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international
Bretton Philippe. La Convention du 10 avril 1981 sur l'interdiction ou la limitation de l'emploi de certaines armes classiques qui
peuvent être considérées comme produisant des effets traumatiques excessifs ou comme frappant sans discrimination. In:
Annuaire français de droit international, volume 27, 1981. pp. 127-145;
doi : https://doi.org/10.3406/afdi.1981.2434
https://www.persee.fr/doc/afdi_0066-3085_1981_num_27_1_2434
Philippe BRETTON
certain nombre d'armes, dans un climat souvent passionnel et passionné (10) , sans
avoir de mandat pour proposer des projets d'articles. Une proposition du Mexique
prévoyant la création d'un Comité sur l'interdiction ou la limitation de certaines
armes conventionnelles échoua de peu en séance plénière finale de la C.D.D.H. (11),
qui adopta cependant une résolution recommandant la convocation en 1979 au
plus tard d'une Conférence diplomatique en vue d'aboutir à des accords portant
interdiction ou limitation de l'emploi d'armes conventionnelles spécifiques. Il en fut
ainsi décidé par l'A.G. de l'O.N.U., qui convoqua d'abord une Conférence
préparatoire (12) puis une Conférence sur le fond, à Genève toujours (13).
Les controverses y furent vives, portant notamment sur le point de savoir si
l'on ne passait pas insensiblement du droit de la guerre au droit du
désarmement (14), indépendamment des inévitables querelles politiques (15). Une fois de
plus, il fallut réaliser un équilibre incertain entre principes humanitaires et
nécessités militaires, les uns estimant que l'on n'allait pas assez loin, les autres que l'on
allait trop loin dans cette voie. Certaines délégations, notamment la délégation
soviétique, suggérèrent même de transférer cette question au Comité du
Désarmement, dont la compétence en ce domaine est d'ailleurs reconnue par le dernier
considérant du Préambule de la Convention.
(10) Compte tenu des conflits en cours ou récents, en particulier du Vietnam : voir
notre article : l'incidence des guerres contemporaines sur la réaffirmation et le développement
du droit international humanitaire applicable dans les conflits armés internationaux et non
internationaux », Journal du droit international 1978 p. 208.
(11) Pour plus de détails, voir A.F.D.I. 1977 p. 218.
(12) Août-septembre 1978, mars-avril 1979.
(13) 10-28 septembre 1979, 15 septembre - 10 octobre 1980.
(14) II y a une indéniable connexité entre les deux : une interdiction d'emploi (droit
de la guerre) peut conduire à une élimination de la possession, c'est-à-dire à une destruction
des stocks, comme cela a été le cas pour les armes biologiques avec le Protocole de 1925
et la Convention de 1972. Si le droit de la guerre interdit l'emploi de certaines armes,
mais non leur possession, il peut s'avérer politiquement, sinon juridiquement, délicat pour
un Etat d'utiliser de telles armes, même au titre de la légitime défense.
(15) Qui mirent surtout aux prises Chinois et Vietnamiens, Vietnamiens et Cambodgiens
(Khmers rouges) .
(16) Sur les Conférences de La Haye de 1899 et de 1907 voir le monumental ouvrage
de Scott, Les Conférences de la paix de La Haye de 1899 et de 1007, traduction française
par A. de Lapradelle, Pédone, 1927.
(17) La version anglaise diverge de deux manières car elle se lit ainsi : < it is
forbidden to employ arms, projectiles or material calculated ta cause unnecessary suffering ».
Elle est plus restrictive car elle introduit un élément d'intentionnalité (calculated to)
et € unnecessary suffering » n'est pas la traduction exacte de < maux superflus », il aurait
fallu dire « superfluous injury ». De ces deux textes légèrement différents s'est dégagée une
pratique consistant à retenir les deux idées, d'où la formulation du principe selon lequel
c indépendamment des intentions des belligérants tout moyen de combat susceptible de
causer des souffrances mutiles ou des maux superflus est interdit ». Voir à ce sujet
le rapport d'un groupe d'experts sur « les armes de nature à causer des maux superflus
ou à frapper sans discrimination», publié à Genève par le CJ.C.R. en 1973 (p. 12), ainsi
que le rapport précité émanant du Secrétariat Général de l'OJi.U., p. 18.
130 LA CONVENTION DU 10 AVRIL 1981
de certains projectiles en temps de guerre (18). Après avoir posé comme principe
que le seul but légitime que les belligérants doivent poursuivre pendant une
guerre est l'affaiblissement des forces militaires de l'ennemi et qu'il suffit donc
de mettre hors de combat le plus grand nombre d'hommes possible, les auteurs
de cette Déclaration affirmèrent que « ce but serait dépassé par l'emploi d'armes
qui aggraveraient inutilement les souffrances des hommes mis hors de combat
ou rendraient leur mort inévitable; que l'emploi de pareilles armes serait dès
lors contraire aux lois de l'humanité » (19) . L'interdiction générale d'utiliser des
armes propres à causer des maux superflus conduisit à deux interdictions
spécifiques : l'une figure dans le dispositif de la Déclaration de Saint-Pétersbourg,
c'est la renonciation à l'emploi en cas de guerre « de tout projectile d'un poids
inférieur à 400 grammes qui serait explosible ou chargé de matières fulminantes
ou inflammables», l'autre résulte de la Déclaration de La Haye du 29 juillet 1899
interdisant l'emploi «de balles qui s'épanouissent ou s'aplatissent facilement dans
le corps humain, telles que les balles à enveloppe dure dont l'enveloppe ne
couvrirait pas entièrement le noyau «ou serait pourvue d'incisions » (20) . Ce n'était
peut-être pas sur le terrain de « l'utilité » que le débat aurait dû s'engager, car
il est bien difficile de combiner deux concepts aussi divers et subjectifs que ceux
d'utilité et de souffrance. Sans doute aurait-il mieux valu recourir à la notion
de cruauté pour fonder l'interdiction d'armes spécifiques, trop cruelles en raison
des souffrances qu'elles infligent, sans se dissimuler le caractère subjectif de la
cruauté...
En dehors de ces deux catégories d'armes interdites à cause des maux
superflus qu'elles provoquent, d'autres armes ont été interdites sur la base du principe
consacré à l'article 22 du règlement annexe à la IVe Convention de La Haye de
1907 (21) : « les belligérants n'ont pas un droit illimité quant au choix des moyens
de nuire à l'ennemi » : découlent de cette règle l'interdiction d'employer du poison
ou des armes empoisonnées (22) , l'interdiction de lancer des projectiles et des
explosifs du haut de ballons ou par d'autres moyens analogues nouveaux (23) , la
réglementation des mines automatiques de contact et des torpilles (24) , et surtout
la prohibition d'emploi à la guerre de gaz asphyxiants, toxiques ou similaires et
de moyens bactériologiques (25).
(18) Texte intégral dans le rapport précité A/9215 du 7 novembre 1973 p. 21 (vol. I).
(19) Voir Meyrowitz, Réflexions à propos du centenaire de la Déclaration de Saint-
Pétersbourg, Revue Internationale de la Croix-Rouge, décembre 1968, p. 541. Il semble
que les auteurs de la Déclaration aient voulu interdire certaines armes utilisées lors de
la guerre de Sécession, qui avaient causé des blessures non seulement cruelles (d'où l'idée
de souffrance inutile) mais également inguérissables (d'où l'idée de mort inévitable), mais
non pas de déclarer illégitime l'emploi d'armes destinées à tuer les combattants ennemis.
Les textes ultérieurement adoptés n'ont pas repris la notion d'armes « qui rendent la mort
inévitable », et pour cause...
(20) Ces projectiles, mis au point par les Anglais, sont plus connus sous le nom de
balles dum-dum, du nom de l'arsenal près de Calcutta où ils étaient fabriqués.
(21) Déjà formulé également en 1899 et dans le Protocole de Bruxelles du 27 août 1874
qui n'entra jam/iis en vigueur.
(22) Article 23 e) du même règlement de La Haye de 1907.
(23) Déclaration de La Haye du 29 juillet 1899, reprise en 1907.
(24) Convention VIII de La Haye du 18 octobre 1907 : c'est sans doute là l'exemple
le plus frappant d'un texte rendu caduc à la fois par les violations graves et persistantes
dont il fut l'objet lors des deux guerres mondiales et par les progrès de la technologie
militaire... Voir le rapport précité de l'O.N.U. A/9225, p. 215 (volume I).
(25) Avant le Protocole de Genève du 17 juin 1925, une Déclaration de La Haye de
1899 avait interdit d'employer des projectiles qui ont pour but unique de répandre des
gaz asphyxiants ou délétères. L'insertion de la clause < si omnes » dans cette Déclaration
permit à certains belligérants de s'en affranchir lors de la première guerre mondiale
dès lors que d'autres n'étaient pas parties à cet instrument.
SUR LES ARMES À EFFETS TRAUMATIQUES 131
4. H aura donc fallu attendre cinquante-cinq ans, plus d'un demi-siècle, pour
que le droit de la guerre connaisse un nouveau développement en matière
d'interdiction ou de limitation d'emploi de certaines armes classiques. On aura remarqué
que la terminologie s'est un peu modifiée; il n'est plus question «d'armes propres
à causer des souffrances inutiles ou des maux superflus », mais qui « peuvent être
considérées comme produisant des effets traumatiques excessifs ou comme frappant
sans discrimination». Si la notion de non-discrimination est relativement facile
à cerner, dans la mesure où il s'agit de se conformer à une règle ancienne et
bien admise, selon laquelle il faut faire en tout temps une distinction entre les
personnes participant aux hostilités et la population civile, afin d'épargner cette
dernière dans toute la mesure du possible (26) , il n'en va pas de même pour celle
de « souffrances inutiles ». Il en fut beaucoup question lors des Conférences de
Lucerne et de Lugano organisées en 1974 et en 1976 par le C.I.C.R., réunissant des
experts juristes et militaires, dont des médecins militaires. Pour commencer,
l'opportunité même de l'expression de « souffrances inutiles » fut contestée par
les médecins présents, en raison de l'impossibilité de définir objectivement les
souffrances et du fait que la douleur, élément important de la souffrance, varie
beaucoup d'un individu à un autre. Pourtant, lorsque l'A.G. décida par la
résolution A/32/152 du 19 décembre 1977 de convoquer en 1979 une Conférence sur
certaines armes classiques, le texte adopté contenait encore l'expression « armes...
qui peuvent être considérées comme causant des souffrances inutiles » (27). Mais
cette rédaction qui figurait dans les textes dont nous disposâmes à ce moment-
là (28) fut par la suite modifiée, car dès l'ouverture de la Conférence préparatoire,
à la fin du mois d'août 1978, les documents officiels préparés par les services de
l'O.N.U. utilisaient une autre formule en faisant référence à des armes « qui
peuvent être considérées comme produisant des effets traumatiques excessifs »,
ce qui était censé rendre compte de l'original en anglais «which may be deemed
to be excessively injurious ». Cette traduction, n'ayant pas été contestée, fut
conservée par la suite, d'où le titre définitivement donné à cette convention (29) .
Littéralement, on aurait dû traduire par « qui peuvent être considérées comme étant
excessivement nocives », ce qui pourrait sembler insuffisant pour rendre compte
de la nature de ces armes. Il est vrai qu' « injury », en anglais, signifie, entre
autres, blessure et qu'étymologiquement, «trauma» voulait dire blessure en grec,
d'où l'adjectif « traumatique », « qui a rapport aux blessures ». En revanche, avoir
remplacé « inutiles » par « excessifs » n'apporte pas de précision, car à quelle
aune distinguera-t-on ce qui est supportable de ce qui est excessif ? Médecins,
militaires et juristes n'ont pas fini d'en débattre !!! Même par rapport à l'avantage
militaire escompté, la formule, que l'on retrouve dans le Protocole I de 1977, ouvre
encore la voie à un large pouvoir discrétionnaire dans une telle appréciation...
UNE CONVENTION
QUI S'INSCRIT DANS LE CADRE DU MOUVEMENT DE DÉVELOPPEMENT
DU DROIT INTERNATIONAL HUMANITAIRE
APPLICABLE DANS LES CONFLITS ARMÉS
(30) Sur/ la « vanité » de leur distinction, voir Nahlik, Droit dit < de Genève » et
droit dit € de La Haye », unicité ou dualité, AJ.DJ. 1978, p. 9
(31) Sur les conditions dans lesquelles ce second Protocole fut adopté, voir Foksythe,
Legal management of internal war : the 1977 Protocol on non-international armed conflicts,
A.J.I.L. 1978, p. 172.
(32) Voir Abi-Saab, Les guerres de libération nationale et la Conférence diplomatique
sur le droit humanitaire, Annales d'Etudes Internationales 1977, vol. 8, p. 63. Lors de
l'adoption du Protocole I en séance plénière finale, en juin 1977, article par article, la
délégation israélienne fut la seule à voter contre l'article 1 § 4, une dizaine de délégations
occidentales s'abstenant, mais elle ne fit pas obstacle à l'adoption de l'ensemble du traité
par consensus.
SUR LES ARMES À EFFETS TRAUMATIQUES 133
1. Aux termes de cet article 1, il est dit que «la présente Convention et les
protocoles y annexés s'appliquent dans les situations prévues par l'article 2
commun aux Conventions de Genève du 12 août 1949 relatives à la protection des
victimes de guerre, y compris toute situation décrite au paragraphe 4 de l'article
premier du Protocole additionnel 1 aux conventions». Il convient de citer
également ce texte : « ... sont compris les conflits armés dans lesquels les peuples
luttent contre la domination coloniale et l'occupation étrangère et contre les
régimes racistes dans l'exercice du droit des peuples à disposer d'eux-mêmes,
consacré dans la Charte des Nations Unies et dans la Déclaration relative aux
principes du droit international touchant les relations amicales et la coopération
entre les «Etats conformément à la Charte des Nations Unies ».
Lors de la première session de la Conférence des Nations Unies sur le fond,
en 1979, la délégation israélienne s'opposa au consensus sur cette question, mais
elle «assouplit» sa position in extremis lors de la seconde session en 1980 en ne
faisant pas obstacle à l'adoption de la Convention par consensus.
Il en résulte que la Convention et les Protocoles annexes ne s'appliquent que
dans les conflits armés internationaux et non dans les conflits internes, mais il n'y
eut guère de discussions sur ce point.
Il sera intéressant de voir quelle attitude observeront les Etats qui n'ont pas
signé ou ratifié le Protocole I de 1977(33) s'ils décident de devenir parties à
la Convention de 1981. Tout dépend évidemment du point de savoir quelles sont
les raisons de leurs «réticences» vis-à-vis du Protocole I. S'ils répugnent à
avaliser cette conception extensive des conflits armés internationaux, on peut penser
qu'ils seront amenés à faire une réserve sur cet article 1, réserve par laquelle ils
pourraient déclarer qu'ils n'admettent pas l'application de la Convention et des
Protocoles à cette «situation» visée par le Protocole I. Ce serait certes courir
le risque de se voir objecter par un ou plusieurs Etats qu'une telle réserve est
incompatible avec l'objet et le but de la Convention, avec les conséquences qui
peuvent en découler d'après la Convention de Vienne sur le droit des traités.
La Convention de 1981, comme les Protocoles de 1977, ne contient rien sur le
problème des éventuelles réserves. Il est encore trop tôt pour savoir en quel sens
la pratique évoluera à cet égard, mais ce n'est certainement pas un problème
« académique ».
(34) La Suisse est dépositaire des Protocoles de 1977, le Secrétaire Général de l'O.N.U.
l'est pour cette Convention et les Protocoles annexes.
(35) Ne furent invités à la C.D.D.H. et à la Conférence sur certaines armes classiques
que des M.L.N. reconnus par la Ligue Arabe et l'O.U.A., ce qui empêchera les Kurdes
et les Erythréens d'y participer. Compte tenu des récents événements d'Amérique Centrale,
le problème pourrait aussi se poser à l'avenir dans le cadre de 1'O.E.A.
(36) Ce qui fut le cas en Angola avec le M.P.L.A., le F.L.N.A. et TU.NJ.T.A. Les deux
premiers furent invités et participèrent aux deux premières sessions de la C.D.D.H.,
en 1974 et 1975, l'Angola ayant accédé à l'indépendance le 11 novembre 1975. De même
la Z.A.N.U. et la Z.A.B.U. pour le Zimbabwe, lprs des deux premières sessions (A.N.C.Z.
pour la troisième et la quatrième) .
(37) Article 77.
(38) Une brève information parue dans la Revue Internationale de la Croix-Rouge,
novembre-décembre 1980, p. 328, indique que dans un message en français, en date du
25 juillet 1980, l'U.N.I.T.A. a adressé au C.I.C.R. la déclaration suivante, signée par son
secrétaire à l'information : « ...l'U.N.I.T.A. renouvelle son attachement aux Conventions
de Genève et souscrit aux règles fondamentales du droit international humanitaire
applicables dans les conflits armés... » II n'est pas précisé si le C.I.C.R. l'a transmise à la
Suisse en tant que dépositaire des Conventions de 1949 et des Protocoles de 1977, ni si
cette déclaration pour le moins lapidaire a été assimilée à la déclaration prévue par cet
article 96 § 3.
(39) Le § 2 a trait au cas où l'une des Parties au conflit est un Etat non partie à la
Convention et le Protocole annexé pertinent : si ce dernier accepte et applique la Convention
et le Protocole et le notifie au dépositaire, cela lie l'Etat qui y est déjà partie.
Le § 4 a) vise le cas où un Etat partie à la fois au Protocole I de 1977 et à la Convention
de 1981 a en face de lui une autorité représentant un peuple qui s'est conformée à
l'article 96 § 3 précité et s'engage à appliquer dans le conflit en cours la Convention de
1981 et les Protocoles annexés pertinents : tous ces textes sont applicables immédiatement.
Mais aucune déclaration unilatérale au dépositaire n'est ici exigée et l'on se contente
d'un engagement d'application.
SUR LES ARMES À EFFETS TRAUMATIQUES 135
(40) M. Sandoz estime, dans son article précité, Revue Internationale de la Croix-Rouge,
janvier-février 1981, p. 10, qu'une telle situation n'est guère probable. Signalons cependant
qu'au moment où cet article est écrit la France a signé la Convention de 1981 mais non
le Protocole I de 1977.
(41) Elle s'effectua en groupe de travail restreint informel, réunissant quelques délégations
dans le bureau du président du groupe sur la Convention (appelée communément
« umbrella-treaty ») . La délégation américaine, représentée dans les derniers jours de la
Conférence par son Président, l'ambassadeur Aldrich, joua un rôle important pour parvenir
à un compromis débouchant sur un consensus ne risquant pas d'être remis en cause en
séance plénière finale. Les délégations française, britannique et israélienne firent part
de leurs réserves sur cette partie de l'article 7 dans leurs déclarations orales qui suivirent
l'adoption des textes en séance plénière finale.
(42) L'article 4 § 3 de la Convention exige qu'un Etat soit lié par au moins deux
Protocoles. L'autorité représentant un peuple ayant les mêmes droits en vertu de l'article
7 § 4 b) ii) peut donc en faire autant. Supposons qu'un Etat A ne signe que le Protocole
sur les éclats (I) et le Protocole sur les mines et les pièges (II), tandis qu'une autorité A'
« accepte » le Protocole sur les éclats et le Protocole sur les armes incendiaires (III) .
Le résultat est que seul le Protocole sur les éclats non localisables par rayons X sera
applicable dans ce conflit...
(43) Nous recourons à cette expression en songeant à une éventuelle non-application
par l'autorité représentant un peuple, se manifestant par une violation flagrante des
obligations énoncées dans un Protocole annexe. Si l'Etat victime de tels agissements
envisageait de les faire cesser en faisant de même, il serait obligé de tenir compte, pour
autant que cette Convention le lie, de l'obligation édictée dans la Convention de Vienne
sur le droit des traités, dont l'article 60 § 5 énonce que l'extinction d'un traité ou la
suspension de son application comme conséquence de sa violation « ne s'appliquent pas aux
dispositions relatives à la protection de la personne humaine contenues dans des traités
de caractère humanitaire, notamment aux dispositions excluant toute forme de représailles
à l'égard des personnes protégées par lesdits traités >.
136 LA CONVENTION DU 10 AVRIL 1981
B. Une Convention qui institue des mécanismes assez complexes du point de vue
DES SUITES DE LA CONFÉRENCE.
(44) Voir Fischer, La conférence des parties chargées de l'examen du T.N.P., A.F.DJ.
1975, p. 9; La conférence d'examen du traité sur la dénucléarisation des fonds marins,
A.FD.I. 1977, p. 809.
(45) « révision » est encore une traduction littérale du mot anglais € review », alors
qu'il vaudrait mieux dire < réexamen » au sens « d'examen à nouveau >, pour bien
distinguer ce qui est examen de ce qui est modification éventuelle, c'est-à-dire révision...
(46) II s'agit essentiellement des armes de petit calibre à grande vitesse initiale au sujet
desquelles la Conférence a adopté une résolution le 28 septembre 1979 laissant présager
que cette question, à laquelle la Suède s'intéresse beaucoup, est susceptible de donner lieu
à une proposition de nouvelle conférence dans les années à venir : texte dans A/Conf.
95/8 du 8 octobre 1979, p. 53.
(47) Qui n'ont pas signé la Convention le 10 avril 1981 à New York.
(48) Aux termes de l'article 5, la Convention entrera en vigueur six mois après la date
de dépôt du vingtième instrument de ratification, d'acceptation, d'approbation ou d'adhésion.
Puisque les Etats peuvent ne se lier que par deux Protocoles annexes, chacun d'entre eux
entrera en vigueur six mois après la date à laquelle vingt Etats auront notifié leur
consentement à être liés par ce Protocole. Rappelons que l'entrée en vigueur des Protocoles
de 1977 ne dépendait que du dépôt de deux instruments exprimant le consentement à être
lié, ce que firent la Libye et le Ghana.
SUR LES ARMES À EFFETS TRAUMATIQUES 137
Une sous-distinction s'impose ici entre modification des textes existants (a) et
adoption de nouveaux protocoles (b).
a) La modification des textes existants (article 8 § 1) : Dès l'entrée en vigueur
de la Convention et des Protocoles annexes, toute H.P.C. peut proposer de leur
apporter des amendements. Cette initiative est transmise au dépositaire, qui la
notifie aux autres H.P.C. II faut que dix-huit Etats au moins soient d'accord pour
que le dépositaire convoque une conférence de révision, chiffre relativement élevé.
Toutes les H.P.C. seront invitées à y siéger, les Etats non parties pouvant y
participer comme observateurs. Les modifications ne pourront être adoptées que par les
H.P.C. et par consensus, ce qui peut inciter les Etats à devenir H.P.C. afin de
contrôler des initiatives « intempestives »...
b) L'adoption de nouveaux protocoles (article 8 § 2) : Toute H.P.C. peut, de la
même manière, proposer l'adoption de protocoles additionnels, c'est-à-dire portant
sur des armes classiques non encore interdites ou réglementées. La procédure est
la même, si ce n'est que tous les Etats sont invités à la Conférence qui décidera
également par consensus. Le texte n'exige pas qu'un Etat se lie par les protocoles
existants avant de devenir partie à un nouveau protocole.
(49) Telle semble être la moins mauvaise expression pour traduire « umbrella-treaty »,
qui désigne une sorte de traité * chapeau » coiffant des instruments conventionnels qui lui
sont étroitement rattachés.
138 LA CONVENTION DU 10 AVRIL 1981
Le texte en est si bref qu'il peut être reproduit ici : « il est interdit d'employer
toute arme dont l'effet principal est de blesser par des éclats qui ne sont pas
localisables par rayons X dans le corps humains ». Il a été adopté pratiquement
sans débat, tout au moins sans difficulté, dans la mesure où il s'agit d'une arme
qui n'a jusqu'à présent guère été utilisée en tant que telle. Cela se rattache au
problème des armes dites à fragmentation, qui sont des munitions explosives allant
de la grenade à la bombe d'avion, dont la particularité est de projeter un plus ou
moins grand nombre d'éclats à grande vitesse, éclats qui en font des armes
antipersonnel redoutables, car ils peuvent mettre nombre de soldats hors de combat
(50) The law of war and dubious weapons, Stockholm, 1976, p. 48.
(51) Les travaux précités des Conférences de Lucerne et de Lugano ne portèrent que
sur les armes incendiaires, les projectiles de petit calibre, les armes à effet de souffle
et de fragmentation, les armes à action différée et armes perfides. Mais les experts
abordèrent aussi de manière très générale les armes dites < futures », à savoir lasers,
dispositifs à micro-ondes, à infrasons, à éclats lumineux, ainsi que la guerre géophysique,
écologique et électronique. La sensibilisation de l'opinion publique internationale au
problème des armes dites nouvelles a pu se concrétiser dans le Protocole I de 1977 avec
l'adoption de l'article 35 : c Dans l'étude, la mise au point, l'acquisition ou l'adoption
d'une nouvelle arme, de nouveaux moyens ou d'une méthode de guerre, une H.P.C. a
l'obligation de déterminer si l'emploi en serait interdit, dans certaines circonstances ou
en toutes circonstances, par les dispositions du présent Protocole ou par toute autre règle
du droit international applicable à cette H.P.C. « Voir à ce sujet notre article, « le problème
des méthodes et moyens de guerre ou de combat dans les Protocoles additionnels de 1977,
R.G.D.I.P. 1978, p. 32.
SUR LES ARMES À EFFETS TRAUMATIQUES 139
sur une grande étendue. La gravité des blessures est naturellement variable en
fonction du poids, des dimensions, de la forme et de la vitesse des éclats, surtout
lorsque des organes vitaux sont atteints. Les probabilités d'être touché sont plus
élevées, les risques de subir des blessures multiples plus grands, il faut donc
préserver les chances de guérison et de survie en faisant en sorte que ces éclats
puissent être retirés du corps de la victime, ce qui ne serait pas le cas s'ils étaient
fabriqués dans une matière insusceptible d'apparaître lors d'une radiographie. Il
a été surtout question de telles armes lors de la seconde guerre du Vietnam (52).
Ces armes ont en commun d'être à retardement, c'est-à-dire que leur explosion
est déclenchée ou différée par la cible elle-même, plus ou moins longtemps après
leur mise en place. Elles ne sont pas l'apanage des forces armées des pays
industrialisés, mais sont également « à la portée » des forces de guérilla (53) . Elles ont
été utilisées massivement lors de la seconde guerre mondiale (54) , lors des guerres
d'Indochine (55) , lors des guerres israélo-arabes, et actuellement en Afghanistan (56) .
Les mines sont des armes antimatériel et antipersonnel, tandis que les pièges sont
surtout des armes antipersonnel. Leur utilité sur le plan militaire est d'entraver la
mobilité de l'ennemi et elles peuvent, indépendamment de la mort, causer de très
graves blessures aux combattants, ainsi qu'aux civils entrant accidentellement en
contact avec elles. Il était parfaitement légitime, pour des raisons humanitaires
évidentes, de réglementer leur utilisation. Mais la portée du Protocole II est
restreinte du fait qu'il ne concerne que la guerre sur terre et que la protection édictée
ne l'est pratiquement qu'au profit des civils, personnes et biens.
• Ce Protocole est le plus long, puisqu'il comprend neuf articles et une annexe
technique (57) . On peut en rendre compte en envisageant successivement l'emploi
des mines et des pièges, l'enregistrement et la publication de leur emplacement, la
protection des forces et missions de l'O.N.U., la coopération internationale pour
leur enlèvement.
Après l'article 2, consacré aux définitions, les articles 3 à 6 ont trait aux mines
et aux pièges.
a) Les mines : Trois séries de restrictions ont été édictées concernant l'emploi
des mines :
i) Restrictions générales : l'article 3 contient une interdiction de principe d'uti-
User les mines, les pièges et autres dispositifs contre les civils, et ce en toutes
circonstances. Elle est assortie d'une prohibition de l'emploi sans discrimination de
ces armes, la non-discrimination désignant la mise en place en dehors d'un objectif
militaire ou dont on peut attendre incidemment des pertes ou des blessures chez
les civils, des dommages aux biens de caractère civil (58). Toutes les précautions
possibles doivent être prises pour protéger les civils des effets de ces armes (59) .
ii) Restrictions à l'emploi de mines autres que les mines mises en place à
distance, de pièges et autres dispositifs dans les zones habitées : l'article 4 interdit leur
emploi dans de telles conditions mais avec deux dérogations alternatives importantes,
soit que ces armes soient placées sur un objectif militaire adverse, ou à proximité
immédiate, soit que les civils soient informés de leur présence.
iii) Restrictions à l'emploi de mines mises en place à distance : l'article 5
correspond manifestement à une donnée de la seconde guerre d'Indochine, où les
Etats-Unis recoururent à ce type d'armes. L'interdiction de principe est assortie de
deux dérogations cumulatives, ce qui revient à autoriser ces armes contre un
objectif militaire, à condition que leur emplacement soit enregistré avec exactitude
et qu'elles soient équipées d'un mécanisme efficace de neutralisation (60) . Les civils
doivent être avisés de leur lancement à moins que les circonstances ne le permettent
pas (61) , ce qui n'est pas très contraignant...
b) Les pièges : L'article 6 interdit l'emploi, en toutes circonstances, de pièges
ayant l'apparence d'objets portatifs inoffensifs ou attachés ou associés à des
personnes (62) ou à des objets (63). Elle est complétée par une autre interdiction plus
large, celle d'employer des pièges conçus pour causer des blessures inutiles ou
des souffrances superflues.
b) Les effets : A supposer que les parties au conflit aient conservé ces enre-
(64) Ce qui incite à faire cette réserve c'est la présence à deux reprises dans le § 3 a)
de cet article de la formule c renseignements en leur possession ». H se peut que des raisons
de force majeure, telles que perte, destruction, altération, situation de déroute, n'aient pas
permis aux unités engagées de conserver ces documents, qui pour des causes indépendantes
de leur volonté ne seront pas ou plus en possession des parties...
(65) La délégation yougoslave s'opposera à toute référence à une situation de territoire
occupé, ce qui fut considéré par les délégations suisse, autrichienne et finlandaise comme une
diminution de la protection humanitaire.
(66) A/Conf. 95/8 du 8 octobre 1979, p. 24, document 3.
(67) II faut souhaiter que cette divergence dans les textes ne soit pas un jour à l'origine
d'une nouvelle affaire sur la réparation des dommages subis au service de 1'O.N.U....
142 LA CONVENTION DU 10 AVRIL 1981
Tant pendant la seconde guerre mondiale que dans les conflits armés
postérieurs, les armes incendiaires ont été fréquemment et abondamment utilisées, aussi
bien comme armes anti-personnel que comme armes anti-matériel (72) . L'opinion
publique internationale a été notamment sensibilisée par l'usage du napalm lors de
la seconde guerre du Vietnam (73) en raison des ravages dont des non-combattants
furent trop souvent les innocentes victimes. Au risque de donner au lecteur
l'impression de se répéter, il faut une fois encore dire que deux tendances s'affrontèrent
ici, l'une, ayant pour chef de file le Mexique, voulant interdire complètement les
armes incendiaires, l'autre, représentée par les Etats-Unis, n'acceptant qu'une
interdiction sélective et en tout cas limitée aux civils (74) . Les positions étant de part et
d'autre assez figées, la négociation ne se « débloqua » qu'au milieu de la seconde
session de la Conférence sur le fond, lorsque les Etats-Unis, suivis quelques jours
(68) Ce qui s'est passé pour le c nettoyage » du canal de Suez après la guerre d'octobre
1973, auquel participèrent les Etats-Unis, le Royaume-Uni, la France et l'Union Soviétique;
R.&D.I.P., 1975, p. 1116.
(69) Voir le texte iri A/Conf. 95/8 du 8 octobre 1979, p. 19, n° 14.
(70) En réalité du Protocole puisque les dates d'entrée en vigueur de la Convention et
des Protocoles peuvent ne pas coïncider (article 5 § 2 et 3) .
(71) Voir supra note (54) .
(72) Voir le rapport précité établi par le secrétariat de l'O.N.U.. A/9215, vol. I, p. 155 et s.
(73) Voir également le rapport établi par le Secrétaire Général de l'O.N.U. sur le napalm
et les autres armes incendiaires, A/8803/Rev. 1, publication des N.U., 1973.
(74) La délégation marocaine fut l'une des seules délégations du Tiers-Monde à se
déclarer hostile à l'interdiction d'emploi contre les combattants, au nom des nécessités
militaires, en faisant valoir l'utilité de ces armes, leur efficacité comme moyen de guerre.
SUR LES ARMES À EFFETS TRAUMATIQUES 143
plus tard par l'Union Soviétique, assouplirent leur position, permettant le consensus
sur ce protocole. Celui-ci ne comprend que deux articles, l'un consacré aux
définitions, l'autre à la protection des civils et des biens de caractère civil.
1. Les définitions.
(75) Sont également définis, comme dans le Protocole II, les objectifs militaires, les
biens de caractère civil, en reprenant exactement ce qui figure dans le Protocole I de 1977,
plus les concentrations de civils, non définis en 1977, et les précautions possibles, également
définies dans le Protocole II sur les mines et les pièges.
(76) Lance-flammes, fougasses, obus, roquettes, grenades, mines, bombes et autres
conteneurs de substances incendiaires.
(77) Munitions éclairantes, traceuses, fumigènes ou systèmes de signalisation.
(78) Projectiles perforants, obus à fragmentation, bombes explosives.
144 LA CONVENTION DU 10 AVRIL 1981
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Au terme de cette étude, il est une question qui vient tout naturellement
à l'esprit, celle de savoir si une procédure de vérification a été instituée, ce
qui paraît logique dès lors que toute une série d'interdictions et de limitations
d'emploi ont été édictées. Le Protocole I de 1977 ayant prévu la création d'une
Commission internationale d'établissement des faits (83) , notamment compétente
pour enquêter en cas de violation grave, on aurait pu penser qu'il en serait de
même avec la présente Convention. Il n'en est rien, car lorsque pendant la seconde
session de la Conférence sur le fond, un certain nombre de délégations occidentales
présentèrent un projet d'article sur un comité consultatif d'experts, à l'iniative de
la R.F.A. (84), ce fut un échec. Ce projet, proche du système prévu par l'article V
de la Convention du 18 mai 1977 sur l'interdiction d'utiliser des techniques de
modification de l'environnement à des fins militaires, tendait à la création d'un
comité d'experts désignés par les Etats parties à la Convention, compétent pour
enquêter sur toute situation préoccupante quant au respect de la Convention et des
Protocoles. Union Soviétique en tête, les délégations des Etats socialistes s'y
opposèrent en faisant valoir qu'il s'agissait d'une proposition trop tardivement présentée
pour être valablement discutée, alors que des problèmes pendants depuis deux ans
n'étaient pas encore réglés, ce qui eut pour effet immédiat de faire adopter à la
délégation chinoise une attitude plutôt positive vis-à-vis de ce document. Cette
lacune n'empêche pas de considérer l'adoption de cette Convention et des
Protocoles annexes comme un nouveau progrès substantiel du droit international
humanitaire applicable dans les conflits armés, du moins en ce qui concerne
essentiellement la protection des civils contre les effets des hostilités, sur la base de
principes formulés il y a bien longtemps, à une époque où l'on cherchait surtout à
éviter ou à alléger les souffrances des combattants. Mais il est bien connu que
dans les guerres contemporaines les pertes chez les civils sont généralement plus
lourdes que chez les combattants.
septembre 1981.