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2018 al-Maḥāsin wa-l-Masāwī - Brill Reference

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al-Maḥāsin wa-l-Masāwī

Encyclopédie de l’Islam

al-Maḥāsin wa-l-Masāwī
(3,744 words)

( .) «les qualités et les défauts», genre littéraire qui s’est


développé au cours des premiers siècles de l’hégire après Article Table of Contents
avoir pris sa source dans le patrimoine culturel
I.
arabomusulman, bien que certains chercheurs
(Inostranzev, Iranian in luence on Moslem literature, trad. II.
du russe par G. K. Nariman (Bombay 1918), 79-85; G.
Richter, Studien zur Geschichte des älteren arabischen
Furstenspiegel, Leipzig 1932, 37-8; H. Massé, Du genre littéraire débat en arabe et en persan, dans
CCM, IV (1961), 137; I. Muḥammadī, al-Adab al-fārisī fī ahamm adwārih wa-ashhar aʿlāmih,
Beyrouth 1967, 136-7) aient conclu, d’ailleurs hâtivement, qu’il s’inspire d’uii ancien modèle
iranien: shāyist na-shāyist (faste/néfaste). Cette époque a vu l’épanouissement du débat, déjà
connu chez les Arabes avant l’Islam (munāfarāt et mufākharāt: rivalité de gloire; voir al-
Sharīshī. Sharḥ Maḳāmāt al-Ḥarīrī, Caire 1952, III, 33, 55-6; M. Shukrī al-Ālūsī, Bulūgh al-arab,
Caire 1924, I, 278-307; A. al-Hāshimī, Ḏj̲awāhir al-adab, Caire 1969, I, 224-37, 237-54; Massé,
op.laud., 137-47; T. al-Ḥādjirī, al-Ḏj̲āḥiẓ. Caire 1962, 41-56; Sh. Dayf, al-ʿAṣr al-ʿabbāsī al-awwal,
Caire 1972, 457-64, al-ʿAṣr al-ʿabbāsī al-thānī, Caire 1975, 535-40; I. Gériès, Un genre littéraire
arabe, al-Maḥāsin wa-l-masāwī, Paris 1977, 6-12). L’on peut parler de deux types de débats.

I.
Débats théologiques (munāẓarat) où les Muʿtazilites excellent non seulement dans leur lutte
contre les autres sectes et religions, mais aussi dans leur dialectique interne, poussés, sans
doute, par l’admiration qu’ils vouent au raisonnement spécieux et in uencés par les sophistes
et les philosophes grecs en général. Ils se servent de la dialectique comme d’un instrument
d’analyse très e cace pour arriver à la vérité absolue, parmi les vérités relatives.

II.
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Débats profanes (mufākharāt, munāẓarāt) sur un grand nombre de sujets découlant de la


nouvelle civilisation chargée d’éléments contraires, notamment la rivalité entre Shuʿūbites et
partisans de la suprématie des Arabes, parmi lesquels se distingue al-Ḏj̲āḥiẓ (voir Gériès, op.
laud.). Les antagonistes furent nombreux. Certains d’entre eux cherchaient toutes les occasions
de débattre, même de questions banales, ce qui a conduit al-Ḏj̲āḥiẓ (K. al-Ḥayawān, I, 11-25, VII,
7-8) à les quali er d’aṣḥāb al-khuṣūmāt, en déclarant que lui-même n’en faisait point partie.

Cet état de choses ne pouvait manquer d’éveiller le doute sur la valeur réelle de toute idée et de
toute conception, surtout dans un milieu où le rationalisme et l’in uence grecque régnaient.
Cela devait in uencer les idées et la littérature, dans leur forme et leur contenu, surtout chez
les rationalistes et plus particulièrement chez al-Ḏj̲āḥiẓ.

Dans ses écrits, cet écrivain montre qu’il est celui qui connaît le mieux son milieu, ses aspects
et ses tendances contradictoires. Les caractéristiques de ce milieu rejoignent les idées acquises
de la philosophie grecque, et ce sont elles qui devaient mener al-Ḏj̲āḥiẓ à son idée-clé qui lui
permettra de répondre à la fois aux dualistes et aux Musulmans ¶ déterministes et qui sera
l’une des bases de sa doctrine: la relativité du bien et du mal dans ce monde et la nécessité de
leur coexistence pour l’optimum (al-aṣlaḥ) de la création et surtout pour l’être intelligent.

Le désir d’illustrer et de vulgariser sa conception relativiste du bien et du mal l’amène à


élaborer, à partir des controverses de son temps, un texte littéraire assez long où il est question
des qualités et des défauts du coq et du chien (maḥāsin al-dīk wa-masāwīh, wa-manā ʿ al-kalb
wa-maḍārruh). Il le présente au lecteur comme un débat entre deux Muʿtazilites de très haut
rang: al-Naẓẓām et Maʿbad. L’un préfère le coq et le défend (ṣāḥib al-dīk) et l’autre préfère le
chien et le défend (ṣāḥib al-kalb), tous deux violemment critiqués par un certain accusateur
(ʿāʾib) qui blâme aussi les deux animaux en énumérant leurs vices.

Il n’est pas di cile de prouver que c’est al-Ḏj̲āḥiẓ lui-même qui a créé ce débat novateur, en
cherchant à la fois les qualités et les défauts du coq et du chien et en sou ant en même temps
les répliques à l’accusateur (voir Gériès, op. laud., 27, 34). Il présente cette controverse à son
lecteur sous une forme littéraire très amusante et attirante. Il est le premier à o frir l’occasion
de lire dans un livre d’adab un texte aussi long renfermant les maḥāsin et les masāwī du sujet
traité. Al-Ḏj̲āḥiẓ ne se contente pas de parler du coq et du chien: il expose les qualités et les
défauts de bien d’autres sujets connus de son temps, tels le porc, le singe, l’eunuque et le feu
(Ḥayawān, IV, 36, I, 106-77, IV, 35, V, 5; Gériès, 44-5, 53-4).

Il veut convaincre son lecteur, à l’aide de ces exemples, que tout est relatif. Cela, souhaite-t-il,
facilitera sa tâche lorsqu’il exposera et expliquera en théorie et logiquement, au cours des
textes littéraires traitant des maḥāsin et des masāwī du coq et du chien, sa thèse sur la relativité
du bien et du mal par rapport aux créatures et la nécessité de leur coexistence, prouvant par là
qu’ils sont intrinsèquement bons, par rapport à la création et en tant qu’œuvres de Dieu. Cela
lui permet à la fois de détruire la thèse dualiste et de prouver deux des principes muʿtazilites
fondamentaux: al-tawḥīd et al-taʿdīl (l’unité et la justice divines) avec tout ce qui en découle
logiquement, et surtout le libre arbitre (voir I. Gériès, Quelques aspects de la pensée muʿazilite
d’al-Ğāḥiẓ, dans SI, LII (1980), 73-5). Cet exposé philosophique est présenté, il faut le souligner,
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comme une réponse directe d’al-Ḏj̲āḥiẓ aux attaques dirigées par l’accusateur contre les deux
Muʿtazilites pour avoir discuté des qualités et des défauts du chien et du coq (Ḥayawān, I, 203-
4; cf. Gériès, 35-54).

La méthode qui consiste à louer et à blâmer un objet quelconque n’est donc qu’une évolution
logique et naturelle du débat, grâce à la contribution d’al-Ḏj̲āḥiẓ qui voulait s’en servir dans un
but théologique. C’est pourquoi l’a rmation de l’existence du bien et du mal (maḥāsin et
masāwī) dans toute chose revêt, chez lui, une signi cation philosophique et théologique: tout
est relatif et tout est important, et chaque création a sa place: c’est dans ce sens qu’il faut
comprendre le K. al-Ḥayawān qui traite de di férents éléments méprisables de la création, de la
sagesse qu’ils renferment et de leur importance pour l’optimum du monde. De même, il traite,
dans ses livres et ses épîtres, des di férents groupes sociaux, soulignant le rôle important et
indispensable que chacun joue et concluant que tout groupe social a sa place (Ḥayawān, I, 43-
4, 204-10; al-Maʿāsh wa-l-maʿād, ¶ dans Rasāʾil al-Ḏj̲āhiz. éd. Hārūn, Caire 1964, I, 117; cf. Gériès,
44-54). Cette pensée trouve son application dans l’éthique djāḥiẓienne qui nous rappelle dans
ses principes l’éthique aristotélicienne (voir Gériès, 54-7).

La composition de textes littéraires comportant louange et blâme d’un même objet n’est donc
pas, chez al-Ḏj̲āḥiẓ, un jeu gratuit sans signi cation qui cherche seulement à prouver les
capacités verbales d’un habile avocat. Cependant, cela ne peut être compris que par une étude
approfondie de l’ensemble de l’œuvre djāḥiẓienne et surtout du K. al-Ḥayawān, dont les
lecteurs semblent avoir été attirés ou choqués et même scandalisés par la forme et le contenu
de ces textes. Al-Ḏj̲āḥiẓ a acquis aussitôt, dans ce domaine, une renommée qui se traduit tant
par des attaques très violentes de certains écrivains postérieurs (Ibn Ḳutayba, Taʾwīl mukhtalif
al-ḥadīth, trad. fr. G. Lecomte, Damas 1962, 73), que par l’imitation de sa méthode, sans
toutefois que ses imitateurs la chargent de la signi cation philosophique et théologique,
incomprise, qu’elle impliquait.

Suivant les époques auxquelles furent composés les ouvrages adoptant la structure
caractéristique de certains écrits d’al-Ḏj̲āḥiẓ, le contenu et la forme varieront, subissant
l’in uence du milieu ambiant et in échie par les courants dominants.

Un de ces écrivains qui semble être le plus attiré par la méthode djāḥiẓienne est Ibrāhīm b.
Muḥammad al-Bayhaḳī (IIIe-IVe/IXe-Xe siècle), auteur d’un assez gros livre d’adab intitulé al-
Maḥāsin wa-l-masāwī (éd. Schwally, Giessen 1902; éd. Abū l-Faḍl Ibrāhīm, Caire 1961). Al-
Bayhaḳī est méconnu des biographes arabes anciens; tout ce que l’on peut ajouter à ce qui a été
dit dans l’article -B de l’EI2 , c’est qu’il était shīʿite modéré (zaydite) et qu’il a gravi les
échelons jusqu’à être nadīm (compagnon) des grands. Ibn al-Rūmī, qui permet cette assertion,
composa plusieurs satires (hidjāʾ) contre lui (voir Gériès, 74-9; Ibn al-Rūmī, Dīwān, éd. M. Sh.
Sālim, Beyrouth s.d., II, 28-9, éd. K. Kaylānī, Caire 1924, 202-6, poème n° 233; R, Guest, Life and
works of Ibn Er-Rumi, Londres 1944, 29, 133; S. Boustany, Ibn ar-Rūmī, sa vie et son œuvre,
Beyrouth 1967, index).

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Les sujets dont traite le K. al-Maḥāsin wa-l-masāwī et les idées qu’il expose ne di fèrent guère
de ceux d’Ibn Ḳutayba dans les ʿUyūn al-akhbār, exception faite des tendances politico-
religieuses qui transparaissent dans la première partie (voir Gériès, 80-3). Ce qui rend ce livre
unique et di férent des autres ouvrages d’adab, c’est précisément la méthode selon laquelle
l’écrivain traite ses sujets et sa façon de révéler au lecteur ses sentiments à leur égard (ibid., 79-
89). Chaque chapitre (bāb) se divise en deux sections opposées: maḥāsin de …/ masāwī de …
La mise en opposition concerne soit un seul et même objet possédant des qualités et des
défauts (par ex. maḥāsin al-faḳr/masāwī l-faḳr: la pauvreté; voir al-Maḥāsin wa-l-masāwi, 98-
107, 170-8, 297-307, 364-73, 386-92, 464-9, 599-605, 609-12, 619-22; cf. Gériès, 87-9), soit, le plus
souvent, deux objets, dont l’un est positif, louable et plein de qualités, et l’autre négatif,
blâmable, plein de défauts (maḥāsin al-rasūl/masāwī man tanabbaʾa, maḥāsin al-
shidda/masāwī l-djubn: le Prophète/faux prophètes, courage/ couardise (voir 16-34, 111-32, 518-
22; Gériès, 85-7).

Ainsi, les termes maḥāsin/masāwī n’ont pas une signi cation unique; dans la première
catégorie, ils signi ent qualités/défauts, bons/mauvais exemples, louange/blâme; dans la
seconde: bon, positif, ¶ vertueux, convenable, louable, mérites et qualités de ce qui est ḥasan
(bon)/mauvais, négatif, vicieux, inconvenant, blâmable, vices défauts de ce qui est ḳabīḥ
(mauvais).

Dans son introduction (16; cf. Gériès, 91-3), qui n’est dans l’ensemble qu’une compilation de
propos d’al-Ḏj̲āḥiẓ faisant l’éloge des livres et de l’écriture, al-Bayhaḳī s’explique sur les motifs
qui l’ont amené à intituler ainsi son livre et partant à suivre cette méthode d’exposition. Il dit: «
Nous l’avons intitulé al-Maḥāsin wa-l-masāwī parce que l’intérêt optimal du monde, des
origines jusqu’à la n des temps, réside dans la coexistence du bien et du mal, du nuisible et de
l’utile, de l’aimable et du haïssable. Car si le mal existait seul, les créatures s’anéantiraient. Et,
s’il y avait uniquement le bien, l’épreuve disparaîtrait et le raisonnement n’aurait plus cours ... ».

Cette explication n’est autre que le début de l’exposé philosophique présenté par al-Ḏj̲āḥiẓ
dans le K. al-Ḥayawān comme réponse à l’accusateur. Al-Bayhakī, bien qu’il n’en reproduise que
les premières lignes et semble se détacher de son but théologique, atteste par là que c’est
justement le K. al-Ḥayawān et la justi cation du débat avancée par al-Ḏj̲āḥiẓ qui l’inspirent. Il
présente dans son livre le moment historique de la transformation d’une démarche logique,
elle-même apparaissant déjà sous une forme littéraire typique de l’adab en un genre littéraire
indépendant (voir Gériès, 91-7, 151).

Cependant, al-Bayhakī, comme nous l’avons vu, n’applique pas dans la majorité des cas le
procédé djāḥiẓien consistant à louer et à blâmer un objet ou un sujet quelconque; il le déforme
chaque fois que son intérêt idéologique risque d’en pâtir, se servant des termes maḥasīn et
masāwī pour annoncer déjà dans les titres des chapitres ses sentiments, ses attitudes vis-à-vis
des sujets traités.

Les critères qui lui imposent ses sujets et lui dictent ses positions sont: ses principes
politicoreligieux, les principes moraux et les tendances socioculturelles et littéraires, déjà xés
par al-Ḏj̲āḥiẓ et Ibn Kutayba dans l’adab du IIIe/IXe siècle et dont les livres sont ses sources
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principales (voir Gériès, 79-89).

L’auteur d’al-Maḥāsin wa-l-masāwī étaye sa pensée et ses jugements déjà exprimés dans les
titres à l’aide de morceaux choisis de l’adab qui les illustrent: citations en prose et en vers,
anecdotes, longues narrations et traditions (maḥāsin al-akhbār wa-ẓarāʾif al-āthār, selon son
expression). A l’exception des titres, qui sont le seul re et de sa pensée, il n’intervient
absolument pas dans le texte.

A la lecture du livre d’al-Bayhaḳī, nous nous trouvons devant un manifeste de philosophie


pratique d’un homme d’adab zaydite du IVe/Xe siècle. Et c’est sans doute grâce à la méthode
d’opposition bien/mal que nous pouvons arriver à le découvrir, bien que, pour d’autres, qui ne
semblent pas avoir approfondi l’étude de cet ouvrage, cette méthode exclue la position réelle
de l’auteur et signi e pour eux: louer et blâmer (thèse et antithèse) un même objet (voir A.
Ḍayf, al-ʿAṣr al-ʿabbāsī al-thānī, 540-7; Gériès, 90, n. 2).

Cette fausse interprétation est sans doute due au fait que, dans un grand nombre de chapitres,
l’opposition des deux sections est fonction des termes antonymes maḥāsin et masāwī et non
pas des sujets traités, ce qui porte à croire qu’il s’agit là du procédé djāḥiẓien consistant à louer
et blâmer toute chose.

Cette fausse interprétation de l’opposition maḥāsin/masāwī n’est pas nouvelle. Elle apparaît
déjà chez ¶ le pseudo-Ḏj̲āḥiẓ, al-Maḥāsin wa-l-aḍdād (éd. G. van Vloten, Leyde 1898; trad.
allemande par O. Rescher, II, Über guten und schlechten Seiten der Dinge, Stuttgart, 1922, I, Das
K. al-Maḥāsin wa-l-masāwī, Constantinople 1926; le texte arabe a été réimprimé au Caire en
1324 et à Beyrouth en 1969). Cet auteur, qui semble avoir une bonne connaissance d’al-Ḏj̲āḥiẓ,
est le premier à imiter al-Bayḥakī, allant jusqu’à reproduire une grande partie de son livre. En
e fet, la première partie d’al-Maḥāsin wa-l-aḍdād se trouve chez al-Bayhaḳī, mais d’une façon
plus complète et plus exacte et correcte (voir l’introd de van Vloten p. IX-X, XIV; cf. Gériès, 102-
10, 112-15). L’auteur anonyme ne reproduit aucun des chapitres traitant des sujets politico-
religieux qui re ètent les tendances d’al-Bayhaḳī. Les modi cations introduites par lui aux
chapitres et aux passages plagiés attestent qu’il n’a pas bien compris la méthode suivie par cet
auteur et qu’il a été plutôt séduit par le procédé djāḥiẓien qui consiste à louer et à blâmer.

Il a notamment substitué à masāwī le terme ḍidduhu (son contraire). Ainsi l’opposition est
chez lui: maḥāsin de …/ḍidduhu. Cela veut dire qu’il oppose systématiquement aux sous-
chapitres ma-ḥāsin de … leurs contraires, sans laisser deviner au lecteur s’il trouvera sous le
titre ḍidduhu le blâme du même sujet loué sous le titre maḥāsin (bons côtés/mauvais côtés du
sujet) ou un sujet antithétique de celui qui a été loué (louange du bon et du convenable/blâme
du mauvais et de l’inconvenant). Ainsi, dans l’exemple maḥāsin al-wafāʾ/ḍidduhu (70-6), il est
di cile de deviner s’il s’agit de «louange de la délité/blâme de la délité» ou bien de «louange
de la délité/blâme de l’in délité», ce qui est dû à l’ambiguïté du pronom -hu dans ḍidduhu.
Cela vient s’ajouter au fait que le livre est attribué à al-Ḏj̲āḥiẓ, pour créer chez le lecteur le
sentiment qu’il est devant la méthode djāḥiẓienne consistant à louer et à blâmer toute notion
et qu’il ne s’agit là que d’un simple jeu littéraire. C’est, semble-t-il, la conception que l’auteur
anonyme avait de cette méthode.
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C’est pourquoi il faut se garder de lui attribuer les mêmes intentions, les mêmes mobiles que
ceux d’al-Bayhaḳī. Ce qui l’attire, outre la méthode d’opposition, ce sont les sujets et les textes
littéraires divertissants. Le désir de distraire et de divertir transparaît encore mieux dans la
deuxième partie de son livre, qui n’est pas empruntée à al-Bayhaḳī, mais à d’autres sources (voir
introd. de van Vloten, p. XII-XIV; Gériès, 116-18). Ici, à l’exception des deux derniers chapitres
traitant des fêtes persanes et des cadeaux, il est principalement question des femmes: les
femmes célèbres à divers titres, leur beauté, exemples d’intrigues galantes, leur délité et leur
in délité, leurs ruses et leurs relations avec les hommes, etc.

Cependant, l’auteur n’applique la méthode d’opposition que dans cinq des vingt-et-un sujets
abordés dans cette partie du livre, et il se contente, dans les autres, de présenter les maḥāsin
(qui signi e ici: les beaux exemples ou les beautés) des sujets traités.

Ces deux signi cations de l’opposition caractérisent la plupart des chapitres d’al-Bayhaḳī.
L’auteur anonyme n’a donc enrichi d’aucune innovation la méthode même d’opposition;
cependant, il a varié les thèmes abordés, mettant l’accent sur des sujets amusants, piquants et
même erotiques, ce qui rapproche beaucoup plus son livre des belles-lettres que celui d’al-
Bayhaḳī.

L’aspect littéraire et distrayant qui caractérise al-Maḥāsin wa-l-aḍdād, son titre comme ceux de
la plupart de ses chapitres et le fait qu’il porte le nom d’al-Ḏj̲āhiẓ contribuent à accentuer
l’impression que l’on a a faire à la méthode qui loue et blâme toute notion et cela accroît la
renommée acquise par lui dans ce domaine.

Cette célébrité semble très répandue au IVe/Xe et au Ve/XIe siècles, ce qui se traduit par
l’attribution frauduleuse à al-Ḏj̲āḥiẓ d’une épître (éd. Pellat, dans Machriq, 1956, 70-78; cf.
Gériès, 120-5) portant le titre de Fī dhamm al-ʿulūm wa-madḥihā (blâme et louange des
sciences). Son auteur applique systématiquement la méthode djāḥiẓienne originale; tour à
tour, il blâme et loue plusieurs sciences et professions à l’aide de phrases de waṣf (description
et évaluation) en prose rimée qu’il tire des livres d’adab, y compris ceux d’al-Ḏj̲āḥiz. L’analyse
de l’épître montre que cet auteur est séduit par les e fets de style et de forme de cette méthode
et non pas par ses signi cations philosophiques et théologiques, attitude tout à fait
caractéristique de son époque.

Cette même préoccupation se retrouve peu après chez l’un des auteurs les plus féconds du
Ve/XIe siècle, Thaʿālibī. Vivant dans un siècle où la prose rimée et toute recherche systématique
de formalisme et de virtuosité ont orienté la culture arabe et dans un milieu dont la seule
préoccupation est la recherche des formes et des formules harmonieuses pour exprimer toute
pensée, il trouve que là méthode djāḥiẓienne est le meilleur procédé pour présenter ce dont le
kātib (scribe et fonctionnaire) et l’adib («honnête homme») de son époque avaient besoin dans
leur vie professionnelle et dans leurs rencontres: clichés de belles phrases, bien construites et
vers, qui portent sur les sujets principaux de l’adab et expriment les deux attitudes opposées
que les gens peuvent avoir envers eux ou plus exactement que l’adab avait déjà envers eux.

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A cet e fet, al-Thaʿālibī. dans ses deux livres identiques: al-Ẓarāʾif wa-l-laṭāʾif fī l-aḍdād et
Yawāḳīt baʿḍ al-mawāḳīt fī madḥ kull shayʾ wa-dhammih (qu’un certain Aḥmad b. ʿAbd al-
Razzāḳ ¶ al-Makdisī a réunis en un seul, publié plusieurs fois à Bagdad et au Caire; nous avons
utilisé l’édition du Caire de 1324), traite chacun des quatre-vingts sujets abordés dans un
chapitre divisé en deux: madḥ …/dhamm ...; dans la première partie, il donne des citations
élégantes, à la louange dudit sujet, et dans la deuxième, il en donne qui le blâment (par
exemple: madḥ/dhamm al-ʿaḳl, la raison, — al-ghinā, la fortune, etc.; 16-18; cf. Gériès, 122, 126-
39).

Cette préoccupation primordiale de l’auteur exclut les anecdotes et les longues narrations qui
caractérisent le livre d’al-Bayhaḳī et le pseudo-Ḏj̲āḥiẓ. Pour al-Thaʿālibī, louer et blâmer tout
sujet, c’est faire preuve de virtuosité et témoigner d’un grand talent (balāgha), ainsi que d’une
connaissance approfondie du patrimoine littéraire arabe (18). C’est pourquoi il compose,
suivant cette méthode, quelques livres dans lesquels il se répète, allant jusqu’à reproduire les
mêmes thèmes et les mêmes citations dans deux d’entre eux, tout en donnant à chacun d’eux
un titre di férent. En outre, il les dédie à deux personnes di férentes, non sans prétendre dans
l’introduction de chacun d’eux qu’il invente dans ce livre ce que personne n’a fait avant lui (2-4;
cf. Gériès, 132-3).

Par ailleurs, il reproduit une bonne partie des matériaux déjà présentés dans ces livres dans un
troisième qu’il intitule: al-Taḥsīn wa-l-taḳbīḥ (ms. Istanbul, Rāghib Pasha, 1473, Faizullah 2133;
édition du texte en préparation), et dans lequel l’opposition est présentée sous une nouvelle
forme: il loue ce qui est généralement reconnu comme mauvais et blâme ce qui est
généralement reconnu comme bon, voulant, vraisemblablement, une fois de plus, présenter un
livre qui puisse paraître comme unique et nouveau dans son genre.

Dans ces trois livres d’al-Thaʿālibī, rien ne permet d’a rmer que cet auteur connaissait
l’ouvrage d’al-Bayhaḳī ou le pseudo-Ḏj̲āḥiẓ. En revanche, c’est l’in uence directe et indirecte de
l’œuvre djāḥiẓienne qui paraît s’exercer sur lui et le pousser à suivre la méthode consistant à
louer et blâmer toute notion (voir Gériès, 138-41).

L’un des livres d’al-Thaʿālibī a été abrégé en manière de divertissement par un certain Shihāb
al-dīn al-Ibshīrī, qui présente son travail (inédit, nous en connaissons un seul manuscrit,
conservé à Leyde, Or. 1454) comme l’abrégé du K. al-ʿUmda fī madḥ al-shayʾ wa-ḍiddihi; il s’agit
probablement du Yawāḳīt, dont l’une des copies aurait porté ce nom, conservé par al-Ibshīrī
(voir Gériès, 141-2).

Le procédé consistant à louer et à blâmer toute chose qui est devenu synonyme de
manifestation de talent littéraire se rencontre chez plusieurs auteurs d’abab postérieurs à al-
Thaʿālibī, qui l’appliquent çà et là dans leurs livres. Ainsi, al-Azdī dans la Ḥikāyat Abī l-Ḳāsim
(éd. Mez, Heidelberg 1902, 21-6, 105-6) et al-Ḥarīrī dans ses Maḳāmāt (al-maḳāma al-dīnāriyya,
27-30 de l’éd. du Caire 1326).

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11.12.2018 al-Maḥāsin wa-l-Masāwī - Brill Reference

L’un de ces auteurs, Ḏj̲amāl al-dīn al-Waṭwāṭ (631-718/1234-1318) semble le plus attiré par la
méthode d’al-Thaʿālibī sous ses deux formes: louer/ blâmer et louer ce qui est mauvais, blâmer
ce qui est bon (voir Gériès, 145-8). II applique systématiquement cette méthode tout au long de
son ouvrage d’adab (Ghurar al-khaṣāʾiṣ al-wāḍiḥa, wa-ʿurar al-naḳāʿiṣ al-fāḍiḥa, Caire
1318/1900), traitant seize thèmes d’éthique: huit vertus (khiṣāl) et leurs contraires (naḳāʿiṣ).
Chacun des huit premiers chapitres est subdivisé en trois parties: — 1. Louange de la vertu à
l’aide de textes choisis; — 2. Anecdotes, récits et poésie sur des personnages doués de cette ¶
vertu ou qui sont devenus célèbres pour l’avoir manifestée; — 3. Blâme de la vertu. De même,
chaque chapitre des naḳāʾiṣ est subdivisé en trois parties: — 1. Blâme du vice; — 2. Anecdotes,
récits et poésie sur des personnages a igés de vice ou qui sont devenus célèbres pour l’avoir
manifesté; — 3. Louange du vice.

Il traite ainsi, à l’aide de morceaux choisis, les principaux thèmes éthiques, faisant preuve d’une
bonne connaissance des attitudes ambivalentes exprimées dans l’adab vis-à-vis des vertus et
des vices en question, attitude due, non pas seulement à la pensée aristotélicienne qui se
dégage de l’éthique djāḥiẓienne, mais aussi à la contradiction des tendances et des conceptions
rencontrées au sein de la civilisation islamique et qui ont été exprimées dans les écrits des
auteurs d’adab, dès l’époque d’al-Ḏj̲āḥīẓ et d’Ibn Ḳutayba, précisément à l’aide de ce procédé
consistant à exposer les qualités et les défauts du sujet traité (voir G. Lecomte, Ibn Qutayba,
Damas 1965, 462-5; Gériès, 65-6).

Ce genre littéraire a, sans doute, attiré bien d’autres écrivains, mais à l’heure actuelle, leurs
ouvrages ne nous sont pas encore connus.

Bibliography

Dans le texte.

(I. Gériès)

Cite this page

Gériès, I., “al-Maḥāsin wa-l-Masāwī”, in: Encyclopédie de l’Islam. Consulted online on 11 December 2018
<http://dx.doi.org/10.1163/9789004206106_eifo_COM_0616>
First published online: 2010

https://referenceworks.brillonline.com/entries/encyclopedie-de-l-islam/al-mahasin-wa-l-masawi-COM_0616 8/8

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