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21 mars 2011
Table des matières
i
Chapitre 1
La présentation qui est faite de cette approximation se situe dans le cadre des écoule-
ments plans, stationnaires, de fluide à propriétés physiques constantes.
L’exemple traité dans le chapitre précédent montre que, suite à certaines approxima-
tions, les conditions aux limites peuvent être en surnombre lorsque la dérivée d’ordre le
plus élevé disparaît. C’est ce qui se passe lorsque les forces de frottement sont négligeables
et que l’approximation de fluide parfait est justifiée. On est alors conduit à abandonner la
condition d’adhérence au profit de la condition de glissement. Physiquement, l’explication
de ce paradoxe tient en ce que ce sont les forces de frottement visqueux qui permettent au
fluide d’adhérer à une paroi solide et que, ayant été négligées, la condition d’adhérence ne
peut plus être satisfaite.
Or, la condition d’adhérence faisant partie intégrante de l’énoncé du problème complet,
il est impératif de la « récupérer ». L’approximation de fluide parfait est fondée sur certains
choix d’échelles : plus précisément, si on pense à un écoulement autour d’un obstacle profilé,
la seule échelle de longueur est la plus grande dimension de l’obstacle, soit L. Dès lors,
tous les phénomènes qui se développent sur des échelles de longueur plus courtes sont
« invisibles », en première approximation. Il en est ainsi des phénomènes visqueux dont la
portée δ reste confinée au voisinage immédiat de la paroi : δ ≪ L. C’est la raison pour
laquelle l’approximation de fluide parfait les ignore.
Pour les observer, il est donc nécessaire d’élaborer une approximation « calibrée » aux
dimensions du domaine sur lequel ces forces sont significatives : la couche limite dynamique.
C’est bien ce qui a été fait lors de la recherche de l’approximation intérieure. L’idée est donc
d’introduire une échelle inconnue, δ : épaisseur d’un voisinage de la paroi, et de déterminer
sa valeur de telle manière que les forces de frottement y soient significatives, en première
approximation. Par définition, cette couche limite est « mince » comparée à la dimension
longitudinale L de la paroi et le rapport δ/L doit donc être très inférieur à un. Après avoir
déterminé la valeur de δ en fonction des données, cette hypothèse a priori se transforme
en condition sur les données. Ainsi, dans le cas d’un écoulement autour d’un obstacle, on
trouve : R = U∞ L/ν ≫ 1, condition qui établit par ailleurs l’approximation de fluide
parfait. L’ensemble est donc cohérent : les approximations de fluide parfait et de couche
limite sont justifiées par la même condition : R ≫ 1. Ainsi, grâce à cette approximation
où les forces de frottement sont significatives, il devient possible d’appliquer la condition
d’adhérence et de restaurer les conditions aux limites du problème complet, c’est-à-dire le
problème initialement posé pour un fluide visqueux.
1
1.1. COUCHE LIMITE SUR PLAQUE PLANE 2/28
Dans une première étape, on exploite l’hypothèse δ/L ≪ 1 pour procéder à des simpli-
fications automatiques : les termes soulignés sont uniformément négligeables devant leur
voisin dans les parenthèses.
Dès lors, l’intuition nous conduit à examiner en premier l’équation longitudinale qui
est la direction de l’écoulement principal. Dans le but d’assurer la condition d’adhérence,
il est impératif de conserver la forces de frottement en première approximation. Ensuite, le
gradient pression extérieur étant uniformément nul, on imagine mal comment il pourrait
se transformer en gradient de pression moteur à l’intérieur de la couche limite. Ce sont
donc les forces d’inertie de l’écoulement incident qui sont équilibrées et progressivement
détruites par les forces de frottement. La pression apparaît donc comme une conséquence
du mouvement dont le rôle n’est pas essentiel mais il faut donc la conserver pour ne pas
effectuer une simplification abusive. Nous avons donc :
L2 ν (δp) δ −1/2 2
2
=1= 2
=⇒ = RL et (δp) = ρU∞ .
δ U∞ L ρU∞ L
∂ ũ ∂ ũ ∂ p̃ ∂ 2 ũ ∂ 2 ũ
ũ + ṽ = − + + 2,
∂ x̄ ∂ ỹ ∂ x̄ ∂ x̄2 ∂ ỹ
∂ p̃
0=− .
∂ ỹ
(δp)x L2 ν (δp)y δ2 ν
2
=1= 2 et 2
= 2 = ,
ρU∞ δ U∞ L ρU∞ L U∞ L
et il apparaît clairement que les variations de pression les plus élevées sont observables
dans l’équation longitudinale. Il faut donc poser (δp) = (δp)x pour garantir la condition
p̃ ∼ 1 ce qui indique le choix fait intuitivement.
∂ ũ ∂ṽ ∂ ũ ∂ ũ ∂ 2 ũ
+ = 0, ũ + ṽ = ,
∂ x̄ ∂ ỹ ∂ x̄ ∂ ỹ ∂ ỹ 2
ũ(x̄, 0) = ṽ(x̄, 0) = 0 et lim ũ(x̄, ỹ) = 1.
ε→0
Les équations de Navier-Stokes prennent donc une forme classique, à ceci près que la
variable x̄ est une abscisse curviligne et non une abscisse cartésienne.
Pour commencer, examinons l’équation de conservation de la masse :
U∞ ∂ ũ V0 ∂ṽ
+ = 0,
L ∂ x̄ δ ∂ ỹ
Selon les valeurs prises par les échelles, on peut énumérer trois cas :
⊲ Si U∞ /L ≫ V0 /δ, en première approximation, ∂ ũ/∂ x̄ = 0 et ũ = ũ(ỹ). Une solution
de cette forme ne peut pas se raccorder à la vitesse extérieure ue (x) et doit donc être
rejetée. Autrement dit, la composante longitudinale ũ conserverait sa valeur initiale,
prise au point d’arrêt A, et serait identiquement nulle, ce qui est absurde puisqu’elle
doit réaliser la transition entre la valeur pariétale nulle et la valeur au raccord, non
nulle.
⊲ Si U∞ /L ≪ V0 /δ, en première approximation, ∂ṽ/∂ ỹ = 0 et ṽ = ṽ(x̄). Alors, du
fait de la condition de non-pénétration, nous aurions partout dans la couche limite
ṽ = 0. Ce résultat est également irrecevable car, en raison du défaut de vitesse dû
au freinage des forces de frottement, les lignes de courant doivent nécessairement
s’écarter de la paroi (conservation du débit entre deux lignes de courant) ce qui ne
peut se réaliser que si ṽ est différent de zéro.
⊲ Si U∞ /L ∼ V0 /δ, l’équation de continuité reste complète (moindre dégénérescence).
Du fait que δ et V0 sont des échelles inconnues, nous sommes libres de poser :
∂ ũ ∂ṽ
V0 = (δ/L) U∞ ≪ U∞ =⇒ + = 0.
∂ x̄ ∂ ỹ
Compte tenu de ce résultat qui permet d’éliminer V0 , les équations de quantité de mouve-
ment s’écrivent :
∂ ũ ∂ ũ (δp) ∂ p̃ L2 1 δ2 ∂ 2 ũ ∂ 2 ũ
ũ + ṽ = − 2 + 2 + 2 ,
∂ x̄ ∂ ỹ ρU∞ ∂ x̄ δ R L2 ∂ x̄2 ∂ ỹ
∂ṽ ∂ṽ 2 2
L (δp) ∂ p̃ L 1 δ ∂ ṽ2 2 ∂ 2 ṽ
ũ + ṽ = − 2 2 ∂ ỹ
+ + .
∂ x̄ ∂ ỹ δ ρU∞ δ2 R L2 ∂ x̄2 ∂ ỹ 2
Au titre des simplifications automatiques, nous pouvons négliger les dérivées relativement
à x̄ des laplaciens.
En ce point de l’analyse, il ne reste plus qu’une seule jauge inconnue, l’échelle de
pression (δp). L’étude de la couche limite sur plaque plane a montré que les forces de
pression ne jouent pas un rôle fondamental dans le développement d’une couche limite.
En effet, le phénomène essentiel est l’équilibre entre la diffusion normale à la paroi et
la convection parallèle à la paroi et, qualitativement, nous sommes conduits à écrire :
Convection longitudinale ∼ Diffusion transversale & Forces de pression,
ce qui se traduit par :
L2 1 (δp) δ 1 2
1= 2
= 2
=⇒ =√ et (δp) = ρU∞ .
δ R ρU∞ L R
On peut justifier le fait de garder les forces de pression de plusieurs façons :
⊲ Par non simplification abusive, les forces de pression étant générées en tant que consé-
quence du mouvement. Autrement dit, le fait de ne pas trouver un rôle fondamental
à ces forces n’est pas suffisant pour justifier leur élimination.
1.3. FROTTEMENT PARIÉTAL 8/28
1.3.2 Application
Soit à calculer la traînée visqueuse Ff d’une plaque plane de longueur L et de largeur
b. En raison de la géométrie de la paroi, la composante cherchée est parallèle à l’axe des x
et, sous forme dimensionnée, nous avons :
Z b Z L
∂u
Ff = dz µ dx.
0 0 ∂y |0
D’après la solution de Blasius (voir section 1.1.3) :
√ U∞ ∂ ũ √ U∞ −1/2 ′′
Tf = R µ = Rµ x̄ f (0) où f ′′ (0) = 0,332.
L ∂ ỹ |0 L
Après avoir reporté dans l’intégrale, il vient :
Z b Z Lr √
U∞ µU∞ ′′
Ff = dz √ f (0) dx = 2bµU∞ Rf ′′ (0).
0 0 ν x
Introduisons le coefficient de traînée CX :
Ff 2f ′′ (0)
CX = 1 2
= √ ,
2 ρU∞ bL R
c’est une fonction décroissante de la longueur de la plaque, singulière lorsque L → 0, ce
qui n’a rien d’étonnant car, au voisinage du bord d’attaque, on se trouve confronté au
problème complet (voir section 1.1.1).
1.4. SOLUTION DE FALKNER-SKAN 10/28
θ = 0 et θ = π/(m + 1).
V∞
Avec les notations de la figure, on
constate que l’écoulement symétrique O
autour d’un dièdre d’angle au sommet
βπ s’obtient en écrivant que
ℓ
1 β
θ=π− 2 βπ d’où m = .
2−β
Il n’existe pas d’écoulement uniforme à l’infini autour d’un dièdre s’étendant vers l’in-
fini. Cela provient du fait qu’un écoulement dans un angle n’existe pas physiquement. Ce
n’est que le comportement local au voisinage du bord d’attaque anguleux d’un obstacle
de dimension ℓ finie (voir figure). Toute la géométrie en aval du point O, aussi complexe
soit-elle (mais symétrique) est totalement incluse dans la valeur du coefficient A de f (z).
Le comportement f (z) = A z 2/(2−β) est valable à une distance L ≪ ℓ du bord d’attaque.
Il faut également, puisqu’il s’agit d’un écoulement de fluide parfait, que le nombre de
Reynolds local soit grand. L’ordre de grandeur des vitesses, donné par :
df 2A β/(2−β)
w(z) = = u − iv = z ,
dz 2−β
dépend de la distance L à laquelle se trouve l’origine. En posant x = L x̄, y = L ȳ et
z = L z̄, il vient :
2A
w(z) = U0 z̄ β/(2−β) avec U0 = Lβ/(2−β) ,
2−β
CHAPITRE 1. COUCHE LIMITE DYNAMIQUE LAMINAIRE 11/28
λ ≪ L ≪ ℓ.
La zone de dimension λ autour de O pour laquelle Rloc ∼ 1 ne peut être traitée que par
les équations de Navier-Stokes complètes.
En conséquence de ce qui précède, on choisit pour échelles de description de la région
de fluide parfait :
La pression à l’infini n’étant pas définie, ceci nous oblige à introduire une référence arbi-
traire p0 .
Pour les conditions de raccord, il nous faut connaître la vitesse de glissement et la
pression à la paroi :
β dp̄e dūe β 3β−2
ūe (x̄) = x̄ 2−β =⇒ = −ūe =− x̄ 2−β .
dx̄ dx̄ 2−β
1.4.2 Résolution
Les équations de Prandtl établies dans un cadre plus général sont évidemment va-
lables, après avoir fait le choix approprié des échelles de description de la couche limite.
−1/2 −1/2
x = L x̄, y = LRL ỹ, et u = U0 ũ, v = U0 RL ṽ.
Du fait que les conditions aux limites n’imposent pas d’échelle de longueur, il existe
une solution semblable. Introduisons la fonction de courant :
−1/2
ψ = U0 L RL ψ̃ avec ũ = ∂ ψ̃/∂ ỹ et ṽ = −∂ ψ̃/∂ x̄,
∂ ψ̃ ∂ 2 ψ̃ ∂ ψ̃ ∂ 2 ψ̃ β 3β−2 ∂ 3 ψ̃
− = x̄ 2−β + ,
∂ ỹ ∂ x̄∂ ỹ ∂ x̄ ∂ ỹ 2 2−β ∂ ỹ 3
et la seule condition à la limite à jouer un rôle est :
∂ ψ̃ β
ỹ → ∞ : ∼ x̄ 2−β .
∂ ỹ
1.4. SOLUTION DE FALKNER-SKAN 12/28
x̄ = x∗ x̂, ỹ = y∗ ŷ et ψ̃ = ψ∗ ψ̂.
β
−0,199
4 0,00
0,25
Figure 1.1 – Solution de Falkner-
0,50 Skan. Les courbes en trait continu
0,75
1,00 représentent les valeurs particulières
1,25
3 1,50 β = 2, β = 1 (point d’arrêt, voir ta-
1,75 bleau 1.1) et β = 0 (plaque plane,
η 2,00
voir tableau 1.1). La valeur β =
2 −0,199 correspond au décollement
{f ′′ (0) = 0}. Pour des valeurs in-
férieures à −0,199, le profil des vi-
1
tesses présente une portion négative,
c’est-à-dire un écoulement de retour
qui doit être exclu.
0
0 0.2 0.4 0.6 0.8 1
f’
Cette équation est connue sous le nom d’équation de Falkner-Skan. On n’en connaît
pas de solution analytique et les résultats numériques (voir figure 1.1) doivent donc être
tabulés pour différentes valeurs de β (voir tableau 1.1). Le champ de vitesse s’obtient en
appliquant les changements de variable et de fonction en sens inverse :
∂ ψ̃ β
ũ = = x̄ 2−β f ′ = ūe f ′ (η),
∂ ỹ
β−1
∂ ψ̃ x̄ 2−β
ṽ = − = −√ f + (β − 1)ηf ′ .
∂ x̄ 2−β
Remarque Le cas particulier β = 0 ne redonne pas exactement la solution du pro-
blème de Blasius en raison d’une petite modification de la définition de η et de f .
Le cas particulier β = 1 (angle droit) donne la solution au point d’arrêt, nécessaire
pour amorcer tout calcul de couche limite sur un obstacle quelconque.
CHAPITRE 1. COUCHE LIMITE DYNAMIQUE LAMINAIRE 13/28
y y
u
δ
δ1
ue ue
alors que la figure de droite représente le même défaut de débit obtenu par déplacement
de la paroi sur la distance δ1 (x) :
qv = ue (x) δ1 (x).
Il s’ensuit :
Z ∞
u
δ1 (x) = δ 1− dỹ.
0 ue
Commentaire L’apport des méthodes asymptotiques est l’interprétation de la borne
infinie de l’intégrale. En effet, l’intégrale porte sur la variable intérieure ỹ et l’infini, à
cette échelle, est de l’ordre de δ.
Exemple Pour la solution du problème de Blasius (couche limite sur plaque plane sans
gradient de pression), le calcul ne présente aucune difficulté.
Z ∞ Z ∞
1/2 δ1
RL = (1 − ũ) dỹ = x̄1/2 (1 − f ′ ) dη.
L 0 0
2.1 Généralités
2.1.1 Position du problème
Afin de rester cohérent avec le chapitre précédent, on reste dans le cadre des écoule-
ments bidimensionnels, stationnaires et à propriétés physiques constantes, en conservant
toutes les notations introduites jusqu’à présent. De façon générale, on désigne par T∞ la
température loin de l’obstacle.
Du fait que les propriétés physiques du fluide sont constantes, les problèmes dynamique
et thermique sont découplés, ce qui signifie que le premier peut être intégré avant le second ;
on parle d’un « couplage faible ».
Cette question du couplage se pose également pour les températures du fluide et de la
paroi mais il n’est pas prévu de traiter des problèmes couplés de cette nature dans ce cours.
On se limite donc à deux types de conditions à la paroi dont les propriétés mathématiques
de l’équation d’énergie montrent par ailleurs qu’il n’est possible de satisfaire qu’à une seule
d’entre elles.
⊲ Température imposée : Tp .
⊲ Paroi athermane : q · n = 0 où q est la densité de flux de chaleur donnée par la loi
de Fourier, soit : ∇ T · n = ∂T /∂n = 0.
En général, la température est une quantité qui ne s’annule pas dans son domaine de
définition 1 et on procède donc changement de variable suivant :
(
(δT ) = |Tp − T∞ | si T = Tp .
T = T∞ + (δT ) T̄ avec
(δT ) inconnue si q · n = 0;
Dans tout ce qui suit, on suppose que le champ de vitesse est déjà connu par la résolution
du problème dynamique. De façon générale (i.e. sans direction privilégiée) et en variables
extérieures, x = L x̄ et y = L ȳ, l’équation d’énergie s’écrit :
1 Ek
∇ T̄ · V̄ = ∆T̄ + 2 D̄ : D̄,
Pe R
où Pe = P R est le nombre de Péclet, P = ν/α est le nombre de Prandtl où α = k/(ρc)
est la diffusivité thermique, R = V∞ L/ν le nombre de Reynolds et Ek = V∞2 /[c(δT )] le
nombre d’Eckert.
1. Rares sont les problèmes industriels où la température atteint le zéro absolu !
17
2.1. GÉNÉRALITÉS 18/28
Une première analyse et un premier classement des différents cas possibles peut déjà
être entrepris à partir de cette formulation générale.
Diffusion dominante Ce cas est associé aux petites valeurs du nombre de Péclet :
Pe ≪ 1. Sous cette condition, et en se plaçant dans le cas où la dissipation visqueuse est
négligeable, l’équation d’énergie se réduit à :
∆T̄ = 0.
Le transport de chaleur par diffusion est tellement intense qu’il masque les mouvements
du milieu ; tout se passe comme dans un solide. Autrement dit, la chaleur se déplace dans
le milieu beaucoup plus vite que celui ci ne se déplace. Le fluide a donc « tout le temps »
pour adapter sa température à celle de la paroi et satisfaire à la condition imposée.
∇ T̄ · V̄ = dT̄ /dt̄ = 0,
dont on déduit que la température est constante sur une trajectoire, ce qui implique : T̄ = 0,
en raison du changement de variable. Le fluide passe tellement vite au voisinage de l’obstacle
que la conduction n’a pas le temps de le réchauffer et qu’il conserve donc la température
qu’il a à l’infini. Cette approximation ne permet pas d’assurer T = Tp sur la paroi, ce qui
est inadmissible, au vu du problème posé. Physiquement, du fait que la paroi est étanche,
seul le transport par diffusion – qui ne s’accompagne d’aucun mouvement macroscopique —
peut permettre à la chaleur de pénétrer dans le domaine fluide et précisément, ce mode de
transport est absent. La paroi constitue donc une ligne singulière dont il faut examiner le
voisinage : couche limite thermique.
Problème complet C’est le cas Pe ∼ 1. Les deux modes de transport sont présents mais
on conserve l’hypothèse d’une dissipation visqueuse négligeable. Cette hypothèse se réalise
CHAPITRE 2. COUCHE LIMITE THERMIQUE LAMINAIRE : CONVECTION
FORCÉE 19/28
où le premier terme de l’alternative est la jauge du transport par convection tandis que le
second est celle du transport par diffusion. Noter que, quel que soit le mode de transport,
la chaleur doit être évacuée sans quoi, en raison de son accumulation, l’écoulement serait
instationnaire, ce qui est exclu ici.
Il faut donc examiner de près le voisinage de la paroi, c’est-à-dire la couche limite ther-
mique. À l’instar de l’épaisseur de la couche limite dynamique dont la valeur est déterminée
par l’examen des équations de Navier-Stokes, l’échelle d’épaisseur de cette couche est
déterminée par l’analyse de l’équation d’énergie. Cependant, cette équation fait intervenir
le champ de vitesse (supposé connu) dont l’ordre de grandeur dépend de la distance à la
paroi. Il importe donc de savoir si ces deux couches, dynamique et thermique, sont du
même ordre ou si l’une d’entre elles est beaucoup plus épaisse que l’autre.
Nous nous proposons d’apporter une réponse à cette question dans le cas simple de la
diffusion d’une discontinuité de vitesse et de température.
y y
V∞ = 0 T∞ 6= T0
V0
Tp
Problème dynamique Problème thermique
Équation : Équation :
∂u ∂2u ∂θ ∂2θ
= ν 2. = α 2 où θ = T − T∞ .
∂t ∂y ∂t ∂y
Conditions aux frontières : Conditions aux frontières :
t = 0, u = 0 (∀y) t = 0, θ = 0 (∀y)
y = ∞, u = 0 (∀t) y = ∞, θ = 0 (∀t)
y = 0, u = V0 (∀t) y = 0, u = θ0 = Tp − T∞ (∀t)
Ce deux problèmes sont identiques. Désignons u et θ par X et ν et α par η. Du fait
que X s’annule dans son domaine de définition, il peut être adimensionné par une formule
linéaire : X = (δX) X̄ . Posons encore t = τ t̄ et y = δ ȳ, l’équation s’écrit sous forme
adimensionnée :
y y
T∞ T∞
δth2 √
δth1 δth = ατ
θ θ
Tp Tp
t = t1 t = t2
Elle se justifie si on considère qu’une couche limite dynamique est en fait une zone de
diffusion de discontinuité de vitesse qu’on suit en description lagrangienne à la vitesse
V∞ . Sur la figure (moitié supérieure), il faut suivre l’évolution du défaut de vitesse
(V∞ − u) en se déplaçant selon l’équation horaire x = V∞ t et en observant le fluide
par une fenêtre de largeur ∆x. L’analogie avec la diffusion de la chaleur représentée
sur la moitié inférieure de la figure apparaît alors clairement.
2.3 Définitions
2.3.1 Température d’arrêt
C’est une notion qui n’a d’intérêt que dans les écoulements où la dissipation visqueuse
est significative. Elle est notée :
Ti = T + V 2 /(2c),
où V est le module de la vitesse locale. C’est donc une quantité définie en tout point de
l’écoulement, quelle que soit la région considérée : fluide parfait, couche limite dynamique
ou thermique.
C’est la température qu’atteindrait le fluide en un point si on ajoutait à la température
locale l’élévation de température qui résulterait de la transformation de toute l’énergie
cinétique locale en chaleur.
Cette élévation de température est négligeable dans le cas des liquides mais peut être
significative dans le cas de gaz s’écoulant à grande vitesse :
⊲ liquide : V ∼ 10 m/s, c ∼ 4 kJ/(kg · K) → V 2 /(2c) ∼ 1,25 · 10−2 K ;
⊲ gaz : V ∼ 100 m/s, c ∼ 0,6 kJ/(kg · K) → V 2 /(2c) ∼ 8,3 · 10−2 K.
CHAPITRE 2. COUCHE LIMITE THERMIQUE LAMINAIRE : CONVECTION
FORCÉE 23/28
où (δT ) est évalué en exprimant que la dissipation visqueuse est la seule source de chaleur
du problème :
⊲ P ≪ 1 : (δTf ) = V∞2 /(c R) ;
⊲ P ∼ 1 : (δTf ) = V∞2 /c ;
⊲ P ≫ 1 : (δTf ) = P 1/3 V∞2 /c.
r = (Tf − Te )/(Tie − Te ),
où l’indice « e » indique une grandeur évaluée à l’extérieur de la couche limite. Du fait que,
dans tous les cas, les frottements produisent de la chaleur, Tf > Te = T∞ . D’autre part,
d’après la définition de la température d’arrêt : Tie = Te + u2e /(2c). La différence Tie − T∞
est donc l’accroissement de température qui serait observé si toute l’énergie cinétique de
l’écoulement extérieur était transformée en chaleur. Le facteur de récupération peut encore
être introduit sous la forme :
Tf = T∞ + r u2e /(2c).
(δT )
(δTf ) Tef = r u2e /(2c) ⇐⇒ Tef = Ek r ū2 = Ek f r ū2e =⇒ r ∼ 1/Ek f ,
(δTf ) e
il s’ensuit :
⊲ P ≪ 1 : r ∼ 1/R ≪ 1, la chaleur diffuse très bien et il n’y a pas un grand écart
entre Tf et T∞ ;
⊲ P ∼ 1 : r ∼ 1;
⊲ P ≫ 1 : r ∼ P 1/3 ≫ 1, la chaleur diffusant mal, elle s’accumule près de la paroi et
Tf ≫ T∞ .
2.3. DÉFINITIONS 24/28
ϕ (x)
St (x) = Ms (x) = p .
ρ c ue Tp (x) − Tf (x)
ϕp = h(Tp − Tf ).
Mais, en toute rigueur, h est une fonction de l’écoulement et des écarts de température,
si bien qu’en fait, même si c’est souvent le cas, en première approximation, la relation
ci-dessus n’est pas linéaire.
De façon analogue au nombre de Stanton, lorsque le transfert de chaleur est dominant
relativement à l’apport des frottements, on écrit plutôt :
ϕp = h(Tp − T∞ ).
On remonte de la densité de flux au flux par une intégrale de surface sur la paroi où
s’effectue la transfert de chaleur :
Z
Φ= ϕp dS.
S
CHAPITRE 2. COUCHE LIMITE THERMIQUE LAMINAIRE : CONVECTION
FORCÉE 25/28
S’il existe une solution semblable, la variable de similitude ne peut être que η. Par
commodité, introduisons la fonction ξ(η) définie par :
Te = 12 Ek ξ(η),
2ξ ′′ + Pf ξ ′ + 4P(f ′′ )2 = 0,
|{z} | {z } | {z }
conduction convection dissipationvisqueuse
2.4. RECHERCHE DE SOLUTIONS SEMBLABLES 26/28
Cette équation peut se ramener à une équation linéaire du premier ordre en utilisant
l’inconnue auxiliaire : ζ(η) = ξ ′ (η). L’intégration ne présente pas de difficultés et, en
appliquant la méthode de la variation de la constante, on obtient tous calculs faits :
Z ∞ Z τ Z η
′′ P ′′ 2−P
ξ(η) = 2P [f (τ )] [f (s)] ds dτ + A [f ′′ (τ )]P dτ + B,
η 0 0
Z η
= ξa (η) + A [f ′′ (τ )]P dτ + B.
0
Cette solution générale doit maintenant être adaptée aux deux types de conditions pari-
étales en rappelant que, in fine, dans le cas de la paroi athermane, on cherche la température
de frottement Tf tandis que dans le cas de la paroi isotherme, on cherche la densité de flux
ϕp ou, ce qui revient au même, le coefficient de transfert h alias nombre de Nusselt
N u (x).
Remarque Dans le cas particulier P = 1 et compte tenu de ce que f ′ = ũ, les
intégrales se calculent et on obtient :
ξ(η) = 1 − ũ + A ũ2 + B.
T (0) − T∞
ξa (0) = = r.
V∞2 /2c
V∞2 ũ2 V2
Ti = T + = T∞ + ∞ (ξ + ũ2 ).
2c 2c
√
Remarque Pour 0,5 ≤ P ≤ 15, r ≃ P à 1% près. Pour P = 1, on a strictement :
r = 1 − ũ2 et il s’ensuit r = 1 ; on a également : Ti = T∞ + V∞2 /2c = Tie .
6 6
5 5
P P=1
4 0,5 4
1 Θ
5 Θi
η 15 η
3 3
2 2
1 1
0 0
0 0.2 0.4 0.6 0.8 1 0 0.2 0.4 0.6 0.8 1
ξ/r Θ, Θi
On constate sur la figure de gauche que, mesurée à l’échelle de la couche limite dynamique,
la couche limite thermique est d’autant plus mince que le nombre de Prandtl est grand.
La figure de droite (P = 1, r = 1) montre que Ti = Tf , mais c’est un cas exceptionnel.
6 6
5 5
P <1 P>1
4 Θ 4
Θ
Θi Θi
η 3 η 3
2 2
1 1
0 0
0 0.2 0.4 0.6 0.8 1 0 0.5 1 1.5 2 2.5 3 3.5
Θ, Θi Θ, Θi
2. Pécisément, P = 0,5.
3. Pécisément, P = 10.
2.4. RECHERCHE DE SOLUTIONS SEMBLABLES 28/28
On peut enfin observer que, du point de vue des ordres de grandeur, le choix de l’in-
connue auxiliaire ξ(η) n’est pas adapté au cas d’une faible dissipation visqueuse : Ek ≪ 1.
Sous cette condition, les écarts
de température sont beaucoup plus importants O {Tp − T∞ }
tandis que Tf − T∞ = O V∞2 /2c . On a donc :
Tf − T∞ = Tp − T∞ − Tp + Tf = Tp − T∞ + O {Ek } ,
et il suffit de remplacer Tf par T∞ dans la définition de h et de Ms (x). De même, la
constante A est formellement identique sous réserve de remplacer Tf par T∞ . L’expression
analytique de la température se simplifie :
Z η
V2 V2 2 ′′ P
T = T∞ + ∞ ξ(η) = T∞ + ∞ ξa (η) − F (P) f (0) dτ − 1
2c 2c Ek 0
Z ∞ −1
′′ P ′′ 1−P 1/3
où F (P) = f (0) dτ ≃ f (0) P ,
0
soit, finalement :
Z
′′ 1−P 1/3 η ′′ P
T = T∞ + (Tp − T∞ ) 1 − f (0) P f (0) dτ + O V∞2 /2c .
0