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Dossier
Promotion de la santé à l’école :
agir sur le climat scolaire
FABRICATION
Conception graphique : offparis.fr
Réalisation graphique : Jouve
Impression : Groupe Morault
ADMINISTRATION
Gestion des abonnements :
Marie-Josée Bouzidi (01 71 80 16 57)
sante-action-abo@santepubliquefrance.fr
No ISSN : 2270-3624
Dépôt légal : 4er trimestre 2018
Tirage : 7 000 exemplaires
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Ne pas creuser les inégalités
Personnes atteintes de cancer
PRÉVENTION ⁄ PROMOTION ⁄ ÉDUCATION L’activité physique thérapeutique
Haut Conseil à l’égalité
Lutter contre la précarité des femmes
Jeunes en rupture
Un réseau de prise en charge
ou intervention de santé
devrait être conçue de sorte
à ne pas creuser les inégalités »
Entretien avec Nadine Haschar‑Noé
et Thierry Lang
Dossier
© Xavier Schwebel/PictureTank/MEN
Activité physique Promotion de la santé à l’école :
et cancer agir sur le climat scolaire
Sommaire
Coordination : 22 _ Entretien avec Isabelle Geoffray à l’école pour soutenir
Sandrine Broussouloux, Julien Masson la motivation des élèves
Enseignement 33 _ Julien Masson, Fabien Fenouillet
adapté à Villeurbanne :
Introduction à l’école de l’estime de soi « Notre objectif : ne perdre
10 _ Sandrine Broussouloux, Julien Masson 24 _ Entretien avec Samia Bendali aucun élève en route »
36 _ Entretien avec Pascal Le Moing
« Sans l’école, je n’aurais Climat scolaire et relationnel
pas accédé au bonheur de vivre positifs : essentiels au bien-
de l’écriture et de la musique » être et à la réussite éducative Pour en savoir plus
12 _ Entretien avec Magyd Cherfi 26 _ Claire Beaumont 38 _ Laetitia Haroutunian
Entretien avec politiques, psychologie…). Il reste de santé. Le lien entre ISS et inéga‑
Nadine Haschar‑Noé, encore beaucoup à faire pour déve‑ lités territoriales est évident, mais
sociologue, maître de conférences, lopper ce croisement des regards dis‑ territoires et groupes sociaux jouent
chercheure associée au laboratoire
ciplinaires nécessaire à l’avancée des indépendamment les uns des autres,
Centre de recherches sciences sociales,
connaissances dans le domaine de la lorsque par exemple un niveau faible
sport et corps – Cresco,
EA 7419, université Toulouse 3, réduction des ISS, en sortant de l’idée de dépistage de certains cancers est
et au laboratoire des sciences sociales qu’elles sont une affaire de spécialistes observé dans des quartiers qui disposent
du politique – Lassp, Sciences Po Toulouse, ou un élément à ajouter dans une liste pourtant d’une accessibilité élevée aux
EA 4175, d’objectifs parmi d’autres. structures sanitaires.
Institut fédératif d’études et de recherches
interdisciplinaires santé société (Ifériss),
S. A. : Quels sont les principaux S. A. : Comment analysez‑vous
université de Toulouse,
déterminants des inégalités les inégalités de santé criantes
Thierry Lang,
épidémiologiste, professeur à l’université sociales de santé en France ? en France (ex. : durée de vie
Toulouse 3 Paul‑Sabatier, N. H.‑N. et T. L. : Il est difficile de d’un ouvrier : 7 ans de moins que
membre de l’équipe Embodiment, résumer cette question en quelques celle d’un cadre supérieur), malgré
social ineQualities, lifecoUrse epidemiology, mots, au‑delà de quelques points un système de santé reconnu
cancer and chronIc diseases, intervenTions, forts. Les déterminants des inégalités et une espérance de vie élevée ?
methodologY (Equity), UMR 1027,
sociales de santé sont multiples et N. H.‑N. et T. L. : Le contraste entre
Institut national de la santé
relèvent de comportements individuels la qualité reconnue de notre système
et de la recherche médicale (Inserm)
et université Toulouse 3 Paul‑Sabatier, et collectifs, de l’environnement proche de santé et le niveau élevé d’inégalités
directeur de l’Institut fédératif d’études ou lointain, des systèmes politiques, sociales de santé est lui aussi complexe
et de recherches interdisciplinaires de politiques publiques menées dans et relève de plusieurs origines. La
santé société (Ifériss). différents secteurs et, bien entendu, répartition sociale de certains compor‑
du fonctionnement et de l’organisa‑ tements (nutritionnels, consommation
tion du système de santé. Dans cette de tabac ou d’alcool, sédentarité…) y
logique, les comportements sont avant contribue. Y participe aussi une histoire
La Santé en action : Pourquoi tout des comportements sociaux (et de l’exercice de la médecine fondée
publier un nouveau livre donc appris), et les environnements essentiellement sur l’importance accor‑
sur les inégalités sociales et conditions de vie peuvent plus ou dée à la relation « singulière » méde‑
de santé ? moins en favoriser certains. cin‑malade au détriment d’approches
Nadine Haschar‑Noé et Thierry Lang : Les travaux de recherche des der‑ collectives et pluriprofessionnelles de
Les inégalités sociale de santé (ISS), nières années soulignent l’impor‑ santé publique. L’importance donnée à
par leur nature, sont complexes, tance de la construction de la santé l’accès théorique aux soins – avoir les
car elles sont le produit incorporé avant même la naissance, pendant moyens financiers et géographiques
– c’est‑à‑dire inscrit dans nos corps la grossesse et les premières années de consulter – plus qu’à la réalité de
par des mécanismes biologiques – d’un de la vie. Les politiques périnatales ces soins et des parcours des patients
large ensemble de facteurs humains, et de l’enfance jouent donc un rôle – quel est le recours aux soins et son
sociaux, économiques et environne‑ déterminant sur les ISS. utilisation effective ? – entraîne une
mentaux qui interagissent. L’évalua‑ Enfin, le système de santé – son méconnaissance des limites du système.
tion des interventions pour les réduire accessibilité financière et géographique, S’y ajoute une focalisation sur l’accès
mobilise les méthodes de la santé son fonctionnement quotidien dans au système de soins plutôt que sur la
publique, et aussi celles de l’évaluation lequel les ISS restent impensées – prévention (au sens large : facteurs de
des politiques publiques, dans une apparaît un élément déterminant risque cardio‑vasculaire, dépistages ;
approche interdisciplinaire (épidé‑ qui va jusqu’à amplifier les inégalités et aussi conditions de travail, environ‑
miologie sociale, sociologie, sciences sociales et les inégalités territoriales nement, urbanisme et aménagement
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L’ESSENTIEL
Politiques de santé
et aussi créer un environnement
– économique, réglementaire,
institutionnel ou social – favorable
du territoire…). Enfin, selon un récent nécessaire d’examiner chaque interven‑ S. A. : Quelles sont les principales
rapport de France Stratégie1 effectué tion, programme ou politique de santé composantes d’une évaluation
à partir d’analyses de l’échantillon avec cette question simple, même si pertinente des politiques publiques
démographique permanent (EDP), le la réponse, elle, peut‑être plus ardue : de santé ?
rôle des études et du diplôme dans la cette intervention, ce programme ou N. H.‑N. et T. L. : Dans nos échanges,
persistance des inégalités sociales est cette politique affectent‑ils le niveau il est apparu qu’une évaluation en santé
majeur. Cela souligne l’importance de des inégalités sociales et territoriales publique devait prendre en compte la
l’école et des premières années de vie de santé ? Si oui, en les aggravant ou multiplicité des facteurs concourant
dans la construction des ISS. en les réduisant ? Cette démarche est aux ISS et à leur réalité. À cet égard, les
adaptée à la complexité du phénomène critères et les indicateurs d’évaluation
S. A. : Quels sont les principaux auquel nous sommes confrontés et elle utilisés en recherche clinique et la
leviers pour réduire les ISS ? est susceptible de mobiliser un grand « médecine fondée sur les preuves »
N. H.‑N. et T. L. : Plusieurs pistes nombre d’acteurs. ne peuvent résumer les méthodes pour
nous paraissent possibles. Il convient également de favoriser juger le niveau de preuves pertinent
Agir sur le système de soins pour la cohérence entre plusieurs niveaux en santé publique et ce, pour un grand
augmenter son accessibilité financière d’intervention, de l’individu aux poli‑ nombre de raisons théoriques. Les
et géographique apparaît comme une tiques publiques, de l’approche locale méthodes dérivées de la recherche
LA SANTÉ EN ACTION – No 445 – Septembre 2018
évidence ; sans oublier que l’absence aux politiques nationales. Il s’agit aussi clinique peuvent s’appliquer aux inter‑
de recours aux soins, si elle est aussi d’articuler différentes politiques sec‑ ventions de santé publique menées sur
d’origine culturelle, est parfois liée torielles pouvant avoir un impact sur des groupes limités pendant des temps
à des expériences antérieures néga‑ la santé (par exemple nutrition saine limités, mais en ignorant la plupart du
tives avec ce système. L’accueil des et politiques agricoles). À cet égard, temps des variables de contexte (sociales,
patients par le système de soins est un il faudrait évaluer leur impact sur la politiques, psychologiques, etc.). Or
élément déterminant de leur recours santé et sur les inégalités sociales de les actions de santé publique visant
ultérieur, et plus particulièrement santé, et notamment celles concernant à réduire les ISS mettent en jeu la
pour ceux qui en sont a priori les l’urbanisme, le logement, les transports, complexité des déterminants de santé,
plus éloignés. l’agriculture ou encore l’éducation. et ce sont des politiques publiques qui
Par ailleurs, compte tenu de la Ce serait une piste précieuse pour requièrent d’autres méthodologies
complexité et de la multiplicité des intégrer une préoccupation de santé d’évaluation que celles strictement
mécanismes à l’origine des ISS, il est dans chacune d’elles. expérimentales. Il nous a semblé
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important de réfléchir et de faire dia‑ se développe actuellement porte en LA RECHERCHE
loguer les apports de ces deux corpus lui un risque d’aggravation des ISS : INTERVENTIONNELLE
de connaissances et de méthodologies une partie du séjour hospitalier est AAPRISS
qui, pour le moment, s’ignorent large‑ réduit et va désormais se dérouler au ET SES PRINCIPAUX
ment, l’évaluation de santé publique domicile du patient et, donc, dépendre ENSEIGNEMENTS
étant à l’heure actuelle dominée par des ressources sociales, économiques,
le modèle biomédical et expérimental culturelles, humaines et familiales. Or,
qui n’est pas adapté à la mesure des il est connu qu’elles sont inégalement « Réduire les inégalités sociales de santé.
effets des politiques publiques sur la réparties selon les catégories sociales Une approche interdisciplinaire de l’éva-
santé des populations « en vie réelle » et les territoires de vie. La santé au luation » est un livre fondé sur l’expérience
et notamment sur la réduction des travail est un de ces champs du système d’un collectif de chercheurs rassemblés
inégalités sociales de santé. de santé qui devrait être prioritaire, autour d’une recherche interventionnelle
tant les expositions professionnelles intitulée Apprendre et agir pour réduire les
S. A. : En quoi les questions sont socialement différenciées. Selon inégalités sociales de santé (Aaprriss),
éthiques sont‑elles centrales l’estimation du Centre international menée pendant trois années. Elle avait pour
dans toute réflexion sur les inégalités de recherche contre le cancer, la part maître mot la construction de programmes
sociales de santé ? des inégalités sociales d’incidence et de connaissances visant à réduire les
N. H.‑N. et T. L. : La place d’une du cancer du poumon attribuable inégalités sociales de santé (ISS). L’idée
réflexion éthique est évidente, les ISS aux expositions professionnelles essentielle au départ était de faire collabo‑
renvoient à la notion de justice sociale est de 50 %. rer des chercheurs de différentes disciplines
et donc à une réflexion éthique et Les politiques publiques visant avec des acteurs œuvrant en santé pour
collective qui est actuellement insuffi‑ la modification des comportements optimiser et modifier des programmes
samment développée dans le domaine devraient cibler l’individu, en prenant existants, et ce dans différents domaines
de la santé publique. en compte ses caractéristiques sociales – prévention nutritionnelle, éducation thé‑
et ses conditions de vie, et aussi créer rapeutique… – et contextes – école, hôpi‑
S. A. : Quelles sont vos un environnement favorable à la santé, tal, collectivité territoriale, etc. Ce qui a été
recommandations prioritaires qu’il soit de nature économique, régle‑ dit de la multiplicité des déterminants de
pour réduire les inégalités sociales mentaire, institutionnelle ou sociale. santé impliquait qu’un programme supplé‑
de santé ? Autrement dit, il faudrait penser et mentaire ne pourrait pas résoudre à lui seul
N. H.‑N. et T. L. : La première des reconnaître les ISS comme évitables la question des ISS, mais qu’il semblait
recommandations serait l’appropriation et dépasser un modèle biomédical plus opportun de modifier la construction
de cet objectif de réduction des ISS dominant, fondé prioritairement sur et la mise en œuvre des politiques et des
par l’ensemble des acteurs du système l’individu, les soins ou la modification interventions pour contribuer à réduire ces
de santé, dont la formation n’aborde des comportements individuels. Ce inégalités. Par exemple, il nous est apparu
d’ailleurs qu’à la marge cette question, nouveau modèle peine à trouver sa probablement plus efficace de mobiliser
sans la laisser à quelques spécialistes. place dans le paysage français. les acteurs des politiques publiques d’urba‑
Toute politique ou intervention de santé Enfin, dans le rapport du Haut nisme par le moyen de l’évaluation de leur
devrait viser simultanément deux Conseil de la santé publique (HCSP) impact sur la santé et les ISS.
objectifs : l’amélioration globale de la de 2010 sur les ISS figurait la recom‑ La grande créativité des interventions menées
santé pour l’ensemble de la population mandation d’un bilan d’étape tous les par les acteurs locaux associatifs ou par les
et la réduction ou, au grand minimum, cinq ans pour mesurer les avancées collectivités territoriales est apparue, tout
l’absence de creusement des ISS. En dans ce domaine. Cette mesure reste comme la faiblesse de leur description, de
d’autres termes, toute politique ou à mettre en œuvre. leur évaluation, de leur lisibilité et de leur
intervention de santé devrait être transférabilité. Cette question de la néces‑
conçue de sorte à ne pas creuser les Propos recueillis par Yves Géry, sité de décrire, d’évaluer et de penser la
inégalités. La réduction des ISS n’est pas rédacteur en chef. transférabilité des interventions nous a
un supplément d’âme à des politiques conduits à développer un modèle dans
de santé visant à améliorer l’état de lequel une description fine des interventions
santé moyen d’une population. s’attacherait à distinguer d’une part les
Une deuxième recommandation éléments propres au contexte et spécifiques
serait de classer comme prioritaires Pour en savoir plus du milieu local de l’intervention, et d’autre
les politiques de l’enfance, car les ISS • Haschar‑Noé N., Lang T. (dir). Réduire part des éléments théoriques (en quelque
les inégalités sociales de santé, une approche
se construisent dans les premières sorte les ingrédients essentiels) susceptibles
interdisciplinaire de l’évaluation. Toulouse :
années de vie et leurs conséquences ne d’être transférés et adaptés dans un autre
Presses universitaires du Midi., 2017 : 524 p.
seront qu’en partie réversibles. contexte. Ce modèle (Fonctions‑clés – Im‑
Une réflexion sur le système de plémentation –Contexte [FIC]), qui nous
santé devrait conduire à prendre plus 1. Nés sous la même étoile ? Origine sociale et niveau paraît prometteur, est en cours de validation.
et mieux en compte cette question de vie, la note d’analyse, juillet 2018, N° 68 http:// Élaboré en coproduction avec des
www.strategie.gouv.fr/sites/strategie.gouv.fr/files/
des ISS dans son organisation. Par atoms/files/fs-na68-nessouslamemeetoile-05- acteurs de terrain, il suscite leur intérêt. »
exemple, le virage ambulatoire qui 07-2018.pdf N. H.‑N. et T. L.
LES PERSONNES INTERVIEWÉES DÉCLARENT N’AVOIR AUCUN LIEN NI CONFLIT D’INTÉRÊTS AU REGARD DU CONTENU DE CET ARTICLE.
L’activité physique réduit sensiblement le risque de récidive de certains cancers.
7
Activité physique
La Santé en action : Qu’apporte votre consultation de thérapie sportive, avec Deux ou trois séances par semaine
association aux patients atteints un bilan de santé et des tests phy‑ leur redonnent une meilleure estime
de cancer ? siques, afin de connaître les capacités d’eux‑mêmes et surtout confiance
Thomas Ginbourger : La CAMI Sport de la personne et de lui proposer une en leur corps, parce qu’ils sont
& Cancer a été créée en 2000, par un activité personnalisée en fonction de en mesure de constater les progrès
ancien sportif de haut niveau et un ses besoins, par exemple répondre à qu’ils réalisent. Les effets favorables
sont scientifiquement avérés : réduction
médecin oncologue, dans le but d’inté‑ des problèmes de perte musculaire ou
de la mortalité et des récidives.
grer l’activité physique et sportive dans d’essoufflement. Il ne s’agit pas pour
les parcours de soins en cancérologie. eux de « faire du sport », mais bien
Ces programmes d’exercices physiques d’intégrer un programme de théra‑
sont à but thérapeutique et ne sont pas peutique. La CAMI a ainsi créé une
« récréationnels ». Ils s’inscrivent dans méthode pédagogique spécifique qui en 2009 à Paris 13, qui les forme à la
le parcours de soins en complément permet, à partir des consultations pathologie, aux traitements et à leurs
des traitements, ce qui implique une de thérapie sportive, de proposer des effets secondaires. Cette compétence
durée, une fréquence, une intensité et exercices personnalisés pour travailler est essentielle pour effectuer un travail
une évaluation des séances auxquelles l’endurance, la résistance, le souffle, de qualité.
participent les patients. l’équilibre, la souplesse, etc. et ainsi
Nous accompagnons tous les d’améliorer les capacités physiques S. A. : Quels sont les effets
malades, quels que soient le cancer, des patients et de diminuer les effets bénéfiques d’une activité physique
l’âge et le moment dans le parcours de indésirables des traitements. pour un malade du cancer ?
soins. Notre intervention se situe donc T. G. : La littérature scientifique
à trois étapes. Il y a d’abord un temps à S. A. : Quel est le profil internationale [1], (voir aussi article
LA SANTÉ EN ACTION – No 445 – Septembre 2018
l’hôpital : dans les services d’oncologie des intervenants ? page 9) montre trois grands béné‑
sont proposées des séances collectives T. G. : À la CAMI, consultations et fices. Elle est associée à une réduc‑
pendant six à douze mois ; dans les séances sont assurées par des praticiens tion moyenne de 57 % du risque de
services d’hématologie et de pédia‑ en thérapie sportive. Leur profil est récidive d’un cancer de la prostate,
trie, des séances individuelles ont lieu assez varié, mais ce sont essentiel‑ 49 % pour le cancer du côlon et 43 %
pendant quatre à six semaines. Puis, lement des personnes diplômées de pour le cancer du sein ; elle diminue
nous invitons les personnes en cours sciences et techniques des activités également – entre 30 % et 40 % – le
ou en fin de traitement à poursuivre physiques et sportives (Staps), filières risque de mortalité pour des personnes
leur pratique dans nos structures en activité physique adaptée (APA), des touchées par un de ces cancers. En
ville. Nous les orientons enfin vers le éducateurs sportifs et, parfois, des second lieu, l’activité physique limite
réseau local des structures sport‑santé soignants. Tous suivent ensuite une les effets secondaires des traitements,
lorsqu’elles sont en rémission complète, formation spécialisante : le diplôme comme la prise de poids (2,5 kg en
car l’après‑cancer n’est plus du ressort universitaire Sport et Cancer, créé moyenne après un cancer du sein) et
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la diminution de masse musculaire, la médicales à propos des patients dont S. A. : Comment financez‑vous
perte de condition physique – qui amène les progrès physiques sont évalués les activités proposées ?
au déconditionnement se manifestant régulièrement. Les médecins réfé‑ T. G. : Nous sommes financés à 70 %
par l’essoufflement et la difficulté à rents des pôles Sport & Cancer sont par des partenariats privés, nos princi‑
maintenir un effort – et la fatigue qui convaincus de ses bénéfices ; les équipes paux mécènes étant des mutuelles et des
est le symptôme le plus fréquent chez soignantes, de l’oncologue aux infir‑ groupes de protection sociale et aussi
les patients avec un cancer. Enfin, elle miers en passant par les cadres, sont des laboratoires pharmaceutiques et des
améliore la qualité de vie des patients un des vecteurs de l’information sur associations. 13 % de notre budget est
en favorisant le sommeil et le bien‑être, les bienfaits de l’activité physique et apporté par des subventions publiques :
voire une forme de plaisir, ce qui est ils incitent les patients à la pratiquer. agences régionales de santé, caisses
un moyen de faire reculer l’anxiété et Nous communiquons également dans primaires d’assurance maladie (CPAM),
les risques de dépression. les hôpitaux par des dépliants, des Centre national pour le développement
affiches, des tee‑shirts et sur Internet du sport (CNDS), conseils régionaux, etc.
S. A. : Qu’en pensent les patients afin de faire connaître les pôles. Notre financement reste donc délicat :
qui la pratiquent ? Pour les patients, le plus difficile est chaque année, nous devons convaincre
T. G. : Ils mettent en avant deux de faire le premier pas. Une fois dans nos partenaires de pérenniser nos
effets bénéfiques essentiels à leurs yeux. le programme, qui est gratuit pendant actions. Le modèle de thérapie sportive
Tout d’abord, l’activité physique leur la première phase d’accompagnement que nous avons mis en place n’est pas
permet de se réapproprier leur corps qui à l’hôpital, ils peuvent se forger leur un remède miracle, il ne permet pas
est mis à rude épreuve par la maladie propre opinion. Il y a bien sûr des de guérir du cancer, il ne se substitue
et ses traitements. Des séances d’une personnes qui décrochent, mais ils sont pas aux traitements. Cependant, il
heure, deux ou trois fois par semaine, encore 50 % au bout de six mois. Et s’inscrit dans le champ de la santé,
avec des exercices motivants et réali‑ encore, ce chiffre est à relativiser, car parce qu’il participe à prévenir, soigner
sables afin d’éviter le découragement et il est possible qu’ils continuent de faire et soulager. Cette thérapeutique doit
l’abandon leur redonnent confiance en une activité physique dans d’autres être davantage reconnue, dans un cadre
leur corps, parce qu’ils sont en mesure structures ou de façon autonome. institutionnalisé, avec une prescription
de constater les progrès qu’ils réalisent. sur ordonnance et une prise en charge
Une meilleure image corporelle se S. A. : Pourquoi les bénéfices de l’Assurance maladie sur une période
traduit par une meilleure estime de du sport‑santé sont‑ils encore déterminée. Il faut également veiller à
soi. Et c’est bon pour le moral. Mais le relativement méconnus ? ce que les patients soient accompagnés
plus important pour eux, c’est le lien T. G. : Plusieurs facteurs peuvent par des intervenants compétents et for‑
social et la dynamique de groupe des l’expliquer. Il y a une raison historique més. Le développement du sport‑santé,
séances. Le cancer est une pathologie liée à la façon d’aborder le cancer, une qui est une chose positive, entraîne
qui reste un peu tabou, dont on ne maladie qui fatigue et pour laquelle l’essor d’un « marché », avec des profes‑
parle pas si facilement avec ses proches il arrive encore que les médecins pré‑ sionnels en tout genre qui ne sont pas
et qui conduit parfois à un certain conisent de se reposer. Introduire la forcément qualifiés pour intervenir à
isolement. Les séances collectives sont notion d’activité physique peut paraître tous les niveaux du parcours de soins
l’occasion d’échanger avec des personnes paradoxal, sauf que l’on sait qu’elle en cancérologie.
qui partagent le même parcours, qui fait baisser le taux de cytokine (une
comprennent, qui peuvent apporter molécule responsable de la fatigue) Propos recueillis par Nathalie Quéruel,
du soutien dans un esprit d’équipe. et que les patients nous disent sou‑ journaliste.
vent qu’ils sont « fatigués de ne rien
S. A. : Est‑il difficile de mettre faire ». Si les médecins la prescrivent
en place cette thérapie désormais plus spontanément pour 1. Médecine fondée sur les preuves (NDLR).
non médicamenteuse l’obésité, le diabète ou les maladies
au sein de l’hôpital ? cardio‑vasculaires, il y a du retard
T. G. : L’activité physique est effecti‑ en ce qui concerne la cancérologie.
vement une thérapeutique non médi‑ D’autre part, le système français
camenteuse pour les patients ayant repose sur une médecine curative
un cancer. La principale difficulté est et médicamenteuse. Il est difficile de RÉFÉRENCE
le déficit d’information sur ses effets reconnaître les bénéfices de l’activité BIBLIOGRAPHIQUE
bénéfiques. Dans les établissements physique selon les standards classiques
avec lesquels nous travaillons, nos de l’evidence‑based medicine1.Enfin, il a
programmes de thérapie sportive font fallu attendre 2009 et le second Plan
partie des soins de support, au même cancer pour que l’activité physique soit [1] Institut national du cancer (INCa) Rapport
titre que la kinésithérapie, la nutri‑ inscrite à l’agenda politique. La loi santé d’expertise Bénéfices de l’activité physique pendant
tion ou le suivi psychologique. Nous de 2015 n’y aurait pas fait référence et après cancer. Des connaissances scientifiques
travaillons dans une réelle dynamique s’il n’y avait pas eu un amendement aux repères pratiques. Synthèse. Boulogne‑Billan‑
pluridisciplinaire. Nos praticiens ont voté. Le portage politique est donc court : INCa, Coll. Etat des lieux et des connais‑
des échanges réguliers avec les équipes récent et demeure fragile. sances, mars 2017 : 15 p.
LA PERSONNE INTERVIEWÉE DÉCLARE N’AVOIR AUCUN LIEN NI CONFLIT D’INTÉRÊTS AU REGARD DU CONTENU DE CET ARTICLE.
Oncologues et médecins référents doivent être sensibilisés à la prescription d’activité physique
durant le parcours de soins. 9
L’
Institut national du cancer (INCa) a laires, ce qui permet d’améliorer ou de main‑ atteints de cancers, l’objectif est d’atteindre
publié en mars 2017 un état des tenir l’indépendance physique des patients, les recommandations en activité physique
lieux des connaissances sur les que les programmes d’activité physique soient pour la population générale avec les notions
bénéfices de l’activité physique chez les entamés pendant les traitements ou dans de progressivité de mise en œuvre et d’adap‑
régulière et adaptée à leur condition clinique fique, avec des bénéfices attendus qui evenements/Actualites/L‑Institut‑publie‑un‑
rapport‑sur‑les‑benefices‑de‑l‑activite‑physique‑
et dans la réduction des temps de sédenta‑ semblent corrélés à la quantité d’activité
pendant‑et‑apres‑un‑cancer
rité. Sur la base de ces connaissances, l’Ins‑ physique. La pratique durant la période des
titut préconise notamment l’intégration de traitements est souvent complexe à envisager,
l’activité physique dans le panier de soins notamment lorsque les patients ne pratiquaient 1. Les méta‑analyses d’essais randomisés contrôlés
montrent que la pratique d’activité physique permet
oncologiques de support. pas d’activité physique régulière avant la une réduction de la masse grasse,du poids corporel
maladie. Les interventions proposées durant et de l’indice de masse corporelle ; et un maintien,
Améliorer la qualité de vie cette période devront donc prendre en consi‑ voire une augmentation de la masse musculaire.
Les programmes d’activité physique qui combinent
globale dération, outre les effets spécifiques des endurance et renforcement musculaire semblent
Plus précisément, les méta‑analyses les plus traitements, les réticences et les barrières avoir une efficacité plus marquée sur la composition
récentes confirment le rôle joué par l’activité individuelles. Dans les suites des traitements, corporelle permettant de limiter le gain de masse
grasse et la perte de masse musculaire, surtout
physique sur l’amélioration des capacités en l’état actuel de nos connaissances et en lorsqu’ils commencent pendant les traitements et
cardio‑respiratoires et des qualités muscu‑ l’absence de repères spécifiques aux patients sont poursuivis après l’arrêt de ceux‑ci.
Promotion de la santé
10
© Xavier Schwebel/PictureTank/MEN
Dossier
L
a promotion de particulier, agir sur ces déterminants
Sandrine Broussouloux,
chargée de projet et d’expertise la santé repose permet de lutter contre les inégalités
scientifique en santé publique, sur une approche sociales et territoriales de santé. Par
Direction de la prévention globale de la santé telle conséquent, promouvoir la santé
et de la promotion de la santé, que définie par l’Orga‑ implique de déployer des actions dans
Unité santé mentale, nisation mondiale de différents domaines de la société et
Santé publique France, la santé (OMS) depuis de mobiliser divers professionnels
Julien Masson,
1948. Pour permettre qui ne sont pas nécessairement issus
maître de conférences en sciences
de l’éducation, d’appréhender cette du secteur de la santé au sens strict.
École supérieure du professorat acception large de la La promotion de la santé en milieu
et de l’éducation (Éspé), université santé, qui dépasse ses scolaire dépasse ainsi le seul bureau
Claude‑Bernard‑Lyon 1, seuls aspects biomé‑ de l’infirmière et va au‑delà des mis‑
laboratoire Health Services dicaux, l’OMS précise sions des personnels de santé : cela
and Performance Research (Hesper), que l’ensemble des concerne bien l’ensemble de la com‑
Réseaux des universités
déterminants de la munauté éducative : personnels ensei‑
pour l’éducation à la santé – Unirés.
santé sont « les circons‑ gnants et non enseignants, parents ou
tances dans lesquelles encore partenaires extérieurs.
les individus naissent, Ceci posé, les liens entre éducation
grandissent, vivent, travaillent et vieil‑ et santé ont été explorés en profon‑
lissent ainsi que les systèmes mis en place deur et il en résulte un constat una‑
pour faire face à la maladie ». Ainsi, « à nime : il existe une interdépendance
chaque étape de la vie, l’état de santé se indéniable entre ces deux domaines,
caractérise par des interactions complexes l’un et l’autre se renforçant mutuelle‑
entre plusieurs facteurs d’ordre socio‑ ment. Une bonne santé est une condi‑
économique en interdépendance avec tion favorable aux apprentissages, et
l’environnement physique et le comporte‑ l’éducation participe à l’acquisition de
ment individuel ». Ces déterminants de comportements et de compétences
la santé « n’agissent pas isolément. C’est bénéfiques à la santé et elle facilite
la combinaison de leurs effets qui influe son maintien au long de la vie. L’édu‑
sur l’état de santé ». cation est reconnue par l’OMS être
un des déterminants majeurs de santé.
Promouvoir la santé au‑delà
du bureau de l’infirmière scolaire Explorer le lien entre santé
L’OMS rappelle l’importance de et éducation
prendre en compte ces détermi‑ Ce dossier a pour objectif d’ap‑
nants pour renforcer l’efficacité des profondir l’exploration du lien entre
politiques de santé publique. En santé et éducation et de montrer
11
comment cette interdépendance est Le climat scolaire influe Expériences vécues à l’école
plus étroite encore qu’on ne le pense sur les comportements… Les études scientifiques ont dé‑
généralement et comment elle peut et sur la réussite montré qu’une perception positive
être mise en évidence, tant sur le plan En effet, les individus ont ten‑ du climat scolaire par les élèves a une
théorique que sur le plan pratique. dance à adopter des comportements influence sur les résultats scolaires et
En effet, « bien‑être », « bienveil‑ en adéquation avec la perception sur des comportements en lien avec
lance », « climat scolaire » sont des qu’ils ont de l’ambiance dans un éta‑ la santé. De même, les expériences
notions de plus en plus fréquemment blissement, et de ce qu’ils estiment vécues à l’école influencent dura‑
inscrites dans les textes officiels de tolérable ou non dans ce lieu. Ainsi, blement la qualité de vie globale des
l’Éducation nationale depuis 2011. Ces si le climat est perçu négativement, individus. C’est ce que nous avons
notions ont acquis récemment une vi‑ les élèves seront plus enclins à adop‑ voulu explorer dans ce dossier sous
sibilité qui traduit bien les enjeux aux‑ ter des comportements inciviques et différentes facettes, à partir :
quels elles sont associées en termes de violents que dans un établissement • du témoignage de Magyd Cherfi,
réussite scolaire. D’ailleurs, les études où le climat est perçu positivement, chanteur et écrivain, qui fut le pre‑
démontrent qu’il s’agit d’un cercle ver‑ ce qui va les inciter à se respecter. mier enfant d’immigré algérien de la
tueux : les élèves qui se sentent bien La perception que chaque individu cité où il a grandi à obtenir le bacca‑
à l’école apprennent mieux, ont de porte sur le climat d’établissement lauréat. Il revient sur l’influence que
meilleurs résultats scolaires et ont une détermine le comportement qu’il sa scolarité a eue et continue d’avoir
meilleure estime d’eux‑mêmes. va adopter et contribue à établir sur sa vie ;
les croyances de chacun sur les • de recherches et d’expérimen‑
Dossier
climat scolaire est un indicateur de santé tabac, de cannabis. Aussi, améliorer le terrain.
organisationnelle de l’établissement et le climat scolaire constitue un levier Enfin, dans ce dossier central, les
de son potentiel éducatif. Il donne une à privilégier dans les stratégies de articles de fond et les articles de ter‑
idée générale du ton et de l’atmosphère promotion de la santé. rain ont été volontairement intercalés
qui règnent dans les rapports sociaux, Les leviers qui permettent d’agir pour montrer à quel point les liens
de la valeur accordée aux individus, à la sur le climat scolaire sont très proches entre santé et éducation dépassent le
mission éducative de l’école [1]. » Pour de ceux qui aident à la promotion de seul niveau théorique de la réflexion,
ces chercheurs, le climat scolaire est la santé dans un établissement sco‑ puisqu’ils sont mis en pratique au
multidimensionnel, il se compose des : laire. En effet, dans les deux cas, il quotidien dans nombre d’établisse‑
• climat relationnel ; s’agit entre autres de : ments scolaires.
• climat de sécurité ; • porter une attention particulière
LA SANTÉ EN ACTION – No 445 – Septembre 2018
LES AUTEURS DECLARENT N’AVOIR AUCUN LIEN NI CONFLIT D’INTÉRÊTS AU REGARD DU CONTENU DE CET ARTICLE.
L’institution scolaire a permis à Magyd Cherfi de se construire en France. Il transmet aujourd’hui
12 les valeurs citoyennes à l’école.
Entretien avec
Magyd Cherfi,
chanteur, auteur‑compositeur,
écrivain.
© Patrick Auffret
13
La Santé en action : Quels sont vraie tête ! Ma mère continue son L’ESSENTIEL
vos premiers souvenirs d’école ? harcèlement du principal et des pro‑
Magyd Cherfi : J’étais un élève fesseurs, pour qu’ils me prennent ÇÇ Piloté durement par l’exigence
moyen, ni mauvais, ni doué. Du en dehors des cours. Le secrétariat de sa mère, Magyd l’Algérien
primaire, je garde une image forte : est tout affolé lorsqu’elle passe : devient premier de la classe
avec les copains du quartier, nous « Attention, Mme Cherfi arrive ! » À sa en français.
nous étions tous installés « naturel‑ demande, je suis « collé » le mercredi ÇÇ À l’adolescence, le jeune
lement » au fond de la classe. Ma pour me perfectionner en français immigré effectue du soutien
mère, constatant que certains petits et en maths. Ça me donne l’impres‑ scolaire auprès de ses pairs.
faisaient l’école buissonnière, a pris sion d’être un taulard. À partir de la S’il est contraint de travailler dur
l’habitude de venir à l’école pour voir quatrième, nous ne sommes plus que à l’école primaire et au collège
si je m’y trouvais bien. Lorsqu’elle quelques beurs ; la majorité d’entre et s’y sent emprisonné, Magyd
s’est rendu compte de ma place au eux disparaît en cinquième, orien‑ éclot au grand jour au lycée
fond de la pièce, elle a exigé que je tée en apprentissage professionnel, où il découvre la littérature,
Flaubert, la liberté.
sois devant, avec « les premiers ». À comme ce fut le cas pour mon frère
ses yeux, pour s’en sortir dans la vie, il aîné. Puis, le lycée est pour moi une ÇÇ C’est ce parcours d’enfance
fallait être le meilleur. C’est ainsi que révolution culturelle. Je vis une vie hors norme qui en fera un
je suis devenu une sorte de labora‑ de Français. Je découvre la chanson chanteur et un écrivain1,
toire de la réussite. Après l’école, le française, Brassens, Ferré, Higelin, lui qui est parvenu tôt à accéder
aux « codes de la société
week‑end ou pendant les vacances, Renaud, et le rock anglo‑saxon, les
Dossier
derniers passaient du temps avec moi marche forcée. Au collège, c’était mention.
après la classe. C’est comme cela que, difficile aussi, il fallait tenir une
fils d’émigrés algériens, j’ai accédé bonne moyenne. Premier de la classe S. A. : Quel impact a eu l’obtention
aux codes de la société française et en français, je découvre cependant du baccalauréat sur vous,
à la maîtrise de la langue. Et cela m’a le sentiment d’être un peu excep‑ votre famille et plus largement
séparé de mes potes pour lesquels tionnel, c’est un truc sympa à vivre. au sein de la cité où vous avez grandi ?
j’étais devenu en quelque sorte un Le meilleur, ce sont les années lycée, M. C. : L’obtention de ce diplôme
harki, un traître. avec également la rencontre de n’a pas eu autant d’importance pour
Flaubert, Maupassant, Balzac pour moi que pour ma mère. Ce bac n’était
S. A. : Comment se sont déroulées lesquels j’ai une passion. Dans ma pas seulement pour elle un sésame
vos années de collège et de lycée ? quête identitaire, cette littérature vers la réussite sociale permettant de
LA SANTÉ EN ACTION – No 445 – Septembre 2018
M. C. : Au collège, je deviens… me révèle, je me sens appartenir au sortir du quartier. C’était aussi à ses
champion de l’orthographe, de la xixe siècle, j’ai l’impression que je me yeux la possibilité de fabriquer, à tra‑
conjugaison et de la syntaxe, une refonde un patrimoine. Au lycée, em‑ vers moi, un homme différent – de
porté par la liberté de ton de mes ca‑ son mari, de son père, de ses frères –,
marades, les filles, le sexe, je réponds un homme meilleur, un homme qui,
moins aux injonctions d’excellence de grâce à ses connaissances, pourrait
« MA MÈRE, CONSTATANT ma mère. Je trouvais mes copains car‑ ne pas être sous le joug d’un oppres‑
QUE CERTAINS PETITS rément subversifs, car ils répondaient seur – comme mon père, maçon
FAISAIENT L’ÉCOLE à leurs parents ! Ils clamaient : « No humilié par ses patrons. J’ai intégré
BUISSONNIÈRE, future » ! Alors que moi, je me disais : ce qu’elle attendait de moi, et de
A PRIS L’HABITUDE DE VENIR « Je veux un futur… » J’ai alors petit à moi à l’école. Si je regrette le temps
À L’ÉCOLE POUR VOIR petit lâché prise, je suis sorti de ma passé uniquement à étudier, parce
SI JE M’Y TROUVAIS BIEN. » prison du « cent pour cent travail que j’ai l’impression d’avoir gaspillé
14
© D.R.
Dossier
d’identité dont les jeunes issus de contraintes dans un lieu où l’on est car je rencontre beaucoup de profes‑
l’immigration sont la proie, ils ont traité d’égal à égal. Or dans leur vie seurs investis, qui donnent plus que
une approche plus moderne. Est‑ce quotidienne, les jeunes issus de leur temps. L’identité, les discrimina‑
mieux ou moins bien ? Aurais‑je le l’immigration n’ont pas le sentiment tions, la laïcité, le respect de l’État de
même parcours si j’étais scolarisé d’être inclus dans les valeurs de la droit, tous les thèmes dont je discute
aujourd’hui ? Je ne sais pas. République, de fraternité et d’égalité. avec les jeunes sont des problèmes
Je commence mes interventions par complexes qui dépassent la question
S. A. : Qu’est‑ce qui vous motive une question provocatrice : « Y a‑t‑il de l’école.
à intervenir sur le thème de la des Français dans la salle ? » et je suis
citoyenneté dans les établissements ? frappé par le nombre de jeunes qui Propos recueillis par Nathalie Quéruel,
M. C. : En donnant des « cours répondent qu’ils sont Français de journaliste.
LA SANTÉ EN ACTION – No 445 – Septembre 2018
L
Caroline Veltcheff, a question dans les écoles et les établissements académies, avec une obligation de
directrice territoriale, Réseau du climat du second degré était élevé : un élève traitement des appels recueillis par
Canopé, le réseau de création scolaire sur dix environ, soit deux fois supé‑ le Numéro Vert. En outre, la notion
et d’accompagnement pédagogiques,
n’est prise en rieur à des pays comme la Finlande de climat scolaire serein, condition
expert national climat scolaire.
considération ou l’État de l’Ontario au Canada qui nécessaire aux apprentissages, est
que depuis peu avaient mis en place des programmes désormais inscrite dans la loi.
en France Elle a de développement d’un climat sco‑
véritablement émergé suite à la mise laire positif. Climat scolaire : détérioration
en évidence par les médias et les cher‑ entre sixième et troisième
cheurs des phénomènes de violences Une politique de prévention L’on dispose désormais d’un bon
et particulièrement du harcèlement active niveau de connaissance de la qualité
dont les élèves sont victimes à l’école. La dégradation du climat scolaire du climat scolaire dans les écoles et
En parallèle, depuis trente ans, les est corrélée à un fort taux de har‑ les établissements en France. Des
recherches internationales se sont cèlement ; le sentiment d’insécurité enquêtes sont réalisées tous les
considérablement développées sur des élèves est grand. Face à l’ampleur trois ans par la Direction de l’éva‑
cette thématique. Il a donc fallu ce de la tâche, en 2013, une Délégation luation, de la prospective et de la
double contexte – et que le grand pu‑ ministérielle en charge de la lutte et performance (Dépp) du ministère de
blic s’émeuve du harcèlement – pour de la prévention des violences en l’Éducation nationale, alternant le
qu’une véritable politique de préven‑ milieu scolaire a été mise en place collège et le lycée, avec des recueils
tion centrée sur le climat scolaire pour promouvoir une politique de élargis au primaire. Les réticences
se mette en place. Cette montée en prévention active, accompagner les pour le primaire ont été nombreuses
puissance – dans acteurs, observer les pratiques et re‑ à la Direction générale de l’enseigne‑
l’ensemble de la cueillir un maximum d’expériences de ment scolaire (Dgesco) du ministère
société – de la terrain. Sous la direction d’Éric De‑ de l’Éducation nationale, en raison
L’ESSENTIEL revendication de barbieux, un chercheur internationa‑ de représentations assez faussées de
bien‑être, y com‑ lement reconnu sur ces questions, la la qualité du climat scolaire dans les
pris à l’école, a dé‑ délégation a élaboré des propositions écoles.
ÇÇ La dégradation du climat
clenché une prise concrètes pour un climat serein dans La méthodologie de l’enquête
scolaire est corrélée à un fort
taux de harcèlement. de conscience la classe, au sein des équipes, dans de victimation1 et de climat scolaire,
politique, laquelle les écoles et dans l’ensemble des éta‑ élaborée par Éric Debarbieux, a été
ÇÇ La mise en place, en 2013, s’est traduite par blissements scolaires. Pour ce faire, reprise par la Dépp, ce qui a permis
d’une délégation ministérielle l’instauration elle s’est appuyée sur les résultats des de stabiliser les questionnaires et
chargée de la prévention
d’une politique recherches. donc d’accumuler des données pré‑
et de la lutte contre les violences
en milieu scolaire a permis nationale struc‑ Les avancées sont de plusieurs cieuses. Les résultats sont d’autant
de promouvoir une politique turée. Le premier ordres. Le harcèlement entre élèves plus robustes qu’ils sont tous cor‑
de prévention. Un climat scolaire levier d’interven‑ a été inscrit dans la loi de refonda‑ roborés par d’autres enquêtes dont
de qualité réduit les violences, tion a été la lutte tion pour l’école de 2013 et identifié l’angle d’entrée est essentiellement
les conduites addictives contre le harcè‑ comme un délit ouvrant la possibilité celui de la santé, comme les enquêtes
et renforce les compétences lement à l’école, de recours. Ceci a permis de dévelop‑ internationales Health Behaviour in
sociales et les résultats scolaires. mis en place per le Numéro Vert national 3020, la School‑aged Children (HBSC) sur la
ÇÇ État du chemin parcouru dès 2011. Le taux mise en place de référents harcèle‑ santé des collégiens, ou encore plus
et recommandations pour l’action. de harcèlement ment dans tous les départements et généraliste en lien avec les résultats
17
des élèves, comme le Programme Ces résultats ont montré l’impor‑ les collectifs nécessaires. Une bat‑
international pour le suivi des acquis tance d’observer une grande vigilance terie d’outils opérationnels issus de
des élèves (Programme for International face au harcèlement et aux violences groupes de travail nationaux interca‑
Student Assessment – PISA). dans tous les collèges, en particulier tégoriels est disponible en ligne sur le
Toutes les enquêtes de climat sco‑ dans ceux qui sont situés en zone site web collaboratif climat scolaire2,
laire indiquent une détérioration de la d’éducation prioritaire. Plusieurs ob‑ permettant à tous les contributeurs
perception de ce dernier. Ainsi, si l’on jectifs peuvent être poursuivis : en France d’ajouter des contenus.
examine le sentiment de justice selon • mettre en place un plan de préven‑
le sexe et la classe, 70 % des garçons tion des violences dans le collège ; La France peut s’inspirer
et 75 % des filles en sixième trouvent • recueillir systématiquement la de l’Ontario
les punitions justes, contre respecti‑ parole des élèves ; Pour continuer de porter l’effort
vement 49 % et 70 % en troisième [1]. • anticiper les phénomènes en appli‑ sur l’amélioration du climat scolaire,
Les garçons estiment les punitions quant le règlement intérieur de façon si l’on ne veut pas voir les enquêtes
et les évaluations de plus en plus homogène. locales de climat scolaire se déployer
injustes jusqu’en troisième. sans cadre méthodologique rigoureux,
Une méthode systémique il convient de créer un programme
Constats et pistes pour l’action de prévention ambitieux en France. Ceci permettrait
Ces éléments ont incité le Réseau L’intérêt de l’entrée par le climat de faire converger toutes les théma‑
Canopé à porter une attention parti‑ scolaire est qu’elle constitue un bon tiques de prévention (conduites vio‑
culière au sentiment de justice pour détecteur de situations individuelles lentes, conduites addictives, mal‑être
Dossier
ritaire (voir tableau 1 ci-dessous), formés et ont été constitués en ré‑ sements publics locaux d’enseigne‑
particulièrement pour les filles, pour seau par la délégation. Le cas le plus ment – Éple) en s’appuyant sur des
lesquelles la situation s’est dégradée spectaculaire est celui de l’académie équipes de recherches variées – empa‑
entre 2011 et 2013, mais s’est légère‑ d’Aix‑Marseille avec pas moins de thie, bien‑être, gestion des émotions,
ment améliorée à l’issue de l’enquête 100 équivalents temps plein (ETP) motivation… – en mesure d’accompa‑
de 2015. consacrés au climat scolaire pour gner les personnels ;
Concernant la différence entre les chaque bassin d’éducation, avec des • de diffuser auprès des acteurs des
sexes, les garçons sont plus souvent personnels formés par la déléga‑ établissements une rigueur et une
auteurs de violence, et plus souvent tion. Ce sont de véritables mentors méthode liées à la recherche.
victimes. Ils sont également les plus pour aider les équipes des écoles Fondé sur le volontariat, il pourrait
punis et les plus exclus. et des établissements à construire s’agir d’un programme de prévention
LA SANTÉ EN ACTION – No 445 – Septembre 2018
Efficacité du programme
Les pays ou les villes (Canada,
Finlande, Chicago, Italie…) qui ont
déployé des programmes de ce type
ont connu :
• une baisse de moitié des phéno‑
mènes de harcèlement, passant en
dessous de la barre des 5 % d’élèves
harcelés ;
• une amélioration assez spectacu‑
© Magali Delporte/PictureTank/MEN
L’AUTEURE DÉCLARE N’AVOIR AUCUN LIEN NI CONFLIT D’INTÉRÊTS AU REGARD DU CONTENU DE CET ARTICLE.
72 écoles se sont dotées d’une « cellule bien‑être », sous la houlette de trois ministères.
19
Belgique francophone :
une évaluation des « cellules
bien‑être » en milieu scolaire
D
epuis 1990, de nombreuses dynamise donc la promotion de la d’une évaluation. Analyse et résultats.
initiatives de promotion santé et du bien‑être durant le temps
de la santé à l’école sont scolaire, identifie les ressources in‑
développées en Fédération Wal‑ ternes et externes auxquelles faire
lonie‑Bruxelles (Belgique franco‑ appel, tout en prenant en compte du dispositif, ces écoles ont bénéficié
phone) ; elles portent essentiellement les problématiques spécifiques de d’un accompagnement méthodolo‑
sur les contenus d’enseignement, les l’établissement. gique individualisé [3] et d’une mobili‑
apprentissages, les modes de vie et Ce dispositif‑pilote s’est déroulé sation des partenaires locaux : centres
sur le climat scolaire. En mars 2011, sur deux années scolaires (2011 à pyscho-médico-sociaux (CPMS) et
une nouvelle étape a été franchie 2013) : 72 écoles de tous types et de services de promotion de la santé à
avec la création d’un dispositif‑pilote tous niveaux ont mis en place une l’école (SPSE). Lors de rencontres
intitulé « Cellule bien‑être » (CBE), cellule bien‑être. Pour le déploiement semestrielles, les écoles d’un même
Dossier
porté par trois ministères : ensei‑
gnement, santé, jeunesse et aide à
la jeunesse ; une association inédite.
Le dispositif s’inscrit dans la conti‑
nuité philosophique des approches
intégrées couramment utilisées en
promotion de la santé à l’école [1 ;
2]. Ce dispositif se veut très ouvert,
pour faire émerger – sans idée pré‑
conçue – des représentations du
bien‑être, des points de repères,
LA SANTÉ EN ACTION – No 445 – Septembre 2018
Développer le bien‑être
dans les établissements
Concrètement , une cellule
© Xavier Schwebel/PictureTank/MEN
Dossier
lièrement souligné à l’issue de cette la santé à l’école. Des preuves àl’action. Saint‑Denis : [5] Hubin N., Absil G. Évaluation dans le cadre du
évaluation : dans l’amélioration du IUHPE, 2010 : 14 p. En ligne : http://www.iuhpe. org/ dispositif expérimental des « Cellules bien‑être » en
bien‑être, les différents acteurs images/PUBLICATIONS/THEMATIC/HPS/Evidence‑ Fédération Wallonie‑Bruxelles. Bruxelles : Éducation
doivent bénéficier d’une autonomie Action_ FR.pdf Santé, 2012, no 283.
pour pouvoir mettre en œuvre des [3] Voir à ce propos, les analyses et commentaires [6] Vandoorne C., Hubin N. Dispositif‑pilote de
objectifs propres, valoriser des spéci‑ des accompagnateurs qui venaient de secteurs Cellules bien‑être en Fédération Wallonie‑Bruxelles.
ficités, avec le défi de maintenir une différents : éducation populaire, éducation relative Rapport d’évaluation intermédiaire EvalCBE.1 :
cohérence. Pour ce faire, les espaces à l’environnement, aide à la jeunesse, promotion de Mise en œuvre du dispositif au niveau local. Liège :
de collaboration entre intervenants la santé, éducation à la citoyenneté. Éducation APES‑ULg, 2013 : 78 p. En ligne : http://hdl.handle.
externes et établissements scolaires Santé, novembre 2013, no 294. net/2268/145903
doivent être clairement définis. Université de Paix. En ligne : http://educationsante. [7] Hubin N., Miermans M.‑C., Absil G. Disposi‑
LA SANTÉ EN ACTION – No 445 – Septembre 2018
C’est l’une des tâches majeures des be/article/le‑bon‑usage‑de‑la‑gestion‑des‑ tif‑pilote de Cellules bien‑être en Fédération Wallo‑
cellules bien‑être. Elles sont à la fois conflits/ nie‑Bruxelles. Rapport d’évaluation EvalCBE.2 : Ins‑
un lieu de réflexivité, d’articulation Empreintes. En ligne : http://educationsante.be/ titutionnalisation et vision partagée du bien‑être.
des diagnostics et des actions, et article/la‑participation‑des‑eleves‑comme‑levier‑ Liège : APES‑ULg, 2013 : 58 p. En ligne : http://hdl.
aussi un lieu de vigilance quant à la du‑bien‑etre/ handle.net/2268/158362
cohérence et aux choix des besoins Synergies. En ligne : http://educationsante.be/article/ [8] Conseil de l’Europe. Construire le progrès
prioritaires. construire‑un‑espace‑de‑confiance‑a‑lecole/ sociétal pour le bien‑être de tous avec les citoyens
L’évaluation de ce dispositif a Ceméa. En ligne : http://educationsante.be/article/ et les communautés. Guide méthodologique. Paris :
fourni de nombreux autres résultats considerer‑la‑personne‑dans‑sa‑globalite‑leduca‑ Éditions du Conseil de l’Europe, 2011 : 255 p.
sur la façon de s’organiser au sein tion‑dans‑sa‑continuite/ [9] Organisation de coopération et de développe‑
d’un établissement scolaire pour [4] Hubin N., Absil G., Vandoorne C. Apprentissage ment économiques (OCDE), L’Éducation, un levier
collectif et évaluation dans le cadre du dispositif pour améliorer la santé et la cohésion sociale. Paris :
expérimental des « Cellules bien‑être » en Éditions OCDE, 2011 : 248 p.
LES AUTEURS DÉCLARENT N’AVOIR AUCUN LIEN NI CONFLIT D’INTÉRÊTS AU REGARD DU CONTENU DE CET ARTICLE.
Recueillir la parole des élèves est un moyen de les impliquer et d’adapter les actions en fonction
22 de leurs besoins réels.
Entretien avec (voir encadré page 23). Les élèves le personnel, car l’amélioration du
Isabelle Geoffray, répondent au questionnaire tous climat scolaire est l’affaire de tous.
principale adjointe du collège Paul‑Claudel, les deux ans, sauf les sixièmes qui Nous avons une salle qui sert d’es‑
à Lagnieu (Ain).
y répondent chaque année et font pace de médiation à certains horaires
donc l’objet d’une attention particu‑ et c’est aux élèves (accompagnés par
lière. Aux sixièmes, nous demandons : des adultes) qu’il revient de réguler
« Comment s’est passée ta rentrée ? », cet espace.
La Santé en action : Quelles actions « Comment te sens‑tu après quelques Un de nos premiers chantiers a
efficaces votre collège a‑t‑il mises mois ? », « Dis ce qui te plaît le plus et été d’alléger le poids des cartables.
en œuvre depuis cinq ans le moins » ; aux quatrièmes, nous de‑ Avec les professeurs principaux,
dans le cadre du dispositif mandons par exemple de compléter la nous avons travaillé sur la liste des
« Aller bien pour mieux apprendre » phrase : « Au collège, je me sentirais fournitures scolaires, en privilégiant
(Abma) ? mieux si… » Recueillir la parole des par exemple les cahiers de 48 pages.
Isabelle Geoffray : Notre collège élèves est un moyen de les impliquer Nous apprenons aux élèves ce qu’est
semi‑rural accueille 820 élèves venant et d’adapter nos actions en fonction une bonne utilisation de leur casier :
de douze écoles primaires différentes, de leurs besoins réels. à la pause méridienne, on dépose les
et la moitié est issue de catégories so‑ affaires du matin pour prendre celles
ciales modestes S. A. : Que vous disent ces élèves ? de l’après‑midi.
ou défavorisées. I. G. : Les sixièmes se plaignaient
Le pivot de notre régulièrement d’être victimes d’inci‑ S. A. : Après cinq ans d’actions,
projet d’établisse‑ vilités de la part des plus grands. quel bilan dressez‑vous ?
ment repose sur Nous avons instauré des rencontres I. G. : Le climat scolaire du col‑
L’ESSENTIEL
la mesure préa‑ rapides entre les élèves de CM2 et lège est apaisé. Plusieurs indicateurs
lable du bien‑être ceux de quatrième pour dédramatiser montrent des progrès significatifs.
ÇÇ Au collège de Lagnieu, des jeunes via la future rentrée. Ensuite, lorsque les Les punitions scolaires sont passées
les élèves de quatrième le question‑ petits nouveaux arrivent au collège, de 1 300 à 991 entre 2014 et 2017.
accueillent les futurs sixièmes. naire‑diagnostic ils participent à des ateliers : repé‑ Les retards en cours – à la deuxième
Les conflits « simples »
sur le bien‑être rage dans l’établissement, faire son sonnerie, les élèves doivent être en
sont gérés grâce à la médiation
par les pairs, à laquelle des élèves : cartable, hygiène et santé. Un tutorat classe – ont diminué : ils étaient
sont formés certains élèves « Transparole », peut être mis en place pour les élèves au nombre de 2 460 en 2014 et
et le personnel. qui est dépouillé de sixième qui le demandent et il de 687 en 2017. Les exclusions de
avec eux. C’est le est alors effectué par des élèves de l’établissement ont baissé, passant
ÇÇ Une démarche globale
point de départ troisième qui sont volontaires. Nous de 110 à 85 en trois ans. De même,
de bienveillance et d’écoute
des élèves a été mise en place, d’un dialogue, un avons également réorganisé l’accès les exclusions de cours pendant une
qui porte aussi sur la façon dont constat qui per‑ au foyer afin qu’il demeure ce qu’il heure ont fortement chuté : nous
on les évalue : les enseignants met de concré‑ doit être : un espace de détente ; en recensions près de 700 il y a cinq
ne mettent plus de zéro. tiser ce qui peut chaque niveau a désormais son jour ans, contre seulement une centaine
ÇÇ Un ensemble de mesures
être attendu où le foyer lui est exclusivement pendant l’année scolaire 2016‑2017.
a permis d’améliorer le climat de la démarche réservé. Les conflits de faible inten‑ Je ne dispose pas d’indicateurs
scolaire et notamment de « Aller bien sité sont gérés grâce à la médiation chiffrés sur les incivilités, mais
réduire le nombre d’exclusions pour mieux ap‑ par les pairs. Un organisme extérieur1 nous constatons globalement une
de l’établissement et des cours. prendre » – Abma forme les élèves, les enseignants et baisse.
23
« LORSQU’UN DEVOIR N’EST PAS BON, fédérateur. Il a ce‑ – qui seront d’autant moins nom‑
LE PROFESSEUR DONNE UNE SECONDE pendant fallu une breuses à gérer au collège – et d’assu‑
CHANCE ET REFAIT UNE ÉVALUATION. rotation du per‑ rer une meilleure continuité. Nous
L’IDÉE EST DE VOIR COMMENT L’ÉLÈVE sonnel pour que transférons donc notre expertise dans
ÉVOLUE ET DE FAIRE LE CONSTAT des agents soient les écoles ; nous les accompagnons
DE SES PROGRÈS, AFIN DE L’AIDER prêts à s’investir, pour qu’elles posent leur diagnostic
À SE PROJETER DANS L’AVENIR. » en organisant un et qu’elles montent leur propre pro‑
véritable accueil jet. Cependant, nous sommes davan‑
des élèves, en tage des guides que des formateurs.
proposant des Il ne s’agit pas de modéliser, mais de
S. A. : Quelles actions Abma menus à thème où eux‑mêmes se donner une impulsion, une inspiration
ont participé à cette évolution déguisent, etc. Toutefois, en dépit pour aller plus loin. Les écoles du sec‑
favorable du climat scolaire ? de ces difficultés importantes, notre teur ne partent pas de zéro, elles ont
I. G. : Il est difficile d’en isoler cer‑ projet se déroule globalement bien. déjà accompli quelques actions, fai‑
taines au détriment d’autres, alors Il faut préciser à cet égard que notre sant de l’Abma sans vraiment nommer
qu’elles se complètent. C’est une établissement bénéficie d’un environ‑ la méthode. Il faut partir de l’existant,
démarche globale de bienveillance et nement favorable, sans difficultés ni mettre en visibilité ce principe de
d’écoute des élèves, qui porte aussi violences majeures. bienveillance tel qu’il a été décliné
sur la façon dont on les évalue. Les jusqu’à présent, et apporter du sou‑
enseignants ne mettent plus de zéro. S. A. : Quel est l’intérêt territorial tien à ces établissements pour que la
agressive, plus douce. cette expérimentation Abma à l’en‑ • Ne faites pas de suppositions.
• Faites toujours de votre mieux.
Dossier
semble des écoles dans le but de tra‑ (Source : Wikipedia. En ligne : https://fr.wikipedia.
S. A. : Quels freins entravent vailler en amont certaines difficultés org/wiki/Miguel_Ruiz)
le déploiement de votre projet ?
I. G. : L’amélioration du bien‑être
concerne l’ensemble de la commu‑
nauté scolaire. Nous avons voulu ABMA : ALLER BIEN POUR MIEUX APPRENDRE,
sonder le personnel de l’établissement PROGRAMME EXPÉRIMENTAL
sur son propre bien‑être, mais nous
n’avons obtenu que très peu de re‑
tours. C’est une déception. Peut‑être En partenariat avec l’Institut national de prévention et d’éducation pour la santé – Inpes (in‑
faut‑il du temps pour que tout le tégré depuis 2016 à Santé publique France), le rectorat de Lyon a mis en place une expé‑
LA SANTÉ EN ACTION – No 445 – Septembre 2018
monde s’approprie la démarche. Nous rimentation pour améliorer le climat scolaire et favoriser la réussite de tous. Intitulée
envisageons de refaire un question‑ « Aller bien pour mieux apprendre » (Abma), celle‑ci s’adresse à des écoles primaires, des
naire prochainement. Le projet sus‑ collèges ou des lycées volontaires et doit se déployer sur trois ans. 11 établissements sont
cite parfois des résistances, certains actuellement engagés dans cette démarche. Les initiateurs de l’expérimentation mettent
n’y adhérent pas. Nous nous sommes à disposition une boîte à outils pour que les établissements s’emparent de la démarche
par exemple heurtés à des freins et mènent une réflexion d’ensemble. L’intervention Abma se fait donc au niveau du pilotage
pour faire évoluer la cantine. C’est un de l’établissement scolaire. L’adhésion des personnels, des parents et des élèves est par
sujet important, puisque 80 % de nos ailleurs favorisée. Les recherches menées dans le cadre du Réseau européen des écoles
820 élèves sont demi‑pensionnaires. promotrices de santé (Reeps) sous‑tendent l’expérience et l’inspirent. La santé globale ne
C’était aussi une source d’insatis‑ s’intéresse pas uniquement à l’état de santé physique des personnes, elle prend aussi en
faction pointée par « Transparole ». compte les dimensions psychique, sociale et environnementale des individus.
Nous voulions donc faire du déjeu‑
ner un temps agréable et un moment Source : eduscol.education.fr/experitheque/fiches/fiche10096.pdf
LA PERSONNE INTERVIEWÉE DÉCLARE N’AVOIR AUCUN LIEN NI CONFLIT D’INTÉRÊTS AU REGARD DU CONTENU DE CET ARTICLE.
La cité scolaire Pellet réunit, pour l’école primaire et le collège, un enseignement dans l’expertise
24 de la déficience visuelle avec des troubles associés dyslexie, dyspraxie, dyscalculie, et un lycée
professionnel du CAP au BTS.
Enseignement adapté
à Villeurbanne :
à l’école de l’estime de soi
Entretien avec La Santé en action : Quelles sont rôle à jouer. Dès mon arrivée, j’ai sou‑
Samia Bendali, les particularités de l’établissement haité promouvoir d’autres pratiques
proviseur de la cité scolaire René‑Pellet, scolaire que vous dirigez ? au sein de la cité scolaire et j’ai fait
lycée d’enseignement professionnel des
Samia Bendali : La cité scolaire de la bientraitance – terme que je
métiers du tertiaire et de l’artisanat d’art,
Établissement régional d’enseignement
René‑Pellet reçoit des jeunes défi‑ préfère à bienveillance, parce que
adapté à la déficience visuelle – Érea‑DV, cients visuels – de l’école primaire plus concret et moins galvaudé – un
(Villeurbanne). au collège – et des élèves dits « or‑ axe central du projet inscrit dans le
dinaires » au lycée professionnel nouveau contrat d’objectifs tripartite
jusqu’au BTS, qui dispose d’un inter‑ associant les autorités académiques,
nat d’une capacité de 90 places. Le la région Auvergne‑Rhône‑Alpes et la
collège ouvre ses portes aux adoles‑ cité scolaire René‑Pellet.
L’ESSENTIEL cents déficients visuels et aussi à des
élèves présentant dyslexie, dyspraxie S. A. : Quelles actions concrètes
ÇÇ Cet établissement pas comme ou dyscalculie. avez‑vous mises en œuvre à ce jour ?
les autres vise à développer l’estime Le lycée, du CAP au Bac pro, est S. B. : L’une de mes priorités est la
de soi et les compétences centré sur les métiers du tertiaire réfection des locaux afin d’améliorer
psychosociales : les collégiens et de l’artisanat d’art. Et à partir de les conditions d’accueil des personnels
braillistes ou malvoyants la rentrée 2018, le BTS Support à et des élèves dans un établissement
ne se déplacent plus de salle en salle, l’action managériale sera ouvert à qui avait été quelque peu oublié.
ce sont les enseignants qui viennent tous les étudiants, quel que soit leur C’est une condition indispensable au
à eux.
type de handicap, visuel ou moteur. bien‑être. Les élèves du conseil de la
ÇÇ Une esthéticienne vient chaque Nos murs accueillent une structure vie lycéenne ont été associés au choix
mois pour une séance réunissant médico‑sociale – composée d’éduca‑ du mobilier. Les impliquer est un
dix élèves (déficients visuels teurs, de médecins, de rééducateurs, moyen de leur faire s’approprier les
et non porteurs de handicap) de psychologues, etc. – qui accom‑ lieux et, ainsi, de limiter les dégrada‑
afin de les sensibiliser aux techniques
pagne les élèves dans la réussite de tions ; on a tendance à moins détério‑
de soin du visage et du corps.
Elle dispense des informations
leurs apprentissages. rer un lieu où l’on se sent bien.
théoriques sur les produits utilisés, Une des premières actions mises
les différents types de peau, S. A. : Pourquoi avoir engagé votre en place est la création d’une journée
et des cours pratiques : soins établissement dans un dispositif de partage, réunissant élèves et per‑
de la peau, des mains, techniques de promotion de la santé sonnels une fois par trimestre, avec
de maquillage. et dans la démarche « Aller bien un repas convivial et des activités qui
ÇÇ Enseignants, pôle médico‑social, pour mieux apprendre » (Abma) ? rassemblent tout le monde. Il s’agit de
vie scolaire, service général, direction S. B. : J’ai expérimenté la démarche fédérer la communauté, au‑delà des
accompagnent les élèves dans la Abma1 dans mon ancien établisse‑ séparations primaire, collège, lycée ;
réussite de leurs apprentissages. ment, je me suis formée et suis deve‑ de créer des passerelles entre petits et
nue référente académique. Cette grands, entre professeurs et agents par
démarche m’intéresse, car elle vise à des échanges informels. Celle du troi‑
ce que l’ensemble de la communauté sième trimestre 2018 sera consacrée
éducative – élèves, enseignants et au thème de l’élégance, avec la venue
personnels – se sente bien ; et, pour de plusieurs esthéticiennes, pour tra‑
atteindre cet objectif, chacun a un vailler sur l’estime de soi.
25
Depuis la rentrée 2017‑2018, un ri‑
tuel a été mis en place : tous les jours,
un élève vient dire au micro le « mot
du jour » entendu par tous ; il est
libre de parler de ce qu’il veut dans
son message. Cette initiative permet
aussi de faire connaissance. Pour cer‑
tains élèves, c’est une petite épreuve,
mais qui apporte de la confiance en
soi quand ils la surmontent.
Ensuite, nous avons repensé l’orga‑
nisation pour les élèves de collège de
© Stephanie Lacombe/PictureTank/MEN
11‑12 ans, braillistes ou mal voyants.
Au lieu qu’ils se déplacent de classe
en classe, d’un étage à l’autre, avec
leur matériel assez lourd et leur
canne, ce sont maintenant les ensei‑
gnants qui se rendent dans leur classe
située désormais au rez‑de‑chaussée.
L’idée est de créer un cadre favorable
Dossier
formulons des propositions, elles les parents se sont montrés surpris modifie‑t‑il votre approche ?
sont expérimentées et si elles ne par cette proposition. Je leur ai expli‑ S. B. : Je ne le pense pas. La bien‑
conviennent pas à la majorité de la qué que les élèves présents au conseil traitance et l’empathie apportent une
communauté, il est possible de reve‑ feraient un retour sur l’atelier d’esthé‑ valeur ajoutée, quel que soit le public
nir en arrière. Par exemple, nous avons tique. Les parents se sont finalement accueilli. C’est une démarche géné‑
réfléchi à la pause méridienne qui est laissé convaincre sans difficulté ; raliste qui n’établit pas de différence
assez longue : de 11 h 30 à 14 heures. le concept de bientraitance leur entre les élèves. En d’autres termes,
Pourquoi ne pas la raccourcir pour les parle tout autant qu’à leurs enfants. cette démarche n’a pas besoin d’être
lycéens et leur permettre de partir Globalement, ce sont les élèves qui adaptée à des besoins spécifiques,
avant 18 heures ? Après concertation, s’adaptent le mieux à cette nouvelle notamment celui du handicap. Elle
cette idée a été votée par les membres donne et leurs appréciations positives est tout aussi bénéfique aux élèves
LA SANTÉ EN ACTION – No 445 – Septembre 2018
du conseil d’administration (représen‑ ont un effet entraînant sur les ensei‑ favorisés d’un établissement d’un
tants de la direction, des enseignants, gnants et sur la réussite des élèves. quartier aisé, qui ont leur propre pro‑
de la collectivité territoriale, des fa‑ Concernant les parents, nous n’avons blématique.
milles et des élèves) ; elle va être mise pas de retour pour le moment sur les
en place à la rentrée 2018. actions menées. Propos recueillis par Nathalie Quéruel,
journaliste.
S. A. Dans quel but faites‑vous S. A. : Comment soutenir les élèves
venir une esthéticienne confrontés à une exigence de réussite ?
1. Expérimentation mise en place par l‘Institut
dans votre établissement ? S. B. : Effectivement, parmi nos national de prévention et d’éducation pour la
S. B. : Depuis la rentrée, nous fai‑ projets, nous souhaitons aborder santé – Inpes (intégré depuis 2016 à Santé publique
sons effectivement venir une esthéti‑ le lâcher‑prise auprès des élèves, en France) et le rectorat de Lyon. Déployée sur trois
ans, elle s’adresse à des établissements volontaires.
cienne une fois par mois. Ces séances partenariat avec un professeur d’édu‑ L‘objectif : améliorer le climat scolaire et favoriser
de deux heures regroupant une dizaine cation physique de l’extérieur, qui la réussite de tous.
LA PERSONNE INTERVIEWÉE DÉCLARE N’AVOIR AUCUN LIEN NI CONFLIT D’INTÉRÊTS AU REGARD DU CONTENU DE CET ARTICLE.
Un climat d’établissement positif améliore la qualité de la vie scolaire, favorise l’acceptation des
26 différences et valorise ces différences en exploitant les forces de chacun
L
Claire Beaumont, a réussite édu‑ fois citée dans la littérature. Il a été L’école, second milieu de vie
psychologue et professeure, cative est une démontré que tant les cibles, que les C’est surtout en contexte de pré‑
titulaire de la Chaire de recherche préoccupa‑ auteurs ou les témoins de ces vio‑ vention de la violence à l’école que
bien‑être à l’école et prévention
tion constante pour lences (verbales, physiques, sociales, le concept de climat scolaire a été
de la violence,
université Laval (Québec, Canada).
plusieurs pays qui matérielles ou électroniques) sont étudié, souvent associé à la réussite
voient en l’éduca‑ à risque de subir des conséquences académique, à la victimisation par les
tion un levier puis‑ affectant leurs développements psy‑ pairs de même qu’au décrochage [5]. Il
sant pour assurer l’avenir des popula‑ chologique – anxiété, dépression… –, est admis aujourd’hui que les compor‑
tions. Concept plus large que celui de social – exclusion, isolement… –, tements des enfants sont influencés
réussite scolaire, la réussite éducative scolaire – baisse de résultats, absen‑ par plusieurs facteurs – personnels,
vise le développement des potentiali‑ téisme…– et physique – maux de tête, familiaux, sociaux et scolaires… –,
tés affectives, morales, intellectuelles, insomnie… – [3]. Des déficits sur le qu’ils répondent à certains besoins
physiques et spirituelles des jeunes plan des compétences émotionnelles – comme la reconnaissance, l’appar‑
tout en misant sur leur réussite aca‑ et sociales figurent parmi les facteurs tenance – et qu’ils se développent,
démique [1]. Aider les jeunes à déve‑ qui expliquent pourquoi certains se maintiennent ou se transforment
lopper ces multiples compétences, jeunes adoptent des comportements selon l’ascendance qu’exercent sur
c’est participer au développement de d’agression ou encore se sentent im‑ eux leurs différents milieux de vie,
futurs citoyens responsables, capables puissants face à la violence de leurs notamment le milieu scolaire. Puisque
de veiller à leur propre bien‑être et pairs [4]. l’école constitue le deuxième milieu
de contribuer activement au projet de vie des jeunes, après la famille,
collectif de la société. L’Organisation il s’avère important de mieux com‑
de coopération et de développement L’ESSENTIEL prendre comment il peut contribuer
économiques (OCDE) [2] reconnaît à la réussite éducative globale des
qu’en investissant dans l’éducation, ÇÇ La santé se définit comme jeunes. Les actions visant à dévelop‑
les décideurs génèrent d’importants « un état de complet bien‑être per un climat scolaire positif sont
bienfaits à la société, offrant de meil‑ physique, mental et social » aujourd’hui considérées bénéfiques
leures perspectives d’emploi et de (Organisation mondiale de la santé – non seulement pour le bien‑être des
revenu aux individus, constituant OMS). élèves, mais aussi pour celui du per‑
de plus un véritable facteur de pro‑ ÇÇ L’école, second milieu de vie après sonnel éducatif. Le climat scolaire est
tection de la santé1 et du bien‑être la famille, a un rôle majeur à jouer devenu une cible universelle de travail
à l’âge adulte. dans la socialisation des jeunes. pour les établissements d’enseigne‑
La violence affecte le dévelop‑ ÇÇ Au Québec, les chercheurs ment qui considèrent que le bien‑être
pement psychologique. Au Québec, ont formulé des recommandations du personnel scolaire peut influencer
les dernières réformes de l’éducation pour améliorer ce bien‑être et le climat leurs pratiques éducatives [6].
ont relevé l’importance d’enseigner scolaire. La ligne de conduite fortement
aux élèves des comportements favo‑ recommandée dans les écoles Climat scolaire, bien‑être
risant leur santé et leur bien‑être, rap‑ québécoises est devenue celle‑ci : et réussite éducative
pelant que l’école doit leur offrir un une culture scolaire fondée sur la Le climat scolaire se définit glo‑
bienveillance, prônant les interventions
environnement sécuritaire, propice balement par l’atmosphère générale
éducatives faites avec calme,
à leur épanouissement personnel et exigence, fermeté, par des adultes qui règne dans un établissement
social. Parmi les facteurs associés qui encouragent les élèves d’enseignement. S’agissant d’une per‑
négativement au bien‑être des jeunes, et les soutiennent dans leurs ception individuelle et/ou collective
la violence entre pairs a été maintes apprentissages sociaux. de l’environnement scolaire, le climat
27
scolaire est principalement mesuré conduite ou erreurs d’apprentissage de la vie scolaire (ex. : activités aca‑
auprès des élèves selon quatre com‑ scolaire) comme des occasions néces‑ démiques, récréatives, éducatives,
posantes : saires pour apprendre et se dévelop‑ relationnelles, etc.). Les interventions
• le sentiment de justice (ex. : Tout le per. Cette approche bienveillante doivent donc être planifiées en consi‑
monde est traité de la même manière.) ; incite enfants et adolescents à se dérant d’abord le bien‑être de chaque
• le sentiment de sécurité (ex. : Je me reconstruire à partir de leurs erreurs élève, et également organisées de
sens en sécurité, les adultes interviennent sans se sentir pour autant diminués. façon pyramidale afin de prévoir
pour aider les élèves.) ; Elle s’inscrit dans une démarche des interventions plus spécifiques
• le sentiment d’appartenance/ de développement de la résilience qui seront nécessaires pour soutenir
d’attachement à l’école (ex. : J’aime qui permet aux jeunes de devenir adéquatement ceux qui vivront des
venir à mon école, les élèves participent plus forts pour affronter de façon difficultés particulières.
aux décisions.) ; constructive les multiples obstacles L’approche globale et positive que
• la qualité des relations interperson‑ qu’ils rencontreront dans leur vie [7]. nous préconisons [8] signifie que le
nelles et du soutien perçu (ex. : J’ai des personnel, les parents et la commu‑
amis à l’école, je connais une personne de Une approche globale nauté ne s’attardent pas uniquement
confiance à qui je peux parler à l’école.). et positive pour améliorer aux problèmes lorsqu’ils surviennent,
le climat scolaire mais qu’ils organisent la vie scolaire
Les enfants et les adolescents Aborder l’école selon une ap‑ dans un but premier : celui d’offrir un
heureux sont plus résilients proche globale et positive nécessite milieu de vie stimulant et soutenant
Un climat scolaire favorisant un que l’équipe scolaire se dote d’une à tous ceux qui s’y trouvent. Un cli‑
Dossier
élèves prend aussi appui sur leurs
4. Un curriculum intégrant Enseigner les habiletés socio‑émotionnelles aux élèves,
capacités socio‑émotionnelles (ex. : apprentissages scolaires en les intégrant dans les leçons des matières scolaires
reconnaissance et expression adé‑ et sociaux pour en favoriser leur pratique quotidienne.
quate des émotions, compétences
5. Des politiques Faire connaître les politiques et les procédures, veiller
relationnelles, conscience sociale et et des procédures claires, à leur application par l’ensemble du personnel et des
prise de décision responsable) [6]. connues et appliquées partenaires.
La ligne de conduite fortement
6. Une gestion positive Graduer les interventions selon la maturité de l’élève,
recommandée dans les écoles québé‑
des comportements la gravité du comportement ; proposer des comportements
coises est devenue la suivante : une de remplacement ; se rappeler que les approches
culture scolaire fondée sur la bienveil‑ répressives* n’enseignent pas aux élèves les comportements
lance, prônant les interventions édu‑ sociaux souhaités.
LA SANTÉ EN ACTION – No 445 – Septembre 2018
catives faites avec calme, exigence, 7. La formation du personnel Choisir des formations selon les objectifs et les valeurs
fermeté, par des adultes qui encou‑ de l’établissement (ex. : apprentissage coopératif,
ragent les élèves et les soutiennent communautés de pratique), répondant aux besoins
dans leurs apprentissages sociaux. du personnel en étant axées sur le bien‑être des élèves.
Cette posture d’éducation positive, 8. La rapidité à identifier Fournir du soutien aux élèves, gérer les incidents dès
incarnée par les dirigeants des éta‑ et à répondre aux problèmes qu’ils se produisent, prévoir une procédure d’intervention
blissements et le personnel scolaire, en situation de crise pour soutenir élèves et enseignants.
contribue à la promotion du bien‑être 9. Un partenariat Travailler étroitement avec les parents et la communauté,
agissant en prévention de la violence école‑famille‑communauté communiquer régulièrement afin que les apprentissages
à l’école. Cette attitude de l’adulte socio‑émotionnels acquis dépassent les limites de l’école.
de l’école se caractérise aussi par
* : Implantation de programmes d’intervention sans mobilisation du personnel, punitions, suspensions,
une autorité éducative sécurisante, expulsions, interventions ponctuelles sans suivi (ex. : campagne de sensibilisation, conférences isolées,
qui considère les erreurs (écarts de témoignages), vidéosurveillance, approche de la tolérance zéro [9].
28
valorise ces différences en exploitant développer dans un environnement ou une consommation responsable
les forces de chacun. Dans ces écoles, leur procurant la sécurité de base d’alcool [10]. Si la santé se définit par
les comportements problématiques nécessaire à leur développement psy‑ « un état de complet bien‑être physique,
sont souvent évités par des oppor‑ chologique, social et scolaire. Déve‑ mental et social ne consistant pas seu‑
tunités d’apprentissages multiples et lopper un sentiment d’attachement lement en une absence de maladie ou
stimulantes offertes aux jeunes. En et d’appartenance à son milieu sco‑ d’infirmité » [11], alors pourquoi ne
visant le développement optimal de laire, percevoir que la justice existe, pas inclure dans cette liste l’ensei‑
chacun, il devient possible d’agir en s’y sentir en sécurité et y vivre des gnement de saines habitudes de vie
amont des problèmes, les pratiques relations interpersonnelles de qualité relationnelles à l’école pour viser une
éducatives agissant en véritables fac‑ avec ses amis en se sentant soutenu bonne santé globale ? Au Québec
teurs de protection face à certaines par des adultes signifiants et bienveil‑ comme dans d’autres pays, la mission
difficultés susceptibles d’être rencon‑ lants… Autant d’éléments qui peuvent poursuivie par l’école inclut très sou‑
trées par les élèves (ex. : victimisation aider ces jeunes à devenir de futurs vent un volet de socialisation jumelé à
par les pairs, états dépressifs, faible citoyens responsables, capables de celui de l’instruction. Cependant, dans
motivation scolaire, absentéisme, veiller à leur propre bien‑être et de les faits, comment le personnel édu‑
échecs, décrochage, etc.). contribuer au projet collectif de la catif s’acquitte‑t‑il concrètement de
Le tableau 1 (page 27) présente société en adultes responsables, et cette mission de socialisation ? Inclure
une liste de neuf principes et clés prônant des valeurs démocratiques l’enseignement de saines habitudes de
d’action qui s’inscrivent dans une et de bienveillance envers autrui. vie relationnelles dans le curriculum
approche globale et positive visant la scolaire au même titre que les autres
qualité du climat scolaire. Enseigner aux jeunes de saines habitudes de vie pourrait sans doute
habitudes de vie relationnelles : contribuer à l’amélioration des climats
Le climat scolaire, facteur un cadeau pour la vie scolaires offrant aux jeunes un bagage
de protection Pour favoriser la santé des jeunes, éducatif qui leur sera utile toute leur
En somme, évoluer dans une école les milieux scolaires sont déjà sen‑ vie [12].
où règne un climat scolaire positif sibilisés à leur enseigner de saines
peut constituer un facteur de pro‑ habitudes de vie, définies principa‑
tection important pour les jeunes lement par la pratique d’activités 1. La santé étant définie par l’OMS comme « […]
un état de complet bien‑être physique, mental et social
qui viennent de milieux plus diffi‑ physiques, une alimentation saine, et ne consistant pas seulement en une absence de
ciles, qui n’ont pas eu la chance de se le non‑usage du tabac, de drogues maladie ou d’infirmité ».
RÉFÉRENCES
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son J. To reach the students, teach the teachers: A Handbook of Classroom Management: Research, ulaval.ca
L’AUTEURE DÉCLARE N’AVOIR AUCUN LIEN NI CONFLIT D’INTÉRÊTS AU REGARD DU CONTENU DE CET ARTICLE.
Le projet « Mieux se connaître pour mieux apprendre » ambitionne de développer les compétences
psychosociales des élèves, pour favoriser leur épanouissement et leur apprentissage. 29
Entretien avec et autres personnels, dont une ving‑ efforts, de l’amener à être responsable
Christophe Studeny, taine ont suivi une formation « Pré‑ de ses choix et de ses apprentissages,
proviseur du lycée Théodore‑Deck venir les conduites addictives par le et de développer la coopération et
Dossier
tif est de soutenir les élèves dans le avons mené des actions de sensibili‑ grands thèmes du socle : se connaître
développement de leurs compétences sation auprès des collègues intéressés. soi‑même, apprendre à apprendre,
psychosociales. Nous sommes dans un En 2017‑2018, la démarche a été gé‑ appréhender les langages pour pen‑
lycée polyvalent de 1 050 élèves, avec néralisée aux huit classes de seconde, ser et communiquer. Les classes sont
trois classes de BTS et le seul inter‑ soit 240 élèves concernés. dédoublées, grâce aux professeurs
nat de la réussite pour tous1 dédié de documentalistes et aux infirmiers, afin
l’académie. Au départ, en 2012, il y a S. A. : Dans quel objectif avez‑vous de travailler en petits groupes. Parfois,
la volonté du Comité d’éducation à la destiné cette action aux élèves ces séances sont coanimées en équipe
santé et à la citoyenneté inter‑réseau de seconde ? pluricatégorielle ; ainsi, une séance sur
du territoire de Guebwiller d’enga‑ C. S., S. S. et S. D. P. : La première la thématique du harcèlement scolaire
ger une démarche de santé publique année de lycée est capitale. Nous se tiendra avec la CPE ou sur le han‑
LA SANTÉ EN ACTION – No 445 – Septembre 2018
autour de la prévention des conduites avons fait plusieurs constats : il y a dicap, avec l’infirmier. Nous utilisons
à risques sous l’impulsion des infir‑ des classes très hétérogènes, avec par exemple le questionnaire FilGood,
miers scolaires. D’autre part, dans des élèves qui sont passés dans ce un outil numérique d’auto‑évaluation
le cadre de la réforme du lycée, des niveau sans avis favorable, qui sont de l’état de bien‑être des élèves,
professeurs ont commencé à travailler parfois en difficulté par rapport aux proposé par la Mutuelle générale de
l’accompagnement personnalisé des savoirs, qui sont réfractaires quand l’Éducation nationale (MGEN). Nous
élèves de façon différente, avec l’idée on cherche à les mobiliser. Le travail avons trois types d’activité pendant ce
de développer des compétences en en groupe sur les compétences psy‑ temps : un atelier de groupe pour faire
complément des savoirs. Ce sont les chosociales a pour but de changer l’expérience de la collaboration et de
premiers pas d’une approche qui met le regard du jeune sur son parcours la participation ; des débats à partir
les jeunes au centre, et d’une coopé‑ et sur son ambition, de restaurer la d’extraits de livres de chercheurs ou de
ration entre infirmier, professeurs, confiance en soi en montrant qu’il est sociologues pour nourrir la réflexion,
conseiller principal d’éducation (CPE) possible de progresser en faisant des notamment autour des intelligences
30
multiples ; une phase d’évaluation passages à l’infirmerie ; il y a plus de supplémentaire accompli. Le soutien
pour voir ce que les élèves ont appris, dynamisme dans les classes et davan‑ institutionnel reste indispensable
compris, retenu. Chacune des activités tage d’interactions entre les élèves, pour que l’action puisse être pérenne.
est en lien avec des actions d’éduca‑ moins de bavardages et d’incidents, Pour que les ateliers fonctionnent, il
tion à la santé (atelier de gestion du et moins de stress durant les devoirs est nécessaire de les faire en petits
stress et des émotions, séance de également. Si les élèves (re)trouvent le groupes, ce qui pose la question du
Qi Gong, approche du handicap par plaisir d’apprendre, les enseignants (re) dédoublement des classes et, donc,
le photolangage…), des actions cultu‑ découvrent eux aussi le plaisir d’ensei‑ de la rémunération des encadrants.
relles (théâtre d’improvisation, venue gner, avec le sentiment de le faire avec
d’un art‑thérapeute et d’un percus‑ plus d’efficacité. Certains jeunes, qui S. A. : Quel sont vos objectifs
sionniste…) et des actions de solida‑ ont de bonnes performances à l’écrit pour l’avenir ?
rité (collecte pour les Bébé du cœur…). mais sont timides à l’oral, s’affirment C. S., S. S. et S. D. P. : L’objectif
beaucoup plus. premier est de développer l’approche
S. A. : Quel lien faites‑vous entre pédagogique par les compétences
promotion de la santé et qualité S. A. : Qu’en disent les élèves psychosociales au niveau des neuf
des apprentissages ? et leurs parents ? établissements (collèges et lycées) re‑
C. S., S. S. et S. D. P. : Renforcer C. S., S. S. et S. D. P. : Au départ, groupés au sein du comité d’éducation
les dix compétences psychosociales les élèves ricanaient parce qu’ils ne à la santé et à la citoyenneté (Cesc).
permet d’offrir à l’élève un parcours voyaient pas ce que nous voulions Nous animons des réunions d’infor‑
fondé sur le socle commun et surtout faire ; c’est l’écueil de la première mation auprès des personnels, nous
d’accompagner l’adolescent dans sa expérience. Aujourd’hui, leur res‑ faisons du partage d’expérience avec
globalité afin de lui donner les moyens senti est positif, tout comme celui les collègues, nous alimentons une
de s’épanouir pleinement dans notre des parents. Nous présentons à ces plateforme de formation : l’idée
société apprenante en s’adaptant tout derniers, lors d’une réunion d’infor‑ est de mettre en réseau les équipes
au long de sa vie à un environnement mation, la démarche, ses objectifs, pour qu’elles s’approprient nos res‑
en constante évolution. son fonctionnement, les effets obte‑ sources et les adaptent à leur propre
nus, grâce à une petite vidéo avec contexte ; et qu’ensuite le réseau
S. A. : Quel bilan tirez‑vous des témoignages d’élèves ; ils sont devienne une ressource pour chaque
aujourd’hui de ce projet ? alors rassurés. Ensuite, eux‑mêmes équipe des établissements du réseau
C. S., S. S. et S. D. P. : Nous ne constatent des changements posi‑ et également pour les établissements
disposons pas encore d’évaluation tifs, par exemple dans les échanges qui souhaiteraient élaborer des projets
scientifique, sa mise en œuvre étant qu’ils ont pendant les repas avec leur sur la thématique : persévérance sco‑
complexe (nous sommes en attente enfant qui se montre plus curieux et laire, motivation scolaire, bien‑être à
d’un partenariat avec l’observatoire plus confiant. l’école. Cette coopération se fait dans
régional de la santé – ORS d’Alsace). un intérêt collectif afin de créer un
En revanche, nous S. A. : Qu’est‑ce qui a facilité fil conducteur entre collège et lycée.
avons un par‑ la mise en œuvre de votre projet Nous avons également la volonté
L’ESSENTIEL
tenariat avec la ou en a freiné l’avancement ? d’étendre cette approche aux écoles
recherche : le lycée C. S., S. S. et S. D. P. : Plusieurs fac‑ primaires du secteur, grâce à un pro‑
ÇÇ Le lycée polyvalent Théodore‑Deck teurs ont été moteurs du projet : les jet innovant : « Territoire apprenant »,
de Guebwiller (Haut‑Rhin)
est lieu d’éduca‑ textes vont dans le sens de l’intégra‑ soutenu par la Cellule académique
a généralisé depuis plusieurs
tion associé (LÉA) tion des compétences psychosociales recherche et développement pour
années les ateliers
de développement des avec l’Institut fran‑ dans le cursus scolaire ; le fait de l’innovation et l’expérimentation (Car‑
compétences psychosociales. çais de l’éducation. travailler en équipe pluridisciplinaire die). Il y aurait ainsi une cohérence de
Les enseignants font réfléchir les Le travail engagé avec des objectifs communs a été l’action sur tout le parcours scolaire.
élèves en groupes pour : changer n o u s p e r m e t stimulant ; en termes de pédagogie, Elle est nécessaire pour obtenir des
leur regard sur leur parcours, d’analyser notre les techniques d’animation et l’aspect résultats sur l’une de nos priorités, la
restaurer leur confiance en soi pratique pour « horizontal » de la relation aux élèves lutte contre le déterminisme social.
en montrant qu’il est possible mieux comprendre pendant les ateliers sont motivants.
de progresser, les accompagner
le développement Et le soutien du chef d’établissement
pour qu’ils soient responsables Pour en savoir plus
professionnel en est un élément indispensable pour
de leurs choix, etc. • En ligne : http://www.lyceedeck.fr/index.
jeu et l’effet d’une avancer. Plusieurs freins subsistent
ÇÇ En dépit des nombreux php?id_menu=40
mise en réseau. néanmoins : certains enseignants se
obstacles – méfiance, voire Nous obser‑ montrent réticents à cette approche
opposition, faiblesse des moyens –, 1. La politique de l’internat de la réussite pour tous,
vons quelques psychosociale – plus axée sur la
ces ateliers s’avèrent être initiée en 2000 vise à accueillir tout élève qui en
un outil efficient pour lutter
éléments positifs : santé qu’éducative à leurs yeux – que a besoin, quels que soient ses résultats scolaires.
contre les déterminismes sociaux, le taux d’absen‑ quelques‑uns pensent laxiste. D’autre Source : http://www.education.gouv.fr/pid285/
bulletin_officiel.html?cid_bo=101723
réhabiliter la persévérance téisme est en part, la démarche s’est mise en place
2. Devenue la Mission interministérielle de lutte
scolaire, la motivation, légère baisse, ainsi sur la base du volontariat, en l’absence contre les drogues et les conduites addictives
le bien‑être à l’école. que le nombre de de moyens spécifiques pour le travail (Mildeca) en 2014.
LES PERSONNES INTERVIEWÉES DÉCLARENT N’AVOIR AUCUN LIEN NI CONFLIT D’INTÉRÊTS AU REGARD DU CONTENU DE CET ARTICLE.
Dans 31 collèges de la Somme, les personnels éducatifs ont été formés à la discipline positive.
31
Dossier
ment et des enseignants et qui leur 500 professionnels des équipes des collègues et transmettre quelques
permettent de mettre en œuvre un établissements scolaires ont été for‑ éléments qui permettront, à ceux
programme à destination des élèves. més par une formatrice certifiée en qui sont volontaires, de mettre en
J’ai d’abord remarqué les ouvrages de discipline positive, Nadine Gaudin, place quelques activités en classe.
la psychothérapeute Isabelle Filliozat grâce au financement du Programme Les heures de vie de classe peuvent
et ses concepts de parentalité positive des investissements d’avenir pour servir à cette mise en œuvre. La
et d’éducation bienveillante. Puis, j’ai l’expérimentation, des crédits du démarche est bien de réfléchir sur le
découvert le site de l’Association disci‑ comité départemental d’Éducation à climat de classe et comment l’amé‑
pline positive France2. Cette approche la santé et à la Citoyenneté (Cdesc) et liorer : quelles lignes de conduite se
m’a beaucoup intéressée, qui combine des fonds propres des établissements. donner, comment favoriser l’entraide
bienveillance et fermeté pour déve‑ Une trentaine d’entre eux, encadrants, et la coopération, comment trouver
LA SANTÉ EN ACTION – No 445 – Septembre 2018
lopper l’estime de soi et l’épanouisse‑ après avoir été formés, forment leurs une solution lorsqu’une difficulté
ment de l’individu. Je la trouvais per‑ personnels. surgit, etc.
tinente pour renouveler les pratiques Les formations consistent à dé‑
des équipes éducatives et la façon de crypter le comportement des adoles‑ S. A. : Comment les parents sont‑ils
travailler avec les élèves. C’est pour‑ cents grâce à des mises en situation, associés à cette démarche ?
quoi en 2016, avec le conseil régional et les participants travaillent sur une A.‑S. P. : Dans le cadre d’un appel
des Hauts‑de‑France, nous avons ré‑ multitude de facettes et d’outils de à projet pour les collèges : « collèges
pondu à un appel à projets piloté par l’encouragement. Elles rassemblent et familles, des liens à renforcer », le
l’Agence nationale du renouvellement une trentaine de personnes, avec au conseil départemental a financé des
urbain (Anru) dans le cadre du Pro‑ moins quatre personnes d’un même ateliers parentalité sur la discipline
gramme des investissements d’avenir établissement afin de créer une positive, à l’issue de conférences
Jeunesse3 pour déployer la discipline culture commune et de donner un organisées dans chaque établis‑
positive1 sur le terrain. impact à cette démarche. Ainsi, les sement. Trois ateliers de quatre
32
heures à destination des parents se ironique, peu encourageants vis‑à‑vis appréhendée comme une formule ma‑
sont déroulés le samedi matin. Des de leurs élèves, comme : « Cet élève gique, mais bien comme une démarche
conférences ont aussi été organisées, a des compétences : manger, boire et rationnelle : l’enseignant accompagne
des flyers distribués. Il s’agit bien de surtout dormir. » l’élève pour qu’il se recentre sur les
travailler avec les parents au sein de Ainsi, globalement, nous consta‑ apprentissages et utilise ses compé‑
l’établissement en co‑éducation. En tons depuis le démarrage du projet, tences – sous forme de stratégies effi‑
les impliquant, on parvient à mettre en 2016, que les principes de respect caces – face aux attentes de l’école.
en place une approche vraiment glo‑ mutuel et d’encouragement ren‑ Globalement, les chefs d’établissement
bale en cohérence avec à la fois : forcent les liens entre les membres constatent une amélioration des rela‑
• des chefs d’établissement qui de la communauté éducative. La tions dans les entretiens qu’ils mènent
conduisent leur politique en instau‑ posture de bienveillance et de fer‑ tant auprès des élèves que de l’équipe
rant un dialogue différent avec leurs meté permet d’améliorer le climat éducative ou des parents. Les élèves
interlocuteurs (équipes pédagogiques, scolaire dans les classes et au sein de ressentent très positivement l’intérêt
élèves, parents) ; l’établissement, ainsi que les relations qu’on leur porte et les encouragements
• des enseignants qui agissent diffé‑ écoles‑familles quand les parents sont qui leur sont prodigués. Cette bienveil‑
remment dans leur classe ; les élèves partie prenante. Ce comité départe‑ lance les place en situation beaucoup
en classe sont donc encouragés et mental permet aussi d’échanger des plus favorable, en capacité d’agir et
valorisés ; idées, de partager les freins auxquels de travailler davantage en autono‑
• des élèves qui reçoivent à la maison sont confrontés les uns ou les autres mie. Ils adhèrent à la démarche, parce
un soutien bienveillant de la part de et d’identifier des leviers sur lesquels qu’ils y sont associés. Ils veillent par
parents formés – ou en tout cas sensi‑ on peut s’appuyer pour avancer. exemple à faire respecter les règles de
bilisés – à la discipline positive. conduite – la fermeté – au sein des
Les actions des uns et des autres S. A. : Comment surmontez‑vous classes, parce qu’ils ont eux‑mêmes été
se renforcent mutuellement. Et le les difficultés rencontrées ? associés à la définition de ces règles.
mouvement s’étend ; neuf collèges A.‑S. P. : À ce jour, l’action ne
vont à court terme mettre en place concerne que les collèges ; nous Propos recueillis par Nathalie Quéruel,
des ateliers pour les parents. avons souhaité inclure un lycée, mais journaliste.
pour l’instant nous n’y sommes pas
S. A. : Quels changements concrets parvenus. Il s’agit d’un lycée à effec‑
observez‑vous suite à la mise tifs importants, ce qui représente
en œuvre de cette approche un obstacle. Suite à la formation des
de bienveillance ? inspecteurs de l’Éducation nationale
A.‑S. P. : Chaque établissement et des conseillers pédagogiques, nous
engagé dans la démarche dispose souhaitions aussi que la démarche
1. Si la psychologie positive est l’étude des conditions
de son comité de pilotage et nous soit diffusée auprès des enseignants et processus qui contribuent à l’épanouissement
avons aussi un comité de pilotage du premier degré. Nous nous sommes ou au fonctionnement optimal des individus, des
groupes et des institutions, la discipline positive
départemental rassemblant les chefs alors heurtés à un autre problème :
a, elle, été inventée par Jane Nelsen et Lynn Lott.
d’établissement, les enseignants réfé‑ les professeurs des écoles ne parve‑ Le concept a été introduit en France par la psy‑
rents et moi‑même. Nous discutons naient pas à dégager deux jours de chologue Béatrice Sabaté. La discipline positive a
pour vocation d’enseigner les compétences psycho‑
par visioconférence des actions mises formation, faute de remplaçants dis‑
sociales. C’est une démarche proposée aux parents,
en place, des outils utilisés, ainsi que ponibles. enseignants et éducateurs qui n’est ni permissive
des effets obser‑ Il n’est pas toujours facile de sur‑ ni punitive et qui permet de développer chez
l’enfant l’autodiscipline, le sens des responsabilités,
vés, qu’il s’agisse monter les préjugés qui assimilent
les compétences sociales, le respect dans un cadre
des indicateurs la bienveillance au laxisme. Ce n’est à la fois ferme et bienveillant (Source : Bruno Robbes,
« IL N’EST PAS FACILE sur le nombre qu’en observant les résultats obte‑ maître de conférences en sciences de l’éducation,
université de Cergy‑Pontoise, Laboratoire École,
DE SURMONTER de conseils de nus par leurs collègues formés à la
mutations, apprentissages – EMA).
LES PRÉJUGÉS discipline ou sur discipline positive dans leur classe 2. En ligne : www.disciplinepositive.fr ; Connectivite.
QUI ASSIMILENT les exclusions que certains changent d’avis. Cer‑ com
3.Appel à projets du Programme des investissements
LA BIENVEILLANCE de classe, ou des tains enseignants ne souhaitent pas
d’avenir (PIA) « Projets innovants en faveur de la
AU LAXISME. » évolutions qua‑ suivre de formation, mais trouvant la jeunesse ». En ligne : http://www.jeunes.gouv.fr/
litatives dans le méthode intéressante, ils demandent actualites/actualites‑interministerielles/article/
projets‑innovants‑en‑faveur‑de‑la
contenu des an‑ à des professeurs formés d’intervenir
4. L’heure de vie de classe est inscrite à l’emploi du
notations sur les bulletins trimestriels. pendant l’heure de vie de classe 4 à temps des élèves de la sixième à la troisième. Au
Nombre d’enseignants impliqués ac‑ leur place. total, dix heures de vie de classe sont réparties sur
toute l’année scolaire. Ces heures permettent un
ceptent avec énergie de faire évoluer
dialogue régulier entre les élèves de la classe, ainsi
leur posture pédagogique pour se pla‑ S. A. : Qu’en pensent les personnels qu’entre les élèves et les enseignants ou d’autres
cer dans une dynamique d’encourage‑ de l’Éducation nationale et les élèves ? membres de l’établissement. Globalement, elles ont
pour objectifs d’améliorer la communication dans
ment de l’élève. Certains d’entre eux, A.‑S. P. : Les évaluations menées
le collège, de favoriser la réussite des élèves et de
qui étaient peu ouverts à la démarche, auprès des enseignants montrent lutter contre les toutes formes d’incivilité et de
renoncent à des jugements au ton que la discipline positive n’est pas violence. (Source : Onisep.)
LA PERSONNE INTERVIEWÉE DÉCLARE N’AVOIR AUCUN LIEN NI CONFLIT D’INTÉRÊTS AU REGARD DU CONTENU DE CET ARTICLE.
Le bien‑être à l’école, loin devant le bien‑être par rapport à soi, a un fort impact sur la motivation
à l’école. 33
Julien Masson,
École supérieure du professorat
et de l’éducation (Éspe),
L
© Joan Bardeletti/PictureTank/MEN
orsque l’on parle de climat
scolaire, il est impossible de
dissocier ce concept de la
notion de bien‑être [1]. Concernant
le bien‑être à l’école, le Programme
international pour le suivi des acquis
des élèves (Pisa) consacre un volume
Dossier
complet au bien‑être des élèves [2]. chez ces enfants auront un impact globaux sur sa vie), la satisfaction à
Les travaux scientifiques [3] sou‑ direct sur leur santé. Cette enquête l’égard de domaines importants (par
lignent la nécessité de développer fait d’ailleurs du bien‑être une ques‑ exemple la satisfaction au travail),
les compétences cognitives, expres‑ tion prioritaire de santé publique [4]. les affects positifs (éprouver de nom‑
sives et sociales des élèves, et éga‑ breuses émotions agréables et peu
lement de favoriser leur bien‑être ; Le concept de bien‑être d’émotions désagréables) » et égale‑
ils reconnaissent là un enjeu fonda‑ Le concept de bien‑être est, selon ment, bien sûr, les affects négatifs.
mental pour les acteurs du monde Diener [5], composé des affects posi‑ À l’école, le bien‑être subjectif des
éducatif. Bien que la vocation ini‑ tifs ou négatifs que l’individu ressent élèves repose donc sur l’auto‑évalua‑
tiale de l’école soit la transmission en fonction de la situation vécue, tion qu’ils font de leur satisfaction
du savoir, la notion de bien‑être y et également d’une composante
LA SANTÉ EN ACTION – No 445 – Septembre 2018
RÉFÉRENCES
Dossier
BIBLIOGRAPHIQUES
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décembre 2015, nos 88‑89 : 220 p. En ligne : http:// Adolescents, no 7 : Inchley J et al. (éds.), 2016 : canadienne des sciences du comportement,
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LA SANTÉ EN ACTION – No 445 – Septembre 2018
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conomic differences in young people’s health and Boniwell I. Validation française de l’échelle multidi‑ https://www.cairn.info/revue‑enfance2‑2013‑
well‑being. HBSC study: International Report from mensionnelle Satisfaction de vie chez l’élève (Mul‑ 4‑p‑374.htm
LES AUTEURS DÉCLARENT N’AVOIR AUCUN LIEN NI CONFLIT D’INTÉRÊTS AU REGARD DU CONTENU DE CET ARTICLE.
Le lycée professionnel de Thiers se donne pour première finalité de développer chez l’enfant le
36 plaisir d’être à l’école et d’apprendre dans un climat de confiance.
« Notre objectif :
ne perdre aucun élève en route »
Entretien avec qui monte à 70 % pour les CAP. Ils ont « LES JEUNES VONT
Pascal Le Moing, été rejetés du système scolaire clas‑ EN COURS, S’ENGAGENT
proviseur du lycée professionnel sique, ont une attitude très négative DAVANTAGE DANS LA VIE
Germaine‑Tillion à Thiers
par rapport à l’école et ne se privent LYCÉENNE, ÉCHANGENT
(Puy de Dôme).
pas de le montrer. Lorsque je suis ar‑ MIEUX AVEC L’ÉQUIPE
rivé, de nombreux indicateurs étaient PÉDAGOGIQUE
au rouge : un très fort taux d’absen‑ ET LE PERSONNEL. »
téisme, de multiples incidents sco‑
La Santé en action : Quels constats laires – indiscipline, absence de tra‑
vous ont amené à proposer vail, violence – et un mauvais suivi de
des changements majeurs depuis cohorte : sur 30 élèves en première S. A. : Comment cette différence
votre arrivée il y a trois ans ? année, il en restait entre 12 et 15 se concrétise‑t‑elle ?
Pascal Le Moing : C’est un petit en terminale. P. L. M. : Nous avons instauré un
établissement de 310 élèves, de la accueil avec les familles, auxquelles
troisième prépa‑pro au bac pro, avec S. A. : Quel est le sens général nous tenons un discours de bien‑
une classe Ulis accueillant une di‑ de votre action ? veillance, sans morale, et nous leur
zaine de jeunes souffrant de troubles P. L. M. : L’idée, c’est d’arriver à expliquons comment nous allons faire
cognitifs et travailler différemment pour faire pour développer chez leur enfant le
une plateforme aimer l’école, d’innover pour per‑ plaisir d’être à l’école et d’apprendre
L’ESSENTIEL Insertion pour mettre de travailler sur l’estime de dans un climat de confiance. Nous
les plus de 16 ans soi et sur la confiance. Notre objec‑ avons supprimé les notes pour les
ÇÇ Le lycée professionnel déscolarisés, avec tif : ne perdre aucun élève en route, premières années, remplacées par
de Thiers s’attache à travailler des parcours que tous sortent avec un niveau de une évaluation des compétences
différemment pour faire aimer très particuliers. qualification. Notre effort porte sur par degrés de maîtrise. C’est un pre‑
l’école, à innover pour permettre Nous accueil‑ les primo‑arrivants, et nous nous mier message fort : « Tu n’es pas une
de travailler sur l’estime de soi. lons souvent des donnons une année pour recons‑ note. »
ÇÇ L’établissement a développé jeunes avec un truire un élève et inscrire les jeunes Nous avons innové concernant
l’accueil et le dialogue avec passé chaotique, dans un parcours de persévérance l’emploi du temps, en réduisant
les familles, supprimé les notes une scolarité scolaire. Lors de cette première l’amplitude des journées. Alors que
la première année et instauré compliquée, des année‑clé, nous veillons à ce qu’ils ces gamins n’aiment pas l’école, ils
le précepte : « Tu n’es pas problèmes fami‑ ne franchissent pas de ligne rouge, ont des horaires plus contraignants
une note. » Autres changements liaux qui peuvent notamment en matière de violence, qu’au lycée classique : de 8 heures à
majeurs : emploi du temps adapté, nécessiter des à laquelle nous réagissons tout de 18 heures ! Les cours ont été réduits
aide aux devoirs et cours
placements, ou suite. Au départ, cette manière de de 55 min à 45 min et les élèves
particuliers, réunion hebdomadaire
de l’équipe enseignante pour
des jeunes qui voir les choses, les jeunes n’y croient sortent désormais à 16 h 45. Cela leur
entretenir une vigilance se sont confron‑ pas. Ils sont démotivés par leur orien‑ laisse la possibilité de vivre en dehors
sur les élèves en difficulté, tés avec la loi. tation en lycée professionnel, dont de l’établissement et de faire des acti‑
nomination d’une enseignante Nous sommes ils retiennent une seule signification : vités, même s’il s’agit de jouer sur une
référente décrochage. dans une région si vous êtes là, c’est parce que vous console. Sur une semaine, les ensei‑
qui connaît des ne pouvez pas être en lycée général. gnants disposent donc de 3 heures où
problèmes éco‑ C’est une orientation subie, vécue ils ne font plus cours. Ils consacrent
nomiques ; nos élèves sont issus de plus souvent comme un échec que désormais 1 h 30 à de l’aide aux de‑
milieux défavorisés, 60 % sont bour‑ comme une finalité. Aussi, il faut que voirs ou à des cours particuliers ; le
siers. La moitié d’entre eux n’a pas le la différence de notre projet éducatif reste du temps est dévolu à une réu‑
brevet des collèges, une proportion soit très visible pour eux. nion hebdomadaire que j’ai instaurée
37
de cours sont repensés et moderni‑
sés pour les rendre accueillants et
inciter au respect. L’établissement
dispose même d’une salle de détente
et d’activités physiques, qui est aussi
disponible pour le personnel à cer‑
tains horaires.
Dossier
travail qui ont permis de construire nales peuvent faire leur stage pro‑ P. L. M. : Il y a des points positifs.
ce projet dans ses différentes com‑ fessionnel de dernière année en Fin‑ Les jeunes vont en cours, s’engagent
posantes. Notre projet a été lauréat lande. Et nous avons conclu d’autres davantage dans la vie lycéenne,
de la Cellule académique recherche partenariats avec des établissements échangent mieux avec l’équipe péda‑
et développement pour l’innovation de Lituanie et de Croatie. Être dans gogique et le personnel. Un climat
et l’expérimentation (Cardie) et un un lycée international, cela renforce de confiance et de convivialité s’est
film sur la Persévérance et Réussite l’estime de soi. Faire un stage d’un instauré et l’ambiance dans l’établis‑
scolaire a été réalisé au sein du lycée mois en Finlande, c’est très signifiant sement me paraît plus sereine. Nous
Germaine‑Tillion. Depuis la rentrée pour des gamins qui ne sont jamais constatons moins de décrochages.
2017‑2018, nous sommes un lieu sortis de Thiers : première fois à Pa‑ Nous avons nommé une enseignante
d’éducation associé (Léa) créé par ris, première fois en avion, première référente décrochage, qui suit ceux
LA SANTÉ EN ACTION – No 445 – Septembre 2018
l’Institut français de l’éducation de fois à l’étranger. C’est un voyage qui qui rencontrent des difficultés par‑
l’école normale supérieure de Lyon et développe l’autonomie. Faire une ticulières et qui fait le lien avec les
nous travaillons avec deux chercheurs, école différente, c’est aussi proposer professeurs pour enrayer le processus.
maîtres de conférences à l’université des activités extérieures, de pleine Néanmoins, il faut reconnaître que,
Jean‑Monnet de Saint‑Etienne. Nous nature, pour créer du lien et de la globalement, l’implication des élèves
sommes partis pour trois ans d’expé‑ solidarité entre les élèves, les ensei‑ dans le travail scolaire et les appren‑
rimentation sur « la reconstruction de gnants, les surveillants, le personnel tissages ne se fait que lentement. Il
l’élève pour lui donner motivation et de la cantine, etc. Nous faisons une faut dire que nous partons de loin,
ambition ». Tous les élèves entrants sortie tous les deux mois avec ski de tant ces jeunes ont été déconsidérés
remplissent des questionnaires sur fond, course d’orientation, randon‑ tout au long de leur parcours.
l’estime de soi, la confiance, la moti‑ née. La rénovation des locaux est
vation. Les évaluations donneront lieu aussi importante pour revaloriser Propos recueillis par Nathalie Quéruel,
à diverses publications. les élèves. Les couloirs et les salles journaliste.
LA PERSONNE INTERVIEWÉE DÉCLARE N’AVOIR AUCUN LIEN NI CONFLIT D’INTÉRÊTS AU REGARD DU CONTENU DE CET ARTICLE.
38
La question de la promotion de la santé scolaire a fait l’objet d’un numéro spécial dans
La Santé en action en 2014 (no 427 : http://inpes.santepubliquefrance.fr/SLH/pdf/
sante‑action‑427.pdf). Certains articles soulignaient alors les liens entre climat sco‑
laire et promotion de la santé ; le présent dossier y fait particulièrement écho. Sous
l’angle de l’interaction entre climat scolaire et promotion de la santé, nous proposons
ici une bibliographie organisée en trois volets : une présentation des dispositifs légis‑
latifs, stratégiques, et des principales sources de données sur le sujet ; des références
issues des sciences de l’éducation et de la promotion de la santé, liées au bien être, à
la promotion de la santé et au climat scolaire ; quelques ressources utiles.
Pour en savoir plus
Dossier
• Garcia C., Veltcheff C. Oser le bien‑être au collège. • Les écoles promotrices de santé : quelles stratégies de
Brignais : Le Coudrier, coll. Partage d’expériences, 2016 : 173 p. développement ? [communications orales]. Les Journées de
la prévention, Paris, 9 avril 2010, 2010 : 46 p. En ligne : http://
• Cuisinier F. Émotions et apprentissages scolaires : inpes.santepubliquefrance.fr/jp/cr/pdf/2010/Session‑6.pdf
quelles pistes pour la formation des enseignants ?
Recherche et Formation, 2016, vol. 1, no 81 : p. 9‑21.
OUTILS ET RESSOURCES
• Ministère de l’Éducation nationale. Climat scolaire
et bien‑être à l’école. Éducation & Formations, numéro • Cycle de courts métrages sur l’importance du vivre
thématique, nos 88‑89, décembre 2015 : 228 p. En ligne : http:// ensemble au collège. Film no 1 : Exprimer ses émotions ;
cache.media.education.gouv.fr/file/revue_88‑89/73/2/ film no 2 : Verbaliser ses conceptions en santé ; film
LA SANTÉ EN ACTION – No 445 – Septembre 2018
L’AUTEURE DECLARE N’AVOIR AUCUN LIEN NI CONFLIT D’INTERETS AU REGARD DU CONTENU DE CET ARTICLE.
40
© ADSF/Erwan Balanant&Eloise Bouton (exposition A la rencontre des femmes oubliées)
Les conditions de vie et de travail sont les principaux déterminants de la santé dégradée chez les
femmes en situation de précarité. 41
tus du myocarde, les femmes arrivent bien‑être. Elles deviennent alors partie
aux urgences en moyenne une heure prenante de leur prise en charge.
plus tard que les hommes, du fait de RÉFÉRENCE
la méconnaissance des symptômes S. A. : Que proposez‑vous BIBLIOGRAPHIQUE
spécifiques des femmes (suées, nausées, pour mieux prendre en compte
difficultés respiratoires, migraine très la question du genre – et donc
forte, etc.). La douleur dans la poitrine des femmes – dans les politiques
et le bras, caractéristique pour les publiques de lutte contre [1] Couraud G., Lazimi G. La Santé et l’accès aux
hommes, est absente dans la moitié les inégalités ? soins : une urgence pour les femmes en situation de
des cas chez les femmes. G. C. : Il s’agit par exemple de mettre précarité [Rapport]. Paris : Haut Conseil à l’égalité
en place des indicateurs sexués de suivi entre les femmes et les hommes, 27 mai 2017 : 120 p.
S. A. : Quelles recommandations dans les diagnostics et dans l’évaluation En ligne : http://www.ladocumentationfrancaise.fr/
du Haut Conseil à l’égalité des actions, pour le suivi des contrats var/storage/rapports‑publics/174000550.pdf
aux pouvoirs publics de ville et de ruralité. Lorsqu’une asso‑ [2] Royer B., Gusto G., Vol S., Arondel D., Tichet J.,
vous semblent prioritaires ? ciation dépose un dossier de demande Lantieri O. Situations de précarité, santé perçue et
G. C. : Il me paraît essentiel que la de financement, il faudrait examiner troubles anxiodépressifs : une étude dans 12 centres
santé des femmes devienne un vrai ce qu’elle propose d’accomplir en faveur d’examens de santé. Pratiques et Organisation des
sujet de recherche scientifique et que des femmes. Il serait pertinent de Soins, 2010, vol. 41, n°4 : p. 313-321.
LA PERSONNE INTERVIEWÉE DÉCLARE N’AVOIR AUCUN LIEN NI CONFLIT D’INTÉRÊTS AU REGARD DU CONTENU DE CET ARTICLE.
43
ASSOCIATION
POUR LE
DÉVELOPPEMENT
DE LA SANTÉ
DES FEMMES :
L
e Haut Conseil à l’égalité entre les d’actes sexistes, les chiffres attestent d’un les actes sexistes sont largement ignorés :
femmes et les hommes a remis, le phénomène relativement répandu dans le les droits et les procédures de signalement
29 juin 2018, à Marlène Schiappa, suivi gynécologique et obstétrical des femmes : sont méconnus des patientes et les procédures
secrétaire d’État auprès du Premier ministre, • un accouchement sur cinq donne lieu à disciplinaires, inadaptées.
chargée de l’égalité entre les femmes et les une épisiotomie : une femme sur deux sur Pour faire du suivi gynécologique et obsté‑
hommes, son rapport intitulé « Les actes laquelle une épisiotomie a été réalisée déplore trical des femmes un parcours qui n’entrave
sexistes durant le suivi gynécologique et un manque ou l’absence totale d’explication ni leurs droits, ni leur autonomie, le Haut
obstétrical. Des remarques aux violences, la sur le motif de l’épisiotomie ; Conseil à l’égalité formule dans son rapport
nécessité de reconnaître, prévenir et condam‑ • Les taux d’épisiotomie – toutes grossesses 26 recommandations, articulées autour de
ner le sexisme »[1]. Le Haut Conseil à l’éga- confondues – sont très variables d’une mater‑ trois axes :
lité présente comme suit son rapport ainsi nité à l’autre : de 0,3 % (dans telle maternité • reconnaître les faits, c’est‑à‑dire l’existence
que le contexte dans lequel il a été rendu de type 3 – accueillant les grossesses patho‑ et l’ampleur des actes sexistes dans le suivi
public : logiques et à grands risques) à 45 % (dans gynécologique et obstétrical ;
« Dans les 24 heures qui ont suivi le lance‑ telle maternité de type 1 – accueillant des • prévenir les actes sexistes, via la formation
ment sur Twitter du hashtag #PayeTonUtérus grossesses normales ou à bas risque) ; des professionnel.le.s de santé, l’inscription
en novembre 2014, plus de 7 000 femmes • 6 % des femmes se déclarent « pas du de l’interdiction des actes sexistes dans le
ont dénoncé des propos porteurs d’injonction tout » ou « plutôt pas » satisfaites du suivi Code de déontologie médicale, et la mise en
sur leur poids ou leur sexualité, sur leur de leur grossesse ou de leur accouchement, œuvre des recommandations de bonnes
volonté ou non d’avoir un enfant, des examens ce qui représente environ 50 000 femmes pratiques existantes ;
vaginaux brutaux ou des actes pratiqués sans pour l’année 2016 ; • faciliter les procédures de signalement et
leur consentement, jusqu’à des violences • 3,4 % des plaintes déposées auprès des condamner sans détour les pratiques sanc‑
sexuelles. Depuis, les prises de parole de instances disciplinaires de l’Ordre des méde‑ tionnées par la loi, via l’information des
femmes se multiplient concernant les vio‑ cins, en 2016, concernent des agressions femmes sur leurs droits, l’implication des
lences gynécologiques et obstétricales, terme sexuelles et des viols commis par des ordres professionnels et la formation des
mobilisé depuis près d’une vingtaine d’années médecins. personnels en contact avec les femmes. »
en Amérique latine et dans le monde Ces prises en charge inadaptées peuvent
anglo‑saxon, pour désigner les actes sexistes s’expliquer par :
les plus graves commis lors du suivi gynéco‑ • la multiplicité d’occasions en comparaison Source : Haut Conseil à l’égalité (HCE), Actualités,
logique et obstétrical. avec d’autres suivis médicaux (une femme [communiqué de presse], 29 juin 2018. En ligne :
http://www.haut‑conseil‑egalite.gouv.fr/
Les actes sexistes durant le suivi gynécologique aura en moyenne 50 consultations gynéco‑ sante‑droits‑sexuels‑et‑reproductifs/actualites/article/
et obstétrical sont des gestes, propos, pra‑ logiques et obstétricales au cours de sa vie) ; actes‑sexistes‑durant‑le‑suivi‑gynecologique‑et‑
obstetrical‑reconnaitre‑et
tiques et comportements exercés ou omis • l’insuffisante prise en compte du caractère
par un.e ou plusieurs membres du personnel particulièrement intime de ces consultations ;
soignant sur une patiente au cours du suivi • le sexisme encore très prégnant dans le
gynécologique et obstétrical et qui s’inscrivent secteur médical : 86 % des internes en
dans l’histoire de la médecine gynécologique médecine (95 % des femmes et 68 % des RÉFÉRENCE
et obstétricale, traversée par la volonté de hommes) déclarent avoir été exposé.e.s à du BIBLIOGRAPHIQUE
contrôler le corps des femmes (sexualité et sexisme ;
capacité à enfanter). Ils peuvent prendre des • l’histoire de la gynécologie médicale,
formes très diverses, des plus anodines en marquée, à l’origine de la spécialité, par la
apparence aux plus graves, et sont le fait de volonté de contrôler le corps des [1] Haut Conseil à l’égalité (HCE). Les actes sexistes
soignant.e.s – de toutes spécialités – femmes femmes (sexualité et capacité à enfanter) ; durant le suivi gynécologique et obstétrical. Des
et hommes, qui n’ont pas nécessairement • le manque de moyens humains et financiers remarques aux violences, la nécessité de reconnaître,
l’intention d’être maltraitant.e.s. alloués au secteur de la santé, et en parti‑ prévenir et condamner le sexisme. [Rapport
Bien que, à l’évidence, tou.te.s les profes‑ culier dans les maternités. n°2018‑06‑26‑SAN‑034], 26 juin 2018 : 172 p.
sionnel.le.s de santé ne soient pas auteurs Or, en dépit d’une assez forte prévalence, En ligne : https://bit.ly/2MvJtAy
Au RAP 31, les sciences humaines sont au service des médecins et des personnels sociaux pour
aider des adolescents en perdition à se (re)construire. 45
quatre Équivalents temps plein (ETP) : sur les cas les plus compliqués, car synthèse clinique à partir de l’histoire
une secrétaire, une assistante, un coor‑ nous ne pouvons suivre tous les ado‑ familiale, éducative, médicale qui
dinateur, une éducatrice détachée de la lescents difficiles du département. place l’adolescent au centre, comme
PJJ, un éducateur ethnoclinicien, deux Ensuite, l’éducateur de l’équipe effectue sujet. Cette lecture clinique, élaborée
psychiatres et moi‑même. Toutes ces un travail de recherche approfon‑ avec toutes les personnes présentes,
personnes ont une longue expérience die sur le parcours du jeune, de sa donne à chacun la possibilité d’envi‑
dans leur domaine. petite enfance jusqu’à la situation de sager sa place dans le partenariat à
blocage actuelle. Il entre en contact construire ensemble et d’organiser
S. A. : Quelle est la mission avec ses anciens instituteurs, le géné‑ ainsi une synchronie dans la future
du RAP 31 ? raliste, le pédiatre de la protection prise en charge. Comment intégrer
F. S.‑D. : C’est un réseau pluridisci‑ maternelle infantile (PMI)… tous les un suivi psychiatrique s’il s’avère
plinaire pour prendre en charge les acteurs qui l’ont pris en charge à un nécessaire ? Comment aider le jeune
jeunes en rupture. En d’autres termes, moment donné. Cette reconstitution dans son lieu de vie, qu’il habite chez
46
dans une pathologie mentale lourde,
nécessitant des hospitalisations récur‑
rentes ou prolongées. Pour les filles,
le bilan est plus mitigé : 42 % sont
devenues mère à l’âge de 19‑20 ans,
alors que la moyenne française est de
29 ans pour le premier enfant. Pour
celles‑ci, la maternité a été la porte
de sortie d’une adolescence chaotique,
un moyen d’autonomisation grâce à
l’aide financière accordée pendant
© Gilles Coulon/Tendance Floue
Pratiques professionnelles
Halima Zeroug‑Vial, à l’enfance de ces sujets, heurtés dès vulnérabilités et sociétés Orspere
psychiatre, directrice de leur plus jeune âge à un chaos affectif, Samdarra et le centre Max‑Weber,
l’Orspere Samdarra, centre hospitalier marqué par la carence, la violence et la en lien avec le centre hospitalier
Le Vinatier (Lyon).
maltraitance, à l’origine de placements Le Vinatier (Lyon) et l’université
itératifs en familles d’accueil et en Lumière – Lyon 2, ont mené
C
institutions. Cette insécurité du lien une enquête sur la prise en charge
des adolescents en grande difficulté.
e que nous qualifions de jeunes primaire met à mal leur construction
Ils plaident pour une prise en charge
en « grande difficulté » recouvre identitaire et produit des sujets en
territorialisée et pluridisciplinaire.
une grande diversité de situa‑ quête de destructivité. Cette instabilité
tions et de dénominations : « jeunes émotionnelle première condamne soit
vulnérables », « en errance », « en dan‑ à la dépendance, soit au sentiment
ger », « précaires », « déviants », « inca‑ d’abandon. Les liens sont ressentis
sables », « jeunes en rupture » et/ou trop forts ou trop distants, à l’image
« en souffrance », « en risque de mar‑ des hyperinvestissements et des rejets professionnelles ; la difficile coordina‑
ginalisation » ou, plus récemment, qu’ils suscitent. tion interinstitutionnelle. Le terme de
« radicalisés ». Toutes sont traversées De la même façon qu’on ne sait trop « mésinscription adolescente », forgé
par une même préoccupation : comment quelles sont les institutions les plus par le psychanalyste Alain‑Noël Henri,
prendre en charge des adolescents à même de recueillir ces adolescents rend compte de la difficulté pour un
« sans solution de prise en charge » ? « patate chaude », on ne sait pas non individu à identifier sa « place » dans
Comment les accompagner dans la plus les nommer et les classifier de une famille, un foyer, un réseau d’aide,
durée, alors qu’ils sont « trimballés » manière cohérente et uniforme. Les un espace public, une communauté.
entre les institutions scolaires, du travail acteurs de la psychiatrie n’ont de Elle renvoie à une impossibilité d’entrer
social, de l’insertion et du médico‑social, cesse d’éprouver des difficultés pour dans une trajectoire de perfectibilité,
de la justice pour mineurs ou de la dénommer et circonscrire ces troubles. d’autonomie, de réussite. L’expérience
pédopsychiatrie ? Les « classifications psy » sont insatis‑ de la mésinscription adolescente
Historiquement, la notion d’ado‑ faisantes en ce sens qu’elles tendent en transforme les manières de mettre
lescent « difficile » apparaît dans les même temps à inclure ces jeunes dans en œuvre l’action publique en direction
années 1960. Ces adolescents difficiles le champ professionnel (le « psychiste » des jeunes en grande difficulté. On
engendrent dans un premier temps chez peut être amené à parler de ces jeunes, s’attache dorénavant moins à définir
les équipes soignantes, pédagogiques à les rencontrer dans le cadre d’une la notion – et l’âge de début et de fin,
et judiciaires un hyperinvestissement, expertise, à les prendre en charge la durée – d’adolescence, qu’à insister
suivi de rejets et de ruptures. Désco‑ sur le plan psychothérapeutique) et à sur les multiples épreuves d’une phase
LA SANTÉ EN ACTION – No 445 – Septembre 2018
larisés, rejetés de leur famille, en voie les exclure, dans la mesure où ils ne de la vie caractérisée par un parcours
de marginalisation, ils mettent à mal s’inscrivent pas au centre clinique de semé d’embûches. Les prises en charge
les services de protection de l’enfance la psychiatrie, à savoir la psychose. et leurs spécificités sont ainsi définies
et de pédopsychiatrie par l’intensité au nom des problèmes (sanitaires,
et la répétition de leurs troubles du Dynamiques individuelles sociaux, éducatifs, judiciaires) ren‑
comportement, mettant ainsi en échec de construction de soi contrés à l’âge adolescent : toxicoma‑
toute forme de projet de vie. Les adolescents « difficiles » rendent nie, conduites à risque, délinquance,
compte d’une expérience publique et troubles du comportement, rupture
Insécurité du lien primaire collective problématique, caractérisée scolaire, insertion professionnelle
La psychopathologie appréhende par l’enchevêtrement de trois types impossible, etc. Parler d’« adolescents
l’adolescent « difficile » de la manière sui‑ d’épreuves, indissociables les unes en difficulté » plutôt que d’« adoles‑
vante : les troubles, bien qu’empruntant des autres : la mésinscription adoles‑ cence difficile », c’est déjà une façon de
une symptomatologie comportementale cente ; l’ébranlement des identités centrer le regard sur les dynamiques
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Prise en charge territorialisée
et pluridisciplinaire
La réponse à ces questions n’est
plus inscrite dans le marbre des mis‑
sions de l’institution d’où provient le
professionnel, mais elle se construit
dans l’attention qui est donnée à la
trajectoire de la personne qui traverse
plusieurs institutions, à l’encontre
des découpages sectoriels antérieurs,
mais toujours existants. L’extension
des dispositifs de prise en charge
territorialisés, pluridisciplinaires
et interinstitutionnels mettant en
réseau les différents professionnels
concernés est le pendant d’une prise
en charge singularisée, centrée sur
© Denis Bourges/Tendance Floue
LES AUTEURS DECLARENT N’AVOIR AUCUN LIEN NI CONFLIT D’INTÉRÊTS AU REGARD DU CONTENU DE CET ARTICLE.
Études sur la consommation d’alcool pendant la grossesse et sur ses conséquences.
49
À
cas de SAF et d’autres conséquences de pendant la grossesse. Le message est
l’occasion de la Journée mondiale l’alcoolisation fœtale dans les séjours pédagogique, transparent et accessible :
Constat et recommandations
de sensibilisation au syndrome hospitaliers des enfants durant leur « Parce qu’aujourd’hui personne ne
d’alcoolisation fœtale (SAF) qui premier mois de vie au niveau national peut affirmer qu’un seul verre soit sans
s’est tenue le 9 septembre 2018, Santé et régional. risque pour le bébé : par précaution,
publique France : Ainsi, en France, entre 2006 et 2013, zéro alcool pendant la grossesse ». Elle
• publie pour la première fois une esti‑ 3 207 nouveau‑nés – soit une nais‑ est déployée dans les titres de la presse
mation nationale des troubles causés sance par jour – ont présenté au moins féminine, parentale, people et dans
par l’alcoolisation fœtale diagnostiqués une conséquence liée à l’alcoolisation les quotidiens gratuits en métropole,
chez les nouveau‑nés ; fœtale ; et pour 452 d’entre eux – soit et en affichage dans les départements
• présente les résultats du Baromètre une naissance par semaine – un syn‑ d’outre‑mer (DOM).
santé 2017 sur la consommation d’alcool drome d’alcoolisation fœtale (SAF). Pour les régions ultramarines, Santé
pendant la grossesse ; Ces chiffres sont sous‑estimés, publique France renforce la campagne
• déploie, à partir du 9 septembre et compte tenu de la difficulté de dia‑ média en proposant aux radios locales
durant un mois, une campagne natio‑ gnostiquer ces troubles en période des chroniques prêtes à être diffusées.
nale d’information dans la presse et néonatale, et ils n’incluent pas les Le volet digital complète ce dis‑
sur le web, à la fois auprès du grand diagnostics posés ultérieurement. positif avec un temps fort lors de la
public et auprès des professionnels de Cependant, ils permettent de mieux journée du 9 septembre et un fil rouge
santé : toute consommation d’alcool caractériser le fardeau que représente sur tout le mois. Trois influenceurs
pendant la grossesse est susceptible l’alcoolisation fœtale. du web apporteront, à travers des
de présenter un risque, imposant le Selon les données du Baromètre vidéos, une illustration concrète de
principe de précaution « zéro alcool santé 2017 publiées par Santé publique l’abstinence pendant la grossesse et
pendant la grossesse ». Cette campagne France, la consommation d’alcool pen‑ proposeront des stratégies d’évitement
LA SANTÉ EN ACTION – No 445 – Septembre 2018
est déclinée dans les départements dant la grossesse n’est pas rare en à utiliser.
d’outre‑mer (DOM). France. En effet, parmi les femmes Le relais est porté par les profes‑
Boire de l’alcool pendant la gros‑ interrogées, enceintes au moment de sionnels de santé, car ils sont des
sesse est toxique pour le fœtus et peut l’enquête ou mères d’un enfant de cinq acteurs majeurs pour informer les
entraîner diverses complications (retard ans ou moins : femmes enceintes et leur entourage
de croissance, atteintes du système • environ une sur dix a déclaré avoir des dangers liés à l’alcool, et pour
nerveux central, malformations…) ; le consommé de l’alcool occasionnellement insister sur la recommandation « zéro
syndrome d’alcoolisation fœtale (SAF) pendant sa grossesse ; alcool pendant la grossesse ». Pour les
en est la forme la plus grave. La • près de six femmes sur dix ont déclaré accompagner dans leur pratique, des
consommation d’alcool pendant la avoir été informées des risques de la outils informatifs (affiches et dépliants)
grossesse représente la première cause consommation d’alcool par le médecin sont mis à la disposition du public dans
de handicap mental non génétique et ou par la sage‑femme les suivant ou les salles d’attente des professionnels
d’inadaptation sociale de l’enfant en les ayant suivies. de santé.
50
Les femmes ayant des questions
concernant la consommation d’alcool BAROMÈTRE SANTÉ 2017 : RÉSULTATS
au cours de leur grossesse peuvent CONCERNANT LA CONSOMMATION D’ALCOOL
se tourner vers le dispositif d’aide à PENDANT LA GROSSESSE
distance Alcool Info Service (Tél. :
0 980 980 930 ; Internet : http://www.
alcool‑info‑service.fr). L’étude Baromètre santé 2017. Consomma- systématiquement la question des consom‑
tions d’alcool et de tabac durant la grossesse mations d’alcool et de tabac avec leurs
souligne que les consommations d’alcool et patientes enceintes.
Source : communiqué de presse de Santé publique de tabac pendant la grossesse ne sont pas Le pictogramme rappelant les dangers de
France. En ligne : https://www.santepubliquefrance. des comportements rares, même s’ils sont la consommation d’alcool pendant la gros‑
fr/Accueil‑Presse/Tous‑les‑communiques/Journee‑
minoritaires en France. Qu’il s’agisse d’une sesse et figurant sur les bouteilles de bois‑
mondiale‑du‑SAF‑premieres‑estimations‑national
es‑des‑troubles‑causes‑par‑la‑consommation‑ estimation rétrospective sur la dernière gros‑ sons alcoolisées était connu par 62 % des
d‑alcool‑et‑une‑campagne‑nationale sesse parmi les mères d’enfants de cinq ans 18‑75 ans (femmes et hommes). Cette
ou moins, ou d’une estimation au sein des proportion semblait en hausse par rapport
femmes enceintes au moment de l’enquête, à 2015 (54 %), après une baisse entre 2007
Pour en savoir plus la consommation – ne serait‑ce qu’occasion‑ et 2015 (de 62 % à 54 %), même si les
• Andler R., Cogordan C., Richard J.‑B., nelle – d’alcool pendant la grossesse était différences dans les méthodes d’enquête
Demiguel V., Regnault N., Guignard R. et al.
déclarée par environ une femme sur dix en invitent à une certaine prudence dans les
Baromètre santé 2017. Consommations d’alcool
2017. Cette proportion reste importante comparaisons. Parmi les femmes enceintes
et de tabac durant la grossesse. Saint-Maurice :
Santé publique France, 2018 : 10 p. En puisqu’elle pourrait avoir eu un impact sur et les mères d’enfants de cinq ans ou moins
ligne : http://inpes.santepubliquefrance.fr/ plusieurs milliers de naissances. Elle appa‑ ayant consommé de l’alcool au cours des
CFESBases/catalogue/pdf/1859.pdf raît moins élevée que les dernières estimations douze mois précédant l’enquête, la notoriété
• Laporal S., Demiguel V., Cogordan C., faites en 2010 : 23 %, selon les résultats du pictogramme s’élevait à 87 %. Les travaux
Barry Y., Guseva Canu I., Goulet V. de l’Enquête nationale périnatale, et 32 % visant à augmenter la taille de ce picto‑
et al. Surveillance des troubles causés par selon ceux de l’enquête Baromètre gramme, annoncés dans le cadre du Plan
l’alcoolisation fœtale : analyse des données santé 2010, dont la méthodologie est com‑ priorité prévention du gouvernement, de‑
du programme de médicalisation des parable à celle utilisée en 2017. Cette dimi‑ vraient permettre d’améliorer sa visibilité et
systèmes d’information en France entre nution pourrait traduire une évolution des son impact.
2006 et 2013 [Synthèse]. Saint‑Maurice :
comportements des femmes enceintes en
Santé publique France, 2018 : 16 p. En
ligne : http://invs.santepubliquefrance.fr/
lien avec les actions de prévention réalisées Limites
depuis 2010. Il est cependant possible que Les auteurs de l’étude soulignent que
Publications‑et‑outils/Rapports‑et‑syntheses/
Maladies‑chroniques‑et‑traumatismes/ les actions de communication, renforcées l’ensemble des données sur lesquelles
2018/Surveillance‑des‑troubles‑causes‑ depuis 2015 sur le sujet, aient également s’appuient leurs analyses proviennent d’une
par‑l‑alcoolisation‑foetale‑analyse‑des‑ rendu plus difficile le fait d’admettre sa enquête déclarative qui traite de sujets
donnees‑du‑programme‑de‑medicalisation‑ consommation d’alcool, renforçant le bais potentiellement sensibles ; il est donc
des‑systemes‑d‑information‑en‑France‑ de désirabilité sociale et entraînant une plus raisonnable d’envisager l’existence de biais
entre‑2006‑et‑2013 grande sous‑déclaration de la consommation de désirabilité sociale dans les réponses.
d’alcool pendant la grossesse […] Les estimations provenant d’études se
Ces résultats [également concernant le tabac, fondant sur des données biologiques sug‑
NDLR] rappellent l’importance de la préven‑ gèrent des proportions bien plus élevées
tion des consommations de substances de consommation d’alcool pendant la gros‑
psychoactives pendant la grossesse. Notam‑ sesse avec un écart important entre les
ment, les pratiques préventives des médecins données déclaratives et biologiques, tandis
et sages‑femmes pourraient être renforcées. que les différences seraient non significa‑
En effet, environ quatre femmes enceintes tives concernant la consommation de ta‑
ou mères de jeunes enfants sur dix ont déclaré bac […]. Enfin, étant donné le faible nombre
ne pas avoir été informées des risques de la de femmes enceintes dans l’échantillon,
RÉFÉRENCE consommation d’alcool et de tabac par le les estimations au sein de ce groupe, pré‑
BIBLIOGRAPHIQUE médecin ou la sage‑femme les suivant ou sentées dans ce document, ont valeur
les ayant suivies durant leur grossesse. […] d’ordre de grandeur.
Ces données sont cohérentes avec celles
d’autres enquêtes récentes : l’Enquête natio‑
[1] Haute Autorité de santé (HAS). Troubles causés nale périnatale 2016 a également révélé
par l’alcoolisation fœtale : repérage [Rapport d’éla‑ qu’un nombre conséquent de femmes
boration]. Saint‑Denis‑La Plaine : HAS, 2013 : 44 p. n’avaient pas été interrogées sur leurs consom‑
En ligne : https://www.has‑sante.fr/portail/upload/ mations d’alcool et de tabac pendant le suivi
docs/application/pdf/2014‑03/troubles_causes_ de grossesse. Une étude réalisée en 2015
par_lalcoolisation_foetale_reperage‑_rapport_ auprès des médecins généralistes français
delaboration.pdf montrait que les médecins n’abordaient pas
LES AUTEURS DECLARENT N’AVOIR AUCUN LIEN NI CONFLIT D’INTÉRÊTS AU REGARD DU CONTENU DE CET ARTICLE.
Dessine‑moi un parent. Stratégie nationale de soutien à la parentalité 2018‑2022
En juin 2018, le ministère des Solidarités et de la Santé a lancé sa stratégie nationale de
51
soutien à la parentalité. Cette stratégie intervient dans une volonté de réinterroger les
dispositifs de pilotage des différentes instances de soutien à la parentalité (tels que les
points info famille ou les contrats locaux d’accompagnement à la scolarité). Les orientations
présentées dans ce rapport s’organisent autour de plusieurs axes : l’accompagnement des
familles, les possibilités de relais parental et de répit en famille, l’amélioration des liens
entre famille et école, la prévention des conflits, les enjeux du soutien par les pairs. Le
contexte et les enjeux de chaque orientation sont définis, enrichis d’exemples d’actions
menées et des conditions de leur réussite, ainsi que des perspectives de travail pour les
parties prenantes.
Laetitia Haroutunian
Ministère des Solidarités et de la Santé. Dessine‑moi un parent. Stratégie nationale de soutien à la parentalité
2018‑2022. Paris : ministère des Solidarités et de la Santé, 2018 : 63 p. En ligne : http://solidarites‑sante.gouv.fr/
IMG/pdf/180702_‑_dp_‑_strategie_nationale_2018‑2022vf.pdf
Autres lectures
Rubrique préparée par Laetitia Haroutunian et Sandie Boya
Chutes et facteurs associés chez les aînés québécois les différentes régions. Enfin, l’ouvrage analyse les modalités
vivant à domicile d’interventions, leurs « espaces de rencontre » et leurs acteurs,
dont ils soulignent la pluridisciplinarité.
L’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ) présente
une analyse des facteurs de risque pouvant être associés aux Elian Djaoui, Françoise Corvazier. Préface de Pierre Suesser. L’Institution
PMI. Entre clinique du sujet et politique publique. Rennes : Presses de
chutes chez les seniors québécois vivant à domicile, à partir
l’EHESP, 2018 : 210 p., 26 €.
de l’enquête Vieillissement en santé par Statistique Canada
en 2008‑2009. La coûteuse inégalité des soins. Soigner mieux, soigner
Institut national de santé publique du Québec (INSPQ). Chutes et facteurs moins cher
associés chez les aînés québécois vivant à domicile. Québec : INSPQ,
mars 2018 : 25 p. En ligne : https://www.inspq.qc.ca/sites/default/files/
Cet ouvrage, écrit par un médecin économiste et un éco‑
publications/2347_chutes_aines_quebecois_domicile.pdf nomiste de la santé, souligne les inégalités de soins sur le
territoire national, sur le plan de l’accès et celui de la qualité.
Dossier : Des interprètes pour mieux soigner Comment, dès lors, résoudre cette situation inégalitaire ? Pour y
Ce dossier, paru dans la revue L’Autre, regroupe des contribu‑ répondre, les auteurs présentent 20 études de cas et analysent
tions issues du colloque des 8 et 9 décembre 2016, intitulé « comment interagissent [...] des forces économiques, mais
« L’interprétariat en santé : traduire et passer les frontières », aussi sociologiques, éthiques, ethnologiques et politiques »,
organisé à l’université de Bordeaux. Ces interventions abordent et ils proposent des pistes de solutions.
la question des rôles de l’interprète et du personnel soignant Roland Cash, Jean de Kervasdoué. La coûteuse inégalité des soins. Soigner
dans les situations de prise en charge des usagers ; elles mieux, soigner moins cher. Paris : Economica, 2018 : 172 p., 19 €.
présentent également une expérience de médiation dans le L’efficacité des mises en garde sur les contenants
Lectures
Notre sélection
domaine des services sociaux et de santé.
de boissons sucrées en promotion de la saine alimentation
Claire Mestre, Laurence Kotobi (coord.) Dossier : Des interprètes pour mieux
soigner. L’Autre, 2017, vol. 18, no 3 : p. 270‑315. L’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ) pro‑
pose une synthèse d’évaluation de l’efficacité des messages
Relation de soin et handicap. Pour une approche de mise en garde, présents sur les contenants de boissons
humaine et éthique de situations complexes sucrées. Les auteurs ne disposant que de peu de littérature
scientifique sur les emballages de boissons, la synthèse a été
Destiné aux étudiants des filières paramédicales, aux forma‑
réalisée à partir de littérature évaluative internationale sur les
teurs et aux soignants, cet ouvrage aborde la question de la
contenants de boissons alcoolisées et de tabac. Les résultats
complexité des échanges humains dans la relation de soin et
indiquent plusieurs effets positifs, dont une diminution de l’attrait
le handicap. Au‑delà du modèle purement médical, l’auteur
pour ces produits et une modification des comportements des
s’interroge sur la démarche éthique dès lors que le profession‑
individus, une acceptabilité sociale forte, une diminution de
nel souhaite améliorer l’accompagnement au quotidien de la
la banalisation de leur consommation.
LA SANTÉ EN ACTION – No 445 – Septembre 2018
personne handicapée.
Institut national de santé publique du Québec (INSPQ). L’efficacité des mises
Patrick Sureau. Relation de soin et handicap. Pour une approche en garde sur les contenants de boissons sucrées en promotion de la saine
humaine et éthique de situations complexes. Paris : Seli Arslan, 2018 : alimentation. Synthèse de connaissances. Québec : INSPQ, 2018 : 86 p.
144 p., 20 €. En ligne : https://www.inspq.qc.ca/sites/default/files/publications/2386_effi‑
cacite_mises_garde_contenants_boissons_sucrees.pdf
L’Institution PMI. Entre clinique du sujet et politique
publique Politiques sociales et de santé. Comprendre pour agir.
Cet ouvrage propose une nouvelle lecture de l’institution pro‑ 3e édition
tection maternelle et infantile (PMI). Les auteurs – dont un La troisième édition de cet ouvrage propose une mise à jour
médecin et un psychosociologue – retracent d’abord la genèse concernant les politiques sociales en France selon deux axes :
de cette structure, née dans un contexte de lutte contre la celui des interventions des pouvoirs publics et celui des profes‑
mortalité infantile et qui a peu à peu évolué vers des questions sionnels de l’action sanitaire et sociale. [Source : EHESP. https://
sociétales liées à la recherche du bien‑être de l’enfant et de www.presses.ehesp.fr/produit/politiques‑sociales‑et‑de‑sante/]
la mère. Ils présentent ensuite une analyse des instances de Yvette Rose Rayssiguier, Gilles Huteau. Politiques sociales et de santé.
gouvernance et de la place qu’occupe la PMI dans les politiques Comprendre pour agir. 3e édition. Rennes : EHESP, coll. Références Santé
publiques, ainsi que des différents dispositifs en œuvre dans Social, 2018 : 790 p., 36 €.