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Discours de la méthode. Descartes. 1637.


Posted By Simone MANON On 13 juillet 2009 @ 7 h 20 min In Lecture suivie | 39 Comments

Ce texte est un écrit de circonstance. En 1633, Descartes projetait de publier son Traité du
monde, mais il apprend les démêlés de Galilée avec le St Office. Or comme dans son Traité du
monde, il soutient les thèses de la science nouvelle (la rotation de la terre) il décide par
prudence de ne pas publier son œuvre.

La devise de Descartes était « larvatus prodeo » : « Je m’avance masqué ».

En 1637, il décide comme il l’écrit dans sa correspondance, « de sonder le gué » en publiant


trois essais scientifiques : La Dioptrique; Les Météores; La Géométrie, précédés d’un Discours de
la méthode. [1]

Il s’agit donc, pour le philosophe de commencer par le commencement. La science naissante


n’a aucune chance d’être reçue par la plus grande partie des esprits, tant que ceux-ci n’ont pas
été réformés. A quoi bon publier les résultats d’une recherche, si les esprits ne sont pas
disponibles pour la manière radicalement nouvelle d’aller au vrai qu’ils impliquent? En effet la
physique en voie de constitution exige de se demander ce qui est au principe d’une connaissance
véritablement scientifique :

Faut-il considérer comme la philosophie de l’Ecole le prétend, que la vérité a été révélée ou
trouvée et qu’il convient seulement de la recevoir par voie d’autorité, ou bien faut-il
comprendre que la vérité est à chercher par un effort actuel devant mobiliser les générations
présentes et à venir ? La réponse de Descartes est très claire : Excepté les vérités religieuses qui
ont été révélées, les vérités scientifiques sont à chercher. La science n’est pas construite, elle est

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à élaborer et pour cela il faut une méthode.

Quelle est cette méthode ? C’est celle qui permet de bien conduire sa raison car d’une part la
raison est la seule autorité en matière de vérité, d’autre part elle est inefficace si elle ne s’exerce
pas selon certaines règles.

La rédaction du Discours de la méthode [1] repose sur ces présupposés, son enjeu étant de
préparer les esprits à comprendre la science nouvelle. D’où le titre : Discours de la méthode pour
bien conduire sa raison et chercher la vérité dans les sciences.

Au fond, le Discours est un manifeste. On appelle ainsi une déclaration solennelle par laquelle
un homme ou un groupe expose son programme, justifie sa position. Un discours n’est pas un
traité c’est-à-dire une exposition méthodique et systématique d’un ensemble de connaissances.

Le projet se veut modeste. Descartes ne cesse de préciser qu’il donne à voir le chemin qu’il a
suivi et qu’il ne prétend pas donner de leçons aux autres. Cf. La première partie. « Toutefois il se
peut faire que je me trompe, et ce n’est peut-être qu’un peu de cuivre et de verre que je prends
pour de l’or et des diamants… Ainsi mon dessein n’est pas d’enseigner ici la méthode que chacun
doit suivre pour bien conduire sa raison mais seulement de faire voir en quelle sorte j’ai tâché de
conduire la mienne…Mais ne proposant cet écrit que comme une histoire…franchise ».

Il ne faut pas se laisser abuser par la modestie du propos. Certes, elle est sincère en ce que
le philosophe connaît la propension de tout esprit à l’erreur, et en ce que, fondamentalement,
Descartes est un homme modeste plus prompt à se remettre en cause qu’à remettre en cause les
autres. Il y a là un trait de générosité, au sens où cette vertu engage à s’estimer à sa juste
mesure. Mais derrière la modestie il faut aussi déceler la prudence. La prudence ou sagesse
pratique consiste à ne rien faire qui puisse inutilement vous nuire. Or Descartes ne manquerait
pas d’avoir des ennuis avec les pouvoirs établis s’il publiait comme Galilée les résultats de ses
travaux intellectuels.

Le Discours et les trois essais lui permettent de « prendre le pouls » de l’opinion. Comme le
peintre Apelle, caché derrière ses tableaux, écoutait les critiques du public afin d’en tirer profit,
Descartes attend des critiques que suscitera cette publication des renseignements sur l’état des
esprits dans leurs rapports à la science nouvelle. « Je serai bien aise de faire voir en ce
discours, quels sont les chemins que j’ai suivis, et d’y représenter ma vie comme en un tableau,
afin que chacun en puisse juger, et qu’apprenant du bruit commun les opinions qu’on en aura, ce
soit un nouveau moyen de m’instruire, que j’ajouterai à ceux dont j’ai coutume de me servir ».

Ce discours lui permet ainsi, derrière la modestie affichée de son objet, de présenter une
histoire de sa vie intellectuelle et d’introduire chaque partie de sa philosophie telle que l’œuvre
cartésienne la déploie par ailleurs de façon méthodique et systématique. Le contenu des
Méditations métaphysiques [2](1641) est présenté sommairement dans la 4° partie, les grandes

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thèses scientifiques développées dans le traité du monde ; le traité de l’homme ; le traité des
passions sont annoncées dans la 5° et 6° partie. La morale dans la 3°.

S’il est vrai que la philosophie est comme un arbre dont les racines sont la métaphysique, le
tronc la physique, les sciences en général et les branches qui en constituent la dimension
pratique : la technique, la médecine et la morale ; on peut dire que le discours en esquisse
l’architecture.

I) Analyse de la première partie.

A) Que faut-il entendre par « le bon sens est la chose du monde la mieux
partagée » ?

Bon sens est synonyme de raison. C’est la faculté de juger c’est-à-dire de distinguer le vrai
d’avec le faux sur le plan théorique ou le bien d’avec le mal sur le plan pratique.

La justification que Descartes donne de son propos (Cf. car…) mêle subtilement ironie et
générosité. « Chacun pense en être si bien pourvu que ceux mêmes qui sont les plus difficiles à
contenter en toute autre chose, n’ont point coutume d’en désirer plus qu’ils n’en ont. En quoi il
n’est pas vraisemblable que tous se trompent ; mais plutôt cela témoigne que la puissance de
bien juger et de distinguer le vrai d’avec le faux, qui est proprement ce qu’on nomme le bon sens
ou la raison, est naturellement égale en tous les hommes ».

Descartes note ironiquement un fait : les hommes ne manquent pas de motifs de plainte mais
ils ne se plaignent jamais de leur jugement. Si difficile à se satisfaire en toutes choses, ils sont
d’ordinaire contents de leur jugement.

Est-ce à dire que tous jugent correctement ? Ce n’est certes pas ce que veut laisser
entendre le philosophe du doute. Mais avant de pointer les faiblesses de ce contentement, il
explicite ce qu’il signifie de positif. A savoir que les hommes n’ont pas tort de savoir qu’il y a en
eux une dignité, une faculté les distinguant des animaux et les constituant comme des hommes à
part entière. Descartes s’inscrit explicitement dans la tradition grecque. Aristote définissait
l’homme comme un animal raisonnable. « Pour la raison ou le sens, d’autant qu’elle est la seule
chose qui nous rend hommes, et nous distingue des bêtes, je veux croire qu’elle est tout entière
en un chacun, et suivre en ceci l’opinion commune des philosophes, qui disent qu’il n’y a du plus
ou du moins qu’entre les accidents, et non point entre les formes ou natures des individus d’une
même espèce ».

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Descartes rappelle ici, conformément au langage scolastique, qu’il faut distinguer ce qui
appartient essentiellement à un être et ce qui le caractérise accidentellement. Ce qui appartient
à son essence ou à sa forme est ce qui le définit dans son être, ce qui appartient à sa définition.
Ainsi la raison définit l’humanité dans son essence. Retirez à l’homme sa forme raisonnable, il a
cessé d’être un homme. Peu importe qu’il raisonne bien ou mal, ce n’est là qu’un trait accidentel,
en revanche un être privé de raison n’est pas un homme.

Dans la Cinquième partie, il soulignera que l’hébétude des sourds et muets ou le discours
délirant des fous ne les exclut pas de l’humanité. Eux aussi participent de l’humaine condition
même si accidentellement ils sont privés des moyens d’exercer correctement leur raison. ( « Car
c’est une chose bien remarquable qu’il n’y a point d’hommes si hébétés et si stupides, sans en
exceptés même les insensés, qu’ils ne soient capables d’arranger ensemble diverses paroles, et
d’en composer un discours par lequel ils fassent entendre leurs pensées et qu’au contraire il n’y a
point d’autre animal tant parfait et tant heureusement né qu’il puisse être qui fasse le semblable
[…] Et ceci ne témoigne pas seulement que les bêtes ont moins de raison que les hommes, mais
qu’elles n’en ont point du tout […] »).

Les hommes ont donc bien raison de se sentir égaux par cette faculté qui les définit dans leur
humanité et dignité. On sait que pour Descartes, cette faculté est la marque du créateur sur la
créature, le principe de la supériorité ontologique de l’homme et ce par quoi il n’est pas, comme
le simple corps ou matière dont il relève aussi, régi par le principe du déterminisme car en tant
que substance pensante il dispose du libre-arbitre.

Mais la justification s’arrête là car il ne suffit pas de disposer de la raison, encore faut-il en faire
un bon usage. Ainsi si tous les hommes sont égaux par le fait de disposer d’une raison, ils ne le
sont pas par la manière dont ils l’exercent.

L’égalité des raisons n’empêche pas l’inégalité des esprits :

D’abord parce qu’il n’y a pas que la seule raison qui concourt à la perfection de l’esprit. Toujours
avec le même souci de modestie, Descartes souligne qu’il lui est souvent arrivé d’envier la
vivacité de tel esprit ou la capacité inventive, la puissance de l’imagination ou encore la
prodigieuse mémoire de tel autre. Toutes ces dimensions de l’esprit contribuent à distinguer les
uns des autres et à faire que certains sont plus puissants que d’autres.

Ensuite parce que « ce n’est pas assez d’avoir l’esprit bon, mais le principal est de
l’appliquer bien ». Le philosophe introduit ici l’idée de la nécessité de la méthode. La raison
est nécessaire, elle n’est pas suffisante. A défaut de la conduire méthodiquement elle est
inefficace. Or, ce qu’il y a sans doute de plus difficile est de procéder avec méthode.

C’est si difficile que Descartes ne considère pas que cela soit à la portée de tous les esprits. Il le
signifie lorsqu’il dit que la remise en cause de toutes les croyances à laquelle invite la première

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règle, c’est-à-dire la pratique du doute n’est pas un instrument à mettre dans toutes les
mains. Il s’explique sur ce point dans la deuxième partie.

Il commence par remarquer que les édifices les plus réussis sont ceux qui révèlent l’unité d’un
projet méthodique comme en témoignent les monuments construits par un seul architecte, les
villes conçues par un seul urbaniste, les constitutions élaborées par un seul législateur, un
domaine de savoir construit par l’effort méthodique d’un seul esprit, ou la reconstruction du
champ des sciences telle que Descartes l’envisage par le doute méthodique.

Mais pas plus dans le domaine des sciences que dans celui de la religion ou dans celui de la
politique, il n’est prudent d’inviter tous les esprits à la remise en cause radicale.

« Jamais mon dessein ne s’est étendu plus avant que de tâcher à réformer mes propres
pensées, et de bâtir dans un fonds qui est tout à moi. Que si mon ouvrage m’ayant assez plu, je
vous en fais voir le modèle, ce n’est pas, pour cela, que je veuille conseiller à personne de
l’imiter. Ceux que Dieu a mieux partagés de ses grâces auront peut-être des desseins plus
relevés ; mais je crains bien que celui-ci ne soit déjà trop hardi pour plusieurs. La seule
résolution de se défaire de toutes les opinions qu’on a reçues en sa créance, n’est pas un
exemple que chacun doive suivre. Et le monde n’est quasi composé que de deux sortes d’esprit
auxquels il ne convient aucunement : à savoir de ceux qui, se croyant plus habiles qu’ils ne sont,
ne se peuvent empêcher de précipiter leurs jugements, ni avoir assez de patience pour conduire
par ordre toutes leurs pensées ; d’où vient que, s’ils avaient une fois pris la liberté de douter des
principes qu’ils ont reçus, et de s’écarter du chemin commun, jamais ils ne pourraient tenir le
sentier qu’il faut prendre pour aller plus droit et demeureraient égarés toute leur vie ; puis de
ceux qui, ayant assez de raison ou de modestie pour juger qu’ils sont moins capables de
distinguer le vrai d’avec le faux que quelques autres par lesquels ils peuvent être instruits
doivent bien plutôt se contenter de suivre les opinions de ces autres qu’en chercher eux-mêmes
de meilleures ».

Au fond la plus grande partie des esprits se répartit en deux catégories. D’une part les esprits
présomptueux qui prétendent plus qu’ils ne peuvent et se condamnent à l’égarement chronique
tant en matière politique, religieuse que scientifique. A bien observer le monde cette catégorie
est certainement la plus répandue. D’autre part les esprits modestes qui, ayant connaissance
de leur limite s’en remettent pour être éclairés à plus compétents qu’eux. Car Descartes l’avoue
« sans avoir plus d’esprit que le commun, on ne doit pas espérer de rien faire d’extraordinaire
touchant les sciences humaines ».

Descartes ne réserve donc l’exercice du doute, la méthode du libre-examen qu’à un petit


nombre d’esprits supérieurs. Est-ce à dire qu’il se compte au nombre de ceux-ci ? La réponse est
embarrassante. Nul doute que comme tous les grands génies, Descartes devait avoir conscience
de sa supériorité. Mais ce qui frappe dans le propos cartésien, c’est toujours la modestie. Ainsi
lit-on, qu’il se serait plutôt senti participer de la seconde catégorie d’esprit si les circonstances de

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sa vie ne l’avaient pas mis en situation d’être insatisfait du savoir reçu, insatisfaction l’ayant
conduit à définir une méthode dont il a expérimenté par lui-même la fécondité.

Sa contribution à l’édifice du savoir ne vient donc pas d’une espèce de supériorité native, il
insiste beaucoup sur le sentiment qu’il a de la médiocrité de son esprit (médiocre= moyen) ; elle
découle de la méthode qu’il a eu la chance de mettre au point. Mais afin d’éviter l’écueil qui est
celui des esprits présomptueux, et qui font qu’ils demeurent toute leur vie égarés, il s’efforce de
retarder le plus possible le moment de la remise en cause radicale de toutes ses croyances pour
se rapprocher du moment où grâce à sa méthode il sera capable de les remplacer par des
connaissances véritables. « Je ne voulus point commencer à rejeter tout à fait aucune des
opinions, qui s’étaient pu glisser autrefois en ma créance sans y avoir été introduites par la
raison, que je n’eusse auparavant employé assez de temps à faire le projet de l’ouvrage que
j’entreprenais, et à chercher la vraie méthode pour parvenir à la connaissance de toutes les
choses dont mon esprit serait capable ».

Idée-force : Le principe de la réforme cartésienne est dans une suspicion à l’égard d’une
confiance exclusive dans les dons de l’esprit. Cette confiance n’est pas fondée. La référence aux
grandes âmes a pour fonction de l’établir. L’expression renvoie surtout au domaine moral. Mais
les choses sont analogues dans l’ordre théorique. Ceux qui peuvent aller le plus haut (qu’il
s’agisse des grandes vertus en matière morale ou des grandes lumières en matière
intellectuelle) sont sans doute les mêmes que ceux qui peuvent aller le plus bas. Les vices ou les
vertus des âmes moyennes sont également moyens. Par analogie, la différence entre ceux qui
font progresser la connaissance et ceux qui ne le font pas tient à ce que les uns procèdent
méthodiquement alors que les autres non. Par précipitation, ceux-ci s’éloignent davantage de la
vraie science qu’ils croient la posséder. Ainsi en est-il de ces faux savants de l’âge scolastique.
Ils ont beaucoup étudié Aristote, les Pères de l’Eglise, mais en ce qui concerne la science de la
nature, ils en sont d’autant plus éloignés qu’ils ont reçu sans examen tout ce qu’on leur a appris.

B) Le bilan de son éducation.

1) D’abord Descartes souligne combien il y avait en lui une soif de connaître, une curiosité
naturelle qu’il avait hâte de satisfaire car « j’avais toujours un extrême désir d’apprendre à
distinguer le vrai d’avec le faux pour voir clair en mes actions et marcher avec assurance en
cette vie ».

Il pointe l’enjeu pratique de la connaissance, son utilité pour les besoins de l’action. Il s’agit
de conduire sa vie avec sagesse afin d’avoir une vie bonne et heureuse. La clarté (opposable à
obscurité) et la distinction (opposable à confusion) des idées ne sont pas visées dans une

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perspective simplement libérale de la connaissance, même si cette conception grecque est aussi
partagée par Descartes. La recherche de la vérité est bien, pour lui aussi une fin en soi. Mais il y
a une autre tendance chez Descartes qui est particulièrement affirmée ici. S’il faut voir clair, c’est
d’abord qu’il faut déployer sa vie dans toute l’excellence dont on est capable et cela passe par
l’intelligence du vrai. Le bon usage du libre-arbitre suppose un jugement éclairé en toutes
choses, (Cf. Cours sur le jugement [3] dans le chapitre la raison et le réel) les vertus pratiques
supposent la vertu intellectuelle.

2) Ensuite il dit sa profonde déception à l’endroit de l’enseignement qu’il a reçu alors qu’il
reconnaît avoir eu la chance d’étudier dans le plus grand collège d’Europe, c’est-à-dire au collège
de La Flèche. Il précise qu’il ne se contentait pas d’étudier les matières enseignées, il était
curieux de toutes les productions intellectuelles de son époque, même de ce qu’on appelle
aujourd’hui les sciences occultes(astrologie, chiromancie, magie, graphologie etc.) et qu’il
appelle « curieuses ». « Mais, sitôt que j’eus achevé tout ce cours d’études, au bout duquel on a
coutume d’être reçu au rang des doctes, je changeai entièrement d’opinion. Car je me trouvais
embarrassé de tant de doutes et d’erreurs, qu’il me semblait n’avoir fait autre profit, en tâchant
de m’instruire, sinon que j’avais découvert de plus en plus mon ignorance ».

Il va donc passer en revue les disciplines qu’il a étudiées, expliquant pourquoi elles n’ont pas
eu l’heur de le satisfaire :

-Le latin et le grec sont une bonne chose mais enfin leur seul intérêt est de pouvoir lire les
auteurs anciens dans le texte.

-Les fables éveillent l’imagination enfantine mais la fantaisie est une chose, le réel en est une
autre et il peut être pernicieux de cultiver l’imaginaire si cela doit brouiller la frontière entre le
rêve et la réalité. Les récits historiques sont édifiants en ce qu’ils élèvent l’esprit par l’exemple
des exploits des grands hommes mais à trop s’intéresser à l’étude du passé on risque d’être
ignorant de ce qui se passe dans le présent. Or c’est au présent qu’il faut vivre. La lecture des
grands auteurs permet de converser avec des grands esprits et de se sentir membre de ce que
Bayle appellera plus tard « la République des Lettres ». L’étude de l’art oratoire (essentiellement
les discours de Cicéron), de la poésie rend capable d’une certaine éloquence mais l’excellence
dans ce domaine relève plus d’une certaine aisance naturelle que de l’étude de règles (Cf.
Pascal : « la vraie éloquence se moque de l’éloquence). Et pour ce qui est de la vérité, il s’agit
moins de persuader des esprits ignorants comme on le peut en maîtrisant l’art oratoire que de la
concevoir clairement et distinctement. Or sur ce point la rhétorique n’est d’aucun secours.

-Les mathématiques font l’objet de deux jugements très différents. Telles qu’on les lui a
enseignées, elles ne semblent guère avoir d’autre intérêt que d’être utiles à la résolution de
problèmes pratiques (aux arts mécaniques). Et cela ne cesse de l’étonner car s’il y a une
discipline qui incarne une perfection théorique, c’est bien cette science. Descartes en fait
l’éloge en tant que discipline théoriquement rigoureuse : « Je me plaisais surtout aux

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mathématiques, à cause de la certitude et de l’évidence de leurs raisons ; mais je ne remarquais


point encore leur vrai usage, et, pensant qu’elles ne servaient qu’aux arts mécaniques, je
m’étonnais de ce que, leurs fondements étant si fermes et si solides, on n’avait rien bâti dessus
de plus relevé ». Il signifie donc que manifestement la scolastique n’a pas su voir la puissance et
la fécondité des mathématiques. Tout le projet cartésien consistera à expliciter la méthode
des mathématiciens et à en faire le modèle de toute science. Car la réussite de la raison dans
une discipline est le garant de sa réussite dans toutes les autres. Or quelle est la réussite des
mathématiques ? C’est de procéder selon un ordre précis : intuition des évidences premières
et déduction à partir de ces évidences. D’où la rigueur de leurs raisonnements et la certitude de
leurs conclusions. La révolution cartésienne consiste à envisager sous le nom de science une
mathématique universelle.

-Les ouvrages de morale peuvent exhorter à la vertu mais les grands systèmes philosophiques
tels que celui du stoïcisme sont jugés sévèrement. Ils élèvent fort haut les vertus…mais ils
n’enseignent pas à les connaître, et souvent ce qu’ils appellent d’un si beau nom, n’est qu’une
insensibilité (condamnation de l’apathie stoïcienne), ou un orgueil (condamnation de la thèse
stoïcienne élevant le sage à la hauteur d’un dieu), ou un désespoir (condamnation de la
justification stoïcienne du suicide), ou un parricide (allusion à l’anecdote de Brutus condamnant
ses propres enfants à mort et présidant à leur exécution).

-La théologie a certes un intérêt religieux mais comme les vérités dont elle traite dépassent la
lumière naturelle puisqu’elles sont révélées, la raison est impuissante à en juger.

-La philosophie scolastique (son contenu consistait essentiellement dans la doctrine d’Aristote
interprétée par Suarez) fait l’objet d’un jugement d’une extrême sévérité : « Elle donne le moyen
de parler vraisemblablement de toutes choses, et se faire admirer des moins savants ».
Descartes l’accuse donc d’être un bavardage stérile à l’usage des ignorants. Il est à la recherche
d’une science absolument certaine or ce qui est certain ne se discute pas. Là où il y a débat,
dialectique on n’est pas sur le terrain de la science. En termes aristotéliciens (Cf. Cours sur la
démonstration), [4] il ne reconnaît une valeur qu’au syllogisme scientifique c’est-à-dire à la
démonstration. Le syllogisme dialectique n’aboutit qu’à du vraisemblable ou du probable. Le
probable n’étant pas le certain « je réputais presque pour faux tout ce qui n’était que
vraisemblable ».

-La jurisprudence (= le droit) la médecine et les autres sciences font aussi l’objet d’un jugement
accablant. Elles n’ont pas de valeur théorique, elles ne sont que des moyens d’obtenir des postes
lucratifs et honorifiques. Or la fortune de Descartes est suffisante pour qu’il n’ait pas besoin de
vivre d’un métier lucratif et bien qu’il ne la méprise pas en cynique, la gloire ne l’attire guère.

Conclusion : « C’est pourquoi, sitôt que l’âge me permis de sortir de la sujétion de mes

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précepteurs, je quittai entièrement l’étude des lettres. Et me résolvant de ne chercher plus


d’autre science que celle qui se pourrait trouver en moi-même, ou bien dans le grand livre du
monde ; j’employai le reste de ma jeunesse à voyager, à voir des cours et des armées…et
partout à faire de telles réflexions sur les choses qui se présentaient, que j’en puisse tirer
quelque profit ».

Descartes affirme ici le principe d’une rupture radicale avec la tradition scolastique. Il n’y a que
deux sources légitimes de la connaissance. D’abord la raison or l’exercice de cette faculté ne
dépend que de son effort personnel. Ensuite l’expérience. C’est ce à quoi renvoie l’expression :
« le grand livre du monde ». Il s’agit du réel tel qu’il est possible de l’observer. Dans la sixième
partie, Descartes précise que dès qu’on avance dans la construction d’une science, c’est-à-dire
dès qu’on n’en est plus à l’établissement des premiers principes et des conséquences nécessaires
de ceux-ci (intuition et déduction) le recours à l’expérience est incontournable. « Même je
remarquais, touchant les expériences, qu’elles sont d’autant plus nécessaires qu’on est plus
avancé en connaissance. Car, pour le commencement, il vaut mieux ne se servir que de celles
qui se présentent d’elles-mêmes à nos sens, et que nous ne saurions ignorer, pourvu que nous y
fassions tant soit peu de réflexion, que d’en chercher de plus rares et étudiées ». Au fond la
méthode est toujours la même. Aller du plus simple au complexe, du clair à l’obscur, du facile au
difficile afin d’éviter de se tromper. Commencer donc par les faits les plus aisés à découvrir avant
d’en chercher de plus complexes et de plus difficiles à rendre intelligibles.

Cette première partie dont le titre est « Considérations touchant les sciences » s’achève sur un
jugement contrasté à l’endroit de l’expérience.

Descartes entend par là la connaissance acquise par la pratique de la vie et par l’observation
des choses.

Il remarque d’abord qu’il y a sans doute beaucoup plus à apprendre des savoirs pratiques que
des savoirs purement spéculatifs. Car les hommes sont infiniment plus enclins à rectifier leurs
erreurs lorsqu’ils en subissent les dommages que lorsqu’ils construisent abstraitement des
systèmes infalsifiables par l’expérience. Manière pour lui de dénoncer les subtilités théoriques
de la scolastique qui ; dit-il ironiquement ; semblent n’avoir d’autres sanctions que de flatter la
vanité de ceux qui s’éloignent le plus du bon sens.

Il note pour terminer que l’observation de la multiplicité, de la diversité et des contradictions


des opinions et des mœurs humaines lui a permis de se libérer de certains préjugés, par exemple
comme il le dit plus haut de la tendance ethnocentrique. « Il est bon de savoir quelque chose des
mœurs de divers peuples, afin de juger des nôtres plus sainement, et que nous ne pensions pas
que tout ce qui est contre nos modes soit ridicule et contre raison, ainsi qu’ont coutume de faire
ceux qui n’ont rien vu ». Mais cette expérience a surtout pour bénéfice de le libérer du
prestige de cette même expérience. La contingence, la particularité, la diversité de celle-ci le
détournent de ne jamais pouvoir fonder sur elle, quelque chose de certain. Descartes conclut

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donc cette partie sur une profession de foi rationaliste. Le fondement de la connaissance ne
peut pas être comme l’affirment les empiristes l’expérience car celle-ci ne peut rien fonder de
certain. Il faut donc se tourner du côté de la raison pour trouver quelque chose de ferme et de
constant dans les sciences.

« Après que j’eus employé quelques années à étudier ainsi dans le livre du monde et à tâcher
d’acquérir quelque expérience, je pris un jour la résolution d’étudier aussi en moi-même, et
d’employer toutes les forces de mon esprit à choisir les chemins que je devais suivre. Ce qui me
réussit beaucoup mieux, ce me semble, que si je ne me fusse jamais éloigné, ni de mon pays, ni
de mes livres ».

II) Analyse de la deuxième partie.

A) Idées générales.

1) Eloge des ouvrages témoignant de l’unité d’un plan de conception.

2) Analogie entre les plans architectural, religieux, politique et théorique. Cette analogie vise
surtout à établir, d’une part que le projet de tout reconstruire sur de nouveaux fondements n’a
pas de pertinence sur le plan de l’urbanisme, du religieux et du politique. (Voyez qu’en matière
politique, l’horreur totalitaire procédera d’un tel projet) et d’autre part que le doute universel
n’est pas à mettre entre toutes les mains.

3) Différences entre les sortes d’esprit : les esprits présomptueux et les esprits modestes.
(Voir analyse page 3 de ce cours)

4) Introduction de la méthode pour bien conduire sa raison à partir de diverses considérations


sur les sciences abstraites ou formelles : la logique et les mathématiques (géométrie et
algèbre). L’essentiel du propos consiste à dire que ces sciences ont de nombreuses qualités
théoriques mais celles-ci sont tellement mêlées à des développements confus et inutiles que « ce
fut cause que je pensai qu’il fallait chercher quelque autre méthode, qui, comprenant les
avantages de ces trois fût exempte de leurs défauts ».

B) Les règles de la méthode.

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Du grec methodos, le mot méthode indique l’idée d’un chemin (odos) vers (meta).

Pourquoi la nécessité de suivre un chemin balisé ? Parce que Descartes, l’a souligné : « Ce
n’est pas assez d’avoir l’esprit bon, mais le principal est de l’appliquer bien ».

Or s’il y a une science qui satisfait à cette exigence, c’est la mathématique. « Je me plaisais
surtout aux mathématiques, à cause de la certitude et de l’évidence de leurs raisons ; confesse
Descartes, mais je ne remarquais point encore leur vrai usage, et pensant qu’elles ne servaient
qu’aux arts mécaniques, je m’étonnais de ce que, leurs fondements étant si fermes et si solides,
on n’avait rien bâti dessus de plus relevé ».

Il signifie par ce propos que la scolastique n’a pas su voir la puissance et la fécondité des
mathématiques. Son projet va donc consister à expliciter la méthode des mathématiciens et à en
faire le modèle de toute science. Car la réussite de la raison dans une discipline est la garantie
de sa réussite dans toutes les autres et la supériorité des mathématiques tient au fait qu’elles
procèdent selon un ordre précis : intuitions des évidences premières et déduction à partir
de ces évidences. D’où la rigueur de leurs raisonnements et la certitude de leurs conclusions.
La révolution cartésienne consiste à envisager sous le nom de sciences une mathématique
universelle.

Réfléchissant sur cette rigueur, Descartes estime qu’on peut la formaliser en quatre règles
seulement.. Il précise l’intérêt d’un petit nombre de principes. Ils sont faciles à connaître et
conséquemment à observer, ce dont seraient bien inspirés de se souvenir les législateurs sur le
plan politique, car les Etats bien gouvernés ne sont pas ceux qui comme le nôtre, croulent sous
une inflation législative. Il est difficile de connaître des lois trop nombreuses et cette pléthore fait
toujours le jeu des délinquances diverses et variées.

1) La règle de l’évidence.

La première est de ne rien recevoir sans examen et de n’admettre comme vrai que ce qui
résiste au doute. Rien n’est moins naturel à l’esprit que ce souci car « nous avons tous été
enfants avant que d’être hommes, et il nous a fallu longtemps être gouvernés par nos appétits et
nos précepteurs ». Aussi avons-nous reçu quantité de fausses opinions pour véritables, et sans
prendre la peine d’interroger la valeur de vérité de ces opinions, nous fondons sur elles quantité
de raisonnements ou de jugements qui ne peuvent qu’être erronés.

Voilà pourquoi il convient de se défaire de toutes ces opinions et d’éviter les deux périls qui
menacent l’esprit dans sa recherche de la vérité.

D’une part la prévention, d’autre part la précipitation.

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Etre prévenu consiste à avoir des préjugés, à opiner au lieu de se donner la peine de
discriminer le vrai du faux. Platon a pointé, dans l’allégorie de la caverne la souveraineté des
opinions et la difficulté du chemin permettant de s’affranchir de leur prestige. Descartes décline
ici la même leçon. Tant qu’on admet sans examen des énoncés et qu’on fonde sur eux des
affirmations, celles-ci n’ont aucune valeur théorique. Il faut se tenir en garde contre l’apparence
de vérité du préjugé et n’accepter comme principe du raisonnement que ce dont il est impossible
de douter.

Ce qui suppose de prendre le temps d’examiner et donc d’éviter la précipitation. Celle-ci


consiste à aller trop vite, à être trop peu scrupuleux sur les conditions de la validité rationnelle.

Car seul peut être reconnu comme vrai « ce qui se présenterait si clairement et si distinctement
à mon esprit que je n’eusse aucune occasion de le mettre en doute ».

Le philosophe donne ici les critères de l’idée vraie dont le modèle lui a été fourni par le cogito.
C’est l’idée claire et distincte, l’idée dont l’esprit ne peut pas plus douter qu’il ne peut douter
de lui-même.

Sa vérité saute aux yeux, autrement dit elle est évidente.

L’évidence qui, seule peut fonder la certitude, est la propriété intrinsèque d’une idée
s’imposant à l’esprit comme vraie de telle sorte qu’il ne peut lui refuser son adhésion. Ce qui lui
confère cette force est sa clarté et sa distinction.

La clarté est le contraire de l’obscurité. L’idée claire est l’idée directement présente à une
pensée attentive. Elle est, commente Gilson, « l’impression que produit la perception directe de
l’idée elle-même lorsqu’elle est immédiatement présente à l’entendement […]. Une idée est
obscure lorsqu’elle se réduit au souvenir que nous avons d’en avoir jadis perçu le contenu ; plus
obscur encore, si ce souvenir n’est en réalité qu’un faux souvenir ».

La distinction est le contraire de la confusion. C’est l’idée suffisamment précise pour n’être
confondue avec aucune autre.

« Une idée est confuse dans la mesure où la perception de son contenu se mélange à d’autres
idées obscurément perçues. Une idée ne peut donc être distincte sans être claire ; une idée qui
ne contient rien que de clair est par là même distincte ; mais une idée claire peut se mélanger
d’éléments qui ne le sont pas, comme lorsque nous composons l’idée d’union de l’âme et du
corps avec les idées claires d’âme et de corps ». Gilson.

L’idée claire et distincte ou idée évidente est saisie dans un acte d’intuition rationnelle. Elle
seule permet de sortir du doute et de déployer à partir de son évidence les longues chaînes de
raison du discours.

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2) La règle de l’analyse.

Lorsqu’on a un problème à résoudre, il convient de réduire la difficulté en décomposant


mentalement un tout en ses éléments constituants s’il s’agit d’une chose matérielle ou une idée
complexe en idées plus simples. Il y a là une démarche fondamentale de la pensée qui ne peut
faire la lumière sur quoi que ce soir qu’en divisant, en décomposant pour parvenir aux idées ou
aux éléments simples.

3) La règle de la synthèse.

Pour construire un savoir selon un ordre rigoureux, il faut donc partir des éléments simples
qu’on a découverts par analyse et qui, en dernier ressort sont saisis intuitivement pour déduire
de ce simple le complexe. Comme l’écrit Gilson : « Une idée est dite plus connue, ou plus aisée à
connaître qu’une autre, lorsqu’elle lui est antérieure dans l’ordre de la déduction. A ce titre, elle
est aussi plus évidente, puisqu’on peut la connaître sans la suivante, mais non pas la suivante
sans elle, et elle est par là même plus certaine, puisque étant antérieure selon l’ordre de la
déduction, elle se rattache au premier principe et participe à son évidence de manière plus
immédiate ».

Pour les problèmes scientifiques, l’ordre entre les idées est imposé par la nature même,
puisque l’esprit peut le découvrir mais ce n’est pas lui qui le met dans les choses. Il y a là
clairement l’expression d’une option réaliste en matière de théorie de la connaissance. Mais il y
a des problèmes qui portent sur des objets qui ne sont pas naturels mais artificiels. Par exemple
le décryptage d’une écriture. Dans ce cas les éléments ne se précèdent point naturellement,
dit le texte. Il convient donc que l’esprit invente l’ordre à suivre pour trouver les solutions plutôt
que de procéder au hasard.

4) La règle du dénombrement.

Il s’agit de s’assurer que dans le raisonnement on n’a rien oublié. Cf. Gilson : « L’évidence nous
garantit la vérité de chacun des jugements que nous portons. (Premier précepte) ; mais elle ne
peut nous garantir la vérité de ces longues chaînes déductives, telles que sont d’ordinaire les
démonstrations. Le dénombrement ou énumération consiste à parcourir la suite de ces
jugements par un mouvement continu de la pensée qui, s’il devient assez rapide, équivaut

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pratiquement à une intuition. Les dénombrements ne sont valables que s’ils respectent l’ordre
requis par le troisième précepte, et s’ils sont suffisants c’est-à-dire conçus de manière à ne
laisser échapper aucun élément de la déduction ».

III) Analyse de la troisième partie.

Comme tout grand philosophe, Descartes a toujours joint le souci pratique au souci
théorique. Très tôt, il a la profonde conviction qu’ils se rejoignent dans la recherche des
principes et qu’à l’égal d’une science rationnellement construite, on doit pouvoir élaborer une
morale rationnelle. Un rêve fait dans la nuit du 10 au 11 novembre 1619 est à cet égard,
éloquent. Le jeune homme voit, symbolisés par un dictionnaire et un recueil de poèmes latins
« toutes les sciences ramassées ensemble » et « la philosophie et la sagesse jointes ensemble ».
Le dictionnaire représente le savoir, le recueil de poèmes la morale.

Bien plus tard, en 1647, dans la lettre préface de l’édition française des Principes de la
philosophie il réaffirmera l’idée que la philosophie est une et qu’elle inclut la science et la
sagesse. « Ainsi toute la philosophie est comme un arbre, dont les racines sont la
métaphysique, le tronc la physique, et les branches qui sortent de ce tronc sont toutes les
autres sciences qui se réduisent à trois principales, à savoir la médecine, la mécanique et la
morale ; j’entends la plus haute et la plus parfaite morale, qui présupposant une entière
connaissance des autres sciences, est le dernier degré de la sagesse ».

En 1637, cependant, à l’époque du Discours de la méthode, [1] la science n’est pas élaborée.
Descartes est théoriquement, en situation de doute. Il a déconstruit les savoirs antérieurs en
pointant leur caractère douteux, il n’a pas encore reconstruit l’édifice des connaissances sur les
principes qu’il s’est donnés et plus fondamentalement, la science œuvre collective, ne peut
s’élaborer que très lentement, à une échelle de temps sans commune mesure avec le temps
individuel. Or il remarque que, s’il est possible de suspendre son jugement sur le plan spéculatif,
il n’en est pas de même sur le plan pratique. Vivre c’est agir et l’action s’accommode mal des
hésitations, de l’irrésolution. Le prix à payer pour des erreurs de jugement en matière de
conduite est, par ailleurs très élevé : contrariétés, soucis, troubles de l’âme, ennuis de tous
ordres. Tout cela n’est pas compatible avec la tâche que le philosophe s’est assigné. Il veut
vaquer commodément à la recherche de la vérité. Aussi « afin que je ne demeurasse point
irrésolu en mes actions pendant que la raison m’obligerait de l’être en mes jugements et que je
ne laissasse pas de vivre dès lors le plus heureusement que je pourrais, je me formai une morale
par provision qui ne consistait qu’en trois ou quatre maximes dont je veux bien vous faire part »
Discours III Partie.

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La morale « par provision » ou morale provisoire est donc un ensemble de principes que
Descartes définit pour conduire sa vie avec assurance et tranquillité. Dans la préface des
Principes de la philosophie, il dit : « une morale imparfaite qu’on peut suivre par provision (=en
attendant) pendant qu’on n’en sait point encore de meilleure ».

L’enjeu de la morale provisoire est donc de vivre le plus heureusement possible et de vaquer en
paix à la recherche de la vérité.

1°) Première maxime : « La première était d’obéir aux lois et aux coutumes de mon
pays, retenant constamment la religion en laquelle Dieu m’a fait la grâce d’être instruit
dès mon enfance, et me gouvernant, en toute autre chose, suivant les opinions les plus
modérées, et les plus éloignées de l’excès, qui fussent communément reçues en
pratique par les mieux sensés de ceux avec lesquels j’aurais à vivre ».

On a l’impression que Descartes préconise ici un conformisme étonnant pour un homme


faisant de la raison, la seule autorité en matière de jugement. Sans doute, dans l’état actuel des
choses, la raison n’a-t-elle pas la lumière pour être en mesure d’être la seule instance
législatrice, mais plus fondamentalement il faut comprendre que dans le domaine politique et
religieux, la raison ne peut pas et ne pourra jamais être la seule mesure des choses. Pourquoi ?
Pour la religion, c’est facile à saisir. Celle-ci repose, dans le cas du christianisme, la religion de
Descartes sur la Révélation. C’est dire que la vérité religieuse ne relève pas de la lumière
naturelle (la raison) mais d’une lumière surnaturelle (la foi). Pour les lois civiles et les coutumes
il convient de se souvenir que ce sont les hasards de notre naissance qui nous ont fait membre
d’un groupe et qu’une collectivité n’est pas un monde de purs esprits. Elle a été façonnée par les
contingences historiques et ce que l’histoire a irrationnellement produit a une inertie
relativement rétive aux exigences de la raison. L’oubli de cette vérité par les réformateurs ou les
révolutionnaires est souvent la cause de leurs échecs. « Ces grands corps sont trop malaisés à
relever, étant abattus, ou même à retenir, étant ébranlés, et leurs chutes ne peuvent être que
très rudes. Puis, leurs imperfections, s’ils en ont, comme la seule diversité qui est entre eux suffit
pour assurer que plusieurs en ont, l’usage les a sans doute fort adoucies ; et même qu’il en a
évité ou corrigé insensiblement quantité, auxquelles on ne saurait si bien pourvoir par prudence.
Et enfin, elles sont quasi toujours plus supportables que ne serait leur changement : en même
façon que les grands chemins qui tournoient entre des montagnes, deviennent peu à peu si unis
et si commodes, à force d’être fréquentés, qu’il est beaucoup meilleur de les suivre, que
d’entreprendre d’aller plus droit, en grimpant au-dessus de rochers, et descendant jusques au
bas des précipices ».Discours de la méthode [1]II partie.

Il y a dans ces remarques, une assez bonne indication de la prudence de Descartes à l’égard
de la politique. Les conventions sociales, les mentalités, ne se réforment pas aussi facilement
que ses propres opinions, aussi, puisqu’il faut vivre en paix avec les autres pour ne pas

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compromettre sa tranquillité, convient-il dans sa conduite extérieure, de se conformer aux lois et


aux usages. Cela n’engage pas le jugement (c’est-à-dire le for intérieur) et pour toutes les
actions qui ne sont pas prescrites par la loi et la coutume, il est sage de les régler sur celles des
hommes « les plus sensés avec lesquels j’aurais à vivre ». Descartes énonce ici un principe de
modération ayant deux justifications : à défaut de connaître la vérité, on a moins de chance de
se tromper en suivant les opinions éloignées des extrêmes car « tout excès a coutume d’être
mauvais » et si on se trompe, on se détourne moins « du vrai chemin » en étant modéré qu’en
étant extrémiste.

2°) Deuxième maxime: « Ma seconde maxime était d’être le plus ferme et le plus résolu
en mes actions que je pourrais, et de ne suivre pas moins constamment les opinions les
plus douteuses, lorsque je m’y serais une fois déterminé, que si elles eussent été très
assurées ».

Après la modération, Descartes prescrit la résolution. Certes les nécessités de l’action


fondent l’obligation de prendre parti, alors que l’entendement ne sait pas avec certitude quel est
le choix le meilleur, mais même si l’option choisie reste douteuse, l’important est de se tenir
fermement à sa décision. Il ne s’agit pas pour le philosophe de cautionner une attitude obstinée
et opiniâtre qui persévérerait dans l’erreur stupidement, mais de comprendre que la résolution
nous empêche de tourner en rond et est en elle-même une solution aux incertitudes de l’action.
Comme souvent Descartes recourt à une image pour faire entendre sa pensée. L’image de la
forêt est la métaphore de l’obscurité et de la complexité du monde dans lequel s’insère notre
action. Quel chemin devons-nous choisir dans toutes les occurrences de la vie ? Nous
ressemblons tous au voyageur égaré dans une forêt. La raison ne sait pas quelle est toujours la
meilleure voie à suivre (l’homme n’a pas « une science infinie, pour connaître parfaitement tous
les biens dont il arrive qu’on doit faire choix dans les diverses rencontres de la vie » Lettre à
Elisabeth. [5] 6 octobre 1645) mais elle peut dire avec certitude qu’un voyageur égaré dans une
forêt, changeant sans cesse de direction pour se tirer d’affaire ne trouvera jamais une issue (sauf
hasard heureux). Tandis que celui, qui comme le précédent ignore où est le bon chemin mais se
tient à celui qu’il a décidé d’emprunter a bien des chances de finir par sortir de la forêt, quand
bien même le chemin choisi serait le plus long. Descartes précise que cette règle a l’avantage de
le délivrer « de tous les repentirs et remords qui ont coutume d’agiter les consciences de ces
esprits faibles et chancelants, qui se laissent aller inconstamment à pratiquer, comme bonnes,
les choses qu’ils jugent après être très mauvaises ».

3°) Troisième maxime : « Ma troisième maxime était de tâcher toujours à me vaincre


que la fortune, et à changer mes désirs que l’ordre du monde ; et généralement de
m’accoutumer à croire qu’il n’y a rien qui soit entièrement en notre pouvoir, que nos
pensées, en sorte qu’après que nous avons fait notre mieux, touchant les choses qui
nous sont extérieures, tout ce qui manque de nous réussir est, au regard de nous,
absolument impossible ».

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Maxime d’inspiration stoïcienne. Cf. dissertation : vaut-il mieux changer ses désirs que l’ordre
du monde ? Son enjeu est « de se rendre content ». Le cartésianisme est comme les morales
antiques un eudémonisme. Le souverain bien de l’existence humaine est le bonheur, mais il ne
faut pas attendre qu’il nous échoit comme un don du ciel (Cf. étymologie du mot), il faut
travailler à en promouvoir les conditions. C’est d’autant plus nécessaire qu’il n’y a pas accord
entre le désir et le réel, entre les aspirations humaines et l’ordre des choses. Les hommes
désirent vivre en paix mais ils ont parfois à subir les horreurs de la guerre, ils désirent être aimés
mais ils sont confrontés à l’épreuve du désamour, ou de la solitude, ils souhaitent jouir d’une
bonne santé mais il leur arrive de tomber malade. D’où l’expérience la plus communément
partagée du malheur et du désespoir. Or la souffrance, le désespoir sont des maux qu’il faut
absolument se donner les moyens de surmonter. Tels sont les présupposés de cette maxime.
La question est de savoir comment. Descartes préconise la solution stoïcienne. Il s’agit
d’accorder le désir et le réel soit, si cela est possible, par la transformation du réel, soit, si cela
n’est pas possible, par la transformation du désir. Il convient de ne pas tracer a priori la
frontière entre ce qui dépend de soi et ce qui n’en dépend pas. L’impuissance humaine ne
s’apprécie, dans de nombreuses situations, qu’après avoir essayé d’intervenir sur l’extériorité.
Nous avons un pouvoir partiel sur elle si bien qu’on ne saura ce qui nous est « absolument
impossible » qu’ « après avoir fait notre mieux touchant les choses qui nous sont extérieures ». Il
ne s’agit ni de renoncer avant d’avoir essayé ni de persévérer en présence de la résistance des
choses c’est-à-dire de l’adversité. Une autre voie de salut est alors possible car sur la scène
intérieure je dispose d’un pouvoir absolu. Je suis maître de mes représentations (« il n’y a rien
qui soit entièrement en notre pouvoir que nos pensées » écrit Descartes), et donc de mes désirs
en tant qu’ils impliquent la représentation. Si, faisant usage de mon entendement (faculté de
comprendre) je prends conscience que l’objet de mon désir est absolument inaccessible pour moi
(par exemple, je n’ai pas les moyens intellectuels de réussir polytechnique, je n’ai pas la
capacité physique de devenir champion du monde dans tel sport, je n’ai pas le pouvoir de
ressusciter les morts), je me mets en situation de transformer mon désir en le détournant de ce
qui est impossible. Cet effort suppose le passage du plan du désir à celui de la volonté. On peut
désirer l’impossible car dans sa spontanéité le désir ignore la loi du réel, mais on ne peut pas le
vouloir. « Car notre volonté ne se portant naturellement à désirer que les choses que notre
entendement lui représente en quelque façon comme possibles […]» dit le texte. Par un effort de
lucidité je m’affranchis donc des désirs me condamnant à l’échec et au malheur et je me dispose
favorablement à l’égard de ce sur quoi je n’ai aucun pouvoir. Je conquiers ainsi la paix de l’âme
par un travail de moi sur moi me rendant invulnérable aux coups du sort. La mauvaise fortune ne
peut rien sur celui qui se dispose ainsi à son égard mais il va de soi que cette attitude requiert
des efforts :

D’abord un effort de juste appréciation des choses. Pour aligner son vouloir sur son pouvoir, il
faut être capable de se faire une idée adéquate de ses possibilités et de la résistance des choses.
Cela suppose de ne pas avoir l’esprit aveuglé par ses passions.

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Ensuite une volonté de rester maître de sa vie. Ce souci n’est pas la chose du monde la mieux
partagée. Les hommes préfèrent d’ordinaire s’abandonner à la spontanéité de leurs désirs. D’où
le caractère pathétique de la plupart des existences. Elles ne sont heureuses ou malheureuses
que selon ce qui leur arrive est favorable ou défavorable.
Le sage veut se gouverner et soustraire sa vie aux caprices de la fortune. Il veut être au
principe de son bonheur et de sa liberté.

* Descartes substitue l’idée de la Providence divine à celle de la fortune (ou hasard) dans les
Passions de l’âme [6].II, 146 (1649). « Tout est conduit par la Providence divine, dont le décret
éternel est tellement infaillible et immuable, qu’excepté les choses que ce même décret a voulu
dépendre de notre libre arbitre, nous devons penser qu’à notre égard il n’arrive rien qui ne soit
nécessaire et comme fatal, en sorte que nous ne pouvons sans erreur désirer qu’il arrive d’autre
façon ».

Conclusion : Descartes avoue que « les trois maximes précédentes n’étaient fondées que sur
le dessein que j’avais de continuer à m’instruire ». Manière de dire que le doute et la morale
provisoire ne sont qu’une étape. Là est la grande différence du doute cartésien et du doute
sceptique. Les sceptiques ne sortent pas du doute et ne sont jamais résolus dans l’action (« ils
doutent pour douter dit Descartes) alors que l’enjeu du doute cartésien est d’être dépassé et il
n’exclut pas la ferme résolution. Il n’est qu’un moyen de parvenir à la connaissance vraie,
fondement d’une action éclairée. Car Descartes ne cesse de rappeler que le bon exercice de la
volonté ou du libre arbitre est tributaire des lumières de l’entendement. « Notre volonté ne se
portant à suivre ni à fuir aucune chose, que selon que notre entendement la lui représente bonne
ou mauvaise, il suffit de bien juger pour bien faire, et de juger le mieux qu’on puisse,
pour faire aussi tout son mieux, c’est-à-dire pour acquérir toutes les vertus ».

Il y a là l’énoncé d’un intellectualisme moral. Rien n’est plus important que la lucidité et la
rectitude du jugement. Souvenons-nous de la définition de la vertu de générosité. « Ne jamais
manquer de volonté pour entreprendre et exécuter toutes les choses qu’il jugera être les
meilleures ».

Descartes fait sienne la conception de l’Ecole d’après laquelle « tout pécheur est un ignorant »
(omnis peccans est ignorans). Le choix du mal procède d’une erreur sur le bien.

On pense bien sûr à l’affirmation socratique « la vertu est science, la méchanceté est
ignorance ». On pense aussi à Pascal : « Travaillons à bien penser pour être juste ».

IV) Analyse de la quatrième partie

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Cette partie contient un résumé très sommaire des Méditations métaphysiques. [2] Descartes
prévient d’emblée que l’objet (la métaphysique c’est-à-dire la connaissance des premières
causes et des premiers principes) et la nature de la démarche (une méditation) peuvent rebuter
un certain nombre d’esprits. Tout ce qu’il va dire est fort éloigné de ce que les hommes pensent
communément mais on n’est plus ici sur le plan pratique où l’on peut se contenter de suivre les
opinions communément admises. Le souci est purement théorique et Descartes est à la
recherche d’une vérité absolument certaine. Il lui faut donc rejeter comme faux tout ce en quoi il
remarquera le moindre caractère douteux.

-Etapes du raisonnement conduisant à l’évidence du cogito :

1) Remise en cause des certitudes sensibles. Justification ? Nous faisons l’expérience que les
sens nous trompent parfois.

2) Remise en cause des certitudes rationnelles. Justification ? L’expérience montre que les
hommes se trompent parfois lorsqu’ils raisonnent. On sait que les Méditations métaphysiques [2]
ajoutent l’argument du « malin génie ». Descartes ne donne pas dans le Discours une forme
hyperbolique à son doute car cet ouvrage, écrit en langue vulgaire s’adresse à tous les esprits
et il est imprudent de mettre dans n’importe quelles mains un instrument aussi dangereux que le
doute universel.

3) Argument du rêve. Comment distinguer le rêve de la réalité puisqu’il nous arrive de voir en
rêve ce que nous découvrons n’être pas la réalité lorsque nous nous réveillons ? Argument d’une
grande profondeur, signifiant qu’il n’y a pas de critères décisifs de distinction tant que nous nous
en tenons aux impressions sensibles. Certes la clarté et la cohérence des images diurnes sont
d’ordinaire suffisantes pour distinguer le rêve de la réalité mais il arrive que la frontière se
brouille lorsque les images du rêve sont très vives (cauchemar par exemple) et si nous rêvions
chaque nuit en continuité avec le rêve de la nuit précédente nous ne saurions plus où est le rêve,
où est la réalité. Ce qui nous sauve, c’est l’incohérence, la discontinuité des images oniriques.
Mais ce n’est pas là un fondement suffisant d’une certitude absolue.

4) Pour toutes ces raisons, Descartes décide de révoquer en doute aussi bien les certitudes
sensibles que les certitudes rationnelles. Notez l’expression : « Je me résolus de feindre
que… ». Le doute cartésien est un doute de méthode, non un doute éprouvé comme c’est le
cas des sceptiques, qui confrontés à la contradiction des opinions, à l’impuissance de la raison à
démontrer de manière absolue les énoncés renoncent à admettre quoi que ce soit comme vrai.
(Cf. Cours sur la vérité. Le développement sur le scepticisme).

5) C’est d’ailleurs au moment où il a fait le vide que Descartes découvre qu’il peut douter de
tout sauf de lui-même en tant qu’il doute. Pour penser, il faut être, « je pense, donc je suis ».

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« La force de cet argument, dirigé déjà par St Augustin contre les sceptiques, remarque Gilson,
tient précisément à ce que, même en leur accordant toutes leurs hypothèses, la vérité de sa
conclusion reste inébranlable. C’est au moment où l’esprit accumule les raisons de douter les
plus excessives qu’il constate que pour douter, il faut être ».

6) Le sens du cogito : découverte d’une existence et d’une essence. Cf. Cours. [7]

7) Le cogito est la première vérité pour celui qui, comme le requiert la méthode, pense avec
ordre. C’est donc nécessairement cette vérité qu’il faut examiner pour définir les critères de
l’idée vraie. Quels sont ses caractères ? Elle est absolument claire et distincte. La clarté et la
distinction sont donc les caractères intrinsèques de l’idée vraie ou idée évidente. Tel est le
fondement de la connaissance car il va de soi que l’évidence des vérités mathématiques qui est
donnée dans une intuition rationnelle suppose à titre de principe métaphysique, cette
première évidence par laquelle l’esprit a l’intuition de sa propre existence.

V) Analyse d’un passage de la cinquième partie.

« Et je m’étais ici particulièrement arrêté à faire voir que, s’il y avait de telles machines qui
eussent les organes et la figure extérieure d’un singe ou de quelque autre animal sans raison,
nous n’aurions aucun moyen pour reconnaître qu’elles ne seraient pas en tout de même nature
que ces animaux; au lieu que, s’il y en avait qui eussent la ressemblance de nos corps, et
imitassent autant nos actions que moralement il serait possible, nous aurions toujours deux
moyens très certains pour reconnaître qu’elles ne seraient point pour cela de vrais hommes :
dont le premier est que jamais elles ne pourraient user de paroles ni d’autres signes en les
composant, comme nous faisons pour déclarer aux autres nos pensées : car on peut bien
concevoir qu’une machine soit tellement faite qu’elle profère des paroles, et même qu’elle en
profère quelques-unes à propos des actions corporelles qui causeront quelque changement en
ses organes, comme si on la touche en quelque endroit, qu’elle demande ce qu’on lui veut dire;
si en un autre, qu’elle crie qu’on lui fait mal, et choses semblables; mais non pas qu’elle les
arrange diversement pour répondre au sens de tout ce qui se dira en sa présence, ainsi que 1es
hommes les plus hébétés peuvent faire : et le second est que, bien qu’elles fissent plusieurs
choses aussi bien ou peut-être mieux qu’aucun de nous, elles manqueraient infailliblement en
quelques autres, par lesquelles on découvrirait qu’elles n’agiraient pas par connaissance, mais
seulement par la disposition de leurs organes : car, au lieu que la raison’ est un instrument
universel qui peut servir en toutes sortes de rencontres, ces organes ont besoin de quelque
particulière disposition pour chaque action particulière; d’où vient qu’il est moralement
impossible qu’il y en ait assez de divers en une machine pour la faire agir en toutes les
occurrences de la vie de même façon que notre raison nous fait agir. Or, par ces deux mêmes

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moyens on peut aussi connaître la différence qui est entre les hommes et les bêtes. Car c’est une
chose bien remarquable qu’il n’y a point d’hommes si hébétés et si stupides, sans en excepter
même les insensés, qu’ils ne soient capables d’arranger ensemble diverses paroles, et d’en
composer un discours par lequel ils fassent entendre leurs pensées; et qu’au contraire il n’y a
point d’autre animal tant parfait et tant heureusement né qu’il puisse être, qui fasse le
semblable. Ce qui n’arrive pas de ce qu’ils ont faute d’organes car on voit que les pies et les
perroquets peuvent proférer des paroles ainsi que nous, et toutefois ne peuvent parler ainsi que
nous, c’est-à-dire en témoignant qu’ils pensent ce qu’ils disent; au lieu que les hommes qui étant
nés sourds et muets sont privés des organes qui servent aux autres pour parler, autant ou plus
que les bêtes, ont coutume d’inventer d’eux-mêmes quelques signes, par lesquels ils se font
entendre à ceux qui étant ordinairement avec eux ont loisir d’apprendre leur langue. Et ceci ne
témoigne pas seulement que les bêtes ont moins de raison que les hommes, mais qu’elles n’en
ont point du tout : car on voit qu’il n’en faut que fort peu pour savoir parler; et d’autant qu’on
remarque de l’inégalité entre les animaux d’une même espèce, aussi bien qu’entre les hommes,
et que les uns sont plus aisés à dresser que les autres, il n’est pas croyable qu’un singe ou un
perroquet qui serait des plus parfaits de son espèce n’égalât en cela un enfant des plus stupides,
ou du moins un enfant qui aurait le cerveau troublé, si leur âme n’était d’une nature toute
différente de la nôtre. Et on ne doit pas confondre les paroles avec les mouvements naturels qui
témoignent les passions, et peuvent être imités par des machines aussi bien que par les
animaux; ni penser, comme quelques Anciens, que les bêtes parlent, bien que nous n’entendions
pas leur langage. Car, s’il était vrai, puisqu’elles ont plusieurs organes qui se rapportent aux
nôtres, elles pourraient aussi bien se faire entendre à nous qu’à leurs semblables. C’est aussi
une chose fort remarquable que, bien qu’il y ait plusieurs animaux qui témoignent plus d’industrie
que nous en quelques-unes de leurs actions, on voit toutefois que les mêmes n’en témoignent
point du tout en beaucoup d’autres: de façon que ce qu’ils font mieux que nous ne prouve pas
qu’ils ont de l’esprit, car à ce compte ils en auraient plus qu’aucun de nous et feraient mieux en
toute autre chose; mais plutôt qu’ils n’en ont point, et que c’est la nature qui agit en eux selon la
disposition de leurs organes : ainsi qu’on voit qu’une horloge, qui n’est composée que de roues
et de ressorts, peut compter les heures et mesurer le temps plus justement que nous avec toute
notre prudence ».

Problématique de ce texte : Est-il vrai, comme l’affirme Montaigne « qu’il se trouve plus de
différence de tel homme à tel homme que de tel animal à tel homme » ? (Essais [8] Livre II ;
12). Descartes affronte cette question dans ce texte dont l’enjeu est de dénoncer « le plus grand
préjugé de notre enfance qui est de croire que les bêtes pensent ». (Lettre à Morus.2 /1649).

Descartes va établir qu’il existe plus de différence d’homme à bête que d’homme à homme car la
première est une différence de nature tandis que la seconde est une différence de degré.
Pour l’établir, Descartes propose un moyen terme : celui de la machine. Ce qui le conduit à dire
qu’on ne pourrait distinguer une machine ayant la ressemblance d’un singe, du vrai singe tandis
que s’il s’agissait d’une machine ayant la ressemblance d’un homme, on aurait deux moyens pour

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reconnaître qu’on n’a pas affaire à un vrai homme.

Analyse :

-Il convient d’abord d’expliciter le sens du recours cartésien à l’idée de machine et cela
s’éclaire si l’on précise que cette partie est consacrée aux problèmes de physique. Or la
distinction opérée dans la partie précédente de la substance pensante et de la substance étendue
implique que tout s’explique dans la nature sans faire appel à d’autres principes que l’étendue
géométrique et les lois du mouvement des corps. (Un corps étant une partie de l’étendue c’est-
à-dire, en termes géométriques, une figure). On peut donc se représenter l’univers matériel
comme « une machine où il n’y a rien du tout à considérer que les figures et les mouvements de
ses parties ». La fonction du moyen terme : la machine, est donc une fonction théorique. En
nous demandant de comparer successivement l’animal puis l’homme à une machine, Descartes
propose un procédé méthodologique destiné à distinguer ce qu’il faut rapporter à la substance
pensante et à la substance étendue. Les corps (donc l’homme dans sa dimension physico-
chimique ou biologique) sont comme les machines, des réalités matérielles composées de divers
mécanismes. Un mécanisme est un dispositif formé de pièces ayant entre elles des relations
précises et dont l’ensemble est capable de fonctionnement. Les mouvements des pièces d’un
mécanisme sont régis par les lois de la mécanique c’est-à-dire par des rapports de forces, de
déplacements, de vitesses, de masses etc. Descartes donne ici l’exemple de l’horloge ou de
l’automate.

Cf. cours sur « matière, vie, esprit ».Les corps vivants comme les autres s’expliquent par le
modèle mécanique. Il faut donc bien comprendre que la théorie de l’animal-machine n’est
qu’une fiction à usage méthodique et pédagogique. En témoignent l’usage du conditionnel et de
la conjonction « si ». Descartes répète souvent qu’il construit pour penser clairement et
distinctement « la fable » d’un monde imaginaire ne fonctionnant que selon des lois simples.
L’emploi cartésien du modèle de la machine est toujours prudent et modéré. Il interdit tout
dogmatisme. Il s’expose d’ailleurs à des réserves de taille. Ainsi si l’organisme est une machine,
si l’animal est une machine, ces machines sont infiniment plus complexes et subtiles que toutes
celles que l’homme ne sera jamais capable de construire car elles sont faites de la main de Dieu.
Cf. Lignes 398 à 449 de la page 61.

–PB : En quoi le modèle mécanique est-il pertinent pour rendre intelligibles les comportements
animaux ? Ex : Le castor construit sa digue. Les abeilles communiquent, l’araignée tisse sa toile
etc. Les animaux effectuent des opérations dont la perfection nous émerveille et est souvent bien
supérieure à ce que nous sommes capables de faire. Faut-il pour autant admettre qu’ils sont
autre chose que substance étendue et qu’il y a en eux ce que nous pensons sous l’idée de
substance pensante ? On sait qu’il faut entendre par là un pouvoir spirituel de penser, de
symboliser, d’agir et de se déterminer, sans autre cause que l’existence de ce pouvoir. Capacité
inventive, symbolique, liberté voilà ce qui est le propre de la substance pensante. Alors, peut-on

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repérer quelque chose comme une spontanéité spirituelle « qui ne peut aucunement être tirée de
la puissance de la matière » dans les conduites animales ?

Descartes répond négativement à cette question. Il s’ensuit qu’on ne pourrait pas distinguer un
automate fait à la ressemblance d’un singe d’un vrai singe. Celui-ci serait capable des mêmes
gestes car les opérations animales sont des opérations instinctives. Même si c’est sous une forme
très complexe, tous leurs mouvements s’effectuent comme les mouvements de l’horloge. Ce sont
des mécanismes. Tout se passe comme si certains stimuli déclenchaient un mécanisme, un
montage nerveux préétabli, stéréotypé, rigide caractéristique de ce qu’on appelle un instinct.
« Je sais bien que les bêtes font beaucoup de choses mieux que nous, mais je ne m’en étonne
pas car cela sert à prouver qu’elles agissent naturellement et par ressorts ainsi qu’une horloge,
laquelle montre bien mieux l’heure qu’il est que notre jugement ne nous l’enseigne. Et sans
doute que, lorsque les hirondelles viennent au printemps elles agissent en cela comme des
horloges. Tout ce que font les mouches à miel est de même nature, et l’ordre que tiennent les
grues en volant, et celui qu’observent les singes en se battant, s’il est vrai qu’ils en observent
quelqu’un, et enfin l’instinct d’ensevelir leurs morts, n’est pas plus étrange que celui des chiens
et des chats qui grattent la terre pour ensevelir leurs excréments, bien qu’ils ne les ensevelissent
presque jamais : ce qui montre qu’ils ne le font que par instinct et sans y penser » Lettre au
marquis de Newcastle. 20/11/1646.

En revanche il est impossible de réduire la totalité des conduites humaines à des opérations de
ce type.

PB : Qu’est-ce qui le prouve ?

Il y a deux moyens infaillibles permettant de dire que les hommes ne sont pas de simples
machines fût-ce des machines très perfectionnées : la parole sensée d’une part, l’action
raisonnée ou action par connaissance d’autre part.

-Il n’y a pas d’homme qui ne soit capable de parler, c’est-à-dire de composer un discours, quel
qu’il soit pour faire comprendre ses pensées. Même les plus stupides et les insensés sont
capables d’articuler des sons afin de faire entendre du sens. Alors que les animaux les plus
remarquables en sont incapables. Ils peuvent disposer de codes de signaux mais le langage
animal exclut ce qui fait du langage un langage, à savoir la fonction de symbolisation et la
fonction dialogique, la capacité de parler à quelqu’un de quelque chose de façon appropriée. (Cf.
Cours sur le langage). Et cela ne tient pas au fait que les animaux sont privés des organes de la
phonation. Les pies et les perroquets imitent notre voix mais ils sont bien incapables de parler
car ils n’ont pas d’âme raisonnable. Les animaux ne parlent pas, non point parce qu’ils ont moins
de raison que nous ou n’ont pas les outils pour communiquer leurs pensées. Ils ne parlent pas
parce qu’ils n’ont pas de pensée du tout.

Certes, il n’est pas possible de démontrer avec certitude que les bêtes ne pensent pas , car la

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seule preuve de la pensée est l’expérience qu’en fait l’esprit à l’intérieur de lui-même et on ne
peut pas faire l’expérience de ce qui se passe à l’intérieur d’une bête. « Mais en examinant ce
qu’il y a de plus probable là-dessus, je ne vois aucune raison qui prouve que les bêtes pensent »
Lettre à Morus. 5/2/1649. Ainsi les sons que les animaux profèrent lorsqu’ils expriment leur
plaisir ou leur peine sont comparables à ce qu’il est possible d’obtenir d’une machine. Ils sont
déclenchés par des stimuli sensibles, ils ne procèdent pas d’un acte de symbolisation. Et
puisqu’ils sont capables d’une certaine forme d’expression sensible, s’ils pensaient ils
trouveraient bien le moyen de nous communiquer leurs pensées.

-Il y a de même un autre moyen de distinguer un automate fait à la ressemblance d’un homme
d’un vrai homme c’est l’action intelligente. En quelque circonstance que ce soit l’homme dispose
de la capacité de réagir de manière appropriée et adaptée. Dans des conditions très précises
l’animal dispose de la capacité d’agir, parfois même, bien mieux que nous. Mais ces conditions
sont limitées. Si elles changent, l’animal n’a pas la souplesse d’inventer le geste approprié, de
trouver la solution adaptée. Il lui faudrait un organe spécialisé pour chacune de ces situations, ce
qui est impossible à réaliser. L’homme en revanche dispose d’un outil qui n’est spécialisé dans
aucune fonction précise mais qui peut inventer des solutions pour n’importe laquelle. Cet
instrument universel est la raison.

NB : Eléments critiques ?

L’un porte sur les difficultés du modèle mécanique pour rendre compte de manière totalement
satisfaisante de l’animal. Une machine peut-elle sentir ? Comment rendre intelligible la sensibilité
animale ? Suffit-il de dire qu’elle « dépend de la disposition des organes » ?

L’autre porte sur la manière cartésienne de faire de la substance pensante une réalité qui existe
en soi et par soi. Le discours des neuro-sciences ; les machines qui imitent les opérations de
l’intelligence (intelligence artificielle) n’invitent-ils pas à interpréter les opérations de l’âme
comme les opérations de la matière (cérébrale) et donc à appliquer le modèle mécanique au
domaine de l’esprit ?

VI) Analyse d’un passage de la sixième partie.

« Mais, sitôt que j’ai eu acquis quelques notions générales touchant la physique, et que,
commençant à les éprouver en diverses difficultés particulières, j’ai remarqué jusques où elles
peuvent conduire, et combien elles différent des principes dont on s’est servi jusques à présent,
j’ai cru que je ne pouvais les tenir cachées, sans pécher grandement contre la loi qui nous oblige

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à procurer autant qu’il est en nous, le bien général de tous les hommes. Car elles m’ont fait voir
qu’il est possible de parvenir à des connaissances qui soient fort utiles à la vie, et qu’au lieu de
cette philosophie spéculative, qu’on enseigne dans les écoles, on en peut trouver une pratique,
par laquelle, connaissant la force et les actions du feu, de l’eau, de l’air, des astres, des cieux et
de tous les autres corps qui nous environnent, aussi distinctement que nous connaissons les
divers métiers de nos artisans, nous les pourrions employer en même façon à tous les usages
auxquels ils sont propres, et ainsi nous rendre comme maîtres et possesseurs de la Nature.
Ce qui n’est pas seulement à désirer pour l’invention d’une infinité d’artifices, qui feraient qu’on
jouirait, sans aucune peine, des fruits de la terre et de toutes les commodités qui s’y trouvent,
mais principalement aussi pour la conservation de la santé, laquelle est sans doute le premier
bien et le fondement de tous les autres biens de cette vie ; car même l’esprit dépend si fort du
tempérament, et de la disposition des organes du corps que, s’il est possible de trouver quelque
moyen qui rende communément les hommes plus sages et plus habiles qu’ils n’ont été jusques
ici, je crois que c’est dans la médecine qu’on doit le chercher. Il est vrai que celle qui est
maintenant en usage contient peu de choses dont l’utilité soit si remarquable ; mais, sans que
j’aie aucun dessein de la mépriser, je m’assure qu’il n’y a personne, même de ceux qui en font
profession, qui n’avoue que tout ce qu’on y sait n’est presque rien, à comparaison de ce qui reste
à y savoir, et qu’on se pourrait exempter d’une infinité de maladies, tant du corps que de
l’esprit, et même aussi peut-être de l’affaiblissement de la vieillesse, si on avait assez de
connaissance de leurs causes, et de tous les remèdes dont la Nature nous a pourvus.

Thème : L’utilité de la science.

Question : Pourquoi les hommes s’efforcent-ils de connaître ?

Thèse : La science n’a pas qu’un intérêt spéculatif, elle a aussi un intérêt pratique. Elle va
permettre de « nous rendre comme maîtres et possesseurs de la Nature ».

Eclaircissements :

I°) Nul doute que comme tout grand savant, Descartes commencerait par répondre à la question
à la manière des Anciens. La connaissance est à elle-même sa propre fin. Connaître a pour
vocation de satisfaire une exigence fondamentale de l’esprit humain qui est de savoir, de
découvrir la vérité. C’est là, le thème de la science comme activité libérale c’est-à-dire
désintéressée. Il y a bien chez Descartes une volonté de savoir pour savoir. Dans une lettre à
la princesse Elisabeth, il dit par exemple que même si la connaissance doit nous rendre tristes en
dissipant nos illusions, la connaissance de la vérité est un bien supérieur et nous donne du
plaisir.

Mais ce texte établit que la science, dans sa forme moderne, n’a pas qu’un intérêt théorique, elle

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a aussi un intérêt pratique. « Pratique » signifie : « qui concerne l’action ». Le terme s’oppose
dans le texte à « spéculatif » et on sent que ce dernier a une signification péjorative. Il est moins
synonyme de théorie que de spéculations oiseuses, sans véritable contenu concret, ce qui est le
propre de la philosophie qui s’enseigne dans l’Ecole. On sait que Descartes est insatisfait de
l’enseignement qu’il a reçu ; il rompt avec l’esprit de la scolastique et fonde le savoir sur
de nouvelles bases, en particulier sur la seule autorité de la raison.

Au début du texte il fait allusion aux progrès qu’il a faits dans l’élaboration de la physique Celle-ci
a pour objectif de dégager les lois de la nature, et Descartes découvre, dans sa propre pratique
que ce genre de connaissances peut donner lieu à des applications pratiques forts intéressantes
pour les hommes. C’est d’ailleurs, semble-t-il cette prise de conscience qui le détermine à
publier ses recherches. « J’ai cru que je ne pouvais les tenir cachées, sans pécher grandement
contre la loi qui nous oblige à procurer autant qu’il est en nous, le bien général de tous les
hommes ». Gilson remarque « qu’il faut donc distinguer dans l’histoire de la pensée de
Descartes, les raisons qui l’ont conduit à réformer ses propres opinions philosophiques ou
morales de celles qui l’ont conduit à les publier. C’est le désir de voir clair dans ses pensées
et ses actions qui a fait de lui un philosophe ; c’est le désir d’améliorer les conditions
matérielles de l’existence humaine qui a fait de lui un auteur ».

2°) Il y a une utilité de la science moderne car la connaissance des lois régissant les phénomènes
naturels permet d’intervenir sur eux pour réaliser des fins proprement humaines.

Descartes énumère ces fins :

-Soulager le travail des hommes dans l’exploitation des ressources naturelles par l’invention
d’outils, de machines, de savoir-faire permettant de produire l’abondance des biens nécessaires
au bonheur, avec moins d’efforts humains.

-Guérir les maladies tant physiques que mentales et promouvoir par là les conditions d’un
progrès moral des hommes car, remarque l’auteur, le bon exercice de l’esprit est en partie
conditionné par le bon fonctionnement du corps. Dans l’image de l’arbre de la connaissance on
sait que la morale vient en dernier. Elle est le couronnement de la sagesse et elle doit sans doute
beaucoup à la technique (la mécanique) et à la médecine. De fait, la profonde misère et
aliénation matérielle ne sont guère propices à la perfection morale. De même le dérèglement du
corps et celui de l’esprit, pour autant que l’exercice de ce dernier dépend de conditions
physiques, ne le sont pas davantage. La pire des choses qui puisse arriver à un homme disait
Descartes, est que Dieu ait mis son âme dans un corps la privant de s’exercer librement. Il faut
ici penser à l’aliénation mentale.

-Allonger l’espérance de vie en luttant contre les maladies mais aussi contre les effets du

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vieillissement.

La science est conçue ici comme le moyen de l’efficacité technique. La connaissance n’est plus
une fin en soi. Elle n’est plus un savoir pour savoir mais un savoir pour pouvoir. On va
pouvoir l’utiliser à des fins pratiques et elle va « nous rendre comme maîtres et possesseurs de
la Nature ».

3°) Il convient de prendre acte de l’importance du « comme » et de la majuscule du mot


Nature. Celle-ci signifie clairement que la Nature est une instance supérieure à l’homme et que
l’homme n’est pas Dieu. Il ne saurait donc se substituer au créateur et disposer de la Nature
comme un souverain. Descartes ne justifie pas, par avance une conquête agressive, dévastatrice
de équilibres naturels et ordonnée à d’autres fins que les fins légitimes de l’existence humaine. Il
ne cautionne pas une volonté de puissance pour la puissance c’est-à-dire un pouvoir technique
désolidarisé du souci de la sagesse. On sait que c’est là le grand reproche adressé aujourd’hui à
la technique par tous ceux qui dénoncent en elle une volonté prométhéenne (titanesque) ayant
cessé d’être éclairée par la sagesse de Zeus.

Descartes propose une comparaison qu’il faut interpréter en un sens humaniste.

Est maître celui qui a cessé d’être esclave. Or on est esclave tant qu’on est impuissant et qu’on
est condamné par cette impuissance à subir la dure loi de la nature non domestiquée par
l’homme : faim, maladies, peurs, mort prématurée, rareté des biens etc.

Le pouvoir conféré par la connaissance permet à l’homme de se libérer des puissances


d’asservissement et de maîtriser ce qui a commencé par disposer de lui. Mais il va de soi que la
vraie maîtrise et la responsabilité de celui qui a la disposition de quelque chose est d’exercer ce
pouvoir avec sagesse. Ce qui suppose que l’usage des moyens techniques doit être réglé
par de véritables choix éthiques.

PB : Le drame de la modernité technicienne ne procède-t-il pas du déséquilibre entre une force


matérielle démesurément décuplée (grâce à la techno science) et l’anémie spirituelle et morale
des hommes de notre temps ? Jean Rostand disait que « la science a fait de nous de dieux avant
d’être des hommes ». Plus la puissance est grande, plus la sagesse est requise. Quels sont les
peuples aujourd’hui qui se préoccupent de promouvoir une solide formation spirituelle et morale
de leurs ressortissants ?

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Autour de ce Sujet :

Les règles de la méthode. Descartes. [9]


Descartes: La morale provisoire. Discours de la méthode, III. [10]
"Le bon sens est la chose du monde la mieux partagée" Descartes. [11]
Hommage à Descartes. Valéry. [12]
La science doit "nous rendre comme maîtres et possesseurs de la Nature" Descartes. [13]

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[1] Discours de la méthode.: http://www.amazon.fr/s/?_encoding=UTF8&camp=1642&


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[2] Méditations métaphysiques: http://www.amazon.fr/s/?_encoding=UTF8&
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%C3%A9taphysiques%22+descartes&linkCode=ur2&
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[3] Cours sur le jugement: http://www.philolog.fr/les-operations-de-la-raison/
[4] Cours sur la démonstration),: http://www.philolog.fr/la-demonstration/
[5] Lettre à Elisabeth.: http://www.amazon.fr/s/?_encoding=UTF8&camp=1642&
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21&url=search-alias%3Daps
[6] Passions de l’âme: http://www.amazon.fr/s/?_encoding=UTF8&camp=1642&
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%A2me%22+descartes&linkCode=ur2&rh=i%3Aaps%2Ck%3AAlain%20D
%C3%A9finitions&tag=lacuidemer-21&url=search-alias%3Daps
[7] Cours.: http://www.philolog.fr/le-cogito-ou-la-certitude-de-soi-comme-chose-
pensante/
[8] Essais: http://www.amazon.fr/s/?_encoding=UTF8&camp=1642&creative=19458&
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rh=i%3Aaps%2Ck%3AAlain%20D%C3%A9finitions&tag=lacuidemer-21&url=search-
alias%3Daps
[9] Les règles de la méthode. Descartes. : http://www.philolog.fr/les-regles-de-la-
methode-descartes/
[10] Descartes: La morale provisoire. Discours de la méthode, III. : http://www.philolog.fr
/descartes-la-morale-provisoire-discours-de-la-methode-iii/
[11] "Le bon sens est la chose du monde la mieux partagée" Descartes. :

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http://www.philolog.fr/le-bon-sens-est-la-chose-du-monde-la-mieux-partagee-
descartes/
[12] Hommage à Descartes. Valéry. : http://www.philolog.fr/hommage-a-descartes-
valery/
[13] La science doit "nous rendre comme maîtres et possesseurs de la Nature" Descartes. :
http://www.philolog.fr/la-science-doit-nous-rendre-comme-maitres-et-possesseurs-
de-la-nature-descartes/

Par Simone MANON, professeur de philosophie au Lycée Vaugelas de Chambéry. Tous droits
réservés.

29 of 29 6/8/2018, 5:46 PM
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- PhiloLog - http://www.philolog.fr -

Descartes: La morale provisoire. Discours de la méthode,


III.
Posted By Simone MANON On 19 janvier 2009 @ 11 h 36 min In Chapitre IV - Désir.,Chapitre V -
Bonheur et moralité.,Explication de texte | 43 Comments

Comme tout grand philosophe, Descartes a toujours joint le souci pratique au souci théorique. Très tôt,
il a la profonde conviction qu’ils se rejoignent dans la recherche des principes et qu’à l’égal d’une science
rationnellement construite, on doit pouvoir élaborer une morale rationnelle. Un rêve fait dans la nuit du
10 au 11 novembre 1619 est à cet égard, éloquent. Le jeune homme voit, symbolisés par un dictionnaire et
un recueil de poèmes latins « toutes les sciences ramassées ensemble » et « la philosophie et la sagesse
jointes ensemble ». Le dictionnaire représente le savoir, le recueil de poèmes la morale.

Bien plus tard, en 1647, dans la lettre préface de l’édition française des Principes de la philosophie il
réaffirmera l’idée que la philosophie est une et qu’elle inclut la science et la sagesse. « Ainsi toute la
philosophie est comme un arbre, dont les racines sont la métaphysique, le tronc la physique, et les
branches qui sortent de ce tronc sont toutes les autres sciences qui se réduisent à trois principales, à savoir
la médecine, la mécanique et la morale ; j’entends la plus haute et la plus parfaite morale, qui
présupposant une entière connaissance des autres sciences, est le dernier degré de la sagesse ».

En 1637, cependant, à l’époque du Discours de la méthode, [1] la science n’est pas élaborée. Descartes
est théoriquement, en situation de doute. Il a déconstruit les savoirs antérieurs en pointant leur caractère
douteux, il n’a pas encore reconstruit l’édifice des connaissances sur les principes qu’il s’est donnés et plus
fondamentalement, la science œuvre collective, ne peut s’élaborer que très lentement, à une échelle de
temps sans commune mesure avec le temps individuel. Or il remarque que, s’il est possible de suspendre
son jugement sur le plan spéculatif, il n’en est pas de même sur le plan pratique.

1 of 6 6/8/2018, 6:26 PM
PhiloLog » Descartes: La morale provisoire. Discours de la méthode, III. ... http://www.philolog.fr/descartes-la-morale-provisoire-discours-de-la-me...

Vivre c’est agir et l’action s’accommode mal des hésitations, de l’irrésolution. Le prix à payer pour des
erreurs de jugement en matière de conduite est, par ailleurs très élevé : contrariétés, soucis, troubles de
l’âme, ennuis de tous ordres. Tout cela n’est pas compatible avec la tâche que le philosophe s’est assignée.
Il veut vaquer commodément à la recherche de la vérité. Aussi « afin que je ne demeurasse point
irrésolu en mes actions pendant que la raison m’obligerait de l’être en mes jugements et que je ne laissasse
pas de vivre dès lors le plus heureusement que je pourrais, je me formai une morale par provision qui ne
consistait qu’en trois ou quatre maximes dont je veux bien vous faire part » Discours III Partie.

La morale « par provision » ou morale provisoire est donc un ensemble de principes que Descartes définit
pour conduire sa vie avec assurance et tranquillité. Dans la préface des Principes de la philosophie, il dit :
« une morale imparfaite qu’on peut suivre par provision (=en attendant) pendant qu’on n’en sait point
encore de meilleure ».
L’enjeu de la morale provisoire est donc de vivre le plus heureusement possible et de vaquer en paix à la
recherche de la vérité.

1°) Première maxime : « La première était d’obéir aux lois et aux coutumes de mon pays, retenant
constamment la religion en laquelle Dieu m’a fait la grâce d’être instruit dès mon enfance, et me
gouvernant, en toute autre chose, suivant les opinions les plus modérées, et les plus éloignées de
l’excès, qui fussent communément reçues en pratique par les mieux sensés de ceux avec lesquels
j’aurais à vivre ».

On a l’impression que Descartes préconise ici un conformisme étonnant pour un homme faisant de la
raison, la seule autorité en matière de jugement. Sans doute, dans l’état actuel des choses, la raison n’a-
t-elle pas la lumière pour être en mesure d’être la seule instance législatrice, mais plus fondamentalement il
faut comprendre que dans le domaine politique et religieux, la raison ne peut pas et ne pourra jamais être
la seule mesure des choses. Pourquoi ?
Pour la religion, c’est facile à saisir. Celle-ci repose, dans le cas du christianisme, la religion de Descartes,
sur la Révélation. C’est dire que la vérité religieuse ne relève pas de la lumière naturelle (la raison) mais
d’une lumière surnaturelle (la foi).
Pour les lois civiles et les coutumes il convient de se souvenir que ce sont les hasards de notre naissance
qui nous ont fait membre d’un groupe et qu’une collectivité n’est pas un monde de purs esprits. Elle a été
façonnée par les contingences historiques et ce que l’histoire a irrationnellement produit a une inertie
relativement rétive aux exigences de la raison. L’oubli de cette vérité par les réformateurs ou les
révolutionnaires est souvent la cause de leurs échecs. « Ces grands corps sont trop malaisés à relever, étant
abattus, ou même à retenir, étant ébranlés, et leurs chutes ne peuvent être que très rudes. Puis, leurs
imperfections, s’ils en ont, comme la seule diversité qui est entre eux suffit pour assurer que plusieurs en
ont, l’usage les a sans doute fort adoucies ; et même qu’il en a évité ou corrigé insensiblement quantité,
auxquelles on ne saurait si bien pourvoir par prudence. Et enfin, elles sont quasi toujours plus supportables
que ne serait leur changement : en même façon que les grands chemins qui tournoient entre des montagnes,

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deviennent peu à peu si unis et si commodes, à force d’être fréquentés, qu’il est beaucoup meilleur de les
suivre, que d’entreprendre d’aller plus droit, en grimpant au-dessus de rochers, et descendant jusques au
bas des précipices ».Discours de la méthode [1]II partie. (L. 94 à 108).
Il y a dans ces remarques, une assez bonne indication de la prudence de Descartes à l’égard de la
politique. Les conventions sociales, les mentalités, ne se réforment pas aussi facilement que ses propres
opinions, aussi, puisqu’il faut vivre en paix avec les autres pour ne pas compromettre sa tranquillité,
convient-il dans sa conduite extérieure, de se conformer aux lois et aux usages. Cela n’engage pas le
jugement (c’est-à-dire le for intérieur) et pour toutes les actions qui ne sont pas prescrites par la loi et la
coutume, il est sage de les régler sur celles des hommes « les plus sensés avec lesquels j’aurais à vivre ».
Descartes énonce ici un principe de modération ayant deux justifications : à défaut de connaître la vérité,
on a moins de chance de se tromper en suivant les opinions éloignées des extrêmes car « tout excès a
coutume d’être mauvais » et si on se trompe, on se détourne moins « du vrai chemin » en étant modéré
qu’en étant extrémiste.

2°) Deuxième maxime: « Ma seconde maxime était d’être le plus ferme et le plus résolu en mes
actions que je pourrais, et de ne suivre pas moins constamment les opinions les plus douteuses,
lorsque je m’y serais une fois déterminé, que si elles eussent été très assurées ».

Après la modération, Descartes prescrit la résolution. Certes les nécessités de l’action fondent
l’obligation de prendre parti, alors que l’entendement ne sait pas avec certitude quel est le choix le meilleur,
mais même si l’option choisie reste douteuse, l’important est de se tenir fermement à sa décision. Il ne s’agit
pas pour le philosophe de cautionner une attitude obstinée et opiniâtre qui persévérerait dans l’erreur
stupidement, mais de comprendre que la résolution nous empêche de tourner en rond et est en elle-même
une solution aux incertitudes de l’action. Comme souvent Descartes recourt à une image pour faire
entendre sa pensée. L’image de la forêt est la métaphore de l’obscurité et de la complexité du monde dans
lequel s’insère notre action. Quel chemin devons-nous choisir dans toutes les occurrences de la vie ? Nous
ressemblons tous au voyageur égaré dans une forêt. La raison ne sait pas quelle est toujours la meilleure
voie à suivre (l’homme n’a pas « une science infinie, pour connaître parfaitement tous les biens dont il
arrive qu’on doit faire choix dans les diverses rencontres de la vie » (Lettre à Elisabeth [2]. 6 octobre
1645), mais elle peut dire avec certitude qu’un voyageur égaré dans une forêt, changeant sans cesse de
direction pour se tirer d’affaire ne trouvera jamais une issue (sauf hasard heureux). Tandis que celui, qui
comme le précédent ignore où est le bon chemin mais se tient à celui qu’il a décidé d’emprunter a bien des
chances de finir par sortir de la forêt, quand bien même le chemin choisi serait le plus long. Descartes
précise que cette règle a l’avantage de le délivrer « de tous les repentirs et remords qui ont coutume d’agiter
les consciences de ces esprits faibles et chancelants, qui se laissent aller inconstamment à pratiquer, comme
bonnes, les choses qu’ils jugent après être très mauvaises ».

3°) Troisième maxime : « Ma troisième maxime était de tâcher toujours à me vaincre que la
fortune*, et à changer mes désirs que l’ordre du monde ; et généralement de m’accoutumer à croire
qu’il n’y a rien qui soit entièrement en notre pouvoir, que nos pensées, en sorte qu’après que nous

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avons fait notre mieux, touchant les choses qui nous sont extérieures, tout ce qui manque de nous
réussir est, au regard de nous, absolument impossible ».

Maxime d’inspiration stoïcienne. Cf. dissertation : vaut-il mieux changer ses désirs que l’ordre du
monde ?
Son enjeu est « de se rendre content ». Le cartésianisme est comme les morales antiques un
eudémonisme. Le souverain bien de l’existence humaine est le bonheur, mais il ne faut pas attendre qu’il
nous échoit comme un don du ciel (Cf. étymologie du mot), il faut travailler à en promouvoir les conditions.
C’est d’autant plus nécessaire qu’il n’y a pas accord entre le désir et le réel, entre les aspirations
humaines et l’ordre des choses. Les hommes désirent vivre en paix mais ils ont parfois à subir les horreurs
de la guerre, ils désirent être aimés mais ils sont confrontés à l’épreuve du désamour, ou de la solitude, ils
souhaitent jouir d’une bonne santé mais il leur arrive de tomber malade. D’où l’expérience la plus
communément partagée du malheur et du désespoir. Or la souffrance, le désespoir sont des maux qu’il faut
absolument se donner les moyens de surmonter. Tels sont les présupposés de cette maxime.
La question est de savoir comment. Descartes préconise la solution stoïcienne. Il s’agit d’accorder le désir
et le réel soit, si cela est possible, par la transformation du réel, soit, si cela n’est pas possible, par la
transformation du désir.
Il convient de ne pas tracer a priori la frontière entre ce qui dépend de soi et ce qui n’en dépend pas.
L’impuissance humaine ne s’apprécie, dans de nombreuses situations, qu’après avoir essayé d’intervenir sur
l’extériorité. Nous avons un pouvoir partiel sur elle si bien qu’on ne saura ce qui nous est « absolument
impossible » qu’ « après avoir fait notre mieux touchant les choses qui nous sont extérieures ». Il ne s’agit
ni de renoncer avant d’avoir essayé ni de persévérer en présence de la résistance des choses c’est-à-dire de
l’adversité. Une autre voie de salut est alors possible car sur la scène intérieure je dispose d’un pouvoir
absolu. Je suis maître de mes représentations (« il n’y a rien qui soit entièrement en notre pouvoir que nos
pensées » écrit Descartes), et donc de mes désirs en tant qu’ils impliquent la représentation. Si, faisant
usage de mon entendement (faculté de comprendre) je prends conscience que l’objet de mon désir est
absolument inaccessible pour moi (par exemple, je n’ai pas les moyens intellectuels de réussir
polytechnique, je n’ai pas la capacité physique de devenir champion du monde dans tel sport, je n’ai pas le
pouvoir de ressusciter les morts), je me mets en situation de transformer mon désir en le détournant de ce
qui est impossible. Cet effort suppose le passage du plan du désir à celui de la volonté. On peut désirer
l’impossible car dans sa spontanéité le désir ignore la loi du réel, mais on ne peut pas le vouloir. « Car notre
volonté ne se portant naturellement à désirer que les choses que notre entendement lui représente en
quelque façon comme possibles […]» dit le texte. Par un effort de lucidité je m’affranchis donc des désirs
me condamnant à l’échec et au malheur et je me dispose favorablement à l’égard de ce sur quoi je n’ai
aucun pouvoir. Je conquiers ainsi la paix de l’âme par un travail de moi sur moi me rendant invulnérable
aux coups du sort.
La mauvaise fortune ne peut rien sur celui qui se dispose ainsi à son égard mais il va de soi que cette
attitude requiert des efforts :
D’abord un effort de juste appréciation des choses. Pour aligner son vouloir sur son pouvoir, il faut être
capable de se faire une idée adéquate de ses possibilités et de la résistance des choses. Cela suppose de ne

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pas avoir l’esprit aveuglé par ses passions.


Ensuite une volonté de rester maître de sa vie. Ce souci n’est pas la chose du monde la mieux partagée.
Les hommes préfèrent d’ordinaire s’abandonner à la spontanéité de leurs désirs. D’où le caractère
pathétique de la plupart des existences. Elles ne sont heureuses ou malheureuses que selon ce qui leur
arrive est favorable ou défavorable.
Le sage veut se gouverner et soustraire sa vie aux caprices de la fortune. Il veut être au principe de son
bonheur et de sa liberté.

* Descartes substitue l’idée de la Providence divine à celle de la fortune (ou hasard) dans les Passions
de l’âme [3].II, 146 (1649). « Tout est conduit par la Providence divine, dont le décret éternel est tellement
infaillible et immuable, qu’excepté les choses que ce même décret a voulu dépendre de notre libre arbitre,
nous devons penser qu’à notre égard il n’arrive rien qui ne soit nécessaire et comme fatal, en sorte que nous
ne pouvons sans erreur désirer qu’il arrive d’autre façon ».

Conclusion : Descartes avoue que « les trois maximes précédentes n’étaient fondées que sur le dessein
que j’avais de continuer à m’instruire ». Manière de dire que le doute et la morale provisoire ne sont qu’une
étape. Là est la grande différence du doute cartésien et du doute sceptique. Les sceptiques ne sortent pas
du doute et ne sont jamais résolus dans l’action (« ils doutent pour douter dit Descartes) alors que l’enjeu du
doute cartésien est d’être dépassé et il n’exclut pas la ferme résolution. Il n’est qu’un moyen de parvenir à
la connaissance vraie, fondement d’une action éclairée. Car Descartes ne cesse de rappeler que le bon
exercice de la volonté ou du libre arbitre est tributaire des lumières de l’entendement. « Notre volonté ne se
portant à suivre ni à fuir aucune chose, que selon que notre entendement la lui représente bonne ou
mauvaise, il suffit de bien juger pour bien faire, et de juger le mieux qu’on puisse, pour faire aussi
tout son mieux, c’est-à-dire pour acquérir toutes les vertus ». L.165 à 171

Il y a là l’énoncé d’un intellectualisme moral. Rien n’est plus important que la lucidité et la rectitude du
jugement. Souvenons-nous de la définition de la vertu de générosité. « Ne jamais manquer de volonté pour
entreprendre et exécuter toutes les choses qu’il jugera être les meilleures ».
Descartes fait sienne la conception de l’Ecole d’après laquelle « tout pécheur est un ignorant » (omnis
peccans est ignorans). Le choix du mal procède d’une erreur sur le bien.
On pense bien sûr à l’affirmation socratique « la vertu est science, la méchanceté est ignorance ».
Autour de ce Sujet :

Descartes: Changer ses désirs plutôt que l’ordre du monde. [4]


Les règles de la méthode. Descartes. [5]
Discours de la méthode. Descartes. 1637. [6]
Morale antique. Morale moderne. [7]
Morale close, morale ouverte. Bergson. [8]

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methode-iii/

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[2] Lettre à Elisabeth: http://www.amazon.fr/s/?_encoding=UTF8&camp=1642&
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21&url=search-alias%3Daps
[3] Passions de l’âme: http://www.amazon.fr/s/?_encoding=UTF8&camp=1642&
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%A2me%22+descartes&linkCode=ur2&rh=i%3Aaps%2Ck%3AAlain%20D
%C3%A9finitions&tag=lacuidemer-21&url=search-alias%3Daps
[4] Descartes: Changer ses désirs plutôt que l’ordre du monde. : http://www.philolog.fr
/descartes-changer-ses-desirs-plutot-que-lordre-du-monde/
[5] Les règles de la méthode. Descartes. : http://www.philolog.fr/les-regles-de-la-
methode-descartes/
[6] Discours de la méthode. Descartes. 1637. : http://www.philolog.fr/discours-de-la-
methode-descartes-explication/
[7] Morale antique. Morale moderne. : http://www.philolog.fr/morale-antique-morale-
moderne/
[8] Morale close, morale ouverte. Bergson. : http://www.philolog.fr/morale-close-morale-
ouverte-bergson/

Par Simone MANON, professeur de philosophie au Lycée Vaugelas de Chambéry. Tous droits
réservés.

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« "Le bon sens est la chose du monde la mieux partagée" Descartes.


Esprit de géométrie, esprit de finesse. Pascal. »

Les règles de la méthode. Descartes.


12 Avr 2008 par Simone MANON

« Le premier était de ne recevoir jamais aucune chose pour vraie que je ne la connusse évidemment être telle : c'est-à-dire
d'éviter soigneusement la précipitation et la prévention ; et de ne comprendre rien de plus en mes jugements, que ce qui se
présenterait si clairement et si distinctement que je n'eusse aucune occasion de la mettre en doute.

Le second, de diviser chacune des difficultés que j'examinerais, en autant de parcelles qu'il se pourrait et qu'il serait requis
pour les mieux résoudre.

Le troisième de conduire avec ordre mes pensées, en commençant par les objets les plus simples et les plus aisés à
connaître, pour monter peu à peu, comme par degrés, jusqu'à la connaissance des plus composés ; et supposant même de
l'ordre entre ceux qui ne se précèdent point naturellement les uns les autres.

Et le dernier, de faire partout des dénombrements si entiers, et des revues si générales, que je fusse assuré de ne rien
omettre ».

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» Les règles de la méthode. Descartes. - PhiloLog http://www.philolog.fr/les-regles-de-la-methode-descartes/

Descartes. Discours de la méthode. Deuxième partie.

Du grec methodos, le mot méthode indique l'idée d'un chemin (odos) vers (meta).

Pourquoi la nécessité de suivre un chemin balisé ? Parce que Descartes, l'a souligné : « Ce n'est pas assez d'avoir l'esprit
bon, mais le principal est de l'appliquer bien ».

Or s'il y a une science qui satisfait à cette exigence, c'est la mathématique. « Je me plaisais surtout aux mathématiques, à
cause de la certitude et de l'évidence de leurs raisons ; confesse Descartes, mais je ne remarquais point encore leur vrai
usage, et pensant qu'elles ne servaient qu'aux arts mécaniques, je m'étonnais de ce que, leurs fondements étant si fermes et si
solides, on n'avait rien bâti dessus de plus relevé ».

Il signifie par ce propos que la scolastique n'a pas su voir la puissance et la fécondité des mathématiques. Son projet va
donc consister à expliciter la méthode des mathématiciens et à en faire le modèle de toute science. Car la réussite de la
raison dans une discipline est la garantie de sa réussite dans toutes les autres et la supériorité des mathématiques tient au fait
qu'elles procèdent selon un ordre précis : intuitions des évidences premières et déduction à partir de ces évidences. D'où la
rigueur de leurs raisonnements et la certitude de leurs conclusions. La révolution cartésienne consiste à envisager sous le
nom de sciences une mathématique universelle.

Réfléchissant sur cette rigueur, Descartes estime qu'on peut la formaliser en quatre règles seulement. Ce qui est du plus
grand intérêt car ils est facile de les connaître et conséquemment de les respecter.

1) La règle de l'évidence.

La première est de ne rien recevoir sans examen et de n'admettre comme vrai que ce qui résiste au doute. Rien n'est moins
naturel à l'esprit que ce souci car « nous avons tous été enfants avant que d'être hommes, et il nous a fallu longtemps être
gouvernés par nos appétits et nos précepteurs ». Aussi avons-nous reçu quantité de fausses opinions pour véritables, et sans
prendre la peine d'interroger la valeur de vérité de ces opinions, nous fondons sur elles quantité de raisonnements ou de
jugements qui ne peuvent qu'être erronés.

Voilà pourquoi il convient de se défaire de toutes ces opinions et d'éviter les deux périls qui menacent l'esprit dans sa
recherche de la vérité.

D'une part la prévention, d'autre part la précipitation.

Etre prévenu consiste à avoir des préjugés, à opiner au lieu de se donner la peine de discriminer le vrai du faux. Platon a
pointé, dans l'allégorie de la caverne la souveraineté des opinions et la difficulté du chemin permettant de s'affranchir de leur
prestige. Descartes décline ici la même leçon. Tant qu'on admet sans examen des énoncés et qu'on fonde sur eux des
affirmations, celles-ci n'ont aucune valeur théorique. Il faut se tenir en garde contre l'apparence de vérité du préjugé et
n'accepter comme principe du raisonnement que ce dont il est impossible de douter.

Ce qui suppose de prendre le temps d'examiner et donc d'éviter la précipitation. Celle-ci consiste à aller trop vite, à être
trop peu scrupuleux sur les conditions de la validité rationnelle.

Car seul peut être reconnu comme vrai « ce qui se présenterait si clairement et si distinctement à mon esprit que je n'eusse
aucune occasion de le mettre en doute ».

Le philosophe donne ici les critères de l'idée vraie dont le modèle lui a été fourni par le cogito. C'est l'idée claire et distincte,
l'idée dont l'esprit ne peut pas plus douter qu'il ne peut douter de lui-même.

Sa vérité saute aux yeux, autrement dit elle est évidente.

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L'évidence qui, seule peut fonder la certitude, est la propriété intrinsèque d'une idée s'imposant à l'esprit comme vraie de
telle sorte qu'il ne peut lui refuser son adhésion. Ce qui lui confère cette force est sa clarté et sa distinction.

La clarté est le contraire de l'obscurité. L'idée claire est l'idée directement présente à une pensée attentive. Elle est,
commente Gilson, « l'impression que produit la perception directe de l'idée elle-même lorsqu'elle est immédiatement présente
à l'entendement [...]. Une idée est obscure lorsqu'elle se réduit au souvenir que nous avons d'en avoir jadis perçu le contenu ;
plus obscur encore, si ce souvenir n'est en réalité qu'un faux souvenir ».

La distinction est le contraire de la confusion. C'est l'idée suffisamment précise pour n'être confondue avec aucune autre.

« Une idée est confuse dans la mesure où la perception de son contenu se mélange à d'autres idées obscurément perçues.
Une idée ne peut donc être distincte sans être claire ; une idée qui ne contient rien que de clair est par là même distincte ;
mais une idée claire peut se mélanger d'éléments qui ne le sont pas, comme lorsque nous composons l'idée d'union de l'âme et
du corps avec les idées claires d'âme et de corps ». Gilson.

L'idée claire et distincte ou idée évidente est saisie dans un acte d'intuition rationnelle. Elle seule permet de sortir du doute
et de déployer à partir de son évidence les longues chaînes de raison du discours.

2) La règle de l'analyse.

Lorsqu'on a un problème à résoudre, il convient de réduire la difficulté en décomposant mentalement un tout en ses
éléments constituants s'il s'agit d'une chose matérielle ou une idée complexe en idées plus simples. Il y a là une démarche
fondamentale de la pensée qui ne peut faire la lumière sur quoi que ce soir qu'en divisant, en décomposant pour parvenir aux
idées ou aux éléments simples.

3) La règle de la synthèse.

Pour construire un savoir selon un ordre rigoureux, il faut donc partir des éléments simples qu'on a découverts par analyse
et qui, en dernier ressort sont saisis intuitivement pour déduire de ce simple le complexe. Comme l'écrit Gilson : « Une idée
est dite plus connue, ou plus aisée à connaître qu'une autre, lorsqu'elle lui est antérieure dans l'ordre de la déduction. A ce
titre, elle est aussi plus évidente, puisqu'on peut la connaître sans la suivante, mais non pas la suivante sans elle, et elle est
par là même plus certaine, puisqu'étant antérieure selon l'ordre de la déduction, elle se rattache au premier principe et
participe à son évidence de manière plus immédiate ».

Pour les problèmes scientifiques, l'ordre entre les idées est imposé par la nature même, puisque l'esprit peut le découvrir
mais ce n'est pas lui qui le met dans les choses. Il y a là clairement l'expression d'une option réaliste en matière de théorie de
la connaissance. Mais il y a des problèmes qui portent sur des objets qui ne sont pas naturels mais artificiels. Par exemple le
décryptage d'une écriture. Dans ce cas les éléments ne se précèdent point naturellement, dit le texte. Il convient donc que
l'esprit invente l'ordre à suivre pour trouver les solutions plutôt que de procéder au hasard.

4) La règle du dénombrement.

Il s'agit de s'assurer que dans le raisonnement on n'a rien oublié. Cf. Gilson : « L'évidence nous garantit la vérité de chacun

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des jugements que nous portons. (Premier précepte) ; mais elle ne peut nous garantir la vérité de ces longues chaînes
déductives, telles que sont d'ordinaire les démonstrations. Le dénombrement ou énumération consiste à parcourir la suite de
ces jugements par un mouvement continu de la pensée qui, s'il devient assez rapide, équivaut pratiquement à une intuition.
Les dénombrements ne sont valables que s'ils respectent l'ordre requis par le troisième précepte, et s'ils sont suffisants c'est-
à-dire conçus de manière à ne laisser échapper aucun élément de la déduction ».

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Marqueurs:analyse, clarté, confusion, dénombrement, distinction, doute, évidence, méthode, obscurité, précipitation,
prévention, principe, règle, synthèse

Posté dans Chapitre XIII - La raison., Explication de texte, Textes

70 Réponses à “Les règles de la méthode. Descartes.”

1. Simone MANON dit :


11 janvier 2016 à 8 h 46 min

Bonjour
Il n’y a pas d’autre méthode que celle qui consiste à prendre de la distance par rapport à ses croyances afin
d’interroger leurs conditions de possibilité, leur valeur théorique, leurs implications pratiques etc.
Pour ce qui est de notre part d’ombre, (qu’on l’appelle l’inconscient, l’insu ou l’impensé), l’exercice est plus difficile,
précisément parce qu’il s’agit d’un point aveugle.
La lucidité philosophique ne nous en rend pas indemnes mais, allant de pair avec la conscience de notre finitude, elle
nous prémunit contre la tentation dogmatique.
Elle fait donc tenir ensemble deux dimensions consubstantielles de l’éveil philosophique:
-d’une part l’exigence d’un questionnement sans limite et sans tabou,
-d’autre part la conviction que seul l’exercice d’une raison affranchie par l’ascèse personnelle, des aveuglements
passionnels, peut être la mesure du vrai et du bien et prétendre à l’universalité.
Cette dernière proposition est très difficilement recevable dans une époque où l’idéologie multiculturaliste, le procès
de la raison, au prétexte qu’elle serait l’alibi de la domination occidentale, coloniale et impérialiste, redonnent droit de
cité à l’obscurantisme et aux superstitions les plus sottes.
Mais la liberté intellectuelle est une conquête jamais achevée et toujours à recommencer. Le printemps a toujours le
même hiver à vaincre.
http://www.philolog.fr/le-cogito-ou-la-certitude-de-soi-comme-chose-pensante/
Bien à vous.

2. Khaled dit :
11 janvier 2016 à 15 h 56 min

Bonjour,
Merci beaucoup Madame MANON.
En réfléchissant bien, je pense que mon problème c’est que j’ai du mal défranciser entre : opinion et conviction.
J’ai fait une rapide recherche dans ce sens sur sur internet, et un article a attiré mon attention.
Je mets à votre disposition le lien vers ce dernier : http://philo.unblog.fr/2009/12/04/conviction-intime/
Merci beucoup

3. Amadou dit :
11 janvier 2016 à 22 h 10 min

4 of 12 6/8/2018, 6:27 PM
» Les règles de la méthode. Descartes. - PhiloLog http://www.philolog.fr/les-regles-de-la-methode-descartes/

Bonsoir Madame.
Je vous remercie beaucoup de votre générosité et de votre disponibilité.
Je suis un normalien instituteur qui viens d’entamer la Licence 1en philosophie. Je me documentais sur le blog lorsque
je préparais le concours d’entrée. Une fois encore merci.
J’ai juste quelques interrogations :
Qu’est-ce que l’ontologie ?
La méthode cartésienne peut elle être considérée comme une ontologie ?
Merci d’avance!
Amadou
UCAD – Dakar

4. Simone MANON dit :


12 janvier 2016 à 8 h 53 min

Réponse à Khaled.
Bonjour
Pour la notion d’opinion, voyez http://www.philolog.fr/opinion/
Une opinion est un jugement, une affirmation, autrement dit un contenu de pensée que l’on distingue d’une idée
(scientifique ou philosophique) rationnellement fondée. C’est donc une idée à laquelle l’esprit donne son assentiment
sans s’être préoccupé de savoir s’il a raison de le faire.
Synonymes d’opinion: préjugé, a priori, idée toute faite, idée non critiquée.

Quand on parle de conviction intime, on porte son attention sur l’attitude de l’esprit dans son rapport à une idée. On
en souligne le caractère irréductiblement personnel. La conviction intime relève de l’intériorité psychique dans ce
qu’elle a de plus singulier et parfois d’incommunicable.

Etre convaincu consiste à assentir à une idée de telle sorte qu’il n’y a plus de place pour le doute, la question étant de
savoir sur quoi s’étaye cette conviction. Est-ce sur de solides raisons? sur des impressions purement subjectives? sur la
clairvoyance du sentiment moral? sur des partis pris critiquables? sur la puissance de persuasion d’une plaidoirie où
toutes les ficelles de la rhétorique ont été mobilisées? (Bien voir la différence entre convaincre et persuader. Cf. Le (F)
de ce cours: http://www.philolog.fr/les-criteres-de-lidee-vraie/)

On institue le principe de la conviction intime au tribunal pour diverses raisons, qui à l’origine, reposent
essentiellement sur la confiance rousseauiste dans le sentiment moral, dans la conscience conçue comme « juge
infaillible du bien et du mal » Cf. » Il est donc au fond des âmes un principe inné de justice et de vertu, sur lequel,
malgré nos propres maximes, nous jugeons nos actions et celles d’autrui comme bonnes ou mauvaises, et c’est à ce
principe que je donne le nom de conscience »
Il procède aussi d’une volonté démocratique: la justice est l’affaire du peuple et non d’une caste. Elle n’est pas la
prérogative des savants mais de la conscience humaine.

C’est la Constituante qui substitue au principe des preuves légales propre à l’Ancien Régime, celui de la preuve
morale. On considère qu’un homme libre, raisonnable, auquel on remet la responsabilité de juger est plus fiable que
des juges professionnels aveuglés par leur pseudo savoir. Cf. le décret des 16 et 29 septembre 1791 qui fait apparaître
le mot « d’intime conviction » dans le texte du serment: « Citoyens, vous jugez et promettez d’examiner avec
l’attention la plus scrupuleuse les charges portées contre un tel, de n’écouter ni la haine ni la méchanceté, ni la crainte
ni l’affection, de vous décider d’après les charges et moyens de défense et suivant votre intime conviction, avec
l’impartialité et la fermeté qui conviennent à un homme libre »
C’est que les situations sur lesquelles il faut juger sont ambiguës, complexes, la culpabilité d’un sujet ne peut pas être
démontrée mathématiquement. La certitude objectivement fondée ne peut pas être établie. Il faut donc s’en remettre à
l’appréciation subjective des membres d’un jury en leur demandant d’écouter la voix intime d’une conscience
supposée droite par elle-même dès lors qu’elle n’est pas corrompue par des préjugés.

Cf: les affirmations rousseauistes: « Les actes de la conscience ne sont pas des jugements, mais des sentiments.
Quoique toutes nos idées nous viennent du dehors, les sentiments qui les apprécient sont au-dedans de nous, et c’est
par eux seuls que nous connaissons la convenance ou disconvenance qui existe entre nous et les choses que nous

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» Les règles de la méthode. Descartes. - PhiloLog http://www.philolog.fr/les-regles-de-la-methode-descartes/

devons respecter ou fuir. (…) Conscience ! conscience ! instinct divin, immortelle et céleste voix ; guide assuré d’un
être ignorant et borné, mais intelligent et libre ; juge infaillible du bien et du mal, qui rends l’homme semblable à Dieu,
c’est toi qui fais l’excellence de sa nature et la moralité de ses actions ; sans toi je ne sens rien en moi qui m’élève au-
dessus des bêtes, que le triste privilège de m’égarer d’erreurs en erreurs à l’aide d’un entendement sans règle et d’une
raison sans principe. ». Emile ou de l’éducation, livre quatrième, La profession de foi du Vicaire savoyard, Garnier-
Flammarion, 1966, pp. 375-378.

Il va de soi que ce présupposé rousseauiste peut être discuté et il l’est avec beaucoup de force par les contempteurs de
l’intime conviction.
Bien à vous.

5. Simone MANON dit :


12 janvier 2016 à 9 h 36 min

Réponse à Amadou.
Bonjour
L’ontologie est l’étude de l’être en tant qu’être.
Dans la métaphysique classique, l’être est entendu au sens d’essence.
Avec la pensée contemporaine, il porte à la fois sur l’essence et l’existence.http://www.philolog.fr/essence-et-
existence/
Une méthode n’est pas une ontologie mais les résultats auxquels elle conduit ont une portée ontologique. Par exemple,
le cogito débouche sur la distinction entre deux substances et donc sur un discours portant sur l’être de l’esprit
distinguable d’une autre modalité d’être (la matière) .
http://www.philolog.fr/le-cogito-ou-la-certitude-de-soi-comme-chose-pensante/
Bien à vous.

6. Khaled dit :
12 janvier 2016 à 17 h 51 min

Bonjours à tous,

“Certitude, servitude.” Je pense que Jean Rostand, bien qu’il soit qu’écrivain et moraliste, a résumé les effets néfastes
des convictions en seulement deux mots.
C’est la plus court phrase qui explique l’état d’esprit de l’humanité depuis sont apparition.
je m’incline devant cette clairvoyance monumentale.
Cette citation m’interpelle d’autant plus car avant j’étais de confession musulmane et j’ai vécu plusieurs années sous
les contraintes, les limitations et les obligations que cette soit-disant parole divine nous imposait.
Aujourd’hui, et grâce au dictionnaire des citations françaises, j’ai pu remettre en question ces certitudes et me libérer
des entraves invisible que mes convictions m’imposaient inconsciemment et qui m’empêchaient d’avancer.
Quel soulagement de se défaire de ses entraves psychologiques, magnifique !
J’ai juste voulu partager cette expérience d’une partie de ma vie qui était en relation avec les convictions avec nos
chers lecteurs.
Merci à tous

7. Simone MANON dit :


13 janvier 2016 à 8 h 37 min

Bonjour
Merci pour ce témoignage. Il montre qu’on peut découvrir par sa propre expérience la profonde vérité que Platon
expose dans l’allégorie de la caverne. http://www.philolog.fr/allegorie-de-la-caverne/
Oui, les croyances sont dans l’immédiat des prisons, oui la servitude est notre condition première. La conquête de la
liberté spirituelle et morale est une tâche infinie et jamais achevée. Mais quelle jouissance accompagne l’effort de se
libérer!

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Bien à vous.

8. Cooper dit :
15 février 2016 à 16 h 32 min

Bonjour,
merci pour ces explications, cela m’a beaucoup aidé.
Cependant, je dois faire un commentaire sur ce texte mais je ne sais pas comment m’y prendre pour l’introduction.
Pouvez-vous m’aider s’il vous plait ?

Bien à vous.
C.

9. Simone MANON dit :


16 février 2016 à 7 h 12 min

Bonjour
Désolée, ce site n’est pas un site d’aide aux devoirs.
Bien à vous.

10. Bertille la myrtille dit :


16 février 2016 à 11 h 28 min

Bonjour,
je n’ai pas très bien compris « la règle de la synthèse », qu’entendez-vous par « l’ordre entre les idées est imposé par la
nature même, puisque l’esprit peut le découvrir mais ce n’est pas lui qui le met dans les choses » ?

Bonne journée.

11. Simone MANON dit :


17 février 2016 à 8 h 39 min

Bonjour
La phrase suivante dans l’article l’explique.
Pour l’idéalisme en matière de connaissance, l’ordre établi par la science est assigné à l’activité de l’esprit,
l’objectivité scientifique étant dite « faible ».
Pour le réalisme de type cartésien, l’ordre dégagé par l’esprit est l’ordre du réel en vertu du principe de la véracité
divine. Les principes que Dieu a mis dans l’esprit sont les mêmes que ceux qui organisent le réel. Thèse métaphysique
dite de l’harmonie préétablie.
http://www.philolog.fr/en-quoi-consiste-lobjectivite-scientifique/
http://www.philolog.fr/verite-veracite/
Bien à vous.

12. Monastere dit :


6 juin 2016 à 0 h 23 min

Merci pour tout . j’ai pu m’en servir pour mon examen

13. Bineta Dieng dit :


3 avril 2017 à 16 h 03 min

Boujour j’aimerais bien comprendre quel est le but des règles de la méthode cartésienne

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14. Simone MANON dit :


4 avril 2017 à 8 h 23 min

Bonjour
Ce but est énoncé dans le sous-titre: « Pour bien conduire sa raison, et chercher la vérité dans les sciences »
Bien à vous.

15. Armel dit :


2 juin 2017 à 11 h 41 min

Merci madame Manon,c’est tout simplement agréable de voyager dans un univers épistémologique. Mais j’aimerais
savoir : ne pourrait-on pas appeler la règle de l’analyse règle de la décomposition ? Bien à vous.

16. Simone MANON dit :


2 juin 2017 à 19 h 27 min

Bonjour
Oui, analyser consiste toujours à décomposer une totalité complexe, qu’il s’agisse d’une chose ou d’une idée, en ses
éléments les plus simples comme cela est précisé dans l’explication.
Bien à vous.

17. Claire dit :


28 septembre 2017 à 13 h 16 min

Bonjour madame,

je m’intéresse à la différence entre le « raisonnable » et le « rationnel ». Auriez-vous des pistes de lectures à me


conseiller pour être à même de développer ce sujet ?

Je vous en remercie,

Bien à vous,

Claire

18. Simone MANON dit :


28 septembre 2017 à 18 h 43 min

Bonjour
Il faut travailler la distinction entre la démonstration et l’argumentation, entre le champ des sciences et celui de la
morale et de la politique. Si l’un est le domaine du rationnel dans son sens le plus strict, l’autre implique un usage de la
raison plus large. Voyez le dernier point de cet article: http://www.philolog.fr/les-criteres-de-lidee-vraie/
Bien à vous.

19. Audrey dit :


10 décembre 2017 à 16 h 39 min

Bonjour Manon,

J’ai de la difficulté à cerner les valeurs, les contres-valeurs et les normes de Descartes…
Pourriez-vous m’éclairer?

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Merci.

20. Simone MANON dit :


11 décembre 2017 à 8 h 07 min

Bonjour
Vous avez de très nombreux articles sur Descartes sur ce blog. Il vous suffit de les lire avec votre question en tête.
Vous n’aurez plus de difficultés pour apporter les réponses.
Bon travail.

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1. Discours de la méthode. Descartes. 1637.


2. Descartes: La morale provisoire. Discours de la méthode, III.
3. "Le bon sens est la chose du monde la mieux partagée" Descartes.
4. Hommage à Descartes. Valéry.
5. La science doit "nous rendre comme maîtres et possesseurs de la Nature" Descartes.

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Les règles de la méthode. Descartes.


Posted By Simone MANON On 12 avril 2008 @ 9 h 24 min In Chapitre XIII - La raison.,Explication
de texte,Textes | 70 Comments

« Le premier était de ne recevoir jamais aucune chose pour vraie que je ne la connusse
évidemment être telle : c’est-à-dire d’éviter soigneusement la précipitation et la prévention ; et
de ne comprendre rien de plus en mes jugements, que ce qui se présenterait si clairement et si
distinctement que je n’eusse aucune occasion de la mettre en doute.

Le second, de diviser chacune des difficultés que j’examinerais, en autant de parcelles qu’il se
pourrait et qu’il serait requis pour les mieux résoudre.

Le troisième de conduire avec ordre mes pensées, en commençant par les objets les plus
simples et les plus aisés à connaître, pour monter peu à peu, comme par degrés, jusqu’à la
connaissance des plus composés ; et supposant même de l’ordre entre ceux qui ne se précèdent
point naturellement les uns les autres.

Et le dernier, de faire partout des dénombrements si entiers, et des revues si générales, que je
fusse assuré de ne rien omettre ».

Descartes. Discours de la méthode [1]. Deuxième partie.

Du grec methodos, le mot méthode indique l’idée d’un chemin (odos) vers (meta).

Pourquoi la nécessité de suivre un chemin balisé ? Parce que Descartes, l’a souligné : « Ce n’est

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pas assez d’avoir l’esprit bon, mais le principal est de l’appliquer bien ».

Or s’il y a une science qui satisfait à cette exigence, c’est la mathématique. « Je me plaisais
surtout aux mathématiques, à cause de la certitude et de l’évidence de leurs raisons ; confesse
Descartes, mais je ne remarquais point encore leur vrai usage, et pensant qu’elles ne servaient
qu’aux arts mécaniques, je m’étonnais de ce que, leurs fondements étant si fermes et si solides,
on n’avait rien bâti dessus de plus relevé ».

Il signifie par ce propos que la scolastique n’a pas su voir la puissance et la fécondité des
mathématiques. Son projet va donc consister à expliciter la méthode des mathématiciens et à en
faire le modèle de toute science. Car la réussite de la raison dans une discipline est la garantie
de sa réussite dans toutes les autres et la supériorité des mathématiques tient au fait qu’elles
procèdent selon un ordre précis : intuitions des évidences premières et déduction à partir de ces
évidences. D’où la rigueur de leurs raisonnements et la certitude de leurs conclusions. La
révolution cartésienne consiste à envisager sous le nom de sciences une mathématique
universelle.

Réfléchissant sur cette rigueur, Descartes estime qu’on peut la formaliser en quatre règles
seulement. Ce qui est du plus grand intérêt car ils est facile de les connaître et conséquemment
de les respecter.

1) La règle de l’évidence.
*

La première est de ne rien recevoir sans examen et de n’admettre comme vrai que ce qui
résiste au doute. Rien n’est moins naturel à l’esprit que ce souci car « nous avons tous été
enfants avant que d’être hommes, et il nous a fallu longtemps être gouvernés par nos appétits et
nos précepteurs ». Aussi avons-nous reçu quantité de fausses opinions pour véritables, et sans
prendre la peine d’interroger la valeur de vérité de ces opinions, nous fondons sur elles quantité
de raisonnements ou de jugements qui ne peuvent qu’être erronés.

Voilà pourquoi il convient de se défaire de toutes ces opinions et d’éviter les deux périls qui
menacent l’esprit dans sa recherche de la vérité.

D’une part la prévention, d’autre part la précipitation.

Etre prévenu consiste à avoir des préjugés, à opiner au lieu de se donner la peine de
discriminer le vrai du faux. Platon a pointé, dans l’allégorie de la caverne la souveraineté des
opinions et la difficulté du chemin permettant de s’affranchir de leur prestige. Descartes décline
ici la même leçon. Tant qu’on admet sans examen des énoncés et qu’on fonde sur eux des
affirmations, celles-ci n’ont aucune valeur théorique. Il faut se tenir en garde contre l’apparence

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de vérité du préjugé et n’accepter comme principe du raisonnement que ce dont il est impossible
de douter.

Ce qui suppose de prendre le temps d’examiner et donc d’éviter la précipitation. Celle-ci


consiste à aller trop vite, à être trop peu scrupuleux sur les conditions de la validité rationnelle.

Car seul peut être reconnu comme vrai « ce qui se présenterait si clairement et si distinctement
à mon esprit que je n’eusse aucune occasion de le mettre en doute ».

Le philosophe donne ici les critères de l’idée vraie dont le modèle lui a été fourni par le cogito
[2]. C’est l’idée claire et distincte, l’idée dont l’esprit ne peut pas plus douter qu’il ne peut douter

de lui-même.

Sa vérité saute aux yeux, autrement dit elle est évidente.

L’évidence qui, seule peut fonder la certitude, est la propriété intrinsèque d’une idée s’imposant
à l’esprit comme vraie de telle sorte qu’il ne peut lui refuser son adhésion. Ce qui lui confère
cette force est sa clarté et sa distinction.

La clarté est le contraire de l’obscurité. L’idée claire est l’idée directement présente à une
pensée attentive. Elle est, commente Gilson, « l’impression que produit la perception directe de
l’idée elle-même lorsqu’elle est immédiatement présente à l’entendement […]. Une idée est
obscure lorsqu’elle se réduit au souvenir que nous avons d’en avoir jadis perçu le contenu ; plus
obscur encore, si ce souvenir n’est en réalité qu’un faux souvenir ».

La distinction est le contraire de la confusion. C’est l’idée suffisamment précise pour n’être
confondue avec aucune autre.

« Une idée est confuse dans la mesure où la perception de son contenu se mélange à d’autres
idées obscurément perçues. Une idée ne peut donc être distincte sans être claire ; une idée qui
ne contient rien que de clair est par là même distincte ; mais une idée claire peut se mélanger
d’éléments qui ne le sont pas, comme lorsque nous composons l’idée d’union de l’âme et du
corps avec les idées claires d’âme et de corps ». Gilson.

L’idée claire et distincte ou idée évidente est saisie dans un acte d’intuition rationnelle. Elle
seule permet de sortir du doute et de déployer à partir de son évidence les longues chaînes de
raison du discours.

2) La règle de l’analyse.
*

Lorsqu’on a un problème à résoudre, il convient de réduire la difficulté en décomposant

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mentalement un tout en ses éléments constituants s’il s’agit d’une chose matérielle ou une idée
complexe en idées plus simples. Il y a là une démarche fondamentale de la pensée qui ne peut
faire la lumière sur quoi que ce soir qu’en divisant, en décomposant pour parvenir aux idées ou
aux éléments simples.

3) La règle de la synthèse.
*

Pour construire un savoir selon un ordre rigoureux, il faut donc partir des éléments simples
qu’on a découverts par analyse et qui, en dernier ressort sont saisis intuitivement pour déduire
de ce simple le complexe. Comme l’écrit Gilson : « Une idée est dite plus connue, ou plus aisée à
connaître qu’une autre, lorsqu’elle lui est antérieure dans l’ordre de la déduction. A ce titre, elle
est aussi plus évidente, puisqu’on peut la connaître sans la suivante, mais non pas la suivante
sans elle, et elle est par là même plus certaine, puisqu’étant antérieure selon l’ordre de la
déduction, elle se rattache au premier principe et participe à son évidence de manière plus
immédiate ».

Pour les problèmes scientifiques, l’ordre entre les idées est imposé par la nature même,
puisque l’esprit peut le découvrir mais ce n’est pas lui qui le met dans les choses. Il y a là
clairement l’expression d’une option réaliste en matière de théorie de la connaissance. Mais il y a
des problèmes qui portent sur des objets qui ne sont pas naturels mais artificiels. Par exemple le
décryptage d’une écriture. Dans ce cas les éléments ne se précèdent point naturellement, dit le
texte. Il convient donc que l’esprit invente l’ordre à suivre pour trouver les solutions plutôt que
de procéder au hasard.

4) La règle du dénombrement.
*

Il s’agit de s’assurer que dans le raisonnement on n’a rien oublié. Cf. Gilson : « L’évidence nous
garantit la vérité de chacun des jugements que nous portons. (Premier précepte) ; mais elle ne
peut nous garantir la vérité de ces longues chaînes déductives, telles que sont d’ordinaire les
démonstrations. Le dénombrement ou énumération consiste à parcourir la suite de ces
jugements par un mouvement continu de la pensée qui, s’il devient assez rapide, équivaut
pratiquement à une intuition. Les dénombrements ne sont valables que s’ils respectent l’ordre
requis par le troisième précepte, et s’ils sont suffisants c’est-à-dire conçus de manière à ne
laisser échapper aucun élément de la déduction ».

Autour de ce Sujet :

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Discours de la méthode. Descartes. 1637. [3]


Descartes: La morale provisoire. Discours de la méthode, III. [4]
"Le bon sens est la chose du monde la mieux partagée" Descartes. [5]
Hommage à Descartes. Valéry. [6]
La science doit "nous rendre comme maîtres et possesseurs de la Nature" Descartes. [7]

Article printed from PhiloLog: http://www.philolog.fr

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[1] Discours de la méthode: http://www.amazon.fr/s/?_encoding=UTF8&camp=1642&


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%C3%A9thode%22+descartes&linkCode=ur2&rh=i%3Aaps%2Ck%3AAlain%20D
%C3%A9finitions&tag=lacuidemer-21&url=search-alias%3Daps
[2] cogito: http://www.philolog.fr/le-cogito-ou-la-certitude-de-soi-comme-chose-
pensante/
[3] Discours de la méthode. Descartes. 1637. : http://www.philolog.fr/discours-de-la-
methode-descartes-explication/
[4] Descartes: La morale provisoire. Discours de la méthode, III. : http://www.philolog.fr
/descartes-la-morale-provisoire-discours-de-la-methode-iii/
[5] "Le bon sens est la chose du monde la mieux partagée" Descartes. :
http://www.philolog.fr/le-bon-sens-est-la-chose-du-monde-la-mieux-partagee-
descartes/
[6] Hommage à Descartes. Valéry. : http://www.philolog.fr/hommage-a-descartes-
valery/
[7] La science doit "nous rendre comme maîtres et possesseurs de la Nature" Descartes. :
http://www.philolog.fr/la-science-doit-nous-rendre-comme-maitres-et-possesseurs-
de-la-nature-descartes/

Par Simone MANON, professeur de philosophie au Lycée Vaugelas de Chambéry. Tous droits
réservés.

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« Ce qu'il y a de plus profond en l'homme, c'est la peau. Valéry.


Déterminisme et liberté. Kant. »

Hommage à Descartes. Valéry.


3 Nov 2008 par Simone MANON

« Qu'est-ce donc que je lis dans le Discours de la Méthode?

Ce ne sont pas les principes eux-mêmes qui nous peuvent longtemps retenir. Ce qui attire mon regard, à partir de la
charmante narration de sa vie et des circonstances initiales de sa recherche, c'est la présence de lui-même dans ce prélude
d'une philosophie. C'est, si l'on veut, l'emploi du Je et du Moi dans un ouvrage de cette espèce, et le son de sa voix humaine;
et c'est cela, peut-être, qui s'oppose le plus nettement à l'architecture scolastique. Le Je et le Moi explicitement évoqués
devant nous introduire à des manières de penser d'une entière généralité, voilà mon Descartes.
Empruntant un mot à Stendhal, qui l'a introduit dans notre langue, et le détournant un peu pour mon usage, je dirai que la
vraie Méthode de Descartes devrait se nommer l'égotisme, le développement de la conscience pour les fins de la
connaissance.
Je trouve alors sans difficu1té que l'essentiel du Discours n'est que la peinture des conditions et des conséquences d'un

1 of 6 6/11/2018, 11:21 PM
» Hommage à Descartes. Valéry. - PhiloLog file:///D:/DOWNLOAD/BBAGGI/GC/TOPO/» Hommage à Descartes. Va...

événement, qui débarrasse ce Moi de toutes les difficultés et de toutes les obsessions ou notions parasites pour lui, dont il est
grevé sans les avoir désirées ni trouvées en lui-même.

Comme je l'ai dit plus haut, le Cogito fait l'effet d'un appel sonné par Descartes à ses puissances égotistes. Il le répète
comme le thème de son Moi, le réveil sonné à l'orgueil et au courage de l'esprit. C'est en quoi réside le charme, - au sens
magique de ce terme, - de cette formule tant commentée, quand il suffirait, je crois, de la ressentir. Au son de ces mots, les
entités s'évanouissent; la volonté de puissance envahit son homme, redresse le héros, lui rappelle sa mission toute
personnelle, sa fatalité propre; et même sa différence, son injustice individuelle; - car il est possible, après tout, que l'être
destiné à la grandeur doive se rendu sourd, aveugle, insensible à tout ce qui, même vérités, même réalités, traverserait son
impulsion, son destin, sa voie de croissance, sa lumière, sa ligne d'univers.
Et, enfin, si le sentiment du Moi prend cette conscience et cette maîtrise centrale de nos pouvoirs, s'il se fait délibérément
système de référence du monde, foyer de réformes créatrices qu'il oppose à l'incohérence à la multiplicité, à la complexité de
ce monde aussi bien qu'à l'insuffisance des explications reçues, il se sent alimenté soi-même par une sensation inexprimable,
devant laquelle les moyens du langage expirent, les similitudes ne valent plus, la volonté de connaître qui s'y dirige, s'y
absorbe et ne revient plus vers son origine, car il n'y a plus d'objet qui la réfléchisse. Ce n'est plus de la pensée...
En somme, le désir véritable de Descartes ne pouvait être que de porter au plus haut point ce qu'il trouvait en soi de plus
fort et de susceptible de généralisation. Il veut sur toute chose exploiter son trésor de désir et de vigueur intellectuelle, et il
ne peut pas vouloir autre chose. C'est là le principe contre lequel les textes mêmes ne prévalent point. C'est le point
stratégique, la clé de la position cartésienne.
Ce grand capitaine de l'esprit trouve sur son chemin des obstacles de deux espèces. Les uns sont des problèmes naturels
qui s'offrent à tout homme qui vient en ce monde : les phénomènes, l'univers physique, les êtres vivants. Mais il y a d'autres
problèmes, qui sont bizarrement et comme arbitrairement enchevêtrés avec les premiers, qui sont ces problèmes qu'il n'eût
pas imaginés, et qui lui viennent des enseignements, des livres, des traditions reçues. Enfin, il y a les convenances, les
considérations, les empêchements, sinon les dangers, d'ordre pratique et social.
Contre tous ces problèmes et ces obstacles, le Moi, et à l'appui de ce Moi, telles facultés. L'une d'elles a fait ses preuves :
on peut compter sur elle, sur ses procédés infaillibles quand on sait en user, sur l'impérieuse obligation qu'elle impose de tout
mettre au clair, et de rejeter ce qui ne se résout pas en opérations bien séparées : c'est la mathématique.
Et maintenant l'action peut s'engager. Un discours, qui est d'un chef la précède et l'annonce. Et la bataille se dessine.
De quoi s'agit-il? Et quel est l'objectif?
Il s'agit de montrer et démontrer ce que peut un Moi. Que va faire ce Moi de Descartes?
Comme il ne sent point ses limites, il va vouloir tout faire, ou tout refaire. Mais d'abord, table rase. Tout ce qui ne vient pas
de Moi, ou n'en serait point venu, tout ceci n'est que paroles.
D'autre part, du côté des problèmes, que j'ai appelés naturels, il développe, dans ce combat pour sa clarté, cette conscience
poussée qu'il appelle sa Méthode, et qui a magnifiquement conquis un empire géométrique sans limites.
Il veut l'étendre aux phénomènes les plus divers; il va refaire toute la nature, et le voici qui, pour la rendre rationnelle,
déploie une étonnante fécondité d'imagination, Ceci est bien d'un Moi dont la pensée ne veut pas de céder à la variation des
phénomènes, à la diversité même des moyens et des formes de la vie...
Je conduirais encore cette sorte d'analyse inventive à me demander ce que serait un Descartes qui naîtrait dans notre
époque. Ce n'est qu'un jeu.
Mais quelle table aujourd'hui trouverait-il à faire rase? Et comment s'accommoderait-il d'une science qu'il est devenu
impossible d'embrasser, et qui dépend désormais si étroitement d'un matériel immense et constamment accru; une science qui
est, en quelque manière à chaque instant, en équilibre mobile avec les moyens qu'elle possède?
Il n'y a point de réponse. Mais il me semble que ces questions ont leur valeur.
L 'individu devient un problème de notre temps, la hiérarchie des esprits devient une difficulté de notre temps, où il y a
comme un crépuscule des demi-dieux, c'est-à-dire de ces hommes disséminés dans la durée et sur la terre, auxquels nous
devons l'essentiel de ce nous appelons culture, connaissance et civilisation.
C'est pourquoi j'ai insisté sur la personnalité forte et téméraire du grand Descartes, dont la philosophie, peut-être, a moins
de prix pour nous que l'idée qu'il présente d'un magnifique et mémorable Moi ».
Valéry. Variété. Etudes philosophiques, Une vue de Descartes. La Pléiade, T I, p. 839 à 842.

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A méditer :

« Une méthode n'est pas une doctrine ; elle est un système d'opérations qui fasse mieux que l'esprit livré à lui-même le
travail de l'esprit » Valéry. Ibid. p. 821.

Hommage de Péguy :

« Descartes, dans l'histoire de la pensée, ce sera toujours ce cavalier français qui partit d'un si bon pas ». Notes conjointes
sur M. Descartes. La Pléiade, Œuvres en prose complètes.T III.

Hommage de Hegel :

« Descartes est dans les faits le vrai fondateur de la philosophie moderne en tant qu'elle prend la pensée pour principe.
L'action de cet homme sur son siècle et sur les temps nouveaux ne sera jamais exagérée. C'est un héros. Il a repris les choses
par le commencement et il a retrouvé le vrai sol de la philosophie auquel elle est revenue après un égarement de mille ans »
Hegel. Leçons sur l'histoire de la philosophie. La philosophie moderne.

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Marqueurs:certitude, cogito, connaissance, conscience de soi, discours de la méthode, doute, égotisme, Je, méthode, moi,
pensée

Posté dans Chapitre I - La philosophie., Chapitre II - Conscience. Inconscient. Sujet., Chapitre XIII - La raison., Textes

Une Réponse à “Hommage à Descartes. Valéry.”

1. Kamal BENMAROUF dit :


17 janvier 2015 à 2 h 29 min

Un pur délice. Merci pour ce moment

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Entrées complémentaires

1. La peinture ou la souveraineté du voir. Hommage à Berthe Morisot. Valéry.


2. Les règles de la méthode. Descartes.
3. "Le bon sens est la chose du monde la mieux partagée" Descartes.
4. Ce qu'il y a de plus profond en l'homme, c'est la peau. Valéry.
5. Discours de la méthode. Descartes. 1637.

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Chapitre II – Conscience. Inconscient. Sujet.
Chapitre III – Autrui.
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Chapitre VI – Nature-Culture.
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Chapitre VIII – La technique.
Chapitre IX – L'art.
Chapitre X – La religion.
Chapitre XI – Le langage.
Chapitre XII – Le réel, l'expérience.
Chapitre XIII – La raison.
Chapitre XIV – L'interprétation.
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Chapitre XVI – La vérité.
Chapitre XVII – Matière, vie, esprit.
Chapitre XVIII – La politique.
Chapitre XIX – Droit et justice.
Chapitre XX – Etat et Société.
Chapitre XXI – La liberté.
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