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MISSIONS SCIENTIFIQUES
ET LITTÉRAIRES
BEAUX-ARTS
DU MINISTÈRE DE L'INSTRUCTION PUBLIQUE ET DES
TOME XIII
Fascicule 4
PARIS
IMPRIMERIE NATIONALE
MDCCCCVI
NOUVELLES ARCHIVES
DES
MISSIONS SCIENTIFIQUES
ET LITTÉRAJHES
NOUVELLES ARCHIVES
DES
MISSIONS SCIENTIFIQUES
ET LITTÉRAIRES
TOME XIII
PARIS
IMPRIMERIE NATIONALE
MDCCCCVI
UNE FORTERESSE IRÉRIQUE
À OSUNA
(FOUILLES DE 1903),
PAR MM.VRTHIR ENGEL ET PIERRE PARIS,
ANCIENS MEMBRES DE VÉCOLE FRANÇAISE D'ATHÈNES,
CHARGÉS DE MISSIONS EN ESPAGNE.
AVANT-PROPOS.
Avant d'exposer les résultats des fouilles qu'ils ont faites à
Osuna en 1903, les auteurs de ce mémoire tiennent à préciser
les conditions dans lesquelles ils les ont entreprises et poursuivies,
et quels étaient leurs désirs et leurs espérances.
L'antique Urso ibérique devint, sous le nom de ColoniuJulia
Genetiva, une puissante colonie romaine que la découverte de sa
loi municipale, gravée sur des tables de bronze, a rendue célèbre
auprès des historiens modernes.
C'est certainement après la conquête romaine que la ville a pris
toute son extension et toute son importance.
Les édifices, les constructions de toute espèce de la Colonie se
sont peu à peu élevés sur les fondations rasées de la cité libre.
Puis des bâtiments modernes et des champs de culture ont envahi
lentement les ruines de la ville romaine. Aussi, depuis plusieurs
siècles que la pioche éventre ou la charrue laboure le sol riche en
ruines, ce sont des antiquités romaines qui sont ramenées au jour.
Certes, l'intérêt n'en est pas médiocre, et le jour où nous seront ren-
dues les plaq ues de bronze qui manquent encore à la loimunicipale,
ou bien quelques statues dignes des marbres d'Italica, marquera
pour l'archéologie espagnole une date fortunée.
Mais ce n'est pas l'Osuna romaine dont nous avons voulu faire
revivre, après tant d'autres, quelques monuments d'architecture,
de sculpture ou d'épigraphie. C'est la ville ou, si l'on veut, le
bourg primitif, l'Urso ou l'Ursao des antiques Ibères qui nous a
attirés et dont nous avons poursuivi le souvenir,afin d'ajouter,
s'il était possible, un nouveau chapitre à l'histoire si peu connue
encore de l'art de la primitive Espagne libre.
Lorsque des ruines d'une si vaste étendues'offrent à la curiosité
de chercheurs dont les ressources et le temps sont limités, il
convient de se borner, de choisir la place où seront poussées à fond
des recherches vraiment scientifiques, et de ne point se laisser sé-
duire à l'espérance de découvertes variées mais incomplètes et peu
instructives dues à des travaux rapides, superficiels et sans suite.
Aussi lorsque à la fin de 1902 l'un de nous eut connaissance des
débris de sculptures que Fernando Gomez Guisado avait déterrées
dans le garrotal (vergers d'oliviers) d'un cordonnier enrichi, José
Postigo(11, sculptures de style évidemment indigène et pré-romain,
notre unique désir fut-il d'explorer à fond ce terrain, et de découvrir,
s'il existait encore, l'édifice d'où provenait cette décoration origi-
nale. C'est à la conquête archéologique de ce garrotal et de celui
qui lui faisait suite que se borna notre ambition et notre effort.
Nous ne nous laissâmes pas séduire par l'attrait de trouvailles cer-
taines dans la ville romaine, où il n'eut pas été difficile d'acquérir
des terrains propices. Et cependant nous avons plus d'une fois
déploré, d'accord avec nos amis les plus éclairés d'Osuna, de voir
un si riche domaine bouleversé et saccagé par des ignorants et
des maladroits dont notre succès excitait la convoitise ou, si l'on
préfère,l'émulation.
Du moins la tâche que nous nous étions proposée, nous l'avons
accomplie presque entière. Nous avons déblayé dans le garrotal
Postigo et dans le garrotal adjacent, que nous avons acquis, les
constructions dont les trouvaillesrécentes avaient révélé l'existence;
nous avons remis au jour ces ruines dans presque toute leur éten-
due. Il n'a pas tenu à nous que notre œuvre ne fût plus complète
encore; mais nous nous sommes heurtés, chose rare, nous le
déclarons, dans la bienveillante Andalousie, à la mauvaise volonté,
sinon à la mauvaise foi de José Postigo, propriétaire d'une partie
du terrain. Ce prétendu ami de la première heure s'est d'abord
obstinément opposé au déplacement d'un mur de pierres sèches
au-dessous duquel pouvaient peut-être se trouver quelques sculp-
tures intéressantes, cela malgré nos offres très suffisamment géné-
reuses, et bien que cette modification de son terrain ne dût lui
(1) D'après certains renseignements, ce n'est pas Gomez, malgré ses affirma-
tions,qui aurait découvert ces sculptures; il les aurait achetées à celui qui les
le
trouva réellement Lachose est bien possible, personnage étant un peususpect.
causer aucun dommage. Ensuite, malgré l'engagement formel
qu'il avait pris, verbalement et par écrit,d'autoriser nos recherches
dans toute l'étendue de son verger, il s'est opposé à la continuation
de nos fouilles, mais s'est hâté de les permettre, sans attendre
même que nous fussions partis, à des archéologues improvisés
d'Osuna, aussi peu constants d'ailleurs dans leurs efforts que peu
scrupuleux. Après tout, faut-il demandera un zapatero de s'élever
au-dessus de ses zapatos ?
Mais s'il nous convient de donner à Postigo le souvenir qu'il
mérite, il nous plaît surtout de nous féliciter de l'accueil si cordial
et de l'aide que nous avons trouvés à Osuna chez des amis qui
nous resteront chers. Une place à part est due dans notre gratitude
à D. Manuel Romero, administrateur des Postes, notre collabora-
teur de tous les instants, comme le prouvent les plans des fouilles
qu'il a dressés avec tant de soin et d'exactitude; à D. Manuel Vela,
notre banquier et notre administrateur désintéressé; à D.Juan
Lasarte, ancien Président de la Société archéologique d'Osuna,
notre hôte et notre agent infatigable, à MM. les rédacteurs du
Pa/cio, vaillant journal d'Osuna, qui suivirent nos travaux avec
un intérêt passionné, et en rendirent compte de semaine en se-
maine dans le plus large esprit de philoxénie. Mais trop insister
sur leur extrême complaisance serait faire tort à tous ceux que
nous ne nommons pas, car ils sont trop nombreux, et qui nous
ont rendu fort agréable le séjour de l'hospitalière Osuna.
Tous les objets que nous avons découverts appartiennent main-
tenant au Musée du Louvre. Nous devons cette récompense de
nos travaux parfois pénibles à la bienveillance de l'Administration
de notre grand Musée, et plus particulièrement a M. Léon Heuzey
dont l'intérêt pour les études d'art ibérique ne s'est pas démenti
depuis qu'il sut le premier mettre en lumière l'authenticité et la
valeur scientifique des sculptures du Cerro de los Santos, et qui
p'a point cessé de nous encourager et de nous aider. C'est lui qui
trouva l'ingénieuse combinaison qui permit à la Caisse des Musées
Nationaux de s'intéresser à nos recherches sans craindre les risques
d'un insuccès. Nous n'avons garde non plus d'oublier ce que nous
devons à la Direction de l'Enseignement supérieur qui nous a
confié à l'un et à l'autre une mission officielle. Mais nous tenons
particulièrementà dire notre reconnaissanceà M. Bayet et à M. Ron-
jon, Directeur des Beaux-Arts, qui l'un par un congé, l'autre par
une somme importante accordés à l'un de nous, ont rendu possible
l'exécution rapide et continue des fouilles dans un pays peu con-
fortable dont le rude climat d'été use bientôt les forces les plus
vigoureuses.
Enfin nous ne saurions trop insister sur la bienveillance avec la-
quelle M. Saint-Arroman nous a ouvert les Archives des MissionsM.
(1) M. HEUZEY, dans la séance du i3 mai 190/1, a bien voulu entretenir rAca
démie des Inscriptions des principaux résultats des fouilles d'Osuna. Voir
ComptesRendus, 190/1, p. 307 et p. 3og-3i8 (Communication). Il a été parlé
(
de nos travaux dans le Ialtrbuclt der Kais.Deat.Arch. Instituts de Ig04 Arch.
Anzeigcr, 1go'i, 2, p. i3g et s. Pierre PARIS, Funde in Spanien). Cinq gravures
y ont montré quelques-uns des plus importants bas-reliefs.
(2) Le manuscrit que nous avons eu en mains est intitulé comme il suit
rial
:Mémo-
de algunos documentos no publicados ni empresos hasta Itoy, pertenecientes
a antccjûedades de esta villa de Osuna, copiados por el Licenciado don Antonio
Nous avons appris au chapitre III de cette mirifique histoire les
origines et la fondation d'Osuna. « Le Prince Ibéros était l'arrière
petit-fils de Noé; c'est lui qui nomma l'Espagne Ihérie et baptisa
aussi le fleuve de l'Ebre. De son temps naquit Abraham « qui connut
déjà cette ville illustrissime; et cela est absolument certain, parce
qu'à cette époque elle fut fondée par les sujets dudit prince, et
371ans après fut fondée Home(1) Il.Que si l'on préfère une autre
tradition non moins croyable, voici ce qu'il est dit à la page 211 :
«
Pyrrhus, fils d'un roi de Grèce, qui vint à Cadix, y vécut et y
fonda le temple d'Hercule, et exista 3.4a ans après Ibéros, se maria
en l'an 607 après le déluge avec Ilibéria, fille du roi Hispan ». Or
«
visitant la province et chassant les ours dans la région de notre
ville, il la fonda et lui donna le nom d'Urso, 64o ans après le
déluge, et 1073 ans avant Jésus-Christ ».
L'intrépide corregidor
ne trouve pas encore cette naissance d'Osuna assez ancienne;
Osuna, suivant lui, pourrait bien être une fondation phénicienne,
((mais, dit-il, de quelque façon qu'on envisage la question, il est
inévitable de proclamer la très antique origine de notre très illustre
ville, qui ayant du sa très glorieuse existence à la main (cela est
moins sûr) d'un monarque espagnol, a vu de son trône se lever les
tours superbes de Séville, de Grenade, bien plus de Rome elle-même,
et a été témoin de tant d'événements divins et humains
plus loin « Ainsi apparaît aux yeux l'éclatante priorité de notre
Et ».
Insigne Cité, qui l'emporte sur la fameuse ville de Rome par plus
de douze siècles d'antiquité (') ».
Comment d'ailleurs Osuna n'eùt-elle pas été l'une des plus admi-
rables cités du monde? « Les astrologues disent que les astres ano-
blissent; cette bienveillance et le concours des présages semblent
avoir tellement favorisé Osuna que, outre que sa situation l'anoblit,
elle a reçu en partage le plus agréable climat et le plus aimable
aspect. Elle est située dans une vaste et belle plaine bornée
Valderrama y Valcarcel, presbitero de dicha Villa. Ano de 1885. — Puis vient
le titre du manuscrit de D. Antonio Garcia de C6rdoba, et cette indication que
le brouillon de D. Antonio Garcia de Côrdoba fut copié par D. Patricio Gut-
tierrez Bravo, corregidor de la ville d'Arahal en 1766, et que c'est cette copie
qu'a copiée le vénérable arcbiprêlre d'Osuna.
C P.19-20.
(2)P.24.
WP.28.
WP.36.
du côté du midi par les fertiles et riches sierras qui la regardent
comme leur maîtresse et lui portent en opulent tribut les fruits
des vastes vignobles dont se couronnent ses fécondes hauteurs, de
ses vallons et de ses riches vergers, fruits qui flattent le goût des
habitants. Encore ces monts concevaient-ils dans leurs entrailles
de très précieuses pierres de toute espèce, mais aujourd'hui ils ne
produisent que des jaspes estimés. Osuna possède pour arroser son
territoire spacieux ses diverses sources médicinales qui embellissent
ses montagnes, ses vallées et ses végas. Il s'étend à travers ses
immenses plaines de très vastes plantations d'oliviers dont le suc,
pressé dans ses nombreux moulins, alimente l'Andalousie et beau-
coup d'autres provinces. Elle possède plusieurs dehesas très étendues
ou multiplient et paîsfcént toutes les variétés d'un innombrable
bétail. Ses monts se couvrent d'une infinité de chênes dont les
glands nourrissent ces animaux monstrueux, mais nécessaires,
qui les dévorent(1). »
Quant à la ville elle-même, elle est « ornée de magnifiques
places et de larges rues peuplées d'édifices aussi beaux que somp-
tueux qui l'embellissent au plus haut point; elle s'étale de grandiose
façon en sa grandeur naturelle; ses rues s'égaient et s'adornent de
cinq très copieuses et belles fontaines publiques dont les eaux
salutaires suffisent largement à la multitude des habitants (2)».
De ces descriptions enchanteresses il faudrait peut-être adoucir
un peu l'éclat. Le climat d'Osuna est exquis, mais il y fait un peu
chaud en été; ses fontaines publiques sont bien au nombre de
cinq au moins, mais il y a si peu d'eau lorsque vient la canicule
et qu'il n'a pas plu depuis six mois I Ses rues sont larges et droites,
et bordées de quelques beaux palacios, d'architecture toutefois
assez douteuse, mais elles sont semées et si souvent clairsemées de
si étranges pavés !
Et quant à son antiquité fabuleuse, nous aimons mieux y croire
que de rechercher et vérifier les documents du bon corregidor.
Nous sauterons donc quelques siècles, les abandonnant aux
rêveries patriotiques des naïfs historiens d'Osuna, et noterons que
la ville ne fait pour la première fois figure qu'à une époque en
somme assez récente.
(1) P. 7 et suiv.
(j; P.Il.
D. Antonio Garcia se plaint amèrement u de la honteuse négli-
gence de ses fils, qui ont permis que se voient ensevelies dans
le sein de l'oubli les insignes prouesses de leur mère, par suite
du silence obstiné de tant de siècles(J) Et il a raison, car depuis
l'arrière petit-fils deNoé, nous ne sachons pas qu'il ait été fait men-
tion d'Osuna dans les annales du monde avant l'année 2i3-2i2 de
l'ère ancienne. Appien, en effet, nous apprend que les Carthaginois,
après avoir fait la paix avec Syphax, envoyèrent Hasdrubal en
Espagne pour guerroyer contre les deux Scipions. L'hiver survenant,
les Carthaginois prirent leurs quartiers dans la Turditane, tandis
que Cneius Scipion concentra ses troupes à Osuna, Publius à
Castulo. Cneius ne resta pas du reste longtemps dans sa garnison,
car la mort de Publius le força à aller au secours de son corps
d'armée, et ion sait comment lui-même trouva la mort dans cette
cxpédition(2). Il faut sauter plus de soixante
ans pour retrouver le
nom d'Osuna dans l'histoire, à l'époque de la guerre de Viriathe.
Appien relate que les Romains ayant envoyé contre le patriote
lusitanien Fabius Maximus Æmilianus, fils de PaulusiEmilius,
le vainqueur de Persée, ce consul s'arrêta à Osuna avant de se
rendre à Gades pour sacrifier à Hercule (3).
Ce passage, dans des circonstances particulièrement dramatiques,
avait laissé des souvenirs durables à Osuna. D. Juan Placido de
Benavides raconte qu'«en l'année 143 avant l'Incarnation, arriva
à Osuna, ou Ursina, déjà grande cité, Quintus Fabius Maximus
Æmilianus, avec ses troupes, et qu'il y séjourna un peu de temps
pendant que ses soldats se reposaient; et comme il lui parut que
cela serait favorable à la défense de la ville, il éleva la tour qui
aujourd'hui se nomme la Tour de l'eau. Comme témoignage
de cette fondation et de l'antiquité de la tour, il reste la tradition,
qui a une grande force, et une inscription, qui était dans la même
tour, et que je lus à l'entrée de la première salle. Mais mainte-
nant, par faute de surveillance, et aussi parce que le monument
fut à la merci des soldats, elle s'est effacée, et l'on ne voit plus
que quelques lettres mal formées^ Cela fut écrit avant1786:
vers 17^6 D. Antonio Garcia, à son tour, a écrit dans son Histoire
(1) P. 5 et sui\.
(2) AppiE-,, Iber., XVI.
« ID.,ibid.>LXV.
(II) )•
D'après le Paleto,5avril190.V110^7
«De l'entrée de Virinthe à Osuna le souvenirpersistait encore il n'y
a pas longtemps, grâce à une inscription qui était gravée au-dessus
de l'entrée de la Tour de l'eau, et que je transcrivis d'après une
copie que me donna le docteur D. Pedro Toledo Herrera, chantre
de l'Insigne Eglise collégiale de cette ville, personne très véridique,
très lettrée et de grand âge, m'assurant qu'il avait vu l'original
sur la tour même. Voici ce texte :
"La 609e année de la réédification de Rome, qui concorde
avec l'an 385o de la création du monde, et l'an 113 avant N.-S.
Jésus-Christ, vint à Osuna le Consul Quintus Fabius Maximus,
frère de Scipion l'Africain, contre notre très fameux capitaine
espagnol Yiriathe. Cette année même, Osuna, ayant forme de
cité (cette tour très puissante fit partie de l'enceinte), fut réé-
difiée (1). «
La forme de cette inscription, on le devine même après une
double traduction, prouve que si elle a plus que probablement
existé, elle n'était certainement pas antique, mais qu'elle fut
rédigée d'après le récit d'Appien. Il est d'ailleurs étonnant que
1). Antonio Garcia parle de la venue de Viriathe à Osuna, tandis
qu'il était question dans l'inscription de celle de son adversaire
romain. Le séjour même de Quintus Fabius Maximus est assez
peu honorable pour la ville, puisqu'il prouve qu'elle n'était point
du parti du très fameux capitaine qui luttait pour l'indépendance
de la patrie ibérique. Il semble que les Osuniens eussent été
mieux inspirés en consacrant le souvenir des événements plus
anciens qui se rattachent à la guerre punique et au séjour de
Cn. Scipion; mais sans doute, après de longs siècles, les patriotes
de la ville n'ont pas songé à ces considérations, et la mémoire de
la glorieuse aventure de Viriathe s'est imposée à eux avec force.
Quoi qu'il en soit, ni dans la guerre punique, ni dans les soulève-
ments de Viriathe, Osuna ne joue un rôle important. Il n'en est
pas de même dans la lutte qui mit aux prises en Espagne les fils
de Pompée avec César.
Les Osuniens firent cause commune avec Cn. Pompée; un
certain nombre de leurs soldats soutinrent avec ses partisans le
terrible siège d'Ategua, et devinrent, après la reddition de la ville,
les prisonniers de César. L'historien de la guerre hispanique
succès »
avait fui en Béturie, ne voyant plus aucune apparence de
:
à ce dernier, car il crut devoir écrire aux habitants de la ville
alliée une lettre dont voici la traduction « Si vous êtes bien, je
m'en réjouis; moi aussi je suis bien. Quelque glorieux qu'aient
été jusqu'ici nos succès, j'aurais encore terminé la guerre plus
tôt que vous ne pensez si l'ennemi descendait en plaine. Mais
ils n'osent exposer aux chances d'une bataille leurs légions novices;
:
prise, les Césariens marchèrent contre elle. La soumission de la
place n'était pas facile Il La situation de cette ville et ses nom-
breuses fortifications en rendaient le siège malaisé. En outre il n'y
avait de l'eau que dans la ville de Munda; il eut été impossible
d'en trouver à 8 milles à la ronde. Il fallait chercher à plus de
6 milles les matériaux nécessaires pour construire les tours et les
terrasses. Pompée, pour en rendre l'attaque plus pénible, avait
fait couper et porter dans la place tout le bois des environs. Nos
gens étaient forcés de tout faire venir de Munda dont ils s'étaient
emparés récemment (3). »
La narration de la guerre hispanique, on le sait, est interrompue
brusquement en cet endroit. Mais il n'est pas douteux que la ville
fut prise ou se rendit. A partir de ce moment nous ne savons plus
rien de son histoire, sinon que le dictateur ne lui tint pas rancune
de sa résistance, puisqu'il transforma l'antique cité ibérique en
colonie romaine, et lui marqua une particulière faveur en lui
donnant le nom de Colonia Julia Genetiva.
Nous n'avons pas à suivre les destinées plus qu'honorables de
l'ancienne colonie romaine au moyen âge et dans les temps
modernes. Plutôt nous allons rappeler à grands traits son histoire
archéologique, c'est-à-dire celle des découvertes qui depuis le
(1) De Bcllo Hispanicn. XXVI.
WIbid.,XXVUT.
mIbid.,XLI.
X-VIesiècle jusqu'à nos jours lui ont assuré une juste renommée
dans les préoccupations des antiquaires.
D. Antonio Garcia de Cordoba nous donne la plus ancienne
information relative à notre sujet. Elle concerne la découverte
fortuite en 1525, au lieu appelé Egidio, au Nord, d'un aqueduc
en solide maçonnerie, assez
haut pour qu'un homme pût s'y
tenir debout, ayant de distance en distance des paliers et des
galeries (minas).
Pendant plus de six mois il donna de l'eau en grande quantité;
mais l'eau ayant disparu, on l'aveuglaO.
En 1586, suivant le même auteur, au même endroit on découvrit
un hypogée (cueva), avec beaucoup de chambres qui renfermaient
des sépultures petites comme des sépultures d'enfants, creusées
aussi bien dans le sol que dans les parois(2).
En 1590, découverte d'un nouvel hypogée avec de nombreuses
chambres creusées dans le roc, et trois sépultures de grandeur
merveilleuse; «toutes les trois étaient fermées par une dalle, mais
sur une seule de ces dalles on pouvait lire.une inscription :
DIIS MANIBVS SACRVM
CAMIL-MAT-FIL-SVO-LICINIO-FECIT
S.T.T.L.
:
ce qui dans notre langue signifie a Sacrifice aux dieux des morts.
Camilla mère l'a fait à son fils Licinius; que la terre te soit légère P.
Et ayant ouvert les sépulcres, on y trouva beaucoup de lampes
d'argile, grandes, enfumées, lampes que les Romains laissaient
allumées avec les cadavres. Et en l'an 1592 se trouva un autre
tombeau près de ce qui est aujourd'hui la Plaza Mayor, à l'intérieur
duquel il y avait un squelette très grand, et tout auprès une autre
lampe semblable (3) Il.
Enfin D. Antonio rapporte à l'an 1600 la trouvaille en ce même
(1)El Paleto, 2 mai igo3 (n° 4o). Nous suivons, on le verra, de très près
la relation des découvertes telle qu'elle a été relevée avec soin par El Anonimo de
Osuna, d'après des documents que nous n'avions pas aisément nous-mêmes à
notre disposition.
« Ibid.
(1) Ibid. Nous avons conservé à la traduction du texte latin ses erreurs
naïves et son tour pittoresque.
site d'une nouvelle cueva avec divers compartiments et tombeaux
couverts de dalles sur l'une desquelles était l'inscription
LEL-LAVD-HIC-SIT-EST
ST-T-L-w
L'année i 608 est mémorable. a En 1608, dit encore D. Antonio
Garcia de Cordoba, un habitant labourant ses terres au lieu nommé
la boca del Sabinal, à une demi-lieue de la ville, découvrit un trou
dans lequel il y avait une petite construction en briques (hornilla),
et dedans une plaque de bronze où étaient gravés divers règlements
donnés à la cité par le sénat et le peuple romains, en langue latine. Il
L'auteur ajoute que le gouverneur, D. Fernando Enriquez de Rivera,
s'occupa de cette découverte et en dressa des procès-verbaux offi-
ciels par devant l'escribano Alonso Mariscal (2;. Mais ces actes sont
aujourd'hui perdus, ce qui est fâcheux, car il s'agit de documents
épigraphiques importants.
Continuons à parcourir le manuscrit de D. Antonio. Nous y lirons
qu'en 1736 on mit au jour dans la rue de San Cristobal des conduites
d'eau de fort calibre, qui pendant beaucoup de jours donnèrent
un liquide copieux(3). En 17^3 « l'Alcalde D. José Aranza y Aguirre
fut avisé qu'au haut de la rue Arecife on avait découvert un
trou très profond; il se rendit sur les lieux pour le reconnaître,
et de la bouche de cette grotte apparaissait le sommet d'arcades
formant une voûte dont la bouche en question semblait être
;
la porte et ces arcades paraissaient s'étendre en faisant des circuits
jusqu'au centre de la ville avec un art et une magnificence in-
croyables. Comme on ne trouvait personne qui consentît à ex-
plorer toute la longueur et la profondeur de cette construction, on
fit fermer l'ouverture, qui était carrée et non naturelle, mais
faite de main d'homme, et qui était depuis de longs siècles bouchée
avec une grande pierre posée au ras du sol; c'est pour cela qu'elle
resta inaperçue jusqu'à ce que le passage d'un char qui l'ébranla
la rompit et fit apparaître ce qu'on vient de décrire. Ce fut alors
l'opinion que ces arcs et ces voûtes étaient des conduits faits dans
l'antiquité pour la distribution de l'eau. El Anonimo de Osuna ajoute
ce renseignement intéressant qu'il yaquelque trente ans D. Francisco
2
WElPaleto, maiigo3 (n° 4o).
(2) Ibid.,10 mai 1903 (n° 4i).
(3)Ibid.
-
Zamora Reyes étant al cal de, on essaya de retrouver ces aq ueducs,
mais que !on dépensa de l'argent en pure perte(1).
Nous ne nous arrêterons pas à quelques trouvailles isolées
d'inscriptions ou de monnaies, car nous préférons parler avec
quelques détails de la découverte de la nécropole, puis de celle de
la loi constitutionnelle de la Colonie, qui l'une et l'autre, à des titres
divers, font époque dans l'archéologie de la Péninsule.
La nécropole est connue depuis fort longtemps. Fr. Fernando
de Valdivia, dans sa Vida de San Arcadio Ursaoïicn.sc, publiée
en 1711, parle déjà de la nécropole romaine d'Osuna. Il nous
paraît intéressant de traduire ce passage dont nous empruntons
la citation au Paleto du 19 avriligo3.
«
Les Romains faisaient aussi de somptueux sépulcres où ils
déposaient leurs corps à ce qu'il paraît; c'était au lieu que l'on
nomme communément aujourd'hui les cucvas, et qui se trouve à
l'orient, sur le chemin qui va à Grenade(2). Et ils ne les construi-
saient pas de toutes pièces, mais les creusaient dans la roche vive.
Il en subsiste un si singulier que, comme l'affirme le docteur Rodrigo
Caro, c'est une des choses les plus notables qui se puissent voir
dans toute l'Espagne. Et moi, ayant lu cela dans cet auteur, je fus
le visiter, et le trouvai tel que l'observa curieusement le susdit
:
de Berlanga. Il est bon de conserver les noms des hommes dévoués
:
qui formèrent la junta définitive. Les voici Président: D. Juan
;
F. Lasarte y Lobo Vice-Président D. José Maria Aranda y Castaneda;
Conseillers: D. Juan Lopez Bengoa, D. Iidefonso Lomelino Iraola,
;
D. Eulogio Jurado Fernandez et D. Eulogio Ariza Zamora; Trésorier
:
D. Manuel Aguilar Tamarit;Secrétaire-Archiviste
Rodriguez Marin; Secrétaire comptable
:
D. Francisco
D. Manuel L. Romero
Jimenez.
Tout le monde avait les meilleures intentions, mais après quel-
ques efforts pour obtenir des autorisations de fouilles, et en parti-
culier sur le terrain où l'on croyait qu'existaitjadis le théàtre romain,
après quelques séances régulières, il y eut une brillante réunion
des sociétaires le 22 mai, où assistait l'ill ustrissime S' D. José
Maria Ariza y Montero Coracho, représentant de l'Athénée de
Séville. Comme le raconte malicieusement el Anonimo de Osuna,
les propositions de D.José Maria Ariza furent accueillies avec des
applaudissements tels qu'ils épuisèrent les forces de la Société,
laquelle tomba dans un tel marasme qu'elle ne donna plus signe
de vie. Cependant elle sembla secouer un instant sa torpeur à la
suite d'une polémique avec un journal local, el Vigilante. Nombreuses
réunions, cotisations mieux fournies, fouilles le long de la vereda
de Granada et dans un champ de José Postigo Perez, jusqu'à ce
qu'enfin la Société Il restât enterrée dans un puits profond de cette
vereda, puits qu'elle entreprit de vider, et où elle engloutit tous
ses fonds et quelques autres
qu'elle prit à crédit». La dernière
réunion eut lieu le 5 août 188(1).
Cet insuccès était peu encourageant pour la suite. Aussi lorsque en
1902 Fernando Gomez Guisado, plus persévérant et plus heureux
que tous les doctes sociétaires de 1888, eut déterré quelques sculp-
tures, ne rencontra-t-il autour de lui qu'indifférence et raillerie. Il
fallut l'entreprise que nous concertâmes avec lui, et la curiosité
qu'excitèrent nos premières trouvailles pour animer l'ardeur de
plus d'un que rien d'ailleurs ne semblait préparer aux recherches
archéologiques. Tout le long de la vereda de Granada, autour de
la Pileta, réservoir d'eau antique dont le bloc de ciment a résisté
aux hommes et aux siècles, ce ne furent pendant quelques jours
que rassemblements de curieux sur le dos de trois ou quatie braves
garçons occupés à déblayer des citernes ou des silos, sans succès
d'ailleurs. Puis ce fut Escasena, le propriétaire du solar de Blanquel,
a droite de la veieda, qui bouleversa sans pitié l'emplacement et
les ruines très intéressantes du théâtre romain pour y recueillir
quelques inscriptions fragmentaires, quelques lampes d'argile en
morceaux, un torse assez élégant d'éphèbe nu en marbre blanc,
et de riches chapiteaux corinthiens aux délicats feuillages finement
stuqués. Nous nous lamentions chaque jour à voir ce beau champ
de fouilles saccagé sans aucun profit pour la science ni pour l',.rt.
Puis ce furent MM. Carlos Perea et Gutiercs Cavallo qui, ayant
acq uis des terrains contigus à celui d'Escasena, déblayèrent avec
grand soin et à grands frais un large puits, profond de plus de
4o mètres, recueillant dans les décombres entassés de beaux débris
de statues romaines dont la discrétion nous fait un devoir de ne
:
donner ici que l'énumération sommaire. Ce sont un pied et une
main de la statue d'un légat des Baléares; sur la semelle de la
sandale est l'inscription BALIAR, et sur la main BALIAR LEG,
deux têtes colossales en marbre, mutilées, mais d'une blancheur
éclatante. L'une surtout, une tête d'homme, est fort belle, assez
semblable comme type à celle du Doryphore de Polyclète; l'autre,
une tête de Minerve casquée, est inférieure de style, et assez banale ;
une petite tête virile d'assez bon style romano-grec, curieuse en
ce que les yeux en sont à peine dessinés et modèles; le bas d'une
(1)On pourra lire les détails de l'histoire de cette société éphémère dans
El Paleto du 5 juillet 1903 (n° 48).
petite tête de Silène ou d'Hermès, de style grec archaïsant; le
torse sans tête d'une Vénus colossale, ayant une légère bandelette
au-dessous des seins; la partie antérieure d'un grand torse viril;
de très nombreux débris de vêtements de statues de différentes
dimensions; ajoutons des morceaux de corniches et de moulures
de marbre; des monnaies; et enfin, ce qui est peut-être le plus
intéressant de tout, deux petits pieds votifs joints l'un contre l'autre,
en pierre commune, sans doute produit de l'art populaire indigène.
Vu fond du puits s'amassa à quelques décimètres de hauteur
une eau limpide et fraîche, mais pas assez abondante, nous en
avons peur, pour que l'on puisse y trouver la source si désirée et
si nécessaire, capable d'empêcher Osuna, bêtes et gens, de mourir
de soif pendant la canicule.
Non loin du puits, vers la ville, un vaste réservoir d'eau qui fut
à moitié déblayé a donné une belle jambe de marbre; plus bas
encore vers la ville des restes de murs en très gros appareil ont
signalé la ruine d'un important édifice.
Les entrepreneurs de ces travaux, qui nous ontmontré leurs
trouvailles avec beaucoup de bonne grâce, et nous les en remer-
cions, faisaient alors de beaux projets; même le garrotal de José
Postigo, dans la partie où l'on voudrait espérer qu'il reste encore
quelqu'une des Tables de bronze, a reçu la visite de leurs pioches.
Mais ce beau feu s'est éteint comme feu de paille, dès que l'espoir
des gros bénéfices s'est obscurci, et cette fois, hélas, nous craignons
bien que l'aficion ne soit pour toujours morte à Osuna. Vraiment les
archéologues improvisés semblent découragés parle médiocre succès
de leurs entreprises commerciales. Et cependant quel beau domaine
pour qui voudrait l'exploiter avec méthode et désintéressement,
!
pour le seul profit de l'histoire
D'OSUNA
FOUILLES
fasc.
4?
XIII,
T.
Sclucs,
Missions Édit.
LEROUX,
des
Arch.
E.
JV-UV.
C'est une heureuse fortune pour les chercheurs d'antiquités,
qui ont ainsi le terrain libre, n'étant gênés, au lieu de maisons,
que par des champs et des arbres.
Tel était le cas en ce qui concerne le garrotal de José Postigo
et Yolivar contigu que nous avons acheté (voir pl. I).
Le garrotal, avec son annexe, est exactement situé au Nord-
Ouest de la ville, et forme un long triangle à sommet très aigu
compris entre le large chemin qu'on appelle vereda de Granada,
et un chemin plus étroit, quoique praticable aux chars, le cami-
no de San José. Malgré l'existence d'une bonne route qui conduit
d'Osuna à Aguadulce et Estepa, la vereda est encore très fré-
quentée même par les chars, parce qu'elle est plus courte; le
camÙw dessert plus particulièrement les olivettes touffues de
cette région et le cortijo de San José qui lui a donné son nom;
il aide aussi à raccourcir la longue route d'Osuna à Ecija. Le
garrotal s'élève en pente douce depuis la bifurcation des deux
chemins; peu à peu, comme la roche tendre de la vereda s'est
usée et creusée sous les pieds et les roues, il est arrivé que le
côté sud du terrain, dessiné largement en arc de cercle, s'est
trouvé coupé à pic; une haie vive de grands aloès arrête l'éboule-
ment de l'humus. Lorsqu'on arrivait, avant les fouilles, au point
culminant du garrotal, on apercevait un mur en pierres sèches
peu élevé, servant seulement à séparer cet héritage du voisin, et
derrière ce mur que l'on désigne sous le nom de valtado,une
sorte de plate-forme étroite, bordée d'aloès et de figuiers sauvages,
arrêtée par la coupure brusque d'anciennes carrières.
On voyait du reste que le mur de pierres sèches n'était qu'une
limite artificielle, suivant l'ondulation naturelle de la colline qui
se trouvait là uniformément bombée. Il était facile de reconnaître
que ce renflement même du sol au-dessus d'une carrière exploitée
par couches horizontales n'était pas naturel et devait cacher des
constructions enfouies, d'autant plus que la pente était rapide
jusqu'aux limites peu éloignées de l'olivar Engel, que l'on
voyait, à la partie basse de celui-ci, affleurer presque partout le
roc sous quelques centimètres à peine de terre, et que le même
lait se produisait, dans le garrotal Postigo, à peu de distance en
avant du vallado.
LES FOUILLES. — LES CONSTRUCTIONS.
D'OSUNA
FOUILLES
'nsc.
fh
XIII.
1'.
Sciucs,
Milisions
Édit.
LEROUX,
des
Arch.
E.
Nouv.
ment aux murs qui y viennent buter. La position du pilier 3 ,
juste au milieu de l'écartement des piliers 1 et 2, est une
preuve convaincante que ces derniers sont antérieurs, puisque avec
le mur qui y aboutit il obstrue vraiment l'ouverture,
Les murs indiqués dans le plan, et les piliers 3, 4,5, 6 sont
construits un peu plus régulièrement que les autres, avec des
pierres que l'on appelle encore, dans le langage technique des
carriers d'Osuna, piedras a ocho (o m. 56 X o m. 20 X o m. i4).
Uneespèce de dallage, formé de deux files jointes de pierres de
mtmes dimensions, se trouve à gauche du pilier 3.
C'est vers la gauche que la fouille a fourni surtout de l'intérêt.
En effet, nous y avons déblayé une grande citerne taillée en plein
roc (n° 7 du plan). Elle est à peu près carrée, ayant environ
3mètres de côté, et profonde de 3 m. 5o. On avait ménagé à l'un
des angles un escalier à hautes marches afin d'avoir un accès facile
jusqu'au niveau de l'eau. Cette grande cavité ne contenait, au mi-
lieu d'une masse encombrante de terre et de pierres, que des tes-
sons de poteries, sans style, et des boulets de pierre en assez grand
nombre. Ce dernier détail prouve que la citerne était encore uti-
lisée avant la destruction générale des bâtiments du garrotal,
destruction due, comme nous le dirons, à une bataille ou plutôt à
un assaut.
Presqueau bord de la citerne, à droite, s'est dressée une sorte de
plate-forme coupée à pic de trois côtés, et dont la pente du qua-
trième côté, vers la ville, était ménagée en marches d'escalier
(n° 8). Les degrés étaient au nombre de huit; ils reposaient sur une
première assise en légère saillie, formée de beaucoup de terre et
de pierres régulières ou non. Eux-mêmes n'étaient pas d'un appa-
reil bien étudié, et malgré ce qu'on pouvait croire au premier
abord, les éléments en avaient été pris et rassemblés au hasard.
Les marches reposaient en encorbellement sur un monticule artifi-
ciel de terre, et naturellement il s'était produit dans les files des
dislocations et des ruptures de niveau (pl. IV, A).
Bien qu'il soit téméraire, dans l'état de confusion de ces lieux,
de faire des suppositions sur l'usage de cet escalier, comme il nous
parait de date assez récente, nous y verrions tout simplement un
escalier servant à gagner de ce côté de la ville le niveau des con-
structions placées en arrière du vallado, dans le terrain Engel, ou
à descendre de ces mêmes constructions vers la citerne.
Comme tout près de l'escalier a ététrouvé le corps d'un gros taureau
de pierre (pl. VIII, B). nous avions tout d'abord pensé que la plate-
forme à laquelle aboutissait cet escalier avait peut-être servi de pié-
destal à l'animal, et nous-avions supposé qu'au-dessous avait été
peut-être enterré un mort. L'ensemble eût constitué un hérôon
funéraire; mais un tel monument aurait daté d'une époque très
antérieure à celle où permet de remonter le type de la construc-
tion des gradins, et d'ailleurs en démolissant l'escalier, comme il
nous était enjoint de le faire, nous sommes parvenus jusqu'au roc
sans trouver la moindre trace de sépulture. Il est vrai que l'une des
deux tombes phéniciennes dont nous avons parlé était justement
creusée à côté de cette construction (pl. II, sép. A).
Signalons enfin, sans insister, à gauche et un peu en avant de
l'escalier, une espèce de petit couloir couvert dont le sol était in-
cliné en pente; nous n'avons pu en fixer la destination (pl. II, n° 9).
Dans le terrain Engel les fouilles ont donné, en ce qui concerne
les constructions, des résultats beaucoup plus intéressants.
Elles nous ont permis de remettre au jour une forte muraille
flanquée de demi-tours, qui constitue soit un fragment d'enceinte,
soit le reste d'un fort isolé, et dont la planche 111 donne la vue
d'ensemble prise du Sud-Est.
Les boulets de pierre et les balles de frondes qui avaient été
recueillis en grand nombre dans le garrotal de Postigo nous
avaient bien montré que ce sommet de colline avait été le théâtre
d'une lutte de quelqueimportance; mais rien ne faisait prévoir que
de l'autre côté du vallado se trouverait l'œuvre de défense qui fut
l'objet de cette attaque violente, et dont voici la description.
La muraille, suivant la disposition même de la carrière sur
laquelle elle est établie, épouse exactement les contours du som-
met de l'éminence qu'elle couronne, et par conséquent, comme le
mur de pierres sèches auquel elle est parallèle, forme une courbe
à grand rayon. La convexité en est tournée vers l'Est, c'est-à-dire
vers la plaine du Salado et d'Aguadulce et la haute falaise projetée
en éperon de la Sierra d'Estepa.
La valeur stratégique de celte position est facile à saisir. Sur
la gauche du terrain de fouilles la colline se relève encore, dans la
direction du Nord et à quelque 5oo mètres se trouve le point
,
culminant de la chaîne. Mais cette hauteur, d'où l'on domine un
plus vaste panorama, si elle a reçu quelque ouvrage de fortifi-
III.
Pl.
D'OSUNA
FOUILLES
4efasc.
Xllf,
T.
Scl"e;,
Jfisstons
ldit.
des
ArcJt. LEROrX,
Nouv.
E.
XOUÏ.Arch. des Missions ScqIlCS, T. XLLF,4efasc. Pl.IV.
FOUILLES D'OSUNA
cation en dehors d'une épaisse enceinte dont il nous semble avoir
reconnu la ligne, avait surtout de l'importance comme observa-
toire, et d'ailleurs elle commande surtout les plaines qui s'étendent
au nord d'Osuna.
Au contraire notre forteresse pouvait défendre très efficacement
le passage que devait essayer de forcer toute armée venant à l'at-
taque d'Osuna par la plaine d'Aguadulce. La ligne de cette
muraille, qui se perd malheureusement dans le champ voisin du
nôtre sans que nous ayons pu la déterminer avec précision, allait
rejoindre certainement la ligne des cuevas funéraires qui aboutit à
lavereda, de Gmnada. Or cette vereda, nous l'avons dit, c'est la
route antique qui faisait communiquer Ursao avec les villes de
l'Est, comme aujourd'hui Osuna avec Aguadulce,Estepa, etc. A
supposer que la circonvallation se poursuivît de l'autre côté de la
route, ou que quelque forteresse semblable se dressât sur une émi-
nence symétrique, la résistance était assurée.
Pour nous en tenir à ce que nous ont appris les fouilles, nous
dirons que si l'emplacement de la fortification était bien choisi, la
fortification elle-même nous a causé plus d'une surprise.
Dans l'état actuel, elle apparaît toute différente de ce qu'elle
était d'abord. En effet, si l'on se place bien en face du mur
pour en suivre des yeux le développement, on le voit s'abaisser
lentement à droite, et surtout à gauche. De ce côté, à la limite du
terrain Engel, au point où nous avons dû arrêter le déblaiement,
il n'a plus qu'une hauteur de i mètre, tandis qu'il en a A au milieu.
Cela explique la forme de mamelon qu'avait le sommet de la col-
line avant les fouilles.
Du côté droit, le sol de la carrière n'avait pas une déclivité aussi
prononcée, et d'ailleurs il y avait là une profonde entaille vive du
roc, et comme un haut degré dont l'ingénieur avait profité pour
asseoir la muraille. 11 est bien certain que cette muraille avait eu
partout la même hauteur. On ne peut savoir pour quels motifs la
destruction en a été irrégulière, et pourquoi il s'est conservé plus
d'assises de pierres au point culminant que sur les bras latéraux.
La muraille, d'autre part, ne suit pas le mouvement d'une
courbe régulière. C'est plutôt une ligne brisée dont les brisures
sont presque insensibles à gauche, mais très accentuées à droite.
D'autre part elle est flanquée de quatre grosses tours et d'une plus
petite.
Il ne faut pas s'imaginer que l'aspect de cette construction satis-
fasse le regard. Rien qui nous rappelle les belles et vigoureuses
murailles ibériques ou romaines dont tant de précieux spécimens
ont duré jusqu'à nos jours. Les constructeurs n'ont pris nul
souci de bien appareiller et dresser les parois, d'obtenir l'élégance
en même temps que la solidité et la force par des alignements
réguliers de matériaux bien choisis, résistants par eux-mêmes et
par l'heureux ajustement de leurs faces bien parées. Des moellons
sont engagés dans des lits de mortier de terre qui les maintiennent
à peine, et n'ont pu les empêcher de céder, en mainte place, à la
poussée intérieure. On comprend que c'est là une construction
rapide, sans doute élevée contre un péril pressant. Pour lui don-
ner plus de force, l'ingénieur a veillé simplement à ce que la
muraille ne fût pas dressée verticalement, mais reçût pourtant
une inclinaison en talus, et cette précaution l'a certainement pro..
tégée.
Cependant cette protection était encore bien sommaire.
Comme il était d'absolue nécessité pour nos travaux d'ouvrir une
brèche au milieu juste de la muraille afin d'évacuer les déblais
vers la partie basse du terrain Engel, nous avons pu étudier de
près l'épaisseur du talus. Il se compose de deux parties bien dis-
tinctes accolées l'une au-devant de l'autre, et d'abord une masse
de terre parsemée d'assez rares petites pierres, et formant ainsi
un amalgame peu consistant; cette espèce de remblai a reçu
sur sa face extérieure inclinée le revêtement de pierres posées
à plat dont nous venons de parler, et qui n'a pas de profondeur.
C'est lui seul qui est extérieurement visible.
Cette première levée de terre sert à contrebuter un second
remblai plus épais et plus robuste, car il est formé de pierres
quelquefois assez grosses, noyées dans un mortier de boue rou-
geàtre. La face antérieure est inclinée, mais moins que celle qui
devait être visible. Quant à la ligne de séparation des deux masses
combinées, elle est très nette, et l'on dirait que la première
maçonnerie ayant paru trop peu épaisse, ou trop faible, on l'a élar-
gie et renforcée en hâte au moyen de la seconde.
En arrière, par conséquent au revers du talus, la paroi du pre-
mier remblai est dressée verticalement; les pierres y sont assez
bien assemblées, et alignées plus régulièrement que d'autre part.
Mais l'intérieur du remblai est moins soigné, car il s'est produit
des tassements à mesure que le mortier séchait, el, en faisant la
tranchée centrale, nous avons trouvé des trous et des vides qui ne
s'expliquaient pas autrement.
Ainsi la muraille, inclinée par devant, coupée verticalement par
derrière, formaitune sorte de terrasse allongée que les fouilles ont
déterrée sur une longueur de 95 mètres, et dont la largeur oscil-
lait autour de 10 mètres.
Ce n'est pas tout; la muraille était, nous l'avons dit, rendue
plus puissante et plus facile à défendre au moyen de gros bas-
tions arrondis qui faisaient saillie du coté de la plaine.
En partant de la gauche, nous trouvons d'abord tout contre la
limite de l'olivar Engel une première demi-tour dont la saillie est
irrégulièrement ronde, et dont le parement extérieur est formé
d'assez grosses pierres. Le diamètre en est de 6 m. 5o. Nous avons
expliqué comment la couche de terre, en cette partie de la col-
line, était peu épaisse au-dessus de la carrière, et par conséquent
la tour s'élève à une très faible hauteur.
Laseconde, éloignée de la première de 16 mètres, a un dia-
mètreégal; mais elle est conservée sur une plus grande hauteur.
La face extérieure en est encore plus irrégulière; le revêtement de
pierres a été plus travaillé par la poussée de la masse intérieure.
C'est entre cette tour et la suivante que nous avons éventré la
,
muraille. Il y avait la même distance, soit 16mètres, de l'une à
l'autre. La muraille atteint à cet endroit sa plus haute élévation,
et c'est là qu'elle est le mieux conservée. La troisième tour est
pour cette raison la plus intéressante. Si le relevé fait par M. Ro-
mero est bien exact, la forme a été quelque peu modifiée et, au
lieu d'être absolument ronde, serait elliptique.Nos observations el
nos notes personnelles nous permettent dedire que, s'il en estvéri-
tablement ainsi, probablement cela est du à des mouvements de la
construction plutôt qu'à la volonté du constructeur. Quoi qu'il en
soit, le flanc incliné du talus a beaucoup moins souffert du travail
intime des terres mieux maintenues. Les files de pierres semblent
plus solidement assises et plus régulièrement ordonnées, et bien
que rien ne puisse atténuer l'impression d'œuvre hâtive, on sent la
défense improvisée plus forte et plus résistante.
Si, à partir de cette troisième tour en allant vers la droite, on
continue à étudier la muraille, on la trouve plus compliquée.
D'abord, tout près de la tour, à i mètre a peine, se trouve une
autre saillie arrondie, de 3 mètres de diamètre tout au plus. Nous
n'osons pas lui donner le nom de tour, car nous croyons plutôt que
c'est un simple contrefort servant à consolider la muraille à un en-
droit qui peut-être supportait quelque poids écrasant. En effet cette
saillie a pour ainsi dire deux degrés, le plus élevé sensiblement en
retrait sur le plus bas (ce dernier est en partie détruit), ce qui
joint aux dimensions exiguës et à la situation, si proche de la
grosse tour voisine, rend invraisemblable l'idée d'une tour. Entre
la tour précédente et ce contrefort qui la flanque de si près est
ménagé un recoin bien abrité; peut-être l'excroissance du contre-
fort n'a-t-elle d'autre utilité que de disposer cet abri. Dans tous les
cas on a profilé de la circonstance, puisque nous avons relevé, juste
en avant de cette partie de la muraille, un mur très peu soigné,
formé de pierres quelconques, derrière lequel on pouvait dissi-
muler quelque sentinelle ou quelque combattant avancé. Ce qui
donne encore de la force à cette hypothèse, c'est que tout près du
contrefort, à droite, il y a dans la muraille une cavité carrée qui
est sans doute le reste d'une niche ou d'une poterne, et, un peu
plus loin, des pierres en saillie sur la paroi où elles sont engagées
par une pointe, et disposées en encorbellement de façon à former
un véritable escalier pour descendre au pied du mur.
Enfin, à une courte distance à droite, se trouve la dernière
demi-tour. Celle-ci n'est pas complète, mais peut-être ne l'a-telle
jamais été. En effet nous avons rejoint maintenant l'endroit où
l'exploitation antique de la carrière a taillé le roc a pic, si bien
que le sommet de la colline tire de cette coupure abrupte une
excellente défense naturelle. Il ne s'agissait donc plus pour le con-
structeur que de raccorder habilement la muraille artificielle à la
muraille naturelle.
Il y est arrivé en taillant la roche en rond, de façon à ménager
une sorte de base sur laquelle vient s'appuyer et se dresser la tour
construite en moellons. Par malheur il ne reste de cette dernière
qu'une partie assez réduite, car en ce lieu le terrain Engel est res-
treint à une bande étroite n'ayant qu'une faible épaisseur d'humus,
les cultivateurs ont peu à peu démoli la muraille antique pour
élever le vallado moderne, pour nettoyer le sol pierreux, pour
faire leur place aux oliviers et aux aloès envahissants. De telle
sorte qu'il est impossible actuellement de voir comment se com-
portait jadis l'enceinte à partir de cette tour.
Une construction aussi rudimentaire et aussi peu artistique que
celle de ces murs et de ces tours donne lieu à peu de remarques.
Nous avons pourtant noté le soin relatif avec lequel l'ingénieur a
préparé la surface de la carrière pour y établir l'ouvrage. Il est
certain qu'il a dû se livrer à une opération de nivellement. En
effet, en plusieurs endroits, au-devant de la muraille, nous sommes
tombés dans de véritables cavités très régulières où nos ouvriers,
experts au travail des carrières, reconnaissaient, et nous-mêmes,
avec un peu d'habitude, reconnaissions aisément les traces d'une
exploitation régulière, tout à fait conforme du reste à celle qui
est encore en usage à Osuna. Le peu de profondeur de ces excava-
tions (d'ordinaire elles n'atteignent pas la profondeur d'une pierre
a ocho) prouve que les parois en ont été abaissées. D'ailleurs ce
trav.il n'était pas perdu, puisqu'il fournissait en abondance des
éclats de pierre dont on avait l'emploi dans la forteresse.
De plus, on a eu bien soin de ménager à la muraille et aux
tours une assise solide, et l'on suit, tout le long du front du talus,
une entaille qui accompagne les courbes et les lignes droites, éle-
vant la construction comme sur un degré. En avant de ce degré,
presque sur tout le développement du talus, on voit aussi une
sorte de canal peu large et peu profond dont l'usage ne nous est
pas très clairement apparu et qui semble accentuer le contour de
la forteresse.
Nous avons retrouvé dans les décombres plusieurs des outils
qui ont servi à ces travaux préliminaires, et qui sont tout à fait
semblal.les aux pics des carriers osuniens.
En arrière de la plate-forme bastionnée,entre le mur perpendi-
culaire qui la soutient du colé de la ville et le vallado que nous
n'avons pas pu abattre, nous avons suivi un certain nombre de
murs qui se raccordent plus ou moins bien avec ceux du garrotal
dePostigo; mais ici encore nos efforts pour essayer d'établir quelque
plan sont restés vains. Nous pouvons dire seulement que les murs
étaient faits aussi de matériaux de toute espèce entassés sans au-
cun art. La description en serait oiseuse, et nous renvoyons au
plan pour ce qui en concerne les directions. Tout ce que nous
pouvons conjecturer, maintenant que nous connaissons l'existence
de la forteresse, c'est qu'il devait y avoir derrière la ligne de défense
des habitations et des corps de garde pour les soldats.
Nous aurions aimé tout au moins à reconnaître la destination
exacte des gros murs dont les piliers antiques que nous avons
signalés forment la tête. Mais la fouille a déçu notre espoir. En
effet, après avoir passé perpendiculairement sous l'épaisseur du
vallado, ils viennent se heurter au revers de la forteresse, et s' y
arrêtent. Contre cette paroi la construction en est même beaucoup
plus négligée, moins régulière. Les pierres n'ont plus la même
coupe soignée qui frappait notre attention quand nous regardions
la partie située dans le terrain Postigo. Même le mur de droite était
construit sommairement, avec des matériaux mal assortis et mal
liés, si bien que leur cohésion a cédé et qu'il ne reste plus que
deux ou trois assises mal appareillées à la base.
:
Que résulte-t-il de ces constatations, sinon une de ces deux hypo-
thèses ou bien la construction de la forteresse a exigé que ces
murs fussent coupés pour lui faire place, ou bien ces murs mêmes
sont contemporains de la forteresse sans que l'utilité puisse en
être maintenant expliquée? Malgré le soin donné à la tête de ces
murailles, soin qui contraste singulièrement avec le désordre des
autres murs qui existent sur tout ce plateau, nous inclinerions
volontiers à la seconde supposition, car nous comprenons mal
pourquoi les ingénieurs de la forteresse se seraient donné la peine
de couper des massifs assez puissants qui pouvaient donner une
solide assise à leur remblai de moellons et de boue s'ils s'étaient
contentés de les noyer dans ce remblai. Mais, d'autre part, on
peut aussi admettre que, si ces murs sont les restes de quelque
porte monumentale, les têtes en avaient été plus soigneusement
édifiées que les flancs, car ces derniers pouvaient être couverts de
mortier ou de stuc. Il ne faut pas oublier que nous avons trouvé
dans les fouilles une grande quantité de pierres revêtues encore
d'enduit, et quelquefois d'enduit coloré.
Parmi les constructions accessoires il nous faut faire mention
d'une série de hauts degrés formant escalier que nous avons décou-
verts justement au sommet du mamelon, tout contre le vallado
auquel ils sont parallèles. Comme la largeur de ces degrés est a
peu près exactement celle de l'ouverture de ces deux murs, et
qu'ils sont d'appareil assez régulier, nous avions pensé d'abord
qu'il y avait un rapport entre ces deux constructions. Mais nous
avons été vite détrompés. D'abord l'escalier, dont la marche supé-
rieure affleurait presque la surface du sol avant les fouilles, ne se
prolongeait pas en bas jusqu'auv deux murs, et n'a pas pu être
soutenu par eux, ni élevé en même temps. De plus nous avons trouve
juste à cet endroit un fragment de grande gourde à deux anses en
terre cuite, et cette poterie est manifestement de fabrique arabe
(les tessons de céramique arabe sont assez nombreux dans toute
cette partie de la ville antique); il est plus que probable que
l'escalier est de même origine. Cependant nous ne devons pas
négliger de dire que la disposition de ces gradins rappelle de très
près celle des gradins déblayés dans le garrotal Postigo et que
nous avons décrits plus haut. Doit-on en inférer que ceux-là aussi
sont d'époque arabe, ou bien plutôt que la présence de la poterie
arabe tout près de ceux-ci n'est pas un témoignage suffisant pour
autoriser à dire qu'ils ne sont pas ibériques? (Pl. IV, B.)
Pour revenir à la forteresse même, dont l'intérêt est ici principal,
nous n'avons pas encore traité toutes les questions qu'elle soulève.
D'abord on peut être étonné que les habitants d'Ursao ayant a
leur disposition, comme nous l'avons dit, de fortes pierres prove-
nant de divers édifices, aient consacré ces matériaux à bâtir des
salles et chambres placées derrière le rempart, casernes, corps
de garde ou casemates, au lieu de les employer au rempart lui-
même pour lui donner plus de masse et de résistance. Nous ne
pouvons que constater le fait sans l'expliquer.
Mais comme au pied de la muraille en talus, et jusqu'à une
distance de 5o mètres environ sur la pente de la carrière, nous
avons retrouvé dans la terre une énorme quantité de pierres
taillées et travaillées, dont beaucoup très grosses; comme ces
pierres étaient jetées pêle-mêle, souvent amoncelées en tas; comme
il y avait aussi des pans de murs entiers tombés comme une seule
masse et venus a terre sans s'éparpiller, et comme il faut bien en
expliquer la présence, nous sommes amenés à affirmer que la
forteresse, telle que nous la voyons actuellement s'élever au point
culminant de la colline, avec ses quatre gros bastions, n'est pas
complète. Il n'y a du reste qu'un seul moyen de la reconstituer
par la pensée, c'est de rétablir au-dessus de cette muraille et de
ces demi-tours en moellons une autre muraille et d'autres
demi-tours en gros appareil. Ce qui subsistait sous le tertre que
nous avons fouillé, c'était l'escarpe, le soubassement des fortifica-
tions proprement dites, et c'est du reste ce que faisait prévoir la
forme de talus incliné donnée à la construction. C'est celle que
l'on emploie pour donner plus de résistance à une substruction
avec plus de pied, lorsq ue cette substruction est exposée à uu
tassement vertical et à des poussées latérales.
11 est du reste bien prouvé
que tout ce socle des remparts et des
tours de défense n'était pas caché aux yeux, alors qu'il était en
service, par un amoncellement de terre s'élevant jusqu'au pied
des remparts et des bastions eux-mêmes; cette idée pourraitvenir
à d'autres comme elle nous est venue à nous-mêmes; mais cela
est impossible, car c'est au-devant de ces soubassements, sur le roc
même de la carrière, qu'étaient entassés tous les matériaux de démo-
lition, et pêle-mêle avec eux lesarmes de toute espèce, indigènes et
étrangères, dont nous étudierons plus tard la précieuse çoIJectiQn.
La vraie muraille, les vraies tours ont donc été projetées
soit en avant, soit en arrière, dans le garrotal Postigo comme dans
le terrain Engel, sur un sol placé plus bas, très sensiblement plus
bas que leurs premières assises inférieures, c'est-à-dire que leur
base était à découvert.
Ce sont là des faits, en somme, qu'un peu d'observation sulJit
à établir. Il est bien plus hasardeux d'essayer de fixer la date à
laquelle on doit faire remonter la construction de la forteresse
et celle de sa destruction, aussi bien que les circonstances de l'une
et de l'autre. Nous croyons pourtant pouvoir donner de ces pror
blêmes des solutions au moins vraisemblahles.
Un des résultats les plus certains des fouilles est, selon nous,
et nous y avons insisté à plusieurs reprises déjà, d'avoir prouvé
que toutes les constructions, y compris la muraille forte elle-même,
ont été exécutées rapidement, pour parer à un péril urgent.
D'autre part il est non moins certain qu'un combat acharné
s'est livré au pied de la forteresse, quepeut-être la muraille et
les tours ont été prises d'assaut, et qu'à cet assaut, où le feu joua
son rôle, sont dues la chute et la ruine complète des constructions
de défense.
En effet, si en arrière du valladQ, au revers de la forteresse,
nous avons recueilli, comme nous l'avons dit, un assez grand
nombre de boulets de pierre, de balles de frondes en plomb et de
déb'is d'armes de fer, ces mêmes objets pullulaient en avant du
front de défense, dans le terrain Engel, et l'état même d'aplatisse-
ment, de torsion ou de cassure où beaucoup nous sont parvenus
démontre qu'ils ont servi et ne proviennent pas d'un arsenal ou
d'un dépét. De plus nous aurions pu enlever des tombereaux de
cendres et de gros sacs de charbons, restes d'un violent incendie,
et nous avons dit que par endroits des quartiers de murailles
s'étaientabattus d'un seul bloc. Sans doute longtemps encore après
cette bataille la ruine dut dresser au-dessus du sol des pointes
émergeantes de constructions conservées; mais peu à peu le temps
et la culture ont égalisé complètement le sommet de la colline;
les murs et les tours se sont trouvés rasés à leur pied même,
tandis que leur base s'enfouissait complètement dans la terre
protectrice.
pour l'époque de ces événements les balles de frondes en plomb
portant en relief GN MAG IMP (GneiusMagni[f.] Imperator),
que nous avons ramassées en abondance, sont des documents dont
l'importance est exceptionnelle.
En effet, si l'on a recueilli beaucoup d'autres balles de frondes
porlant aussi des lettres et des marques, celles que nous signalons
ici sont les seules qui portent un nom romain. Parmi les autres,
qui sont ibériques, il n'y a que deux ou trois marques divenuos,
et ces deux faits rapprochés semblent bien prouver que ces petites
masses de plomb ne proviennent que d'une seule et même action
de guerre.
Or le nom de Cn. Pompeius nous donne une indication précieuse,
car nous n'ignorons pas que dans la région d'Osuna se déroulèrent
les graves événements qui consacrèrent la définitive défaite des
Pompéiens. Si l'on discute encore
— et la discussion peut durer
longtemps
— sur l'emplacement de Munda, du moins les texles
anciens sont-Hs d'accoi d pour inciter les historiens modernes à
chercher aux environs d'Osuna le théâtre de la célèbre bataille; et
plus d'un témoignage aussi marque avec précision le rôle qu'Ursao
joua dans cette guerre décisive.
PIERRES ARCHITECTURALES.
FOUILLES D'OSUNA
fragment de colonnette qui ne lui appartient peutêtre pas. H est
d'une pierre à grain plus serré; l'échiné est un tore un peu moins
arrondi, d'un galbe plus simple; mais l'ensemble, s'il est plus élé-
gant, est traité avec la même simplicité.
Ces deux chapiteaux n'en ont pas moins de l'intérêt surtout si
l'on veut bien se rappeler que les Ibères ont su, quand ils l'ont
voulu, concevoir et sculpter des chapiteaux où ils s'inspiraient des
modèles grecs assez heureusement pour rester originaux. On sait
qu'il existe au Louvre deux chapiteaux rapportés d'Elche, l'un
orné de palmettes, l'autre de volutes et de rinceaux, où il est
aisé de reconnaître l'imitation non servile mais très personnelle
d'excellents modèlesgrecs,"). Les mêmes observations s'appliquent
à des chapiteaux ibéro-ioniques de Montealegre et du Cerro de los
Santos (2).
D'ailleurs à Osuna même nous avons pu nous procurer pour le
Louvre un petit chapiteau de style corinthien qui donne lieu aux
mêmes réflexions que ceux de la région d'Alicante et d'Albacetv.
Il provient des fouilles du théâtre, mais il est probable qu'il se
trouvait égaré dans ces ruines. Au premier coup d'œil il ressemble
par la simplicité des volutes et des feuilles lisses appliquées contre
la corbeille à certains chapiteaux gothiques; mais ce n'est qu'une
apparence, et l'antiquité n'en fait pas de doute. L'abaque, très
peu épais, est découpé sur plan carré curviligne; chaque angle
saillant est supporté par deux disques accolés de part et d'autre
d'une console et jouant le rôle des volutes grecques. L'échiné en
forme de corbeille est engagée derrière ces disques qu'elle échancre
et cerclée d'un assez gros tore. Sur chaque face, au point ex-
trème de la courbe rentrante, faisant saillie contre l'abaque et le
dépassant de sa pointe, il y a une feuille; enfin contre le bas de
la corbeille est plaquée une ceinture de feuilles lisses dont la pointe
se retourne en avant. On retrouve donc ici tous les éléments du
chapiteau corinthien classique, mais chacun d'eux est transformé.
interprété si l'on veut, et il ne peut venir à l'esprit que notre petit
monument soit l'œuvre d'un Romain, et non d'un ingénieux Ibère.
Mais tandis que le plus important des chapiteaux d'Elche, par
exemple, a surtout pour caractéristique la multiplication, la com
1 Pierre PARIS, Essai sur l'art el l'industrie de l'Espagneprimitive, t. l, p. 8
clsiiiv.Pl.TUetfiç;.36et07.
v® ll'id..fig. 3i, 3a, 33.
plication très touffue, trop touffue peut-être, des éléments em-
pruntés(lessculptures du Cerro de los Santos, le buste d'Elche
montrent que cette exagération est un défaut essentiel de l'art ibé-
rique), ici nous saisissons au contraire comme un souci de simpli-
fication et de synthèse. Il est vrai que peut-être la pierre du chapi-
teau était couverte de couleur, et que le peintre avait fixé avec
son pinceau les enroulements des volutes, le lacis tressé de la
corbeille, les nervurès et les frisures des feuilles d'acanthe. De
plus il est probable que, tout en étant sculpté par un indigène, ce
chapiteau est de date relativement récente, d'épolue romaine si
l'on veut. Quoi qu'il en soit, il nous a paru intéressant de re-
cueillir ce morceau curieux pour le comparer et l'opposer aux
chapiteaux doriques dont nous venons de parler, Aussi remercions-
nous notre ami dévoué D. Juan Lasarte qui a su nous le procurer.
Après les restes de colonnes, les fragments de corniches ou de
frises que nous avons découverts méritent de fixer l'attention.
La pierre qui nous paraît de la facture et du style le plus an-
cien est une pierre d'angle ayant la forme d'une plate-bande sur
laquelle est découpée à plat une ligne de larges crosses. La frise
ainsi décorée devait être très antique, si l'on en juge par la nature
du èalcaire dont on a fait usage, un calcaire coquilliertrès mou.
Nous savons d'ailleurs que cet ornement était familier aux Ibères;
sur des vases dont le style remonte à une très haute antiquité la
crosse est très souvent employée. On en peut voir de nombreux
exemples dans l'Essai sur l'art et l'industrie de l'Espagne primitive,
au chapitrè de la céramiqueM.
Dans un calcaire analogue à celui de ce bandeau ont été taillés
quelques fragments d'une corniche assez épaisse et saillante, en
particulier deux pierres d'angle, dont la principale moulure est
ornée d'une grosse torsade en relief. Elle se détache au-dessus de
trois minces listels en encorbellement. On comprend que placé à
une certaine hauteur ce simple tore ondulé, avec les raies d'ombre
s inueuses de sa cofcte tordue, devait produire un heureux effet de
force et de solidité,, omrne si an cible puissant eût encerclé le
faîte de l'édifice (pl. V-,C).
ce
;
D'ailleurs ft
rnuftif ftembèe avoir quelque vogue, car il nous
semble que les deux pierres d'angle, que nous avons surtout exa-
W T. Il, fig.13i,173,174,170,178.etc.
XIII, 4e fasc.
PI VI
VI.
Nom.Arch. des Missions Scques, T.
FOUILLES D'OSUNA
minées, ne proviennent pas dû même monument. Du moins elles
n'ont pas été exécutées par le même ciseau, car l'une nous paraît
d'une facture plus ferme que l'autre. Ainsi tandis que les petites
*
platcs..biltIdes sont ici bien dressées taillées à angles vifs, elles sont
là creusées en forme de cahâl; lèà arêtes des angles saillants,
comme celles des angles rentrants * sont émoussées; et la torde
accuse une torsion moins serrée. Il est possible*après tout, que
ces différences résultent plutôt d'un état plus ou moins hettrèux
de conservation.
Nous ne signalons qu'en passant une console fort simple mais i
j
d'un dessin vigoureux, dont il est difficile de retrouver la destina-
tion; elle est non plus en pierre coquillièrè mais en grès tendre,
h
comme le petit chapiteau dorique et probablement assez récente.
Il coftvient au contraire d'insister sUr plusieurs fragments où
nous retrouvons l'imitation directe des modèles grecs.
Tout près du Cerro de los Santos, au Llano de la Consolaciônj
ont été recueillis quelques humbles débris où l'on voit un rang
d'oves appuyé soit sur Un simple listel, soit sur un cordon de perles;
entré les courbures des oVes sont logés des fers de lances (1). Un éOIS
don de perles sous l'abaqued'unchapiteau et un rang de grands
oVes constituent aus-i un chapiteau ihéro..greé de même provenance.
A Osuna nous avons également retrouvé des rangs d'oves, mais
cet ornement classique est employé de façon originale et fort ingé-
nieuse. En effet il a été chargé de décorer l'étroite bande saillante
formant la face verticale d'unlarmier dont il reste quelques mor-
ceaux courants et une pierre angulaire. Comme sous les pieds
des personnages de certains bas'réliefs il se trouve un rang d'oves
semblables (pl. XVII, B), il est très possiblè qUe ce larmier ait
servi à protéger la saillie des sculptures d'une frise (2). Quoi qu'il
en soit, l'idée est heureuse. Sous un mince listel, un peu en re-
trait, sont pour ainsi dire suspendus les ôVes, larges et de galbe
alourdi, entourés d'un bourrelet. Le globe en est aplati, et,
par Un oubli fort explicable de l'origine du motif, agrémenté en
son milieu d'une petite cannelure verticale. Les oves ne sont pas
(l) t.
Pierre PARIS. Essai, HP- 3i.
(ci) Il nous
a semblé qu'un des fragments du larmier
;
s'ajustait tout natu-
rellement au-dessus d'un des bas-reliefs auxquels nous faisons allusion mais
comme il est toujours facile de faire coïncider dnx surfaces plantes, nous n'o-
sfrns pis changer en affirmation rtÓthi, hypothèse.
tangents, mais séparés par la douille d'un fer de lance. Le bord
inférieur de cet ornement courant est découpé suivant l'alternance
sinueuse des oves et des lances pointues, et cette ligne ne manque
pas de grâce ni d'élégance, malgré l'alourdissement du motif ori-
ginel. En arrière la pierre se creuse en s'arrondissant, de manière à
ce que la chute de l'eau pluviale devienne nécessaire, et le larmier
se raccordait ensuite par une courbe molle à la paroi verticale qu'il
devait couronner.
En somme l'architecte ibère a emprunté aux architectes des pays
classiques l'idée même et l'image du larmier protecteur, il leur a
emprunté le motif dont il a décoré ce larmier, mais il n'a point
fait acte de simple plagiaire, et aussi bien dans l'ornementation
que dans la forme il a trouvé le moyen de montrer de l'ima-
gination et du goût; c'est de la bonne et féconde imitation. Et si,
comme nous le supposons, ce larmier protégeait les bas-reliefs
soulignés d'un rang d'oves, cette imitation remonte à une époque
assez lointaine.
Ce n'est pas non plus une invention tout à fait originale que
celle de ce protome de bélier faisant saillie au-devant d'une grosse
pierre cubique. L'animal, dont l'arrière-train était censé enfoncé
dans la muraille où la pierre était encastrée, est accroupi, les pattes
repliées sous son corps. L'idée vient naturellement de rapprocher
cette sculpture des fameux chapiteaux des palais de la Perse, et
des chapiteaux de Délos, que ceux-ci ont sans doute inspirés. Ce-
pendant, au lieu d'un chapiteau, nous n'avons ici qu'une figure
décorative, quelque chose d'analogue aux gargouilles de notre art
national, et le rapprochement avec l'art oriental doit se borner à
l'attitude (pl. VII, A, A).
D'ailleurs, au lieu d'un taureau, l'artiste d'Osuna a représenté
un bélier. Si l'on ne voyait que l'avant-corps sans la tête, on pour-
rait s'y tromper, et c'est ce qui nous est arrivé d'abord en présence
d'un fragment de figure analogue que nous avions découvert précé
demment (pl. VII, B). La tête manquait; on ne voyait qu'un poitrail
d'animal où la peau se plissait en fanons réguliers comme ceux d'un
taureau; il était impossible de reconnaître là une toison laineuse,
et c'est pourtant ce que l'artiste a voulu représenter, comme le
montre la seconde sculpture.
Cette maladresse s'explique d'autant moins que la tête de bélier,
toute mutilée qu'elle soit (il manque le mufle et les oreilles, et
Notiv. Arcii. des Missions Sci"",T.XIII, 4a fasc. Pl. rIl.
FOUILLES D'OSUNA
l'œil gauche est éraillé), dénote une observation assez juste de la na-
ture, et une certaine dextérité de technique. La forme camuse du
front et du nez, l'enroulement des cornes, la saillie de l'œil gros et
stupide sont très bien vus, et rendus avec assez de franchise;
bien que le travail soit rude en somme, il est surprenant que le
sculpteur en ait pris si à son aise avec les frisures de la toison sur
le front, sur le cou et sur la poitrine, et s'en soit tenu à une sorte
de stylisation des plus conventionnelles. D'autant plus qu'un petit
bélier de pierre qui a été trouvé également au garrotal, et qui ne
semble pas d'époque plus récente (nous en reparlerons plus tard)
est traité avec beaucoup plus de vérité (pl. VII, E). Ajoutons que
l'observation fait aussi totalement défaut en ce qui concerne les
pattes de l'animal, qui non seulement sont attachées au corps de
façon tout à fait absurde, mais n'ont rien qui rappelle celles des
moutons.
Nous ne trouvons à ces anomalies qu'une explication, si l'on ne
veut pas se contenter d'en rendre responsable la grossièreté barbare
de l'auteur; c'est que le vieux tailleur de pierre a donné vraiment
une tête de bélier à un corps de taureau. Nous verrons bientôt des
exemples de taureaux dont le cuir se plisse au cou et au poi-
trail suivant cette même formule qui est ici appliquée à contre-
sens. Il est donc à croire que dans les édifices d'Osuna la coutume
était d'encastrer des bustes saillants de taureaux, et que ces orne-
ments étaient devenus classiques, si bien que lorsque sa fantaisie
ou quelque convenance religieuse poussa un sculpteur à remplacer
le taureau par le bélier, il ne se préoccupa que de la tête, et
laissant travailler suivant la tradition son ciseau routinier, ne
s'offusqua pas de créer cet être hybride qui nous étonneM.
Ce n'est pas du reste le seul exemple d'un abus de ce genre que
nous offre l'histoire de la plastique. On se rappelle qu'un grand
nombre de têtes viriles du Cerro de los Santos ont la chevelure
disposée régulièrement en dents, pointes et chevrons, dont la forme
conventionnelle a été empruntée par les Ibères à l'art chaldéen;
c'est un fait que M. Léon Heuzey a établi avec force depuis long-
(i) L'idée pourrait aussi être soutenue que la pierre à laquelle manque la tête
était vraiment un protome de taureau, et que sur la façade de l'édificed'où
proviennent ces ornements alternaient des animaux divers. Alors on devrait ad-
mettre que le sculpteur a fait tous les corps semblables, pour garder quelque
unité à la décoration.
temps;or nul n'ignore que ces mèches chaldéenries, dans leur pays
d'origine, ont servi indistinctementà figurer toute surface couverte
de cheveux, de poils, de laine, deplumes ou de franges, et qu'on
les retrouve tracées de même sur la tête des statues, sur le cou et les
épaules des lions, sur l'étoffe de kaunakés. N'y a-t-il pas là une négli.
gence ou, pour mieux dire, une paresse d'invention aussi grave que
celle du sculpteur d'Osuna, tenant à la même force d'inertie qui
fait le danger des conventions artistiques?
Quelle fut au reste la destination véritable de ces béliers? Nous
avons songé à des gargouilles, à cause de la forme, et aussi parce
que la première pierre rencontrée, celle dont la této est perdue,
est creusée sur sa face supérieure d'une sorte de canal qui aurait
pu servir à l'écoulement des eaux. Mais ce canal manque à la se-
conde, et la tête n'est pas percée comme il conviendrait dans cette
hypothèse. Nous pensons plus volontiers à des consoles saillantes
au sommet d'un mur pour supporter quelque architrave, l'extré-
mité de quelques poutres maîtresses d'entablement. La supposi-
tion est d'autant plus séduisante que la face supérieure du bloc
est plate et lisse.
Quoi qu'il en soit de la solution donnée au problème, il n'en
est pas moins intéressant d'avoir retrouvé ces deux débris qui ne
sont pas tout à fait obscurs, puisque nous y saisissons une fois
de plus ce mélange d'éléments étrangers et d'éléments indigènes
qui caractérise le style ibérique.
A ce titre le taureau dont nous allons nous occuper maintenant
a bien plus de valeur encore (pl. VIII, A). L'importance de cette
figure aurait pu nous la faire classer dans une autre série, et nous
autorisait à l'étudier comme une œuvre isolée de sculpture; mais
une des raisons qui lui donnent surtout du prix, c'est qu'elle a fait
partie intégranted'une construction.Ellene constituait pas un orne-
ment accessoire, n'ayant qu'une simple valeur décorative; mais elle
était vraiment un membreintime de J'édifice. En effet, tandis que
la tête et le cou sont traités en ronde-bosse, le reste du corps est
appliqué en très hautrelief contre un bloc épais. Nous connaissons
déjà dans .l'art ibérique une figure ainsi conçue; c'est l'une des
plus connues et des plus instructives, la Vicha de Balazote. Cet
animal fantastique à tête d'homme cornu, à corps de bœuf, a eu
l'heureuse fortune d'occuper M. Léon Heuzey qui en a mis en
lumière avec sa science et sa précision coutumière les caractères
HOU/I. Arch.des Missions Seqlles, T. XIII, 4e rase. VIII.
FOUILLES D'OSUNA
essentiels en le rattachant à des origines orientalesW. 11 est aisé
de voir que le taureau d'Osuna est établi de façon à être placé
exactement comme la Vicha de Balazote, c'est-à-dire à la manière
destaureauxque nous montrent certaines représentai ions de palais
assyriens, et qui supportent des piliers, on bien à la manière des
grands taureaux androcéphales qui gardent les portes des demeures
royales de Khorsabad ou de Susc. De plus il est couché tout à fait
comme la Vicha, les quatre pattes repliées sous son corps, et sa
queue,terminée de même par un plumet, s'enroule de même sur
1a cuisse gauche. Sans doute là s'arrêtent les rapports, et le taureau
n'a pas 1 intérêt que donne à la Vicha sa tête humaine.
De plus l'art en est extrêmement mauvais. On ne peut rien
maginer de plus mala Iroit que la construction de cette pauvre
bête. En particulier la tête est beaucoup trop petite pour le corps,
les pattes de devant ne sont pas en proportions avec celles de der-
rière. Tout l'arrière-train est d'ailleurs beaucoup trop puissant.
Mais ce qu'il y a de plus fâcheux, c'est le dessus des pattes ployées,
et surtout la forme de l'épaule de devant et de toute la jambe
de derrière qui se découpent sans aucune vérité anatomique sur
le ventre énorme, carré, sans modelé. L'encolure est cerclée de
lignes parallèles assez indécises qui veulent signifier le plissement
des fanons, et dont le moindre défaut est d'être trop nombreuses,
trop uniformes, et de remonter jusque sur la nuque, comme
une série de colliers.
Enfin la tête, que la cassure des cornes et des oreilles contribue
à rendre encore moins naturelle, est taillée d'un ciseau rapide et
mou qui se contente d'un à peu près. L'ouvrier n'a pas su donner
sa forme exacte au museau, coupé au bout comme un groin, et
s'est contenté de figurer les naseaux par deux trous ronds, l'un
plus petit que l'autre, et les yeux par deux globes saillants sous
des paupières en amandes, sans se préoccuper de les mettre d'en-
semble. Au-dessus de ces yeux le front se plisse et les six traits
qui expriment le froncement du cuir se rapprochent sur le chan-
frein de facon tout a fait conventionnelle. On voit aussi un pli
transversal allant de la base d'une corne à l'autre, et ressemblant
à une lanière; une série de petites coches juxtaposées veut indiquer
,
forteresse les ont brisées comme à plaisir, mais nous avons pu ras-
sembler deux à deux, ou trois à trois plusieurs fragments de façon
à reconstituer entièrement l'aspect de la décoration. Sur chacune
des faces, et sur toutes les pierres, était représenté le même sujet
ornemental, traité en très faible saillie plate. On voit à droite et à
gauche deux grosses torsades parallèles réunies en haut et en bas
par un simple bandeau étroit. Le champ rectangulaire ainsi dé-
terminé est rempli par une courte colonne cannelée, la tête s'en
épanouit de part et d'autre du fût en élégantes volutes ioniquesdont
les courbures sont tangentes au cadre. Contre le pied de la colonne
vient s'appuyer de chaque côté une crosse tangente aussi au cadre.
et dont la volute est disposée en sens inverse de celle du chapiteau.
Les petits écoinçons déterminés entre les volutes et les angles du
cadre qu'elles remplissent sont occupés par une simple petite feuille
dont l'ornement rejoint le sommet de l'angle. Sur l'une des faces
au moins on aperçoit que le bandeau supérieur ducadre est
décoré de dents (pl. V, B; VI, A, B).
Nous avons retrouvé les éléments de trois de ces tableaux; deux
proviennent du même bloc. Mais si le sujet est partout le même,
il y a une recherche certaine de diversité dans le détail. Ainsi,
d'abord, si la même torsade se reproduit à droite et à gauche sur
chaque face, d'une face à l'autre cette torsade change de dessin;
elle est ou très simple, une série d'S accrochées en façon de gros
tortil, ou assez compliquée, par exemple un écheveau à trois
brins.La colonne a de simples rudentures, ou une succession de
Xouv.Arch.des Missions Si'i"", T. XIII, 4e fase.l'l.IX.
FOUILLES D'OSUNA
cannelureset derudentures, ou même elle devient une colonne,
torse comme le laisse deviner un fragment. Les volutes et les
crosses sont de dessin plus ou moins sobre, tracé avec plus ou moins
de vigueur.
U est, nous le répétons, malaisé de déterminer l'emploi de ces
pierres.Nous avons pensé d'abord qu'elles servaient simplement
de bases à des piliers, mais leur cube ne paraît pas se prêter à cet
usage, et il faudrait d'ailleurs que quatre faces consécutives eussent
été sculptées, ce que nous ne croyons pas. Nous avons songé en-
suite à les rapprocher des pierres tombales recueillies en grand
nombre à Carthage, et où l'on trouve quelquefois des ornements
;
de ce genre mais outre qu'elles n'ont pas la forme de stèles funé-
raires, on n'y voit ni inscriptions, ni figures symboliques, et d'ail
leurs il n'y a pas de raison pour que les pierres tombales soient
décorées sur plusieurs faces.
SCULPTURE.
(1) Sur le bas-relief de Séville voir Pieprp Paris, Essai, L i,p.3?8, lig. 3l.
La seconde stèle de Marchepa est i'iguiveIbid., fig. 3 d.
La question rt'¡l.iUeUl'S
se complique encore. si l'on se rappelleces quelques lignes de CFAN-BFRMUDEZ,
Sumarin de las anligiiedades romands que hay es Espana, p.
3ifl, au mot Lorilla t
«Lorilla o Lora Menor, alilea de Est pa en la proviacia de Sevilla. maptiene
las ruinas de suanligua poblacion, eotre las cuales se Jialla w» bnfo relieyt de
»
marmol que JigurabaIçicierva de Diana. Serait-ce la cierva du Musée de Sé-
ville? Le plu.. sage serait peut-être d'admettre tout simplement que le motif
de la bicheallaitant un faon était particulièrement aime des sculpteurs de
cette région.
C Musée de Séville, n° 596.
s'agit d'une ou deux frises taillées dans un grès assez tendre,
Il
mais de grain menu, et assez plastique, dont nous avons recueilli
quatre morceaux principaux.
10 Une pierre d'angle, longue de 1 m. 22, haute de o 111. 385
épaisse de o m. 28. On y voit sur la face principale six jambes,
vues de profil, et provenant de personnages tournés vers la gauche.
Sur la face étroite de gauche il reste une seule jambe. Comme le grès
est nettement coupé à sa partie supérieure, ilest certain que lasculp-
ture était taillée sur deux assises étroitementjointées (pl. X, A).
Toutes ces jambes, dont plusieurs ont été mutilées (même l'une
d'elles, la première à gauche, n'a laissé qu'une trace à saillie
déchirée sur le fond), sont de forme courte et lourde; elles sont
nues, mais les pieds sont chaussés de brodequins à bouts pointus
et relevés, que serre au-dessus de la cheville un triple lien plat.
Sur les deux premières jambes à droite vient se poser et s'ajus-
ter nettement un corps viril, dont la tête a par malheur sauté; le
bras gauche, qui était tendu en avant, était sculpté sur un autre
bloc que nous n'avons pas retrouvé.
Le personnage ainsi reconstitué en grande partie est un fantas-
sin qui s'avance vers la gauche, les jambes vues de profil (nous
;
l'avons indiqué) et le reste du corps vu de dos. Le bras droit dis-
paraît presque complètement derrière la poitrine on n'en voit que
l'attache à l'épaule et à gauche, sous l'autre bras, la main tenant
contre la taille la poignée d'un sabre. Le bras gauche était tendu
en avant et tenait assurément un petit bouclier. Le soldat est vêtu
d'une tunique courte toute plissée de plis contrariés, formant des
épaules à la taille d'abord, puis de la taille jusqu'au bord inférieur,
des angles aigus dont les sommets sont tournés vers le bas. La taille
est marquée plutôt que vraiment serrée par une ceinture assez
lâche que constituait soit un large bandeau divisé en trois par une
gaufrure, soit un étroit galon trois fois enroulé.
2° Pour nous rendre moins sensible la mutilation de ce personnage,
dont la tête et les bras ont été brisés, les fouilles nous ont rendu un
groupe de deux soldats semblables, sculptés sur un même bloc, et
ceux-ci sont dans un état de conservation presque parfait. Il n'est
point douteux que ce bloc ne provienne du même édifice, mais je
n'oserais pas affirmer qu'il appartenait à la même frise, parce que les
corps entiers des deux hommes sont taillés sur un bloc unique, et
il est assez difficile d'admettre que la même frise ait été distribuée
fa,c.
D'OSUNA
FOUILLES
XIII,
T.
Mixtion*
Jet
Arch.
A'oup.
Xl.
l'l.
D'OSUNA
FOUILLES
4Pfasc.
.¡ejasc.
XIII,
T.
T.
,S'c.,,,,,,
Sc<J/
J/i.!<iol1"
ions
ss
Mi
des
d('.
Arch.
Al'ch.
Nouv.
là sur deux assises, et ici sur une seule. La chose n'est pourtant
pas impossible. Quoi qu'il en soit, il faut reconnaître ici et là le
même ciseau. L'attitude des deux fantassins est exactement la
même que celle que nous venons de décrire tout à l'heure leur
costume, leurs chaussures sont identiques; mais nous apprenons
;
de plus qu'ils ont comme arme offensive un sabre à lame courte,
comme arme défensive une petite rondache à umbo, exactement
semblable à la rondache des Lusitaniens que Strabon décrit ainsi :
âcnrtSiov Jhrouv, xoïkovsis TO ëp:npoO"Bev, c'est-à-dire un petit bou-
,
clier ayant deux pieds de diamètre, et à surface extérieure con-
cave. Leur tête est nue, couverte de courts cheveux drus coupés
net assez bas sur le front. C'est le lieu de rappeler que, suivant
Strabon encore, les Lusitaniens de son temps combattaient tête
nue, se contentant de se nouer quelque étoffe autour du front,
anpcocrctfxsvoi Ta (JLsxùma (xot)(pvTa.i, à la manière sans doute des
Espagnols modernes, en particulier des Aragonais (1) (pl. XI, A).
3° Sur un troisième bloc était sculpté un autre guerrier. Il est
regrettable qu'il ait si tristement souffert (il lui manque la tête, le
bras droit et les deux jambes), car il différé des précédents par
plusieurs traits intéressants. D'abord, bien que les jambes aient
été modelées de profil, son torse est vu non plus de dos, mais de
face; le bouclier, dont les bords sont très écornés, est maintenu
tout contre sa poitrine; il est du reste tout à fait semblable aux
autres. Mais la tunique est ici différente, ou plutôt la tunique
est remplacée par une cuirasse dont on voit les pièces appliquées
à glissement sur les épaules, et qui forme depuis la taille comme
une jupe à triple étage de petites languettes ou lanières superposées.
M. Léon Heuzey a rapproché cette cuirasse de celles que l'on
remarque particulièrement sur les bronzes phéniciens et sur les
cylindres dits hétéens ou hittites. Peut-être, plus simplement,
faut-il voir dans ces lambrequins trois volants de tunique froncee
à petits plis (pl. XI. B).
Cette variante dans l'uniforme, et cette attitude différente de
celle des soldats groupes en compagnie, peuvent désigner un otli-
cier marchant en avant de son bataillon.
Sur le bas-relief du musée de Séville les deux personnages n'ont
de profil
pas moins d'intérêt (pl. XII, A). Le premier à droite est vu
;
brodequins qu'à ceux du personnage précédent. Il est absolument
impossible de savoir ce que faisait cet homme ainsi équipé il est à
supposer que ces longs habits sans ceinture conviennent à un
prêtre ou tout au moins à un civil.
Nous ne prétendons pas que toutes ces figures aient un grand
mérite d'art; mais la valeur archéologique en est notable, car rien
de tel encore n'avait été exhumé du sol de l'Espagne. Il ne peut y
avoir de doute sur leur origineibérique, parce que ces bas-reliefs
ne ressemblent en rien à ce qu'auraient pu importer les Phéni-
ciens, les Grecs ou les Romains.
Sans doute les sculpteurs qui ont taillé ces images étaient d'une
grande naïveté. Les attitudes ne sont jamais naturelles, et l'observa-
tion de la vie était la moindre qualité des auteurs. Il saute aux
yeux que, sauf deux exceptions, le guerrier qui porte la cuirasse et
celui qui se trouve à gauche sur le fragment de Séville, les torses
sont adaptés à la taille et aux jambes avec la plus enfantine mal-
adresse, et si les tuniques n'enveloppaient de mystère le nu des
hanches, on ne comprendrait pas la torsion infligée au squelette et
aux muscles pour arriver à représenter des personnages à la fois
de dos et de profil.
La difficulté a été plus grossièrement résolue encore lorsqu'il
Nouv. Arch. des Missions Scques,T. XIII, 4efasc.
pi XII.
FOUILLES D'OSUNA
E. LEROUX, Édit.
s'est agi de présenter de face, et peut-être dans l'attitude de la
marche, le personnage à grande toge. Les jambes largement écar-
tées le rendent horriblement bancal, et le seul pied qu'il a con-
servé, vu par le bout, est difforme.
Du reste, les défauts de ces œuvres sont innombrables. Les bras
sont très mal attachés, et toute la structure du corps est incorrecte,
comme si les sculpteurs n'avaient pas pris soin de regarder, à plus
forte raison d'étudier et de copier la nature. On se rend bien
compte encore de cette faute lorsqu'on examine les proportions,
qui ne sont jamais justes, et semblent choisies par les artistes pour
répondre à l'idée, je ne dis pas à l'idéal,equ'ils se faisaient des
formes humaines. Or l'homme, ils le voyaient petit et court,
robuste et trapu, large aux épaules et à la ceinture, et comme
tassé sur ses jambes fortes. C'est un caractère que nous retrouverons
sans cesse dans la suite de cette étude, et qui, tout en faisant la part
de l'archaïsme, témoigne bien d'une intention ou tout au moins
d'une vision spéciale.
Quant au modelé des parties du corps laissées nues, il est aussi
rudimentaire que le dessin, ou plutôt il n'existe pas. Sous les chairs
molles et empâtées on ne soupçonne nullement l'ossature, et le
sculpteur est satisfait, à bon compte, s'il a réussi à esquisser la
silhouette de ses personnages; peu lui importe qu'ils aient l'aspect
de mannequins plutôt que d'hommes.
Nous n'avons encore rien dit des têtes. Si l'on considère les deux
seules qui se sont conservées (elles sont, par un heureux hasard, à
peu près intactes), on est choqué de la forme du crâne et de celle
des mâchoires, de la place et du développement des oreilles.
Cependant il y a peut-être lieu d'observer ici que l'aspect étrange
de ces visages n'est pas dû seulement à la rudesse barbare, et, si
l'on veut être indulgent, à l'archaïsme de l'auteur. En effet, si les
yeux dessinés de face, à la mode orientale ou grecque archaïque,
s'expliquent par l'antiquité même de la sculpture, il n'en est plus
ainsi du prognathisme presque monstrueux et de la bouffissure des
lèvres des guerriers. Ces traits sont dus certainement a la préoccu-
pation de caractériser le type d'une race, et l'on songe tout natu-
rellement à reconnaître dans ces fantassins, que leur armement et
leur uniforme devraient faire appeler Ibères, un contingent de nègres
africains à la solde de quelque peuple ou roi de la Péninsule. Cepen-
dant il y a une objection grave, c'est que les cheveux, tels qu'ils sont
ici ligures, ne sont
pas crépus, mais sont disposés en un triple
étage de petites mèches plates.N'y a-t-il là qu'une impuissance
du sculpteur à pousser son observation jusqu'au menu détail,
ou même à exprimer avec son ciseau ce détail, si l'expression en
exige un travail nouveau, en dehors de la tradition routinière
de l'atelier?
D'autre part la technique de ces bas-reliefs est assez curieuse.
La saillie est très vigoureuse, et les corps se détachent hautement
sur le fond; mais il y a très peu de modelé. Si l'on examine, par
exemple, les jambes des personnages, on voit qu'elles sont taillées
presque carrément, et que le contour en est marqué par un
angle sec, presque droit; c'est une sorte de découpage plan sur
plan, et ce qui accentue l'effet du procédé, c'est que la surface des
corps est presque plate. On se demande si ce n'est pas un souvenir
de la technique des ouvriers sculpteurs de bois, soit qu'il y ait eu
une époque en Espagne même où l'on se servait du bois pour les
statues et la sculpture décorative, soit que les artistes d'Osuna aient
simplement copié leurs procédés sur des modèles importés, ou
emprunté leurs outils à des maîtres étrangers. Du reste, dans le
détail même on reconnaît aisément l'emploi, probablement exclu-
sif, de la gouge et du ciseau à bois; il suflit d'examiner, par
exemple, les plis des tuniques ou la ligne sèche qui coupe les
cheveux sur le front.
Nous devons ajouter que cette facture semble particulière à
un atelier, car nous verrons bientôt d'autres bas-reliefs dont la
technique est toute différente.
Ces divers fragments ne se laissent pas ajouter l'un a l'autre de
façon à former une suite continue; aussi serait-il téméraire d'es-
sayer de reconstituer la frise, ni même d'en déterminer exacte-
ment le sujet, si l'on ne veut pas se contenter de dire qu'il y était
représenté un défilé de soldats. D'ailleurs, s'il y avait cela, il y avait
aussi autre chose, comme le prouvent deux autres bas-reliefs que
nous n'hésitons pas à rapporter à la même série, et dont le second
tout au moins est tout à fait imprévu et un peu déconcertant.
Le premier représente un homme debout, vu de face les
mains derrière le dos. Sa tête et ses pieds ont été brisés. Il est
,
vêtu, comme les soldats, d'une tunique courte et assez ample,
mais cette tunique n'est pas froncée verticalement à petits plis;
elle est unie, et l'ampleur en est simplement diminuée par une
Nouv. Ai-eh.(les Mipsioyis Scqllcs. T. XIII, 41 fase.
n7 y,,
FOUILLES D'OSUNA
E. LEROUX, Édit.
ceinture qui maintient l'étoffe ramenée sur elle-même à droite et à
gauche. Cette ceinture est plate, de largeur inégale, et les deux
bouts en sont réunis par devant avec négligence. Les jambes
paraissent nues. Le style de cette figure n'est pas meilleur que
celui des précédentes; cependant le travail, quoique peu poussé,
paraît un peu plus souple; les contours du torse et des jambes sont
moins anguleux.
Il ne semble pas douteux que nous sommes en présence d'un
prisonnier dont les mains ont été attachées derrière le dos, et ce
motif s'accorde bien avec les représentations militaires des autres
débris de la frise. Mais il n'en est pas de même, en apparence du
moins, du bas-relief auquel nous arrivons maintenantIl repré-
sente un homme vu de côté, marchant sur les mains de telle sorte
que ses jambes dressées se retournent, et que les plantes de ses pieds
viennent presque se poser sur le sommet de sa tète. Ce tour
d'équilibre est bien connu, et l'on sait que les anciens ont souvent
représenté des acrobates, hommes ou femmes, se livrant à cet
exercice. Les Grecs leur donnaient le nom de xvfittrltjTijpe?, qui se
trouve déjà dans Homère, et de xUbla1"Y/Tplal (pl. XIII).
L'acrobate d'Osuna appartient à la même race que les deux
fantassins de la planche XI, A. Son nez, sa bouche et son menton
ont été emportés par quelque choc, mais il reste les yeux, dessinés
de profil, les cheveux étagés et coupés sur le front, l'oreille
difforme et mal placée. D'autre part, si le costume est réduit à
une petite jupe plissée, à une sorte de pagne descendant de la
taille, où il est retenu par un ceinturon, jusqu'àmi-cuisses, les
pieds avaient la même chaussure, le brodequin, ou plutôt l'espa-
drille attachée au-dessus du cou-de-pied. Par malheur les pointes
de ces pieds ont été brisées.
L'exécution est la même, anguleuse et plate, que celle des
autres bas-reliefs, et l'on est étonné que le sculpteur, usant d'une
(J; Dans le journal d'Osuna El Paleto du 19 mars 1903, el Anonimo de
Ostuutaécrit à propos de ce bas-relief « Se ha descubicrto hace muy pocos dias
otra piedra, labrada tamhicn al relieve, que representa ul/a figura coma de mujev
o niiia descansando sobre el vientre, con la cabeza
hechada atras y las piernas
dobladas sobre cldorso.n Dans les articles suivants, du Palcto. l'Anonyme
d'Osuna, devenu notre très biemeillant ami, et informe par nos soins, a donné
des descriptions moins fantaisistes à ses lecteurs. L'article du Paleto dont
nous venons de donner un extrait a été reproduit en partie, sans indication
d'origine,d'ailleurs, par El Liberal de SéviHe (3i juin igo3).
technique et d'outils si rudimentaires, ait osé aborder un sujet
si difficile, qui demandait une science sérieuse de l'anatomie, et
une certaine maîtrise du ciseau. Il n'a guère réussi dans cet
exercice au-dessus de ses forces. Rien de plus maladroit, par
exemple, que l'épaule et l'attache du cou; rien de plus dispro-
portionné que les bras et les jambes, que la tête et tout le corps, et
ainsi de suite.
Il faut cependant remarquer que l'aspect du personnage n'est
pas tout à fait aussi lourd et trapu; il semble au contraire que
si on le redressait il serait long et effilé. Il est du reste, vis-à-vis
des guerriers, d'une grandeur démesurée. Mais ce n'est là que le
résultat, à notre avis, de l'application qu'a faite le sculpteur du
principe connu, quand il s'agit d'art grec, sous le nom d'isocépha-
lie, c'est-à-dire que, quelle que soit l'attitude des personnages, ils
occupent toute la hauteur du fond, de manière à ce qu'il n'y ait
pas de vide au-dessus de quelques tètes. On sait que ce principe a
été appliqué avec tant d'adresse et de succès à la frise des Pan-
athénées qu'il faut quelque attention à remarquer le fait. Il est
intéressant de noter une pareille convention dans les œuvres ar-
chaïques de l'Espagne.
Mais que faisait là cet acrobate? Il n'y a qu'une hypothèse qui
pour le moment nous paraisse acceptable. La frise devait décorer
quelque important hérôon funéraire, le tombeau d'un roi puissant
ou d'un général glorieux, et ses contemporains ont voulu conserver
par la sculpture le souvenir de ses exploits guerriers en même
temps que de ses funérailles pompeuses. Dans les festins Homère
fait apparaître des xv@«r1tiTrjpss, et l'on peut bien admettre que
les Ibères ont emprunté aux Grecs de l'épopée cet usage, l'appli-
quant aux banquets funéraires et aux réjouissances en l'honneur
d'une victoire. Il est extrêmement curieux de rappeler qu'au
portail de la cathédrale de Rouen, devant la table où festoient
Hérode et ses convives, Salomé vêtue d'une longue robe se livre
aux mêmes ébats que notre acrobate ibère; elle a exactement la
même position. Mais avec quelle souplesse, quelle élégance et
quelle vérité notre vieil imagier du XIIIe siècle a exécuté ce morceau
que l'on s'attendait si peu à voir en un tel tableau!
Ces guerriers ne sont pas les seuls que nous ayons retrouvés à
Osuna. Il y en avait quatre autres, également en bas-relief, appar"
tenant à deux autres frises plus intéressantes peut-être que les
premières. Deux sont sculptés sur une pierre à part, les deux
autres sur deux faces d'une pierre d'angle. Décrivons d'abord ces
derniers.
o ;
Pierre d'angle, hauteur m. f)7 épaisseur, sans le relief, o 111. 23;
saillie maximum des figures, o ni. o5 (pl. XIV).
Face A. Fantassin courant vers la gauche. Il tient à gauche,
un peu bas, un grand bouclier ovale derrière lequel disparaît
tout son bras; au centre du bouclier saillit un umbo ovale qui
est relié aux bords de l'orbe par deux diamètres en croix, l'un
formé par une plate-bande, l'autre par un simple cordon en
relief. La main droite vivement ramenée en arrière tient un sabre
d'un type bien connu, dont le beau fragment de guerrier d'Elche
qui est au musée du Louvre nous a déjà donné un exemple, et
dont on a retrouvé dans diverses nécropoles, surtout à Almedinilla,
dans la province de Cordoue, de très beaux modèles. C'est pro-
prement un sabre de fer caractérisé par la courbure spéciale de
sa lame en forme de copis, et par la disposition de la poignée qui
tend à recouvrir et protéger la main. Ici l'on voit très nettement
que cette garde est façonnée en tête de cheval, ou plutôt de
griffon; une tige relie l'extrémité de cette tête à la naissance
de la lame, absolument comme dans de nombreux spécimens
d'Almedinilla. C'est la première fois que la sculpture nous
offre une représentation aussi complète et aussi nette de cette
arme, et par notre découverte d'Osuna se trouve confirmée, s'il
en est besoin, l'authenticité des sabres d'Almedinilla, dont l'un
surtout, le plus beau, le sabre augriffon, a un air moyen âge
qui l'a rendu et le rend encore suspect aux yeux de personnes
bien averties des choses de l'archéologie ibérique.
Notre soldat porte un casque ajusté au crâne, descendant assez
bas sur le front, et qui semble couvert d'une sorte de perruque
tombant sur le cou en longues mèches régulières; il faut du reste
une certaine attention pour ne pas croire, tout simplement, que
les tètes sont nues et amplement chevelues; mais ce qui lève
toute incertitude, c'est que l'on aperçoit très certainement un
cimier étroit et raide formé, si l'on en juge par les traits rapprochés
qui le strient, de crins courts piqués en brosse.
On ne peut préciser si le personnage portait ou non des braies;
la chose est seulement probable; dans tous les cas elles seraient
très collantes, car les cuisses et les mollets sont modelés comme
s'ils étaient nus. Les pieds devaient être chaussés, car le sculpteur
n'a pas indiqué les orteils; on peut admettre comme très vraisem-
blable que la couleur suppléait ici le ciseau.
Au contraire on voit très nettement, sur le haut du corps, la
coupe de la tunique et de la cuirasse dont il est couvert. La
tunique est courte, sans manches, très aj ustée, serrée par une
ceinture, courroie ou bandelette de métal, qui faisait deux fois
et demie le tour de la taille, et était fixée par une boucle au milieu
du dos. Cette boucle est fort simple, et non sans élégance, étant
formée de quatre boutons groupés autour d'un cinquième au
bord duquel ils sont tangents. Le bord inférieur de la casaque
est décoré de traits horizontaux en creux, dont quelques-uns,
raccordés verticalement aux premiers, simulent l'ouverture de
deux courtes basques. Autour du cou et à l'entournure des
épaules on distingue une bande rouge. Toute la surface, du reste,
était aussi teintée de rouge, mais de nuance moins foncée.
M. Léon Heuzey a observé que ces liserés et d'autres traits à la
pointe, et ces couleurs semées sur la tunique indiquaient la présence
d'une cuirasse à lambrequins, une cuirasse à la grecque, et peut-
être même cette cuirasse de lin, dont les Ibères faisaient grand
usage, au dire de Strabon.
Il faut noter que si le champ du bas-relief est simplement ravalé
avec soin, la surface de la sculpture a été plus finement polie, et
comme le grain de la pierre est très peu serré, l'artiste a remédié
à ce défaut par une application de stuc qui a persisté par places,
en particulier sur l'épaule gauche.
A l'intérêt de l'armement et du costume s'ajoute celui du visage
vu de profil. Ce qui le caractérise surtout, c'est la finesse du nez
droit, la petitesse de la bouche proéminente, la fuite nette, mais
non exagérée du menton, et, en ce qui concerne la technique,
l'obliquité de l'œil en amande, où la prunelle est cerclée d'un
trait creux. L'œil est d'ailleurs dessiné comme s'il se présentait
de face, bien qu'il soit vu de profil.
Face B. La seconde face de la pierre est par malheur bien
mutilée. Elle portait un guerrier du même type, s'avançant vers
la droite. On voit l'envers de son grand bouclier, la tête à peu
près intacte, l'épaule gauche et le bras gauche avec la main accro-
chée à la poignée interne du bouclier.
"-A/I.
Pl.1'.
D'OSUNA
FOUILLES
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Sc'i"",
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Mu'sions
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"J,.
Arcli.
A
No",.
Nouv.
Le casque est absolument semblable à celui du soldat précédent;
il portait une tunique et une cuirasse rouge identiques, bordées
au cou par une bande plate dont les bouts se croisent en nœud
de cravate. Ce détail est bien particulier, mais non pas unique,
car on peut le retrouver sur un torse de statue virile du Cerro
de los Santos (1), et sur une petite figurine de bronze provenant de
Cehegin au Musée du Louvre -1.
Un large bracelet serre le bras
au-dessus du coude. Enfin le visage dénote absolument la même
race et la même technique que celui de l'autre fantassin. Les yeux
sont dessinés de même, le nez et la bouche ont la même finesse
seulement les joues sont un peu plus pleines.
On voit qu'il n'y a nul rapport entre ces soldats et ceux de la
série précédente. Leur costume diffère, ainsi que leur armement;
et aussi le type de leur visage les rattache à une autre race.Frappé
de ce que leur bouclier ressemble beaucoup au Bupeos (iaxp6s des
Gaulois, M. Léon Heuzey émet avec toute prudence l'hypothèse
que l'on pourrait bien avoir sous les yeux des Celtibériens. Il faut,
croyons-nous, laisser au temps le soin de confirmer cette ingénieuse
et séduisante supposition; elle a besoin de s'appuyer encore sur
d'autres découvertes.
D'autre part le style de la sculpture est ici tout à fait distinct.
Sans doute tout n'est pas à louer dans ces bas-reliefs. Si nous
considérons le premier guerrier, nous voyons que l'attitude de la
course, dans laquelle il est représenté, est bien mal observée.
Comme pour les soldats de l'autre frise, il y a la plus grande
maladresse dans la manière dont l'homme est vu à la fois de dos
et de profil. Cependant le sculpteur a cherché à rendre le mouve-
ment moins forcé, et si les jambes sont présentées de côté, tout
le bassin participe un peu déjà, posé comme il est de trois quarts,
à la position du torse; si les bras, grêles et courts, s'accordent
assez bien aux épaules étroites et à la taille fine, ils sont en dis-
proportion fàcheuse avec les jambes, et les pieds trop forts sont
de même hors de mesure avec les mollets et les cuisses, dispropor-
tions qui nous ont déjà frappés dans la figure de la frise précé-
dente. Enfin, si la forme ronde et molle, si le modelé un peu
plus nuancé des jambes témoignent d'une technique toute diffe-
(1) J. DE Dios DE L\ dei Crrro
RADA Y ])ELGo\OO, Anti,qiiedade.ç de los Santos,
pl.X,n° 5.
(2) Pierre PARTS, Essai, t. I, fig. 272. »
rente, et peut-être un peu supérieure à celle de cette frise, dont
la taille anguleuse et coupante nous avait choqués; si nous notons
un peu plus de soin et de goùt dans le détail, par exemple dans
les ornements gravés qui décorent les vêtements, il n'en est pas
moins vrai que ces bas-reliefs sont encore les produits d'un art
enfantin et primitif.
Du moins y a-t-il quelque progrès des premiers documents aux
seconds, et si nous ne nous trompons pas, ce progrès est dû à
l'influence d'un art étranger, nous voulons dire de l'art grec. C'est
du moins ce que nous semble prouver l'étude des deux têtes
heureusement assez bien conservées. En effet on commence main-
tenant à connaître un assez grand nombre de monuments ibériques
pour qu'il soit en somme aisé de discerner ceux qu'ont exécutés
les indigènes en dehors de toute suggestion étrangère de ceux qui
doivent quelque chose à des modèles venus d'ailleurs. C'est ainsi
que certaines têtes du Cerro de los Santos, têtes de femmes ou
têtes d'hommes, portent nettement sur leur visage espagnoll'em-
preinte de l'archaïsme ou de l'art du ve siècle hellénique; c'est
ainsi que la Vicha de Balazote ou les Sphinx du Salobral évoquent,
malgré l'originalité de leur type et de leur facture locale, des
souvenirs de monstres d'Orient.
Les deux guerriers en question ne peuvent qu'être sortis d'un
atelier indigène, car leur aspect ne permet de les confondre ni
avec des œuvres phéniciennes, ni avec des œuvres grecques. La
forme lourde et basse de leur corps, le pénible assemblement de
leurs membres, le modelé sans vigueur de leurs muscles, sans
oublier la nudité de leurs jambes et la forme de leur casaque-
cuirasse, tout cela les rapproche sans conteste des guerriers de
l'autre frise. Le grand bouclier ovale, s'il n'est pas caractéristique
des combattants celtibériques, semble du moins une innovation,
une mode étrangère; on ne peut manquer de le comparer, en
même temps qu'au Bupeàs [xouepos des Gaulois, au scutuin des
Romains, qui est peut-être le bouclier étrusque légèrement modifié.
La petiterondache était d'usage beaucoup plus répandu, si l'on en
juge par le nombre de monuments où on la voit figuréeM. Quant au
FOUILLES D'OSUNA
E. LEROUX,Édit.
glaive, il est inutile d'insister sur son originalité; quoique la forme
de la lame semble empruntée soit à l'Asie, soit à la Grèce, puisque
c'est exactement celle de la xonfe, la poignée et la garde, du moins,
sont purement et exclusivement ibériques.
Si, d'autre part, ou examine particulièrement la tète de nos
personnages, on ne peut plus en affirmer aussi catégoriquement
l'originalité. D'abord ces têtes sont couvertes d'un casque. Ce fait
n'aurait pas grande importance, bien qu'il soit exceptionnel, si ce
casque avait quelque rapport, par exemple, avec ceux que portent
quelques rares figures du Cerro de los Santos, ou quelques sta-
tuettes de bronze. Mais il est d'une forme et d'un type tout a
fait nouveaux en Espagne, et dont il faut aller en Grèce chercher
les équivalents. Le timbre débordant sur la nuque, le cimier de
crin, nous ne les avions vus jusqu'ici que sur le crânedeguerriers
grecs ou romains, mais surtout grecs; les Ibères ont certainement
fait un emprunt, mais, suivant leur habitude, ils ont fait complè-
tement leur ce bien étranger, en adjoignant au cimier cette cheve-
lure curieuse que nous avons signalée.
Et quant au visage lui-même, le profil en est dessiné avec une
finesse qui contraste heureusement avec l'épaisseur lourde du corps
et des membres. On est étonné que le même ciseau ait si mal-
adroitement ébauché le torse trop court, les jambes trop molles,
et marqué avec tant de précision presque élégante, d'une part les
détails de la crinière qui couvre lecasque, de l'autre le contour
des yeux, du nez et de la bouche, modelé avec un véritable charme
les joues et le menton. Nous ne connaissons dans les arts des
peuples contemporains que l'art grec qui ait pu inspirer au scul p-
teurd'Osuna cet effort sur sa nature, cette victoire sur sa rude
maladresse instinctive.
On en jugera mieux encore si l'on examine maintenant les deux
autres guerriers que nous avons découverts, et qui proviennent
encore d'un nouveau monument, ou du moins d'une nouvelle
frise.
L'un d'eux, vu complètement de profil, s'avance de droite à
gauche, comme on défile à la parade, le sabre haut, incliné sur
l'épaule, et a demi caché par son grand bouclier. Il est tête nue,
aux boucliers ovales d'Osuna. Mais ces fantassins sont peut-être des Romains.
(Pierre Puus, Essai, t. I,fig.316.)
les cheveux coupés courts; il est vêtu d'une petite casaque sans
plis, dont la basque ne tombe qu'un peu plus bas que les reins,
et qui montre aussi une apparence de lambrequins; à la taille un
large ceinturon; les jambes nues, et si nous voyons bien, pas de
chaussures. Le grand bouclier est ovale avec un umbo et cette
ligne saillante suivant le plus long diamètre que nous avons déjà
remarquée. Le sabre ou plutôt le glaive, a une poignée courte,
sans garde, terminée par deux boules, une lame large en fer
de lance très allongé. Ce n'est plus, on le voit la forme copis,
mais assurément le gladius ibericus, dont nous voyons ici le pre-
mierspécimen certain; on comprend l'intérêt de ce détail,
quand on se rappelle que les Romains avaient apprécié cette arme
au point de l'adopter sans presque aucune modification (pl. XV).
L'autre soldat est le frère de celui-ci ]); il a même glaive, même
;
bouclier; sa tête est aussi sans casque; il porte un justaucorps
pareil ses jambes, ses pieds sont nus. Mais au lieu de s'avancer de
droite à gauche, il marche vers la droite, ce qui fait que l'on n'aper-
,
çoit sur le fond du bas-relief, que l'envers du bouclier (une petite
partie seulement, car le bouclier débordait sur une pierre contiguë)
mais qu'en revanche on voit tout le bras droit avec le glaive qui
est porté obliquement devant la poitrine, au lieu d'être levé à hau-
teur de la tête.
Le premier personnage est d'un mouvement plus juste que
le second, qui semble tomber en avant, et dont les jambes ont
une flexion malheureuse. Mais l'un et l'autre ne méritent que notre
intérêt d'archéologues; ils sont d'un art vraiment barbare, et sauf
un effort à rendre avec quelque vérité les boucles de la chevelure,
nous ne trouvons rien à louer dans ces figures. Sachons leur gré
cependant d'avoir conservé tout à fait intact leur caractère ibérique
et de nous renseigner une fois de plus, en même temps que sur le
détail de l'uniforme de guerre et de l'armement des fantassins de
l'Espagne primitive, sur le peu de génie des vieux imagiers indi-
gènes lorsqu'ils sont livrés à leur seule inspiration.
Nous ne croyons pas nous tromper en attribuant à la décoration
du même édifice le cavalier que nous avons trouvé brisé en deux
morceaux, et que l'on a pu reconstituer au Louvre (pl. XII).
Nous avons pensé d'abord, en voyant la forme arrondie de la
FOUILLES D'OSUNA
pierre par en haut, qu'il s'agissait d'une stèle funéraire. Mais eu
constatant depuis quel rapport frappant de type et de style il y a
entre ce cavalier et les deux fantassins dont nous venons de parler,
nous nous sommes convaincus que nous étions en présence d'un
acrotère. La courbure supérieure du bas-relief convient partaite-
ment à cette destination, et puisque nous avons pu relever à
Osuna des traces manifestes de l'influence grecque, il n'y a aucune
difficulté à admettre que les architectes de cette région ont goûté
et employé ce motif, qui couronne si bien les angles ou le faîte
d'un monument (1).
Le cheval est lancé au galop, les pattes de derrière touchant
seules le sol; le cavalier qui le maîtrise est un soldat, comme le
prouve le sabre qu'il tient la pointe en avant. Il n'a pas de casque,
mais ce détail n'est pas pour nous surprendre, puisque nous avons
vu la plupart des guerriers d'Osuna représentés tête nue, et que
sur un grand nombre de monnaies ibériques au type du jinete,
ce jinete (qui doit être un dieu, mais est équipé comme un
simple mortel) n'est pas non plus casqué.
Le sabre n'est pas bien conservé, que l'on examine la poignée
ou la lame; nous ne croyons pas qu'il se rapporte exactement à
aucun des types que nous avons notés jusqu'ici. Il semble pourtant
que la lame soit légèrement courbée en dehors, et se rapproche
du modèle de la copis. Sans doute il s'agit d'une forme spéciale
réservée à la cavalerie, d'un sabre plus fait pour frapper de taille
que d'estoc -2'.
Quant au costume du guerrier, il se réduit à la petite tunique
collante, serrée à la taille, et très courte; elle est sans plis, et sur
le haut de la cuisse on distingue trois traits gravés qui indiquent
une couture, ou les bords rapprochés de deux basques. Les jambes
sont nues, et nous n'avons pas remarqué d'indication positive d'une
botte ou d'une chaussure quelconque.
La tête, trèsbienconservée, est intéressante. Le profilest de
;1 j)
11
Albacete
a au Louvre un acrotère d'angle en pierre, provenant
du Salobral
qui est orné d'une sculpture très curieuse. Le monument ne laisse
aucun doute sur l'usage que les Ibères ont l'ait de ce genre de couronnement
(Pierre PARIS, Bulletinhispanique, 1906, p. 221 et pl. I.)
(2) Il y
a donc lieu de supprimer la remarque faite dans 1Essai sur l'art et
l'industriede l'Espagne primitive, t. II, p. 280, que la Copis iberique a pu être
spécialement à l'usage des cavaliers.
type très nouveau; le front est très bombé et le nez relevé, la
bouche est petite et fine, et le menton dessiné d'une jolie courbe
sans lourdeur. L'œil,vu de face selon la coutume archaïque, est
grand, et les paupières sont bien ouvertes sur un globe assez sail-
lant. L'oreille est étroite et d'une longueur exagérée, à moins que
;
le lobe n'ait porté un pendant, ce qu'une cassure empêche de bien
discerner elle est malheureusement placée très mal, trop en ar-
rière, et cela donne à la joue une largeur démesurée. Pourtant le
modelé de cette joue ne manque pas de jeunesse. C'est du reste
une impression de jeunesse et de fraîcheur que donne ce visage
imberbe, impression qu'accentue encore la coupe des cheveux dis-
posés en mèches ondulées qui s'appliquent sur le cràne et tombent
sur le front presque jusqu'aux sourcils.
Le cheval a tout simplement, au lieu de selle, une petite cha-
braque montant assez haut sur le garrot, et maintenue par une
sangle et par une bricole passée au cou, juste à la naissance de
l'épaule. Mais la bride, en revanche, est assez compliquée. Elle
se compose, comme cela est indispensable, d'abord d'une têtière,
d'une sous-gorge et d'un fronteau (ce dernier est attaché à la
),
têtière, près de l'oreille, sous une cocarde des porte-mors et de
la muserolle. Ce qu'il y a de nouveau c'est que les
porte-mors
ou, si l'on veut, les montants de la bride, se divisent en deux, de
chaque côté, pour venir s'accrocher aux deux extrémités des ailes
du mors, qui sont demi-circulaires. Cette disposition, dont nous
ne connaissons pas d'exemples, était destinée, àce qu'on nous a dit,
à augmenter l'effet du mors sur les barres; sans doute les Ibères,
comme tous les peuples antiques, usaient de mors particulièrement
brutaux. Les rênes sont de simples courroies, assez larges, atta-
chées directement au mors. Enfin, détail fort intéressant, le che-
val porte sur le front une pièce d'armure, un chanfrein destiné à
protéger sa tête. On sait que les Orientaux en faisaient usage, et
que les Grecs n'ont pas négligé d'en munir leurs chevaux de
guerre; on en a retrouvé d'assez nombreux spécimens, de formes
variées, et souvent richement ornés. Celui de notre Ibère est très
simple; c'est une plaque de forme ovale, à peine décorée; il ne
descend pas jusque sur les naseaux et ne va que du fronteau à la
muserolle W.
(1) Peut-être cet ornement d'étoffe et de crin qui pend du fronteau entre les
yetix des chevaux encore harnachés à la mode andalouse, tels qu'on peut les
Il y a peu de chose à dire pour critiquer le style de cet acrotère
que nous n'ayons déjà dit à propos des œuvres précédentes. En ce
qui concerne le cavalier, nous ne pouvons qu'être frappés une
fois de plus de le voir de proportions si peu acceptables. Sa tête
surtout paraît énorme par rapport au reste du corps; ses jambes
sont épaisses et courtes, et tout souci d'un modelé net et précis en
est exclu, aussi bien que du bras visible. L'auteur se contente bien
facilement d'une exécution rapide et molle. Il a semblé un peu
plus préoccupé de donner un mouvement juste au personnage
qui est assez bien en selle; mais il garde pourtant dans l'attitude
quelque chose de raide, d'emprunté et de naïf.
Quant à la monture, nous sommes étonnés que le sculpteur
n'en ait pas tiré meilleur parti, car il est de règle à peu près géné-
rale que les artistes primitifs montrent plus d'habileté à représen-
ter les animaux que les hommes. On sait combien l'étude de l'art
assyrien, en particulier, donne de force à cette observation. Ici le
cheval n'est pas beaucoup mteux dessiné ni modelé que l'homme.
Si son avant-train est lancé dans un mouvement assez juste de
galop, son train de derrière est d'une extrême mollesse; les deux
pattes semblent pendre également à l'abandon, sans vigueur,
sans aucune contraction de muscles, comme il serait nécessaire
puisqu'elles supportent tout l'effort et tout le poids du groupe. Il
est à noter que le type du cheval est assez caractéristique ;
il est
long et léger; ses pattes sont plutôt grêles, son encolure est étroite.
;
Sa tête au contraire manque un peu de finesse; les naseaux sont
carrés l'œil placé trop bas, n'a que très peu de vie. Il est regret-
table que les oreilles soient brisées, car bien pointées au-dessus des
cocardes du fronteau, elles auraient sans doute atténué l'impres-
sion de lourdeur que donne cette tête.
Enfin, si l'on descend aux menus détails, on constate que le
sculpteur savait quand il le voulait se servir de ses outils avec
quelque adresse. Les mèches ondulées des cheveux du cavalier, le
toupet du cheval, ramené vers la droite au-dessus de l'œil (1),
les piqûres au bord de la jaquette sont tracés avec légèreté.
Sans doute si la surface de la pierre s'était moins endommagée
voir à Séville et ailleurs; n'est-il qu'un souvenir de la pièce de bride que nous
venons de décrire.
(1) Cf. une tête de cheval trouvée
au Llano de la Consolaciôn, et conservée
au Louvre (Pierre PARIS, Essai, t. I, fig. 3oo).
aurait-on pu constater d'autres témoignages de cette recherche
du fini.
Nous n'avons plus à noter qu'un détail assez original, c'est que,
le profil de la tête de cheval venant juste se confondre avec le bord
arrondi de l'acrotère, c'est sur l'épaisseur de la pierre qu'est
sculpté en relief le chanfrein dont nous avons parlé.
Nous n'en avons pas fini avec les représentations d'hommes ar-
més. En voici un qui appartient encore à une frise différente.
Peut-être d'ailleurs est-ce plutôt une stèle funéraire. La sculpture
est bien mutilée, et c'est à grand peine qu'on a pu en rapprocher
deux morceaux trouvés dans les fouilles assez loin l'un de l'autre.
On reconnaît un fantassin debout, tourné vers la gauche, armé
d'une longue lance qu'il tient verticalement devant lui, et d'un
bouclier rond, de dimension moyenne, dont la face extérieure est
concave, selon le type décrit par Strabon. Ce bouclier surtout a de
l'intérêt, car il porte au centre en duise d'umbo un important
épisème en relief, une tête de tigre vue de face. L'animal a un air
rébarbatif, avec deux gros yeux ronds, les oreilles dressées, une
gueule largement fendue d'un trait horizontal. Le pittoresque de
cet ornement fait regretter que la tète du soldat ait disparu et
que tout son corps soit si rongé par le temps. Sa jaquette courte
devait être de forme nouvelle, car on voit une sorte de feston
au-dessus de la taille; ce sont peut-être les lambrequins d'une
cuirasse.
Quant au style, bien que difficile à juger actuellement, il ne
nous semble pas qu'il ait été différent de celui de tous les bas-
reliefs précédents. Les proportions du corps semblent pourtant un
un peu plus allongées, et les formes des membres un peu plus
légères.
Lepersonnagedont nous avons maintenant à parler est telle-
ment particulier quesaprésence dans les ruines de la forteresse
est assez difficile à expliquer.
Sur les cinq morceaux que nous avons pu reunir de manière
it former une plaque de pierre haute de i m. 10, large de
o m. 57 est représenté un t'umicen qui court vers la gauche en
sonnant de son instrument (pl. XVil,13].
La première idée qui se présente à l'esprit est que ce cornicen
est un Humain. On sait en effet que l'instrument désigné sous le
XVII.
rl.
D'OSUNA
FOUILLES
se.
fa
4e
XIII.
T.
-"(''i//(s,
Mu'sions
Edit.
des
LEROUX,
Arch.
Noue.
E.
nom de CUrt/Il était d'usage courant dans l'armpe romaine. Les
représentations en sont très fréquentes sur les monuments, et
plusieurs fois il est figuré exactement comme on le voit sur le
bas-relief d'Osuna(1), c'est-à-dire sous la forme d'«une trompette
fortement recourbée munie au centre d'une hampe qui relie en-
semble les deux extrémités du diamètre pour donner au cercle
même plus de solidité, pour permettre au soldat de le tenir com-
modément i'1'!».
D'autre part le cornicen porte des cnémides, à la mode
à
grecque. On sait que les fantassins de l'armée primitive, Rome,
avaient adopté cette partie d'armure^, et, bien que la coutume
fût de se garnir la seule jambe droite de VvTroxvrjfits, on pourrait
à la rigueur admettre que le sculpteur espagnol n'a pas bien oh-
servé ce détail, et n'en a pas moins voulu représenter un Romain.
Mais le costume du personnage ne permet pas d'y voir autre
chose qu'un Ibère. En effet, comme a bien voulu nous le faire ob-
server M. Léon Heuzey, dont la connaissance du costume antique
est si particulière, ce guerrier (ainsi que celui que représente la
pl.XI,B) se distingue par une tunique courte dont la jupe est
garnie de lambrequins en forme de lanières très étroites, et dont
on voit plusieurs étages superposés. Or rien de tel n'apparaît dans
le costume des soldats romains. Au contraire, ce système est
particulier aux statuettes phéniciennes et à celles que l'on dit
hétéennes.
D'autres raisons viennent s'ajouter à celle-là. D'abord le cor-
nicen d'Osuna a la tête nue, ce qui serait tout à fait extraordinaire
pour un soldat romain.
Ensuite le visage a ceci de très particulier que, bien qu'il soit
vu de profil, le sculpteur a dessiné l'œil de face. Cette convention
tout à fait archaïque ne s'explique pas si l'on est d'avis que le bas-
relief a été exécuté à l'époque romaine, alors que les ateliers espa-
gnols avaient sous les yeux les modèles d'un art avancé, et que de
telles naïvetés n'eussent plus été de mise. On pourrait, au besoin,
supposer que l'auteur a tracé machinalement cet œil, fidèle à une
très antique routine d'atelier. Mais une telle persistance dans une
PL
ie
D'OSUNA
A/,
FOUILLES
T.
Sc'i's,
Missions
Edit.
des
Arch. LImoux,
Nouv.
E.
l'étroite plinthe sur laquelle reposent ses pieds est décorée d'un
rang d'oves assez mal façonnés que séparent des batonnets verti-
caux. Nous avons, au chapitre de l'architecture, signalé quelques
applications de ce même motif emprunté à l'antiquité classique.
C'est peutêtre, d'autre part, sur la frise d'où provient notre bas-
relief qu'était appliquée la corniche en larmier que nous avons
décrite, et qui justement présente aussi un bandeau vertical orné
d'oves.
se compose :
tinguer avec précision les pièces. Il nous semble pourtant qu'elle
lO d'une robe descendant jusqu'aux pieds, et irai
nant un peu par derrière; 2° d'une seconde jupe enliléepar-
dessus la première, un peu plus courte et un peu moins ample
aussi, froncée à larges plis verticaux; 3"d'un vêtement de dessus,
sorte de manteau ou plutôt de jaquette à manches rudimentaires,
très montante, et tombant jusqu'au milieu des jambes; elle fait,
de gauche à droite, de grands plis obliques rapidement indiqués.
j) NOlls ne savons a quoi tient cette différence de hauteur, les deux scujp-
tures étant vraiment sœurs. Les personnages sont pourtant de même taille;
mais il reste du champ au-dessus de leur tête, ce qui n'est pas pour les précé-
dents. On constate donc que l'isocéphalie, dont nous avons observé plus haut
l'application, n'était pas un principe de rigueur.
XIX.
4efasc
D'OSUNA
XIII,
FOUILLES
T
Sc'!'s,
JJissions
des
Arch.
Nouv.
Du haut de l'épaule jusqu'au poignet on aperçoit des traits paral-
lèles marquant des piqûres, et le poignet lui-même est formé d'un
large galon orné de godrons en relief; d° d'un voile posé Ilà la
»,
vierge ne couvrant que le derrière de la tête et le dos; il des-
cend un peu plus bas que la taille; le bord de l'étoffe dessine une
courbe assez dure depuis l'oreille, que l'on aperçoit en partie, jus-
qu'aux reins, ce qui montre bien qu'ilfinissait en pointe par der-
rière. Naturellement ce voile empêche de savoir comment les che-
veux étaient peignés par derrière: par devant et sur les côtés ils
sont disposés comme ceux de la joueuse de flûte que nous venons
de décrire; les oreilles étaient également pourvues de longs et
riches pendants (pl. XIX, B).
Quant à l'attitude de cette femme, elle est simple; elle tient de la
main gauche, devant sa poitrine, un vase en forme de calice sans
pied. Le bras droit est ramené par devant, un peu au-dessous de la
taille, et la main qui sort seule de la manche du vêtement parait
tenir obliquement un objet qui ressemble à un gros et court bâ-
ton brisé à son extrémité. Sans doute n'y a-t-il là qu'une illusion,
et cet objet n'est-il autre chose que l'avant-bras gauche dont le
coude serait soutenu par la main droite, mais dont le sculpteur
aurait très mal déterminé la place.
La seconde femme, un peu plus petite, n'a pas tout à fait le
même costume. Elle porte une robe non serrée à la taille, comme
celle de sa compagne, ample et tombant droite par devant, sans
plis; mais elle n'a pas de jupe de dessus, ni de corsage. En re-
vanche son voile, beaucoup plus large et long, tombe jusqu'au ras
du sol et s'étale autour d'elle comme un manteau. Par-dessous
l'étoile on aperçoit la saillie que fait le bras et l'angle du coude.
La mainseule sort, à la hauteur de la taille, et présente un calice
à grosse panse ronde et à col évasé. C'est exactement le même mo-
dèle que celui du calice de la première femme. La coiffure est
identique à la précédente; l'oreille a aussi une boucle, et tous les
détails concourent à faire de cette femme la compagne et la sœur
de sa voisine (pl. XIX, C).
Il y a une grande unité de style entre les quatre figures que
nous venons de décrire d toutes les précédentes. Si nous com-
parons les formes générales et les proportions des corps, nous
la même lourdeur, le même empâtement; si nous étu-
y trouvons
dions la facture, nous y remarquons la même mollesse banale,
la même rapidité qui se contente d'à peu près. Voyez par exemple
les mains, et en particulier celle de la seconde prêtresse au vase,
carelle est la mieux conservée: elle est d'une extrême maladresse
et dénote une ignorance absolue del'anatomie, tant celle du sque-
lette que celle des muscles. Le sculpteur mérite d'autant mieux
des reproches pour un tel dédain de la vérité et de la nature qu'à
examiner la tête de la même femme et celle de sa compagne on y
voit avec plaisir assez heureusement écrit un sentiment de dignité.
C'est du leste cette impression de gravité sacerdotale que donnent,
malgré leurs défauts, ces deux figures dont la silhouette calme et
vigoureuse, dont le costume sévère et simple ue sont pas sans
beauté. Les visages de ces prêtres et prêtresses ne sont pas des por-
traits, ni la reproduction des traits d'un banal modèle d'atelier; il
est évident que le sculpteur, malgré la gaucherie de sa facture, a
connu un sentiment personnel d'idéal. Il faut ajouter, et ceci est
d'une grande importance, que, rompant avec toutes les traditions
de l'archaïsme, il a dessiné et modelé les yeux comme ils devaient
l'être, et non plus de face dans un visage vu de profil. ild floJ
Nous ne croyons pas qu'il faille pour cela rajeunir beaucoup
les bas-reliefs; simplement nous sommes d'avis que l'auteur a fait
acte d'indépendance et d'initiative, et rompu avec une routine qui
avait fait son temps. D'ailleurs nous pouvons peut-être trouver
la raison de ce progrès. Sans doute a-t-on été déjà frappé, comme
nous-mêmes, du sujet représenté sur le second deces deux blocs.
Il n'est pas nouveau dans la sculpture ibérique; la prêtresse tenant
devant elle le vase à libations était une figure chère aux artistes
du Cerro de los Santos qui ont reproduit ce thème à satiété.
D'ailleurs ce motif, nous en connaissons bien l'origine, et les Ibères
l'ont emprunté à l'Orient. Mais à côté de cette influence orientale
très lointaine, et qui d'ailleurs est ici plutôt religieuse qu'artistique,
nous en constatons une autre, non moins précise et certaine, celle
dela Grèce. La musicienne joue de la IlÙLe. et cet instrument est
inattendu en Espagne, tandis que la place en était marquée dans
les cérémonies de toute espèce de la Grèce, qu'il s'agisse de la vie
religieuse ou de la vie civile. Bien plus, c'est une double flûte que
nous voyons sur le bas-relief d'Osuna, et la double flûte semble
bien une invention tout à fait grecque. If' ,,.'mf' "e-I:m"",,,'
Il en résulte que lorsque l'artiste espagnol a exécuté les figures
de cette frise, lui-même et ses contemporains connaissaient fort
bien, jusque dans leurs détails, les moeurs et les usages de la Grèce,
et il n'est que juste de supposer qu'il avait vu des œuvres d'art
sorties des ateliers helléniques, qu'il en avait compris la beauté
et l'originalité puissante, et qu'il avait cherché à en faire son
profit. Cela sulla à expliquer ce qu'il y a de bon dans son
œuvre, et des qualités qui sont justement celles qui élèvent si
haut l'art grec. Ce qui reste de mauvais, il faut l'imputer à la
rudesse naïve de la race, et aux traditions persistantes d'ateliers
engourdis dans la routine.
Ces figures, par suite, ont le très grand intérêtde nous mon-
à
trer travers cette Espagne primitive, de l'est à l'ouest, en Anda-
lousie comme dans le royaume de Murcie ou de Valence, une
unité certaine dans le développement artistique, malgré la diversité
des races. Les mêmes courants circulent à travers toute la Pénin-
sule, charriant les mêmes influences; les éléments orientaux, les
éléments grecs viennent uniformément s'amalgamer aux éléments
indigènes, à Osuna et à Estepa comme au Cerro de los Santos ou à
Elche, pour constituer cet art ibérique, rarement beau, mais
pouvant aller jusqu'à l'extrême beauté, du moins toujours original
et fort.
(1) le bas-relief
Si nous nous exprimons ainsi, c'est que, lorsqu'on regarde
en face, la main ressemble à une griffe.
Nouv.Arch. desMu'sions Sel"", T.XTIT, 4e fasc. Pl. XX.
FOUILLES D'OSUNA
E. LEROUX, Edlt.
d'une frise analogue aux précédentes. Il faut admettre ou qu'il
formait à lui seul un vaste tableau, décorant quelque large et
haute muraille, ou peut-être qu'il ornait un fronton. On se figure
assez bien la place de l'homme allongé sous la griffe du fauve à
l'angle extrême de gauche, sous la corniche rampante.
Les griffes conservées appartiennent certainement à un félin.
11 serait téméraire sans doute de vouloir préciser davantage, et de
dire s'il s'agit d'un lion ou d'un tigre. Cependant il est très pro-
bable que ce sont des griffes de lion, car cet animal avait intéressé
particulièrement les sculpteurs d'Osuna. II est très possible même
que deux fragments que nous n'avons pas pu rajuster, mais qui
proviennent à n'en pas douter d'une même figure, aient appartenu
au corps du monstre dont il est ici question. Sur le premier on
voit seulement une toison touffue, provenant d'une crinière, sur
l'autre un peu du bord de cette même crinière et un large morceau
d'épaule (pl. XX, A, B). Le procédé qu'a employé l'artiste pour
exprimer les touffes de poils, et comme les mèches de la crinière,
est très conventionnel, mais n'est pas banal. Sans doute on sent
encore les lois tyranniques de l'archaïsme dans la symétrie trop mo-
notone des boucles en accroche-cœurs, qui frisent au bord de la
toison, dans l'uniformité des mèches indiquées toutes par le même
système de traits et de chevrons en creux; mais l'auteur néanmoins
a cherché, sans l'avoir toujours trouvée, une certaine liberté, une
souplesse de facture qui se manifestent par des irrégularités inat-
tendues, des coups brusques de ciseau impatient et fatigué d'un
travail toujours le même, suivant une formule inflexible.
A la même époque, peut-être au même sculpteur et au même
monument, il faut attribuer une tête de lion en bas-relief, très
mutilée, de dimensions plus restreintes, mais dont la crinière
est traitée exactement de même style. Le mufle a beaucoup
souffert, mais on voit que la gueule était largement ouverte en un
rictus terrible qui faisait contracter les muscles vigoureusement
modelés de la face (pl. XX, D).
Au contraire, une troisième tête que nous avons trouvée, elle
aussi, dans un piteux état, nous paraît remonter à un âge plus
antique. L'animal (nous ne savons pas trop s'il était en ronde bosse
ou en bas-relief) ouvrait aussi la gueule en grondant. Ce qui reste
des joues et des mâchoires montre que le modelé était très rapide
et sommaire, que le sculpteur procédait par plans unis et précis.
Mais la crinière, qui est mieux conservée, nous offre un exemple
curieux de stylisation des poils. Les mèches de la toison sont
indiquées par un système de dents et d'arêtes très régulières et
symétriques, avec enchevêtrement de chevrons, qui ne rappellent
en rien la nature. Cette stylisation n'est pas d'ailleurs pour nous
étonner; nous la connaissons bien, par de nombreux exemples
trouvés en Espagne même. On sait que très souvent les sculpteurs
du Cerro de los Santos ont exécuté suivant la même convention les
chevelures d'un grand nombre de têtes viriles, et non des plus
mauvaises. En représentant les poils d'une crinière de lion comme
les mèches d'une chevelure humaine, le sculpteur d'Osuna a fait
exactement comme les sculpteurs chaldéens qui exprimaient par
le même système conventionnel de virgules imbriquées les cheveux
des hommes, les toisons des animaux et les flocons laineux des
étoffes de kaunakès (pl. XX, C).
Il est du reste intéressant de noter que des mèches archaïques
(ce mot a ici une valeur critique et non pas chronologique) de
cette tête de lion aux mèches plus modernes des deux lions précé-
dents, on devine une transition toute naturelle. Le second système
n'est qu'un développement heureux, un aboutissant naturel du
premier.
On pourrait dire que toutes les œuvres dont nous avons parlé jus
à
qu'ici appartiennent lasculptureclassique d'Osuna;non pas qu'ellt-
soient rigoureusement contemporaines, mais elles nous semblent
appartenir à la même période artistique, et cette période se dis-
tingue par une originalité d'inspiration et une franchise de facture
que l'on ne trouve d'ordinaire ni dans les archaïsmes, ni dans les
décadences.
Au contraire, un autre lot de sculptures nous paraît exécuté
dans la manière molle et comme lassée, banale et conventionnelle
qui caractérise si souvent les arts à l'époque de leur déclin.
Quelle fut l'idée du sculpteur qui tailla dans la pierre l'étrange
?
personnage dont notre planche XXI donne la face et le profil Que
représente cet homme couronné de feuilles ou de rayons (on peut s'y
tromper, tant l'ornement est imprécis) dont la tête énorme se
lève au-dessus du buste étriqué? Comme le personnage, sculpté
en très haut relief, est raduit au torse, et a perdu ses bras en
même temps que tout le bas de son corps depuis la taille, le pro-
blème est fort difficile à résoudre; et si l'on admet que l'attitude
est réfléchie et voul ue, que le menton levé, la nuque rejetée en
arrière ne sont pas des maladresses de l'auteur, cette constatation
n'est pas faite pour simplifier la question; nous ne connaissons pas,
pour notre part, à quel immortel ou à quel homme elle pourrait
convenir; nous n'avons rien vu d'analogue dans l'iconographie hu-
maine ou divine de l'histoire ou de la mythologie des peuples clas-
siques. Tout au plus peut-on supposer que l'on est en présence
d'un prêtre en adoration aux pieds de son idole. Mais d'ailleurs,
peu importe. L'essentiel est de noter combien le morceau est diffé-
rent de tous ceux que nous avons étudiés jusqu'ici, et combien il
leur est inférieur. Si l'on considère le torse en face, on constate
que sous la chemise il n'y a pas véritablement de corps. Les plis
lourds et maladroitement ondulés de la poitrine aux épaules ne
couvrent ni ossature, ni chair musculeuse; les bras seuls, coupés
malheureusementjuste où finissaient les manches courtes, ont un
peu de consistance; même ils sont trop gros pour la hauteur du
buste et la hauteur des épaules. En revanche examinons la sculp-
ture de profil, et nous verrons quelle importance ont prise, contre
toute vérité, les épaules ramenées en avant, les omoplates et le
dos rond; ici d'aillurs, l'artiste a négligé de rendre visible l'étoffe
du vêtement. D'autre part toute la pierre, depuis la torsade qui
sert de ceinture jusqu'à l'ourlet de l'encolure, est de la facture la
plus molle, celle d'un outil émoussé poussé par une main aussi
l.
XX
l'l.
D'OSUNA
fasc.
FOUILLES
4e
XIIJ,
T.
Scql/("
Missions
Edit.
des
LEHOUX,
Arch
Nouv.
E.
nonchalante que l'esprit qui la dirigeait. Quant à la tête, sans
parler de son attitude, d'une si extraordinaire naïveté, que dire
des proportions étranges des oreilles, du nez, des yeux, de la
bouche et du menton, de la structure du front et des arcades
sourcilières, du module des joues et du cou? C'est d'un art enfan-
tin, ou plutôt tombé en enfance, d'une barbarie de décadence dés-
ormais incurable. Pourtant, cette barbarie ne va pas sans un peu
d'originalité. C'est un très faible mérite, sans doute, mais qui
n'est pas très banal, et jusque dans les tristes produits où se mani-
feste sa mort prochaine l'art d'Osuna nous surprend parce qu'il
trouve le moyen d'avoir un style bien à lui.
En effet, ce fragment n'est pas unique dans son genre; nous
avons trouvé d'autres sculptures qui proviennent sans doute de la
décoration du même édifice, et d'abord une tête de mêmedimen-
sion que la précédente, couronnée d'une couronne identique,
comme elle levée vers le ciel, mais d'un mouvement moins accen-
tué. Le menton, la bouche, le nez et les veux ont beaucoup souf-
fert; cependant il est possible de reconnaître que le style était ici
un peu meilleur; le galbe des joues, la forme du menton sont na-
turels, et l'expression du visage devait paraître plus agréable, sans
qu'il soit pourtant permis de parler de grâce ni de beauté. Peut-
être est-ce une tête de femme. Il faut remarquer, derrière le crâne,
;
d'ourlets en relief s'étale sur le cou-de-pied, mais il est notable
que cette guêtre n'entoure pas tout le bas de la jambe le derrière
du talon reste a découvert. On ne peut s'empêcher de rapprocher
cette disposition de celle que l'on connaît par de nombreuses statues
du Cerro.
Que signifie cette pomme de pinil C'est encore un problème que
nous ne nous nous chargeons pas actuellement de résoudre.
Nous avons trouvé aussi un débris curieux, bien que moins sin-
gulier : ce sont deux pieds joints tout l'un contre l'autre; ils
semblent s'être détachés d'une statue restée à l'état d'ébauche, car
le travail en est incomplet. Sur les cous-de-pied tombe aussi une
guêtre ou le bas d'une jupe très étroite; les deux pieds ont une se-
melle épaisse, mais sur le gauche seul on voit en relief les courroies
très simples qui la maintenaient.
Il faut rapprocher de ce morceau deux petits pieds votifs
d'aspect très rudimentaire, que M. Carlos Perea et son associé ont
retirés du très profond puits romain dont nous avons parlé.
L'ex-voto, comme le fragment de statue, se rattache encore, très
nettement, au style ibérique du Cerro.
En cinquième lieu, nous signalons une très petite tête virile
provenant d'un haut relief. Elle est en fort mauvais état. La
joue gauche était presque entièrement détachée du fond, mais ce
que l'on en aperçoit n'a pu étremodelé, et se trouve à peine ébau-
ché; on ne distingue qu'un plan pour la joue, une ligne pour la
XXIII.
Pl.
D'OSUNA
fasc. FOUILLES
4e
XIII,
SeT.
Jfiwkns
ldit.
des
Arch. x.
IÆltOF
Nouv.
E.
bouche; mais le profil devait être travaillé avec assez de précision.
Les cheveux courts semblent séparés en petites boules sans que
l'on puisse cependant les comparer à ceux du nègre abattu par
un félin.
Comme dimensions, cette tête se rapporte assez bien à un petit
torse très mutilé que couvrait une sorte de chlamyde; c'est du moins
ce que semble indiquer un pan d'étoffe plissée retenu au devant
de l'épaule par un gros bouton. D'après ce détail il semblerait que
la sculpture doive être de la même époque que le cornicen.
Enfin, comme spécimen amusant de l'art populaire à Osuna,
nous donnons l'image d'un petit bas-relief dont nous ignorons la
destination. On y voit un couple amoureux qui s'embrasse à pleines
lèvres (pl. XVI, A).
L'homme et la femme, réduits au buste, sont présentés de pro-
fil; les deux visages sont tout à fait symétriques. L'homme est re-
connaissable à ses cheveux ras et aux restes d'un torques; la femme
à ses cheveux plus épais, bien que courts, les mèches indiquées
par un naïf quadrillage, et à un étroitcollier de perles. Du reste,
les deux profils sont à peu près semblables, avec leur grand nez
et leur front fuyant. L'art est absolument enfantin, et rien n'est
plus barbare, par exemple, que l'oreille de la jeune fille et la
coupe de sa chevelure. Le morceau ne vaut que par le sujet et par
la naïveté de l'inspiration. Nous ne connaissons rien dans l'art ibé-
rique qui puisse en être rapproché, sinon deux visages tracés en
graffito sur un bloc de pierre d'Estepa actuellement au Musée du
Louvre. Encore le dessin est-il là moins incorrect(1).
LES ARMES.
(1 I,
Pierre PARIS, Essai, IFJR.3*3.
l'énorme quantité d'armes de toute sorte que nous avons recueillies
en avant et en arrière, mais surtout en avant de l'ouvrage.
Il est à remarquer que si ces objets étaient, dans l'ensemble,
dispersés de part et d'autre de la muraille sur tout le terrain des
fouilles, d'ordinaire on les trouvait par groupes plus ou moins
compacts, comme si l'attaque des artilleurs s'était plus particuliè-
rement portée par moments sur tel ou tel point de la forteresse.
C'est de ces armes que nous devons nous occuper maintenant,
el d'abord des armes de jet.
Contre les tours et les murs appareillés qui surmontaient le ta-
lus en moellons, les assaillants ont lancé un nombre immense de
boulets en pierre. La récolte journalière de ces projectiles était si
considérable qu'il y aurait de quoi élever avec eux une haute
pyramide. Nous n'avons transporté en France que quelques spéci-
mens choisis, afin que l'on puisse apprécier les dimensions, les
formes exactes et la technique.
Tous les boulets sont taillés dans la même pierre à gros grain,
mais ils sont loin d'être tous pareils. Si le plus grand nombre sont
régulièrement arrondis, et assez habilement rendus sphériques par
un travail minutieux du pic, dont la trace est très apparente, la
surface n'étant jamais polie, il y en a cependant une quantité qui
sont très maladroitement façonnés, prennent d'irrégulières formes
d'œufs ou de lentilles. On devine que la provision de boulets régle-
mentaires étant insuffisante, on l'a augmentée en toute hâte,
taillant au petit bonheur dans des blocs quelconques des sphères
biscornues; même il est arrivéque, n'ayant à sa disposition qu'une
pierre plate et peu épaisse, l'ouvrier se soit contenté de découper
un carré dont il a abattu et rapidement arrondi les coins. Sans
doute ces formes étaient assez contraires au bon elfet balistique,
mais l'inconvénient n'était pas sans doute très grand, car on devait
lancer ces projectiles de fort près. Ils ont en général assez bien
résisté au choc, car les débris provenant de cassures antiques ne
sont pas très nombreux, et cependant ils étaient projetés avec
une grande force, puisque nous en avons retrouvé en arrière
de lafortification une assez grande quantité qui avaient dépassé le
but.
La grosseur des boules est très variable. La circonférence des
boulets oscille pour le plus grand nombre entre 4o et 5o centi-
et
mètres; mais elle peut augmenterbeaucoup, lesmesures de 07,
Nouv. Arch. des Missions ScqIlO, T.XIII, 4e fase Pl. XXIV,
FOUILLES D'OSUNA
60, 66,70 centimètres ne sont pas tares;d'autre part d'autres
boulets ne dépassent pas la grosseur d'une grosse orange. On peut
rendre compte de ces différences en examinant le tas de boulets
se
que nous avons photographiés au pied d'un olivier, à côté de la
hutte que nous avions construite avec des tiges d'aloès et des
genêts pour nous abriter contre le soleiltorride (pl. XXIV, A);
que l'on voie aussi les quelques spécimens dont nous donnons
une image plus grande, parce qu'ils ont un intérêt tout particu-
lier(pl.XXV,B).
Ce sont quelques-uns des projectiles où nous avons relevé des
marques, et dont voici le catalogue :
4.°: +11+
5° -tu.
6°:
:
+111
70 :
III\A {le dernier trait du signe \A est douteux).
8° Gros boulet d'où l'on a fait sauter une calotte sphériquepour
tracer la marque suivante : -
m. 47 1 :
2° Cire. o
Cire,om. 43 :
30
4° Cire. o m. 43 ::
5°
6°
7°
Cire. o m. 51
Cire. o m. 5 l:
Cire. o m. 66 : X
(?)
10°
g0 Cire. o m. 57 :
Cire. o m. 61 : ~-
Il nous semble que ces marques peuvent se diviser en deux
groupes, les unes indiquant une numération, les autres étant de
simples signes. Mais il serait téméraire peut-être de les interpréter.
Nous n'osons même pas décider si les boulets sont des projectiles
romains ou indigènes, car parmi les assaillants il y avait sans
aucun doute avec les Romains des alliés ibères, et d'autre part, si
nous avons des détails assez précis sur les iithoboles, les balistes
et autres puissantes machines de jet des anciens, si l'on a déjà
retrouvé, bien que rarement, des projectiles dans le genre de ceux
d'Osuna, ou l'on n'y a donné que peu d'attention ou l'on n'y a
remarqué aucun signe caractéristique C'est ainsi que l'illustre
explorateur de Carthage, le R. P. Delattre, ayant trouvé au pied
de la colline de Byrsa, près de la mer, une grande quantité de bou-
lets, a cru pour de bonnes raisons pouvoir les regarder comme
turcs, et les attribuer à la reprise de la Tunisie par les Turcs sur
les Espagnols. Sans doute il a raison, et cependant on a pu hésiter,
Le R. P. Delattre a bien voulu nous donner par lettre ces indications que
(1)
XX
1'1.
fasc.
D'OSUNA
FOUILLES
4"
III,
X
T.
Sc'i"",
Missions
Jes
Arch.
Nouv.
vent des bellotas (glands) de plomb. Les paysans decette région en
apportent souvent à Osuna, et nous eûmes l'occasion d'en acquérir
quelques-unes, sans marques du reste. Le Musée provincial de
Séville en possède un petit lot de cette provenance; elles lui ont
été données par l'illustre académicien D. Rodriguez Marin, né à
Osuna. D. Rodriguez conserve aussi une balle avec le monogramme
Æ, et plus de 70 balles anépigraphesqui proviennent de la Ata.
laya Nufio) [Corp. Jnscr. Lat., II, Suppl., 6325].
Dans le même musée, sous le n° 2401, est un autre lot de douze
balles anépigraphes sans indication d'origine. De même, il y a dans
le Musée de Casa-Loring « six balles de plomb lisses, sans légende,
parfaitement conservées; deux d'entre elles figurent des cônes unis
par les bases, et les quatre autres ont la forme de deux petites
pyramides également unies par leurs bases respectives (de Ber-
langa, Catâlogo, p. 120, n° 1).
D'autre part Hubner a publié au Corpus une balle inscrite,
trouvée, dit-il, quelque part en Bétique, peut-être à Osuna même;
elle porte les lettres COS. D (II, Suppl.,62/18, 9).
Nous avons à signaler une autre balle qui est sans doute la plus
intéressante, si, comme nous le croyons, les caractères qu'on y lit
sont ibériques. Elle se trouve aussi publiée au Corpus (11, Suppl,
62/18, 2). Elle a été trouvée à Montoro, l'antique Epora. On y lit :
3ADAd).
Enfin, Cean-Bermudez (Sumario, p. 3p) nous apprend que
dans les environs d'Alcalâ de Gisbert (Valence) un berger recueillit
<
plus de deux torchas de balles de plomb.
On voit qu'en somme ces petits monuments sont assez rares en
Espagne, et en particulier dans la Bétique.
Nos fouilles nous ont permis d'en réunir une des collections les
plus nombreuses et les plus variées qui existent; on peut l'évaluer
certainement à un millier; nous n'avons transporté à Paris que les
exemplaires les plus intéressants; il en reste à Osuna de pleins couf
fins. L'image que nous donnons plancheXWI, A montre le tas
rassemblé en deux ou trois jours, et permet d'avoir un aperçu de
l'extrême diversité des modèles. Nous allons essayer de faire un
classement, et nous nous occuperons d'abord des plombs qui
portent des lettres ou des signes.
C Nous ne parlons pas dos hallesdouteuses du Corpus, II,Suppl., lh/¡K,
3-8 i
et6 48,1o.
io Balles au nom de Cn. Pompée. — Ces bâties relativement
nombreuses n'ont pas toujours le même poids; ce poids varie, selon
la grosseur ou la longueur, de 80 à 102 grammes, mais la forme
est toujours la même; ce n'est pas celle d'une olive, mais celle de
deux cônes unis par les bases. Comme elles ont été coulées dans un
moule à deux parties, il y a presque inévitablement dans le sens
de la longueur une bavure fine formant d'un bout à l'autre et tout
autour comme une arête vive, et la régularité des cônes en souffre.
Il est à noter que la pointe de l'un des cônes s'allonge plus que
l'autre, et parfois semble s'évaser en s'émoussant. L'explication
la plus simple est que le moule étant rempli, un peu du métal en
fusion se logeait dans le trou qui servait à l'introduire, et formait
comme une tige que l'on négligeait de recouper. Mais il est aussi
possible que l'on ait ajouté cet appendice à dessein, par une rai-
son de balistique, par exemple pour assurer l'équilibre de la balle
dans sa trajectoire. On sait par des études spéciales que les balles
de frondes antiques sont des projectiles vraiment scientifiques.
L'inscription est toujours ménagée en relief et d'ordinaire fort
lisible. Les syllabes CN-MAG- sont à la suite l'une de l'autre,
dans le sens de la longueur, empiétant d'un cône sur l'autre;
la syllabe IMP à l'opposé, toute seule et bien au milieu (pl. XXVI.
B, 1, 2, 3, 4).
FOUILLES D'OSUNA
E. LEROUX, Edit.
bavures : : vy
sée par un choc à
YYN
et à l'opposé
l'autre, mal coulée, irrégulière, avec des
Pl. XXVII, B, i.
On distingue pourtant avec un peu d'attention
et à l'opposé V-n1)
:
3° Balle toute mâchée, dont il est difficile de lire J'inscription.
: \1')/
Pl. XXVII, A, 5.
La balle a o m. o5 de longueur.
:
milieu, mais les traits ne sont pas très précis. Il n'y a pourtant pas
d'hésitation sur la lecture AF
Pl. XXVII, B, 3. C'est une balle à peu près de ce type que nous
avons signalée plus haut (p. 445).
I
10° Balle de même forme dont une extrémité a été endom-
:
magée. Longueur o m. o58. L'inscription est placée vers la pointe
conservée; elle est fort lisible AC
Pl. XXVII, B, 4.
:
mais ordinairement allongées, sont aplaties sur une partie de leur
longueur, et portent en creux la marque suivante
superficielle..
qui peut être plus ou moins longue et plus ou moins large, plus
ou moins profonde ou
Nouv. Arch. des Missions Sciu", T. XIII, 4e fasc.Pl.XXVIII.
FOUILLES D'OSUNA
BALLES ANBPIGRAP1IES.
Les inscriptions des balles que nous croyons ibériques sont jus-
qu'à nouvel ordre indéchiffrables; les marques et signes ne nous
apprennent rien de nouveau au sujet de l'histoire générale de ces
projectiles. La très nombreuse collection des balles anépigraphes
est en ce sens beaucoup plus intéressante.
L'extrêmevariété de formes nous a d'abord frappés. On com-
prendra que nous ne songions pas à les décrire toutes; les images
où nous avons groupé les spécimens les plus typiques sont très
suffisamment explicites àcet égard (pl. XXVIXXIX). Disons seule-
ment que si les plombs en forme d'olives régulièrement rondes au
milieu et effilées aux deux bouts sont les plus fréquentes, il est assez
rare de rencontrer deux balles absolument semblables de longueur
et d'épaisseur et de poids égaux. Sans doute il faut tenir compte
des divers accidents qui ont pu modifier l'aspect primitif des projec-
tiles. Comme tous ont servi, les chocs les ont mâchés, dépointés,
tordus, aplatis, bosselés et coupés; mais cela ne suffit pas à expli-
quer des différences aussi accentuées que celles qui existent. La
diversité si grande des types nous suggère alors une hypothèse, c'est
que chaque frondeur avait son moule à lui, et fondait ses balles à
sa fantaisie. Peut-être aussi faut-il tenir compte de la hâte de com-
bats improvisés, comme nous l'avons déjà proposé au sujet des
boulets de pierre mal taillés et mal arrondis. Nous parlons surtout
des frondeurs ibères, car dans la collection un grand nombre de
balles qui ressemblent absolument à celles de Cn. Pompée, mais
n'ont pas d'inscription, paraissent bien de même fabrique, et nous
les croyons romaines; les frondeurs des légions recevaient leur
provision toute prête de projectiles à peu près uniformes.
Il y aurait du reste, pour qui serait compétent en cette matière,
d'intéressantes études à faire sur la valeur balistique de tel ou tel
modèle. M. René Kerviler a montré dans un instructif mémoire
cité plus haut que les anciens, en donnant la forme d'olives aux
balles de frondes, avaient résolu de façon très ingénieuse un difficile
problème. Il y aurait à reprendre cette étude pour les formes de
quelques balles d'Osuna.
Par exemple, comment pouvaient se comporter dans leur tra-
jectoire les balles à trois ou quatre pans, ou les balles romaines
comme celles de Cn. Pompée, composées de deux cônes unis par
la base? Quels étaient les avantages ou les inconvénients de ces
divers modèles? En particulier, quelle influence pouvaient avoir
sur la portée ou la justesse du tir des balles leur plus ou moins de
régularité, les bavures qui en détruisent l'équilibre, les marques
en relief ou en creux qui en modifient la surface?
Parmi les modèles que nous croyons nouveaux, il en est de tout
à fait curieux, dont nous n'avons retrouvé qu'un petit nombre
d'exemplaires. D'abord des balles en forme d'olives assez peu poin-
tues, mais d'olives incomplètes, en ce sens que l'une des extrémi-
tés a été coupée de manière à ménager à l'arrière du projectile une
surface tantôt plane, tantôt concave (pl.XXVÏÏI, 16, XXIX, 12).
Ceci est de grande importance, et prouve la science ou l'instinct
vraiment rare de nos frondeurs. En effet la forme en olive, meil-
leure que la forme ronde, n'est pas la plus parfaite que l'on puisse
imaginer, et les modernes y ont renoncé pour les projectiles de
leur artillerie, fusils ou canons. Voici ce que nous lisons à ce sujet
dans le mémoire documenté de M. R. Kerviler : Il la forme
pointue en avant en résultait naturellement pour réduire au mini-
mum la.résistance de l'air; mais la difficulté de projection dans
l'axe existant toujours avec l'arrière aminci, on a presque partout
adopté le projectile allongé avec avant pointu et culot plat, mal-
gré le désavantage de la dissymétrie qui est une cause de dévia-
tion, le centre de gravité n'étant plus au centre de figure, et malgré
le plus grand vide d'air causé à l'arrière pendant le trajet par la
forme plate. » Nos Ibères apparaissent donc comme des précurseurs.
Mais il y a plus; ils ont essayé quelquefois de remédier aux
inconvénients du modèle à culot plat. Nous avons recueilli soigneu-
sement deux balles auxquelles nous ne connaissons pas d'ana-
logues; elles sont coniques, effilées, à fond légèrement concave,
mais on y a laissé en appendice, sur le bord de la base, une petite
languette de plomh(pi. XXIX, A, 13,16). Malgré notre incom
pétence en la matière, nous ne croyons pas nous tromper en disant
que cette queue devait être destinée à atténuer la déviation du pro-
jectile. Nous ne pouvons dire si le procédé était efficace, mais dans
tous les cas la recherche dont il témoigne a son prix.
Elle ne nous étonne pas dans un pays où l'art du frondeur était
dans l'antiquité en grande estime (est-il besoin de rappeler la célé-
brité des frondeurs des Baléares?), et où la tradition s'est conservée
Nouv. Arch. des Missions ScV", T. XIIT, 4"fase. Pl, XXIX.
FOUILLES D'OSUNA
E. LEROUX, Edit.
de très curieuse manière. A Osuna, en particulier, ii n'est pas un
enfant, il n'est pas un jeune homme qui ne soit d'une extrême
habileté à manier sa fronde en fibres d'aloès; elle sert à ramener
dans le gros du troupeau la chèvre, le porc ou le bœuf qui vaga-
bonde. On dit même que certains bergers sont d'une adresse mer-
veilleuse à atteindre à longue distance la corne droite ou gauche
d'un bœuf au galop; nous n'avons point vu cet exploit, digne du
trappeur Bois-Rosé, qui touchait de sa balle l'œil ou l'oreille d'une
loutre, à son gré; mais plus d'un parmi nos ouvriers lançait avec
sa fronde claquant comme une escopette des projectiles qui allaient
droit au but lointain. Même, à certain jour de fête, c'est la coutume
séculaire que deux camps de jeunes frondeurs se mitraillent, et
non sans danger, avec des oranges.
Presque toutes les autres balles d'Osuna sont de même intérêt,
n'étant que des variantes du type vulgaire en olive, et nous n'y
insistons pas. Mais nous devons une mention spéciale à trois pro-
jectiles vraiment exceptionnels, moins par leur forme que par leur
grosseur.ÎNous n'avons pas connaissance qu'on en ait trouvé n'im-
porte où d'autres exemplaires. Ce sont des olives de plomb grosses à
peu près comme des œufs de poules; elles sont très régulières et
bien fondues. L'une pèse 555 grammes, la seconde 54o, la troi-
sième 53o grammes. Elles n'ont absolument aucune marque ni
signe distinctif, car on ne peut faire état d'un trou qui se trouve
dans l'une d'elles, et qui ne doit être qu'une simple soufflure.
\ous ne savons trop comment expliquer la rareté de ces lourds
projectiles; peut-être étaient-ils réservés à quelque officierou ne les
employait-on que dans certaines occasions (pl. XXIX, B).
D'autre part nous n'a\O!IS retrouvé qu'un spécimen, du reste
fort endommagé par l'oxyde et l'action chimique de la terre, de
balle de fronde en fer, et nous n'avons recueilli aucune balle en
terre cuite, comme celles dont nous savons que se servaient par
exemple les Carthaginois, et qui avaient la forme de galets ellip-
soïdes. En revanche, nous avons ramassé une grande abondance de
balles d'un nouveau genre, dont les combattants d'Osuna ont fait
une grande consommation. Ce sont des cailloux roulés. La présence
sur ces hauteurs de pierres recueillies dans le lit des ruisseaux ne
s'explique que si elles ont servi de projectiles, et il y a tout lieu de
croire qu'elles furent lancées avec la fronde et non avec la main.
Elles sont presque toutes de la grosseur du poing à peu près, mais
affectent des formes variées, et pas toujours très régulières, comme
le montre la planche XXV, A. Nous en avons trouvé beaucoup que
le choc avait brisées, ce qui est un argument de plus pour prouver
qu'elles ont été projetées avec une fronde. Les cassures de la pierre
correspondentaux bosses et aux aplatissements du plomb des balles.
Il y«amême de ces cailloux qui ont éclaté au feu, de même que
nombre deballes de plomb ont été fondues dans l'incendie dont
nous 'avonsnoté partout les'traces (pl. XXVIII, 22, 2 4).
;
nous savons dû glaive des légionnaires, c'est-à-direqu'elle est à deux
tranchants rfenflée de façon assez sensible au milieu, et -va" légère-
ment en décroissant de largeur vers la pointe; cette pointe, il est
tout naturel de la supposer courte et assez "Obtuse. Le fourrèau
et
étaitenbois, ce bois est encore conservé par endroits, surtout
où ilétait le plus épais, à l'ouverture; l'action du-temps l'a fait
adlhéter au fer sans qu'il soit possible d'essayer -de l'en s éparer.
Nous ne broyons pas que la gaine ait été complètement- recouverte
de métal, mais les deux plaques qui la composaient étaient main-
tenuespardesàflneaux oblongs de bronze, dont un était encore en
plate quand nous avons déterré cet important débris.
Dans le terre environnante nous avons retrouvé quatre anneaux
adhérents à des crochets qui servaient sans doute à suspendre le
gMi, èt justement lafameuse épée dite de Tibère, ml musée de
Mayeuce, par exemple, était suspendue par quatre anneaux. Une
Xouv.Arch. desJfissions ScqllC>, T.XIII, 4e fase. Pl. XXX.
FOUILLES D'OSUNA
provient probablemfentdu baudrier.
boucle que nbus avons -recueillie an même temps que la lame
à
Ilest moins facile de savoir quoi servaient deux clous à tête
ronde et" bombée, également. en bronze, portant chacun -accolé au
bord de cette tête ici un anneau, là
une sorte d'étrier; de petites
plaques de bronze où sont encore engagées des chevilles rivées,
de
aingrandnombre menus crochets en formede virgules ou, pour
mieux dire,'de larmes. De ces derniers objets dentale-métal brille
comme de Hor, on peut supposer qu'ils étaient appliqués au four-
reau, en guise d'ornements; comme le bronze, très mince et pour
ainsi dire soufflé, sebosselle au moindre choc, on ne peut' ad-
mettre qu'ils aient servi à garnir la poignée. Quoi qu'il,en soit,
leseul fait que l'arme était ainsi décorée semble prouver qu'elle
appartenait à un chef.
A côté de ce glaivë,nous avons recueilli un mofceâu de lame
de mêmetype; il est donc probable que quelques-uns des-débris
métalliques que nous venons de mentionner se rapportent à ee
second exemplaireW.
Avec le gladius, le légionnaire était eneore armé du*pugia ou
,
-
poignard, dont nous ne sommes passûrsdevoir retrouvé de spé-
cimen même en fragments. Cependant nous avons soigneusement
recueilli des débris de lames plates, assezmincesetétroites, pro1-
venant de lames dont la longueur ne peut être exactement" déter-
minée, maie qui conviendraient assez bien à des poignards. Si ce
n'étaient que de simples couteaux, on- en expliquerait malaisément
la présenceau milieu de toutes ces armes- de combat. -
;
Quant au javelot ou pilum, cette arme classique du soldat rov
main, elle est asstèz bien connue elle se composait de deux parties;
le fer et le bois, qui, réunies, étaient d'une longueur de trois
pieds. L'extrémité dangereuse duferétait apomtée,l'autre s'emman-
chait au boisau'moyen d'une douille et de chevilles; quelquefois
les cftux parties du javelot étaientmaintenues jointes' par une
sorte de luanchonen bois.
A Osuna nous avons recueilli un grand nombre de tiges de fer
renflées-au bout et façonnées en pointes à quatre pans, oùl'bn
crros rivets
seulesrBsiste. la et
-*
Quelques débris de fer plat, transpercés perpendiculairement par de
à têtes rondes, sont tout ce qui reste de poignées de glaives. Natu-
rellement le bois ôu l'os qui garnissait soie est tombé les parties métaîiïqûes
ont
serait bien tenté de reconnaître des restes de pila. On en peut voir
un spécimen pl. XXXI, n° 7. C'est une baguette de fer, incomplète
certainement, puisqu'elle n'est longue que de o m. 3o, terminée
par une tête courte formée d'un renflement aiguisé en pointe. Le
fer constituant la haste est presque aussi gros que la tête elle-
même, et ne s'en distingue que par un léger étranglement du
métal à la base. C'est du reste le seul exemplaire que nous ayons
retrouvé d'un javelot à forte tige. Tous ceux que nous allons men-
tionner ont au contraire une tige très mince. C'est d'abord le cas du
fragment figuré pl. XXXI, n° 5. Il mesure o m. 45; la tige, qui est
;
tordue et assez mince, semble avoir été quadrangulaire, mais nous
ne pouvons l'affirmer la pointe est allongée.
Nous avons trouvé un fragmentdumême genre, mais plus
,
court (0111. 22) intéressant parce que la haste s'amincit franche-
ment vers l'origine de la tête qui est pointue. Le fragment 8 de notre
planche XXXI, long de o m. 3o5, a la tige fine et carrée; la
tête est longue et forte.
,
Nous avons réuni sous les numéros 2 1 et 3 de la même
planche un fer long de om.01, dont la tige ronde et menue
s'est conservée très droite, et qui se termine par une pointe à
quatre faces; plus un fragment de o m. 5k, plus gros et cependant
tordu, dont la tète se distingue à peine de la haste; et un autre un
peu plus mince, deo m. 65. Enfin un débris fort mince atteint la
longueur de o m. 68, mais la tige est fort oxydée et amincie par in-
tervalles. Nous ne signalons que pour mémoired'autresfragments
longs respectivement de o m. 18 et de o m. 012. Ce dernier a ceci
de particulier que la tête, assez vigoureuse, a quatre faces. Mais on
doit une attention particulière au n° 4 de la pl. XXXI, dont la tige
est taillée à quatre faces; cette tige, qui est très régulière, offre ce
détail inattendu qu'elle est composée de deux parties, une âme
centrale et tout autour de cette àme un manchon de métal dif-
férent. Comme le métal extérieur s'est oxydé, il s'est détaehé en
un endroit de la baguette centrale, laissant apparaître très nette-
ment cette curieuse particularité de technique. Sans doute la tige
intérieure, faite d'un métal plus souple, était destinée à éviter les
cassures de l'arme.
Cette remarque nous semble expliquer la découverte d'un
grand nombre de petites tiges tantôt en fer tantôt en bronze,
rondes ou quadrangulaires, mais plus souvent quadrangu-
laires, pointues aux deux bouts, de longueur variant entre o m. 15
et o m. 17, et dont l'on ne comprend pas tout d'abord l'usage.
Ce sont très probablement des âmes du genre de celle que nous
laisse voir la haste en question, et dont le revêtement extérieur est
tombé. Elles ont résisté, parce que le métal dont elles sont faites
est plus résistant que son allié à l'oxydation. Mais il nous est difficile
pour le moment de savoir quel genre d'armes elles servaient ainsi
à consolider; leur forme même, effilée aux deux bouts, n'est pas
instructive à cet égard. Cependant nous aurons tout-à-l'heure à dé-
crire une espèce de harpon auquel il semble qu'elle conviendrait
assez bien, puisqu'il est pointu à une extrémité, pour frapper et
blesser, et pointu à l'autre pour être fiché dans une haste.
Tous les détails que nous venons de donner sur ce type d'armes
nous troublent, on le comprend, et nous n'osons pas affirmer
pleinement leur origine romaine. D'abord nous ne connaissons
aucun texte ni monument qui nous autorise à croire que la tige
du pilum ait jamais été carrée. De plus même les plus longues de
ces tiges de fer ne portent aucune trace à leur extrémité non poin-
tue, ni de douille ni de mode d'assemblage quelconque ayant pu
servir àl'attacher à la tige de bois; et nous nous demandons si ce
ne sont pas tout
simplement des lances. En effet à Alcalâ la Real,
près de Cordoue, dans une collection particulière, nous avons eu
l'occasion de photographier deux lances en fer, l'une toute droite
encore, l'autre tordue en serpent, dont la ressemblance avec les
fragments d'Osuna est absolue. Elles proviennent probablement de
la célèbre nécropole ibérique d'Almedinilla, dont Alcalà la Real
n'est éloignée que de quelques heures; le musée de Cordoue
possède aussi plusieurs de ces armes très importantes, et très bien
conservées, et sans doute de mêmeorigineW. Javelots ou lances,
armes ibériques ou romaines, la question peut rester douteuse,
d'autant que les fouilles nous ont rendu de véritables pointes de
lances, certaines cette fois-ci, et qui presque toutes sont curieuses
n'ayant d'ailleurs aucun rapport avec les objets que nous venons
d'examiner.
Nous disons pointes de lances, car les armes d'où elles pro-
viennent étaient toutes, sauf une, fabriquées en deux parties, le
(1)Nous venons d'imprimer un assez long mémoire sur les armes d'Almedinilla,
d'Alcalâ la Real et de Cordoue. Il a paru dans la Revue archéologique, 1906,
II, p. Il9-9,2.
bois, et le fer muni d'une douille dans laquelle s'engageait le bois;
un clou ou une cheville passait par un trou ménagé à travers la
douille, et assurait l'adhérence et la solidité des deux membres.
Un des spécimens est figuré pl. XXXII, n° 2. La pointe et la
douille ont en tout o m. 20 de long; la pointe est petite, mince, al-
longée; la douille au contraire s'évase brusquement, et a o m. 025
de diamètre maximum. Le fer a été courbé un peu au-dessus de
cette douille, à l'endroit où la tige était vraiment un peu faible
pour supporter un choc de quelque violence. C'est une arme
de médiocre valeur offensive, et qui bien certainement est indi-
gène.
Nons en avons recueilli un second spécimen (pl. XXXII, 4)
dont la tige est également tordue; la pointe, en forme de feuille
de laurier, est assez plate et fine; elle s'ajuste par un délié à la
haste. Un autre exemplaire, long de o m. llt, diffère par la
pointe, qui, tout en ayant la même forme, est assez épaisse, de
plus de 1 centimètre. Sa largeur maximum est de o m.o3. Il est
regrettable que la pointe extrême ait été brisée, et que la feuille
elle-même ait été détachée de sa tige.
Un second type est mieux conçu; le fer est à peu près aussi
long (o m. 195), mais la douille est plus courte et plus forte, et
la pointe s'y ajoute presque sans intermédiaire (pl. XXXII, 5).
Cette pointe est intéressante en ce qu'elle a la forme d'une feuille
oblongue, large de o m.o35, flanquée à droite et à gauche, près
du pédoncule, de deux barbes pendantes; c'est en somme un fer
de flèche agrandi. Il faut observer que l'extrémité a été violem-
ment recourbée en avant sans se briser, et ce détail curieux que
la douille étant sans doute un peu trop large pour la haste, dont
elle conserve un fragment engagé, on avait essayé de fixer les deux
parties au moyen d'un peu de fil ou d'étoffe qui subsiste après tant
de siècles.
Les fers de lances de la pl. XXXll, nos 1 et 3, sont de même type;
le second est long de om. 15, et la pointe en a été recourbée en
forme de véritable anneau, ce qui s'explique assez malaisément,
et n'indique pas une très bonne fabrication; le second n'est long
que de o m. 13, car l'extrémité a été cassée.
Enfin nous ne connaissons qu'un spécimen du type de la lance
représentée pl. XXXII, n° 6. La tête et ce qui reste de la tige forment
une longueur de o m. 16. La pointe est mince, plate et allongée,
~—~.—.~ FOUILLES D'OSUNA
Pl.Z-Yxff
B. LEROUX, Édit.
-
Pl.XY.xm
Nouv Àrci, - des Missions Sducs, 1'. XIII,
4cfasc.
FOUILLES D'OSUNA
B. LBRoux, Édit.
douille.
le fer est très menu, et sans doute toute la haste était en fer, ne
formant qu'un morceau avec la pointe, car il n'y a pas de trace de
j
Nous ne croyons
TRIDENTS.
romaines, même en y
comprenantlesauxiliaires, aient jamais fait usage des armes que
examiner, et qui sont des tridents. Les
nous allons maintenant
tridetits ne seront retrouvés qtfàu nombre de quatre (pl. Xn).
Ils ne sont pas d'un même modèle. t-
Le premier létait emmanché à - une haste au moyen d'une
douille. II est en très mauvais état, et une dent â disparu. Ces dents
qui semblerft avtJir été courtes, et dont l'êcartèftiettt màximum
n'était que de 0m.06, n'étaient pas disposées en dents de fourche,
;
comme on se figure les tridents dassiqùes dès
divinités marines,
mais formaienttriangle elles étaient -fines et devaient êtreasez
:
des branches du troisième (n° 3) est de o ni. ô8. L'un et l'autre
sont aussi mutilés que le premier il leur manque un dent, et
les deux qui restent sont brisées sans qu'on puisée préciser la Ion1
gueur qu'elles avaient. Actuellement le n° 3 mesure omr i5,ét le
ii°3om.i35. Enfin le quatrième est tout différent; il était fixé
;
4)..
au bois par une douille courte et grosse ses dents étaient dispo-
sées sur un même plan, et, trèsfortes à la base, s'amincissaien
rapidement en pointe aiguë. II ne reste que celle dumilieu,éties
amorces des deux autres. L'arme, qui mesureaujourd'hui o m.- 4,
devait être tourte et puissante(n°
Ce n'est pas la première fois qu'on découvre des tridents de ce
genre, car Cean-Bermudez (Sumario, p. 64) signale à Carche, près
deJumilla, la découverte faite en 1774 de ((armas arrojadizas
i
t
:
douille pour recevoir un manche de bois.
Voici la liste de nos 6 exemplaires
i" longueur, o m. 18; diamètre maximum de la douille
o m. o4- L'extrémité de la pointe est brisée, et la longueur totale
du fer ne devait pas dépasser o m, 20 ou o m. 21.
3° Longueur, o m. 5; diamètre maximum de la douille
o m. o4. Il manque le bout de la pointe et un peu de la douille
(pl.XXXIV,n° î).
3° Cette pointe d'épieu est complète; elle a o m. io5 de
longueur;lediamètre de la douille est de o m. 025 (pl. XXXIV,
n° 2).
41 Epieu très pointu, à grosse douille, long de o m. 11. Le
diamètre maximum de la douille est o m. o3 (pl. XXXIV, 00 3).
5° Fera pointe émoussée, à douille; longueur p m. lÜ.
0" Pointe d'épieu de même forme, ayant ceci de particulier
qu'elle n'a pas de douille, et était implantée directement dans le
bois par son extrémité inférieure apointée. Il serait d'ailleurs pos-
sible desoutenir que c'était tout simplement la pointe d'un javelot.
Longueur, o m, 17,
Nous savons que sous les mots de veru, verlllzzm veruculum,
on désignait des armes de trait que les Romains avaient emprun-
;
tées aux Samnites pour armer leurs soldats d'infanterie légère la
description qui nous en a été laissée et qui les représente comme
des pointes coniques en fer, longues de 5 pouces et emmanchées
à des hampes de 3 pieds et demi, montre que les épieux
d'Osuna répondent assez bien au veru, et peuvent être d'origine
romaine.
HARPONS.
E. LEROUX, Edit.
C'est une tige de fer pointue à l'une de ses extrémités et ter-
minée à l'autre en forme de crochet aigu ou d'hameçon. La
pointe sans crochet était enfoncée dans une haste en bois, et
l'autre servait à frapper. Une fois entrée dans la chair, la pointe
ne pouvait plus s'en dégager sans déchirure, à cause de la barbe
saillante. Il serait tentant d'y reconnaître ces javelots à crochet, tout
en fer (cravviois
oÀo(,;J'lJ'¡po, àyxicrlPWiïeo-i) que Diodore signale
comme particuliers aux LusitaniensM.
Le plus grand nombre de ces harpons nous sont parvenus in-
complets, mais beaucoup sont heureusement intacts, et l'on peut
juger qu'ils n'étaient pas façonnés sur un modèle uniforme. La
longueur de l'arme totale, celle du crochet pris à part, l'épais-
seur du fer, sont très variables. La planche XXXV, n° 5 nous
montre un harpon massif, long de o m. 14 seulement, à grosse
;
tête, à tige très robuste, épaisse et à peine arrondie au contraire
les numéros 2 et 6 de la même planche sont des armes très
fines, longues respectivement de o m. 15 et o m. 118. La pointe
et le crochet en sont très acérés; la seconde a ceci de très parti-
culier que la tige en est carrée.
Entre ces deux extrêmes il y a place pour des modèles plus
ou moins gros ou minces; quant à la longueur, si elle oscille
en moyenne entre o m. 10 et o m. i5, elle peut se porter jus-
qu'à o m. 4o (pl. XXXV, n° 7) et se réduire jusqu'à o m. o65
(n° 10). Mais il faut bien noter que l'épaisseur du fer n'est pas
toujours en rapport avec sa longueur; nous avons déjà dit que le
plus gros des harpons n'a que o m. i4; le n° 8 de la planche,
qui est un peu moins robuste seulement, a la même longueur à
quelques millimètres près (o m. 135); au contraire le harpon
n° 2 a o m. 15.
On se rendra compte de ces détails en parcourant le catalogue
de ces harpons; mais, avant de dresser ce catalogue, nous devons
faire quelques remarques.
D'abord il y a des exemples, rares il est vrai, mais certains, de
harpons qui s'emmanchaient à la haste au moyen d'une douille.
Tel est celui qui est représenté pl. XXXV, n° 9. Il s'est très bien
conservé dans toute sa longueur, avec sa tête courte et fine, son
:
pointe inférieure est brisée, et il n'a que o m. 07) a une forme
rare le crochet n'est pas du dessin ordinaired'un hameçon
il est beaucoup plus écarté de la tige, dont il est plus indépen-
;
dant, et placé absolument comme le crochet du coutelas grec
connu sous le nom de harpé, cette arme que l'on voit par exemple
aux mains de Persée coupant la tête de la Méduse (Daremberg
et Saglio, Dictionnaire des Antiquités, s. v. Faix, fig. 2872).
Nous avons pensé tout d'abord que c'était simplement une dé-
formation du crochet brusquement écarté de la tige, comme
c'est le cas pour le harpon n° 71 du catalogue; mais après examen
il faut renoncer à ce rapprochement; nous avons bien trouvé la
un spécimen unique et fort original de harpon.
On remarquera maintenant qu'un grand nombre de tiges de
harpons sont coudées vers la base et forment une ligne brisée à
Exemples:
angle plus ou moins aigu.
Édit.
E.LEROUX,
forme d'un harpon :
ces tiges est coudée, et qu'un autre de ces objets a tout à fait la
le crochet existe, aplati contre la tige, et
l'extrême pointe inférieure est nettement retournée.
CATALOGUE.
-
devait être très longue, la tête fine avec un crochet court.
61. L. o m. 10. - Fragment de harpon à grosse lige; tête
très endommagée par l'oxydation.
62. — L. o m. io5. - Fragment de harpon à grosse tige; tète
très endommagée par l'oxydation.
63. — L. o m. 096. - Harpon incomplet. La tète paraît beau-
coup trop courte et menue pour la tige, parce que le fer a été
rongé.
64. — L. o m. 090. - Harpon incomplet, à tète courte, à
grosse tige droite.
65. — L. om. o85. - Fragment de harpon à grosse tige; le
crochet a disparu, mais on en reconnaît l'attache.
66. — L. o m. 09. - Fragment très oxydé; cependant la pointe
de la tête et celle du crochet sont bien conservées.
67. — L. o m. 08. — Fragment. La tête du harpon est longue
et mince; le crochet, qui est émoussé, devait être court et peu dé-
taché.
68.- L. o m. o3. - Tête de harpon très courte avec un fort
crochet, sur une grosse tige. Grave oxydation qui a épaissi et dé-
formé le métal.
69. — L. o m. 09. - Tête de harpon. Modèle courant avec
grosse tige.
70. — L. o m. io5. - Harpon, ou plutôt harpe, à longue
tige pointue, avec crochet en virgule très détaché, relié à la tige
par des lignes courbes. (Pl. XXXV, n° Il.)
71. — L. o m. 115. - Harpon presque complet, à grosse tète
et tige ronde bien régulière. Le crochet a été violemment écarté
de la tige et relevé la pointe en l'air.
72. — L. o m. oj. - Tète de harpon bien conservée, Une et
pointue.
73. — L. o m. 17. - Tète de harpon épaisse et courte; la
pointe du crochet est émoussée.
1k. — L. o m. 10.
- Fragment de harpon à grosse tige et
petite tête; le crochet a à peu près disparu.
75. — L. o m. i3. Harpon complet à tête et tige fines; le
-
crochet est presque détruit.
76. — L. o m. i 2. Harpon presque complet, a tige une el
-
courte; le crochet est brisé à sa naissance. La tige est incurvée.
77. — L. o m. 125. Harpon complet; la tète a souffert; la
-
tige s'arrondit mollement à l'opposite du crochet, qui a l'air d'une
simple épine courte.
78. — L. o m. o65. - Harpon complet; c'est le plus petit de
lous ceux qui ont été recueillis; la tête est grosse et courte, la
pointe inférieure retournée. (Pl. XXX\, n° 10.)
79. — 1.. o m. i35. - Harpon presque complet; tète line et
courte par rapport a la grosseur de la tige.
80. --- L. o m. io5. Fragment; tête courte à pointe mousse,
avec un tout petit crochet.
81.— L. o m. 117. Fragment; la tige est grosse, la tète est
courte et bien aiguisée, mais le crochet a presque disparu.
82. — L. o m. 21. - Harpon complet monté à douille; la tète
est fine et courte, et la tige va en s'élargissant vers la douille.
(Pl.XXXV,n°9.)
83. -- L. o m. 08. -- Fragment de crochet a douille; l'identifi-
cation reste d'ailleurs un peu douteuse.
8^1.
— L. o m. 125. - Harpon à tige très mi nce. Le crochet se
-
détache de la pointe même dela tète. (Pl. XV, n° 1.)
85. L. o m. 23. - Harpon complet, monté à douille. On
aperçoit nettement le trou destiné au passage d'une cheville de
maintien. La tète est longue et forte, avec un robuste crochet dont
la pointe manque. (Pl. XXXV, n° 3.)
86. ---- L. o m. 165. Harpon mince et long; la tige s'incurve
; les
-
pointes de la tête sont émoussées.
-
par en bas
87. L. o m. llt.
- Grand harpon à tige coudée; la tète est
petite, et le crochet peu important. (Pl. XXXV, n° 7.)
-
88. — L. o m. 1/4. Harpon à tête fine, à crochet aigu, bien
dégagé.
89. — L. o m. ii. - Fragment de harpon; le crochet est réduit
par l'oxydation à une toute petite pointe.
90.— L. o m. 16. - Harpon complet à tête moyenne, bien
conservée. Le bout inférieur de la tige est recourbé.
:
91. — L. o m. 23. - Harpon (ou épieu?) à douille; la tête est
ployée par un choc le crochet est peu apparent.
PIQUES.
de Sainte-Monique;
en signale deux exemplaires déterrés dans la nécropole voisine
il en a donné même l'image. La plus grande
a o m. 07 de longueur; la tête paraît ronde, mais elle est fort
endommagée. Si les piques de cette provenance étaient plus nom-
breuses, on pourrait supposer que les Ibères avaient emprunté
ce type au peuple auquel ils avaient emprunté tant d'autres choses.
Les piques d'Osuna, comme les harpons, sont loin d'être d'un
seul modèle. Voici le catalogue des plus intéressantes et des mieux
conservées.
? 1. — Longueur, o m. 07. - Tête de pique fort endommagée,
épointée et rongée par l'oxydation.
2.— L. o m. o5. - Tête de pique à pointe émoussée, presque
ronde.
3.- L. o 111. 07, - Tête de pique en très mauvais état, très
grosse pour sa longueur, et comme ramassée en boule.
4. — L. o m. 10. - Tête de pique presque complète; la pointe
est fine, et l'arme s'emmanchait à une haste de bois au moyen
d'une douille.
5. — L. o m. i3. - Fer de pique monté à douille, en bon état
mais émoussé; le col est fin. (Pl. XXXVI, n° 3.)
6. — L. o m. on. - Fer de pique à douille; la tête est assez
effilée, la douille courte et conique.
7. — L. om. 215. - Deux fragments, douille et tète, d'une
forte pique. La tète (o m. 07) a perdu sa pointe et le fer en est très
oxydé. La douille est bien conservée. (Pl. XXXVI, n° 4.)
8. — L. o m. 10. - Pique complète, de même type que le n° 3,
mais cependant le col est plus épais, la tète plus finement apointée.
(Pl. XXXVI, n° 2.)
9.-- L. o m. o85. - Pique complète. La tète a une forme spé-
ciale : c'est une pyramide posée par sa base sur le sommet de la
douille. La pointe était courte et comme aplatie; elle a l'apparence
d'un clou dé fer à cheval. (Pl. XXXVI, n° 10.)
10. 'd- L. o m. 09. Pique complète, à douille, bien conservée.
-
La tête est fine et bien pointue; le col n'est indiqué que par une
dépression longue et peu sensible. (PL XXXVI, n° 6.)
11.— L. o m. 077. - Pique plus courte, très bien conservée
dans un dépôt calcaire provenant de la chute de quelque mu-
raille incendiée. Le col est robuste, la pointe assez longue et bien
aiguisée. (Pl.XXXVI,n°7.)
12. — L. o m. 082. Pique à douille complète, en très bon
-
état. La tête a la forme pyramidale. (Pl. XXXVI, n° 8.)
13. — L. o m. og. Pique en mauvais état, épointée. C'est un
-
modèle trapu, ramassé, qui manque de finesse.
--
14.. L. o m. 11. Pique dont la douille est en partie dé-
-
truite, dans le sens de la longueur aussi bien que de l'épaisseur.
La tête est longue et fine.
15. — L. o m.08. Fragment de pique de type unique. La
-
douille est grosse, le col à peu près de mêmediamètreque la
douille, et la tête massive et très courte. (Pl. XXXVI, n° 14.)
;
16. —Tête et fragment de la douille d'une pique. C'est la plus
grosse qui ait été trouvée elle mériterait plutôt d'être appelée masse
d'armes. La tête, qui mesure o m. 1 5, est formée de deux pyra-
mides unies par les bases; celle qui forme la pointe est la plus
basse. Le col était étroit, et la douille, qui était courte relative-
ment, a une hauteur de o m. 06, mais elle a pu être rongée par
l'oxydation ou, au contraire, épaissie et boursouflée. (Pl. XXXVI,
n° 5. La tête seule.)
17. -
— L. o in. 12. Arme très endommagée. La tige a douille
est du même diamètre dans toute sa longueur.La tête est ronde
et courte, et fait une forte saillie plate sur le col. Il reste dans la
douille du bois de la hampe assez bien conservé.
18.— L. o m. 10. Pique très endommagée. La tête se rat-
-
tache directement à la douille sans que le col soit bien marqué. Il
reste du bois de la haste.
19. — L. o m. o85. - Pique presque complète (épointée);
col mince, douille large, conique.
20. — L. o m. io5. - Pique complète, assez bien conservée;
tête assez fine et courte, col bien marqué, douille de fort diamètre
à la base.
21. -- L. o m. 1 L5. Pique dont la douille est incomplète.
-
La pointe est longue et fine; le col vigoureux. ( Pl. XXXVI, n° i.)
22. -- L. o m. 07. Pique très mal conservée, toute rongée,
-
et de forme maintenant peu distincte.
23.— L. o m. 075. Tête de pique épointée, de forme al-
-
longée.
24. - L. o m. 72. - Fragment de pique à forte tige, à épaisse
tète courte, sans presque de col. Il reste du bois dans la douille.
25. — L. o m.o85. - Tête de pique en très mauvais état,
mais qui devait être de forme allongée et terminée en pointe
fine.
-
26.— L. o m. 09. Fer de pique dont la pointe seule manque.
La tête était longue et fine, le col nettement étranglé, la douille
conique.
27. — L. o m. 06.— Grosse tête de pique à pointe courte, à
tige forte.
28. — L. o ni.o5. Tête de pique épointée; elle était assez
-
mince, et la pointe était allongée.
29.— L. o m. o5. - Fragment de pique à tête petite, et de
pointe courte.
30. — L. o 111. 06. - Petite pique complète, à très exiguë tête
massive sur une grosse tige à douille. (Pl. XXXVI, n° 12.)
31. — L. o m. 09. — Fer de pique complet. La pointe s'est
retournée par l'effet d'un choc. La tète est longue, peu saillante
-
sur le col.
32. L. o m. oy5. - Fer de pique du même type, mieux
conservé.
Nouv.Arch.desMissions T.XIII.4efase.
ScqIus, A
FOUILLEESUN Pl.XXX
VI
Édit.
E.LRROUX,
33. — L. o m. 07. - Petite piquecomplète, sans col ou avec
un col à peine marqué. Tête fine et bien pointue.
34. — L. o m.09. — Fer de pique du mêmetypeque les nu-
méros 3i et 39.
35. — L. o m.10. - Fer de pique à douille courte et aplatie,
à pointe émoussée.
36. --- L. o m. io5. —Fer depique complet, en assez bon état.
Le col et la douille sont assez minces; la tête est bien carrée et bien
détachée. (Pl. XXXVI, 11° 17.)
37. — L. o m. 09. Fer de pique dont la douille est incom-
-
plète. La tête est bien détachée du col; elle est épaisse et à
pointe courte.
38. — L. o m. 096. Pique complète, a grosse tête courte
-
faisant une franche saillie sur la tige.
39. -- L. o m. n5. - Pique complète à grosse douille
évasée, à long col mince, à fine tête bien aiguisée. (Pl. XXXVI,
n° ia.)
40.— L. o m. 09. - Pique complète, à longue douille évasée,
à long col mince, à toute petite tête carrée avec pointe très aplatie.
(Pl. XXXVI, n° 9.)
41. — L. o m. 09. - Pique à tête bien carrée sur une tige
-
presque de même épaisseur.
4*2. L. o m. 10. - Pique complète, de type moyen; douille,
col et tête bien proportionnés. (Pl. XXXVI, n° 16.)
43. — L. om. 06. - Fragment très mal conservé. Tête irrégu-
44. — L.om.07.
l'oxydation.
-
lière dont la pointe a disparu, mal plantée sur un col épais.
Fragment très mal conservé, rongé par
Édit.
E.LEROUX,
-
26. - L. o m. o85. - Fer de flèche bien conservé, long et
étroit, aplati, mais à angles vifs; l'arme est légèrement asymé-
trique.
27. —L.om.087. - Fer de flèche bien conservé malgré l'oxy-
dation. La pointe est à quatre faces égales, fine et aiguë. L'arme
était peut-être barbelée. (Pl. XXXVII, n° 35.)
28. — L. o m. 07. - Fer de flèche ronde, fendillé dans le sens
9.
de la longueur. La tige est brisée. (Pl. XXXVII, 11° 8.)
L. o m. 10. - Fer de flèche long, à quatre faces bien
régulières, très finement barbelées (Pl. XXXVII, n° 26.)
30. — L. o Ill. 07. - Pointe de flèche à tête plate, lancéolée,
large à la naissance de la tige.
31.— L. o m. io. - Flèche complète; tête fine à quatre faces,
barbelée.
32. — L. o m. o5o.-Pointe de flèche plate à tête en forme de
losange allongé.
33. --- L. o m. o65. - Pointe de flèche à quatre pans, renflée
uniformément depuis la pointe jusqu'à la naissance de la tige.
(Pl. XXXVII, n° 3a.)
34. — L. o m.07, - Tête de flèche plate, à pointe acérée,
asymétrique par rapport à la direction de la tige.
35. ---- L. o m. io3. - Flèche à quatre pans, barbelée, très fine,
comme le n° 3o.
-
36.— L. o m. 07. Flèche complète; la tige est coudée acci-
dentellement sans doute. La tête, en losange, est plate et bien
pointue. (Pl. XXXVII, n° 31.)
37.
n"27).
- L. o m. o65. Tête de flèche à un seul crochet (cf.
-
38. - L. o m. 08. Flèche complète, à tête en losange. Si
-
elle est barbelée ce détail est peu distinct. (Pl. XXXVII, n° 29.)
39-— L. o m. o65. - Flèche complète à quatre faces, fine
et bien barbelée.(Pl. XXXVII, n° 37.)
40. L. o m. o. - Fragment. Il reste de la flèche la tête courte
etlarge, en forme de fer de lance. C'est un des plus petits spécimens
retrouvés.
41. — L. o m. 078. Pointe de flèche fine, très acérée, à
-
quatre faces et barbelée. (Pl. XXXVII,n°
- -n° 33.)
f.2. L. om.og. Flèche de même type, complète, plus fine
encore. (Pl. XXXVII, 1.)
7"2.
— L. om. 082. - Flèche presque complète, à grosse tète
plate (pointe émoussée), avec deux crochets. La tige, également
plate, est très lalge à la naissance des crochets et sur presque
toute sa longueur. (Ibid.,no 13.)
73. — L. om.o85. - Flèche à tête quadrangulaire, à deux
crochets nettement détachés, a tige fine. L'arme est bien conservée;
seulement la pointe très aiguë a été repliée. (Ibid., n° 14.)
74. — Flèche complète bien conservée, ayant om.11. La
pointe est fine, régulièrement allongée, avec deux crochets latéram.
très nets et bien détachés(1).
Il n'en est pas pour les flèches comme pour les tridents, les
harpons, etc.; on n'est pas en droit de dire qu'elles sont purement
indigènes. Depuis que Rome, menacée par l'invasion d'Annibal,
accepta le secours des 1,000 archers ou frondeurs que lui offrait
le tyran Hiéron de Sicile (2), les troupes des auxiliaires ne cessèrent
de figurer dans les armées à côté des troupes romaines, et parmi
ces auxiliaires les archers tinrent toujours une place importante.
En particulier on sait que pendant la guerre civile Pompée comptait
dans son armée, parmi d'autres troupes étrangères, 3,000 archers
de Crète, de Sparte, du Pont, de la Syrie, en même temps que
1,200 frondeurs(3).
11 est fort probable qu'une partie de
ces archers a continué à
combattre avec les fils de Pompée, et que beaucoup des flèches
trouvées à Osuna proviennent de leur armement. Par leur différence
d'origine s'expliquerait en partie la diversité de type des fers re-
cueillis.
Car on a sans doute été frappé de voir combien de modèles
différents nous avons décrits, et quelle variété il existe dans la
collection du Louvre, que l'on considère la taille des fers de flèches,
leur forme, leur mode d'attache.
,
Si la longueur moyenne des pointes est comprise entre 6 et 8 centi-
mètres nous en avons trouvé pl usieurs deom. io, deux de o m. 11,
et peut-être même une de o m. 15. D'autre part un fer au moins
n'avait que o m. oh. Du reste la mesure totale des objets donne
(1)Le n° 4 de la pl. XXX n'est pas une pointe de flèche, mais sans doute
une pointe de pique.
WTIT.LIV.,XXII,37.
MBel.Civ., III,
IV.
un renseignement incomplet, car la proportion n'est pas toujours
la même entre la pointe proprement dite et la tige; tantôt la
tête est longue et la tige courte, tantôt le rapport est renversé.
Quant à la forme, on en reconnaît quatre principales, ce qui ne
veut pas dire que toutes les flèches se rapportant à chacune d'elles
soient absolument semblables :
loFer plat en forme de feuille lancéolée;
2° Fer en forme de fuseau allongé;
3° Fer allongé, très pointu, à quatre faces, avec arêtes barbe-
;
lées
4° Fer plus ou moins plat ou bombé, avec deux crochets. C'est
le type qu'en latin on désigne sous le nom de sagitta hamata (en
hameçon), ou adunca.
Nos fouilles ont livré de très complets et très intéressants spéci-
mens de ces divers types, et en assez grand nombre. Toutes ces
pointes se piquaient dans le bois par leur tige effilée; il suffit
d'ailleurs de parcourir la liste établie plus haut pour se rendre
compte des particularités les plus notables de la collection. Nous
nous bornerons donc à souligner quelques faits saillants.
D'abord quelques exemplaires uniques ou très rares ne rentrent
pas bien dans les catégories précédentes. C'est d'abord la flèche
en forme de longue feuille plate qui se fixait au bois au moyen
d'une douille, et qui est munie d'un seul crochet latéral (n° 24).
Nous ne connaissons pour notre part qu'une seule flèche de ce
type, encore qu'avec des différences; c'est celle dont il est donné
une image dans le catalogue de vente de la collection Gréau
(fig. 711). Le groupe où elle figure est composé de flèches trouvées
en Syrie, en Chypre, en Grèce, en Italie et en Gaule, mais le
renseignement manque de précision, et nous ne savons pas la
provenance exacte du spécimen qui nous intéresse surtout.
Unique aussi est la pointe de flèche à trois faces concaves qui
est représentée pl. XXXVII, n°21.
Nous signalons ensuite la flèche n° 24, notable par sa longueur
(om. 11), et aussi par la forme irrégulière de la feuille qui lui
sert de pointe. On peut se demander si cette asymétrie (qui se
retrouve n° 25) était bien faite pour assurer la direction et la
rapidité du trait.
,
Le type fusiforme (nos 2 28, 43, 57, 60, etc.) est plus fréquent
mais assez nouveau, croyons-nous; quant à celui qui semble avoir
eu la préférence d'un important corps d'archers combattant à
Osuna, c'est celui de notre troisième série,, de la flèche mince,
allongée, taillée à quatre pans, avec les arêtes entaillées de barbe-
lures vigoureuses.
Il faut avoir bien soin d'insister sur cette observation déjà faite,
que nous n'avons pas recueilli deux flèches absolument pareilles,
et comme il en était de même pour les lances, les épieux, les tri-
dents, les harpons, et peut-être pour les balles de frondes, il semble
nettement établi qu'il y avait fort peu d'unité dans l'armement des
auxiliaires ou des ennemis des Romains, et spécialement des Ibères.
Nous n'avons pas à nous en plaindre, pour ce que la collection
d'Osuna y gagne en variété et en intérêt. Nos fouilles auront eu du
moins ce profit de réunir une instructive série de documents de
provenance certaine, peut-être la plus riche et la plus diverse qui
soit.
SÉPULTURES PHÉNICIENNES.
PEIGNE WIVOIRE.
:
et d'autre d'une palmette forment un motif héraldique.
Un détail a son importance sur le flanc et sur la croupe desani-
maux gravés sur les peignes 102 à ioé, 115-116 de M. Bonsor,
on a incisé des signes, en particulierleSMt phénicien. Il y a bien
sur le flanc et ia croupe des gazelles d'Osuna des traits parallèles,
mais ils ne semblent pas former descaractères.
et
à
Quaot la forme, elle est exactement celle des peignes 102-
115-116de la Cruz del Negro, avec les deux échancrures
103
;
en demi-IODe des deux cotés il semble que les trois objets sortent
de la même fabrique, si l'on remarque aussi que tout autour des
gazelles formantcadre, et le long des Montants qui bordent les
desMisonsSci"",T.XIU,4'tasc.
NOHV.Arch. Pl.XXXIX.
FOUILLES D'OSUNA
E.LEUOUX,FAIU
dents, se trouve la même bande de zigzags. il faut noter que le
peigne d'Osunaest plus grand que le peigne de Carmona 102-1o3,
et à très peu de chose près de la même taille que le peigne 115-
116. Il mesure o m.125.
Si nous recherchons maintenant à quels monuments tous ces
ivoires sont le mieux apparentés pour le style et la technique, en
dehors des coupes et des patères dont nous avons déjà parlé, nous
n'hésitons pas à dire que ce sont les rasoirs en métal que le P. De-
lattre a trouvés souvent dans les tombeaux puniques de Carthage.
Nous citerons en particulier celui que l'illustre explorateur a re-
cueilli dans une sépulture de la nécropole voisine de Sainte-Mo-
nique, et dont une face est décorée au trait d'un bœuf couché
dans la même attitude que nos gazelles, avec un oiseau picorant
sur son dos, et une mouche dans le champ (Nécropolepanique
voisine de Sainte-Monique, deuxième trimestre des fouilles, p. 11,
fig. -23-24) (l)- Ne sommesnous pas en droit de tirer de ce rap-
prochement une conclusion importante, à savoir que les objets
découverts par M. Bonsor et par nous sont de fabrication cartha-
ginoise, et par suite que les tombeaux où ils furent déposés étaient
ceux de colons venus de Carthage ?
En somme, si notre trouvaille ne fait qu'ajouter un spécimen
bien conservé à une série déjà connue, elle confirme du moins ce
que démontre si bien l'étude de la collection Bonsor, à savoir que
les graveurs d'ivoires phéniciens mélangeaient avec une fantaisie
très routinière les éléments à peu près toujours les mêmes de leurs
thèmes décoratifs. Et cette rrmarque nous semble comporter cet
enseignement qu'il faut se défier de vouloir interpréter avec trop
de précision pour la connaissaMee<ies mœurs, des idées ou des
(1) propos des oiseaux perc hés sur le due des fions, M. Bonsor pense que
A
l'imagier a pu vouloir signifier ainsi de manière tangible que ces fauves sont
apaisés et rendus très doux par l'influence bienfaisante du griffon. (Colonies
pré-romaines. p. 87.) Que devient cette explication lorsque l'oiseau familier est
posé sur le dos d'une gazelle ou d'un bœul ? Nous croyons tout simplement que
les décorateurs n'ont eu d'autre idée que de retracer un petit tableau pitto-
resque dont le motif n'est pas rare à la campagne. Nous axons vu bien souvent
en Normandie, par exemple, des pies en train de picorer sur la tête ou le dos
d'une bonne vache ruminante, exactement comme le représente la gravure du
rasoir de Carthage. Ensuite, par abus routinier, les graveurs ont rendu l'oiseau
indifféremment familier avec tous les animaux domestiques ou sauvages qu'ils
dessinaient.
croyances la présence ou le groupement sur tel ou tel objet de tels
ou tels personnages ou de tels ou tels motifs. Il peut n'y avoir là,
et il n'ya le plus souvent que des choix sans intention, on des
rapprochements fortuits.
Dans la seconde sépulture, celle dont Ja nécessité de faire une
brèche au centre de la forteresse nous a heureusement révélé
l'existence, les ossements étaient beaucoup moins bien conservés et
réduits pour ainsi dire en miettes. En fait d'objets on n'a retrouvé
dans la terre qu'un petit alabastron phénicien en albâtre, dont la
surface est assez rongéeM (pl. XL, C), et quelques perles d'un
collier. Ces perles sont de deux formes, les unes sont de simples
boules aplaties aux deux pôles, les autres sont oblongues. Elles
devaient alterner sur le lien qui les unissait. Elles sont en pâte de
verre, de différentes couleurs, et quelques-unes même étaient
dorées. L'origine phénicienne n'en saurait être mise en doute.
Nous n'avons pas voulu démolir la forteresse pour rechercher de
nouveaux tombeaux: mais nous sommes persuadés que le roc en
cache encore quelques-uns. La proximité de la nécropole d'époque
romaine, laquelle a dû certainement prendre la place de l'ancienne
nécropole indigène, indique tout naturellement que sur le plateau
y
il devait avoir plus de deux sépultures isolées. Le fait que les
deux tombeaux trouvés sur l'emplacement de nos fouilles étaient
des tombeaux phéniciens (il y a du moins de fortes probabilités),
et que nous avons trouvé seulement deux tombeaux, ne pourrait-il
pas induire à penser que le site fut réservé, à une certaine
époque, à l'ensevelissement de colons ou de voyageurs étrangers?
CÉRAJUQUE.
(1) Un alabastron à peu près semblable a été trouvé par M. Bonsor dans une
[
sépulture del'Acebuchat Colonies pré-romaines, fig. 95).
J'asc.
XL.
Pl.
D'OSUNA
FOUILLES
4e
XIII,
T.
ScqIlC<,
tdit.
.Mission..
LEROUX,
des
Arch.
E.
Nouv.
de barro mguntino iYé se sont montrés qu'en riômbré infhïite, ce
qui prouve (fdé la citadelle était en dehors de la zone habitée a
l'époque romaine.
Au contraire, beaucoup de débris pèuVéntêtreappelésibériques,
c'est-à-dire qu'ils étaient probablement de fabrique indigène, si l'on
admet la théorie que l'un d'entre nous à exposée dans un livre ré-
cent, et qui rapporte aux Ibêres les vases décorés de dessins géomé-
triques au pinceau qui ne peuvent se confondre ni avec les vases
grecs, ni avec les vases gréco-romains, ni avec les vases d'impor-
tation phénicienne et plus spécialement punique.
Il faut aussi attribuer à l'industrie locale ou, si l'on veut un
terme plus général,espagnole, quatre Vases complets que nousavons
retrouvés,vases petits, de formes basses et lourdes, de technique
sommaire, sansdécoratiôri peinte, peut-être aussi une petite lampe
à huile. Lés potiers étaient pourtant capables de fabriquer des
ustensiles plus gracieux: et plus artistiques, ou tout au moins lés
habitants d'Osuna pbuvaient avoir du goût pour des produits plus
fins, comme en témoignent deux petites urnes sans anses en argile
noire, très légères, à parois à peine plus épaisses que dés coquilles
d'oeufs, et de galbe assez élégant ( hauteur o m. 065;diamètre de
l'ouverturè om. 0O7; diamètre de la panse o m. 07). Par bon-
heur l'un de ces deux objets s'est conservé intact, et l'autre a très
peu souffert; il est fâcheux que la panse n'en soit ornée d'aucun
dessin, car l'on aurait pu alors préciser l'origine de ces intéressants
ustensiles (pl. XL, A).
la monnaie romaine,
Le baron d'Ailly, ses
n'avoir rencontré cinq pièces de la Répu-
t. XI, p. 217, dit que
nôtre ne figure
bliqueoffrant cette anomalie, et dans sa liste la
pas.
4° Un moyen bronze deJDomitien.
TABLE DES PLANCHES.
I.
II.
Terraindes fouilles.
d'Osuna.
Plan de la forteresse
En face de la page 376
38o
III. Panorama de la forteresse d'Osuna 382
A, B. Gradins en arrière de la forteresse
ibérique3ga
IV. 383
V. A, B. Pierres ornementales de style mycénien.
VI.
VII.
mycénien.
C. Angle de corniche
A, B. Pierres ornementales de style
A, A'. Protome de bélier.
394
ibérique.
C. Tête du taureau représenté pl. VIII, A.
4
D. Cheval, ex-voto ibérique.
votive.,
E. Bélier, ex-voto 396
VIII.
IX.
X.
B
B. Taureau debout, sculpture
00
A. Taureau couché, sculpture décorative.
guerrier.
Tête du taureau représenté pl. VIII,
A, B. Guerriers ibères, fragments de frise.
C. Fragment de statue de
398
4o4
XI. ihérique.
A, B. Fantassins, fragments de frise de style 404
XII. A. Deux Ibères, fragment de la même frise.
B. Fragment d'un groupe de style ibérique, femme et bouc.
XXIV. A. Boulets de pierre.
B. Tranchée en travers de la forteresse et tombeau phénicien, 44o
XXV.
B. Boulets de pierre avec marques.
A. Cailloux roulés servant de projectiles.
442
XXVI.
Pompée444
A. Balles de frondes en plomb.
B. Balles de frondes au nom de Cneius
marques446
diverses.
A, B. Balles de frondes avec inscriptions ou
plomb.
XXVII.
fer
XXVIII. Balles de frondes de formes 448
glaives.
A. Balles de frondes de formes diverses.
454
XXIX.
B. Grosses balles de 45o
XXX.
XXXI.
XXXII.
XXXIII.
lances.
A. Pointes de flèches en fer.
Tridents.
Épieux.
B. Débris de
Javelots de
Fers de
45,
456
456
XXXIV.
XXXV. Harpons
Pointes de piques 468
flèches.
458
46o
d'ivoire.
XXXVI.
XXXVII. Pointes de 472
XXXVIII. A, B, C. Sépulture phénicienne 480
XXXIX. A,B. Peigne 482
XL. A. Petits vases d'argile.
B. Petit torse en terre cuite.
C. Alabastre et collier de perlesphéniciens. 484
TABLE DES MATIÈRES.
AVANT-PROPOS.'-' Pages.
357
OSUNA.:
HISTOIRE ANCIENNE D'OSUNA. ARCHÉOLOGIQUES
— HISTOIRE DES DÉCOUVERTES
À 36o
ÉTATDESLIEUXAVANTLES FOUILLES.'-' 376
LES FOUILLES. LES CONSTRUCTIONS. 378
PIERRES
SCULPTURE.,
—
ARCHITECTURALES.-. ; 391
402
Epieux.
lances.
LES ARMES.
Boulets de pierre et balles de frondes 439
Harpons.
Glaives, poignards, javelots,
Tridents.;
&èches.
PIQUES 466
':,:"
Pointes de
Objets divers, clous, outils.
453
456
458
458
471
478
d'ivoire.
SÉPULTURES PHÉNICIENNES.
CERAMIQUE.
Peigne 479
484
NUMISMATIQUE.<.,. 486
TABLE DES MATIÈRES.
Pages
GRAVIER.
Rapport sur une mission scientifique à la côte française des Somalis, par
M. Ch.
PARIS.
POINSSOT.,
Les inscriptions de Thugga. par M. Louis
Une forteresse ibérique à Osuna (fouines de 1903), par MM. Arthur EN-
GEL et Pierre
103
357