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EASTWOOD...
TOUS PIANISTES
MACRON, NIXON,
NUMÉRO EXCEPTIONNEL
EINSTEIN, SARTRE,
PIANO
50 chefs-d’œuvre indispensables
AOÛT
N°204
JUILLET-
2018
RCS 832 332 399 Paris
Président et directeur
de la publication : Jean-Jacques Augier
Directeur général : Stéphane Chabenat
Adjointe : Sophie Guerouazel
Directeur de la rédaction
L’esprit de corps
Jérémie Rousseau
jrousseau@classica.fr
Chef de rubrique disques et hi-fi
Philippe Venturini
pventurini@classica.fr
Secrétaires de rédaction
Valérie Barrès-Jacobs,
L
avec Chantal Ducoux
vjacobs@emc2paris.fr e rideau se lève, furtivement des images
Éditorialistes : Alain Duault,
Benoît Duteurtre, Emmanuelle Giuliani, un vaste cyclo- du Radeau de la méduse, du
Jean-CharlesHoffelé,Éric-EmmanuelSchmitt ra m a c l i g n o te Boléro de Béjart,tandis qu’on
Grand reporter : Olivier Bellamy
Directrice artistique alors de milliers songe au Sacre du printemps
Isabelle Gelbwachs de diodes, peut- de Pina Bausch et aux défla-
igelbwachs@emc2paris.fr
Service photo
être celles d’une autoroute grations des ballets de Wil-
Cyrille Derouineau galactique, d’un cyclone liam Forsythe. Mais tout cela
cderouineau@emc2paris.fr informatique, d’un feu à travers une quête éperdue
Ont collaboré à ce numéro immémorial. Ainsi s’ouvre d’harmonie,grâcesansdoute
Jérémie Bigorie, Louis Bilodeau, Jacques
Bonnaure, Fabienne Bouvet, Vincent Borel, The Seasons’ Canon de la à la musique de Vivaldi réé-
Jean-Luc Caron, Damien Colas, Michel chorégraphe Crystal Pite crite par Max Richter,ces Four
Fleury, Pierre Flinois, Elsa Fottorino,
Romaric Gergorin, Pascal Gresset, Lou Heliot,
que le Ballet de l’Opéra de Seasons Recomposed dont
Jean-Pierre Jackson, Bertille Lefort, Aurore Paris vient de reprendre à guichets fer- les mélodies ont été samplées jusqu’à
Leger, Laurent Lellouch, Michel Le Naour, més: un choc comme on en vit rarement. l’épuisement,sur fond de marches harmo-
Sarah Léon, Franck Mallet, Pierre Massé,
Jean-François Medelli, Jérôme Medelli, Envérité,onnesaittropcommentexpliquer niques obsessionnelles et de soudures
Yannick Millon, Aurélie Moreau, Clément le miracle de cette pièce virtuose de vingt- électroniques étranges: des Quatre Saisons
Serrano, Dominique Simonnet, Sévag
Tachdjian, Marc Vignal, Isabelle Werck cinq minutes, réclamant cinquante-quatre génétiquement modifiées, hybrides, à
danseurs et puisant à tant de sources. l’image d’ailleurs de ce ballet inclassable,
Publicité
Team Media Pôle musique Le corps de ballet se fait grappe humaine, que Dominique Simonnet qualifiait d’ovni
10, boulevard de Grenelle, CS 10817, sollicité comme un organisme mouvant, à sa création (voir Classica n°187, ainsi que
75738 PARIS Cedex 15 la page 44 de ce numéro).
Tél.: 01 87 39 75 18
avant que des chaînes d’humanoïdes se
Présidente forment,se dissolvent,que des pas de deux À défaut de pouvoir revivre – pour l’ins-
Corinne Mrejen au bord de la brèche s’enchaînent, payant tant – cette merveille en live,on profitera de
Directrice générale
Cécile Colomb au passage leur écot à Jirí Kylián. Mais sou- la captation réalisée pour Arte le 24 mai
Directrice commerciale dainlachaînesereformesurlerythmepulsé dernier par Cédric Klapisch, disponible en
Emmanuelle Astruc
eastruc@teamedia.fr de Summer 3 de Vivaldi/Richter, ronde ligne jusqu’au 23 novembre.Et il faudra s’en
Directrice adjointe de la publicité dionysiaque, course à la survie où les dan- contenter, car aucun DVD ne paraîtra à
Stéphanie Gaillard
Courriel : sgaillard@teamedia.fr
seurs se font arthropodes, électrons à la la suite de problèmes de droits. On espère
Chef de publicité musique vivante dérive, figures esseulées aux torses nus, d’ores et déjà une reprise, tout en guettant,
Judith Atlan parées de treillis et portant, au cou, un à l’automne 2019, la nouvelle pièce que
Courriel : jatlan@teamedia.fr
Chef de publicité hi-fi/instruments maquillage tribal comme sorti de Matrix! Crystal Pite dédiera à cette troupe dont elle
Clémence Maury Que de mystères, et quelle beauté ! Passent a déjà marqué l’histoire. X Jérémie Rousseau
Courriel : cmaury@teamedia.fr
Service abonnements
4, route de Mouchy, 60438 Noailles Cedex
Tél.: 01 70 37 31 54.
Courriel : abonnements@classica.fr
Tarif d’abonnement
1 an, 10 numéros : 49,90 u
Ventes au numéro
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Prépresse
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Imprimé en Belgique/Printed in Belgium
10 40
50 84
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Q L’ACTUALITÉ Q LE MAGAZINE
03 Éditorial 50 En couverture
07 Ça cartoon ! Dix pianistes et vingt compositeurs de légende sélectionnés
Lully mène la danse par Classica pour une discothèque idéale du piano
09 La petite musique 68 Passion musique
d’Éric-Emmanuel Schmitt Daniel Prévost
La petite vie des grands 70 L’entretien
10 Planète musique Nathalie Stutzmann se confie
Les coulisses de l’anniversaire du Rotterdam 76 Compositeur
Philharmonic, l’hommage à Philip Roth… Alfred Schnittke, ce fauteur de troubles
29 L’humeur d’Alain Duault 80 L’écoute en aveugle
Passé, avenir… Sonate n°3 de Frédéric Chopin
30 Un air de famille 84 L’univers d’un musicien
Les Casadesus Entrez dans l’intimité de Gérard Caussé
33 À voix haute
La chronique de Benoît Duteurtre
34 Spécial festivals - 2nde partie Q LE GUIDE
Les cahiers d’été de juillet à septembre 88 Les CHOCS du mois
40 On a vu 98 Les disques du mois
Phaéton à Versailles, Don Pasquale à Garnier, 124 Les DVD du mois
GerMANIA à Lyon, Les Rencontres d’Évian… 126 Le jazz
49 Les carnets d’Emma 128 Hi-fi : test de sept écouteurs intra-auriculaires
La chronique d’Emmanuelle Giuliani 138 Jeux
© Bruce Zinger
CHARPENTIER : ACTÉON / RAMEAU: PYGMALION
Nouvelle production
Opera Atelier Toronto
David Fallis, direction
Marshall Pynkoski, mise en scène
Chœur Marguerite Louise (direction Gaétan Jarry)
© Simon Fowler
Opéra Royal
INFORMATIONS – RÉSERVATIONS
01 30 83 78 89 • www.chateauversailles-spectacles.fr
@chateauversailles.spectacles @OperaRoyal @chateauversailles
ÇA CARTOON !
LULLY MÈNE LA DANSE
Extrait de L’Histoire de la musique en bandes dessinées de Michael Sadler, Denys Lemery et Bernard Deyries.
© Éditions Van de Velde, Paris. Reproduit avec l’aimable autorisation des Éditions Van de Velde.
Berlioz : L’Enfance du Christ, Messe solennelle, Requiem, Le Temple universel, La Symphonie fantastique
Haydn : La Création / Bach : Cantates / Beethoven : Symphonie no 9 / Saint-Saëns : La Danse macabre…
— avec —
Sir John Eliot Gardiner / François-Xavier Roth / Laurence Equilbey / Hervé Niquet
Véronique Gens / Antoine Tamestit / Roger Muraro…
FESTIVALBERLIOZ.COM
LA PETITE MUSIQUE
D’ÉRIC-EMMANUEL SCHMITT
contraire,
les demeures de Haydn et Beethoven, lecontraire:uneenfancedifficileauprès
exploré la villa de Bougival où Bizet d’un père violent,des amourettes sans
conçut Carmen, arpenté le chalet conclusion, l’irruption de l’infirmité
Troldhaugen où Grieg composa, sans
parler d’un passage à Saint-Germain- l’œuvre qui à vingt-huit ans, la coupure avec les
autres qu’entraîne la surdité, l’accu-
éclaire la vie
en-Laye chez Debussy ou à Montfort- mulation des problèmes matériels,
l’Amaury chez Ravel… Chaque fois, familiaux, sociaux, sentimentaux.
vous étiez mus par un désir ardent, Quel rapport entre les élégies beetho-
noble,légitime,la volonté d’approcher véniennes – troisième mouvement de
le génie, de saisir où il s’élaborait, de quoi il se nourrissait la Neuvième Symphonie – qui atteignent le sublime de la ten-
au jour le jour. Chaque fois, vous avez été déçus. dresse et l’existence concrète de Beethoven, fui par les femmes,
La maison d’un génie se révèle cruellement identique à trahi par son neveu? Quel lien entre un lourd handicap qui
celle d’un médiocre ou d’un homme de goût. Le pot ne fait l’isole et la bacchanale qui conclut la Neuvième Symphonie?
pas la fleur. Il n’y a pas continuité, mais discontinuité.
Quand je sors d’une de ces pieuses expéditions, si je m’abîme La vie n’éclaire pas l’œuvre. C’est, au contraire, l’œuvre qui
dans le dépit, je sens croître en une même proportion mon éclaire la vie, lui apportant une deuxième existence, plus vraie
admiration envers celui qui m’échappe: le mystère de l’inspi- que la réelle. Elle est riche quand l’autre est pauvre, atteint
ration flamboie. Renonçant alors à comprendre l’incompré- la perfection quand l’autre touche le fond.
hensible, je mesure l’immensurable et lui voue un respect Je songe souvent au Schubert malade qui explore le paradis
supérieur. C’est à Saint-Pétersbourg que j’ai vécu le plus dans ses quintettes, au Chopin agonisant qui écrit la lumi-
intensément ce phénomène: parce qu’ils aiment mes livres, neuse Barcarolle, au Bach surmené, essoufflé, courant pour
les Russes m’avaient offert un cadeau exceptionnel, l’apparte- des patrons odieux de classe en classe, de répétition en répé-
ment de Dostoïevski pour moi seul durant une tition, d’office en office au milieu d’enfants brail-
soirée entière. Ah mes amis, si le talent s’attrapait lards, lequel, néanmoins, réinvente l’ordre dans
par la fréquentation des objets, sachez que, depuis ÉRIC-EMMANUEL Le Clavecin bien tempéré et exprime une foi
cette nuit-là,j’aurais dû rédiger Les Frères Karama- SCHMITT sereine au cœur de ses cantates.
zov ou Crime et Châtiment, tant j’ai usé mon séant est écrivain, dramaturge Leur œuvre ne doit pas grand-chose à leur vie.
sur la chaise de Fiodor, posé mes coudes sur son et réalisateur. En revanche, leur vie doit beaucoup à leur œuvre!
bureau, observé les voisins, mangé ses bonbons Son dernier ouvrage, Et nos vies à nous, identiquement, doivent tant à
préférés en tripotant sa plume. Hélas… Madame Pylinska et leurs œuvres qui nous consolent, nous apaisent,
Le quotidien d’un créateur ne dévoile rien sur sa le secret de Chopin, est nous recentrent, nous rassurent, nous régénèrent,
création; l’ordinaire échoue à éclairer l’extraordinaire. paru chez Albin Michel. nous agrandissent… X
SDP
de l’Orchestre de Rotterdam. Avec 300 abonnés au comp-
« Je sais maintenant que je ferai teur, l’aventure était risquée à
toujours partie de la famille, l’époque. « Aujourd’hui, nous
c’est la seule raison pour laquelle avons 15000 abonnés, cela fait
je ne pleure pas », a-t-il déclaré. un bon chemin », se réjouit
À quarante-trois ans, le Qué- Hervé Boissière. Ce cinquan-
bécois a signé pour prendre tenaire branché est avant tout
les rênes du prestigieux un passionné de musique clas-
Metropolitan Opera de New sique : « Quand je reçois des
York à compter de la saison témoignages d’auditeurs comme
2020-2021: le Rotterdam Phil- celui de cette habitante de la
harmonic a eu du flair il y a banlieue de Buenos Aires qui
dix ans en recrutant ce jeune m’a écrit pour me dire qu’à
chef bourré de talents. soixante-dix-neuf ans, elle avait
enfin pu voir sa déesse vivante,
DIX ANS DÉJÀ ! Martha Argerich, au Carnegie
Point de mire de cette soirée: Hall dans le Troisième Concerto
SDP
la mezzo-soprano américaine pour piano de Prokofiev, cela
Joyce DiDonato. La diva me bouleverse! »
incarne tantôt Ariodante et du travail du réalisateur en à la production des extraits et Originaire de Beaune, en Côte-
Sesto de Haendel, tantôt Nelly partenariat avec le conseiller des éventuelles corrections. d’Or, Hervé Boissière se définit
de Bellini et Rosina de Rossini, musical. Le son, lui, est capté Corrections ? Oui, vous avez comme un autodidacte habité
sous l’œil des caméras de la par la régie de la salle de bien lu ! « On donne toujours par une envie de se nourrir
chaîne de musique classique, concert qui enregistre toutes le dernier mot à l’artiste, dans le « désert culturel environ-
Medici.tv… qui fête elle aussi les prestations de l’orchestre. s’anime Hervé Boissière. Notre nant ». « Je n’ai pas de formation
son 10e anniversaire. « Pour « Une console son nous envoie job, c’est de nous adapter ! » musicale et j’ai vécu dans un cli-
certains artistes, être filmé crée un signal audio que l’on syn- Avec 170 captations par an, mat familial et social où per-
une pression supplémentaire », chronise avec notre signal l’ouverture d’un blog cet été sonne ne savait qui était Schu-
nous explique Hervé Boissière, vidéo », précise Hervé Bois- et la possibilité de visionner bert. » Si, aujourd’hui, il veut
directeur et fondateur de sière. Le soir, durant le plusieurs centaines de docu- rendre la musique classique
Medici.tv. Joyce DiDonato, concert, deux ou trois techni- mentaires, le classique se porte accessible au monde entier,c’est
elle, le vit plutôt bien et semble ciens s’assurent, depuis les plutôt bien chez Medici.tv. parce qu’elle l’a « sauvé » alors
presque aussi à l’aise devant bureaux de la rue de Paradis, L’inscription gratuite prend qu’il « écoutait France Musique
les caméras que dans la vie. à Paris, que le film est dispo- quelques minutes et offre avec un petit poste de radio ».
Pour ce direct de Rotterdam, nible sur tous les supports. l’opportunité de visionner Au-delà de la prouesse techno-
marquant donc un double Après le concert, ils procèdent tous les concerts en direct. logique réalisée par Medici.tv,
anniversaire, cadreurs, ingé- il y a une véritable volonté de
nieur de la vision, conseiller
musical et réalisateur sont à Le chef canadien démocratiser le grand réper-
toire. Pour l’heure, les États-
pied d’œuvre depuis l’aube.
Les sept caméras, dont six Yannick Nézet-Séguin Unis représentent le premier
marché de la plate-forme, mais
robotisées, sont pilotées par
joystick depuis une petite et la mezzo américaine Hervé Boissière ne compte pas
s’arrêter là.La prochaine étape?
pièce jouxtant la salle de
concert. En amont, il faut Joyce DiDonato étaient La conquête de la Chine. Mais
d’ici là, les vingt-cinq ans du
décider des plans à effectuer,
partitions sur la table : il s’agit réunis sur scène Festival de Verbier, en Suisse,
cet été. X Aurélie Moreau
NOTES ET
Blogs, Facebook,
Twitter, Instagram,
YouTube, Pinterest…
FAUSSES NOTES
Classica a surfé
sur Internet pour y
dénicher des pépites.
PAR CLÉMENT SERRANO
LA NONNE SUR
le divan
A
u cabinet du psy l’échec ? Père trop
Marc-Olivier autoritaire?Âmedéme-
Fogiel, la cheffe surémentromantique?
d’orchestre Laurence À moins que ce ne soit ALLEZ
Equilbey semble avoir cette fameuse nonne
été témoin d’une bien sanglante qui hante le
LES CUIVRES!
E
étrange histoire : l’un château de ses aïeux… n souvenir d’une
À TERRAIN BATTU, de ses amis,Rodolphe,
éprouverait une fasci-
Affaire à suivre dans la
vidéo en deux parties
tournée fructueuse
sur le sol asiatique,
N
ewYork, 1959. Ce qui n’était encore qu’un vaste à ceux du Shanghai
terrain vague de la 66e Rue de Manhattan allait Symphony. Résultat des
devenir l’un des plus hauts lieux musicaux courses : 4-0 pour l’équipe
du monde : le Lincoln Center for the Performing de sir Simon Rattle. X
Arts. Grâce à de précieuses images d’archives, £ https://twitter.com/
la chaîneYouTube Great Performances vous propose berlinphil
de revivre la pose des premières pierres sur fond de
Copland. On peut y voir notamment Leonard
Bernstein, la Philharmonie de New York, l’Orchestre
du Metropolitan Opera et le 34e président des États-
NE PAS
Unis, Dwight D. Eisenhower. X MANQUER
£ www.youtube.com/watch?v=908b95fudQ8 DE SOUFFLE
Caricature publiée
sur la page Facebook
BREL CHANTE POULENC Classical Music
Humour : « La lumière
L
’Histoire de Babar, le petit éléphant contée te dérange ? » X
par la voix suave du grand Jacques Brel… Col
roulé sur le dos et cigarette à la main, le maître
chanteur de Bruxelles nous entraîne dans les péripéties
du célèbre personnage et nous en dit un peu
plus sur son amour pour la musique classique.
À découvrir sur le compte YouTube de l’Ina. X
£ www.youtube.com/watch?v=6UGD2GbUn_s
P
hilip Roth a
vingt-trois ans
quand on lui
offre un billet
pour un concert
à la bibliothèque
du Congrès de Washington.
C’est sa première révélation
musicale. Stationné dans un
hôpital militaire de la ville, il s’y
rend par simple curiosité, vêtu
de son plus bel uniforme, dans
l’espoir de « lever quelques
filles ». Roth entend pour la pre-
mière fois le Quintette pour cla-
rinette de Mozart,interprété par
le Quatuor de Budapest. Pour
le futur romancier, né en 1933,
au sein d’une famille d’immi-
grés juifs du New Jersey, c’est
une expérience transformatrice.
Durant toute sa vie,Philip Roth
ne cessera d’aller au concert,
de fréquenter des musiciens et
de faire de la musique une
matière de son œuvre.
C’est dans le troisième roman
de Roth, Portnoy et son com-
plexe (1969), dont la crudité et
l’irrévérence lui valent à la fois
les foudres de sa communauté
et la reconnaissance internatio-
PHILIP ROTH nale, que ressurgit ce fameux
UNE PASTORALE
Quintette qui l’avait tant bou-
leversé. L’écrivain fait en effet
vivre à son personnage, Sara
NANCY CRAMPTON / OPALE / LEEMAGE
AMÉRICAINE
place de se découvrir une pas-
sion pour la musique, l’amante
de Portnoy, elle, franchit un
nouveau cap dans sa sexualité.
Dans toute l’œuvre de Roth,
sexe et musique sont en effet
PHOTOS : PROKINO
OPÉRA À CŒUR OUVERT
À la mi-août sortira dans nos salles obscures l’adaptation du roman de Ian McEwan,
Sur la plage de Chesil ou l’art de transposer sur grand écran une œuvre lyrique.
C
e que la jeune vio- par un lent et douloureux prélassés dans l’herbe,le regard Mozart –, la routine – Partita
loniste Florence crescendo. Un bref insert sur fleuri d’un amour sincère et pour violon n°3 de Bach –,
Ponting (Saoirse le numéro de la chambre dévoué. Que ce soit au niveau la mélancolie – Non allegro des
Ronan) attend de d’hôtel en introduction suffit du cadre, du choix des cou- Danses symphoniques de Rach-
l’amour est un sen- à nous en convaincre: la cham- leurs et de la composition des maninov, magnifique plan-
timent inexprimable. Une bre n°8, dernière note de la plans, tout semble avoir été séquence d’un récital de piano –
« question sans contenu, aussi gamme, à la fois point culmi- conçu à l’échelle d’un certain et le deuil – Allegro du Quatuor
pure qu’un point d’interroga- nant et balise de non-retour. regard : celui d’un spectateur « La Jeune Fille et la Mort » de
tion ». Prenant forme lorsque C’est également une utilisa- dans une salle d’opéra. Schubert. On y trouve égale-
son mari Edward Mayhew tion ingénieuse de la forme La bande sonore y est d’ail- ment du jazz et du rock’n’roll,
(Billy Howle) tente désespéré- opératique, visible à travers leurs pour beaucoup. Passant annonciateur d’un vent nou-
ment de la courtiser le soir de ses nombreuses séquences de de la lumière à l’obscurité, elle veau qui s’abattra sur la
leur nuit de noces, elle devient flash-back: impossible en effet retraduit les étapes nécessaires Grande-Bretagne conservatrice
son ultime refuge, son Quin- de ne pas songer à la trilogie à l’éclatement du drame, sym- des années 1960. X
tette de Mozart. Elle s’imagine italienne de Mozart lors des bolisant tour à tour la joie Clément Serrano
alors jouer avec son quatuor scènes de jardin, Edward et – Premier mouvement de la
à Wigmore Hall « […] une Florence insoucieusement Symphonie n°35 « Haffner » de £ Sortie en salles le 15 août 2018.
simple phrase musicale, solen-
nelle, qui s’était répétée, aussi
évanescente et insaisissable
qu’un souvenir auditif ». Mais
rien n’y fait. Le corps excité de
son époux la rappelle à lui,
tandis que la radio crache à
plein poumons les accords
endiablés de Chuck Berry.
En filmant l’incommunica-
bilité de deux êtres que tout
oppose, Dominic Cooke n’a
pas seulement adapté l’œuvre
de Ian McEwan (L’Enfant volé,
Solaire, Samedi). Il a su en cap-
ter l’essence musicale, prolon-
ger la déliquescence du couple
WWW.FLANERIESREIMS.COM
du
PLANÈTE MUSIQUE I PÊLE-MÊLE
GASTRONOMIE
L’OPÉRAGOURMAND
DEROSSINI,ACTEI
Des macarons mettent à l’honneur les plus
grandes œuvres lyriques du compositeur italien.
R
osine, la belle ingé- pimente la pâte d’amande et de
nue du Barbier de noix, La Pie voleuse, blanc de
Séville, revêt un nacre bariolé de vert, ou Le
orangé « allegro, pré- Siège de Corinthe, qui mêle
MAIKE HELBIG
L
Tancrède. X J. R.
eConcoursGézaAnda, Concours de Dublin en 2009
organisé à Zurich tous et possède une solide expé-
les trois ans en hom- rience. Dans le Concerto n°1
mage au célèbre pia- de Brahms, il fait preuve
niste suisse d’origine hongroise d’assurance et de contrôle,
(décédé en 1976), a rassemblé mais se montre souvent per-
trente et un candidats au cours cussif, aux dépens du lyrisme
d’une semaine très dense et et de la fantaisie.
chargée de tension.Trois d’entre Le Russe Sergey Tanin (vingt-
eux ont été retenus en finale et quatre ans), Troisième Prix,
l’Américaine Claire Huangci formé au Conservatoire Tchaï-
(vingt-huit ans, photo) s’est kovski de Moscou, se révèle
imposée grâce à un parcours plus inventif et d’un engage-
très musical, marqué tout par- ment juvénile dans le même
ticulièrement par une interpré- Concerto. D’ailleurs,le président
tation stylée du Concerto n°4 du jury, Christian Zacharias, à
de Beethoven, à la fois fluide et la tête de l’Orchestre de la Ton-
naturelle.Lerésultatnesurprend halle de Zurich, se montre bien
pas car cette artiste n’est pas plus engagé et vif-argent dans
une inconnue: elle mène depuis sa manière d’accompagner
une décennie une carrière inter- un soliste qui ne demande qu’à
nationale remarquée. s’épanouir. X
PATRICK AUFAUVRE
D
L’ALPHABET DE VINCENT BOREL
SUR LE CD
COMME CLASSICA
LE MAGAZINE
SCHUMANN
DOPAGE
par Nelson Freire
1 • Arabesque 6’28
Extrait du CD Decca 473 902-2
BRUCH
par Gérard Caussé
2 • Romance pour alto
et orchestre 7’44
Extrait du cofret Erato 0190295681586
CHOPIN
par Nelson Goerner
3 • Sonate pour piano n°3 :
Largo 9’17
Extrait du CD Warner 5099963656
BLOW
par Lucile Richardot
et l’Ensemble
Correspondances
4 • « Poor Celadon,
He Sighs in Vain » 5’10
Extrait du CD Harmonia Mundi HMM
902269
BACH
par Dominique Merlet
Le Clavier bien tempéré, Livre I
5 • Prélude n°7 en mi bémol
majeur 4’06
6 • Fugue n°7 1’40
7 • Prélude n°8 en ré dièse
mineur 3’17
GETTY IMAGES
DVORÁK
par le Quatuor Pavel
K
Haas et Pavel Nikl
irsten Flagstad tenait Les conservatoires dressent et l’efet inhibant du trac. Mais 9 • Quintette à cordes op. 97 :
une fiasque de cognac les corps comme des bêtes sa gestion est avant tout question Allegro non tanto 9’06
Extrait du CD Supraphon SU4195-2
dans un coin de décor à concours. Les exercices de modulation. Dominante,
FAURÉ
pour endosser et la compétition s’imposent l’adrénaline contracte l’épaule, par Jean-Claude
Brünnhilde. Andreas au détriment d’une éducation le poignet,provoque tremblements Pennetier
Scholl, condamné à vingt jours holistique du geste. Le trac fait et mains moites. L’engrenage 10 • Nocturne n°11 en fa dièse
de cortisone par un sable de des ravages. C’est une angoisse maudit va s’entretenir de mineur 4’34
Extrait du CD Mirare MIR 356
liège allergène, fut un Giulio par anticipation, le sentiment lui-même, une fausse note
Cesare d’anthologie dans la que l’on va marcher vers sa mort déstabilisante en provoque HAYDN
mise en scène d’Irina Brook. au moment de monter sur scène, une deuxième, etc. Mais, par le Quatuor Doric
Quatuor op. 64 n°2
L’une combattait le trac, traqué par sa peur. Cette panique dominée, l’adrénaline est 11 • Menuet 3’00
l’adrénaline ; l’autre s’en a brisé des légendes, Renée convertible en énergie positive. 12 • Finale. Presto 4’09
Extrait de l’album Chandos CHAN
nourrissait, par surproduction Fleming, Glenn Gould, Vladimir C’est le bon trac, l’aiguillon qui 10971(2)
de cette hormone. En concert, Horowitz. Pour la combattre, pousse à se surpasser. Voilà
sur scène, l’interprète est seul les musiciens ont parfois bu. ce qu’apprennent à cultiver
RETROUVEZ CHAQUE MOIS
à l’afronter. On dit qu’il a le trac. Ils disposent aujourd’hui le sport, le yoga, voire le coaching. LES CHOCS DE CLASSICA SUR
Le mot entre au dictionnaire de bêtabloquants, comme Mieux vaut un(e) bonn(e)
en 1833, sous le règne de la les performers du show-biz assistant(e) sur qui passer
Malibran, tandis qu’émerge et de la télé. Le propanolol réduit ses nerfs plutôt que de compter
la figure du soliste prométhéen. en efet les battements du cœur sur une plaquette d’Avlocardyl. X
RESERVATIONS
Les Heures Musicales www.heuresmusicalesdelessay.com
de l’Abbaye de Lessay Tel : 02 33 45 14 34
PLANÈTE MUSIQUE I PÊLE-MÊLE
LE CHŒUR
À L’OUVRAGE
A
près des siècles
de louanges divines
et royales, elle fut
contrainte au silence:
la musique chorale fut en effet
muselée par la Révolution
française qui lui assigna ensuite
la glorification de forces
supérieures et d'une nouvelle
ère lors de rassemblements
monumentaux. Bernadette
Lespinard raconte comment
le chœur et les institutions
qui le régissent, amatrices
FESTIVAL BERLIOZ
ou professionnelles, ont évolué
au gré des monarchies, empires
et républiques durant le XIXe siècle.
BRUNO MESSINA Instrument politique, serviteur
de l’Église, porte-drapeau des
V
ous nommez un développement constant pense à le célébrer. Je veux par- La musique chorale et ses
votre édition 2018 de la manifestation et la ticiper à mieux faire connaître pratiques en France,1800-1950,
« Sacré Berlioz ! ». conviction que le génie de ce musicien génial,autodidacte, par Bernadette Lespinard,
Comment bâtir Berlioz est une source d’inspi- provincial, libre, entreprenant, Fayard, 684 p., 29 B.
une telle programmation ration inépuisable. si français et déjà européen
face à un compositeur qui En quoi l’art de Berlioz avant l’heure.Seront organisées
rejetait « la foi catholique, est-il toujours aussi des manifestations de toutes
apostolique et romaine » ? éloquent de nos jours ? sortes, de toutes tailles, en tous
Et qui disait aussi que c’est En ce qu’il est la modernité lieux, avec le désir de laisser
« une religion charmante même ! L’invention des festi- la jeunesse le découvrir et se
depuis qu’elle ne brûle plus per- vals, la révolution de l’orches- l’approprier… Mais il est encore
sonne » ! Mais Berlioz est un tre symphonique, le dépasse- un peu tôt pour en parler. X
homme de contradictions. Il a ment des formes musicales, Propos recueillis par
sa première émotion musicale l’autofiction et la mise en Jérémie Rousseau
à l’église et sa première œuvre scène de sa vie personnelle, £ L’édition « Sacré Berlioz ! » du
d’envergure, à vingt ans, alors le goût de l’aventure et de la Festival Berlioz de La Côte-Saint-
qu’il n’a jamais pris un cours nouveauté… Berlioz a boule- André se tiendra du 18 août au
au conservatoire, est la vive et versé les règles et les usages. Et, 2 septembre. Renseignements :
lumineuse Messe solennelle. en premier lieu, il a cru en la www.festivalberlioz.com
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de Gluck
ro d u c t e u r, au service de musiciens interna- 1 Philippe Jaroussky/
Diego Fasolis
cofondateur du tionaux du plus haut niveau. (ERATO)
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Abeille Musique fraîche et sans contraintes. » Intuition
et du site de Sous les feux des projecteurs 2 Gautier Capuçon
(ERATO)
musiqueenligne se succéderont les pianistes
Qobuz, Yves Riesel revient sur Vladimir Feltsman (photo), « The Unreleased
le devant de la scène avec « Les qui n’a plus donné de récitals
Concerts de Monsieur Cro- dans la capitale depuis vingt 3 Recitals »
Emil Gilels
che », une série de récitals (sept ans (10/10), Henri Barda (FONDAMENTA)
pianistes et un claveciniste) qui (20/11), Lukas Geniušas
se tiendra à Paris, salle Gaveau, Perpetual Night
(5/12), Daniel Wayenberg
à partir du 10 octobre 2018.
« En dépit de sa richesse,la saison
(23/01), Pavel Kolesnikov
(6/02), Idil Biret (16/04), Kun-
4 Lucile Richardot/
Sébastien Daucé
(HM)
de concerts parisienne a perdu Woo Paik (22/05) et le clave-
la mémoire, estime Yves Riesel. ciniste irano-amér icain La Reine de Chypre
d’Halévy
5
SDP
Elle oublie des artistes, et même Mahan Esfahani, entouré Véronique Gens/Hervé
reste timorée au moment de d’invités, pour son premier Niquet (PALAZZETTO BRU ZANE)
faire passer les meilleurs talents détriment d’autres est navrante. concert parisien. X
mondiaux à l’étape supérieure. “Les Concerts de Monsieur J. R.
L’offre est pourtant tellement Croche” naissent de la volonté £ Renseignements :
pléthorique, mais la surexpo- de retrouver à Paris un espace www.sallegaveau.com,
sition de certains artistes au de liberté de programmation www.monsieurcroche-sas.com LES
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PLANÈTE MUSIQUE I MÉDIAS
RADIO CLASSIQUE
À LA SOURCE
DE LA MUSIQUE
RADIO CLASSIQUE
Début juillet, notoriété et d’une popularité à
l’échelle nationale. C’est donc
la station installe tout naturellement que la radio
ses micros installe,cet été encore,ses micros
dans la superbe Grange au Lac
à la Grange dont on ne vantera jamais assez lefonctionnement de la radio. » Hagen, l’offre sera contrastée.
au Lac, lors des à la fois la poésie architecturale La programmation des émis- Sans oublier, exclusivité Radio
Rencontres et la splendeur acoustique. sions diffusées depuis Évian Classique, l’émission-concert
Les auditeurs fidèles pourront s’en trouvera évidemment du3 juilletà14hdepuislecasino,
Musicales d’Évian. assister en direct à la diffusion influencée par celle du festival: présentée par Olivier Bellamy,
A
des émissions de Laure Mézan, « L’objectif est de mettre l’audi- autour d’un programme de
lors que l’on ne Olivier Bellamy et Jean-Michel teur au cœur de la manifestation, musique de chambre. X
cesse d’annoncer Dhuez. Ce dernier délocalise d’une part, en décrivant les lieux, Sévag Tachdjian
un appauvrisse- pour la première fois « Le Plaisir l’atmosphère, et d’autre part, £ Rencontres Musicales d’Évian,
ment de l’offre du Classique » jusqu’aux rives en préparant des émissions qui du 30/06 au 7/07. Les émissions
culturelle,notam- du lac Léman avec un réel s’inscrivent dans la continuité de Radio Classique en direct
ment en matière de musique enthousiasme: « J’adorais assis- des concerts du soir. » et en public, de 15 h à 19 h, les 2,
classique, la renaissance des ter aux émissions de radio quand Des concerts d’une grande 3 et 4/07 à la Grange au Lac,
Rencontres Musicales d’Évian j’étais plus jeune, se souvient-il. variété, que les auditeurs pour- avec Jean-Michel Dhuez,
en 2014, et leur succès fulgu- Le ton est forcément différent ront suivre en direct. Du récital Olivier Bellamy et Laure Mézan.
rant, est une source de satisfac- lorsque les auditeurs sont physi- de piano de Nikolaï Lugansky £ Émission-concert gratuite
tion dont on aurait tort de se quement présents en face de dans un programme Debussy, au casino d’Évian le 3/07 à 14 h,
priver. D’autant plus que grâce nous. On est attentif à leurs réac- Chopin et Rachmaninov au présentée par Olivier Bellamy.
au partenariat avec Radio Clas- tions, on discute avec eux pen- concert symphonique de la Sin- £ Six concerts en direct
sique, le festival haut-savoyard dant la diffusion des morceaux, fonia Grange au Lac en passant du 30/06 au 7/07: le programme
a rapidement bénéficié d’une on répond à leurs questions sur par les Quatuors Modigliani et sur www.radioclassique.fr
3
3 JUILLET À 14 H
Émission-concert gratuite présentée par Olivier Bellamy
en direct du casino d’Évian, mêlant le Quatuor avec piano
de Fauré, le Quatuor à cordes de Borodine et la Sonate
pour violon d’Ysaÿe, par les violonistes Joseph Spacek,
Marc Bouchkov, Fanny Robilliard et Gregory Ahss,
le pianiste Matan Porat, ainsi que les altistes Lise Berthaud
Les
TODD ROSENBERG
et Grégoire Vecchioni.
7 JUILLET À 19 H 30
Concert de clôture des Rencontres Musicales d’Évian
avec la Sinfonia Grange au Lac, sous la direction d’Esa-Pekka
24 AOÛT À 21 H
forts
26 Q CLASSICA / Juillet-Août 2018
Petite Messe solennelle de Rossini dans sa version originale
pour douze chanteurs, par l’Ensemble Exosphère et le chef
Jean-Philippe Billmann depuis le Festival de Rocamadour.
SUR
LE WEB
Les grands concerts www.culturebox.
francetvinfo.fr
Z La Nonne sanglante
de Gounod, par
FRANCE MUSIQUE 22/07 À 20 H M. Spyres, V. Santoni,
Concerto pour la main gauche M. Lebègue, J. Teitgen,
5/07 À 20 H 30 de Ravel, Le Sacre du printemps Orch. Insula, dir.
Requiem de Berlioz, par Ch. de de Stravinsky, par B. Cha- L. Equilbey, ms. D. Bobée.
Enreg. à l’Opéra-Comique
l’Accademia S. Cecilia, Orch. mayou (piano), Orch. philh. de en 2018.
national de France, dir.V. Ger- Radio France, dir. S.-M. Rou- Z Boris Godounov
giev. En direct de Saint-Denis. vali. En direct de Montpellier. de Moussorgski, par
11/07 À 22 H 25/07 À 16 H I. Abdrazakov, A. Anger,
Ariane à Naxos de R. Strauss, Lohengrin de Wagner, par D. Golovnin, E. Nikitin,
Orch. de l’Opéra de
par L. Davidsen, E. Cutler, R.Alagna,A. Harteros (photo), Paris, dir. V. Jurowski,
S. Devieilhe, Orch. de Paris, dir. Orch. du Festival de Bayreuth, ms. I. van Hove. Enreg.
M. Albrecht, ms. K. Mitchell. dir. C. Thielemann, ms.Y. Sha- à Bastille en 2018.
En direct d’Aix-en-Provence. ron. En direct de Bayreuth.
concert.arte.tv/fr
13/07 À 19 H 30 12/08 À 21 H Z Sonates pour violon
L’Ange de feu de Prokofiev, Œuvres de Mompou, Schu- de Debussy et Ravel,
M. BORGGREVE
par A. Stundyte, S. Hendricks, mann, Grieg, Barber, par Pelléas et Mélisande
A. Popov, Orch. de Paris, dir. D. Trifonov (piano). En direct de Schoenberg, par
R. Capuçon (violon),
K. Ono, ms. M. Trelinski. En de La Roque d’Anthéron. Orch. philh. de Radio
direct d’Aix-en-Provence. 18/08 À 21 H France, dir. L. Shani.
17/07 À 21 H Israël en Égypte de Haendel, par Boieldieu, Massenet, par Enreg. à la Maison
Œuvres de Schubert, Brahms, le King’s Consort, dir. R. King. V. Gens (soprano), Y. Beuron de la Radio en 2018.
Chopin, Poulenc, par N. Goer- En direct de La Chaise-Dieu. (ténor), Orch. OSE !, dir. Z Concerto pour piano
n°3 de Prokofiev,
ner (piano). En direct de 24/08 À 21 H D. Kawka. En direct de la Côte- Symphonie n°5 de
Montpellier. Extraits d’opéras de Gounod, Saint-André. Tchaïkovski, par B. Rana
(piano), Orch. national
de France, dir. E. Krivine.
Enreg. à la Maison
de la Radio en 2018.
www.operavision
Orch. symph. de Berlin, dir. par M. Goerne, M. Peter, Z Les Troyens de Berlioz,
À LA TÉLÉVISION par E.-M. Westbroek,
T. Sokhiev. Enreg. en 2015. C. Karg,Orch.philh.deVienne, B. Hymel, Y. Naef,
FRANCE 2 11/07 À 22 H dir. C. Carydis, ms. L. Steier. J.-F. Lapointe, S. Droy,
14/07 À 20 H 55 Ariane à Naxos de R. Strauss, En direct de Salzbourg. Nederlands Philh.
« Le Concert de Paris », par par L. Davidsen, S. Devieilhe 5/08 À 18 H 20 Orch., dir. J. Nelson,
A.Garifullina, J. DiDonato, J.-F. (photo), Orch. de Paris, dir. Symphonie n°2 de Mahler, par ms. P. Audi. Enreg.
à Amsterdam en 2017.
Borras, M. Goerne, J. D. Flórez, M. Albrecht, ms. K. Mitchell. L. Crowe, B. Fink, Orch. philh. Z Norma de Bellini, par
R. Capuçon, K. Buniatishvili. En direct d’Aix-en-Provence. de Vienne, dir. A. Nelsons. M. Devia, C. Remigio,
En direct du Champ-de-Mars. 4/08 À 20 H 50 Enreg. à Salzbourg en 2018. S. Pop, L. Tittolo,
17/07 À 00 H La Flûte enchantée de Mozart, Orch. de la Fenice, dir.
R. Frizza, ms. K. Walker.
La Flûte enchantée de Mozart, MEZZO Enreg. à Venise en 2018.
par A.-C. Gillet, A. Zorzi, 21/07 À 20 H 30
M. Cassi, Orch. de l’Opéra de Saul de Haendel, par L. Crowe, www.medici.tv
Wallonie, dir. P. Arrivabeni, ms. S. Bevan, C. Purves, I. Davies, Z Lessons in Love and
C. Roussat et J. Lubek. Enreg. Orch. of the Age of Enlighten- Violence de Benjamin,
par S. Degout,
à Liège en 2016. ment, dir. I. Bolton, ms. B. Hannigan, G. Orendt,
14/08 À 00 H 45 B. Kosky. Enreg. à Glynde- P. Hoare, Orch. de Covent
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Katia et Marielle Labèque
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WEEKEND IRLANDAIS
Ribeauvillé Jérôme Pernoo
Marie-Josèphe Jude
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Orchestre symphonique d’Euskadi
Renseignements : Orchestre de Pau Pays de Béarn
Orchestre de chambre Nouvelle-Aquitaine
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www.festivalravel.com
www.musiqueancienneribeauville.eu
L’HUMEUR
D’ALAIN DUAULT
Passé, avenir…
P
our clore cette saison,
comment ne pas déplo-
Les arbres ou à l’opéra, dans les livres, les revues,
tous ces lieux de passage. Nombre de
reruneétonnanteingra-
titude? Voici soixante-
dix ans exactement,
meurent sans figures, populaires ou plus confiden-
tielles, ont permis ainsi à tant d’être
touchés, émus, concernés, les Pierre
à l’été 1948, Gabriel
Dussurget créait le Festival d’Aix- qu’on se Dumayet ou Rolf Liebermann,
les Jacques Chancel ou Pierre Dux,
souvienne de
en-Provence en y offrant un opéra les Alain Decaux ou Claude Santelli,
de Mozart alors un peu mis de côté, tant d’autres… Ils ont su être des pas-
Cosí fan tutte.C’était le point de départ seurs de culture. Mais Apollinaire
d’une belle aventure qui rayonne
encore. On aurait pu penser que ceux qui les l’écrivait déjà: « Passons passons puis-
que tout passe / Je me retournerai sou-
avaient plantés
le festival actuel aurait eu envie de vent / Les souvenirs sont cors de chasse /
saluer la mémoire de son fondateur, Dont meurt le bruit parmi le vent. »
espérer par exemple que le prestigieux Tout passe,oui,comme le jour,la nuit,
Théâtre de l’Archevêché prenne à les saisons, la jeunesse, les certitudes.
cette occasion le nom de son fondateur, ou que soit imaginée L’eau du temps coule irrémédiablement et les arbres qu’elle a
toute autre forme de salut mémoriel à ce formidable inventeur. arrosés l’oublient. Et puis les arbres meurent sans qu’on se
Mais la mémoire s’efface aujourd’hui à la vitesse d’un tweet: souvienne de ceux qui les avaient plantés. Gabriel Dussurget a
Gabriel Dussurget est bien oublié. ensemencé le Festival d’Aix, d’autres ont poursuivi son geste
Bien sûr, il y aura encore, ce 30 juin à Aix, au Conservatoire et le festival dure, mais rien n’empêche de se souvenir. Ainsi
Darius-Milhaud, la remise du Prix Gabriel Dussurget qui a les responsables filent,dans la presse ou à la radio,à la télévision,
couronné ces dernières années aussi bien Stéphane Degout que dans les livres, dans les institutions, laissant des bouquets
Julie Fuchs, Sabine Devieilhe ou SonyaYoncheva. Cette année, de mémoire qu’on voudrait prolonger.
ce sera une jeune basse,Krzysztof Baczyk,auquel José van Dam, À l’Opéra de Paris par exemple, depuis l’arrivée de Stéphane
venu spécialement pour cela, remettra le prix. On entendra Lissner, la maison se porte bien, les spectacles font honneur à
quelques jeunes chanteurs et on assistera à la créa- sa réputation internationale (fût-ce ceux, icono-
tion du Magicien d’Aix par un compositeur qui clastes, qui suscitent polémique), les distributions
s’appelle (ça ne s’invente pas) Claudio Gabriele!… sont brillantes, les salles pleines. La logique serait
C’est l’Association des Amis de Gabriel Dussurget qu’il puisse y prolonger son action encore quelques
qui organise cet hommage: on eût aimé que le Fes- années. Mais, là encore, l’ingratitude oublieuse
tival d’Aix, à défaut d’en avoir eu l’initiative, risque de le pousser vers la sortie parce que des
au moins s’y associât… Mais l’ingratitude, petite règles tatillonnes élaborées pour d’autres temps ne
Retrouvez
sœur de l’oubli, règne en maîtresse amère dans pourraient être transgressées pour le bien public!
tant de lieux, et pas seulement en politique. ALAIN DUAULT OnespèrequeleprésidentdelaRépublique,homme
dans
Se souvient-on de tous ces inventeurs qui ont per- « Duault classique » de culture, saura faire fi de ces contraintes et peser
mis que s’épanouisse la culture sous des formes tous les jours, de son poids pour que l’excellence continue de
à partager, au théâtre ou à la télévision, à la radio de 17 h à 18 h régner à l’Opéra de Paris grâce à son directeur. X
Les Casadesus
UNE SYMPHONIE
FANTASTIQUE PAR ELSA FOTTORINO
J
’ignorais, de prime abord, qu’en me penchant sur la hauteur de la légende. « Quand j’ai voulu m’appeler Casadesus,
lignée des Casadesus, j’allais m’embarquer dans un mon père Jean-Claude m’a mise en garde. Il avait peur que ce ne
véritable jeu de piste. Impossible de savoir « qui » est soit un handicap. Quelque part, j’ai compris qu’il fallait le mériter,
« qui » sans passer par une étude détaillée de l’arbre ce nom », confie la soprano Caroline Casadesus.
généalogique : tout le monde ou presque a changé Justement, je suis allée à la rencontre de Jean-Claude dans son
de nom. Il y a ceux qui ont choisi de s’appeler Pascal domicile montmartrois. Ici se sont forgés les destins de plusieurs
en hommage au philosophe, ceux qui ont troqué leur nom de générations d’artistes. Perché au sixième étage, et offrant une
naissance pour Casadesus, ceux qui ont pris le nom de jeune fille vue panoramique sur Paris, l’appartement est flanqué d’un long
de leur mère, ceux qui s’appellent Probst, ceux qui font des ana- balcon filant qui communique avec celui de sa mère, l’actrice
grammes… Il y a les pianistes (Robert, Gaby, Jean, Thomas), Gisèle Casadesus, sociétaire de la Comédie-Française, décédée
les photographes (Sebastian Copeland), les compositeurs (Gréco à l’âge de cent trois ans. Ce lieu, elle y est née, elle y a passé sa vie.
Casadesus, Dominique Probst)… Heureusement, le site Internet
dédié à la famille est venu à ma rescousse. En cliquant sur l’arbre, ORIGINES CATALANES
j’ai vu s’afficher en toutes lettres « Les Casadesus. Profession : Faisons un saut dans le temps pour mieux saisir cette énigme
artiste ». Le patronyme Casadesus nourrit la fierté familiale dont généalogique. Luis Casadesus, comptable et typographe catalan
les membres rayonnent sur les arts depuis la fin du XIXe siècle. féru de violon, de guitare et de mandoline, a eu neuf enfants
Ceux qui le portent aujourd’hui ont le devoir de se hisser à la dont huit sont devenus musiciens professionnels. Parmi eux,
Henri, le grand-père de Jean-Claude et, donc, le père de Gisèle.
Henri occupait l’appartement qui est devenu celui de son petit-
fils. Ce fondateur de la Société des instruments anciens a même
joué devant Tolstoï, dont Jean-Claude conserve précieusement
la dédicace. Chez les Casadesus défilent alors les musiciens
du Tout-Paris. Notamment le chef d’orchestre Pierre Monteux
qui lui met un violon entre les mains à l’âge de quatre ans.
« Ils ont décrété avec mon grand-père que j’avais un sens du rythme
qui sans doute me conduirait à être chef d’orchestre. » La prophé-
tie s’est réalisée. Et Jean-Claude, né Probst, adopte le nom
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visuel à partir des créations du collectif tout/reste/à/faire / licences 1-1062367 2-1063642 3-1062368
À VOIX HAUTE
PAR BENOÎT DUTEURTRE
La mémoire au Kärcher
C
’est l’un de ces petits actes de vandalisme ordi- de la société Fimalac, ont préféré simplifier le décor en blan-
naire qui, mine de rien, transforment un lieu chissant tout. Quant à la Ville de Paris, elle ne semble s’intéres-
sous prétexte de le restaurer. À Paris, sur le fron- ser à son patrimoine musical que pour y imprimer ses exigences
ton du Théâtre Marigny, un des plus jolis de morales: ainsi lorsqu’elle faillit annuler la pose d’une plaque
la capitale en son jardin des Champs-Élysées, à la gloire de Dutilleux supposément « collabo » ou lorsqu’elle a
l’architecte chargé de la rénovation vient d’effa- débaptisé le collègeVincent-d’Indy,coupable d’avoir appartenu
cer les noms des compositeurs qui avaient fait la gloire du lieu: à l’Action française! On cherche en revanche les efforts accom-
certains fort oubliés comme Paul Lacôme,ami plis pour mettre en lumière l’épopée musicale
de Chabrier ; d’autres plus célèbres comme
Hervé, l’inventeur de l’opérette, ou Audran
dont La Mascotte soulevait l’enthousiasme de
Marigny populaire de cette cité où fut inventée l’opérette,
mais où il n’y a plus un seul théâtre d’opérette;
où l’accordéon atteignit des sommets artis-
Nietzsche –,mais surtout Offenbach lui-même
qui surplombait l’entrée du théâtre en lettres
gravées.C’est en effet à cet emplacement précis
sans ses tiques,mais où il n’existe pas un lieu pour célé-
brer cette tradition; où le music-hall fut le plus
brillant du monde, mais où il n’existe pas
que le génial musicien avait ouvert ses pre-
miers Bouffes Parisiens et mis au point une maîtres même un vrai musée de la chanson.
Les passionnés peuvent compter sur les efforts
fantaisie musicale dont l’influence allait de l’Opéra-Comique ou de l’Athénée qui
s’étendre dans le monde entier, fécondant l’opérette viennoise, accueillait ce printemps Les P’tites Michu de Messager. Mais,
l’opérette anglaise, mais aussi la comédie musicale américaine. pour ceux qui aiment l’esprit de Paris, le mieux est désormais
Ironie du sort, la direction du nouveau Marigny vient d’être de filer du côté de la Méditerranée où quelques villes sauvent
confiée à Jean-Luc Choplin, ancien directeur du Châtelet et l’honneur en faisant revivre un répertoire délaissé. Marseille,
fou de spectacle musical… On espère qu’il n’a pas approuvé d’abord, où le théâtre Odéon reste la dernière scène perma-
l’éradication de ces glorieux maîtres de la fin du xixe siècle qui nente à proposer une vraie saison d’opérette sous l’égide de
mériteraient de trouver une place dans sa programmation Maurice Xiberras,directeur de l’Opéra (on y retrouvera au cours
auprès des spectacles chantants qu’il produit avec bonheur! de la saison prochaine Lecocq,Hervé,Offenbach ou Marguerite
Un raisonnement simpliste ne manquerait certes pas de nous Monnot).Mais aussi Montpellier où le Festival de Radio France,
rétorquer qu’il est impossible de tout conserver, et que mieux à l’initiative de Jean-Pierre Rousseau,propose en ce début d’été
vaut effacer les noms d’artistes oubliés… comme s’ils risquaient une superbe programmation intitulée « Douce France » :
d’indisposer la clientèle branchée! Mais n’est ce pas précisément l’occasion d’applaudir une Périchole dirigée par Minkowski,
le rôle des monuments que de maintenir ces pans de redécouvrir l’opéra Kassya de Léo Delibes
de mémoire qui aiguisent notre curiosité? Voilà et quantité de chefs-d’œuvre instrumentaux et
ce que nous faisons en admirant la décoration du BENOÎT orchestraux, sans oublier les trésors de la chanson
palais Garnier et en nous demandant pourquoi DUTEURTRE française. « Ça, c’est Paris! », même loin de Paris,
Auber, Halévy ou Meyerbeer y font jeu égal avec est écrivain. tandis que Paris ponce ses murs et gomme
Mozart,Beethoven et Rossini.De même à Marigny, son dernier ouvrage, un passé ringard ! À moins que cette opération
l’édification du bâtiment actuel en 1894, puis sa La Mort ne soit une fâcheuse bévue… que M.Marc Ladreit
rénovation en 1925 avaient mis à l’honneur de Fernand Ochsé, de Lacharrière, président de Fimalac, rectifiera
quelques figures de l’histoire théâtrale.En 2018,les est paru sans délai en rendant leur place aux compositeurs
responsables de cet établissement, sous la houlette chez Fayard. sur les frontons du Théâtre Marigny. X
Victor Julien-Laferrière et
Gérard Caussé (voir p. 84).
Cette année, côté festivals, ce n’est pas morne plaine, Vents du Nord et mers du Sud
communieront à La Côte-
avec de nombreuses rencontres au sommet. Saint-André pour célébrer
ensemble la nouvelle mouture
A
du Festival Berlioz, baptisée
ux abords de la majeur K. 136, version pour Leonardo García Alarcón, aux cette année « Sacré Berlioz! ».
Chartreuse et du violon et violoncelle de la Sym- côtés de la Cappella Mediter- Au programme, le Requiem de
Vercors se tiendra phonie concertante K. 364 – et ranea, avec un périple à Venise Berlioz offert par François-
la 54e édition du inaugurée, comme il se doit, (Seythenex, 27), et Alexandre Xavier Roth (21/08), des mélo-
Festival internatio- par la Sinfonia « La Veneziana » Kantorow qui voyagera en Rus- dies du (Grand) Nord interpré-
nal de Musique de d’un certain Salieri… Direction sie (Viuz-la-Chiésaz, 10/08). tées par Simone Lamsma (22)
chambre du Prieuré de Chirens assurée par Alexandre Sos- et quelques « Méditerranées
(Isère) : elle accueillera cette novsky (28/07). musicales » de Berlioz propo-
année le Trio Messiaen (14/07), À 80 kilomètres et 1000 mètres TEXTOS INTERDITS sées par sir John Eliot Gardiner
le duo Claire Désert et Pascal d’altitude plus haut, François- Sur le massif du Luberon, et l’Orchestre révolutionnaire
Moraguès (21), le Quatuor René Duchâble donnera, en les Musicales feront la guerre et romantique (31). X
Takács (4/08), le Quintette à compagnie du Praga Camerata, aux SMS avec le spectacle lyri- En savoir plus :
cordes de la Philharmonie de un concert Beethoven pour le que « Correspondance(s): à bas £ www.prieuredechirens.fr
Berlin(5)etleQuatuorJohannes 20e anniversaire du Festival le SMS » de Nadine Duffaut £ www.musiqueetnature.fr
(10). Notons également la pré- Musique & Nature en Bauges (21/07). En dignes défenseurs £ www.musicalesluberon.fr
sence de l’Orchestre à cordes de (17, 18/07). À ce road trip festif de ces jeux épistolaires : Ludi- £ www.quatuors-luberon.org
Minsk pour une soirée consa- se joindront aussi les Chœurs vine Gombert, Julien Dran, £ www.festivalsaintpaul
crée à Mozart – Adagio et fugue de l’ar mée fr ançaise et Fiona McGown et Célia Oneto devence.com
K. 546, Divertissement en ré Sequenza 9.3 (Doussard, 20), Bensaid. Dans les carrières de £ www.festivalberlioz.com
Dans le nord
à l’ouest! À commencer par
la 20e édition des Nuits Musi-
cales en Vendée romane et son
coule la scène
ouverture « Gospel et Negros
Spirituals » (Joniece Jamison et
Pascal Liberge,12/07).Suivront
SDP
un programme « Musiques du
monde » par l’ensemble Quai
n°5 (30) et des récitals de Pascal à Dinan prendra, quant à lui,
Amoyel (6/08) et de Thibault ses quartiers au Théâtre des
Cauvin (9, photo). Jacobins, en compagnie entre
Au pays de Vannes, Les Musi- autres de Shani Diluka (5/08),
cales du Golfe verront se réunir duTrioCasadesus(7)etdu Duo
pianistes et quatuors de haute Ochi-Daverio (11). X
tenue avec Éric Le Sage (31/07), En savoir plus :
Jean-Paul Gasparian (1er/08), le £ www.festival-vendee.com
Quatuor Manfred (3), le Qua- £ www.francefestivals.com
tuorZahir(7)etleQuatuor Fine £ www.ete-musical-dinan.fr/
Arts (13). Le festival Été musical programmation-2018
JULIA WESLEY
L
ascèneprendrasasource (18/08), le duo Mercier et Lor- de Saint-Genou se plieront avec
dans le Cambrésis où tie (20), Khatia Buniatishvili grâce à l’art des mots.On y enten-
la 3e édition des Ren- (21,photo) et Boris Berezovsky draleConcertimpromptu(21/07),
contres Musicales de (22). Enfin, elle se jettera dans l’Ensemble Boréale (22), le RP
J. QIN - J. GAZEAU
Cambrai célébrera en le Festival de Laon : Concerto Quartet (26) et une soirée « Musi-
ouverture le centenaire de pour piano n°2 de Brahms par que et littérature » (5/08).
Bernstein avec le Quatuor Face Adam Laloum (22/09),Sonates Les Arts Florissants, quant à
à Face (5/07), suivi de la ren- de Beethoven par Renaud eux, cultiveront leur talent lors
contre Alain Duault et David Capuçon et Kit Armstrong (29, de la 7e édition du festival Dans
C
Bismuth autour de la figure de 30), Symphonie « Du Nouveau haos et calme inspireront les jardins de William Christie
Beethoven (6), de mélodies à Monde » de Dvorák par Chris- la 40e édition du Festival (photo), avec L’Orfeo de Monte-
la française par le Quatuor 212 tian Arming (7/10), Symphonie de Sablé. S’y déchaîneront verdi (25, 26/08), Répons de
(10) et de swings américains n°1 de Mahler par François- Les Éléments de Rebel par Justin Gesualdo(27,29)ouTheBeggar’s
par Pierre Génisson (11). Puis Xavier Roth (19)… X Taylor, le Lachrimae de Dowland Opera de Gay (31 et 1er/09). X
elle suivra son cours au Touquet En savoir plus : par Romina Lischka et Il Terre- En savoir plus :
Paris-Plage avec la 10e édition £ www.lesmusicales-cambrai.fr moto de Draghi par le Poème Har- £ www.lentracte-sable.fr
des Pianos Folies où se succé- £ www.lespianosfolies.com monique (22/08), puis Bach et £ www.valdelindrebrenne.com
deront Andreï Korobeinikov £ www.festival-laon.fr Telemann par l’ensemble Amarillis £ www.arts-florissants.com
Saint-Ursanne, Besançon
Boucles
musicales
OSCAR VAZQUEZ
En Suisse ou en Franche-Comté, le Doubs
nous entraîne dans des méandres de notes. Paris, Pontoise
Sacrées fugues
L
ors de sa 33e édition, le fes- Ho & friends (28, 29/09),
tival Musique en l’Ile met- les Vêpres à la Vierge de Monte-
tra en notes un peu de verdi par la compagnie La Tem-
Corse, beaucoup de Russie et pête (9/10), les Concertos
pas mal de sacré: Trio Sarocchi brandebourgeois de Bach par
et Ensemble Marani (8/07), l’Ensemble Le Caravansérail
Vincent Rigot et Ienissei Ramic (14) et des Folias italiennes par
(22), les Nouvelles Voix de la violoniste Amandine Beyer
Saint-Pétersbourg (29), Jean- (photo) et Gli Incogniti (20). X
Paul Poletti et le Chœur En savoir plus :
d’hommes de Sartène (15/08). £ https://www.infoconcert.com/
Au Festival baroque de Pon- festival/musique-en-lile-6181/
toise, Les Nations de Couperin concerts.html
FESTIVAL SAINT-URSANNE
Dordogne, Corrèze
À pied d’œuvre
P
as moins d’une ving- Au Festival international de
C
taine d’artistes seront musique Besançon Franche- ette année,le thème du Festi- la Fondation Safran » (19, 20). Côté
à l’affiche du festival Comté, l’accent sera mis sur val du Périgord Noir est dédié baroque, Sinfonia en Périgord signe
Piano à Saint-Ursanne l’éclectisme : musique fran- auconceptlisztiendela« pen- lerendez-vousdesensembles:LaFugi-
(photo) et, avec eux, çaiseparl’HarmoniedelaGarde sée visible »aveclesciné-concerts de tive(27/08),Pulcinella(29),Masques
deux cartes blanches (Alexan- républicaine (7/09), les Vêpres Karol Befa (7, 8/08, photo), Il Trionfo (30) ou Vedado Musica (1er/09).
draConunova,3,4/08),unenoc- de Rachmaninov par la com- del Tempo e del Disinganno de Haen- En Corrèze, la 38e édition du Festival
turne (« La Nuit du concerto », pagnie La Tempête (10), plu- del par Iñaki Encina Oyón (10 au 20), delaVézèreseramarquéeparlavenue
7), une entrée libre (soirée sieurs grands classiques l’instant Boris Vian par l’HEMU Jazz du violoniste Nemanja Radulovic
jeunes artistes,11) et un instant – le Boléro de Ravel, la Sara- OrchestradeLausanne(12)etlessoi- (5/07) et de la trompettiste Lucienne
évasion (Beethoven par Gio- bande de Haendel, Dans rées « Carte blanche au Concours de Renaudin Vary (21/08). Côté poésie,
vanni Bellucci, 11). Notons l’antre du roi de la montagne Genève » et « Lauréats 2018 de le pianiste Iddo Bar-Shaï accompa-
également la présence de de Grieg, Mars de Holst… – gnera l’ombromane Philippe Beau
Michel Dalberto qui interpré- revisités par des instruments pour un « Couperin en noir et blanc »
tera des pièces de Franck, Bee- électriques (14) et quelques (12/07). Sans oublier le week-end
thoven,Schumann et Ravel (2), airs de jazz et de musiques du opéraavec L’Enlèvementausérail(10,
de Philippe Bianconi, invité monde joués par des collectifs 12)etLaChauve-Souris(11),tous deux
spécial de la manifestation (6), internationaux – African Salsa dirigés par Bryan Evans. X
ASTRID DI CROLLALANZA
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Mécène principal
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Bouches-du-Rhône, Haute-Provence, Alpes-Maritimes
Au doux chant
des cigales
U
n premier grand couplet
sera consacré au Festival
de La Roque d’Anthéron
où l’on entendra entre autres
Eliane Reyes (24/07),Jean Ron-
deau (25), Pierre Hantaï (27),
Maria João Pires (28, 29),
Víkingur Ólafsson (30),Kotaro
Balades
entre autres au Quatuor Van Northern Sinfonia (11). X
Kuijk (30/07), à Geoffroy Cou- En savoir plus :
teau (31), Michel Portal (31), £ www.festival-piano.com/fr
occitanes
Claudio Bohórquez (2/08) et £ www.rmhp.fr
Emmanuel Pahud (8). £ www.festival-salon.fr/fr
Au Festival de Musique de £ www.festival-musique-
Menton, les grands interprètes menton.fr
De Rocamadour à Toulouse, le Sud-Ouest
explore tous les répertoires. Normandie, Alsace, Oise
Pourune
E
mblème de la musique (5/08), le Quatuor Erell (19)…
sacrée par excellence, Dans le département du Lot,
rentrée
le Festival de l’abbaye de le Festival de Rocamadour
Sylvanès (photo) a tou- cheminera dans la joie : Dixit
jours su, au fil de ses Dominus de Haendel par Marc
nombreuses éditions, concilier
l’amour de la tradition avec
la découverte de nouveaux
Minkowski et Les Musiciens
du Louvre (5/08) en ouverture
et Messe en si mineur de Bach
enfanfare
S
répertoires. Une fois de plus, par Vox Luminis (15). i l’été s’achève, la musique
l’année 2018 ne dérogera pas à À Toulouse, le festival Piano perdure! En Normandie,le fes-
SDP
la règle: Stabat Mater de Pergo- aux Jacobins ne restera pas non tival Septembre musical sur
lèse (14/07),Requiem pour deux plus cloitré. Parmi ses invités l’Ornefourniraàvosoreillesundépay-
sopranos et orgue de Huillet (15), de marque: Joaquín Achúcarro sementprolongé,duQuintetteàvents Clermont présenteront Albéric
cantate Saint Nicolas de Britten (5/09), Ishay Shaer (7), Nicolas Ouranos (14/09) à Augustin Dumay Magnard, le « Bruckner français »,
(22) et rhythm’n’blues par les Horvath (8), Sergei Babayan (29,photo),toutenpassantparOfen- l’Octuor de Schubert (23/09) et des
Como Mamas (29). (11), Alexandre Tharaud (12) bach (15) et Les Chanteurs d’Oiseaux Cantates de Haendel (13/10). X
Dans le département de l’Aude, et Teo Gheorghiu (13). X (5/10).EnAlsace,le Festival de musi- En savoir plus :
la 19e édition des Théophanies En savoir plus : que ancienne de Ribeauvillé propo- £ www.septembre-musical.com
se promènera aux côtés de jeu- £ www.sylvanes.com sera un week-end irlandais (6, 7/10) £ www.musiqueancienne
nes artistes: Constant Despres £ www.les-theophanies.org avec conte musical et chansons tra- ribeauville.eu
au piano (21/07), Valentin £ www.rocamadourfestival.com ditionnelles par Vincent Inchin- £ www.rencontresmusicales.
Tournet à la viole de gambe £ www.pianojacobins.com golo. Les Rencontres Musicales de clermont-oise.fr
Le temps
d’un week-end
SDP
Des causses au parc de Bagatelle, des chœurs Bretagne, Normandie
au piano, en passant par la musique tzigane.
Cap à l’ouest
E
n Bretagne, la 29e édition de l’Abbaye de Lessay s’ouvri-
du Festival international de ront avec Laurence Equilbey et
Dinard accueillera, entre l’Insula Orchestra (24/07).Puis
autres, l’Histoire de Babar, le un concert Berlioz par l’Or-
petit éléphant de Poulenc et Ma chestre régional de Norman-
mère l’Oye de Ravel (8/08), un die, Catherine Trottmann,
concert lecture de Madame mezzo-soprano et Adrien
Pylinska et le secret de Chopin Tournier, altiste (27). Une soi-
d’Éric-Emmanuel Schmitt par rée avec l’Akademie für Alte
lui-même (10) ainsi qu’un Musik Berlin et la violoniste
concert à deux pianos avec des Isabelle Faust (14/08), le
œuvres de Debussy, interpré- Requiem de Fauré et Les Litanies
tées par François Chaplin et à la Vierge noire de Poulenc par
ELIAS S.
P
our sa 3e édition, le fes- une importance accordée à de trois jeunes talents : Kenji En savoir plus :
tival Les Romanesques la carte blanche. Les artistes Miura, Ragaa Eldin (7) et £ www.festival-music-dinard.com
se déroulera pendant concernés seront Lise de la Sergeï Pchelin (12). En Nor- £ www.heuresmusicales
le dernier week-end Salle (1/09), François Chaplin mandie, les Heures musicales delessay.com
d’août avec balades (8), Jean-François Heisser (15)
champêtres et paysannerie et François-Frédéric Guy (16).
dans les Cévennes, mais aussi
et surtout avec le Requiem de
Des concerts-tremplins seront
également proposés au cours Lozère, Pays basque
Mozart par l’ensemble baroque
Arianna et le chœur Ars Voca-
lis (25/08). Le dimanche sera
de ces week-ends : un récital
ibérique par Nathanaël Gouin
(2) et un récital à dominante
Jouer la carte du sud
L
dédié à la forme libre : Duo wagnérienne par Gaspard e5e Festivald’OpéraduGrandsudproposeDonQuichottedeMassenet(6/08).
Micha pour la musique tzi- Dehaene (9).Notons également Ilseraprécédédedeuxsoiréestango(26,27/07)etdemélodies« donquichot-
gane, Susanna Sheiman et le le récital de Jean-Paul Gaspa- tesques » (31).Côté basque,le Festival Ravel invite à sa traditionnelle « Messe
Swing Ambassadors Septet rian (2) et celui d’Anastasya des corsaires » (26/08), suivie d’un hommage à Thelonious Monk par Laurent de
pour le jazz. Les week-ends de Terenkova (9). X Wilde(28),un« matchallerDebussy-Ravel »parPhilippeCassard(29),les« Miroirsde
septembre seront consacrés En savoir plus : Faust »avecBéatriceUriaMonzon(2/09),etuneviréeaveclessœurs Labèque (14). X
au festival Solistes à Bagatelle £ www.lesromanesques.fr En savoir plus : £ www.festivaldoperadugrandsud.fr
(Paris) avec pour 18e édition £ ars-mobilis.fr £ www.festivalravel.fr
Ariane à Naxos, La Flûte La Périchole ou Chopin? András Schif, les King Singers,
SDP
SDP
Lully, Roi-Soleil
de Versailles
LE PHAÉTON DE BENJAMIN LAZAR ET VINCENT DUMESTRE, FORTS DE DEUX
DÉCENNIES DE COMPLICITÉ LULLYSTE, A RAYONNÉ GRÂCE À UNE DISTRIBUTION
FLAMBOYANTE ET UNE SCÉNOGRAPHIE ÉBLOUISSANTE.
ANDREY CHUNTOMOV
O
n s’impatientait tableau de Poussin.Lazar comme des doigts transmet sans peine À Victoire Bunel et Léa Trom-
d’entendre le sa consœur Louise Moaty, une émotion universelle.Les cou- menschlager reviennent les des-
Surintendant les pionniers de la reconstitution lants duos retrouvent cette puis- sus tendres, nombreux et incar-
dialoguer à nou- radicale, optent désormais pour sance particulière de la parole nés. Lisandro Abadie, racé,
veau avec Benja- une esthétique de super-8 et de dansée qui provoqua tant animal, incarne quant à lui
min Lazar et zapping vidéo.Ainsi l’« Âge d’or » d’émoi dans l’Atys de Villégier. la détresse d’Epaphus.
Vincent Dumestre,les artisans du chanté au Prologue est celui de La distribution, mi-russe, MusicAeterna joue sans faillir,
Bourgeois et de Cadmus. Phaéton notre enfance, abîmée. Cet exil mi-française, pouvait buter sur le continuo du Poème Har-
est une pure tragédie. Pas de des images voulu par le scéno- la prononciation à l’ancienne. monique irradie. La danse
happy end, mais un cataclysme, graphe Mathieu Lorry-Dupuy a Mais, surligné par l’emphase, des sons est irréprochable.
chose rare chez Lully.ÀVersailles, des propositions éblouissantes, les mots frappent partout clair. Cette fosse ne convainc pour-
ce spectacle, coproduit avec comme le sol de la scène réverbé- Elizaveta Sveshnikova leur prête tant pas. Il y manque une assise
le Théâtre de Perm et les équipes rant ses lumières au plafond de un soprano séducteur. Eva Zaï- de bois et de vents. On a compté
de Teodor Currentzis, a décon- Durameau.Le baroque n’est plus cik est une pharaonne trou- quatorze cordes, pincées ou
certé. Nul ne descend plus d’un à exhiber,il est intériorisé.Celui-ci blante. La palme du mieux- frottées, pour quatre pupitres
garde son âme d’art intime en disant revient à Cyril Auvity. de bassons, flûtes et hautbois.
PHAÉTON DE LULLY, même temps que total. Mathias Vidal joue plutôt Un déséquilibre de couleurs que
Versailles, Opéra royal, L’éloquence des corps jus- la carte tenorino pour camper Lully n’aurait pas cautionné. X
le 1er juin qu’au bout des mots comme le capricieux fils d’Apollon. Vincent Borel
et lui
Marie-Nicole Lemieux
tout en nuances, Laurent
Naouri racé, Mikhail
Tatarnikov mobile à la tête
UN COUPLÉ du National et des
GAGNANT Chœurs de Radio France:
éblouissementque
L
e couple est à la fête dans le chef-d’œuvre de
ce diptyque sur les vicis- Saint-Saëns en version
ELISABETH DE SAUVERZAC
situdes de l’amour. Créé de concert (Paris,
en 2018, Manga-Café, opéra en TCE, 12/06)!
un acte de Pascal Zavaro, se foca-
lise sur un jeune geek qui, après RADU LUPU
être intervenu dans le métro À soixante-douze ans,
pour sauver une jeune femme le pianiste épate encore
importunée, tente de vaincre par la rondeur de sa
sa timidité pour la conquérir. aborder l’ultra-contemporaine face à son épouse aliénée, Eléo- sonorité et l’égalité de son
Ce héros timoré est joué avec solitude des réseaux sociaux. nore Pancrazi, dont la voix qui toucher. On quitte la salle
éclat par une mezzo travestie, Puis surgit la déflagration Trouble peut tout est soutenue par un défait, ému aux larmes
Eléonore Pancrazi, qui se in Tahiti, continuum de swing talent d’actrice extravertie.Julien par ses Schubert emplis
confronte aux vertiges de l’éros ironique de Bernstein qui Masmondet insuffle à l’ensemble de tendresse (Paris,
suscités par la soprano Morgane emporte tout sur son passage, Les Apaches un impeccable sens Philharmonie, 11/06).
Heyse, une belle découverte. exploration cinglante de la psy- du rythme. La mise en scène de
L’œuvre, vive et altière, cite toute ché d’un couple américain en Catherine Dune, mouvante et MAXIME PASCAL
une tradition lyrique française déréliction. Laurent Deleuil légère, valorise les fluctuations Le chef français fait
et synthétise un prestigieux campe avec justesse Sam, très mentales de ces couples inutiles des débuts éclatants
passé musical enfoui pour satisfait de sa réussite matérielle, et incertains. X Romaric Gergorin à l’Opéra de Paris, joignant
la précision à l’urgence
MANGA-CAFÉ DE ZAVARO, TROUBLE IN TAHITI DE BERNSTEIN, pour les reprises vivifiantes
Paris, Théâtre de l’Athénée, le 8 juin de L’Heure espagnole
et de Gianni Schicchi, deux
trésors de mise en scène
Entrée
Petite voix, trop pauvre en har- signés Laurent Pelly
moniques,Nadine Sierra (photo) (Opéra-Bastille, 30/05).
agace : Norina n’est pas cette
D
on Pasquale entrant désespère. Michele Pertusi ne On a connu Robert Carsen
enfin au palais Garnier, joue qu’appuyé et sans émotion. plus inspiré que dans
VINCENT PONTET / ONP
ce pouvait être délice. Reste le joyau du Dottor de Flo- cette lecture surtout
Ileut fallu alors une distribution rian Sempey (photo), décidé- esthétisante
résistant aux pléonasmes de la ment absolu dans le bel canto du chef-d’œuvre de Gluck,
mise en scène. Si Damiano bouffe. Evelino Pidó fait bien sûr et Diego Fasolis autrement
Michieletto s’est un peu calmé le job, mais sans jamais trouver plus précis à la tête de
par rapport à son horripilant la sensibilité et le sourire qui Barocchisti bien incertains.
Barbier (décor léger mais chic et donne : berné, Pasquale, mais conviennent: l’Esprit est ce soir Pas sûr enfin que Philippe
toc, et désastreux pour la projec- son neveu aussi. Malatesta et ailleurs, et l’ennui le remplace Jaroussky trouve son
tion vocale, agitato scénique Norina sont plus que complices peu à peu. X Pierre Flinois meilleur rôle en Orfeo,
moins obsessif ), il n’a rien pour s’approprier les biens de trop grave pour lui
perdu de son sens de la vulga- ces deux idiots, qui n’en tire- DON PASQUALE (Paris, Théâtre des
rité, façon vidéo d’aujourd’hui. ront aucune leçon. Amoralité, DE DONIZETTI, Champs-Élysées, 25/05).
Et il a cru bon de changer la tu gagnes ! Paris, palais Garnier, le 11 juin
La belle saison
d’Évian
LORS DU PRINTEMPS DE LA GRANGE, LE PIANO
S’EST PARÉ DE MAGNIFIQUES COULEURS GRÂCE
AUX CLIMATS DISTILLÉS PAR LES INTERPRÈTES.
L
es Rencontres Musicales en bois, qui fait de chaque
d’Évian poursuivent, spectateur un auditeur privi-
M. BORGGREVE
depuis leur réveil en 2014, légié. Si Gautier Capuçon et
un brillant parcours. Le pro- Jean-Yves Thibaudet visitent
chain rendez-vous, du 30 juin chacun de leur côté la Sonate
au 7 juillet, réunira ainsi des pour violoncelle n°1 de Brahms,
artistes de la trempe de Frank ils se retrouvent dans celle de On redevient sérieux en com- Vinnitskaya (photo) qui lui
Peter Zimmermann, du Qua- Chostakovitch dont ils consta- pagnie de Grigory Sokolov vole la vedette, impériale dans
tuor Hagen, et d’Esa-Pekka tent amèrement le sombre qui, avec son allure de major- des préludes de Debussy et de
Salonen. Le succès aidant, il a horizon. On pouvait heureu- dome d’un autre temps, Chopin. Poigne d’acier et
été décidé de proposer plusieurs sement compter sur le concert empile minutieusement trois doigts de fée, elle fait aussi bien
saison à l’année. Avant la voix à deux pianos et quatre pia- sonates de Haydn comme une entendre la prudente progres-
à l’automne et le jazz en hiver, nistes pour remonter le moral. vaisselle précieuse ; sa blan- sion Des pas sur la neige que
c’est le piano qu’accueille le Florent Boffard, Frank Braley, cheur immaculée en révèle le souvenir tumultueux de
printemps dans l’acoustique Claire Désert et Emmanuel le moindre détail. En revan- Ce qu’a vu le vent d’ouest. Puis
miraculeuse d’une salle tout Strosser rivalisent de malice che, il amidonne avec un zèle elle porte un regard d’une rare
pour conter les malheurs de excessif les Impromptus D.935 acuité sur le recueil de Chopin,
ÉVIAN, LE PRINTEMPS L’Apprenti sorcier de Dukas de Schubert comme s’il voulait grand roman du piano où
DE LA GRANGE, et faire claironner le finale de en effacer tout faux pli de chaque personnage affirme
Théâtre du casino, la Symphonie « Avec orgue » roture. Et c’est finalement son caractère. Prodigieux. X
du 18 au 20 mai de Saint-Saëns. sa jeune compatriote Anna Philippe Venturini
Q
uel compositeur lyrique palette mélodique où le lyrisme
Charles Gounod était-il tendre de Gounod flamboie
avant son Faust? Créée déjà. Quelle surprise d’enten-
en 1854, La Nonne san- dre s’amorcer, au détour
glante apporte la meilleure des d’une valse ou d’une cavatine,
PIERRE GROSBOIS
Louvre,
Nicholas Angelich, Les Musiciens de
Vox Luminis, Gilles Binchois...
ère sur:
24 août: Captation en direct d’Exosph
DANSEZ,
MAINTENANT PAR
DOMINIQUE SIMONNE
L
grègent comme autant de reven-
aisser fonctionner serpentent dans les escaliers, Looking Back (L’Art de ne pas dications autonomes. C’est beau
le chaos en paix », dit ondulent entre les jambes des regarder en arrière) de l’Israélien et éprouvant. On songe aux élec-
malicieusement spectateurs avant de les guider Hofesh Shechter. trifications scéniques d’Ohad
James Thierrée,illu- jusqu’à leur fauteuil. Ce joyeux Cela commence en une déflagra- Naharin qui, à Tel Aviv, a inventé
sionniste, poète, désordre intitulé Frôlons (que tion, un long cri rauque lancé une gestuelle particulière pour
danseur, acteur, touche-à-tout l’on aurait aimé voir se dévelop- dans le noir qui ébranle la salle et raconter la brutalité du monde.
qui adore déstructurer les espa- per sur scène) précédait trois foudroie les spectateurs. Le cho- À l’évidence, la scène chorégra-
ces, brouiller les repères et trom- ballets : la reprise du fulgurant régraphe l’indique simplement phique israélienne impose un
per les sens. Invité à ouvrir une The Seasons’ Canon de Crystal en voix off: « Ma mère m’a aban- nouveau style, une danse de
soirée chorégraphique de l’Opéra Pite déjà célébré ici (voir l’édito donné à l’âge de deux ans. » Il est l’urgence et du déséquilibre inter-
de Paris, il a convoqué Kafka : de Jérémie Rousseau p. 3), une donc question de perte et de prétéecomme une nécessité vitale
cinquante-huit interprètes méta- création de l’Espagnol Iván Pérez peine, mais aussi de la difficulté quinoussecoueetnousbouleverse.
morphosés en créatures fantas- vaniteuse et insignifiante que l’on pour l’individu de trouver sa On songe encore à cette phrase
tiques à la carapace dorée s’extir- a déjà oubliée (The Male Dancer) place dans une société ébranlée, de Pina Bausch, autre familière
pent des sous-sols du palais et, révélation, une pièce à très écartelé entre liberté et soumis- du chaos: « Dansez,dansez,sinon,
Garnier, envahissent les couloirs, haute tension : The Art of Not sion, violence et beauté, tragique nous sommes perdus! » X
G
erMANIA : dix scènes, humains avec virtuosité, qui en
seize chanteurs,le double ténor hystérique, qui en basse
de personnages. En une profonde, tandis que s’agite
heure trente,sans continuité nar- le vaste monde des victimes,
rative, mais avec un sens réel du universel, dont John Fulljames
coup de poing,Alexander Raska- peint le grouillement infect sur
tov, en remodelant deux textes le tas d’ordures et de cadavres
ravageurs de Heiner Müller, inventé par Magda Willi, pour
revient sur les horreurs du une condensation de tout ce qui
nazisme et du communisme. fut le XXe siècle. Avec l’équipe
Convoqués, Hitler et Goebbels, vocale, qui est de celles où les
Staline et Trotsky, tout comme individualités se fondent en un
un serial killer des années 1990 à tout magistral, l’orchestre
Berlin,sont montrés rapidement, enlevé par un Alejo Pérez sub-
sans indulgence, pour dire: tous juguant, tout tend vers ce
égaux dans l’horreur de l’anéan- requiem final qui dit bien le
tissement des foules ou des indi- désastre de notre Histoire. Dif-
BERTRAND STOFLETH
vidualités. La partition, entre ficile à digérer certes, mais
citations heureuses et influence quelle réussite ! X P. F.
moderne
pleine de turpitudes matéria-
listes, donnent à la direction de
Roland Kluttig une allégresse qui
UN SURPRENANT DUO prend le pas sur son exactitude
EXPRESSIONNISTE un peu sèche dans la partie
Mahagonny/Pierrot.
D
étonante et décadente, Pour homogénéiser cette trame
la vision hallucinée du dadaïste, les deux voix féminines
cabaret berlinois que de Mahagonny amènent à
propose le metteur en scène dédoubler les sopranos du Pier-
David Pountney se déploie en rot lunaire et des Sept Péchés,
associant deux compositeurs que mariage admirable du timbre
tout oppose : Arnold Schoen- voluptueux de Lauren Michelle
KLARA BECK
Un tsar sans
couronne
UN BORIS QUI MANQUE DE MAJESTÉ, AVEC
UNE FOSSE ET UNE DIRECTION D’ACTEURS
TROP PEU ABOUTIES.
L
a mode est au Boris ori- absent de Paris depuis une quin-
Ennui bovaresque
LE CAPTIVANT TRIO dont aucune lubricité n’est
DE TÉNORS cachée. Ce sera la faiblesse d’une
production riche d’idées, mais
P
our sa nouvelle mise où trop d’intervenants, mal diri-
en scène, Max Emanuel gés, polluent le propos. Pour-
Cencic, qui chante aussi tant, cette lecture érotique sied
Malcolm, voit en l’héroïne de au brillant bel canto pratiqué par
ALAN HUMEROSE
D
aniele Gatti,
à la tête du
Concer tge-
bouw d’Ams-
terdam – dont
il est le nou- Daniele
veau directeur musical –, Gatti
confère à la Symphonie n°1
« Titan » de Mahler une
dimension quasi métaphy-
sique, alors que le pianiste
Daniil Trifonov ne fait qu’une
bouchée du Concerto n°3 de
Prokofiev (Philharmonie,
17/05). Lyrique et coloré dans
la Sérénade n°1 de Brahms
avec l’Orchestre de chambre
d’Europe, Antonio Pappano
accompagne de manière plus
académique la solaire Lisa
Batiashvili dans le Concerto
SDP
pour violon de Brahms (Cité
de la Musique,22/05).Susanna
Mälkki projette sur la Sympho- dans Don Quichotte de (Philharmonie, 5/06). Après Santtu-Matias Rouvali marche
nie n°9 de Mahler un regard Richard Strauss (avec la parti- « l’hénaurme » Toccata et sur les traces de ses aînés
analytique, et les musiciens de cipation rayonnante du vio- Fugue en ré mineur de Bach (Symphonie n°1 de Sibelius) et
l’Orchestre philharmonique loncelliste Gautier Capuçon), (transcrite pour orchestre par enflamme les musiciens du
d’Helsinki, d’une discipline Philippe Jordan aère avec élé- Leopold Stokowski), Emma- Philhar. Fantaisie pour piano
hors pair, répondent sans fré- gance Une vie de héros servi nuel Krivine, l’Orchestre et orchestre de Debussy trans-
mir à ses intentions de clarté par ses Wiener Symphoniker national, les Chœurs et la Maî- cendée par Leif Ove Andsnes
et de précision (Seine Musi- stylés et au charme pénétrant trise de Radio France se font (Radio France, 8/06). Pro-
cale, 27/05). (Philharmonie, 4/06). les messagers d’un Requiem de gramme de musique française
Aux côtés de Christian Thie- Fauré pur, sensible et racinien autour de l’Orient dirigé de
lemann, une Staatskapelle de UN MÊME LANGAGE au sein du vaisseau de la basi- main de maître par Fabien
Dresde des grands soirs dans Le Concerto n°3 pour piano de lique de Saint-Denis. Partici- Gabel : somptueux Orchestre
les ouvertures d’Obéron et Prokofiev bénéficie du dia- pation remarquée du baryton de Paris au service de Roussel
d’Euryanthe de Weber. La géné- logue complice entretenu par Stéphane Degout, parfait (extrait de Padmâvatî),
rosité des cordes sert d’écrin à Nicholas Angelich et Tugan de justesse (6/06). Debussy/Koechlin (Khamma)
la surpuissance de Denis Mat- Sokhiev avec un Orchestre Requiem de Verdi dans le texte et Schmitt (renversante suite
suev (Concerto n°2 pour piano national du Capitole qui se parRiccardoChaillyetl’Orches- AntoineetCléopâtre).Lasoprano
de Liszt), et le chef impres- montre ensuite très idioma- tre de la Scala ; chœurs mila- canadienne Measha Bruegger-
sionne sans convaincre dans tique dans La Mer de Debussy nais au zénith, mais solistes gosman investit avec naturel
une Symphonie n°4 de Brahms et, surtout, la Suite n°2 de moins convaincants (Phil- Shéhérazade de Ravel (Phil-
qui manque de tendresse Daphnis et Chloé de Ravel, harmonie, 7/06). Charisma- harmonie, 10/06). X
(TCE, 29/05). Très contrôlé enthousiasmante de vitalité. tique, le jeune chef finlandais Michel Le Naour
MUSICALES
JOCELYN AUBRUN
DAVID BISMUTH
EMMANUEL CEYSSON
MARIE CHILEMME
FRÉDÉRIC DEFOSSEZ
CLAIRE DÉSERT
ALAIN DUAULT
PIERRE GÉNISSON
CAMBRAI
JÉRÔME GUICHARD
MARIE-JOSÈPHE JUDE
VICTOR JULIEN-LAFERRIÈRE
DAVID KADOUCH
GENEVIÈVE LAURENCEAU
ROMAIN LELEU
GHISLAIN LEROY
JEAN-PIERRE WIART
QUATUOR 212 (SOLISTES
Direction artistique
JEAN-PIERRE WIART
Réservation : 03 27 74 55 20
DE
C. Graphique: D. Braillon - Photos © Pascal Gérard
LES CARNETS
D’EMMA
Merci Messieurs !
Q L’été est là avec toutes ses promesses.
Pour le mélomane, elles s’appellent Témoignages et entendre Simon Keenlyside: serait-il
encore, après tant de flamboyantes et
de gratitude
bien souvent « festivals », musique électrisantes prestations, à son meil-
sous les étoiles, enveloppée de par- leur niveau? Serait-il encore ce Don
fums enivrants, bercée par une tiède Giovanni élégant et inquiétant « traî-
brise… Mais avant de goûter ces délices
– dont j’imagine volontiers que notre
billet de rentrée sera tout vibrant –,
à trois nant tous les cœurs après soi »?
Vaillante doublure, Franco Pomponi
s’est lancé à corps perdu dans la mise
l’envie est grande de clore l’année
avec un triple témoignage de grati- chanteurs en scène hyperactive de David Bösch,
voix juvénile et solide, présence char-
de haut vol
tude adressé à trois chanteurs. nelle assumée. On croit à son person-
Q Le premier, Alain Buet, baryton nage plus méchant homme que grand
français apprécié notamment des seigneur, presque touchant quand
amateurs de répertoire baroque, s’est il tue le Commandeur sans vraiment
illustré au Théâtre des Champs-Élysées dans Pelléas et Méli- le vouloir, parfaitement odieux quand il trahit Elvire, encore
sande1. Il y remplaçait l’excellent Jean-François Lapointe et encore. Et, exigence absolue, il sait mourir avec un panache
dans le rôle de Golaud. J’avoue avoir été déçue à l’annonce, jusqu’au-boutiste, saisissant dans l’une des plus stupéfiantes
dans le programme, de cette « substitution », moi qui me scènes d’opéra jamais écrites.
réjouissais de découvrir le Golaud du Canadien qui,des années Q Le troisième homme, lui, vient de triompher à l’Opéra-
durant,avait incarné son jeune demi-frère avec tant de flamme Comique dans La Nonne sanglante de Gounod3. Omnipré-
et de charme. Pourtant, dès le premier tableau, impression sent, omnichantant, Michael Spyres est l’incontestable héros
qui ne fit que se renforcer au fil de la soirée, le public a senti de la soirée, livrant une performance explosive dans le rôle
combien, sombre et las, passionné et désespéré, le Golaud le plus difficile que, de son propre aveu, il ait jamais chanté.
d’Alain Buet allait se hisser très haut par sa noblesse musicale Aigus surmultipliés, scènes dramatiques ou élégiaques, com-
impressionnante et sa puissance psychologique contenue bat avec un orchestre déchaîné ou rêverie suave en évoquant
mais intense. Sans parler de la diction idéale de l’artiste, « sans l’amour perdu de sa belle Agnès… le tout dans un français
affectation d’ailleurs »… A posteriori, j’ai éprouvé quelque parfait flottant sur une ligne de chant jamais sacrifiée au
honte au souvenir de ma déconvenue première à la lecture profit de la griserie héroïque. Et quelle délicatesse dans les
de son nom sur le programme… ensembles, quelle écoute de ses partenaires ! Légitimement
Q Autre remplaçant et autre belle surprise à Genève, lors de la ovationné, le ténor américain aurait mérité qu’on baissât
deuxième représentation du Don Giovanni de Mozart à l’Opéra le rideau derrière lui pour le laisser, un instant, triompher
des Nations2. Simon Keenlyside, souffrant, déclarait en effet seul face au public médusé. Vœu un brin grandiloquent
forfait,remplacé au pied levé dans le rôle-titre par peut-être, mais à la mesure de son immense
Franco Pomponi dont je découvrais en même talent et de sa générosité. X
temps et l’existence et le parcours sur la feuille EMMANUELLE 1. Le 2 mai dernier, au côté de la Mélisande
volante distribuée aux spectateurs, chagrins de GIULIANI ensorcelante de Sabine Devieilhe.
manquer la prestation du baryton britannique. est chef 2. Le spectacle s’est donné du 1er au 17 juin
L’honnêteté me pousse à écrire qu’une pointe de du service Culture sous la direction incandescente de Stefan Soltesz.
soulagement se mêlait à la tristesse de ne pas voir du journal La Croix 3. Donnée du 2 au 14 juin.
LA
DISCOTHÈQUE
IDÉALE DU
PIANO
Classica a sélectionné dix interprètes
et vingt compositeurs de légende qui ont marqué
leur temps, le nôtre et l’histoire de la musique,
pour un clavier bien représenté.
Dossier réalisé parJacques Bonnaure
D
à la fois Planté et Rubinstein » [Anton,
ix pianistes ? Et pas Arthur, ndlr !]. Nous ne prétendons
pourquoi pas pas que tel pianiste ou quelque com-
vingt ou cent ? positeur présent dans notre sélection
Vingt composi- « enfonce » quiconque parmi les
teurs ? Et pour- absents. Mais tous ont quelque chose
quoi ceux-là et d’important à nous dire sur leur temps,
pas d’autres ? sur le nôtre, sur la musique. Un mythe
Pourquoi cette est une parole. X
œuvre-ci et pas celle-là ? Nous enten-
dons bien vos objections, chers lec-
teurs. Nous pourrions bien vous
répondre : « Parce que c’est ainsi et pas À RETROUVER
autrement. » Mais ce serait discourtois SUR LE
et nous aimons mieux justifier nos choix
en soulignant que, dans les limites qui
nous sont imparties, nous avons réuni CD
CLASSICA
10 GÉANTS
DU PIANO
De Rubinstein à Argerich en passant par Gould et Richter,
ces virtuoses ont donné des lettres de noblesse à l’instrument roi et ont
apporté leur touche personnelle à leurs pièces de prédilection.
ARTHUR
RUBINSTEIN
(1887-1982)
I
l était polonais, mais chambre, mais le lustre
également de forma- céda! Il fut adoubé par
tion allemande. Par laFrancedanslesAnnées
son éducation, s’il se folles,devenantlacoque-
rattache tout à fait au luche du public pari-
XIXe siècle, son incroya- sien : Francis Poulenc
blelongévitéenfaitnotre lui dédia ses Promena-
quasi-contemporain, des, Igor Stravinsky des
vieillard glorieux plein fragmentsdePetrouchka;
de vitalité et d’humour. il défendit d’ailleurs la
Pour beaucoup, Rubin- musique de son temps,
stein fut d’abord un de Manuel de Falla à
spécialiste de Chopin, Karol Szymanowski.
D
e stricte forma- Bach
tion prussienne Variations Goldberg.
et luthérienne, il Le Clavier bien tempéré
incarna longtemps dans (extraits). Suite anglaise n°3.
le monde entier le meil- Transcriptions
(2 CD, DG)
leur de la tradition alle-
CLAUDIO ARRAU
les concertos de Tchaï- Schumann,Liszt,Brahms,
kovski et de Grieg où Debussy – qu’il marque
(1903-1991) il fait preuve d’un tact d’une empreinte puis-
parfait. sante: avec une sonorité
L
e jeune Chilien fut répertoire assez large, Au cours des trente der- sculpturale, des tempos
éduqué à Berlin avec notamment une nières années de sa car- retenus, un art sublime
Chopin
Nocturnes et
auprès d’un des intégrale des Variations rière, chez Philips, il ne de la respiration et de la
Impromptus derniers disciples de Goldberg de Bach, alors joue plus que quelques gradation des volumes,
(Philips) Liszt. Après la Grande peu connues. Le jeune compositeursdepremier il impose un son et un
Guerre, il participa à Arrau programme alors plan – Bach, Mozart, ton singulier, à la fois
l’effervescence culturelle l’exubérant Islamey de Beethoven, Schubert, sensible et intellectuel. X
de la capitale allemande, Balakirev, grave les Rha-
auréolé du Prix Liszt qui psodieshongroisesdeLiszt
n’avait pas été décerné auxquelles il ne revien-
depuis quarante-cinq dra plus par la suite.
Debussy
ans. Il s’installa aux Dans les fifties, Walter
Arrau joue Debussy États-Unis peu avant la Legge, le directeur artis-
(3 CD, Philips) Seconde Guerre et mena tique de EMI, lui pro-
longtemps une très pose une somme des
HERITAGE-IMAGES / KEYSTONE ARCHIVES / AKG-IMAGES
A
ses débuts, il fas- ment enregistrer à son
cine le monde rythme. Dès lors, un
par son style élec- public fervent attendra
SVIATOSLAV RICHTER
(1915-1997)
apparemment jamais en Occident, il est déjà si le piano n’était pas
LEBRECHT / RUE DES ARCHIVES
L
e répertoire de par les pianistes de pre- complets (Préludes ou ont couru sur sa fantaisie mystère qui entourait la
Richter s’étendait mier plan, comme le Valses de Chopin, par qui faisait de lui un pia- carrière atypique d’un
de Bach à Britten, Ludus Tonalis de Hinde- exemple), préférant nistesingulier:ilaimaitse musicien absolu, totale-
mais il abordait quanti- mith ou certaines pages picorer çà et là selon son produire dans de petites ment voué à la musi-
tés d’œuvres rarement rares de Schubert. En inspiration. Lorsqu’il villes, devant de petits que conçue comme un
ou jamais interprétées revanche, il ne joua commence à se produire auditoires, qu’importe sacerdoce mystique. X
S
i le pianiste cana- au service d’une lecture
dien fut et reste innovante de Bach,mais Bach
controversé, il également de l’école de Variations Goldberg
marqua incontestable- Vienne et de composi- (version de 1981)
ment le dernier demi- teurs moins centraux, (Sony)
siècle. Peu d’interprètes de Byrd à Hindemith
ont suscité autant de en passant par Bizet.
gloses, d’essais philoso- Gould n’hésitait pas à
phiques, et les passion- massacrer les musiques
nants documentaires de qui lui déplaisaient
Bruno Monsaingeon (sonates de Mozart) ou,
ont beaucoup fait, mieux, il les ignorait : Beethoven
notamment en France, Chopin, Schumann et Les trois dernières sonates
pour nourrir le mythe Liszt lui étaient étran- (Sony)
Gould, « dernier puri- gers, voire ennemis. X
tain » d’une telle inté-
grité artistique qu’il
refusa assez tôt de don-
INGI PARIS / AKG-IMAGES
GEORGES CZIFFRA
che intellectuelle, chi-
rurgicaleetd’uneextrême
(1921-1994) clarté polyphonique
SDP
qu’il mit notamment
V
enu de Hongrie l’habitude en France.
où il avait connu On comprit vite que
MARTHA ARGERICH
une existence dif- ces dons exceptionnels
ficile, György s’installa portaient une grande
dans notre pays où il exigence expressive. (Née en 1941)
deviendra Georges, Mieux, l’athlète qui
L
heurtant d’abord bien mettait le feu à Liszt ’interprétation, a ce que j’aime aussi chez
des âmes sensibles par pouvait aussi ciseler de affirmé la pianiste les autres. Quand ils sont
Bach
le torrent de virtuosité merveilleux bijoux clas- « argentine,doit libé- maîtres de leurs moyens,
Toccata BWV 911. Partita
sous lequel il les englou- siques de Rameau ou rer ce qui est inconscient cela ne m’intéresse pas. »
n°2. Suite anglaise n°2
tissait : on n’avait pas de Couperin. X en nous. Ce qui est bien, Voilà pourquoi celle (DG)
c’est quand je peux que l’on qualifia sou-
me laisser aller à des vent de « lionne du
Liszt choses que personne ne piano » n’est jamais
Rhapsodies hongroises connaissait en moi – les aussi stupéfiante que
(EMI) impromptus, les sur- sur scène, seule ou avec
prises du concert, c’est des amis sûrs. X
Liszt: Sonate
Liszt en si mineur.
Études d’exécution Schumann: Sonate n°2.
transcendante Brahms: Rhapsodies
(EMI) op. 79 (DG)
KLAUS RUDOLPH / EMI CLASSICS
Chopin
11 Polonaises.
Fantaisie. Barcarolle
(EMI)
Schumann
Kreisleriana. Scènes
d’enfants (DG)
D
e manière signifi- il va droit au cœur de Scènes d’enfants.
cative, elle a enre- l’intimité schuma- Scènes de la forêt.
gistré les Scènes nienne, sans effets, ni Bunte Blätter
d’enfants et de la forêt et traits pittoresques. (Erato)
les Bunte Blätter, tout Onpeutyvoirl’influence
comme l’avait fait avant du pianiste suisse Karl
elle Clara Haskil (1895- Engel, qui avait lui-
1960).Etentrel’ancienne même enregistré une
et la jeune, les rappro- intégrale Schumann et
chements ne manquent avait été un maître
pas. En particulier, la unique pour la jeune Mozart
concentration autour Portugaise. Mais c’est Sonates K. 331 et K. 457.
de quelques composi- chez Mozart, surtout Fantaisies K. 475 et K. 397
teurs, Bach, Mozart, dans les concertos (aux (DG)
Beethoven, Schubert, côtés d’Armin Jordan
Schumann, auxquels et de Claudio Abbado),
JULIEN MIGNOT / DG
L
e pianiste italien est conception élitiste de la
crédité d’une image musique. Plus tard, il se
rigoureuse et aus- concentrera pourtant
tère pour s’être retiré sur le noyau dur du
quelques années de la répertoire classique, de
scène musicale après Bach à Debussy.Il sidère
son succès au Concours souvent le public et la
Chopin de Varsovie, critique par l’intensité
pour avoir programmé expressive de son jeu,
Boulez et Stockhausen, pourtant dépourvu de
pour avoir refusé une tout effet.X
Beethoven
Les cinq dernières sonates
(DG)
Schubert
Les trois dernières sonates
(DG)
MARCO CASELLI NIRMAL / DG
Chopin
Préludes. Nocturnes.
Mazurkas. Scherzo n°2
(DG)
C l’esprit de la suite
française, les
Partitas proposent
parcours harmonique,
les jeux polyphoniques,
la structure générale
états d’âme possibles
comme dans les Varia-
tions Goldberg ou les
L mineur K. 475
(1785), la plus lon-
gue du genre chez
comme une version sont du domaine de Suites françaises et Mozart, est souvent
abstraite des danses qui l’invention. Bach nous anglaises. Et à chaque couplée, au disque et au
la composent. À partir y offre un véritable fois qu’il le visite (il a concert, avec la Sonate
également enregistré K. 457 de même tona-
les œuvres précitées), lité,et de peu antérieure.
Murray Perahia privi- Cependant, il s’agit de
légie une approche deux œuvres distinctes
sereine, détendue, et qui, outre la tonalité,
BARBARA KRAFFT
Fantaisieen ut mineur
Friedrich Gulda
Partitas (DG)
Murray Perahia
(Sony)
L mineur,dite«Appas-
sionata » (1804),est
une partition extrême
tin », comme dans la
Symphonie n°5, en lente
maturation à la même
Sonate en
si bémol majeur
D. 960
Alfred Brendel
AKG-IMAGES
(le titre, toutefois, n’est époque. (Philips)
pas de Beethoven). Les bonnes versions de
Extrêmement difficile cette sonate ne sont pas
d’abord,cela va de soi,et légion. Certes, un grand
M samusiquepour
piano n’a jamais
connu auprès des musi-
facilités de la musique de
salon,mais à quel niveau
de qualité mélodique et
Daniel Barenboim qui a
su trouver le ton juste
pour ces Lieder ohne
cologues la renommée de variété de tons! Worte. Belle sonorité,
J.K STIELE
Certes pour honorer portent aussi des aspects des d’après Paganini. X
un immense interprète intimistes et même
trop peu médiatisé, presque impression-
toujours très à l’aise nistes (Chasse-Neige).
chez Chopin qu’il a Surtout, l’interprète,
abondamment prati- quand il joue le cycle
qué, mais surtout parce complet,doit se montrer
qu’il réunit beaucoup capable de tenir la lon-
de qualités éparses chez gueur en intéressant
ans le monde bruyante et conqué- les autres interprètes : l’auditeur à la manière
D musical de son
temps, Chopin
fut une sorte d’ovni.
rante. Au XIXe siècle, il
est le seul compositeur
de premier plan à avoir
la beauté du son, bien
onctueux, assez charnu,
la discrétion dans l’ex-
d’un conteur, et ne pas
perdre de vue la forte
structure d’ensemble.
Un ovni policé, très à consacré quasiment pression des affects, le Le jeune Daniil Trifonov
l’aise dans les salons les toute sa production à sens des parcours har- a réalisé une version
plus huppés, et absolu- un seul instrument. moniques, des jeux de remarquée des Études et,
ment pas porte-parole Mais, surtout, il est fon- résonances, la variété
d’une modernité cièrement différent. d’approches selon les
Que l’on écoute ce qui morceaux, un parfait
se compose pour le é q u i l i b re e n t re l a
piano dans ces années-là rigueur et la liberté. Sur
et l’on comprendra le même CD figure la
qu’il est radicalement Ballade n°4 en fa
ailleurs. Rien ne res- mineur, autre exemple Études d’exécution
RMN - BULLOZ
L Freire n’est ni un
intellectuel de la
musique, ni une star
en Amérique du Nord.
Avec lui, toute musique
est un impromptu
pointilleuse. C’est bien
ce qui ressort de son
superbe enregistrement
médiatique et, comme mais un impromptu du Carnaval où la briè-
d’autres pianistes nés en rigoureux, car la variété veté de chacun des vingt
Amérique du Sud, il a des effets, en particulier morceaux correspond Carnaval
connu par cet écart géo- le travail du son, n’est bien à son sens de l’ins- Nelson Freire
(Decca)
graphique une carrière jamais laissée au hasard. tant musical (figurent
AKG-IMAGES
D
ans les Variations che intellectuelle, qui direction George Szell). X
Haendel (1861), sait si bien disséquer les
Brahms com- arcanes des partitions,
pose une ample cathé- n’empêche nullement
drale pleine d’imagi- des instants de grâce
MODESTE LEOŠ
MOUSSORGSKI (1839-1881) JANÁCEK
(1854-1928)
L
’œuvre pour piano le Capriccio pour piano
de Janácek com- et vents et le Concertino
prend essentielle- pour piano et petit
ment trois opus, la ensemble (Orchestre
Sonate 1.X.1905, qui de la Radio bavaroise,
Tableaux relate un fait divers tra- direction Rafael Kube-
d’une exposition gique, et les deux cycles lik), une lecture sobre,
Byron Janis Dans les brumes et Sur sans effusion fausse-
(Mercury)
le sentier herbeux, qui ment romantique, avec
sont comme le journal des sonorités allégées et
intime du compositeur, des plans bien dégagés,
brèves figurant un particulièrement après qui rendent justice à
tableau d’un ami pein- la mort de sa fille. un compositeur encore
tre, reliées par un motif Rudolf Firkušny (1912- trop mal connu. X
intitulé Promenade. Si 1994) avait eu la chance
Horowitz s’en était fait le de travailler un peu
spécialiste, Byron Janis, avec Janácek au cours
immense pianiste dont de son adolescence : il
la carrière fut interrom- donne de ces œuvres,
TRETYAKOV GALLER
S
eule œuvre pia- l’imagination visuelle tante, bondissante, élec-
nistique d’enver- qu’ils requièrent, leur trique, fantaisiste en
gure du composi- sens pittoresque, leur diable.À noter qu’elle est
teur de Boris Godounov, virtuosité et leur puis- couplée avec la version L’œuvre
les Tableaux d’une expo- sance symphonique. des Tableaux orchestrés pour piano
sition ont tenté les plus Moussorgski a réalisé par Ravel et dirigés par Rudolf Firkušny
SDP
grands interprètes par une suite de pièces Antal Dorati. X (2 CD, DG)
D l’œuvre d’Albé-
niz, on pense
aussitôt à Alicia de Lar-
bondissent le mieux.
Plus tard, dans celles de
Decca et, surtout, de
rocha (1923-2009). RCA, elle recherchera,
Même si la grande pia- au prix de la perte d’un
niste espagnole n’a pas certain brio extérieur,un
limité son répertoire à sonpluscharnu,des har-
la musique ibérique monies plus sensuelles,
(elle fut aussi une grande dépouillant Albéniz
mozartienne),c’est tou- d’une partie, certes
jours à ses fameuses séduisante, de son his- Préludes
interprétations d’Albé- panisme, pour attein- Arturo Benedetti
niz que l’on revient et, dre une beauté plus… Michelangeli
notamment, à ses diver- délocalisée. X (DG)
ERIK
au contenu souvent possèdent une conci-
décapant, Croquis et sion scarlattienne et une
SATIE agaceries d’un gros
bonhomme en bois,
netteté de composition
qui les placent très haut,
(1866-1925) Embryons desséchés, mais en position décalée
Véritables préludes par rapport à tous ses
près avoir donné flasques (Pour un chien), contemporains. Il y faut
A dans le registre
mystico-antico-
ésotérique, Satie se mit
Trois Valses distinguées
du précieux dégoûté,
Trois Morceaux en forme
un interprète méticu-
leux et modeste : Aldo
Ciccolini (1925-2015)
Pièces pour piano
Aldo Ciccolini
à composer de nom- de poire, etc., qui consti- est l’un des rares à en
BRIDGEMAN
(Erato)
breuses pièces brèves tuent le meilleur de sa avoir compris le mode
aux titres burlesques et production. Celles-ci d’emploi. X
E rain de Rachmani-
nov, Scriabine est
moins « grand public ».
André Hamelin, incon-
testablement l’un des
plus grands virtuoses de
bréviaire du piano post-
romantique russe.Assez
loin du style parfois
Son monde musical et notre temps, et des plus un peu déclamatoire de
philosophique est plus originaux aussi,maîtrise ses célèbres concertos,
complexe et tourmenté. pleinement cet univers. Rachmaninov y déploie
LIBRARY OF CONGRESS
Parti d’un romantisme Il en restitue l’intensité unelargepaletted’affects
assez classique, il est expressive, le carac- et d’atmosphères.
parvenu à un univers tère visionnaire, l’art Si l’on devait définir en
extrêmement original de la sonorité, fondé unmotlacaractéristique
du point de vue formel sur une utilisation très essentielle du style de
et harmonique,ouvrant imaginative des pédales Nikolaï Lugansky, qui
sur une conception et un grand sens de la s’est d’emblée imposé n’est pas ici synonyme
radicalement différente gradation des intensi- comme un grand spé- de brutalité. L’impres-
du langage musical et de tés, pouvant atteindre cialiste du compositeur, sion « volcanique » pro-
la technique pianistique. le cataclysme sonore. X on noterait avant tout vient seulement du jeu
sa simplicité. Bref, tout des volumes,du rapport
ce qui pourrait être sur- des intensités car il ne Préludes
joué pour créer une suffit pas d’appuyer fort Nikolaï Lugansky
impression de roman- sur les touches et de (HM)
tisme tourmenté se cogner pour que « ça
trouve retenu. L’énergie sonne ». X
P quantité, l’œuvre
pour piano de
Ravel ne comprend qua-
française raffinée, élé-
gante et pleine d’esprit,
Ravel a composé là une
leux enregistrement de
Scarbo, la dernière pièce
du cycle qu’il enregis-
siment que des pages partition noire, grin- trera plus tard en entier.
de premier plan. Gas- çante, inquiétante, De son propre aveu,
pard de la nuit est un d’une immense diffi- il vivait douloureuse-
triptyque inspiré par les culté technique. ment l’interprétation de
poèmes d’Aloysius Samson François (1924- cette œuvre tendue et
Bertrand, un roman- 1970) s’était fait un nom violente. X
AKG-IMAGES
Gaspard de la nuit
Samson François
(Erato)
OLIVIER MESSIAEN
(1908-1992)
i e r re - L a u re n t conceptions occiden-
P Aimard rappro-
chetroismoments
de la production pianis-
tales, fondé notamment
sur les rythmes hin-
dous. Grand défenseur
Huit Préludes.
La Bouscarle.
L’Alouette Lulu.
tique d’Olivier Messiaen du répertoire d’aujour-
Îles de feu I et II
pour en montrer la d’hui, Aimard, à qui
Pierre-Laurent Aimard
cohérence et l’unité de le piano contemporain (DG)
pensée. Les Préludes de doit beaucoup, maîtrise
jeunesse, deux extraits le langage complexe de
LIBRARY OF CONGRESS
HENRI DUTILLEUX
(1916-2013)
’est l’outsider de puissante et engagée de style encore classique
CES AUTRES
PIANISTES
De Jean-Paul Sartre à Emmanuel Macron, d’Albert Einstein à Clint Eastwood,
qu’ils soient philosophe, homme politique, physicien ou cinéaste, le piano
est leur autre passion, qu’ils pratiquent en amateurs. Portraits.
JEAN-PAUL SARTRE
qui le dit. » Comme tout
enfant de la bonne bour-
(1905-1980) geoisie, Sartre prend des
leçons de piano, mais
O
n connaît Jean- Schumann ou Franck. abandonne assez vite
Paul Sar tre La musique décuple son pour se former en auto-
comme écrivain, imagination et nourrit didacte.Tantquesasanté
philosophe et drama- ses jeux.Au gré des mor- le lui permettra,il jouera
turge. On sait moins ceaux interprétés,le petit quotidiennement.
qu’il était aussi musicien. Sartre est tour à tour Même lorsqu’il travaille
Dans son essai auto- cow-boy, guerrier ou aux côtés de Simone de
biographique Les Mots, prince: « Je protège une Beauvoir,il consacre sys-
il revient pourtant sur sa jeune comtesse contre tématiquement deux
SDP
jeunessemélomanedans le propre frère du Roi, heures à la musique pen-
une famille de musi- quelle boucherie ! Mais dant que sa compagne lit
ciens. Il raconte com-
ment, enfant, il guette
mamèreatournélapage;
l’allegro fait place à un
un livre.Sartre privilégie
les classiques, il aime CLINT EASTWOOD
avec impatience les tendre adagio; j’achève le Bach, Beethoven, Schu- (Né en 1930)
moments où sa mère carnage en vitesse, je sou- mann, et refuse de se
C
s’installe au piano fami- ris à ma protégée. Elle mettre au jazz.Le phrasé lint Eastwood plusieurs bandes origi-
lial pour jouer Chopin, m’aime; c’est la musique jazz est trop éloigné à ses découvre le piano nales,dontcelles de Mys-
yeux du phrasé classique trèsjeuneenécou- tic River et Grace is Gone,
pour qu’il se sente capa- tant Fats Waller sur les qui seront largement
ble de le jouer correcte- disques de sa mère. Il se récompensées.
ment. L’âge venant, prend de passion pour Clint Eastwood s’est
Sartre perd la maîtrise le jazz et joue du piano aussi toujours engagé
de ses mains et sa vue en autodidacte. Devenu pour la diffusion du jazz
décline.Il remplace alors acteur, il continue la contemporain à travers
la pratique de son ins- musique et utilise même le monde.Il est membre
trument par une écoute ses talents de pianiste actif du Festival de jazz
intensive de la musique. de jazz chevronné dans de Monterey en Califor-
Chaque soir, il se plonge certains de ses longs nie et a consacré un
dans sa riche collection métrages, comme le documentaire au grand
de disques et, la journée, mythique Bird. Thelonious Monk.
EMI MUSIC / CLR ARCHIVES
R
écompensée du le fragment d’opéra.
prix Nobel de lit- Tapant sur son ordina-
térature en 2004, teur comme sur un cla-
L. HONNORAT
P
our Thibault l’argent de son Grand et la composition. En
Damour, spécia- Prix de l’Académie des 1983, elle publie son
listedestrousnoirs Sciences pour ses tra- célèbre roman, La Pia-
et médaille d’or du vaux sur les ondes gra- niste, qui fait scandale et
CNRS, physique quan- vitationnelles, il s’offre sera ensuite adapté au
tique et piano font visi- un magnifique Steinway cinéma par son compa-
blement bon ménage. de concert. triote Michael Haneke.
Adolescent, le physicien Aujourd’hui encore, il Jelinek y décrit la rela-
en herbe dévore les écrits lui arrive de donner des tion masochiste qui unit
d’Albert Einstein, tout petits concerts à l’Insti- une professeure de
en étudiant le piano tut des Hautes Études piano destructrice à un
avec Pierre Giriat, lui- Scientifiques où il ensei- jeune étudiant soumis.
même élève de D’Indy gne. Comme le père de Dans ce roman très noir,
SUDDEUTSCHE ZEITUNG / RUE DES ARCHIVES
P
rem i è re A f ro - bien résolue à devenir Auprogramme:Brahms,
américaine et pianiste professionnelle. Chostakovitch ou Schu-
deuxième femme Vivement intéressée par bert.Ses talents de musi-
à occuper le poste de les relations interna- cienne sont tels qu’elle
secrétaire d’État aux tionales, Condoleezza est parfois invitée à
États-Unis,Condoleezza Rice se décide finale- jouer lors d’événements
Rice est également une ment pour une carrière diplomatiques. Elle a
pianiste accomplie. Née diplomatique. Secré- par exemple eu l’occa-
dans une famille de taire d’État dans l’admi- sion d’accompagner le
mélomanes et douée nistration de George violoncelliste Yo-Yo Ma
d’un réel talent musical, W. Bush, elle parvient ou la chanteuse Aretha
la future politicienne toujours à se ménager Franklin et même de
enchaîne pendant un peu de temps pour donner un récital devant
plusieurs années les jouer avec son ensemble la reine d’Angleterre,
DO
ALBERT EINSTEIN
(1879-1955)
A
lbert Einstein ne avec tous les scienti- Einstein faisait de fré-
concevait pas sa fiques mélomanes qu’il quents allers-retours à
vie sans musique. rencontrait. Mais il pra- son piano pour y pla-
Il a souvent déclaré qu’il tiquait également le quer quelques accords
aurait été musicien s’il piano, qui faisait partie ou improviser un thème,
n’était pas devenu phy- intégrante de sa réfle- avant de retourner,satis-
sicien. Mozart a été le xion scientifique. Pour fait, à ses équations. En
déclencheurdecettepas- lui, l’intuition musicale 1929, il décrivait cette
sion qui l’accompagnera allait de pair avec l’intui- philosophie en ces ter-
LIBRARY OF CONGRESS
toute sa vie.Le père de la tion mathématique, et mes : « Je pense souvent
théorie de la relativité ne jouer l’aidait bien sou- en termesdemusique.Jevis
se séparait jamais de son ventàsurmonterdesobs- mes rêveries dans la musi-
violon et ne ratait pas tacles théoriques. Ainsi, que. Je vois ma vie en
une occasion de jouer lorsqu’il travaillait, termes de musique. » X
L
a Maison Blanche Blanche.Il aimait à don-
a connu de nom- ner des petits récitals
breux présidents devant les hauts digni-
mélomanes. On sait par taires de passage, les
exemple que Bill Clin- divertissant avec des
ton était saxophoniste chansons traditionnelles
et Barack Obama un ou patriotiques comme
fameux chanteur. Mais « Missouri Waltz » et
c’est le 37e président des « God Bless America ».
États-Unis qui aura sans En 1961, en pleine cam-
doute été le plus enthou- pagne présidentielle,
siaste d’entre eux.Outre le candidat Nixon ira
ses talents d’accordéo- même jusqu’à se rendre
LIBRARY OF CONGRESS
EMMANUEL MACRON
(Né en 1977)
S
urnommé le reçu le Troisième Prix, Rossini. Cet intérêt ne
« Mozart de l’Ély- Emmanuel Macron se se limite cependant pas
sée », Emmanuel rend au concert dès qu’il à la seule musique clas-
Macron est sans doute en a l’occasion et n’hésite sique. L’homme poli-
l’un des présidents pas à faire partager sa tique serait également
SOAZIG DE LA MOISSONNIERE
Q
uelle place la musique, et plus
particulièrement le piano, a dans
votre vie ?
La plus belle. Pendant longtemps je
n’ai pas souhaité faire de choix entre
le piano et mes études d’économie
politique. Pour les pianistes j’ai toujours été un
économiste et pour les économistes un pianiste.
Mais il a tout de même fallu que je me décide. Je
pense que je ne suis pas devenu professionnel
de la musique par raison. La vie d’artiste est très
complexe. Lorsque vous ne faites pas partie des
meilleurs, votre carrière est aléatoire, il est diicile
de décrocher un label, des cachets, une situation
LEDROIT - PERRIN
stable… Une vie est la somme de plusieurs vies qui
ne s’opposent pas mais se complètent.Aussi suis-
je devenu universitaire puis président de l’Afer, une
association d’épargne et de retraite, tout en res-
tant attaché à la musique: en 1989, j’ai ainsi créé
le Concours international des grands amateurs Il permet à chacun de se donner la motivation de
de piano. Je suis également vice-président de la pratiquer et de se perfectionner.
Fondation Cziffra à Senlis, une passion. Quels sont les moments et les personnes
Qu’est-ce qui vous a poussé à créer qui vous ont le plus marqué en bientôt
ce concours international et comment trente ans de concours ?
fonctionne-t-il ? Je me souviens de la performance d’un candidat:
Sans doute l’envie de partager avec d’autres Alexandre Bodak, un cardiologue, qui a remporté
amateurs. Communiquer avec des hommes, des le concours de 1992. Il jouait La Mort d’Isolde,
femmes d’horizons professionnels divers : des une transcription de Liszt, magnifique! C’était un
juristes, des employés, médecins, étudiants, bref, ACTUALITÉS grand moment. Il est, par la suite, devenu un ami
des personnes qui ne vivent pas par la musique et grâce au concours,il a continué à jouer dans des
Z Prochain Concours
mais pour la musique, fédérées par l’amour du hôpitaux, des prisons… Je pense aussi à certains
des grands amateurs
piano. Nela Rubinstein [la veuve d’Arthur Rubins- de piano participants qui auraient pu gagner mais n’y sont
tein, ndlr] a aimé l’idée et a soutenu le concours Du 20 au 23 mars 2019. pas arrivés. Je me souviens d’une avocate, Géral-
depuis 1989 jusqu’à la fin de sa vie.J’ai voulu créer Inscriptions ouvertes : dine Pellerin.Elle jouait Papillons de Schumann,elle
une sorte d’anti-concours : il n’y a pas de règle- www.pianoamateurs.com a véritablement frôlé la finale sans y accéder.À vrai
ment, le programme est libre, les candidats sont dire, je pense aux 2000 candidats des 75 pays du
de tous niveaux. Passer le concours est une véri- monde entier que le Concours des grands ama-
table épreuve, vis-à-vis de soi-même, qui permet teurs a accueillis depuis sa création.Les plus belles
à chaque candidat de s’améliorer, de se dépasser. rencontres sont celles qui arriveront demain. Les
Le concours permet de donner une échéance aux beaux moments sont encore à venir… X
participants qui doivent être prêts à un instant T. Propos recueillis par Bertille Lefort
L’invité DANIEL
PRÉVOST
du mois
J
e suis né fou furieux. j’étais démoli,mon institutrice, j’avais vu Jeux interdits avec
Avec le temps, on Mme B., m’a éveillé avec dou- Georges Poujouly et Brigitte
devient plus sen- ceur à la poésie. Ça ne m’a Fossey. La célèbre musique est
sible, mais il ne faut jamais quitté. Au fil des événe- une romance populaire adap-
pas être pleurni- ments de la vie, des vers me tée par Narciso Yepes. C’est un
chard. Alors, la rigo- reviennent:« Que sont mes amis moment de grâce et de pureté
lade est un substitut. J’essaie devenus / Que j’avais de si près dans l’horreur de la guerre.
de m’accrocher désespérément tenus ? » (Rutebeuf.) Eh oui,
à la vie et de produire quelque il n’est pas un jour où je ne ACCORD MAJEUR
chose. Un jour, un copain pense à Jean Yanne, Michel Un camarade,Jacques,qui était
du métier m’a dit : « Prévost, Serrault, Desproges… Mais chef de chorale chez les scouts,
tu racontes que des conneries. » je ne veux pas être envahi par m’a appris des rudiments de
J’ai répondu: « Je peux raconter le chagrin, alors avançons ! guitare. Quelques accords. La
des choses si tristes à te ficher Quand mon épouse est morte, mineur, mi mineur et, mon
le bourdon, alors choisis. » Je ne j’ai récité : « Arrête toutes les préféré, do majeur… J’ai tra-
revendique rien,j’essaie d’avan- horloges, coupe le téléphone, fais vaillé une gavotte de Bach, une
cer sur mon petit chemin. Inu- taire les pianos. » (Auden.) bourrée de Robert de Visée
tile de se révolter, je crois qu’on La mort de García Lorca m’a (le professeur de guitare de
n’a pas le choix. André Breton bouleversé.Comment peut-on Louis XIV)… Ça m’a donné
Retrouvez a dit: « Dieu est mort, épuisé par tuer un poète ? Et quand j’ai un grand bol d’air. Dès qu’un
OLIVIER sa Création. » C’est comme ça entendu Paco Ibáñez chanter guitariste se produisait à Paris,
BELLAMY et on est programmé pour « Andaluces de Jaén » sur un j’y allais. J’ai pu entendre
et son invité dans
« Passion Classique » environ quatre-vingt-cinq ans, poème libertaire de Miguel Alexandre Lagoya, Ida Presti,
tous les jours, alors faut pas se gourer [rire]. Hernández, j’ai pleuré. J’étais ensemble et séparément, et
de 18 h à 19 h La poésie et la musique nous mûr pour le sanglot de la gui- Narciso Yepes. Après le concert
aident à avancer. Alors que tare. Avec ma grand-mère, d’Andrés Segovia, j’ai fait la
Nathalie Stutzmann
SON PACTE
AVEC LA MUSIQUE
Connue comme l’une des rares contraltos, DVD va sortir. Pour Mefistofele, il m’a dit que ça
n’avait jamais été donné à Orange et qu’aucune
cette artiste au geste naturel de chef femme n’avait dirigé dans l’arène. Le défi était
a une connivence profonde avec tentant, mais je n’ai pas tout de suite dit oui. J’ai lu
la partition. Cela m’a semblé fou et comme je suis
les ensembles qu’elle dirige. Fervente un peu folle, j’ai dit oui.
Comment se présente l’ouvrage ?
et énergique, elle enflammera cet été les C’est une suite de scènes comme La Damnation de
Chorégies d’Orange dans un programme Faust. Boito n’aimait pas du tout le Faust de Gounod
qu’il jugeait indigne du chef-d’œuvre de Goethe. Il
diabolique: Mefistofele d’Arrigo Boito. a réuni les deux Faust du poète, ce qui est très ambi-
tieux pour un jeune homme qui avait vingt-six ans
à la création, il a écrit le livret lui-même, comme
V
Wagner qu’il admirait, et produit un monstre en
quatre actes, aussi long que Parsifal avec prologue
ous êtes le fruit d’un et épilogue. Dans la foulée, il a aussi écrit un livre de
mariage entre une cent pages expliquant comment il fallait le mettre
soprano et un baryton. en scène. Il a même dirigé la première à la Scala de
Ce qui est rare à l’Opéra Milan, alors qu’il n’était pas chef d’orchestre. S’il
est heureux dans la vie. avait pu chanter tous les rôles, il l’aurait probable-
Oui [rires] et j’ai travaillé ment fait. La création en 1875 a été un four reten-
avec eux de manière tout à tissant. Sans se décourager, il a écouté les critiques
BIOGRAPHIE fait naturelle. Ma voix étant et remanié l’ouvrage. Six mois plus tard, le succès
EXPRESS peu ordinaire, beaucoup de gens ont voulu me
conseiller, mais j’ai dû réduire le cercle à mes
était au rendez-vous à Bologne, un repaire de
wagnériens, et en 1881, Mefistofele recueillait enfin
1965
Naissance à Suresnes parents, Michel Sénéchal et Hans Hotter. C’est les vivats des Milanais. Il faut dire qu’entre-temps,
1982 important de s’adresser aux bonnes personnes. Faust était passé de baryton à ténor… chanté par
Premier Prix de piano et
de musique de chambre
Surtout pour le chant et la direction d’orchestre Caruso, que le Diable n’était rien moins que Cha-
1993 qui, par leur nature impalpable, attirent tous les liapine, le tout placé sous la baguette de Toscanini.
Enregistre des Mélodies charlatans du monde. Quel est votre sentiment personnel
de Fauré avec Catherine C’est peut-être Hans Hotter qui a nourri votre sur Mefistofele ?
Collard (RCA) passion de chef d’orchestre pour Wagner. Boito n’est pas un mélodiste du même acabit que
1994
Il y a contribué. Dès que j’ouvre une partition de Verdi, même si de belles pages se détachent. En
Crée Ombra Felice au
Festival de Salzbourg Wagner, je suis à la maison ; c’est inexplicable. revanche, il fait montre d’un incroyable talent har-
1999 Et Mefistofele de Boito. Vous connaissiez monique et rythmique. Je ne compte plus les chan-
Enregistre Elephant Man l’œuvre avant de l’interpréter ? gements de tempos, l’alternance du ternaire et du
de Laurent Petitgirard Je connaissais des airs, comme tout le monde. Et binaire,l’écriture chromatique,l’usage de la septième
(Le Chant du monde) j’avais vu la production dirigée par Riccardo Muti diminuée… Il expérimente tout le temps. C’est un
2009
Fonde Orfeo 55, à la Scala de Milan. vrai novateur des timbres instrumentaux et de la
son orchestre de chambre Pourquoi avoir accepté ce défi aux Chorégies couleur avec un orchestre en coulisses, un grand
2014 d’Orange ? orgue,deux harpes,un double chœur,un harmonica
Enregistre Heroes C’est Jean-Louis Grinda qui me l’a proposé. Je de verre… Bref, on ne s’ennuie jamais. Il se passe
from the shadows viens de diriger la version parisienne de Tannhaü- toujours quelque chose pendant quatre heures.
avec Orfeo 55 (Erato)
2017 ser, chez lui, à l’Opéra de Monaco. C’était un travail Ça ne vous fait pas peur ?
Dirige Tannhaüser à passionnant. En langue française, on entend déjà J’adore les gros bazars, ça me stimule [rires].
l’Opéra de Monte-Carlo Pelléas. La production a eu un tel succès qu’un Depuis que j’ai survécu à la Neuvième de OOO
INDE109
COBRA.FR
INDE108
CLAIR DE LUNE
DEBUSSY
FAURÉ
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ƚƧƝƫnj ƜƚƳƚƥƞƭ
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CAL1857
Alfred Schnittke
LE FAUTEUR
DE TROUBLES
avec Andreï Khrjanovski, Andreï Smirnov, Elem
Son goût pour l’ironie ou la spiritualité, Klimov et Larissa Chepitko. Comme Mahler qui
le mélange des styles et les collages en ont composait dans les rares moments de temps libre
que lui laissait son poste de directeur de l’Opéra
fait un des emblèmes de la postmodernité. de Vienne, Schnittke passe les deux tiers de l’année
Vingt ans après sa mort, le musicien à écrire pour le cinéma et poursuit ses propres
recherches quand il le peut. Néanmoins, ses travaux
n’en finit pas de déconcerter. Retour sur « alimentaires » contiennent en germe bien des idées
un parcours aux multiples détours. qui viendront à maturité dans le reste de sa produc-
tion. Tout au long de sa carrière, il subira de fait
les vexations du régime communiste. À de nom-
L
breuses reprises, l’exécution de ses œuvres sera
bloquée, certains concerts annulés au dernier
a vie d’Alfred Schnittke est exem- moment; ses partitions attendront parfois dix ans
BIOGRAPHIE plaire de ce que vécurent au avant d’être éditées (en général, disponibles à l’Ouest
EXPRESS xx e siècle nombre d’artistes
soviétiques, obligés de composer
avant de paraître de l’autre côté du rideau de fer).
1934
Naissance à Engels,
(dans tous les sens du terme) avec UNE DAME QUI NE SE TIENT
capitale de la République le régime, de trouver leur voie en
autonome des Allemands dépit de la censure prête à tomber PAS À CARREAU
de la Volga comme un couperet, de louvoyer Sa première œuvre, l’oratorio Nagasaki, qui devait
1946 entre les exigences de la modernité musicale et celles valider son cursus d’écriture au Conservatoire,
La famille Schnittke
s’installe pour deux ans
du « réalisme socialiste ». Ses origines ? Du côté connaît déjà un destin dont l’absurdité reste typique
à Vienne paternel, des spartakistes exilés en Russie dans les du système de l’époque: trop moderniste aux oreilles
1948 années 1920. Du côté maternel, des membres de de certains, elle fut bel et bien interprétée par
Études de musique la République autonome des Allemands de la Volga l’Orchestre de la Radio de Moscou… mais sans public
à Moscou (qui seront déportés en Sibérie en 1941…). Autant et sans radiodifusion à la clé! Pendant des années,
1961
Première commande
dire que le jeune Schnittke grandit dans une atmos- Schnittke échouera de surcroît à obtenir un visa pour
de musique de film ; phère germanique. Deux années passées à Vienne l’Europe occidentale et manquera nombre de créa-
inscription à l’Union des (1946-1948) constituent une révélation pour l’ado- tions de ses œuvres à l’étranger. Il lui faudra attendre
compositeurs soviétiques lescent, qui découvre la musique de Beethoven et 1977 pour sortir de Russie: Gidon Kremer parvient
1962 de Bruckner sous la baguette des chefs les plus pres- alors à l’engager comme pianiste pour une tournée
Poste d’enseignant
au Conservatoire de
tigieux (Klemperer, notamment). De retour à Mos- avec l’Orchestre de chambre de Lituanie. C’est la pre-
Moscou cou, il entame des études musicales qui débouche- mière fois qu’il retourne à Vienne depuis trente ans.
1972 ront sur l’obtention de son diplôme en 1961, année L’année suivante, il se retrouve au cœur de tensions
Mort de sa mère ; au cours de laquelle il adhère à l’Union des compo- diplomatiques entre les services culturels soviétiques
quitte son poste au siteurs soviétiques – un organe incontournable qui et français: c’est l’afaire de la Dame de pique. Avec
Conservatoire
fait la pluie et le beau temps (la pluie surtout). le metteur en scène Iouri Lioubimov, il est approché
1974
Création de la Première Comme nombre de ses confrères (que l’on songe par l’Opéra de Paris pour travailler à une version
MARION KALTER / AKG-IMAGES
Symphonie seulement à Prokoiev et à Chostakovitch), il est dès remaniée de l’opéra de Tchaïkovski. Mais le chef
1982 lors accablé de commandes de ilms – façon pour d’orchestre Algis Juraitis, qui a réussi à se procurer
Conversion les autorités de contrôler la production musicale? les notes de Schnittke, alerte les autorités soviétiques
au christianisme En trente-cinq ans, ce ne sont pas moins de quatre- de cette atteinte au génie national. Moscou lance
1985
Première attaque cérébrale vingts bandes originales de ilms, productions télé- un ultimatum à Rolf Liebermann, alors directeur
1998 visées, documentaires ou dessins animés qui sortiront del’OpéradeParis,luiintimantdepréférerauxfrancs-
Mort à Hambourg de sa plume. Citons entre autres ses collaborations tireurs des artistes respectueux de la tradition, OOO
SONATE N°3
de Frédéric Chopin
Pièce de prédilection
de tout grand chopinien,
summum du piano
romantique, celle-ci
contiendrait « certaines
des plus belles pages
jamais écrites
pour le piano »**.
Quel interprète saura
mettre la touche ultime
à ce chef-d’œuvre ?
F
aire l’inventaire de la bonne cen-
taine de Sonate en si mineur
op. 58 n’est pas une mince afaire:
une sélection drastique s’est
imposée. D’emblée, aucun des
Avec un discours qui fait autorité, comme les « petites arabesques centrales du quatrième
mouvement exécutées avec beaucoup de grâce » (PC).
LE BILAN
le-corps dans le inale sont « grisantes », s’enlamme
AM. PC admire « la projection du son », tout en
regrettant le côté un rien « démonstratif » de l’ensem-
ble. « C’est vain, ça sonne un peu creux », observe-t-il.
2 DINORAH VARSI
Genuin
1989
Un engagement de chaque instant
et une hauteur de vue : avec
Quant à MLN, il juge le inale « musclé, voire un peu la pianiste uruguayenne, on frôle
crispé », s’agaçant au fur et à mesure de la « course à la perfection.
l’abîme » dans laquelle s’est engagée Martha Argerich.
5
confirment avec le troisième mouvement qui EMIL GILELS
représente pour PC « un grand air parlando Deutsche Grammophon
au geste naturel » et à la « sonorité timbrée » (MLN). 1979
Le inale en impose, lui, grâce à « un récit épique, Une interprétation d’une grande
fantastique, incarné, tout le temps intelligent et inté- cohérence, avec de sublimes
harmonies, malheureusement
ressant » (PC). Une interprète engagée, qui possède trop personnelle pour convaincre.
un point de vue, malgré une sonorité « atypique »
(PC) qui peut-être ne « séduit pas spontanément ».
On approche de l’idéal !
Avec Nelson Goerner, tout est là! Pour PC, cette lec-
ture est « splendide ». Il conie : « Je me laisse aller
d’un bout à l’autre. » Avec un discours qui fait auto-
6 DANIILTRIFONOV
Decca
2010
Le jeune Russe se montre poétique
et subtil, mais devient vite
rité, « une vision d’ensemble » (MLN) et « un enga- trop cliché. De plus, il est desservi
gement » (AM), l’Argentin tire très nettement par le son laid de son Fazioli.
son épingle du jeu. « Le soin apporté à chaque détail
7
est stupéiant », s’écrie AM, qui plonge comme MLN BRUNO LEONARDO GELBER
« dans un rêve éveillé » avec le troisième mouvement. EMI
Contemplatif, mystérieux et tendre, le Largo ofre 1979
« un éventail de sonorités d’une beauté irréelle » loue Si Bruno Leonardo Gelber sait faire
encore PC, qui remarque aussi la beauté de « la can- chanter son piano, son caractère
tilène, commençant sostenuto et se déployant peu à excessif le fait tomber dans
la sensiblerie ou la brutalité.
peu, tant l’interprète lâche du leste dans le timbre ».
Dans le inale, MLN est fasciné par « l’intégration
totale de la main gauche » à la structure globale.
« Le jeu de piano est parfait sans être ennuyeux »,
conclut PC. À l’unanimité, et sans aucune diiculté,
Nelson Goerner, immense chopinien, emporte
8 MAURIZIO POLLINI
Deutsche Grammophon
1985
La technique de l’Italien est
irréprochable, mais son jeu neutre
l’adhésion. La version reine de cette Sonate. X et trop prévisible, sans une once de
Aurélie Moreau romantisme, ne touche personne.
L
a maison de Gérard Caussé se fait
discrète dans un décor composite
Un lutrin XVIIe, de l’écrivain français. Ce grand altiste, qui vient de
fêter ses soixante-dix ans, nous accueille, solaire,
d’immeubles anciens, de tours un Steinway dans une tenue en accord avec la saison – pull jaune
des années 1970 et de maisons sur pantalon blanc –, longue silhouette élancée.
individuelles. C’est tout juste si
de 1903, Chic et charme.
on la remarque dans ce quartier des toiles Plus qu’une simple maison, ce lieu est pour le musi-
résidentiel du 13e arrondissement cien un centre de gravité. « J’ai toujours beaucoup
de Paris. Mais à peine a-t-on d’artistes voyagé et,quand il s’agit de rentrer,il faut je me retrouve
poussé la porte que nous voici transportés dans d’aujourd’hui, dans un endroit qui me donne l’impression d’être
un ailleurs. Un ailleurs qui fait rêver. Un rayon de coupé du monde. Je suis amoureux de la campagne,
soleil traverse le jardin, un écrin sauvage serti de le monde de mais j’ai besoin du souffle et du rythme de la ville. »
bambous, d’iris, de pivoines… Nous pourrions l’altiste mêle Voilà donc, à travers sa première maison parisienne
aussi bien être à Singaraja au milieu d’une végéta- qu’il occupe avec sa femme, Loïse, depuis dix ans,
tion exotique ou, quelques pas plus avant, dans une les époques, le compromis idéal.
de ces maisons rustiques qui peuplent les romans Nous voilà happés dans le salon baigné de lumière
de Balzac, de l’Auvergne ou du Dauphiné. D’ail- entre passé qui donne de plain-pied sur le jardin, un recoin
leurs, de nombreuses chaises que Gérard Caussé a et présent. bucolique où il fait bon vivre. Tomettes anciennes,
chinées proviennent d’une ancienne demeure canapés moelleux qui appellent livre et tasse de thé,
CD
occupe toujours une place centrale.« Avec la musique
contemporaine, il n’y a pas de tradition d’interpré-
tation, on peut donner sa griffe. » Et il n’hésite pas à
s’aventurer sur des chemins toujours plus surprenants, CLASSICA
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LES CHOCS DU MOIS
CD CLASSICA / PLAGES 5 à 8
MERLET REPASSE
SON BACH
Dans le Premier Livre du Clavier tempéré, le maître
réécrit les pages didactiques du Cantor de Leipzig.
Une copie sans fautes : mention très bien.
E
n janvier 2016, Goillotte, un nom familier aux chaque composition ». D’une
Dominique amateurs de grands vins) et sa page à l’autre, le pianiste modi-
Merlet enregis- réverbération discrète se per- fie en effet la perspective,
trait à Vosne- çoivent davantage. Cet envi- l’espace,la couleur sansle moin-
Romanée le ronnement favorable incite à dre effet de manche, sans
Second Livre s’installer confortablement volonté de faire l’original, de se
du Clavier bien tempéré (voir pour parcourir cet épais livre distinguer dans une discogra-
Classica n°187). Il y retourna en quarante-neuf chapitres : phie abondante et riche depuis
en juillet de l’année suivante cet enregistrement propose Edwin Fischer (EMI, 1933-
pour le Premier Livre. Même en effet deux versions de la 1936) jusqu’à Zhu Xiao-Mei
lieu, même équipe technique, Fugue n°19 en la majeur. (Mirare,2007-2009) en passant
même piano, semble-t-il : Pédagogue recherché et par Friedrich Gulda (Philips,
le son n’en est pas moins dif- admiré, Dominique Merlet 1972-1973), Glenn Gould
férent, plus onctueux, plus n’appréhende pas ce recueil (Sony,1974) et Evgeni Koroliov
enveloppant, comme si l’ins- éminemment didactique en (Tacet, 1998-2002). On admire
trument avait été capté de plus professeur un peu sévère, mais ainsi la plénitude quasi vocale
près alors que, paradoxale- bien au contraire, en artiste de la foisonnante Fugue n°4,
ment, l’acoustique du lieu (la accompli. Ce jeune homme de les croches papillonnantes du
quatre-vingts ans étonne Prélude n°5, le charme du Pré-
même par son enthousiasme, lude n°9, le caractère enjoué
sa spontanéité, ses tempos du Prélude n°15, la plénitude
enlevés. Il s’empare ainsi du orchestrale du Prélude n°17
Prélude n°1 avec une gour- et la dimension cosmique de
mandise impatiente, le geste la Fugue n°24.
cursif mais jamais brusque,
CONCENTRATION
PHILIPPE-STIRNWEISS
CD CLASSICA / PLAGE 9
DVORÁK SUR
LA CORDE RAIDE
Le Quatuor Pavel Haas livre une interprétation vertigineuse
de deux quintettes du compositeur de Rusalka. Antonin
Dvorák
N
ous avons le Quintette à cordes, idem, Rudolfinum de Prague, lieu de (1841-1904)
«
encore beau- 2013) et Smetana (les deux qua- la création, en 1888, du Quin- Quintette avec piano n°2.
coup à faire tuors, idem, 2015, Classica tette avec piano n°2. Les Haas Quintette à cordes op. 97
avec la musi- n°177). Leur lecture de deux y sont rejoints par le pianiste Boris Giltburg (piano), Pavel
que de Dvo- quintettes est par ailleurs l’occa- Boris Giltburg et son jeu expres- Nikl (alto), Quatuor Pavel Haas
rák », décla- sion de découvrir le quatuor sif. Dès les premières mesures, Supraphon SU4195-2. 2017. 1 h 14
rait le Quatuor Pavel Haas en dans sa nouvelle composition, le ton est donné : l’ouverture,
2015. Il y revient donc, après l’altiste Radim Sedmidubský feutrée et lyrique, laisse vite
avoir déjà enregistré ses Qua- succédant à Pavel Nikl, parte- place à une envolée dramatique
tuors op. 96 et op. 106 (Supra- naire demeuré fidèle puisque puissante. Les orages des cres- des couleurs à la limite du
phon, 2010) et effectué un présent dans l’Opus 97. cendos du premier mouve- symphonique et creusent un
détour par Schubert (Quatuor Clin d’œil historique, cet enre- ment, Allegro, ma non tanto, saisissant relief. Après une
« La Jeune Fille et la Mort » et gistrement a été réalisé au explosifs, évocateurs, déploient dumka d’une tendre mélan-
colie, jamais larmoyante,
s’élancent,sur des tempos enle-
vés, guidés par une conduite
rythmiqueimpérieuse,leScherzo
et le finale.
La recherche d’un propos
partagé et d’une couleur
d’ensemble frappe particuliè-
rement dans le ténébreux
Quintette à cordes op. 97, riche
d’un second alto. Les silences,
habités, jouent les contrastes
avec des forte puissants et
rugissants, intégrés dans un
grand geste : pas un instant
la tension ne faillit. Le traite-
ment soigné des plans sonores
conjugue expressivité indivi-
duelle et ligne directrice com-
mune (Larghetto).
Au sein d’une discographie
de haut vol (Quatuor Talich,
La Dolce Volta, 2002), le Qua-
tuor Pavel Haas se distingue
par sa lecture sans concession,
aux lignes clairement dessinées
et au pouls palpitant. Tout
entier au service de Dvorák,
MARCO BORGGREVE
E
Groves (EMI), le chef sait tra-
nfin l’enregistrement duire les extases cosmiques, PA
SSION
de la n°26 permet les vastes plages d’immobilité
de disposer de l’inté-
grale des trente-deux
surnaturelle, les hymnes lyri-
ques plus « pompes et circons-
DEPUIS
FOR
60 ANS
YEARS
EX
E
symphonies de l’un des com- tances » que nature ou les érup- C C
ELLEN
positeurs anglais les plus ori- tions de violence de marches
ginaux, quarante-six ans après militaires cauchemardesques
HMM 902310
charpente dissimulée sous neuses ruminations du com-
la structure libre d’une vaste positeur anglais.
« ballade tragique », dont le Dans la Symphonie n°21, plus
expansive et moins rugueuse,
Debussy
Alexander Walker est plus
claude
CD CLASSICA / PLAGE 4
LA NUIT TRANSFIGURÉE
Le timbre ténébreux de la mezzo-soprano Lucile Richardot et la subtile
mélancolie distillée par l’Ensemble Correspondances de Sébastien
Daucé illuminent un répertoire méconnu d’airs baroques anglais.
« Perpetual
Night »
Ayres et Songs de Johnson,
Lawes, Coprario, Ramsey,
Lanier, Banister, Webb,
Hilton, Hart, Blow, Purcell
et Jackson
Lucile Richardot
(mezzo-soprano),
Ensemble Correspondances,
dir. Sébastien Daucé
Harmonia Mundi HMM 902269.
2017. 1 h 12
L
L’aisance quasi instrumentale
a nuit et ses table de travail, les musiciens On se persuade bien vite de Lucile Richardot lui permet
étoiles n’ont pas enrichissent le vocabulaire qu’un tel programme ne pou- de s’immiscer dans les inter-
attendu la venue harmonique, expérimentent vait être conçu que pour une stices douloureux, voire de
des romantiques de nouveaux genres où le réci- voix hors norme. Mezzo- détimbrer à des fins expres-
pour titiller les tatif italien et le ballet de cour soprano avec des graves d’alto sives. Réuni en petit comité,
muses: le présent à la française se greffent sur le et des aigus rayonnants, Lucile l’Ensemble Correspondances,
récital en témoigne, qui mask. Autant de pépites soi- Richardot est notre guide, que Sébastien Daucé dirige
« retrace une histoire de l’art gneusement consignées dans notre flambeau aux teintes du clavecin ou de l’orgue, colle
vocal anglais de 1620 aux der- les manuscrits des bibliothè- subtiles et raffinées. Dans les au plus près des affects. Épi-
nières décennies du siècle » ques de Londres et d’Oxdord airs déclamatoires de William logue de choix avec « Sing,
(Sébastien Daucé) – c’est- comme dans les recueils édités Lawes et William Webb s’invi- Sing,Ye Muses » de John Blow,
à-dire après la disparition de par le célèbre John Playford tent tour à tour la véhémence dont la jubilation chorale
John Dowland –, tandis que que nos interprètes sont allés (« Whiles I this Standing opère une ouverture salvatrice
fait rage la lutte entre catho- compulser de leurs doigts Lake ») et les inflexions vacil- dans l’épaisseur de la nuit. X
liques et protestants. À leur de sourciers. lantes propres à nous faire Jérémie Bigorie
L
e mois dernier, nous de la SWR aussi affûté que
présentions des réédi- son habituelle Philharmonie
tions proposées par tchèque. Dans ce concert
SWR Classic issues des d’anthologie, l’orchestre est
archives de la radio allemande chauffé à blanc: cordes et cuivres SSION
PA
du Südwestrundfunk à la suite se montrent impitoyables et élec-
de la fusion récente de ses deux
orchestres historiques : le SWR
triques dans le développement
du premier mouvement.Suivent
DEPUIS
FOR
60 ANS
YEARS
EX
E
C C
Baden-Baden und Freiburg et un Andante sur le fil du rasoir, ELLEN
le RSO Stuttgart. Parmi des glaçant par les tenues de trom-
concerts bien connus, dont une pette révélant une désolation
HMM 902302
chars soviétiques dans Prague, mais brillante et enlevée,offre un
le maestro était invité dans le sas de décompression bienvenu
Bade-Wurtemberg à diriger une après la noirceur d’« Asraël ». X
grande œuvre quasi inconnue à Yannick Millon
l’Ouest, la Symphonie « Asraël »
Debussy
de Josef Suk, qu’il n’enregistra
claude
C
ette captation de d’aspect grâce à des murs En plus d’un Orchestre du
LaDamedepique mobiles et à des éclairages très Concertgebouw d’Amsterdam
du duo Jansons- travaillés contribuant à créer en état de grâce, il peut comp-
Herheim resti- des atmosphères hallucinantes. ter sur des chœurs dans une
tue à la perfec- Certaines images cauchemar- forme superlative et une dis- Piotr Ilitch
tion la puissance
dramatique exceptionnelle
desques nous hantent longue-
ment, en particulier celle du
tribution de haut niveau.
Si Misha Didyk et Svetlana Tchaïkovski
d’un spectacle dont l’effet en lustre qui devient un encensoir Aksenova ne possèdent pas (1840-1893)
salle était sidérant. Dans la démesuré se balançant de plus les voix intrinsèquement les La Dame de pique
vision de Stefan Herheim, enplusviteau-dessusdelascène plus séduisantes, ils sont tou- Misha Didyk (Hermann),
l’action gravite autour de où se déroulent les funérailles tefois prodigieux de vérité en Svetlana Aksenova (Liza),
Tchaïkovski (alias Eletski), qui de la Comtesse. Hermann et Liza. La Comtesse Larissa Diadkova (la Comtesse),
compose fiévreusement son Au sommet de son art, Mariss de Larissa Diadkova s’impose Vladimir Stoyanov (prince
opéra, s’identifie corps et âme Jansons offre une interpréta- moins par un timbre un peu Eletski), Anna Goryachova
à ses héros et vit par anticipa- tion magistrale du chef- clair que par une incarnation (Pauline/Milovzor), Alexey
tion son propre suicide. Tous d’œuvre de Tchaïkovski, dont saisissante, notamment lors- Markov (Tomski/Zlatogor),
les tableaux se déroulent dans il sait traduire le romantisme que celle-ci esquisse quelques Pelageya Kurennaya (Prilepa),
un salon élégant qui change exacerbé et l’âpre beauté. pas de danse en susurrant : Chœurs de l’Opéra national
des Pays-Bas, Orchestre royal
du Concertgebouw d’Amsterdam,
dir. Mariss Jansons, mise
en scène Stefan Herheim
Cmajor 743908 (2 DVD). 2016. 3 h 01
Louis Bilodeau
CD CLASSICA / PLAGES 11 et 12
E
sec, et la cadence parfaite
n dehors des conclusiveestjouéelapre-
intégrales des mière fois dans la nuance
« soixante- piano, la seconde fois
huit », les Qua- Le choix de dans la nuance forte :
tuors op. 64, composés FRANCIS démarche très apprécia-
DRÉSEL
en 1790, ont été enregis- ble, qui se retrouve ail-
trés tous les six par plu- leurs. Les mouvements
sieurs formations dont deux lents plongent souvent dans
se détachent : les Quatuors le mystère, et les menuets sont
Lindsay (ASV, 1999) et Mosaï- pris vigoureusement, en parti-
ques (Naïve, 2001-2003). Sans culier celui du n°3 en si bémol,
les surclasser, les Doric, dont aux effets de cor. Dans son trio,
les Opus 20 et Opus 76 ne nous le violoniste devient presque
sont, sauf erreur, jamais parve- violoneux, effet renforcé en fin
nus, les rejoignent au sommet, de parcours par un ralentisse-
avec leurs caractéristiques ment efficace.
propres: nuances et contrastes Du Quatuor n°6 en mi bémol,
fortementaccusés,miseenvaleur le triopeutêtrejouéuneseconde
de nombreux détails. Ils obser- fois ad libitum, avec un premier
vent toutes les reprises des violon dans l’extrême aigu :
c’est le cas ici.Son Allegro initial,
ouvert sur un thème des plus
mémorables, est parcouru de
coups de boutoir admirable-
VIA DOLOROSA
PURCELL · BYRD · SCARLATTI · LOTTI · ALLEGRI
ment rendus. La subtilité et
les traits d’humour du finale
reçoiventtoutleurdû.Onatten-
dait les Doric dans le Quatuor
n°5 en ré majeur « L’Alouette »,
l’un des plus enregistrés isolé-
ment de Haydn : on n’est pas
déçu, même en se souvenant &21&(576
du Quatuor de Jérusalem (Har- : Musicales de Quimper · BACH / HAENDEL
Joseph monia Mundi, 2003), et le sou- : Musicales de Normandie · VIA DOLOROSA
Haydn dain forte précipitant la conclu- : Festival des Abbayes · CAIONI / BUXTEHUDE
sion intervient au bon moment. Collège des Bernardins · D'ENCRE ET DE PIERRE
(1732-1809) Cette interprétation qu’offrent
Les six Quatuors op. 64 les Doric témoigne d’une pro- WWW.ENSEMBLEZENE.COM
Quatuor Doric fonde réflexion sur ces œu-
Chandos CHAN 1097 (2 CD). vres et s’inscrit parmi les plus
2017. 2 h 22 recommandables. X
Marc Vignal
CD CLASSICA / PLAGE 10
PROFONDEURFAURÉENNE
Dans son dernier volet de son intégrale dédiée au compositeur français,
Gabriel
le pianiste Jean-Claude Pennetier s’attaque à des pages rares dont
il restitue avec simplicité toute la vérité et la pureté. Fauré
(1845-1924)
A
« Intégrale de l’œuvre
vec ce qua- à 11). Si elles sont dépouillées LaméthodePennetierpourtrans- pour piano, volume 4 »
trième volume de toute sensualité extérieure, mettre ces pages rares,dont bien Jean-Claude Pennetier (piano)
s’achève l’inté- qu’elles sont âpres et réduites à des pianistes et des auditeurs Mirare MIR 356. 2017. 1 h 05
grale Fauré de l’essentiel, Jean-Claude Penne- se méfient? Une simplicité qui
Jean-Claude tier éprouve pour ces musiques confine parfois à l’ascèse,
Pennetier, qui unetendressemanifestecarilleur un discours très clair avec un jeu l’architecture interne de chaque
marquera durablement la dis- confèreuncharme certain.On a de pédale juste et parcimonieux, morceau apparaît vigoureuse-
cographie fauréenne, comme supposé que les problèmes comme Fauré le souhaitait. ment pensée et les gradations
celle de Jean-Philippe Collard auditifs de Fauré étaient la cause Mais aussi un réel frémissement sontparfaitementmenées.Cette
(EMI) dans les années 1970. de cette cure d’amaigrissement intérieur,évocateur des « grands qualitéserévèleparticulièrement
Ce programme chronologique sonore, mais rien n’est moins départs inassouvis » du vieil appréciable dans des pièces
réunit,outre les deux Impromp- sûr parce qu’à l’extrême fin homme, qui donne de l’élan comme les deux derniers Noc-
tusoù unecertaine superficialité (Barcarolles nos 12 et 13, Noc- au discours, et puis, comme on turnes, assez développés, dans
inhérente au genre se trouve turnes nos 12 et 13), alors que l’avait déjà noté dans les volets lequel la maîtrise du discours
transcendée, les pages les plus sa surdité s’était encore accrue, précédents, une sonorité déli- évite à l’auditeur de s’égarer
profondes, mais aussi parfois un nouveau lyrisme se fait jour, catement travaillée, de toute dans les méandres de l’harmo-
les plus étranges de Fauré (Bar- plus solaire et moins crispé, beauté. Cet élan se montre nie. Bref, une merveille de tous
carolles nos 8 à 11, Nocturnes nos 9 mais jamais déclamatoire. en outre solidement conduit, les instants. X Jacques Bonnaure
JEAN-BAPTISTE MILLOT
E Pärt
n 1989, Neeme Järvi (importance de la monodie, en valeur par l’excellent niveau
et l’Orchestre sym- organum, doubles sensibles), des différents pupitres. S’y
phonique de Bamberg mais y superpose des motifs ajoutent un dynamisme et une (né en 1935)
avaient enregistré les fulgurants et conserve les effets dramaturgie propices à l’esprit Symphonies nos 1 à 4
trois premières symphonies orchestraux spectaculaires. de cette musique, une belle res- Orchestre philharmonique
d’Arvo Pärt (Bis). Ce nouveau On retrouve dans les quatre titution d’ambiances chroma- du NFM de Wrocłav, dir. Tõnu
cycle, complété par la Sympho- symphonies un certain nombre tiques qui doivent beaucoup Kaljuste
nie n°4 « Los Angeles » (2009) de constantes : importance aux effets de percussions,tantôt ECM New Series 481 6802.
permet de retracer l’évolution des pupitres solistes, usage « liquides », tantôt incisives. 2015-2016. 1 h 20
stylistique du compositeur, accru des percussions, persis- Le chef et les musiciens éclairent
depuis sa période sérielle tance des dissonances, atmos- par ailleurs le discours contra-
(la Symphonie n°1 date de phère de désolation. puntique complexe des deux restitués avec force par un
1963) jusqu’à l’écriture Le projet de Tõnu Kaljuste et de premières symphonies. orchestre qui semble investi
post-tintinnabuliste de ses l’Orchestre philharmonique du Dédiée à Mikhaïl Khodorkov- d’une mission supérieure.
dernières années qui confine NFM de Wrocłav est éminem- ski et à « tous les prisonniers D’écriture fondée sur un ancien
à une forme de romantisme. ment réussi. On peut ainsi sans droits en Russie », la Sym- canon orthodoxe, elle conclut
Œuvre charnière,la Symphonie mentionner un travail d’équi- phonie n°4 enchaîne des dans une atmosphère intros-
n°3 inclut bien plus de référen- librage aussi minutieux que momentsdelyrisme,d’angoisse, pective cet album de très haute
ces au Moyen Âge et à la Renais- nécessaire à la restitution d’une de dramatisme et de solennité. volée. X
sance que les deux précédentes orchestration fragmentée, mis Ces différents climats sont Laurent Lellouch
L
e projet des Spirituelles quatre chanteuses, Anaïs Vin- les notes de Patrick Burgan et
(2015) de Patrick Bur- tour, Delphine Cadet, Marion les voix des Méliades.
gan pourrait rappeler Delcourt et Corinne Bahuaud, Le Cantique des Cantiques
celui de l’Office des qui ont à cœur de défendre (2014) s’inscrit dans la même Patrick
naufragés (1998) d’Olivier
Greif : pour chacun des deux
la musique d’aujourd’hui. Si
l’œuvre de Greif est tragique,
veine lyrique et célèbre la pas-
sion amoureuse en empruntant Burgan
compositeurs, il s’agissait funèbre, parfois âpre ou déses- les mots du plus érotique des (né en 1960)
d’écrire un cycle de mélodies pérée, celle de Burgan frappe livres de la Bible.On appréciera Les Spirituelles.
à partir de textes de poétesses avant tout par la beauté que la beauté du corps féminin Cantique des Cantiques
d’époques et d’origines diverses, des voix entremêlées, tantôt soit ici chantée précisément par Quatuor vocal féminin Méliades
entretenant toutes un lien étroit lyriques, tantôt élégiaques, qui des voix féminines, plutôt que Ad Vitam Records AV 180315. 2018.
avec le religieux ou le mystique. chantent l’amour et la mort sur d’être l’objet d’un dialogue 1 h 18
Mais la comparaison s’arrête là: un mode intemporel.D’Érinna, convenu entre « le bien-aimé »
Greif avait choisi d’introduire poétesse grecque du IVe siècle, et sa fiancée.
une soprano soliste dans un à Emily Dickinson en passant Ces deux œuvres de Patrick Machuel ou Philippe Hersant.
ensemble instrumental de par Hildegarde von Bingen, Burgan semblent ainsi partici- Le retour à une poésie et à une
chambre,là où Burgan a préféré Louise Labé ou encore Emily per du renouveau de la musique spiritualité marquées semble
faire appel à un quatuor vocal Brontë, ce sont au total onze vocale et chorale française, tel bien être l’une des voies les plus
féminin. De fait, l’œuvre est femmes qui s’expriment dans que peuvent l’incarnerdescom- stimulantes de la création
une commande des Méliades, sept langues différentes à travers positeurs comme Thierry contemporaine. X Sarah Léon
MARIO CARL
CASTEL CZERNY
NUOVO- (1791-1857)
++++
TEDESCO
(1895-1968)
Symphonies nos 2 et 6
Orchestre de la Radio
de Kaiserslautern,
++++ dir. Grzegorz Nowak
Le danze del Re David. SWR Music SWR 19419CD.
Questo fu il carro della morte. 2005 2006. 1 h 14
Alt Wien. I naviganti.
Piedigrotta Connu surtout comme pédagogue
ANTON Mark Bebbington (piano) DMITRI du piano, élève de Beethoven,
JEAN-CHARLES
LE BILLET DE
HOFFELÉ
avant J.-C.
SERGE
KOUSSEVITZKY 1874-1951
Q
uelle vie ! Né juif dans une famille de musiciens, Ils seront mariés un quart de siècle! Les saisons sont brillantes, qui
formé au plus ingrat des instruments à cordes, équilibrent musique moderne et répertoire classique. Si les souf-
la contrebasse,Serge Koussevitzky pouvait-il se dou- fleurs sont idéaux, Koussevitzky, qui fut d’abord un string conduc-
ter, entrant l’année de ses vingt ans dans l’Orchestre tor, fait travailler son quatuor d’arrache-pied pour un des plus
du Bolchoï, quel flamboyant destin transatlantique brillants ensembles de symphonies de Mozart que le 78-tours ait
l’attendait? Un mariage argenté y pourvoira. À Ber- captés: la discipline des coups d’archet,la précision du jeu et sa vita-
lin,Nikischleveutbienpourélèved’autantqu’illedélestedesesdettes lité irrépressible sont mieux que parfaites, elles sont inspirées et
de jeux. Secret de Koussevitzky tout au long de sa vie, sa cassette d’une exactitude textuelle faramineuse pour l’époque. La radio-
privée. La carrière est lancée en 1908, Rachmaninov est au piano diffusion popularise cet art altier, solaire, vigoureux, le disque
pour son Deuxième Concerto, la nou- documente les facettes de cet art, ses Ravel (il lui écrit « sur com-
velle decesuccès l’accueille à son retour mande » le Concerto en sol, l’orchestration des Tableaux),
à Moscou où il crée son orchestre et ses Debussy, ses Prokofiev, ses Stravinsky, son Sibelius pionnier
samaison d’édition,les ÉditionsRusses demeurent inaltérés. Mais aussi, surtout !, Mozart, Beethoven,
de Musique : Scriabine, Prokofiev, Brahms, le grand répertoire relu,
le jeune Stravinsky seront ses premiers modernisé en somme, prêt pour les
auteurs. Concerts en Europe, tournée nouvelles générations d’auditeurs
fastueuse arrosée de champagne avec d’autant qu’il aura également inspiré
son orchestre tout au long de laVolga: la relève des chefs d’orchestre améri-
quelle cocagne! Puis, en 1917, cueilli cains, Leonard Bernstein en tête.
par la Révolution,il accepte la direction Vint la retraite, mot impossible pour
de la Philharmonie de Leningrad.La dèche de ses musiciens l’effraie, un tel caractère ; mais Koussevitzky
tout comme la confusion idéologique qui s’empare du pays. restait mécène, gardant l’oreille alerte
En 1920, exil à Berlin puis Paris où les Concerts Koussevitzky pré- et ouvrant sa cassette pour le Peter
senteront dix années de rang le gratin des jeunes musiciens, russes Grimes de Britten. Il reviendra au stu-
certes, mais pas seulement: Maurice Ravel deviendra un habitué, dio d’enregistrement dans les splendeurs de l’été de Tanglewood,
Koussevitzky sculptant avec sensualité son Daphnis, sa Rhapsodie, moins d’un an avant sa mort, pour accompagner, l’œil toujours
en vrai magicien des sons qu’il savait être. Puis les amarres sont vif, son irrésistible sourire moqueur aux lèvres, Eleanor Roosevelt
larguées: 1924 le voit remplacer l’ami Monteux à Boston,un fluide se prenant sans peine tout à la fois pour Pierre et pour le Loup,
mystérieux passe entre sa direction intuitive et les musiciens dont adieux savoureux d’un artiste aimé des dieux, mais oublié
la plupart sont français, langue que Koussevitzky parle à la perfection. aujourd’hui de son éditeur historique, RCA. X
DEBUSSY
(1862-1918)
destinés aux pianistes de petite
force,pouroccupersaplacelégitime
parmi les classiques. Tel est l’objec-
ELGAR
(1857-1934)
Hyperion CDA 68177. 2016. 1 h 10
AVEC
GABRIELI
(c.1554/57-1612)
Cettepremièrediscographiqueper-
met de découvrir Orfeo ed Euridice
tel que le donna le Palais royal de
GÓRECKI
(1933-2010)
La jeune Astrig Siranossian choisit
de se confronter à deux œuvres de
+++ Naples en 1774, dans une version +++++ compositeurs soviétiques majeurs
« Gabrieli For Brass: très voisine de celle réalisée pour Quatuor à cordes n° 3 associées à des noms d’interprètes
Venetian Extravaganza » Parme en 1769 où le rôle-titre était Quatuor Dafô prestigieux.LeconcertodeKhatcha-
Sonates et Canzone confiéàuncastratsoprano.Lecom- Dux 1 302. 2017. 48’ turian fut en effet créé à Moscou en
+ Œuvres de Lappi, Frescobaldi, positeur dilettante Egidio Lasnel, 1946 par Knouchevitski et celui de
Massaino, Viadana et Gussago pseudonymedeDiegoNaselli,modi- Renégatdel’avant-gardeaprèsavoir Penderecki à Berlin en 1983 par
Royal Academy of Music fia le troisième acte en réécrivant le été dans un premier temps séduit Rostropovitch. Ils sont néanmoins
and Julliard School Brass, duetto « Vieni, appaga il tuo par le modernisme de Boulez et de conceptions très différentes. Le
dir. Reinhold Friedrich consorte » et en supprimant l’air Stockhausen,Góreckin’endemeure premier est avant tout d’essence
Linn Records CKD 581. 2017. 1 h 16 d’Euridice « Che fiero momento ». pas moins intéressant. Il occupe en mélodiqueetjouesurlesressources
En toute honnêteté, il faut recon- effetlaplacesingulièred’uncompo- expressives du violoncelle : thèmes
Le trompettiste allemand Reinhold naître qu’on y perd au change... siteur mutique finalement incas- populaires,successionrhapsodique
Friedrich,membredel’Orchestredu L’autre inconvénient est de réunir sable, à l’écriture pleine de disso- de cavalcades, de danses ou de
Festival de Lucerne, réunit des une distribution composée unique- nances,aveccescouchesplanantes, déplorations.Safactureclassiquefut
jeunescuivresdesfameusesJulliard ment de voix de soprano. Touchant ces motifs répétitifs mais évolutifs néanmoinsjugéetropformalistepar
School de New York et Royal Aca- parsafragilitéetsoncaractèrequasi qui orientent un discours musical lesautoritéssoviétiquesdel’époque,
demy of Music de Londres pour un éthéré,l’OrfeodePhilippeJaroussky étal vers une destination incertaine, et contribua à l’éviction de Khatcha-
hommage au polyphoniste vénitien neconvainccependantqu’àmoitié: un chemin qui ne mène nulle part. tourian de la fameuse Union des
GiovanniGabrieli.Organisteetcom- la palette vocale se montre limitée, Le Quatuor à cordes n° 3 fut écrit compositeurs. Citons parmi les ver-
positeur principal de Saint-Marc au le timbre se décolore dès qu’il faut dans les années 1990 mais n’a été sions récentes Wallfisch (Chandos,
tournant des cinquecento et sei- pousser la voix et les attaques créé qu’en 2005, le compositeur 1987) et Lidström (Bis, 1995).
cento, Gabrieli dresse un pont entre manquent souvent de netteté. l’ayant laissé de côté sans raison Leconcerto de Penderecki a intégré
la Renaissance et le Baroque, entre Le plaisir absolu se retrouve plutôt identifiée. Cette œuvre au temps les innovations musicales et les
la musique vocale et instrumentale. du côté de l’Amour et d’Euridice, suspendu s’avère un écho cham- recherches sonores du second
Installés en l’église Saint-Jude de avec Amanda Forsythe et Emöke briste de la Symphonie n° 3, œuvre XXe siècle, tout en revenant volontai-
Hampstead, au nord de Londres, et Baráth, admirables de naturel, de phare de Górecki au succès plané- rement à un style dramatique d’al-
servis par une belle prise de son, les taire incroyable, dû sans doute aux lure postromantique. Le composi-
jeunes musiciens, équipés d’instru- émanations spirituelles que cette teur a dirigé deux enregistrements,
ments modernes, s’attachent à pièce émet. l’un avec Rostropovitch (Warner,
respecter l’esprit de la Venise Encinqmouvementslecompositeur 1986),l’autreavecNoras(Finlandia,
d’alors. polonais dissout les structures du 2001). S’y ajoutent les versions de
Legroupedetrompettessedétache quatuor à cordes dans des phases Thedéen (Bis, 1998) et Vassiljeva
parfois rapidement des trombones amples mais obscures, déplorant la (Naxos, 2008). Par son lyrisme
et pétarade à l’occasion dans les mort de certains hommes, inspiré généreux mais maîtrisé, son jeu à la
staccati (par exemple dans la pièce par un poème de Khlebinkov : fois puissant et raffiné, sa sonorité
d’ouverture) mais dans l’ensemble, « Quand les chevaux meurent ils ample et mordorée, Astrig Siranos-
les chœurs instrumentaux, malgré soufflent,Quandlesherbesmeurent sian peut dignement figurer à leurs
des émissions de son pas toujours elles sèchent, (…) Quand les gens côtés.
nettes et l’impossibilité de restituer meurentilschantentdeschansons.» Sarah Léon
en trois dimensions les effets de la Parfois un lyrisme viscéral évoque
construction spatiale de la musique fraîcheur et d’engagement. Ner- Wagner, on retrouve aussi la Sym-
deGabrieli,nousoffrentuneintéres- veux,voireimpétueux,DiegoFasolis phonie n° 7 de Beethoven, mais
santeimmersiondansunrépertoire et ses Barocchisti font bien sentir plane surtout une mélancolie
typique d’une époque charnière de l’urgence dramatique, mais immarcescible, à la plasticité chan-
la musique occidentale. abordent la partition avec une geante,prenantdiversesformesqui
Jérôme Medelli rigueur confinant parfois à une cer- toutessontparfaitementexécutées
taine sécheresse. Très bonne inter- parleQuatuorDafô,plussensitifque
prétation du chœur de la Radio-Té- le Quatuor Kronos (Nonesuch).
lévision suissei italienne, Romaric Gergorin
particulièrement éloquent dans les
interventions des démons en furie.
Louis Bilodeau
GUSTAV FELIX
MAHLER MENDELS-
(1860-1911)
++++
Symphonie n° 1
SOHN
(1809-1847)
Düsseldorfer Symphoniker, ++++
dir. Ádám Fischer Symphonie nos 4 et 5
Avi music 8553390. 2017. 53’ NDR Radiophilharmonie,
dir. Andrew Manze
De ce côté-ci du Rhin, on ignore Pentatone SACD PTC 5186 611.
l’existence des Düsseldorfer Sym- 2016 2017. 1 h 04
phoniker, fleuron instrumental du
FRANZ Land de Rhénanie-du-Nord-West- BOHUSLAV Devenu un ambassadeur du réper-
LISZT
(1811-1886)
phalie. Ádám Fischer, frère aîné du
célèbreIvánFischer,estpourtanten
train de construire avec cet
MARTINU
(1890-1959)
toire baroque, le violoniste et chef
britanniqueAndrewManze,enposte
depuis2014danslarégiondeBasse-
++++ ensemble une intégrale des sym- ++++ Saxe, explore aujourd’hui le réper-
Les Années de pèlerinage phonies dont voici déjà le troisième Concerto pour deux violons toire romantique aux côtés de la
(Suisse). Saint François volet. Et loin de toute routine ou de H. 329. Rhapsodie-concerto NDR Philharmonie, formation
de Paule marchant sur les flots l’image de vieux routier de province pour alto H. 337. Concerto orchestrale la plus réputée de
Francesco Piemontesi (piano) quiluicolleàlapeau,lechefhongrois pour deux pianos H. 292 Hanovre. Après un premier volume
Orfeo C 9441821 (+ 1 DVD). 2017. 55’ surprend par la personnalité impri- Sarah et Deborah Nemtanu consacré aux Symphonies nos 1 et 3
mée à ce répertoire, reconnecté à (violon), Magali Demesse (alto), de Mendelssohn (Classica n° 193), il
Francesco Piemontesi fait partie de ses racines d’Europe centrale. Non Mari et Momo Kodama (piano), poursuit avec l’« Italienne » et la
cette génération de pianistes tren- à la manière extrêmement étudiée Orchestre philharmonique « Réformation », dont il donne des
tenaires qui a invariablement des de Neumann ou Ancerl, sans non de Marseille, dir. Lawrence Foster lectures extrêmement équilibrées,
choses à dire. Son Liszt, architec- plus le style dégraissé d’un Kubelik, Pentatone SACD PTC 5186658. parfaitement adaptées à l’esthé-
turé,séduitparadoxalementparson mais avec un retour aux sources 2018. 1 h 02 tique de classicisme romantique du
absence d’effets pyrotechniques sans mystique ni panthéisme, par- compositeur, mettant tout du long
gratuits. La virtuosité du pianiste fois un rien prosaïque dans les Compositeur complexe mêlant l’ex- enrelieflafinessedutrait,lesensde
suisse n’est jamais démonstrative moments de mystère. Cette lecture cellencetchèqueauxinspirationsde l’architecture globale. Tout au plus
car tout entière au service de la rythmique vive, aux angles saillants son pays d’adoption, la France de pourrait-on regretter des cordes-
musique. Il suffit d’écouter sa et au tranchant typiquement Roussel (de Poulenc et de l’Hélve- sans grand rayonnement, par-delà
superbe Vallée d’Obermann pour se magyarrappelleraitlesmanièresde to-Parisien Honneger) jusqu’à l’in- uneimagesonoretrèschâtiée.Dans
faire une idée de son phrasé, Dorati, qui, on le sait, n’a pas touché vasion allemande, c’est en exil aux cette vision limpide, où chaque voix
construit à partir d’une constante à Mahler. États-UnisqueMartinucomposales se fait entendre avec clarté, on
économie de moyen. Ce même art trois concertos assez méconnus découvre des entrelacs fascinants
estaussiremarquabledansAubord proposéssurcedisque.LechefLaw- de mobilité dans le premier mouve-
d’une source avec, en prime, un rence Foster et les sœurs Nemtanu ment (8’ 22 à 8’ 42) de la Quatrième.
magnifique toucher perlé. Il y a un ont beau mettre en avant leurs Sans jamais sortir d’une certaine
engagement total dans Orage, cin- racinesroumainespourjustifierleur convention – l’Andante a même ten-
quième pièce de ces Années de collaboration sur le Concerto pour danceàtraîner–,onévoluedansune
Pèlerinages : Piemontesi créé une deux violons, ce n’est pas cet argu- voie moyenne entre les versions
masse sonore quasi orchestrale, ment mais leur musique qui nous traditionnelles et la pratique histori-
appuyée sur des basses rondes et convainc. quement informée. On aura plus de
charnues. Le son n’a rien de forcé, Plein d’une énergie sans excès, le surprisesdanslaSymphonien° 5,ne
tout comme dans la Chapelle de jeu entre les solistes comme leur serait-ce que par le choix de la mou-
Guillaume Tell où le texte est pris à dialogue avec l’orchestre met en ture de l’œuvre, qui amende cer-
bras-le-corps. valeur les deux mouvements de ces taines coupures effectuées tardive-
Encomplément,Piemontesiachoisi pages de 1950 respirant intelligem- mentparlecompositeur,etprésente
la deuxième Légende. Cette pièce, Et force est de constater que cette ment les siècles passés. Ce notamment, en prélude du choral
véritable défi pour la main gauche vision énergique, premier degré, concerto devance de deux ans la ouvrantlederniermouvement,deux
del’interprète,metenvaleurlatech- volontiers terrienne, se tient de pièce pour alto interprété ici par minutes de recitativo confié essen-
nique d’acier du musicien. L’éditeur bout en bout, même si l’on avait Magali Demesse. Les indéniables tiellement à la flûte.
ajoute sur un DVD, un portrait de perdu l’habitude d’épisodes bohé- qualités de cette dernière sont mal- Yannick Millon
l’artiste réalisé par Bruno Monsain- miens aussi descriptifs et enlevés, heureusement amoindries par une
geonpourlaRadiotélévisionSuisse., couleur locale et assumant leur retenue qui bride certains traits,
où iI évoque les excursions de Liszt collage, dans la Marche funèbre. Le nerveuxouélégiaques.QuantàMari
à travers la Suisse en compagnie de finale est en outre d’une redoutable et Momo Kodama, elles s’emparent
Marie d’Agoult, vingt ans avant la efficacité, avec un orchestre affûté avec panache du Concerto pour
compositionducycledeneufpièces et puissant, jamais seconde zone. deux pianos de 1943 en s’illustrant
desAnnées de pèlerinagesenSuisse. On ne sait comment cet te particulièrement dans les clocks de
Aurélie Moreau approche concrète, guère nourri- l’œuvre, moins dans ses clouds.
cière, vieillira, mais par sa fran- Jérôme Medelli
chise, son refus de l’embonpoint,
elle vaut de tenter l’expérience.
Yannick Millon
ORCHESTRE
García Alarcón présentent une lec-
ture pénétrante du « divinissime »
MonteverdicommelequalifiaitD’An-
VERDI
(1567-1643)
Friedrich Hegar créa
’Orchestre de la Ton-
par Blomstedt, « Résurrec-
tion » de Mahler limpide,
halle de Zurich. Pour selon David Zinman,et Cin-
nunzio. L’esthète soulignait l’impor- +++
célébrer ce cent cin- quième de Sibelius à l’élan
tance chez le compositeur du Vêpres de la Vierge
mariageentrelapoésieetlamusique Solistes,Collegium Vocale Gent, quantenaire, Sony irrésistible, donné par Esa-
dansunartvoulucommetotal.C’est dir. Philippe Herreweghe Classical propose un coffret Pekka Salonen.
danscetespritquel’enregistrement PHI LPH029 (2 CD). 2017. 1 h 27 rétrospectif (1942-2016) On n’oublie pas le XXe siècle
met l’accent sur une expressivité concentré sur les directeurs et la rare Penthésilée de
portée, à la sortie de l’âge polypho- Entendue aprè s la version musicauxetquelquesgrands Schoeck par Gerd Albrecht,
nique des premiers temps de jusqu’au-boutiste de John Butt chefs invités. À l’issue de qui complétera idéalement
Monteverdi, par la voix seule, avec (Classica n° 196), celle de Philippe l’écoute de ces quatorze CD, son fameux enregistrement
un grand souci des textes : citons en Herreweghe agit comme un baume
particulier une poignante déclama- apaisant. Réflexion approfondie
une constatation s’impose: salzbourgeois (Orfeo, 1982),
tion intime de la Lettera amorosa. aboutissant aux mêmes conclu- contrairement au grand ainsi que le Concerto pour
À travers une sélection de titres sions?SaconceptiondesVêpresn’a concurrent de la Suisse violon de Holliger, avec le
emblématiques, tels le Lamento pas fondamentalement évolué romande, le TOZ n’a jamais compositeur au pupitre.
d’Arianna et « Disprezzata regina » depuis 1986 (Harmonia Mundi) : eu une sonorité typée, aisé- Notons enfin la remar-
du Couronnement de Poppée, l’en- antienne grégorienne ajoutée à ment reconnaissable. On quable notice signée Peter
semble Cappella Mediterranea chaque psaume, élégance et délié saluera pourtant la volonté Hagmann, en rien complai-
nous transporte à Mantoue. Sans des lignes, agogique souple. Le
de ne présenter ici que
la transgression jazzy d’une Chris- Magnificat offre une mosaïque
tina Pluhar, l’Ohimè ch’io cado pleine de contrastes, de couleurs, des inédits issus des
swingue tout de même. Il manque que le geste serein et inspiré de Her- archives de la radio SRF.
toutefois, pour le Lamento de la reweghe assemble avec maestria. Forcément inégale,cette
Ninfa, l’engagement du surprenant Plus problématiques apparaissent somme n’en présente
disque Monteverdi-Piazzolla certaines sections où le manque pas moins d’excellents
(Ambronay, 2012), dans lequel le d’italianità joint à une constante documents historiques
couple argentin Flores-Alarcón était sagesse fait regretter la jubilation comme une Symphonie
chorale de Gardiner (DVD, Alpha), la
ferveurdeSavall(Aliavox),ledrama-
n°7 de Bruckner au pas
tisme d’Alarcón (Ambronay) et de decharge(59’),parVolk-
Jacobs (Harmonia Mundi) : le Dixit mar Andreaen, et une
Dominus fait du surplace, quand la QuatrièmedeSchumann
Sonata sopra Sancta Maria appelle foudroyante (mais fort mal sante, loin des textes hagio-
davantage d’accentuation des enregistrée), avec Othmar graphiques habituels, qui
rythmes. Schoeck, au milieu de reconnaît, après une Sym-
Homogène et précise, la conduite témoignages oubliables phonie fantastique de Ber-
instrumentale doit hélas composer
avec un clavecin redondant dans le (interminable Concerto de lioz « sans signature person-
Pulchra es où officient les magni- Busoni avec Eschenbach, nelle », que la volonté de
fiques Dorothee Mileds et Barbora « Nouveau Monde » triturée renouveau attendue avec la
Kabatkova. Si la basse Peter Kooij, par Maazel). nomination de Lionel Brin-
soutenu par le souffle d’un bando- déjà présente dans le précédent Le meilleur se trouve fina- guier en 2014 n’était pas née
néon. Et quitte à oser, pourquoi ne enregistrement, présente quelques lement dans les trente « sous une bonne étoile ». X
pas faire entendre, dans l’inéluc- signes de fatigue, le ténor Reinoud dernières années: Sympho- Yannick Millon
table Lamento d’Arianna, une trans- VanMechelendispenseuntrèsstylé
nie n°3 de Saint-Saëns très
mutation nietzschéenne chez la Nigra Sum où plane l’esprit de l’air
princesse abandonnée avec, pour decouràlafrançaise.Maislatension inspirée, avec Charles £ « Tonhalle Orchestra Zurich
changer, « la puissance féminine retombe dans le Laudate pueri et le Dutoit, Symphonie n°5 de Celebrating 150 Years ».
affranchie, devenue bienfaisante et Duo Seraphim, desservis par des Bruckner magnifique, par Sony Classical (14 CD).
affirmative » (Deleuze). solistes insuffisants. Bernard Haitink, et n°9 aux 1942-2016. 15h. ++++
Jérôme Medelli Jérémie Bigorie
JACQUES SERGE
OFFENBACH
(1819-1880)
PROKOFIEV
(1891-1953)
+++ ++++
Mélodies et lieder Les deux Sonates pour violon
Fanny Crouet (soprano), Mariam et piano
Sarkissian (mezzo soprano), Alexandra Conunova (violon),
Daniel Propper (piano), Michail Lifits (piano)
Julian Milkis (clarinette), Aparté AP171. 2017. 51’
Levon Arakelyan (violoncelle)
Brilliant Classics 95641. 2016. 1 h 07 La Moldave Alexandra Conunova,
née en 1988, lauréate de nombreux
WOLFGANG AMADEUS Offenbach n’est devenu le grand IGNACY JAN concours (Joachim, Tchaïkovski,
MOZART
(1756-1791)
spécialiste du spectacle lyrique
comique qu’à partir de 1855. Aupa-
ravant,ilabeaucoupcomposé,pour
PADEREWSKI
(1860-1941)
Enesco, Tibor Varga) a étudié avec
Renaud Capuçon à Lausanne. Elle
forme avec le pianiste allemand
+++ son instrument, le violoncelle, pour ++++ Michail Lifits, premier prix du
Six Quatuors dédiés à Haydn la voix aussi ; est-ce dû à la langue, Pièces pour piano seul. Concours Ferruccio Busoni à Bol-
Quatuor Auryn les trois lieder du programme Concerto pour piano zano en 2009, un duo soutenu par
Tacet 972 (3 CD). 2017. 3 h 35 semblentempreintsd’unsentiment Dang Thai Son (piano), la Fondation Borletti-Buitoni qui a
authentiquementromantiquemoins Orchestre Philharmonia, aidé à la réalisation de ce disque.
Impressionné par l’Opus 33 de présent dans les pages françaises. dir. Vladimir Ashkenazy Dans les deux sonates composées
Haydn (1781), Mozart, qui avait déjà Cetteproductionnemanquepasde The Frederyk Chopin Institute par Prokofiev à l’attention de David
seize quatuors à son actif, dédiait variété, et l’on trouve des romances NIFCCD 051. 2015 2017. 1 h 10 Oïstrakh, les interprètes font
affectueusement«aupère,àl’ami», louis-philippardes parfois un peu montre d’une belle entente et
cessixchefs-d’œuvreécritsendeux mièvres (Dors mon enfant, J’aime la Depuis son prix en 1980 au savent exploiter toutes les res-
ans avec beaucoup de peine. Fami- rêverie...), parfois plus enlevées ou ConcoursChopindeVarsovie,Dang sources d’une écriture particulière-
lier de la musique de l’aîné dont il a pittoresques (Sérénade du torero, Thai Song est resté discret. C’est ment élaborée. Sur un violon Santo
enregistré l’intégrale, le quatuor Ronde tyrolienne...) et même des lors de cette dixième édition que Serafino de 1735, la violoniste, à la
allemand Auryn les appréhende pièces comiques comme le duo Martha Argerich quitta le jury avec sonorité épanouie, joue avec une
avecsonstyleparticulier,développé Meunièreetfermière.LejeuneOffen- pertes et fracas suite à l’élimination technique accomplie ces partitions
auprèsduQuatuorAmadeuspuisdu bachpossèdeunjolisensmélodique d’Ivo Pogorelich dès le deuxième parfois périlleuses qui demandent
Quatuor Guarneri, cherchant ainsi et surtout sa musique n’est jamais tour. Dang Thai Son a à peine plus sûreté et justesse. Aussi à l’aise
le difficile équilibre entre l’homogé- quelconque. Dans sa sagesse très d’une vingtaine d’enregistrements dans la gravité et la profondeur de
néitédu son acquisechez lesuns,et « comme il faut », elle ne maque à son actif et ses apparitions la Sonate n° 1 que dans le classi-
les polyphonies transparentes, l’in- jamais de chic ni de finesse. publiques sont rares. Toutefois, ce cisme épuré de la n° 2,elle sait créer
dépendance des pupitres cultivées disque consacré au compositeur une diversité d’atmosphères suivie
par les autres. polonais Paderewski permet d’en- fidèlement mais avec autorité par
La synthèse est plutôt réussie, dans trer dans l’univers d’un artiste son comparse. Ces versions
leurs phrasés ciselés et convain- accompli dont les sonorités sont peuvent, sans frémir, se comparer
cants, le naturel du discours et sa naturellement chatoyantes. Le dis- à celles de Kremer et Argerich (DG),
limpidité,l’impressiondesoinquise cours est inspiré, et suggéré avec Repin et Berezowsky (Erato), Ehnes
dégage de toute leur interprétation. une simplicité et une sensibilité et Armstrong (Chandos), voire
Il est vrai que leurs instruments ne confondantes dans le Nocturne op. Amoyal et Chiu (Harmonia Mundi)
peuvent que les aider : un Stradiva- 16 n° 4, la Légende op. 16 et les Kra- et ne pâlissent pas face à Oïstrakh
rius ayant appartenu à Josef Joa- kowiak. Son jeu plein de couleurs et et Oborine pour la Sonate n° 1 ou
chim, deux Guarneri, un Amati, d’où de nuances ne se contente pas de Oïstrakh et Yampolski pour la n° 2
cestimbresrondsetdélicieusement plaire : il conquiert immédiatement (toutes deux chez Melodiya). Une
patinés qui exaltent Mozart. L’effet, l’auditeur. Avec grâce et élégance réussite incontestable qui aurait
trèsréussidanslaplupartdesvingt- Dang Thai Son fait preuve de sincé- mérité un complément, par
quatremouvementsetsurtoutdans Mariam Sarkissian est dotée d’un rité et d’un sens aiguisé de la exemple les Cinq Mélodies pour vio-
les andantes, n’atteint pas toujours beau timbre de mezzo chaleureux polyphonie (Légende op. 16 no 1) et lon et piano ou la Sonate pour violon
le même degré d’élégante émotion. qui donne du corps à ces morceaux on appréciera d’autant plus ce seul, car le minutage de ce disque
On aurait aimé, dans l’introduction de salon. Dommage que la diction disque que le répertoire pour piano se révèle bien chiche.
du Quatuor « Les Dissonances », un laisse à désirer. Fanny Crouet, que seul de Paderewski est très peu Michel Le Naour
peu plus de déchirement tragique, l’on avait appréciée dans un CD de enregistré. Son Concerto en la
une lecture moins sage. De même, mélodies de Delibes, incarne préci- mineur l’est davantage, mais la plu-
le premier mouvement du Quatuor sément le soprano agile et brillant part des versions sont dénuées
en ré mineur K. 421 évolue genti- idéal qu’aima et promut le Second d’intérêt car imparfaite stylistique-
ment, dans une retenue sans ten- Empire. Là encore, la diction est ment et techniquement (excepté
sion. Le Quatuor Auryn ne perdrait perfectible. Ces raretés, c’est là le celle de Nelson Goerner, pour le
rien à se montrer légèrement plus mérite de ce programme, révèlent même éditeur). La direction de Vla-
théâtral. un pan quasiment inconnu du futur dimir Ashkenazy gomme ici les
Isabelle Werck auteur de La Vie parisienne.Très joli clichés dont pourrait souffrir cette
accompagnement de David Prop- œuvre et Dang Thai Son la fait
per, tout à fait dans l’esprit. revivre avec un sens de la forme et
Jacques Bonnaure un goût extraordinaires.
Aurélie Moreau
CORDES
Évocations. Suite en fa. mélodies souvent modales. À l’op- jamais émise par un plusd’émotionqu’Ormandy.
Pour une fête de printemps posé du modernisme tapageur, il
violoncelle ? La per- Qui voudra se persuader de
Kathryn Rudge (mezzo-soprano), rejetteégalementlaformesonateet
Alessandro Fisher (ténor), fait redécouvrir par l’auditeur les fection du jeu de Leo- la virtuosité dont Rose était
François Le Roux (baryton), processus les plus simples de la nard Rose,si surveillé, capable, entendra les Varia-
CBSO Chorus, Orchestre création musicale, se situant par là si raffiné, passait tions rococo dirigées comme
philharmonique de la BBC, dans le sillage des maîtres de pourtant après la pure un ballet par Szell,merveille
dir Yan Pascal Tortelier l’époque élisabéthaine. La monu- beauté de son grand registre oubliée enfin retrouvée.
Chandos CHAN 10957. 2017. 1 h 10 mentale Symphonie n° 2 (1938) est d’alto où toutes les couleurs Côté chambre, la moisson
œuvre d’orfèvre sinon de génie, où de son célèbre Amati se est tout aussi abondante.
AprèslaSymphonien° 1etRésurrec- s’épanouitunesortedeprimitivisme
tion, le triptyque symphonique Évo- sophistiqué : Vaughan Williams et
mariaient pour composer
cations marque le premier accom- même Brahms viennent à l’esprit à cette voix éloquente mais
plissement de Roussel comme l’écoute de cet immense motet toujours contenue : savoir
compositeur symphonique. Cette orchestral, dont les tranquilles susciter la nuance piano et
ample composition, réalisée polyphonies se densifient graduel- le jeu en retrait qui créent
entre 1910 et 1912, est la transcrip- lement vers de puissants climax. d’infinies variations des
tion impressionniste d’images L’exécution radiophonique dirigée plans sonores, creusent
recueillies par le jeune officier de par le dédicataire Adrian Boult est
l’espace des dialogues avec
marine au cours de ses voyages en d’une noblesse et d’une rigueur à la
Orient. La partition, qui requiert mesure de l’œuvre. La Symphonie l’orchestre, osant dans le
dans sa troisième partie un chœur n° 4(1942),commandedeSirHenry concert symphonique une
ettroissolistes(FrançoisLeRouxs’y Wood pour ses célèbres Proms, fut dimension chambriste qui
montre étonnant dans un curieux créée sous la direction de Rubbra. invite à l’introspection. Si les albums avec le pia-
récit exotique), n’a jamais connu un Sœur jumelle de la Cinquième de L’élégance de cet archet si niste Leonid Hambro sont
succèsenrapportavecsesmérites: Vaughan Williams, sa force tran- bien éduqué relisait avec bien connus – leurs sonates
deux enregistrements seulement quille et réconfortante allume en esprit tous les grands concer- de Brahms demeurent
par Kosler (Supraphon) et par Plas- pleineguerreunegrandelueurd’es-
son (EMI). Mais aucun des deux ne poir à l’horizon, particulièrement
tosdurépertoire:sonDvorák impérissables, toujours
possédait le fini, le raffinement des intense dans la grandeur polypho- est resté légendaire, si bien fêtées outre-Atlantique,
timbres, la précision rythmique de nique brucknérienne du finale. Le accordé à l’orchestre expan- mais ignorées chez nous –,
YanPascalTortelieretdel’Orchestre commentaire radio de l’auteur par- sif d’Eugene Ormandy, le deux sonates de Beethoven
philharmonique de la BBC. La prise ticipe à ce témoignage irrempla- ton de confidence lyrique de font regretter l’absence
desonestenoutrenettementsupé- çable. On prendra garde à la numé- son Schumann, éclairé par d’une intégrale : les dialo-
rieure. Pour une fête de printemps rotation des plages : la deuxième la battue chambriste de gues avec Horszowski poé-
(1920) marque une étape nouvelle regroupe le Scherzo et le mouve- Bernstein, est unique dans tisentavec nostalgie laSonate
dansl’évolutiondeRousselversune ment lent de la Symphonie n° 2.
écriture plus concise, des sonorités Michel Fleury
la discographie, mais quelle n°3, seul écho au studio de
parfois plus sèches et des rythmes surprise de l’entendre leur collaboration. Autres
plus anguleux mais aussi vers une presque déboutonné dans merveilles, les deux ver-
grande sensualité harmonique. La le Triple Concerto de Beetho- sions de l’« Arpeggione »,
Suite en fa (1926) marque une radi- ven et plus encore dans le édéniques. X
calisation de l’esthétique vers un Double de Brahms, entraîné Jean-Charles Hofelé
néoclassicismepuissammentpulsé. par le lyrisme irrépressible
Là encore, si Tortelier tire de son
de Bruno Walter. Ses deux £ « Leonard Rose,
orchestre de belles sonorités goû-
teuses, il se montre avant tout un Schelomo, sans rien de The Complete Concerto
implacable rythmicien, analysant démonstratif, produisent and Sonata Recordings ».
avec précision les rouages de l’or- pourtant la même parole Sony Classical 8985490172
chestration. prophétique que Dimitri (14 CD). 1945-1974. CHOC
Jacques Bonnaure
ROBERT BEDRICH
SCHUMANN
(1810-1856)
SMETANA
(1824-1884)
+++++ ++++
« Es war einmal » Quatuors à cordes nos 1 et 2.
Märchenerzählungen. Trio pour piano et cordes
Fantasiestücke. Märchenbilder Quatuor Pražák,
+ Widman : Es war einmal Nathalia Milstein (piano)
Tabea Zimmermann (alto), Praga Digitals SACD PRD350151.
Jörg Widmann (clarinette), 2017. 1 h 15
Dénes Várjon (piano)
Myrios Classics MYR020. 2015-2017. LamusiquedechambredeSmetana
HENRI 1 h 10 ALEXANDRE constitue une sorte de journal
SAUGUET
(1901-1989)
Un très bon clarinettiste, une très
bonne altiste et un très bon pianiste
SCRIABINE
(1872-1915)
intime:lecompositeurécritsonTrio
avecpianosuiteaudécèsdesapetite
fille de quatre ans et il consigne la
++++ décidentdefixerleurlongueentente ++++ dernière décennie de sa vie, mar-
Les trois Quatuors à cordes musicale dans un enregistrement Les dix Sonates pour piano quée par la surdité puis la démence,
Quatuor Stanislas sur le thème des contes de fées, Anna Malikova (piano) dans ses deux quatuors.
Timpani 1C1244. 2017. 1 h 17 intitulé : « Il était une fois ». Un texte Acousence Classics OCD12214 Le Quatuor Pražák avait déjà donné
de livret substantiel sur les relations (2 CD). 2014. 2 h 14 une interprétation remarquée des
Une fois encore, le Quatuor Stanis- entre les contes et la musique, les deux quatuors (Praga Digitals,
las, fondé à Nancy voici plus de illustrations de Kay Nielsen dont le Enregistrer les dix sonates de Scria- 1999). Il y revient dans sa nouvelle
trente ans, aura bien mérité de la style Art nouveau évoque Arthur bine révèle la personnalité de son configuration,JanaVonaskovarem-
patrieendécouvrant,aprèsRopartz, Rackham : ces choix démontrent interprète,tantsontcontrastéesces plaçant Vaclav Remes au premier
Thirion, Schmitt, Cartan, Emma- une stratégie cohérente. étapessuccessivesversl’expressive violon, et une sonorité plus ample.
nuel, des raretés françaises du L’association alto, piano, clarinette, folie furieuse du compositeur qui L’alto angoissé de Josef Klusoñ
répertoire pour quatuor. Que déjà expérimentée par Mozart dans finira par brûler tous ses vaisseaux. ouvre le Quatuor n° 1 avec une inten-
connaît-on aujourd’hui de Sauguet son Trio « des Quilles », possède AnnaMalikovaproposeuneinterpré- sitédéchirante,échodumalheurqui
dans le grand public ? Au mieux son autant d’originalité que de séduc- tation sensible, délicate et tenue, frappe dans le dernier mouvement.
ballet Les Forains qui donne de lui tion.LestroisœuvresdeSchumann, sanssensationnalisme,obtenantde Le Vivace manque cependant de
uneimageunpeu«GroupedesSix», l’unepourcetrio(Märchenerzählun- bellessonoritésauxeffetsmaîtrisés. souffle. Les Pražák font preuve d’un
ce qui est très réducteur. D’ailleurs, gen), les deux autres pour clarinette Aprèslapremièrephaseromantique sens aigu de la forme dans le Qua-
au cours de sa longue carrière, il a de Scriabine, parcours obligé des tuor n° 2 dont l’écriture heurtée
beaucoup évolué. Le Quatuor n° 1 quatre premières sonates dont elle préfigure la confusion mentale du
(1927, révisé en 1941) est ouverte- se sort honorablement, cette partie compositeur.Lacouleurd’ensemble
ment néoclassique, quoiqu’il ne de l’œuvre du compositeur étant apparaît moelleuse (Allegro) et les
s’agisse en rien d’un pastiche, avec réussie mais tout de même moins voixintérieuresdialoguentavecflui-
quelques influences sagement attractive que les furies suivantes dité(Allegrononpiù moderato),mais
romantiques ou académiques. que sont les Sonates n° 5 à 10. lePrestofinalserévèlefrileux.LeTrio
Le Quatuor n° 2 (1948), qu’avait Anna Malikova aborde ce pan volca- engageuneconversationpoignante
enregistréjadisleQuatuorParrenin, nique sans perdre cette approche entre le violon et le violoncelle, au
est plus personnel, ouvertement calme et mesurée, ce qui surprend vibrato serré, rejoints par le piano
autobiographique et expressif quelque peu compte tenu de la rup- feutré de Nathalia Milstein, dont
puisqu’ils’agitd’unedéplorationsur ture avec la forme sonate que pose l’authenticité du discours (finale)
la mort sa mère. Le Lento molto le compositeur. Néanmoins cette illumine cette lecture.
espressivo est particulièrement attitude contenue fonctionne par Cet album ne sacrifie pas l’expressi-
émouvant et réussi, et abandonne et piano (Fantasiestücke), ou pour son rendu sonore plus chaleureux vité mais on attend plus de crudité
le style néoclassique au profit d’une alto et piano (Märchenbilder) sont que l’enregistrement de l’intégrale dans un répertoire si tourmenté.
écriture très expressive et plus per- interprétées avec grâce, finesse, de Vladimir Ashkenazy (Decca), Cette version ne fait pas oublier
sonnelle (mais à l’époque, une telle aplomb quand il le faut ; les trois gâchée par une prise de son métal- l’énergiehaletanteduQuatuorPavel
démarche commençait à devenir musiciens s’identifient à l’émotivité lique. Si on se focalise sur les trois Haas dans les deux quatuors
inactuellejusqu’àlaprovocation).Le de Schumann, à la fièvre que lui ins- sonates symptomatiques de Scria- (Supraphon, 2015) ni le premier
Quatuor n° 3 (1978), dédié à la pire sa culture littéraire si intensé- bine, la Cinquième, point de départ enregistrement des Pražák.
mémoire de son compagnon, le ment vécue. verslesenvolsetrupturessidérants, Fabienne Bouvet
peintre Jacques Dupont, est égale- L’œuvre de Jörg Widmann répartit la Neuvième, démoniaque « Messe
ment un chant funèbre. Les trois en cinq volets ses impressions sur noire », la Dixième lumineuse et
mouvements adoptent des sché- les contes, dans un style atonal libre rédemptrice, évidemment il faudra
mas complexes, et une harmonie oùaffleureparfoisunboutdethème réécouter Horowitz qui les a
parfois plus tendue que jamais. Une chantantetpopulaire.Commedans préemptéespourlongtempsencore
œuvresaisissante,inquièteetpassi beaucoup de pièces actuelles, la (Sony), par son énergie rayonnante,
facile. Les Stanislas, une formation recherche porte sur les sonorités son art de la syncope. Malgré ce
très homogène, ont effectué un curieuses, mystérieuses, et sur des manque de folie, d’inquiétude et
beau travail sur l’expressivité dis- effets qui ne dépareraient pas des d’une once de transe nécessaire à
crèteetlesimpondérablesdusonet scènesdefilms.Lalignegénéralese cette musique, Anna Malikova par-
de l’harmonie. départit rarement d’une certaine vient à imposer sa vision d’un Scria-
Jacques Bonnaure douceur. bine réconcilié.
Isabelle Werck Romaric Gergorin
PIANO
réhabilitation. Cette partition Dmitri Hvorostovsky (baryton),
Backhaus (1884- emmenée, la « Waldstein »,
mineure, qui regarde sans cesse Style of Five, Orchestre d’État
vers Mendelssohn, d’un jeune com- de Saint-Pétersbourg, 1969) conduisit sa fabuleuse de sfumato et
positeur surdoué de dix-neuf ans, dir. Constantine Orbelian révolution chez Cho- d’éclats, peinte dans une
gagne ses lettres de noblesse, Delos DE1631. 2017. 36’ pin, enregistrant la profusion de couleurs, et
notamment dans son Andante cen- première intégrale la « Hammerklavier », scul-
tral,déjàpluspersonneletrarement OnretrouvedansRussiaCastAdrive, des Études, délestées de tout ptée mais pourtant ailée.
aussi bien défendu. Malheureuse- présenté dans un arrangement iné- romantisme, Beethoven Elle déploie dans son Ada-
ment, le cœur du disque, Don Qui- dit pour orchestre d’Evgeny Stet- recueillera l’apogée de son gio un cantabile où les
chotte, n’est clairement pas son syuk, tout le lustre du timbre de
sommet, desservi par une concep- Hvorostovsky récemment disparu,
art. Deux intégrales des nuances dolce dorent litté-
tion trop sérieuse tant de la soliste, sa ligne vocale extraordinaire sonates, la seconde restée ralement la fluidité d’un
expressiveetpleinedestylemaisen capable de maîtriser les orages inachevée, ont ainsi docu- cosmos de notes. Pour cette
manquechroniquedefantaisie,que orchestrauxettransmettredessen- menté sa façon singulière soirée magique, l’album est
de l’orchestre (avec ses cordes tout timents puissants par la morsure d’éclairer les textes:
sauf enveloppantes), scrupuleux et incisive de sa diction. Sur des ce clavier si lumi-
volontiers rêche. Nulle émulation à poèmes d’Essenine célébrant une neux se doublait au
attendre non plus avec la battue Russie immémoriale, Sviridov
disque d’une objec-
raide(LeDuel)etsanssouffle(Intro- construit un cycle de mélodies poi-
duction) de Julien Masmondet, pri- gnant, créant un courant d’une pro- tiv ité assumée,
vée des lignes de fuite, des fulgu- fonde spiritualité, célébrant le folk- mieux,revendiquée,
rancesnécessairesdanscetunivers lorerusse,bienserviparl’ensemble qui tournait le dos
coloré. La volonté de bien faire ne Style of Five qui utilise des instru- à la poésie de Wil-
s’autorise aucun écart d’humeur, mentstraditionnels.Lalongueurdu helm Kempff ou
aucune ruade (la Bataille contre les souffle, l’ampleur vocale de Dmitri aux introspections
moutons, très collet monté) et fera Hvorostovskyseretrouventdanscet de Claudio Arrau.
réécouter d’urgence Rudolf Kempe enregistrement qui fait se succéder
et surtout Clemens Krauss pour des perles poétiques d’une facture
Lors du récital du
l’ironie. Quant à Morgen avec la assez classique, mais sublimés par 12 décembre 1953
mezzo Béatrice Uria Monzon, pré- une concision, une efficacité au ser- au château de Lud-
senté dans un arrangement pour vice de la voix. wigsbourg,leclaviers’envole, impérissable. S’y ajoutent
violoncelleetpiano,disonspudique- On peut préférer la version originale et les rythmes dansent, un « Empereur » très tenu
ment qu’il ne vaut mieux pas trop de Russia Cast Adrift pour piano qui emportés par des tempos (direction posée de Keil-
avoir Elisabeth Schwarzkopf ou déploie une fragile ambiguïté, avec au bord de la rupture, rap- berth) et un Concerto n° 2
Diana Damrau dans l’oreille au le baryton russe alors au sommet pelant quel virtuose trans- de Brahms ombrageux,
moment de l’écouter. (Philips,1996).Onnepeutaussique
Yannick Millon constater que son legato est moins cendant Backhaus fut tou- magnifique de puissance
cohérent qu’à la grande époque. jours. Il jouait vite, par pur sonore contrôlée, aux phra-
Néanmoinscederniertourdechant plaisir, mais aussi parce que sés éloquents, aux rythmes
impressionne par l’implication, le la syntaxe audacieuse de impérieux. Mais c’est au
dévouement émouvant d’Hvoros- Beethoven se forme plei- récital que vous reviendrez
tovskyquiréussitàtransmettreune nement en cette urgence. encore et encore. X
ultime fois sa voix soyeuse qui Programme parfait, quasi Jean-Charles Hofelé
tourne au granitique dans les pics
didactique, proposant en
narratifs des poèmes d’Essenine,
rendant le monde plus vaste. trois sonates un voyage £ « Wilhelm Backhaus spielt
Romaric Gergorin dans les âges du piano bee- Beethoven, Brahms ». SWR
thovénien : la n°3 est déjà Classic SWR19057CD (3 CD)
une vraie symphonie avec 1953-1962. 2 h 49. CHOC
HENRI ROBERT
VIEUXTEMPS
(1820-1881)
DE VISÉE
(v. 1650-1665 – après 1732)
++++ +++++
L’œuvre pour alto et piano Suites pour théorbe.
Christian Euler (alto), Suites pour guitare
Paul Rivinius (piano) Xavier Díaz-Latorre (théorbe,
MDG 903 2063 6. 2017. 1 h 06 guitare baroque)
Passacaille 1038. 2016. 1 h 10
On connaît Henri Vieuxtemps, une
des personnalités les plus mar- Au théorbe et à la guitare baroque,
quantes de l’école de violon fran- Xavier Díaz-Latorre ouvre une
ERKKI-SVEN co-belge, par ses concertos. Sa HEITOR double porte d’entrée vers l’univers
APOLLON
++++
Poème élégiaque pour violon
et piano. Extase. Caprice
ET SATURNE
d’après Saint-Saëns
+ Fauré : Sonate pour violon n° 1
Saténik Khourdoïan (violon),
Alexander Gurning (piano)
Fuga libera FUG747. 2017. 55’ Deux sacrées anthologies, l’une d’Emil
CARL MARIA VON
Gilels, flamboyant, l’autre de Sviatoslav
WEBER
(1786-1826)
Lesviolonistesvirtuosesproduisent
souvent de la musique virtuose. Tel
n’estpaslecasd’EugèneYsaÿe:ses Richter, plus austère.
++++ compositions sont certes très diffi-
Quintette avec clarinette. ciles mais d’une difficulté qui exaltent dans les poly-
Grand duo concertant n’éblouit pas, sauf quand il se fonde
pour clarinette et piano. sur un texte d’une éblouissante vir-
phonies une démesure
Variations op. 33 tuosité joyeuse comme l’Étude en saisissante – son Humo-
Roeland Hendrikx (clarinette), forme de valse de Saint-Saëns. reske, sa sélection des
Liebrecht Vanbeckervoort Sa musique ne ressemble à rien de Fantasiestücke op. 12, son
(piano), Ensemble Hendrikx connu dans son entourage et on ne Concerto avec Rowicki
Etcetera KTC 1588. 2017. 1 h 09 peut pas vraiment le rattacher à restent au sommet de
l’école postfranckiste : ce qu’il écrit sa discographie –, ses
Nousprésentionsendécembre 2017 est parfois très avancé et d’une har- Brahms sans abandons,
dans ces colonnes la version de monie audacieuse pour un homme
Raphaël Sévère et Frédéric Neubur- de sa génération. Sa musique est
tenus, avares de lyrisme,
ger du Concerto n° 1, du Grand duo marquée par le post-romantisme sinon de couleurs,m’ont
et des Variations op. 33. À ces deux mais il pousse très loin les consé- toujours laissé au bord
derniers, Roeland Hendrikx, clari- quences de ce souci d’expressivité, L’album Gilels – pre- du chemin d’autant qu’ici,
PIANO
UN CORNETTO
RÉCITALS TITRES
A ROMA SOLO
+++++
+++++ Œuvres de Telemann,
Œuvres de Festa, Soriano, Takemitsu, Karg-Elert, Womann,
Frescobaldi, Pasquini, des Prez, Helps, Honegger, Pintscher,
Palestrina, Magini et Rognoni Ferroud, Nielsen, Berio, Pärt,
Alice Foccroulle, Griet de Geyter Varèse et Marais
(soprano), Guy Hanssen, Adam Emmanuel Pahud (flûte)
Woolf, Charlotte van Passan, Warner 0190295701758 (2 CD). 2017.
Bart Vroomen (sacqueboute), 2 h 26
Marleen Leicher (cornet),
Sebastien Proisy (cornet d’écho), Fidèle à sa quête musicale et à la
Bernard Foccroulle (orgue), V FOR nécessité d’offrir une vision renou-
MOTHER-
Lambert Colson (cornet et dir.)
Passacaille 1033. 2017. 53’ VALSE
++++
velée du répertoire, Emmanuel
Pahud ne pouvait offrir une énième
anthologie chronologique rassem-
LAND
+++
C’est avec une science et une musi-
calité inégalables que l’organiste
Bernard Foccroulle et le cornettiste
Œuvres de Liszt, Schumann,
Tchaïkovski, Scriabine,
Rosenthal et Ravel
blant les titres attendus. On ne trou-
vera ni Syrinx de Debussy ni les
pages de Johann Sebastian et Carl
Œuvres de Walton, Dvorák, Lambert Colson nous plongent Vassilis Varvaresos (piano) Philipp Emanuel Bach, qu’il a d’ail-
Bartók et Shor dans les fastes musicaux des Aparté AP172. 2017. 1h09 leurs déjà enregistrés.
David Aaron Carpenter (alto), débuts de la Rome moderne. La Sortir des sentiers battus imposait
Orchestre philharmonique de tradition de la musique vocale a Ce disque présente la valse dans une mise en perspective. Associer
Londres, dir. Vladimir Jurowski, cappella, si emblématique de la toussesétats.Leprogrammeséduit untitreenvironàchacunedesdouze
Kazushi Ono et David Parry cour papale, a longtemps été au d’emblée car le pianiste grec n’a pas célèbres Fantaisies pour flûte seule
Warner Classics 10190295697693 cœur des recherches musicolo- choisi la facilité en puisant dans le de Telemann est justifié. D’une part,
(2 CD). 2018. 2 h 35 giques au point d’éclipser la corpus des Valses de Chopin, préfé- celles-cisontnombreuses,diverses
richesse de la littérature instru- rant présenter des pages qui et empruntent à différents styles,
LesœuvresréuniesparDavidAaron mentale. Cet enregistrement s’éloignent des danses de salon de d’autre part le soliste a su trouver sa
Carpenter sur ce double album répare cette injustice. Grandeur et l’époque. De Liszt à Ravel, elles sont voie, comme nous l’avons déjà écrit
évoquentl’exil.Leurintérêtmusical, majesté saisissent l’auditeur dès le classéesdansunordreparfaitement dans ces colonnes, en nourrissant
variable, ne saurait faire oublier les Contrapunto 93 de Costanzo Festa. chronologique. Varvaresos fait son interprétation sur instrument
qualités d’interprétation du Elles ne seront démenties à aucun preuve d’une vélocité et d’une duc- moderne des apports baroques.
Concerto pour alto de Bartók et de moment. Le mélange subtil des tilitéàtouteépreuve.Telunguerrier,
celui, trop rare, de William Walton voix, des cuivres et de l’orgue révèle il est paré à surmonter tous les obs-
(1929), emporté par la direction les pages de Soriano, Pagini et Bor- tacles et fait montre d’une aisance
vitaminée de Vladimir Jurowski. Si boni dans toute leur complexité manifeste dans la redoutable
la plénitude et la chaleur du son de contrapuntique et harmonique. Méphisto-Valse n° 1 de Liszt.
Carpenter ne remplacent pas l’art L’extraordinaire palette de jeu de Varvaresos convainc par la hauteur
de Yuri Bashmet, elles donnent de Colson, tantôt batailleur dans la de vue avec laquelle il appréhende
nouvellescouleursàuneœuvreque, Canzon detta la Bernardinia de Fres- ce répertoire souvent considéré
depuis la version historique de cobaldi, tantôt mélancolique dans comme léger, voire frivole. Les
Riddle (1937), nous entendons sou- le Pulchra es amica de Palestrina, contrepoints s’imbriquent naturel-
vent par des violonistes passant à toujours extrêmement chantant et lementlesunsdanslesautres(Inter-
l’alto tels Menuhin, Kennedy ou presque signifiant, fait de chacune mezzo du Carnaval de Vienne de
Ehnes (voir Classica n° 203). Le de ces miniatures un véritable Schumann).Enrevanche,onappré-
Concerto de Bartók est, lui aussi drame. Les musiciens, démontrant ciemoinslamaingauchesautillante
prenant, marqué par un souci à la fois une parfaite maîtrise de leur danslaValsesentimentaleop.51n°6 La mise en perspective n’est cepen-
constant du beau son ; mais l’assu- instrument et une profonde de Tchaïkovski, où le discours perd dant pas nouvelle. Après quelques
rance de l’interprète nous dérobe le connaissance des traités, insufflent de l’intensité et les saveurs harmo- parutions partielles, Musiques
mystère de ce bijou. Pour le décou- à cet hymne au cornet une vitalité niques sont reléguées au second suisses avait publié en 2001 un
vrir, on préférera les gravures de grisante. Ce disque a assurément plan. Ce défaut se révèle également double CD («Fantasia Telemania»)
Primrose (1951), Bashmet (DG, un goût de « reviens-y ». dans une œuvre aux larges dimen- associant les Fantaisies à des solos
2008) ou Nobuko Imai (Pan Clas- Aurore Leger sions comme La Valse de Ravel. La de compositeurs suisses, dans
sics, 2008). Il est moins nécessaire vision d’ensemble est excellente, la lequel Felix Renggli imposait une
de s’attarder sur la transcription du technique, forgée à la Juilliard version raffinée de référence. Aux
Concerto pourvioloncelle deDvorák School,àNewYork,époustouflante, classiques d’hier et de notre temps
aux frustrants changements d’oc- maislapalettedecouleursdemeure magistralement interprétés, le pré-
taves : l’altiste s’y montre plus tout de même restreinte. Vassilis sent CD associe des titres rares de
démonstratif qu’expressif et Ono Varvaresos compense alors en Jörg Womann, Robert Helps et Mat-
dirige sans beaucoup de nuances. jouant davantagesurlescontrastes. thias Pintscher dans lesquels s’af-
Enfin,Carpenterpersisteàpromou- Aurélie Moreau firme toute la force de conviction
voir la musique d’Alexeï Shor, né en d’Emmanuel Pahud, en particulier
1970,quiressembleavanttoutàune dans la pièce on ne peut plus vir-
bande originale n’ayant jamais tuose du dernier. Une réussite.
trouvé son film. Pascal Gresset
Jean-François Medelli
POUR LA BANDE-SON
El Cant dels Ocells
Nuria Rial (soprano), Huit
violoncelles de l’Orchestre
Gros plan sur la B.O. de la saison 3 de symphonique de Bâle
Sony Classical 88883754452.
Twin Peaks concoctée par David Lynch. 2017. 55’
ique, présente au Trouble et la violence sourde Dès que celle-ci entame la cantilène très proche s’équilibrent au mieux
cours des trois sai- de « She’s Gone Away » par de la fameuse Bachianas Brasileiras estseprêtentparfoisàunjeuintime
ons de la série Twin Nine Inch Nails, l’un de ces n° 5 de Villa-Lobos, un charme puis- d’imitations, comme c’est le cas
Peaks, possède un titres poisseux et électriques sant opère : la longueur du souffle, dans The woods so wild de William
double dans la saison 3:c’est dont le réalisateur a le secret. le legato quasi miraculeux, la pureté Byrd. Cet équilibre est renforcé par
le Bang Bang Bar sur lequel Au cours de ce voyage sen- du timbre où perce une pointe de laqualitédesarrangementsquiétof-
nostalgie, tout concourt à amplifier fent la richesse du contrepoint et de
s’imprime le générique de soriel entre bien et mal,
le pouvoir délicieusement entêtant la texture de l’ensemble. L’alter-
fin. Boîte noire isolée dans Lynchprendsoind’agrandir decettemusique.Lamêmeaisance nance de pièces de la Renaissance
l’espace-temps,dont le néon sa palette sensorielle avec vocale souveraine se retrouve dans et du début de l’ère baroque avec
s’inscrit en rouge et qui des musiques extatiques, tel lepoignantVocalIce(2017)ducom- des compositions du groupe Led
n’apparaît qu’à la nuit cetexceptionnel« NoStars » positeur catalan Bernat Vivancos Zeppelin, pétries de folklore britan-
comme les vampires. C’est par Rebekah Del Rio, blues (né en 1973), qui s’est inspiré de la nique, relie ces musiques distantes
là que se produisent la plu- stratosphérique extrait de PietàdeMichel-Angepource«chant dans le temps mais issues d’une
part des artistes qui figurent son album solo All My Life, d’amour et de consolation » sans même ère géographique.
paroles, où soprano et violoncelles Elles s’apparentent par leur carac-
sur cette bande-son miton- le « Viva Las Vegas » d’Elvis s’unissent dans une atmosphère à tère modal, parfois populaire (O’Ca-
née par David Lynch. dans la reprise de Shawn lafoiscontemplativeetvoluptueuse. rolan’s dream), par la présence de
Atmosphère lancinante et Colvin ou « The World Dernière réussite éclatante de cet grounds (basses obstinées souvent
mystérieuse jusqu’au non- Spins » signé par Lynch/ album : El Cant dels Ocells (Le Chant descendantes),debourdonsetd’os-
sens d’un monde parallèle, Badalamenti pour Julee desoiseaux),airtraditionnelcatalan tinatos (Twenty ways upon the bells
totalement ésotérique. Cruise,égérie du réalisateur. devenuaufildesannéessymbolede de Thomas Robinson). La fraîcheur,
Après le générique, signé Hormis des classiques de paixetauquelVivancosconfèreune ledynamismeetlavirtuositéd’inter-
Angelo Badalamenti,Lynch Booker T. & The MG’s, grandeur tragique insoupçonnée. prétation des pièces élisabéthaines
Louis Bilodeau répondent à merveille à l’atmos-
enchaîne avec « Shadow », d’Otis Redding ou des Plat- phèreentêtantedecellesdugroupe
chanté d’une voix éthérée ters,cetteB.O.inclutd’autres derock.Seuldéfautconcernantces
par Ruth Radelet du groupe surprises, comme ce « Just dernières : l’instrumentarium ne
électro de Portland Chro- You » par James Marshall, permet pas de restituer la richesse
matics.Rythme nonchalant, sous le cuir de James Hurley, de la sonorisation et de l’électrifica-
nuages de synthé et mélodie beau gosse à moto et éternel tion de Led Zeppelin, malgré un
minimale se prolongent Wanderer de Twin Peaks. X travail louable d’adaptation des
techniquespropresàlaguitareélec-
dans la country revisitée des Franck Mallet
trique (bend, glissando…).
Cactus Blossoms, guitares à £ « Twin Peaks – Music Laurent Lellouch
la Shadows et voix légères. from the Limited Event
Plus obscur, le hip-hop de Series ». Rhino 081227933982
Blunted Beatz est, avec (Warner). 1 h 19. CHOC
CARLO
+++++
tervalles » chez Lazkano. La meil-
leure attitude consiste simplement
à se laisser séduire par ces trois
+++++
Œuvres de Renié, Caplet, Leone,
Hindemith, Salzédo et Debussy
romantisme germano-scandinave
de Niels Gade au modernisme ins-
piré de Line Tjørnhøj, compositrice
Srnka : Move 03. magnifiques partitions : on flottera Emmanuel Ceysson (harpe), danoise née en 1960, avec Vox
Filidei : Sull’essere angeli. sur « la mouvance orchestrale » de Quatuor Voce Reportage composé en 2014-2016.
Lazkano : Hondar Move03avant de planer, par le biais Aparté AP179. 2017. 1h12 Ilsintègrentégalementl’apportd’un
Mario Caroli (flûte), Orchestre d’un spectaculaire crescendo, Carl Nielsen ébloui par la redécou-
philharmonique de Monte-Carlo, dans les espaces inconnus de Trop souvent considérée comme verte de la musique de Palestrina,
dir. Pierre-André Valade Sull’essere angeli où la flûte de l’instrument aux ruissellements qu’il renouvelle à sa manière singu-
Printemps des Arts de Monte-Carlo Mario Caroli dessine ses mélodieux et élégants, la harpe que lièredanslesTroisMotetscomposés
PRI023. 2017. 1 h 01 arabesques vacillantes, puis on dévoile Emmanuel Ceysson révèle vers la fin de sa vie en 1929.
sondera les interactions subtiles sa face obscure et fantastique. Dès Peu connu mais souvent passion-
qui lient et délient la matière en 1909, André Caplet en avait perçu nant, Vagn Holmboe (1909-1996),
fusion d’Hondar. de nouvelles possibilités sonores, maillon incontournable reliant Carl
L’univers sonore de George Crumb, associées au quatuor à cordes avec Nielsen à Per Nørgård, s’affranchit
véritable « cosmologie moderne du une œuvre fulgurante, le Conte fan- sansviolencemaisindubitablement
piano », n’appartient qu’à lui. Le tastique d’après Le Masque de la du passé au profit d’une maîtrise
compositeur demande à l’inter- mortrouged’EdgarA.Poe.Troisans néoclassique dans Two Border Bal-
prète de parler, chuchoter, frotter plus tard, Henriette Renié s’inspirait lads pour chœur mixte (1972). Son
les cordes avec des verres ou de du Cœur révélateur (encore Poe) esthétique contraste fortement
siffler debout une passacaille pen- poursaBalladefantastique,ausujet avecladélicatessedeWilhelmSten-
dant que les doigts farfouillent particulièrement gore. À peu près à hammar, admirateur de Brahms,
dans le ventre béant de l’instru- la même époque, Carlos Salzédo NielsenetSibeliusdansTreKörvisor
ment. Autant de sollicitations hors composait sa Ballade dans laquelle, (TroisChantschorals,1890)dontles
des sentiers battus qu’accomplit dépassantlescodestraditionnelsde célèbres September et I Seraillet
avec un instinct déconcertant Sté- la harpe impressionniste, il envisa- Have (Dans le jardin du sérail) ont
GEORGE phanos Thomopoulos. Dans ce qui geait de nouvelles sonorités. enchanté des générations de chan-
CRUMB
(né en 1929)
constitue désormais - au même
titre que les Études de Ligeti- un
classique du XXe siècle, son inter-
LesdeuxDanses,avecaccompagne-
ment d’orchestre ou de quatuor,
composées par Debussy pour pro-
teursetd’auditeurs dans leur Suède
natale.
MOSCOU
+++
pressent une respiration commune
entre les deux interprètes. Le grand
piano profond de Lise de La Salle
LIED
++++
Zecchini se consacre à une vaste
anthologie de la littérature pianis-
tique pour la main gauche. Bien
Œuvres de Fauré, Saint- magnifie l’œuvre (après tout, Rach- Œuvres de Holliger, Sciarrino, qu’étant lui-même valide de ses
Saëns, Massenet, Stravinsky, maninov était d’abord pianiste!) et Lachenmann, Kurtág, deuxmains,ilesteneffetfascinépar
Prokofiev, Rimsky-Korsakov Christian-Pierre La Marca joue avec Rihm et Lang ce répertoire singulier qui a inspiré
et Rachmaninov une ardeur éperdue, une tension et Sarah Maria Sun (soprano), les plus grands : on pense bien sûr à
Christian-Pierre La Marca une chaleur qui font de chaque ins- Jan Philip Schulze (piano) Ravel, mais ses trouvailles
(violoncelle), Lise de La Salle tant un moment urgent. Avec d’ail- Mode Records 297. 2016. 1 h 05 remontentàBach.Zecchiniadécidé
(piano), Camille Bertault (voix) leurs bien de la variété dans le ton et deconsacrerleseptièmevolumede
Sony Classical 190758099622. 2017. bien de l’imagination sonore. Aux Ancien membre des Neue Vokalso- la série à des œuvres contempo-
1 h 14 côtés d’autres excellentes versions listen Stuttgart, Sarah Maria Sun a raines,presquetoutesdemusiciens
assezrécentes,ChaushianetSubdin étéàbonneécolepourinterpréterle français, exception faite de Snow on
(Bis), Isserlis et Hough (Hyperion), répertoire vocal contemporain the Seashore (Neige sur le bord de la
CapuçonetMontero(Erato),ontient même s’il semble difficile de parler mer) du Japonais Kohei Kondo.
là une belle interprétation. Le pro- de répertoire et d’école tant les D’emblée, on est fasciné par la vir-
gramme s’achève sur une étrange œuvreschoisiesreflètentdesesthé- tuosité de cette fameuse main
improvisations autour du Vol du tiquesvariées.Holligerseconfronte,
bourdon de Rimski-Korsakov , avec àdix-septans,auxpoèmesdeChris-
vocalises intégrées. Cette version tian Morgenstern, et marche dans
aussi fun que virtuose ne s’imposait lespasdeBerg.Sciarrinoenrobeles
peut-êtrepasmaisseravraisembla- trilles coloratures des diaprures
blement très appréciée. scintillantes du piano dans ses Due
Gautier Capuçon a lui aussi princi- Melodie.Kurtágrevientàlapoétesse
palementchoisidespiècesdegenre russe Rimma Dalos dans son
mais moins uniformément dans le Requiempodrugu,nonsansrenouer
style MusicforRelaxation. On y trou- avec la concision d’un Hugo Wolf à
INTUITION
+++
veraquelquessuavités,interprétées
avec la sentimentalité voulue et
même un peu plus, comme la Médi-
qui un hommage est explicitement
rendu. Plus encrées dans la tradi-
tion, les Ophelia Sings de Rihm
Œuvres de Massenet, Ducros, tation de Thaïs, Le Cygne, Salut demandent la contribution du pia-
Saint-Saëns, Sollima, Dvorák, d’amour ou Après un rêve, qui siéent niste dans la restitution du texte. gauche qui donne l’illusion d’avoir
Elgar, Popper, Paganini, à sa sonorité discrètement Jan Philip Schulze est un musicien dix doigts, se déplace à une allure
Tchaïkovski, Rachmaninov, ombreuse et mystérieuse, mais accompli,avecuntouchercaméléon vertigineuse de l’extrême grave à
Joplin, Fauré et Piazzolla aussi des pages de haute voltige qui s’adapte à toutes les exigences. l’extrême aigu, multiplie les plans
Gautier Capuçon (violoncelle), commelaDansedeselfesdePopper, Lachenmannn’enestpasavaredans sonores et enchaîne avec aisance
Jérôme Ducros (piano), l’étonnant Encore de Jérôme son Golt Lost, pièce-maîtresse du des traits périlleux. Notons en parti-
Orchestre de chambre de Paris, Ducros, aussi brillant accompagna- programme où la table d’harmonie culierletourdeforcequereprésente
dir. Douglas Boyd teur que compositeur, et un mor- et les cordes manipulées à même le l’exécution de la Fugue à quatre voix
Erato 190295883059 (+ 1 DVD). 2017. ceau de plus ample dimension et corps de l’instrument sont autant (déjà une prouesse d’écriture) de
1 h 21 assez sophistiqué, Violoncelles sollicitéesqueleclavier.SarahMaria RichardDubugnon.Maisau-delàdes
vibrez de Giovanni Sollima. Plus Sun impressionne par son investis- particularités techniques de ce
Le programme de Christian-Pierre quelques excursions extra-euro- sement de tous les instants : sa répertoire, c’est un véritable pano-
LaMarcaetLisedelaSalleestassez péennes avec un rag de Joplin et le décomposition des phonèmes rama de l’école française que nous
curieusement composé. Il mêle des Grand Tango de Piazzolla, qui plaît comme son articulation des diph- donne à voir Zecchini : de Bruno
pages célèbres, belles mélopées toujours.Petithommage aupèrede tongues ne sont pas sans rappeler Mantovani à Nicolas Bacri, divers
parfoisagilesunbrincomplaisantes tous les violoncellistes, Gautier l’art de Cathy Barberian, même si le styles sont convoqués, mais on
de Fauré, Saint-Saëns et Massenet, Capuçon joue El Cant dels ocells (Le timbre la rapproche davantage de reste néanmoins frappé par l’unité
dont deux transcriptions d’airs Chant des oiseaux) , vieille chanson Barbara Hannigan. Ce récital de de l’ensemble.
d’opéras (« Mon cœur s’ouvre à ta catalane par laquelle Pablo Casals liederhorsdessentiersbattusoffre, Sarah Léon
voix » de Samson et Dalila et « Pour- terminait souvent ses concerts. Un pour reprendre la belle expression
quoi me réveiller » de Werther) ainsi « Bonus DVD » montre quelques d’Antoine Goléa sur la Cantate pour
que d’intéressants petits morceaux clipsdenotrevioloncellistedansses elle d’Ivo Malec, « un microcosme
comme la Chanson russe de Mavra œuvres. Un bonrécitaltouspublics. d’humanité ».
ou la célèbreMarchedeL’Amour des Jacques Bonnaure Jérémie Bigorie
DIRECTION
mélodie ibérique, comme jadis son
illustre compatriote Nan Merriman,
Dorabella irrésistible et interprète
TIQUES
+++++
vrant le jeune Guido
Cantelli (1920-1956)
kian conduisant l’irrépres-
sible prestissimo de la coda
n’eutdecessedelefaire si loin qu’il manque de faire
fulgurante des Canciones de Falla. Œuvres de Rachmaninov, signer pour His Mas- perdre leurs archets aux
Son timbre est plus lisse, les mots y Tchaïkovski, Prokofiev,
er’s Voice, se recon- violoncelles.
glissent un rien, justement dans les Gershwin, Bernstein et Jackson
Falla qui manquent de duende, plus Gershwin Piano Quartet naissant danscetterecherche On retrouve cette ivresse
lumineuxquesombres,plusAlham- Sony Classical 19075801432. 2017. de la perfection. Il lui offrit dès le grand choral qui
bra qu’Albaicin, affaire de timbre 1 h 18 l’orchestre Philharmonia, ouvre la Symphonie n° 1 de
mas pas seulement : cette voix est le meilleur de Londres, Brahms, menée vif comme
si belle, si équilibrée dans ses Réunion de pianistes de hauts vols, qu’Herbert von Karajan le faisait Toscanini, et d’ail-
registres, une fêlure ne saurait y le Gershwin Piano Quartet présente avait modelé à son image. leurs avec les mêmes clartés
paraître. Mais l’humour désinvolte, un enthousiasmant programme Cantelli enregistrera alors
un peu créole, de deux des Cinq d’arrangementspourquatrepianos
Chansons nègres la déboutonne, et de leur cru. Rêveuse et évocatrices,
quelques albums impéris-
c’est merveille alors. uneVocalisedeRachmaninov,suivie sables, fruits d’un travail de
Moins dans les Garcia Lorca, qui d’une Tarentelle du même composi- studio acharné où il défaisait
n’ont pas les subtilités entre fau- teurvenuedesaSuiten° 2,sontdeux méticuleusement lelegatode
bourg et campagne qu’y mettait piècesvertigineusesdevirtuositéet son aîné. La variété et la net-
avec génie Victoria de Los Angeles degénérositémélodique,d’unepro- teté des attaques, le tran-
oùletonrésolumentpopulaired’une fondeur mélancolique toujours en chant des accents ont rendu
Teresa Berganza les stylisant avec mouvement, parfaitement arran-
ces disques d’autant plus
la guitare de Narcisso Yepes : en gées par Benjamin Engeli. Pour le
comparaisonlestimbresdel’instru- Casse-Noisette de Tchaïkovski, précieux que les concerts où
ment joué par Sharon Isbin, volup- chaque pianiste adapte une section s’éprouvaient leurs recher-
tueux, ne portent pas assez la dic- decejoyaupostromantique,faisant ches furent rarement captés opalescentes, les mêmes
tion de la chanteuse. Et comme son ressortir le son du collectif, fait de et sauvegardés. tensions qui exposent une
français est pâle dans Aranjuez, ma ludisme et vivacité, signe d’une La publication de la soirée architecture parfaite, clas-
pensée,bijouxparmilesmélodiesde osmose entre les pianistes pour du 11 mai 1953 au Royal sique par la rigueur, la net-
Rodrigo dont les ornements moza- créer une matière vivante, claire et Albert Hall (Cantelli gravera teté, l’épure. Cantelli choi-
rabes sont seulement esquissés. ondoyante.
Pourtant l’album s’écoute avec plai- L’adaptation du Lieutenant Kijé de
les deux symphonies quel- sit dans le finale les ajouts
sir, les charmes des œuvres, l’élé- Prokofiev par Mischa Cheung quesjoursplustardauKings- de timbale que s’y autori-
gance de la voix faisant tout, sans pousse cette pièce inspirée de la way Hall) surprendra par sa sait son mentor, contre
pourautantéchapperauxsouvenirs nouvelleéponymedeIouriTynianov furia générale. L’ouverture la tenace légende qui aurait
d’une discographie aussi mesurée vers un minimalisme scintillant, deSémiramide,dontCantelli voulu qu’Arturo Toscanini
qu’exceptionnelle. fusion du postmodernisme avec la faisait éclater les crescendos fût respectueux des textes
Jean-Charles Hofelé spiritualité russe, avec une Troïka enbondissantsurlepodium, à la lettre. Comme lui, Can-
devenant un pastiche de Steve donne le ton : cravachée, telli dessine un Brahms
Reich. Porgy and Bess, adapté par
Benjamin Engeli et Stefan Wirth, portée par un brasier de solaire, altier, à revers de
permet au quatuor de sortir leur cordes, elle annonce une celui dont il aurait pu être
grand jeu, restituant la féerie de Symphonie n°4 de Schu- l’absolu rival : Herbert von
cetteœuvrelégendairedeGershwin. mann ivre de mouvements, Karajan. X
West Side Story arrangé principale- alerte, sans aucun appui, Jean-Charles Hofelé
ment par Cheung et Engeli fait res- avecparfois desraffinements £ Rossini: Sémiramide
sortir toute la diversité de l’éventail mendelssohniens (Trio du (ouverture). Schumann:
de Bernstein, avec un Cha-Cha et un
Scherzo).Ces textures fuligi- Symphonie n°4. Brahms :
Mambo de belle facture. La cerise
sur le gâteau est l’arrangement irré- neuses,tout cet art de la sug- Symphonie n° 1. Orchestre
sistible de Bad de Michael Jackson, gestion, supposent une élé- Philharmonia, dir. Guido
aussidansantetfunkyquel’original, gance dans la battue qui Cantelli. ICA Classics ICAC5143.
si ce n’est plus. s’entend par chaque pupitre, 1953. Mono. 1 h 19. CHOC
Romaric Gergorin
MIDNIGHT AT I GOT
ST ÉTIENNE RHYTHM
DU MONT
+
++++
Œuvres de Ives, Carter,
Gershwin, Joplin, Moreau
Œuvres de Tournemire, Gottschalk, Copland, Barber,
Vierne, Duruflé et Briggs Albright et Bolcom
Joseph Nolan (orgue) David Lively (piano)
Signum Classics SIGCD470. 2018. La Musica LMU 011. 2017. 1 h 13
1 h 18
Remarquable pianiste américain,
Il est devenu assez rare d’entendre installé en France, David Lively pro-
EN au disque le très impressionniste JOURNEY TO pose un parcours dans la musique
TRAVESTI
+++
orguedel’égliseparisiennedeSaint-
Étienne-du-Mont. Élaboré dans le
souvenir du film de Woody Allen,
MOZART
+++
de son pays natal en puisant aux
racinesdurag,cettemusiquepopu-
laire syncopée croisant musique
Airs de Haendel à Mancini MidnightinParis,leprogrammepro- Œuvres de Gluck, Haydn, afro-américaine et danses des
Anna Bonitatibus (mezzo- posé par Joseph Nolan a de quoi Myslivecek, Mozart et Salomon Blancs. Scott Joplin, musicien noir
soprano), Orchestre de la radio séduire.Hommagepresqueattendu Orchestre de chambre de Zurich, descendant d’esclaves, ouvre le
de Munich, dir. Corrado Rovaris à Maurice Duruflé dont la Suite op. 5 Daniel Hope (violon et dir.) chemin avec l’entraînantMaple Leaf
BR KLASSIK 900318. 2016. 1 h 07 constitue la pierre angulaire, il per- Deutsche Grammophon 479 8376. Rag. On apprécie la nostalgie créole
met d’apprécier des œuvres plus 2017. 1 h 08 cadrée par le classicisme européen
Curieux récital que celui d’Anna rares comme les Fantômes ou le deLouisMoreauGottschalk.Charles
Bonitatibus,mêmesisonprécédent Scherzo de la Symphonie n° 6 de CeregardcroiséportésurMozartet Ives apparaît avec les deux minutes
« Semiramide » (DHM, 2014) suivait Louis Vierne, admirablement servis ses contemporains par le violoniste depolyrythmiespétillantesdeSome
la même logique. Le parcours est par la vaste palette sonore de l’ins- DanielHopetémoignedelasupério- Southpaw Pitching. Des extraits du
chronologique, du Radamisto de trument, volontiers mystérieuse et rité du Divin Amadeus dans la Songbook de Gershwin permettent
Haendel (1720) à Victor, Victoria de narquoise, plongeant l’édifice dans musiqueconcertante.Nilesœuvres à David Lively de déployer avec sou-
Mancini (1982). La chanteuse ita- l’atmosphère d’une nuit de sabbat. de Gluck (Danse des Furies et Danse plesse et expressivité toute son
lienne,l’unedesplusdemandéesde S’y ajoute le Tombeau de Duruflé, du des Esprits extraites d’Orphée et éloquence. Four Blues de Copland
sa génération pour Haendel et Ros- Eurydice), ni même le Concerto en assemble une matière homogène
sini,démontreunepaletteélargiede solmajeurdeHaydnn’atteignentles assimilant divers folklores dans
ses talents, notamment dans les mêmes cimes que le Concerto n° 3 l’écriture personnelle du composi-
répertoires français, allemand et la dans la même tonalité composé par teur moderniste.
musique de film américaine. Mais le la grâce d’un jeune homme de dix- Les altières Excursions de Samuel
disque risque aussi de décontenan- neuf ans. Le Larghetto du Concerto Barber maintiennent son élégance
cerlesfansdeladiva,lesbaroqueux en ut de Josef Myslivecek, sans toutewaspmalgréuneplongéedans
n’étant pas forcément sensibles au saveur, peine à se comparer à l’Ada- les idiomes de l’américanisme lum-
répertoire des XIXeet XXe siècles. gio K. 261 onctueux et finement pen. Avec Hoedown, une danse des
Le CD est en fait constitué de deux ciselé. La Romance pour violon et Appalaches,WilliamAlbrightcaptive
moitiés : la première présente le cordes de Johann Peter Salomon par une introduction hallucinée vir-
répertoirevirtuosedesgrandsnoms (l’organisateur des concerts londo- tuoses’interrompantpar« unthrène
de l’école italienne, jusqu’à Pauline niens de Haydn) reste au niveau digne de Miles Davis » selon Lively.
Viardot. Curieusement, ce n’est pas d’une simple découverte et la trans- On quitte un instant la musique
la partie la plus séduisante : on compositeur et organiste britan- cription ludique pour violon et populaire avec Eliott Carter et ses
connaît depuis longtemps les voca- niqueDavidBriggsqui,surlemodèle orchestre de chambre de la Marche Two Thoughts about the piano, pour
lises impressionnantes de Bonitati- de Tombeau de Titelouze de Marcel Turque par Olivier Fourès avec force retrouver avec plaisir le raffinement
bus, sa longueur de souffle stupé- Dupré, explore, dans un langage percussionsdemeureanecdotique. cérébral propre à cette musique
fiante, mais on aurait aimé plus de modal raffiné, le répertoire grégo- Ongoûteraavecdélectationlasono- contemporaine baignée d’une sen-
panache et surtout des variations rien qui fut au cœur de l’inspiration rité délicate et sensuelle de Daniel sualité épurée. Ce voyage enchan-
plusfluidesetnaturelles.Laseconde de celui auquel il rend hommage. Si Hope qui fait corps avec les musi- teurportéparuneinterprétationvive
partie est un éblouissement. Boni- le programme est irréprochable, la ciens de l’Orchestre de chambre de et subtile finit par les variations
tatibusymetlasuavitédesontimbre réalisation est, elle, extrêmement Zurich. Sa légèreté d’archet, sa flui- fantasques d’un rag de William
et la chaleur de son vibrato au ser- décevante. Il est incontestable que dité naturelle (à aucun moment il ne Bolcom.
vice d’un répertoire lyrique hors de le Scherzo de Vierne et la Toccata de force le ton ou le vibrato et n’appuie Romaric Gergorin
sa zone de confort, mais qui lui sied Duruflésoientdesœuvresvirtuoses jamais sur la corde de sol), l’élan
comme un gant. La métamorphose débordantes de nervosité. C’est rythmiquequ’iltransmetàlaforma-
s’opère avec l’air de Nicklausse, précisément pour ces raisons tionzurichoisepeuventsecomparer
« Vois sous l’archet frémissant », et qu’elles doivent être tenues, ce à à l’interprétation des meilleurs
atteint des sommets avec le mono- quoi Nolan échoue. En y ajoutant un mozartiens (Goldberg, Grumiaux,
logue d’Octavian « Wie du warst » et toucherimprécis,untempoinstable Suk, Dumay, Faust…). Le reste, en
un touchant « le cœur de la rose » de et les nombreuses fausses notes dépit d’une exécution pleine de vie
L’Enfantetlessortilèges.L’accompa- ayant résisté au montage, l’impres- (final du Concerto de Haydn), a le
gnement de l’Orchestre de la radio sion globale est celle d’un ensemble méritedesusciterlacuriosité.Signa-
de Munich, sous la direction de Cor- bâclé particulièrement regrettable lons la belle balance entre le soliste
radoRovaris, estsuperbe dans tous sur un instrument et un répertoire et ses musiciens suisses d’ailleurs
les répertoires. qui bannissent l’approximation. captés avec soin.
Damien Colas Aurore Leger Michel Le Naour
CÉLIMÈNE
« Polychrome » réunissant Proko-
fiev, Strauss et Ravel (Classica
n° 194), Tobias Feldmann se lance à
FONLUPT
(piano)
un programme assez original qui
illustre,pourtroisdescompositeurs,
notre dossier du numéro des vingt
DAUDET
(piano)
son tour dans le Concerto de Sibe-
lius.Difficiledenierletalentdujeune
Allemand mais on est frappé d’em-
+++++
Chopin : Prélude op. 45.
Ballade n° 4. Schumann :
ans de Classica « Que faisaient-ils à
vingt ans ou à peu près ? » (n° 202).
Certes, Ravel, Ligeti et Messiaen
+++++ blée par le déploiement d’effets Arabesque. Novellette n’étaient pas encore eux-mêmes,
Messiaen : Huit Préludes. sonores et l’absence de mystère. Ils op. 21 n° 8. Liszt : Bénédiction mais leur art était déjà abouti. Ravel
Debussy : Préludes, Livre II sont loin les paysages enchanteurs de Dieu dans la solitude. a composé en 1897 une magnifique
NoMadMusic NMM046. 2017.1 h 18 suggérés par les versions de Cho- Rhapsodie espagnole Sonate en un mouvement, bien peu
Liang Lin, Mutter, Fischer ou Esprit du piano EDP 04. 2016.1 h 09 ravélienne.Ilpencheducôtédechez
Entre le piano de Messiaen et celui Batiashvili. La sonorité lumineuse Franckavecuneécriturepianistique
deDebussyexistentdescorrespon- queleviolonistetiredesonGagliano Enregistréennovembre 2016àBor- assez personnelle. Le jeune Ligeti,
dancesetdeseffetsdemiroir:«une devient parfois acide, peut-être en deaux lors du festival L’Esprit du qui compose en 1946 son bref Duo,
transpositionquiestunnouveaupas raison d’une prise de son au plus piano, ce récital de Jean-Baptiste ici enregistré pour la première fois,
enavant »,selonJeanRoy.Célimène proche de l’instrument, et le dia- Fonlupt capte immédiatement l’at- estencoretoutpleindeBartóketde
Daudetquis’estfaitremarquerentre logue du soliste avec un orchestre tention. L’urgence, l’intensité et la folklore. Le jeune Messiaen qui écrit
autres par deux enregistrements prise de risques contribuent large- pour sa jeune épouse violoniste
consacrés à Bach (Arion) réussit ment à l’impression ressentie tout Thème et Variations est déjà fasciné
avec intelligence à rapprocher les au long d’un parcours qui débute par la modalité et les atmosphères
Huit Préludes du jeune Messiaen sereinement par une interprétation éthéréesetcélestes.Pourautant,ce
(1929)duSecondLivredesPréludes intimiste du Prélude en ut dièse cycledevariationsn’estpascompa-
de la maturité de Debussy (1913). mineur de Chopin et prend ensuite rable avec ce qui va venir. Dans un
Au-delà du charme immédiat, du son envol avec une Ballade n° 4 plei- tel programme, Franck fait alors
senspoétique,duchatoiementdela nementmaîtriséequineperdjamais figured’outsideravecsaSonatemais
couleur, d’une préoccupation com- de vue le sens discursif ; seule la on pourrait dire que, la soixantaine
mune pour les effets de résonance coda, quelque peu emportée, s’en- bien sonnée, il est enfin lui-même !
ou les études de timbre, s’affichent flamme de manière trop abrupte. Le duo Gazzana fonctionne bien :
pour chacun des compositeurs un Sansdoutelatensionliéeauxcondi- Raffaellatiredesonpianodessono-
langage très personnel et immédia- tions du concert y est-elle pour ritéstrèsintéressantes,notamment
tement identifiable comme le pré- quelque chose. chez Ravel et Messiaen. Natascia
cise la soliste dans la notice de son un peu pesant déçoit. L’Arabesque de Schumann se privilégie la pureté du chant et la
disque. D’une inventivité parfois S’il n’a pas fait preuve d’originalité dérouleavecfluiditéetsansaffecta- qualité du timbre et du phrasé, tou-
proche de l’improvisation, le jeu de dans le concerto de Sibelius, Feld- tion, puis la lecture de la Novellette jours élégant. Cela dit, l’interpréta-
l’interprète se meut avec aisance mann nous ravit en le couplant non op. 21 n° 8 dessine des paysages à la tion de la Sonate de Franck semble
dans ces univers dont elle saisit les sans brio avec celui d’Einojuhani fois poétiques et inquiets, où der- un peu prudente, surtout dans les
atmosphères avec une subtilité de Rautavaara (1928-2016), composi- rière les apparences transparaît premier et dernier mouvements,
toucher qui n’interdit pas les éclats teur prolixe mais rarement donné l’enversangoissédudécor.Morceau comme si les interprètes avaient
sans aucune brusquerie. malgré son Cantus Arcticus, achevé de résistance, Bénédiction de Dieu souhaité prendre au mot le surnom
L’enregistrement bénéficie de la en1977àNewYork. Onpeinecepen- dans la solitude extraite des Harmo- dePaterseraphicusquesesdisciples
qualitéd’unYamahaprofondetbien dant à discerner dans cet opus la 5e nies poétiques et religieusesde Liszt attribuaient à Franck.
harmonisé qui sert tout particuliè- Avenue, si ce n’est à percevoir Cen- témoignenonseulementd’alchimie Jacques Bonnaure
rementcettelectureoùl’intelligence tral Park en Taïga. En oubliant les sonore, mais aussi d’un art quin-
d’approche le dispute à la clarté et à titres à contre-pied des deux mou- tessencié du discours. La notion du
la fluidité du propos. Au-delà de la vements (un Tranquillo qui ne l’est temps semble abolie pour élever la
virtuosité propre, du prix apporté franchement pas et un Energico narration sur des hauteurs contem-
aux attaques et aux variations de énigmatique),onselaisseguiderpar platives. Enfin, théâtrale et contras-
rythmes,d’unartdelaconstruction, un Feldman qui installe et explore tée, la redoutable Rhapsodie espa-
transparaissent une beauté pure et une atmosphère envoûtante. gnole, d’une perfection digitale
une plasticité picturale très étudiée, Jean-François Medelli aboutie, achève somptueusement
proches des incontournables ver- cette invitation au voyage roman-
sions de Benedetti Michelangeli tique. Au jeu des comparaisons,
(pourDebussy)oudeRogerMuraro Jean-Baptiste Fonlupt, pour cha-
(pour Messiaen). cune de ces pièces, prend place
Michel Le Naour parmi les premiers de cordée.
Michel Le Naour
CLASSICA / Juillet-Août 2018 Q 121
Les disques du mois
TRIO ZALA
KARENINE
(trio avec piano)
KRAVOS
(piano)
+++++ +++
Fauré : Trio. Ravel : Trio. Brahms : Quatre Ballades.
Tailleferre : Trio Liszt : Ballade n° 2. Chopin :
Mirare MIR376. 2017. 1 h 01 Impromptus op. 29, 36, 51 et 66
Petrovic-Vratchanska :
Le premier album du Trio Karénine Crystal dream
(Schumann) avait fait dresser Ars Production ARS 38 753. 2017. 1h04
l’oreille. Celui-ci confirme bien que
cette réussite n’était pas un feu de Son nom ne vous dit vraisembla-
QUATUOR DE paille. Après neuf ans de travail PAUL blement rien et c’est tout à fait
JÉRUSALEM
+++++
intensif, la formation a désormais
atteint une maturité sonore et sur-
tout une intelligence des textes qui
KIEFFER
(luth, vihuela)
normal : Zala Kravos n’a pas seize
ans. Elle a néanmoins conçu un
premier enregistrement au pro-
Debussy : Quatuor. la situent au plus haut niveau. Pre- ++ gramme ambitieux. Déjà en pleine
Ravel : Quatuor nons par exemple le Trio de Fauré. Il barbarino. Musica per liuto possession de moyens impression-
Harmonia Mundi HMM902304. C’est l’œuvre d’un vieux monsieur e viola da mano nants, elle dévore la Ballade n° 2 de
2017. 53’ fatigué, attaché à la forme et à une Œuvres de Dentice, Palestrina, Liszt avec gourmandise. On
expressivité que l’on peut qualifier Severino, Maymón, da Milano, découvre une main gauche parti-
Dès les premières mesures du Qua- deromantique,oùprimentpourtant Perino Fiorentino, Cardone. culièrement développée, capable
tuor de Debussy, on comprend où la sensualité et l’élégance d’une Œuvres anonymes de créer un bruissement continu
les Jerusalem veulent en venir. Leur forme épurée. On retrouve tout cela Arcana AD105. 2016. 59’ grâce aux traits chromatiques qui
style est grave, équilibré, réfléchi, dans l’interprétation des Karénine, lui sont confiés. Sur le plan de la
exceptionnellement homogène de qui voient les choses de haut, Paul Kieffer confirme son goût pour construction, cette Ballade est très
sonorité, très raffiné, quitte à arron- refusentd’accuserlesanglesetl’ex- les répertoires confidentiels. Après aboutie même si elle reste un peu
dir voluptueusement les angles et à pression, et donnent du Trio l’image un premier disque consacré à en surface musicalement. Nous lui
gommer quelques aspérités la plus juste et la plus raffinée. A Jacques le Polonais (Ævitas, 2015), préférons les versions de Georges
expressionnistes. Par rapport aux propos de raffinement, on appré- ilseplongedansl’universducinque- Cziffra (EMI, 1978), de Leslie
récentes versions, ils se montrent cento napolitain. Cet album ras-
un peu plus personnels que les semble des œuvres rarement voire
Ellipse, un peu plus mystérieux que jamaisenregistrées,principalement
les Psophos, un peu plus charnels extraites du manuscrit Barbarino,
que les Van Kuijk. Le Scherzo danse anthologie de pièces compilées par
avec une légèreté arachnéenne, leluthistedumêmenom.Lesformes
l’Andantino est parfois très vivant et savantes (ricercares et fantaisies) y
animé, plus que de coutume, mais côtoient les danses et les arrange-
avec des épisodes élégiaques aux mentsdechansons.Unprogramme
frontièresdusilence.Lefinale,enfin, de qualité inégale mais qui réserve
comported’intéressantesprisesde quelques belles surprises, à l’instar
risque dans la transition entre la de la fugue de Francesco Cardone.
sectionlenteetlasectionrapide,qui Au luth et à la vihuela, Paul Kieffer
s’écoule avec fluidité et une énergie dévoile une sonorité claire qui s’ac-
parfaitement maîtrisée. La struc- ciera aussi l’équilibre du Trio de corde bien aux œuvres contrapun- Howard (Hyperion, 1988) et de Nel-
ture de l’ensemble et de chaque Ravel,danslequellaperfectiondela tiques. La polyphonie est lisible, les son Freire (Decca, 2011). Même
mouvement en particulier semble formeconjurelesterriblesangoisses lignes épurées. Mais l’austérité du constat avec les Impromptus de
parfaitement réfléchie et dénote qui assaillaient le compositeur en répertoirelerenddifficiled’accès,et Chopin. Le respect du texte est là,
une longue maturation. cette année 1914. L’expression, une ce jeu appliqué, concentré, laisse l’interprétation n’est pas dénuée de
LeQuatuordeRaveln’estpasmoins foisencore,n’estpassurlignéemais l’auditeur à distance. Les tempos sens mais on restera fidèle à
intéressant. On y retrouve le même passe par le travail des sonorités et manquent de contraste, le phrasé Georges Cziffra (EMI, 1974-1975),
travaildeconstructionetlesmêmes la conduite très naturelle des mou- de souplesse (Tenore di Napoli) et ClaudioArrau(Decca,1980),Murray
qualités dans le travail des sonori- vements. l’ensemble se révèle un peu fade. Perahia (CBS, 1985) ou encore
tés. Leur conception de la sonorité Bien moins connu, quoi qu’il en L’interprète livre ainsi une Volta de Eugen Indjic (Andante Spianato,
ravélienne est intéressante : on existe déjà au moins deux enregis- Spagna bien peu pétillante - on pré- 2012).
pressent à chaque instant que les trements,leTriodeGermaineTaille- fère la version de Catalina Vicens au Enfin, s’il y a bien un compositeur
quartettistes tiennent à s’inscrire ferre offre la particularité d’avoir été clavecin (Carpe Diem Records, dont les œuvres nécessitent une
dans une lignée classique mais composé en deux fois, à six décen- 2017). Quant au second Ricercar de véritable intériorité, c’est Brahms et
aussidiscrètementprécieuse.C’est nies d’intervalle (1917 et 1978). On y Francesco da Milano, on ne peut cela se vérifie avec cet album : les
très bien vu, et ce couplage se situe sent bien un petit côté Groupe des s’empêcher de penser à la lecture quatre Ballades op. 10,quoique bien
très haut dans la discographie plé- Six charmant et spirituel mais sur- plusexpressiveetgénéreusedePaul jouées, sont sans grande densité.
thoriquedecesœuvres.Anoterque tout une belle écriture dense et châ- O’Dette (Harmonia Mundi, 2013), Laissons donc encore un peu de
ce nouveau disque fera partie de tiée, et que les interprètes prennent récompensée d’un CHOC (Classica tempsàZalaKravospouraffinerson
l’importante édition Harmonia vraiment au sérieux. En somme, un n° 153). La proposition est forte et la caractère et creuser ses interpréta-
Mundi du Centenaire. trèsbeautravaild’uneformationqui démarche approfondie, mais on tions. C’est au demeurant une
Jacques Bonnaure porte un regard original sur des regrette la sécheresse de l’interpré- artiste à suivre.
pages connues et révèlent une tation. Un bilan en demi-teinte. Aurélie Moreau
rareté de prix. Jacques Bonnaure Fabienne Bouvet
DE PHILIPPE
VENTURINI
VERSION DE
RÉVÉRENCE ?
N
elson Goerner et Dinorah Varsi (qui?) devancent Bien sûr, il arrive fréquemment qu’un artiste, un orchestre, un
Martha Argerich, Nelson Freire et Maurizio Pollini, ensemble, un enregistrement renouvelle la lecture d’une partition
ce mois-ci, dans notre Écoute en aveugle consacrée à ou, tout simplement, impressionne par l’intensité avec laquelle
la Sonate n°3 de Chopin. En juin, Benjamin Britten il s’en empare, la passion avec laquelle il l’appréhende ou l’intel-
surprenait tout le monde en reléguant John Eliot ligence avec laquelle il la conduit. Les Beethoven de Karajan,
Gardiner dans lesdernièresplacesduclassement avecsaFairy Queen. les Mahler de Walter et Klemperer, les Bruckner de Jochum,
Le 27 mai dernier, lors de « La Tribune des critiques de disques » les Strauss de Böhm, le Don Giovanni de Giulini ont ainsi parti-
qu’anime Jérémie Rousseau le dimanche à 16 heures sur France cipé à l’aventure de la musique enregistrée. Mais la dernière page
Musique,Fritz Reiner,régulièrement recommandé,finit bon dernier de ce récit ne sera heureusement jamais écrite. La connaissance
dans le Concerto pour orchestre de Bartók. Le 29 avril c’était au tour des styles s’approfondit : on ne reviendra pas sur les apports
d’Alexis Weissenberg de triompher dans des Préludes de Rachma- des « baroqueux » et des versions historiquement informées qui
ninov et, le 25 mars, Michel Tabachnik et le Brussels Philharmonic nous ont fait redécouvrir Bach, Haendel, Vivaldi, mais aussi
faisaient tanguer Simon Rattle et l’Orchestre Haydn, Mozart, Beethoven, voire Brahms
philharmonique de Berlin, Pierre Boulez et et Ravel. Et les goûts évoluent. Le Brahms
l’Orchestre de Cleveland dans La Mer de cosmique de Furtwängler nous parle-t-il
Debussy. La liste pourrait s’allonger à l’infini, toujours avec autant d’autorité ? Le Tchaï-
alignant les artistes fameux, interprètes histo- kovski imprévisible de Mengelberg nous
riques et emblématiques en fin de peloton. électrise-t-il encore alors que le Beethoven
L’objet de telles écoutes n’est pourtant pas de de Schnabel enjambe fièrement les modes?
déboulonner les idoles, ni de contester systé- Il ne saurait certes être question d’oublier
matiquement l’ordre établi.Cela dit,elles rap- l’Histoire; notre société contemporaine s’en
pellent que ledit ordre ne saurait être établi charge déjà diligemment. Et dans chaque
pour toujours et que les appréciations des numéro de Classica, Jean-Charles Hoffelé
disques n’ont rien de définitif. Aussi faut-il se nous rafraîchit la mémoire et nous signale
méfier des versions dites de référence dont on des archives susceptibles de nous causer
recopie paresseusement les mérites d’année en encore une forte émotion, un choc: Cantelli
année sans se donner la peine de les réécouter, ou Rose, ce mois-ci. Les enregistrements
ni de les réévaluer dans une discographie en du passé peuvent encore nous bouleverser
perpétuelle évolution.CHOC un jour,CHOC mais prenons garde à ne pas confondre ver-
SDP
A
vec plus d’une eux, aux grands Russes: Rach- Trois des plus belles compo- (Michel Legrand by Erik Berchot.
vingtaine de maninov (Six Moments musi- sitions de Michel Legrand, Hexogen.UVMDistribution.+++)
disques à son caux, Prélude op. 23 n°1), Stra- Les Parapluies de Cherbourg, On se laissera enfin entraîner
actif, le Turtle vinsky (Tango) et, surtout, Les Moulins de mon cœur et par deux monstres sacrés du
Island Quartet Moussorgski (Tableaux d’une Yentl, sont sollicitées en piano jazz, le légendaire pianiste Wil-
n’acesséd’inno- exposition). Si les pièces brèves solo par Erik Berchot, qui lie « The Lion » Smith, roi du
ver et de surprendre par les font l’objet d’un traitement raf- n’hésite pas à insérer quelques style stride, et le grand batteur
arrangements sophistiqués et finé et intimiste, la Baba Yaga passages en re-recording. Si Jo Jones qui dialoguèrent en
la liberté de ton qu’il met et, surtout, La Grande Porte de l’élégance et la beauté diaphane 1972,revisitant pour notre plus
constamment en œuvre.Après Kiev manquent évidemment de des mélodies sont mises en grand bonheur des standards
un hommage à John Coltrane l’ampleur nécessaire. Le défi, valeur, les improvisations par- qu’ils maîtrisent jusqu’au bout
en 2007, il consacre ce nouvel tout à fait intéressant,n’est qu’à fois marquées d’emphase des doigts et des baguettes. (Wil-
opus à l’esprit de Charlie Parker demi remporté. (MicheleCampa- contredisent momentanément lie « The Lion » Smith/Jo « The
davantage qu’à la lettre : une nella et Javier Girotto, Vers la la grâce d’un projet où domi- Tiger »Jones,TheLionandtheTiger.
seule composition du génial grande porte de Kiev. CamJazz nent une concentration et une Frémeaux 5678, Socadisc.
altiste (Dewey Square). Mais 7933-2, Harmonia Mundi.+++) inventivité de belle venue. ++++)
l’aspect le moins connu de Par-
ker, qui rêvait de voir Edgar
Varèse composer pour lui et
passa à NewYork quelques soirs LA DISCOTHÈQUE IDÉALE 90
sous ses fenêtres, est ici magis-
tralement évoqué. Loin des Peter Beets
formes classiques héritées de
Haydn, Mozart, Beethoven et Chopin Meets the Blues – Live
Schubert ou même des formi- Un disque Challenge paru en 2015.
dables créations de Bartók,Mil- Le nom du pianiste néerlandais est scandaleusement
haud ou Chostakovitch, les ignoré en France : c’est pourtant un musicien époustouflant
quatre musiciens renouvellent dont l’œuvre mérite notre attention enthousiaste.
à chaque instant les possibilités
presque infinies de cette for- Interpréter Chopin en trio avec contrebasse et batterie
mule orchestrale. La suite en au Concertgebouw d’Amsterdam représente un challenge inouï.
quatre mouvements qui ouvre Trois Nocturnes, deux Préludes et une Mazurka constituent
l’album, Harmonies of Imper- le répertoire. Si la cinquantaine disponible des interprètes a souvent donné du Nocturne en fa mineur
manence, constitue à cet égard opus 55 n°1 une version éthérée et délicate (Arrau, Moravec, Claire Huangci, Rubinstein, Garrick
une magistrale miniature sans Ohlsson), Guiomar Novaes et Samson François l’ont fait balancer. Peter Beets en fait, lui, un feu
équivalent. Y souffle l’esprit de d’artifice. Improvisant sur l’enchaînement harmonique qui le sous-tend, sa prodigieuse dextérité,
Charlie Parker, que l’on com- son swing ravageur, son engagement total et l’incessant renouvellement du phrasé, la rigueur
para souvent à un bouddha. magistrale de ses accompagnateurs, le bassiste Marius Beets et le remarquable batteur Martijn Vink,
(TurtleIslandQuartet,Bird’sEyeView. font de l’interprétation de ce Nocturne en particulier un moment inoubliable auquel le public averti
Azica ACD71318, Naxos. CHOC) de ce temple de la musique classique fait un triomphe et une ovation. Il s’agit là d’un accomplissement
Michele Campanella au piano dont seuls peuvent s’approcher Bill Charlap et Cyrus Chestnut. Par ailleurs, la vidéo du concert
et Javier Girotto aux saxo- regardée au bon volume (https://www.youtube.com/watch?v=4FE13TyNygk) permet de le revivre
phones, s’attaquent, quant à et de s’enthousiasmer une fois encore. X
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Longueur du câble: 1,20 m se distinguent ment une habitude. La mar- aucun modèle ne semble abso-
Origine: Japon par leur mode que propose un simple étui de lument parfait et équilibré,
Distribution: Audio-Technica de restitution transport en matière souple. l’un favorisant plutôt la clarté
SAS sonore, non à et donc les aigus, l’autre la ron-
Tél.: 0143728282 une seule membrane, mais à Écoute deur et donc le médium-grave.
deux, de 8,8 mm de diamètre, Ces quelques efforts et cette L’Audio-Technica ATH-
Pour: l’équilibre entre l’une derrière l’autre, recou- manipulation, parfois hasar- LS70iS réussit avec une aisance
précision et plénitude, vertes de carbone. La princi- deuse, se font vite oublier et, insolente le grand écart et
timbres très justes pale est ainsi secondée par surtout, sont récompensés par gagne sur tous les tableaux.
Contre: rien un autre transducteur réservé une qualité d’écoute vraiment Non seulement il présente une
aux basses fréquences. sonorité aérée, détaillée, qui
Timbres: ++++ Le corps principal uti- permet de facilement dis-
Transparence: ++++ lise un matériau com- tinguer les prises de son,
Restitution spatiale: ++++ posite (ABS), choisi mais il parvient à cette
Finition: ++++ pour son inertie, qui clarté sans jamais aveu-
Rapport qualité/prix: +++ neutralise les résonances gler par une lumière trop
et autres parasites indé- crue et fatigante.Si le contour
sirables. Le canal qui des instruments se dessine
conduit le son vers le tym- sans peine, leur timbre est
pan est un tube à base également respecté avec un
d’acier et de résine. La conne- goût parfait : pas de piano
xion s’effectue via un câble métallique ni de violon
détachable, équipé d’une télé- strident. L’orchestre conserve
commande et d’un micro. une belle lisibilité dans les tutti
Ledit câble doit passer der- et les cordes graves.Sans oublier
rière l’oreille, ce qui demande les voix, superbes, toujours
un peu d’exercice les premiers articulées avec soin. X
FOSTEX TE05
Le TE05 est le dans un cylindre d’aluminium Prix: 99 u
premier modèle relié à un câble en cuivre sans Impédance: 16 Ohms
haut de gamme oxygène (OFC), qui a la par- Longueur du câble: 1,20 m
d’écouteurs ticularité d’être détachable, Origine: Japon
intra-auriculaires de la marque donc facile à remplacer en cas Distribution: Hamy Sound
japonaise dont la qualité des d’usure ou de rupture.Ce câble Tél.: 01 47 88 47 02
casques est désormais connue est par ailleurs équipé d’un
des lecteurs de Classica qui lui commutateur de contrôle Pour: une écoute détaillée
ont vu aligner de nombreux pour smartphone ou lecteur et vive, sans agressivité
CHOC. Les membranes de MP3. Le TE05 dispose de Contre: léger manque de Prix: 69 u
8 mmdediamètresontinstallées quatre tailles d’embouts, plénitude dans le médium Impédance: 16 Ohms
de façon à s’adapter à toutes Longueur du câble: 1,20 m
les morphologies. Timbres: +++ Origine: France
Transparence: +++ Distribution: Focal
Écoute Restitution spatiale: ++++ Tél.: 04 77 43 57 00
Conformément à son esthé- Finition: ++++
tique sonore, Fostex propose Rapport qualité/prix: ++++ Pour: bon équilibre général
un modèle qui se garde bien Contre: léger manque
de verser dans des effets spec- de transparence dans
taculaires ou une coloration le médium
aguicheuse. On pourra bien il permet de percevoir de très
au contraire le juger un peu nombreux détails, de s’instal- Timbres: +++
austère. Il est vrai que le ler dans l’espace tridimension- Transparence: +++
registre central pourrait se nel d’une salle de concert ou Restitution spatiale: +++
montrer un peu plus généreux encore de goûter les nuances Finition: ++++
et un peu plus voluptueux sur du pianiste sans aucune lumi- Rapport qualité/prix: ++++
les voix et les cordes. Cela dit, nosité artificielle. X
La membrane “AerofoilTM”
apporte une meilleure précision
dans les basses fréquences.
U
n amplificateur inté- et à la salle d’écoute grâce à un ajoutant même six courbes de d’un tweeter à dôme soie
gré, un préamplifica- système de mesures.Un micro- correction. Ils sont également de 2,5 cm, se distinguent
teur et un amplifica- phone, fourni, connecté à un dotés d’un convertisseur par leur puissance: 2 x 40 W
teur de puissance : Anthem ordinateur, une tablette ou un capable de traiter des signaux pour la SN01A et 2 x 50 W
propose trois nouveautés bap- smartphone, permet d’obtenir en haute résolution jusqu’à pour la SN03A. Par ailleurs,
tisées STR. Les deux premiers ces données précieuses. 32 bits/384 kHz en PCM et la première fonctionne avec un
appareils disposent de la tech- Ces deux mêmes modèles pré- 5,6 MHz en DSD, et alignent haut-parleur de médium-grave
nologie ARC (Anthem Room sentent aussi une double entrée des entrées optiques, coaxiales, de 10 cm et la seconde
Correction) issue de l’expé- phono pour aimant et bobine XLR et USB audio pour ordi- avec un de 13 cm. Leur prix
rience du constructeur cana- mobiles, le préamplificateur nateur. Les deux amplifica- serré les met en compétition
dien, basé non loin de Toronto, teurs, organisés autour de avec de simples enceintes
en Ontario,dans le domaine de puissants transformateurs Bluetooth. X
l’audio-vidéo.Comme on peut toroïdaux, développent des
l’imaginer, cela donne la pos- puissances de 2 x 200 W (ampli Prix SN01A: 349 u la paire
sibilité d’adapter au mieux intégré) et de 2 x 400 W (ampli Prix SN03A: 399 u la paire
l’amplificateur aux enceintes de puissance). X Finition: blanche ou noire
Origine: France
Prix amplificateur intégré: 5490 u • Prix préamplificateur: 3990 u • Prix amplificateur Distribution: Triangle
de puissance: 5 990 u • Origine: Canada • Distribution: Hamy Sound • Tél.: 01 47 88 47 02 Tél.: 03 23 75 38 20
T
andis que la plupart des
constructeurs laissent
les prix de leurs appa-
Prix: 2450 u
Finition: noire ou argentée
ACOUSTIC ENERGY 309
A
reils dériver, persuadés que Origine: Japon coustic Energy conserve ainsi son volume
le mélomane est prêt à dépen- Distribution: Pioneer-Onkyo vient de renouve- et son timbre naturels.
ser sans compter pour assouvir Europe ler sa série 300 Cette justesse chro-
son besoin de musique,Pioneer Tél.: 01 84 88 47 12 qui compte quatre matique s’inscrit dans
a l’heureuse idée de proposer modèles. La 309 utilise un large cadre stéréo-
un amplificateur intégré fort deux haut-parleurs de la der- phonique, bâti sur les trois
bien conçu, répondant aux directement à la partie amplifi- nière génération du construc- dimensions,révélateur infaillible
demandes du marché et abor- cationdepuissancedel’A-40AE. teur britannique, dotés de des acoustiques de salles. Et
dable. L’A-40AE aligne cinq Le circuit d’amplification est membrane en céramique et jamais la tension ne faillit grâce
entrées analogiques, dont une en classe D, ce qui signifie que en aluminium. Elle y adjoint un à une échelle dynamique très
pour platine tourne-disque le modèle chauffe peu et accuse tweeter en aluminium,spéciale- large et à une belle réserve de
(cellule à aimant mobile), et une perte d’énergie minime, ment développé pour cette nou- puissance. Acoustic Energy :
deux numériques, une optique bien qu’il puisse alimenter deux velle gamme, capable de sup- promesse tenue. X
et une coaxiale (24 bits/ paires d’enceintes. La façade porter de fortes puissances
192 kHz) qui pourront par avant en alliage d’aluminium et et conçu pour faire rayonner les
exemple accueillir la sortie le châssis renforcé, susceptible fréquences aiguës grâce à un
audio d’un téléviseur. de limiter les vibrations et les guide d’ondes. Cet équipement
Cemodèleestéquipédecontrô- interférences entre les sections loge dans un coffrage en MDF
les de tonalité et de balance qu’il préamplificateur et amplifica- de haute densité de 18 mm
est possible de neutraliser teur, participent à une concep- d’épaisseur,de façon à augmen-
(touche Direct), mais aussi de tion soignée. X ter l’inertie de l’enceinte et à
la fonction Power réduire les colorations indési-
Amp Direct qui rables. La base de cette colonne
court-circuite la est lestée (22 kg pièce) afin d’en
gestion du volume assurer une meilleure stabilité
et permet d’accéder et,à nouveau,de la rendre la plus
neutre possible. Elle repose sur
un jeu de pointes métalliques.
Prix: 1490 u la paire
JOHANN SEBASTIAN BACH Écoute
PRISE DE SON
DU MOIS
Rendement: 89 dB
Sonates pour violon et clavier BWV 1014 à 1019 Les différentes propositions Nombre de voies: 2,5
Nicolas Dautricourt (violon), Juho Pohjonen (piano) techniques mises en œuvre Bi-câblage: non
La Dolce Volta LDV 63.7 (2 CD) prouvent leur efficacité.Les pre- Dimensions (H × L× P):
mières qualités que révèle la
N
90 ×17,5 × 28 cm
icolasDautricourt,avecsonStra- 309 sont en effet la clarté, Poids: 22 kg
divarius de 1713 « Château l’objectivité, la célérité ; comme Finition: laque noire
Fombrauge »,etJuhoPohjonen, si les enceintes étaient en prise ou blanche, noyer
avec son Steinway D, ont pris directe avec les musiciens. Origine: Royaume-Uni
place dans la Salle philharmonique Le staccato du piano, les atta- Distribution: JFF Difusion
de Liège. De conception à l’italienne ques des sautereaux du clavecin, Tél.: 0952572360
et édifiée à la fin du XIXe siècle, elle doit le roulement des timbales se
sa réputation à son acoustique à la fois perçoivent alors avec une saisis- Pour: de la vigueur,
généreuse et précise. C’est ainsi que sante véracité,sans pourtant se des détails, une large
nous la présente Manuel Mohino qui y réduire à de secs mouvements palette de couleurs
a diligemment posé ses micros. Ils permettent de capter le jeu délicat mécaniques. Sur cette géomé- Contre : rien
du violoniste, archet ailé et main gauche funambulesque, comme celui trie précise s’accroche en efet
du pianiste, fluide et lyrique. L’équilibre entre les deux instruments, une large palette de couleurs Timbres: ++++
on le sait, n’est pas facile à trouver, le plus lourd pouvant facilement toujours dosées avec soin. Le Transparence: ++++
masquer le plus léger. Les artistes y sont pourtant parvenus grâce à violoncelle dispose d’une solide Restitution spatiale:++++
une écoute réciproque. La prise de son restitue ce prodige, installant base harmonique,mais il ne sau- Finition: ++++
l’auditeur à proximité des musiciens, pour ne pas perdre la moindre rait être confondu avec une Rapport qualité/prix: ++++
nuance, dans un environnement chaleureux où il fait bon rester. X contrebasse : chaque instrument
N
les mensurations de (Advanced Transmission uPrime présente
Peter Thomas, fondateur en Line) guide les ondes générées un amplificateur
1991 de PMC (Professional par les mouvements des haut- de puissance
Monitor Company), mais de parleurs vers l’évent selon un monophonique aux
la dernière création de l’entre- parcours censé en éliminer performances uniques,
prise anglaise, la PMC Fact les effets indésirables.Les flancs l’Evolution One. Certes,
Fenestria. Ce modèle impo- de l’enceinte ont également il ne laisse rien apparaître
sant se constitue de deux cais- un rôle important dans la sous son sobre capot
sons de grave indépendants et chasse aux vibrations. métallique n’était, à l’arrière,
symétriques, superposés l’un À la jonction des deux struc- une double entrée RCA et XLR.
sur l’autre et équipés chacun de tures de basses se fixe un épais À l’intérieur, une alimentation
deux haut-parleurs de 16,5 cm panneau en aluminium qui en classe D voisine avec une
de diamètre à membrane en accueille le tweeter et le haut- impressionnante batterie
fibre de carbone. En haut et parleur de médium de 7,5 cm de condensateurs. Cet appareil
en bas de l’enceinte se remar- de diamètre, tous deux à a été conçu, de par sa vitesse
que un évent frontal au profil dôme. La connexion s’effectue de commutation de 700 MHz
étudié pour neutraliser les par un bornier en cuivre pur et son impédance d’entrée
éventuels parasites engendrés plaqué de rhodium. Une de 1 MOhms, pour faciliter
par les mouvements des haut- écoute est impatiemment la connexion avec
parleurs et affermir les basses attendue. X le préamplificateur, diminuer
la distorsion harmonique et
Prix: 54000 u la paire • Rendement: 86 dB • Dimensions (H x L x P): 170 x 37 x 62,3 cm assurer un son à la fois précis,
Poids: 80 kg • Finition: noyer, ébène, graphite ou blanche • Origine: Royaume-Uni généreusement distribué
Distribution: DEA International • Tél.: 0155091835 dans l’espace et plus
chaleureux que la plupart
des amplificateurs de classe D.
Puisqu’il est monophonique,
ce modèle doit fonctionner
D
ix-huit mois. C’est le Le corps de ce modèle à déjà utilisé dans la cellule MC californienne annonce un
temps qui a été néces- bobine mobile est en titane, Anna (hommage à la soprano préamplificateur spécialement
saire pour mettre au façonné selon une découpe russe Anna Netrebko), est conçu pour l’Evolution One.
point la cellule MC Century, au laser qui minimise les réso- censé s’approcher au plus près À suivre, donc. X
comme l’explique Christen H. nances internes, ennemies des burins employés pour la
Nielsen, le directeur général jurées de la haute-fidélité. gravure des disques et assure
d’Ortofon. À l’occasion de Il enferme une structure ainsi une surface de contact
son centenaire, la firme magnétique à base d’alliage optimale, gage d’une restitu-
danoise a en effet voulu pré- de fer et de cobalt. Le dia- tion la plus précise et la plus
senter un modèle très haut de mant, appelé Replicant 100, détaillée possible des nuances,
gamme en série très limitée : des couleurs et des espaces de
ne seront fabriqués que cent la musique. Il repose sur un Prix: 3999 u
exemplaires pour la commu- levier porte-pointe (cantilever Puissance: 1 x 240 W
nauté internationale des pas- en anglais), lui-même en dia- Dimensions (L x H x P):
sionnés de disques vinyle. mant. L’ensemble loge dans 43 x 5,7 x 37,5 cm
une structure en matériau Poids: 7 kg
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GOUNOD, CHARLES : GOUNOD EDITION (THE) 1 0 573 4 3 A p. 105 58,00 € U
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BADALAMENTI, ANGELO : TWIN PEAKS : MUSIC FROM THE LIMITED… 1 0 2 5 24 2 A p. 116 8 , 9 2€ U
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RIAL, NURIA : VOCALISE 10 4 676 6 A p. 116 2 8 ,6 1 € U E-mail :
KÖLL, MARGRET : TOYS FOR TWO : FROM DOWLAND TO CALIFORNIA 1045761A p. 116 2 7, 7 1 € U
FILIDEI, FRANCESCO : SRNKA 10 5 67 93 A p. 117 22,56 € U
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CEYSSON, EMMANUEL : BALLAD IN RED : HARP WORKS 1052134A p. 117 2 7, 9 2 € U
GADE, NIELS W. : CROSSING BORDERS 1050111V p. 117 24,53 € U Mode de paiement choisi
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I. Gamme antique. II. Robe à paon. Fleur typique des Alpes. Véto allemand. III. Donne le choix.
Fosse. Ré.
Très lent dans l’interprétation. Élément essentiel de la mécanique du piano. IV. Suit l’introït.
14. Nier. Vif. Élue. 15. Enrobé.
Un tempo pour une petite musique de nuit. V. Lac des Pyrénées. Monter sur scène pour
Otage. 13. Neige. Broderies.
la première fois. A un appétit féerique. VI. Destin de salmonidés. Première note. Champion
11. Elgar. Aranais. 12. Envers.
du volant. Cale d’usinage. VII. Chose bête. Lawrencium au labo. Le bismuth du chimiste.
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VIII. Fournisseur de blé. Cousin de l’autruche. Auteur de Carmina Burana. IX. Détestables.
8. Rio. Rueda. Rut. 9. In.
Opposé au legato. X. Danse de couple. Déclarations théâtrales. XI. Une musique dans le style
7. Orgue. Intrépide.
de Boulez. Un mouvement lent pour commencer le pas de deux. XII. Voile d’avant. Cité
Wagner. 6. Ger. Erras. Laon.
des Alpes. Adorée. XIII. Fut un temps présidée par Nicolas Hulot. S’accroche à la portée.
4. Hélicon. Son. Té. 5. Aérien.
Pronom personnel. XIV. Déployé. Tel le sol de l’été de Vivaldi. XV. Pistolet très courant dans
Piston. 3. Tu. Mailloches.
1. Un compositeur mort le même jour que Staline. Transport militaire. 2. Entonné lors de
Adage. XII. Foc. Gap.Vénérée.
noces africaines. Pièce de cuivres. 3. Resté secret. Dans les mains du percussionniste.
X. Slow. Tirades. XI. Atonale.
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Nandou. Orff. IX. Vils. Staccato.
Club. Ferrure. 5. Léger comme l’air. Auteur d’une tétralogie musicale. 6. Pic des Pyrénées.
VII. Ânerie. Lr. Bi. VIII. Épi.
Décidé à ne pas avoir peur. 8. Berceau de la bossa nova. Danse cubaine. Sexe temps.
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