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Pour réenchanter la politique, il faut renouer avec les idées - Libération http://www.liberation.fr/debats/2018/09/02/pour-reenchanter-la-poli...

TRIBUNE

Pour réenchanter la politique,


il faut renouer avec les idées
Par Michel Wieviorka(http://www.liberation.fr/auteur/9916-michel-wieviorka) — 2 septembre
2018 à 17:06

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Le stand du chamboule-tout à la fête de la rose de Frangy-en-Bresse (Saône-et-Loire), le 26 août. Photo Marc Chaumeil

Rêver de reconstruction est inopérant si c’est pour se limiter à une


critique du pouvoir et à la préparation tactique des batailles
électorales. Pour reprendre la main il faut de nouveau penser le
monde.

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Est-ce d’«idées» dont nous avons besoin, comme l’ont dit ces derniers temps quelques responsables
politiques de l’opposition ? Certes, il faut se réjouir de percevoir un frémissement, la conscience, vague,
qui se fait jour, selon laquelle les partis devraient porter des idées, et mener une lutte pour les
promouvoir. A droite comme à gauche, le dirigeant communiste italien Antonio Gramsci, qui fut aussi
un grand penseur, est ici à l’honneur, mobilisé dans des déclarations en faveur d’un combat idéologique
plaçant la culture au cœur de l’action pour le contrôle de l’hégémonie.

Pour mener un tel combat, il ne suffit pas de soupçonner, de dénoncer. Accumuler les critiques, les
adosser à des «scandales» révélés par le Canard Enchaîné, se présenter en Père la vertu et ironiser à
propos de la «République des affaires» - Benalla, Nyssen, Kohler, Pénicaud -, ne fait pas une politique
visionnaire.

Etonnamment, c’est l’extrême droite qui a ouvert la voie, avec Marion Maréchal-Le Pen inaugurant à
Lyon le 22 juin un «institut des sciences sociales économiques et politiques» qui préparera a-t-elle dit
des étudiants capables de «porter une certaine vision qui manque terriblement à cette élite politique et
économique».

En fait, c’est de beaucoup plus que d’idées dont nous avons besoin, et il ne faut pas attendre des partis
qu’ils en produisent de fortes, neuves et décisives. Ce n’est ni dans leur histoire ni aujourd’hui dans
leurs moyens, et guère davantage dans leur désir ou leur volonté. Ce serait déjà beaucoup s’ils
s’intéressaient à ceux qui portent, apportent ou mettent en forme les visions, les analyses, les
connaissances permettant de projeter la société vers le futur, et qu’on a longtemps appelé les
«intellectuels» - un terme déprécié aujourd’hui tant les plus connus, les plus médiatisés, manquent

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d’épaisseur.

Le fond a été atteint à gauche, par le Parti socialiste : depuis l’élection de François Hollande à la tête de
l’Etat, ce parti n’a plus eu de relations suivies avec des intellectuels, n’échangeant plus guère avec eux.
Dès 2012, il a fermé le «lab», le laboratoire des idées, et l’université d’été de La Rochelle, qui était un
moment important où il y avait quelque place pour eux, a été en août un simple rendez-vous d’appareil.

Les idées ne sont pas des «trucs», des «perles» comme disait Ségolène Royal en son temps. Elles font
sens quand elles entretiennent un rapport au réel, et au possible ou au souhaitable, et qu’elles font
système.

Le rapport au réel, au possible et au souhaitable ne saurait être confondu avec des propositions de
bonne ou de meilleure gestion, émanant de technocrates et d’experts au contact des responsables
politiques. Les «idées» se nourrissent de la réflexion en profondeur, et de l’expérience, des espoirs et
des contestations de ceux qui, au sein de la société, aspirent à un monde meilleur, plus juste.

Un rapide rappel historique suffira ici pour prendre la mesure de cet enjeu. Pendant un siècle et demi,
tout au long de l’ère industrielle, et dès ses commencements, d’innombrables acteurs et penseurs ont
imaginé la fin de l’exploitation, le dépassement des rapports capitalistes, comme l’ont montré Edward P.
Thompson (la Formation de la classe ouvrière anglaise, Seuil, 1988), ou, pour la France, Jacques
Rancière (la Nuit des prolétaires, Fayard, 1981). Utopies, initiatives solidaires - coopératives, mutuelles
- luttes sociales : d’innombrables efforts pour penser la société industrielle et l’invention d’autres
rapports sociaux ont façonné bien plus que des idées : des grands systèmes de pensée - le socialisme, la
social-démocratie, le communisme, etc. Le mouvement s’est effectué de bas en haut, vers les partis, et

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pas seulement à partir d’eux.

Ces propositions s’organisaient en des totalités relativement cohérentes, avec une portée générale,
universelle même. On a parlé pour elles d’«idéologies», mais le terme a été disqualifié, même s’il est
arrivé qu’il soit valorisé positivement, et déjà dans les années 60, quelques penseurs ont annoncé la «fin
des idéologies», Daniel Bell, Raymond Aron par exemple.

Oublions donc ce mot d’idéologie : toujours est-il que sans montée en généralité, sans structuration des
idées dans des visions d’ensemble, les oppositions seront incapables de contester avec efficacité et sur le
fond le pouvoir actuel. Car ne nous y trompons pas : Emmanuel Macron est parvenu à la tête de l’Etat
en incarnant la fin d’une ère, et de ses partis de gauche et de droite, usés, car, entre autres raisons,
incapables de renouveler leurs catégories et leurs modes de pensée.

Nous sommes sortis de l’ère industrielle, et des Trente Glorieuses qui ont été d’une certaine façon leur
apogée. Le contenu, les enjeux, les formes, les méthodes de l’action politique appellent désormais, pour
l’opposition, un profond aggiornamento qui doit aussi être intellectuel. Le moins que doivent faire les
forces politiques capables de percevoir cette exigence serait de renouer avec l’univers de la connaissance
et de la pensée, et tout particulièrement avec les sciences humaines et sociales, et de mettre en place de
véritables espaces d’échanges et de formation intellectuelle, sans se contenter de «think tanks»
fournissant «top down» de l’expertise plus ou moins gestionnaire ou technocratique, et d’organisations
de jeunesse servant d’antichambre à leurs appareils, et de force militante d’appoint.

Ne faisons pas porter tout le poids de l’indigence sur les seuls partis classiques d’opposition. Si leur vie
intellectuelle est si désolante, c’est aussi que la population, quand elle ne fait pas confiance au pouvoir

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actuel, est sensible à des demandes d’autorité, et à des discours ou bien radicaux et extrémistes, ou bien
démagogiques, bien plus qu’animée par des mouvements sociaux et culturels.

Après Mai 68 (dont la commémoration a dans l’ensemble été un flop), la France a connu d’importantes
mobilisations, Lip, le Larzac, des mouvements féministes, régionalistes, des initiatives citoyennes en
grand nombre. Mais les luttes les plus spectaculaires de ces dernières années ont été ou bien défensives
- sur la loi El Khomri, à la SNCF par exemple - ou bien conservatrices, voire réactionnaires
culturellement, comme celle contre le mariage pour tous. De tels combats ne risquent pas de nourrir le
renouveau de la pensée politique.

Les utopies dessinées par Ivan Illich dans les années 70, en phase avec les premiers mouvements
écologistes, n’ont pas préfiguré de contestations majeures, et Nuit debout s’est bien vite couchée. Tout
ce qui touche à l’environnement et au changement climatique aurait pu depuis un demi-siècle bénéficier
d’un passage au politique, mais l’écologie politique s’est hyperinstitutionnalisée, avec des partis et des
politiciens dont les jeux et manœuvres ne tranchent guère par rapport à ce qu’on observe ailleurs dans
la sphère politique. Le syndicalisme n’est plus l’acteur social central des années 60 et encore 70, et
l’attitude négative du pouvoir à son égard, même s’il s’agit des syndicats les plus réformistes et
négociateurs, n’a rien arrangé : Laurent Berger, le leader de la CFDT, l’a dit, lucide, (lire Libération du
3 novembre 2017) (http://www.liberation.fr/france/2017/11/02/laurent-berger-entre-temps-il-y-a-
eu-la-presidentielle_1607523) : «Les syndicats sont mortels, comme les partis politiques.»

Bref, la vie politique, la vie intellectuelle et la vie sociale et culturelle entretiennent des liens complexes
et le tout offre aujourd’hui un spectacle peu enthousiasmant. Le dire ne doit pas exonérer les acteurs de

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la gauche et la droite classique. A quoi sert de rêver de reconstruction, de renaissance si c’est pour se
limiter à critiquer le pouvoir au jour le jour et à préparer tactiquement les prochaines batailles
électorales - les européennes, les municipales ? Si c’est sans créer les conditions d’efforts en profondeur,
sur la durée, et avec d’autres, pour penser avec une certaine humilité la France de demain ?

Si Emmanuel Macron réussit dans son entreprise de réformes, les partis en place n’auront rien à lui
objecter. S’il échoue, ils auront laissé la voie libre aux radicalités extrémistes et à l’autoritarisme, y
compris dans leur sein. Dans tous les cas, faute d’efforts intellectuels «durables», ils auront fait fausse
route.

Michel Wieviorka (http://www.liberation.fr/auteur/9916-michel-wieviorka)

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