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Pourtant, l’oral est souvent considéré comme un code secondaire et son étude a longtemps
été négligée. La place de l’oral et de l’écrit n’est cependant pas du tout la même dans notre
compétence langagière. L’écrit est un autre mode d’énonciation, avec ses propres règles.
La question de l’apprentissage
S’exprimer à l’écrit ne consiste pas à simplement retranscrire le langage parlé : il s’agit de
rendre un contenu sous une forme très différente, soumise à des contraintes lexicales,
syntaxiques et discursives qui lui sont propres. Besoin de bien connaître les spécificités de l’oral
et de l’écrit pour enseigner tous les niveaux de la compétence rédactionnelle.
Côté lexique, les deux modalités partagent la grande majorité des unités, mais le recouvrement
n’est pas complet. Côté grammaire, on a l’impression que certaines règles syntaxiques
communément utilisées à l’écrit ne sont pas respectées à l’oral : grande différence entre l’oral
et l’écrit au niveau de la construction des énoncés.
Les outils d’analyse conçus essentiellement à partir de l’écrit sont inadaptés à la description de
la langue parlée : les unités d’analyse syntaxique comme la phrase sont-elles pertinentes ?
La phrase simple canonique est une unité linguistique constituée par une structure
formelle bipartite centrée sur un prédicat verbal et ses arguments, véhiculant une
proposition douée de sens, et pourvue d’une intonation spécifique.
Les mots de la phrase sont organisés en groupes qui entretiennent entre eux des liens
morphologiques, sémantiques et syntaxiques les plus variés : l’un d’eux renvoie à une entité
dont on parle (SN) et l’autre dit quelque chose à propos de cette entité (SV).
Le verbe détermine la structure de la phrase de par ses propriétés lexicales/sémantiques :
donner implique un sujet, un objet du don (COD) et un destinataire (COI). Certaines expressions
existent indépendamment de toute autre entité, elles sont saturées : les expressions
référentielles. D’autres, comme les verbes (éléments insaturés), ne sont pas autonomes et
requièrent la présence d’arguments : les expressions prédicatives. La structure minimale d’une
phrase repose sur les seuls constituants requis par le sémantisme du prédicat verbal.
Une phrase complexe est une structure qui comporte deux ou plusieurs unités
formellement identiques à la phrase simple, intégrées dans une unité plus grande.
À l’oral, les sujets préfèrent une construction phrastique dans laquelle le sujet est un pronom et
où les SN suivent le verbe (fonction de complément) : cette structure, appelée structure
phrastique préférée, est une construction fréquente à l’oral, proscrite à l’écrit.
Vision plus nuancée de C. Benveniste : le taux de sujets nominaux dépend aussi du registre (les
genres de langue parlée) et de la situation de communication (contexte partagé, implication
du locuteur, co-présence de l’interlocuteur…)
Le choix de la dislocation n’est pas indifférent : les principes sous-jacents et les intentions de
communication ne sont pas du tout les mêmes d’un type de dislocation à l’autre.
Clivée : construction introduite par « il y a » ou « c’est », suivie d’une proposition relative qui
permet de prédiquer tout de suite le nouveau référent introduit.
Présentationnelle : même type d’introduction, mais sans proposition relative. Une deuxième
phrase est utilisée pour dire quelque chose à propos du nouveau référent.
Ex : « C’est une famille. Ils vont dans la forêt cueillir des fruits. »
« Un enfant arrive. » Cette phrase banale à l’écrit est peu fréquente à l’oral : « un enfant » est
une expression référentielle indéfinie. Le référent n’est pas considéré comme connu de
l’interlocuteur. À l’oral, on trouve rarement des syntagmes indéfinis en position sujet : on recourt
plutôt à des clivées, comme « il y a un enfant qui arrive », structure permettant au locuteur
d’introduire un nouveau référent dans son discours.
Utilités : attirer l’attention sur une spécificité d’un des membres du syntagme nominal, introduire
un personnage dans un récit, changer le référent source de l’événement et donc la
focalisation de l’action.
Ex : [pendant que le garçon essaie d’enfiler un patin à glace], il y a le chien qui s’amuse et qui
essaie d’en mettre un.
Constructions introduites par « avoir »
Le verbe avoir seul sert également à introduire une construction clivée : « j’ai SN qui V ».
Le référent nouveau (complément du verbe avoir) est mis en relief et par le biais de la reprise
par le pronom relatif, on dit quelque chose à son propos dans la foulée.
Ex : J’ai eu mon beau-frère qui a fait Paris-Nice en 5 heures.
Constructions pseudo-clivées
Structure : « Ce que / qui V, c’est … ». La partie contenant le verbe vient en premier, et ensuite
le lexème qui spécifie le sujet. La formule est dilatoire. Effet de suspense, elle fait attendre la
spécification lexicale de ce qu’elle annonce. Cette structure permet de focaliser un SN ou bien
une proposition entière qui aurait été sujet dans la construction canonique.
Construction fréquemment utilisée avec des verbes de sentiment : plaire, intéresser, inquiéter…
Ex : « ce qui me plairait moi, c’est l’Andalousie » = « c’est l’Andalousie qui me plairait ».
Attention : Ne pas confondre la construction clivée « C’est SN qui V » (où la forme « c’est » est
comme figée) et les constructions où le pronom « c’ » est un pronom anaphorique.
La phrase b n’est pas une simple mise en relief stylistique de la phrase a. Dans les deux phrases,
l’information nouvelle et l’information connue ne sont pas identiques.
Démonstration en formulant les questions auxquelles chacune des deux phrases apporte une
réponse : pourquoi boit-il ? que fait-il pour oublier ?
Ce qui est déjà connu est différent de ce qui est nouveau dans les deux phrases :
- a. « il boit » constitue l’élément connu du destinataire, et « pour oublier » est l’élément
nouveau
- b. « pour oublier » est l’élément connu du destinataire, et « il boit » est l’élément nouveau
Structure thématique
Considérer la structure thématique : s’intéresser à la manière dont on gère ce qui est déjà
connu et ce qui est nouveau :
- le thème, information connue, est le point de départ, ce dont on parle.
- le rhème ou focus, est l’information nouvelle. C’est ce qu’on dit à propos du thème.
Les constructions disloquées permettent au locuteur de placer en tête le groupe auquel il veut
donner le statut de thème (ce groupe peut être le sujet ou l’objet). On donne ainsi une place
particulière à l’information connue, on met en évidence un thème : thématisation.
Ex : « ce film, c’est un chef d’œuvre. »
Notion d’activation
La notion d’activation renvoie à la présence qu’occupent les référents dans la mémoire des
interlocuteurs lors d’un échange conversationnel. Quand il est question de plusieurs référents,
tous ne sont pas présents dans la mémoire des locuteurs au même degré, au même moment.
Focalisation : l’échange peut concerner plusieurs référents, et se focaliser ensuite sur l’un
d’entre eux. Il faudra pour cela réactiver ce référent passé à l’arrière-plan. C’est là
qu’interviennent les constructions clivées pour réactiver un référent, le remettre sur la scène de
l’échange.
Ex : « au fait, tu sais que c’est Luc qui a ton bouquin ? »
Clarification : quand plusieurs référents sont actifs en même temps, il peut être nécessaire de
clarifier le référent dont on parle pour lever une ambiguïté, à l’aide d’une construction à
dislocation (à droite dans ce cas)
Ex : « j’ai rencontré Pierre. On a beaucoup parlé de Marc. Il a encore raté son permis, Marc. »
Une phrase canonique comme « Une copine arrive » est plutôt peu probable à l’oral. En effet,
le syntagme nominal indéfini en position syntaxique de sujet et en position d’information
connue (point de vue informationnel) est problématique. Cela montre un référent nouveau
pour l’interlocuteur. À l’oral, il est très difficile à mettre en position sujet car c’est la position de
l’information connue et qu’il n’a pourtant pas encore été introduit dans le discours (indéfini).
La construction clivée permet donc d’introduire un nouveau référent dans la position normale
de l’information nouvelle (à savoir la position objet du verbe avoir ou attribut du verbe être) : le
référent est ainsi focalisé. La reprise de l’objet par la relative permet de dire immédiatement
quelque chose à propos de ce référent nouvellement introduit sans qu’il soit nécessaire de faire
une seconde phrase.
La nature du lien n’est pas explicitée. En s’appuyant sur leur sens, on peut interpréter la relation
entre les deux énoncés : contraste (verbes antonymes), ordre temporel (récit)…
Dans le cas de l’hypotaxe, le lien peut être une coordination (« et »), une subordination à verbe
fini, une subordonnée réduite…
L’hypotaxe peut également montrer un ordre temporel avec des constructions subordonnées :
subordonnée conjonctive (avant que, depuis que, une fois que… en position initiale),
subordonnée corrélative (à peine… que…), structure de prédication seconde (participiale
verbale au participe passé avec/sans marqueur temporel, ou verbale au participe présent).
Quand les phrases contiennent peu d’information et sont composées selon un ordre rigide, la
réécriture est recommandée (faible maturité syntaxique). Quand les phrases présentent plus de
circonstanciels et de subordonnées, elles sont plus denses (haute maturité syntaxique).
Les productions orales se caractérisent par une complexité particulière dûe à la présence de
parenthèses ou de commentaires qui viennent interrompre le déroulement normal de la
construction verbale.