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LE GÉNIE DE L’ISLAM
Initiation à ses fondements,
Presses du Châtelet
Nabil
Les questions les plus sensibles, celles qui font aujourd’hui débat
(shari ah, jihâd, statut des femmes, polygamie, esclavage, violence,
etc.), ne sont pas éludées. Elles ne font pas non plus l’objet d’un
discours apologétique, mais sont examinées au gré d’une réflexion
plus générale et plus profonde, relative aux enseignements
islamiques. Intégrées à une analyse plus large, ces questions sont
mises en perspective ; traitées de façon isolée, elles seraient par là
même faussées.
Notre conclusion (p. 249) sera suivie d’un petit exercice de mise au
point (p. 255) sur dix idées reçues au sujet de l'islam. Occasion de
déconstruire certains stéréotypes et d’expliciter certaines notions mal
ou peu comprises d’un grand nombre de gens, y compris
des musulmans eux-mêmes : shari 'ah, jihâd, fatalisme, prescriptions
vestimentaires, égalité des sexes, abattage rituel, identité
musulmane, etc. Chacun pourra ainsi évaluer ses connaissances et ses
perceptions.
Chapitre 1
HISTOIRE
est le Coran, les deux autres sont les traditions prophétiques et les
différentes biographies (sïrah*) du Prophète. Les ouvrages historiques
très connus, celui du célèbre Tabarï notamment, s’appuient sur ces
sources primaires, ajoutant parfois des récits provenant des traditions
juive ou chrétienne.
Naissance
Son père, Abd Allah, est mort lorsque sa mère, Àminah, était enceinte
de deux mois. Orphelin de père, Muhammad, quoique issu du noble
clan mecquois des Banü Hàshim, vient donc au monde dans une
situation sociale fragilisée. Sa mère, contrainte de tenir son rang, n’a
pas les moyens de subvenir aux besoins de sa famille. Il était de
coutume, à La Mecque, de confier son enfant à une nourrice des tribus
bédouines nomadisant dans le désert proche. Cependant, parce qu’il
est orphelin de père, les nourrices refusent l’une après l’autre de
prendre en charge cet enfant dont elles craignent de ne tirer
aucun bénéfice. C’est finalement Halïmah, arrivée la dernière, quand
tous les nourrissons ont été placés, qui accepte d’emmener
Muhammad, afin ne pas rentrer bredouille au village. Pendant quatre
ans, l’enfant va grandir au désert avec Halïmah, dans des conditions
de dénuement qui ne seront pas sans répercussions sur sa vie future.
Orphelin
Mariage
Révélation
Persécution et Hégire
D’abord publiquement, puis secrètement, de plus en plus d’habitants
de La Mecque se convertissent, des femmes comme des hommes,
ainsi qu’une grande majorité de pauvres ou d’esclaves qui se voient
ainsi affranchis.
Médine
Après l’avoir emporté sur les Banü Qaynuqa', qui avaient trahi le pacte
et fait alliance avec l’ennemi, le Prophète choisit de les gracier et de
les expulser, malgré la coutume guerrière qui consistait à exécuter les
hommes des clans et à livrer femmes et enfants comme captifs
de guerre. Il n’en retrouve pas moins certains de ceux à qui il a laissé
la vie sauve dans le clan des Banü Nadir, lesquels l’ont de nouveau
trahi et attaqué. Il leur épargne une nouvelle fois l’exécution et leur
enjoint de s’exiler. Mais, apprenant que les Banü Qurayzah l’ont trahi à
leur tour, avec le concours d’exilés des clans Banü Qaynuqa' et Banü
Nadir, il dépêche une armée qui parvient à les vaincre. Et, cette fois, il
demande qu’ils soient jugés selon leur propre tradition, par un juge
qu’ils auront eux-mêmes accepté. La sentence est sans merci : les
hommes sont exécutés. Après trois trahisons, elle fut la première et
la seule sentence de cette nature. Cette fermeté a pour effet de
terrifier les clans avoisinants et met un terme aux trahisons des
pactes.
Direction
Al-Hudaybiyyah
La Mecque conquise
Le Prophète entre dans la ville prosterné sur son cheval. Il détruit lui-
même les idoles qui se trouvaient dans la Ka'bah, espace sacré
désormais destiné à l’adoration du Dieu unique3. Puis il fait venir les
habitants de La Mecque qui l’ont combattu pendant près de vingt ans
et leur annonce : « Allez, vous êtes libres. » Leur ayant pardonné, il
se réinstalle dans sa ville d’origine, où il reste quelque temps. Mais,
après la bataille du Hunayn, qui lui permet de renforcer un front,
il prend la décision de retourner à Médine, d’où il continue
à administrer l’ensemble de la communauté. De
nombreuses députations de clans proches ou éloignés viennent faire
allégeance à son autorité, désormais solide et reconnue.
Mort
Le Message
Dieu, la Création
Les premières révélations ont pour fonction de convertir le cœur et le
regard du Prophète et de ses premiers Compagnons. Il est d’abord
question de Dieu, de Son unicité ( Tawhïd), de Sa présence qui se
manifeste par des signes que les croyants sont invités à observer et à
méditer. Les références à la Nature, au ciel, à l’aube, au soleil, à la
lune, aux arbres, aux montagnes, au désert ou à l’eau abondent dans
les premiers versets, pour la plupart regroupés à la fin du Coran dans
son agencement définitif. Tous ces éléments naturels (âyat) sont
présentés comme des signes de la présence du Créateur et du sens de
la vie. La Révélation l’indique : « Nous leur montrerons Nos signes
dans les horizons et en eux-mêmes, jusqu’à ce qu’il leur apparaisse
clairement que ceci est la Vérité8. »
Cette paix intérieure est un signe (âyah), c’est le langage que Dieu
tient aux cœurs qui se sont convertis, au sens littéral, à une foi qui
est un nouveau regard sur le monde et sur soi. Il s’agit de mieux voir
ce qui nous habite ou nous entoure et dont on n’avait pas perçu le
sens, faute d’attention. « Il y a en vérité dans la création des Cieux et
de la Terre, et dans la succession de la nuit et du jour, des signes pour
ceux qui sont doués de discernement 10. » La présence du divin est
comme une lumière qui transforme les perceptions. C’est à partir de
cette expérience que, par opposition, le Coran décrit les « négateurs
au cœur voilé » (kuffâr*) : « Que ne cheminent-ils sur la Terre afin
qu’ils aient des cœurs avec lesquels raisonner ou des oreilles avec
lesquelles entendre ? Certes, ce ne sont pas les yeux qui
deviennent aveugles, mais les cœurs dans les poitrines 11. »
Les pauvres
De la même façon qu’il convient d’observer la Création qui nous
entoure et lui donner du sens, il nous est demandé de prêter attention
aux pauvres, invisibles dans notre quotidien. Les premiers versets
révélés ne cessent de porter l’attention des croyants vers les
indigents, négligés, ignorés et déconsidérés. Le Coran décrit les
croyants sincères en ces termes : « Ils donnent à manger, par amour
de Dieu, au pauvre, à l’orphelin et au prisonnier [Et ils disent] : “Nous
vous offrons de la nourriture pour Sa seule Face [par amour de Dieu],
nous n’attendons de vous ni récompense ni remerciement.”12 »
Comprendre le Message
La guerre
Enfin vient l’interdiction : « O vous qui avez la foi, le vin [les boissons
alcoolisées], les jeux de hasard, les idoles [de pierre] et les flèches
divinatoires sont des impuretés [maux] produits par le diable, fuyez-
les [mettez un terme à leur usage], peut-être obtiendrez-vous le
salut 22. »
Ces trois révélations, selon les traditionnistes, ont été transmises sur
une période de sept à neuf ans. L’alcool faisant partie des pratiques
culturelles, il s’agissait de faire prendre conscience aux premiers
musulmans du sens de l’interdiction et de les amener progressivement
à l’abstinence.
13 Qui peut avoir les deux sens d'aimer les pauvres et d’être aimé
par les pauvres.
Quoi qu’il en soit, c’est bien Abu Bakr qui est désigné pour succéder
au Prophète. Calife pendant deux ans (632-634), il propose que TJmar
ibn al-Khattàb lui succède à son tour. Ce dernier régnera dix ans (634-
644), avant d’être assassiné. Il laisse la place à ‘Uthmàn ibn Affân
(644-656), assassiné à son tour. Vient ensuite le règne de Ali, qui
ne débute pas sans troubles, certains - notamment la veuve
du Prophète, À ishah -, exigeant de lui qu’il punisse les meurtriers de
Uthmàn. Un autre front remet également en cause sa légitimité, avec
à sa tête Mu âwiyyah, qui déclenchera la bataille de Siffïn en 658. Ce
dernier exige un arbitrage, que finit par accepter Ali. Sa décision
provoque la révolte des khàrijites, qui jusque-là le soutenaient. Ali
devra intervenir durement pour mettre un terme à leur sécession. Sous
son règne, les ibàdites prennent également leurs distances ; refusant
la violence, ils iront s’installer à Oman, où ils vivent encore
majoritairement de nos jours, de même qu’à Zanzibar, ancienne
colonie omanaise.
À la mort de Ali (661), les tensions sont donc vives. Son fils al-Hassan
lui succède, mais reconnaît conditionnellement l’autorité de
Muâwiyyah, qui fonde l’Empire umayyade. Lorsque al-Hassan meurt en
670, son frère al-Hussayn rompt avec les Umayyades ; parvenu au
pouvoir, Yazïd Ier le fera assassiner à Kerbala en 680. Cet épisode
tragique marque la naissance historique de la tradition chiite, qui s’y
réfère comme à un acte quasi fondateur.
L’expansion
L’islam est d’abord une religion, avec son credo ( aqidah), ses
principes fondamentaux (usül), ses rituels ('ibadât), ses obligations
(wàjibât), ses interdits (muharramdf ) et son code moral (akhlâq). Les
premiers musulmans, en attestant de leur foi, adhèrent à ce cadre qui
établit une relation à Dieu et au Message du dernier des Prophètes.
C’est le sens même de l’attestation de foi (al-shahàdah) : « J’atteste
qu’il n’est de dieu que Dieu et que Muhammad est Son envoyé. »
Unité et diversité
L’unité de l'islam tient au fait que tous les musulmans, quelles que
soient leur tradition (sunnite, chiite, ibâdite), leur culture (arabe,
africaine, asiatique, occidentale), leur tendance (littéraliste,
traditionaliste, réformiste, mystique, etc.), sont d’accord sur les
principes fondamentaux (unicité de Dieu, sources scripturaires, credo)
et les pratiques rituelles (obligations et interdits essentiels). L’islam,
de ce point de vue, est un. Cela n’empêche pas que cette unité de
principes ait donné lieu à une diversité d’interprétations et
d’appartenances.
Très tôt, les sunnites ont vu se développer des écoles de droit autour
de savants (‘ ulama ) et de juristes (Juqaha ) qui enseignaient à leurs
élèves des méthodes spécifiques d’extraction de règles à partir des
sources scripturaires. Les juristes en question étaient rarement
conscients (ou désireux) d’établir une école de droit. Au gré de
l’Histoire, on a pu compter jusqu’à dix-huit écoles de droit differentes
chez les sunnites, dont quatre seulement ont survécu (màliki, hanafî,
shâfiï et hanbalï).
De nos jours, une nouvelle école juridique, qui refuse les précédentes,
entend, sur les traces des premières générations (salaf ), revenir
directement au Coran et à la Sunnah. Ceux qui s’en réclament se
nomment eux-mêmes les salafi. Leurs divergences, essentiellement
d’ordre méthodologique, ont trait à la classification des sources et,
bien sûr, à l’interprétation de certains versets relatifs au culte (‘ ibadât
et mu àmalât) et aux prescriptions (ahkàm).
Écoles de pensée
Courants et tendances
1
Les duodécimains dénombrent douze imàms de référence, réputés
infaillibles, tandis que les ismaéliens n’en reconnaissent que sept.
Ces deux tendances, cependant, sont d’accord sur la lignée
jusqu’au sixième imàm, Ja‘far al-Sàdiq.
Voir p. 231.
Le Coran
Relation Coran-Hadïth
Dans son sens premier, la « soumission » évoque en effet la perte, par le croyant, de
sa volonté, de sa liberté et de son autonomie. Croire en Dieu, être avec Dieu,
nécessiterait donc une diminution, voire une amputation de l’humanité de l’Homme,
de son statut d’être libre et de ses facultés. Or, l’ensemble du message de l'islam dit
exactement le contraire. Traduire superficiellement cette notion, c’est commettre
d’emblée une erreur.
Paix
Le mot islam dérive de la racine sa-la-ma, qui signifie « paix », dont l’une des formes
verbales se rapporte à la reddition, au sens de « don de soi ». Ces deux
acceptions principales donnent une idée plus juste, plus complète et plus profonde
de la notion à'islam, puisque l’acte de foi humain consiste à faire, en conscience et
volontairement, un don de soi pour accéder à la paix (avec le Divin et avec soi).
Un verset du Coran rend compte de cette expérience de la foi : « O vous qui portez la
foi, entrez dans la paix [de Dieu] de tout votre être1 [pleinement]. » Il s’agit ainsi, au-
delà de la seule reconnaissance du fait qu’il y ait un Créateur, d’établir une relation de
confiance et d’amour avec l’Unique, relation qui permette au croyant - porteur du
précieux dépôt de la foi - d’accéder à la paix de Dieu et en Dieu.
L'islam est donc un acte de foi par lequel l’être humain se met en quête de la paix à
laquelle Dieu l’invite (puisqu’il lui demande de répondre à Son appel) en Le priant, en
L’aimant, en respectant les rituels et en faisant le choix moral du bien et du juste. Il ne
s’agit donc pas de perdre sa volonté, de nier sa liberté ou de renoncer à son
humanité : bien au contraire, il est question d’assumer son humanité et ses limites,
d’user de sa liberté en toute responsabilité et d’orienter sa volonté vers le choix de
l’élévation et du bien. La paix avec Dieu et avec soi est au prix de cet effort
intellectuel et spirituel que le mot « soumission » ne traduit pas du tout.
C’est ainsi que de nombreux savants ( ulamà ') ont distingué le sens
générique du mot islam (l’acte de foi) et l'islam en tant que dernière
religion révélée, avec son credo et ses rituels. Cette dernière vient en
fait parachever et finaliser le sens de cet acte de foi qui remonte à la
création de l’Homme. Deux versets spécifient la singularité et
l’élection de l'islam : « Certes, la [vraie] religion auprès de Dieu est
islam} », puis : « Et qui désire une autre religion que l’islam, cela ne
sera pas accepté10 11. » Il s’agit ici de la reconnaissance du Dieu
unique, de l’acte de foi comme don et quête de paix, exprimé dans
l’histoire des êtres humains à travers les missions de tous
les Messagers et Prophètes, d’Adam, Noé et Abraham jusqu’à Moïse,
Jésus et Muhammad. Tous, à travers leur message et les rituels de
leur religion et traditions respectives, ont prôné l'islam au sens de don
de soi à l’Unique ; tous étaient musulmans (muslimün), au sens où ils
l’ont vécu et en ont été des témoins dans la paix de Dieu.
Un Dieu unique
Quête de Dieu
Judaïsme
Christianisme
Innocence et fïtrah
Tensions naturelles
Responsabilité
La dignité humaine
Karâmah
Liberté
Être libre auquel fut octroyé le pouvoir du savoir, l’Homme doit user de
sa connaissance pour faire un bon usage de sa liberté. En ce sens, il
est donc une créature dotée d’un statut privilégié et, subséquemment,
d’une responsabilité supérieure au cœur de la Création
entière. Comme le dit le Coran : « Ne voyez-vous pas que Dieu a mis
à votre service tout ce qui est dans les Cieux et sur la Terre et qu’il
vous a prodigué Ses bienfaits apparents et cachés 16 ? » Avec la
liberté et les facultés de connaissance qui caractérisent sa dignité
originelle, l’homme doit chercher à savoir, à comprendre lui-même et le
monde, à faire des choix donnant toujours la priorité au bien et à
l’élévation qui sont l’expression de sa dignité spirituelle. A cette fin, il
doit se rappeler qu’il n’est pas le propriétaire de l’Univers et de la
Terre («À Dieu appartient tout ce qui est dans les Cieux et sur la
Terre17 »), mais un simple vice-gérant (khalïfah*) qui devra
rendre compte à Dieu de sa gestion de soi, de ses semblables et de la
Nature. On retrouve ici des principes que partageaient certains Indiens
d’Amérique (les Sioux) ou les traditions spirituelles africaines et
asiatiques : la Terre et les terres ne nous appartiennent pas, personne
ne peut se les approprier. Pierre-Joseph Proudhon, dans sa critique de
la propriété privée18, développe la même idée : l’être humain,
affirme-t-il, n’accède jamais à la propriété de la Terre qui est à tous, il
n’en a que l’usufruit. Cette idée est centrale dans la conception
islamique de l’Homme, de la Création et du sens à donner à la dignité
de celui-là au sein de celle-ci.
Vice-gérant et gardien
Il existe néanmoins une autre voie pour celle ou celui qui, portant le
dépôt de la foi (amânah*), est conscient(e) de sa responsabilité de
vice-gérant(e) (khalifah*) devant Dieu (Créateur et Propriétaire) et
parmi les Hommes.
FOI ET PRATIQUE
Piliers de la foi
Dieu
Le premier pilier de la foi consiste à croire en Dieu qui est unique, qui
n’a pas d’associé, qui n’a pas été engendré et n’a pas engendré, et
dont on ne peut ni avoir une image ni se faire une définition : « Rien
n’est semblable à Lui, et II est certes Celui qui entend [au-delà de
tout] et Celui qui voit 1 [au-delà de tout]. » L’Homme ne peut dire de
Dieu que ce que Dieu lui révèle de Lui-même. Le fidèle doit s’efforcer
de vivre avec Dieu le rapprochement par Son amour et l’obéissance
aux règles révélées.
Les anges
Les Livres
Ainsi, Dieu n’a jamais délaissé les êtres humains. De loin en loin, Il
leur envoie des Messages qui rappellent le sens de la vie, le lien avec
Dieu et le retour vers l’Unique. Ses Livres disent aussi que Sa vérité
n’est pas exclusive et que la Vérité (Dieu) ne s’est pas exprimée d’une
seule façon. Cette diversité des Messages dans le temps est
une invitation à la coexistence des religions dans l’espace par la
reconnaissance d’une source commune et unique. La reconnaissance
des Livres révélés rappelle aux Hommes leur besoin d’être guidés et
orientés, car la raison seule n’a jamais suffi. Elle a pu analyser le
comment du monde, elle n’a pu répondre avec certitude au pourquoi
de la vie.
S’il a toujours été dans le besoin de sens (offert par les Livres),
jamais l’Homme n’a été privé et coupé du sens dont les Révélations, à
travers l’Histoire, lui rappelaient la présence. Comme la présence des
anges nourrit un rapport de présence à l’espace, les Livres donnent
une densité de sens à l’Histoire ; les deux sont liés à Dieu
l’Unique, Créateur de l’espace et du temps et dont l’Être est infiniment
au-delà de l’espace et du temps.
Les Messagers
Un grand nombre de Prophètes, sur les cent vingt mille et plus que la
tradition mentionne, ne nous sont pas connus. Voilà qui nous impose
de rester prudents quant au jugement sur les religions du passé.
Vingt-cinq Messagers et Prophètes sont dénommés dans le
Coran, parmi lesquels Noé, Abraham, Moïse, Jésus et Muhammad sont
distingués pour leur patience et leur détermination (ülü al-'azm). Avoir
foi en leur mission, c’est leur accorder une part de vérité, même s’il y
a désaccord sur un certain nombre de principes, de rituels et sur
l’organisation institutionnelle.
Croire que Muhammad est le dernier des Envoyés signifie que le cycle
des prophéties est achevé. Ceux qui viendront après pourront être
appelés « amis de Dieu » [awliyyâ Allah) qui se sont élevés (et ont
été élevés) par la sincérité de leur spiritualité ; mais il ne pourra être
question de les considérer comme des Prophètes et encore moins de
les sacraliser. De même, selon une tradition prophétique, des savants
( ulamà ’) apparaîtront chaque siècle, qui aideront la communauté à «
renouveler sa religion » : « En vérité, Dieu enverra à cette
communauté, chaque siècle, qui [un savant ou un groupe de savants]
lui renouvellera sa religion2. » Ce renouveau a été compris par les
savants comme le renouvellement de la compréhension des
Textes qui, eux, restent ce qu’ils sont. Ces savants du
renouveau (imujadiddün), qui réforment la compréhension du
Message, poursuivent l’œuvre des Messagers en redonnant vie
et vigueur à la Révélation. Les imâms, dans la tradition chiite, ont un
rôle à la fois d’interprètes et de gardiens du Message. Leur statut,
quoique parfois exagérément vénéré par certains courants, n’est
jamais comparable à celui des Prophètes.
Le jour du Jugement
Cette vie n’est qu’un passage, la mort est une étape. Comme dans les
autres traditions monothéistes, l’un des fondements de la foi en islam
est l’idée qu’il y a une vie après la vie et que les êtres humains
retournent à Dieu. En ce sens, la vie est un cadeau et une épreuve. Au
jour du Jugement, les individus seront jugés en fonction de leurs
intentions et de leurs actions dans la vie. Comme nous l’avons vu : «
Nul ne portera le fardeau d’un autre », « nul ne pourra rien pour un
autre » et « chacun viendra [à Dieu] ce jour-là seul ».
Le destin
Dieu est omniscient. Il est au-delà du passé, du présent et de l’avenir.
Son savoir englobe donc toutes choses et en particulier, bien sûr, le
sort de chaque individu. La foi en la volonté de Dieu (al-qadâ’*) et en
Son décret (al-qadar*) - les deux notions qui réfèrent à la
prédestination - sont un pilier du credo islamique (al-aqïdah). Cette
croyance a trois conséquences quant à la conception de Dieu et trois
autres concernant l’Homme.
Dieu. Dieu sait tout, certes, mais l’être humain ne sait pas ce que
Dieu sait : Dieu lui demande, à son niveau, d’assumer sa liberté et sa
responsabilité et d’agir en conscience. L’ignorance où se trouve
l’Homme des décrets ultimes de Dieu est la source et la protection
même de sa liberté sur terre, donc de sa responsabilité humaine.
Enfin, même si la prédestination est une vérité dans l’ordre du
savoir et du pouvoir divin, Dieu est à l’écoute des prières
des Hommes, lesquels ne doivent cesser, à partir de leur réalité vécue,
d’espérer, d’invoquer et de se rapprocher, avec la certitude que les
choses peuvent changer.
Le même hadïth que nous avons mentionné présente les cinq piliers
de l'islam, qui recouvrent le rituel : « L’islam est que tu attestes qu’il
n’est de dieu que Dieu et que Muhammad est son Messager, que tu
accomplisses la prière, que tu verses la zakât [l’impôt social
purificateur], que tu jeûnes le mois du Ramadan, que tu
accomplisses le pèlerinage si tu le peux3 [si tu en as les moyens].
» Ces « cinq piliers », souvent présentés par les manuels comme un
résumé de l'islam, ne sont en fait que les éléments de la pratique et
du rituel qu’il convient d’aborder à la lumière des piliers de la foi et
des fondements que nous avons traités dans le deuxième chapitre de
ce livre. Dans le domaine du droit et de la jurisprudence (fiqh), on les
appelle aussi al-'ibâdàt (les éléments du culte, du rituel), auxquels
s’ajoute la pureté rituelle (al-tahàrah*) car elle est une obligation
pour accomplir un certain nombre de rites.
L 'attestation de foi
Nous l’avons vu, les êtres humains, dans l’innocence de leur enfance
comme dans leur obéissance naturelle à l’ordre du Cosmos, sont tous
originellement des « musulmans 4 ». Mais c’est avec le double
témoignage de la shahâdah qu’ils le deviennent en conscience,
adhèrent aux principes de la foi et sont appelés à en pratiquer le
rituel.
La prière
Le jeûne
Durant l’une des cinq dernières nuits impaires de ce mois a lieu la nuit
« du Mérite » (« du Destin » ou encore du « Pouvoir ») - laylah al-Qadr
-, que les musulmans doivent (spirituellement) chercher. Sa densité
spirituelle est sans commune mesure, puisqu’elle vaut plus de «
mille mois » selon le Coran. Ce moment intense de
communion, d’expiation et de « Paix » (salàm) dure la nuit entière.
La plupart des mosquées se concentrent sur la vingt-septième nuit (la
nuit du vingt-sixième jour), mais sur ce point les traditions
prophétiques sont moins précises. Durant les dix derniers jours,
suivant la tradition prophétique, certains musulmans choisissent de
faire une retraite à la mosquée (i tikâf) pour jeûner, prier, lire le Coran
et chercher la nuit du Mérite. Enfin, à la fin du mois, il
est recommandé aux musulmans de payer la zakât al-fitr,
taxe purificatrice de fin de jeûne destinée aux pauvres et qui prolonge
l’acte et le sens du jeûne. Elle doit être versée avant la prière de la
fête ( ïd al-fitr*), qui est l’une des deux fêtes du calendrier islamique.
Le pèlerinage
Le pèlerinage (Hajj), quant à lui, doit s’effectuer une fois dans la vie,
pour qui en a les moyens. Il a lieu chaque année entre le 8 et le 13 du
mois de Dhü al-Hijjah (douzième du calendrier lunaire islamique). II
consiste, pour les femmes comme pour les hommes, à se rendre à La
Mecque pour y accomplir un certain nombre de rites. Auparavant, il
convient de faire les grandes ablutions (une douche avec un rituel et
des invocations), puis de porter l’habit du pèlerin (morceau d’étoffe
sans couture pour l’homme, avec coutures pour la femme, couvrant
le corps et les cheveux mais laissant impérativement le
visage découvert, selon le consensus de toutes les écoles de
droit). Une fois dans cet état de sacralisation (ihrâm*), les pèlerins ne
doivent plus se couper les cheveux ou les ongles, ni avoir de rapport
sexuel ou tuer des espèces vivantes.
Obligations :
La pudeur, pour les hommes comme pour les femmes, est une
obligation importante en islam. Elle relève de la deuxième des
catégories susmentionnées, mais elle rayonne sur tous les
enseignements de la religion. Il s’agit d’abord de protéger son corps
et de ne pas l’exposer au regard d’autrui, que l’on soit un homme ou
une femme. Cette attitude est un message à tous : mon être vaut par
mon cœur plus que par mon corps, le visible ne dit pas tout de ma
valeur intime. Au demeurant, ce message s’intégre dans un
enseignement plus fondamental : la pudeur exprime qu’il existe une
valeur au-delà du visible et invite à ne pas s’exhiber avec
inconscience, indécence ou arrogance. La spiritualité est
intrinsèquement pudique. Elle invite à la pudeur non seulement
physique, mais d’abord intellectuelle et sentimentale. Il ne s’agit pas
de ne rien montrer, de s’enfermer et d’étouffer, mais au contraire
de savoir comment, où et à qui montrer, partager et s’offrir. Le regard
de ceux à qui l’on montre trop, voire tout, finit par emprisonner la
personne impudique : là est son paradoxe. L’obligation de la pudeur
intellectuelle, sentimentale et physique est un choix de liberté vis-à-
vis d’autrui, de son regard et de son jugement. La spiritualité exige
l’exercice de l’humilité intellectuelle, le souci de la protection des
sentiments, tout en évitant l’exposition excessive du corps : il s’agit
d’un tout, d’une façon d’être au monde qui définit la liberté à travers
un rapport très intime à soi où la conscience décide, avec maîtrise et
humilité, de ce qu’elle offre à autrui de soi et de son être.
Interdits :
Spiritualité et éthique
Mysticisme, soufisme
Foi et éthique
Éthique et réconciliation
1 Voir p. 111.
3 Voir p. 40.
4 Voir p. 41.
7 Voir p. 44.
14 Voir p. 101.
18 Voir p. 93.
LAVOIE
La sharï ah
La notion de sharï'ah est sans doute l’une des plus employées et des
plus mal définies et comprises par les musulmans eux-mêmes, comme
par leurs interlocuteurs. Pour les médias et pour le grand public, elle
se confond avec l’application littéraliste et brutale d’un code pénal qui
D’abord on peut lire : « Puis nous t’avons mis sur une Voie [sharï'ah]
qui procède de notre ordre, suis-la et ne suis pas les passions de ceux
qui ne savent pas 1. » Le verbe ittabi ici employé après la mention de
sharï'ah, signifie « suivre » (ta-ba- a) et renvoie directement à l’idée
d’une Voie à suivre, que certains savants associeront directement à
l'islam lui-même.
Application de la sharïah
Jihâd
Jihàd spirituel
Les aspects spirituels du jihâd sont également valables sur les plans
individuel et social. Selon que l’on résiste au mal ou que l’on
promeuve le bien, il se présentera soit « pour » un bien, soit « contre
» un mal. La caractéristique morale qui doit distinguer les musulmans,
où qu’ils se trouvent au monde, est bien cet engagement pour le
bien, la paix et la liberté : « [Les croyants sont] Ceux qui,
lorsque Nous les établissons [quelque part] sur la terre, établissent la
prière, versent la zakdt, commandent [promeuvent] le bien,
interdisent le mal [lui résistent]. A Dieu appartient l’issue de toutes
choses 8. » C’est ce que confirme la nature de leur élection,
directement liée à leur façon d’agir et conditionnée par elle : « Vous
êtes la meilleure communauté établie pour les Hommes [dans la
mesure où, avec la condition que], vous commandez [promouvez] le
bien, vous interdisez [résistez] le mal et vous croyez en Dieu9. » Le
moteur de l’agir humain réside dans ces choix éthiques permanents,
chaque jour renouvelés.
L’une des formes du jihâd peut être la guerre (qitâl). Les principes qui
prévalent pour toutes les autres formes de résistance et de réforme
restent alors opérants.
Société
Liberté
Justice sociale
L’histoire de l'islam montre que les choses n’ont pas toujours été
gérées de cette façon. Très tôt, et jusqu’à nos jours, on a assisté à
des confusions, des distorsions et des trahisons de ces
enseignements quant à la gestion ouverte de l’action politique. Les
approches littéralistes ont souvent confondu les deux autorités et
transformé le pouvoir politique en un pouvoir dogmatique religieux,
sans distinction de nature. Par ailleurs, la non-distinction
entre principes universels et applications anciennes a conduit certains
groupes politiques à refuser les évolutions sociales et politiques et à
vouloir imposer des modèles totalement caducs. Enfin, la notion de «
pouvoir absolu de Dieu » a parfois été traduite, en termes politiques,
dans le déni de la rationalité humaine individuelle et collective et
par l’application littérale et stricte de principes et règles directement
tirés du Coran, sans tenir compte de l’Histoire et des contextes
sociaux, politiques et culturels. Tout écart vis-à-vis de cette
application atemporelle des principes justifierait, selon certains
groupes littéralistes et extrémistes, l’usage de la violence et
l’application stricte et cruelle de leur interprétation du code pénal
islamique. Les exemples de ces trahisons et de ces errances abondent
aujourd’hui, qu’il s’agisse des dictatures constituées ou des
mouvements littéralistes extrémistes au Moyen-Orient et dans le
reste du monde.
Le pardon
Entre les principes et les objectifs, l’humanité des Hommes sur la Voie
est illuminée par la patience, la protection, la compassion et le
pardon. Ce trait spirituel est une disposition du cœur qui éclaire d’un
jour particulier tous les enseignements de l'islam. Vis-à-vis de chacun,
il convient d’éviter la moquerie, le dénigrement, la médisance, le
soupçon et l’espionnage : « O vous qui avez la foi, évitez de
conjecturer sur autrui, ne vous épiez [espionnez] pas les uns les
autres ! Ne médisez pas les uns des autres ! Lequel d’entre vous
voudrait manger la chair de son frère mort ? Certes vous en auriez
horreur ! Soyez empli de la conscience révérencielle de Dieu car Dieu
est Clément [Pardonneur, Indulgent] et Très Miséricordieux47. »
L’image est forte : espionner, médire, soupçonner, c’est manger la
chair morte de son frère en humanité. Or, la Voie appelle à la vie, au
bien, au pardon et à l’amour.
19 Voir p. 112.
41 Voir p. 161.
Humanisme
Cette humanité, en troisième lieu, est une. Dieu, nous l’avons dit, a
voulu la diversité des nations et des tribus, comme d’ailleurs la
diversité des langues et des couleurs : « Parmi Ses signes, [il y a] la
création des Cieux et de la Terre, et la diversité de vos langues et de
vos couleurs 3. »
15 Voir p. 129.
Passé et présent
Ces époques florissantes sont des preuves manifestes que l'islam non
seulement n’a jamais été un frein aux savoirs, aux arts et à la
diversité, mais que la religion bien comprise en a été le moteur, à
l’échelle internationale, pendant des
Le déni de ces racines islamiques est allé de pair, depuis des siècles,
avec la construction idéologique d’un islam présenté comme la «
religion de l’autre ». L’Europe semble avoir tout fait pour nier cette
part de son héritage afin de se construire et de s’unir, religieusement
et culturellement, en se différenciant de l'islam, essentialisé à travers
une description caricaturale et erronée. Au cours des siècles, il
est devenu évident, comme un truisme indiscuté, que l'islam a « un
problème » avec la raison, les sciences, les arts, le pluralisme, la
séparation des autorités religieuse et étatique. On a pu affirmer tout
et son contraire, mais toujours en entretenant cette altérité. A
l’époque du puritanisme religieux des catholiques, puis des
protestants, Xislâm est perçu comme une religion permissive, où la
sensualité le dispute à la luxure des harems (la littérature courtoise
et subversive s’en est inspirée) ; aujourd’hui, à 1ère de la
libération sexuelle, le même islam en vient à représenter
exactement le contraire : un monde d’interdits, de carcans, de
voiles et de frustrations. Dans les deux cas, il est pensé et
perçu comme « l'autre », le différent.
Idéaliser le passé
L’un des défis majeurs de l’époque contemporaine est à la fois
intellectuel et psychologique. De nombreux savants et intellectuels
musulmans, au cours des siècles, ont idéalisé ce passé,
singulièrement la période initiale. Les Compagnons n’étaient pas
présentés comme des individus inscrits dans l’Histoire, mais comme
des êtres d’exception presque exempts de faiblesses. Leurs propos les
plus nobles et leurs grands faits d’armes étaient abondamment
cités, mais les analyses historiques sérieuses sur les
dynamiques sociales et les tensions politiques, la gestion erratique
de l’héritage du Prophète et les bouleversements caractéristiques des
premières générations manquaient cruellement. Il en a résulté une
attitude particulièrement néfaste, arc-boutée sur un passé idéalisé,
parfois sacralisé, où l’analyse critique est perçue comme un manque
de foi, voire une volonté de détruire l’héritage. La « nostalgie de
l’origine », en l’idéalisant, a eu pour conséquence psychologique
de minimiser le potentiel des individus et des énergies du présent,
toujours imparfaits, presque jamais à la hauteur.
L ’héritage culturel
L'autorité
L 'éthique appliquée :
L 'être et le rôle
Inversion :
En aval de ces questions de fond surgissent des débats sur des sujets
inattendus, conséquence, là encore, de lectures réductrices et
culturelles. Certains savants, mais aussi des musulmans ordinaires,
prennent parfois des positions qui coïncident avec des prescriptions
juives et/ou chrétiennes, bien plus qu’avec la référence musulmane,
en vertu de la conviction selon laquelle plus un avis juridique est
strict et exigeant, plus il serait « islamique ». Cette équation
est aussi infondée que les Textes sont explicites.
La polygamie
L 'homosexualité
L'éducation
Il n’est pas un jour sans que soit évoqué le droit des femmes dans les
sociétés majoritairement musulmanes. C’est oublier que ce sont les
droits humains de toute la population qui y sont, le plus souvent,
quotidiennement bafoués. Les droits à l’éducation, à l’habitat, aux
besoins de première nécessité ne sont souvent pas respectés
(pour les pauvres et les résidents). Dans certains Etats riches, comme
dans tous les États du Golfe, on observe encore des traitements
esclavagistes vis-à-vis des pauvres et/ou des travailleurs migrants.
Les mauvais traitements et la torture sont la règle dans la majorité
des pays, sans compter les exécutions sommaires et les viols dans les
prisons. Des prisonniers d’opinion politique, des femmes et des
hommes innocents peuvent rester détenus des années sans
jugement ni considération. Nous sommes loin des
enseignements éthiques islamiques ; force est pourtant de constater
que telle est la situation dans la plupart des pays majoritairement
musulmans. Le respect des droits de l’Homme, qui ne contredisent en
rien les principes islamiques, est bafoué par la majorité des États
quand il s’agit des pauvres, des résidents, des migrants, des
opposants et, souvent, des femmes.
Violence et Terreur
La vie est sacrée en islam. Les discours mortifères n’y peuvent trouver
aucune légitimité. On a souvent prôné la démocratisation de
l’interprétation des Textes, sans toujours se rendre compte qu’une
lecture non informée n’est pas forcément la garantie d’une pensée
ouverte et libérale. C’est ainsi que des musulmans ordinaires,
dépourvus de toute formation (connaissance du Message, mise en
perspective des différents versets, contextualisation chronologique,
etc.), s’autorisent d’une lecture à la lettre de tel ou tel verset
qui parle de guerre ou du fait de « tuer les ennemis » pour considérer
qu’une « licence pour tuer » leur a été octroyée par la Révélation. Ce
risque n’est pas seulement réel, il est confirmé. Il y a là un défi de
taille, et malheureusement pour longtemps.
En situation minoritaire
Situation nouvelle ?
L’installation rapide des musulmans, à partir des années 1950, n’a pas
été visible immédiatement car ils étaient souvent regroupés soit dans
les « inner cities » des pays anglo-saxons, soit à la périphérie, dans
des quartiers isolés ou des banlieues. Les nouveaux arrivants, comme
d’ailleurs les pays d’accueil, pensaient que leur présence ne durerait
que le temps d’accumuler assez d’argent pour retourner dans leur pays
d’origine. La naissance d’enfants et la constitution de familles, le
regroupement familial et l’acculturation ont rendu ces projets de
retour presque toujours impossibles, de sorte que le temporaire est
devenu définitif. Les immigrés sont devenus des résidents, puis
les résidents des citoyens.
Dans les faits, cette présence des enfants apportait la preuve que l’«
intégration du fait religieux » n’avait pas posé de problème et qu’elle
était plutôt un succès historique, puisque le processus se normalisait
sans heurts. Néanmoins, la conjonction historique de cette
visibilité massive, surprenante, de nouveaux citoyens
musulmans, d’une part, et de problèmes sociaux liés aux conditions
de vie des inner cities, des quartiers et des banlieues (où la majorité
des jeunes vivait encore), d’autre part, a produit une confusion dans
les analyses. On s’est empressé d’expliquer la marginalisation, la
délinquance et les ruptures sociales par l’identité musulmane des
jeunes qui les subissaient. Ainsi, des Etats-Unis au Canada et de
l’Europe à l’Australie, l'islam, et la « non-intégration » des
musulmans expliquaient la persistance de l’échec scolaire, des
fractures sociales, de la délinquance, etc.
L ’identité et l’espace
Il n’en faut pas conclure que 1 ’ islam, en tant que religion et cadre de
référence, ne pose aucun problème dans des sociétés de régime
laïque, où la majorité des concitoyens sont d’autres confessions, ou
sans confession. La première question qui se pose est celle de
l’identité, du simple fait que les musulmans sont forcément
interpellés par un environnement qui leur demande de se définir.
A cause de leur nouvelle visibilité aux yeux de leurs concitoyens, les
nouveaux arrivés, hier perçus comme pakistanais, africains, turcs ou
arabes, deviennent désormais et avant tout des « musulmans », à qui
il paraît légitime de demander, dès lors qu’ils se sont installés en
Occident, s’ils sont d’abord américains, britanniques, français ou
musulmans. Beaucoup, par fierté ou dépit, répondent soit qu’ils
sont d’abord musulmans, revendiquant ainsi leur différence, soit qu’ils
sont américains ou européens, parfois par crainte de la stigmatisation
et du racisme.
Or, nul n’a une identité unique. Tout individu à des identités multiples
(femme, homme, noir, blanc, juif, chrétien, musulman, canadien,
belge, indien, etc.), prioritaires ou non selon le contexte. Devant
l’urne, on se sentira d’abord allemand ou suisse ; face à la mort,
d’abord athée ou croyant. Ces identités se complètent et
s’harmonisent selon les contextes, elles ne se contredisent pas
forcément. Les musulmans en situation de minorité religieuse
ont besoin de dépasser la crise de confiance qui les fait
douter (souvent à cause de la pression environnante) de leur capacité
et de leur droit à revendiquer une multitude d’identités.
la paix entre eux. Mais si l’un d’eux transgresse [est injuste], alors
combattez l’agresseur jusqu’à ce qu’il s’incline devant l’ordre de Dieu
[la justice]. S’il s’y conforme, réconciliez-le avec justice et équité car
Dieu aime les êtres équitables 5. » Dans le même esprit, le Messager
avait affirmé : « Aide ton frère, qu’il soit juste ou injuste ! » A
l’intention d’un compagnon qui s’interrogeait sur la nature du soutien
à offrir au frère injuste, le Prophète ajouta : « Empêche-le [le frère
injuste] d’accomplir son injustice, ce sera ton soutien à son égard6 ! »
(ou sans confession), voire pour les insulter. Cette notion a un sens
normatif. Elle définit tous ceux qui, en connaissance de cause, nient
Dieu et/ou la vérité de la dernière Révélation et de la mission du
Messager. Elle n’est ni une stigmatisation ni une insulte et doit être
employée avec beaucoup de précautions car il est très difficile de
savoir si une personne nie en toute connaissance de cause ou
par ignorance (auquel cas on ne peut donc pas parler de négation
consciente). De plus, la Révélation indique clairement quelle relation
entretenir avec les négateurs de la religion (qui la rejetteraient donc
en connaissance de cause) : « A vous votre religion, à moi la mienne7.
» Le principe de la liberté de conscience, nous l’avons dit, est associé
à l’exigence de justice pour tous, sans distinction de religion, de
couleur ou de statut. Le refus de l’enfermement communautaire est
donc une exigence impérative.
Il est encore bien difficile, dans ces conditions, de se sentir chez soi
en Occident, de développer un véritable sentiment d’appartenance non
seulement dans le respect des lois de l’Etat, mais comme partie
prenante de la narration et du récit communs (selon la notion anglaise
: common narrative) du pays, de la patrie, de la nation. C’est l’un des
grands défis des musulmans en Occident. Il consiste pour eux, au-
delà de tous les obstacles, à devenir des acteurs apportant une valeur
ajoutée à l’avenir des sociétés où ils vivent (comme ils ont su l’être
en Afrique et en Asie, même en situation de minorité religieuse). Il
est l’heure non plus de s’intégrer (ce stade étant désormais acquis et
dépassé) mais de contribuer à l’organisation et à la réforme des
sociétés, pour le bien-être de tous. Pour les musulmans,
paradoxalement, cela implique de parler moins à)islam, de sortir de
l’obsession et de l’assignation identitaires, d’être capables de
s’intéresser à la dignité et au bien public de leurs semblables
(leurs concitoyens et tous les êtres humains, quelle que soit
leur croyance), à l’éducation, à la justice sociale, aux droits
des femmes, à la lutte contre tous les racismes, aux migrations, à
l’environnement, à la culture, aux arts, etc. Plus qu’une révolution
intellectuelle, il s’agit d’abord d’une révolution psychologique qui naît
de la conscience qu’une valeur, une action ou une œuvre fidèle à
l'islam ne l’est pas en raison de l’adjectif « islamique » qu’elle peut
appeler (ou parce que son auteur est musulman), mais du fait des
principes, de l’éthique et des finalités qu’elles portent. Cette «
révolution de confiance » ouvre la conscience croyante vers le monde
et vers l’humanité, avec une exigence éthique résolument
universaliste car profondément sereine.
Les stéréotypes sur l'islam sont nombreux. L’Europe n’a pas peu
contribué à le présenter comme « l’Autre ». Au Moyen Âge, l'islam
était la religion de la permissivité et de la luxure
Conclusion
ANNEXES
1. Shari'ah
2. Jihàd
3. Les Messagers
8. La tenue vestimentaire
9. L’abattage rituel
III-Glossaire
Abwàb (sing.
Portes d’accès (mystique).
bâb)
Adàb (sing.
Lettre, littérature, bon comportement.
Adab)
Adl Justice.
Ahwâl (sing.
États et dons divins (mystique).
hâl)
Akhlâq
Éthique, valeurs morales, comportement
(sing.
vertueux.
khuluq)
Âlim (pl.
Savant.
ulamd ’)
A mal (sing.
Action.
amal)
Aman Sécurité.
Amânah Dépôt.
Âmmah
(plur. a Général, les gens ordinaires.
wàm)
Fada il (sing.
Vertus.
fadïlah)
Falàsifah
(sing. Philosophes.
falyasüfi
Falsafah Philosophie.
Faqïb (pl.
Savant du droit musulman, juriste.
fuqaha)
Faqr Pauvreté.
Fard Obligation.
Fardï Individuel.
Faridah Obligation.
Fasâd Corruption, perversion.
Fatwa (pl.
Opinion légale.
fatàwâ)
Fisq Perversion.
Haklm Sage.
Halàl Licite.
Haqd’iq
(sing. Les vérités.
haqïqah)
Haram Illicite.
Haya Pudeur.
Hijz Protection.
H ikmah Sagesse.
Hilf al-
Pacte des vertueux.
fudül
Hub Amour.
Huriyyah Liberté.
Husn Bon, bien.
Huzn T ristesse.
Ibâdât
(sing. Le culte, les rituels.
‘ibâdah)
Ibdrah
(pl. Expression, locution.
ibârdt)
Ikhlas Sincérité.
Illah (pl.
Cause, raison d’être, ratio legis.
liai)
llm Le savoir.
Imàn Foi.
Imârat al-
Pouvoir, installation et gestion de la terre.
ard
Infisâl Séparation.
Insàn Être humain.
Iràdah La volonté.
Ishàrah (pl.
Indication, allusion.
ishârât)
Istità ah Capacité.
Ittihâd Union.
Jarnâ i Collectif.
Karâmah Dignité.
Khalifah Vice-gérant.
Khâliq Le Créateur.
Kullï (pl.
Total, complet, global, universel.
kulliyât)
Latd if Secrets, beautés subtiles (mystique).
Laylah al-
La Nuit du Destin ou du Mérite.
Qadr
Madhhab (pl.
Ecole de droit.
madhâhib)
Mafiadah (pl.
Corruption, corrompu, corruptif.
mafàsid)
Mahabbah Amour.
Mahjüb Voilé (mystique).
Mandzil (sing.
Étape, stations (mystique).
manzilah)
Maqâmdt
Stations, étapes (mystique).
(maqdm)
Maqàsid (sing.
Objectifs, finalités supérieures.
maqsid)
Masâdir (sing.
Sources de référence.
masdar)
Masïr Le chemin, la voie (mystique).
Maslahah (pl.
Intérêt éthique individuel ou collectif.
masâlih)
spirituelle.
(sing. u
transactions.
'dmalah)
Mubdh Permis.
(sing. mufassir)
Muharram Interdit.
(pl. muharramdt)
Muhdsabah Autoévaluation.
Mujàhadah L’effort.
(pl.
de ses actes.
mukallafün)
Mukhtdr Choisi.
Murabbï Educateur.
Murdqabah Autosurveillance.
Murid (pl.
Aspirant, initié.
murïdün)
Murshid Guide.
Musawdh Égalité.
Théologiens-philosophes et juristes-
Mutakallimün
philosophes.
Nabi (pl.
Prophète.
anbiya)
Nahy L’interdit.
Naql Les Textes (Coran et traditions du
Prophète).
Nas (pl.
Le Texte, les sources scripturaires.
nusüs)
Nür Lumière.
Qalb (pl.
Cœur.
qulüb)
Qat
'iyyah Principes et règles avérés et clairs quant à la
(pl. qat source et au sens (juridique).
iyyàt)
Qawâ id Règles, principes.
Qiyam
(sing. Les valeurs.
qimah)
Qur ân Coran.
Rasùl (pl.
Messager, Envoyé.
rusut)
Riddah Apostasie.
Rüh Esprit.
Sa àdah Félicité.
Safa La pureté.
Saldm Paix.
Shâhid Témoin.
Shahmo Martyr.
Shir'ah (shara
Voir sharï ah.
'a)
Shukr Remerciement.
Sirr Le secret.
Suhuf (sing.
Feuilles anciennes (révélations), Tables.
sahïfah)
Sullam al-
Echelle des valeurs.
qiyâm
Surûr Joie.
T ahib Médecin.
Tadhakkur Rappel.
Tafakkur Méditation.
Tard al-
Rejet du souci, du trouble.
hamm
T ariq Le chemin.
Tawâdu ‘ Humilité.
Tawbah Repentir.
Thawâbit
(sing. Principes immuables, universels.
tbàbit)
Thiqqah Confiance.
Turuq
(sing. Cercles soufis, mystiques.
tarïqah)
Ulüm al-
Sciences des traditions prophétiques.
hadïth
'Ulüm al-
Sciences du Coran.
Qur 'ân
Usül (sing.
Les fondements.
ast)
Wahdat al-
Unité de l’être et de la présence (mystique).
Wujûd
Wdjib (pl.
Obligation.
wâjibât)
Wujüd Présence.
Yaqazah
Éveil (mystique).
Yaqin
La certitude.
Yathrib
Ancien nom de la ville de Médine. L’apparent,
Zàhir l’exotérique (mystique). Partisan de l’école
littéraliste d’Ibn Hazm.
Zâhirl
Zawiyah
Cercle, centre soufi, mystique.
Zuhd
Ascèse, éloignement des biens du monde. Les
Zuhhàd
ascètes (mystique).
Zuhr
Seconde prière de la journée. Injustice.
Zulm
2. Safar
3. Rabî al-awal
4. Rabï' al-thânï
5. Jumâdàh al-ülà
6. Jumâdàh al-thâniyyah
8. Cha 'bân
9. Ramadan
10. Chawwal
Remerciements
Je n’oublie pas ma mère, que Dieu la protège ; mon père, que Dieu
l’accueille dans Sa Grâce et Aymen, Bilal, Yasser, Arwa, Hani, mes
frères et ma sœur sur cette route qui continue ici, et que tous leurs
enfants, nos enfants, poursuivent au gré des sentiers, des convictions
et des espoirs. Que votre route soit belle.