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21/11/2018 Le français : des mots de chacun, une langue pour tous - Coexistence du français et des langues nationales dans

les dans les pays francop…

Presses
universitaires
de Rennes
Le français : des mots de chacun, une langue pour
tous | Françoise Argod-Dutard

Coexistence du
français et des
langues nationales
dans les pays
1
francophones
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(mise à jour le 25 juin 2018).
Slimane Benaïssa, Victor
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Bouadjio, Fermer Mohammed

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El Amraoui, Mohomodou
Houssouba, Julien Kilanga
Musinde, Jacques Legendre,
Xavier North et Robert Trudel
p. 195-226

Texte intégral
1 La coexistence du français et des langues nationales est un
problème essentiel dans la Francophonie, tout simplement
parce que, la France exceptée, le français n’est langue unique
dans aucun pays francophone ; il est concurrencé ou il est au
contact avec d’autres langues. Dans un pays où la langue
nationale n’est pas le français, on veillera donc à ce que le
français n’entre pas en conflit avec cette langue. Nous
sommes les uns et les autres tout à fait attachés à ce que la
langue française soit respectée, mais également les autres
langues, sinon nous manquerions gravement à ce qui fait la
force de notre réflexion qui est notre attachement à la
diversité des langues et des cultures. Sauf à être hypocrite,
on ne peut pas être attaché à la défense du français et ne pas
comprendre que c’est un devoir de respecter les langues
maternelles et les autres langues nationales qui cohabitent
avec le français dans l’espace francophone.
2 Jacques LEGENDRE2

Rapports entre le français et les langues


africaines
3 Je mesure bien le poids de la responsabilité qui m’est confiée
de parler d’un sujet apparemment inoffensif sur le
partenariat des langues nationales et du français en Afrique
francophone. Mais on ne peut aborder diverses dimensions
de cette
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complexité
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plus de précisions, problèmes qu’elle
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paresseusement et avec(mise à jour le 25
beaucoup dejuin 2018).
modestie, croyez-le
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problèmes plutôt que d’apporter des certitudes. Donner des
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éléments du débat sans mettre en exergue l’illusion que
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quiconque a des solutions par rapport aux problèmes


complexes auxquels nous avons à faire face.
4 Ce sera un honneur pour moi, si par les échanges que nous
aurons à l’issue de cet exposé, nous pouvons contribuer à la
conciliation des divergences que provoquent généralement
ce genre de thèmes. Cet honneur est aussi pour moi une
interpellation pour un chercheur qui a longtemps réfléchi
sur les contacts entre le français et les langues africaines et
qui, maintenant, constitue un trait d’union entre la théorie et
l’action de par ses fonctions actuelles à l’Organisation
internationale de la Francophonie. C’est fort de toutes ces
considérations que je n’ai pu résister à répondre
positivement à votre invitation de venir parler devant vous
de l’incidence des rapports entre le français et les langues
partenaires.
5 Mon propos porte donc sur le thème « Rapports entre le
français et les langues africaines ». Et en parler soulève la
question du partenariat des langues en Francophonie. Le
sujet ainsi formulé laisse entrevoir qu’il faudra l’examiner en
quatre étapes :

Le sens du partenariat entre le français et les langues


africaines.
Francophonie et partenariat des langues en Afrique.
L’incidence du contact entre le français et les langues
africaines.
Perspectives.

Le sens du partenariat entre le français et les


langues africaines
6 La précision sémantique est d’importance ici du fait de la
multiplicité des termes ouvrant des réalités sensiblement
différentes, bien que se rapportant à la même réalité des
langues en contact avec le français. Ces langues sont
«Cematernelles
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Nombre
Pour de personnes
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nous vous les pays du sud,notre
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les jeunes, ont pour langue (mise àmaternelle,
jour le 25 juinle2018).
français ou une
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langue véhiculaire, c’est-à-dire une langue
d’intercommunication, d’usage courant, cohabitant avec le
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français. Dans ce cas, s’établit une distinction entre la langue
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officielle et les langues nationales bien que ces dernières


soient rarement intranationales et habituellement
transnationales. Pourquoi les qualifier de partenaires ? La
politique linguistique francophone, fondée sur le
« partenariat », a fait prévaloir la notion de langues
partenaires, entendues comme langues qui coexistent avec la
langue française, comme elles le font éventuellement entre
elles, avec laquelle sont aménagées les relations de
complémentarité et de coopération fonctionnelles, dans le
respect des politiques linguistiques existantes.
7 En principe, chaque langue a ses langues partenaires avec
lesquelles elle entretient ces types de rapport. Dans la
version maximale, il existerait au moins trois sortes de
langues partenaires du français :

d’abord, des langues transcontinentales organisées en


aires linguistiques avec lesquelles des alliances
interlinguistiques sont possibles, comme l’arabe, le
portugais, l’espagnol et l’anglais ;
ensuite les langues écrites de l’espace francophone, qui
sont dans un rapport de convivialité avec le français
comme le bulgare ou le vietnamien ;
enfin des langues africaines et créoles dont l’effort
d’aménagement dépend pour une large part de son
partenariat avec les anciennes langues « coloniales », le
portugais, l’anglais et surtout le français pour l’espace
francophone qui nous concerne particulièrement ici.
C’est cette dernière catégorie qui concerne
particulièrement les langues d’intercommunication,
appelées, dans le langage courant, « langues
nationales ».

8 Pour la Francophonie, les langues nationales, prioritaires,


sont celles qui sont transnationales. Le plan d’aménagement
linguistique de la Francophonie (1993)3 en dénombre neuf
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dont certaines sont désignées par des glossonymes
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différents) : (mise à jour le 25 juin 2018).
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le swahili (Burundi, Rwanda, Kenya, RDC, Ouganda,
Tanzanie) ; Fermer

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le complexe manding-malinké, bambara, dioula


(Burkina-Faso, Côte-d’Ivoire, Guinée, Mali, Sénégal,
Guinée-Bissau) ;
le complexe kirundi-kinyaruanda (Burundi, Rwanda,
RDC) ;
le kikongo-ikeleve-monokotuba (Congo, RDC, Angola) ;
le lingala (RDC, Congo, Angola) ;
le peul-pulaar-fulfulde (Burkina-Faso, Guinée, Bénin,
Mali, Mauritanie, Gambie, Cameroun) ;
le wolof (Sénégal, Gambie, Mauritanie) ;
le haoussa (Niger, Nigeria) ;
le yoruba (Benin, Togo, Nigeria).

9 Sont prises également en charge, les trois langues nationales


« intranationales » ci-après :

le sango (RCA) ;
le malgache (Madagascar) ;
le ciluba (RDC).

10 Les langues créoles les plus en vue dans l’Afrique


francophone sont :

en Océan Indien, le seychellois et le mauricien, le


réunionnais faisant partie des « langues de France ».

La Francophonie et le partenariat des langues en


Afrique
11 Dans le cadre de la valorisation de ces langues, en raison de
leur importance et de leur complémentarité avec le français,
l’appui apporté à ces langues par la Francophonie repose sur
trois grandes motivations :

Politiquement, la Francophonie, prônant le respect de la


diversité culturelle et linguistique, ne peut se permettre
d’être
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l’égarddes de ces langues
informations multiples,
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Pour plusvecteurs des cultures
de précisions, nous vouset des traditions,
invitons à consulter qui
notrefont partiede
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son paysage linguistique.(mise à jourUnele 25attitude
juin 2018).
d’indifférence
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serait d’autant plus coupable, sinon fatale pour ces
langues, que celles-ci, essentiellement orales, n’ont pu
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encore conquérir leur droit de cité dans


l’environnement de l’écrit.
Sociologiquement, il s’agit de langues toujours utiles,
intervenant encore dans la chaîne de communication.
Elles constituent même le passage obligé pour
communiquer avec les couches populaires. Situées en
position de partenariat avec la langue française, elles
rendent possible la maximisation de la circulation des
idées, des produits culturels et des contenus
éducationnels. Leur mise en valeur est aussi de nature à
favoriser les velléités de démocratisation, en rendant
possible la participation de toutes les couches sociales à
la vie citoyenne (les campagnes électorales se déroulent
le plus souvent en langues nationales).
Pédagogiquement, l’apprentissage d’une langue
nouvelle passe par la maîtrise des structures
linguistiques de la « langue maternelle ». Le
mémorandum des ministres en charge de l’éducation,
en marge des États généraux de l’enseignement du
français en Afrique subsaharienne francophone
(Libreville, mars 2003), le souligne :

La prise en compte des langues nationales dans le cursus


d’enseignement est bénéfique pour le français et [...] cette
question ne peut être écartée dans toute réflexion portant
sur l’enseignement du français dans l’ensemble des cycles de
formation formelle et non formelle.

12 Dans le domaine de l’enseignement de ces langues, le


préalable est d’ordre politique. Il réside d’abord dans la
décision d’introduire les langues nationales, dans les
systèmes éducatifs. Démarche soumise à des résistances
d’ordre pratique, psychologique et technique, variables d’un
pays à l’autre. Une telle option est évidemment plus aisée
dans des pays monolingues, comme le Rwanda et le
Burundi, éventuellement ceux qui jouissent d’un
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aménagement
Pour « de
plus de précisions, fait
nous » ou
vous préexistant,
invitons à consultercomme la RDC,deleconfidentialité
notre politique
Sénégal ou le Mali, que(mise dans ceux
à jour le 25qui
juinl’adoptent
2018). pour la
premièreEn poursuivant votre souvent,
fois. Le plus navigation,l’enseignement
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en langues
nationales n’est expérimenté, en Afrique francophone, que
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dans le cadre des campagnes d’alphabétisation ou dans les
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premières années du cycle primaire, puisqu’au-delà,


l’enseignement en français prend en principe le relais. Il va
sans dire que le besoin d’enseigner des langues nationales ou
en langues nationales suppose aussi la production préalable
des méthodologies appropriées, des manuels scolaires et des
traductions de base des disciplines concernées, pour rendre
possible un tel exercice. La méthode de la pédagogie
convergente de Michel Wambach4 a été mise en
expérimentation, avec succès au Mali. Il est indispensable
d’inventorier les méthodologies qui existent et d’en évaluer
la pertinence. Cette pédagogie dite convergente comme
l’éducation bilingue repose sur le principe de base qui est
qu’un individu bilingue a un système de base unique qu’on
pourrait assimiler en référence à la vieille terminologie
chomskyenne, à la structure profonde, les langues naturelles
ne différant entre elles que par les structures de surface. Si
l’on se réfère à l’expérience de pédagogie convergente
conduite au Mali, on note qu’elle est importante et
intéressante à la fois par sa durée et par les multiples
évaluations et études dont elle a fait l’objet. L’une des
dernières études est celle de B. Maurer5, fondée sur une
observation de terrain prolongée, qui pose le problème des
fondements linguistiques réels de la démarche dans une
perspective critique.
13 De manière générale, il est admis qu’il est plus facile
d’apprendre à lire et à écrire une langue étrangère quand on
est déjà alphabétisé dans sa propre langue et d’autre part,
qu’il est souhaitable que le système linguistique premier soit
fixé avant de passer à l’acquisition d’un second ; même si, en
outre, on admet le point de vue chomskyen que toutes les
langues sont identiques à une profondeur de structures
suffisante ou de façon plus proche dans la langue-source et
dans la langue-cible aux divers plans.
14 Julien KILANGA MUSINDE6
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Laplusconcomitance
Pour de précisions, nous vous du français
invitons etnotre
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(mise à jour le 25 juin 2018).
langues nationales au Mali
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15 Le terme « concomitance » signifie la simultanéité de la
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présence du français et d’une langue natale. Dans le cas du
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malien, il faut être précis, nous avons treize langues


nationales qui vont du bambara, parlé par 90 % de la
population, à l’arabe sub-saharien, parlé par 1 %. Le
bambara est la langue dominante parmi les grandes langues
comme le peul (20 %), le dogon ou le songhaï. Le français est
utilisé comme langue principale par 10 % de la population.
Elle n’est pas la langue officielle mais, selon la Constitution
malienne, « la langue d’expression officielle » ; la formule est
plus ambiguë. La concomitance est donc la juxtaposition, la
coexistence de ces treize langues (six sont enseignées dans
les écoles du primaire) entre elles et avec le français.
16 Le Mali est considéré comme un pays révolutionnaire sur le
plan de l’introduction des langues nationales dans le système
éducatif. Nous avons eu l’indépendance en 1960 et déjà, en
1962, il y a eu une réforme historique que l’on appelle encore
la réforme de 1962. Cette réforme, au moins dans sa
philosophie, avait pour idée centrale l’introduction de
langues nationales dans le système éducatif. Dans les faits,
cette réforme va être appliquée très tardivement. Ce n’est
pratiquement que dans les années 1980-1990 que nous
allons avoir une véritable poussée de l’introduction de
langues locales et nationales dans notre système éducatif.
Depuis six ans, c’est presque systématique : les quatre
premières classes au moins sont instruites dans la langue
locale, c’est ça l’idée de la concomitance. C’est écrit ainsi
dans la dernière loi d’orientation promulguée en 1999 qui
devrait initier le prochain programme décennal de
développement de l’éducation.
17 La question de la langue a été au cœur des réformes scolaires
au Mali au lendemain des indépendances. Mais, il faut
d’abord distinguer entre les deux aspects de la question : la
langue parlée et la langue écrite. La langue écrite nous
intéresse davantage dans la mesure où elle était
systématiquement confondue avec la langue officielle – le
français – durant
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personnelles vous concernant.
Pour plusildeexistait
sûr, précisions,
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de l’arabe
(mise à jour le
classique mais l’école arabophone 25 juin pas
n’avait 2018).
la vocation de
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l’école populaire francophone, introduite avec
l’administration coloniale, dans le but, au moins théorique,
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de réaliser une scolarisation de masse.
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18 Ainsi, la critique de l’école coloniale, qui parcourt la


déclaration de réforme en 1962, prend pour cible les faibles
taux d’alphabétisation en général et la faible prise en compte
des filles dans les plans de recrutement scolaire, ce qui
semble a priori paradoxal, parce que l’école laïque et
universaliste devrait incarner l’accès égal au nouvel
instrument d’émancipation individuelle.
19 La critique est nourrie par une idéologie nationaliste – le
terme est utilisé et considéré comme valorisant – inspirée à
son tour par les expériences des pays socialistes et
communistes de par le monde. Elle relève un acquis positif
que ces pays semblent partager : la capacité de mobiliser
leurs maigres ressources au profit du maximum de citoyens.
L’alphabétisation et la couverture sanitaire figurent au
sommet des priorités. L’analyse considère également que la
prépondérance de l’illettrisme, après 80 ans de scolarisation,
tient à la structure capitaliste de l’ordre colonial. Mais, sur ce
point, il y a un flou parce que la critique compare aussi la
situation satisfaisante en métropole avec la situation
marginale dans la colonie, laissant entendre que les
disparités (sans commune mesure) sont dues à l’échelle des
priorités du pouvoir colonial, non pas à la rareté des moyens.
20 Cependant, la déclaration, si riche en philosophie culturelle,
ne marque pas un départ significatif une fois qu’on examine
de près les programmes proposés. Ils reprennent
généralement les éléments centraux des programmes
antérieurs avec des modifications qui ne pourraient avoir
que des conséquences limitées. La politique de langue
d’instruction illustre cet écart entre déclaration et
application. Le français serait maintenu et même
relativement renforcé ; les langues locales seront utilisées,
par compensation, dans les programmes d’alphabétisation
populaire. En réalité, même les premières tentatives de
cours à distance (par radio) ont été conçues en français
avant
Ce sited’être
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21 Pour
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l’alphabétisation
(mise à jour leappliquée
fonctionnelle et de la linguistique 25 juin 2018).
(DNAFLA) va
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plutôt perpétuer la bipolarité français (enseignement formel)
et langues nationales (enseignement informel et discontinu).
Fermer
Cet immobilisme des premières décennies a ses racines dans
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des conflits d’intérêts internes et externes. À l’intérieur, on


parle du syndrome « soudanais » ; c’est-à-dire, du personnel
de l’enseignement (et de l’administration scolaire) qui a été
formé au temps du Soudan français, sorti pétri de culture
française (ancienne école) et réfractaire à tout changement,
leurs critères d’évaluation étant une sorte d’auto-référence
qui impute toute dégradation de la qualité de l’enseignement
au « dérangement » du bon système d’autrefois. L’explosion
des effectifs, la dégradation des ratios moyens
disponibles/population cible, l’inadéquation des habitudes
pédagogiques autrefois appliquées à coups de bâton, entre
autres, sont systématiquement minimisées. La doléance
stéréotypée des « Soudanais » semble être l’éloignement de
la rigueur grammaticale et orthographique que les nouvelles
expérimentations entraînent. L’usage exclusif d’une langue
parlée par un pourcentage statistiquement nul de la
population ne rentre pas en ligne de compte. Ainsi, la
critique pour la « nouvelle école » va s’engager sur cette
contradiction – d’une part des réformistes qui ont soulevé la
question des langues nationales juste pour l’oublier par la
suite ; d’autre part les adhérents du système en place qui
taisent la question de ces langues entièrement. Le débat
émergent sera plus pragmatique, dans la mesure où il essaie
de réconcilier l’alphabétisation avec la scolarisation et de
colmater la brèche débilitante qui fait du Mali un pays de
référence en théorie de réforme post-coloniale mais un
terrain en friche sur le plan opérationnel. Un pays comme la
Guinée a introduit immédiatement l’enseignement en
langues nationales, mais sans préparation et avec des
conséquences fâcheuses pour deux générations après 1958.
Donc, il ne suffit pas d’opposer radicalement le français aux
langues nationales pour déminer ce terrain sensible.
22 Le régime socialiste est renversé en novembre 1968 : huit
ans de tentatives chaotiques. Il aura fallu huit ans encore
pour faire
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unique, quideaconfidentialité
succédé au premier régime, (mise à jour
n’ale 25jamais
juin 2018).
eu une ligne
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idéologique marquée. Le maintien au pouvoir de la junte
concerne plus ses membres que les bricolages de
Fermer
programmes scolaires. Dans l’ensemble, il n’y aura pas de
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grandes ruptures, à part la suppression des références


directes à l’ancien régime et au président Modibo Keïta. Le
maintien des textes lus à l’école, dont le choix est largement
influencé par la vision révolutionnaire et pan-africaniste de
la première période, illustre ce paradoxe. Même la formation
massive des jeunes Maliens dans l’Union Soviétique et les
autres pays du Bloc de l’Est va continuer sans turbulences
majeures.
23 Les intérêts externes en mutation concernent plutôt les
relations entre le Mali et la France, en premier lieu, et
l’Occident, en général. Si les rapports officiels étaient réduits
au minimum sous Modibo Keïta qui a misé sur l’URSS et les
pays satellites, une reprise s’entame après les années 1970,
et l’influence de la France et l’importance de la coopération
française augmentent parallèlement. Les sécheresses et
crises alimentaires mettent le jeune gouvernement du
Comité militaire de libération nationale (CMLN) à genoux au
début des années 1970, l’effort de secours aux affamés aura
été soutenu par les pays qui en avaient les moyens : la
France, les États-Unis, l’Allemagne... l’Occident en un mot.
Cet épisode marque un fort recul du discours souverainiste.
La conception des programmes, la formation des
formateurs, la construction des locaux, l’approvisionnement
en matériels didactiques vont tous bénéficier de l’appui
français. Mais la coopération culturelle française a ses
propres priorités : veiller au maintien et au renforcement de
la langue française dans le système éducatif, organiser des
manifestations à travers les Centres culturels français pour
faciliter les échanges entre le public malien, le monde
scolaire, les créateurs et les ambassadeurs de la culture
française, du moins, les locuteurs variés du français, même
s’il s’agit de troupes de théâtre de la Réunion ou des conteurs
de Bretagne ou du Québec.
24 Dans un entretien d’août 2004, un ancien ministre de
l’Éducation, chargé
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africaines dans lesnous vous invitons
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y avait un conflit d’intérêt (mise à jour le 25
inhérent etjuin
bien2018).
compréhensible
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qui l’incitait autant qu’il pouvait à chercher des partenaires
non-français lorsqu’il s’agissait de l’enseignement en langue
Fermer
nationale. Il était en charge de l’Éducation de base durant la
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période où d’énormes investissements étrangers ont été


consentis en faveur de l’école primaire (1992-1996). Ce qu’on
appelait la Nouvelle école fondamentale (NEF) fut un essai
de lancement à grande échelle du modèle des écoles
expérimentales en langues nationales développé sur les deux
« générations » évoquées dans la déclaration d’orientation
du PRODEC. La NEF a été largement financée par l’USAID
(États-Unis), les coopérations belge et néerlandaise. Elle a
connu un coup d’arrêt brusque après 1995 et a dû être
réorganisée avec la dissolution du ministère de l’Éducation
de Base (MEB). L’échec va déclencher un nouveau processus
qui sera officiellement relancé par le biais du PRODEC.
25 Le PRODEC est très critiqué mais il survit encore aux aléas
en la matière. La critique est concentrée sur la conception et
l’application de la pédagogie convergente (PC) qui affirme la
primauté des langues du pays dans l’instruction, en fait les
premières langues de l’école, mais maintient également la
concomitance avec le français qui prend la relève
officiellement après les six (6) premières classes, mais en
pratique, par effet d’anticipation, commence souvent entre la
3e et la 4e classe. On peut attribuer l’anticipation au fait que
le français demeure la langue du succès à long terme et au
fait que les parents et les enseignants et directeurs d’écoles
veillent à ce que leurs enfants ou élèves ne soient pas
handicapés en fin de compte. Ainsi, même si les études
techniques prouvent que la convergence se passe plutôt
mieux pour les apprenants qui ont reçu une formation solide
en langue nationale, notamment avec un niveau supérieur en
langue française, l’information ne suffit pas encore pour
persuader certains parents et instructeurs. En réalité,
d’après mes propres entretiens dans la région de Gao, les
enseignants sont plus réticents que les parents d’élèves, à
cause de leur propre enracinement dans un système de
valeurs exclusivement conçu autour du français comme
langue d’instruction.
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nationales, politique
est peu de confidentialité
pensable
de se passer du français (mise à jour
à court et le 25 juinterme.
moyen 2018). Quel avenir
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pour la concomitance ?
26 Pour le moment, il semble qu’une contradiction
Fermer
fondamentale reste à résoudre. Le modèle de PC en vigueur
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n’est pas de nature durable. En effet, il perpétue un blocage


au niveau de la politique de langue(s) d’instruction. La
population d’enfants à scolariser augmente avec un
dynamisme démographique constant et le changement
récent des mentalités dans la campagne surtout où 80 %
continuent à vivre. Les parents envoient volontiers leurs
enfants à l’école et construisent même des structures
précaires pour forcer la main du gouvernement qui se trouve
souvent devant le fait accompli et forcé à fournir des
instructeurs. La demande croît et la pression sur les
ressources humaines matérielles restera intacte. Il y a vingt
ans seulement, c’était le gouvernement qui envoyait la
gendarmerie pour « recruter » les nouveaux écoliers, à cause
de la résistance des parents, surtout en milieu rural et
périurbain. Pour les années à venir, l’État disposera de peu
de moyens pour investir dans la production de textes en
langues nationales, ne serait-ce que pour les cours moyens et
secondaires. Le temps favorise le français à long terme. Si la
population qui utilise le français comme première langue est
estimée à 10 % et peut être considérée comme encore faible,
elle était de juste 1 % il y a 45 ans. Mais, une autre courbe
montre que la première langue nationale, le bamanankan ou
bambara a progressé dans la population : d’environ 50 % en
1960 à 80-90 % en 2000. S’il s’agit de la première langue
d’instruction à l’école primaire dans l’ensemble, son
développement non-formel se fait dans la presse rurale,
l’édition en langues nationales (la Sahélienne, Jamana,
Donniya) et les Centres d’études pour le développement
(CED, i.e. écoles de proximité chargées de l’alphabétisation
de base et de l’apprentissage des techniques rudimentaires
surtout pour la survie en monde rural).
27 À long terme, la gestion de la concomitance sera plus
délicate si la culture démocratique s’enracine et la
décentralisation atteint un stade opérationnel. Dans ce cas,
les décisions
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de véhicule
pour l’administration municipale(mise à jour de
le 25 juin ou
telle 2018).
telle commune
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de Mopti ? Serait-ce le fulfulde (peulh) ici, le bambara,
songhaï ou dogon là ? Plus vraisemblablement, le fulfulde
Fermer
comme langue officielle de la région. Les mêmes questions
https://books.openedition.org/pur/34911?lang=fr 13/44
21/11/2018 Le français : des mots de chacun, une langue pour tous - Coexistence du français et des langues nationales dans les pays francop…

vont se poser différemment pour les régions de Tombouctou


et Gao avec le songhaï, le tamacheq et le hassaniya (maure),
à Ségou avec le bambara et le bomu (bobo), Sikasso avec le
bambara, le minianka et sénoufo (deux parlers liés à la
racine), le bambara avec le maninka (malinke) à Koulikoro,
le bambara avec le khassonké, soninke, pulaar (peulh) et
maure dans la région de Kayes.
28 La multiplicité des scénarios sous fond de prééminence
(linguistique) bambara suscite deux réactions au moins à
noter : ceux qui, convaincus de la marche irréversible vers
les langues nationales comme langues officielles effectives
(instruction et administration), essaient d’apaiser les
angoisses en prônant une approche graduelle et pragmatique
pour établir des frontières linguistiques tant au niveau
municipal que régional et national, les pessimistes qui
estiment que la complication est inutile et coûteuse et
pourrait déstabiliser le pays à terme. Parmi ceux-ci,
beaucoup sont paradoxalement favorables à la promotion
des langues nationales mais pensent que, pour le moment, le
pays n’a ni les ressources ni les compétences pour
promouvoir dix à treize langues avec le français comme
langue d’accompagnement – c’est-à-dire, en formant des
enseignants compétents et en produisant des livres et
logiciels modernes pour supporter l’école, l’administration et
toutes les structures fonctionnelles d’un État moderne. Entre
les deux positions contradictoires, la politique officielle
supporte la première mais se garde d’être systématique ou
rigide. En réalité, surtout dans la capitale qui a connu une
explosion des écoles privées ces dernières années,
l’application de la pédagogie convergente est réduite à sa
portion congrue. Les parents qui cherchent un refuge pour
leurs enfants dans le privé (autrefois stigmatisé) votent
largement contre la PC et le gouvernement n’a pas les
moyens ou la volonté de leur imposer sa politique.
29 Enfin,
Ce site cette
utilisequestion
des cookiesa et
une dimension
collecte internationale,
des informations dans
personnelles la concernant.
vous
Pour plus de précisions,
mesure où l’usage nouscontinu
vous invitons duà consulter
françaisnotre
est politique
un intérêtde confidentialité
stratégique pour la coopération (mise à jour lefrançaise
25 juin 2018).
et une quête
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collective pour les pays membres de la Francophonie. Une
grande partie de la population francophone se trouve en
Fermer
Afrique occidentale et centrale, constitue la moitié de
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21/11/2018 Le français : des mots de chacun, une langue pour tous - Coexistence du français et des langues nationales dans les pays francop…

l’audience de Radio France Internationale et une grande


partie des téléspectateurs de la chaîne TV5, mais demeure
périphérique dans le rapport de force économique et surtout
la production intellectuelle, culturelle et artistique. Elle
consomme surtout les produits réalisés ou traduits depuis le
Nord. Cette dépendance structurelle est un facteur de
paralysie dans un pays qui cherche à développer une
alternative à l’héritage colonial. Presque cinquante ans après
l’indépendance, il n’est pas encore possible de réconcilier les
réalités parallèles contenues dans la coexistence du français
et des langues nationales dans un pays qui poursuit pourtant
une politique explicite d’indépendance linguistique depuis le
début. Mais aucun pas décisif n’est franchi, ni en acceptant
la réalité du français comme langue nationale de travail ni en
faisant le choix d’une ou deux langues nationales que le pays
peut se donner les moyens de développer de façon cohérente
et approfondie. Un tel choix aurait en effet des répercussions
politiques auxquelles la classe dirigeante n’est pas prête à
faire face. L’attentisme résultant semble conforter le rôle du
français au point que la coopération française n’a pas besoin
de militer activement pour le maintien de la langue
française. Bien sûr, la dépendance persiste : les décisions
finales en matière de réforme scolaire transitent encore par
des centres d’études en France et les manuels scolaires,
même en langues nationales, sont souvent imprimés en
France.
30 Mais la position du français n’est pas pour autant assurée à
long terme. Le même phénomène qui mine l’application de
la PC et « sabote » la politique de langues nationales force de
nouvelles orientations en matière d’enseignement supérieur.
Les séjours de formation en Europe occidentale et Russie
fluctuent ou diminuent depuis les années 1990 alors que les
échanges universitaires avec l’Amérique du Nord, la Chine et
l’Inde, entre autres, croissent constamment. Les nouvelles
écoles supérieures
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l’enseignement
de l’anglais, comme langue (misedeà passage
jour le 25 au
juintroisième
2018). cycle, est
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de plus en plus présent. En effet, beaucoup d’étudiants
maliens qui ont commencé par le Québec ont fini par
Fermer
s’installer dans l’Ontario ou une autre province anglophone.
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21/11/2018 Le français : des mots de chacun, une langue pour tous - Coexistence du français et des langues nationales dans les pays francop…

Aux États-Unis, à part un groupe d’enseignants recrutés par


le gouvernement louisianais pour donner des cours de
français, la majorité des immigrés apprennent, étudient et
travaillent dans un milieu anglophone.
31 Ainsi, même s’il est irréaliste de prédire une substitution
« naturelle » de l’anglais au français comme langue d’accès
international, rien n’empêche qu’une nouvelle élite tournée
vers le monde anglophone ne change la donne en s’appuyant
sur une jeunesse beaucoup plus attirée par l’outre-
Atlantique malgré les bousculades dramatiques qui existent
actuellement aux portes de l’Europe. Dans cette perspective,
les dimensions symboliques sont également remarquables.
Quand le Corps de la Paix envoie de jeunes Américains au
Mali, ceux-ci commencent par l’apprentissage des langues
locales et s’appliquent à les parler plus ou moins
correctement avant d’être rapatriés deux à quatre ans après.
Ce qui n’est pas le cas des jeunes coopérants français qui
perpétuent l’isolement linguistique des représentants de la
France au Mali. Dans un proche avenir, tous ces éléments
objectifs ou symboliques pèseront sur la position de la
langue française – encore la langue « naturelle » d’une
certaine élite malienne. Cette couche sociale, dominante
dans la gestion des affaires et imprégnée de culture
française, doit bientôt faire face à la compétition de cadres
influents, formés ou acculturés dans d’autres cultures
intellectuelles, qui trouvent un terrain de compromis dans
l’anglais, de la même manière que le français réunit encore
des cadres ayant fait leur formation ou première carrière en
allemand, russe ou espagnol. Une analyse rigoureuse de la
coexistence du français et des langues nationales devrait
simuler toutes ces perspectives qui peuvent, selon les
circonstances, influencer le cours de l’histoire.
32 Mohomodou HOUSSOUBA7

La singularité
Ce site deet l’Afrique
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33 Lors d’un événement(mise comme celui-ci,
à jour le 25 il n’est pas
juin 2018).
inintéressant de faire
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nous autres d’Afrique noire francophone, avec la langue
française. Celle-ci constitue toujours
Fermerune aventure et une

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21/11/2018 Le français : des mots de chacun, une langue pour tous - Coexistence du français et des langues nationales dans les pays francop…

transformation sans pareilles dans notre existence, aux


antipodes de la manière dont nos contemporains français
eux-mêmes vivent leur propre langue. Comme pour la
grande majorité d’entre nous, ma rencontre avec le français
s’est faite dans le cadre très conflictuel de l’école primaire
où, comme en Bretagne il y a à peine quelques générations,
les instituteurs s’évertuaient à imposer de façon très
coercitive le français au détriment des langues locales.
34 Mais ce passage forcé dans un monde nouveau s’est révélé
comme le début d’un enchantement permanent, voire
définitif, dans la mesure où j’ai ainsi, un peu malgré moi,
disposé d’une « clé » pour pénétrer dans l’univers infini des
Lettres, des Sciences et de toutes les connaissances
engrangées par l’homme au fil des âges.
35 Certes, dans cette grande expérience de partage d’une langue
par des peuples différents et dont les revenus restent
extrêmement inégaux, l’Afrique noire, conquise mais avide
de savoirs, manque aujourd’hui de scolarisation et, plus
dramatiquement, de livres. Et voici, pour illustrer ce terrible
constat qui reste d’actualité, ce qui m’est arrivé
personnellement : une fois persuadé qu’il me fallait réussir
dans la vie par les études, je me suis trouvé très tôt (trop tôt)
confronté à une soif constamment inassouvie de livres. Mais
qu’à cela ne tienne ! La manière dont le gamin de 12 ans que
j’étais a tiré son épingle du jeu mérite peut-être d’être dite ici
en quelques mots. Je n’ai jamais couru aussi vite qu’après les
bouts de journaux français qui atterrissaient en Afrique,
allez savoir comment, et que les épiciers des quartiers et les
commerçantes des trottoirs utilisaient pour emballer les
articles qu’ils vendaient. Moi, j’étais devenu un chasseur de
ces bouts d’imprimés que je conservais précieusement et
dont chaque mot entrait, un jour ou l’autre, dans ma
mémoire. Vers 15 ans, mon répertoire était riche de mots et
de phrases rangés dans une suite aléatoire dont le sens,
évidemment égaré,
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archives d’époque pour la (mise à jour le 25 juin
construction d’un2018).
de mes romans.
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36 Près d’un demi-siècle après les indépendances africaines, où
en est la littérature d’Afrique noire ? La réponse ne se
Fermer
trouve-t-elle pas dans les salons du livre comme Paris ou
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21/11/2018 Le français : des mots de chacun, une langue pour tous - Coexistence du français et des langues nationales dans les pays francop…

Francfort ? Vaste est l’espace francophone, et riches les


univers de création littéraire qu’il englobe. Et pourtant, les
éditeurs francophones, et parisiens en particulier, quand ils
ne jurent pas par les best-sellers de l’Hexagone, ne le font
que par les grosses plumes anglo-saxonnes. Même les
Québécois, les Suisses et les Belges doivent se battre pour
accéder au marché mondial sous le label de la francophonie.
Quant aux Africains, la route est encore plus longue.
Lorsqu’on s’intéresse un tant soit peu à la littérature
anglophone dans son ensemble, on a cette impression (est-
elle justifiée ?) qu’il existe une certaine équité dans le
partage de visibilité littéraire pour l’ensemble des espaces du
Commonwealth et que les auteurs aussi bien de l’Inde, de
l’Afrique noire, d’Australie, etc., ont les mêmes chances
d’être édités que leurs confrères anglais ou américains.
37 Bref, il y aurait tout un monde de débats à ouvrir. Mais pour
coller de plus près au thème d’aujourd’hui, vous avez raison
de poser la question de savoir si le français a un avenir en
tant que langue internationale. Le fond du problème est là.
38 En tant qu’Africain, je voudrais souligner quelques
différences entre le vécu de la langue française que nous
avons en Afrique avec ce que vivent les autres communautés
francophones.
39 Si nous prenons l’exemple du Québec face au Canada
anglophone, similaire à celui de la Belgique wallonne face
aux Flamands, similaire au cas de la Suisse romande face
aux Alémaniques, ce sont exactement les mêmes problèmes.
J’ai, du fait de mon travail, visité ces différents pays. Il s’y
voit un combat entre les francophones face aux locuteurs des
autres langues majoritaires. Ils sont brimés dans leur
communauté, ils sont brimés parce qu’ils sont attachés à
leurs racines historiques anciennes.
40 Les Africains n’ont reçu de la colonisation que la langue
française. Or aujourd’hui on calcule le meilleur
positionnement dans laetsociété
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enplus de précisions,
termes nous vous qu’en
d’économie invitons termes
à consulterdenotre politique
langue. de confidentialité
C’est
pourquoi vous avez raison (mise à de
jour soulever
le 25 juin 2018).
le problème de
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l’avenir de la langue française dans le monde parce que la
question n’est pas de savoir si le français est aimé, car il est
Fermer
aimé de tout le monde. Le problème est de savoir s’il peut
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21/11/2018 Le français : des mots de chacun, une langue pour tous - Coexistence du français et des langues nationales dans les pays francop…

contribuer à l’essor économique, social et culturel des pays


qui l’ont reçu en partage.
41 J’ai enseigné le français aux États-Unis. Tous les Américains
et tous les Anglais veulent apprendre le français parce que
c’est une langue très poétique ; c’est la langue de l’amour,
tout le monde le sait. Pendant que j’exerçais aux États-Unis,
j’étais à la fois adulé par les Américains qui me voyaient
comme un francophone, mais haï par les Africains
anglophones qui vivent là-bas parce que, pour eux, un
francophone africain est quelqu’un qui ne sait que parler le
français. Le problème du développement, ce n’est pas son
affaire et d’ailleurs, les Africains qui sont autour de la table
le confirmeront, dans toutes les organisations
internationales africaines dans lesquelles francophones et
anglophones se rencontrent, les francophones sont toujours
la risée des anglophones ; pour les francophones, il n y a que
la langue et rien d’autre. Au plan économique, les
anglophones sont toujours en avance.
42 Nous sommes ici dans une région symbolique, les Mauges. À
30 km à la ronde vous avez un modèle de développement
remarquable : vous voulez trouver un partenaire en
plasturgie, vous avez plusieurs réponses ; vous cherchez des
entreprises pour travailler en mécanique, vous avez
beaucoup de réponses. C’est une région idéale pour
promouvoir le français des affaires et la langue française en
Afrique. Elle doit y arriver avec, dans son bagage, des
éléments pour promouvoir l’économie.
43 La langue pour la langue seule ne réussira pas à s’imposer.
Le monde aime la langue française, mais la langue pour elle-
même, sans aucun autre bagage de connaissances, de
techniques et de développement, ne pourra pas tenir face
aux autres langues internationales, dans le contexte
contemporain de la mondialisation.
44 Victor BOUADJIO8
45 JeCevoudrais
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des cookies etun pointdes
collecte deinformations
ces propospersonnelles
pertinentsvous
de concernant.
Pour
M.plus de précisions,
Bouadjio. nous vous invitons
Les Africains à consulter
américains notre politique
anglophones de confidentialité
sont, par
définition, très peu nombreux (mise à jour le 25 juin 2018).
à apprendre le français ; les
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Américains et les Anglais sont d’ailleurs eux-mêmes peu
nombreux à apprendre le français. Nous faisons aujourd’hui
Fermer
plus d’efforts qu’eux pour apprendre les langues étrangères.
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21/11/2018 Le français : des mots de chacun, une langue pour tous - Coexistence du français et des langues nationales dans les pays francop…

C’est aussi un problème. Quand il y a un anglophone dans


une assemblée, il ne parle pas les autres langues et demande
donc que tout le monde se mette à l’anglais pour qu’il puisse
comprendre ; c’est parfois un peu agaçant. Francophone et
européen, je milite avec bien d’autres pour un autre monde,
pour une autre Europe, où la traduction et la connaissance
des langues étrangères constitueraient une façon équitable
de dialoguer avec l’autre. C’est cela, je crois, qu’il faut
rappeler haut et fort.
46 Jacques LEGENDRE

La situation en Algérie
47 Qu’en est-il de notre réalité d’écrivains francophones, qu’en
est-il de notre relation aux langues ? Celle de notre origine et
celle de nos écrits par laquelle passe la réalité de nos
origines ?
48 En Algérie quatre langues coexistent : le berbère et l’arabe
« dialectal », l’arabe classique et le français.
49 Le berbère est la langue d’origine de tous les Maghrébins,
parlée aujourd’hui par le tiers de la population algérienne.
L’arabe « dialectal » est la langue véhiculaire parlée par la
presque totalité des Algériens. Le berbère et l’arabe
« dialectal » sont des langues d’oralité et non d’écriture,
même si le berbère a connu, à l’origine, une forme écrite
limitée.
50 L’arabe et le français sont les deux langues écrites, mais elles
ne sont les langues maternelles de personne. Aussi, ces deux
langues sont-elles vécues, consciemment ou non, comme
deux langues étrangères. L’arabe introduit en Algérie par
l’islamisation est sacralisé. Quant au français, langue
profane introduite par la colonisation, il est le centre de
tensions : en même temps qu’il est pratiqué dans les diverses
sphères de la vie sociale, il est stigmatisé à cause de son lien
à la colonisation. Ces deux langues écrites étant toutes deux
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liées à l’oppression, l’individu établit dès lors une relation
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complexe à l’écrit. Inconsciemment, écrire
(mise à jour le 25 en français, c’est
juin 2018).
trahir etEnécrire en arabe,
poursuivant c’est souiller,
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51 Cette situation déjà complexe est rendue conflictuelle par la
vision officielle. En effet, l’arabe Fermer (arabe classique) est

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proclamé par le pouvoir langue nationale et officielle du pays


dès l’indépendance. Le français, langue du colonisateur,
devient une langue étrangère et les langues maternelles sont
méprisées à cause de leur caractère oral.
52 Les quatre langues en présence, partagées entre légitimité et
pouvoir d’une part, entre sacré et profane d’autre part, sont
alors vécues à différents niveaux conflictuels entre oralité et
écriture. Les langues sont réparties par le pouvoir en
« partitions » (au sens mathématique du terme) et leurs
espaces d’intersection sont rendus insignifiants, alors qu’en
pratique, elles s’interpénétrent puisque dans la
communication quotidienne, les langues maternelles sont
très souvent employées en alternance avec le français. En
schématisant nous dirons que la langue arabe (classique) est
réservée à la religion, au sacré et aux situations officielles
formelles, le français à l’économie, à la gestion, aux sciences
et aux finances. Quant à l’arabe dialectal et au berbère, ils
sont utilisés dans la communication quotidienne et au sein
de la famille. Cette situation complexe fait que l’Algérien doit
avoir recours à chacune de ces quatre langues en niant les
autres. Langue et identité étant fortement liées, tous ces
espaces linguistiques constituent la base identitaire des
Algériens. Le problème est que les différentes langues dans
lesquelles cette base identitaire est exprimée sont mises dos
à dos. C’est ainsi que le malaise identitaire est né.
53 Je prendrai un exemple très simple : dans une réunion
syndicale au cours de laquelle on doit débattre des
problèmes de l’entreprise, celui qui ouvre la séance ne
maîtrise en rien l’arabe classique officiel ; il va utiliser une
langue de bois faite de cinq ou six mots en arabe littéraire
qu’il agence les uns avec les autres selon la perception qu’il a
des conflits en présence. Puis vient le temps du débat. Les
interlocuteurs voudraient utiliser l’arabe dialectal qu’ils
connaissent mieux ; mais il leur est fortement signifié de ne
pas parler
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collecte des classique
informationsqui est la langue
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Pour plus de précisions,
officielle. Si biennous
qu’auvousbout
invitons
deà deux
consulter
ounotre
troispolitique
heures de deconfidentialité
discussion, le débat ne (mise à jourtoujours
s’est le 25 juin 2018).
pas engagé sur
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l’essentiel et le même analphabète conclura la réunion avec
les mêmes mots, agencés autrement. Ce n’est même pas une
Fermer
langue de bois, ce sont des copeaux de bois pour une langue
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21/11/2018 Le français : des mots de chacun, une langue pour tous - Coexistence du français et des langues nationales dans les pays francop…

agglomérée de confusion politique, un contre-plaqué


idéologique qui rend le dialogue sourd et le peuple inaudible.
Malheureusement, de telles réunions de travail ne sont pas
anecdotiques et n’ont rien d’accidentel.
54 Et même si depuis une dizaine d’années, les choses ont
commencé à changer à un niveau officiel, notamment par la
reconnaissance du berbère comme seconde langue nationale
et par un peu plus d’arabe dialectal dans les interventions
officielles, ces attitudes restent ancrées dans les esprits.
55 Pour ma part, je me définis comme tri-culturel : je suis de
culture berbère, française et arabe. Ma langue est pluralité,
mon lieu culturel est mon métissage. Ma parole en est la
synthèse. Ainsi, je suis le fils de l’histoire. Mes parents ont
été mes géniteurs biologiques, mais mon existence culturelle
allait se faire ailleurs que dans l’espace d’origine. L’histoire
est devenue une sorte de lieu psychanalytique dans lequel je
forge ma pluralité. La langue est la justification et la raison
de ma vie, elle est mon alibi identitaire, celle du métis qui
sait plusieurs langues et que chaque langue ignore.
56 C’est dans ces gouffres que j’ai rencontré la tragédie à dire et
à écrire. Et le théâtre s’est imposé à moi comme lieu
d’écriture. Née du tragique et pour le tragique, la poétique
devenait mon pain quotidien et le sérum d’un peuple
anémique sur le plan culturel.
57 Au théâtre, j’ai choisi de m’exprimer en arabe dialectal. Je
n’ai jamais écrit en arabe classique. Pourtant je parle cette
langue, je l’écris, je peux m’instruire grâce à elle, mais je ne
peux pas créer en arabe classique car mes émotions, ma
sensibilité, n’ont pas grandi avec elle. En revanche, le travail
de laïcisation de l’arabe dialectal était un grand chantier
pour nous, hommes de théâtre. Comment réussir en Algérie
à créer une langue qui soit uniquement une langue de
dialogue d’homme à homme ? Ayant subi l’influence de
l’arabe classique qui est intimement lié au Coran, comment
l’épurer de tout
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en concernant.
Pour plusladereligion
effet précisions, nouschaque
dans vous invitons
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dans chaque tournure.deIlconfidentialité
fallait la laïciser, la (mise à jour le 25 juin de
débroussailler 2018).
son contenu
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systématiquement religieux. On a commencé à faire ce
travail, mais malheureusement, l’arabe dialectal est méprisé
Fermer
par les « arabisants », ceux qui sont formés en arabe
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classique. Il est considéré comme un sous-produit parce


qu’ils le comparent à la langue noble, l’arabe classique. Pour
eux, l’arabe dialectal est une fille dégénérée de l’arabe
classique. Mais l’arabe dialectal est une langue authentique.
En plus de sa parenté avec le berbère, elle a drainé toutes les
influences qu’a connues le peuple algérien : romaine, arabe,
turque, française. On trouve tout cela dans l’arabe dialectal.
C’est pour cela que cette langue est représentative de
l’histoire du peuple algérien. C’est dans cette langue qu’il
s’entend, qu’il se comprend, qu’il veut débattre et
convaincre.
58 L’arabe dialectal est donc une langue qu’il faut faire évoluer,
afin de redonner une expression commune à tout un pays.
En effet, de la frontière tunisienne à la frontière marocaine,
deux Algériens ne se comprennent pas complètement, tant
les diversités linguistiques régionales sont grandes. Mais un
facteur favorable est intervenu après l’indépendance : la
mobilité des populations a produit un brassage considérable.
Au bout de quelques années, grâce à la radio et à la
télévision, la langue s’est homogénéisée, elle est devenue
plus ou moins nationale. À notre niveau, gens de théâtre,
nous avons aussi participé à ce phénomène, parce qu’en
tournée, on a besoin d’être compris à Alger, mais aussi à
Annaba, à Ghardaïa et à Oran. Par l’écriture théâtrale, nous
avons ainsi travaillé à créer notre langue nationale. Nous
avons perdu beaucoup de temps et d’énergie à redonner à
chaque langue sa juste valeur, sa juste place, dans un
contexte politique hostile qui manquait de vision et de
sérénité à l’égard de toute forme de pluralité.
59 La difficile coexistence des langues en Algérie durera tant
que nous n’aurons pas résolu notre problème avec l’histoire
et que nous « trimbalerons » nos diverses langues comme
des tares et comme les pires de nos ennemis. C’est pour moi
un grand dommage et en tant qu’écrivain, c’est une vraie
douleur. Parce
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et collecte pas un simple
des informations outil que
personnelles je concernant.
vous
Pour plus de précisions,
façonne, nous vous invitons
que je perfectionne, elleà est
consulter notre politique
le fantôme de confidentialité
qui hante
mon histoire et par laquelle (miseilà me
jour faut
le 25 juin 2018).
rêver. Je ne porte pas
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ma langue maternelle, je suis porté par elle. Je porte la
langue française et je suis emporté par elle. Telle est
Fermer

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l’équation de mon bonheur de métis, au-delà des malheurs


de mon histoire – avec un grand « H » – et celle des miens.
60 C’est à travers cette histoire, qu’elle soit belle, sereine ou
conflictuelle, que nous avons dit notre peuple, avec les
colères qui sont les siennes, avec la pudeur qui est la nôtre,
et parfois avec les maladresses des poètes errants que nous
sommes, dans un monde où il est souvent ridicule
d’expliquer et douloureux de se taire.
61 Par ailleurs, étant le fils d’un pays qui ne cesse depuis des
siècles de chercher sa paix, le début de ma paix est dans la
paix des langues qui m’habitent et que j’apaise sans cesse
pour les apprivoiser afin qu’elles puissent porter nos
malheurs avec sérénité et oser la joie. Car nous portons ces
langues en nous comme une blessure vive, comme une
douleur profonde. Mais, dans le même temps, avec ces
mêmes langues, nous avons envie aujourd’hui d’exprimer
d’autres douleurs. On doit donc faire précéder notre
expression d’aujourd’hui par une opération complexe et
difficile qui est celle d’apaiser ce conflit des langues à
l’intérieur de nous-mêmes, d’en faire nos alliées, d’en faire
quelque chose qui existe dans la paix, à l’intérieur de nous,
pour pouvoir écrire, créer. L’apaisement de ces langues est
un poème en soi, il est notre vrai talent. Je dirais même
notre unique talent, celui qui nous est prescrit par
ordonnance testamentaire.
62 Les langues qui me traversent sont porteuses de toute mon
énergie à dire et à écrire, quand elles sont en conflit à
l’intérieur de moi, ma colère devient inaudible parce
qu’aucune des langues n’ose la dire et je perds la voix. Quant
à mon peuple, il mélange d’instinct l’arabe au français, le
tout assaisonné de berbère, il cherche désespérément leur
alliance pour dire sous une forme nouvelle ce qu’il ressent
depuis toujours, parce que le peuple, malgré la misère, a
horreur de se répéter face au malheur. Il crée pour se garder
enCeestime.
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63 Pour plus francophone
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la culture
française, mais cela ne veut (misepas
à jour le 25
dire quejuin 2018).
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société française pour pouvoir y exister comme homme de
théâtre. Le metteur en scène et dramaturge Edward Bond
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disait : « Le théâtre n’est pas une chose que l’écrivain crée en
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21/11/2018 Le français : des mots de chacun, une langue pour tous - Coexistence du français et des langues nationales dans les pays francop…

misant sur sa seule ingéniosité personnelle, c’est une activité


sociale ». En quittant mon pays, je me retrouvais en tant
qu’homme de théâtre, doublement menacé d’exil territorial
et d’exil professionnel. D’autant plus que c’est dans l’espace
de théâtre que je reconstituais l’idée que je pouvais avoir de
mon pays.
64 Par ailleurs, j’étais menacé par l’intégrisme comme
beaucoup d’Algériens, mais visé et désigné surtout comme
homme de théâtre. Mon seul combat face à l’intégrisme et
qui justifie mon exil territorial était de continuer à faire
exister l’homme de théâtre envers et contre tout. C’est ainsi
que le théâtre est devenu pour moi plus qu’un métier ou une
passion... Il est devenu mon existence même.
65 Pour pouvoir échapper à l’exil professionnel, il m’a fallu
plonger dans la société française avec enthousiasme et grand
appétit pour la connaître et me laisser imprégner d’elle. Il
me fallait aussi l’aimer pour me donner le désir de la
raconter à elle-même, c’est-à-dire à un public français. Cette
plongée ne pouvait se faire qu’avec un seul guide : notre
histoire commune. C’est grâce à cette histoire commune qu’à
chaque étape, j’ai trouvé une place dans cette société et cette
place n’était autre qu’une interrogation nouvelle sur ma
propre histoire. La seule manière d’y répondre a été de
convoquer l’histoire au théâtre et de l’interroger
publiquement. Car il s’agit avant toute chose de savoir de
quelle histoire relève notre malheur. Et si le théâtre, c’est
danser sur le malheur, alors il faut nommer ce malheur
avant de danser.
66 Tout exilé doit s’adapter au pays d’accueil. Pour les hommes
de théâtre, il ne s’agit pas de s’adapter à la vie du pays mais
de se convertir et cette conversion nécessaire va mettre en
danger non pas nos choix politiques et philosophiques, mais
bien plus que cela. Elle met à l’épreuve notre capacité à
accepter l’autre. Écrire et faire du théâtre, c’est choisir les
émotions justes
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ludique et l’intellectuel, doit être maintenu. S’il est
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profondément perturbé, il devient alors déstabilisant et
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engendre une perte de confiance en soi et l’autre devient


dangereux.
67 Un voyage initiatique est nécessaire pour se refaire et
apprendre à accepter l’autre. Ceux qui osent le voyage
deviendront féconds pour le pays d’accueil. Ceux qui n’osent
pas ou refusent ce voyage nourrissent des ressentiments
contre le pays d’accueil parce qu’ils le rendent responsable
de les avoir mis devant des choix impossibles.
68 Slimane BENAÏSSA9

La situation au Maroc
69 Je voulais juste apporter un témoignage et rajouter quelque
chose à ce que M. Benaïssa vient de dire. Au Maroc, la
situation est un peu semblable à celle de l’Algérie : il y a
quatre langues qui coexistent et qui se confrontent. La
coexistence c’est le dialogue, mais c’est aussi la
confrontation, entre des systèmes de valeurs, entre des
visions du monde.
70 La situation au Maroc n’est guère plus favorable qu’en
Algérie. Le préambule de la Constitution reconnaît l’arabe
classique comme seule langue officielle, mais cette
disposition n’a été suivie d’aucune disposition législative.
Depuis 1961, on assiste à une arabisation qui ne dit pas son
nom, même si elle a du mal à entrer dans les faits. Une
grande majorité de la population est berbère (40 % ou plus),
mais sa langue n’a jamais vraiment accédé à un statut
légitime. Aujourd’hui, il fait bien sûr des efforts pour sortir
de cette situation : des revues en tamazight, un journal
télévisé aussi, une institution royale pour les études et la
recherche sur la langue et la culture tamazight. Mais cette
langue n’a pas de véritable statut historique. Saint Augustin,
Berbère, a écrit en latin parce que c’était la langue du savoir,
Ibn Khaldoun a écrit en arabe car c’était la langue du savoir
et celle du Coran, Kateb Yacine, en français ; il n’y a donc pas
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de littérature berbère écrite qui pourrait un jour être
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enseignée à l’école. L’arabe (misedialectal,
à jour le 25c’est un peu pareil ; la
juin 2018).
seule littérature
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quand elle est écrite, ce n’est qu’une transcription.
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71 Un écrivain marocain vient d’écrire un roman en arabe


dialectal. C’est un véritable événement. La presse marocaine
a commencé à relater ce fait parce qu’il dérange. Ecrire dans
une langue qui est sous-considérée socialement, qui n’est
qu’un dialecte, c’est-à-dire qui n’est que parlée – vivante,
dynamique certes, mais qui ne s’écrit pas – peut être
considéré comme une provocation. Cela n’en constitue pas
moins un événement fondateur, peut-être qu’un jour, le
dialectal sera un support pour la littérature, cela commence
déjà, je crois, par le devenir.
72 Pour la langue française, le problème est autre car elle est
porteuse d’un autre système de valeurs. Le français est arrivé
au Maroc avec beaucoup de symboles qui parlent aux
Marocains d’aujourd’hui : c’est la langue de la Révolution
française, de la laïcité, de la modernité, bien que,
paradoxalement, c’était aussi, il n’y a pas longtemps, la
langue du colonialisme. Du coup, quelques écrivains
commençaient à écrire en français parce qu’ils n’arrivaient
pas à exprimer en arabe classique tout ce qu’ils voulaient
dire. Avec l’arabe classique se pose en effet le problème du
rapport au sacré. Langue du Coran, la langue arabe dans son
histoire a pourtant connu de très grandes exceptions. Je
citerai par exemple Abû Nuwâs, le très grand poète arabe du
Moyen Âge qui, dans une grande partie de son œuvre
poétique, traite de thèmes comme l’homosexualité ou le vin.
Il est enseigné, mais le retour actuel au sacré, dans sa forme
intégriste et obscurantiste et non pas dans sa forme
spirituelle et mystique, fait qu’il y a des auteurs reconnus
comme Abou Nouas qui sont menacés d’exclusion de
l’histoire littéraire. Ce n’est pas un problème de langue, mais
de la vision du monde que porte une langue à un certain
moment de l’histoire et de l’usage qu’en fait un écrivain : il
peut ou non s’exprimer avec liberté. Par cet exemple d’Abû
Nuwâs, je voulais juste souligner que ces systèmes de valeurs
qui se confrontent
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73 Mohammed EL AMRAOUI10
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La singularité de l’Algérie
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74 Pour compléter ce qu’a dit M. Bouadjio, je voudrais


reprendre le cas de mon pays, l’Algérie. Le problème de la
relation avec la langue française est différent de celui qui
existe en Belgique et au Canada où le français est la racine
même des Wallons et des Québécois. En Algérie, notre tort
est de ne pas vouloir considérer cette langue comme notre
héritage. En d’autres termes, je ne suis pas responsable du
fait que mon grand-père a été colonisé. Mon père a libéré
mon pays, mais pour moi, son enfant, la langue française est
un héritage. Je dois regarder cet héritage en face, savoir ce
que j’en fais et non pas me perdre à vouloir résoudre des
problèmes politiques sur des questions de langues que,
d’ailleurs, les politiques n’ont jamais voulu régler.
75 Le français d’Algérie existe. Pourquoi ne pas le considérer
comme « un butin de guerre » comme disait Kateb Yacine et
se l’approprier pleinement pour progresser ensemble ? Ce
que l’on refuse de comprendre en Algérie, c’est que le
français fait partie de notre histoire et tout ce qui est inscrit
dans l’histoire ne peut être rayé par une décision politique,
surtout en matière de langue. Certes, cinquante ans après –
on peut le déplorer, nous vivons mal cette histoire, mais on
ne peut pas nous l’enlever. Nous avons des choses à dire
strictement en langue française, qui éclairent notre passé,
notre mémoire, notre réalité d’aujourd’hui ; elle fait partie de
nous, quelles que soient les déchirures que l’on a pu avoir
dans notre histoire.
76 Je crois qu’il y a actuellement à l’intérieur de pays comme
l’Algérie, une reconsidération du problème de la place du
français, à savoir que la culture française est une culture que
nous avons nous-mêmes choisie. Ceux qui la condamnent ne
la connaissent pas. Nous n’avons pas la même relation à la
langue française qu’un Français, un Wallon ou un
Québécois, mais nous la partageons pareillement. Sur le plan
historique, elle est la mienne aussi, envers et contre tout,
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toujours 25 juin 2018).
« prison ».
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77 Slimane BENAÏSSA
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La langue française au Québec : deux mots


d’histoire
78 Pour bien comprendre la trajectoire historique de la langue
française au Québec, il est important d’effectuer, en quelques
minutes, un petit voyage dans le temps, de façon à bien
situer le Québec et la langue française à l’aide de quelques
dates charnières :

1534-1535 : Jacques Cartier découvre ce qu’il appelle le


Canada.
1608 : fondation de Québec par Samuel de Champlain.
1759 : lors de la bataille de Québec, défaite des Français
(sous les ordres du général Montcalm) face aux Anglais
(sous les ordres du général Wolfe).
1763 : traité de Paris ; alors qu’elle pouvait faire des
choix différents, la France prend la décision de garder
d’autres possessions (notamment les Antilles) et de
céder à l’Angleterre la Nouvelle-France qui compte alors
60 000 personnes.
1763 : Proclamation royale : introduction du droit
anglais.

79 Quelle était alors la situation de la langue française jusqu’en


1763 ? Si l’on peut résumer le contexte de l’époque à très
grands traits, le français était vraiment la « lingua franca »
pour tous les Français qui vivaient de part et d’autre du
Saint-Laurent, dans la région des Grands Lacs et en
Louisiane. Très rapidement, dès le début du XVIIe siècle,
parmi tous les Français qui ont traversé l’Atlantique, qu’ils
parlent uniquement le français ou qu’ils soient bilingues (le
français et un patois ou une autre langue), c’est le français
qui s’est imposé naturellement comme langue commune. En
1763, c’est donc un peuple de langue française qui est installé
en Amérique du Nord.
80 Autre
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avec les autres populations. Il y a ceux qui sont restés sur les
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bords du Saint-Laurent pour y cultiver la terre, mais il y a
aussi les missionnaires quiFermer voulaient répandre le
catholicisme, les explorateurs qui cherchaient le chemin
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21/11/2018 Le français : des mots de chacun, une langue pour tous - Coexistence du français et des langues nationales dans les pays francop…

pour aller en Chine et en Extrême-Orient, et les


« voyageurs » et les « coureurs des bois », qui devaient aller
vers l’ouest ou vers le nord pour le commerce de la fourrure
avec les Amérindiens. Ceux qui apprenaient la langue de
l’Autre dans la plupart des cas, c’étaient... les Français.
L’histoire compte de nombreux exemples, tel Étienne Brulé
qui, dès les années 1630, s’en va habiter chez les
Amérindiens pour apprendre des langues locales. Les
Français ont donc pratiqué en Amérique du Nord l’ouverture
vers l’Autre. Cet élément est fondamental.

1774 : la couronne britannique fait adopter le Québec


Act qui assure le maintien de la coutume de Paris (le
droit civil) et qui permet aussi à 1 Église catholique de
poursuivre son œuvre.
1791 : la première Assemblée législative est mise sur
pied. Quel est son premier grand débat ? Celui de la
coexistence des deux langues, française et anglaise.
Certains en effet voulaient que seul l’anglais soit utilisé.
Les débats furent très houleux mais les deux langues
furent acceptées.
1834 : le parti des Patriotes présente « 92 résolutions »
à titre de programme politique et de revendications. En
1837-1838, très vive est la rébellion des Patriotes
réclamant un gouvernement « responsable » (pour
pouvoir prendre des décisions sans passer par le
gouverneur imposé par Londres). L’armée britannique
réprime durement la rébellion et le roi d’Angleterre
envoie un lord très libéral – au sens anglais du terme –
qui rédige en 1839 un rapport devenu très fameux chez
les Québécois, le rapport Durham. Dans ce rapport, il
écrit à notre sujet cette phrase terrible qui va nous
poursuivre pendant plusieurs générations : « Ce peuple
sans culture et sans histoire » ! Cela provoque
évidemment un profond sentiment de découragement
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des Français établis dans la vallée du Saint-Laurent à
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poursuivre, avec encore plus de détermination, leur


aventure en Amérique du Nord.
En 1840, l’Union Act est signé à Londres. Moins peuplé,
le Haut-Canada anglais (l’actuel Ontario) obtient le
même nombre de députés que le Bas-Canada français
(l’actuel Québec) ; les visées « assimilationnistes » de la
langue anglaise vis-à-vis de la langue française sont
alors évidentes dans l’ensemble de la vie sociale.
En 1867, après une période d’apaisement, la
Confédération canadienne est officiellement créée par
une loi britannique, le British North America Act. Cette
constitution stipule notamment que les lois du
parlement fédéral sont adoptées en anglais et en
français et que le bilinguisme législatif et judiciaire
prévaut également au Québec.
À partir de 1867 donc, malgré ces dispositions
linguistiques, l’appréciation de Lord Durham reste
sous-jacente : le français est diminué, non seulement au
Québec (malgré sa majorité francophone), mais partout
au Canada. La révolution industrielle entre en jeu à la
fin du XIXe siècle et impose l’usage de l’anglais dans
l’économie, au moment même où le Québec doit faire
face aux défis du sous-développement économique et de
l’émigration de centaines de milliers de ses citoyens vers
la Nouvelle-Angleterre. Au Québec, dans la première
moitié du XXe siècle, les entreprises privées utilisent très
souvent l’anglais comme langue de travail et de
communication et négligent le français.
En 1960, au moment de la « Révolution tranquille », un
des points centraux, vitaux et cruciaux de l’ambitieux
programme de modernisation entrepris par le
gouvernement québécois, qui en constitue de surcroît
l’élément unificateur et consensuel, c’est la volonté des
francophones de faire en sorte que le français reprenne
toute
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la même
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gouvernement du Canada, par des politiques de
bilinguisme, accordait à la langue française un statut de
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parité avec la langue anglaise dans toutes les sphères de
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l’administration fédérale et pas seulement au Parlement


fédéral.
1974 : la Loi 22 fait du français la langue officielle du
Québec.
En 1977, après une série de mesures législatives
favorisant la promotion et la défense de la langue
française, est adoptée la Charte de la langue française
(la fameuse « Loi 101 »), dont je vous épargnerai les
détails. Toutefois, un des éléments clés de la Charte,
c’est le rôle central de l’école. Grâce à cette loi, l’école
québécoise est redevenue un facteur déterminant pour
la pérennité du français. Dorénavant tous les
francophones et les immigrants doivent envoyer leurs
enfants à l’école française, qu’ils viennent d’un pays de
langue française, du Brésil ou de la Chine. Du moment
qu’ils s’établissent au Québec, leurs enfants doivent
désormais fréquenter l’école française publique ou
privée subventionnée par l’État. Cette mesure a changé
le cours des choses. La loi prévoit toutefois certaines
exceptions liées notamment à un séjour temporaire ou à
des difficultés d’apprentissage.

81 Voilà comment les Québécois ont franchi les principales


étapes menant à l’affirmation du français. Je voulais dresser
ce bref rappel historique pour mettre en évidence la longue
présence de la langue française en Amérique du Nord. Elle y
est pratiquée depuis plus de quatre siècles. Dès 1608, et
même dès 1534, le français a été non seulement parlé, mais
également écrit : il existe des textes de Jacques Cartier fort
intéressants sur le plan littéraire et historique, au-delà de
leur contenu géographique et politique. Cette langue
provient bien sûr de France et d’Europe, mais c’est aussi une
langue nord-américaine, qui coexiste avec l’anglais.
82 Sur 7,6 millions de Québécois, les francophones (ceux qui
utilisent le plus souvent le français à la maison) représentent
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quelque
Pour 83,1 % de
plus de précisions, lavous
nous population, soit environ
invitons à consulter 6 308 000
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millions de personnes, lesà jour
(mise anglophones 10,5 %, soit
le 25 juin 2018).
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approximativement 798navigation, vous acceptez
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les allophones
(personnes qui ne parlent ni le français, ni l’anglais à la
maison), environ 6,5 % ou 494 000 Fermer
personnes. Pour ce qui a
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trait à l’ensemble du Canada, quelque 32,6 millions de


personnes, les Québécois forment 23 % de la population.
Cependant, les francophones québécois forment quelque 2 %
de la population de l’Amérique du Nord (États-Unis et
Canada anglais réunis) !
83 Autre fait intéressant, dès le commencement de la Nouvelle-
France, dès le XVIe siècle, nous avons été dans l’obligation
d’aller vers l’Autre, d’aller vers l’Ouest comme je l’ai
mentionné, de parler les langues amérindiennes quand cela
était nécessaire pour le commerce, pour l’exploration et pour
des fins religieuses. Durant la même période et rapidement,
les colonies anglaises sont devenues plus densément
peuplées et mieux armées que la Nouvelle-France. Nous
avons donc dû demeurer en état de vigilance constant. À
plusieurs égards, c’est une excellente attitude pour les
Québécois, parce que le choc des langues, notamment avec
l’anglais, a placé les Québécois dans une situation à la fois
d’affirmation identitaire forte et d’ouverture permanente,
non seulement à l’échelle Nord-américaine, mais également
au Québec, puisque certains de mes compatriotes sont de
langue anglaise et qu’ils bénéficient de droits linguistiques
reconnus. Au Québec, il y a des universités, des écoles et une
littérature de langue anglaise. La majorité francophone au
Québec vit en harmonie avec la minorité anglophone. Une
réalité n’empêche pas l’autre.
84 Pour l’ensemble des Québécois, l’usage du français est une
chance formidable, parce que le français est un tremplin, à
partir de l’Amérique du Nord, pour avoir accès à la France, à
l’ensemble des pays de la Francophonie et au monde entier.
Le Québec a d’ailleurs embrassé, il y a quelques années, la
mondialisation avec enthousiasme, avec les risques et les
possibilités extraordinaires que cela comporte. Dans ce
contexte, la langue française, alliée à la connaissance de la
langue anglaise, langue très nettement majoritaire en
Amérique
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85 Au-delà de l’innovation et du développement économique,
Fermer
l’utilisation du français débouche sur la création culturelle,
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essentielle pour l’avenir du Québec. Une langue, ce n’est pas


qu’une question de grammaire, ce n’est pas qu’une question
de niveau de langue. La langue française au Québec est une
langue de création littéraire. Elle est également à l’origine
d’une production culturelle significative qui déborde
d’ailleurs en France, où chaque année on dénombre environ
300 événements culturels québécois.
86 La vitalité du français au Québec déborde aussi sur le monde
politique puisque le français est la langue de l’État, dans le
respect bien sûr de nos compatriotes anglophones, comme
en témoignent la traduction systématique de nos lois en
anglais et la reconnaissance des droits linguistiques des
anglophones.
87 Non seulement le fait de parler français nous rapproche des
autres peuples de la Francophonie, mais le français est
devenu, et pour longtemps je crois, une langue d’affirmation
de ce qui est fondamental et identitaire dans notre histoire.
De plus, pour le Québec, le français est une langue de
création littéraire et culturelle, une langue des savoirs et une
langue du développement économique. Et ceci prend tout
son sens en Amérique du Nord.
88 Robert TRUDEL11

La situation en France
89 Je crois d’abord que la France ne fait pas exception et il est
important dans toute réflexion de ne pas opposer la France à
la Francophonie, elle en fait partie. En France même, le
français est la langue de la République selon les termes de
l’article 2 de la Constitution. Or il se trouve que sur son
territoire, la langue de la République se trouve également
dans une situation de dialogue ou de contiguïté avec d’autres
langues. Ce phénomène, je l’avais évidemment observé dans
mes fonctions antérieures, partout où le français est parlé
dans le monde, il dialogue avec d’autres langues. Il m’avait
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semblé qu’il fallait en tirer des conséquences sur le dialogue
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des cultures puisque le français,
(mise à jourmême s’il 2018).
le 25 juin n’est pas le seul à
avoir En cette fonction,
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médiatrice par le seul fait qu’il dialogue avec d’autres
langues. Fermer

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90 Quelles sont alors ces conséquences sur nos politiques du


français par rapport aux autres langues de France ? Du
Bellay était certes compris à Liré lorsqu’il écrivait les
Regrets, puisque le Val de Loire est le berceau du français.
Mais Racine n’était certainement pas compris à Uzès
lorsqu’il écrivit Phèdre. Pour le plaisir des symétries
rhétoriques, il m’est arrivé de comparer deux dates : 1792 et
1992. En 1792, les Fédérés s’emparent des Tuileries et
mettent à bas la Royauté. Les régiments qui s’emparent du
palais sont des régiments marseillais qui ne parlent pas le
français et pourtant la République qui sera instaurée peu
après va l’imposer de manière autoritaire. Sautons deux
siècles : 1992. Le français s’inscrit dans la Constitution pour
la première fois. La même année, le Conseil de l’Europe
propose à la signature la Charte européenne des langues
régionales et minoritaires pour valoriser les langues
régionales en Europe. Le gouvernement de l’époque signera
cette charte pour promouvoir les langues régionales en
France même.
91 Au moment où la France donne un statut constitutionnel au
français tout en reconnaissant la diversité linguistique sur
son territoire, la vérité oblige à dire que les langues
régionales n’ont pas complètement disparu, mais qu’elles ne
sont plus guère parlées sur le territoire français. Une
enquête très importante que l’on appelle l’enquête
« Familles » le démontrera en 1999 : un Français sur quatre
(26 %) prétend avoir reçu de ses parents une langue autre
que le français, mais seulement un sur trois la transmet à ses
enfants. La transmission des langues autres que le français
ne se fait donc plus d’une génération à l’autre sur le territoire
de la République. C’est un point très important : l’enquête
montre que ces langues, si elles n’ont pas disparu, sont
encore enseignées en Bretagne, au Pays basque, en Corse ou
ailleurs, mais elles ne sont plus guère transmises en famille.
Rappelons
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Pour
« plus de précisions,
politique nous vous
», sinon invitonsaux
juridique, à consulter notre
langues politique
autres quedeleconfidentialité
français : on les appelle(mise les à«jour le 25 juin
langues de2018).
France », on en
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dénombre 75 sur le territoire de la République ; il est vrai
que beaucoup d’entre elles ne sont parlées qu’en Guyane ou
Fermer
en Nouvelle-Calédonie.
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21/11/2018 Le français : des mots de chacun, une langue pour tous - Coexistence du français et des langues nationales dans les pays francop…

92 Dans le même temps montent en puissance les langues de


l’immigration. Aujourd’hui, la première langue parlée en
France autre que le français, c’est l’arabe dialectal (plus de
trois millions de locuteurs) – dont M. Benaïssa parlait tout à
l’heure – suivi de près par le berbère et par les langues
créoles. En effet, si l’on rajoute aux 800 000 locuteurs
réunionnais, les 400 000 locuteurs créoles de Guadeloupe et
de Martinique et les 200 000 locuteurs créoles sur le
territoire métropolitain, vous avez là pratiquement 2
millions de locuteurs qui parlent plusieurs langues créoles
sur le territoire de la République.
93 Mais revenons à mon raisonnement de toute à l’heure. 1992
voit le triomphe du français : le français s’inscrit dans la
Constitution au moment où déclinent de manière quasi
irrémédiable les langues régionales. La Charte européenne
signée par la France sera d’ailleurs aussitôt déclarée non
constitutionnelle parce qu’attentatoire aux principes
d’indivisibilité de la République qui ne reconnaît pas
l’exercice de droits spécifiques par des groupes ou des
communautés ; l’exercice de la citoyenneté ne se morcelle
pas. En conséquence nous n’avons pas ratifié cette Charte
européenne des langues régionales et minoritaires.
Constatons donc qu’en 1992, le français semble avoir
définitivement triomphé sur le territoire de la République.
94 Mais au moment où le français semble avoir définitivement
triomphé, un doute lancinant nous saisit : le français a-t-il
encore un avenir dans un univers globalisé ? Autre
retournement historique, autre paradoxe. Dans l’exercice de
mes fonctions actuelles – pardonnez-moi de faire état de
mon expérience – j’ai été très frappé au cours des derniers
mois par l’analogie entre deux démarches. La première
concerne les rapports du français et des créoles. Vous savez
que ces rapports ont été longtemps hypothéqués par des
positions radicalement inverses : les uns prétendant que les
créoles ne sont
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et collecte à part entière,
des informations mais vous
personnelles des concernant.
Pour plus deabâtardies
formes précisions, nous vous invitons
du français ; lesà autres
consulter notre politique
prétendant que de
lesconfidentialité
créoles sont bien des langues, (mise à jour
mais le 25 juin rien
n’ont 2018).à voir avec le
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français. Ces deux positions sont investies d’intentions
politiques que je n’ai pas besoin d’expliciter. Aujourd’hui,
Fermer
nous sortons de cette alternative par le haut en essayant de
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21/11/2018 Le français : des mots de chacun, une langue pour tous - Coexistence du français et des langues nationales dans les pays francop…

promouvoir des pédagogies convergentes, c’est-à-dire des


pédagogies qui, tout en reconnaissant le rôle premier du
créole chez les locuteurs de créole, notamment à la Réunion,
visent à amener au français en prenant appui sur les
ressemblances entre le créole et le français. Ces
ressemblances lexicales sont évidemment indéniables, elles
fondent ce qu’on appelle les pédagogies convergentes ; on les
retrouve de façon différente en Afrique.
95 La seconde démarche est celle de l’intercompréhension. Ce
terme un peu barbare désigne une chose très simple : ce sont
les rapports entre des langues apparentées et la possibilité
pour un locuteur de comprendre la langue de l’autre sans la
parler. Notre ministre de la Culture dit souvent : « être
européen c’est parler sa langue et comprendre celle de
l’autre ». L’expression ne se vérifie jamais autant qu’entre
langues apparentées. La méthode de l’intercompréhension
vise donc à promouvoir des compétences réceptives, c’est-à-
dire celles qui par exemple permettent à partir du français
de comprendre l’italien. C’est ainsi que l’on peut augmenter
ses compétences linguistiques et se trouver dans des
situations de dialogue. En prenant appui sur les
ressemblances entre des langues, on en vient à approfondir
la connaissance de la langue de l’autre.
96 Les deux démarches sont donc tout à fait proches et nous
conduisent aujourd’hui en termes plus généraux à penser la
coexistence des langues. C’est pourquoi le sujet qui nous
préoccupe ce soir est absolument crucial, parce que notre
paysage linguistique a totalement changé. Un individu au
cours de sa vie, il y a encore 50 ans, pouvait entendre
épisodiquement une autre langue que celle qu’il parlait
d’ordinaire.
97 Aujourd’hui, il lui suffit de prendre son téléphone mobile, de
composer un numéro et il va entendre du chinois, il allume
son poste de télévision et il a accès à des chaînes en polonais
ouCeen
sitearabe, etc.cookies
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98 Pour plus de
Nous précisions,
vivons dansnous
un vous invitons
univers à consulter notre
proprement politique deIlconfidentialité
cacophonique.
est impératif aujourd’hui, (mise àsijournous
le 25 juin 2018). que cette
voulons
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cacophonie ne produise pas l’uniformité, que nous
réussissions à organiser la coexistence des langues.
Fermer
Organiser la coexistence des langues, c’est établir une
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politique linguistique qui, à partir de similitudes par


exemple, mais il peut y avoir d’autres démarches, nous incite
à imaginer les rapports d’une langue à l’autre, pour les
maîtriser.
99 Xavier NORTH12

La concomitance
100 Le bon mot de concomitance, défini par M. Houssouba pour
exposer la politique malienne, en est un exemple dans des
pays dits francophones. Il ne faut pas oublier cependant que,
pour l’essentiel, la population n’y parle pas le français, à
l’exception des dirigeants ou des élites. 10 % d’une
population, ce n’est pas négligeable et souvent ces 10 %
occupent des fonctions de responsabilité dans leur pays.
Mais il y a parfois abus de langage à définir un pays comme
francophone. De ce point de vue, il ne faut pas que cela nous
trouble quant à la réalité des choses. Il y a des pays
aujourd’hui labellisés francophones que l’on va retrouver au
prochain Sommet de la Francophonie à Bucarest et où l’on
parle moins le français que dans des pays qui n’iront pas à
Bucarest et dans lesquels le français est peut-être davantage
compris, connu et parlé. Il y a donc une certaine ambiguïté.
Dans ces pays de la concomitance se pose la question de
savoir si on commence par apprendre une langue
minoritaire, en l’occurrence le français, ou si on alphabétise
dans les langues nationales, quitte après à ce que ces jeunes
alphabétisés en viennent entre eux à connaître le français.
Signalons au passage que les moyens disponibles ne
permettent pas toujours d’alphabétiser les jeunes en totalité
et c’est un gros problème.
101 On a vu que l’approche était un peu différente dans l’exposé
de notre collègue d’Afrique centrale, M. Kilanga, avec peut-
être une place plus importante consacrée à l’apprentissage
premier du français et également avec cette évolution du
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français dans sa structure même jusqu’à devenir un créole
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africain ; le linguiste (mise s’interroge
à jour le 25là-dessus.
juin 2018). Pour avoir
enseigné moi-même
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pendant quelque temps, je me souviens d’élèves qui
constituaient la première génération Fermer à apprendre le français

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et pour qui les mots n’avaient pas véritablement de


signification. Ils avaient tendance à rajouter des sons aux
mots de la langue française indépendamment de la
signification et de la racine du mot. Cela donnait parfois des
textes surréalistes, mais en même temps, on voyait
apparaître une déformation de la langue qui pouvait être
d’une grande richesse.
102 On a évoqué ensuite le problème de l’Algérie. Je ne reviens
pas sur ce qui a été dit excellemment par M. Benaïssa. On
voit combien la situation est difficile : quatre langues qui
sont d’une certaine manière presque en guerre. Cela nous
rend très triste parce qu’il se passe exactement ce que nous
ne souhaitons pas. Nous ne souhaitons pas la guerre des
langues, nous souhaitons comme l’a dit M. North la
coexistence des langues. Nous sommes bien revenus de ses
illusions où le fait d’utiliser le français pouvait signifier que
sur un territoire donné, la France déployait ses trois
couleurs, dominait et imposait sa langue, ce n’est
évidemment pas cela qui doit être recherché.
103 Nous avons évidemment abordé le problème du français en
France. M. North s’est interrogé sur l’avenir du français face
aux langues régionales et aux langues de l’immigration. Je
m’interrogerais quant à moi sur l’avenir du français comme
langue internationale. Je ne pense pas que le français du
foyer soit menacé, de même que je ne suis pas inquiet de la
présence de mots d’origine anglaise par exemple ; ils ne sont
pas suffisamment nombreux pour altérer la structure de la
langue. Par contre, quand je vois que nous renonçons à
utiliser le français comme langue des sciences, comme
langue de secteurs entiers de l’activité économique, nous
pouvons être inquiets. Deux exemples récents : l’affaire des
brevets européens et, récemment, cette déclaration de M.
Sellières considérant l’anglais comme la langue de
l’entreprise, ce qui d’ailleurs a provoqué la sortie du
Président dedes
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République de des
et collecte l’enceinte danspersonnelles
informations laquelle cette
vous concernant.
Pour plus de précisions,
déclaration nous
un brin vous invitons àétait
provocatrice consulter
faite.notre
Nous politique
avons deétéconfidentialité
nombreux à être choqués. (mise
Si àlejour le 25 juin
français 2018).
n’est plus la langue
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de l’entreprise, n’est plus la langue des sciences, s’il n’est
plus la langue de la finance, des nouvelles technologies,
Fermer
pourquoi voulez-vous et comment voudrions-nous que le
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français soit une langue largement apprise à l’extérieur, un


symbole de modernité et une langue qui rayonne ? En ce
sens, sachons faire nôtre l’exemple de nos cousins québécois,
tel qu’il se dégage du témoignage optimiste de M. Trudel.
104 Il faut se poser la question de toute urgence. J’ose affirmer
devant M. North que le problème de la place du français
dans le monde est beaucoup plus grave pour nous que la
coexistence du français avec les langues de France ou avec
les langues de l’immigration présentes sur notre territoire. Il
faut les enseigner, même si, sur ce point, en ma qualité de
président de la culture à la commission ad hoc du Conseil de
l’Europe, je n’étais pas favorable à la ratification de la Charte
parce qu’elle a été bâtie sur une vision que l’on peut
difficilement comprendre en France, qui est celle des
minorités ethniques linguistiques. C’est une vision d’Europe
centrale : vous parlez le roumain en Hongrie, vous parlez le
hongrois en Roumanie ; vous êtes donc une minorité dans
un pays qui doit respecter cette minorité. Rien de tel en
France. Dans l’esprit républicain, nous sommes un seul
peuple et n’avons pas de minorités ethniques.
105 La Charte ratifiée et c’était la nature juridique de notre
République qui s’en trouvait changée. Elle n’est en rien
obligatoire pour laisser la liberté à tous ceux qui veulent
apprendre des langues régionales, des langues de France.
C’est leur droit le plus absolu et on ne peut que se réjouir que
ceux qui le veulent puissent le faire.
106 Jacques LEGENDRE

Conclusion : Concomitance ou choix


linguistique au sein d’un développement
national maîtrisé ?
107 [Mohomodou Houssouba] Ma conviction est que les langues
africaines, dans cette relation de coexistence avec le français,
doivent trouver leur propre rôle. Celui-ci ne sera effectif que
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quand
Pour plus denous seronsnous
précisions, capables de produire
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l’une ou l’autre de nos(mise langues
à jour africaines. Aujourd’hui le
le 25 juin 2018).
français Enest
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ce qui est important, c’est que nos langues entrent dans l’ère
des nouvelles technologies, qu’elles Fermerdeviennent des langues
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de créations littéraires et artistiques, des langues de


productions économiques ou technologiques.
108 Pour y parvenir, les choix sont très difficiles. Certes, on peut
parler de la concomitance des langues ; c’est romantique,
c’est pacifiste, c’est évidemment positif, mais il faut faire des
choix. Au Mali, quel choix va-t-on faire par rapport au
bambara que parlent près de neuf Maliens sur dix ? Langue
nationale (avec douze autres), elle n’est pas langue officielle.
Ne pas la déclarer langue officielle, mais garder le français
comme langue « d’expression officielle », permet peut-être
de pacifier la coexistence des nombreuses langues parlées au
Mali. Depuis l’indépendance, on fait en sorte que les choses
suivent leur cours naturellement. Ce qui valait en 1960 où la
moitié de la population était bambaraphone, doit-il être la
règle aujourd’hui, alors que les Maliens sont devenus
quasiment bambaraphones ? On attend peut-être que le
sénoufo meure dans quelques années, suivi du minianka, du
bozo, et ainsi de suite... Alors les temps seront venus, les
facteurs étant réunis, pour avoir une langue officielle
nationale, dans le même esprit qu’aujourd’hui, dans la
Constitution malienne, on parle du français comme langue
d’expression officielle.
109 Voulons-nous vraiment développer quelques langues
nationales ? Sans que cela se fasse au détriment du français
ou de l’anglais, sans créer de conflits linguistiques, il nous
faut faire des choix politiques éclairés qui visent à créer nos
propres champs de création et de production culturelles et
scientifiques. Pour ma part, je traduis actuellement des
logiciels en langue songhaï ; c’est la contribution que je peux
modestement apporter à ce débat capital pour l’avenir.
110 [Julien Kilanga] Tout à l’heure on a parlé de la langue et de
l’économie. On a dit que la problématique de la coexistence
du français et des langues nationales qui se pose en Afrique
est particulière dans la mesure où les pays africains, à un
moment de des
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histoire, se sont
et collecte vus imposer
des informations le français.
personnelles vous concernant.
Pour plus de
Mais précisions,
au-delà de nous vous invitons
ce rapport à consulter
particulier aunotre politique
français, il ydeaconfidentialité
l’homme, le locuteur de (mise
la àlangue.
jour le 25Iljuin
a 2018).
son identité, ses
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aspirations, ses problèmes à résoudre. Il faudrait peut-être
aller au-delà du seul débat sur la langue française et faire
Fermer

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intervenir ces autres aspects de manière à pouvoir vivre ce


lien fondateur en toute convivialité.
111 La Francophonie accomplit cela, dans ce sens qu’on a la
langue française comme lien fondateur. Dans les actions
qu’elle mène, la Francophonie doit tenir compte de l’identité
et des aspirations de ses différents membres. C’est dans ce
contexte-là que l’on parle de partenariat entre les langues,
entre le français et les langues nationales, de manière à ce
que ces différentes communautés puissent vivre, en toute
convivialité, dans l’objectif de leur développement maîtrisé.
112 Mohomodou HOUSSOUBA, Julien KILANGA

Notes
1. Synthèse de la table ronde du 20 mai 2006, présidée par Jacques
Legendre.
2. Professeur agrégé d’histoire et de français, Jacques Legendre a
enseigné pendant son service militaire en Afrique centrale. Sénateur,
secrétaire général de l’Assemblée parlementaire de la Francophonie, la
branche parlementaire de la Francophonie, et président de la
commission de la culture, des sciences et de l’éducation de l’assemblée
parlementaire du Conseil de l’Europe, commission en charge des
questions de diversité linguistique, de langues et de cultures, il peut, au
Sénat comme au Conseil de l’Europe, présenter un certain nombre de
rapports. Le dernier en date sur l’enseignement des langues étrangères
en France, qu’il a soutenu au Conseil de l’Europe, a été adopté il y a deux
mois ; il portait sur l’apprentissage en langue maternelle.
3. Propositions pour un plan d’aménagement linguistique (espace
francophone du Sud), Paris, ACCT, 1993, p. 25-28.
4. WAMBACH. M., Méthodologie des langues en milieu plurilingue.
Pédagogie convergente à l’école fondamentale, Bruxelles, Agence
intergouvemementale de la Francophonie/Ciaver, 2001, 206 p.
5. MAURER, B., « De la “pédagogie convergente” à “l’éducation bilingue” :
généralisation des langues nationales au Mali et transformations du
modèle de la pédagogie convergente » in Penser la Francophonie.
Concepts, actions et outils linguistiques, Paris/Montréal, Ed. des
Archives contemporaines/Agence universitaire de la francophonie, 2005.
6.CeDirecteur
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langueetfrançaise
collecte des
et informations personnelles
de la diversité vousà concernant.
linguistique
Pour plus de précisions,
l’Organisation nous vous invitons
internationale à consulter notre
de la Francophonie politique
après avoir de
étéconfidentialité
professeur de français langue (mise à jour leet25avoir
étrangère juin mené
2018).des recherches
pendantEnlongtemps
poursuivant votre
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français et
langues africaines et les implications didactiques qui en découlent (sujet
de sa thèse), il a enseigné comme professeur
Fermer de français pendant plus de
vingt ans et a été recteur de l’université de Lubumbashi (République
https://books.openedition.org/pur/34911?lang=fr 42/44
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démocratique du Congo) pendant sept ans. Après avoir été directeur des
langues et de l’écrit à l’Agence intergouvemementale de la Francophonie,
il s’occupe maintenant de la langue française et de la diversité
linguistique. A la jonction de la théorie et de la pratique dans le domaine
de la promotion du français et des langues partenaires, ce qu’il met en
œuvre est le prolongement direct des recherches théoriques réalisées à ce
jour.
7. Écrivain et chercheur en linguistique appliquée, il est originaire du
Mali et locuteur de la langue songaï de Gao, dialecte central utilisé au
Mali comme standard écrit et parlé. Il a une formation en langue
anglaise (études linguistiques afro-américaines) et mène actuellement
des travaux de recherche sur l’éducation au Mali et sur le problème de la
langue d’instruction (politique des langues d’instruction depuis
l’indépendance jusqu’à nos jours). Il vit actuellement à Bâle.
8. Écrivain, président de l’institut Ebena d’Angers (ancien Institut du
monde noir).
9. Écrivain, dramaturge, metteur en scène et acteur, algérien bilingue,
ancien membre du Haut conseil de la Francophonie. En Algérie durant
une vingtaine d’années, il a écrit en arabe dialectal. Depuis qu’il a quitté
l’Algérie en 1993 suite aux événements connus de tous, il écrit en
français. Ainsi en est-il de sa dernière œuvre : Les Confessions d’un
musulman de mauvaise foi.
10. Poète en résidence à la Turmelière (Liré).
11. En tant que premier conseiller (affaires politiques) à la Délégation
générale du Québec à Paris, il s’occupe plus particulièrement des
relations politiques entre le Québec et la France.
12. Délégué général à la langue française et aux langues de France,
président des 3e Rencontres de Liré. C’est en tant qu’ancien directeur de
la coopération culturelle et du français au ministère des Affaires
étrangères qu’il s’exprime car il a eu dans l’exercice de cette fonction à
rencontrer cette problématique de la coexistence du français et des
langues dites partenaires, alors qu’il était chargé de promouvoir la
langue française à l’étranger.

Auteurs

Slimane Benaïssa
Victor
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Mohammed El(mise Amraoui
à jour le 25 juin 2018).
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Mohomodou Houssouba
Julien Kilanga Musinde Fermer

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Jacques Legendre
Xavier North
Robert Trudel
© Presses universitaires de Rennes, 2007

Conditions d’utilisation : http://www.openedition.org/6540

Référence électronique du chapitre


BENAÏSSA, Slimane ; et al. Coexistence du français et des langues
nationales dans les pays francophones In : Le français : des mots de
chacun, une langue pour tous : Des français parlés à la langue des
poètes [en ligne]. Rennes : Presses universitaires de Rennes, 2007
(généré le 20 novembre 2018). Disponible sur Internet :
<http://books.openedition.org/pur/34911>. ISBN : 9782753545830.
DOI : 10.4000/books.pur.34911.

Référence électronique du livre


ARGOD-DUTARD, Françoise (dir.). Le français : des mots de chacun,
une langue pour tous : Des français parlés à la langue des poètes.
Nouvelle édition [en ligne]. Rennes : Presses universitaires de Rennes,
2007 (généré le 20 novembre 2018). Disponible sur Internet :
<http://books.openedition.org/pur/34848>. ISBN : 9782753545830.
DOI : 10.4000/books.pur.34848.
Compatible avec Zotero

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