jeudi 18 octobre 2018 — Quotidien n° 41232 —2,00 €

France Monde Livres&idées

La droite exige L’Arabie saoudite Guy Boley,
un débat serein aux prises avec l’afaire l’ermite du Jura
et apaisé sur la PMA P. 6 Jamal Khashoggi P. 9 Cahier central

éditorial

Inondations,
Guillaume Goubert

Faiblesse du

bâtir autrement syndicalisme

Le secrétaire général de
Force ouvrière a démissionné,
six mois seulement
Les tragiques inondations du début de semaine après son élection P. 18

T
riste journée pour le syn-
dans l’Aude obligent à repenser l’urbanisation dicalisme français. La dé-
mission, mercredi matin,
dans les zones à risque du secrétaire général de Force ou-
vrière, six mois seulement après
P. 2-3 son élection, est un signe de
grande fragilité d’une des prin-
cipales organisations représen-
tatives des salariés et, du coup,
les concerne toutes. Ce qui était
reproché à Pascal Pavageau – un
ichier recensant des opinions
peu amènes sur des dirigeants du
syndicat – n’est pas anodin. Mais
que l’afaire n’ait pas pu se régler
par des excuses est le signe d’une
profonde division au sein de FO.
Ainsi se répète un scénario déjà
observé il y a trois ans lors de la
135e année-ISSN/0242-6056. – Imprimé en France – Belgique : 2, 10 € ;
Canada : 6 $ ; Espagne : 2, 50 € ; Italie : 2, 80 € ; Luxembourg : 2, 10 € ;

démission de Thierry Lepaon

de la tête de la CGT.
Certains sont sûrement ten-
tés de se réjouir devant de telles
péripéties. Ceux pour qui le syn-
Maroc : 29 MAD ; Suisse : 3, 80 CHF ; DOM : 2, 70 €

dicalisme est un obstacle à la

bonne marche des afaires et du
pays. Ils se trompent. C’est plutôt
la faiblesse du syndicalisme qui
compromet un fonctionnement
harmonieux des entreprises. En
Annonces légales p. 22

France, le taux de syndicalisation

est très faible et le nombre des
syndicats est élevé. Et, comme
le révèlent les cas Pavageau ou
Lepaon, ils sont divisés en leur
propre sein. Ce qui favorise les
surenchères et les blocages.
De même qu’un bon fonction-
nement de la démocratie poli-
tique requiert une opposition
structurée, capable d’incarner
une alternance, le bon fonction-
nement des entreprises demande
un dialogue social organisé où
employeurs et salariés sont ca-
pables de confronter leurs points
de vue de manière constructive
et d’élaborer des compromis. Ce
n’est pas une utopie. Ainsi fonc-
tionne la démocratie sociale dans
le nord de l’Europe, non sans suc-
cès en termes d’emploi et de pro-
tection sociale. En France, nous
À Villegailhenc, dans l’Aude, après les inondations qui ont tué au moins 14 personnes cette semaine. Éric Cabanis/AFP en sommes, à ce jour, très loin.

2 ÉVÉNEMENT
Au moins 14 personnes
ont été tuées et
une est portée disparue
à la suite des graves
inondations du début
de semaine dans l’Aude.
Inondations,
l’urbanisation
en question
tLa multiplication
de phénomènes climatiques
violents oblige à repenser
les priorités d’aménagements
urbains et la formation
de la population.
tL’objectif
gouvernemental d’un gel
des surfaces bétonnées va,
plus radicalement,
poser la question de
notre modèle d’urbanisme.
Depuis lundi, ce sont des
images de désolation qui nous
parviennent de l’Aude inondée.
La douleur de ceux, d’abord,
qui ont perdu un proche. Et
puis celle de tous ces hommes,
femmes et enfants qui voient
en quelques heures leur passé
anéanti et leur avenir compro-
mis. Des images qui hantent
et touchent tout un chacun
car elles nous rappellent notre
vulnérabilité : un Français sur
quatre vit en zone inondable.
Une commune sur deux est plus
ou moins concernée. Et ce n’est
qu’une moyenne. Dans l’Aude,
ce sont 39 % des habitants qui
vivent en zone inondable.
Une situation d’autant plus
problématique que les événe-
ments climatiques violents s’ac-
célèrent dans tous les pays. En
mai-juin 2016, les inondations
avaient touché une quinzaine de
départements autour des bassins
de la Seine et de la Loire, entraî-
nant l’évacuation de 15 000 per-
sonnes. Olivier Pavy, qui avait
été élu deux ans plus tôt maire
de Salbris (Loir-et-Cher), se sou-
vient de sa première épreuve de
l’eau. Dans cette ville dont la
moitié du territoire est classée
en zone inondable, 1 800 des
Dans les zones
très exposées,
la forte urbanisation
contribue
à accroître
les risques.
Alors que
les chantiers
se multipliaient,
les infrastructures
souterraines
de gestion
des eaux pluviales
furent souvent
sous-dimensionnées.
6 000 habitants avaient été si-
nistrés. « On hérite de tout ce qui
a été fait durant les Trente Glo-
rieuses, quand la priorité était de
construire », rappelle le référent
pour le dossier urbanisme à l’As-
sociation des maires de France
(AMF).
À l’époque, on ne s’embar-
rassait pas. Pour bétonner dans
cette région où les étangs sont
nombreux, on asséchait les ter-
rains. Alors que les chantiers se
multipliaient, les infrastructures
souterraines de gestion des eaux
pluviales furent souvent sous-
dimensionnées. « Tout le circuit
hydraulique des étangs servait de
régulation. Maintenant, avec ces
phénomènes d’inondation, on voit
que la nature reprend sa place.
Les zones inondées correspondent
à celles où il y avait les étangs. »
Les municipalités ont souvent,
depuis des années, sous-investi
dans les travaux d’entretien des
canalisations. Avec la multipli-
cation des événements météo-
rologiques violents, le réveil est
brutal. « Aujourd’hui, il faut re-
prendre les ouvrages pour sécu-
riser ces zones, poursuit Olivier
La Croix -jeudi 18 octobre 2018
Deux communes
audoises assurent
qu’aujourd’hui l’ère
des constructions
à outrance n’a
plus cours.
Pavy. J’ai sorti 500  tonnes de
sable de nos canalisations. Mais
ce travail se fait dans un contexte
de désengagement de l’État. On ne
pourra pas y arriver seul, on a be-
soin de la solidarité nationale. »
Le chantier d’adaptation de
l’urbanisme aux nouvelles condi-
tions climatiques s’ouvre en efet
alors que la répartition des com-
pétences entre les diférents ac-
teurs publics est en pleine évolu-
tion. La loi sur le logement (Alur)
de 2014 puis celle sur l’eau (Ge-
mapi) de janvier 2018 ont ainsi
transféré une grande partie des
compétences aux intercommu-
nalités. Les associations d’élus
estiment que ces transferts ne
se sont pas accompagnés de
moyens supplémentaires. Beau-
coup dénoncent aussi les contra-
repères nel à chaque victime « d’acci-
dent, de sinistre ou de catas-
dictions entre les normes envi- trophe de grande ampleur »
ronnementales et la nécessaire Des aides d’urgence pour couvrir ses besoins
rénovation de l’urbanisme. essentiels les plus urgents.
Rien ne se fera sans les élus, Le nouveau ministre de l’inté-
mais un autre acteur est trop rieur Christophe Castaner Un « fonds exceptionnel »
souvent négligé : l’habitant lui- a annoncé des aides d’urgence sera mobilisé pour aider les
même. Pourquoi réside-t-on en faveur des sinistrés les plus communes à la reconstruction.
dans une zone inondable, alors touchés par les inondations
que la loi impose un devoir d’in- meurtrières dans l’Aude. La « procédure de catastrophe
formation à tout nouveau pro- naturelle accélérée », qui per-
priétaire ou locataire ? Sylvia Le « fonds de secours d’extrême met notamment aux victimes de
Becerra, chargée de recherche urgence » : dans le cadre de pouvoir être indemnisées rapi-
au CNRS (Géosciences envi- ce fonds, le gouvernement fera dement, va être enclenchée. La
ronnement Toulouse), est l’une en sorte que « chaque adulte et Fédération française de l’assu-
des spécialistes françaises de la chaque enfant soient aidés i- rance (FFA) a de son côté désigné
culture du risque. Bien entendu, nancièrement dans les heures « des représentants qui se tien-
explique la sociologue, les arbi- qui viennent : 300 € par adulte, nent à la disposition des préfets
trages sur le choix d’un logement 100 € par enfant ». Ces aides et des cellules locales de crise »
prennent en compte plusieurs sont versées à titre exception- et accompagneront les sinistrés.
critères, et en premier lieu ce-
lui du pouvoir d’achat. Les habi-
tants des zones concernées ont
un niveau de vie moindre que la existe un déni du risque d’inonda- de la relation à la nature. » Plu-
moyenne des ménages. tion. On a certes tous une bonne tôt que de parler de culture du
Mais cette explication ne clôt raison de ne pas s’y intéresser. risque, une terminologie qu’elle
pas la réflexion. «  Toutes les Mais au-delà, ce qui est en jeu, juge trop abstraite, l’universi-
études que j’ai faites montre qu’il c’est plus profondément une perte taire préfère plaider pour P P P

P P P une « culture de l’eau ». Qui
sait que, sous ses pieds, passait
jadis un cours d’eau ? Quels re-
pères, dans l’espace public, nous
permettraient de visualiser une
crue ? Pour Sylvia Becerra, « il
faut partager les informations
autrement. Par exemple, une
partie du public ne va pas sur In-
ternet. On pourrait imaginer ins-
taller des panneaux dans les rues,
des formes de signalisation. »
Comme on le fait sur certains
passages piétons, par exemple.
S’il est urgent de rénover l’ur-
banisme, de sensibiliser les po-
pulations, la lutte contre les
inondations passe plus radicale-
ment par l’arrêt du « bétonnage ».
Le rythme d’urbanisation a été
multiplié par deux en trente ans.
Tous les dix ans, c’est l’équiva-
lent d’un département comme
la Loire-Atlantique qui est pris à
la nature. « Nous sommes dans un
cycle infernal, estime le député
LREM Matthieu Orphelin. On a un
modèle de développement qui favo-
rise en même temps l’accélération
des événements météorologiques
ÉVÉNEMENT
Dans les rues de Trèbes, lundi 15 octobre.
« On a un modèle
de développement
qui favorise en même
temps l’accélération
des événements
météorologiques
violents et un
urbanisme de moins
en mois résilient.
Il faut en sortir. »
violents et un urbanisme de moins
en mois résilient. Il faut en sortir. »
Le plan sur la biodiversité
adopté en juillet a repris un en-
gagement de campagne d’Em-
manuel Macron. La France se
ixe désormais comme objectif
un gel de la surface bétonnée
sur le territoire. Mais comment,
concrètement, y parvenir ? « Il y
a un début de prise de conscience
mais il faut maintenant que dans
La Croix -jeudi 18 octobre 2018
Idriss Bigou-Gilles/Hans Lucas
chaque territoire les élus se met-
tent autour d’une table pour dire
concrètement comment on com-
pense », insiste Matthieu Orphe-
lin qui, avec d’autres députés,
suggère d’utiliser le levier iscal.
Plusieurs amendements au
projet de loi de finances pour
2019 doivent ainsi être discutés
aujourd’hui en séance. L’idée ?
Récompenser la préservation
des milieux d’un côté, sanc-
tionner l’étalement urbain de
l’autre par plusieurs dispositifs :
un « bonus-malus » sur les sur-
faces commerciales, une réforme
de l’impôt sur la fortune immo-
bilière favorisant les terrains ru-
raux non bâtis, etc. Ces amende-
ments sont toutefois loin d’être
consensuels. Ils ne devraient
pas être adoptés cette fois-ci,
mais pourraient resurgir lors
de prochains textes. « Actuelle-
ment, plus les élus locaux créent
de grandes surfaces en dehors des
centres-villes, plus ils empochent
de recettes iscales », déplore Mat-
thieu Orphelin.
Bernard Gorce
Pour ces maires,
l’ère du « bétonnage »
est terminée
tPour les élus
de Pennautier et Pezens,
non loin des villages les plus
touchés par les inondations,
les règles d’urbanisme
actuelles sont suisantes.
Pennautier et Pezens (Aude)
De notre envoyé spécial
Dans son bureau, au premier
étage de la mairie de Pennautier,
l’adjoint chargé de l’urbanisme de
cette commune mitoyenne de Car-
cassonne, Gérard Almerge, balaie
de la main deux grands plans ixés
au mur. Le premier est une vue
aérienne du village. L’autre est le
plan local d’urbanisme (PLU) de
ce village qui compte aujourd’hui
2 500 habitants.
Chaque rectangle correspond à
une maison. « Les hachures sym-
bolisent les zones inondables », ex-
plique-t-il. La question est sensible
dans ce village, voisin de quelques
kilomètres de plusieurs com-
munes qui ont été dévastées dans
la nuit du 14 au 15 octobre. D’au-
tant plus que, comme c’est souvent
le cas dans la première couronne
de Carcassonne, la ville s’étend ré-
gulièrement.
« Nous délivrons environ 25 per-
mis de construire par an », expose
Gérard Almerge, qui a sur sa table
trois ou quatre gros dossiers de de-
mandes de ce type. « Mais les règles
sont très strictes. » Ces dernières
années, aux abords du village,
plusieurs zones pavillonnaires
ont en effet poussé comme des
champignons. Des lotissements
construits par des promoteurs. « Il
y a plusieurs catégories de zones
inondables. Dans certaines, il est
possible de construire à condition
de surélever les bâtiments, dans
d’autres c’est totalement interdit. »
Lorsqu’on l’interroge sur les
conséquences potentielles de l’ex-
pansion sur la survenue d’inonda-
tions comme celles qui ont frappé
la région, il insiste sur l’existence
de nombreux bassins de rétention
d’eau, dont le nombre est déter-
miné par la loi en fonction des sur-
faces construites. Des enjeux aussi
complexes que techniques.
« Tout cela est déterminé par
l’État, qui détermine les zones
inondables ou non, qui dit si un
bassin de rétention est nécessaire
en s’appuyant sur les travaux de
bureaux d’études. À notre niveau,
nous n’avons ni les connaissances
techniques, ni les compétences ad-
ministratives pour agir. » Et pour
cause : une fois validé par la mai-
rie, chaque permis de construire
doit être avalisé par la préfecture,
qui évalue notamment son im-
3
25 km Tarn
Pennautier
Pezens
Carcassonne
Méditerranée
Ariège AUDE
Mer
Pyrénées-
Orientales
pact potentiel sur la circulation
de l’eau.
Lors des récentes inondations,
mis à part des dégâts légers dans
trois ou quatre maisons à la suite
du débordement de l’une de cuves
de rétention, le village a été tota-
lement épargné. « Ici, les règles me
paraissent bonnes », explique l’élu.
La mairie a néanmoins prévu de se
pencher sous peu sur les raisons
du débordement.
En tout, à Pennautier, cinq nou-
veaux quartiers ont été construits,
et en vingt ans, la population a
progressé de 10 %. Pourtant, l’élu
l’assure : « Une fois que ces zones se-
ront construites, on arrêtera. Nous
voulons garder des terres agricoles,
à la fois parce que c’est une de-
mande des exploitants et aussi pour
une raison écologique et de cadre
de vie. Si les gens viennent vivre ici,
c’est pour être à la campagne, et pas
dans des zones bétonnées. »
À quelques kilomètres de là, le
maire de Pezens, Philippe Fau, ne
cache pas une pointe d’agacement
lorsque l’on évoque de nouvelles
contraintes urbanistiques. Lundi
15 octobre, sur ordre de la préfec-
ture, ce dentiste de profession a fait
totalement évacuer les 1 500 ha-
bitants du village menacé par les
inondations, avant d’organiser leur
retour chez eux quelques heures
plus tard. « Faire l’amalgame entre
l’aménagement et les inondations
est un faux procès. Nous faisons tout
ce que nous pouvons. »
Le maire est justement en train
de boucler son nouveau PLU : « Le
mot d’ordre, c’est de préserver les
surfaces agricoles et de revitali-
ser les centres des bourgs. Ce sont
des contraintes édictées par l’État,
donc nous les respectons. »
Le maire airme aussi que dès
qu’il en aura l’occasion, il utilisera
du bitume absorbant pour rénover
ses routes. « Les techniques évo-
luent, et il faut se saisir de ces nou-
veaux moyens, convient-il. Mais
vous pourrez faire toutes les règles
d’urbanisation que vous voudrez,
lorsqu’il pleut 300 litres par m2 en
une heure, c’est la catastrophe. »
Loup Besmond de Senneville

4 Débats
Faut-il renforcer les contrôles
des arrêts maladie ?
Jacques Battistoni
Président du syndicat de généralistes MG-France
(Source photo : Jacques Battistoni)
Mettre la pression
sur les médecins
serait insupportable
N T
ous sommes totalement
opposés à cette proposi-
tion du Medef pour que
l’assurance-maladie renforce ses
contrôles sur les médecins, jugés
gros prescripteurs d’arrêts de tra-
vail. Cela serait contre-productif et
vécu comme une provocation sup-
plémentaire par les généralistes,
qui sont bien évidemment les
premiers visés dans cette afaire.
Déjà, il faut savoir que ces
contrôles existent. Régulièrement,
l’assurance-maladie vient rappe-
ler à l’ordre des médecins qui, se-
lon elle, prescrivent un nombre
trop important d’arrêts maladie.
Or, bien souvent, il suit d’avoir
quelques personnes en arrêt de
longue durée dans sa patientèle
pour être catalogué comme
gros prescripteur.
En réalité, tout dépend de l’en-
droit où exerce le généraliste et de
la composition de sa patientèle. Si
le cabinet d’un médecin se trouve
à proximité d’une ou plusieurs
entreprises où les conditions de
travail sont très diiciles, il y a de
fortes chances qu’il va voir arriver
chez lui des gens en soufrance,
qui n’en peuvent plus. Car elle est
là la réalité : le cliché du patient qui
vient quémander son arrêt maladie
pour des raisons de confort, cela
reste très rare dans la vraie vie. Ce
qu’on voit au quotidien, ce sont des
gens dans une authentique souf-
france et qui ne demandent rien.
C’est nous bien souvent qui déci-
dons de les arrêter car nous esti-
mons qu’ils sont en danger, physi-
quement ou psychologiquement.
Ceux qui parlent de renforcer les
contrôles doivent être conscients
qu’aujourd’hui les cabinets des
généralistes sont devenus les pre-
miers lieux où s’exprime la souf-
france au travail. C’est dans cet
espace de conidentialité que se
question du jour
libère une parole qui, bien souvent,
ne s’exprime dans aucun autre en-
droit. Et ce n’est pas par légèreté
ou facilité qu’un médecin prescrit
des arrêts maladie.
Le cliché du patient
qui vient quémander proposant
son arrêt maladie
pour des raisons
de confort,
cela reste très rare.
Aujourd’hui, ce sont bien sûr
les arrêts de longue durée qui sont
dans le collimateur car ce sont eux
qui coûtent cher. Il est donc im-
portant d’expliquer que ces arrêts
longs ont trois causes principales.
Un tiers d’entre eux sont liés à
une soufrance psychologique qui,
parfois, c’est vrai, n’est que partielle-
ment liée au travail. Une dépression courts et itératifs ».
profonde peut avoir des origines
diverses. Mais il y a des patients
qu’on est obligé d’arrêter car ils ne
sont plus en état de travailler. Un
deuxième tiers de ces arrêts de lon-
gue durée concerne des patients
avec des pathologies « physiques »
liées au travail : des lombalgies, des
troubles musculo-squelettiques
(TMS)… Enin, le dernier tiers de ces
arrêts sont liés à des maladies chro-
niques qui ont évolué, comme un
cancer par exemple. Renforcer les
contrôles et mettre la pression sur
les médecins serait insupportable.
Bien souvent, c’est à cause de ces
contrôles de l’assurance-maladie
que certains médecins généralistes
décident de cesser leur activité.
Ils en ont marre qu’on les empêche
de faire leur métier comme leur
éthique les conduit à le faire.
Recueilli par Pierre Bienvault
La Croix -jeudi 18 octobre 2018
Agnès Verdier-Molinié
Directrice de la Fondation iFRAP (1)
(Source photo : Agnès Verdier-Molinié)
Le président
du Medef, L’urgence est
Geofroy Roux
de Bézieux, d’aligner les règles
a appelé
mercredi 17 octobre, pour tous
dans un entretien
au « Figaro »,
out le monde est d’accord
à un « efort pour reconnaître qu’il y a
collectif » pour un problème sur le nombre
d’arrêts maladie des salariés en
maîtriser le coût France, et qu’il y a vraisemblable-
des indemnisations ment des abus. Les chifres parlent
des arrêts maladie, d’eux-mêmes. Il y a en moyenne
17,2 jours d’absence pour maladie
en France, contre 15 jours en Alle-
magne, 14 en Belgique, 10 en Es-
notamment pagne et 5 en Grande-Bretagne.
de renforcer Le gouvernement met la pres-
sion sur les entreprises pour faire
les contrôles de baisser le coût de l’absentéisme
l’assurance-maladie. dans le privé, qui est de 10 mil-
liards d’euros par an. Mais il est
Il a ainsi prôné assez étonnant de voir que l’État
une « action ciblée propose des pistes à suivre, voire
impose ses solutions aux entre-
sur les médecins prises sur la manière de réduire
gros prescripteurs les arrêts maladie dans le secteur
privé, alors que les employeurs
et les salariés publics sont très loin d’être des
concernés modèles en la matière.
par les arrêts
Avant d’imposer ses
solutions au privé,
le secteur public
devrait balayer
devant sa porte.
Les chifres réels d’absentéisme
dans nos administrations sont très
diiciles à obtenir car les bilans
sociaux sont rarement publiés. Et
quand on les obtient, ils sont édi-
iants. Dans les collectivités locales
et les hôpitaux, on atteint des ni-
veaux records, avec jusqu’à 35 jours
d’absence en moyenne par agent
et par an dans certaines régions et
jusqu’à 30 jours dans les CHU. Les
administrations centrales ne sont
pas en reste avec plus de 30 jours
d’absence au ministère du travail…
Mais la palme revient aux caisses
primaires d’assurance maladie
(CPAM), où le laxisme est généra-
lisé. Nous avons travaillé sur les bi-
lans sociaux de 55 d’entre elles, soit
à peu près la moitié. La moyenne
est 37 jours d’arrêt par an et par
agent mais cela peut aller au-delà
de 60 jours pour certaines caisses.
Rappelons que les CPAM sont cen-
sées guider et inciter le secteur
privé à réduire les arrêts maladie.
Comment voulez-vous qu’elles
fassent correctement leur travail et
contrôlent suisamment si leurs
agents sont plus souvent absents
qu’ailleurs ?
Cette situation est un peu gro-
tesque : avant d’imposer ses so-
lutions au privé, le secteur public
devrait balayer devant sa porte.
Selon l’estimation de la Fonda-
tion iFRAP, le coût total serait d’au
moins 10 milliards d’euros par an
pour 5,5 millions d’agents. Alors
que, aujourd’hui, les règles d’in-
demnisation des absences sont
totalement disparates, non seu-
lement entre le public et le privé,
mais également à l’intérieur du
secteur privé – puisque toutes les
conventions collectives ne cou-
vrent pas de la même manière les
jours de carence –, l’urgence est
d’aligner les règles pour tous.
La solution la plus crédible serait
d’étendre à tous la convention col-
lective des banques qui indemnise
jusqu’à six jours de carence par
an maximum. On ferait beaucoup
d’économies en faisant baisser l’ab-
sentéisme dans le privé mais aussi
dans le public et on indemniserait
mieux les indépendants qui ont
aujourd’hui huit jours de carence,
on l’oublie trop souvent.
Recueilli par
Jean-Claude Bourbon
(1) Auteure de En marche vers
l’immobilisme, Albin Michel, 275 p., 20 €.

Porte-conteneurs
(suite)
t Votre éditorial du
7 septembre « Du gigantisme »
m’a interpellé. Il me semble
que loin de s’en chagriner il faut
se réjouir de l’inauguration de ce
porte-conteneurs géant au Havre
qui est avec Marseille l’un des
rares ports européens suscep-
tibles de l’accueillir.
Pour Le Havre en rude concur-
rence avec Anvers et Rotterdam,
c’est le résultat de vingt ans de
travaux portuaires et de transfor-
mations diiciles, mais réussies,
de l’exploitation portuaire.
Le nouvel avant-port, « Port
2000 » qui accueille les grands
porte-conteneurs a été réalisé
dans un site aussi écologique-
ment sensible, si ce n’est plus,
qu’à Notre-Dame-des-Landes.
Et si tout s’est bien passé c’est
que les contraintes écologiques
ont été prises en compte.
Le transport maritime est, dites-
vous, une source majeure de la
pollution maritime. Il est de fait
que le transport pétrolier a causé
de graves et longues pollutions
sur les côtes françaises, mais
sans conséquences à long terme.
Il est vrai aussi qu’il y a encore
des navires qui ne sont pas aux
normes… Mais ce n’est pas parce
que le navire est plus grand
qu’il est plus polluant.
Il me semble que la pollution ma-
ritime vient surtout du plastique
et des égouts des pays peu déve-
vu par PrincessH
Vos réactions par courrier : 18 rue Barbès, 92128 Montrouge Cedex. Par courriel : lecteurs.lacroix@bayard-presse.com. Sur le site : www.la-croix.com
loppés : les côtes françaises de la
Méditerranée sont plus propres
qu’il y a trente ans, et les herbiers
se régénèrent malgré l’augmenta-
tion du traic maritime parce
que les rejets des égouts sont
mieux épurés et les plaisanciers
contrôlés.
Vous regrettez la mondialisation,
qui a certes beaucoup de défauts
à corriger et notamment la toute
puissance de la inance. Elle est
cependant nécessaire car, à notre
époque, aucun pays ne peut vivre
en autarcie. Certains pays en
soufrent, mais d’autres savent en
proiter. C’est le cas par exemple
des Philippines, qui fournis-
sent au monde entier des marins
qu’ils forment dans leurs écoles,
oiciers et hommes d’équipage
de toutes spécialités. En outre
l’interdépendance des économies
n’est-elle pas un frein supplé-
mentaire aux risques de guerre
mondiale ? Faut-il rappeler que le
Marché commun a été la base de
l’Union européenne et que pour
la première fois dans l’histoire
la guerre avec nos voisins est
devenue impensable ?
Vous n’aimez pas les conteneurs.
Ceux-ci ne sont-ils pas pourtant
un facteur de réduction des gaz
à efet de serre qui sont pour la
planète un danger mortel ? En ef-
fet, pouvant être utilisés par tous
les modes de transport de surface
(routier, ferroviaire, maritime
et luvial) et pouvant facilement
être transférés de l’un à l’autre
ils contribuent à la réduction du
transport routier, grand dépen-
sier d’énergie pétrolière et grand
La Croix -jeudi 18 octobre 2018
Débats
D
courrier
pollueur périurbain. (…)
Le transport conteneurisé in-
termodal utilisant au mieux les
liaisons ferrées et luviales pour-
rait être un projet écologique
fort pour l’Europe.
Philippe Mandrin
(Morbihan)
Célibat des prêtres
t Protestant et lecteur
occasionnel de votre journal,
je souhaiterais donner mon
point de vue sur les drames cau-
sés par des prêtres pédophiles.
Même s’ils ne sont qu’une petite
minorité, cela vaudrait la peine de
NOUVELLE APPLI
Complète, rapide, intuitive
billet
Alain Rémond
Le tableau
onald Trump déteste
se voir en peinture. C’est
du moins ce qu’il a avoué
à un peintre peu connu (et dont
il n’est pas sûr qu’il gagnerait à
l’être davantage) : Andy Thomas.
Il se trouve que Donald Trump
fait une exception pour Andy
Thomas : il adore se voir en pein-
ture sur un tableau peint par
Andy Thomas, à tel point qu’il l’a
accroché dans son bureau, à la
Maison-Blanche, comme ont pu
le voir tous les téléspectateurs
de l’émission « 60 minutes »,
le 14 octobre dernier, sur CBS.
Il faut dire que Donald Trump y
pose en majesté, assis au milieu
d’une brochette de présidents
républicains comme Abraham
Lincoln, Teddy Roosevelt, Dwight
Eisenhower, Ronald Reagan ou
les Bush père et ils. C’est un
se poser la question : qu’est-ce qui,
en notre siècle, attire des jeunes
gens vers le ministère, sachant
que celui-ci pose un obstacle de
principe au mariage ? Je ne vais
pas plus loin sur ce chemin mais,
pour être pratique, ou pastoral,
je pense que l’église romaine
se trouverait bien de dire : il est
deux voies, également honorables,
pour servir le Seigneur et l’église.
L’une serait ouverte aux prêtres
mariés, comme chez les maronites
du Liban, et comme chez les
orthodoxes, et les anglicans,
avec les avantages et les inconvé-
nients de ce statut.
L’autre est celle du célibat, qui lui
aussi comporte des avantages et
à télécharger dès maintenant !
5
tableau plutôt kitsch, genre
image d’épinal, qui montre tous
ces grands hommes franchement
hilares, réunis autour d’une table
et de bons verres de vin. Assis
au premier plan, avec sa chemise
blanche et sa cravate rouge,
Donald Trump éclabousse le ta-
bleau de son magnétisme naturel.
C’est bien simple : on ne voit que
lui. On comprend qu’il adore ce
tableau. On comprend qu’il adore
se voir entouré de tous ces grands
présidents qui ont fait l’histoire,
jusqu’à accrocher ce tableau dans
son bureau. Des esprits mesquins
pourraient y voir une forme ai-
guë de narcissisme pathologique,
limite inquiétant. Il se trouve que
nous fêtons aujourd’hui saint
Luc, qui est à la fois le saint
patron des peintres et des méde-
cins. Votre diagnostic, docteur ?
des inconvénients. Il me semble-
rait raisonnable que le vœu de
célibat soit pour un temps
(cinq ans, dix ans ?), éventuelle-
ment renouvelable. Bien
des ordres monastiques ont des
vœux pour une durée limitée.
Je sais bien qu’on m’objectera
la beauté du sacriice, la force
du vœu, l’éclat de la consécration,
le prestige de la virginité (qui n’est
pas formellement exigée par le
vœu de célibat). Mais combien de
prêtres ont ressenti, et ressentent,
outre l’aiguillon de la chair, le
poids de la solitude !
Daniel Lanz
(Rhône)
À suivre
la nouvelle appli
LA CROIX,
 La Croix -jeudi 18 octobre 2018

6 FRANCE

La droite exige un débat serein

et apaisé sur la PMA
tAttachés à
BIO une utilisation
ETHI médicale
QUE de la PMA,
Les Républicains
ne veulent pas rejouer
le match du « mariage
pour tous ».
tIls craignent d’être
enfermés dans des
accusations d’homophobie.
Les premières lois de bioéthique
ont été adoptées en 1994, sous une
majorité de droite. Celle-ci fixe
alors sa philosophie en posant des
limites : une « utilisation exclusi-
vement médicale » des techniques
de fécondation in vitro. Jean-Fran-
çois Mattei, rapporteur de la loi à
l’Assemblée nationale et médecin
de profession, avait en efet exposé
qu’une autre utilisation constitue-
rait « un dévoiement de la médecine
car la médecine est là pour soigner ».
C’est pourquoi la loi n’autorise ces
techniques que pour les cas d’in-
fertilité pathologique du couple
en âge de procréer, pas pour les
cas d’infertilité naturelle. « Il ne
s’agit jamais de les autoriser pour
des femmes célibataires, pour des
couples de femmes homosexuelles
ou pour des femmes ménopausées »,
avait détaillé Jean-François Mattei.
Depuis 2012 et l’ouverture du Le député LR Xavier Breton (au micro) préside la mission d’information sur la révision de la loi relative à la bioéthique de l’Assemblée.
mariage civil aux couples de per- À son avis, « le temps du débat montrera que la vraie question n’est pas l’égalité mais la iliation et la famille ». Hamilton/Rea
sonnes de même sexe, le débat s’est
toutefois déplacé sur un autre ter- la « PMA pour toutes » s’en trouve qui méprisent le droit de l’enfant à
rain. La question n’est plus celle de compliquée. Cinq abstentions : avoir un père et une mère », insiste
la inalité d’une technique (remé- « En 2012, la moitié des députés
repères Nicole Ameline (retirée Damien Abad.
dier médicalement à l’infertilité pa- LR (ex-UMP) était ouverte au ma- de la vie politique) ; Nathalie « Personne n’a envie de rejouer
thologique d’un couple) mais celle riage des personnes de même sexe. Retour sur Kosciusko-Morizet (retirée le match du “mariage pour tous”,
de l’accès à cette technique. Donc En 2013, éclairée par la discussion le « mariage pour tous » de la vie politique après sa dé- énormément clivant et qui n’a rien
de l’égalité. parlementaire d’un côté, pressée faite aux élections législatives) ; empêché, renchérit Annie Gene-
par le plus grand mouvement social Rappel du vote Pierre Lellouche (retiré de la vard, députée et secrétaire géné-
« Le groupe de droite depuis la défense de l’école des députés LR (ex-UMP) vie politique) ; Bruno Le Maire rale de LR. Attendons de voir le
libre de l’autre, la quasi-totalité du en 2013 sur le projet (ministre) ; Édouard Philippe texte et réléchissons à la façon de
est assez homogène groupe a inalement voté contre. Ce de loi ouvrant le mariage (premier ministre). nous faire entendre sur les prin-
pour défendre sera la même chose avec la PMA : aux couples de personnes cipes – non-marchandisation du
le temps du débat montrera que la de même sexe : Deux pour : Benoist Apparu corps humain, intérêt de l’enfant –
le statu quo vraie question n’est pas l’égalité mais (maire de Châlons-en- et de nous faire comprendre sur les
et s’opposer à la iliation et la famille », assure Xa- Cent quatre-vingt-huit contre, Champagne, retiré nombreux problèmes soulevés : l’ab-
vier Breton, président de la mission dont Gérald Darmanin de la vie politique nationale) ; sence de père, le risque d’un passage
la PMA sans père. » d’information sur la révision de la (ministre). Franck Riester (ministre). de la PMA à la GPA ou celui d’une
loi relative à la bioéthique. pénurie de gamètes. »
Comme lui, plusieurs LR im- Un avertissement qui vaut sur-
Juridiquement, l’argument a pliqués sous la précédente légis- tout pour la majorité : « Si le prési-
certes été écarté par le Conseil lature au sein de l’Entente parle- ser à la PMA sans père », conirme dans la même situation. » Au-delà dent de la République décide d’ins-
d’État, le 15  septembre 2018 : mentaire pour la famille siègent Damien Abad, député et vice-pré- des diférences d’approche ou de crire la PMA dans la révision des
l’actuelle législation n’est « pas toujours au sein du groupe, où ils sident du parti. Tout en réservant sensibilité, tous insistent sur deux lois de bioéthique, il est de sa res-
contraire au principe d’égalité » forment un noyau combatif et rodé sa position personnelle : « Je déter- points. ponsabilité d’organiser les discus-
puisque « les couples formés d’un aux échanges dans l’hémicycle sur minerai mon choix à l’issue d’un Tout d’abord, la liberté de vote sions dans les conditions normales
homme et d’une femme sont, au les sujets sociétaux. À l’inverse, il débat qui devra aborder toutes les sur cette thématique. Ensuite, la d’acceptation des convictions d’au-
regard de la procréation, dans ne s’y trouve plus aucun des sept questions de fond, y compris d’éga- forme des échanges, qu’ils espè- trui, poursuit-elle. Disqualiier une
une situation différente de celle membres qui n’avaient pas voté lité puisque l’extension de la PMA rent sereins et apaisés. « Ce débat opinion en permettant qu’elle soit
des couples de personnes de même contre le « mariage pour tous ». accorderait aux femmes homo- mérite mieux que des anathèmes qualiiée d’homophobe pervertirait
sexe  ». Politiquement, en re- « Le groupe est assez homogène sexuelles ou célibataires ce qu’elle et des caricatures : il n’y a pas d’un le débat démocratique. »
vanche, la tâche des opposants à pour défendre le statu quo et s’oppo- ne peut pas accorder aux hommes côté les ringards et de l’autre ceux Laurent de Boissieu

explication
Des perquisitions chez La France insoumise
violemment contestées
tLe parquet de Paris
a ouvert une enquête
mercredi 17 octobre pour
« menaces » contre l’autorité
judiciaire et « violences »
contre des policiers, lors des
perquisitions chez LFI la veille.
Que s’est-il passé mardi ?
Au matin, une dizaine de perqui-
sitions ont été menées simultané-
ment dans des locaux et chez des
responsables de La France insou-
mise, dont Jean-Luc Mélenchon.
Ces opérations sont menées dans
le cadre de deux enquêtes préli-
minaires, ouvertes par le parquet
de Paris : la première concerne des
présumés emplois fictifs d’assis-
tants parlementaires européens ;
la seconde porte sur les comptes
de campagne présidentielle.
Filmées en direct par les intéres-
sés et des médias, ces perquisitions
ont été violemment contestées, y
compris physiquement. Jean-Luc
Le littoral varois touché par une pollution
aux hydrocarbures
tDe premières galettes
se sont échouées mardi
16 octobre sur les plages
de Saint-Tropez, Pampelonne
et Sainte-Maxime.
tLe préfet du Var a
déclenché le plan Polmar
Terre, qui organisera les
opérations de dépollution.
Ramatuelle (Var)
De notre correspondante
Plantée dans le sable, une barrière
ferme l’accès à la plage de Pampe-
lonne. Un écriteau prévient : « Plage
polluée, accès interdit ». Située sur
la commune de Ramatuelle, cette
longue langue de sable est l’une des
plus mythiques du Var. C’est aussi
l’une des premières – avec celles de
Saint-Tropez et de Sainte-Maxime –
à avoir signalé, mercredi 17 octobre
dans la matinée, la pollution aux
hydrocarbures qui touche le littoral
varois. « Un site emblématique a été
touché », se désole Roland Bruno,
maire socialiste de la commune.
Sur la plage secouée par un fort
vent d’est et battue par les vagues
puissantes que draine le courant li-
gure, la présence de pétrole est ma-
nifeste. Des boulettes noires, molles
et luisantes, sont éparpillées sur le
Mélenchon, notamment, a bous-
culé le procureur et tenté, avec un
petit groupe d’élus et de cadres,
d’enfoncer une porte de local tenue
par un policier.
Quelles ont été les réactions
politiques ?
Dans l’après-midi, LFI a dénoncé
une « mise en scène », une « agres-
sion politique inédite », « une vo-
lonté d’intimidation » : « Est-ce
encore de l’État de droit ? », s’est in-
surgé Jean-Luc Mélenchon lors des
questions au gouvernement. Tout
en comprenant « l’émotion et la co-
lère » de ce dernier, Édouard Phi-
lippe lui a répondu que la « justice
était évidemment indépendante ».
L’attitude des cadres de LFI a
choqué, notamment parmi les po-
liciers et les magistrats. Mercredi
matin, le parquet de Paris a ouvert
une enquête pour « menaces ou
actes d’intimidation contre l’au-
torité judiciaire » et « violences sur
personnes dépositaires de l’auto-
rité publique ».
sable. Elles côtoient de plus grosses
plaques dans lesquelles se sont
agrégés bouts de bois et algues. « Il
n’y a aucun doute : il s’agit d’une pol-
lution aux hydrocarbures lourds »,
résume Christian Banet.
Appareil photo en main, l’huis-
sier mandaté par la ville de Rama-
tuelle, accompagné de deux agents
du Conservatoire du littoral, sillon-
nent les 16 kilomètres de côtes de la
commune pour constater l’étendue
de la pollution et les dégâts occa-
sionnés. « Des petits cours d’eau cô-
tiers qui viennent se jeter dans la mer
sont aussi impactés », note-t-il.
Mercredi 17 octobre après-midi, le
préfet du Var, Jean-Luc Videlaine,
a activé le plan Polmar Terre qui
va organiser les opérations de net-
toyage. La préfecture a également
mis en place une cellule de crise
qui va déterminer la stratégie de
dépollution, constituer les équipes
et acheminer le matériel nécessaire.
Le processus de dépollution dé-
marre jeudi 18 octobre à Rama-
tuelle, avec quatre équipes de dix
personnes encadrées par des pom-
piers qui vont efectuer le ramas-
sage à la main. « Nous devons agir
vite pour éviter que la houle formée
ne recouvre de sable ce qui a déjà
été amené », insiste Roland Bruno.
La Croix -jeudi 18 octobre 2018
FRANCE
Ces perquisitions
étaient-elles justiiées ?
Selon le parquet, ces perquisi-
tions étaient « nécessaires (...) pour
la manifestation de la vérité ». Selon
LFI, de telles perquisitions n’ont ja-
mais eu lieu dans un parti politique
lors de la phase d’enquête prélimi-
naire, c’est-à-dire en dehors du
contrôle d’un juge d’instruction,
magistrat indépendant et garant
des libertés. De fait, les dernières
perquisitions au siège du FN ou du
MoDem avaient été menées lors de
la phase d’instruction.
« La loi interdit, depuis 2013, les
instructions du garde des sceaux
dans les dossiers individuels, mais
le statut du procureur, dont la no-
mination dépend du pouvoir, ali-
mente les soupçons sur une possible
instrumentalisation de la justice »,
déplore Jacky Coulon, de l’Union
syndicale des magistrats (USM).
Les perquisitions sans l’assen-
timent de la personne en phase
préliminaire ne sont autorisées
Plus loin sur la côte, le fioul a
également touché le cap Taillat.
Propriété du Conservatoire du lit-
toral, ce site protégé est classé zone
Natura 2000 ; il fait aussi partie du
sanctuaire Pelagos pour la protec-
tion des mammifères marins. « Les
rochers sont souillés dans des criques
et des zones diicilement accessibles
qui seront compliquées à dépolluer »,
déplore Raymond Viala, garde du
littoral au sein du Conservatoire
d’espaces naturels de Provence-
Alpes-Côte d’Azur.
La pollution, qui s’étend sur une
trentaine de kilomètres côtiers,
trouve sans doute son origine dans
la collision entre un navire roulier
et un porte-conteneurs au large
du cap Corse, le 7 octobre. Le mi-
que depuis 2005. Elles nécessitent
l’autorisation d’un juge des liber-
tés et de la détention (JLD), qui
est, lui, indépendant. « En théorie,
ce magistrat est encore plus protec-
teur pour la personne, puisqu’il ne
s’agit pas de “son” enquête, relève
Didier Rebut, professeur de droit
pénal à l’université Paris 2. Le pro-
blème, c’est que certains JLD regar-
dent rapidement les dossiers, subis-
sant la pression des parquets pour
décider vite. »
Le JLD doit cependant justi-
fier de la nécessité et de la pro-
portionnalité de la perquisition
au regard de l’atteinte au droit de
la propriété privée et au principe
d’inviolabilité du domicile. « Des
exigences d’autant plus fortes qu’il
s’agit d’un parti politique et qu’il y
a là un enjeu de protection de la dé-
mocratie », poursuit Didier Rebut,
qui se dit « circonspect » sur ce « dé-
ploiement de forces » concernant
des « faits anciens », donc sans ca-
ractère d’urgence.
Flore Thomasset
nistère de la transition écologique
estime qu’il s’agit là de « résidus
d’hydrocarbures (moins de 2 % de
la quantité globale issue de la colli-
sion) qui n’ont pas pu être pompés
car trop dispersés », à la suite de
l’accident.
Sur les plages polluées, des
échantillons ont été prélevés. « C’est
l’analyse de leur signature chimique
qui établira les faits », précisent les
services préfectoraux varois.
Les communes à l’ouest du golfe
de Saint-Tropez attendent avec ap-
préhension les évolutions météoro-
logiques. Déjà, La Croix-Valmer a
fait part de présence de carburant
sur son littoral. La crainte de voir se
propager d’autres nappes polluées
sur la côte, et notamment sur la
zone protégée du parc national de
Port-Cros, est réelle. La préfecture
n’exclut d’ailleurs pas « que d’autres
substances puissent encore arriver ».
La préfecture rappelle aux rive-
rains et usagers des plages qu’il ne
faut ni toucher ni ramasser ces dé-
pôts pollués. Sur la plage de Pampe-
lonne, l’exploitant d’un restaurant
a bravé l’interdiction. À la limite de
son établissement, une dizaine de
sacs-poubelle ont été remplis d’al-
gues mélangées aux hydrocarbures.
Coralie Bonnefoy
7
essentiel
Assemblée nationale T
Création d’un nouveau
groupe parlementaire
Un nouveau groupe, Libertés et
Territoires, a été créé à l’Assem-
blée nationale. Hétérogène, il
a été formé autour des députés
du Mouvement radical (issu
de la réuniication des partis ra-
dicaux de gauche et de droite),
de dissidents de l’UDI proches
d’Hervé Morin et de quatre ré-
gionalistes (trois de Corse et un
de Bretagne). Patrick Mignola
a par ailleurs été élu président
du groupe MoDem en rem-
placement de Marc Fesneau,
nommé au gouvernement.
Enquête
Drame des Lilas,
le décès de
l’adolescent n’est
pas lié à la rixe
Le décès d’un adolescent de
13 ans, dimanche au lendemain
d’une rixe aux Lilas (Seine-
Saint-Denis), est consécutif à
un « œdème pulmonaire massif
ayant provoqué un arrêt car-
diaque » et non directement
à des violences, selon les pre-
mières conclusions de l’autop-
sie, a annoncé hier le parquet de
Bobigny. Victime d’un premier
malaise, il a été pris en charge à
bord d’un scooter d’où un se-
cond malaise l’aurait fait chu-
ter. Il aurait alors été victime
de violences aggravées. Cinq
mineurs âgés de 14 à 17 ans de-
vaient être présentés hier à un
juge pour « violences volontaires
ayant entraîné la mort sans
intention de la donner ».
Justice T Un recours de
maires opposés au mariage
gay jugé irrecevable
La Cour européenne des droits
de l’homme (CEDH) a jugé
irrecevable une requête intro-
duite en 2015 par 146 maires
et adjoints au maire qui dénon-
çaient l’atteinte à leur « liberté
de conscience » que consti-
tuait l’obligation de marier
des couples homosexuels. Un
juge unique de la CEDH a jugé
le 4 octobre ce recours irrece-
vable, les requérants exerçant
leurs fonctions au nom de l’État
français et n’agissant donc
pas en tant que particuliers.
X sur la-croix.com
t Les solutions
de la Cour des comptes
pour relancer
l’éducation prioritaire
t Une proposition
du PS sur le revenu de base
 La Croix -jeudi 18 octobre 2018

8 MONDE

La Corée du Nord dévoile

ses carences sanitaires
Russie

CORÉE
Chine DU NORD
Mer
Pyongyang du Japon

Mer Corée
Jaune du Sud
200 km
Japon

tPyongyang a autorisé
la réalisation
d’un documentaire
sur la grave épidémie
de tuberculose qui menace
actuellement le pays.
tLa Corée du Nord
reconnaît ainsi qu’elle
a besoin d’une aide
humanitaire d’urgence et
espère un assouplissement
des sanctions de l’ONU.
L’homme peut à peine marcher
et semble au bord de l’asphyxie.
Près de lui, un autre homme, as-
sis par terre, est à bout de forces.
Sa fille, tuberculeuse, l’a porté
sur ses épaules pour l’amener
ici. En pleine campagne nord-
coréenne, à des heures de route
de la capitale, l’équipe de méde-
cins et bénévoles de la Fondation
Eugene-Bell (1) a installé tout son
matériel dans un des 13 centres
de traitement de la tubercu-
lose multirésistante (TB-MR),
une maladie qui fait des ravages
parmi la population…
Pour la première fois, ce s
images exclusives, recueillies en
Corée du Nord, sont dévoilées
dans un documentaire intitulé À
bout de souffle, signé Hein Sara
Seok, une réalisatrice coréano-
américaine dont les grands-pa-
rents avaient fui la Corée du Nord
pour le Sud juste après la sépara-
tion du pays en 1948.
Ces images n’ont pas été prises
en caméra cachée, mais tout à fait
officiellement. Que la Corée du
Nord ait autorisé la documenta-
riste à ilmer cette tragique réalité
révèle un changement de straté-
gie, ainsi que la volonté manifeste
du régime de communiquer au
monde extérieur une situation hu-
manitaire diicile, aggravée par les
sanctions de l’ONU depuis 2016.
«   I l e s t cl a i r q u e l a C o r é e
du Nord est plus que jamais
consciente de l’impérative né-
cessité de rendre publique cette
réalité catastrophique pour des
centaines de milliers de Nord-Co-
Stephen Linton, créateur de la Fondation Eugene-Bell, à la rencontre de Nord-Coréens atteints de tuberculose. Image issue
du documentaire À bout de soule, de la réalisatrice coréano-américaine Hein Sara Seok. Courtesy Hein Sara Seok/Journeyman Pictures
réens », explique le père Chris- du traitement de la tuberculose sanctions unilatérales ou de l’ONU
tophe Bérard, des Missions étran- en Corée du Nord. » La Fondation contre la Corée du Nord excluent
gères de Paris (MEP), bénévole au « Nous ne connaissons pas les pourtant l’aide humanitaire.
sein de la Fondation qui se rend raisons exactes de cette décision, Eugene-Bell Cette offensive médiatique
avec d’autres prêtres, mexicains poursuit le père Christophe Bé- « ne touche que 20 % s’inscrit dans un plan plus glo-
et américains, tous les six mois en rard. Mais d’ici à février 2019, près bal de communication, destiné
Corée du Nord depuis 2012. de 100 000 personnes seront obli- du total des malades à convaincre de nombreux pays
De passage à Paris pour projeter gées d’interrompre leur traitement (7 500) atteints à assouplir les sanctions écono-
son documentaire dans certaines contre la tuberculose classique, qui miques contre la Corée du Nord.
associations humanitaires, Hein coûte 50 €. » Le nombre de ma- de tuberculose, Le taux de guérison de la Fonda-
Sara Seok raconte : « Au début de lades va exploser, les cas de mul- les autres lui tion est de 80 % : bien au-delà des
l’année, en plein tournage, nous tirésistance aussi, et la mortalité 45 % enregistrés ailleurs dans le
apprenons que le Fonds mondial montera en lèche. sont inaccessibles monde. « Mais si l’épidémie touche
de lutte contre le sida, la tubercu- La Fondation soigne 1 500 pa- ailleurs dans le pays une large proportion de la popula-
lose et le paludisme a brutalement tients atteints de TB-MR (à rai- tion, cela devient aussi un obstacle
mis un terme à son financement son de 5 000 € le traitement sur et meurent ». au rapprochement entre les deux
Corées », souligne également le
père Bérard, qui vient de repartir
Kim Jong-un invite le pape 18 mois) mais elle « ne touche que en mission pour trois semaines.
20 % du total des malades (7 500), « La liste d’attente est très lon-
François à Pyongyang (les autres lui sont) inaccessibles gue, insiste Stephen Linton, qui a
ailleurs dans le pays et meurent ». créé la Fondation en 2007, et nous
Cette situation est dénoncée de- sommes face à un choix de “qui vit
Le président sud-coréen Moon Jae-in doit être reçu en audience puis des mois par des ONG amé- et qui meurt”… » Six mois après le
par le pape François ce jeudi à la mi-journée, après avoir participé ricaines, qui n’ont plus le droit de passage de l’équipe, on retrouve
mercredi, à la basilique Saint-Pierre, à une « messe pour la paix » se rendre en Corée du Nord de- les malades : le père porté par sa
sur la péninsule coréenne. « Lors de sa réunion avec le pape Fran- puis septembre 2016. Les agences ille est mort. Mais l’homme fra-
çois, il relaiera le message du président Kim Jong-un, selon lequel de l’ONU (PAM, Unicef) alertent gile et essoulé marche et parle
il accueillera avec enthousiasme le pape s’il vient à Pyongyang », également sur la situation alimen- à nouveau.
a déclaré à la presse le porte-parole de Moon Jae-in. C’est la troi- taire dans le pays – la malnutrition Dorian Malovic
sième invitation du pape en Asie ces derniers jours, après celles touche 40 % de la population et
des deux évêques chinois présents au Synode des jeunes pour un enfant sur cinq – et leur propre (1) Fondation Eugene-Bell :
Pékin et du vice-président Chen Chien-jen à Taïwan. diiculté à récolter des fonds. Les eugenebellfrance@gmail.com

Mohammed Ben Salmane,
dauphin saoudien en disgrâce
tLe prince héritier
d’Arabie saoudite
est de plus en plus contesté.
tBeaucoup, au sein de
la famille royale, dénoncent
ses méthodes brutales.
Embargo contre le Qatar, guerre
sanglante au Yémen, purges d’in-
tellectuels et de défenseurs des
droits, et désormais « afaire Jamal
Khashoggi », du nom de cet édito-
rialiste saoudien dissident porté
disparu depuis le 2 octobre à Is-
tanbul… Près d’un an et demi après
avoir acquis, en juin 2017, le titre de
prince héritier du royaume wahha-
bite, Mohammed Ben Salmane (sur-
nommé « MBS ») semble en mau-
vaise posture.
Après avoir connu une ascension
fulgurante, ce trentenaire est décrié
Jamal Khashoggi, voix dissidente
dans un royaume saoudien verrouillé
tL’éditorialiste saoudien,
plume du Washington Post
depuis son exil aux États-
Unis en 2017, ne ménageait
pas ses critiques à l’encontre
des dirigeants du royaume.
Depuis le début du mois d’oc-
tobre, son visage rond, rehaussé
de lunettes surplombant une
moustache grisonnante, tourne
en boucle sur les réseaux sociaux
et dans les pages des grands mé-
dias internationaux.
Mais que reprochait-il précisé-
ment aux dirigeants du royaume
wahhabite ? Brillant intellectuel,
féru de politique étrangère, Jamal
Khashoggi avait pris, à l’été 2017, le
chemin de l’exil vers les États-Unis
par crainte d’une arrestation dans
son pays natal.
repères
Ce que l’on sait de
« l’afaire Khashoggi »
L’éditorialiste saoudien exilé
Jamal Khashoggi n’a plus
donné signe de vie après être
entré dans le consulat saoudien
à Istanbul, le 2 octobre.
Le prince héritier saoudien
Mohammed Ben Salmane
(MBS) a nié avoir connaissance
de son sort, puis a semblé
jusque dans son entourage proche.
« Après son parachutage comme mi-
nistre de la défense en janvier 2015
à l’initiative de son père, le roi Sal-
mane, sa nomination comme prince
héritier a pu susciter des incompré-
D’abord séduits par
le côté réformateur,
libéral et modernisateur
cultivé par le dauphin,
les Occidentaux ont perdu,
au fil des derniers mois,
leurs dernières illusions.
hensions : ayant appris sur le tard, il
est beaucoup moins qualiié que cer-
tains de ses frères ou cousins ayant
fait de brillantes études à l’étran-
ger », analyse Clarence Rodriguez,
journaliste spécialiste de l’Arabie
saoudite (1).
Originaire de Médine, l’éminent
chroniqueur avait commencé sa
carrière journalistique dans les
années 1980, en travaillant notam-
ment avec les rédactions d’Okaz
ou de la Saudi Gazette, pour le
compte desquels il avait inter-
viewé Oussama Ben Laden, l’an-
cien chef d’Al-Qaida.
« À l’aube des années 2000, il a
été brièvement rédacteur en chef du
quotidien Al-Watan avant d’être li-
mogé par le ministre saoudien de
l’information qui le jugeait trop ré-
formateur », explique Clarence Ro-
driguez, journaliste spécialiste de
l’Arabie saoudite. En 2007, Jamal
Khashoggi reviendra à nouveau à
la tête de la rédaction du journal
saoudien, avant d’être contraint
une seconde fois à la démission
pour un article estimé trop ofen-
sant sur le salaisme.
envisager de reconnaître sa
mort lors d’un interrogatoire
qui aurait mal tourné.
Les autorités turques posséde-
raient un enregistrement
sonore attestant qu’il a été
torturé et tué au consulat par
une équipe saoudienne. Selon
le New York Times, « au moins
neuf des quinze (suspects
du meurtre) ont travaillé
pour les services saoudiens
de sécurité, l’armée ou d’autres
ministères », certains étant
des proches de MBS.
La Croix -jeudi 18 octobre 2018
MONDE
Son accession au trône est-elle
menacée, alors que des informa-
tions iltrent peu à peu sur l’assas-
sinat sauvage de Jamal Khashoggi
au consulat d’Arabie saoudite à
Istanbul (lire ci-dessous) ? « Ce
qui est certain, c’est que ce dos-
sier va laisser des traces de sang »,
poursuit celle qui a vécu pendant
douze ans, jusqu’en mai 2017, dans
le royaume. « En Arabie saoudite,
tout se dit en catimini, de manière
informelle et dans la sphère pri-
vée : mais il y a bien un sentiment
montant de ”grogne” au sein de la
famille royale, certains essayant
de faire prendre conscience au roi
Salmane que “MBS” n’est pas le bon
candidat à sa succession. »
D’abord séduits par le côté réfor-
mateur, libéral et modernisateur
cultivé par le dauphin, les Occi-
dentaux ont aussi perdu, au il des
Jamal Khashoggi en 2014.
Mohammed Al Shaikh/AFP
«  Il a aussi été conseiller du
prince Turki Al Fayçal (ancien
chef des services de renseigne-
ment des services secrets saou-
diens, NDLR) : il était ainsi dans
le ”secret des lieux”… », poursuit
Clarence Rodriguez. Trois mois
plus tard, Jamal Khashoggi fuyait
lui-même la pétromonarchie,
frappée par une vaste purge d’in-
tellectuels. « On lui reprochait
de dire la vérité, de présenter les
choses telles qu’elles sont, alors
qu’il exerçait simplement son
travail de journaliste sans être
un militant », poursuit Clarence
Rodriguez.
« Quand je parle de peur, d’inti-
midation, d’arrestations et de dé-
nonciations publiques des intellec-
tuels et des chefs religieux qui osent
donner leur avis et que je vous dis
derniers mois, leurs dernières il-
lusions. Car « MBS » n’a cessé de
multiplier, ces dernières années,
les mauvais calculs. Et beau-
coup dans son pays se souvien-
nent qu’il avait enfermé près de
400 princes et hommes d’afaires,
pendant trois mois pour certains,
entre les murs d’une prison do-
rée, l’hôtel Ritz-Carlton de Riyad,
sous le prétexte fallacieux de vou-
loir lutter contre la corruption. « Il
n’aura ainsi fallu que peu de mois
avant que “MBS” ne fasse tomber
son masque et ne découvre son vrai
visage : celui d’un prince ambi-
tieux, impétueux et autocrate… »,
conclut Clarence Rodriguez.
Malo Tresca
(1) Auteure d’Arabie saoudite 3.0.
Paroles de la jeunesse saoudienne,
Éd. Erick Bonnier, 2017, 176 p., 18 €.
que je viens d’Arabie saoudite, êtes-
vous surpris ? », écrivait ainsi, peu
après son arrivée sur le sol amé-
ricain, Jamal Khashoggi dans le
Washington Post, auquel il contri-
buait régulièrement. Tombé en
disgrâce auprès de « MBS », le cé-
lèbre éditorialiste n’a pas arrêté,
malgré la distance, de s’élever
contre le sulfureux dauphin.
« Ce jeune et impétueux innova-
teur n’a ni encouragé ni permis le
moindre débat en Arabie saoudite
sur la nature (de son programme
de réformes intérieures) », fusti-
geait-il en mars dernier, dans un
éditorial cosigné du quotidien
britannique The Guardian. « Le
prince devrait s’inspirer de la mai-
son royale britannique, qui a ga-
gné une véritable stature et du res-
pect, en essayant de faire lui-même
preuve d’un peu d’humilité », iro-
nisait-il encore en février dans le
Washington Post.
Et Jamal Khashoggi ne se révé-
lait pas plus tendre à l’encontre
de la politique extérieure de MBS,
notamment sur le théâtre yémé-
nite. « Plus cette guerre cruelle
durera longtemps, plus les dégâts
seront permanents. (…) Le prince
héritier doit mettre fin à la vio-
lence et restaurer la dignité de ce
lieu de naissance de l’islam », ex-
hortait-il enin, dans sa dernière
chronique pour le Washington
Post, publiée peu de temps avant
sa disparition.
Malo Tresca
9
essentiel
Israël T Raids aériens
contre Gaza après
des tirs de roquettes
L’aviation israélienne a mené
mercredi matin une série
de raids visant le Hamas
dans la bande de Gaza,
en réponse à deux tirs de
roquettes lancées pendant
la nuit. L’une d’elles avait
touché une maison dans la
ville israélienne de Beersheba.
Israël a aussi fermé ses deux
points de passage avec Gaza,
et réduit à trois milles nau-
tiques la zone de pêche
autorisée pour les Gazaouis.
Le Hamas a nié toute
implication dans ces tirs.
sur la-croix.com
Un article complet
Syrie
L’émissaire de
l’ONU va quitter
ses fonctions
Stafan de Mistura, émissaire de
l’ONU pour la Syrie, a annoncé,
le 17 octobre, au Conseil de sé-
curité sa décision de quitter ses
fonctions « pour raisons person-
nelles » à la in novembre, après
« quatre ans et quatre mois » de
mission. Avant cela, il se rendra
la semaine prochaine à Damas,
à l’invitation des autorités sy-
riennes, ain d’évoquer la for-
mation, « en novembre », d’un
Comité constitutionnel chargé
d’élaborer une nouvelle Consti-
tution pour la Syrie. « Nous ne
sommes pas prêts à convoquer
ce Comité s’il n’est pas crédible
et équilibré » entre le régime,
l’opposition et la société civile,
a-t-il précisé.
Crimée T Tuerie dans
un collège technique
Au moins 17 personnes, dont
une majorité d’adolescents, ont
été tuées hier et 40 autres bles-
sées après une attaque surve-
nue dans un collège technique
de Kertch, ville de la péninsule
ukrainienne de Crimée,
annexée par la Russie en 2014.
D’abord qualiiée d’acte « terro-
riste », l’attaque à l’arme à feu
– une « puissante explosion a
toutefois été entendue » – a été
oiciellement attribuée à un
« ancien élève » qui se serait
ensuite « suicidé », selon le
« premier ministre » de Crimée.
X sur la-croix.com
t Eurobaromètre :
un satisfecit sur l’UE
en trompe-l’œil
t La Chine reconnaît
les camps d’internement
au Xinjiang
 Une sélection JAPON | Entre modernité et traditions
Circuit de 12 jours | du 5 au 16 juin 2019

Maison de la Chine

accompagné par Ce circuit exceptionnel, d’Osaka à Tokyo, vous permettra de découvrir un Japon fascinant, à la fois familier par sa
modernité et totalement surprenant par sa civilisation, ses codes, ses rituels, ses traditions religieuses, sa culture. Les
Claire amoureux de la nature, omniprésente au Japon, seront subjugués par des paysages majestueux et tourmentés. Ce
Lesegretain, voyage sera aussi une initiation à la culture nippone, marquée par l’esthétisme d’une cérémonie du thé ou la symbolique
subtile d’un kimono. Pour découvrir la diversité religieuse du Japon, terre du shintoïsme et du bouddhisme zen, mais
grand reporter aussi lieu d’implantation d’une minorité chrétienne, vous visiterez les temples et sanctuaires les plus importants du
au service Religion pays, en bénéficiant d’une immersion dans un monastère en activité au mont Koya. Le pays du Soleil levant s’adresse
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de LA CROIX à toutes les personnes en quête de sérénité intérieure et curieuses des gadgets dernier cri.

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« 
J
e ne suis pas fait
pour la gloire. » Guy Boley, pen-
dant quelques semaines dans la
première liste du Goncourt, sou-
pire d’être pris dans le tourbillon
de la rentrée, d’avoir à quitter son
Jura pour venir à Paris. Il a surgi,
en 2016, à 64 ans, avec un premier
roman, Fils du feu. « Tout va trop
vite pour moi », s’excuse-t-il. Il est
rare qu’un auteur perçant si tard,
étranger au sérail, soit immédia-
tement reconnu, couronné de prix
multiples. « Ich habe genug ! » (Je
suis comblé), avoue-t-il, reprenant
l’argument de la cantate de Bach.
Barbe blanche, physique de fort
des Halles, regard direct, verbe
clair, Guy Boley déroule le récit
d’une « vie de bricoles » qui tranche
avec le recrutement des maisons
d’édition, dont le vivier est plutôt
constitué de bobos que d’hercules
de foire. Ouvrier, chanteur des
rues, cracheur de feu, jongleur,
directeur de cirque, funambule,
chaufeur de bus, garde du corps,
igurant, scénariste, machiniste,
dramaturge pour des compagnies
de danse et de théâtre… « Je n’ai
pas d’autre ambition que l’écriture,
confesse-t-il. Je cherchais des mé-
tiers qui me laissaient du temps
libre. » Mais jamais en dilettante.
Quand il marchait sur un fil,
entre ciel et terre, sa silhouette
se découpait, suspendue à quatre-
vingts mètres de haut, sous les
yeux d’une foule, tête levée, qui
guettait la chute. « Au moment
où je posais le pied sur le câble, je
me sentais heureux, en sécurité,
libre… » Ses périlleuses acrobaties
au-dessus du vide, lirtant avec la
mort sans la provoquer, renfor-
çaient, assure-t-il, la grisante sen-
sation de s’arracher à la pesanteur
de l’existence. Quand il condui-
sait un bus de ramassage scolaire,
c’était pour le plaisir de contem-
pler, derrière son volant, le lever
du jour, la féerie de l’aube sur des
paysages endormis.
« Élevé dans la culture de la sou-
mission et du mépris de soi », Guy
Boley revendique sa liberté, quitte
à tirer le diable par la queue, à
vivre longtemps sans argent dans
un bus rafistolé, avec sa femme
et ses trois enfants. « En 1983, j’ai
décidé de me consacrer à l’écriture.
La Croix -jeudi 18 octobre 2018
Livres&idées 11
Guy Boley,
l’ermite du Jura
Cet auteur au ton
Avec une naïveté confondante, je
m’étais mis en tête que tout serait
singulier, étranger facile. J’écrirais le lundi. Mardi,
terminé. Mercredi, publié. Et
jeudi, le Goncourt ! C’est là que les
ennuis ont commencé, notamment
au sérail, venu de la classe inanciers… »
Avant la consécration du milieu
littéraire, ses manuscrits, envoyés
par la poste, régulièrement refusés
ouvrière, saltimbanque pendant trente ans, retournaient
dans un tiroir. Leur auteur, passé
à autre chose, les oubliait. « Ce que
j’écrivais n’était pas terrible. Mais
sans attache, j’imaginais passer entre les gouttes.
En réalité, je cherchais plus un en-
couragement, une tape sur l’épaule,
que d’être publié. »
est apparu sur la scène L’étincelle
libératrice est venue
littéraire à 64 ans. à la lecture
de Pierre Michon,
son maître,
aujourd’hui son ami.
Pendant dix ans, Guy Boley s’est
acharné sur le récit de la vie de ses
parents montant des opérettes
dans leur cuisine, devant un pu-
blic de cheminots et d’ouvriers
comme eux. C’est la matrice de
son deuxième roman qui vient
de paraître, Quand Dieu boxait en
amateur. « Je collais trop à la vé-
rité. Je n’avais pas encore compris
qu’écrire, c’est user de métaphores,
faire confiance aux mots, s’en re-
mettre à l’imaginaire. »
L’étincelle libératrice est ve-
nue à la lecture de Pierre Michon,
son maître, aujourd’hui son ami.
« Il a fait naître en moi la possibi-
lité d’une écriture poétique. Il m’a
montré que l’on pouvait être auto-
didacte et savoir parler de son
quartier. On le tolère chez les Amé-
ricains mais pas chez nous. Dans
le Montana, oui ; dans le Jura,
non. Nous racontons les mêmes
aventures mais nos paysages sont
moins vastes. Je suis d’accord avec
Charles-Albert Cingria : si l’ordi-
naire n’est pas surnaturel, à quoi
bon continuer ? »
Le feu couvait en lui, depuis
sa découverte, à 7 ans, de la lec-
ture, dans une famille où les livres
n’avaient pas droit de séjour. « Je
travaillais avec mon père dans
sa forge, sans jamais être payé. À
15 ans, j’ai réclamé mon dû. Avec
mes premiers sous, je suis parti
Regard direct, verbe clair, Guy Boley n’a « pas d’autre ambition que l’écriture ». Patrice Normand/Leextra/Leemage Suite page 12. P P P

12
Guy Boley, l’ermite du Jura
« Avec les mots, qui viennent de loin,
je retrouve la beauté du sacré. »
P P P Suite de la page 11.
acheter mon premier livre : Les
Contemplations, de Victor Hugo,
parce que l’auteur était né, comme
moi, à Besançon… Quand je suis
rentré, mon père m’a engueulé :
“J’t’ai pas donné de l’argent pour
que t’achètes des conneries !” Une
force intérieure me poussait, mais
elle a mis du temps à trouver sa
forme. »
Guy Boley, qui en réchaufe tou-
jours un dans son paletot, a noirci,
de son écriture très ine, des cen-
taines de carnets. Choses vues,
dialogues saisis à la volée, consi-
dérations, aphorismes, poèmes,
débuts de romans.
« J’étais épuisé
par les ruses que
je déployais pour
ne rien montrer
de ma fragilité. »
Guy Boley, quatre fois grand-
père, habite « dans un bled qui
compte plus de vaches que d’habi-
tants » où il préserve sa quiétude
de solitaire. « Je ne me sens bien
que chez moi, avec ma famille, en-
veloppé par la musique céleste de
Bach, immergé dans les livres (vingt
mille volumes répartis dans les
huit pièces de ma maison). Le soir,
quand je me couche, je n’ai qu’une
hâte. Vite me réveiller le lendemain
pour me remettre à écrire. La vie
m’a mené ailleurs, mais je poursui-
vais intérieurement ce rêve. Passer
mon temps à lire, à écrire, à sans
cesse polir le rythme des phrases.
Avec les mots, qui viennent de loin,
je retrouve la beauté du sacré. »
La carcasse de ce forçat abrite
une hyper-sensibilité quasi ma-
ladive, traînée comme un handi-
cap. À l’évocation d’un détail, les
larmes peuvent aleurer dans la
conversation. « Je pleure même en
lisant le journal », confesse-t-il.
Guy Boley a été aussi cascadeur et
boxeur. « Je me constituais des ar-
mures. À trop se protéger, on n’est
plus soi-même. J’étais épuisé par les
ruses que je déployais pour ne rien
montrer de ma fragilité. »
Ses proches le décrivent
comme un râleur impénitent,
jamais content. Il opine, mais
corrige : « Perpétuellement insa-
tisfait, oui, mais jamais amer, ni
aigri. Je prends la vie comme elle
vient à moi. »
Jean-Claude Raspiengeas
Livres&idées
Tombeau pour un père boxeur
tAprès Fils du feu,
Guy Boley poursuit
son évocation d’un monde
ouvrier disparu.
Quand Dieu boxait en amateur
de Guy Boley
Grasset, 186 p., 17 €
A
Besançon, il existait naguère
un dépôt de locomotives à
vapeur autour duquel s’était
agrégé un quartier d’ouvriers et de
cheminots. La plupart naissaient là.
La Faucheuse venait les y chercher,
certaine de les y trouver. Ce fut le lot
ordinaire de René Boley, prolétaire,
forgeron, acteur et boxeur amateur.
Avec une mauvaise conscience
que les années ont amplifiée et le
sentiment poignant du temps perdu
à s’opposer à ce père qu’il ne voyait
que comme une épave à éviter, Guy
Boley comprend trop tard quelles
furent les aspirations de cet homme.
Sa mère l’avait détourné des études
pour le jeter dans le brasier du tra-
vail manuel. Ce forgeron avait un
violon d’Ingres. Avec son épouse, il
La Croix -jeudi 18 octobre 2018
meilleures
ventes
Religion
Réseau La Procure –
laprocure.com
Dans le deuxième
volet de sa trilogie, 1 La Dignité
Guy Boley comprend de la procréation.
trop tard quelles PMA, révision
furent les aspirations de la loi bioéthique
de son père, prolétaire, Les évêques de France
forgeron, acteur Bayard/Cerf/Mame
et boxeur amateur,
qu’il méprisait.
Gaston Paris/Roger-Viollet 2 Jésus. L’homme qui
préférait les femmes
Christine Pedotti
Albin Michel
3 Ma vie est un miracle
Sœur Bernadette Moriau
JC Lattès
4 Le Prix de la fraternité
Guillaume de Tanoüarn
Tallandier
5 Donner sa vie
Pierre-Hervé Grosjean
Artège
6 « Pourquoi Dieu permet-il
cela ? » Les enfants des rues
face à la question du mal
Matthieu Dauchez
Artège
7 L’Amour vrai.
montait des opérettes dans leur cui- sant, hurle « Père, père, pourquoi Au seuil de l’autre
sine, devant un parterre de voisins, m’as-Tu abandonné ? » Son cri dé- Martin Stefens
ouvriers et leveurs de coudes. sespéré arrache des larmes à l’as- Salvator
Par son entêtement et son goût sistance pétriiée. René Boley vient
de vaincre, un soir, René Boley est de gagner le plus beau combat de sa
rentré chez lui, champion de France vie. Plus dure sera la chute. Il perd 8 J’ai rencontré Paul VI.
de boxe amateur. Cette heure de vé- un ils, ne veut plus entendre par- Sa sainteté par la
rité sur le ring, Guy Boley en ofre, ler de Dieu, refuse à tout jamais de voix des témoins
post mortem à ce père disparu, deux rejouer Jésus-Christ. La Passion, il Mgr Rino Fisichella
pages d’anthologie pour la rendre la vit tous les jours. C’est ce père dé- Béatitudes
inoubliable. cati que rejette alors son ils, parti
« L’ami des origines », Pierre, était aux études, ivre de Mai 68, sans
revenu curé de cette paroisse ou- savoir qu’il suivra ses traces hon- 9 Comment l’Évangile
vrière, la tête farcie de théâtre. Il nies. Il accompagnera les derniers a changé le monde
voulait rompre avec les spectacles jours de cet homme détruit, qui Chantal Reynier
paroissiaux, ineptes et sans saveur, s’écroule, comme sur le ring, « en Cerf
pour monter La Passion de Notre deux temps, squelette puis viande ».
Seigneur Jésus-Christ. Dans le rôle- Av e c s o n s e c o n d r o m a n , 10 Introduction
titre, son « copain de toujours », deuxième volet d’une trilogie, Guy à l’Ancien Testament
René Boley, l’attraction. Boley évoque un monde évanoui, Gérard Billon
Aux rép étitions, l’amateur avec son lot de maigres joies et de Cerf
d’opérette roule des yeux avec grandes peines. Son style, char-
des ahanements de forçat. Pour le penté, d’un lyrisme râpeux, sou-
remettre sur les rails d’une inter- tient une prose robuste et imagée
prétation digne du rôle, l’abbé lui où l’émotion, tenue en lisière, af-
suggère de retrouver en lui-même leure à chaque phrase. Guy Boley
les émotions de ses combats. Le confesse ce qui le pousse à écrire :
miracle de l’incarnation se pro- « De leurs vies et des nôtres, bientôt,
duit le jour de Pâques, lorsque le il ne restera rien. »
boxeur, cloué sur la croix, agoni- Jean-Claude Raspiengeas

Roman. Thomas B. Reverdy
saisit de façon captivante
l’atmosphère de l’Angleterre
à la in des années 1970
en mêlant récit intime,
roman social et politique.
Mon royaume
pour un futur
L’Hiver du mécontentement
de Thomas B. Reverdy
Flammarion,
224 p., 18 €
A
uteur de fictions, Tho-
mas  B. Reverdy ne s’en
adosse pas moins à des
faits historiques, à des phéno-
mènes de société. Avec Les Éva-
porés, il tissait dans le Japon de
l’après Fukushima un récit fasci-
nant autour des disparitions vo-
lontaires de personnes endettées
ou déshonorées, des suicides so-
ciaux où elles rompent avec tout
ce qui constitue leur quotidien
(famille, logement, amis, travail).
Dans Il était une ville, il croisait
des destins contrastés à Détroit
en 2008 alors que la municipalité
se trouvait au bord de la faillite et
refusait déjà d’apporter tout ser-
vice public à certains quartiers.
L’écrivain revient avec un cadre
qui semble moins lointain, moins
saisissant, mais qui concerne
chacun de nous : la bascule d’un
monde à l’autre lors de l’hiver
1978-1979 au Royaume-Uni, ce-
lui que le Sun qualiia d’« hiver
du mécontentement », selon les
mots de Shakespeare dans Ri-
chard III : « Now is the winter of
our discontent. »
C’est justement cette pièce
que répète Candice, une Londo-
nienne de 20 ans avec une troupe
de comédiennes semi-profes-
sionnelles ; c’est elle qui inter-
prète ce roi assoifé de pouvoir.
Pour gagner sa vie, elle travaille
comme coursier à vélo. En rup-
ture avec le modèle familial, elle
cherche sa voie et la trouve de
plus en plus sur scène.
Un pape au sourire doux vient
de mourir trente-trois jours seu-
lement après son élection, les ac-
cords de Camp David apportent
une paix bien provisoire, quand
commence un mouvement de
grève dans une usine Ford pour
une augmentation des salaires
qui compenserait en partie une
inlation à 16 %. La crise est là :
l’empire part en lambeaux, le
consensus d’après-guerre se cra-
Livres&idées
« On ne peut
rester longtemps
à battre des bras
en l’air au bord
d’un précipice.
L’idée générale,
c’est qu’il fallait
sauter. »
quelle, les chômeurs sont de
plus en plus nombreux ; pour-
tant des entreprises comme Ford
accroissent leurs bénéices. Peu
à peu, les grèves paralysent le
pays, la colère gronde contre le
gouvernement travailliste – vers
qui d’autre se retourner ? Comme
Candice, les Britanniques atten-
dent, avec le sentiment d’être au
bord du vide. « On ne peut res-
ter longtemps à battre des bras
en l’air au bord d’un précipice.
L’idée générale, c’est qu’il fallait
sauter. »
Thomas B. Reverdy campe une
atmosphère mélancolique et fé-
brile où le quotidien de Candice,
le désarroi ambiant et la critique
politique contenue dans la pièce
de Shakespeare se font écho. Il
parvient à rendre palpable l’air
du temps et en restitue la bande-
son par des titres de Pink Floyd,
Clash ou David Bowie en exer-
gue de ses chapitres. Derrière
la conquête du pouvoir de Ri-
chard III se dessine celle d’une
inconnue, Margaret Thatcher,
particulièrement habile à mani-
puler médias et foules en colère.
Thomas B. Reverdy décrypte
avec précision la mécanique im-
placable qui conduit la Dame de
fer jusqu’au 10 Downing Street.
Celle qui a converti les conser-
vateurs britanniques au libre-
échange entraînera dans son
sillage d’autres gouvernements
pour que triomphe partout la
doxa libérale, le théâtre où se
joueront désormais nos exis-
tences.
Corinne Renou-Nativel
La Croix -jeudi 18 octobre 2018
Roman. Carole Fives  met sa plume concise
au service d’une « maman solo » qui tente
le diable pour s’extraire de son quotidien.
Un portrait sans complaisance.
L’art de la fugue
La jeune mère laisse son bébé seul tous les jours, de plus en plus longtemps. Julien Coquentin/Hans Lucas
Tenir jusqu’à l’aube
de Carole Fives
L’arbalète, 192 p., 17 €
E
lle fugue. À la nuit tombée,
quand son bébé dort paisi-
blement, la « mère céliba-
taire du sixième » quitte son ap-
partement sur la pointe des pieds.
Pendant quelques minutes, elle
marche dans la rue, savoure sa li-
berté retrouvée.
Cela a commencé comme un
petit écart, une folie passagère.
C’est devenu un rituel quotidien,
de plus en plus long, de plus en
plus risqué. Telle la chèvre de
M. Seguin, elle tire sur la corde,
consciente du danger, incapable
d’y résister. Qui sait ce qui pour-
rait arriver au bébé pendant son
absence ?
Après Charlène, la mère toxique
d’Une femme au téléphone, Carole
Fives livre un portrait de femme
comme rarement lu. Sans condam-
ner ni gloriier son héroïne, mais
avec une empathie manifeste,
elle raconte, au plus près, le quo-
tidien de cette jeune mère quittée
par le père de son enfant dont elle
n’a plus de nouvelles, livrée à elle-
même dans une grande ville où
elle est une silhouette anonyme,
aux prises avec les huissiers qui
menacent de l’expulser. Si déses-
pérément seule que, pour trouver
des solutions, elle s’en remet à In-
ternet, épluchant avidement les té-
moignages d’autres « mamans en
solo » sur les forums.
Comment prendre
soin d’un être
en construction
quand on est
soi-même
en reconstruction ?
De cette mère que d’aucuns
pourraient qualiier d’indigne, la
romancière transcrit avec acuité le
sentiment d’asphyxie. Des phrases
courtes, nominales ou à l’ininitif,
qui disent à la fois la répétition des
gestes quotidiens – s’occuper de
l’enfant, travailler quand il fait la
sieste, nettoyer l’appartement, re-
commencer le lendemain – et l’ur-
gence d’en briser le cycle.
La question n’est pas : aime-t-
elle son bébé ? La chose ne fait au-
cun doute, elle préférerait mou-
13
rir que de le perdre. Mais plutôt :
comment élève-t-on son enfant
quand on est seule, avec peu de
ressources et sans soutien fami-
lial ? Comment conjuguer son
rôle de mère avec une vie senti-
mentale et professionnelle ? Com-
ment prendre soin d’un être en
construction quand on est soi-
même en reconstruction ?
Les forums ne donnent pas de
réponses à ces interrogations. L’en-
tourage ne console pas mieux. Son
patron lui reproche d’être désor-
ganisée, sa banquière la trouve dé-
pensière, ses amies disent qu’elle
se néglige. Et dans le regard du
monde entier, elle voit le reflet
d’« une mère célibataire qui ne gère
rien, une pauvre conne. »
On songe parfois au roman de
Leila Slimani et à sa nounou de
Chanson douce, prix Goncourt en
2016. On craint l’humiliation de
trop, la contrariété qui fait débor-
der le vase et mène à l’irréparable.
Si le livre de Carole Fives en par-
tage parfois la violence sourde et
l’atmosphère inquiétante, il n’en
suit pas le chemin tragique. Le
combat n’est pas terminé. Face
au loup, la chèvre n’a pas dit son
dernier mot.
Jeanne Ferney

14
Entretien. Célèbre pour son analyse du phénomène d’accélération,
le sociologue et philosophe allemand Hartmut Rosa invite à cultiver
un autre rapport au monde, « la résonance ».
« Nous avons gardé le sens d’une autre existence »
Hartmut Rosa
Sociologue et philosophe
Face à l’accélération qui touche
les sociétés hypermodernes,
vous proposez de développer
un autre rapport au monde,
la résonance. Pourquoi
ne pas avoir plutôt choisi
d’inviter au ralentissement ?
Hartmut Rosa : Après la publi-
cation de mon livre Accélération,
plusieurs médias m’ont présenté
comme le gourou de la décéléra-
tion et du ralentissement. Or, je ne
pense pas que le ralentissement
soit la solution à l’accélération.
Le ralentissement est un outil, un
prérequis. Il peut être nécessaire
quand l’accélération devient trop
grande, mais on ne le recherche
pas pour lui-même.
Avec l’idée de résonance, j’es-
saie de décrire une autre manière
d’être au monde. La résonance est
un mode de relation où peut se
déployer un lien (et un échange)
entre moi et quelque chose qui
m’est « extérieur » : mon corps,
mon esprit, la nature, les autres…
La résonance est une manière
non agressive d’être au monde :
quelque chose sort du monde,
vient vers moi, me touche et
me transforme. C’est un mode
d’appropriation existentielle du
monde, alors que dans l’accéléra-
tion nous sommes dans un rap-
port instrumental au monde. L’ac-
célération transforme le monde
en un lieu d’agressivité, où on
cherche à se saisir du monde et
non à la recevoir.
Vous nous invitez à nous poser
collectivement la question :
« Qu’est-ce que la vie bonne ? »
alors que la modernité
a privatisé cette question.
Pourquoi lever ce tabou ?
H. R. : Il est vrai que la question
de la vie bonne est une question
non autorisée. Je constate aussi
que nombre de mes collègues phi-
losophes la considèrent comme
une question luxueuse : à leurs
yeux, il conviendrait de s’intéresser
d’abord aux questions de justice, la
question de la vie bonne étant tou-
jours repoussée à plus tard.
Livres&idées
Pour Hartmut Rosa, l’expérimentation de la résonance peut aussi se faire dans l’observation
de la nature. Flore-Aël Surun/Tendance Floue
Je crois au contraire que la ques-
tion «  Quelle vie voulons-nous
vivre ? » est essentielle. En la privati-
sant, nous avons déformé notre rap-
port au monde. Il y a des raisons à
cette éviction : la modernité a consi-
déré que la pluralité des visions de
la vie bonne était irréconciliable et
que la vie bonne relevait d’un choix
personnel. Mais en évacuant cette
Une critique de la fuite en avant
En 2005, le sociologue et phi-
losophe Hartmut Rosa, profes-
seur à l’Université Friedrich-
Schiller d’Iéna (Allemagne)
publie Accélération. Une cri-
tique sociale du temps (1), ou-
vrage dans lequel il analyse
la poussée d’accélération qui
frappe nos sociétés depuis les
années 1970. Inscrit dans le
sillon de la théorie critique ini-
tiée par les philosophes Adorno
et Horkheimer, cet
La Croix -jeudi 18 octobre 2018
question, nous l’avons perdue de
vue. Plutôt que d’y répondre, nous
nous sommes focalisés sur le pro-
grès économique, l’acquisition des
droits et l’élargissement de nos pos-
sibilités : avoir de l’argent, être édu-
qué, être inséré dans un réseau de
relations… Nous avons confondu les
conditions du choix et ce qui est, si
on y réléchit, le but commun à tous
ouvrage puissant a rapidement
trouvé son public. « J’ai réa-
lisé qu’en questionnant le rap-
port de la modernité au temps
et en pointant la menace que
l’accélération constitue pour le
projet même de la modernité,
j’avais touché quelque chose de
juste, qui ne rejoignait pas seu-
lement le public académique,
mais aussi des enseignants, des
hommes politiques, des jour-
nalistes, des ouvriers… », ana-
de la vie : être dans une relation et
un dialogue avec un « autre », cha-
cun étant libre de choisir quel sera
cet autre (une personne, une œuvre
d’art, la nature ou Dieu…).
Dans votre rélexion,
vous accordez une place
à la religion. Comment
cette ouverture a-t-elle
été reçue en Allemagne ?
lyse-t-il aujourd’hui. En France,
plus de 25 000 exemplaires ont
été vendus. Après l’Europe, la
réception de l’ouvrage se pour-
suit à présent dans le monde
anglo-saxon, tandis qu’avec son
nouveau livre, Résonance (2),
Hartmut Rosa ofre une réponse
constructive à l’accélération.
(1) La Découverte/Poche, 486 p., 14 €.
(2) Résonance. Une sociologie de la relation
au monde, La Découverte, 534 p., 28 €.
H. R. : Mon travail suscite de
l’intérêt à l’intérieur des Églises
catholique et protestante. Les
théologiens perçoivent dans la
résonance quelque chose qui leur
est familier. Je m’en réjouis. En
même temps, mon propos n’est
pas théologique, mais sociolo-
gique. Il ne présuppose aucune
vérité métaphysique.
La résonance explique à mes
yeux pourquoi la religion est une
force aussi puissante et pourquoi,
contrairement aux pronostics de
la sécularisation, les religions ne
se sont pas effacées. Je n’ai pas
été élevé dans un milieu chrétien,
mais j’ai reçu à l’école une éduca-
tion protestante. Ce n’est pas tant
la théologie qui m’a touché que les
pratiques religieuses et notam-
ment la musique. La Bible, aussi,
qui exprime de manière formida-
blement poignante l’espoir d’être
écouté, vu, désiré… Les religions
ont le pouvoir de nous ouvrir à une
résonance verticale. Mais il existe
aussi des modes séculiers d’expé-
rimentation de la résonance : ad-
mirer l’océan, les montagnes, les
forêts, écouter une musique…
Les penseurs de l’École
de Francfort, auxquels vous
vous rattachez, étaient très
pessimistes sur la modernité
capitaliste. Qu’est-ce qui
maintient votre optimisme ?
H. R. : Peut-être l’idée qu’il est
trop facile d’être pessimiste et que,
contrairement à ce qu’Adorno et
Horkheimer avaient pensé, nous
ne sommes pas devenus aveugles
à la vie bonne. Avant eux, Max We-
ber avait avancé l’idée que le capi-
talisme allait créer les sujets dont il
avait besoin. Si c’était le cas, nous
ne devrions pas être conscients de
ce qui ne va pas. Or, malgré tout,
nous avons gardé le sens d’une
autre existence. La colère et la
frustration qui s’accumulent dans
nos sociétés en sont aussi le signal.
Nous devons donc revenir aux pro-
messes non tenues de la moder-
nité. La promesse d’autonomie a
été importante, nécessaire, car ce-
lui qui ne peut pas choisir sa vie
n’a pas accès à ce que je décris sous
le terme de résonance. Mais nous
avons survalorisé l’autonomie, en
oubliant la relation et le lien.
Recueilli par Élodie Maurot

Livres&idées
Roman. L’écrivain libanais Alexandre Najjar
célèbre, avec talent, le dévouement respectueux
et bienveillant de l’abbé Stock, aumônier
allemand pendant la Seconde Guerre.
Dans la peau de l’aumônier
Franz Stock
L’abbé Franz Stock (1904-1948). Patrick Forget/Sagaphoto
Harry et Franz
d’Alexandre Najjar
Plon, 193 p., 17,90 €
L
e « Harry » dont il est question
ici est Harry Baur, comédien
français (1880-1943) considéré
comme l’un des plus grands de son
époque. Dès le début de l’Occupa-
tion, des milieux antisémites l’ac-
cusent d’être juif. La rumeur conti-
nue de plus belle après qu’il a tenu
le premier rôle dans un film alle-
mand – Alsacien de père, il maîtri-
sait la langue de Goethe –, mise en
lumière qui rend les nazis furieux.
Arrêté au printemps 1942 par la Ges-
tapo avec sa femme, musulmane, il
est détenu quatre mois à la prison
du Cherche Midi, où il est humilié,
frappé et torturé.
Dans cette prison parisienne,
ainsi que dans celles de la Santé
et de Fresnes, oicie l’abbé Franz
Stock, aumônier de la Mission ca-
tholique allemande de Paris, qui a
été autorisé à apporter un soutien
moral aux détenus français et à ac-
La Croix -jeudi 18 octobre 2018
compagner les condamnés à mort
jusqu’au Mont-Valérien.
C’est en cherchant des informa-
tions sur Harry Baur, l’acteur pré-
féré de son père (1), que l’écrivain
et avocat libanais Alexandre Najjar
a découvert que le comédien avait
été soutenu par l’abbé Stock. Et c’est
du point de vue du prêtre allemand
qu’il raconte cette rencontre entre
deux êtres d’exception, imaginant
la descente aux enfers d’Harry sous
le regard respectueux et compatis-
sant de Franz. Celui-ci s’entend dire
par sa jeune secrétaire de « tout faire
pour sauver Harry Baur ». « Ce n’est
pas mon rôle, je ne suis pas avocat »,
lui répond-il… « La justice n’a rien à
voir puisque ses bourreaux ne le ju-
gent même pas. C’est une question
de principe. Si vous êtes du bon côté,
prouvez-le ! »
De fait, pendant quatre mois,
Franz va visiter régulièrement
Harry, lui témoignant son amitié,
et se battant contre l’administra-
tion nazie – qu’il compare à « Sa-
tan, qu’il déie au quotidien » – pour
sauver l’acteur de la mort. Il sollicite
Publicité
Gallimard présente
CHRISTIAN BOBIN
LA NUIT
DU CŒUR
Photo C. Hélie © Gallimard
GALLIMARD
CHRISTIAN
BOBIN
La nuit du cœur
le général von Stülpnagel, comman- « La chambre numéro 14 de l’hôtel Sainte
dant en chef des forces d’occupation Foy à Conques est percée de deux fenêtres
en France, à qui il ose demander de
« commencer par libérer Madame
dont l’une donne sur un flanc de l’abbatiale.
Baur en signe de bonne volonté puis C’est dans cette chambre, se glissant par la
fenêtre la plus proche du grand lit, que dans
son mari ». Sa ténacité et ses eforts
seront récompensés puisque Harry la nuit du mercredi 26 juillet 2017 un ange
Baur sera libéré le 19 septembre
1942, ses tortionnaires ayant conclu
est venu me fermer les yeux pour me donner
qu’il n’était pas juif. Il ne se remettra à voir. »
jamais des conditions de sa déten-
tion et mourra moins d’un an plus
tard, en avril 1943.
Ce magniique roman plonge le
lecteur non seulement dans le com-
plexe contexte de l’Occupation,
mais aussi dans la grandeur d’âme
de l’abbé Stock qui, comme le rap-
pelle l’auteur en annexe, a consi-
gné dans son Journal de guerre
(Cerf, 2017), à la date du 30 juin
1942, qu’il a « rencontré l’acteur de
cinéma Harry Baur ».
Claire Lesegretain
(1) Sur le père d’Alexandre Najjar,
lire notamment Le Silence du ténor. gallimard.fr I facebook.com/gallimard
Une enfance libanaise
(La petite vermillon), 2007)

16
Essai. La fraternité est une tâche permanente
qui suppose le partage d’un même élan vital
ancré dans le désir naturel de « bien faire le bien ».
En quête
d’une fraternité vivante
Le Prix de la fraternité.
Retrouver ce qui nous unit
de Guillaume de Tanoüarn
Tallandier, 334 p., 18,90 €
L
a fraternité est souvent in-
voquée comme un remède
p olitique aux maux de
notre société. Pourtant, elle ne
se décrète pas. Sur quoi donc la
fonder ? comment la construire ?
C’est à ces questions que tente de
répondre cet essai.
L e p è re   G u i l l a u m e d e Ta -
noüarn, transfuge de la Frater-
nité sacerdotale Saint-Pie-X,
et cofondateur de l’Institut du
Bon-Pasteur en communion avec
Rome, fait ici œuvre de philo-
sophe. Pour exister, la fraternité
a besoin d’une foi « capable de
fédérer ceux qui s’y rattachent »,
soutient-il. «  Non pas une foi
confessionnelle ou cultuelle. Ni une
foi surnaturelle. Une foi humaine,
qui est absolument naturelle », et
sans laquelle l’appel à la fraternité
ne peut que retentir dans le vide.
Pour exister, la fraternité a besoin
d’une « transcendance commune
qui la fonde et la garantisse ».
Notre époque,
qui semble avoir
voulu se séparer
déinitivement
du christianisme,
a gardé cette valeur
du service,
comme un signe
évident du bien.
Cette conviction de départ
amène le père de Tanoüarn à re-
venir aux classiques de la philoso-
phie politique moderne pour les
interroger « sur les chances que pos-
sède la fraternité de se développer
dans leur monde à chacun ». Son
parcours débute avec les premiers
penseurs du libéralisme, Adam
Livres&idées
Lettrine représentant des anges et des philosophes dans
De Civitate Dei, de saint Augustin. Costa/Leemage
Smith et Mandeville, invitant à
découvrir ce qui les distingue, au-
delà de l’éloge de l’individu. Le
premier croyait « à un ordre trans-
cendant les individus, au sein du-
quel les injustices doivent peu à peu
se résoudre ou se résorber », alors
que pour le second, « au contraire,
l’ordre se réalise de lui-même, mé-
caniquement sans aucune préten-
tion morale ».
« Chez Mandeville, il n’y a plus
de grâce. L’égoïsme reste seul »,
résume le philosophe. Il pour-
suit la même démarche en com-
parant Hobbes et Rousseau, Vol-
taire et Diderot pour montrer
qu’au-delà des apparences ces
couples de penseurs ne cultivent
La Croix -jeudi 18 octobre 2018
pas les mêmes valeurs. De fait, leur
monde respectif ne donne pas les
mêmes chances à la fraternité.
Mais la réunion des conditions
d’existence de la fraternité ne suf-
fit pas à garantir son existence !
Il faut faire un pas en amont, et
s’interroger sur ce qui « fonde la
possibilité, au-delà des rivalités et
des désirs contradictoires, d’une
véritable fraternité humaine » in-
dépendante des liens du sang. Et
c’est chez Augustin que le philo-
sophe dit trouver la « ressource in-
térieure » commune à tous, à partir
de laquelle « peut s’élaborer humai-
nement une fraternité politique ».
De l’évêque d’Hippone, un des
rares théologiens « vraiment exis-
tentiels dont le message (…) reste
accessible à tous au nom de cette
existence commune », l’auteur re-
tient la défense d’une foi natu-
relle dans le bien, un appel à « bien
faire le bien » qui retentit dans la
conscience de chacun, et qui est à
l’origine d’une préférence pour la
bienveillance sur le chaos qui se
manifeste encore aujourd’hui : « Il
est frappant de constater que notre
époque, qui semble avoir voulu se
séparer définitivement du chris-
tianisme, a gardé cette valeur du
service, comme un signe évident
du bien. Qu’est-ce que servir, si-
non mettre quelque chose au-des-
sus de soi ? », relève Guillaume de
Tanoüarn.
La réflexion se poursuit avec
saint Thomas, « le premier théo-
ricien de la fraternité », qui aide
« à voir clair sur ce premier élan
d’amour, sur cette fraternité na-
tive qui est en nous et qui attire
comme malgré nous notre liberté
vers un bien qui nous dépasse ».
Cette connaissance, aussi appelée
“loi naturelle”, « est innée et elle n’a
rien à voir ni avec l’intérêt ni avec
un calcul rationnel du maximum
de plaisir des individus. Tel est
l’amour naturel, cet attrait pour le
bien que chacun perçoit à sa hau-
teur », résume l’auteur.
La dernière partie du livre quitte
« le point de vue de Sirius » pour se
demander comment aujourd’hui
«  bâtir une nouvelle société de
croyants » partageant un même
élan de vie. Laïcité, multicultu-
ralisme, dialogue des croyants…,
les dossiers ne manquent pas où
la fraternité est en jeu.
Le propos est toujours intéres-
sant et bien informé, même si tout
n’est pas également convaincant.
En tout cas, le père de Tanoüarn
invite à ne pas faire de la frater-
nité un slogan : elle exige un efort
permanent des uns et des autres
pour la raviver. La tradition phi-
losophique et théologique occi-
dentale peut utilement y contri-
buer pour le bien de tous. Ce que
montre avec brio ce livre.
Dominique Greiner
coup de cœur
par Jean-Baptiste Passé
Librairie La Procure
3, rue de Mézières
75006 Paris
Demeure.
Pour échapper à l’ère
du mouvement perpétuel
de François-Xavier Bellamy,
Grasset, 272 p., 19 €
Après l’élan provoqué par Les Dés-
hérités, le jeune intellectuel ver-
saillais propose un nouvel essai
profond, érudit, tout en dialec-
tique contre l’injonction progres-
siste de la modernité. Embrassant
avec talent l’histoire des idées de
l’Antiquité de Platon à la révolu-
tion copernicienne en passant par
les Lumières, il démontre la va-
cuité de la course au progrès dans
laquelle est plongée notre époque.
Il dénonce l’abîme métaphysique
d’un mouvement érigé en vertu
suprême. Il nous exhorte à nous li-
bérer des illusions sémantiques et
à questionner le sens ontologique
de nos vies. Comment habiter le
monde ? Comment placer l’être
avant le lux ? Que doit-il demeu-
rer ? Bien qu’inconfortable, la
démonstration est imparable.
marque-page
Revue Choisir,
« Église, nom féminin »
Que dit l’Église
des femmes,
et quelle place
leur fait-elle ?
La revue jésuite
suisse Choisir
examine
cet automne
la question,
à l’heure des débats initiés par
le pape autour du cléricalisme.
Étiqueté « sexe dévot » et exalté
par Jean-Paul II sous l’expres-
sion de « génie féminin », qui
gloriie le modèle marial de
service et de dévouement, le
féminin a longtemps fait l’ob-
jet, dans l’Église, d’un « sexisme
bienveillant ». Qu’en est-il au-
jourd’hui ? De l’Égypte au Pérou
en passant par l’Allemagne et
la France, ces neuf articles de
théologiens, philosophes et
journalistes ofrent une
passionnante exploration sur
l’un des sujets les plus brûlants
pour l’Église du XXIe siècle.
Mélinée Le Priol
(1) Pour se procurer la revue :
administration@choisir.ch
 La Croix -jeudi 18 octobre 2018

ÉCONOMIE 17

La trottinette, nouveau sésame

des mobilités urbaines
tTrottinettes, gyroroues
et autres hoverboards
conquièrent l’espace public.
tCes nouveaux modes
de transport posent
aussi le problème du
partage de cet espace.
C e m a t i n d ’o c to b re, d a n s
une rue qui longe le Jardin des
plantes, à Paris, ces deux-là arbo-
rent le même sourire. Sur le trot-
toir, la petite ille d’une huitaine
d’années glisse sur sa petite trot-
tinette rose sous l’œil attentif de
sa mère. Sur une piste cyclable à
contresens de la circulation auto-
mobile, un quadragénaire en cos-
tume cravate roule, droit comme
un « i », sur sa trottinette élec-
trique noire… Un spectacle de plus
en plus courant dans les villes, où
de nouveaux véhicules conquiè-
rent chaussées et trottoirs.

« Au-delà
du sentiment de
praticité, de rapidité
ou d’écologie,
ces engins ne sont pas
simples à utiliser. »

Les spécialistes les appellent
« engins de déplacement per-
sonnel » (EDP). Outre les trotti-
nettes, on y trouve de drôles de
machines comme les gyroroues
électriques : une roue unique
avec un repose-pied de chaque
côté ; ou encore les hoverboards,
planche électrique équipée d’une
roue à chaque extrémité.
À l’occasion du Salon Autonomy
consacré aux mobilités urbaines (1),
la Fédération des professionnels
micro-mobilité (FP2M) et le cabi-
net conseil Smart Mobility Lab dé-
voilent des premiers chifres illus-
trant l’ampleur du phénomène. En
2017, 1,7 million de ces engins ont
été vendus. Des résultats qui n’en-
globent pas les jouets pour enfants.
repères
Un tiers des Français
a testé ces mobilités
Un tiers des Français adultes
a testé au moins une fois
un « engin de déplacement
personnel », selon un son-
dage Smart Mobility Lab pour
la Prévention routière et l’as-
Pratiques, rapides, écologiques, les trottinettes et autres gyroroues doivent être conduits avec prudence. Christophe Simon/AFP
Les trottinettes taillent la route
avec plus de 1,3 million d’uni-
tés mécaniques vendues en 2017
(pour 75 millions d’euros) et près
de 102  000 engins électriques
(pour un total de 63 millions d’eu-
ros). Ludovic, 41 ans, en a acheté
une au printemps dernier, las de la
promiscuité dans le métro mais ne
voulant pas s’encombrer d’un vélo
avec ses risques de vol. « Je peux
la plier et l’emporter pratiquement
partout », dit-il.
Jeanne, jeune mère de famille, a
opté pour les trottinettes en libre-
service, dont quelques centaines
sont proposées par trois entre-
prises. « J’en trouve presque tous
sureur Allianz France en sep-
tembre 2018. Et près de 60 % se
disent prêts à s’en servir à l’ave-
nir. Outre le 1,4 million de trot-
tinettes, il s’est vendu en 2017
près de 300 000 hoverboards,
et plus de 3 500 gyroroues.
Ces engins sont interdits sur le
domaine public au Danemark,
en Italie, au Luxembourg et au
Royaume-Uni. Dans les autres
les matins, alignées sur le trottoir
à quelques mètres de chez moi, dit-
elle. Après avoir transporté mon ils
à l’école, j’en prends une pour aller
travailler, à 3 kilomètres. » Un tra-
jet qu’elle réalise sur les trottoirs…
Le phénomène touche de
nombreuses villes, petites et
moyennes. « Et même le périur-
bain », insiste Fabrice Furlan, pré-
sident de la FP2M. Certains vien-
draient en transport en commun
ou en voiture jusqu’aux lisières
des métropoles, avant de réaliser
les derniers kilomètres avec ces
machines.
Les professionnels s’attendent
à une hausse des ventes ces pro-
pays, ils peuvent être assi-
milés à des vélos (comme en
Allemagne) ou à des piétons
(sous conditions de vitesse)
comme en Belgique.
Plusieurs pays rendent obliga-
toires certains équipements
(éclairages et/ou plaques
d’immatriculation et/ou
avertisseur sonore, ou
encore port du casque).
chaines années, notamment pour
les modèles électriques. « C’est une
tendance de fond, airme Jean Am-
bert, qui a créé Smart Mobility Lab.
Elle s’explique à la fois par la re-
cherche de valeurs de liberté, d’au-
tonomie mais aussi une conscience
environnementale. Avec en outre une
dimension de plaisir. »
Le gouvernement s’apprête à légi-
férer dans le cadre de la prochaine loi
d’orientation des mobilités. « L’appa-
rition de nouvelles solutions de mo-
bilité doit se faire dans des règles de
sécurité et de partage de l’espace pu-
blic », dit-on au ministère des trans-
ports, où l’on évoque les inquiétudes
d’associations de personnes handi-
capées ou de personnes âgées devant
le nombre croissant de ces engins
roulant sur les trottoirs.
Problème : ces derniers sont
fantômes d’un point de vue régle-
mentaire ou normatif. Faute d’être
homologués dans une catégorie
précise, ils n’ont théoriquement le
droit de rouler ni sur les trottoirs,
ni sur les pistes cyclables, ni sur la
chaussée. La loi devrait sans doute
les cantonner sur la chaussée ou
les pistes cyclables, tout en lais-
sant les maires libres de ixer eux-
mêmes leurs règles.
À la mairie de Paris, l’adjoint
chargé des transports, Christophe
Najdovski, espère que la loi don-
nera à une ville ou à une autorité
organisatrice des transports la pos-
sibilité d’imposer des licences aux
opérateurs de ce type de services :
trottinettes, vélos ou scooters.
Aujourd’hui, aucune autorisation
n’est nécessaire. Seul une « charte
de bonne conduite », non contrai-
gnante, a été passée.
L’accidentologie risque aussi
de croître. La Prévention routière
a d’ailleurs décidé de mener le
mois dernier des actions de sen-
sibilisation à Paris, Bordeaux ou
Lyon avec des initiations à ces
machines. « Au-delà du sentiment
de praticité, de rapidité ou d’écolo-
gie, ces engins ne sont pas simples
à utiliser », souligne Anne Lavaud,
déléguée générale de l’association,
qui plaide pour un observatoire de
ces nouvelles mobilités.
Michel Waintrop
(1) Du 18 au 20 octobre à la Grande Halle
de la Villette à Paris.
 La Croix -jeudi 18 octobre 2018

18 ÉCONOMIE

Pascal Pavageau contraint de La majorité

quitter la tête de Force ouvrière veut retoucher
la CSG des retraités
tLa découverte
de l’existence d’un ichier
interne insultant et
discriminatoire au sein
de Force ouvrière
a poussé à la démission
son secrétaire général.
tLe syndicat reste
marqué par la lutte
entre « trotskistes »
et « réformistes ».
Quel symbole ! Ce mercredi
17 octobre, Pascal Pavageau a dû
démissionner de son poste de se-
crétaire général de Force ouvrière
(FO), sept mois à peine après son
élection. Il y a été contraint suite
aux révélations du Canard en-
chaîné sur l’existence d’un ichier
interne trufé d’insultes et de re-
marques discriminatoires à l’égard
de dirigeants du syndicat.
Le même jour, le ministère du
travail a annoncé que Stéphane
Lardy, actuel directeur de cabi-
net adjoint de Muriel Pénicaud,
prendra la tête de la future agence
chargée de chapeauter la forma-
tion professionnelle.
D eux homme s, deux mili-
tants de FO, deux tendances, les
« contestataires » contre les « ré-
formistes ». Pascal Pavageau et
Stéphane Lardy s’étaient portés
candidats en interne à la succes-
sion de Jean-Claude Mailly à la
tête du syndicat. Le premier, fort
Pascal Pavageau. Joël Saget/AFP
du soutien des trotskistes, avait
évincé le second, classé comme
« réformiste », qui avait préféré
prendre le large. Seul candidat,
Pascal Pavageau avait été élu lors
du congrès de Lille d’avril der-
nier, marqué par la violence des
échanges entre le secrétaire géné-
ral sortant et le secrétaire général
entrant.
« FO a été créée à partir d’une al-
liance contre-nature entre des ré-
formistes longtemps majoritaires,
prônant un syndicalisme de négo-
ciation incarné par André Berge-
ron, et des trotskistes, avec pour
seul point commun l’opposition à la
CGT et au Parti communiste, ana-
lyse un responsable syndical, in
connaisseur de FO. Puis les trots-
kistes lambertistes ont décidé de
prendre petit à petit le contrôle du
syndicat. » Une montée en puis-
sance progressive, qui a abouti,
d’après cet observateur, à l’élection
de Pascal Pavageau.
Une fois élu, ce dernier a
d’ailleurs opté pour une ligne
très dure vis-à-vis des pouvoirs
publics, en rupture avec celles
de ses prédécesseurs, n’hésitant
pas à organiser des journées d’ac-
tion en commun avec la CGT, la
« sœur ennemie ». Un positionne-
ment soutenu par les instances
dirigeantes du syndicat… jusqu’à
l’afaire du ichier. Constitué dans
la perspective du congrès de Lille,
élaboré par des proches de Pascal
Pavageau, ce dernier contient des
qualificatifs injurieux vis-à-vis
d’une centaine de dirigeants du
syndicat.
Une fois n’est pas coutume,
trotskistes et réformistes ont fait
front commun ces derniers jours
pour pousser Pascal Pavageau à la
démission. Mercredi 17 octobre, la
commission exécutive du syndicat
réunie en urgence a convoqué un
comité confédéral national extra-
ordinaire les 21 et 22 novembre. Ce
« parlement » du syndicat, où sont
représentées les fédérations et les
unions départementales, devra lui
trouver un successeur.
Emmanuelle Réju
tUn amendement voté
en commission propose
d’exonérer davantage
de retraités de la hausse de
la CSG tout en l’augmentant
à nouveau pour les plus aisés.
L’ofensive surprise a été lancée
par Jean-François Cesarini. Dans
le cadre de la discussion du budget
de la Sécurité sociale 2019, mardi
16 octobre au soir, le député LREM
du Vaucluse a fait adopter un
amendement visant à modiier la
hausse de la CSG appliquée aux re-
traités depuis le début de l’année.
« On voit dans nos permanences de
nombreux retraités modestes tou-
chés par cette hausse. Or, ce que
propose le gouvernement pour y
remédier n’est pas suisant », ex-
plique-t-il.
Cosigné par une vingtaine d’élus
LREM, l’amendement stipule que
la hausse de la CSG ne s’applique
plus aux retraités touchant entre
1 200 et 1 600 € par mois. Ceux-ci
resteraient alors au taux précé-
dent, soit 6,6 %.
Pour inancer cette mesure, il
propose à l’inverse d’augmenter
davantage la CSG pour les retrai-
tés percevant plus de 3 000 € par
mois. Ceux-ci paieraient alors
non plus la CSG relevée au taux
de 8,3 % mais à un taux de 9,2 %.
« Il est normal de demander plus à
ceux qui ont plus », justiie le dé-
puté du Vaucluse.
Malgré l’opposition aichée du
rapporteur général de la commis-
sion, Olivier Véran, et du chef de
ile des élus LREM à la commis-
sion, l’amendement a bel et bien
été adopté. Un vote acquis par
l’alliance d’élus du parti majori-
taire et de la plupart des députés
de l’opposition, droite et gauche
confondues.
« Gilles Le Gendre,
le patron du groupe
s’est fait sonner les cloches. »
Bercy n’a pour le moment pas
officiellement réagi. Mais les té-
léphones ont chauffé. « Gilles Le
Gendre, le patron du groupe s’est
fait sonner les cloches », assure un
député. Le débat est toutefois loin
d’être clos. Lors de l’examen en
séance, la semaine prochaine, le
gouvernement entend bien s’oppo-
ser à cette modiication. Mais pour
emporter l’adhésion de sa majorité,
il pourrait être contraint de faire un
geste supplémentaire pour traiter
le problème des retraités modestes
frappés par la hausse de la CSG.
Mathieu Castagnet

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Les métamorphoses du travail 18 E

SEULEMENT

SOIT 50% DE RÉDUCTION

Banque T Les taux d’intérêt réels
des crédits immobiliers sont négatifs
Les banques françaises ont maintenu en septembre le niveau gé-
néral des taux d’intérêt des crédits immobiliers accordés aux par-
ticuliers, rapporte l’observatoire de l’institut CSA et du Crédit Lo-
Révolution numérique, gement, organisme comprenant les principales banques françaises
frontière entre vie parmi ses actionnaires. Toutes durées confondues, ils ont atteint
1,43 % le mois dernier, ce qui fait qu’ils sont négatifs en termes
professionnelle et vie réels – en prenant en compte une inlation désormais supérieure
personnelle, à 2 %. Ces chifres s’entendent toutefois bruts : ils ne comprennent
par exemple pas l’assurance des prêts, systématiquement demandée
auto-entrepreneuriat…
par l’organisme créancier.

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Sarah Bouillaud
1,8 %
de hausse de salaire des
non-cadres au premier semestre
C’est la plus forte progression sur un an
depuis 2013. Elle est deux fois plus im-
portante qu’un an plus tôt, selon un baromètre du groupe Randstad
calculé à partir de l’analyse de plus de 1,4 million de iches de paie
et publié mercredi 17 octobre. Les salaires des cadres ont eux

grands entretiens : autant de clés augmenté de 2,7 % au premier semestre 2018, la plus forte hausse
pour comprendre aujourd’hui depuis six ans. Pour la première fois depuis 2014, la hausse des
salaires des non-cadres est supérieure à celle du smic (+ 1,2 %).
et se préparer à demain.

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 La Croix -jeudi 18 octobre 2018

RELIGION 19

A Argenteuil,
l’essor d’un sanctuaire
tAu cœur d’une banlieue
fortement déchristianisée,
la basilique Saint-Denys
d’Argenteuil a su se
réinventer à partir du succès,
en 2016, de l’ostension de
la sainte tunique du Christ.
tEn lien avec cette relique,
le sanctuaire diocésain
développe progressivement
une spiritualité propre,
autour des thèmes de
la paix et de la guérison.

Diocèse Argenteuil
de Beauvais

Diocèse de Pontoise
Pontoise
Diocèse
de Versailles
Paris

10 km

Il y a trois ans encore, rares

sont ceux qui auraient pensé
qu’Argenteuil (Val-d’Oise) puisse
devenir un pôle spirituel catho-
lique. La quatrième ville d’Île-de-
France est surtout connue, en ma-
tière religieuse, pour abriter l’une
des plus grandes mosquées de
France. Et pourtant, depuis, deux
ans et demi, le diocèse a su créer
un engouement qui dépasse large-
ment ses frontières, autour de la
précieuse relique abritée dans les
murs de la basilique Saint-Denys
depuis le XIIe siècle : la sainte tu-
nique du Christ.
Ce renouveau a commencé en
2016, lorsque l’évêque de Pontoise,
Mgr Stanislas Lalanne, a décidé
d’organiser une ostension extraor-
dinaire de la sainte tunique pour
célébrer une triple occasion : les
50 ans du diocèse, les 150 ans de la
basilique d’Argenteuil, et l’Année
sainte de la miséricorde décrétée
par le pape François. L’événement,
accompagné d’une communica-
tion parfaitement orchestrée, a
rencontré un succès dépassant les
attentes. En quinze jours, plus de
200 000 personnes ont alué à la
basilique pour vénérer la relique,
restaurée pour l’occasion. Le gain
de notoriété a été immédiat. « Il y
avait même des paroissiens qui ne
savaient pas que la tunique était
dans la basilique », raconte le père
Guy-Emmanuel Cariot, le recteur
de la basilique. Depuis, la fréquen-
tation est en hausse : dans les mois
suivant l’ostension, il a fallu ins-
Les cinq premières veillées Eleison n’ont eu aucune peine à remplir les 700 places de la basilique. Basilique d’Argenteuil
taller 250 chaises supplémentaires
dans la nef.
Une spiritualité propre au lieu
se développe progressivement.
En 2017, le père Cariot, entouré
de bénévoles, a lancé les « veillées
Eleison », des soirées de prière
pour « les malades et leur guérison,
et la libération des âmes tourmen-
tées ». Un thème qui suscite au-
jourd’hui un grand engouement, et
qui tient à cœur au recteur, qui est
aussi exorciste diocésain. « Nous
essayons de ne pas trop jouer sur la
corde sensible : la Parole de Dieu et
la prédication y ont une place im-
portante. » Après cinq premières
soirées, les 700 places de la basi-
repères
Les veillées Eleison
Les veillées Eleison sont consa-
crées à la prière pour « les ma-
lades, leur guérison, et la libé-
ration des âmes tourmentées ».
Elles sont préparées avec l’aide
du document Protection, déli-
vrance, guérison : célébrations
«Des paroissiens
ne savaient même
pas que la Sainte
Tunique était
dans la basilique. »
lique n’ont eu aucune peine à se
remplir. Ces veillées font leur ren-
trée demain soir.
Signe de l’importance parti-
culière occupée désormais par
la basilique dans le diocèse,
Mgr  Lalanne a pris, le 1er janvier
et prières, publié en mai 2017
par la Conférence des évêques
de France.
En réponse à l’appel du pape,
dans le contexte des scandales
qui touchent l’Église, la prière
lors des veillées s’élargira cette
année à « une supplication
pour la conversion intérieure
et la guérison du corps
qu’est l’Église ».
2018, un décret lui conférant le
statut de « sanctuaire de la misé-
ricorde ». « Un lieu privilégié pour
expérimenter la miséricorde de
Dieu, en particulier à travers le sa-
crement du pardon pour lequel les
prêtres assurent une permanence
régulière », explique l’évêque.
Désormais, la basilique souhaite
se doter de nouvelles infrastruc-
tures : le père Cariot et son équipe
recherchent des locaux pour y
installer une salle de conférence
ainsi qu’un accueil du pèlerin.
Ce développement se fait sous
le regard bienveillant de la muni-
cipalité. « Argenteuil dispose d’un
riche patrimoine historique, et le
Les veillées comportent
des lectures de la Bible, une
prédication, une procession
devant la sainte tunique et un
temps de prière et d’adoration.
Les idèles sont aussi invités
à jeûner le jour des veillées.
Les dates. Vendredi 19 octobre
(de 20 heures à 22 heures),
puis les 7 décembre, 1er février,
15 mars et 24 mai.
développement de la basilique per-
met de le mettre en valeur », se ré-
jouit Georges Mothron, maire (LR)
de la ville. « Cela permet aussi un
rééquilibrage religieux à l’échelle de
la ville », salue-t-il, tout en souli-
gnant que les événements autour
de la basilique n’ont jamais occa-
sionné de tensions avec la popu-
lation musulmane. Le maire, du
reste, verrait d’un très bon œil que
les ostensions de la sainte tunique
aient lieu plus régulièrement
qu’une fois tous les cinquante
ans, la fréquence actuellement
en vigueur. Ce que souhaite aussi
Mgr Lalanne : « Aucune date n’est
encore prévue pour la prochaine
ostension mais il est clair que nous
n’attendrons pas cinquante ans ! »
Pour l’heure, le père Cariot se
laisse aller à un rêve, celui que le
pape François, s’il venait un jour
en France, fasse étape dans sa basi-
lique. « Argenteuil est typiquement
une ville de la périphérie », argu-
mente le recteur, qui s’en félicite :
« Je trouve cela beau que la tunique
du Christ soit conservée ici, plutôt
que dans le 8e arrondissement ! »
Gauthier Vaillant

20
entretien
« Il faut surmonter les frontières de l’Europe,
pas en créer de nouvelles »
Mgr Matteo Zuppi
Archevêque de Bologne
tLes 32es rencontres
« Hommes et religions »
organisées à Bologne par
la communauté de Sant’Egidio
se sont achevées mardi
16 octobre.
tL’archevêque de la ville,
Mgr Matteo Zuppi,
longtemps pilier de
la communauté, en exprime
la portée, notamment face
à la montée du populisme
en Italie et dans toute l’Europe.
Bologne (Italie)
De notre envoyé spécial
Que signiiait pour Bologne
d’accueillir la rencontre
interreligieuse de prière
pour la paix, organisée par
la communauté de
Sant’Egidio ?
Mgr Matteo Zuppi : Bologne
– où se trouve la plus ancienne uni-
versité d’Europe – a toujours été un
pôle de rélexion sur le mystère que
constitue la vie des hommes. Les
religions en constituent une part
si fondamentale qu’elles trouvent
facilement leur place dans la tra-
dition de dialogue culturel qui est
celle de notre ville. Nous avons tant
Le pape a son propre réseau de prière
tConsacré en mars
2018 « œuvre pontiicale »,
le Réseau mondial de prière
du pape relaie largement
l’appel du pape François à
prier chaque jour le rosaire
et saint Michel archange
contre la crise que traverse
l’Église.
tDerrière les appels
sur les réseaux sociaux,
l’organisation centenaire
connaît un renouveau
sous l’impulsion de Rome.
« Un réseau poussiéreux et peu dy-
namique. » Voici la manière dont
le père Frédéric Fornos, jésuite
français et directeur international
du Réseau mondial de prière du
pape (RMPP), voyait l’Apostolat de
la prière – son nom à l’époque –,
lorsqu’il a été chargé de le remettre
sur pied, en 2009. Il faut dire que
le mouvement fondé en France par
les jésuites en 1844, et qui possède
Crédit : M.Migliorato/CPP/Ciric
besoin de culture ! Les religions
sans la culture deviennent plus fa-
cilement la proie d’idéologies ou de
fondamentalismes.
La rencontre de cette année
était intitulée « Ponti di pace »,
ponts de paix. Ne sommes-nous
pas dans une période où l’on
construit beaucoup plus
de murs que de ponts ?
Mgr M. Z. : Les murs sont le fruit
de la peur. Quand on a peur, instinc-
tivement, on s’enferme. Alors que
la peur pourrait être un instrument
pour augmenter notre conscience.
Les murs ne peuvent jamais être
une solution. Ils compliquent les so-
lutions parce qu’ils cachent l’autre
qui pourtant existe bien. Il donne
un faux sentiment de sécurité. Nous
devons au contraire créer des liens
vrais, des relations directes.
Créer des ponts, n’est-ce pas
plusieurs branches dont le Mouve-
ment eucharistique des jeunes, se
faisait vieillissant au début des an-
nées 2000.
Mais le coup d’accélérateur décisif
est donné par le pape François qui
décide, en 2014, d’en faire son ré-
seau personnel de prière, renommé
Réseau mondial de prière du pape.
Concrètement, François transmet
directement les intentions de prière
au réseau qui ensuite les difuse. « Le
pape est un homme qui croit énormé-
ment à la force de la prière, » insiste
le père Frédéric Fornos.
C’est ainsi que, en pleine crise
des abus sexuels, François a de-
mandé au début du mois d’octobre
de transmettre à l’ensemble des ca-
tholiques l’invitation à prier chaque
jour le rosaire, ainsi que saint Mi-
chel archange contre le diable.
Aussitôt, l’organisation, consacrée
« œuvre pontiicale » en mars 2018,
s’active via les réseaux sociaux et
réalise une « vidéo du pape » comme
elle en fait chaque mois.
La Croix -jeudi 18 octobre 2018
RELIGION
s’exposer au risque de perdre
son identité, crainte forte
actuellement en Europe ?
Mgr M. Z. : C’est la fermeture
qui menace l’identité. Pas l’ou-
verture. L’identité sans les autres
est une identité faible. En réalité,
la vraie identité est relationnelle,
elle sait dialoguer avec les autres.
« L’esprit d’Assise » continue-
t-il de se développer ? Ou bien
ces rencontres annuelles
interreligieuses sont-elles
devenues une sorte de club
au faible renouvellement ?
Mgr M. Z. : Il y a toujours ce
risque. Mais l’esprit d’Assise a déjà
donné tant de fruits ! Des choses
qui apparaissaient impossibles
sont devenues plus faciles et quasi
évidentes. C’est comme pour les
ponts : quand il n’y en a pas, il pa-
raît impossible de passer d’un en-
droit à un autre. Quand il y en a, on
se rend compte à quel point ils sont
indispensables. Et lorsque, comme
à Gênes, malheureusement, ils s’ef-
fondrent, tout s’arrête, tout devient
beaucoup plus compliqué. Il faut
concevoir des ponts, les construire
et ensuite les entretenir.
Quel est le message adressé
par ces rencontres
au gouvernement italien
et à sa igure de proue,
Matteo Salvini ?
Mgr M. Z. : Le message est pour
tous. Car la paix a besoin de tous.
Ces petites « vidéos du pape »
sont un des outils qui ont contribué
à relancer le Réseau mondial de
prière du pape. D’ailleurs, preuve
de leur qualité, elles ont remporté
12 prix de production vidéo dans
des festivals internationaux.
« Le pape est un homme
qui croit énormément
à la force de la prière. »
Des plateformes ont été créées
comme « ClickToPray », qui per-
met de retrouver en quelques ins-
tants ces vidéos et les intentions de
prière du pape, souvent en rapport
avec l’actualité et les grands déis
du monde.
Aujourd’hui, le RMPP, qui compte
environ 35 millions de membres
dans 89 pays, souhaite revenir dans
les paroisses, lieu historique de
l’Apostolat, en formant des petits
groupes de prière. Ces derniers, très
présents en Amérique du Sud, sont
Notre pays considère le présent
avec difficulté, avec peur. C’est
seulement si nous savons regar-
der l’avenir que nous pourrons
trouver des solutions pour le pré-
sent. Nous avons parlé d’accueil,
d’immigration, des corridors hu-
manitaires. Nous avons réfléchi
sur tant de soufrances, en parti-
culier celle des pays frappés par
la guerre. Cela peut nous aider à
mieux comprendre les demandes
qui nous sont adressées, même si
elles peuvent nous déranger.
Les élections européennes
approchent. Les partis
populistes en attendent
un grand succès. Quel
est l’enjeu à vos yeux ?
Mgr M. Z. : L’Europe traverse
une période diicile, à l’évidence.
Mais il est inconcevable de retour-
ner en arrière. Au contraire nous
devons faire mieux fonctionner
l’Europe. Il faut une volonté forte.
Elle peut venir de la conscience
des souffrances de la guerre qui
a ravagé deux fois l’Europe au
XXe siècle. Or, la vraie réponse à
la guerre, c’est l’Europe unie. Les
nationalismes veulent dissoudre
l’Europe, qui est en réalité notre
nation. Il faut surmonter les fron-
tières, pas en créer de nouvelles.
L’Europe est un héritage que nous
ne pouvons pas nous permettre de
perdre.
Recueilli par Guillaume Goubert
quasiment inexistants en France.
Marie-Dominique Corthier, coor-
dinatrice francophone et assistante
européenne du réseau mondial,
compte bien changer la donne. Im-
plantée à Toulouse, elle essaie de
donner vie à de petits groupes pa-
roissiaux pour prier spécialement
les intentions du pape. « Notre
ambition est de créer des relais qui
font connaître nos plateformes nu-
mériques et aident les personnes à
participer à la prière du pape » ex-
plique-t-elle.
En 2019, d’ailleurs, l’ensemble des
responsables du réseau ira rencon-
trer le pape à l’occasion du 175e an-
niversaire du mouvement. En vue
de cet événement, Marie-Domi-
nique Corthier a déjà pris contact
avec l’ensemble des évêques fran-
çais pour leur demander d’y en-
voyer une personne de leur diocèse.
Cette dernière se fera ensuite por-
teuse de la prière du pape auprès de
sa communauté diocésaine.
Julien Tranié
essentiel
Espagne T
L’Église espagnole
se penche sur la question
des abus sexuels
La Conférence épiscopale espa-
gnole a annoncé, le 16 octobre,
son intention d’adopter de
nouvelles mesures pour mieux
prévenir les abus sexuels en
son sein. Une commission a été
créée pour mettre à jour « les
protocoles d’actions de l’Église
espagnole dans le traitement des
cas d’abus sur mineurs du point
de vue juridique et canonique ».
Elle sera aussi chargée de pré-
parer le sommet sur cette ques-
tion qui se tiendra avec le pape
François, en février prochain.
France
La commission
des lois du Sénat
pour une mission
d’information sur
les abus sexuels
La demande émanant du
groupe socialiste pour la créa-
tion d’une commission d’en-
quête parlementaire sur les
abus sexuels commis au sein de
l’Église catholique en France a
été jugée irrecevable, le 17 oc-
tobre, par la commission des
lois du Sénat. Cette décision
devait être conirmée, sauf
énorme surprise, le soir, en
conférence des présidents. La
commission des lois propose à
la place la création d’une « mis-
sion commune d’information
sur la prévention et la protec-
tion contre les abus sexuels dans
tous les lieux d’accueil des mi-
neurs ». Elle dépasserait ainsi le
seul cadre de l’Église.
Japon T
Le premier ministre
fait porter une ofrande
au sanctuaire Yasukuni
Le premier ministre japonais,
Shinzo Abe, a fait porter hier
une ofrande au sanctuaire
controversé Yasukuni, dédié
aux âmes des 2,5 millions de
soldats tués lors des guerres
menées par le Japon depuis le
XIXe siècle, parmi lesquelles
igurent 14 criminels de la
Seconde Guerre mondiale.
Cette ofrande – un arbre sacré
portant son nom – intervient
alors que le grand prêtre du
sanctuaire Yasukuni vient de
démissionner après avoir criti-
qué l’empereur du Japon.
X sur la-croix.com
t Pour poursuivre leur
expansion, les patronages
se structurent

Brive et Tulle, unies
par les liens du théâtre
tHistoriquement
rivales, les deux communes
inaugurent l’Empreinte,
une scène nationale.
tNée de la fusion
de leurs théâtres,
elle a l’ambition de rayonner
en Corrèze, en privilégiant
les représentations
hors les murs.
Brive-la-Gaillarde et Tulle (Corrèze)
De notre envoyée spéciale
L’heure de la réconciliation
entre Brive et Tulle a-t-elle sonné ?
C’est en tout cas le message qu’en-
voie le lancement de l’Empreinte,
scène nationale née de la fusion
de leurs théâtres municipaux.
D’un côté, les Treize Arches, à
Brive, conventionné en 2012 après
d’importants travaux de rénova-
tion. De l’autre, les Sept Collines
à Tulle, conventionné dès 1999.
Deux salles que séparent moins
de 30 kilomètres.
« On partage un même bassin
de population, la logique voulait
qu’on unisse nos forces », explique
Nicolas Blanc, à la tête de ce nou-
vel établissement public de coo-
pération culturelle (EPCC). An-
cien directeur des Scènes croisées
de Lozère, ce quadragénaire, at-
tentif à l’accessibilité du théâtre
à tous les publics, a été nommé
en 2017 par Audrey Azoulay,
alors ministre de la culture, qui
conirmait ainsi l’attribution du
label « scène nationale » aux deux
salles réunies. Financée par les
deux villes, ainsi que par l’État, la
région Nouvelle-Aquitaine et le
département de la Corrèze, l’Em-
preinte dispose d’un budget an-
nuel de 3,15 millions d’euros.
Le ministère de la culture plai-
dait de longue date en faveur
d’une coopération culturelle entre
la sous-préfecture et la préfecture
de Corrèze pour « dynamiser » le
repères
Le label « scène
nationale », des droits
et des obligations
La création de l’Empreinte
porte à 76 le nombre de scènes
nationales en France. Lancé
en 1990, dans la continuité de
la politique de décentralisa-
tion culturelle menée depuis
les années 1970, le label « scène
nationale » est attribué par le
ministère de la Culture à des
théâtres publics, la plupart
implantés dans des villes
dites « moyennes » (de
50 000 à 200 000 habitants).
Bertrand Bossard a créé la « visite déguidée », une performance entre Brive et Tulle. Olivier Soulié/L’Empreinte
25 km
Creuse
Haute-
Vienne
Ussel
Uzerche CORRÈZE
Dordogne
Tulle
Cantal
Beaulieu-
sur-Dordogne
Brive-
la-Gaillarde
territoire. Brive, poumon écono-
mique du département, est passée
sous le seuil des 50 000 habitants.
Quant à Tulle, 14 000 habitants,
elle a beaucoup pâti de la ferme-
ture, en 1990, de la manufacture
d’armes, qui faisait sa ierté et em-
ployait 5 000 ouvriers. Des années
Les scènes nationales ont
pour mission d’être des lieux
de production et de difusion
de la création contemporaine
dans le domaine du spectacle
vivant.
Le soutien inancier des collec-
tivités locales et de l’État à tra-
vers les Directions régionales
des afaires culturelles (Drac)
les engage à remplir un certain
nombre de missions : propo-
ser une programmation plu-
ridisciplinaire ; œuvrer à l’ac-
cessibilité des spectacles à un
public le plus large possible ;
ou encore porter une attention
particulière à l’enfance et
la jeunesse.
La Croix -jeudi 18 octobre 2018
CULTURE
de négociation auront été néces-
saires pour qu’un accord politique
soit trouvé entre le maire de Brive,
Frédéric Soulier (LR), et celui de
Tulle, Bernard Combes (PS). « C’est
un signe fort de voir que le rappro-
chement se concrétise sur le terrain
culturel, quand il n’a pas abouti
dans les domaines de la santé et
des transports », souligne Natha-
lie Besançon, directrice adjointe
de l’Empreinte.
Il faut dire qu’entre Brive-la-
Gaillarde et Tulle « la paillarde »,
comme on l’appelle, la rivalité est
ancienne. Quand Brive, urbaine
et commerçante, a des airs de cité
méridionale, Tulle, plus proche
du Massif central, a l’image d’un
bourg rural.
L’histoire raconte qu’elle aurait
pu prendre l’ascendant sur sa voi-
sine si Mgr Berteaud, évêque de
Tulle, ne s’était vivement opposé
à l’arrivée du chemin de fer, crai-
gnant de voir la cité dénaturée.
« On peut consulter son discours
aux archives de la ville », indique
Nicolas Blanc, désormais au fait
du passif entre les sœurs enne-
mies de Corrèze. Arrivée en 1860
à Brive, la gare en a fait une ville
moyenne. Tulle attendra onze ans
pour la sienne.
« C’est de l’histoire ancienne »,
a assuré le maire de Tulle lors de
l’inauguration oicielle de l’Em-
preinte, donnant pour exemple
le succès de Tulle-Brive Nature,
une manifestation sportive impli-
quant les deux villes. Néanmoins,
« l’annonce d’une scène nationale
a généré beaucoup d’inquiétudes
et de questions », souligne Nicolas
Blanc. À Tulle surtout, où l’on crai-
gnait que les Treize Arches fassent
de l’ombre aux Sept Collines.
Pour rassurer, le directeur et
son adjointe ont créé un blog in-
formant sur le projet, et impliqué
les habitants dans le choix d’un
nom pour « leur » scène nationale.
L’Empreinte s’est imposée, hom-
mage au roman éponyme de Pierre
Bergounioux – un Corrézien, évi-
demment.
Nicolas Blanc a eu un an pour
élaborer sa première saison, mê-
lant théâtre, danse et musique.
Une soixantaine de spectacles sont
programmés, dont 19 créations ou
premières et 21 spectacles pour le
jeune public. « Si nous voulons culti-
ver un lien fort avec les spectateurs,
il faut circuler, aller dans les com-
munes environnantes, investir les
lieux de patrimoine et l’espace pu-
blic », insiste le directeur.
À l’image de l’excellente adapta-
tion des Trois Mousquetaires par
le collectif 49 701, qui a fait étape
à Tulle, dans le parc de la Mairie,
et poursuivi le lendemain à Brive,
au Musée Labenche. Sans oublier
la facétieuse « visite déguidée » de
Bertrand Bossard, performance
à bord d’une navette reliant les
théâtres de Brive et Tulle. Mo-
quant leurs querelles, le comédien
a dressé une liste d’adjectifs rimant
avec briviste et tulliste, de « défai-
tiste » à « opportuniste ». Et un pas-
sager de s’aventurer : « optimiste ? »
Jeanne Ferney
Rens. : 05.55.22.15.22, sn-lempreinte.fr
21
essentiel
Architecture T
La rénovation
des Amandiers coniée
au cabinet Snohetta
La réhabilitation du théâtre
des Amandiers, à Nanterre, a
été coniée au cabinet d’archi-
tecture norvégien Snohetta,
qui a réalisé l’Opéra d’Oslo et
la Bibliothèque d’Alexandrie,
ont indiqué la ville de Nanterre,
le conseil départemental des
Hauts-de-Seine, la région Île-
de-France et le ministère de la
Culture. Les travaux débuteront
en janvier 2020 pour une
livraison début 2022, sans
que le théâtre interrompe
son activité durant le chantier.
Littérature
Anna Burns
remporte le Man
Booker Prize
Anna Burns est la première
Nord-Irlandaise à remporter le
Man Booker Prize, prestigieux
prix littéraire décerné chaque
année au meilleur ouvrage de
iction en langue anglaise, avec
son roman Milkman. Le jury a
qualiié de « totalement singu-
lier » son exploration de la vio-
lence omniprésente durant la
période des « troubles » en Ir-
lande du Nord. « Aucun d’entre
nous n’a jamais rien lu de sem-
blable auparavant », a airmé
Kwame Anthony Appiah, prési-
dent du jury 2018. Anna Burns,
née à Belfast en 1962, a écrit son
roman à la première personne,
d’une traite et sans paragraphe.
Agenda T
24 Heures du Mans
musicales
Samedi 20 et dimanche 21 
octobre, 12 musiciens et 12 
musiciennes feront le tour du
cadran en proposant des ré-
citals de piano couplés à des
projections et performances
scéniques sous la verrière de
l’École supérieure des beaux-
arts. Dix-huit spectacles
s’enchaîneront lors de ces
24 Heures du Mans musicales,
de 15 heures samedi à 15 heures
dimanche, avec, notamment,
un il rouge autour du cente-
naire de la mort de Debussy et
l’intégrale de sa musique pour
piano en douze mini-récitals.
Rens. : pianoctambule.com
X sur la-croix.com
t Les ilms à voir
en famille pendant
les vacances de Toussaint
t « Orphée et
Eurydice » à l’Opéra-
Comique et sur Arte

22
carnet
décès
t Bernard et Monique Morel,
Christian et Armelle Morel,
Marie-Noël et François Boneu,
Véronique et
Jean-Marc Bonnisseau-Morel,
ses enfants ;  Lieudit « Chemin de Vaux » - n° 131 – n° 135 - n° 136 de la Commune
ses petits-enfants
et arrière-petits-enfants
ont la tristesse de vous faire
part du décès de  92128 Montrouge Cedex.
Annik MOREL
née Prat
survenu le
dimanche 14 octobre 2018
à l’âge de 94 ans.
Elle rejoint son mari,
Pierre Morel,
décédé le 28 septembre 2005.
Ses obsèques seront célébrées
vendredi 19 octobre à 10 heures
à l’église Saint-Saturnin d’Antony,
l’inhumation aura lieu
au cimetière des Gonards
à Versailles.
bloc-notes
Avignon
Rencontre
Réflexions autour du travail et
de l’activité dans notre société :
thème de la 9e Rencontre Joseph
Persat, le 20 octobre de 8 h 45
à 18 heures. Des ateliers théma-
tiques, tables-rondes et débats,
avec la participation de
Claude-Emmanuel Triomphe,
directeur du travail, conseiller
du haut-commissaire
à l’engagement civique.
Lycée Saint-Joseph, 45 rue
du Portail-Magnanen, Avignon.
Programme de la journée et inscription :
www.masdecarles.org
Paris
Colloque
La Croatie face à ses destinées.
De la sujétion (1918) à l’émancipa-
tion (1991-1995) : origines, nature,
chronologie des événements et
leurs interprétations, le 20 octobre
de 9 heures à 18 heures. Plusieurs
conférences et tables-rondes
t La famille Courtois.
La famille de
M. Jean-Michel COURTOIS
vous fait part de son décès
à Aix-les-Milles,
le 10 octobre 2018, à l’âge de 77 ans.
Priez pour lui.
Transmission du carnet
Par courrier : 18, rue Barbès,
Par téléphone : de 9 heures
à 17 heures au 01 74 31 66 06
(du lundi au vendredi)
Par fax : 01 74 31 60 03
E-mail : carnetlacroix@
bayardmedia.fr (Préciser nom,
adresse et n° de téléphone)
Les textes doivent parvenir
avant 11 h pour une parution
le lendemain.
La ligne : 20 € TTC.
La ligne en gras est facturée
sur la base de deux lignes.
Remise de 10 % à nos abonnés.
Remise de 50% pour les iançailles,
mariages et baptêmes.
d’historiens et responsables
politiques, membres du Conseil
représentatif des institutions
et de la communauté croates
de France et de l’Association
des anciens étudiants
des universités de Croatie.
Université Panthéon-Assas,
12 place du Panthéon, 75005
(Salle des conseils, 2e étage).
Inscriptions :
colloque.25ans@laposte.net
Soirée-débat
Accueillir les exilés :
une menace ou une chance ? :
le 25 octobre à 19 h 30, rencontre
organisée au Centre Sèvres
à l’occasion de la publication
du livre de Véronique Albanel,
présidente de JRS France
(Service jésuite des réfugiés),
La Fraternité bafouée.
Sortir de la peur du « grand
remplacement » (Éd. de l’Atelier).
35 bis rue de Sèvres, 75006 Paris.
Site : www.centresevres.com
Nathalie Jira
(agenda.lacroix@
bayard-presse.com)
La Croix -jeudi 18 octobre 2018
Services
annonces légales
COMMUNIQUÉ NATIONAL
Ces oppositions doivent être présentées
devant le Tribunal de Commerce de PARIS.
Pour avis
AVIS
92-Hauts-DE-sEinE
Commune d’ARS-SuR-moSeLLe
AVIS AuX FInS d’IdenTIFICATIon eT d’IndemnISATIon transfErt DE sièGE
Dans le cadre de l’expropriation des parcelles cadastrées section 5 – COM’SY
S.A.R.L. au capital de 7.500 €
d’ARS-SuR-moSeLLe dans le but de réaliser l’aménagement de la rue Siège social : 15, villa Rougier,
des Forges & Boulonneries, la création d’un parking, d’un espace vert 92700 COLOMBES
et d’une aire de jeux, la Commune entreprend l’indemnisation des pro-
RCS NANTERRE 403.073.133
priétaires, usufrutiers, locataires ou ayants-droits sur la/les parcelle(s)
Aux termes d’une délibération en date
ci-dessus désignée(s). du 20/09/2018, l’AGE des associés a décidé de
transférer le siège social au 18, allée des Lys,
Le projet a été déclaré d’utilité publique par arrêté préfectoral le 21 95600 EAUBONNE à compter du 20/09/2018,
Décembre 2016 et l’ordonnance d’expropriation a été rendue le 06 Avril et de modiier en conséquence l’article 4
2017. des statuts. La société sera immatriculée
au RCS de PONTOISE.
Conformément aux dispositions des articles L.311-1 et suivants du Code Pour radiation au RCS de NANTERRE.
de l’Expropriation, tout propriétaire, usufruitier, titulaire sont tenus de
se faire connaître en mairie d’ARS-sur-MOSELLE (service urbanisme)
dans un délai d’un mois à compter de la publication du présent avis en
produisant ou en consignant tout document ou titre justiiant du degré Pour vos annonces
de parenté avec le propriétaire inscrit au Livre Foncier ainsi que les
droits obtenus sur la/les parcelle(s) concernée(s). judiciaires et légales
Contact : Média Marketing
MENTS LIMITED dont le siège social est au 01 41 38 86 15.
75 - Paris 563 Chiswick High Road -London W4 3AY, E-mail : lacroix@mediamarketing.fr
ENGLAND, a, en sa qualité d’associé unique,
décidé la dissolution anticipée de la société Par arrêté des préfets
Constitution ELIJA OPTIQUE des départements intéressés,
Par acte SSP du 14/09/2018, il a été constitué SAS au capital de 10.000 € divisé en 100 La Croix a été désigné comme
une SASU dénommée : actions de 100 € chacune de valeur nominale,
publicateur oiciel pour recevoir,
K&G CONSTRUCTIONS
Capital : 1 000 €
dont le siège social est 2 Passage Flourens
-75017 PARIS- RCS PARIS 519 120 224,
à efet rétroactif au 1/01/2018.
en 2018, dans les départements de Paris
Objet : Tous travaux de second œuvre, Cette décision de dissolution fera l’objet (5,50 €), Essonne (5,25 €), Hauts-de-
rénovation, agencements, aménagement, d’une déclaration auprès du Grefe du Seine (5,50 €) et Val-de-Marne (5,50 €)
revêtements des sols et murs, maçonnerie, Tribunal de Commerce de PARIS.
tous travaux de bâtiment, apporteur Conformément aux dispositions de l’article toutes les annonces judiciaires et légales,
d’afaire, toute importation et exportation, 1844-5, alinéa 3 du Code Civil et de l’article 8
en matière de procédure civile et de
achat et vente en gros, demi-gros et détail
de tout produit non réglementé,
alinéa 2 du Décret n°78-704 du 3 juillet 1978,
les créanciers de la société ELIJA OPTIQUE commerce, ainsi que les actes de société.
Siège social : 8 Rue des Pâtures 75016 PARIS peuvent faire opposition à la dissolution
Président : M. BERK Kenan, demeurant dans un délai de trente jours à compter
Tarifs H.T. à la ligne déinis par l’arrêté
47 Rue Théophile le Tiec, 91520 EGLY de la publication du présent avis. ministeriel du 21 décembre 2017.
Cession d’action et agréments :
Les cessions d’actions sont soumises à
l’agrément de la collectivité des associés
Durée : 99 ans à compter de l’immatricula-
tion au RCS de PARIS
Par acte SSP du 15/10/2018 il a été constitué
une EURL dénommée :
BENOIT PIERRE EURL
Siège social : 100 Rue de Belleville,
75020 PARIS
Capital : 200 €
Objet social : Agent commercial
produits de luxe
Gérant : BENOIT PIERRE,
100 Rue de BelleVille, 75020 Paris
Durée : 99 ans à compter de
son immatriculation au RCS de Paris
CHanGEMEnt DE
GErant / PrEsiDEnt
LOCASUD
SCI au capital de 1 000 €
Siège : 9 rue Baudoin, 75013 PARIS
RCS PARIS 528.223.662
Suite à l’AGE du 12/02/2018, il a été décidé
la nomination comme cogérante de Mme
Isabelle LAFLEUR, demeurant 7, avenue de
Ségur, 75007 PARIS. Avis au RCS de PARIS.
DissoLution
sans LiQuiDation
Aux termes d’une décision en date du
16/10/2018, la société DARMA INVEST-
 La Croix -jeudi 18 octobre 2018

Télé-radio 23

le choix de La Croix

Transformer l’atrocité
Envoyé spécial
Syrie, les rescapés de l’enfer
À 21 h 10 sur France 2
Trois syllabes hantent le corps
et le cœur d’Imad : Saidnaya. C’est
le nom d’une efroyable prison, à
30 km de Damas, entre les murs
de laquelle ce jeune Syrien réfu-
gié à Istanbul a passé deux ans
et demi, jusqu’en 2015. Étudiant
en économie, Imad participait
aux manifestations contre le ré-
gime de Bachar Al Assad. Arrêté
comme tant d’autres, il a été in-
carcéré. Après avoir séjourné dans
trois centres de détention difé-
rents, il a été transféré à Saidnaya.
« J’ai regretté la tendresse de ces
Des images satellite pour documenter les crimes d’Assad. FTV trois autres prisons », dit-il.
Ayant recueilli les témoignages
de rescapés, auprès des jour-
nalistes à l’origine de l’enquête
– Virginie Vilar, Guillaume Beau-
ils, Matthieu Rénier et Nils Mon-
tel –, ce reportage pour « Envoyé
spécial » déroule une liste non
exhaustive des inimaginables
tortures en vigueur dans cet en-
fer carcéral. L’épouvantable « fête
de bienvenue », le noir complet
pendant toute la durée de la dé-
tention, l’interdiction de parler,
l’obligation de tuer un camarade
de cellule à moins de l’être soi-
même… D’après Amnesty Interna-
tional, entre 5 000 et 13 000 pri-
sonniers auraient été assassinés à
Saidnaya de 2011 à 2015.
Le reportage ne se résume pas
à un bréviaire de l’horreur. Il s’at-
tache à décrire les atrocités dans
leurs moindres détails –  pho-
tos satellites, reconstitution de
cellules en 3D, des bruits et du
rythme de coups, des pas des gar-
diens à l’aide d’un ingénieur du
son –, avec un objectif : nourrir un
dossier qui, un jour, pourrait ali-
menter un acte d’accusation dans
le cadre d’un procès du régime de
Bachar Al Assad.
La perspective est lointaine
et hypothétique mais, de la Sy-
rie à l’Europe en passant par la
Turquie, des enquêteurs indé-
pendants œuvrent aussi dans ce
sens. Un travail pour l’histoire
ainsi qu’une entreprise expia-
toire. « Saidnaya reste en moi »,
dit Imad.
Marianne Meunier

TF 1 France 2 France 3 Arte France 5 M6 Et aussi...

11.00 Les feux de l’amour; 9.35 Amour, gloire et 9.15 Chroniques médi- 12.50 Arte journal ; 13.00 9.20 La maison des Ma- 10.00 Jane the Virgin ; Canal+ CRYPTÉ : 21.10
12.00 Les douze coups beauté ; 10.00 C’est au terranéennes ; 9.50 9H50 Arte regards ; 13.35 Ano- ternelles ; 10.20 Des 12.45 Le 12.45 ; 13.30 Castle Rock. Série améri-
de midi: « Spécial ELA »; programme ; 10.50 Mo- le matin ; 10.50 L’instant ther Country. Drame de trains pas comme les Scènes de ménages ; caine : Deux épisodes. 0
13.00 Journal; 13.55 Du tus ; 11.20 Les Z’amours ; R ; 11.15 Midi en France : Marek Kanievska ; 15.35 autres ; 10.50 Au pays 13.40 La cerise sur le Avec André Holland.
rêve au cauchemar. 0 12.00 Tout le monde « Depuis Nyons » ; 12.00 Drokpa ; 16.30 Invitation des neiges ; 11.45 La quo- gâteau de mariage. Té- France 4 20.55 Le jour
Téléilm de Jerell Rosales; veut prendre sa place ; 12/13 ; 12.55 Météo à la au voyage ; 17.05 X:enius ; tidienne ; 13.05 Entrée léilm sentimental de d’après. 0 Film catas-
15.35 Une rentrée qui 13.00 Journal ; 13.55 Ça carte ; 13.50 Rex ; Trois 17.35 A la rencontre des libre ; 13.40 Le magazine Bradford May ; 15.30 trophe américain (2004),
tourne mal. 0 Téléilm de commence aujourd’hui ; épisodes ; 16.10 Des peuples des mers; 18.05 de la santé ; 14.40 Allô, Radio romance. Téléilm de Roland Emmerich,
Jesse James Miller; 17.10 15.05 Je t’aime, etc ; 16.15 chifres et des lettres ; La Corée du Sud, le pays docteurs! ; 15.15 L’école sentimental de Kristofer avec Dennis Quaid.
Quatre mariages pour une Afaire conclue... ; 17.55 16.45 Personne n’y avait aux multiples miracles: des bébés animaux ; 15.40 Tabori ; 17.20 Les reines LCP 20.30 Vie scolaire.
lune de miel; 18.15 Bien- Afaire conclue : la vie pensé! ; 17.30 Slam ; 18.10 « Une cité médiévale » ; Manaslu, royaume fragile du shopping ; 18.30 La Documentaire .
venue chez nous; 19.20 des objets ; 18.05 Tout le Questions pour un cham- 19.00 Un jour sur terre, de l’Himalaya ; 16.35 Dé- meilleure boulangerie NRJ 12 20.55 Le code a
Demain nous appartient; monde a son mot à dire ; pion ; 18.45 40 ans de de la Norvège à la Nami- penses fantômes ; 17.30 C de France : « Finale natio- changé. Comédie drama-
20.00 Journal; 20.35 Le 18.40 N’oubliez pas les Route du Rhum ; 19.00 bie : « Petits et grands hu- à dire?! ; 17.45 C dans l’air ; nale : à chacun son lan » ; tique française (2009), de
20h le mag; 20.50 C’est paroles ; 20.00 Journal ; 19/20 ; 20.00 Vu ; 20.20 mains » ; 19.45 Arte jour- 19.00 C à vous ; 20.20 En- 19.45 Le 19.45 ; 20.25 Danièle Thompson, avec
Canteloup. 20.45 Un si grand soleil. Plus belle la vie. nal ; 20.05 28 minutes. trée libre. Scènes de ménages. Karin Viard (1 h 55).
RTL 9 20.40 Jerry Ma-
21.00 Insoupçonnable. 21.10 Envoyé spécial. 21.00 Line of Duty : 20.55 The Team. Série 20.55 Psammetique, le 21.00 Deadpool. 2 Film guire. 0 Comédie drama-
Série française: « Épisodes Magazine présenté par enquêtes internes. Sé- germano-danoise : « Épi- pharaon retrouvé. Docu- d’action américain (2016), tique américaine (1996),
9 et 10 ». 0 Avec Emma- Elise Lucet. Les repor- rie britannique (saison sodes 1 à 3 ». Avec Jürgen mentaire de Luke McLau- de Tim Miller, avec Ryan de Cameron Crowe,
nuelle Seigner, Melvil tages :Déchets : les fast- 4, 4 à 6/6). Avec Mar- Vogel, Lynn Van Royen. ghlin. A la rencontre de Reynolds, Morena Bacca- avec Tom Cruise.
Poupaud. Brodsky est foods hors-la-loi? Syrie, tin Compston, Vicky Une série de meurtres en- Psammétique 1er, l’un rin (2 h 05). Un mauvais
traqué par Chloé, qui sait les rescapés de l’enfer. McClure. La découverte sanglante la frontière ger- des derniers pharaons de garçon subit un traite- KTO
désormais tout de sa vie, L’ivresse du succès ; 22.55 de nouvelles anomalies mano-danoise. L’enquête l’Egypte antique, dont la ment curatif de son can-
mais également par Joël Complément d’en- médico-légales permet à est coniée à un trio d’en- statue colossale a été ex- cer dévastateur. Désor- 20.10 Vêpres ; 20.40 Face
Lafarge, qui a juré de se quête. « Néo-fascistes, l’équipe d’avancer avec quêteurs, un Allemand, humée en mars 2017 près mais doté de pouvoirs, il aux chrétiens. Maga-
venger de lui coûte que populistes : faut-il en eicacité. Nick Huntley, une Danoise et une du Caire ; 21.45 Le règne se lance à la poursuite de zine ; 21.30 Anak-Tnk, au
coûte; 22.55 New York, avoir peur? ». Magazine de son côté, fait l’objet Belge ; 23.55 L’été sera des pharaons noirs. l’homme qui a détruit sa service des enfants des
section criminelle. Sé- présenté par Jacques d’une enquête ; 0.05 Soir chaud. Téléilm humo- Documentaire de James vie ; 23.05 Lone Ranger, rues ; 21.45 A la source ;
rie américaine: « 9 ans Cardoze ; 0.10 Claude 3 ; 0.40 Les marchands ristique en VO germano- Barrat ; 22.35 C dans l’air; naissance d’un héros. 22.15 Synode des jeunes ;
après ». Avec Vincent Debussy à Grenade : Par d’Hitler : Documentaire ; croate (2014), de Jasmila 23.45 C à vous; 1.00 En- 0 Western américain 22.45 Haendel, Samson.
D’Onofrio, Kathryn Erbe; l’Orchestre Les Siècles di- 1.40 Henri Lafont, le par- Zbanic (1 h 20) ; 1.15 Ham- trée libre ; 1.25 Voyages (2013), de Gore Verbinski, Oratorio. Par l’Ensemble
« Eaux profondes »; « La rigé par François-Xavier rain de la Gestapo : Do- burger Film Sandwich. à travers le cinéma fran- avec Johnny Depp, Ar- Dunedin Consort et le
folie des grandeurs ». 0; Roth. Concert ; 1.50 Ça cumentaire ; 2.35 Midi en Film à sketches de John çais : « Les chansons - Ju- mie Hammer (2 h 55) ; 2.05 Chœur de la Radio polo-
« Cœurs solitaires ». 0 commence aujourd’hui. France : « Depuis Nyons ». Landis ; 2.35 Arte journal. lien Duvivier ». Programmes de la nuit. naise. Dir.John Butt .

Séance du mercredi 17 octobre. Cours en clôture.

5 144,95 pts Accor 41,62 -0,19 -3,21 Dassault Systemes 116,25 - +31,22 Kering 378,3 -0,94 +3,56 Schneider Electric 62,96 -0,13 -11,15
Adp 182,8 +0,22 +15,33 Dbv Technologies 33,7 +0,60 -19,56 Klepierre 29,62 +4,37 -19,21 Scor Se 40,93 +0,34 +22,02
-0,54% -4,04% Air France -klm 8,09 +1,35 -40,43 Edenred 31,7 +0,89 +31,10 Korian 33,98 +3,28 +15,40 Ses 20,64 +2,79 +58,65
Air Liquide 106,7 -0,65 +1,57 Edf 14,86 -0,10 +42,61 L'oreal 187,75 +0,78 +1,51 Societe Generale 35,145 -0,75 -18,36
Airbus 100,86 -0,85 +21,52 Eiffage 90,34 -0,09 -1,09 Lagardere S.c.a. 25,59 +0,67 -4,26 Sodexo 87,8 -0,79 -21,64
Ald 14,25 +0,35 +10,34 Elior Group 11,92 -1,73 -30,80 Legrand 58,88 +0,07 -8,27 Soitec 63,3 +5,32 +6,48
SBF120 4 123,52 -0,43 Alstom 38,17 -0,08 +10,30 Elis 17,35 -0,29 -24,61 Lvmh 264,15 -0,04 +7,64 Solocal Group 0,89 -1,00 +7,23
SBF250 4 049,79 -0,41 Alten 81,45 -1,75 +17,01 Engie 11,75 -0,68 -18,03 Maisons Du Monde 21,8 -1,00 -42,25 Solvay 105,7 -0,61 -8,80
Altran Techn. 7,755 +2,17 -44,17 Eramet 79,7 +1,27 -19,52 Mercialys 13,28 +1,37 -28,00 Sopra Steria Group 123,8 -3,73 -20,56
Dow Jones (New York) 25 742,75 -0,22 Amundi 60,6 +0,90 -14,23 Essilorluxottica 115,65 -0,86 +0,61 Metropole Tv 18,19 -0,60 -15,53 Spie 15,15 -2,19 -30,20
Nasdaq (New York) 7 270,58 -0,08 Aperam 36,92 +0,41 -13,99 Eurazeo 64,5 +1,02 -12,05 Michelin 98,28 -2,64 -17,79 Stmicroelectronics 14,93 +0,81 -17,99
Nikkei (Tokyo) 22 841,12 +1,29 Arcelormittal Sa 24,805 +0,02 -8,52 Eurofins Scient. 422,6 -0,80 -16,75 Natixis 5,398 +0,22 -18,16 Suez Env. 12,89 -0,31 -12,10
EuroStoxx 50 3 244,65 -0,39 Arkema 97,06 -0,98 -4,42 Euronext 56,2 +1,90 +8,47 Neopost 28,16 +1,44 +17,33 Tarkett 20,32 -2,21 -41,91
FT 100(Londres) 7 054,60 -0,07 Atos 96,88 -2,32 -20,16 Europcar Mobility 8,44 -0,71 -17,66 Nexans 25,24 -1,06 -50,62 Technicolor 1,074 +0,66 -62,58
Axa 22,515 - -8,98 Eutelsat Communic. 22,13 +0,82 +14,69 Nexity 43,76 -1,66 -11,81 Technipfmc 25,98 -0,99 +0,50
Bic 75,6 +0,20 -17,52 Faurecia 43,74 -5,00 -32,84 Orange 13,795 +0,69 -4,70 Teleperformance 154,4 -0,39 +29,26
Biomerieux 64,8 -0,46 -13,24 Fnac Darty 58,05 - -42,35 Orpea 104,5 -0,05 +6,31 Tf1 8,87 -1,39 -27,80
Etats Unis EUR/USD 1,1530 -0,49 Bnp Paribas Act.a 49,6 -0,24 -20,32 Gecina Nom. 135 +0,90 -12,28 Pernod Ricard 129,9 -0,57 -1,55 Thales 114,7 +2,09 +27,61
Gde-Bret.EUR/GBP 0,8795 +0,41 Bollore 3,716 -0,48 -17,93 Gemalto 50,28 +0,36 +1,58 Peugeot 20,65 -4,62 +21,79 Total 53,46 -0,67 +16,10
Bouygues 36,65 -0,30 -15,38 Genfit 21,08 +9,51 -11,87 Plastic Omnium 27,33 -1,76 -27,88 Trigano 97,55 +2,09 -33,77
Suisse EUR/CHF 1,1453 +0,08 Bureau Veritas 19,445 -1,29 -14,68 Getlink Se 10,615 -1,62 -0,98 Publicis Groupe Sa 52,24 -1,92 -7,78 Ubisoft Entertain 88,84 -0,40 +38,51
Japon EUR/JPY 129,4300 -0,38 Capgemini 105,95 -0,09 +7,14 Gtt 67,7 +1,20 +35,13 Remy Cointreau 103,1 +0,39 -10,74 Unibail-rodamco-we 161,96 +2,09 -
Carrefour 15,575 +0,19 -13,66 Hermes Intl 499,3 +0,02 +11,89 Renault 69,11 -3,15 -17,64 Valeo 31,88 -3,36 -48,80
Casino Guichard 41,4 +2,93 -18,12 Icade 74,9 +1,08 -8,58 Rexel 11,65 -2,22 -22,95 Vallourec 4,616 +0,26 -8,32
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 La Croix -jeudi 18 octobre 2018

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E
17 ° 24 ° <10° n marche vers Jérusalem, Jé- tionnements qui nous travaillent,
14 ° 25 ° sus poursuit son enseigne- notre foi serait-elle en train de va-
ment à la foule ou aux dis- ciller ? Et lorsque des épreuves sur-
ciples. Ici, il délivre à ses amis un viennent, oublions-nous que la
Vendredi Samedi
message particulier, des conseils Croix a vaincu le mal et la mort pour
valables pour nous aussi. Il énonce nous conduire à la Vie ? Alors que
d’abord une mise en garde : « Mé- les évêques, réunis en synode au-
iez-vous du levain des pharisiens », tour du pape, réléchissent à l’avenir
c’est-à-dire de leur hypocrisie, leur de l’Église et à la manière dont les
soi-disant stricte observance de jeunes peuvent eux-mêmes annon-
la Loi, au mépris des hommes. Jé- cer la Bonne Nouvelle, demandons
sus ne se laisse pas déstabiliser par pour eux et tous les baptisés la grâce
l’acharnement de ceux qui veulent sa de savoir dire chaque jour : « Seigneur,
perte, et il nous invite pareillement je suis sûr de ton amour : mon cœur est
à une foi inébranlable, résistant aux dans la joie, car tu me sauves (Ps 12, 6)
incompréhensions, critiques, me- » (Antienne d’ouverture de la messe).
naces dont nous pouvons être l’ob- Michèle Clavier
jet. Se méier, c’est afermir notre joie
de croire. Jésus précise ensuite que Autres textes : Ep 1, 11-14 ; Ps 32.
mots croisés
Problème n° 6979 d’Arthur Gary
1 2 3 4 5 6 7 8 9 10
I 6 suppléments thématiques
II
III
IV
V
VI
VII
VIII Lundi : Mardi : Mercredi :
Économie&entreprises Sciences&éthique Parents&enfants
IX pour appréhender pour suivre l’évolution des pour tout
facilement l’économie, connaissances scientifiques, comprendre de
X
suivre la vie au travail leurs applications et leurs l’éducation
et le secteur solidaire. enjeux éthiques. des enfants.
Horizontalement. – I. Administrée par un homme qui ne cherche plus
la crosse… – II. Faits sur-le-champ. – III. Ville du Luberon. Contenants
pour faire cuisson. – IV. Passereau. Balisé pour porteurs de sac.
Note. – V. Bordée. Fauchés dès qu’ils sont riches. – VI. Biterrois pour
des notes. Passe légèrement au rouge. – VII. Astate. Riches décors.
Ouverture bretonne. – VIII. Sans attaches. Content ou enfermé. –
IX. Prénom féminin. Voies oicielles. – X. Souvent bonne, autrefois.
Verticalement. – 1. Sur un échiquier, il faut être fou pour les parcourir. –
2. Obligatoire. – 3. Faisant un choix. Dès qu’il ouvre, ses piliers entrent. –
4. Avec Ni c’est impeccable. C’est-à-dire. Ne se frappe plus guère. –
5. Chevalier à la robe. Divaguera. – 6. Brouille la vue des Londoniens.
Bref, c’est un pépin. Informateur discret. – 7. Clôturés déinitivement.
Fait courir le lièvre. – 8. Fin de cérémonie. Forban. – 9. Apporte de quoi Jeudi Vendredi Samedi-Dimanche
vivre. – 10. Crochets dans les côtes. Ça ne sent pas la sueur. Livres&idées Initiatives&solidarité Religion&spiritualité
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Solutions du n° 6978 : Horizontalement. – I. Délivrance. – II. Émane. sur toute l’actualité d’associations ou religieux, un espace de
Miss. – III. Mon. Uri. As. – IV. Et cetera. – V. Nies. Padan. – VI. Tom. Falot. – littéraire. mouvements solidaires. formation et de débat.
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Verticalement. – 1. Démentiels. – 2. Émotionnée. – 3. Lancements. –
4. In. Ès. Sut. – 5. Veut. Ire. – 6. Repasser. – 7. Amirale. Si. – 8. Ni. Retrouvez-les aussi sur www.la-croix.com
Adora. – 9. C.S.A. Ataxie. – 10. Essen. Sève.
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Michel Zink fait partie
de ces savants dont
l’enthousiasme généreux
grandit avec les années.
Hannah Assouline/Opale/Leemage
Michel Zink
Écrivain et médiéviste
L
e prochain hiver s’an-
noncerait moins rude
que les précédents pour
les Académiciens, s’ils
remettaient en usage
les veillées médiévales. La nuit
tombée, en discrètes sentinelles,
les Immortels pourraient se rendre
en voisins chez Michel Zink, qu’ils
accueillent ce jeudi 18 octobre dans
leurs rangs, et dont le logement
de secrétaire perpétuel de l’Aca-
démie des inscriptions et belles-
lettres jouxte la Coupole. Là, le
maître conteur leur ferait revivre
les aventures d’Iseult et de Lance-
lot, de Robert le Diable et de Girart
de Roussillon, la mélancolie et les
espoirs des troubadours… Toute
une littérature médiévale qu’il a
patiemment traduite, commentée
et ramenée jusqu’à nous, au cours
d’un demi-siècle d’enseignement
et de publications.
Doté d’une courtoisie et d’une
bonne humeur qui semblent iné-
puisables, Michel Zink trouvera
peut-être l’idée amusante. Car
s’il est des spécialistes qui s’étio-
lent à ne labourer qu’un champ
du savoir, il fait partie de ces sa-
vants dont l’enthousiasme géné-
reux grandit avec les années. La
fontaine de jouvence, Michel Zink
l’a trouvée dès l’enfance dans les
contes. « J’étais un esprit régres-
sif et enfantin. J’aimais les contes
et les chansons populaires, idèle à
l’exemple de mon père, germaniste
et philologue, médiéviste lui aussi,
explique-t-il. La littérature mé-
diévale m’a ofert cette impression
de remonter aux sources de notre
culture, de notre littérature, de
notre langue. »
Élève à Lyon puis à l’École nor-
male supérieure de Paris, reçu à
l’agrégation de lettres classiques
en 1967, Michel Zink se spécialise
dans la littérature médiévale, par
goût « mais aussi parce que j’écri-
vais des poèmes et que je ne dou-
tais pas, dans ma fatuité juvénile,
d’avoir un certain talent, sourit-il
aujourd’hui. Je n’avais pas envie
Le Moyen Age
retrouvé
d’être complètement dans la litté-
rature contemporaine. Je me disais
que le Moyen Âge me donnerait des
sources et m’arracherait à moi-
même. C’était bien raisonné mais
je n’avais pas le talent littéraire que
je pensais ! »
Son inspiration.
Le tympan de la basilique de Vézelay
« Je ne peux pas penser à mon
goût pour le Moyen Âge sans
penser à Vézelay », commente
Michel Zink. « Le tympan
de la basilique a une qualité
esthétique exceptionnelle. Il
suit de regarder le mouvement
du manteau du Christ !
Ce tympan ne représente pas
simplement un Christ en gloire.
La Croix -jeudi 18 octobre 2018
Portrait
C’est la poésie des troubadours
de langue d’oc qui va faire ses
délices, « une poésie très subtile,
âpre, rugueuse, complexe dans son
expression, qui entre aisément en
harmonie avec notre conception de
la poésie, explique-t-il. Cette poésie
Ce n’est pas un tympan du
jugement dernier comme il en
existe tant d’autres. C’est un
tympan de l’envoi en mission.
De la main du Christ partent
des rayons qui vont vers les
apôtres. Autour, on trouve tous
les peuples auxquels s’adresse
la Bonne nouvelle, les païens
mais aussi des êtres à demi-
ofre une exaltation de l’amour, très
réléchie, précieuse et qui présente
en même temps quelque chose d’in-
quiet. Elle cherche quelle place faire
à l’eros dans la totalité de l’amour ».
C’est aussi par intérêt religieux
que Michel Zink a étudié le Moyen
humains : géants, panoties
(personnages ayant des
oreilles démesurées NDLR),
cynocéphales (êtres à têtes
de chiens, NDLR)… C’est une
rélexion sur les limites de
l’humanité, qui sont poussées
très loin. La parole de Dieu
s’adresse à tous, au-delà même
de ce qu’on peut imaginer… »
25
Titulaire de la chaire
des littératures de
la France médiévale
au Collège
de France, l’écrivain
Michel Zink est reçu
jeudi 18 octobre
à l’Académie
française. Il y
occupera le fauteuil
de René Girard.
Âge, admirant les prouesses de la
littérature scolastique, mais davan-
tage touché par les écrits monas-
tiques, comme ceux de saint Ber-
nard. L’intimité, « l’osmose » de ces
auteurs avec l’Écriture demeure
pour lui un sujet de fascination.
« Ils ont tellement médité la Bible
qu’ils glissent des citations en les in-
tégrant sous leur plume, sans même
citer le texte… »
Dans son ouvrage Le Jongleur de
Notre-Dame (1) – « Peut-être le livre
auquel je tiens le plus » –, Michel
Zink s’est fait le médiateur entre
les contes chrétiens du Moyen Âge
et le lecteur d’aujourd’hui. Par-delà
des siècles, il s’est fait proche de ces
croyants d’hier et de leur spiritua-
lité, plus riche et complexe que les
clichés. « De la piété médiévale, on
a souvent une idée sévère, où l’on
voit rougeoyer les bûchers, mais on
y trouve aussi quelque chose d’extrê-
mement compréhensif de la faiblesse
humaine, insiste-t-il. Ces contes
donnent une idée profonde et récon-
fortante de la miséricorde de Dieu. »
Pour la saveur de ce passé, Mi-
chel Zink s’est fait voyageur dans
le temps. « Se replonger dans le
monde de cette spiritualité, c’est
aussi une facilité. C’est se mettre
à l’abri de la situation du christia-
nisme d’aujourd’hui, reconnaît-il
pourtant. Ces croyants du Moyen
Âge, je les envie. Il était plus facile
de croire dans un milieu où cela al-
lait de soi qu’aujourd’hui où cela va
si peu de soi. »
Désormais installé au fauteuil
n° 37, qui fut celui de René Girard,
mort en 2015, et, bien avant, ce-
lui de Bossuet (1627-1704), Michel
Zink n’oubliera pas, au faîte des
honneurs, que la littérature qu’il
aime tant frémit de la « mauvaise
conscience des puissants » issue
du christianisme. Peut-être est-ce
donc par précaution qu’il a fait gra-
ver sur son épée d’académicien un
petit jongleur. Un personnage en
équilibre que l’on trouve sur le tym-
pan de Vézelay, à côté de la igure
du Christ. Une igure libre et facé-
tieuse, qu’il suit de regarder pour
ne pas perdre l’esprit d’enfance…
Élodie Maurot
(1) Seuil, 1999.
 La Croix -jeudi 18 octobre 2018
26 Grand format
Le vocabulaire leuri des poilus. 10num518 -Fonds Gardon Jeanine - Collection Archives municipales de la ville d’Hyères
L’argot,
pour survivre
«
L
’o r d r e d e d é -
Dès 1914, près de quatre part est tombé
comme un coup
millions d’hommes, issus de de tonnerre. (…)
Je trouve à peine
milieux sociaux, professionnels le temps de prévenir les miens »,
écrit Maurice Genevoix. Par une
et culturels très variés, sont journée d’été, la Première Guerre
mondiale surgit sans prévenir
appelés sous les drapeaux : dans les tous les coins de France
et marque de son empreinte de
c’est la première mobilisation sang ceux qui vont la vivre.
Ils ont majoritairement entre
générale décrétée en France, 20 et 30 ans, les plus âgés la qua-
rantaine. C’est la première guerre
qui provoque un brassage après la loi Jules Ferry de 1882
rendant l’instruction obligatoire :
culturel sans précédent. les jeunes recrutés, nés pour la
plupart dans les années 1890, ont
La guerre favorise alors tous été scolarisés. Le français est
la langue commune dans le pays,
l’expérience d’appropriation que chacun sait écrire, même si
dans certaines régions il reste peu
de la langue nationale, et les utilisé à l’oral. Les soldats mobili-
sés seront pourtant vite confron-
combattants créent un langage tés à son usage quotidien – ordres,
consignes, etc. –, immersion dans
propre pour résister. une langue commune et expé-
rience de sa fonction utilitaire.
Dès le début du « feu d’artifice
en acier » évoqué par Guillaume
Apollinaire dans Fête, la presse
façonne un récit national, pitto-
resque, celui du poilu cocardier et
revanchard. Elle livre au grand pu-
blic un « vocabulaire censé le rap-
procher du monde combattant »
jouant alors un rôle de relais entre
deux univers soudainement sé-
parés, et répond là à un besoin
d’identiication de la nation à une
mobilisation générale, mobilisa-
tion « des hommes, mais aussi des
femmes, de l’esprit et des mots »,
selon l’historienne Odile Roynette,
maîtresse de conférences en his-
toire contemporaine à l’université
de Franche-Comté. Les civils et
l’arrière cherchent à savoir ce qui
se passe au front ; la langue de-
vient l’un des témoins d’une dis-
tance qui ne s’efacera jamais en-
tièrement durant le conlit.
Un siècle plus tard, sans trace
de document sonore, les fracas de
la guerre ne résonnent plus que
dans les écrits – scientiiques (en-
quêtes linguistiques effectuées
sur le terrain dès 1915, notam-
ment celles d’Albert Dauzat et de
Gaston Esnault), journalistiques
(presse, journaux des tranchées
tels Rigolboche, L’Écho des gour-
bis…), littéraires (chez les « écri-
vains combattants »), carnets,
chansons, etc. Et surtout dans une
correspondance exceptionnelle
– près d’un milliard d’échanges
épistolaires, en grande majorité
écrits en français, instantanés de
toute une époque.
Manne pour historiens et lin-
guistes qui étudient l’impact lin-
guistique du conlit sur les usages
parlés et écrits des contemporains
et abordent la guerre comme un
« événement langagier ». Et occa-
sion de mettre enin l’individu, de
toute classe sociale, et notamment
le « peu-lettré » (sans certificat
d’études) au cœur de l’événement ;
pour lui, explique Odile Roynette,
« écrire dans la langue nationale,
c’est être à la hauteur de ce qu’il est
en train de vivre ».
L’ i m a g i n a i re d e g u e r re s e
construit aussi par le biais de mots
propres à se désigner soi-même, et
d’autres pour nommer l’ennemi.
En 1914, le mot boche s’impose
vite. De même que poilu, qui ne
semblait pourtant pas faire l’una-
nimité chez les soldats : « Tout
comme le mot boche résume l’in-
famie de l’adversaire, le mot poilu
devient un hymne implicite au cou-
rage et à l’héroïsme du soldat fran-
çais », explique l’historienne.
Mais, dans les tranchées, y a-t-il
eu un langage spéciique ? « Oui,
Les cartes postales, support privilégié pour faire connaître cet argot.
10num519- Fonds Gardon Jeanine - Collection Archives municipales de la ville d’Hyères
selon Jean-Pierre Goudaillier,
professeur de linguistique à l’uni-
versité Paris-Descartes, il existe
bien un argot des tranchées conte-
nant des créations lexicales origi-
nales dès 1914 » (1).
Parmi les leviers d’invention de
ce langage, la désignation par les
soldats de leur environnement :
la guerre est un moment d’expo-
sition quotidienne à la matérialité
– armes, engins, équipements –,
mais aussi au corps – besoins vi-
taux, blessures et mort. Toutes
occasions propices à l’apparition
de phénomènes tabous, d’euphé-
mismes, de contournements par
la dérision favorisant l’émergence
de ce qui est nommé le « parler
poilu ». Cette variété langagière
raconte des « moments de l’intime
catastrophé, confronté à l’horreur »
vécus au front, ajoute l’enseignant.
Elle est alors un exutoire permet-
tant de mettre à distance les as-
pects violents et la dureté de sa
condition. Car comment un être
humain peut-il survivre en voyant
passer chaque jour la boîte ou la
voiture à viande (cercueil et cor-
billard), en ayant constamment
les foies ou les grelots (peur) qu’un
shrapnell (obus à balles) « qu’on
n’entend pas venir » ou une mar-
mite (gros obus) lui tombe « sur le
coin de la gueule » ?
La langue devient
l’un des témoins
d’une distance
qui ne s’efacera
jamais entièrement
durant le conlit.
« Les guerres et les situations de
crise ont toujours produit des ar-
gots usant de la fonction cathar-
tique du langage. Ce qui permet
aux gens de vivre ou de survivre »,
rappelle Jean-Pierre Goudaillier.
« L’argot fédérait les poilus entre
eux ; c’était en quelque sorte une
forme langagière faite pour résis-
ter face à l’oppression. »
Le soldat tente de trouver du
sens, et le langage en tant que sys-
tème symbolique va l’aider à forger
une nouvelle identité. La fonction
identitaire est essentielle : P P P

Toutes les facettes de la vie quotidienne sont concernées
par cet argot. Coll. La Contemporaine
Un projectile
d’artillerie devient
un « Bouillon Kub »,
un petit poignard
un « zigouillard »,
le masque à gaz
le « grouin »
ou l’« anti-puant ».
P P P l’argot permet cet entre-soi,
constitue potentiellement un pa-
trimoine commun pour donner
aussi, vis-à-vis de l’arrière et des
civils, du relief à un quotidien ca-
ractérisé par l’ennui et la répéti-
tion, ou le trop-plein de violence.
Tout ce qui a trait à la nourriture
et à la boisson déploie une palette
lexicale ininie. Fondamental aux
Galeries Lafayette (tranchées),
le jus ou le kawa souvent « bien
clair », dont personne ne peut se
passer ; la gnôle, le pinard, l’anti-
dérapant, le pousse-au-crime (al-
cool et vin), celui qui fait oublier
le cafard. Plus, évidemment, la
popote qui peut être « bruyante »
et la bectance avec le rôle essentiel
du cuistot, de la roulante (cuisine) :
« (…) trait d’union entre nos lignes
où nous étions isolés de tout… », ra-
conte un combattant. Il y a de quoi
se caler des dominos avec du singe
(viande en conserve), parfois de la
Les jeux de mots s’invitent dans
les tranchées. Coll. La Contemporaine.
La Croix -jeudi 18 octobre 2018
Grand format 27
barbaque (mauvaise viande), rare-
ment de la bidoche (bonne viande),
souvent du rata (sorte de ragoût)
dont un témoigne qu’il « était sou-
vent plein de terre. (…) Nous le sen-
tions aux dents ; malgré cela on net-
toyait le fond de la marmite ».
Même combat pour les armes.
Un projectile d’artillerie devient un
Bouillon Kub, un petit poignard un
zigouillard, le masque à gaz le mu-
seau de cochon, le grouin ou l’anti-
puant. Les très gros obus, eux,
sont des pépères ou des zimboums.
La baïonnette, un tire-boche, tue-
boche, vide-boche, ou encore une
fourchette.
« Trois fois, je me suis trouvé en
pleine gerbe d’un shrapnell, les
balles de plomb (…) fêlant des têtes,
trouant des pieds ou crevant des ga-
melles », relate Maurice Genevoix.
Jean-Pierre Goudaillier note que
l’écrivain utilise aussi le mot shrap-
nell par métaphore pour désigner
des haricots secs restant fermes
malgré la cuisson et tintant dans
l’écuelle du soldat comme des mor-
ceaux métalliques… Autre registre,
moins dangereux mais bien gê-
nants, les gots (poux) ; d’où le jeu de
mots Berlin-gots ou Paris-gots, selon
le camp qu’ils choisissent…
Parmi tous les mots usités dans
les tranchées – créations origi-
nales ou recyclages de langage mi-
litaire, de parlers régionaux ou des
colonies  –, nombre d’entre eux
ont fait leur apparition dès la fin
de la guerre dans le Larousse et se
sont installés dans la langue « cir-
culante » – barda, camoulage, zi-
gouiller, chocottes, gnôle… ; d’autres Un siècle plus tard, les fracas de la guerre ne résonnent plus que dans les écrits. Coll. La Contemporaine
n’ont duré que le temps de la guerre.
Selon le linguiste Albert Dauzat,
«  les guerres ont procédé à des de la Grande Guerre, Presses de bois, Le Livre de poche,
coupes claires dans l’espèce hu-
repères universitaires de Rennes, 2017. 2010.
maine, mais elles ont aussi renou-
velé le vocabulaire ». L’impact Bibliographie Gaston Esnault, Le Poilu tel Maurice Genevoix, Ceux de
culturel du conflit sur les pra- qu’il se parle, Équateurs, 2014. 14, comprenant Sous Verdun,
tiques langagières n’est doréna- Ouvrages d’histoire Nuits de guerre, La Boue,
vant plus à démontrer. Et comme et de linguistique Albert Dauzat, L’Argot de Les Éparges, Flammarion, 2013.
le note Odile Roynette, « la guerre la guerre. D’après une enquête
est entrée dans une langue qu’elle Odile Roynette, Les Mots des auprès des oiciers et soldats, Guillaume Apollinaire,
a modiiée en profondeur et grâce tranchées. L’invention d’une Armand Colin, 2007. Calligrammes. Poèmes de la
aux linguistes il n’est plus possible, langue de guerre 1914-1919, paix et de la guerre 1913-1916,
désormais, de l’ignorer ». Armand Colin, 2010. Romans, poésie Gallimard, « Poésie », 1966.
Geneviève Peillon
Ouvrage collectif sous Henri Barbusse, Le Feu, Bande dessinée
(1) Jean-Pierre Goudaillier prépare la direction d’Odile Roynette, Gallimard, « Folio », 2013.
actuellement un dictionnaire Gilles Sioui et Agnès Prix Goncourt 1916. Jean-Yves Le Naour et A. Dan,
des particularismes lexicaux Steuckardt, La Langue sous La Faute au Midi,
du parler des poilus. le feu. Mots, textes, discours Roland Dorgelès, Les Croix Bamboo, 2014.

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J
e voudrais réhabiliter si
besoin l’idée de commu-
nauté, alors que, comme
l’écrivait le philosophe
Jean-Luc Nancy il y a déjà
quelques années, « Le témoignage
le plus important et le plus pénible
du monde moderne est le témoi-
gnage de la dissolution, de la dislo-
cation ou de la conlagration de la
communauté » (La Communauté
désœuvrée, 2004). Paradoxale-
ment, l’ampleur des débats sur les
communautarismes et les reven-
dications nombreuses de droits
collectifs de minorités déinies par
leur seule appartenance culturelle,
religieuse, sexuelle, sociale, voire
raciale, ont ini par nous dérou-
ter, littéralement, de tout projet de
communauté universelle. Cette
désagrégation communautaire de
notre monde est la raison de l’ex-
pression de soufrances liées aux
identités efacées ou niées, aux
nouvelles solitudes, aux mémoires
oubliées. Soufrances à l’origine
d’expressions communautaires
identitaires fermées. De plus en
plus de personnes se rendent
compte de manière cruelle qu’elles
ne peuvent appartenir à une com-
De la musique
«
avant toute
chose.
»
Paul Verlaine
À Londres, entrée d’un musicien
au 10 Downing Street,
résidence de la première
ministre britannique
Theresa May, le 15 octobre.
Peter Nicholls/Reuters
La dernière page
Travaillons à la vie commune
La chronique de Frédéric Boyer
munauté ouverte, tandis que la soif
de privilèges, un individualisme
exacerbé, la globalisation sauvage
du monde attisent la peur de la
multitude et l’indiférenciation.
Cette époque qui n’a cessé de
battre en brèche l’espérance des
groupes afronte en retour la vio-
lence de désirs communautaires
multiples qui créent plus de di-
vision que de lien, plus de fron-
tières que d’espaces communs. Ces
désirs conduisent à une impasse
mortelle. Le soule d’une véri-
table communauté s’est épuisé. Ce
sont des personnes isolées, sou-
vent fragilisées, perdues, qui s’ar-
riment dans leur naufrage social et
personnel, souvent spirituel, à un
mirage communautaire. On iden-
tiie la communauté au seul besoin
de sécurité, de repli identitaire, à
une sorte de forteresse imaginaire
à défendre. Les solitudes contem-
poraines (pauvretés, migrations,
fondamentalismes) devraient au
contraire nous appeler à imagi-
ner de nouvelles vies communau-
taires ouvertes et hospitalières,
mais nous préférons nous enfer-
mer dans une sorte de régression
où l’exclusion de « qui n’est pas,
La Croix -jeudi 18 octobre 2018
Nous préférons nous
enfermer dans une
sorte de régression
où l’exclusion
de « qui n’est pas,
ne pense pas, ne vit
pas comme nous »
domine.
ne pense pas, ne vit pas comme
nous » domine.
Nous-mêmes, catholiques, ne
sommes pas exempts d’une telle
régression catastrophique. Cette
situation de notre monde, dans
laquelle l’idéal communautaire
est à la fois éclaté et dévoyé, nous
renvoie à l’urgence de la possibi-
lité d’une communauté humaine,
de reprendre la rélexion sur l’être
en commun, sur la valeur qu’il faut
accorder à autrui, à sa rencontre.
À trop vouloir bâtir uniquement
des communautés d’intérêts com-
muns, ou d’utilité commune, voire
de discriminations et d’identii-
cations, on s’éloigne dangereuse-
l’image
ment de l’espérance d’une com-
munauté ouverte. Bien sûr qu’il ne
suit pas de tendre la main pour
fonder une communauté. Il faut,
comme le rappelait Martin Buber,
vouloir répondre à une nécessité
vitale, « partager l’expérience de la
situation dans laquelle on se trouve
historiquement et y répondre col-
lectivement » (dans ce très impor-
tant recueil de textes dont j’ai déjà
parlé ici : Communauté, Éd. de
l’Éclat, 2018). Ne pas se limiter à sa
propre situation mais répondre à la
question de la vie humaine dans le
monde dont nous sommes respon-
sables. Pour permettre à chacun de
participer à une expérience de vie
commune dans la diversité, ajoute
Martin Buber : « Nous nous réunis-
sons en vertu d’une nécessité vitale
et la diversité de nos opinions nous
est aussi précieuse que la diversité
des couleurs et des formes dans les
choses. » Notre efort vers cette
« véritable communauté considé-
rée comme une révélation du Dieu
toujours inconnu » (Buber) est de
nous libérer de la seule logique de
l’échange ou du proit pour cultiver
l’exigence du don sans rétribution
nécessaire.
La raison communautaire n’est
plus alors de produire quelque
chose à tout prix, n’est pas d’œu-
vrer au même, mais de rendre pos-
sible un lieu ouvert où reconnaître
l’étrangeté, la diférence de cha-
cun, où accueillir chacun, quelle
que soit sa distance, son origine,
et faire en sorte de travailler à la
vie commune. De parvenir à faire
que ce qui nous sépare devienne
relation, rapport, et cause du dia-
logue. Une « communauté désœu-
vrée », pour reprendre l’expres-
sion de Jean-Luc Nancy. Qui ne se
contente pas de ce que nous avons
et faisons en commun, et qui ne se
limite pas à celles et ceux que nous
connaissons, mais qui témoigne
de cette vérité que confesse encore
magniiquement Martin Buber :
« Ils sont nombreux ceux que nous
n’avons jamais vus, qui n’en savent
pas plus sur nous que nous sur eux,
et qui pourtant sont plus profon-
dément et plus entièrement avec
nous que certains hommes que nous
voyons tous les jours. » Il ne sau-
rait y avoir de communauté digne
de ce nom qui ne soit fondée sur
le souci de s’ouvrir à « l’autre que
nous n’avons jamais vu ».