, tellement dénués de qua- Cet orgueil prouve que nous ne le portons pas, car
• •
lités, et qui, tels un coffret sans VIe, sommes incapa- les orgueilleux n'ont rien de commun avec Lui, qui
bles de garder en sûreté ce trésor qui nous vient d'un est doux et humble de cœur " ...
Autre. Nous avons été à nouveau créés et fondus au
creuset du baptême. Nous avons communié à la Table
toute de feu. Mais nous demeurons d'une vertu si fra- c. - La béatitude de ceux qui
gile, que c'est nécessité, même pour les hommes les pleurent.
plus sages, de recourir constamment à la Table sainte.
Nous communions au sang qui purifie, et nous atten- J) Ne devrions-nous pas, à cause de la
dons secours de la main d'en haut: sans cette aide, passion de Christ, nous lamenter
nous serions emportés par les plus grands vices. et pleurer?
Nous connaissons des témoins qui, après s'être
dévêtus, se sont imposé tous les efforts pour le bien Il est normal que ceux qui méditent la vie de
et la vertu. Ils ont fini, pourtant, par s'égarer dans Christ, s'affligent et versent des larmes. Si l'on con-
les pires excès. Ils s'étaient d'abord réfugiés sur les sidère tout ce qui a été accompli pour notre salut:
montagnes. Fuyant tous les bruits et la vie en société, quelle indifférence et quelle torpeur nous paralysent !
comme la peste, ils voulaient ne se pr~occuper que Nous sommes affligés à la perte d'un trèsor. Nous
de Dieu seul. Avec toute l'énergie dont des hommes pleurons au souvenir des biens que nous serrions en
sont capables, ils s'étaient surpassés en exploits magni- nos mains et que nous avons perdus. Cela nous ensei-
fiques et comptaient obtenir de Dieu mieux encore. gne la grande valeur des trésors que nous pouvions
Mais, dès qu'ils ont relâché quelque peu leur espé- garder et que nous avons gaspillés. Ce qUI déchire et
rance et leur confiance entière en Dieu, ils se sont, fait fondre notre âme, c'est la conscience de notre
tout à coup, livrés aux actions les plus honteuses et ingratitude envers un si bienfaiteur. Or. dans
n'ont reculé devant aucun vice. la méditation, nous pouVOIII avec évidence
De quoi pourrions-nous désormais nous enorgu~il- de quelles bonté et bienveillantes Dieu u e
• •
hr? envers nous et quelle indifférence nou Lui
De nos exploits? Nous n'avons rien fait de si témoignons ...
grand ! De nos mérites? Mais ils ne sont pas nôtres 1 Il nous a cherchés. n D'. laiaR aucun espace d
244 LA VIE EN CH RIST « LE VISAGE PENCHÉ SUR LUI » 24S

notre amour vide de Lui. Il se fait notre bienfaiteur plaies et avec Son sang versé sur la Croix. Bien plus:
et notre frère. Il est « un autre nous-mêmes ». Il réa- le cadavre d'un homme ébranla la terre et rendit des
lise cela, non dans un acte de puissance, comme la morts à la vie.
création du ciel, mais à la sueur de Son front, et en Le but de tout cela? C'est que l'homme recon-
portant des épreuves qu'Il n'avait pas à subir: Son naisse son maître, qu'il se relève de terre et regarde
agonie, Son humiliation, Ses plaies et fmalement Sa vers le ciel. Qu'ils sont malheureux, ceux qui devant
mort... cette gerbe de merveilles restent endormis comme des
Ne devrions-nous pas, à cause de tout cela, nous statues, insensibles aux coups de la foudre. Comment,
lamenter et pleurer? Nous qui / estimons beaucoup dès lors, ne méritent-ils pas d'envisager la durée de
tout le reste, nous méprisons le Sauveur et Ses bien- leur vie comme un temps de deuil ?
faits, comme s'il ne revenait qu'aux autres de Le cher-
cher, ou comme si la Providence indicible ne nous
2) « Puisque les forfaits les plus
concernait pas.
horribles pèsent sur notre conscience,
Nous devons nous préoccuper de ce qu'il nous faut
il est logique que nous pleurions
pour vivre chaque jour: paroles, , actes ou talents. et nous affligions. »
Nous cherchons ce qui est bon. Nous choisissons le
meilleur moment possible: qu'il s'agisse du travail de Pourquoi pleurons-nous habituellement? À cause
la terre ou du commandement des armées; d'affai- de la maladie? La meilleure partie de nous-mêmes
res publiques ou de probl<:mes personnels. En tout, n'est-elle pas malade? Est-ce la misère? Nous som-
nous apprécions ce qui est dfoit, raisonnable et juste. mes plus misérables que les plus nécessiteux. La
Notre intéret véritable est ce qui semble nous soucier richesse spirituelle est de loin la plus nécessaire et la
le moins. Nous ne cherchons pas comment garder plus précieuse. Notre misère matérielle cessera et la
notre bien, comme si nous nous déconsidérions. mort ne détruira pas notre misère spirituelle, au con-
Ne serait-ce que pour cette raison, tournons-nous traire, elle l'accroîtra, à notre honte, dans la vie à
vers cette innovation qui a tout secoué et bouleversé. venir. La folie est affreuse? Et alors! N'est-ce pas
À cause d'elle, les gouffres de la terre ont vu ce qui l'Esprit malin qui harasse notre âme, y déversant une
existe dans les régions intersidérales. La terre est mon- si grande mesure de folie? Si se ruer sur une épée.
tée au-dessus du ciel. Le tyran est réduit en se jeter du haut d'une falaise escarpée, oublier ~s
esclavage et ses anciens captifs foulent sa tête de leurs amis pour flatter bassement ses pires ennemis. ont
pieds. Dieu est apparu ave;: Un corps couvert de le fait d'insensés, ne le sommes-nous pas tou • nou
246 LA VIE EN CHRIST « LE VISAGE PENCH~ SUR LUI » 247

qui fuyons Celui qui nous aime? Ne recherchons- rang qui l'égalait à Dieu, mais (...] prit la condition
nous pas notre ennemi par nos actes? Ne nous
, . . d 'esclave" . Celui qui est le Roi de gloire endura la
precipitons-nous pas vers la géhenne, en accomplis- croix dont il méprisa l'infamie".
sant tout ce qui y conduit?
Connaissant ainsi nos forfaits, nous devrions pleu- D. - La béatitude des doux.
rer et nous affliger! Prenons conscience de notre
situation et reconnaissons la réalité. N'ignorons pas,
pour mettre un comble à notre malheur, les maux J) La douceur de Christ durant
dans lesquels nous nous trouvons. Efforçons-nous de sa passion.
connaître la santé, la richesse et la sagesse qui sont La douceur, la maîtrise de ses passions et la
nôtres, grâce à Christ, qui nous les procure, sans patience envers ceux qui nous offensent: voici la vraie
effort de notre part. Pour jouir de ces dons, nous sagesse que le Sauveur donna au monde. Mais les plus
n'apportons rien que de les vouloir. Cela ronge le grands et plus nombreux exemples qu'Il nous propose
cœur de savoir que quelqu'un peut être heureux et sont Ses dires, Ses actes et Ses souffrances. Pour ceux
qu'il choisit la misère; qu'un autre peut vivre en qui L'avaient contristé, Il assume chair et sang. Il
pleine lumière et qu'il se résigne à rester dans les vient chercher et libérer ceux qu'Il aurait dG accabler
ténèbres! des plus graves reproches. Ceux-là continuaient, en
Cette pensée ne touche pas jusqu'aux larmes les effet, à décrier les bienfaits de Christ qui restaure
paresseux seulement, mais les plus fervents pleurent notre nature, et qui ne cesse de nous combler de
aussi, car ils ont une conscience plus vive de la perte biens. Pour avoir chassé des hommes les démons, Il
subie. Ils disent mériter les pires châtiments, quand s'entendit appeler Béelr.ébub, le prince des démons'
ils pensent à ce Dieu nu et immolé sur la Croix. Lui, et parfois pire! Loin de rejeter du chœur des disci-
à qui tout est soumis, nous demande le retour; te ples celui qui s'est _ _ corrompre, Christ prit Judas
qui veut dire qu'étant Dieu, Il a pris notre dans son intimité comme UD ami. Il partagea le sel
humaine pour qu'en retour, d'hommes qUI" nous avec son meurtrier et au traitre Ses secrets, Son
mes, nous devenions dieux. De même, Il sang et, pour finir, le laiIIa L et Lui
former la terre en ciel, l'esclavage en royauté et donner un baiser.
misère en gloire. Pour réaliser tous . ces II a osé le plus
ments, le Créateur du ciel s'est fait terre. Celui ceux qu'Il avait ct ce ont
par nature, est le Maître ne retint pas eux POurtant qui L'aD cie Ses
,
248 LA VIE EN CHR IST « LE VI SAG E P ENC HI:. SUR LUI »
• 249

amis conduit les meurtriers pour le crime et un bai- font " . Il agit comme un père plein de tendresse.
ser est le signal du meurtre . Christ souffre cela avec Quand , à cause de leur jeune âge, ses enfants agis-
douceur et par amour po ur nous, à tel point qu ' un sent sans réfléchir, ce père éprouve de la peine; et
de ces chiens ayant été blessé par Pierre, Il s'occupe pourtant il calme le précepteur en leur faveur. C'est
de la blessure et la guérit sur-le-champ, d'un simple avec ces paroles qu'II meurt.
contact de la main. Quel signe de Son extraordinaire
puissance et de Son extrême douceur! Il ne fait rien
contre ceux qui ne craignent pas Sa puissance, '::On- 2) La douceur de Christ ressuscité.
tre ceux qui ne respectent pas Sa douceur. Il ne fait Après Sa résurrection, quand il s'agit d'associer à
pas pleuvoir le feu ni ne foudroie ces misérables qui la joie de Sa fête les amis dont les cœurs étaient fidè-
méritent pourtant des fl éaux et des châtiments pires les, Il convoque Ses disciples. Il ne leur garde pas ran-
encore. cune pour L'avoir abandonné et fui au plus fort du
Les chœurs des anges ne peuvent pas Le contem- danger. Il leur indique l'endroit où ils doivent se ras-
pler sans crainte, et Christ suit ceux qui L'emmènent. sembler pour Le rencontrer. Quand Il leur apparaît,
Il offre Ses mains pour être ligotées ! Ses mains qui Il ne leur reproche pas leur fuite. Il semble que nulle
avaient dénoué le lien des maladies ! Ses mains qui part, Il n'évoque à leur désavantage le souvenir de
avaient brisé la tyrannie des démons! Bien qu'en ces évènements. Tous avaient affirmé, alors, qu'ils
ayant ce pouvoir, Il ne fait pourtant pas périr ce vil iraient à la mort avec Lui. Ils n'avaient pu imaginer
esclave qui Le gifle. Il le juge digne de recevoir une Ses souffrances avant qu'elles n'arrivent! Christ leur
parole de douceur et de borlté et, autant qu'il lui est donne la paix, l'Esprit saint et les bénit en tout ce
possi ble, d'amender son jugement. qu'ils feront. Puis Il leur confie la charge du monde
Il écoute en silence le verdict de juges brutaux qui entier et les établit comme princes sur toute la terre.
Le condamnent à mort. Il se soumet à la peine infli- Cela s'adressait à tout le chœur des Apôtres. Que
gée et, cloué au bois de la Croix, Son amour pour fait-II envers celui qui était à leur tête, le coryphée?
Ses bourreaux ne fléchit pas. Il implore son Père de Il avait trahi l'affection que Christ lui portait et renié
n'imposer aucun châtiment à leur atrocité envers Lui, Son amour. Il s'abstient de lui reprocher son rente-
le Fils unique. Non seulement Il intercède pour eux, _ ment et ne lui rappelle pas ses serments de ,e Join-
mais se fait leur ardent avocat. La voix de la défense dre à son maître jusqu'à la mort, serments \ iol~ i
vient de Celui qui brûle d'une miséricorde infinie. Il peu de temps après. Mais c'est lui, en dehors de
dit : Mon Père, pardonne-leur: ils ne :;avent ce qu'ils autres apôtres, qu'II envoie comme messager de • a
250 LA VIE EN C HRIST « LE VISAGE PENCHÉ SUR LUI » 251

résurrection. C'est là une marque d'honneur! Quand 3) « Christ fait grand cas
Il se montre, le Sauveur converse amicalement avec de la douleur. »
lui. Il lui demande si son amour pour Lui était plus Quoi qu ' il fasse, le Sauveur rejette la colère et fait
grand que celui des autres. régner la douceur. Tandis qu'Il enseigne ou promul-
Pierre lui répond qu'il L'aime. Christ pose de nou- gue Ses lois, Il nous prévient qu'Il n'accueillera pas
veau la question et Il entend Pierre répéter : Seigneur, notre pn ère ou le sacrifice que nous Lui offrirons si
tu sais que je t'aime" . Il lui demande une troisième nouS sommes en colère. Il nous accorde le pardon des
fois s'il L'aime. Il aurait pu, je crois, répéter long- péchés comme un don qu'Il fait à tous. Il précise
temps cette question, si Pierre ne s'était attristé et
qu ' Il refusera ce don à qui se laisse emporter par la
affligé de ce que Celui qui sait tout eût besoin de
colère. Même si celui-ci fait tout pour obtenir ce par-
nombreuses paroles pour connaître qu'Il était aimé.
don, s' il verse des flots de sueur et de larmes, ou s'il
Ces questions ne venaient pas de quelqu'un qui ne
livre son corps à l'épée et au feu " , Christ fait ainsi
connaît pas son ami, ni de quelqu'un qui ferait mine
grand cas de la douceur.
de ne pas le connaître. Dans le premier cas, Il aurait
montré qu ' Il se trompait, dans le deuxième, Il aurait En contemplant le Sauveur, on ne peut qu'avoir le
, usé de fourberie : Aucune de ces deux manières ne cœur rempli de douceur envers ceux qui nous offen-
manifeste la vérité! Christ veut plutôt montrer par sent. Christ nous le dit: Si vous connaissez combien
là qu ' Il ne lui garde pas rancune d'avoir renié ses Je suis doux, votre cœur sera au calme! et : Charge1.-
affi rmations antérieures, sinon il ne chercherait pas vous de mon joug et metlez-vous à mon école, car
de nouveaux serments. Mais il ravive en Pierre je suis doux et humble de cœur, et vous trouvere1.
l' amour qui avait risqué de s'éteindre. soulagement pour vos âmes" .
Poser ce genre de questions et provoquer de telles La douceur s'accroît en nous par la méditation de
réponses renforce, plus que tout, l'amitié. Faire la vie de Christ et notre contemplation nous embrase
mémoire des preuves d'amitié et en parler: voilà ce d'amour pour la Table sainte. Mais il ne retire rien
qui est capable de faire grandir l'amitié qui existe 1 de l'eucharistie, celui qui garde quelque rancune !
Voilà qui peut la susciter si elle n'existe pas encore 1 Résistons donc à tout mouvement de colère et gar-
dons notre âme pure de toute haine. Le sang qui a
été versé pour notre ne profite pa à
qui est esclave de la colère et de la baine : sa voix,
tel le sang d'Abel quaod on le répandit. s'élèvera
« LE VI SAG E P ENC HÉ SUR LUI » 253
252 LA VIE EN CHRIST

jusqu'au pére en faveur de ses bourreaux. Cette voix qui nous tenait prisonniers. Le tyran toujours plus dur
n'accuse pas ceux qui Le maltraitent. Cette voix ne et plus brutal nous persécutait. Nous étions alors
demande pas vengeance, comme la voix d ' Abel con- impuissants, abandonnés de tous côtés et sans per-
tre son frère. Le sang de Christ opère notre rédemp- sonne qui nous tende une main secourable. Nous
tion. La voix de la victime appelle le pardon sur ses étions à la merci de son pouvoir sur nous. Il nous
menait comme des esclaves vendus à un acheteur. Per-
meurtriers.
sonne ne pouvait porter remède à nos terreurs. Nous
ne trouvions d'aide, ni en nous-mêmes, ni hors de
E. - La béatitude des affamés et assoiffés de justice.
nous, ni de plus haut, ni en nos égaux. Il était impos-
Ceu'l qui méditent cette béatitude, deviennent plus sible à quiconque de secourir notre humanité.
que d'autres des ouvriers de la justice. Le maître du Quel remède pourrais-je mentionner? Alors qu'il
monde a honoré à tel point la justice qu'Il est venu nous était totalement impossible de songer à un méde-
parmi les esclaves, les égorgés et ceux qu'on voue à cin ou de bénéficier de son aide !
la mort. Dans quel état misérable étions-nous!
Il vient pour rendre justice à tous. J>ersonne d'autre Ce n'est ni un messager, ni un ange, mais le Sei-
n 'était à même de rendre au Père la gloire et l'obéis- gneur Lui-même, contre qui nous étions en guerre et
sance, qui Lui sont dues depuis toujours. Christ laisse que nous avions offensé, qui eut pitié de nous. Misé-
au tyran les chaînes, le mépris et la honte. Il chasse ricorde exceptionnelle, indicible, inimaginable. Il ne
ce bâtard, détruit son injuste pouvoir sur nous. Il le se contenta pas de nous délivrer de nos maux ou
renverse et le chasse par un juste jugement. d'estimer Sienne notre douleur. Il prit sur Lui nos
• douleurs et les transféra de nous à Lui. Paraissant
Lui-même digne de miséricorde, afin de nous rendre
F. - La béatitude des miséricordieux.
bienheureux. Aux jours de sa chair", comme dit
Être compatissant et partager la douleur de ceux Paul, aux yeux d'un grand nom~re, Christ passa pour
qui souffrent, prendre en compte les malheurs des être digne de pitié et 1\ le fut quand on Lui infligea
autres comme s'ils étaient nôtres, d'où obtenons-nous une mort injuste: Ils se frappaient la poitrine et se
cela ? Si ce n'est de cette certitude : nous sommes pris lamentaient sur lui" tandis qu'on Le conduisait à la
en pitié, alors que nous ne sommes pas dignes do mort. Cette çompassion ne vint pas que de Ses con-
miséricorde. Nous sommes libérés de notre captivité, temporains qui furent témoins de Sa passion. Voyant
de l'esclavage, de nos chaînes et de la folie de celui comme à l'avance ce supplice, Isaïe déjà n'en sup-
- 254 LA VIE EN CHRIST
« LE VISAGE PENCHÉ SUR LUI » 255
portait pas le spectacle sans pleurer. Comme on
G. - La béatitude de ceux qui ont le
chante des lamentations pour un mort, il modulait
cœur pur.
d'une voix vibrante de compassion : Nous l'avons vu
sans beauté ni éclat, obj et de mépris et rebut de P our purifier notre cœur et notre âme dans la voie
['humanité, homme de douleurs comme ceux devant de la sanctification, quels combats, quels efforts et
qui on se voile la face" . quelles sueurs sont plus fr~ctueux que les pensées et
Q uelle compassion peut être comparée à celle de ?
la méditation ~uivantes A Y regarder de plus près,
Christ pour nous ! Il partage les souffrances des mal- on ne peut meme pas dIre que ce soit la méditation
heureux non seulement par la pensée ou le désir, mais sur Christ qui soit fructueuse; puisqu'en effet c'est
en réalité. Il ne se contente pas de prendre une part en cette méditation que s'enracine notre contempla-
de nos malheurs , mais Il les assume tous et meurt tion. La pureté du cœur consiste à nous consacrer au
de notre propre mort. L'expérience de Sa souffrance meilleur de nos pensées, faisant ainsi fuir les plus

nous rend attentifs à nos semblables qui souffrent. mauvaises.
, Ainsi, nous faisons nôtres les malheurs des autres car Double est notre vie et double notre naissance,
notre propre souffrance nous y dispose. Quels mal- l'une est spirituelle et l'autre charnelle. Dans ses
heurs n'avons-nous pas souffert? l'expulsion de notre désirs, l'esprit lutte contre la chair et la chair résiste
vraie patrie? l'indigence et la maladie? l'esclavage à l'esprit. Nous savons qu'il est impossible à des con-
le plus cruel? les ultimes limites de la démence?
, De traires de s'entendre et de s'unir et que l'un l'empor-
tout cela, nous sommes délivrés par la miséricordieuse tera sur l'autre. L'attention et la réflexion que nous
tendresse de notre Dieu" . portons à notre naissance et à notre vie chamelles

A notre tour, compatissons aux douleurs de ceux produisent en nous des désirs dépravés. Puisqu'il en
qui sont dans l'épreuve! Manifestons à nos compa- est ainsi, gardons plutôt vivaces le souvenir de notre
gnons d'esclavage la miséricorde que notre maître naissance baptismale, et celui de la nourriture divine
40
commun nous témoigne • Le Sauveur nous propre à cette vie. Souvenons-nous de tous les sacre-
l'exprime clairement : il nous faut montrer de la bonté ments Qui alimentent cette vie nouvelle. Il est sûr que
envers nos semblables, en trouvant modèle pour cela cette mémoire continue nous orientera de nos désirs
en Sa miséricorde: Montrez-vous, dit-Il, miséricor- terrestres vers le ciel.
dieux, comme votre Père est miséricordieux".
« LE VISAGE PENC HÉ SUR LUI » 257
256 LA. VIE EN CHRI ST
J. - La béatitude de ceux
H. - La béatitude des artisans qui s'éprennent d'amour pour Christ.
de paix.
I! est possible de discerner dans l'unique Sauveur ,
Christ est notre paix, lui qui des deux n'a fait la plénitude de la justice, c'est-à-dire de la venu. La
qu'un peuple, détruisan t la barrière qui les séparait, grandeur et la beauté innée de ce bienfait se mani-
supprimant en sa chair la haine". Il met tout en feste nt ainsi: en Christ, seul, brille, exempte de tout
œuvre pour la paix. Qu'y a-t-il de meilleur que la
mélange avec le mal , la vertu la plus pure, car Il n'a
paix, pour ceux qui ont souci de leur âme, qui médi-
pas commis de faute .... Le « Prince de ce monde »
tent et polarisent tous leurs désirs sur Christ?
en venant n'a rien trouvé dont il eût pu accuser Son
Avant tout, ils cultivent la paix" , tomme le
recommande Paul. Ils sont, à cet égard, un exemple âme divine. Il n'a rien vu tandis qu'il L'épiait, pour-
pour les autres. Ils rejettent toute haine stérile et ces- tant avec un regard d'envie, qui pût ternir Sa beauté.
sent de vains combats. Visiblement, ceux qui méditent sur ce qui touche à
La paix est chose si précieuse que Dieu Lui-même Christ sont enflammés d'amour pour Lui et pour la
vint sur terre pour la procurer aux hommes. vertu.
Riche et Seigneur de l'univers, Christ trouvait Ils constatent ainsi la beauté de la vertu et celle du
qu'elle était tellement hors de tout prix que, seul, Son Sauveur, et comprenant ainsi, ils ne peuvent pas se
sang sacré pouvait nous l'acquérir. passer de L'aimer. La connaissance, en effet, est très
Constatant que les vivants ne possédaient rien qui souvent cause de l'amour. C'est ainsi que le fruit de
ressemblât à la paix et à la réconciliati9n qu'ils recher- l'arbre (de la connaissance), pourtant défendu, sub-
chent , Christ façonna une créature nouvelle: Son jugua Ève: La femme, nous dit l'Écriture, vil que
sang. Sitôt qu'II l'eut versé, Il devint notre réconci- l'arbre était bon à manger et séduisant à voir" .
liation et le Prince de la paix. Ceux qui adorent ce
sang ne peuvent mieux assurer leur salut qu'en deve-
nan t artisans de paix et de réconciliation entre les J. - La béatitude des persécutés à
cause de Christ.
hommes.
Notre amour brillant pour Christ et la vertu nou
amèneront à supporter de multiples
Nous serons peut-!tre condnits à l'exil et à entendre
, les plus affreuses Nous souffrirODS cela

1
LA VIE ~N CHRIST « LE VISAGE PENCHÉ SUR LUI » 259
258

avec joie, car les récompenses les plus grandes et les 11. - Christ, modèle de notre
plus belles nous sont réservées dans les cieux. perfection.
L'amour des lutteurs pour celui qui préside les jeux
leur donne confiance en lui, en ce qui concerne les A u c0':flme~cement fut créée la nature humaine
récompenses. Ils ne VOlent pas encore ces récompen- pour en tirer 1 homme nouveau. Notre intelligence et
ses , mais leur amour les entreùent dans une espérance notre volonté sont façonnées dans ce but. Nous avons
ferme aujourd'hui, car ils savent ce qui viendra reçu notre raison afin de connaître Christ ct notre

ensUite. volonté pour nous hâter vers Lui. Notre mémoire
Méditant et contemplant chaque jour la vie de nous permet de Le porter en nous: Il est notre
Christ, Son amour nous rend humbles et conscients modèle, dès notre création. Le vieil Adam ne fut pas
de notre faib lesse humaine, au point que nous gémis- le modèle de l'homme nouveau. C'est le nouvel Adam
sons. Il nous rend doux et justes, bienveillants et tem- qui le fu t pour l'ancien. Même s'il est écrit que le
pérants, artisans de paix et de réconciliation entre les nouvel Adam fut engendré à la ressemblance de
hommes. Nous sommes tellement épris de Christ et . " C' est à cause d e la corruption du vieil
l,ancien.
de la vertu que nous supportons les outrages pour Adam qu'on dit cela. Le nouvel Adam hérita de cette
l'Un et l'autre. Nous nous en réjouissons et accep- nature mortelle afin d'en abolir l'infirmité par les
tons joyeusement les persécutions. Bref, à partir de remèdes qu ' Il détient. De sorte que ce qui est mortel
ces méditations, nous jouissons des biens les plus soit absorbé par la vie" , comme l'écrit Paul.
grands qui nous rendent bienheureux et .:onservent en Du point de vue de notre nature déchue, le vieil
nous le désir du bien. Ils maintiennent notre âme en Adam passe pour notre archétype, car nous le regar-
sa noblesse et sa beauté, et ils préservent notre tré- dons comme notre ancêtre. Mais pour Celui qui voit
sor tiré des mystères. Nous sommes, ainsi, capables tout avant que cela existe, le premier Adam est l'imi-
de garder notre vêtement royal sans déchirure ni souil- tation du second. C'est selon le modèle et à l' image
de Christ qu'il a été formé. Mais il n'a pas persisté
lure ...
Il n'y a personne d'autre que Christ que nouS dans son état: s'étant élancé vers cette image, il n'y
devions servir. C'est à Lui seul que nous devons noUS parvint pas ! C'est pourquoi le premier Adam a reçu
consacrer corps et âme, en Lui donnant tout notre la Loi mais c'est le qui l'accomplit. L'obéi -
amour, notre mémoire et l'activité de notre intelli- sance est exigée du vieil Adam mais c'est le nou\'el
gence. C'est ce qui fait écrire à Paul: Vous ne vo,:! Adam qui la pratique, cornille l'exprime Paul:
appartenez pas.. vous avez été bel et bien achetn Jusqu'à la mort, et à la mort sur une Croit·... Le
260 LA VIE E N CHRIST
« LE VISAGE PENCHÉ SU R LUI »
261
premier Adam, en transgressant la Loi, montra qu'il
considérer Christ comme le modèle et Adam comme
manquait des qualités essentielles à l' homme. La Loi sa copie. Il est absurde d'envisager quelque chose de
n'était pas, en effet, au-dessus des forces humaines, parfait qui tendrait vers l'imperfection. Absurde aussi
puisque son transgresseur était passible d' un châti- de placer le pire comme modèle du meilleur. C'est
ment. Mais le second Adam fut parfait à tous égards. comme si des aveugles étaient amenés à conduire ceux
Il le dit Lui-même: J'ai gardé les commandements qui voient !
de mon Père"' . Le premier nous a transmis une vie Il n'est pas étonnant que ce qui est imparfait soit anté-
imparfaite ayant besoin d'innombrables soutiens. Le rieur dans le temps. Un grand nombre d'êtres ont été
second Adam est devenu pour les hommes le Père de préparés à l'avance pour que l'homme s'en serve.
la -vie parfaite, c'est-à-dire, immortelle. Notre na~ure, L' homme, qui est la mesure du créé, surgit de la terre
dès le début, tendait à l'immortalité. Elle l'obtlen~, le tout dernier. Il est donc logique de penser que ce qui
bien plus tard , dans le corps du Sauveur:. une f?IS est parfait soit principe premier de ce qui est imparfait.
ressuscité des morts à la vie immortelle, Christ devmt Ainsi, pour toutes ces raisons, l'homme tend vers
l'initiateur de l' immortalité pour l'humanité. Christ, de par sa nature, sa volonté, ses pensées. Ce
Le Sauveur , seul et en premier, a réalisé l'homme
. n'est pas seulement à cause de la divinité du Sauveur
véritable et parfait quant à son caractère, à sa vIe et qui est le but de tout, mais en raison de Sa nature
à tous égards. . . humaine. Christ polarise tout l'amour de l'homme.
, La vie incorruptible est le vrai but que DIeu avmt Il est la saveur de nos . Aimer ou méditer hors
pour l'homme quand Il l'a créé. Cela s'est manifesté de Lui est une aberration et c'est oublier le premier
dans notre corps pur de toute corruption, et dans principe de notre nature.
notre volonté affranchie de tout péché. ,
L'œuvre parfaite est achevée qu:md le Créateur 1~
réalisée exactement comme Il pensait qu'elle devmt 12. - Notre contemplation s'enracine
être. Ainsi, la beauté d'une statue tro~ve sa ~rfec­ dans la prim coastute.
tion lorsque le s.::ulpteur y met la d~mlèr~ mmn. Le
premier Adam était loin d'être parfmt mms le. second •
A. - « /1 est impossible qu '/1 ne soi/
l'était en tout. Il communiqua cette per~ect1on aux
pas en nous. »
hommes, et façonna toute la race hummne en CC)Doo
formité à Lui. Comment donc le second Adam .. Pour que notre attention soit toujours fixée sur
serait-Il pas le modèle du premier? Nous Christ et pour que notre ne tiédis1e à aucun
« L E VISAGE PENC HE SUR LUI » 263
262 LA VIE E N C HRIST

B . - Comment nous prions ou la


moment, invoquons-Le en tout temps! Qu'Il soi~
l'objet de nos méditations ! Il ne nous est demande
« Prière de Jésus » .
aucune forme particulière de prière. Pour L'invoquer: C onsidérons aussi comment nous prions. Nous ne
point n ' est besoin d'un lieu spécial, ni de. grandes demandons pas ce que des amis demandent et reçoi-
vociférations. Il n ' est absent d'aucun endrOit. Il est vent. Nous prions plutôt de nous pardonner, comme
impossible qu'Il ne soit pas en nous. Pour ceux qui des êtres sujets à la condamnation, comme des escla-
Le cherchent, Il est en eux, plus intimement que leur ves, rebelles à leur maître. Nous ne nous adressons
propre coeur. . pas au Maître pour qu'Il nous couronne ou nous
Ainsi, nous croyons fermement que n~s pnères accorde quelque autre faveur, mais pour qu'Il ait pitié
seront exaucées. Nous ne devons pas en douter mal- de nous. Qui donc doit demander le pardon et la
gré notre péché. Soyons pleins de courage, car Celui miséricorde, la rémission de nos péchés et d'autres
que nous invoquons est bon pour les ingrats et. les grâces à l'Ami des hommes, et après cette demande
méchants" . Bien loin de Lui d'oublier les supplica- ne pas repartir les mains vides ? Qui donc, sinon nous
tions de Ses serviteurs qui L'ont offensé, avant même qui sommes endettés? En effet, ce ne sont pas les
que nous Le priions, et alors que nous ne faisions gens bien portants qui ont besoin de médecin, mais
aucun cas de Lui, Il est descendu sur terre en per- les malades" . Lorsque nous élevons nos voix vers
sonne . Il nous a, le premier, appelés en nous disant : Dieu, c'est pour implorer Sa miséricorde. C'est donc
Je ne' suis pas venu appeler les justes, ' mais les ceux dont les acti<>ns ont besoin de pitié, nous autres
p écheurs " . . . pécheurs, qui faisons ainsi entendre notre voix.
Comment Celui qui a cherché ceux qUi ne le déSI- Nous invoquons Dieu par notre voix, notre esprit
raient pas traiterait-li ceux qui font appel à Lui? S'Il et nos pensées, afin qu'à tout ce par quoi nous
nous a aimés quand nous Le haïssions, comment nous péchons, nous appliquions l'unique remède salvifique :
rejetterait-Il, si nous L'aimons? Paul nous l'explique: il n'y a pas sous le ciel d'autre nom donné aux hom-
Si, étant ennemis, nous fûmes réconciliés à Dieu par mes, par lequel il nous faille ~tre sauvés" .
la mort de son Fils, combien plus, une fois réconcl-
. B
liés, serons-nous sauvés par sa Vie •
264 LA VIE EN CHRIST « LE VISAGE PENCHÉ SUR LUI» 265

13. - Les bienfaits de la communion faut rechercher Celui qui a porté nos souffrances et
fréquente. nos douleurs {...] écrasé à cause de nos crimes".
Le sang de Christ veille aux portes de nos sens. Il
56
ne laisse rien s'infiltrer qui puisse nous faire du mal.
Le vrai pain qui fortifie le cœur de l'homme , Bien plus, comme un sceau sur nos portes, il écarte
Celui qui est descendu du ciel pour donner la vie au l'exterminateur " . Il transforme le cœur dans lequel
monde" nous comble en toutes circonstances. Il Il est versé en un temple de Dieu et Il est plus effi-
intensifie notre ardeur et extirpe la mollesse qui épuise cace que les murs de Salomon, qui sont un modèle
notre âme. Nous devons Le chercher, constamment, de ce sang; car Il empêche toute idole, l'abomina-
afin de nous en nourrir. Matons notre faim en fré- tion de la désolation dans le lieu saint"', de s'y ins-
quentant assidûment ce repas ! Ne nous abstenons pas taller. Il renforce notre volonté avec un esprit
trop aisément de cette Table sainte. Nous affaibli- ferme " , comme dit David. Il y soumet la chair en
rions, alors, notre âme sous prétexte que nous ne_ sorte que l'homme peut enfin Jouir d'un calme
sommes pas dignes de ce mystère. Au contraire, nous profond ...
devons avoir recours aux prêtres pour confesser nos
péchés et goûter ce sang purificateur!
Connaissant tout cela, n'encourons pas la culpabi-
lité qu'entraîneraient de graves offenses, nous privant Notes
ainsi de la Table sainte! Il serait téméraire de
, . .
s'approcher des dons sacres apres aVOir commis un
.
1. SAINT JEAN DE LA CROIX, Œuvres complèt~s" t. IV, Lil
péché qui conduit à la mort. En revanche, ceux qui Nuit obscure, Éd. du Cerf, sirophe 8, p. 121.
ne sont pas aussi malades n'ont pas à s'éloigner de 2. Jn 15, 6. 3. Le 6, 45. 4. Ac 4, 32.
ce pain. Ceux dont la volonté guerroie contre les 5. Ps 119, 16, 61. 6. Voir Rm 2, 4; Ep 2, 7; 1 P 2. 3.
flammes doivent faire attention au feu et ne pas rece- 7. Ph 2, 7. 8. Ap 3, 20. 9. Is 49, 15.
voir Christ en eux, tant qu'ils ne se sont pas récon- 10. Rm 8, 38-39. II. Ph 2, 10. 12. MI 24, 30.
ciliés avec Lui. Pour ceux dont la volonté est bien 13. Rm 8, 17. 14. 2 Tm 2, 12. IS. He 2, 9.
16. Is 58, 9. 17. On 3, 8. 18. Gn 4, 9.
disposée, mais qui sont faibles sous d'autres aspects,
19. MI 7, 20. 20. Ps 39, 4. 21. Ps l, 1·2.
ils ont besoin de cette médecine fortifiante: qu'ils 22. Rrn 8, 38. /' 23. Ac 2, 3. 24. Ac 7, 51.
s'approchent de Celui qui tonifie la santé spirituelle t 25. Rm 12, 3. ' 26. ln l, 14. 27. ln 5, 22.
Au lieu de fuir Celui qui guérira leur maladie, il leur 28. Mt li, 29. 29. Pb 2, 6-7. 30. He 12, 2.
266 LA VIE EN CHRIST

31. Mt 9, 34. 32. Le 23, 34. 33. Jn 21, 16.


34. 1 Co 13, 3. 35. Mt Il, 29. 36. He 5, 7.
37. Le 23, 27. 38. Is 53, 2-3. 39. Le l, 78. LIVRE VlI
40. Mt 18, 33. 41. Le 6, 36. 42. Ep 2, 14.
43. He 12, 14; Rm 14, 19. 44. 1 P 2, 22.
45. Gn 3, 6. 46. 1 Co 6, 19-20.
49. Ph 2, 8.
« TU M'APPRENDRAS
47. Rm 8, 3. 48. 2 Co 5, 4.
50. Jn 15, 10. 51. Le 6, 35. 52. Mt 9, 13. LE CHEMIN DE VIE,
53. Rm 5, 10. 54. Mt 9, 12. 55.
58.
Ae 4, 12.
Is 53, 4.
DEVANT T A FACE PLÉNITUDE
56. Ps 104, 15. 57. Jn 6, 32-33 .
59. Ex 12, 13. 60. Mt 24, 15. 61. Ps 51, 12. DE JOIE' »

Aimer Dieu, c'est accorder notre volonté


à la Sienne à l'exemple de Christ

L - La transformation de notre
• volonté .

A. « L'efficacité simultanée de la
grâce et de nos efforts. »
• Nous avons déjà dit ce que devient le nou· ..! bap-
tisé et quel chemin il doit suivre pour co.lserver la
grâce qu'il a ainsi reçue. Il nous faut examiner main-
tenant ce que son effort, joint à la grâce de Dieu.
transforme en lui.
Dans les livres précédents, nous avons considéré la
grâce qui sourd des et l'ardeur de ceux
268 _. LA VIE EN CHRIST « TU M'APPRENDRAS LE CHEMIN DE VlE ..... 269

qui bénéficient de ce don: ces deux éléments concen- prouesses. Rien . ne leur est impossible d' ,.
. es qu Ils en
trent la vie en nous. Il nous reste maintenant à con- appeIl ent à Ch flSt : Ils sont exaucés non à
- .. d'" cause de
templer cette vie qui a pris 'consistance en nous. 1eu~ m~mere agir, mais pour que soit glorifié Cl'
- Quelle est l'efficacité simultanée de la grâce et de qu 'Ils Invoquent. e UI
notre ferveur ? 'Comment l'effort humain apporte-t- ~our nous conduire à la vertu, il faut donc à la
il sa contribution à la grâce? fOIS, les sacrements et les efforts humains Co
. ' d " . mment
Dès lors, examinons comment la persol).ne est régie acquenr es pouvous muaculeux ? Personne s" 1
· t f-'I
1Igen l" . , 1 mte-
par ces deux aspects. -Pour parler de la santé et de , , ut -1. ,ne
. a JamaIS découvert ! Bien plus, ceux
ses avantages, comment mieux illustrer notre propos qUI n en JOUIssent pas ne les désirent pas et ne les
qu'en montrant un être en bonne santé? Plaçons recherchent en aucun cas. Possédant ces dons il t
devant nos yeux quelqu'un qui vit de Christ. Consi- préférable de ne pas nous en réjouir! On iit ~,
dérons cet homme sous tous ses aspects : nous cons- effet: Ne vous. réj~~iss.ez pas de ce que les es~ri:;
taterons sa robuste constitution et sa beauté. vous sont soumIS; reJouISSez-vous de ce que vos noms
Ne tenons pas compte de ses talents accessoires: se trouvent inscrits dans les cieux'.
que cet homme, par exemple, soit célèbre par ses Puisque ces pouvoirs ne produisent pas la vertu et
miracles ou quelque autre don. N'examinons que lui n'en indiquent pas la présence, ne peinons pas à leur
seul, sa beauté: ce qui fait sa force d'âme. En nous recherche. Quelqu'un a-t-il des visions et des révéla-
en tenant à ses talents, nous pouvons supposer que tions et sait-il tous les mystères ' , nous ne l'admirons
cet homme est vertueux. Mais ses talents ne sont pas pas et ne lui prêtons pas attention pour autant. Il est
une preuve de sa valeur personnelle et pour connaî- v~ai que de tels dons accompagnent parfois ceux qui
tre quelqu'un, il faut mettre à l'épreuve sa conduite. vI~ent en Christ, mais ils ne constituent ni ne pro-
Pourquoi se perdre en hypothèses ou opérer par dUIsent cette vie ct ces dons pris isolément ne font
déductions quand il est aisé de juger les faits , eux- pas avancer sur le de la Paul l'écrit aux
mêmes ? Ces talents, en effet, ne sont pas une preuve Corinthiens : Quolld j'flfUflis le- dOil de prophétie et
suffisante de vertu. Tous les justes ne jouissent pas que je connaitrais tous les m]$lh'er et toute la science
de ces dons et ceux qui en disposent ne sont pas [...) si je n'ai pas la cluuitl. je Ife "'" rien. Je ne
des justes.
suis plus qu'a.irai" QIl; GIll qui re-
tentit'. 1
.
Beaucoup d'hommes ont fait des merveilles
Dieu, sans bénéficier de dons particuliers. En
che, parmi les mauvais, certains ont parfois fait
270 L'A VIE EN CHRIST « TU M'APPRENDRAS LE CHEMIN DE V 271
lE .....
B. - « Voyons maintenant ce qui portements. Toutes ces vertus ne Sont-elles as
concerne la volonté. » œuvres de la volonté? p des
Voyons maintenant ce qui concerne la volonté. En
elle, prennent consistance la bonté ou la malice de c. - « L'amour découle de la
l'homme, sà santé véritable ou sa maladie; en volonté. »
somme, sa vie ou sa mort. La vie bienheureuse
C'est le propre de bonnes volontés que d'acqu' _
requiert que notre volonté soit bonne et qu'elle se
cer à la droite doctrine et de croire aux vérités les
polarise sur Dieu seul. _ . C D' fi sur
Dieu. ar leu af Irme que la Loi tout entière e t
L'efficacité des mystères et le travail des hommes
établie en vue de l'amour et l'amour découle de ~a
tendent à ce que notre volonté appartiennent unique- volonté ...
ment au vrai bien. La sollicitude de Dieu n'a d'autre On peut alors se demander: quelle efficacité ont
but à l'égard du genre humain. C'est en ce sens que en nous les sacrements ? Ils nous préparent pour la
vom Ses promesses de bienfaits et Ses menaces de vie future. Paul nous le dit, ils sont les forces du
mal. C'est pour cela que Dieu a créé pour nous le monde à venir' . Comment y sommes-nous prépa-
monde et qu'II a prescrit Ses lois. Il nous comble de rés? Par notre fidélité aux commandements de Celui
bienfaits par milliers. Nous détournant du mal par Qui couronne et châtie, dans l'au-delà.
de multiples sanctions, Il nous attire vers Lui et nous Cette fidélité nous assure la présence de Dieu en
persuade de ne désirer et de n'aimer que Lui. N'est- nous. Si quelqu'un m'aime, dit Christ, il gardera ma
il pas évident qu'Il nous a gratifiés de bienfaits? En parole el mon P~re l'aimera, el nous viendrons à Lui,
.
retour , Il ne nous demande que de vouloir le bien el nous ferons chez lui nOIre demeure'.
et d'avoir un jugement honnête. L'observation des lois ~peJid de notre volonté. Des
Nous vérifions cela en tous Ses commandements et récompenses existent pour qui obéissent au légis-
Ses conseils. En somme, toute parole venant de Lui lateur et des sanctions pour ceux qui Le méprisent.
vise à notre bien et y exhorte : Christ fait périr Ces modes d'agir relèvent de la volonté, car il revient
rice et punit les désirs corporels. Il réprime la à l'âme d'assumer ses • tous égards
et réprouve la rancune. Il demande la droiture et et personne ne peut etre courooué ou pour des
douceur de notre volonté. Christ appelle actes cIonc la volOllté de
ceux qui pratiquent la pauvreté d'esprit, le celui qui vit selon Dieu. Noua que la vie
la miséricorde, la douceur et chacun des autres bienheureuse y brille avec 6clat.


272 LA VIE EN CHRIST
« TU M'APPRENDRAS LE CHEMIN
DE VIE ... " 273
2. - De l'affliction selon Christ.
bien. En termes de temps la J'ol'e .
, VIent après 1
leur, car nous lisons: Évite le mal et fais a do~-
A. - « Il est raisonnable que nous
Nous venons de parler de la do 1 le bIen.
commencions p ar là notre exposé. » u eur selon Di
- Pour mesurer la volonté dans toute sa force,
Nous avons vu les éléments qui peuve t eu.
à l' affliction. Mais ces considérations n , nous P<'rter
'à . n avalent trau
examinons-la en sa plénitude, comme on juge de la qu certams aspects et n'embrassaient P d '
toute l 'é d d
ten ue e la douleur. Nous d as, e ce fau '
force d'un corps en sa maturité.
'd ' O' evons donc
La plénitude de la volonté s'établit entre le plaisir al es par leu, observer ce qui provOQue l' ffl' . '
h l 'h ' a Ictlon
et la douleur. Le plaisir, quand la volonté atteint le c ez omme de fOi. De quoi doit-on s'affliger?
but qu'elle désire. La douleur, quand elle s'en Quelle douleur devons-nous louer et quelle d 1
bi -
amer. ? ou eur
détourne. De l'attitude prise, on peut déduire la per-
sonnalité ou le caractère de chacun. Et c'est ainsi
qu'on distingue les bons des méchants. B. - « Ce dont il convient
Le genre humain présente, en fait, deux aspects: de s'affliger. »
les bons trouvent leurs délices dans le bien. Et les
Celui qui vit en Christ s'afflige de ce qui normale-
méchants jouissent de choses vaines et honteuses. Les
ment amène à s'affliger et comme on doit le faire
bons s'affligent de ce qui est réellement mal. Les
en discernant ce dont on doit souffrir et comment:
méchants sont contrariés par tout ce qui leur paraît La douleur ou la tristesse naissent de la haine, qui
désagréable. C'est là qu'est la différence entre la elle-même a son origine dans le mal. En général, nous
, bonté et la méchanceté, la vie heureuse et la moro- évitons ce qui nous paraît être mauvais. Nous souf-
sité, la prospérité et l'adversité. frons de ce que nous détestons et qui nous déplaît.
Pour ceux que préoccupe la vie bienheureuse,
, n'est-
. En conséquence, celui qui vit dans la droiture et la
il pas possible, par là, d'apprendre ce qu e~t cette VIe vraie sagesse, connaît d'abord ce qui est réellement
et en quoi consiste son bonheur? Le c~a.gn~ préc~~ mauvais. Il perçoit ce qu'il faut détester et ce dont
la joie, puisqu'elle en est le fruit (car 1 Ecn~ure dit. il convient de s'affliger.
Heureux les affligés, car ils seront consolés). Com, Voyons ce qui est réellement un mal pour l'homme.
mençons par là notre exposé ! Souff~r d~ Un nombre incalculable de choses, de loutes sortes.
chose pour une juste raison, c'est déjà fUir le Sont dites mauvaises: i. sont un mal pour tous
La joie qui en découle nous fait progresser vers les hommes et n'en inquiètent que quelque -
274 LA VIE EN CHRIST « TU M 'APPRENDRAS LE CHEMIN D
E VIE ... » 275
uns. Mais rien n'est comparable à la malice de l'âme à travers tous les événements de la .
et à la corruption de la volonté. pé .é 1 d' VIe, malheur ou
pros nt , ma a le ou bonne santé épre
Les influences destructrices des étoiles, les déso r- 1 . d ' Uves ou joies
le ma est ce qUI étourne du droit che ' La . :
dres des saisons, la stérili té de certains sols, les érup- .
appartient à ceux qUI' persévèrent dansmm. le . vénte
tions des volcans, les tremblements de terre, les diver- devoir. sentIer du
ses formes de peste, de même que la misère et la La perversion de la raison c'est le
maladie, la violence, les emprisonnements ou les celle de la volonté, le mal. ' mensonge et
coups: chacun de ces maux est mauvais par lui-même À quelles preuves authentiques pouvo _ .
mai s aucun ne l'est pour l'homme dans le contexte .
tinguer l' a berratlon
. de chacune ? ns nous dIS-
de notre discussion. Ces maux le frappent extérieu- Parmi les no~breuses possibilités, la preuve la plus
rement et affectent son corps et ses biens. Le corps patente est le Jugement de Dieu Lui-m' C .
ne constitue pas tout l' homme et s'i) est malade, il LUI· P lait,
' ff eme. e qUI
en e et, est bon et vrai. Ce qu'II ré r
n' est pas attein t tout entier. Car, quand on lui enlève est vil et faux. p ouve
ce qui ne sert qu 'à son corps, l'homme n'est pas La vérité est ce que Dieu veut apprendre aux hom-
blessé dans toute son humanité. Ce n'est pas, non mes; et la. bonté ce qu'II nous ordonne de vouloir.
plus; l'opinion des autres, qui rend un homme plus T.out ce qUI est contraire à cela est trompeur et per-
ou moins mauvais : les jugements peuvent être con- niCIeux. Certains oracles divins sont parvenus au
tradictoires. Si l'on agissait suivant l'opinion de l'un monde ~ar des hommes, pour quelques autres c'est
ou de l'autre, le même homme pourrait, à la fois, DIeu LUI-même qui devint le messager: Il s'est ~evêtu
agir bien ou mal, être juste ou pervers, bienheureux de notre nature et, homme, Il nous fit connaître Son
ou misérable! , me~sage en usant d'une voix humaine. Qu'y a-t-il de
, meilleur et de plus vrai que les préceptes et les ensei-
c. - Si nous voulons comprendre ce gnements dont Dieu Lui-même est le législateur et le
Qui doit nous attrister... il n'est Qu'à po~e-parole, puisque Lui seul est la bonté et la vérité.
prendre le contre-pied des lois de Dieu. SI nous voulons comprendre ce qui doit attrister
tout homme digne de ce nom, car sa nature serait
La volonté et la raison sont propres à l'homme et ~sée, il n'y a qu'à prendre le contre-pied des lois de
aucun être, ici-bas, ne les possède en commun avee leu. Ce qui est vraiment mal s'oppose en effet à
Lui. Nous avons là les deux facteurs qui donnent la volonté de Dieu.
naissance tout aussi bien à la malice qu'à la vertu; Ce mal doit être objet de haine pour qui se soucie
,
1

276 . ___ -LA VIE EN CHRIST « TU M' APPRENDRAS LE CHEM"N


1 DE VIE ... » 277

du bien. Ceux qui détestent le mal souhaitent s'en L'intérêt


" nous pousse à commettr 1
e e péché No
préserver quand il est absent et en souffrent quand sou h altons obtemr quelque plaisir en f . . us
il est là. Le mal, par sa présence, afflige les bons, bonne santé de notre âme. Cenes' no al sant fi de la
' h' .0 ,us ne cherchons
soit qu ' il demeure en eux (tant qu'ils n'ont pas pas le pec e p~ur IUl-meme, car il est l'esclava
renoncé à sa cause), soit qu'il se love en d'autres. Les notre ame et 1 aveuglement de notre " ge de
d espnt . MaIS
bons souhaitent Je bien à tous les hommes; ils riva- quan nous p~enons c?nscience de nos péchés pou;
lisent ainsi avec l'amoureuse bienveillance de Dieu et noéus .en repelntlr 'lnouls ~~ro~vons de l'affliction. Nous
ils désirent voir Sa gloire resplendi, partout. m Pb TISons a ors e p ~ISlT tIré de ces péchés et nous
Ainsi, pour ceux qui vivent en Christ, il n'y a que corn . attons
. une passion par son contraire. Nous en
le péché qui soit détestable car il est le mal alors que a d mlmstrons
, la preuve
. en rejetant ce que nous aVIOns
.
no us aspirons au bien. Le péché est aussi contraire accepte et en accueillant_ ce que nou'• avons rejet. é.
aux lois et à la volonté de Dieu , Lui à qui nous nous Notre
, douleur devient alors la rançon pour nos
efforçons de nous unir . Le bon sens nous convie à pechés , dont elle nous purifie, Il n'est pas b '
, hO ' esom
ne pas nous affliger en vain. Or, quand il s'agn du d autre c atlment !
péché, la douleur et la peine ne sont pas vaines 1 Pour
nous qui vivons en Christ peu nous importe, hormis E, - « Pour le péché de noIre nuture,
le péché, de souffrir la pauvreté, la maladie et Dieu eut recours à lu souffrance .. , »
d'autres misères semblables. En effet, nous en tirons
même des fruits utiles et, du reste, nos gémissements Par la douleur, dès l'origine, Dieu vengeait Ses lois
, ne feraient pas, pour autant, cesser ces maux. ! quand elles étaient Il punissait par la tristesse
et la souffrance celui qui les avait enfreintes.
1 Dieu n'aurait pas jugé cette sanction utile si ellc
D. _ « L 'affliction est le remède à la n'avait pas ét~ la contrepartie de l'offense. Cette sanc-
maladie de l'âme. » , tion est aussi la seule qui soit capable de nous sau-
L'affliction est le remède à la maladie de l'âme. ver de la condamnation. C'est ce moyen qu' Il utilise
Elle prévient le mal à venir, détruit le mal prés.ent Lui-même contre le péché en S'incarnant. Il a recours
et nous délie du châtiment dû à nos mauvlllsei à la douleur pour le péché de notre nature.
actions. C ' est pour cette raison, me semble-t-il, que Quelle futilité préjudiciable pour nous, quand nous
la faculté d'endurer la douleur nous a été donnée dès nous aflligeons sur ce qui conœme notre COI ps ! C'est
alors préférer quelque chose à Dieu.
l'origine.
_. - LA VIE EN CHRIST « TU M'APPRENDRAS LE CHEMIN DE VlE ... 27~,
276 »)

du bien. Ceux qui détestent le mal souhaitent s' en L ' intérêt nous pousse à commettre le pé h ' N
. b ' 1 c e. ous
préserver quand il est absent et en souffrent quand sou h altons 0 teOlr que• que plaisir ,~
en f~;sa nt fi1 dela
il est là. Le mal , par sa présence, afflige les bons, bonne santé de notre ame. Certes, nous ne h h
pas l e pec
'hé 1 ' · c
pour U1-meme, car il est l'escla
erc ons
d
soit qu 'il demeuïe en eux (tant qu ' ils n' ont pas • l' 1 vage e
renoncé à sa cause), soit qu' il se love en d'autres. Les notre ame et aveug ement. de notre esprit! M aIS, .
bons souhaitent ie bien à touS les hommes; ils riva- quan d nous p~enons conscIence de nos péchés pour
lisent ainsi avec l' amoureuse bienveillance de Dieu et nous en repentir, nous éprouvons de l'affliction N
ils désirent voir Sa gloire resplendir partout. méprisons alors le pl:usir tiré de ces péchés e~ n~:
Ainsi, pour ceux qui vivent en Christ, il n'y a que combattons une passIOn par son contraire. No
·· 1 usm
le péché qui soit détestable car il est le mal alors q~e a d ffilOIstrons a preuve en rejetant ce que nous avions
nous aspirons au bien. Le péché est aussi contraIre accepté et en accueillant ce que nous avons rejeté
aux lois et à la volonté de Dieu, Lui à qui nous nous Notre douleur devient alors la rançon pour no~
efforçons de nous unir. Le bon sens nous convje à péchés, dont elle nous purifie. Il n'est pas besoin
ne pas nous affliger en vain. Or, quand il s'agit du d'autre châtiment!
péché, la douleur et la peine ne sont pas vaines ! Po~r
nous qui vivons en Christ peu nous importe, hormIS E. « Pour le péché de notre nature,
le péché, de souffrir la pauvreté, la maladi.e et Dieu eut recours à la souffrance ... »
d'autres misères semblables. En effet, nous en tirons
même des fruits utiles et, du reste, nos gémissements Par la douleur, dès l'origine, Dieu vengeait Ses lois
ne feraient pas, pour autant, cesser ces maux 1 quand elles étaient violées. Il punissait par la tristesse
et la souffrance celui qui les avait enfreintes,
Dieu n'aurait pas jugé cette sanction utile si elle
D. - « L'affliction est le remède à la n'avait pas été la contrepartie de l'offmse. Cette sanc-
maladie de l'âme. » tion est aussi la seule qui soit capable de nous sau-

L'affliction est le remède à la maladie de l'âme. ver de la condamnation. C'est ce moyen qu'Il utilise
Elle prévient le mal à venir, détruit le mal présent Lui-même contre le en S'incarnant. Il a recours

et nous délie du châtiment dû à nos mauvaIses à la douleur pour le péché de notre nature .
actions. C'est pour cette raison, me semble-t-il, que Quelle (utilité préjudiciable pour nous, quand nous
la faculté d'endurer la douleur nous a été donnée dà nous affligeons sur ce qui concane n~ ! C'est
l'origine. alors préférer quelque chose à Dieu.
-
278 LA VIE EN CHRIST « T U M'APPRENDRAS LE CHEMIN DE v
lE ... » 279
Le dernier degré d'une telle perversité est la fo lie F. - « Les hommes de foi s'attaquent
de Judas qui vend son Dieu et Sauveur pour une à la racine du mal, dès le début. })
somme d'argent insignifi'a nte. Le commencement et
le germe cie ce crime est dans l' oubli de Dieu et dans Les hommes de foi sont en évPjJ et il '
. d ' - s s attaquent
l'exclusion de toute amitié avec Lui , en aimant quel- à la racine u mal des le début. Ils garde t 1
D " n eur cœur
que autre chose. Q uand cette passion se déchaîne et pour leu seul, LUI consacrant leur espr't
• 1 comme un
q ue l'oubli de Dieu nous envahit l'âme, notre amour sanctuaIre. Ils savent qu'il n'est pas permis à .
pour Lui s'étiole. Ce qui est contraire à Dieu s' accroît d , approc h er d es e' d'f'
lIces consacrés, et qu'il certains
t '
· d
d It . , es Inter-
alors de plus en plus en notre souvenir. Quand e se servIr a une autre fin des vases et d •
. 0 . es vete-
l' amour s'éteint , viennent immédiatement l'abandon ments sacres. r, II n'est rien de plus sacré '
• . à D' qu une
de Ses commandements et la violation de Ses lois. Il ame consacree leu. Aussi, plus que toute
" . autre,
le dit Lui-même: Si vous m 'aimez, vous garderez mes e Il e d Olt etre Inaccessible aux vendeurs et achet
commandements' . Il n'est pas étonnant qu'ils ~rahis­
on d ",
. Olt ecarter d elle les tables des changeurs de
eurs,
sent l' enseignement de la foi, ceux qui foult nt aux monnaIe et tout commerce, Si telle doit être la mai-
pieds les lois de Dieu et se livrent à pareilles audaces! son de prière, que dire de celui qui prie, pour lequel
Paul nous le confirme: Pour avoir dévié de cette il faut purifier ce lieu de toutes clameurs?
ligne, certains se sont fourvoyés; {...] pour s'en être .1 0
Pourtant, le nom de « maison de prière» ne
affranchis, certains ont fait naufrage dans la fOI . s'appliquait pas toujours à l'ancien temple. Ce n'était
Car la foi est morte si nos œuvres ne s'y conforment pas toujours une maison de prière, car les adorateurs
pas : Si elle n 'a pas les œuvres, elle [la foi] est tout en étaient parfois absents, Le mot d'ordre de Paul
à fait morte" . Aussi ne nous étonnons pas, que la aux chrétiens, c'est de s'appliquer à vivre constam-
foi périsse si aisément. ment en la présence de Dieu, de prier sans cesse" .. ,
Trois motifs nous inspirent le respect de Dieu: la La Loi mçsaïque avait rendu le sacrilège passible de
crainte des châtiments qui attendent les impies ; la bonne mort. C'est pourquoi le saint des saints devait être isolé
espérance de ceux qui vivent dans la piété; enfin par un voile, UZ7~ mourut quand il voulut retenir d'une
l'amour pour Dieu et pour le bien. Mais aucun de ces main impure l'arche chancelante 13, Ozias, pour avoir
motifs ne touche l'âme de ceux qui ont décidé de violer prévariqué contre Yahvé son Dieu [., ,] fut affligé de la
les lois de Dieu. La piété envers Lui grandit en ceux dont lèpre -jusqu'au jour de sa mort", De multiples exem-
la vie se conforme à Ses lois et elle s'assèche peu à peu ples semblables établissent que l'âme baptisée est invio-
en ceux qui négligent Ses commandements ... lable, car elle est le vrai temple de Dieu,
__ 4' _

280 LA VIE EN CHRIST « TU M'APPRENDRAS LE CHEMIN


DE VIE ... » 281

G. « Invités par un appel incessant matérieUes, que dire de ceux qui s'en fru
de la grâce ... »
attitude soustrait notre âme de sa P:é gent? ~te
sence à Dieu
EII e , som b re d ans, les ténèbres et s' aveug1e même•
Il est donc de la première importance pour nous comp letement, en , s.acheminant ains'I vers toutes sor-
qui vivons en Christ, d'être libres de tous soucis . tes d e c.h utes. L espnt envahi par l'inqu'ét d .
lueestpns
Même si que1que chose nous semble utile et occupe de verttges et, bouleversé, il se trouve en t ès
notre volonté, cela ne doit pas nuire à notre déter- . . t d . r mau-
vais eta e.t se con Ult de façon lamentable. Il aban-
mination : tout comme Pierre, en entendant l'appel donne facilement son énergie, sa dignité, ses qualités
du Sauveur, laissa ce qu'il faisait " . naturelles. Il . est comme . quelqu'un ,~uparun
v';nc
Tous ceux qui vivent en Christ sont ainsi invités long assoupissement, qUi laisse tomber ce que t .
. Il li enruent
- par un appel incessant de la grâce. Cette grâce qui ses ~ams." .se vre facilement alors à la passion qu'il
marque son empreinte en nous par les sacrements. devait ~altnser, comme s'il s'en faisait l'esclave.
Cette grâce qui est, dit Paul, l'Esprit du Fils ~ Dieu Plus nen ne défend l'âme contre la mort, tant elle
dans nos cœurs, qui crie: Abba, Père" ! 1 a reçu de coups: Ils sont nombreux, dit David, les
Alors; les fidèles méprisent tout afin de pouvoir tyrans qui me harcèlent; nombreux, les assaillants sur
019 ,
constamment suivre Christ. Il est dit dans les Actes: mOL , et personne n y peut rien. Voilà pourquoi

JI ne sied pas que nous délaissions la parole de Dieu Paul déclare: La tristesse du monde produit la
pour servir aux tables • Ils agis.sent ain~i car, pour
I7 mort J.O . Ceux qui veulent la survie de leur âme pen-
eux rien n'a primauté sur le seIVIce de Dieu. Us espè- sent à tout cela. Non contents de fuir la douleur, ils
ren; aussi trouver tout ce qu'ils désirent en Dieu, qui tiennent aussi le mal à distance, en bannissant toute
est le dispensateur de tous les biens. Ceux q\li cher: inquiétude.
Un gran<\ nombre d'hommes fervents ont à s'occu-
citent avant tout le royaume de Dieu ont reçu de LUI
per de multiples affaires. Ils sont, en effet, respon-
qui ne peut tromper cette promesse: to,ut cela sera
sables de villes et de domaines. Malgré cela, ils n'ont
donné par surcrOl"(" .. , ' pas sombré dans des tracas angoissants. Leur esprit
n'a pas abandonné sa paix.
H. Tenir le mal à distance ... Quand nous sommes incellains d'obtenir ce que •

«en bannissant toute angoissante nous désirons, noUi inquiets, angOisse


absurde s'empare alors de nous au sujcC • ce que
inquiétude ».
nous voulons obtenir ct des moyens à i pour
S'il est préjudiciable de se tracasser de ces chosel
r-
282 LA VIE EN CHRIST
« TU M'APPRENDRAS LE CHEM
IN DE VIE" , » 283
y réussir. Ce qui suscite l'inquiétude, et rend nerveuse Parmi ceux qui s'inquiètent il 1
l'.âme, c'est la tendresse pour ce que nous cherchons as~!re~t à l',opulence. Ils che;che~t à es pauvres qui
et l'incertitude pour ce qui est de parvenir à notre qu il n est necessaire pour vivre Il pos~éder plus
but. ' . . Ya aUSSI les ri h
qUI se soucient plus de l'argent d c es
Nous sommes sans préoccupation et sans source chose. Lorsqu'ils ont obtenu l'ob~uted eltoute autre
d'inquiétude, tant que nous ne savons rien des objets . '1 Je e eur Con .
tIse, 1 s ont peur de le perdre. De l '1 . VOI-
de nos désirs ou .9!le nous voyons la possibilité de de le depenser,
" pus, 1 s cr8lgnent
meme pour ce qui est nécessai
les réaliser. - vie. re à leur
Il n'y a pas de place, en nous, pour l'angoisse ou Leur égoïsme est tel et atteint un tel degré d' b
l'appréhension si, cherchant ce que nous aimons, nous d't' '1 1 , , ,
I e qu 1 s aimeraient mIeux laisser leur trés . a sur-
sommes sûrs de ne pas pouvoir l'obtenir. ductif. or Impro-
Dans ce cas, ne faisons place ni aux préoccupations Ils préféreraient le garder toujours bien f é
ni à la crainte. Nous entrerions alors dans ce qui fait 1 Ct d l" en erm
p u 0 que e Investir, Ils agissent ainsi parce qu'l
l'inquiétude. Ce qu'on ressent est pourtant de la dou- o~t p~ur de dépenser inutilement. Ils sont incapabl~:
leur, comme si le mal était présent. d aVOIr confiance dans le résultat de leurs labe
, "}" urs,
parce qu 1 s n ont pas mis leur espoir dans la main
, ferme et sûre de Dieu. Ils comptent seulement sur
J. - « Rien de ce qui engendre eux -.mêmes, leurs jugements et leurs actions. Comme
l'angoisse ne trouble l'âme de ceux qui le dit Salomon : les pensées des mortels sont timidf's
vivent en Christ. » et nos desseins instables".
Rien de ce qui engendre l'angoisse ne trouble l'âme
de ceux qui vivent en Christ. Us sont libérés des J. - « Ceux qui s'en remettent
inconvénients qui naissent de leur inquiétude. Ils ne entièrement
, . au Sauveur
se soucient pas des biens présents. Dans le travail a qUI tout est possible. » -
qu'ils accomplissent pour vivre, ils connaissent le but Ceux qui détestent les plaisirs et méprisent ce qui
de leurs occupations. Ils prient pour que leurs tra- est visible, ~e servent des lOIs de Dieu comme d'une
vaux plaisent à Dieu. Ils savent bien que ce q~'ils lampe. Elle .éclaire les efforts qu'iIJ font pour eux-
demandent dans leurs prières leur sera aussitôt mêmes et pour les P01ItW qu'ils avec
accordé. l'espérance qu'ils ont en Lui ttl'.nnce qu'ils rece-
284 LA VIE EN CHRIST « TU M'APPRENDRAS LE CHEMIN
- DE VIE ... » 285
vront ce qui leur sera utile, auraient-ils Ulle raison K. - « Les meilleurs ne sont ils pas
d'angoisse ou d ' inquiétude? Pourquoi souffriraient- ceux en qui l'amour pour Dieu avive
ils d 'insomnie pour des choses qu'ils savent déjà le repentir? »
acquises, puisqu ' ils ne cherchent pas simplement le
résultat de leurs efforts mais ce qui leur sera utile? Nous ve?ons de traiter ce qui concerne l'afflic .
Ils ne s'inquiètent pas, même s'ils tardent à l'obte- de ceux qUI veulent vivre en Christ No ail tlon
, . . us ons expo-
nir. Ils savent très bien que leurs prières seront exau- ser comment et à 1 aide de quoi cette dé h
possible. marc e est
cées. Ce qui leur arrive leur semble être le plus avan-
tageux et ce qui correspond le mieux aux intentions Ce ne sont pas, pour tous , les me"mes raJsons. qUI .
pour lesquelles ils avaient prié. Tels sont ces voya- rendent
, . douloureux
'. le péché . Cert·: 1
~ns p eurent
geurs qui, ayant trouvé un guide capable de les con- d orgueil, car Ils aVaJent une très haute opinion d' _
duire sans dommage à destination, n'ont peur ni de mêmes et ce qu'ils réalisent contredit leurs espé:-
s'égarer ni de manquer de toit pour la nuit. Ceux qui ces. ~a perte ~e leurs récompenses est, pour d'autres,
s'en remettent entièrement au Sauveur, à qui tout est ce qUI les afflige. La plupart craignent le châtiment
possible, abandonnent tout souci pour eux-mêmes. À Les meilleurs, dans leur amour pour le légiSlateur, n~
Lui seul, ils ont confié leur existence et leurs soucis. Supportent pas la transgression de la Loi. Certains
Leur âme est donc libre de toute inquiétude. Ne se
, . les justes,
parmi . tiennent
. le premier rang: car il~
préoccupant que du seul bien, ils peuvent ne se sou- n agissent /li par crlUnte des châtiments ni par espé-
cier que de ce qui a trait au Seigneur. Ils n'éprou- rance de gains; seul les meut l'amour de Dieu.
vent ni crainte, ni inquiétude, sinon pour ce qui Lui Parmi les, pécheurs qui se frappent la poitrine à
plaît. cause de leurs péchés, les meilleurs ne sont-ils pas
Non seulement ils sont utiles pour eux, mais aussi ceux en qui l'amour pour Dieu avive le repentir 1
aux autres pour lesquels ils pleurent. En cela, on peut L'amour de Dieu Lui-mâne les stimult ! Les autres
s'émerveiller de la bonté de Dieu! Nul ne guént se tourmentent, en pour resoentir, en eux,
d'une maladie si un autre prend Tes remèdes à sa la douleur. En fait, s'ils pleurent leurs péchés, c'est
place. Mais les souffrances d'autrui peuvent obtenfr parce qu'ils s'aiment 1
le pardon pour celui qui a été condamné. - Le mouvement est • l'Iaion de Celui
qui l'impulse. Il en"", de pour le pécheur : la
douleur qui l'iIIs~ est plus ....ode que son
1 motif est nobil!, et la trajectoire d'u.... Ilè-
-286 LA VIE
,
EN CHRIST « T U M' APPRENDRAS LE CHEMI
N DE VIE" . » 287

che est celle qui va droit à la cible... mais il faut que M. - Déplorer le péché"" '( parce que
cette flèche soit lancée par des mains qui excellent notre volonté n'a pas été en
avec Dieu ». accord
dans le tir à l' arc.
Marcher droit vers Dieu '
L. _« Seule est saine la douleur qui l'amour, qui est la voie que suive~~:ar~her ~ans
prochables. Comme dit le Psalmiste' Il q~ SOnt Irré-
provient de l'Amour de Dieu. » de tout cœur" . Ils montrent ainsi' Sie cherchent
que amour on
Il ne suffit pas de savoir pourquoi et comment nous atten d de nous ! Ceux qui marchent d l '
devons nous affliger. Examinons plutôt jusqu'à quel ~héll . . ~afu/.
a vd sont ceux qUI vivent dans l'am our, ce com-
point nous devons ressentir cette douleur. On s'afflige man ement auquel se rattache toute la L .,. .
parfois de ses péchés, moins que ne le requiert leur gra- Ct ï d ' '11
O IS se epoui ent du péché, qui seul ob 01 • Aussl-
. 1
d d l" . seurclt e
vité, mais inversement, on peut s'adonner à une tristesse ~ega~ , e ame. Rien ne les empêche, même dans les
exagérée. Quelle doit être la mesure de notre douleur ? mqUletu~es, de se conformer à la droite raison et de
Quand notre corps est blessé et qu'un de nos mem- vOir" clauement quelle doit être la mesure de notre
• a ffl IctlOn.
bres est malade, comment soigne-t-on cette chair
broyée ? Parfois c'est impossible! Mais quand les La vertu humaine consiste à communier avec Dieu
soins sont possibles on constate que le membre enfle par la volonté. La malice humaine va à l'opposé.
et se déforme exagérément. Cependant, dès que la Dans le premier cas, l'homme atteint sa vraie fm.
santé revient, le corps retrouve son aspect normal. Ce Dans le second, il manque le but'.
qui manquait est ainsi régénéré, sans plus. Il en va Certains sont payés comme philosophes, ils sont
de même pour les maladies de l'âme. Douleur, afflic- vertueux, mais n'aiment pas la vertu pour elle-même.
Quand ils s'en écartent, ils ne déplorent pas ce péché
tion et larmes causées par nos offenses tendent à arra-
pour ce qu'il est. Ils s'adonnent à la vertu par désir
cher le péché et à rendre à notre âme le bien perdu.
de récompense et ils évitent le péché à cause des per-
Seule est saine la douleur qui provient de l'amour de tes qu'il entraîne. Ce n'est pas vraiment la substance
Dieu ! Seule, elle est conforme à la raison et, seule, 4u péché qu'ils détestent. Même s'ils cessent effecti-
elle connaît la juste mesure ! vement de pécher. ils ne rejettent pas le mal dans le
Ceux en qui demeure l'amour de Dieu, même s'ils
trébuchent, ne changent pas pour autant de route, • Le verbe grec peut se u.Iuire de deux flÇOllS différent ..
Leur essor n'est pas freiné et ils ne perdent pas do « p#.~ht!( », ou bien « . Je but •.
vue le but, ni le lieu à atteindre pour le repos.
)
,
-
288 LA VIE EN CHRIST « TU M'APPRENDRAS LE CHEMIN
• DE VIE",» 289

tréfonds de leur volonté. On ne peut pas, à proprement 3. - De la joie en Christ.


parler, traiter d'ennemi de l'humanité celui qui hait les
hommes méchants. L'aversion du péché, qui cause la
perte de qui le commet, n'est-ce pas la fuite du mal? A, - « Nous éprouvons d'autant plus
Le péché s'oppose à la loi de Dieu et ce n'est pas de joie que nous aimons davantage. »
fuir le nfal que de craindre la sanction qu'il entraîne.
S'il était possible de pécher sans risques, ces hommes Ce qu'on aime cause notre joie, qu'on le po sèd
ne fuiraient pas le mal. '
presen t emen t ou qu 'onl " espere Nous nous ré's , e
, . JOUIS-
Ceux que l'amour po.ur Dieu incite à mener une s~ns, comme dit, Paul, avec la joie de l'espérance" ,
vie de sagesse, honorent la Loi en aimant le législa- L amour et la ,JOIe semblent avoir le même but. Nous
, ,
teur. Offensent-ils Dieu, ils se condamnent et se blâ- pUisons notre Jole en nous quand nous aimons nous
ment eux-mêmes pour le péché commis. Ils pleurent . . . '
trouvons aussI notre JOie dans les autres, à cause de
non parce qu'ils sont privés des récompenses dues à "
nous-memes,
, la vertu, mais parce qu'ils n'ont pas accordé leur Certaines personnes sont agréables en elles-mêmes
volonté à Celle de Dieu. car elles sont de bonne compagnie et s'entourent
'Les pénitents qui rejettent leurs fautes à cause du d'amis bienveillants. L'homme fervent perçoit que le
châtiment ne sont pas entièrement purs de tout mal. bien seul est digne d'amour. Le bien, qui est en lui,
Aussi, à cause de leurs péchés, chercheront-ils auprès le met dans la joie tout autant que le bien qu'il
des bien portants quelle doit être la mesure de souf- découvre dans les autres; soit qu'ils lui ressemblent,
frances, larmes et douleur dont ils doivent fai.re soit parce qu'ils l'aident à l'accomplir. Quand un
preuve. Les premiers, guéris de leur mal, son: qu~t­ homme est bon, il sc:" réjouit de la bonté des autres ;
tes. Le péché, en effet, présente deux a~pects et Ils ses prières et ses désirs sont comblés quand l'autre
ont fui les deux. Ils ont mis fin à l'act.lOn coupa~le progresse dans la bonté.
par leur repentir, d'autre part, la pa~slOn. ?Iauvalse La forme la plus noble de la joie est de partager
ne persiste plus en eux, ni auc~ne dlsposltlO~ pou~ le plaisir de l'âme et d'être comblé par le succès de
le péché. Leur passion pour le bien et pour Dieu qUI l'aup-e, sans nous attarder à nos désirs personnels. à
s'est établie fermement en eux ne le permet pas. noS possessions ou à nos gains. Sous cet, angle:
l'homme transcende sa nature et ressemble à Dieu qUi
1 est le bien commun de tous.
• Dans le péché, il Y a, en effet, l'acte lui-même de pécher Tei est l'homme qui aime le bien. Il l'apprécie pour
et l'intention du pécheur. /
290 LA VIE EN CHRIST
« T U M'APPRE NDRAS LE CHEMIN DE VIE .. . » 291

ce qu'il est et non pour son profit; mieux: il se ment pourrait-il souhaiter voir dans la main d
réjouit du bien qui est dans les autres autant qu ' en ce qu 'il sait faire défaut chez lui? es autres
lui-même. Si des ennemis
Les êtres généreux désirent le bien pour tous et se . du bien et de la vertu pre nnent 1e
masque des meilleures qualités, simulent la vertu et
rèjouissent de leur bonheur. À ceci, nous pouvons dis- cherchent à condUire les autres dans des che .
cerner qu'ils sont parfaitement bons : les fruits d'un "1 . ê mms
qu 1 s Ignorent eux-m mes, ils ne le font ni par vert
arbre indiquent sa vigueur. Avant qu ' il ait atteint sa ni par bonté! Ils veulent seulement rehausser le~;
maturité, la nature ne lui dOI,m e pas de produire des réputation et ~e ~réer une gloire factice. Ceux qui se
fruits. De même, aucun homme n ' est bon pour les 1 comportent amsl ne sont pas parfaits. En effet la
autres s' il ne l'est d ' abord envers lui-même. vertu parfaite est manifeste en ceux qui sont libres
Comment peut-il être uni aux autres, s'il n'est pas de toute envie et jalousie, et l'idéal de la pure sagesse
déjà un en lui-même? C'est à lui-même qu'il est. atta- est d'aimer son prochain d'un amour véritable et
, ché et sur lui qu'il doit veiller ! La bonté, vOIlà ce parfait.
qu'il désire et ce qu 'il demande dans sa prière. Qui Ressentir la joie des autres amène à se situer parmi
l'empêche d 'être, d ' abord , utile à lui-mê~e? Il se les meilleurs et à devenir ainsi les amis de la sagesse.
réjouit de ce q ui est bon et la nature le dmge aup~­ En effet, les plus épris de sagesse et les plus parfaits
ravant vers lui-même et son intérêt, comme elle le frut communient à cette joie. ila êtres qui participent au
po ur tou s les êtres. Cet homme existe pour lui-mêm~, bien sont amenés à le montrer dans leurs actes, car
et il est d'abord son propre bien. Que. chacu~ SOIt la nature du bien est de se et de se com-
lui-même et le soit bien : tel est le déSIr premier et muniquer. De même que tout eue vise au bien, de
le plus répandu dans l'humanité! même, la nature du bien est de se comMuniquer à
tous les êtres. •

Si le bien ne s'offrait pas • pourquOI


B. « La nature du bien est de se chercherait-on de tous côtés • l'obtlDir 1
répandre et de se communiquer, » concevoir que ce désir fOt IInivenel.a'D , ...... vain ?
Si quelqu'un souhaite le bonheur des autres et s'en La bonté a cnecl: 1'___ - le doit
réjouit quand ils le possèdent, il n'en est pas d'être donné aux ~ . .......... De
privé pour autant. . . même, nous devons ..
Son souci des autres ne lUI fera p~ néghg~r sa et de joie des autres
sonne, ce qui lui est utile et ce dont 11 a besom. nous-JIlêmes.
292 LA VIE EN CHRIST « TU M' APPRENDRAS LE CHEMIN
DE VIE ... » 293
En fait, c'est notre amour pour Dieu qui nous ins- D. - « La joie est proportionnée à la
pire cette joie, et l'amoureux trouve sa joie en l'Aimé, grandeur de sa source. »
mais aussi en ceux qui comblent de joie l'Aimé.
Pour comprendre l'intensité de cett '. .
'dé' e JOie, Il faut
conSl Ter ce qUi la provoque . Elle est proPOrtionnée
.
C. - La j oie doit être «constante, à la grandeur de sa source Or comm .
, . ,., e nen n'est
solide et .. . merveilleuse ». compara bl e à Dleu, nen n équivaut pour l'h
. . .. ommeà
Parlons maintenant de la joie pure et parfaite. Celui cette JOie
. qUi vient. de Lui ... Même SI' nous pouvions
.
qui vit en Dieu l' aime par-dessus tout et se réjouit obtemr tout le bien qui existe, nous regarderions
de la joie que suscite un tel amour. .. encore. au-delà, cherchant ce que nous n'avons pas
N'est-il pas raisonnable que cet homme reconnais- et .délaIssant
. ce que nous avons. Il n'est rien de créé
sant, juste et avisé, aime Dieu et se réjouisse parfai- qUI pUisse co~bler .notre désir et nous rassasier par-
tement en Lui ? faItement. Il n est nen, non plus, qui apaise, en notre

C'est pourquoi sa joie doit être constante, solide, âme, sa soif de joie absolue.
extraordinaire et merveilleuse. Elle doit être constante Ainsi, nous visons le bien infini: notre nature est
car cet homme vit sans cesse avec ce qui appartient limitée, mais non notre désir. Notre âme appartient
à l'Aimé: ceux qu'il rencontre à tout instant, tout à un être limité, et pourtant elle ne connaît pas de
ce qui sert aux besoins de son corps ou ce qui forme fin. Car Dieu a créé non ~eulement la vie de l'âme,
• • o.

la substance de ses pensées; tout ce qui le fait sub- maIs aussI sa JOIe et tout ce qui est à nous, en vue
sister, vivre, survivre et agir. Il sait que tout est l'œu- de Lui-même. La vie de notre âme est immortelle afm
vre de Dieu, à lui toujours communiquée. Ainsi, tout qu'au-delà de notre. mort, vous vivions avec Lui. La
rappelle en lui le souvenir de Dieu et tout garde Son joie est iUimitée poOr que nous puissions jouir de Dieu
amour inextinguible. Tout fait ses délices. De même dans la plénitude du bonheur.
qu'il ne peut s'éloigner de lui-même et ne cesse jamais
d'être conscient de lui. E. « Nous nous ~ouissolls Il cu use
Rien ne peut interrompre cette joie! Nous nouS
• le" tout le bonheur ~; est en Diftl. »
réjouissons non seulement de ceux que nous atmons
quand nous sommes en leur compagnie, mais noUl Quand ces deux c'est-i-dire le
nous réjouissons aussi de leurs actions et de tout CI bien infini qui est sans et de
qui a rapport à eux ... not~ 4ésir d'infini, quelle iJIIeDIiI6 de joie 1 Pour-

J
-
294 LA VIE EN CHRI st « TU M'APPRENDRAS LE CHEMIN DE V
lE ... »
295

tant, nous ne pouvons pas nous contenter d'un tel comme s'ils avaient placé ailleurs leur vie et t 1
. ous eurs
débordement de joie ! Si nous nous réjouissions dé sirs.
d'avoir obtenu ce que nous désirions, notre joie serait Ce n'est pas incroyable, car l'amour hum'
. . b' am pone
proportionnée à notre désir. Notre plaisir serait alors à mepnser corps et lens: Cenains aiment d'un amour
limité à -ceque nous aurions pu goûter. En fait, nous fou et ,ne font pas attention à leur santé, lorsque étant
nous réjouissons de tout le bonheur qui est en Dieu eux··memes en excellente forme physique ils .
~t qu'il nous soit donné de pouvoir connaître Dieu, . ff' d ' VOient
leurs anus sou. nr e quelque maladie. Pas plus qu'ils
Lui qui est la cause de notre joie ! Ce que nous vou- ne font attention à leurs propres faiblesses lorsq "1
lons, le but de notre vie n'est pas en nous-mêmes '1 u 1s
sont eux-memes ma ades et que leurs amis sont e
mais en Dieu. . B n
bonne sante. eaucoup meurent avec joie pour sau-
Notre volonté n'est pas dirigée vers notre bien per- ver leurs amis. Ils préfèrent plutôt renoncer à leurs
sonnel, mais vers Dieu. Réjouissons-nous des dons de corps que de voir leurs amis périr. Or, l'amour pour
Dteu, non pour notre jouissance mais parce que Dieu Dieu l'emporte sur l'amour des hommes: sunout
est en eux. Estimons-nous bienheureux non des dons lorsque nous voyons la disproportion qu'i! y a entre
qu'Il nous fait mais de tout ce qu'est l'Aimé! ceux qui sont aimés !
Faisons fi de nous-mêmes et courons vers Dieu de
toute notre volonté. Oublieux de notre indigence, aspi-
F. « Nous voulons exister, car nous
rons ardemment à la richesse de Dieu, que nous esti-
souhaitons être heureux... »
mons nôtre. Ne soyons pas frustrés de notre pauvreté,
car nous sommes riches et heureux en Dieu. Qu'y a-t-il que nous puissions encore sacrifier pour
Telle est la puissance de l'amour: elle fait parta- Dieu '1 Que pourra lui donner de plus celui qui,
ger, à ceux qui s'aiment, ce qui appartient à chacun entraîné par l'amour, MepriSe même sa propre
d'eux. Regardons les saints, toute l'ardeur de leur vie 26 '1 Qui méprise sa vie ne livre pas pour autant
volonté et de leur désir s'épuise en Dieu. Ils Le con- son corps à la mort, mais se dêtache de son âme et
sidèrent comme leur seul et unique bien. de ses QHalites L'homme dépravé, entiè-
Leur corps ne peut donc faire leurs délices, nOO rement soumis à ses plaisirs charnels, épuise totale-
plus que leur âme et ce qu'ell~ possède, pas plus que ment son être en eux.
ce qui appartient à la nature, car rien de tout Il agit autrement, cehü qui aime Dieu, et se sou-
n'est en soi digne d'amour. Les saints met entièrement à Son amour. n Lui livre
s'ignorer eux-mêmes et ils vivent hors ses desirs et'~ n Be poor lui-
• •
1
296 - LA VIE EN CHRIST « TU M'APPRENDRAS LE CHEMIN DE VIE ... » 297

même. S'il a souci de la santé de son âme, ce n'est y a de plus intime en l'lous. Souvenons-nous que n t
. S ore
pas par amour pour elle, ni pour son bonheur m.ais âme appartIent au auveur. Il nous est plus int'Ime
A

uniquement pour l' amour de Dieu, et de Ses lOIS. encore à nous-memes que ce qui nous est le pl
C'est un peu comme si l'on prenait soin d'un outil C . éd'
intime. eux gl1l m Ilent ceci tout au long de leur us
par amour du travail qu'on exécute avec ~u i. vie le savent. A cause de Lui, notre âme et notre vie
Or un fosgeron utilise son outil pour fab rIquer une nous .son; chères et précieuses. Qui n'est soucieux que
charrette, mais c'est celle-ci qui l'intéresse plutôt que de lUl-meme souffre toutes sortes de conflits car en
l' outil lui-même. dehNs de Dieu, il ne peut pas trouver de ~érénité.
Qu'est-ce qui nous. persuade de prendre soin de
notre âme et de l'aimer ardemment? Rien d'autre que G. « En Lui seul, ils trouvent la joie véritable... »
de vouloir vivre et être heureux. Qui supporterait à Ceux qui vivent en Christ ne Lui refusent pas ce
la fois d'exister et d'être malheureux ? Pour cette rai- qui Lui revient. Tel est le cas si nous aimons de tout
son, un certain nombre d'hommes ont mis fin à leurs notre amour Dieu qui est parfait.
jours. Comme l'a dit le Sauveur: Mieux eût valu Not~e amour serait imparfait si nous aimions quoi
poùr cet homme-la• de ne pas nQ/Atre. 27 C' es t en
que ce soit en dehors de Lui. Partageant ainsi notre
aimant Dieu que nous trouverons le vrai bonheur. Il amour, nous irions à l'encontre de Sa loi, où il est
. ., ..
est clair également qu'aImer DIeu, c est aussI aImer dit : Tu aimeras Yahvé ton Dieu de tout ton cœur,
notre âme. Pourtant, la plupart des hommes ne savent de toute ton âme et de tout ton pouvoir". Oui,
pas d'où peut leur venir le bonheur. Ils ai!llent tous ceux qui vivent en Christ reportent tout leur amour
des choses différentes, et se détournent du droit che- sur Lui. Ils n'en gardent aucune part ni pour les
min menant au but. Ils choisissent souvent ce qui les autres ni pour eux-mêmes. Dans ce dessein, ils fuient
rend pires. Ils n 'honorent pas leur âme ainsi qu'ils loin d'eux-mêmes et de tous car partout, ce qui unit,
devraient et l'ignorent contre tout bon sens. c'est l'amour. Ainsi s'étant Jlânsportés d'eux-mêmes
Les hommes fervents ordonnent leur vie à Dieu car vers Dieu, ils vivent pour Dieu seul. C'est Lui qu'ils
Il est source de leur bonheur et les secourt dans leur aiment. En Lui seul ils la joie vmtable...
cond uite. Ils regardent Dieu comme l'unique objet de
leur amour et L 'aiment uniquement pour Lui-même. •
r
Pour Lui, ils aiment leur âme, leur existence et tout
le reste .. .
Nous aimons notre âme parce qu'elle est ce 1
298
- LA VIE EN C HRIST « TU M' APPRENDRAS LE CHEMIN DE VIE
••. » 299

H, - « Le Royaume consiste en Celui Ce qu'ils ont acquis, ainsi, ne suffit pas à 1


h '1 ' es ren-
qu 'ils aiment ... » dre eureux et 1 s fi y trouvent pas leur plaisir. Ils
savent que le Royaume consiste en Celui qu'ils .
Ceux qui vivent pour eux-mêmes, tout en recevant et 1'1s en é prouvent de la 'JOIe!
. Ils trouvent leuraunent
. .
quelqu e joie de vrais biens, se rendent incapables de d 1 b · 'II
non ans es u~ns qu Partage avec eux, mais par JOie,
récolter une joie sans mélange. Pendant qu ' ils se qu' Il est Lui-même dans ces biens. C'est d'eux-mêm:
réjouissent de ces biens, certains maux, visibles ou et avec leur sagesse qu'ils découvrent cela! Même s'ils
non, leur causent des ennuis. En revanche, ceux qui n'av.,üent part à la ~o~auté, ~ême s'ils n'étaient pas
remettent à Dieu leur existence jouissent d'un plaisir participants de Sa beatItude, Ils ne seraient pas moins
absolu et fuient toute tristesse. Ils ont bien des sujets heureux. Ils n'en régneraient pas moins, triomphe-
de se réjouir et rien ne les afflige, car rien n'est raient et jouiraient de ce royaume. On peut et à bon
déplaisant auprès de Dieu , en qui ils vivent. Ils ne droit, les qualifier de « violents» et de voleurs des
pensent même pas que, parmi les événements présents, bienfaits divins: car d'eux-mêmes, ils accaparent leur
certains pourraient leur causer de la douleur. L'amour bonheur. Ce sont ceux-là qui se renient eux-mêmes
parfait. ne leur permet pas de rechercher leur propre [. . .j et qui perdent leur vie" . Mais en contrepartie,
intérêt " . Au contraire, ils aiment, parce que Celui ils reçoivent le maître des âmes.
qu 'ils chérissent est bienheureux et ils sont enflam-
més de cette passion qui surpasse la raison et la
nature. Bien que cendre et poussière, ils échangent J. . « Les bienheureux se réjouissent
pourtant ce qui leur appartient pour Dieu et Lui de la joie de Christ. »
deviennent semblables. Comme de~ miséreux et des Qu 'y a-t-il de plus grand et plus solide que cette
indigents qui se précipitent à l'intérieur du palais joie? Ceux qui attendent leur joie d'eux-mêmes per-
royal, ils s'arrachent à leur misère et se revêtent de dront bien vite leur plaisir, car il n'est aucun bien
toute la splendeur qu'ils trouvent en un tel lieu. permanent dans les choses présentes. C'est pourquoi
C'est pour cette raison, je crois, qu'on les a trai- leur joie, venant de ce qu'ils possèdent, ne le cède
tés de « violents» ; eux prennent le royaume de Di. en rien à p r crainte de perdre leurs richesses. Pour
de force "'. Ils n'attendent pas ceux qui le leur don- les saints, leur trésor de bÎ"ns est inviolable et leur
neront, ni ne guettent ceux qui les choisiront. Ils oo.::u- plaisir n'est pas de lia n'ont pas
pent le trône de leur propre autorité, et se ceignent peur de perdre ce qui «lit et solide.
eux-mêmes du diadème. Ceux qui ne tro.veat leur joie,
1
, •
-
,
300 LA VIE EN CHRIST « TU M'APPRENDRAS LE CHEMIN DE V 301
lE ... »

savent raisonnablement qu'elle les plonge dans l'arro- Quand Il proclame la loi de l'amour Il e h
gance. Ils se préoccupent tellement de leur propre per- · . 1es à gard er mc
d ISClp . hangé jusqu'à ' la fi x Orte
l' Ses
sonne, qu'une grande part de leur plaisir est détruite. 'il ' . n amour
qu s ressentaient pour LUI. Je vous dis cel déci
Les saints eux, ne sont pas inquiets, car ils ne con- '1 " . a, are-
- '>-- t-I , pour que ma JOIe SOli en vous et que vot '.
. .r.' J2 re JOie
centrent pas leurs pensées sur eux. Ils placent leur soli parJalte . Par ces paroles, Il voulait nous di .
puissance en Dieu. Leur gloire et leur joie sont en « .,Te vous d eman d e d' aimer,
. re .
car tout ce qui est à Moi
Lui ! Leur plaisir ne reste pas seulement humain, nouS" est commun dans l'amour. Vous pourrez d
comme c'est le cas de la plupart des hommes: il est 1 - .. one
trouvc:r a me~e JOIe que celle qui est en Moi et dans
surnaturel et divin! C'est un peu comme un homme les Miens. » Ailleurs, on lit : car vous êtes mort t
qui échangerait une mauvaise maison contre une autre . d'é ~e
votre Vie est sormais cachée avec Christ en Dieu"
en bon état. D'avance, il éprouverait plus de plaisir On peut en dire autant de la joie ou de tout autr~
pour la seconde que pour la première. Pareillement, suiet : il n'est rien d'uniquement humain qui subsiste
s;il se débarrassait par quelque moyen de son corps, en eux.
pout obtenir un corps meilleur, il ferait sienne la joie
propre à ce nouveau corps. Il trouverait alors d'autant
plus de plaisir à l'organisme nouveau, bien supérieur J. 1 « Puisque c'était notre volonté
à l'ancien. Il en est de même quand on se défait pour que Christ cherchait, Il ne lui fit pas
violence. »
gagner Dieu, non seulement de son corps et de sa
maison, mais encore de soi-même, Dieu prend la place Le bienheureux Paul précise cela succinctement :
du corps, de l'âme, de la famille, des amis, de tout Vous ne vous appartenez pas. Vous avez été bel et
ce que l'on possède. De la sorte, la joie surpasse tout bien achetés". Celui qlÙ a acheté ne se considère
plaisir humain et nous recevons la joie propre à la plus lui-même, mais il Il Cdui qui l'a acquis.
béatitude divine et qui convient à une telle Il vit désormais selon la volonté de Celui-ci.
transformation. L'esclave d'un hOB,lme est lié au désir de son maî-
Les bienheureux se réjouissent de la joie de Christ tre lll~ement en son CORps mail il est libre en son
et ce qui Le réjouit les comble également de joie. -
a me et en son esprit dont il peut comme il
Christ est Joie Lui-même et .ceux qui participent à lui plaît. Celui que Chrùt adII&é ne peut plus
joie éprouvent la même intense joie. Nous en s~appartenir. AUCUB 'a pu
mes assurés par la déduction et le raisonnement, complètc91ent un autre bODUDO pu de
aussi par les déclarations très nettes du • •
Pfix auq~ on puisse
.

/
d'un Itte

)
302 LA VIE EN CHRIST
« TU M'APPREN DRAS LE CHEMI N DE V 303
lE". »
humain. Personne n'a donc libéré ou asservi un K. - « L'esclave de Christ ne peUl
homme si ce n'est en son corps. Le Sauveur, Lui seul , que ressentir de la joie. »
a acheté tout l' homme. Alors que les hommes ne
dépensent que de l'argent pour acheter un esclave, le Une personne droite et juste ne s'aime d
Sauveur, Lui, s'est dépensé en personne. pou r eIl e-meme.
- EIIe on.ente en effet tout s one pas
vers C e1Ut· q Ul. l' a rachetée. on amOur
Pour nous rendre libres, Il a livré Son corps et Son
âme. Il a accepté la mort pour Son corps et la sépa- Quelques-uns au moins parmi ceux qui t éé
h ' ' on t
ration d 'avec Son corps pour l'âme. Son corps a subi rac etes, sillon tous, sont dans ces disposition
la douleur des blessures reçues et Son âme fut trou- Serait-il raisonnable qu'un rachat, fait dans ~ ,
blée, non seulement quand Son corps fut immolé, mervel'II euses con d"ItlOns, restât vain? Ceux e~ qui
mais dès le début de Son agonie, quand Il dit : Mon n'aiment que le Sauveur éprouvent une joie sans
. , • 3S
âme est triste a en mourir . mélange, puisque le bien-aimé ne fait rien de contraire
, C'est ainsi que, Se livrant totalement, Il rachète à leurs désirs, Ils sont dotés d'une faculté surnatu-
l' homme tout entier. Il a donc acheté également notre relle et divine de joie, et cela à un degré éminent.
volonté, d'une manière toute spéciale. À tous égards, Cette faculté trouve son épanouissement complet, car
Il était notre maître et maîtrisait toute notre nature. ce qui les ravit surpasse toute surabondance de grâce.
Mais notre volonté échappait à la Sienne. Il fit alors L'esclave d'un homme éprouve inévitablement de
tout pOUT s'emparer de nous en totalité. l'amertume. L'esclave de Christ, au contraire, ne peut
C'était notre volonté qu ' Il cherchait, Il ne lui fit que ressentir de la joie. Chacun d'eux ne cède plus
pas de violence, IL ne s'en empara pas de force, mais à sa propre volonté mais à celle de Celui qui l'a
Il l'acheta. Ainsi, aucun de ceux qu'il a achetés acheté, Le premier subit les corvées et les ennuis, en
n 'agira selon la justice s'il use de sa volonté pour lui- suivant un maître, en butte à la tristesse et à d'innom-
même. Ce serait léser Celui qui l'a acheté et Lui déro- brables peines.
ber, en quelque sorte, Son bien. C'est donc en nous Comment le deuxième pourrait-il pleurer, alors qu'il
tenant volontairement pour satisfaits de ce qui est ?St animé d'une joie authentique? L'homme qui a
nôtre, que notre intérêt personnel sera servi par notre dépensé de l'argent pour un esclave ne l'a pas
volonté. déboursé pour procurer des bienfaits à celui qu'il a
• acheté. Ce qu'il veut, c'est retirer à son profit I~s
av,antages du travail de son esclave. L'~c1a~e est uti-
lisé' p6ur
, le profit de œlui qui l'a acqws et Il souffre
304 LA VIE EN CHRIST « TU M'APPRENDRAS LE CHEMI
N DE VIE ... » 305

de multiples misères pour assurer à son maît re joies rant : Serviteur


• 31
bon et J ridèle
' , [ ... ] entre dans la . .
et plaisi rs. ton SeIgneur . Ce qui revient à dire' p IOle de
L'inverse se produit pour les esclaves de Christ. es resté Mon serviteur, et que tu n'as p~(~. : e que tu
Tout a été réalisé en vue de leur intérêt. Il n'a pas trat de ton achat, reçois la joie de Celu' ec. é I~ con-
. .. L - '. 1 qUI a fatt ton
payé la rançon pour tirer avantage de ceux qu'Il a acqUIsitIOn.» a meme JOIe devient co
. . mmune au maî-
libérés, mais ce qui est à Lui le4r appartient aussi. tre et_ au serviteur. Ce qUI leur plaît est l'de t'
' . nique, et c'est
Le Maître et Ses œuvres profitell aux esclaves. Celui le meme sentiment, voilà pourquoi Christ n'
hé . 1 . l ' . li a pas recher-
qui a été racheté possède à s6n tour Celui qui l' a
. .,
racheté. Voilà pourquOI ceux qUI n ont pas esqUIve
.. c ce qUI .
Ses serviteurs.
UI P alsall . Il a vécu et Il est
Il est
.
ne, puis Il est retourné
mort pOur
. _ pour pren-
cette servitude, mais ont préféré les chaî?es de ce maî- dre possessIOn du trone du Père. Il y siège po
tre à toute liberté, éprouvent nécessairement de la · . d' 19 ur nous,
en qua1~te avocat permanent . Il appartient ainsi à
joie: ils ont échangé la pauvreté pour la richesse et Ses serviteurs. ~eur maître leur est devenu plus cher que
une prison pour un royaume. Au lieu de la disgrâce leurs propres vies et, s'oubliant eux-mêmes, ils Lui por-
finale, ils jouiront de la gloire infinie. Ce que les maî- tent tout leur amour.
tres d' esclaves, parmi les hommes, peuvent légalement
demander à leurs sujets, ies esclaves de Christ peu-
L. Les exemples de Jean le Baptiste
vent le faire vis-à-vis de leur maître, à cause de Sa
et de l'apôtre Paul.
tendresse 'pour les hommes. La loi des hommes fait
régner les maîtres, comme des seigneurs, sur leurs Tel est Jean le Baptiste. Quand la manifestation
esclaves et ce qu'ils peuvent posséder, à moins qu'ils publique de Christ détourne l'attention du peuple de
n'abdiquent leur pouvoir et libèrent leurs sujets de sa propre renommée, loin d'en prendre ombrage, il
toute servitude. Les esclaves de Christ possèdent leur proclame lui-même le Messie à ceux qui ne Le con-
propre maître. Ils héritent de ce qui Lui appartient; naissent pas". Rien ne lui fait plus plaisir que
ils chérissent Son joug et se considèrent liés comme d'entendre cette voix par laquelle diminue sa noto-
par contrat. C'est dans cet espnt qUe Pa~1 reco,.mm~­ riété personnelle. Il estime tout à fait juste que Christ
dait de se réjouir sans cesse dans le SeIgneur , désI- attire les foules et les guide par Sa parole. Il est heu ·
gnant par « le Seigneur» C\!lui qui les avait achetés. reux de voir le peuple Le contempler avec amour,
Le Sauveur marque encore un autre motif de nous comme la fiancée se tourne vers son fiancé. Il se tient
réjouir, en appelant celui qui parta~ SlJ joie « bon à l'écan et se réjouit d'entendre 10 voix th l'Ami bien-
serviteur ». Lui-même se nomme Selgntur, en décla- aimé" comme la de son ardeur.
,

306 LA VIE EN CH RIST « TU M'APPRENDRAS LE CHEMIN DE V


lE .. ,» 307

Paul , travaillant pour Christ, non seulement ne qu' il s'oublie lui-même totalement Sa vol é .
. " ont est Ulli-
compte pour rien sa personne mais il va jusqu ' à quement
. au servIce .de Chnst et rien ne • ,
cou te, m ne
l'abandon total de lui-même, Autant que cela fût pos- repugne à la volonte de Paul. La joie l'ino d '1
. d' 1 n e, 1 en
l sible, il aurait même souffert la séparation d 'avec vIt et, es ors, aucune détresse n'envahit s •
" 1
Q u 1 s sont nombreux, pourtant les souc' on ame.
Christ" , Il dit, prenant le langage de l'énigme, vou- . , ' I S qUI,
loir se jeter dans la géhenne* pour Christ. Paul, en assaIllent Paul ! MaIS la tristesse ne l'emporte p
" 1 ~w
la ,JOIe , et es tracas ne viennent pas l'assombrir. La
perdant'" en Le servant. Son amour le brûl comme faIblesse de son coeur n'est qu'une plénitude de joie
le feu de l'enfer et lui fait paraître moindre la joie et la douleur est fruit de l'amour et de la générosité:
qu'II éprouve à posséder son Aimé, 1 Ces sentiments ne produisent rien d'amer, de violent
Lui , qui recommande aux hommes de ne pas trop ou de mesquin, Il est lui-même toujours rempli de
arrêter leur pensée sur l'enfer, les invite également à joie, puisqu'il exhorte les autres à se réjouir constam-
ne pas s'attacher à la joie, Pourtant il avait ' exp~ri­ ment: Réjouissez-vous sans cesse dans le Seigneur,
m enté et goûté en ses douceurs la beauté du Chnst. je le dis encore, réjouissez-vous" . Il n'aurait pas
Mais il était prêt à s'en priver, soucieux uniquement exhorté les autres s'il n'avait montré lui-même l'exem-
de la gloire de Son maître, Être avec Christ, vivre ple en ses actes.
avec Lui et régner avec Lui : Paul ne cherche pas là
sa gloire au détriment 'de celle de Christ ! Il ~réfère
de l:>~aucoup celle de Christ. Quand Paul expnme ses 4, Amour et joie, teUe est la vie en
désirs il le fait toujours en vue d'aimer Christ dav~­ Christ.
tage, 'et s'il lui avait fallu fuir Christ, il l'aurail l'
. .. A, « Lorsque notre amour est rivé
fiOlt • . . l' b'et
Paul ne désire pas accaparer pour lUi Christ, 0 J à notre volonté. »
de son amour, que peut-il désirer. d.'autre '! Il ne Telle est la Vie des saints et, dès maintenant, elle
recherche pas pour lui ou pour sa JOIe perso~Ue, est bienheureuse. Il convient, en effet, que nous don-
Celui pour qui il a tant travaillé et lutté. E~core . l'espe'rance
nions le nom de à ceux qw, par .
moins rec/).erche-t-il ce qu'Il méprise! Il ,e st éVident
et la foi, récoltent les fruits de la béatitude. Apres
m ...:'t-'... Car le po.'
1 leur mort, ces fruits sont """'....
• Ravin de Jérusalem. Il est le symbole de la malédicti~ session des réalités est que la seule
éternelle.
-
308 LA VIE EN CHRIST
« TU M'APPRENDRAS LE CHEMIN DE VIE ... »
309
rance. Tout comme la pure contemplation du bien est volonté. Nous y parvenons par l'Obéis
supérieure à la foi. d , sance aux corn.
man e~ents et 1 observance des lois de Celui
Nous recevons de Dieu, en cette vie présente, nous rumons. C'est par des actes r~és • que
VEspTit d'adoption. Il est sou rce de cet amour par- d ans 1,-ame te Il e ou telle habitude. ......' que se .orme
Les actes
fait qui nous fait atteindre la vie bienheureuse. Les t 1 1 · nous por-
ten a ors vers e b len ou le mal. Il en est de mbne
sacrements nous donnent de recevoir Christ. lorsque nous acquérons quelque savoir-faire dans 1
Selon l'Écriture, à ceux qui l'ont reçu, 1/ a donné pratique d'un métier, par la répétition des a
pouvoir de devenir enfants de Dieu" . C'est aux . . LI' gestes
necessalres. e~ OIS de Dieu S'appliquent aux ct"
enfants qu'appartient l'amour parfait d'où toute • h" a IVI'
tes · umames, les determinent et les ordonnent ~s
crainte a été bannie". Qui aime ainsi ne redoute pas L Ul.
la perte des récompenses comme un mercenaire, ni Elles sont les seules capables de donner l'habitude
les coups comme un esclave. Le véritable amour est convenable à ceux qui agissent avec droiture. EUes
le propre des seuls fils. font vouloir ce qui plaît au législateur, notre volonté
C'est ainsi que la grâce implante l'amour vrai dans Lui est soumise, et ne veut rien en dehors de Lui.
l' âme des initiés. Ceux qui le veulent peuvent en con- Voilà ce qu'on peut appeler un amour vrai. C'est à
naître l'action et quelle expérience on peut en faire. ce sujet que le Sauveur déclare: Si vous ga,dn mes
L'amour fait percevoir ce que sont les biens divins: commandements, vous demeurern en mon amou,".
par l'expérience de grands biens, il en donne l'espé-
rance de plus grands encore et, partant de ce qui est
actuel, il communique la foi en ce qui ne paraît pas B. Vivre en Christ ... « que notre
volonté agisse conformément
encore.
Nous pouvons librement persévérer dans cet amour. au vouloir de Dieu ».
Il ne suffit pas d'aimer et de ressentir la passion de La vie est le fruit de cet amour. Il
cet amour, il faut aussi l'attiser. Il faut donner du ~it totalement sur la volonté et l'arrache à tout le

combustible au foyer pour que le feu continue à bril- reste. Il la détac~ d'elle-meme et la consacre a
ler. Or, demeurer dans l'amour, c'est ce en quoi con- Christ. Nos efforts, ou et IOUle
siste la béatitude: demeurer en Dieu, et donc L'avoir action qui nous eIt propre de notre
à demeure en nous. Celui qui demeure dans l'amo",, 'Volonté. En ". qui nous con-
demeure en Dieu et Dieu demeure en lui". C'~t dun..et nous entraIDe. subit
qui arrive lorsque notre amour est rivé à tout h~e eue le ...-al. Qui

310 LA VIE EN CHRI ST


« TU M' APP REN DRAS LE CHEMIN DE VIE ... »
311
contrôle l' homme tout entier. Ceux dont la volonté c. - « C'est en cet amour et celte
est entièrement ravie par Christ, ne désiren~ que L~I , joie que consiste, ici-bas, la vie
n'aiment ct ne recherchent que Lui. Le~r etre en He~ bienheureuse. »
et leur vie sont avec Lui. Leur volonte n e peut n~
vivre ni agir, si elle ne réside en C ~n st, en ~ UI La vie bienheureuse c~nsiste donc en la perfection
demeure tout bien. L'œil ne peut remphr sa fo ncHon d<! la volonté durant la vie présente. Puisque l'hom
qu'en présence de la lumière : en effet , c'est la poss.ède .i ntelligenc~ ~t vol?nté, il est nécessaire q~~
lumière qui lui permet de voir. De. même, . notre celUi q UI est appele a la vie bienheureuse soit uni à
volonté ne peut agir que mue par le bien. Chnst est Dieu dans la totalité de son être par ces deux facul -
le di spensateur de tous biens. Si nous nous détour- tés. Par son esprit, il se livre à la contemplation de
nons de ce trésor en ne fixant pas notre volonté s~r Dieu et par sa volonté, il L'aime de la manière la
Lui, tout ce que nous faisons est vain et mort.. Chnst plus parfaite. Aucun homme, vivant dans un corps
déclare: Si quelqu 'un ne demeure pas en mOi, on le corruptible, ne peut cependant jouir parfaitement du
jette dehors comme le sarment et il se dessèche .. p~,S bonheur en usant de ces deux facultés . Cela ne se
on ramasse les sarments et on les jette au feu. et Ils pourra que dans la vie exempte de toute corruption.
brûlent"'. Donc, si vivre en Christ, c'est L ' muter et Dans la vie actuelle, ceux qui sont parfaits dans leurs
vivre selon Lui , notre volonté doit agir confarmémen~ rapports de volonté avec Dieu, ne le sont pas encore
au vouloir de Dieu . Christ a soumis Sa volonte
dans l'activité de leur esprit. On peut rencontrer
humaine à Sa volonté divine afin de nous laisser un
l'amour parfait en eux, mais non la pure vision de
exemple de la vie selon la droiture. Par amour pour
Dieu. Si ce qui doit venir se trouve déjà en eux, pen_
le monde, Il n' a pas repoussé la mort, lorsqu'Il d~t
dant qu'ils vivent encore dans leur corps, ils expéri-
s'y soumettre. Toutefois, avant que s~n ~eu.re f~t
venue, Il a prié pour l'éviter. Il montrait amSI qu Il mentent déjà ce que sera la récompense. La vie pré-
ne choisissait pas de Lui-même les outrages qu'II sente nI" le leur permet que d'une manière temporaire
aurait à subir. Comme le dit Paul, Il se fit obéissant et impiHfaite. Paul l'assure: Nous nous réjouissons
jusqu 'à la mort" . Il alla jusqu'à la croix, non pas dans l'espérance". Et ailleurs: Nous cheminons
comme s'Il n'avait qu'une seule volonté, ou une dans la foi, non dans la claire vision", et, en un
volonté composée de deux éléments, mais Il manifesta autre endroit: lm/HUfaite est notre science". Bien
plutôt l'accord de deux volontés. qu'il eGt '·u Christ", Paul ne , pas constam-
ment de celt~sion. Le te toujoun » ne se réalisera
que plus tard. !taul , le quand, parlant de la
-
312 LA VIE EN CHRIST
« TU M'APPRENDRAS LE CHEM
IN DE VIE ... » 313
dérnière venue du Christ, il dit: Ainsi, nous serons de ce que nous sommes fils de D'
avec le Seigneur toujours"'. Si quelqu ' un vit en porte plus rien de mercenaire o~e~eet cela ne com-
Christ avec son corps, il peut recevoir la vie éternelle : Salomon considéra l'ardent amour servile.
c'est dans sa volonté, alors, qu'il la possède (car c'est pour l'~n~ant vivant comme preuve su~~ la femme
par l'amour qtr'i1 parvient à cette joie indicible). La materru té . Il n'est pas étonnant sante de sa
claire vision est réservée pour lui dans la vie à venir. . . . que, par ce mê
slgnt' , nous pUISSIOns reconnaître les fils d me
Aujourd'hui, c'est la foi qui le conduit par la main vivant. L' affection de la femme pour l' f u . Dieu
jusqu'à l'amour. Pierre nous le fait comprendre t 1 . , en ant ViVant
e e SOlO qu elle en avait indiquaient "sé '
quand il écrit: Sans l'avoir vu, vous l'aimez, sans le 'é ' l "
n tait pas a mere de l'enfant mort Ai ' ~ ment qu'elle
,
voir encore, mais en croyant, vous tressaillez d'une des enfants de Dieu. Leur respect e~ le:::ltendest-II
joie indicible et pleine de glOIre". o 1 D' . " en resse
• • •• •
pure leu vivant , IOdlquent
• manifestement qu "1
1 s ne
C'est en cet amour et cette JOie que consiste, ICI- descen d en t pas d ancetres morts de ceux q 1 S
bas, la vie bienheureuse. Cette vie est en partie cachée . d' . ' ue e au-
veur mte.r It aux vivants d'ensevelir. Ne déclare-t-il
et eh' partie révélée. Paul dit: Votre vie est désor- pas: LaIssez les morts enterrer leurs morls" .
mais c~chée avec le Christ en Dieu" . Certes, le fait d'aimer manifeste notre filiation et
Le Seigneur dit: Le vent souffle où il veut; tu notre attachement à Dieu, comme à un père. Notre
entends sa voix, mais tu ne sais ni d'où il vient, ni ressemblance avec Dieu par notre amour mamfeste
• •
où il va. Ainsi en est-t-il de quiconque est né de encore mieux qUi nous sommes: tout aimants car
l'Esprit" . Invisible est la vie bienheureuse et invisi- Dieu est Amou,". Lui est vivant et à cause d~ cet
ble aussi la grâce qui l'engendre et la modèle. Cette amour, nous vivons vraiment. Cette passion nous
grâce, en effet, est invisible en elle-même et dans s~ habite et tout est mort rour ceux chez qui elle est
façon de re-former. Mais la vie bienheureuse se maru- absente. Comme des fils, nous honorons notre Père
feste aux yeux des vivants en l'amour inexprimable par notre agir. Vivants nous proclamons le Dieu
pour Dieu et la joie qu'elle suscite. Ces sentiments vivant qui nous fit naitre. Nous attestons la naissance
d'amour et de joie sont bien visibles et ils font per- inexprim~le par laquelle nous sommes engendrés :
cevoir la grâce invisible, car ils sont les fruits de la par la vie nouvelle" dans laquelle nous
grâce. Ne dit-on pas que le fruit de l'Esprit [est} cha- comme l'exprime Paul. Nous gloin au Père
rité, joie'" et que c'est au frUit qu'on reconnaft qu i est dans les cÎftDC... Nous sommes nés ainsi de
l'arbre". La grâce est donc l'esprit d'adoption Sa tendresse bienveillante IMlr tous les JI
filiale. L'amour porte témoignage de cette parenté et n 'est pas le .~ des mom dG viwlllts" et
-
314 LA VIE EN CHRI ST « TU M 'APPRENDRAS LE CHE
MIN DE VIE ...• 315

auprès de nous, Il trouve Sa propre gloire. Il a éga- Vous découvrirez que ce n'est .
Iement déclaré aux méchants: Si j e suis Père, où est l'amour Lui-même qui nous cond . nen d'autre que
mon honneur"? et David en témoigne dans son Il nous arrache à nous-mêmes etU~: et nous fait agir.
chant: Ce ne sont pas les morts qui louent Yahvé, s~r nou s que la vie. Il nous persu~d~ ~~us d'~Prise
vie non seulement transitoire . mépnser la
. ..
ni tous ceux qui- descendent au silence, mais nous, les
\ilvants .
demeure. ' maIS même celle qui
Quel mot conviendrait mieux .
le mot « amour» ? pour dire « vie » que
D. - « Telle est la vie en Christ ... »
Ce qui seul survit et permet aux .
Telle est la vie en Christ: cachée, mais manifestée nuer d'être quand tout disparaît ~Ivants d.e conti-
par la lumière des bonnes œuvres, c'est-à-dire, par l'amour. ' c est le Vie, c'est
l' amour. Car dans l'amour resplendit l'éclat de toute Dans le monde à venir tout d' •
vertu . Autant que le peut l'effort humain, l'amour l'amo ,ISparaItra sauf
• ur, comme le dit Paul' l'am '
constitue la vie en Christ. On peut lui donner le nom jamais" . Lui seul suffit po~r la o~r ne /HISSera
de vie, elle est en effet union avec Dieu. Et c'est J' S vie en Christ
esus, notre auveur, à qui est d .'
l' union qui est vie, tout comme la mort est sépara- jamais. Amen! ue toute glOIre à
tion d'avec Dieu. C'est pourquoi: Son ordre est vie
10
éternelle dit l'Écriture en parlant de l'amour. Le ,
Sauveur déclare aussi : Les paroles que je vous ai
dites sont Esprit et vie 71 et la somme de ces paroles
Notes
est amour.
Ailleurs, Il ajoute : Celui qui demeure dans l'amour
n 1. Ps 16, II. 2 Le: 1
demeure en Dieu et Dieu demeure en lui . Nous 4. 1 Co 13, 1-2. . 0, 20. 3. 1 Co 13, 2.
demeurons donc dans la vie, et la vie en nous, ce r 7. MI S, IS. S. He 6, S. 6. Jn 14, 23.
Il est la vie, selon sa propre affirmation: Je suis • 8. p, M, U; 1 P 3, 1J.
9. Jn 14, IS. 10. 1 Tm l, 6-19. Il J
chemin, la vérité, la vie". 12 1 Tb ' . c 2, 17.
• p ,' 17. 13. 2 S 6, 6-7.
Si la vie est la force qui meut les êtres vivanll. 14. 2 CIl 26. 16-21. IS. Mt ... li). 16. Ga 4, 6.
qu'est-ce donc qui meut les honunes qui vivent VJ1Ii. 17. Ac 6. 2. J8. Mt 6, n. 19. 1'1 S6, J.
ment, dont le dieu est Dieu (II n'est pas le Diell dII 20. 2 Co 7. 10. 2J. S. 9. J4. 22. 1'1 Jl9, 2.
23. p, 119. 1. 24. Ml 22. ... lS. RIa 12, 12.
morts mais des vivants',. 26 MI J6. 24,.211.
,
./
'n.. MI • M.
316 - LA VIE EN CHRIST

29. 1 Co \3, 5.
28 . Dt 6, 5 ; Mc 12, 30.
30. Mt li, 12. 31. Mt 16, 24-25. 32. Jn 15, II.
33. Col 3, 3. 34. i Co 6, 19-20.
35. Mt 26, 38. 36. Ph 4, 4. 37. Mt 25, 21.
38. Rm 15, 3. 39. 1 Jn 2, 1. 40. Jn 3, 29-30.
41. Jn 3, 29. 42. Rm 9, 3.
43. 1 Co 3, 15; Ph 3, 8.
44. Ac 9,25; 2 Co Il,33.
45. Ph 4, 4. 46. Jn l, 12. 47. 1 Jn 4, 18 .
48. 1 Jn 4, 16. 49. Jn 15, 10. 50. Jn 15, 6.
51. Ph 2, 8. 52. Rm 12, 12. 53. 2 Co 5, 7 .

54. 1 Co 13, 9. 55. 1 Co 9, 1 ; 15, 8.
56. 1 Ph 4, 17. 57. 1 P l, 8. 58. Ibid.
59. Jo 3, 8. 60. Ga 5, 22. 61. Mt 12, 33.
62. 1 R 3, 16-28. 63. Mt 8, 22. 64. 1 Jn 4, 16.
6S. Rm 6, 4. 66. Mt S, 16. 67. Mt 22, 32.
68. MI l, 6. 69. Ps IlS, 17-18.
70. Jn Ll', SO. 71. Jn 6, 63 . 72. 1 Jn 4, 16.
74. Mc 12, 27.
73. Jn Il, as; 14,6.
7S. 1 Co 13, 8-10.

, ,
1
TABLEAU SYNOPTIQUE DES ÉVÉNEMENTS CONTEMPORAI NS DE NICOLAS CABASILAS
1 1 1 I~ . I~.
~vtNEMt:Nni
DE L' EMPIRE BYZANTIN 1 DE L'&;LISE. D'ORIENT EN FilANCE DE
1204 : Sac de COOSf,ntinopk 1216: H_'''III;fpe
par les croisls.
1226 : Swjnt
1219-1221 : 5-' Cf(
1221 : Mort de n. _
DoIIiDique.
Louis. roi de FI'1Dct. 1226 : MŒt de Ilia: ~ d'Allilc.
1221 . Gr!touc IX, _
12.4t : ŒestiD !v P'P'
1

IlAI-l ll1 : l' croisade


1261 (ll juill.) : Michel VIII
paltoklpe reconquim Cons·
tantinople. •
• 1270 : Philippc III k Hardi. ~

Illl : Gr!touc X, pope.


,
CoD<ilc a. Lyoa : MIChel PIIIoJocuc
colIClut un ICCOrd avec Gcqoirt X
,nnajqent au pape lutont~ S'Jf
c'est «!'UnioD de
Lyou ... sam suite.
Inl : Moru dt q inl Thomas d'AquiD
et: eX ,,!!nt BonavtlllUlt.
1210 ('!) : Mon de Nic/phorc 1280 : Mon de "'''' Albert k Gnod.
l'Hlsydwlc.
1282 (déco): A"èncmcnt
d'Androaic Il PaI/oIocuc.
IlS! : Philippc IV k Bd.
1296 : _ de Gr/aoizt
pal.mll ,
1ll4 : Lonis X.
Ill! : Philippe V. 1l16 : Jean XXII, pope.
Illl : Man de Irblrc Eckart.
1116 : Go/aoirc P....... est 11322 : Charles IV.
ordoru>! pr!u<. IllS: Philippe VI .

U29- U.7 . G uen e- de: IU«ft· "" • . JO' I )'noclc de COlUll antl. n}4-\ll~ . 'at.:iIdl ~'\, ~.
sion enftt nopk:.
Jel.ll VI Canracuùnc Condamnation de 8arlum.
et Jean V P.lloquc.
1342 : ~illitut VI, pape.
1~ : Ba.ailk de CrIcy.
1347: Nicol", COOl-mp de 11l47 : CourODoemcDI de IlloI1 : l' l)'IIodc de Co",...i· 1)47 : NlnyOC't de PlOie Catbmoe de
JIu VI. J... VI. oopIc. Sienne.

e.;
Ordj"Mioa ij:Ucopak: cie Cd-
uchtv!que de
uc.
Il4I:~._·'''',
. . . . . . ,.022 ........
1l4J:"'A~.

---_.
1150:_ ..... 1'.......
............... ml : J< synodt-. Constantj·
13$0: Jean Il Jt Boa.

..--- :1'~ 1}M1t! • : les advcr·


saira dt p.I,mas soni con·
~
d,mM ,
lm : IlI!W:Iœnl VI, papt

.-.... VI.
1lS6 : Blrame de Poitim. pplt
It PriDc:t Noir.
1)6(1 : MM de Gftaolrr Plia· Il:: T";./ de _ ,

AC-- .....
..... Nil (.hg;l" lui .1aC-
JJ6.2 ; Urtlaia v, papt ,
1l6J : Mon dt: Nil Cat dM
J164 : a..rla V.

P" ,,' U?' ; Gnad tdt.., d'Om..... .

'fI' .. _.. ~pcfn:.


11IO ! C'IaIrIcI VI.
"«1.o.C["
'- Eo'_ \-1',
~"--_.
..mot XII

~192~~'~'~:wt~"~M~"~'~S~.~..~.
- •

Table des matières

Introduction, par Daniel Coffigny

Un chrétien dans un monde en crise : Nicolas Cabasilas ..... 7


, L' hésychasme et Grésoire Palamas ...... .. ...... ... . II
, L'homme en sa maturiré: Nicolas Cabasilas ..•....... 17
« La Vie en Christ» de Nicolas CaN'il" : une sourœ . nti.
que pout des temps nouveaux . . ... . .. . ... . .. ..... .... .. . . . 22
L'ensemble de l'œuvre ...... ... ... ....... . . . . .. . . . . 22
Les livres d•• La Vie eo Christ » . . . . • . • . . • . . . . • . . . . 32
Pour ne pas conclure... . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .. ... . 19

1
322 LA VIE E N CHRIST
TABLE DES MATIÈREs
LA VΠEN CHRIST 323
B. - Christ est Vie Luml'è
C 'reetCh '
· .- Christ nous attire vers LUi emlD . .. . S7
Livre premier déhcate « Contrainte » par une
« QUELLE TENDRE BLESSU RE A U CENT RE DE 4. - ACommTent, dès lors, ~~.; ~~~~. êrui~~;""" S8
MON ÂME! » · - out dépend de L . . .. ... S8
de nous • • • • • • • • • •
UJ et tout dépend
DIEU PREND LE CHEMIN DE L' HOM ME ET LU I MAN IFESTE B. - La vie nouveÙ~' d~' Ch '........ .. .... . SR
SON AMOU R
PAR LES SACREMENTS DU BAPT~ME, DE LA C HRISMATION
conférée par les « mystères ~~:~nous est
ET DE L'EUCHARISTIE C . - C'es.t Dieu qui prend l'initi~i~~"" '" 60
nous sanctifier en nous rej'oign t de
Op '. an Sur terre 61
· - érenuere conséquence: par ces mystè-'
1. - La vie en Christ en no us dès cette existence res sacr s, comme à travers de 1 b .
le SIl d J . arges ales
d' ici-bas ........... . ....... . ... .......... .. . . 49 o el e ustlce pénètre notre monde '
obscur • • • • • • • • • • • • • •
2. - La vie en C hrist consiste en l'union avec • •

lui . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 51 E .. - Deuxième conSéq~~~~'; 'l~' S~~~~~···· 62


A. - De même que la nature prépare le LUI-même nous montre que le baptême nous
fœtu s pour la vie ... .. ... . ....... . . .. .. . . 51 ouvre les portes du ciel .....
F. - Troisième conséquence :' .~ .... . ... .. . 63
B. - La vie future est comme « infusée»
en notre existence présente ........... .. . . . 51 ainsi, pa,r Ses mystères sacrés, Dieu nous
C. - Il est donc possible, dès maintenant, com~uruque le plus grand bien de tous: la
plérutude de Sa divinité
de vivre et d'agir avec Christ ..... .... . .. . 52 64
D. - Mieux: nous ne faisons qu'un avec
5: - La geste de Christ: so~· ~~;.~. ~~~~'ck
vIe nouvelle ....... .
Christ ....... .. . . .... .. .......... . ...... . 53
A. - Le Seigne~~' ~~~~. ~~~~~. ~ .~~~. ~ . k' 66
E. - L'union à Christ surpasse toute chemin ..... .
Unlon ... ...... . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .. 54
• • • • • • • • • • • • • • • •• ••• •• •• •• • • •• 66
F. - L'unité même de l'être humain ne B. - La justice a atteint notre race . . . . .. . . 66
6. - Les justes de l'Ancienne A\liance qui onl
supporte pas la comparaison de notre
ss espéré en Christ ........... . ........ . ... ..... . 68
union à Christ .......................... .
S6 A. - Ils ont ~ pour contempler
3. - Qu'est-ce donc que cette union à CI hrist 7 ·· la Lurni~e dà ...... .. ... . 68
A. - Christ est toujours présent, 1 corn b1e
B. - La diffm.cct .tre la et les
chacun de nos besoins, Il est en nous ....
pécheurs avant la '#IIlue de Christ ..... .... . 68
TA BLE DES MATJ ËRES
LA VIE EN C HRIST 325
324
Livre II
C. _ pourquoi Christ est-Il mort si, avant
Son Sacrifice, des hommes ont été amis de « CAR TOMBE SUR VOUS U
70 NE ROStE DE
Dieu 7 . . . .... . .. . . . . .. . . . .. . .. . . . .. . .. . . . . L UMI È RE "
D. _ Autrefois, la Loi unissait à Dieu les L'EFFICACITÉ DU BAPTÉME POL"R
justes. Désormais, c'est la foi et la grâce qui NOTRE VIE EN CHRIST
71
le font . ......... .. . . ... ...... .. .. . .. . . . . .
7. _ Les portes du paradis et les portes de la 1. - Introduction : Les sacrement .
72 à C hrist s nnus UDlssellt
• en Christ . . . .. . ... . . . ... . ....... . ......... .
v.e • • • • • • • • • •
A. _ Les portes de la yje furent ouvertes
72 A. - Chacun ci~ '';'~~;è;e~' ~~~; ~~~d" "" 8S
quand cellcs du paradis ont été fermées .... . c.pants de ceUe vie pani-
B. _ Les portes de la vie sont ouvertes par
73 B. - Chacun des ~~~;ir~~' ~. ~ .~ . . ··fi·: .... 8S
2. - Le baptême. est nouvelle naissanc~ I~~;
Christ ... . .. . . . .......................... . 86
8. _ La rançon que Christ a payée pour nous ., 73 87
A. - Les d.vers noms donnés au hapt!m 87
A. _ Comment aurions-nous pu vaincre ce
73 ~. - Les cérémonies qui précèdent le ha e ..
qui nouS avait rendus esclaves? . . . . . . .. . .: . terne préparent à recevoir la vie en Ch . p-
B. _ Dieu fait Sienne la luUe de l'humaruté 93
74 3. - Le haptême et sa signification nst. ..
97
et Il vainc le péché ....................... .
C. _ Ce rachat ,est supérieur de beaucoup
~. ~ L~ triple immersion: « C~l~'i' ~~i .... .
76 n était nen, existe' ») 97
B. ~ « Il se prod~it ~fi~i~~~~;' ~~. d~b~t'
au mal commis par les hommes . ..... . .... .
D. _ Christ soulage notre humanité du de Vie»
77 • • • • • • • • • • • • • • • • • • • •• • • 98
poids de son péché . . .. . .. · · · · · ··· · ···· · ··· C. - L'invocation trinitaire: « ~. Tri~t~'"
9. _ Les « mystères» sont les moyens par les-
77 tout entière a voulu mon salut» 99
quels nous faisons nôtre le salut de Christ ...... . 4. - En quoi consiste cette nouveUe ....... ... .
A. _ Comment expliquer cette victoire et
77 que confère le baptême • • • • • . • • • . • • . • . • • • • • • • • •• 101
son couronnement? ...................... .
B. _ Comparaison entre l'admirateur du A: :-. Proclamer tout haut le dogme
tnmtmre ......... . • • . • • • • • . • • • . • . • • . . • • • .• 101
tyran prisonnier et celui qui exulte à la vic-
78 B. - Le iXch4! est double: action et
toire du libérateur . . ...... ················· habitude ..••.•...• • •••••••••••• •••••••••• 102
C. _ Les conséquences que nous tirons de
ceue comparmso • 80 C. - De cette maI8die et de mon, le
n .......................•. 103
bapteme nous /.: •.....•..•..... .....
D. - Christ ne nous fait pas des dons 104
5. - La lib4!ratioD . . _ . Je baptente .
insignifiants .............................. .
LA VIE EN CH RIST TABLE DES MATI~RES
326 327
G. - Comment l'expé .
A. -« Je suis dégagé de toute
condamnation -
. » .......................... . 104
saints. . . . . . . . . .

nence façonne les
• • •

H. - Comment le b~~t~ "" "" " ""'"



123
B. _ Nous sommes remis en liberté ....... . 105
railleurs de Christ . Por h e a COnverti cles
C. - Contribuer, si peu que ce soit , à Ardalion . p yre, G~laJe et
106
notre libération ........ ··· · ··· · ·· · ···· · ·· · · 1. - Cl i~di~;bl~' ~'~i~~ 'd~ 'chri~ '," " ". 124
6. _ Le baptême nous confère une nouveauté de 10. - Le baptême en tant qu'ex~' . ~ ... . 127
vie en Christ ...................... . . . .. .. . . . . . 106 nelle de Dieu • • • • • • • • •

......enec penon.
A. _ La vie de Chr ist surgit en nous .... . · 106 ".
A. - « Il règle sa ~~~d~i;~' ~ï 1" " : .. " 128
B. _ Le baptême est le commencement de sance de Dieu » on a pl!J'
la vie à venir ... . ..... . ... ...... . .... . .. . . 108 B. - La Loi N~~~~Ît~'~; 'r~~Îi;; .~; ".""" 128
C. - Même les non-baptisés doivent II. - Cette expénence engendre l' VIe" ". 129
108 Créateur amour pour le
ressusciter
• . ............... . .. . ... . .. . .... . . • • • • • • • • • •
A. - « L'ho~e' ~. '~;i: ~.;; '~~~i 'di~~" " 130
7. _ L'apostasie ne peut pas détruire le don de
112 d'une sOIf infinie ... » . '
Christ . ........ . .... . .. . ..... ... . ..... .. .... . . . B. - « À l'abondance ' d~ ' i,~~~; 'c'o" " " " 130
A . _ Doit-on à nouveau baptiser ceux qui
112 pon d l' a bond ance de la joie. » lies-
133
o nt renié Christ ? . ..... .. . .... .. . . ... . . . . .
C. - Am?ur et joie, fruits de 'l;~~ri~' ;~i~t' 134
B. _ Les dons de Dieu sont sans
114 12. - Le bapteme est une illumination m
A. - Les langues de feu à la P~t~;~::::
repentance . . ...... .. . .. .. . ........ .. . . ... .
liS m
8. Le baptême et les réalités du monde à venir .. B. - Le fruit de la contemplation 136
13. - Résum~ sur les effets du bapthne'::: : :: :: 137
9. Comment les effets du baptême se manifestent-
116 A. - Il prépare à la vie future .. """ "" 137
ils ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . B. - Il ouvre les yeux pour les orienter
A. _ Une « manière nouvelle de se vers Dieu................. . ........ . .... .. 137
comporter » . . ..... ... .................... .
116
117 C. - Il est de la vie eu
B. _ L'exemple des martyrs ..... ·········· Christ ................•......... . ..... . . .. III
C. _ « C'est l'Époux de l'Église qui Lui-
120
même les a baptisés» .................... .
D. _ « Percés et comme eni vr~s par
120
l'amour de Christ» ................•......
E. _ Les deux voies d'accès à la connais-
sance : l'enseignement et l'expérience .... ····
F. _ La supériorit~ du Nouveau Testament.
328 LA VIE EN CHRIST
TABLE DES MATièRES
- Livre III 329
C. - L'eucharistie COm
« L'ESPRIT, EMPRESSEMENT DE L' AMOU R » la chrismation . .. . . . " piète le bapteme et
LES EFFETS DE LA CH RISMATION D. - « Seule l'euchari~~""'''''''· 1e ,, ·· . IS8
fection les autres sacrem pone à leur ~:.
2 eOls "
• - « Christ, seul, était capable . ....... . .. . ' . 160
1. - L'Écriture lie le don de l'Esprit à l'onction rendre à son Père tout l'h par sa vie de
dû » ... . ....... . . . onneur qui lui ~t
et à l'imposition des mains ..... • • • • • • • • • • • • • • • • 141
2. - Christ I. ui·même fut oint par l'Esprit . ... . . A. - « Pour ré~~~; 'I;i~'" . . .... . . ..... . .... 161
142 force supérieure à celle dJurl~h' il faut une
3. - Christ est source de no tre o nction dans B T e omme»
l'Esprit . ....... . ........... ... . ..... . .. . • • • • • - « ous les effons des h .... ". 161
• • • 144 sont que des préüml ' na' ommes ne
4. - La chrismatio n no us confère les dons du . Ires et des p .......
lions à la vraie justice» r..... a-
Saint-Esprit . ................. . ..... ..... . .. . .. .
A. - À l'origine de l' Église .. . . .. . .. ... . . .
146
146
C. - « Le Sauveur hon~r~ï~' p~~ ... .. ... . 161
propre personne » • • • • • • • en Sa
B. - A ujourd ' hui . . .... .. ... . .... ........ . 147 •

3. - Le corps de Christ: « Le .. . ;..... ....... 162


5. - L'effi cacité du chrême ... ......... . . .. ... . 149 tre le péché » seu remède COD-
6. - Les mystères comme moyens du salut ..... . 151 • • • • • • • • • • • • • •
• .......... 164
7. - Résumé: La chrismation fortifie ceux qui 4. -:- L'eucharistie, mystère qui nous un:t·à····· ..
Chnst • • • • • • • • • • • • 1
o nt décidé de vivre en Christ ... . ............. . . 152
.,;

A. - Dès que 'I~ . h~~~~' ~~~; .~~. ~~... 166


corps et au sang de Christ... ils en reçoi-
Livre IV vent, aussitôt, les plus grands bienfaits ».. . . 166
• B. - « Il se communique Lui-même à
« LA MANNE DE LA TENDRESSE» nous » .•. •..•.•..... . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .. 168
C. - « Christ pmètre en nous pour ne
LES EFFETS DE L'EUCHARISTIE POUR NOTRE VIE EN CHRIST
faire qu'un avec nous » .. . .... . ... ... . .. '" 169
5. - La chair de CbrIst DOUS libère de la loi de
1. - Le sommet de tous les mystères . . . . . . . . . .. 155 la chair ................. . ......... . . ........ . 170
A. - Dans J'eucharistie « nous possédons 6. - L'eucharistie nous d'Idorer «en
Celui qui est ressuscité » • • • • • • • • • • • • • • • • . .• 155 esprit et en ,. • • • • ...... _.. .. . .. . .. In
B. - « Christ est vraiment présent en cha· 7. - L
cun des mystères » •••••••••••••••••••••••• 156 de Dic~ ........ .. • •• • • ••• .. . 1'3
,
, •

330 LA VIE EN CHRIST TABLE DES MATIÈRES


331
A. - « Cè Jl'est pas au chœur des esclaves 13 . - Christ nous crée de nouvea
que nous sommes appelés» ............... . 173 l' eueh"
ansUe . . ... . . • • • • • • u par
.... ...... ..
• •

B. - « :Ëtre adoptés par Dieu, c'est une A. - « Il nous procur~[~~i' ~ê 190


_véritable naissance » .... . ................. . 175 est nécessaire » . • • • • • • • • • -• me ce Qui
, B. - « De porte à porte I\ ·se....
• •

C. - De la véritable communion .... ... ... . 175 ,


f: ...... ' ..
ait pro-
190
8. - L'eucharistie nous forme « homme nou- che ... » ... . ..... . . • • • • • • • •
14. - Christ, en nous libérant d~~ie'n't"n"t" "R":

veau » en Christ .............. · · ·· ·· ···· · ·· ·· · · 177 191


. ' 0 re 01 193
A. - « En déracinant et rejetant le vieil A. - « Il faUaIt rendre la liberté a
capu'fs » ...... ....... . . ~
homme» ..... ~ -- .-...... . .. . . ... .. ..... . . . 177
B. - Ceucharistie « restaure notre B. - « Il ne s' impose p~~ .~~; 'I~' ~~~i~t~" " 193
CCI ».. 193
Jeunesse
• » •••••••••••• • • . • ••• •• •••••••••••• 178 • _ . « et esc avage est le secret de la
royauté de Christ » . . .... . .. . l~
9. - L' eucharistie comparée au baptême .. ..... . 179 D. - « Il exerce Sa royauté e~ '~~;f~t~' . ...
A. - En ce qui concerne la purifiCation ... . 179
plénitude » . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 195
B. - La coopération exigée de notre part .. 180
182 15. - Les membres de Christ ne verr~~~ .~~ 'I~"
C. - Christ, notre allié dans le combat ....

mort. . . . . . . . . . . . . . . . . . 196
D. --+ On est athlète « pour gagner, rempor- 16. - La !lloire future d~ .~~~~ '~~i' 'v'i~~~~ .~~ . .. .
ter la victoire et être couronné» .......... . 182
Christ. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 198
10. _ Dans ,l'eucharistie, Christ est la récom- A. - « Christ recevra Ses propres membres
.. , 184
pense d e notre victOIre .... . ................ ... . qui afflueront de toutes parts » . . . .. . . . .... 198
Il. - Les effets sanctifiants de l'eucharistie .... . 185 B. - « Nous Le verrons tel qu'Il est » . , . .. 199
A. - « Par le banquet sacré, nous sommes
plus étroitement unis à Christ» ... . ....... . 185
B. _ « Ils sont saints à cause de Celui qui Livre V
est saint » ••••••••••••• • ••••• . •••••••••••• 186
« VOICI L'ESPACE DE F~TE »
12. _ L'union à Christ nous délivre du péché .. . 187
A. - « En nous, tout est esclavage» ..... . 187 LA VIE EN CHRIST ET SON RAPPORT
AVEC LA COJllSl!cpATION Di L'AUTEL
B. - « Rejeter sa condition d'esclave et
montrer celle d'un fils » .................. . 188
c. - « Dans le banquet eucharistique, 1. - L'autel eYfcs m"'" -=ra ............ .. 203
Christ est notre vraie justice » ............. . 189 204
D. - « Dieu est le but recherché »•........ 190 2. - La c~l~bratioD cie de 1'- .. ,
f

332 -LA VIE EN CHRIST


TABLE DES MATIÈRES
333
3. - Le symbolisme de la consécration de l'autel 206 E. - « Qu'est-il de comparable à
A. - « L'image de l'autel, qu'est l'homme amour ?. » .. ..... . cet
• • • • • • • • • • • • • • • • • • • •• •
lui-même» _..... ... .................. .... . 206 •
F. - « Quand nous nous rendrons

225
207 compte
C. - L'onction de 1'autel et celle du
-
B. - Un cOlUmenfaire du baptême .... _.... de la grandeur de notre dignité»
• • • • • • • • • • • 226
4. • - L'estime que nous devons avoir po ur nous-
baptisé .................................. . 210
memes, en tant que membres de Christ
D. - Paroles et gestes de l'eucharistie .... . . 211 ••• • • • • • • • 227
4. - Les reliques des martyrs placées sous l'autel 212 5. - L'amour de Christ conduit au vr wo ; re peutlr .
. 229
5. - L'église, temple de Dieu ................. . 213 A. - ({ Les sentiments de honte et de peur
sont une ruse de notre ennemi»
B. - Les deux genres de regret d~' ~~~ ..... 229
péchés .... . ......... . • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • •
Livre VI--
- 232
6. - Il est bon de {( penser à Christ sans nous
« LE VISAGE PENCHÉ SUR LUI» lasser» ............... . • • • • • • • • • • •
• 1 • • •
• • • • • • • •
• • 233
COMMENT GARDER LA VIE EN CHRIST PUISÉE DANS LES A. - Fixer notre mémoire sur ce qui a trait
SACREMENTS à Christ .............. . • • • • • • • • • • • • • • • • • • • 233
B. - « Si notre esprit est occupé par de
viles pensées» ..... . ..................... . 23S
L - La nécessité de conserver la grâce reçue .... 217 C. - Vouloir ce qui est bien ne demande
A. - Il faut nos propres efforts, notre pas un grand effort ...................... . 236
effective participation ..................... . 217 7. - La Loi de l'Esprit est loi d'amour ....... . 236
B. - Quel que soit notre état de vie ... .. . . 218
2. - Nous devons nous attacher à Christ, source 8. - Comment méditer cette Loi? ...... . ..... . 238
de notre • 220
VIe . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 9. - Le profit spirituel de la contemplation de
3. - Jusqu'où va l'amour de Christ ........... . 221 Christ .. ....... ..,. .......... .................. .
A. - « Notre royale condition de liberté 10. - Modeler notre vie en Christ sur les
actuelle ... » ............ . ................... . 221 Béatitudes ....................... ............. . 240
B. - Christ « en personne cherche A. - Les B9titudes: « voie sOre qui con-
l'esclave » ••..•. ..•.•.... o ••• •••••••• ••••••
222 duit à la vie . » ••••••••••••• , 240
C. - « Une preuve démesurée de cet amour B. - La b6atitude dei pauvres .......... ··· 241
lui-même sans mesure » •••••••••••••••••••• C. - La • qui . . .. 243
D. - Christ aux outrages •................ D. - La ciel doux ............ ··· 247
334 LA VIE EN CHRIST TABLE DES MATI~RES
335
E. - La
-
béatitude des affamés et assoiffés B. - « Voyons maintenant ce qui concerne
de justice .... .. . . ... .. ... ........ ... . .... . 252 la volonté » • • • • • • •
• • • • •

F. - La béatitude des miséricordieux . . .... . 252 C. - « L'amour découle' d~ï~ ' ~~I~~t~'; "" 270
G. - La béatitude de ceux qui o nt le cœur 2. - De l'affliction selon Ch"lst • ) '" 271
• •
255
);>1.11" • • •••• • •• •• • • •• ••• • ••••••••••••••• •• •• • A. - « Il est raisonnable que nous ' ~;,;_....
• • • •
272
H. - La béatitude des artisans de paix ..... 256 mencions par là notre exposé»
I. - La béatitude de ceux qui s'éprennent B. - « Ce dont il convient de ';'~fni~~ ;; .. 272
d'amour pour Christ. .. . . ....... ...... . . .. . 257 273
C' . - Si nous. voulons comprendre ce qui ..
J. - La béatitude des persécutés à cause de dOIt nous attnster. .. II n'est qu'à prendre le
Ch rist .... , . . .. . .. . . . ... . ... ..... .. . .. ... . 257 contre-pied des lois de Dieu
274
II. - C hrist, mod èle de notre perfection . .... .. .
12. - Notre contemplation s'enracine dans la
259 D. - « L'affliction est le r~~M~' i~ ';'~'I~~ à
die de l'âme » • • • • • • • • • • •
prière consta nte . .... . . ... . .. .. . . ..... ...... . .. . 261
• • • • • •
• • • • • • • • • • • 276
E. - « Pour le péché de notre nature, Dieu
A . - « li est impossible qu'II ne soit pas eut recours à la souffrance» • • • • • • • • •
en nous » .. ... ...... .. . . \ .. .. . ... .. . ... .. . 26l • • • • • • 277
F. - « Les hommes de foi s'attaquent à la
B. - Comment nous prions ou la « Prière racine du mal, dès le début» ..... .. . . .. . . .
de Jésus» . . . . . . . . .... .... .... ... .. . ... .. . 263 279
G. - « Invités par un appel incessant de la
13 . - Les bienfaits de la communion fréquente . . 264 -
grace ... » ... ... ... ..... .. .. .. ... . .. . .. ... . 280
H. - Tenir le mal à distance .. . « en ban-
nissant toute angoissante inquiétude» . . . . . . . 280
1. - «• Rien de ce qui engendre l'angOIsse
ne trouble l'âme de ceux qui vivent en
Livre VII
Christ» ............... . . . ...... . ... . .. .. 282
« TU M'APPRENDRAS LE CHEMIN DE VIE, J. - « Ceux qui s'en remettent entièrement
DEVANT TA FACE, PLÉNITUDE DE JOIE" au Sauveur Il qui tout est possible». ... . ... 283
AIM ER DIEU, C'EST ACCORDER NOTRE VOLONTÉ A LA
K. - « Les meiUeurs ne sont-ils pas ceux en
SIENNE, A L'EXEMPLE DE CHRIST qui l'amour pour Dieu avive le repentir ? ». 285
L. - «( Seule est la douleur qui pro-
vient de l'Am(\Uf de Dieu » ... _.. . . .. . . . . .. 26
1. - La transformation de notre volonté........ 267 M. - ~lor~ p6chl: .. _ « parce que Dotre
A. - (( L'efficacité simultanée de la grâce et volont~ n'a pis ~ al accord avec Dieu» ..
de nos efforts » .......................... - 3. - De: la jQÏe en ...... . .............. .
LA ViE EN CHRIST TABLE DES MAT/ÈRES
336 337
A. - « Nous éprouvons d'autant plus de C. - « C'est en cet am our et cette . .
joie que nous aimons davantage » . . . . . . . . .. 289 consiste, ici-bas, la vie bien heur JOIe que
cuse» 311
B. - « La nature du bien est de se répan- D. - « Telle est la vie en Christ ,) ..... '. '.
..... '. 314
dre et de se conimuniquer » .. ..... .... .. . . , 290
Tableau synoptique des évén ements "ontempo .
C . - La joie doit être « constante, solide
de Nicolas Cabasilas • • • • • • • • • • ' r a m s
et.. . merveilleuse » . . ... ..... .. .. . ····· · · ·· · 292 •
.........• • • •
• •
318
D. - « La joie est proportiunnée à la gran-
deur de sa source» . .. . ........ .. ......... 293
E. - « Nous nouS' réjouissons à cause de
tout le bonheur qui est en Dieu » . . . . . . . . .. 293
F. - « Nous voulons exister, car nouS sou-
haitons être heureux » ..................... 295
G. - « En Lui seul, ils trouvent la joie
véritable» .. . ... . .. . ...................... 297
H. - « Le Royaume consiste en Celui qu'ils
alment » . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .. 298

1. - « Les bienheurejJx se réjouissent de la
joie de Christ » . . . . . . .................... 299
J. - « Puisque c'était notre volonté que
Christ cherchait, Il ne lui fit pas violence ». 301
K. - « L'esclave de Christ ne peut que res- •
sentir de la joie » . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .. 303
L. - Les exemples de Jean le Baptiste et
de l'apôtre Paul. ................ ·········· 305

4. - Amour et joie, telle est la vie en Christ ... 307


A. - « Lorsque notre amour est rivé à
notre volonté » . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .. 307
B. - Vivre en Christ. .. «que notre volonté
agisse conformément au vouloir de Dieu » ..
--
- -
Dans la Collection « Epiphanie »

-
/
M. Acarie: Lettres spirituelles
Michel Albaric : Le Temps d'attendre
R. Alves : Je crois en la résurrection du corps
J.-É. Anizan : Quand la charit~ s'empare d'un homme
- J. Aubrun: Les Oubliés de l'Evangile
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1 Dom Godefroy Bélorgey : Sous le regard de Dieu
M. Berthon: De Solesmes à Auschwit~ : Marguerite Aron
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• L. Oouyer : Figures mystiques féminines
Édouard Orion: Un étrange bonheur
O. Oro: La Meule et la Cithare
, O. Oro : Le Secret de la Confession
, O. Oro: Les Portiers de l'aube
B. Oro: La Stupeur d'être
O. Oro: Jean-Marie Vianney, Curé d'Ars
O. Oro : Marie, espoir de Dieu
O. Oro : La foi n'est pas ce que vous pe/lS~
, O. de Jésus Marle : Le Sang du Carmel
W. Busb: La relation du martyr des seize carmélil6 Ik
Compi~ne
C. : Et Dieu vit que cela était bon
Michel : Le Pm JfICtIUH, Au reYoir la ett/tIIIl$
A. Chambon : Oui, je crois
E. Cbfttiell: Pierre-FrtlIIÇOis J.",.. 1162-1845
1 D. Coffipy : Nieo/IIS l.tI.;WI en

,
Collectif FIACAT : Torturés, tortionnaires, espérance chré- Père M. Jean-Joseph Lalasle : Prêcheur de la . é .
.
J .-Cl. LavIgne: . lomtam
L e Procham '. ml(, "Corde
tienne
y Congar: Appelés à la vie d D' G. Le Mouël : Quand Dieu frappe à ma porte
D~niel-Ange : Écoute les témoins, tome 1. Au cœur e /e U Frère Léonard, de Taizé: Des yeux pour voir
accorde ton cœur . P. Marlbelol: Victoire sur la mort
Daniel-Ange: Écoute les témoins, tome Il. Pour aimer, lutte C .M. Marlini: Être avec Jésus. L'itinéraire spirituel des
et pardonne Douze selon saint Marc
C. Delhez: A u jardin de Dieu ,. . C.M. Martini: Témoins de la parole
C. De Meester : Les Plus Belles Pages d Élisabeth de la TrI- C.M. Marlini : Prêtres, quelques années après...
n~ - . M éditations sur le ministère presbytéral
C. De Meester : Frère Laurent .~e la RésurrectIOn C.M. Martini: Épreuves et pelsévérance
J. Dorcase: Des mots pour prier . _ G. Messie: Les Diaconesses de Reuilly
Efrén de là Madre de Dios : Mère Catherme du Christ P. Monier: Paul et son Christ Jésus
R. Faricy : Tel un vieux chant qu 'on f redo,!ne; la Prl~re. M.-O. Molinié : Le combat de Jacob
P.-M . FévoUe: Virginité, chemin d 'amour. A 1 école d Éli- M.-O. Molinié : Le courage d'avoir peur
sabeth de la Trinité . E. Pacho : Initiation à S. Jean de la Croix
Ph. Ferlay: Paix et silence avec Elisabeth de la Trinité J. Perrier: A imer la messe
Ph. Ferlay: Le Visage de Gloire . A. Pbilbée : Saint Bernard de Fontaine, abbé de Clairvaux
Ch. de Foucauld: « Cette chère dernière place» Lettres a Cardinal Piroud : Un chemin d'espérance avec Marie
mes f rères de la Trappe , A. Quilici : Nous OSons dire Notre Père
Dom Jean Gaillard: La Liturgie pascale J.-G. Ranquel : L'Un et l 'Autre Exode
G. Gaucber : La Passion de Thérèse de Lisieux N. Rath : Sainte Marie Mère de Dieu
C. Geffré : Passion de l'homme, passion de Dieu B. Rey: Trois chemins vers Pâques
Dom André Gozier : Dieu-Source
B. Rolli" : L'Appel évangélique à la pauvreté volontaire
A. Grugel : Alexis. Mort et vie d'un enf'!nt Mgr Oscar Romero : L'A mour vainqueur
G. Harly: Prier l'Évangile avec Marie. A la redécouverte
Gustav Scherg el Peter Beek : Le Bienheureux Niets Steensen
du Rosaire Florine-Frédérique Sigel: Visages de Jésus
G. Honoré-Lainé: La Femme et le Mystère de l'Alliance
M. de Susanne: Temps de repos, temps de Dieu
M.-Ph. Hoppenot: Le Temps du feu
Mgr Stéphanos: Une saison en orthodoxie
M.-Ph. Hoppenol: Pleins pouvoirs à l'Esprit Saint
Guido Stinissen : Découvre-moi ta Présence
Alain Houziaux : Paraboles au quotidien
Guido Stinissen : Le Christ votre vie
Alain Houziaux : Mon silence te parlera
Mère Teresa: Dans le silence du '-œur
Jean-Baptiste de la Conception : Pensées mystiques
Omer Tbaagbe : Comme je vous ai dfmés...
Jean-Paul Il : Rosaire et chemin de croix
G. Tbomazeau : Bonne nouvelle du mariage
G. Thomazeau : Suivre JéSus à pas d'homme
J. Vinalier: Mère Agnès de Jésus •
Marianne Viviez: Tes lacets sont défaits
E. de Waal: La Voie du chrétien dans le monde
H. Wallz: Un pauvre parmi nous: le père Chevrier
J. Werquin: Thérèse Cornille
J. Wrésinski : Les Pauvres, rencontre du vrai Dieu

,

Achev6 d';rr"",ihLEi
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N0 d'Êdileur. 9694 .. N- d"lhpin .', :
Impir"~ ." c.E.E.


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1
Daniel Coffigny

Nicolas Cabasilas,
la vie ell Christ
-
Théologien laïc et homme politique, Nicolas
Cabasilas revendique pour ses frères orthodoxes
du XIUC siècle la possibilité de vivre pleinement
« la vie en Christ », sans être ni moine, ni prêtre.
Pauvres ou riches, paysans ou conseillers de
l'empereur, tous son appelés par l'Esprit Saint à
vivre la Pâque du Christ.
Hymne d'ardente tendresse pour le Sauveur,
cette contemplation s'ouvre constamment sur la
mission qui est la nôtre de poursuivre l'œuvre de
la Création en prenant soin de la terre.
Les pages principales de ce texte majeur de la
spiritualité orthodoxe sont aujourd'hui rendues
, accessibles au grand public grâce à une nouvelle
traduction. Daniel Coffigny, prêtre, attaché au
service de la Communication du diocèse de
Créteil, ancien aumônier d'action catholique en
milieu ouvrier, travaille en Mission ouvrière.

épiphanie - spiritualité orientale


documents

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ISB 2-2().j-t
9 ISSN ~n

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