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EXPRESS
Recouvrement de l’impôt
et procédures de
contestation : vers quelles
juridictions ?
Lorqu’il est destinataire d’un acte de poursuites, le contribuable peut, soit en contester la régularité
formelle, soit remettre en cause l’existence, la quotité ou l’exigibilité de son obligation de payer l’im-
pôt, et il n’est pas rare qu’il le fasse.
Il lui importe, pour cela, de formuler une réclamation préalable auprès de l’administration fiscale dont
dépend le comptable qui a exercé les poursuites, mais il ne s’agit là que d’une première étape.
En effet, si aucune décision n’est prise à l’expiration d’un délai de 2 mois (1) ou si la décision rendue
ne lui donne pas satisfaction, il lui appartient alors de porter l’affaire devant le juge compétent (LPF,
art. R. 281-4).
’est à ce moment là que tout peut se – ou la régularité en la forme de l’acte de pour-
Celui-ci est, en effet, le gardien naturel des La jurisprudence a estimé, par ailleurs, que la
atteintes portées à la propriété et aux libertés contestation d’un procès verbal de saisie-vente,
individuelles, ce qui fait que le juge de l’exé- en tant qu’il ne mentionne pas si la somme à
cution a seul compétence pour connaître des recouvrer comporte des pénalités ou des inté-
difficultés relatives aux titres exécutoires et rêts de retard, met en cause la régularité de
contestations qui s’élèvent à l’occasion de l’exé- l’acte et relève, en conséquence, de la compé-
cution forcée (23). tence du juge de l’exécution (30).
Il en ressort que les contestations se rappor- Il pourra aussi recevoir le moyen tiré de l’in-
tant aux mesures de poursuites relèvent de la compétence du chef de service qui a mandaté
compétence exclusive du juge de l’exécution (24), l’huissier pour signifier au contribuable l’acte
dès lors qu’elles ne remettent pas en cause l’exis- de conversion d’une saisie conservatoire en sai-
tence, le montant ou l’exigibilité de la créance, sie vente, qui se rattache, non pas à la contes-
mais portent sur la régularité en la forme de la tation de l’opposabilité de l’acte en vue d’en
procédure d’exécution et ce, quelque soit la apprécier l’effet interruptif de prescription,
nature des impositions dont le recouvrement mais à la contestation de sa régularité en la
est poursuivi (25). forme (31).
Il s’agit d’une règle d’ordre public, ce qui fait Par ailleurs, les demandes en revendication
qu’elle doit être relevée d’office (CPC exéc., art. d’objets saisis (LPF, art. L. 283) et les contes-
R. 121-1) ; elle est applicable, non seulement tations portant sur leur propriété (32) relèvent
à la régularité formelle de l’acte de poursuites, de la compétence du juge de l’exécution, ce
mais également aux modalités de la poursuite, qui fait que le juge de l’impôt est incompétent
ce qui fait que les litiges relatifs à la légalité du pour en connaître.
recours aux mesures destinées à assurer le paie- La contestation sur l’existence et la portée des
ment des impositions, relèvent de la compé- sûretés dont dispose le Trésor (hypothèque
tence du juge de l’exécution. légale du Trésor, privilège du Trésor…) est répu-
tée se rattacher, de la même manière, à la forme
Le cas général des contestations relatives des poursuites et échapper, en conséquence, à
aux actes de poursuites la compétence du juge de l’impôt (33), qui n’est
donc pas habilité à se prononcer sur la contes-
Le commandement de payer préalable à la sai- tation de l’existence du droit de suite, dont
sie-vente constitue un acte de poursuites qui
peut donner lieu à opposition devant le juge
(23) Bien qu’en matière de saisie des rémunérations, c’est le juge du
de l’exécution, dès lors que les motifs allégués tribunal d’instance, exerçant les pouvoirs du juge de l’exécution, qui
est compétent « à l’exception des demandes ou moyens de défense
ont pour objet de remettre en cause la validité échappant à la compétence des juridictions de l’ordre judiciaire »
de l’acte et reposent sur une contestation de la (C. trav., art. R. 3252-11, C. org. jud., art. L. 221-8, CPC exéc., art.
L. 121-1). Sur les incertitudes demeurant sur ce point, quant aux sai-
régularité en la forme (26). sies des rémunérations pratiquées par voie d’avis à tiers détenteur,
Le moyen tiré de l’incompétence territoriale voir infra.
(24) Sous les mêmes réserves que la note 23.
du comptable public pour émettre un com- (25) T. confl., 17 juin 1991, n° 2640, Matijaca : RJF 11/91 n° 1438 ;
Dr. fisc. 1992, n° 14, p. 645.
mandement de payer se rattache ainsi à la (26) CE, 8e et 3e s.-s., 20 févr. 2002, n° 223134, Conversy : RJF 05/2002,
contestation de la régularité en la forme de n° 574 ; Cass. com. 23 oct. 2007, n° 06-12.126, Malglaive : RJF 2/08,
n° 226, BF 2/08, inf. 166.
l’acte de poursuites et ressortit, comme tel, de (27) T. confl., 23 févr. 2004, n° 3366, Marchiani : RJF 5/04, n° 518 ;
la compétence du juge de l’exécution (27). BDCF 5/04, n° 66.- T. confl., 23 juin 2003, n° 3357, Montaignac :
RJF 11/03, n° 1315.
Celui-ci sera, de la même manière, conduit à (28) CE 9e et 8e s.-s., 11 mai 1994, n° 93770, Mischke : RJF 7/94,
apprécier si les irrégularités en la forme d’un n° 839 ; Dr. fisc. 1995, n° 13, p. 622 ; CE, 9e et 8e s.-s., 18 mai
1994, n° 93768-93769, Mischke : RJF 8-9/94, n° 988 (la solution
commandement de payer seraient de nature à est différente lorsqu’il s’agit de savoir si, compte tenu des condi-
tions de sa notification, un commandement a pu, ou non, interrompre
priver cet acte de son effet interruptif de pres- la prescription) ; CE, 8e et 3e s.-s., 21 mars 2008, n° 285448, Caillie-
cription (28). ret : RJF 6/08, n° 746.
(29) T. confl., 22 oct. 2007, n° 3618, Hallier : Dr. fisc. 2007, n° 47,
Il est compétent également pour se prononcer comm. 995. Il en va différemment lorsque le redevable conteste, non
pas l’utilisation d’un commandement de payer à titre conservatoire,
sur l’applicabilité d’un commandement de mais sa légalité faute d’exigibilité des sommes mises en recouvre-
payer notifié à un contribuable qui a formé ment : CE, 9e et 10e s.-s., 30 déc. 2009, n° 308242, de Beaufort :
RJF 3/10, n° 294 (supra).
une réclamation contentieuse assortie d’une (30) CE, 9e et 10e s.-s., 2 juill. 2003, n° 220205, Villa : RJF 10/03,
demande de sursis de paiement sur lequel le n° 1170 ; BF 10/03, inf. 955.
(31) CE, 8e et 3e s.-s., 17 mars 2010, n° 315715, Cazabon : RJF 6/10,
comptable a indiqué « à titre conservatoire en n° 642.
garantie des droits du Trésor » (29), lorsqu’il s’agit (32) Cass. com., 16 nov. 2004, n° 02-18.809, Ducos de La Haille :
RJF 3/05, n° 274 ; Cass. com., 4 juin 2002, n° 98-19.342, de Sciti-
d’une contestation portant sur le choix de la vaux : JCP E, 2002, n° 36, p. 1369 ; Dr. fisc. 2002, n° 26, p. 939 ;
mesure mise en œuvre en vue d’assurer le recou- RJF 11/02, n° 1319 ; CE, 9e et 8e s.-s., 14 févr. 1996, n° 77129,
Melingue : RJF 4/96, n° 510.
vrement de la créance fiscale. (33) CE, 8e et 9e s.-s., 17 mars 1993, n° 78885, Dolley : Dr. fisc.
1993, n° 26, p. 1160 ; RJF 5/93, n° 739.
Il en est de même en cas de contestation sur de l’exécution (53), sous réserve cependant de
l’existence du privilège du Trésor, qui condi- l’éventuelle appréciation contraire de la Cour
tionne la validité de l’avis à tiers détenteur, suprême (54). La jurisprudence postérieure des
de litige portant sur les modalités et les condi- juges du fond, à laquelle s’était ralliée la
tions de mise en œuvre d’une saisie pratiquée DGCP (55), a estimé, en revanche, que le régime
sur un compte bancaire par voie d’avis à tiers de la compétence d’attribution des saisies des
détenteur (46), tels que le défaut de titre exé- rémunérations par voie d’avis à tiers détenteur,
cutoire (47) ou l’absence de commandement devait s’aligner sur celui du droit commun qui
préalablement notifié (48). confère compétence au juge du tribunal d’ins-
Le tiers détenteur, qui fait valoir que sa dette tance (56).
à l’égard du contribuable a été éteinte par com- La DGFiP devra, en conséquence, rapidement
pensation ou novation, soulève également une se positionner sur la question, tout en tenant
contestation qui n’est pas relative à l’obligation compte de l’autonomie de la procédure d’avis
fiscale du redevable, mais porte sur une mesure à tiers détenteur au regard des dispositions de
mise en œuvre par l’administration fiscale à droit commun (57).
l’égard d’un tiers, en vue d’assurer le recouvre-
ment de l’impôt (49).
Elle relève donc de la compétence du juge de LA COMPÉTENCE TERRITORIALE DU JUGE
l’exécution, tout comme la contestation for- DE L’EXÉCUTION
mulée par le tiers détenteur, lorsque celui-ci
fait valoir qu’il n’est pas débiteur du redevable Le juge de l’exécution compétent est, au choix
légal de l’impôt, puisqu’une telle contestation du demandeur, celui du lieu où demeure le
ne met en cause ni l’existence, ni la quotité, ni débiteur ou celui du lieu d’exécution de la
l’exigibilité de la créance fiscale, mais a trait au mesure (58), qui est également compétent si le
bien-fondé des mesures de recouvrement mises débiteur réside à l’étranger ou si le lieu où
en œuvre (50). il demeure est inconnu (CPC exéc., art.
Enfin et lorsque la contestation de l’avis à tiers R. 121-2).
détenteur se rapporte à des sommes insaisis-
sables ou à la quotité saisissable du salaire, le (46) CAA Bordeaux, 27 juin 1995, n° 94BX01269, Arquey : RJF 10/95,
requérant doit se tourner vers la juridiction n° 1188 ; CAA Paris, 4 févr. 1999, n° 97PA00278, Koenig : RJF 8-9/99,
n° 1089.
judiciaire, puisqu’il ne conteste pas l’exigibi- (47) Cass. com., 3 mars 2004, n° 01-01.104 Didier : RJF 7/04, n° 795.
(48) CE, 5 juill. 1995, n° 156513, Coliac : RJF 10/95, n° 1185 ; CE,
lité de l’impôt, mais met en cause les modali- 8e et 3e s.-s., 16 févr. 2001, n° 217890, Carrasco : RJF 5/01, n° 705,
tés d’exécution de l’acte de poursuites (51). pour le cas d’un commandement de payer annulé et dont procédait
l’avis à tiers détenteur.
La question demeure toutefois, quant à savoir (49) T. confl., 4 nov. 1996, n° 2980, Berthiaud : RJF 5/97, n° 473.
si la compétence d’attribution en la matière, (50) CE, 9e et 8e s.-s., 19 oct. 1992, n° 79718, SCI Mer et Silence :
Dr. fisc. 1993, n° 14, p. 758 ; RJF 12/92, n° 1717.
doit revenir au juge de l’exécution ou au juge (51) CAA Paris, 17 avr. 1990, n° 89PA00562, Didier : RJF 8-9/90,
n° 1119.- T. confl., 17 févr. 1997, n° 2975, Bourget : Dr. fisc. 1997,
du tribunal d’instance. n° 23, p. 782 ; RJF 8-9/97, n° 831.- Cass. 2e civ., 2 déc. 2004,
En effet, dans le droit commun de la saisie des n° 02-21.381, Libes : RJF 5/05, n° 500 ; Cass. com., 20 mars 2007,
n° 06-11.412, Jolibois : JCP E 2007, n° 18, pan. 1593 ; RJF 7/07,
rémunérations et en cas de contestation, le n° 847.
débiteur doit directement (52) saisir le juge du (52) Sans réclamation préalable auprès de l’Administration - car il
s’agit d’un contentieux qui n’est pas régi par les dispositions de l’ar-
tribunal d’instance (C. trav, art. R. 3252-11 ; ticle L. 281 du LPF - et dans le délai d’un mois à compter de la signi-
fication de l’acte de saisie. En outre, les contestations doivent être
CPC exéc., art. L. 121-1), sauf si ses demandes dirigées contre le tiers et non contre le comptable saisissant.
ou moyens échappent à la compétence de la (53) Doc. adm. 12 C-2313, 31 janv. 1995, n° 53.
(54) Doc. adm. 12 C-2211, 30 oct. 1999, n° 26.
juridiction de l’ordre judiciaire (C. org. jud., (55) Instr. CP 22 juill. 2002, 02-063 AM chap. 3, n° 1-2-2-2.
(56) CA Paris, 10 mai 2001, n° 00-18.769, Bevione.
art. L. 221-8). (57) Cette autonomie a été entièrement consacrée au regard notam-
Force est de constater à ce jour que ni les tri- ment des dispositions applicables en matière de saisie attribution :
Cass. ch. mixte, 26 janv. 2007, n° 04-10.422, SCI Groupe Giry : Dr.
bunaux ni l’administration fiscale ne se sont fisc. 2007, n° 7, comm. 179 et n° 49, comm. 1035 ; RJF 5/07,
prononcés, sans contradictions, sur la question n° 624 ; Les Nouvelles fiscales, n° 977, p. 18 ; Gaz Pal. 27-31 mais
2007, p. 20 et 7-9 oct. 2007, p. 10 ; RTD bancaire et financier 3-4/07,
de l’applicabilité de ces dispositions au conten- n° 75 ; JCP G 2007, n° 8-9, pan. 1449 ; JCP E 2007, n° 10, pan. 1337.
(58) Bien qu’un doute subsiste en matière d’avis à tiers détenteur :
tieux de la saisissabilité des rémunérations cf., pour des applications divergentes par la chambre commerciale
par voie d’avis à tiers détenteur. et la 2e Chambre civile de la Cour de cassation : Cass. com., 12 mars
2002, n° 99-11.895, Société Axa Conseil-Vie : RJF 10/02, n° 1188
Avant la fusion des services de la Direction (compétence du lieu où demeure le débiteur ou du lieu d’exécution
générale des impôts (DGI) et de ceux de la de la mesure) ; Cass. 2e civ., 1er févr. 2001, n° 99-1.896, Société Axa
Conseil-Vie : Gaz. Pal. 30 déc. 2001, p. 11 (seule compétence du lieu
Direction générale de la comptabilité publique ou demeure le débiteur en application des règles de la saisie-attri-
bution prévues à l’article R. 211-10 – ancien art. 65 du décret du
(DGCP) au sein de la Direction générale des 31 juill. 1992), mais dans la mesure où la chambre mixte a consa-
finances publiques (DGFiP), la DGI s’était cré dans l’arrêt précité du 26 janvier 2007 le principe d’autonomie
de l’avis à tiers détenteur, c’est la solution dégagée par la Chambre
prononcée en faveur de la compétence du juge commerciale qui devrait s’imposer.