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BRETAGNE
L.F.
Face à la menace du Brexit
Les incertitudes
concernant
le départ imminent du
Royaume-Uni de l’Union
européenne obligent
la filière bretonne
A lors que la pêche bretonne reprend
des couleurs depuis quelque
temps, c’est un bon moment pour
investir », invite Pierre Karleskind,
vice-président de la région Bretagne chargé
de la mer et des infrastructures portuaires,
qui n’oublie en rien l’instabilité engendrée
1 944
emplois équivalent temps
plein pour 310 acheteurs
enregistrés en 2017 au
sein de l’Abapp, dont
45 % de poissonniers,
son chaque année. D’ailleurs, le vice-pré-
sident insiste sur les efforts consentis à
Lorient, Douarnenez, Roscoff ou encore
Erquy pour moderniser les criées. Il rap-
pelle les engagements pris vis-à-vis de
celles du Guilvinec et de Concarneau
pour 2021.
par le Brexit. 43 % de mareyeurs, Mais demain ? Un important reflux des
des produits de la mer
Aussi floue soit la menace, elle est prise 10 % de GMS et 2 % débarques pourrait compromettre l’activité
à se réinventer. Elle s’y très au sérieux. Ce territoire représente près de conserveries. de certaines de ces criées. Si les pêcheurs
emploie déjà, mais doit de la moitié de la pêche française avec une français n’ont plus d’accès à la zone éco-
encore aller plus loin. flotte de 1 200 navires et un tissu aval de
quelque 500 entreprises – mareyeurs, trans- 85 402
achetées en 2017
t
nomique exclusive britannique, les volumes
vendus sous criée pourraient chuter,
formateurs et poissonniers. « Environ 40 % notamment sur la façade nord. Rien ne dit
de la pêche bretonne dépend des zones bri- au sein de l’Abapp que les apports achetés outre-manche par
tanniques », évalue Pierre Karleskind. pour une valeur de les cellules commerciales des halles à marée
300,6 millions d’euros,
Pour l’heure, rien ne remet en cause suffiront à pallier le manque. Cette activité
et donc un prix moyen à
le réseau des 13 halles à marée qui voit représente aujourd’hui pour chacun des
l’achat de 3,52 euros/kg.
Enquête : Bertrand TARDIVEAU débarquer près de 90 000 tonnes de pois- ports comme Lorient et Le Guilvinec plus
▼
Car même si l’import peut se renforcer,
avec des cours des matières premières dont
les taux de change compenseront les droits “ L’essentiel des quelque 200 tonnes que je traite provient
de la pêche côtière. Je travaille forcément avec quelques
de douane, la question est : dans quelles
opérateurs écossais qui m’assurent que rien ne va changer
conditions ? Les barrières douanières non
fondamentalement avec le Brexit. Mais c’est plus un senti-
tarifaires pourraient faire perdre du temps
dans un univers du frais où l’urgence est ment qu’une certitude. Aujourd’hui, le principal problème
de mise. Pour l’aval de la filière, l’interro- est que nous sommes sans visibilité, dans le brouillard le plus
gation est presque moins de préserver un complet. Alors que l’échéance approche, les nouvelles règles
accès aux stocks pêchés dans les eaux bri- du jeu nous restent étrangères. Et sans réel accord entre les
tanniques que d’optimiser et sécuriser la parties, on peut anticiper un repli des gros opérateurs
chaîne d’approvisionnement, en mainte- sur le marché domestique avec de réelles tensions
nant l’attractivité des halles à marée. sur nos approvisionnements en criée. »
« Il faut qu’elles apportent une plus-
B.T.
value aux pêcheurs pour les inciter à Jean-René Cadalen, gérant de Brest Marée
débarquer leurs produits dans la région »,
insiste Pierre Karleskind. Devenir une
place de marché compétitive, attirant des
Crainte d’une double peine pour Hent ar Bugale
▼
criées, etc. n
L
Cadoret, ostréiculteur qui cherchait à décor-
tiquer et surgeler les huîtres pour mieux les
a faiblesse de la marge brute repré-
conserver et les valoriser. D’abord implantée
sente l’une des principales préoccu-
à Riec-sur-Bélon (Finistère) avec l’appui de
pations au sein d’une filière où le
son cousin Jean-Jacques Cadoret, sa société
coût de la matière première devient
rencontre un essor fulgurant. Son secret ?
prééminent. « Le poisson frais est un pro-
Un process associant le décorticage à froid
duit de luxe avec une multitude de variétés
au moyen d’une cellule hyperbare, la surgé-
et d’origines, estime Simon Deprez, direc-
lation IQF de la chair suivie d’un condition-
teur général de Qwehli. Mais il est très fra-
nement sous-vide. Avec 10 millions d’euros
gile face aux aléas de la logistique. » En
de chiffre d’affaires et plus de 45 salariés,
investissant dans le système de surgéla-
il était temps de déménager. Cinq Degrés
tion Cas (cells alive system) l’an
Ouest a inauguré cet été son nouvel atelier
passé, la filiale du groupe réu-
de plus de 2 000 m2 sur le port de Lorient
nionnais Océinde, implan-
B.T.
Keroman. Un investissement de plus de
tée à Lorient depuis 2015,
4 millions d’euros soutenu par Christian
a choisi de s’affranchir des Cinq Degrés Ouest, connu pour son homard décortiqué,
mise sur le surgelé haut de gamme. Guyader, président de la société éponyme.
contraintes logistiques
Les crustacés, homards bleus (200 tonnes),
du frais. « Grâce à
homards canadiens (120 tonnes) et lan-
cette technolo-
glace. Les chairs du poisson sont figées, goustines (80 tonnes) assurent le gros de
gie qui utilise des
leurs qualités organoleptiques sont équi- l’activité. « Nous travaillons aussi la chair
champs électro-
valentes au frais. Nous avons pu raconter de grosses huîtres, de calibre 0 minimum,
magnétiques,
l’histoire du poisson, évoquer sa saisonna- dont environ 25 tonnes sont exportées vers
nous évitons
lité, son origine auprès des chefs », insiste les marchés asiatiques, ainsi que les demi-
les cristaux de
Simon Deprez. Des chefs d’ici et d’ail- coquilles d’huîtres n° 3 garanties sans noro-
leurs. Merlu, bar, saint-pierre de Lorient virus, environ 80 tonnes, pour les opéra-
Simon Deprez, s’exportent loin de l’Hexagone. Qwehli, teurs de croisières notamment », souligne
directeur général avec ses 25 salariés et sa production de Alexis Taugé qui a également commencé à
de Qwehli défend 600 tonnes par an, renforce son implanta- commercialiser de la chair de coques avec
les atouts du surgelé tion commerciale en Asie et se prépare à son jus, à hauteur de 150 tonnes.
B.T.
face au frais. attaquer le marché américain. Qwehli et Cinq Degrés Ouest participent
sans nul doute à redorer le blason du surgelé.
De quoi inspirer d’autres initiatives. Comme
celle de Mussella, initiée par Axel Brière,
5 bateaux caseyeurs
30 marins
5 000 tonnes de crustacés débarqués
1 100 tonnes de poissons transformés
EN FRANCE ET À L’ÉTRANGER
(Rungis)
Groupe Béganton - ZI Bloscon - 29680 Roscoff - Tél. : 02 98 61 23 23 - Fax : 02 98 61 11 11
Email : beganton@groupe-beganton.com
Actu ❘ FOCUS BRETAGNE
L
Global Seafood a ressenti plus violem-
ment la difficulté de s’imposer sur la toile.
a possibilité de livrer en 24 heures Après des essais encourageants grâce à
par colis postal via Chronofresh un partenariat avec Amazon, l’entreprise
a incité plusieurs acteurs bretons repreneuse des Viviers de la Méloine, sur
des produits de la mer à ouvrir de le port du Diben à Plougasnou (Finistère),
nouvelles voies de commercialisation. Si traverse des difficultés financières. Le por-
Ô’Poisson, lancé par Caroline Hennequin tail internet Poissonnerie.com, imaginé
en Vendée, semble marquer des points, comme un important levier de dévelop-
le concept peine encore à s’imposer en pement, n’a pas eu le succès attendu par
Bretagne. « La demande était soutenue, son dirigeant Pierre-Yves Bizien. Placée en
la rentabilité était satisfaisante, mais l’ac- redressement judiciaire depuis fin janvier,
tivité encore trop balbutiante pour pou- son entreprise s’est vue accorder en juil-
voir être pérennisée », confie Marie-Pierre let une nouvelle période d’observation de
Lemarchand. Après avoir initié, avec le six mois par le tribunal de commerce de
mareyeur Michel Croizette Desnoyers, Brest. « Dans le cadre du plan de continua- en place d’un système de gestion intégré ou
la vente en ligne de poisson frais à par- tion, nous avons décidé de nous recentrer ERP, ne serait-ce que pour assurer dix opé-
tir de Concarneau, l’entrepreneuse a jeté sur notre cœur de métier », souligne Pierre- rations par semaine, assure Yann Kerhuel
l’éponge. L’expérience de Kyss Marée a Yves Bizien qui a dû licencier entre-temps qui œuvre à la partie informatique du pro-
ainsi pris fin en décembre 2016, malgré 13 de ses 23 salariés. jet Valocéan, porté par Force Mer. La vola-
les espoirs suscités par cette initiative pion- « La vente à distance ne permet aucune tilité du marché impose de générer en per-
nière dans l’e-commerce appliqué aux pro- forme d’improvisation. Elle implique la mise manence du trafic sur le site afin de recruter
de nouveaux clients, tout en améliorant
constamment l’offre. » Pour réapprovision-
ner l’interface en commandes fraîches, des
[Les ambitions B to B de Procsea] actions commerciales et des offres pro-
motionnelles doivent être régulièrement
Start-up qui vient de s’installer dans de nouveaux locaux à Rennes, menées auprès d’agences spécialisées, des
avec des bureaux implantés à Lausanne et à Londres, Procsea moteurs de recherche et même des réseaux
assure son développement en proposant de rapprocher en sociaux. « Il faut mesurer en permanence le
temps réel, sur une plateforme B to B, l’offre et la demande retour de ses investissements car la marge
de produits de la mer. Le principe est simple : pêcheurs et brute ne doit pas descendre en dessous de
mareyeurs mettent en ligne leur poisson tout juste capturé 30 % », reprend Yann Kerhuel.
ou débarqué dont les acheteurs connaissent immédia- Autant de réalités auxquelles ne s’at-
tement l’espèce, la quantité, la qualité, l’origine et le prix. tendait pas nécessairement le mareyeur
Lancée en septembre 2016, l’entreprise a récemment levé Jean-René Cadalen, de Brest Marée, en
déployant sa propre boutique en ligne
DR