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de Rome

La romanistique allemande et l'État depuis les pandectistes


Yan Thomas

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Thomas Yan. La romanistique allemande et l'État depuis les pandectistes. In: Die späte römische Republik. La fin de la
République romaine. Un débat franco-allemand d’histoire et d’historiographie. Rome : École Française de Rome, 1997. pp.
113-125. (Publications de l'École française de Rome, 235);

http://www.persee.fr/doc/efr_0223-5099_1997_act_235_1_5188

Document généré le 17/06/2016


YAN THOMAS

LA ROMANISTIQUE ALLEMANDE ET L'ÉTAT


DEPUIS LES PANDECTISTES

J'ai choisi d'aborder ici la romanistique allemande en insistant


sur un trait susceptible d'apparaître, aux yeux d'un juriste français,
comme distinctif : c'est sa propension à interpréter le tus civile
romain comme une science autonome. Autonome en ce sens surtout
que les normes de ce droit y sont le plus souvent analysées comme
de pures elaborations jurisprudentielles, abstraites de leur contexte
politique, beaucoup plus encore que de leur contexte social. Ce qui
frappe le plus un observateur français, c'est cette mise à l'écart, cette
prétention de l'État. Je précise, pour éviter tout malentendu, que je
ne prends pas ici l'État au sens d'organisation de pouvoir agissant de
l'extérieur sur la société civile, soit pour en assurer l'ordre, soit
même pour la transformer : nous savons tous qu'on ne peut pas
parler d'État antique en ce sens, pas plus à Rome qu'en Grèce. L'État
sera entendu simplement ici au sens formel que lui donnent
habituellement les juristes : comme une instance d'autorisation; plus
particulièrement, puisque nous avons affaire au droit civil, comme
un ordre légal qui fonde les droits des sujets; bref, comme
expression de l'hétéronomie. Cette définition formelle a l'avantage de se
prêter aux questions que soulève le droit civil, création essentielle de
la culture romaine, mais que fort peu d'historiens de Rome intègrent
dans leur réflexion sur la cité, comme si celle-ci était un théâtre où
n'agissent que des forces politiques et sociales. Elle trouve aussi son
expression la plus claire dans la théorie moderne des normes
d'habilitation, sans être toutefois inconnue des juristes de la tradition.
C'est de l'État pris dans ce sens - un sens peu habituel aux
historiens, plus familier aux juristes - que, me semble-t-il,
l'historiographie juridique allemande sépare radicalement le droit privé
romain.
On peut considérer sous cet angle l'exaltation presque exclusive
des vertus d'une jurisprudence dont rien n'est aussi constamment
souligné que l'autonomie et, si l'on peut dire, l'autorégulation. De
Savigny à M. Kaser en passant par F. Schulz et par W. Kunkel, voilà
bien l'un des thèmes majeurs d'une historiographie qui s'interroge
moins sur le rapport entre ius civile et cité (interrogation qui réserve
probablement bien des perplexités), que sur le fonctionnement
114 YAN THOMAS

d'une science du droit qui ne se réclame que d'elle-même, du moins


jusqu'à la réforme des reponsa par Auguste. Le type de normativité
que cette jurisprudence représente est posé en véritable
contre-modèle de la normativité moderne, législative, étatique et
rationalisante. Je voudrais analyser brièvement l'image politique qui en est
donnée lorsqu'on la décrit comme une sorte de sujet collectif voué,
de sa propre autorité, à la production des normes juridiques, sans y
être investi par aucune délégation. Le problème n'et pas ici que cette
vision soit vraie ou fausse. Vraie, elle l'est en grande partie,
assurément. Mais tout est question d'accent, d'importance relative
accordée à tel phénomène plutôt qu'à tel autre. Par exemple, la tradition
romanistique relève volontiers l'extrême rareté des lois de droit
privé; mais en contrepartie, elle insiste fort peu et ne tire pratiquement
aucune conséquence du fait que le ius civile était dans son ensemble
considéré comme une interprétation des lois ou de ce qui procédait
des lois.
L'effort pour penser le droit, en dehors de toute construction
proprement institutionnelle de la fonction juridique, comme simple
production de l'art des jurisconsultes, comme résultat d'une
spécialisation technique de leur savoir, n'est pas une originalité de la
sociologie wébérienne, même si M. Weber y a vu l'un des traits les plus
singuliers de la culture juridique continentale1. Elle s'enracine bien
en deçà dans la dogmatique des pandectistes et, bien en deçà
encore, dans les représentations élaborées et léguées par Savigny, dont
le poids sur l'Université allemande excède de loin la réception même
de son œuvre puisqu'il fut véritablement institutionnalisé, comme l'a
établi un essai Le pandectisme postulait à sa façon l'unité
conceptuelle de la jurisprudence classique. Plus tard, l'école
interpolationniste s'efforcera d'établir, par les moyens de la philologie, cette
cohérence dont la science du droit classique était par hypothèse
créditée. Mais ce qui importe, du point de vue adopté ici, c'est le postulat
d'une unité de pensée où les juristes et leurs œuvres semblent se
confondre et former une sorte de sujet collectif et permanent. Dans
sa vocation à édifier le droit, ce "sujet" paraît se suffire à lui-même.
Toute singularité individuelle est effacée au bénéfice d'un esprit
collectif où générations de savants et traditions textuelles poursuivent
leur œuvre commune, en marge de l'État et en dehors de lui. Tels
sont en gros les termes dans lesquels est postulé, depuis Savigny
jusqu'à Kunkel, le dogme de l'unicité jurisprudentielle. Ce qu'il importe
de souligner ici, c'est la portée politique de ce dogme. Quelles

1 Weber, M., Wirtschaftsgeschichte. Abrìss der universalen Sozial- und


Wirtschaftsgeschichte, chap. 4, 1923.
Weber, M., Wirtschaft und Gesellschaft, 1960 2e partie, chap. 7 : 255 sq.
LA ROMANISTIQUE ALLEMANDE ET L'ÉTAT DEPUIS LES PANDECTISTES 115

qu'aient pu être les formes sous lesquelles elle l'a exposé, la romanis-
tique moderne et contemporaine n'a cessé de le professer.
Pour décrire ce sujet impersonnel, le grand romaniste F. Schulz
retrouvait en 1949 les métaphores par lesquelles, depuis Savigny,
l'école historique et le pandectisme avait véhiculé l'image d'une
jurisprudence systématiquement idéalisée. C'est d'abord sur la science
du droit, et presque exclusivement sur elle, qu'était selon cette
tradition bâti le droit romain. Cette science excluait ensuite de son
domaine aussi bien le monde des faits que le monde des normes
extérieures à elle -normes éthiques, normes religieuses, normes
politiques surtout. Au fond, les seules normes reconnues par cette
science n'auraient été autres que ses propres rationes decidendi.
Encore pense-t-on généralement qu'elles furent très rarement
formulées, mais plutôt implicites; les juristes auraient montré par là qu'ils
tiraient la ratio iuns d'une immédiate considération des données qui
leur étaient soumises : une sorte de raison intuitive issue de la
nature des choses. D'où, selon Schulz, qui se fait ici l'écho d'opinions
bien antérieures à la sienne, cette sûreté de décision qui apparente le
droit romain à une sorte de droit naturel. Or cette jurisprudence,
faute d'être mise à sa place dans une hiérarchie des sources
formelles (hiérarchie à peine ébauchée à Rome, comme on le sait), et
faute surtout d'être inscrite dans un ordre juridique rapporté à une
quelconque instance étatique, instance singulièrement absente de la
tradition pandectiste et même bien au delà, reçoit une forme d'unité
purement métaphorique. Sous le nom de jurisprudence est évoquée
la croissance d'un organisme autonome et vivant, depuis sa
naissance jusqu'à sa mort. Enfance, adolescence, maturité et senescence
représentent autant d'étapes d'un développement dont l'autonomie
est imaginairement fondée sur la métaphore du corps naturel2 :
image à travers laquelle le droit, dans sa modalité de science du
droit, se voit attribuer une unité qu'il ne peut recevoir autrement,
faute d'être analysé en termes d'ordre légal, d'ordre suspendu à des
normes extra-jurisprudentielles.
Il est vrai que les Romains eux-mêmes voyaient dans leur
jurisprudence l'œuvre d'un sujet trans-individuel, dont aucun juriste
n'était separable, et qui faisait corps avec la cité : l'idéologie sapien-
tielle et anti-légaliste qui domine la culture juridique allemande au
cours du XIXe siècle s'emparera de cette référence - déjà très
fortement idéalisée - comme d'un modèle absolu. Rappelons simplement
ici que c'était un topos, à Rome, que d'affirmer, par rapport à la
Grèce, l'originalité d'un droit largement indépendant de la loi. En

2 Schulz, F., History of Roman Legal Science, (2e éd.), 1953 : 263sq. 299.
116 YAN THOMAS

Grèce, selon Caton l'Ancien, de grands hommes avaient doté leurs


cités de chartes qui apparaissaient comme l'œuvre d'un seul. C'est
ainsi que le droit d'Athènes, mal enraciné dans l'histoire, flottait à la
surface de ses législateurs singuliers, dont la suite était
nécessairement discontinue3. A Rome, au contraire, un ingenium collectif,
incarné par une élite nombreuse, gérait un patrimoine juridique dont
on n'avait pas le souvenir qu'il fût primitivement l'émanation d'un
seul. Cette intelligence commune était érigée en institution puisque,
selon l'analyse qu'en donnait Cicéron, chaque juriste valait moins
par ses qualités personnelles que par Yauctorìtas attachée à son
statut de juriste4. Selon cet idéal, le droit romain n'apparaît pas comme
fondé ou décidé, mais comme transmis et interprété. Et c'est au
mécanisme de cette transmission que YEnchirìdion de Pomponius
consacre l'essentiel de sa description de l'évolution du droit.
Aujourd'hui, à partir de cette source quasi unique, les romanistes
reconstituent des biographies, distinguent des personnalités
marquantes, opposent entre elles des générations que singularisent leurs
méthodes et leurs modes de pensée : recherches toutes infiniment
précieuses pour une connaissance historique de la formation du
droit romain. Cependant, à souligner ainsi les nuances qui se
laissent à peine percevoir dans le texte de Pomponius, on perd
parfois de vue l'essentiel : c'est que le droit est l'ouvrage d'une
corporation successive, celle des juristes "très nombreux et très grands" qui
se sont succédé depuis les origines de Rome jusqu'au temps où
Pomponius prend cette progression continue en cours5. Or, de tous ces
savants, le premier à être mentionné n'est pas un quelconque
démiurge, un fondateur comparable aux grands nomothètes des cités
grecques, mais, à portée de mémoire, parmi ceux dont le souvenir
est encore conservé6, l'un des premiers7. Plus d'ailleurs qu'aux noms
propres, qui marquent autant d'étapes dans une succession
continue, c'est aux mots de liaison, c'est-à-dire au concept même de
continuité et de transmission qu'il convient de réfléchir, si l'on veut
comprendre le modèle d'un sujet historique meta-individuel exalté
par la romanistique post-savignienne. La chaîne des "après lui",
"ensuite", "puis", fonde dans le texte l'identité d'un processus dont les
multiples sujets sont subsumes sous l'action à laquelle ils
participent. Ce qui est premier et d'une certaine manière individualisé,

3 Cicéron, De Republica II, 1, 2; De oratore I, 197.


4 Cicéron, De oratore I, 198.
5 Pomponius, Digeste 1, 2, 2, 35.
6 hoc. cit. : et quidem ex omnibus, qui scientiam nancti sunt, ante Tiberium
Coruncianum publiée professum neminem traditur.
1 Loc. cit., 36 : in primis Publius Papirìus....
LA ROMANISTIQUE ALLEMANDE ET L'ÉTAT DEPUIS LES PANDECTISTES 117

c'est la "science du droit civil"8 dont on mentionne, pour autant qu'il


en reste trace, les premiers représentants : la jurisprudence comme
telle constitue bien une entité.
En ce sens, l'idée savignienne d'une jurisprudence entendue
comme genre homogène, comme travail d'un sujet meta-individuel,
traduit sans doute bien une certaine idée que s'en faisaient les
Romains eux-mêmes : une idée que, par hypothèse, cherchent à
dépasser les travaux qui, dans les années les années 70 et 80, se sont
efforcés de reconstituer au contraire les idéologies particulières de tel ou
tel cercle de juristes9 (notamment F. d'Ippolito, M. Bretone, A.
Schiavone). Il n'en reste pas moins cependant que l'idée d'un savoir
jurisprudentiel abstrait, reconnu comme institution de longue durée
et assuré d'une translation permanente, est indissociable aussi des
controverses modernes - et de la controverse allemande en
particulier - sur les rôles respectif de la science du droit de la loi étatique.
Munie d'un tel modèle, la romanistique des XIXe et XXe siècles
s'empare de la référence romaine pour légitimer une politique juridique,
c'est-à-dire une politique tout court.
L'idée de départ est que l'homogénéité formelle du droit romain
correspond à l'idéal d'un texte sans sujet, c'est-à-dire sans marque
laissant reconnaître l'intervention d'une volonté singulière. Dans un
contexte où la polémique anti codiflcatrice faisait rage, ce thème
mérite d'être signalé comme véritablement politique. D'ailleurs, ce
caractère d'impersonnalité du droit romain avait été fortement
souligné déjà par Leibnitz, dans ses Elemento, iurìs naturalisé : la
jurisprudence n'y était certes pas encore exaltée au détriment du
législateur, mais les traits d'homogénéité et d'autonomie qui lui étaient
conférés devaient prêter plus tard, dans le cadre d'une politique
juridique contre-révolutionnaire, à des usages beaucoup plus politiques.
Science deductive d'abord, dont les propositions ne découlent pas
d'une perception sensible, mais "tirent les conséquences d'une
existence supposée", c'est-à-dire d'une définition11; raison écrite surtout,
selon l'immémorial topos médiéval : raison consignée en des textes
qu'unifie une même trame discursive et produisant des vérités qui,
se faisant écho, apparaissent comme constituées en un seul corps et

8 Eod. /oc, 35 : iurìs civilis scientiam plurimi et maximi viri professi sunt.
9 Parmi les plus représentatifs, voir Dlppolito, F., Ideologia e diritto in Gaio
Cassio Longino, Naples, 1969; D'Ippolito, F., I giuristi e la città, Naples, 1978;
Schiavone, Α., Studi sulle logiche dei giuristi romani, Naples, 1971; Schiavone, Α.,
Nascita della giurisprudenza, Rome, 1976; Schiavone, Α., Giuristi e nobili nella
roma repubblicana, Rome-Bari, 1987; Bretone, M., Techniche e ideologie dei giuristi
romani, Naples, 1987.
10 In : Leibniz, Sämtliche Schriften und Briefe, VI, Berlin-New-York : 460.
Voir sur ce texte Bretone, M., Quaderni Fiorentini 9, 1980 : 205-206.
11 Nouveaux Essais sur l'Entendement, TV, 2, § 12.
118 YAN THOMAS

peuvent être imputées à une entité collective homogène, à unique


sujet :
"les Jurisconsultes ont plusieurs bonnes démonstrations; surtout les
anciens jurisconsultes Romains, dont les fragments nous ont été
conservés dans les Pandectes. ...Cette manière précise de s'expliquer
a fait que tous ces jurisconsultes des Pandectes, quoyque assez
éloignés quelquefois les uns des autres, semblent être tous un seul
auteur...".
Or ce thème de l'unicité transpersonnelle de la science du droit
est précisément l'un de ceux que reprend Savigny avec le plus de
force, dans un contexte historique inédit. Il s'agit de son célèbre
engagement politique, technique et moral contre la codification à la
française, fruit d'une rébellion des volontés particulières contre
l'ordre indisponible d'un savoir constitué dans le temps12, d'une
transmission par Savigny dans son célèbre pamphlet. Ce texte est
bien connu, surtout de nos amis allemands. Il n'est pas question de
me donner le ridicule d'en développer le contenu devant eux. Je
choisis d'en souligner seulement quelques motifs : ceux qui, à mon
avis, sont déterminants pour comprendre l'orientation de la roma-
nistique allemande, lorsqu'elle hypostasie une jurisprudence
républicaine et classique (ce qui, on va le voir, est tout un), pensée en
dehors de tout rapport à l'État, quels qu'aient pu être par ailleurs, à
Rome, les modalités d'un tel rapport.
A Savigny revient la formule célèbre : les jurisconsultes romains
n'ont pas plus d'individualité que des choses fongibles13. Il n'est pas
faux d'assigner cette formule à la tendance fortement conceptualiste
qui relie Savigny à Leibniz et, plus généralement, à l'école moderne
du droit naturel14. Car la fongibilité en question est celle, d'abord,
des notions entre elles. Par delà les ouvrages et les auteurs
singuliers, se tisse un vaste système de notions sous jacentes à la
casuistique : notions à partir desquelles, précisément, est construit le Pan-
dektenrecht, et qui fournissent encore la matière des Pnnzipien des
römischen Rechts de Schulz en 1934. Mais, pour Savigny, les
concepts juridiques romains avaient toute la naturalité d'objets bien
réels. Loin d'être le fruit de spéculations abstraites, ils s'étaient
imposés aux jurisconsultes au cours d'une longue fréquentation de la
vie et s'étaient manifestés à eux sous la forme d'une trame
génétique, d'une "généalogie"15. Contre les constructions jusnaturalistes

12 Savigny, Friedrich Karl von, Ueber den Beruf unserer Zeit für Gesetzgebung
und Rechtswissenschaft, Heidelberg, 1814 (cité ici dans la 3e édition de 1840).
13 Savigny, 1814 : 30 (cf. note 12).
14 Cf. Bretone, M., Quaderni Fiorentini, 9, 1980.
15 Savigny, 1814 : 29 sq. (cf. note 12); De même Puchta, Cursus der
Institutionen, 1841 I : 36 sq.
LA ROMANISTIQUE ALLEMANDE ET L'ÉTAT DEPUIS LES PANDECTISTES 119

qui se réclament de la raison (une raison qui, en dernier lieu,


s'incarne en une souveraineté politique), contre les synthèses a priori
des législateurs, l'idée organiciste fournit une arme de combat dont
la faiblesse théorique est amplement compensée par sa puissance de
suggestion.
Arrêtons-nous quelque peu à cette métaphore. L'évolution
organique du droit est d'abord une évolution sui generis, indépendante
de tout enracinement social et de tout support politique. La lente
maturation d'un savoir qui ne cesse de croître, tel un organisme
vivant, est une image opposée ici au double arbitraire du penseur
solitaire qui ne représente que lui (le théoricien, l'agitateur d'idées), et
du législateur d'État qui, lui, ne représente que ses contemporains
(qui fait table rase du passé). La "nature" alors se fait histoire - une
histoire en contact constant avec ses origines, et qui ne cesse de
s'alimenter aux traditions mêmes qu'elle a créées16. Le droit romain
montre avant tout la chaîne ininterrompue d'ouvrages unifiés sous
une même communauté de pensée et de style : capital transmis dans
les Universités qui, au Moyen-Age, sont les seuls laboratoires du
droit et dont la présence même, garante de la continuation juris-
prudentielle, relègue au second plan l'État comme instance
productrice du droit17. Bien plus, ce patrimoine, transmis et accru dans les
Universités médiévales, est appelé à s'enrichir par le soin des
romanistes allemands contemporains, héritiers en quelque sorte légitimes
du droit romain et dépositaires à leur tour des textes où est
consignée toute l'expérience de la ratio scripta. L'exaltation de la
jurisprudence romaine est indubitablement solidaire d'un montage
politique. Est postulée la permanence de Rome comme origine et
comme héritage) un héritage surtout allemand.
C'est pourquoi la validité du "système du droit romain actuel"
est inséparable d'une histoire de sa réception en Europe et
particulièrement en Allemagne. l'Histoire du droit romain au Moyen Âge
est bâtie sur la fiction d'une double permanence : celle du droit
romain d'abord, celle du peuple romain ensuite. Jusqu'à la renaissance
irnérienne du XIe siècle, ce qui subsiste de droit romain apparaît lié
à la survivance de populations romaines dans les différents États
germaniques constitués sur le territoire de l'empire d'Occident18. En
l'absence de relais culturels, c'est donc provisoirement une présence

16 Savigny 1814 : 35 (cf. note 12); System des heutigen römischen Rechts I,
Berlin, 1840 (préface); "Ueber den Zweck der Zeitschrift für geschichtliche
Rechtswissenschaft", 1815, in : Vermischte Schriften, Berlin, 1834 I : 105 sq.
17 Savigny, Geschichte des römischen Rechts, (2e éd.), Heidelberg, 1834 III :
152 sq.
18 Savigny 1834, préface et 1 : 155sq. (cf. note 17).
120 YAN THOMAS

organique que requiert en premier le principe de continuité. Au XIe


siècle, ce germe est transplanté dans les institutions. Les villes
lombardes s'incorporent une romanité réalisée dans leurs constitutions
mêmes, héritées de celles des municipes romains19. Au cœur des
villes, la plèbe perpétue, sous les deux ordres de la noblesse issue des
conquérants, l'antique nation romaine, le peuple des citoyens20. Or
c'est dans ces cités que surgissent les universités, institutions où
librement, indépendamment de tout pouvoir politique, se transmet
un savoir issu de l'Antiquité classique21 : en communauté d'esprit
avec Rome, les glossateurs ont alors accompli la mission historique
de maintenir vivant ce lien organique; ils ont fait que depuis ses
commencements, la genèse du droit romain a pu suivre un cours
quasiment ininterrompu, et tout cela dans un empire dévolu à
l'Allemagne22. Pourtant, la nouvelle fortune du droit romain ne doit rien à
l'Empereur lui même, malgré la légende selon laquelle Lothaire II
aurait fait don aux Pisans du Digeste et ordonné qu'il fût appliqué
par tous les tribunaux23. C'est spontanément, au contraire, que le
droit romain prit un nouvel essor dans les écoles où d'ailleurs il
n'avait jamais entièrement disparu - de sorte qu'avait été évitée une
absolue solution de continuité24. Mais il ne s'agissait plus alors du droit
des provinces romaines ni même celui de celui d'une nation qui
avait survécu et l'avait appliqué comme sa loi personnelle : ce droit
était devenu le droit commun de l'Europe chrétienne lorsque, à
l'unité de l'Eglise, de la Latinité, et à celle, restaurée, de l'Empire,
s'était imposée à nouveau l'unité juridique, provisoirement brisée par
les invasions25. De sorte que, derrière le thème bien connu de la
translatio impeni se dessine, plus fondamental encore, le thème d'un
renouvellement du peuple romain, substrat imaginaire d'une
science du droit qui en manifeste en permanence l'esprit.
Comme référence absolue, T'Organisme" du droit romain - qui
peut éventuellement se spécifier en Volksgeist, lorsque cette
métaphore prend, à l'époque romantique, une coloration plus nationale -
offre une réponse magique à la question des sources formelles du
droit civil. Pour terrasser la raison légiférante et codificatrice, surgit
la métaphore d'un être non créé, non artificiel, et qui se développe

19 Savigny 1834, III : 103 sq. (cf. note 17).


20 Savigny 1834, III : 111 sq. (cf. note 17).
21 Savigny 1834, III : 152 sq. (cf. note 17); et plus encore "Wesen und Werth
der deutschen Universitäten", 1832, in : Vermischte Schriften, TV : 270 sq.
22 Savigny 1834, VI : 228 sq. 474 (cf. note 17).
23 Savigny 1834, III : 89 sq. (cf. note 17).
24 Savigny 1834, III : 459 sq. (cf. note 17).
25 Savigny 1834, III : 87 (cf. note 17).
LA ROMANISTIQUE ALLEMANDE ET L'ÉTAT DEPUIS LES PANDECTISTES 121

sous la seule poussée de sa propre vie. Cette image assure l'unité du


passé et du devenir, l'identité d'un ordre juridique à la fois immobile
et mobile. La jurisprudence romaine apparaît bien, chez les
romanistes du XIXe siècle, comme l'organe d'une évolution spontanée du
droit. Ces métaphores savigniennes n'ont cessé de donner une
certaine unité de ton à la romanistique allemande, jusqu'à F. Schulz et
même W. Kunkel, qui les reprennent presque intégralement à leur
compte. Citons seulement un passage de ce dernier auteur, à titre
d'exemple de l'extrême longévité des instruments d'analyse forgés au
commencement du siècle dernier :
"le droit romain est le résultat d'un développement naturel qui fut
rarement dérangé par un plan rationnel. En droit romain, les conditions de
la nature prévalaient. Les organismes morts produisaient de
nouvelles souches, qui à leur tour cherchaient leur voie, etc..."26.
Avec la jurisprudence savante, le droit serait passé d'un mode
confus d'existence - un mode où, d'une certaine manière, il se
confondait encore avec les régulations sociales elles-mêmes,
entièrement immergé dans la communauté - à un mode séparé. La
conscience que le corps social avait de lui-même put alors s'autono-
miser et s'isoler sous la forme du droit. Progressivement séparé du
sentiment commun, l'esprit juridique reçoit avec la caste spécialisée
des jurisprudents son organe d'expression propre27. Ce qui
m'intéresse ici n'est pas la représentation organiciste (et
contre-révolutionnaire) sous-jacente à ces motifs savigniens, qui connurent
l'immense fortune que l'on sait dans l'historiographie juridique des XIXe
et XXe siècles. Mais bien plutôt, au delà de l'idéologie et des mots, le
type de rapport qui s'y perçoit entre droit et État, entre formulation
jurisprudentielle du ius et normes politiques habilitation. La
fonction juridique, telle qu'elle est imaginée et reconstruite ainsi,
échappe à l'imagination individuelle, certes, mais plus encore à
l'emprise d'une normativité objective, antérieure et supérieure à la
science du ius. Cette fonction n'est en rien suspendue à une
quelconque figure de puissance publique. Pour reprendre un qualificatif
très répandu au XIXe et même au XXe siècle, elle est "naturelle" : ce
qui signifie qu'elle n'a pas été instituée. Elle a surgi au cours de
l'histoire, puis s'est transmise d'une manière ininterrompue, on l'a vu,
jusqu'aux romanistes allemands.
De Savigny à M. Kaser, la romanistique n'a cessé de qualifier
cette jurisprudence de "classique". Elle l'a fait d'après des critères
qui ont certes changé en deux siècles, mais en suivant un jugement
de valeur dogmatique et même esthétique qui est resté, lui, rigou-

26 Kunkel, W., Roman Legal and Constitutional History, 1966 : 77 sq.


27 Savigny, System des heutigen römischen Rechts, 1840 § 12 sq.
122 YAN THOMAS

reusement le même. Ce que l'École historique et les pandectistes


qualifiaient ordinairement de classique, c'était la jurisprudence du
Digeste. Celle-ci disparaît avec Dioclétien, lorsque le droit est
abandonné à la législation pléthorique des autocrates28. L'école
interpolationniste
architecture" (von appelle
Beseler)
plus précisément
qui se dégageclassique
des écritsladu
"pure
Digeste
et légère
après
qu'on les a extraits de leur enduit byzantin : est "classique", alors, ce
que reconstitue le travail philologique. Mais en tout état de cause, la
valeur la plus haute de la jurisprudence romaine aurait été atteinte à
ce moment où les juristes, alors même qu'ils détenaient dans l'État
toute l'influence nécessaire pour inspirer et faire imposer un code,
s'abstinrent d'un artifice qui eût interrompu "le développement
intrinsèque du droit"29. C'est bien pourquoi aussi la volonté codifica-
trice de César, cet ancêtre des Jacobins, représente pour Savigny et
pour les pandectistes en général une limite à ne pas franchir.
Comme l'écrit encore W. Kunkel après tant d'autres, "la réalisation
d'un tel plan aurait porté un coup fatal à la jurisprudence". Une
solution plus raisonnable, à laquelle se rallia Auguste, fut d'opérer une
sélection des juristes les plus éminents, à la manière des Hautes
Cours de Justice contemporaines30. La conjonction d'une
jurisprudence habilitée à formuler des principes, et d'un législateur qui
n'interviendrait qu'exceptionnellement : voilà le subtil équilibre où,
selon une tradition interprétative qui remonte au pandectisme et, au
delà, à l'école historique, la science romaine du droit put s'épanouir
pleinement. Selon ce modèle d'analyse, ces conditions avaient été
remplies entre César, qui avait échoué à réduire l'ensemble du droit
civil en quelques livres, et l'époque des Sévères, lorsque les juristes,
investis pourtant des plus hautes fonctions, avaient porté à son
apogée une tradition républicaine poursuivie à travers un droit civil
essentiellement autonome (en dépit de la réforme d'Auguste). Le droit
classique, dès lors, s'avère une méthode qui requiert aussi certaines
conditions politiques : il faut que le législateur se borne à un rôle
purement supplétif- Justinien n'étant pas véritablement une exception,
dans la mesure où il s'était résigné à recueillir le meilleur du droit
romain du passé, en un temps où l'innovation juridique s'était
épuisée31.
Ce thème d'une libera Respublica du droit civil, d'une république
prorogée bien au delà de sa date historique à travers l'activité non
subordonnée des juristes, est la projection rétrospective d'une véri-

28 Savigny 1814 : 118 sq. {cf. note 12).


29 Savigny 1814 : 33 {cf. note 12).
30 Kunkel 1966 : 100 {cf. note 26).
31 Savigny 1814 : 33 sq. {cf. note 12).
LA ROMANISTIQUE ALLEMANDE ET L'ÉTAT DEPUIS LES PANDECTISTES 123

table politique du droit. Dans l'historiographie des Lumières, son


sens est obvie : malgré le despotisme des princes, les juristes
auraient continué de pratiquer l'esprit d'indépendance qui
caractérisait leurs méthodes et leurs solutions. Ainsi Gibbon brosse-t-il du
droit romain un tableau où émergent les figures de jurisconsultes
philo-républicains ou philosophes, jaloux de leur liberté de pensée,
distants par rapport au despotisme, défenseurs des droits
individuels et de la propriété privée {History and Fall of the Roman
Empire, chap. 44). A cette tendance libérale appartient encore la vaste
encyclopédie juridique de G. Hugo32. L'histoire du droit romain
avant comme après Justinien montre le développement d'un ordre
juridique construit sur l'autonomie du sujet33. A chaque étape de
l'évolution d'une romanité prise comme universelle, transcendant
toute frontière historique et nationale, est réitéré le tableau d'un
système indéfiniment reproduit (selon l'agencement classique des
personnes, des choses et des actions), doublé d'une histoire "externe"
des sources du droit. Or la part de la loi y est délibérément réduite. A
juste titre d'ailleurs, Hugo en retranchait l'édit du préteur, codifié
sous Hadrien. Avant Hugo, antiquaires et romanistes avaient
considéré en ce prince humaniste le modèle du bon législateur, second
Numa ou second César34. Désormais, au contraire, la romanistique
accueillera avec enthousiasme l'analyse de Hugo, c'est-à-dire le
modèle d'un droit prétorien étranger à la loi, construit année après
année au contact de la pratique judiciaire et, surtout, sous la seule
impulsion de la jurisprudence. Pour Savigny, cette découverte fut
l'occasion d'affirmer que le Digeste, principalement constitué à partir
des commentaires de l'édit, plongeait ses racines dans la libera res-
publica35. Aujourd'hui encore, l'édit du préteur est souvent présenté
comme étant essentiellement, en réalité, l'œuvre des jurisconsultes,
auxquels le magistrat conférait la forme d'une norme-programme36.
La référence à la liberté et à l'esprit républicain s'inscrit
naturellement dans le débat plus général sur l'importance relative de la loi et
de la jurisprudence à Rome. Savigny, F. Schulz, W. Kunkel, M. Ka-
ser se représentent une sorte de République des prudents, que leurs
modes de travail et l'impersonnalité de leur style auraient protégés
du subjectivisme et de l'arbitraire. Rien n'est plus significatif, à cet

32 Hugo, G., Lehrbuch eines civilistischen Cursus, 6 vol., 1790.


33 Hugo 1790, vol. 1 : § 1 sq. (cf. note 32).
34 Par ex. : Heineccius, Opera VII, 2, dans son histoire de l'Edit perpétuel;
Gibbon, loc. cit.
35 Savigny, Vermischte Schriften V : 30 sq.
36 Kunkel 1966 : 93. (cf. note 26); Käser, M., Römische Rechtsgeschichte, 2e
éd. Göttingen, 1967 : 144 sq.
124 YAN THOMAS

égard, que les jugements - jugements souvent translatices - portés


par exemple sur les méthodes et sur le style : uniformes, homogènes,
imputables apparemment à un unique sujet37. A cette communauté
de savoir et de langage, l'image savignienne de la respublica des
juristes offre un terme de comparaison riche de sens : les notions
juridiques y sont la "propriété de tous" et constituent des lieux
communs de la science du droit38. Elles n'ont d'autre mode
d'existence que l'impersonnalité, que l'abstraction où l'accident de leur
origine s'efface au profit de leur fongibilité de destin. Sous sa forme
savante, le droit romain échappe à toute référence unificatrice par le
haut : César, cet ancêtre des Jacobins, représente par excellence la
limite à ne pas franchir39. La jurisprudence peut bien, à la limite,
s'enraciner dans de
"représentation" la conscience
l'esprit de lasociale
communauté
: on connaît
populaire
le dogme
par les
de la
savants juristes, qui en prennent le relais et donnent au sentiment du
droit une forme articulée et distincte. Mais, tout en demeurant
populaire par l'artifice de la représentation, qui substitue la science au
Volksgeist, cette jurisprudence ignore entièrement la constitution
d'une instance étatique transcendante par rapport au droit. Elle
échappe dans son principe à l'artifice d'une habilitation extrinsèque,
au montage juridique d'une autorisation. Voilà un droit romain
pensé presque entièrement en dehors de la légalité : mieux, ce droit
supplée à lui seul au rationnalisme abstrait des politiques législatives.
Il ne faut jamais perdre de vue cette contrepartie généralement
inaperçue de l'entreprise romanistique allemande au XIXe et
pendant une bonne partie du XXe siècle. L'exaltation du tus civile
romain y est solidaire d'une oblitération de l'État. Or, jusqu'à une
époque relativement récente - en fait, jusqu'à ce que l'on a appelé,
dans les années précédant la dernière guerre, la "crise du droit
romain", la romanistique n'avait cessé de postuler une sorte
d'universelle extension de la romanité par le droit40. Le schéma d'une
translation continue du droit romain en Europe avait fait croire, si l'on
peut dire, à une sorte de présence réelle de Rome dans l'histoire : les
juristes italiens, puis français, puis allemands, s'étaient
successivement passé comme un flambeau d'un savoir qui, à partir du moment

37 Kunkel 1966 : 105 (cf. note 26); Kaser 1967 : 105 (cf. note 36).
38 Savigny 1814 : 29 (cf. note 12).
39 En dehors de Savigny, voir aussi Mommsen, Th. "Die Bedeutung des
römischen Rechts" in : Juristische Schriften III : 591 sq.
40 Voir en particulier, Koschaker, P., Europa und das Römische Recht, 3e éd.;
Schmitt, C, "La situation de la science européenne du droit", traduction
française dans Droits, 1991, n° 14 : 114 sq, textes de conférences prononcées entre
1944 et 1945, publié en 1950 dans les Verfassungsgeschichtliche Aufsätze, Berlin,
1950 : 386-427.
LA ROMANISTIQUE ALLEMANDE ET L'ÉTAT DEPUIS LES PANDECTISTES 125

où il s'était constitué sous sa forme "classique", avait été dépouillé


de toute singularité nationale et était devenu un instrument de la
raison universelle. Dans un climat idéologique défavorable à la
révolution française, à l'État législateur et à la raison codificatrice,
l'historiographie romanistique put ainsi tout à la fois élaborer un
modèle de droit romain sans État (sans État au sens formel, ainsi que je
l'ai précisé au départ), et appuyer sur ce modèle un véritable
programme rétrospectif de création du droit privé par la science. La
romanistique allemande sans doute a été, en plein XXe siècle encore, le
dernier grand porte-parole de cet idéal.

Yan Thomas

Wilfried Nippel

Erneuertes Recht oder Rechtsgeschichte ? Anmerkungen zum Beitrag von Yan


Thomas.

Yan Thomas stellt pointiert die Tendenz der deutschen Romanistik des
19. und 20. Jahrhunderts heraus, das "klassische römische Recht" als
Schöpfung einer "scientific community" zu verstehen, die sich ganz allein auf die
Entwicklung ihrer internen Regeln konzentriere; mit der Abkoppelung von
der staatlichen Rechtssetzung wie von der sozialen Realität habe es kaum
Spielräume für individuelle Rechtsmeinungen gegeben; aufs Ganze
erscheine die Entwicklung des römischen Rechts somit als quasi-natürlich,
da es Ergebnis eines sich über Generationen erstreckenden Kol-
lektivunternehmens sei. Dies habe zwar Anhaltspunkte im Selbstverständnis
der römischen Juristen der Republik und des Principats, erkläre sich jedoch
auch aus spezifisch deutschen Konstellationen des 19. Jahrhunderts,
namentlich aus der Abwehr von Kodifikationsbestrebungen nach
napoleonischem Vorbild.
Mein Eindruck - notabene der eines juristischen Laien - ist der, daß mit
der Annahme einer Kontinuität in der deutschen Romanistik von Savigny
bis Fritz Schulz, Max Käser und Wolfgang Kunkel ein Bild gezeichnet wird,
das die Veränderung in der Funktion dieser Grundannahme zu wenig
berücksichtigt. So verweist Thomas für die Kontinuität der von Savigny
geprägten Metaphorik des Organischen auf W. Kunkel. An der zitierten Stelle
ist aber deutlich, daß es Kunkel mit dieser Metapher darum geht, die
Historizität des römischen Rechts im Sinne seiner Genese aus unterschiedlichen
"Rechtsquellen und Rechtsschichten" zu betonen. Jedes Rechtsinstitut zeige
noch nach langer Zeit "die Spuren seines Ursprungs aus dieser oder jener
Schicht der Rechtsentwicklung" und könne nur aus seiner Geschichte ganz
begriffen werden; das abstrakte System "römischrechtlicher" Sätze, das
namentlich die deutsche Theorie des 19. Jahrhunderts entwickelt habe, könne

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