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Annuaire français de droit

international

La Convention du 10 avril 1981 sur l'interdiction ou la limitation de


l'emploi de certaines armes classiques qui peuvent être
considérées comme produisant des effets traumatiques excessifs
ou comme frappant sans discrimination
M. le Professeur Philippe Bretton

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Bretton Philippe. La Convention du 10 avril 1981 sur l'interdiction ou la limitation de l'emploi de certaines armes classiques qui
peuvent être considérées comme produisant des effets traumatiques excessifs ou comme frappant sans discrimination. In:
Annuaire français de droit international, volume 27, 1981. pp. 127-145;

doi : https://doi.org/10.3406/afdi.1981.2434

https://www.persee.fr/doc/afdi_0066-3085_1981_num_27_1_2434

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LA CONVENTION DU 10 AVRIL 1981
SUR L'INTERDICTION OU LA LIMITATION DE L'EMPLOI
DE CERTAINES ARMES CLASSIQUES
QUI PEUVENT ÊTRE CONSIDÉRÉES COMME PRODUISANT
DES EFFETS TRAUMATIQUES EXCESSIFS
OU COMME FRAPPANT SANS DISCRIMINATION

Philippe BRETTON

1. Le 10 avril 1981, 34 Etats ont signé à New York la Convention sur


l'interdiction ou la limitation de l'emploi de certaines armes classiques qui peuvent
être considérées comme produisant des effets traumatiques excessifs ou comme
frappant sans discrimination, Convention assortie de trois protocoles annexes, sur
les éclats non localisables par rayons X dans le corps humain, sur l'emploi de
mines, pièges et autres dispositifs, sur l'emploi des armes incendiaires. Ces
documents avaient été élaborés par deux conférences des Nations Unies qui se tinrent
à Genève de 1978 à 1980, réunissant un peu moins de la moitié des Etats de
l'O.N.U. (1). Le Tiers-Monde, en particulier, ne fut guère présent à ces
Conférences, estimant sans doute qu'il s'agissait d'un problème connexe au désarmement
ou affectant prioritairement les relations Est-Ouest. En revanche, nombre de
délégations du Tiers-Monde présentes à ces Conférences furent extrêmement actives,
notamment celles du Nigeria, dont le représentant à Genève présida la
Conférence, du Maroc, de l'Egypte, de la Syrie et du Mexique (2) . C'est par consensus
que la Conférence sur le fond avait adopté cette Convention et les Protocoles
le 10 octobre 1980, ce qui doit être souligné pour deux raisons, d'une part parce
qu'il est assez remarquable qu'un accord général ait pu se réaliser sur des
dispositions touchant d'aussi près ces données contradictoires que sont les exigences
humanitaires et les nécessités militaires, d'autre part parce que la Conférence
préparatoire n'avait pas pu se mettre d'accord sur le mode d'adoption des déci-

(*) Philippe Bretton, Professeur à la Faculté de Droit d'Orléans; Conseiller juridique


de la Délégation française aux Conférences des Nations Unies dans le cadre desquelles
cette Convention a été élaborée et adoptée. Les vues exposées ici sont propres à
l'auteur et ne sauraient être considérées comme l'expression d'un point de vue officiel
français sur ce sujet.
(1) 74 Etats participèrent à la première session de la Conférence préparatoire, 68 à la
seconde; 82 participèrent à la première session de la Conférence sur le fond, 73 à la
seconde.
(2) Voir l'article assez désabusé, dans Le Monde des 12-13 octobre 1980, intitulé € La
guerre « humanisée » ».
128 LA CONVENTION DU 10 AVRIL 1981

sions, ce qui conduisit à ne pas faire figurer de dispositions relatives à cette


importante question dans le règlement intérieur (3) ...

2. Les origines lointaines de cette Convention peuvent être trouvées dans


une initiative émanant du Comité International de la Croix-Rouge, avec un
«projet de règles limitant les risques courus par la population civile en temps
de guerre », présenté en 1956, comprenant un chapitre consacré aux « armes aux
effets incontrôlables », préconisant notamment l'interdiction de l'emploi d'armes
dont l'action nocive peut échapper au contrôle de ceux qui les emploient ainsi
que des armes à retardement et l'obligation pour les parties à un conflit utilisant
des mines terrestres de dresser les plans des champs de mines et de les remettre
aux autorités responsables de la sécurité de la population, lors de la cessation des
hostilités actives (4) . Cette question fut successivement reprise par la vingtième
Conférence internationale de la Croix-Rouge en 1965, par la Conférence de
Téhéran des Nations Unies sur les droits de l'Homme en 1968, puis par l'A.G. de
l'O.N.U. la même année, le 19 décembre 1968 (résolution 2444). Le Secrétariat
Général de l'O.N.U. publia en 1973 une volumineuse étude sur «les règles en
vigueur du droit international relatives à l'interdiction ou à la restriction de
l'emploi de certaines armes » (5) et l'Institut International de Stockholm de
recherche sur la paix ne demeure pas en reste de son côté en publiant une
étude plus synthétique peu de temps après (6) . L'affaire prit une tournure
nouvelle lorsqu'à la fin de la Conférence d'experts gouvernementaux sur la
réaffirmation et le développement du droit international humanitaire applicable dans
les conflits armés internationaux et non internationaux, réunie en 1972 à Genève
à l'instigation du C.I.C.R., dix-neuf Etats demandèrent au C.I.C.R. d'organiser
une réunion spéciale afin de consulter des experts juristes, militaires et médicaux
sur la question de l'interdiction ou de la limitation expresses des armes
traditionnelles de nature à causer des souffrances inutiles ou à frapper sans
discrimination. Par suite, on utilisera plutôt en français l'adjectif « classiques », encore
que certains auteurs traitent des armes « conventionnelles », traduction mot-à-mot
de l'anglais « conventional » (7) . Deux Conférences d'experts gouvernementaux se
tinrent ainsi, l'une à Lucerne en 1974, l'autre à Lugano en 1976(8). La Conférence
diplomatique sur le droit international humanitaire, qui siégea à Genève de
1974 à 1977 (9) , créa une commission « ad hoc » qui se borna à discuter d'un

(3) Deux tendances s'affrontèrent, l'une, essentiellement représentée par l'U.R.S.S. et


la France, soutenant que sur des sujets intéressant directement la sécurité des Etats, il
fallait adopter les textes par consensus, l'autre, principalement représentée par la Syrie,
le Maroc, la Suède, le Mexique, demandant que conformément à 9 § 2) les décisions soient
prises à la majorité des deux tiers.
(4) Sandoz, « Nouveau développement du droit international — interdiction ou restriction
d'utiliser
n° 727, p. certaines
3; voir, du
armes
même
», Revue
auteur,Internationale
« Des armes de interdites
la Croix-Rouge,
en droit dejanvier-février
la guerre », thèse
1981,
de doctorat en droit, Université de Neuchatel, imprimerie Grounauer, Genève, 1975.
(5) A/9215, 7 novembre 1973, 2 volumes.
(6) The law of war and dubious weapons, Sipri, 1976 : cet adjectif est difficilement
traduisible en français par * douteuses », ce qui serait le cas littéralement...
(7) Sur la guerre classique par opposition à une guerre dans laquelle seraient utilisées
des armes de destruction massive (atomiques, bactériologiques et chimiques), voir l'article
du Général Beaufre dans l'ouvrage collectif « Les armements modernes », Flammarion,
1970, intitulé « La guerre classique en 1984 », p. 9 et s.
(8) Le C.I.C.R. en a publié les résultats sous forme de rapports, l'un en 1975, l'autre
en 1976. Voir à ce sujet de Mulinen, « A propos de la Conférence de Lucerne et de
Lugano sur l'emploi, de certaines armes conventionnelles », in < Droit humanitaire et
problèmes de l'homme », Annales d'Etudes Internationales, Genève 1977, volume 8, p. 111.
(9) Voir à ce sujet notre article dans l'A.F.D.1. 1977, le numéro spécial de la R.G.D.I.P.
1978 et l'ouvrage de Mme Furet, MM. Dorandeu et Martinez, « La guerre et le droit »,
Pédone, 1979.
SUR LES ARMES À EFFETS TRAUMATIQUES 129

certain nombre d'armes, dans un climat souvent passionnel et passionné (10) , sans
avoir de mandat pour proposer des projets d'articles. Une proposition du Mexique
prévoyant la création d'un Comité sur l'interdiction ou la limitation de certaines
armes conventionnelles échoua de peu en séance plénière finale de la C.D.D.H. (11),
qui adopta cependant une résolution recommandant la convocation en 1979 au
plus tard d'une Conférence diplomatique en vue d'aboutir à des accords portant
interdiction ou limitation de l'emploi d'armes conventionnelles spécifiques. Il en fut
ainsi décidé par l'A.G. de l'O.N.U., qui convoqua d'abord une Conférence
préparatoire (12) puis une Conférence sur le fond, à Genève toujours (13).
Les controverses y furent vives, portant notamment sur le point de savoir si
l'on ne passait pas insensiblement du droit de la guerre au droit du
désarmement (14), indépendamment des inévitables querelles politiques (15). Une fois de
plus, il fallut réaliser un équilibre incertain entre principes humanitaires et
nécessités militaires, les uns estimant que l'on n'allait pas assez loin, les autres que l'on
allait trop loin dans cette voie. Certaines délégations, notamment la délégation
soviétique, suggérèrent même de transférer cette question au Comité du
Désarmement, dont la compétence en ce domaine est d'ailleurs reconnue par le dernier
considérant du Préambule de la Convention.

3. Les internationalistes qui ont eu l'occasion d'étudier les origines historiques


du droit de la guerre (16) se souviennent de la formule contenue dans l'article
23 e) du règlement annexé à la IVe Convention de La Haye du 18 octobre 1907
sur la guerre terrestre qui interdit «d'employer des armes, des projectiles ou des
matières propres à causer des maux superflus » (17) , reprise de la IIe Convention
de La Haye du 29 juillet 1899. En réalité, cette interdiction n'était pas nouvelle
dans la mesure où elle avait été énoncée trente ans auparavant (par rapport au
texte de 1899) dans le Préambule de la Déclaration de Saint-Pétersbourg, signée
les 29 novembre - 11 décembre 1868, concernant (déjà) l'interdiction de l'usage

(10) Compte tenu des conflits en cours ou récents, en particulier du Vietnam : voir
notre article : l'incidence des guerres contemporaines sur la réaffirmation et le développement
du droit international humanitaire applicable dans les conflits armés internationaux et non
internationaux », Journal du droit international 1978 p. 208.
(11) Pour plus de détails, voir A.F.D.I. 1977 p. 218.
(12) Août-septembre 1978, mars-avril 1979.
(13) 10-28 septembre 1979, 15 septembre - 10 octobre 1980.
(14) II y a une indéniable connexité entre les deux : une interdiction d'emploi (droit
de la guerre) peut conduire à une élimination de la possession, c'est-à-dire à une destruction
des stocks, comme cela a été le cas pour les armes biologiques avec le Protocole de 1925
et la Convention de 1972. Si le droit de la guerre interdit l'emploi de certaines armes,
mais non leur possession, il peut s'avérer politiquement, sinon juridiquement, délicat pour
un Etat d'utiliser de telles armes, même au titre de la légitime défense.
(15) Qui mirent surtout aux prises Chinois et Vietnamiens, Vietnamiens et Cambodgiens
(Khmers rouges) .
(16) Sur les Conférences de La Haye de 1899 et de 1907 voir le monumental ouvrage
de Scott, Les Conférences de la paix de La Haye de 1899 et de 1007, traduction française
par A. de Lapradelle, Pédone, 1927.
(17) La version anglaise diverge de deux manières car elle se lit ainsi : < it is
forbidden to employ arms, projectiles or material calculated ta cause unnecessary suffering ».
Elle est plus restrictive car elle introduit un élément d'intentionnalité (calculated to)
et € unnecessary suffering » n'est pas la traduction exacte de < maux superflus », il aurait
fallu dire « superfluous injury ». De ces deux textes légèrement différents s'est dégagée une
pratique consistant à retenir les deux idées, d'où la formulation du principe selon lequel
c indépendamment des intentions des belligérants tout moyen de combat susceptible de
causer des souffrances mutiles ou des maux superflus est interdit ». Voir à ce sujet
le rapport d'un groupe d'experts sur « les armes de nature à causer des maux superflus
ou à frapper sans discrimination», publié à Genève par le CJ.C.R. en 1973 (p. 12), ainsi
que le rapport précité émanant du Secrétariat Général de l'OJi.U., p. 18.
130 LA CONVENTION DU 10 AVRIL 1981

de certains projectiles en temps de guerre (18). Après avoir posé comme principe
que le seul but légitime que les belligérants doivent poursuivre pendant une
guerre est l'affaiblissement des forces militaires de l'ennemi et qu'il suffit donc
de mettre hors de combat le plus grand nombre d'hommes possible, les auteurs
de cette Déclaration affirmèrent que « ce but serait dépassé par l'emploi d'armes
qui aggraveraient inutilement les souffrances des hommes mis hors de combat
ou rendraient leur mort inévitable; que l'emploi de pareilles armes serait dès
lors contraire aux lois de l'humanité » (19) . L'interdiction générale d'utiliser des
armes propres à causer des maux superflus conduisit à deux interdictions
spécifiques : l'une figure dans le dispositif de la Déclaration de Saint-Pétersbourg,
c'est la renonciation à l'emploi en cas de guerre « de tout projectile d'un poids
inférieur à 400 grammes qui serait explosible ou chargé de matières fulminantes
ou inflammables», l'autre résulte de la Déclaration de La Haye du 29 juillet 1899
interdisant l'emploi «de balles qui s'épanouissent ou s'aplatissent facilement dans
le corps humain, telles que les balles à enveloppe dure dont l'enveloppe ne
couvrirait pas entièrement le noyau «ou serait pourvue d'incisions » (20) . Ce n'était
peut-être pas sur le terrain de « l'utilité » que le débat aurait dû s'engager, car
il est bien difficile de combiner deux concepts aussi divers et subjectifs que ceux
d'utilité et de souffrance. Sans doute aurait-il mieux valu recourir à la notion
de cruauté pour fonder l'interdiction d'armes spécifiques, trop cruelles en raison
des souffrances qu'elles infligent, sans se dissimuler le caractère subjectif de la
cruauté...
En dehors de ces deux catégories d'armes interdites à cause des maux
superflus qu'elles provoquent, d'autres armes ont été interdites sur la base du principe
consacré à l'article 22 du règlement annexe à la IVe Convention de La Haye de
1907 (21) : « les belligérants n'ont pas un droit illimité quant au choix des moyens
de nuire à l'ennemi » : découlent de cette règle l'interdiction d'employer du poison
ou des armes empoisonnées (22) , l'interdiction de lancer des projectiles et des
explosifs du haut de ballons ou par d'autres moyens analogues nouveaux (23) , la
réglementation des mines automatiques de contact et des torpilles (24) , et surtout
la prohibition d'emploi à la guerre de gaz asphyxiants, toxiques ou similaires et
de moyens bactériologiques (25).

(18) Texte intégral dans le rapport précité A/9215 du 7 novembre 1973 p. 21 (vol. I).
(19) Voir Meyrowitz, Réflexions à propos du centenaire de la Déclaration de Saint-
Pétersbourg, Revue Internationale de la Croix-Rouge, décembre 1968, p. 541. Il semble
que les auteurs de la Déclaration aient voulu interdire certaines armes utilisées lors de
la guerre de Sécession, qui avaient causé des blessures non seulement cruelles (d'où l'idée
de souffrance inutile) mais également inguérissables (d'où l'idée de mort inévitable), mais
non pas de déclarer illégitime l'emploi d'armes destinées à tuer les combattants ennemis.
Les textes ultérieurement adoptés n'ont pas repris la notion d'armes « qui rendent la mort
inévitable », et pour cause...
(20) Ces projectiles, mis au point par les Anglais, sont plus connus sous le nom de
balles dum-dum, du nom de l'arsenal près de Calcutta où ils étaient fabriqués.
(21) Déjà formulé également en 1899 et dans le Protocole de Bruxelles du 27 août 1874
qui n'entra jam/iis en vigueur.
(22) Article 23 e) du même règlement de La Haye de 1907.
(23) Déclaration de La Haye du 29 juillet 1899, reprise en 1907.
(24) Convention VIII de La Haye du 18 octobre 1907 : c'est sans doute là l'exemple
le plus frappant d'un texte rendu caduc à la fois par les violations graves et persistantes
dont il fut l'objet lors des deux guerres mondiales et par les progrès de la technologie
militaire... Voir le rapport précité de l'O.N.U. A/9225, p. 215 (volume I).
(25) Avant le Protocole de Genève du 17 juin 1925, une Déclaration de La Haye de
1899 avait interdit d'employer des projectiles qui ont pour but unique de répandre des
gaz asphyxiants ou délétères. L'insertion de la clause < si omnes » dans cette Déclaration
permit à certains belligérants de s'en affranchir lors de la première guerre mondiale
dès lors que d'autres n'étaient pas parties à cet instrument.
SUR LES ARMES À EFFETS TRAUMATIQUES 131

4. H aura donc fallu attendre cinquante-cinq ans, plus d'un demi-siècle, pour
que le droit de la guerre connaisse un nouveau développement en matière
d'interdiction ou de limitation d'emploi de certaines armes classiques. On aura remarqué
que la terminologie s'est un peu modifiée; il n'est plus question «d'armes propres
à causer des souffrances inutiles ou des maux superflus », mais qui « peuvent être
considérées comme produisant des effets traumatiques excessifs ou comme frappant
sans discrimination». Si la notion de non-discrimination est relativement facile
à cerner, dans la mesure où il s'agit de se conformer à une règle ancienne et
bien admise, selon laquelle il faut faire en tout temps une distinction entre les
personnes participant aux hostilités et la population civile, afin d'épargner cette
dernière dans toute la mesure du possible (26) , il n'en va pas de même pour celle
de « souffrances inutiles ». Il en fut beaucoup question lors des Conférences de
Lucerne et de Lugano organisées en 1974 et en 1976 par le C.I.C.R., réunissant des
experts juristes et militaires, dont des médecins militaires. Pour commencer,
l'opportunité même de l'expression de « souffrances inutiles » fut contestée par
les médecins présents, en raison de l'impossibilité de définir objectivement les
souffrances et du fait que la douleur, élément important de la souffrance, varie
beaucoup d'un individu à un autre. Pourtant, lorsque l'A.G. décida par la
résolution A/32/152 du 19 décembre 1977 de convoquer en 1979 une Conférence sur
certaines armes classiques, le texte adopté contenait encore l'expression « armes...
qui peuvent être considérées comme causant des souffrances inutiles » (27). Mais
cette rédaction qui figurait dans les textes dont nous disposâmes à ce moment-
là (28) fut par la suite modifiée, car dès l'ouverture de la Conférence préparatoire,
à la fin du mois d'août 1978, les documents officiels préparés par les services de
l'O.N.U. utilisaient une autre formule en faisant référence à des armes « qui
peuvent être considérées comme produisant des effets traumatiques excessifs »,
ce qui était censé rendre compte de l'original en anglais «which may be deemed
to be excessively injurious ». Cette traduction, n'ayant pas été contestée, fut
conservée par la suite, d'où le titre définitivement donné à cette convention (29) .
Littéralement, on aurait dû traduire par « qui peuvent être considérées comme étant
excessivement nocives », ce qui pourrait sembler insuffisant pour rendre compte
de la nature de ces armes. Il est vrai qu' « injury », en anglais, signifie, entre
autres, blessure et qu'étymologiquement, «trauma» voulait dire blessure en grec,
d'où l'adjectif « traumatique », « qui a rapport aux blessures ». En revanche, avoir
remplacé « inutiles » par « excessifs » n'apporte pas de précision, car à quelle
aune distinguera-t-on ce qui est supportable de ce qui est excessif ? Médecins,
militaires et juristes n'ont pas fini d'en débattre !!! Même par rapport à l'avantage

(26) Cela découle de la Déclaration de Saint-Pétersbourg précitée dans la mesure où,


si le seul but légitime que les Etats doivent chercher à atteindre dans une guerre est
l'affaiblissement des forces militaires de l'adversaire, les attaques contre les civils en tant
que tels sont interdites. Deux conventions de La Haye de 1907 interdisent d'attaquer ou
de bombarder par quelque moyen que ce soit des villes, villages, habitations ou bâtiments
qui ne sont pas défendus, dans la guerre terrestre et maritime.
(27) Résolution adoptée par 115 voix pour, aucune contre et 21 abstentions.
(28) Recueil des résolutions et décisions adoptées par l'A.G. lors de sa trente-deuxième
session, publié par le Département de l'information, section de la presse, à l'intention des
organes d'information, document non officiel.
(29) Ce qui ne fit pas obstacle à ce que certaines interventions orales en français
continuent d'utiliser la terminologie première, ainsi la déclaration du représentant du
C.I.C.R., le 12 avril 1979 : « il n'est en effet pas évident qu'une arme cause des souffrances
inutiles ou a des effets indiscriminés ». Le représentant du Maroc fut peut-être le seul à
relever, à juste titre, que le critère traditionnel des maux superflus avait été « rebaptisé »
en effets traumatiques excessifs (A/Conf. 95/Prep. Conf./II/S.R.20, 26 mars 1979, p. 2, n° 1).
Par ailleurs « les maux superflus » figurent dans le Préambule de la Convention.
132 LA CONVENTION DU 10 AVRIL 1981

militaire escompté, la formule, que l'on retrouve dans le Protocole I de 1977, ouvre
encore la voie à un large pouvoir discrétionnaire dans une telle appréciation...

5. Quoi qu'il en soit de ces problèmes d'intitulé, il nous paraît possible de


rendre compte des travaux de cette Conférence en exposant tout d'abord comment
cette Convention s'inscrit dans le cadre du mouvement de développement du
droit international humanitaire applicable dans les conflits armés (I) et ensuite
dans quelle mesure les protocoles annexés à cette Convention tendent à assurer
une certaine protection contre des armes classiques considérées comme
inhumaines (II).

UNE CONVENTION
QUI S'INSCRIT DANS LE CADRE DU MOUVEMENT DE DÉVELOPPEMENT
DU DROIT INTERNATIONAL HUMANITAIRE
APPLICABLE DANS LES CONFLITS ARMÉS

La Conférence diplomatique sur le droit international humanitaire (C.D.D.H.)


avait un double but : réaffirmer et développer ce droit, compte tenu du fait que
depuis l'adoption des quatre Conventions de Genève du 12 août 1949, il y avait eu
nombre de conflits armés se déroulant dans des conditions rendant leur
application souvent difficile et que les Etats nouvellement indépendants dénonçaient
presque systématiquement un droit fortement entaché à leurs yeux « d'européo-
centrisme », car conçu par les puissances européennes et pour des guerres les ayant
opposées... Plutôt que de réviser le droit de La Haye et le droit de Genève (30),
on a préféré adopter deux Protocoles additionnels aux Conventions de 1949, l'un
pour les conflits internationaux, l'autre pour les conflits non internationaux (31) .
L'un des grands «enjeux» politiques de la C.D.D.H. fut le problème de l'inclusion
des guerres dites de libération nationale dans la notion de conflit armé
international, inclusion réclamée et obtenue par le Tiers-Monde avec l'appui des
Etats socialistes (32) . Or deux articles de la Convention du 10 avril 1981 font
expressément référence au Protocole I de 1977 du point de vue de ce genre de
conflit, consacrant ainsi la conception extensive des conflits armés
internationaux (A). Par ailleurs la Convention a prévu des mécanismes assez complexes en
ce qui concerne les «suites» de la Conférence (B).

(30) Sur/ la « vanité » de leur distinction, voir Nahlik, Droit dit < de Genève » et
droit dit € de La Haye », unicité ou dualité, AJ.DJ. 1978, p. 9
(31) Sur les conditions dans lesquelles ce second Protocole fut adopté, voir Foksythe,
Legal management of internal war : the 1977 Protocol on non-international armed conflicts,
A.J.I.L. 1978, p. 172.
(32) Voir Abi-Saab, Les guerres de libération nationale et la Conférence diplomatique
sur le droit humanitaire, Annales d'Etudes Internationales 1977, vol. 8, p. 63. Lors de
l'adoption du Protocole I en séance plénière finale, en juin 1977, article par article, la
délégation israélienne fut la seule à voter contre l'article 1 § 4, une dizaine de délégations
occidentales s'abstenant, mais elle ne fit pas obstacle à l'adoption de l'ensemble du traité
par consensus.
SUR LES ARMES À EFFETS TRAUMATIQUES 133

A. Une Convention qui consacre la conception extensive des conflits armés


INTERNATIONAUX CONFORMÉMENT AU PROTOCOLE I DE 1977.

1. Aux termes de cet article 1, il est dit que «la présente Convention et les
protocoles y annexés s'appliquent dans les situations prévues par l'article 2
commun aux Conventions de Genève du 12 août 1949 relatives à la protection des
victimes de guerre, y compris toute situation décrite au paragraphe 4 de l'article
premier du Protocole additionnel 1 aux conventions». Il convient de citer
également ce texte : « ... sont compris les conflits armés dans lesquels les peuples
luttent contre la domination coloniale et l'occupation étrangère et contre les
régimes racistes dans l'exercice du droit des peuples à disposer d'eux-mêmes,
consacré dans la Charte des Nations Unies et dans la Déclaration relative aux
principes du droit international touchant les relations amicales et la coopération
entre les «Etats conformément à la Charte des Nations Unies ».
Lors de la première session de la Conférence des Nations Unies sur le fond,
en 1979, la délégation israélienne s'opposa au consensus sur cette question, mais
elle «assouplit» sa position in extremis lors de la seconde session en 1980 en ne
faisant pas obstacle à l'adoption de la Convention par consensus.
Il en résulte que la Convention et les Protocoles annexes ne s'appliquent que
dans les conflits armés internationaux et non dans les conflits internes, mais il n'y
eut guère de discussions sur ce point.
Il sera intéressant de voir quelle attitude observeront les Etats qui n'ont pas
signé ou ratifié le Protocole I de 1977(33) s'ils décident de devenir parties à
la Convention de 1981. Tout dépend évidemment du point de savoir quelles sont
les raisons de leurs «réticences» vis-à-vis du Protocole I. S'ils répugnent à
avaliser cette conception extensive des conflits armés internationaux, on peut penser
qu'ils seront amenés à faire une réserve sur cet article 1, réserve par laquelle ils
pourraient déclarer qu'ils n'admettent pas l'application de la Convention et des
Protocoles à cette «situation» visée par le Protocole I. Ce serait certes courir
le risque de se voir objecter par un ou plusieurs Etats qu'une telle réserve est
incompatible avec l'objet et le but de la Convention, avec les conséquences qui
peuvent en découler d'après la Convention de Vienne sur le droit des traités.
La Convention de 1981, comme les Protocoles de 1977, ne contient rien sur le
problème des éventuelles réserves. Il est encore trop tôt pour savoir en quel sens
la pratique évoluera à cet égard, mais ce n'est certainement pas un problème
« académique ».

2. L'article 7, intitulé «relations conventionnelles dès l'entrée en vigueur de la


Convention», doit être également traité dans cette rubrique car il institue une
exception assez remarquable au principe de l'effet relatif des traités en imposant
à un Etat partie à la Convention, mais non partie au Protocole I de 1977, des
obligations découlant de celui-ci et correspondant précisément à cette promotion
des guerres de libération nationale au rang de conflits armés internationaux.
Pour comprendre la portée de la disposition figurant dans le § 4 alinéa b de
l'article 7 de la Convention de 1981, il faut se reporter préalablement à l'arti-

(33) Actuellement ratifié par 17 Etats : Revue Internationale de la Croix-Rouge, janvier-


février 1981, p. 20.
134 LA CONVENTION DU 10 AVRIL 1981

cle 96 § 3 du Protocole I de 1977. Ce texte dispose qu'une « autorité représentant


un peuple engagé contre une H.P.C. dans un conflit armé du caractère mentionné
à l'article premier, paragraphe 4, peut s'engager à appliquer les conventions et
le présent Protocole relativement à ce conflit en adressant une déclaration
unilatérale au dépositaire », déclaration qui a expressément pour effet de lui conférer
la qualité de Partie au conflit, de rendre applicables les Conventions de 1949 et
le présent Protocole à ce conflit.
Mais le Protocole I ne contient rien qui permette d'identifier une telle
autorité, de lui reconnaître un caractère effectivement représentatif d'un peuple en
lutte. L'embarras du dépositaire, Etat ou organe d'une organisation
internationale (34), pourrait être très grand s'il recevait un tel acte d'un prétendu
mouvement de libération nationale non reconnu par une organisation
intergouvernementale régionale (35) , mais seulement par un ou quelques Etats, ou si plusieurs
autorités se manifestaient de cette manière, car le texte dit « l'autorité » et non
« une autorité », ce qui a priori exclut à l'avenir une pluralité de M.L.N.
considérés comme également représentatif s (36) . Etant donné les limites assignées aux
fonctions du dépositaire par la Convention de Vienne sur le droit des traités (37),
il n'est pas difficile d'imaginer dans quelle situation politique, sinon juridique, un
dépositaire pourrait se trouver en recevant une telle déclaration d'une « autorité »
sujette à caution (38), qu'il l'admette et la diffuse ou qu'il la rejette. Sans vouloir
multiplier les difficultés a priori, on peut encore envisager une complication
supplémentaire si, en faisant une telle déclaration, ladite « autorité », à laquelle
l'article 96 § 3-b) confère les mêmes droits qu'à une H.P.C. aux Conventions de
1949 et au Protocole de 1977, faisait une réserve ou une objection à une réserve
antérieurement formulée par l'Etat contre lequel elle a pris les armes... H était
nécessaire de donner ces précisions avant d'exposer les particularités du régime
des relations conventionnelles figurant dans l'article 7 § 4 b) (39) de la Convention

(34) La Suisse est dépositaire des Protocoles de 1977, le Secrétaire Général de l'O.N.U.
l'est pour cette Convention et les Protocoles annexes.
(35) Ne furent invités à la C.D.D.H. et à la Conférence sur certaines armes classiques
que des M.L.N. reconnus par la Ligue Arabe et l'O.U.A., ce qui empêchera les Kurdes
et les Erythréens d'y participer. Compte tenu des récents événements d'Amérique Centrale,
le problème pourrait aussi se poser à l'avenir dans le cadre de 1'O.E.A.
(36) Ce qui fut le cas en Angola avec le M.P.L.A., le F.L.N.A. et TU.NJ.T.A. Les deux
premiers furent invités et participèrent aux deux premières sessions de la C.D.D.H.,
en 1974 et 1975, l'Angola ayant accédé à l'indépendance le 11 novembre 1975. De même
la Z.A.N.U. et la Z.A.B.U. pour le Zimbabwe, lprs des deux premières sessions (A.N.C.Z.
pour la troisième et la quatrième) .
(37) Article 77.
(38) Une brève information parue dans la Revue Internationale de la Croix-Rouge,
novembre-décembre 1980, p. 328, indique que dans un message en français, en date du
25 juillet 1980, l'U.N.I.T.A. a adressé au C.I.C.R. la déclaration suivante, signée par son
secrétaire à l'information : « ...l'U.N.I.T.A. renouvelle son attachement aux Conventions
de Genève et souscrit aux règles fondamentales du droit international humanitaire
applicables dans les conflits armés... » II n'est pas précisé si le C.I.C.R. l'a transmise à la
Suisse en tant que dépositaire des Conventions de 1949 et des Protocoles de 1977, ni si
cette déclaration pour le moins lapidaire a été assimilée à la déclaration prévue par cet
article 96 § 3.
(39) Le § 2 a trait au cas où l'une des Parties au conflit est un Etat non partie à la
Convention et le Protocole annexé pertinent : si ce dernier accepte et applique la Convention
et le Protocole et le notifie au dépositaire, cela lie l'Etat qui y est déjà partie.
Le § 4 a) vise le cas où un Etat partie à la fois au Protocole I de 1977 et à la Convention
de 1981 a en face de lui une autorité représentant un peuple qui s'est conformée à
l'article 96 § 3 précité et s'engage à appliquer dans le conflit en cours la Convention de
1981 et les Protocoles annexés pertinents : tous ces textes sont applicables immédiatement.
Mais aucune déclaration unilatérale au dépositaire n'est ici exigée et l'on se contente
d'un engagement d'application.
SUR LES ARMES À EFFETS TRAUMATIQUES 135

de 1981. Cette disposition envisage le cas où un Etat partie à la Convention de


1981 ne serait pas partie au Protocole I de 1977(40) et où il serait aux prises
avec une autorité représentant un peuple engagé dans une guerre de libération
nationale. Si celle-ci accepte et applique les obligations des Conventions de 1949,
de la Convention de 1981 et des Protocoles annexes pertinents, tous ces
instruments conventionnels prennent immédiatement effet, ladite autorité exerce les
mêmes droits et s'acquitte des mêmes obligations qu'une H.P.C. aux Conventions
de 1949, à la Convention de 1981 et à ses protocoles annexes. On voit jusqu'où va
ce texte, dont l'adoption s'avéra particulièrement difficile (41) . En effet, un Etat
qui n'a pas voulu se lier par le Protocole de 1977 se voit placer devant le fait
accompli (et donc le droit auquel il est tiers) puisqu'indépendamment de tout
accord de sa part il va se trouver lié par une entité sur la représentativité de
laquelle il peut avoir légitimement les plus sérieux doutes et vis-à-vis de laquelle
il va devoir appliquer les Conventions de 1949, la Convention de 1981 et les
Protocoles pertinents (42) . Alors que l'article 96 § 3 du Protocole I de 1977
exigeait que l'autorité adressât une déclaration au dépositaire, rien de tel n'est prévu
ici; on peut à juste titre s'interroger sur les conditions au moins formelles selon
lesquelles une « autorité » fera connaître son acceptation. Le laxisme est encore
plus grand que dans le Protocole de 1977 et est de nature à susciter en pratique
les plus vives controverses. Certes, la portée de « l'unilatéralité non
compensatrice » ainsi créée (43) est relativement atténuée par la disposition contenue dans
le § 4 in fine de l'article 7, qui prévoit qu'une H.P.C. et une autorité «peuvent
aussi convenir d'accepter et appliquer sur une base réciproque les obligations
énoncées dans le Protocole additionnel I aux Conventions de Genève ». Ce système
qui n'est pas sans rappeler celui des accords spéciaux prévu par les Conventions
de Genève de 1949 pour les rapports entre Etats, lequel ne semble pas à l'expérience
avoir donné les résultats escomptés, paraît d'une crédibilité encore plus douteuse
dans les relations conflictuelles entre un Etat et une entité qu'il ne reconnaîtra
vraisemblablement pas.

(40) M. Sandoz estime, dans son article précité, Revue Internationale de la Croix-Rouge,
janvier-février 1981, p. 10, qu'une telle situation n'est guère probable. Signalons cependant
qu'au moment où cet article est écrit la France a signé la Convention de 1981 mais non
le Protocole I de 1977.
(41) Elle s'effectua en groupe de travail restreint informel, réunissant quelques délégations
dans le bureau du président du groupe sur la Convention (appelée communément
« umbrella-treaty ») . La délégation américaine, représentée dans les derniers jours de la
Conférence par son Président, l'ambassadeur Aldrich, joua un rôle important pour parvenir
à un compromis débouchant sur un consensus ne risquant pas d'être remis en cause en
séance plénière finale. Les délégations française, britannique et israélienne firent part
de leurs réserves sur cette partie de l'article 7 dans leurs déclarations orales qui suivirent
l'adoption des textes en séance plénière finale.
(42) L'article 4 § 3 de la Convention exige qu'un Etat soit lié par au moins deux
Protocoles. L'autorité représentant un peuple ayant les mêmes droits en vertu de l'article
7 § 4 b) ii) peut donc en faire autant. Supposons qu'un Etat A ne signe que le Protocole
sur les éclats (I) et le Protocole sur les mines et les pièges (II), tandis qu'une autorité A'
« accepte » le Protocole sur les éclats et le Protocole sur les armes incendiaires (III) .
Le résultat est que seul le Protocole sur les éclats non localisables par rayons X sera
applicable dans ce conflit...
(43) Nous recourons à cette expression en songeant à une éventuelle non-application
par l'autorité représentant un peuple, se manifestant par une violation flagrante des
obligations énoncées dans un Protocole annexe. Si l'Etat victime de tels agissements
envisageait de les faire cesser en faisant de même, il serait obligé de tenir compte, pour
autant que cette Convention le lie, de l'obligation édictée dans la Convention de Vienne
sur le droit des traités, dont l'article 60 § 5 énonce que l'extinction d'un traité ou la
suspension de son application comme conséquence de sa violation « ne s'appliquent pas aux
dispositions relatives à la protection de la personne humaine contenues dans des traités
de caractère humanitaire, notamment aux dispositions excluant toute forme de représailles
à l'égard des personnes protégées par lesdits traités >.
136 LA CONVENTION DU 10 AVRIL 1981

B. Une Convention qui institue des mécanismes assez complexes du point de vue
DES SUITES DE LA CONFÉRENCE.

L'usage s'est établi en matière «d'arms control» de prévoir des conférences


périodiques, quelques années après l'entrée en vigueur d'un traité, afin d'examiner
comment il est appliqué, sans préjudice de la clause conventionnelle habituelle
sur les conditions de modification du traité (44). Certes, nul n'a eu «l'audace» de
soutenir que la présente Convention s'insérait dans le cadre de la politique
« d'arms control », mais il convient de commenter les dispositions de l'article 8,
intitulé « révision et amendements » (45) , qui réglemente assez minutieusement les
suites de la Conférence des Nations Unies qui a abouti à l'adoption de cette
Convention et des Protocoles annexes, car on y trouve le reflet de préoccupations
communes en ce qui concerne l'application. On imagine mal, a priori, à la lecture
de cet article, qu'il ait pu donner lieu à de vives controverses qui n'apparaissent
pas à l'évidence lorsque l'on se reporte aux comptes rendus des débats en
séance plénière. Ce fut pourtant le cas, car deux tendances nettement divergentes
s'affrontèrent pendant toute la conférence, l'une, incarnée avant tout par le
Mexique, soutenue par la Suède, mais avec moins de « maximalisme », voulant qu'une
nouvelle conférence puisse se réunir le plus rapidement possible, pour aller plus
loin et adopter d'autres Protocoles sur d'autres armes (46), l'autre, représentée
principalement par les Etats-Unis (47) , avec l'appui plus ou moins ferme de leurs
alliés et le soutien «réservé» de l'Union Soviétique, soutenant qu'il ne fallait
pas précipiter les événements et que la technicité des questions militaires
nécessitait des études préalables approfondies. Le texte auquel la Conférence est
parvenue fait partie d'un «package-deal» incluant en sus l'article 1 (champ
d'application), l'article 5 (entrée en vigueur), l'article 7 (relations conventionnelles dès
l'entrée en vigueur). C'est naturellement un compromis se situant très en deçà
des positions les plus intransigeantes, mais suffisamment acceptable pour permettre
l'adoption par consensus. La procédure de convocation d'une nouvelle Conférence
est aménagée en fonction d'un délai de dix ans suivant l'entrée en vigueur de la
Convention (48). A l'intérieur de ce délai l'initiative peut provenir d'une H.P.C. (1),
au-delà une procédure de convocation quasi-automatique a été instaurée (2).

(44) Voir Fischer, La conférence des parties chargées de l'examen du T.N.P., A.F.DJ.
1975, p. 9; La conférence d'examen du traité sur la dénucléarisation des fonds marins,
A.FD.I. 1977, p. 809.
(45) « révision » est encore une traduction littérale du mot anglais € review », alors
qu'il vaudrait mieux dire < réexamen » au sens « d'examen à nouveau >, pour bien
distinguer ce qui est examen de ce qui est modification éventuelle, c'est-à-dire révision...
(46) II s'agit essentiellement des armes de petit calibre à grande vitesse initiale au sujet
desquelles la Conférence a adopté une résolution le 28 septembre 1979 laissant présager
que cette question, à laquelle la Suède s'intéresse beaucoup, est susceptible de donner lieu
à une proposition de nouvelle conférence dans les années à venir : texte dans A/Conf.
95/8 du 8 octobre 1979, p. 53.
(47) Qui n'ont pas signé la Convention le 10 avril 1981 à New York.
(48) Aux termes de l'article 5, la Convention entrera en vigueur six mois après la date
de dépôt du vingtième instrument de ratification, d'acceptation, d'approbation ou d'adhésion.
Puisque les Etats peuvent ne se lier que par deux Protocoles annexes, chacun d'entre eux
entrera en vigueur six mois après la date à laquelle vingt Etats auront notifié leur
consentement à être liés par ce Protocole. Rappelons que l'entrée en vigueur des Protocoles
de 1977 ne dépendait que du dépôt de deux instruments exprimant le consentement à être
lié, ce que firent la Libye et le Ghana.
SUR LES ARMES À EFFETS TRAUMATIQUES 137

1. La convocation d'une conférence à l'intérieur du délai de dix ans.

Une sous-distinction s'impose ici entre modification des textes existants (a) et
adoption de nouveaux protocoles (b).
a) La modification des textes existants (article 8 § 1) : Dès l'entrée en vigueur
de la Convention et des Protocoles annexes, toute H.P.C. peut proposer de leur
apporter des amendements. Cette initiative est transmise au dépositaire, qui la
notifie aux autres H.P.C. II faut que dix-huit Etats au moins soient d'accord pour
que le dépositaire convoque une conférence de révision, chiffre relativement élevé.
Toutes les H.P.C. seront invitées à y siéger, les Etats non parties pouvant y
participer comme observateurs. Les modifications ne pourront être adoptées que par les
H.P.C. et par consensus, ce qui peut inciter les Etats à devenir H.P.C. afin de
contrôler des initiatives « intempestives »...
b) L'adoption de nouveaux protocoles (article 8 § 2) : Toute H.P.C. peut, de la
même manière, proposer l'adoption de protocoles additionnels, c'est-à-dire portant
sur des armes classiques non encore interdites ou réglementées. La procédure est
la même, si ce n'est que tous les Etats sont invités à la Conférence qui décidera
également par consensus. Le texte n'exige pas qu'un Etat se lie par les protocoles
existants avant de devenir partie à un nouveau protocole.

2. La convocation d'une conférence à l'expiration du délai de dix ans (article 8 § 3).

Si aucune conférence n'a été convoquée à l'intérieur de ce délai de dix ans,


toute H.P.C. peut demander au dépositaire d'en convoquer une. On peut dire que
la compétence du dépositaire est ici liée, il devra convoquer une conférence à
laquelle toutes les H.P.C. seront invitées, les Etats non parties ayant également la
qualité d'observateurs. Cette conférence aura un triple objet : « examen de la
portée de l'application » de la Convention et des Protocoles et adoption éventuelle
d'amendements, adoption possible de protocoles additionnels concernant d'autres
catégories d'armes classiques, conformément aux procédures antérieurement décrites.
Les Etats non parties auront donc intérêt à participer à une telle conférence pour
ne pas prendre le risque de voir adopter de nouveaux protocoles allant à l'encontre
de leurs intérêts.
Tels sont les principaux problèmes juridiques posés par la Convention. Mais
celle-ci n'est qu'un « traité-cadre » (49) régissant sur le plan du droit la vie des
trois protocoles qui lui sont annexés.

(49) Telle semble être la moins mauvaise expression pour traduire « umbrella-treaty »,
qui désigne une sorte de traité * chapeau » coiffant des instruments conventionnels qui lui
sont étroitement rattachés.
138 LA CONVENTION DU 10 AVRIL 1981

DES PROTOCOLES ANNEXES TENDANT A ASSURER


UNE CERTAINE PROTECTION
CONTRE DES ARMES CLASSIQUES CONSIDÉRÉES COMME INHUMAINES

La Conférence n'a pas consacré la conception particulièrement extensive des


armes « douteuses » avancée par le S.I.P.R.I. (50) , qui, après les avoir sommairement
définies comme étant « les armes modernes rendues possibles par la technologie
qui rentrent dans les catégories interdites par les lois de la guerre », y incluait les
armes nucléaires, bactériologiques et chimiques, géophysiques (écocides),
incendiaires, de petit calibre à grande vitesse initiale, à fragmentation, à action différée.
Le sort des armes de destruction massive relevant plutôt de la compétence des
organes chargés du désarmement, il ne fut question, dès la C.D.D.H., que de
certaines armes classiques (51) . La résolution A/32/152 adoptée par l'A. G. le 19
décembre 1977 ne donnait pas la liste des armes classiques à réglementer, mais son
titre reflétait bien une préoccupation majeure « armes incendiaires et autres armes
classiques qui peuvent être l'objet de mesures d'interdiction ou de limitation pour
des raisons humanitaires ». Il apparut très vite, au début de la Conférence des N.U.
en 1978, que si un accord était possible, ce n'était que sur trois catégories d'armes
classiques : les éclats non localisables, les mines et les pièges, les armes incendiaires
et c'est pourquoi trois protocoles distincts furent finalement élaborés et adoptés,
que nous allons examiner successivement.

A. Le Protocole I relatif aux éclats non localisables.

Le texte en est si bref qu'il peut être reproduit ici : « il est interdit d'employer
toute arme dont l'effet principal est de blesser par des éclats qui ne sont pas
localisables par rayons X dans le corps humains ». Il a été adopté pratiquement
sans débat, tout au moins sans difficulté, dans la mesure où il s'agit d'une arme
qui n'a jusqu'à présent guère été utilisée en tant que telle. Cela se rattache au
problème des armes dites à fragmentation, qui sont des munitions explosives allant
de la grenade à la bombe d'avion, dont la particularité est de projeter un plus ou
moins grand nombre d'éclats à grande vitesse, éclats qui en font des armes
antipersonnel redoutables, car ils peuvent mettre nombre de soldats hors de combat

(50) The law of war and dubious weapons, Stockholm, 1976, p. 48.
(51) Les travaux précités des Conférences de Lucerne et de Lugano ne portèrent que
sur les armes incendiaires, les projectiles de petit calibre, les armes à effet de souffle
et de fragmentation, les armes à action différée et armes perfides. Mais les experts
abordèrent aussi de manière très générale les armes dites < futures », à savoir lasers,
dispositifs à micro-ondes, à infrasons, à éclats lumineux, ainsi que la guerre géophysique,
écologique et électronique. La sensibilisation de l'opinion publique internationale au
problème des armes dites nouvelles a pu se concrétiser dans le Protocole I de 1977 avec
l'adoption de l'article 35 : c Dans l'étude, la mise au point, l'acquisition ou l'adoption
d'une nouvelle arme, de nouveaux moyens ou d'une méthode de guerre, une H.P.C. a
l'obligation de déterminer si l'emploi en serait interdit, dans certaines circonstances ou
en toutes circonstances, par les dispositions du présent Protocole ou par toute autre règle
du droit international applicable à cette H.P.C. « Voir à ce sujet notre article, « le problème
des méthodes et moyens de guerre ou de combat dans les Protocoles additionnels de 1977,
R.G.D.I.P. 1978, p. 32.
SUR LES ARMES À EFFETS TRAUMATIQUES 139

sur une grande étendue. La gravité des blessures est naturellement variable en
fonction du poids, des dimensions, de la forme et de la vitesse des éclats, surtout
lorsque des organes vitaux sont atteints. Les probabilités d'être touché sont plus
élevées, les risques de subir des blessures multiples plus grands, il faut donc
préserver les chances de guérison et de survie en faisant en sorte que ces éclats
puissent être retirés du corps de la victime, ce qui ne serait pas le cas s'ils étaient
fabriqués dans une matière insusceptible d'apparaître lors d'une radiographie. Il
a été surtout question de telles armes lors de la seconde guerre du Vietnam (52).

B. Le Protocole n sur les mines, pièges et autres dispositifs.

Ces armes ont en commun d'être à retardement, c'est-à-dire que leur explosion
est déclenchée ou différée par la cible elle-même, plus ou moins longtemps après
leur mise en place. Elles ne sont pas l'apanage des forces armées des pays
industrialisés, mais sont également « à la portée » des forces de guérilla (53) . Elles ont
été utilisées massivement lors de la seconde guerre mondiale (54) , lors des guerres
d'Indochine (55) , lors des guerres israélo-arabes, et actuellement en Afghanistan (56) .
Les mines sont des armes antimatériel et antipersonnel, tandis que les pièges sont
surtout des armes antipersonnel. Leur utilité sur le plan militaire est d'entraver la
mobilité de l'ennemi et elles peuvent, indépendamment de la mort, causer de très
graves blessures aux combattants, ainsi qu'aux civils entrant accidentellement en
contact avec elles. Il était parfaitement légitime, pour des raisons humanitaires
évidentes, de réglementer leur utilisation. Mais la portée du Protocole II est
restreinte du fait qu'il ne concerne que la guerre sur terre et que la protection édictée
ne l'est pratiquement qu'au profit des civils, personnes et biens.
• Ce Protocole est le plus long, puisqu'il comprend neuf articles et une annexe
technique (57) . On peut en rendre compte en envisageant successivement l'emploi
des mines et des pièges, l'enregistrement et la publication de leur emplacement, la
protection des forces et missions de l'O.N.U., la coopération internationale pour
leur enlèvement.

1. L'emploi des mines et des pièges.

Après l'article 2, consacré aux définitions, les articles 3 à 6 ont trait aux mines
et aux pièges.
a) Les mines : Trois séries de restrictions ont été édictées concernant l'emploi
des mines :
i) Restrictions générales : l'article 3 contient une interdiction de principe d'uti-

(52) Voir le rapport précité de l'O.N.U. A/9215, vol. I, p. 207.


(53) Voir le livre de Jean-Louis Bbau, Les armes de la guérilla, Balland, 1974, p. 113
et s., qui donne des indications techniques précises.
(54) Ce qui pose encore de très nombreux problèmes notamment en Libye : à l'initiative
de cet Etat, une Conférence d'experts s'est réunie à Genève en avril 1981 pour en débattre,
sous les auspices de l'U.N.I.T.A.R.
(55) Voir Rousseau, Chronique des faits internationaux, R.G.D.IJP., 1973, p. 825.
(56) La délégation française à cette Conférence fut la seule à y faire allusion, sans
provoquer de réaction de la part de la délégation soviétique : Le Monde, 24 septembre 1980.
(57) Portant sur les principes de l'enregistrement des champs de mines, des mines et
des pièges, adoptée à l'initiative de la délégation marocaine, qui joua un rôle très important
et constructif dans l'élaboration de ce Protocole.
140 LA CONVENTION DU 10 AVRIL 1981

User les mines, les pièges et autres dispositifs contre les civils, et ce en toutes
circonstances. Elle est assortie d'une prohibition de l'emploi sans discrimination de
ces armes, la non-discrimination désignant la mise en place en dehors d'un objectif
militaire ou dont on peut attendre incidemment des pertes ou des blessures chez
les civils, des dommages aux biens de caractère civil (58). Toutes les précautions
possibles doivent être prises pour protéger les civils des effets de ces armes (59) .
ii) Restrictions à l'emploi de mines autres que les mines mises en place à
distance, de pièges et autres dispositifs dans les zones habitées : l'article 4 interdit leur
emploi dans de telles conditions mais avec deux dérogations alternatives importantes,
soit que ces armes soient placées sur un objectif militaire adverse, ou à proximité
immédiate, soit que les civils soient informés de leur présence.
iii) Restrictions à l'emploi de mines mises en place à distance : l'article 5
correspond manifestement à une donnée de la seconde guerre d'Indochine, où les
Etats-Unis recoururent à ce type d'armes. L'interdiction de principe est assortie de
deux dérogations cumulatives, ce qui revient à autoriser ces armes contre un
objectif militaire, à condition que leur emplacement soit enregistré avec exactitude
et qu'elles soient équipées d'un mécanisme efficace de neutralisation (60) . Les civils
doivent être avisés de leur lancement à moins que les circonstances ne le permettent
pas (61) , ce qui n'est pas très contraignant...
b) Les pièges : L'article 6 interdit l'emploi, en toutes circonstances, de pièges
ayant l'apparence d'objets portatifs inoffensifs ou attachés ou associés à des
personnes (62) ou à des objets (63). Elle est complétée par une autre interdiction plus
large, celle d'employer des pièges conçus pour causer des blessures inutiles ou
des souffrances superflues.

2. L'enregistrement et la publication de l'emplacement.

L'article 7 a trait d'une part au principe de l'obligation de l'enregistrement,


d'autre part à ses effets, la publication.

a) Le principe : L'enregistrement est obligatoire pour les champs de mines


préplanifiés et pour les zones où des pièges ont été mis en place à grande échelle
et de façon planifiée (§ 1), mais une obligation de comportement très souple pèse
seulement sur les parties pour les autres champs de mines, mines et pièges,
puisqu'il leur est seulement demandé de s'efforcer de faire enregistrer cet emplacement
(§2).

b) Les effets : A supposer que les parties au conflit aient conservé ces enre-

(58) Le § 3 c) de l'article 3 reprend mot à mot ce qui figure dans l'article 57 § 2 b)


du Protocole I de 1977 intitulé « précautions dans l'attaque ».
(59) Le Protocole va plus loin que le Protocole de 1977 en définissant qu'il faut
entendre par c précautions possibles » (§ 4) .
(60) Par autodéclenchement ou par télécommande.
(61) Le § 2 de l'article 5 reprend presque mot pour mot le § 2 c) de l'article 57 précité
du Protocole I de 1977.
(62) Blessés, malades ou morts : c'est l'occasion de définir concrètement au passage
la perfidie comme l'usage d'une arme d'une manière qui place la victime désignée dans
un obligation juridique, morale ou humanitaire d'agir en mettant en danger sa sécurité.
La perfidie est interdite par l'article 37 du Protocole I de 1977.
(63) On peut se demander si la longue liste ici donnée est exhaustive ou simplement
exemplative. Elle comprend aussi bien les jouets d'enfants que les carcasses d'animaux
mais ne mentionne pas les lettres et paquets-postaux.
SUR LES ARMES A EFFETS TRAUMATIQUES 141

gistrement(64), le texte finalement adopté est en retrait par rapport au projet


initial. L'échange des documents d'enregistrement après la cessation des hostilités
actives n'est plus obligatoire que dans le cas où il n'y aura plus de forces d'aucune
des parties sur le territoire de la partie adverse (65) . Cette information doit être
communiquée au Secrétaire Général de l'O.N.U. et celui-ci a fait savoir
officiellement qu'il s'estimerait libre d'utiliser ces renseignements comme bon lui semblerait,
le texte du Protocole ne précisant pas ce que devrait être son comportement en ce
cas (66) . De plus, les parties doivent prendre toutes les mesures « nécessaires et
appropriées» pour protéger les civils. Il leur est enfin demandé d'assurer la
publication de ces renseignements, dans toute la mesure du possible, par accord mutuel.
Seule l'expérience permettra de tester le degré de réalisme de telles obligations, qui
pour des raisons aussi bien matérielles (difficulté d'enregistrement) que
psychologiques (manque de confiance entre les parties qui viennent de cesser les combats),
peuvent s'avérer singulièrement aléatoires dans leur application.

3. La protection des forces et missions de VO.N.U.

Leur protection varie selon la nature de leurs fonctions :


i) S'agissant d'une force ou mission de maintien de la paix, d'observation ou
exerçant des fonctions analogues dans une zone de conflit, l'article 8 § 1 énonce
que si le chef de ladite mission ou force le demande, chaque partie doit, dans la
mesure où elle le peut, ce qui naturellement atténue beaucoup la portée de cette
obligation, enlever ou rendre inoffensifs tous les pièges ou mines dans la zone
qu'elle occupe, prendre les mesures qui peuvent être nécessaires pour protéger la
force ou la mission contre les effets des champs de mines, mines et pièges, pendant
qu'elle s'acquitte de ses fonctions. L'alinéa c) du même paragraphe ajoute qu'elle
doit mettre à la disposition du chef de la force ou de la mission tous les
renseignements en sa possession concernant l'emplacement des champs de mines, des
mines et pièges se trouvant dans cette zone, obligation déjà formulée dans l'article 7
précité § 3 b). Toutefois on peut se demander s'il n'y a pas une éventuelle source
de difficultés dans le fait que ce dernier texte fait peser l'obligation de
renseignement sur les parties sans exiger une initiative du chef de force ou de la mission,
alors que l'article 8 § le) fait dépendre cette obligation d'une telle démarche
préalable (67).
ii) S'agissant d'une mission d'enquête dans une zone de conflit, l'article 8 § 2
impose à la partie concernée de lui fournir une protection sauf si elle n'est pas en
mesure de le faire d'une manière satisfaisante « en raison du volume de cette
mission», paramètre bien imprécis qui pourrait alimenter nombre de controverses...
En ce cas elle est tenue à une obligation de moyen et non pas de résultat, qui se
ramène à la communication des renseignements dont elle dispose sur
l'emplacement des champs de mines, mines et pièges dans ladite zone.

(64) Ce qui incite à faire cette réserve c'est la présence à deux reprises dans le § 3 a)
de cet article de la formule c renseignements en leur possession ». H se peut que des raisons
de force majeure, telles que perte, destruction, altération, situation de déroute, n'aient pas
permis aux unités engagées de conserver ces documents, qui pour des causes indépendantes
de leur volonté ne seront pas ou plus en possession des parties...
(65) La délégation yougoslave s'opposera à toute référence à une situation de territoire
occupé, ce qui fut considéré par les délégations suisse, autrichienne et finlandaise comme une
diminution de la protection humanitaire.
(66) A/Conf. 95/8 du 8 octobre 1979, p. 24, document 3.
(67) II faut souhaiter que cette divergence dans les textes ne soit pas un jour à l'origine
d'une nouvelle affaire sur la réparation des dommages subis au service de 1'O.N.U....
142 LA CONVENTION DU 10 AVRIL 1981

4. Coopération internationale pour l'enlèvement des champs de mines, des mines


et des pièges.

C'est à l'initiative de la délégation marocaine qu'a été élaboré et adopté


l'article 9, aux termes duquel, les hostilités actives ayant pris fin, les parties
s'efforceront de conclure un accord entre elles, non seulement pour se
communiquer des renseignements, mais également pour s'accorder une assistance technique
et matérielle, pouvant aller jusqu'à l'organisation d'opérations conjointes, afin
d'enlever ou de neutraliser les champs de mines, les mines et les pièges mis en place
pendant le conflit. Le concours d'autres Etats (68) et d'organisations internationales
est prévu.
Ce texte est très en retrait par rapport à une proposition de la délégation
libyenne (69) , présentée lors de la conférence préparatoire, qui prévoyait non
seulement une stricte obligation de fournir l'assistance technique nécessaire pour
procéder à ce travail, mais réservait la possibilité de demander réparation et surtout
voulait qu'elle s'appliquât aux champs de mines, aux mines et aux pièges encore
en place au moment de l'entrée en vigueur de la Convention (70) . Au nom du
principe de la non-rétroactivité du droit, les délégations de la R.F.A., du Royaume-
Uni et de l'Italie s'opposèrent à cette initiative, pour des raisons qu'il n'est pas
nécessaire de développer (71).

C. Le Protocole III sur les armes incendiaires.

Tant pendant la seconde guerre mondiale que dans les conflits armés
postérieurs, les armes incendiaires ont été fréquemment et abondamment utilisées, aussi
bien comme armes anti-personnel que comme armes anti-matériel (72) . L'opinion
publique internationale a été notamment sensibilisée par l'usage du napalm lors de
la seconde guerre du Vietnam (73) en raison des ravages dont des non-combattants
furent trop souvent les innocentes victimes. Au risque de donner au lecteur
l'impression de se répéter, il faut une fois encore dire que deux tendances s'affrontèrent
ici, l'une, ayant pour chef de file le Mexique, voulant interdire complètement les
armes incendiaires, l'autre, représentée par les Etats-Unis, n'acceptant qu'une
interdiction sélective et en tout cas limitée aux civils (74) . Les positions étant de part et
d'autre assez figées, la négociation ne se « débloqua » qu'au milieu de la seconde
session de la Conférence sur le fond, lorsque les Etats-Unis, suivis quelques jours

(68) Ce qui s'est passé pour le c nettoyage » du canal de Suez après la guerre d'octobre
1973, auquel participèrent les Etats-Unis, le Royaume-Uni, la France et l'Union Soviétique;
R.&D.I.P., 1975, p. 1116.
(69) Voir le texte iri A/Conf. 95/8 du 8 octobre 1979, p. 19, n° 14.
(70) En réalité du Protocole puisque les dates d'entrée en vigueur de la Convention et
des Protocoles peuvent ne pas coïncider (article 5 § 2 et 3) .
(71) Voir supra note (54) .
(72) Voir le rapport précité établi par le secrétariat de l'O.N.U.. A/9215, vol. I, p. 155 et s.
(73) Voir également le rapport établi par le Secrétaire Général de l'O.N.U. sur le napalm
et les autres armes incendiaires, A/8803/Rev. 1, publication des N.U., 1973.
(74) La délégation marocaine fut l'une des seules délégations du Tiers-Monde à se
déclarer hostile à l'interdiction d'emploi contre les combattants, au nom des nécessités
militaires, en faisant valoir l'utilité de ces armes, leur efficacité comme moyen de guerre.
SUR LES ARMES À EFFETS TRAUMATIQUES 143

plus tard par l'Union Soviétique, assouplirent leur position, permettant le consensus
sur ce protocole. Celui-ci ne comprend que deux articles, l'un consacré aux
définitions, l'autre à la protection des civils et des biens de caractère civil.

1. Les définitions.

L'article 1 comprend cinq paragraphes donnant différentes définitions, mais nos


remarques se limiteront à ce qui a trait uniquement aux armes incendiaires (75) .
Les armes incendiaires sont définies à la fois positivement et négativement.
a) Par arme incendiaire, il faut entendre «toute arme ou munition
essentiellement conçue pour mettre le feu à des objets ou pour infliger des brûlures à
des personnes par l'action des flammes, de la chaleur ou d'une combinaison des
flammes et de la chaleur, que dégage une réaction chimique d'une substance lancée
sur la cible ».
Cette définition correspond de très près à celle élaborée... en 1974 lors de la
Conférence de Lucerne d'experts gouvernementaux, elle retient comme critère le
mode d'action des agents incendiaires plutôt que leurs caractéristiques propres.
Cette définition est complétée par l'énoncé d'une liste d'armes et de munitions
considérées comme étant par nature des incendiaires (76).
b) Ne sont pas en revanche des armes incendiaires, d'une part les munitions
pouvant avoir des effets incendiaires fortuits (77) , d'autre part les armes « à effets
combinés», c'est-à-dire les munitions combinant des effets de pénétration, de
souffle ou de fragmentation avec un effet incendiaire (78) , et les munitions
similaires à effets combinés où l'effet incendiaire ne vise pas expressément à infliger des
brûlures à des personnes mais doit être utilisé contre des objectifs militaires.

2. La protection des civils et des biens de caractère civil.

Elle est assurée dans l'article 2 de trois manières différentes, en fonction de


l'objet d'une éventuelle attaque.
a) Population civile, civils isolés, biens de caractère civil : l'interdiction
d'attaque par armes incendiaires est absolue (§ 1). C'est une confirmation des règles
énoncées dans les articles 51 et 52 du Protocole I de 1977.
b) Objectif militaire situé à l'intérieur d'une concentration de civils : une
sous-distinction a été introduite en fonction du vecteur utilisé pour une telle
attaque.
i) S'il s'agit d'une attaque par aéronef, l'interdiction est également absolue.
C'est sur ce point que la délégation américaine a fait une concession majeure en
admettant in fine une interdiction totale, par toutes les armes incendiaires, après
avoir voulu la limiter aux armes à flamme, dont le napalm est l'une des
principales. Ce revirement prit de court la délégation soviétique, qui reprit d'abord la

(75) Sont également définis, comme dans le Protocole II, les objectifs militaires, les
biens de caractère civil, en reprenant exactement ce qui figure dans le Protocole I de 1977,
plus les concentrations de civils, non définis en 1977, et les précautions possibles, également
définies dans le Protocole II sur les mines et les pièges.
(76) Lance-flammes, fougasses, obus, roquettes, grenades, mines, bombes et autres
conteneurs de substances incendiaires.
(77) Munitions éclairantes, traceuses, fumigènes ou systèmes de signalisation.
(78) Projectiles perforants, obus à fragmentation, bombes explosives.
144 LA CONVENTION DU 10 AVRIL 1981

thèse américaine, mais renonça in extremis à une position intransigeante, de nature


à lui valoir une « impopularité » certaine auprès du Tiers-Monde.
ii) S'il s'agit d'une attaque par d'autres vecteurs, le texte n'édicte qu'une
interdiction relative et ambiguë. En effet, la première condition posée pour que l'attaque
d'un objectif militaire situé à l'intérieur d'une concentration de civils soit licite est...
qu'il soit nettement à l'écart de cette concentration (79) . Peut-être faut- il se reporter,
pour comprendre cette contradiction, ou la lever, à la définition de la
concentration de civils, qui combine un élément fixe et permanent, les villes, villages habités,
bourgs, et un élément mobile et temporaire, les camps et colonnes de réfugiés ou
d'évacués ou les groupes de nomades. La seconde condition consiste à prendre toutes
les précautions possibles (80) pour limiter les effets incendiaires à l'objectif militaire
et à éviter et minimiser les pertes accidentelles en vies humaines parmi les civils,
les blessures aux civils, les dommages aux biens de caractère civil. Indiquons qu'une
fois de plus un «emprunt» a été fait au Protocole I de 1977, dont l'article 51 § 4
et 5 interdit ce genre d'attaque, considérée comme sans discrimination.

3. La protection des forêts et « autres types de couvertures végétale ».

Elle correspond à une préoccupation écologique manifestée depuis plusieurs


années et dans d'autres domaines (81) par l'Union Soviétique. Le Préambule de la
Convention rappelant qu'il est interdit d'utiliser des méthodes ou moyens de guerre
qui sont conçus pour causer, ou dont on peut attendre qu'ils causeront, des
dommages étendus, durables et graves à l'environnement naturel (82) , l'usage des armes
incendiaires est banni contre eux, à moins que ces éléments naturels ne servent à
couvrir, à dissimuler ou à camoufler des combattants ou d'autres objectifs militaires
ou constituent eux-mêmes des obejctifs militaires.

**
Au terme de cette étude, il est une question qui vient tout naturellement
à l'esprit, celle de savoir si une procédure de vérification a été instituée, ce
qui paraît logique dès lors que toute une série d'interdictions et de limitations
d'emploi ont été édictées. Le Protocole I de 1977 ayant prévu la création d'une
Commission internationale d'établissement des faits (83) , notamment compétente
pour enquêter en cas de violation grave, on aurait pu penser qu'il en serait de
même avec la présente Convention. Il n'en est rien, car lorsque pendant la seconde
session de la Conférence sur le fond, un certain nombre de délégations occidentales
présentèrent un projet d'article sur un comité consultatif d'experts, à l'iniative de
la R.F.A. (84), ce fut un échec. Ce projet, proche du système prévu par l'article V
de la Convention du 18 mai 1977 sur l'interdiction d'utiliser des techniques de
modification de l'environnement à des fins militaires, tendait à la création d'un

(79) Le projet initial exigeait qu'il fût à la fois distinct et à l'écart...


(80) C'est-à-dire « les précautions praticables ou qu'il est pratiquement possible de
prendre eu égard à toutes les conditions du moment, notamment aux considérations d'ordre
humanitaire et d'ordre militaire » (article 1 § 5) .
(81) Voir Fischer, la Convention du 18 mai 1977 sur l'interdiction d'utiliser des techniques
de modification de l'environnement à des fins hostiles, A.F.D.I. 1977, p. 820.
(82) Reprise mot pour mot de l'article 35 § 3 du Protocole I de 1977.
(83) Voir Dorandetj, Furet, Martinez, La guerre et le droit, op. cit., p. 239, et notre
étude, « La mise en œuvre des Protocoles de Genève de 1977 », R.D.P. 1979, p. 379.
(84) A/Conf. 95/WG/L.13 du 19 septembre 1980 : les coauteurs initiaux étaient la
Belgique, l'Irlande, les Pays-Bas et la RJ\A.; la France s'y associa ultérieurement.
SUR LES ARMES À EFFETS TRAUMATIQUES 145

comité d'experts désignés par les Etats parties à la Convention, compétent pour
enquêter sur toute situation préoccupante quant au respect de la Convention et des
Protocoles. Union Soviétique en tête, les délégations des Etats socialistes s'y
opposèrent en faisant valoir qu'il s'agissait d'une proposition trop tardivement présentée
pour être valablement discutée, alors que des problèmes pendants depuis deux ans
n'étaient pas encore réglés, ce qui eut pour effet immédiat de faire adopter à la
délégation chinoise une attitude plutôt positive vis-à-vis de ce document. Cette
lacune n'empêche pas de considérer l'adoption de cette Convention et des
Protocoles annexes comme un nouveau progrès substantiel du droit international
humanitaire applicable dans les conflits armés, du moins en ce qui concerne
essentiellement la protection des civils contre les effets des hostilités, sur la base de
principes formulés il y a bien longtemps, à une époque où l'on cherchait surtout à
éviter ou à alléger les souffrances des combattants. Mais il est bien connu que
dans les guerres contemporaines les pertes chez les civils sont généralement plus
lourdes que chez les combattants.
septembre 1981.

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