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Un Souffle de Vie

Ézéchiel 37, 1~14


Jean 3, 1~8

Dans la plupart des Églises chrétiennes, qu’elles soient protestantes, catholiques ou


d’autres confessions, cette vision du prophète Ézéchiel est lue pour la fête de la Pentecôte
qui se situe cinquante jours après Pâques, ou lors des dimanches qui lui sont proches. C’est
une vision ancienne, antique même, tirée du Premier Testament, elle date de bien avant la
naissance de Jésus, donc bien avant notre ère. Elle a plus de 2.000 ans. Et pourtant, quelle
actualité ! Oh, je sais bien, d’aucuns pourraient se demander ce qu’est ce récit, à quoi se
rapporte-t-il ? A-t-on déjà entendu dire que des ossements tout à fait desséchés, éparpillés,
se sont rassemblés, que de la chair, des nerfs et de la peau les ont recouverts, et qu’ensuite
un souffle est venu en eux et que ceux qui étaient morts sont revenus à la vie, que les tués
éparpillés, que celles et ceux qui ont été massacrés se sont mis à revivre ? Non, bien sûr,
personne n’a jamais vu cela – sinon, cela se saurait – ce malgré toute l’envie qui pourrait
venir de rendre la vie à celles et ceux qui auraient été tués. Imaginez cela après les attentats
de Paris, de Bruxelles et de tant d’autres lieux. Rêvons qu’il puisse en être ainsi aux
lendemains des tueries ou des bavures policières aux États-Unis d’Amérique, ou alors après
des catastrophes naturelles. Ou après les guerres. Et hop, rendre la vie aux victimes en Syrie,
au Mali. Même pas besoin d’aller si loin ou dans l’exceptionnel. Chez nous, nous avons ce
qu’il faut, tous les jours : des morts sur les routes, d’autres à cause des violences conjugales
et familiales, d’autres encore dans des règlements de comptes, à cause de coups de folie
aussi. J’en passe et guère des meilleurs ; sans parler des morts où la responsabilité humaine
n’est pas entièrement engagée, je pense aux catastrophes naturelles.

Décidément, des morts, il y en a partout autour de nous, tout le temps, même si nous
ne les voyons pas. Sans parler de celles et ceux qui terminent leur vie paisiblement, rassasiés
de jours comme dit la Bible, avec leur content de temps. Je sais, c’est banal à dire, la mort
fait partie de la vie. Avec la naissance, elles sont les bornes de toute existence que,
finalement, nous ne maîtrisons pas tant que cela, y compris dans les situations de
désespérance, de suicide ou de morts assistées. Nous ne choisissons pas de vivre – ce sont
nos parents biologiques qui ont fait ce choix, ou l’ont subit – et nous n’échapperons pas à la
mort quel que soit notre désir de la nier ou au contraire de la souhaiter. Même celles et ceux
qui souhaitent laisser une trace de leur passage dans l’histoire (la grande comme la petite)
ne peuvent occulter la mort, l’effacer, faire comme si elle n’était pas pour elles, pour eux.
Nous ne choisissons ni de vivre ni de mourir. Juste, peut-être, le comment vivre, le comment
mourir… et encore. J’ai bien conscience que cette réflexion est celle d’un occidental pour
qui, en fin de compte, tout ne va pas si mal en comparaison avec ce que vivent des millions
d’autres personnes pour qui vivre n’est pas un bonheur, mais simplement la condition de ne
pas mourir… quitte à braver la mort et à se retrouver avec elle entre les bras sur une
autoroute de Belgique, une balle peut-être perdue et la mort trouvée-là. Si seulement la
vision du prophète pouvait se concrétiser dans le réel de l’existence… la chanson de Peter
Gabriel ne serait plus un songe d’artiste « Don’t give up », n’abandonne pas, ne baisse pas
les bras…

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Je parlais de l’actualité de cette vision. Pas tant dans sa littéralité et dans sa réalité que
dans sa symbolique. Ce qui est décrit là, par le prophète, n’est pas à prendre au pied de la
lettre. Il faut le comprendre au sens symbolique. C’est alors que surgit un sens nouveau, qui
en dit tellement plus que notre désir d’être des mages à la Harry Potter qui pourraient faire
ce que les humains ordinaires ne peuvent pas… encore que, même à l’école de Poudlard,
même dans cet univers presque magique, la mort reste la mort. Et, à moins d’avoir parsemé
des traces de son existence un peu partout, le retour à la vie n’est pas possible, y compris
pour le seigneur des ténèbres.

Un sens nouveau ? Le voici : ce n’est plus la mort qui fait partie de la vie, mais la vie qui
fait partie de la mort.
Tel est le projet de Dieu au nom de qui parle le prophète Ézéchiel.
Qui que nous soyons, quoi que nous croyions ou non, en tant qu’être humain, nous
avons une aspiration à la vie. C’est bien, c’est très bien puisque c’est ce qui nous fait
progresser. La vie nous aspire, elle nous mène en avant, avec son corollaire qu’est la mort. Et
nous ne pouvons pas faire comme si cette dernière n’existait pas. Aujourd’hui, la tendance
est celle du tout, tout de suite. Parce que nul ne sait de quoi demain sera fait… de vie, ou de
mort. Alors, on détourne le Carpe Diem, on ne songe pas au lendemain, on fait comme s’il
n’allait jamais venir. Illusion sur laquelle vient buter un jour ou l’autre la réalité.
Contrairement à ce que dit l’expression, nous n’aurons jamais le temps, puisque c’est lui qui
nous tient dans sa main. Le temps ne joue pas en notre faveur ou en notre défaveur,
puisqu’il est, indépendamment de nous. Nous nous inscrivons en lui, simplement.
C’est là, précisément, que la parole prophétique peut être entendue.
Elle ne parle pas de souffle qui serait rendu et puis pfft plus rien…
Elle ne parle pas de vent qui disperse et puis pfft plus rien…
Elle parle d’un souffle qui vient de l’extérieur, d’un souffle donné.
C’est un souffle de vie qui rassemble tout ce qui a été désassemblé.
C’est le souffle de la Vie qui s’écrit (du verbe écrire) et qui s’écrie (de s’écrier) avec une
majuscule.
Oui, maintenant il y a de la Vie, même dans la mort.
Les deux bornes de l’existence sont la vie et la vie !
Vous rendez-vous compte de cela ?
C’est une nouvelle étonnante, détonante même.
Elle a surgi au matin de Pâques avec la résurrection du Christ.
La revoici qui nous est adressée.
Il y a de la vie dans la vie, pas après, au cœur même de la vie il y a encore de la vie. Du
coup, comme il m’est déjà arrivé de le dire ici même, la bonne question n’est pas tant celle
de savoir s’il y a une vie après la mort, mais bien s’il y a une vie dans la vie ? Cette question
est d’ailleurs celle qui intéresse le plus nos contemporains qui ne se soucient guère plus de la
survie après la mort… sauf quand elle survient. Le souffle qui rassemble ce qui était mort,
c’est ici et maintenant qu’il peut agir en chacun, chacune. « C’est cela la grande tragédie,
finalement, c’est de n’avoir pas vaincu la mort durant la vie. C’est pourquoi la vraie question
est de savoir si nous sommes vivants avant la mort »i.
Si seulement, nous les chrétiens, en étions persuadés, nous en serions autrement
persuasifs.
Ce serait une belle et grande nouvelle pour tout le monde, pas rien que pour nous, et
nous la partagerions avec joie.

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Cette bonne nouvelle est celle que les apôtres de Jésus ont vécue au jour de la
Pentecôte, lorsque le souffle de Dieu les a saisis. Jusque-là, ils se terraient, ils restaient
cachés, entre eux, rien qu'entre eux. C'était comme s'ils avaient peur. Bien sûr, certains
avaient revu Jésus vivant, même après sa mort. Mais cela n'avait pas encore changé
radicalement leurs existences. D'ailleurs, exister, étymologiquement, c'est être dehors. Et
eux, ils étaient toujours à l'intérieur. Ils attendaient. Ils n'étaient pas encore du côté de la Vie
majuscule. Ils avaient toujours le mur de la mort comme horizon. Ils attendaient que
quelque chose d'autre se passe, ce que le Seigneur leur avait promis. Je ne sais pas à quoi ils
s'attendaient. Mais là, ça a été violent. Comme une expulsion. Pas de celles que l'on connaît
trop aujourd'hui et qui consistent à renvoyer quelqu'un chez lui, à le mettre dehors,
comprenez au plus loin, à mettre des frontières parce qu'on veut se protéger. C'est ce qu'on
dit dans ce cas-là. Et ce faisant, c'est ceux qui expulsent qui restent dedans, qui
s'enferment... qui sont encore et toujours du côté de la mort, pas de la vie. Non, les apôtres
ont été pris par ce grand souffle de l'Esprit. Là, ils n’ont plus pu tenir en place. Il leur a fallu
sortir pour proclamer la Vie au monde, à tout le monde. Ils sont sortis de leur chambre
haute, tombeau – parce que même si on considère le temps entre l'Ascension de Jésus et la
Pentecôte comme celui d'une gestation, à ne pas sortir de la matrice on finit par mourir. Ils
ont jailli comme on naît (du verbe naître). Ils sont nés de ce coup de vent qui s'apparente à
un coup de pied qui les a projetés dans le monde. Nous sommes redevables de ce coup-là.
Un coup de pied tellement bien venu pour ne pas dire placé, qu’ils en sont devenus
créateurs et surtout origines de quelque chose de nouveau. « Au commencement, l’Esprit
planait – et le vent souffle où il veut »ii, il s’est posé maintenant et c’est à une création
nouvelle que les apôtres et qu’à notre tour nous sommes appelés. Être origine pour donner
sens nouveau où tout est possible. Ce peut être aussi cela « naître d’en haut, naître de
nouveau ». Naître à la création de vie au cœur même de la vie. « La vie est l’enfantement de
Dieu »iii.

Puissions-nous nous ouvrir à notre tour au Souffle, réaliser l’antique prophétie


d’Ézéchiel et revivre la Pentecôte. Les deux à la fois, les deux dans la foi, et le monde saura
qu’une bonne nouvelle lui est adressée par Dieu. Et le monde pourra comprendre qu'il y a de
la Vie en nous, qu'il y a de la Vie en lui, pas que de la mort.
Chacun, chacune peut trouver-là l'aspiration de la Vie.
Si seulement l'humanité pouvait se laisser rassembler, et acceptait de laisser jaillir en
elle la Vie véritable.
Personnellement, j'en pousserai un souffle de soulagement et de joie.

i
Maurice Zundel, « Je ne crois pas en Dieu, je le vis », éd. Le Passeur, p.262
ii
Genèse 1 + Jean 3
iii
Maurice Zundel, opus cité, p.266

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