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1. Primum ergo videndum est non nos semper return pnctereunttan metninisse, se d pfe-
rumque tnanentium. Epist. VII, i.
2. Quare, cum sibi memoria prseteriti temporis vimlket ten ad tatew ; coostet tam tarnen
partim eorum esse quie nos deserunt, partim eorum quas deseruntur... In utroque tarnen
genenun horum, pneteritum tempus memoria tenet. Ibid.
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6. Ut igitur nos ad caplenda spatia locorum diffusio radiorum juvat, qui e brevibus pupulis
in aperta emicant... f u t ergo eorum effusioue adjuvamur ad capienda spatla locorum, ita
memoria, quod quasi lumen est temporalium spatiorum, quantum In suo genere quodammod:)
extrudi potest, tantum eorumdem spatiorum capit. Ibid.
7. ...nonne ipsi existimandi sunt per certum spatium temporis tend! ?... Siquidem nec in
ipsis corporum formis quæ ad oculos pertinent, possumus rotunda vel quadra... judicare et
omnino sentire, nisi ea ob oculos versemus : cutn autem alia pars aspidtur, si exciderit quad est
aspectum in alia, frustratur omnino judicantis intentïo, quia et hoc aliqua mora temporis lit ;
cui variatæ opus est invigilare memoria. Ibid. (B.A., p. 404-406.)
Xf2 AT. M OREAU
créé, règne l'éternité, dont U n’est que le vestige ou le signe. « Les temps
ne seraient rien sans le mouvement des corps, par où ils deviennent
plus manifestes pour les hommes » ; en particulier, le mouvement des
astres. « Par suite, il y a Heu de se demander, si, en dehors du mouvement
«les corps, le temps peut exister sans le mouvement d’une créature incor
porelle, telle que l’âme, et l’esprit qui se meut, en fait, dans ses pensées8,
et, par ce mouvement même, distinguer l’avant et l'après qui ne peuvent
se concevoir sans intervalle de temps. » Ainsi, dès l’origine, existait une
créature qui éprouvait le temps et le poussait dans ses mouvements
incorporels.
Il a fallu « le mouvement de créatures, corporelles ou spirituelles, pour
que le temps pût exister, c’est-à-dire, pour que l’attente de l'avenir
s ’insinuât par le présent dans le passé, car l’essence du temps, — si
tan t est que l'on puisse parler de l’essence d’une chose éphémère —
consiste dans ce passage sans cesse renouvelé du futur immédiat dans le
passé immédiat par le présent médiateur® ». A vrai dire, le temps est
insaisissable, parce qu’il ne fait que passer et que passer très vite, au
point qu’il semble courir, voler, s le temps que l'on vit diminue d’autant
la vie et n ’est qu’une course vers la mort ; en fait, tout vivant est un
mourant, puisque, dès l'origine, la mort entame sa vie10 ». Si l'on analyse
le temps qui s’écoule, on remarque que son essence consiste dans un
changement perpétuel : « Le temps se résoud en une sorte de mouvement
muable, dont une partie passe avant, une autre après, sans pouvoir
jamais coexister11 » ; du fait qu’une créature se meut et change, tantôt
d ’une façon, tantôt d’une autre, jamais à la fois, mais d'abord et ensuite,
il se constitue un temps formé par des intervalles de durée plus ou moins
longs, que l’on répartit, à la manière humaine, en trois phases solidaires
et instables ; l’avenir que l’on prévoit (>•■ prospicit ») : le présent que l’on
voit (* sspicit *), le passé que l’on revoit {« respicit *) ; et la pensée qui en
suit révolution est aussi volubile et « volage » que lui : elle est sans cesse
en mouvement1®.
i‘ Ha* euttn nmponi, ai nullus motus « e t , nulla estent, et ipsa sunt hominibus
t.uüii -ti-.ri '« lo t «i .iiUnittirm,. qu<errirdum est ntrum porter motuiu corporum posait
«* v t> mjMM ta ta. «tu meurpriroe on-tture, vi-iut est anima vei ipsa mens. De gen. imperf. liber.
M l. S.
Vf i w , . r. \ I , .Mv, 1’ l'r.i-s-iv, uutrni, si semper esact presens nee in preteritum
tra n s îtt, m n i-mi temput, «ed * K-ruiUs.... Voir aussi De civil. Dei, I,. XI, c. 7 : Tem
1 >t.i ni « lia i,n !, lut» itratur.t tient, i(üa ;tü;m d ali p u motkme m u ta n t.
i ) quuiijUMÏ temporis vnittir, de *pati‘»vivendi deiuitur ; et quotidie fit minus minusque
qiitnl restât , ut Miiimwi nihil ait aliml tempus vitte hujns quant cursus ad mortem, De cie.
lid, i... xin. c, 10.
1■ ■ Ct /e p'UÜm. -!f, u, 7 : I.-ti ergo die- bshi <unt : ante alx-uut jx-ne quant ventant ; et cum
vennint, »tare are possunt ; jungtmt se, setpinntur se, et non se tenent.
tj. (?) Voir même pensée dans Cemfess,, I„ XI, xxvur, 3? : In animo... tria sunt ; nam et
expeetât et ailtnrfit et memtanit, u t kl quod expectat per id quod adtendit transeat in id
<luod memimexit.
MÉMOIRE E T DURÉE 243
Pour trouver une prise sur le temps dans lequel nous sommes impli
qués et emportés, il faut, d’une certaine manière, en sortir et le dominer ;
il faut se hausser vers l'éternité en s'étirant dans la durée. Dieu dirige
13. Cf. De civil. Dei, I,. XII, c. 12 : ...omnia Siïeulorutn spatia definite, si æternitati intermt-
natæ coraparentur, non. exigua existimanda esse, sed nulla.
14. Cf. In psalm. 38, n. 7 : Da mitii horam... Xee quod praeterilt mibi potes dare, qui jam
non est, nec quod restât, quia nondum est.
15. Ita etiam in transcursu temporum qweritur praesens, ttec invenitur : quia sine ulk> sp&tk»
est, per quod transitur ex futur» in præteritum. De civil. Dei, I.XIII. c. XI.
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16. Cf. De gtmm ad. lift,, !.. VIII, xxtv, 45 : Moventur autem ejas (Le. Ùei) imperio etiam
temporaHter, ülo non temporailter moto. — Voir aussi Ibid., xxv, 47 et xxvi, 48.
17. Cf. De genesi ttd Htt., I,. V III, xx, 39 : ...per tempus movetur animus, vel reminiscendo
•[U<k1 oblitus erat, vel discendo quod nesciebat, vel volcndo quod nolebat.
18. Item in auditu, msi auribus perceptæ vocis imaginem continua spiritus in seipso for-
inurct, ae memorla retineret, ignoraretur seeunda syllaba utrum secunda esset, cum jam prima
urique nulla esset, quæ percussa aute transiisset : ac sic admis laeutionis usus, omnis cantandi
suavitas, omnis postreino in actibus nostris corporaiis motus dilapsus occideret ; neque ullum
progressum nandsceretur, si transactos corporis motus memoriter spiritus non teneret. De
gtnesi ad Htt., I„ XII, xvi, 33.
19. Quid enim agimus per corpus, quod non cogitando præoccupaverît spiritus, onmiumque
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et, ctun illffi prreterierint, manet, ipsam metior preesentem, non ea qute preeterierunt u t fieret.
Ibid., xxvn. 36.
27. Quod, licet experiri in eis dictis vel cantids, quorum seriem memoriter reddimus. Nisi
enim prsevideremus eogitatione quod sequitur, non utique diceremus. E t tamen u t prcevi-
deamus, non providentia nee instruit, sed memoria. Nam donee fmiatur onine quod didmus,
sive eanimus, nihil est quod non provisum prospectumque proferatur. E t tamen cum id agimus
non didmur providenter, sed memoriter canere vel dicere ; et qui hoc in multis ita proferendis
valent plurimum, non solet eorum providentia, sed memoria pradicari. De Trinitate, E. XV,
vn, 13.
28. Nec ex futuris pneterita, sed futura ex praeteritis... conjidmus. Ibidem.
29. Fieri ista in animo vel ab ammo nostro novimus, et certissimi sumus. Ibid.
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cher ensemble. Quoiqu’il en. soit, de ce mythe, il reste vrai que, pour bien
agir, il faut considérer à la fois le principe et le terme de son action :
car on ne peut prévoir la fin, sans tenir compte du com mencement ;
par suite, pour voir en avant, l’esprit doit lier en se tend ant, grâce à la
« mémoire » qui voit en arrière ; autrement dit, sa vision dans le présent,
éclaire une prévision de l’avenir, à la lumière d’une révision du passé30 ;
car celui qui oublie ce qu’il a commencé devient incapable de le terminer.
C’est cette extension de l'esprit, cette projection lumineuse de la
« mémoire » (« lumen temporalium spatiorum »), qui nous permet de donner
une existence et une mesure, même au silence, car il dure comme la voix,
et quand nous le comparons, au point de vue de la durée, nous faisons
effort d’attention, et dans notre pensée, nous imaginons une voix qui
retentit encore, pour mesurer les intervalles des silences correspondant ou
équivalent (« quasi sonaret h)31, h a pensée, par sa tension, son énergie
spirituelle, transpose en elle le temps et crée dans sa propre durée une
équivalence qu’elle peut librement et longuement mesurer : sans remuer
nos lèvres, par une sorte de voix intérieure, il nous est possible de réciter
poèmes, vers ou discours ; de même qu’avant d’émettre une phrase assez
longue, il est bon de la préparer, de l’évaluer, et de la déterminer dans
notre langage intérieur, de confier ce calcul à notre « mémoire », avant de
proférer la parole Conformément aux proportions voulues : cette prémé
ditation présente (<c presmeditando »), permet l’action future (te perdü-
caiur »). C’est en l’âme que s’opère la connexion et la synthèse intimes des
trois modes du temps : passé, présent, avenir ; parce que dans l’attention
présente, le futur s’écoule dans l’avenir (« pressens intentio »)32.
Cette formule capitale, qui résume la puissance de l’âme sur le temps
et sur sa durée, se retrouve dans plusieurs explications philosophiques.
Déjà dans le « De immortalité animes », Augustin souligne que, par sa
tension — « intentio » — (et ce terme a une très grande portée), l’esprit est
capable de garder à la fois le souvenir des choses passées et l’attente des
choses futures, parce qu’il est doué d’une vitalité profonde, d’une vie
spirituelle, — cela va sans dire — et d’une vie immortelle (comme il
s’efforce de le prouver)33 ; dans cette concentration de l’esprit, ces deux
aspects complémentaires du temps, dont l’un semble vivre de la m ort d'
30. Cf. De civitute Dei, I,, VII, c. 7 : Unde necesse est a memoria respiciente prosp
connectatur intentio.
31. Nonne cogitationem tendiraus ad mensuram vods, quasi sonaret, u t aliquid deint
silentiorum in spatio temporis renuntiare possimus ? Confess., I,. XI, xxvn, 36.
32. Si voluerit aliquis edere longiusculam vocem et constituerit preemeditando, quam lo v
futura sit, egit utique iste spatium temporis in silentio memoriseque commendans ccepit edere
illam voceni... Nam quod ejus jam peractum est, utique sonuit, quod autem restat, sonabit
atque ita peragitur, dum prsesens intentio futurum in prreteritum trajidt deminution e futuri
erescente preeterito, donee consumptione futuri sit totum pneteritum. Ibidem.
33. Potest enim (animus) in hac intentione simul et memoriam prseteritorum et expecta-
tiouem futurorum habere, qum omnia sine vita esse non possunt. De immortalitate anitna,
III, 4,
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l ’autre, subsistent dans T aspect central qui les relie et, mieux, les unit.
Ainsi peut-on dire que s’opère dans le mouvement de la pensée alimentée
p ar la « mémoire », cette évolution et cette fusion du passé, du présent, et
de l’avenir.
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34. Quis igitur negat futura nonduni esse ? Sed tarnen est adhuc in animo memoria futuro-
rum. Confess., X I, xxvm , 37.
35. Non igitur longum tempus futurum quod non est, sed longum futurum longa expectatio
futuri est, neque longum prseteritum tempus, quod non est, sed longum prseteritum longa
memoria prseteriti est. Ibid.
36. Dicturus sum canticum quod novi : antequam incipiam, in totum expectatio mea ten
ditur, cum autem coepero, quantum ex ilia in prseteritum decerpsero, tenditur et memoria mea,
atque distenditur vita hujus actionis mese in memoriam propter quod dixi et in expectationem
propter quod dicturus sum : praesens tarnen adest adtentio mea, per quam trajid tu r quod erat
futurum u t fiat prseteritum. Confess., I,. X I, xxvm , 38.
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37. E t quod in toto cantico... hoc in tota vita hominis, cujus partes sunt actiones hominis,
hoc in toto saeculo filionun homiuum, cujus partes sunt omnes vitae hominum. Ibid.
38. Quis tenebit illud et figet illud, u t paululum stet et jiaululum rapiat splendorem semper
stantis aetemitatis ? Confess., E. X I, x, 13.
39. E t videat omne praeteritum propelli ex (uturo et orune futurum ex praeterito consequi
et omne praeteritum ac futurum ab eo, quod semper est praesens, ereari e t excurrere. Ibid.
40. E t quoniam illud quod mens videt semper est praesens et immortale approbatur, cujus
generis numeri apparebant; sonus autem quia sensibilis res est, praeterfluit in praeterituni
tempus imprimiturque memoriae, rationabili mendacio jam poetis favente ratione, Jovis et
Memoriae Alias Musas esse confictum est. De ordine, I,. II, xiv, 41.
z 5o M . M OREAU
4 i- Aut si artltîeiasl et musici sotii per moras temporum transeunüs numerositas cornpre-
hendatur, sine tempore stans in quodam sécréta aitoque silentio, tamdiu saltern cogitari
potest quamdiu. potest ille cantus audiri : tamen quod inde rapuerit, etsi transiens mentis
aspectus, et quasi glutiens in ventrem, ita in memoria repqsuerit, potent reeordando quodam-
modo nmiinare, et in disciplinant quod sic didiscerit, trajicere. Quod si fuerit omnimoda
oblivlone deletmu, rursus doctrina duce ad id venletur quod penitus exdderat, et sic inve-
nitur ut erat. De TrinüaU, I,. XII, xiv, 23. .
(*) Cet article est extrait d'une thèse sur La mémoire selon saint Augustin que l’auteur,
surpris par une mort prématurée (1954), n’a pu publier.