Академический Документы
Профессиональный Документы
Культура Документы
Décidément, des morts, il y en a partout autour de nous, tout le temps, même si nous
ne les voyons pas. Sans parler de celles et ceux qui terminent leur vie paisiblement, rassasiés
de jours comme dit la Bible, avec leur content de temps. Je sais, c’est banal à dire, la mort
fait partie de la vie. Avec la naissance, elles sont les bornes de toute existence que,
finalement, nous ne maîtrisons pas tant que cela, y compris dans les situations de
désespérance, de suicide ou de morts assistées. Nous ne choisissons pas de vivre – ce sont
nos parents biologiques qui ont fait ce choix, ou l’ont subit – et nous n’échapperons pas à la
mort quel que soit notre désir de la nier ou au contraire de la souhaiter. Même celles et ceux
qui souhaitent laisser une trace de leur passage dans l’histoire (la grande comme la petite)
ne peuvent occulter la mort, l’effacer, faire comme si elle n’était pas pour elles, pour eux.
Nous ne choisissons ni de vivre ni de mourir. Juste, peut-être, le comment vivre, le comment
mourir… et encore. J’ai bien conscience que cette réflexion est celle d’un occidental pour
qui, en fin de compte, tout ne va pas si mal en comparaison avec ce que vivent des millions
d’autres personnes pour qui vivre n’est pas un bonheur, mais simplement la condition de ne
pas mourir… quitte à braver la mort et à se retrouver avec elle entre les bras sur une
autoroute de Belgique, une balle peut-être perdue et la mort trouvée-là. Si seulement la
vision du prophète pouvait se concrétiser dans le réel de l’existence… la chanson de Peter
Gabriel ne serait plus un songe d’artiste « Don’t give up », n’abandonne pas, ne baisse pas
les bras…
Un sens nouveau ? Le voici : ce n’est plus la mort qui fait partie de la vie, mais la vie qui
fait partie de la mort.
Tel est le projet de Dieu au nom de qui parle le prophète Ézéchiel.
Qui que nous soyons, quoi que nous croyions ou non, en tant qu’être humain, nous
avons une aspiration à la vie. C’est bien, c’est très bien puisque c’est ce qui nous fait
progresser. La vie nous aspire, elle nous mène en avant, avec son corollaire qu’est la mort. Et
nous ne pouvons pas faire comme si cette dernière n’existait pas. Aujourd’hui, la tendance
est celle du tout, tout de suite. Parce que nul ne sait de quoi demain sera fait… de vie, ou de
mort. Alors, on détourne le Carpe Diem, on ne songe pas au lendemain, on fait comme s’il
n’allait jamais venir. Illusion sur laquelle vient buter un jour ou l’autre la réalité.
Contrairement à ce que dit l’expression, nous n’aurons jamais le temps, puisque c’est lui qui
nous tient dans sa main. Le temps ne joue pas en notre faveur ou en notre défaveur,
puisqu’il est, indépendamment de nous. Nous nous inscrivons en lui, simplement.
C’est là, précisément, que la parole prophétique peut être entendue.
Elle ne parle pas de souffle qui serait rendu et puis pfft plus rien…
Elle ne parle pas de vent qui disperse et puis pfft plus rien…
Elle parle d’un souffle qui vient de l’extérieur, d’un souffle donné.
C’est un souffle de vie qui rassemble tout ce qui a été désassemblé.
C’est le souffle de la Vie qui s’écrit (du verbe écrire) et qui s’écrie (de s’écrier) avec une
majuscule.
Oui, maintenant il y a de la Vie, même dans la mort.
Les deux bornes de l’existence sont la vie et la vie !
Vous rendez-vous compte de cela ?
C’est une nouvelle étonnante, détonante même.
Elle a surgi au matin de Pâques avec la résurrection du Christ.
La revoici qui nous est adressée.
Il y a de la vie dans la vie, pas après, au cœur même de la vie il y a encore de la vie. Du
coup, comme il m’est déjà arrivé de le dire ici même, la bonne question n’est pas tant celle
de savoir s’il y a une vie après la mort, mais bien s’il y a une vie dans la vie ? Cette question
est d’ailleurs celle qui intéresse le plus nos contemporains qui ne se soucient guère plus de la
survie après la mort… sauf quand elle survient. Le souffle qui rassemble ce qui était mort,
c’est ici et maintenant qu’il peut agir en chacun, chacune. « C’est cela la grande tragédie,
finalement, c’est de n’avoir pas vaincu la mort durant la vie. C’est pourquoi la vraie question
est de savoir si nous sommes vivants avant la mort »i.
Si seulement, nous les chrétiens, en étions persuadés, nous en serions autrement
persuasifs.
Ce serait une belle et grande nouvelle pour tout le monde, pas rien que pour nous, et
nous la partagerions avec joie.
i
Maurice Zundel, « Je ne crois pas en Dieu, je le vis », éd. Le Passeur, p.262
ii
Genèse 1 + Jean 3
iii
Maurice Zundel, opus cité, p.266