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David NAVARO
ENTRETIEN – « Le sens de la République » FAIRE UN DON
avec Patrick Weil (1/2)
[lundi 05 décembre 2016] MOTS-CLÉ ASSOCIÉS
Dans Le sens de la République, livre d’entretien avec le journaliste Nicolas Truong, Patrick Weil
livre une réflexion dense et claire sur la question de l’identité française, de son rapport à la
SUIVEZ-NOUS
Nation et à la République. Dans cet ouvrage salutaire, loin des passions et des fantasmes qui
entourent généralement les questions migratoires, il prône une vision équilibrée de ces
phénomènes tout en décryptant avec rigueur leurs effets sur la société française.
CINÉMA
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CHRONIQUES
Pédagogie médiévale : apprends ou
en !
Patrick Weil : Cette étude confirme ce que l’on savait déjà, la grande diversité du rapport à l’Islam
GRANDS ENTRETIENS
chez ceux qui peuvent y être rattachés. Mais, pour le reste, cette étude ne peut que susciter de
Puisque l’époque est juridique, il fau
sérieuses réserves. Patrick Simon a déjà dit en quoi les questions étaient ambigües et auraient comprendre ce qu’est le Droit
dû porter plus sur les pratiques que sur les opinions : par exemple au lieu de demander aux
La romanisation dans l'Empire roma
femmes si elles portent le voile, ou aux hommes si leurs conjointes ou les femmes de leur
famille le portent, on demande «pensez-vous qu’une femme doit porter le voile». 12 000 ans de changements climati
50 ans de réchauffement global
Mais il y a plus. D’abord, dans le questionnaire, il y a des erreurs qui ne sont pas des détails. Par
exemple : une fois qu’une personne a répondu qu’elle était française, on lui demande : «être vous Entretien - L'épuration lors de la Sec
Guerre mondiale
français de naissance ou par naturalisation ?». On peut s’interroger sur le fait de poser la
question, car quand on est français, on l’est sans distinction. Mais surtout, la question comporte Quatorze siècles d’histoire de l’arm
française avec Hervé Drévillon
une omission : les jeunes nés en France de parents étrangers sont le plus souvent français ni à
la naissance, ni par naturalisation, mais par simple déclaration dans leur adolescence ; ils n’ont Actuel Moyen Âge - Entretien avec
Faustine Harang
donc pas de place dans ce questionnaire.
Prenons ensuite la première question posée sur la religion: «êtes-vous chrétien, juif, musulman, Entretien avec Elise Petit à propos d
Musique et politique »
autre religion, sans religion ?». Pas d’option offerte sur l’agnosticisme qui représente 30% de la
Entretien avec Jérôme Baschet :
population française, pas non plus de possibilité de combiner: aujourd’hui beaucoup de gens se
«Défaire la tyrannie du présent»
ressentent chrétien, juif ou musulman et agnostique ou athée. Les questions sur le port du voile
Â
ou sur le financement des mosquées sont biaisées, à chaque fois, elles incitent à choisir les Actuel Moyen Âge – Entretien avec
Sylvain Piron
options qui vont être le plus en rupture avec la laïcité libérale.
Bref, on termine la lecture de ce questionnaire avec le sentiment qu’il contribue à enfermer nos Retour sur le totalitarisme fasciste,
Marie-Anne Matard-Bonucci
compatriotes ayant un lien avec l’Islam, dans une identité religieuse pour le moins forcée. Ce
sentiment devient constatation quand on lit le texte sur «l’histoire» des musulmans de France qui Tous nos entretiens >>
accompagne l’étude. La colonisation est bien évoquée mais dans une totale confusion des
statuts et des droits. Le mot «guerre» apparait 14 fois: Première, seconde guerre mondiale,
guerre civile algérienne, guerre contre Daesch. Mais la Guerre d’Algérie jamais. Il n’y a d’ailleurs DOSSIERS
dans le questionnaire soumis aux sondés aucune question sur l’histoire de France. Mai 68 : retrouver l’événement
Les Français de culture musulmane ne sont placés dans l’histoire de France que dans un rapport 1917-2017 : cent ans après la
à l’histoire de l’hexagone, du territoire central et européen de la France. De l’histoire des Révolution d'Octobre
territoires de l’empire français, il n’est pas fait mention. Ces compatriotes font pleinement partie DOSSIER – Faurisson, Irving, Jalkh
de l’histoire de France, mais ils sont absents de celle qui est contée ici. Ils sont donc traités dans l’éternel retour du négationnisme
cette étude à l’inverse des autres Français: ceux-ci sont sans conteste citoyens de leur pays, et DOSSIER – LA FRANCE A L'HEURE D
L'ITALIE (philo, histoire, lettres...)
font pleinement partie de l’histoire de France qui est spontanément leur histoire.
Hypothétiquement, ils peuvent aussi être rattachés à une religion, c’est leur choix individuel. Les DOSSIER – Le travail en débat
compatriotes de culture musulmane interrogés dans cette étude sont d’abord musulmans ou
dans un lien à la religion. Leur nationalité française est incertaine et leur présence dans l’histoire Tous nos dossiers >>
Le principal problème auquel aujourd’hui les Français sont confrontés, est qu’ils ne se sentent
pas assez compatriotes. D’un côté, une partie d’entre eux se disent «je ne reconnais plus le pays
dans lequel j’ai grandi» et sont souvent tentés par le vote Front national. D’un autre côté, une
partie se dit, «je suis français, mais je ne suis pas reconnu comme tel par mes compatriotes».
Comment donc expliquer ce phénomène?
La France est le plus vieux pays d’immigration d’Europe. Mais à la fin du XIXème siècle et dans la
première moitié du XXe siècle, la plupart des immigrés venaient de pays étrangers,
principalement d’Europe. Ils étaient conscients qu’ils venaient de l’étranger; eux-mêmes ou leurs
enfants apprenaient notre langue et acquéraient la nationalité française.
Les migrants qui sont arrivés dans l’hexagone dans la seconde moitié du XXème siècle sont
venus en majorité de territoires français. Ils étaient le plus souvent déjà français et parlaient
français. Pourtant, ils ont souvent ressenti et continuent de ressentir qu’on ne les a pas reconnus
comme compatriotes. Et cette non-reconnaissance, elle a aussi été ressentie par nos
compatriotes venus des départements d’outre-mer qui restent partie prenante de la nation
française.
Elle vient en grande partie d’une méconnaissance de l’histoire de France qui peut même être
celle des plus grands historiens du pays. Après le vote de la loi Taubira en 2001, plusieurs
historiens français emmenés par Pierre Nora et Françoise Chandernagor, signent un texte intitulé
«Liberté pour l’Histoire» en soutien à l’historien Olivier Pétré-Grenouilleau, poursuivi pour avoir
contesté dans un entretien accordé au Journal du dimanche le caractère de crime contre
l’Humanité appliqué à l’esclavage.
Mes collègues réclament pour lui la liberté de penser, de parler et d’écrire, et bien sûr je les suis
sur ce point. Ils soutiennent sur le fond l’idée que la reconnaissance de l’esclavage comme crime
contre l’humanité est anachronique, cette notion n’ayant été reconnue en droit qu’au XXème
siècle par le tribunal de Nuremberg qui jugeait les criminels nazis. Et là, selon moi, ils se
trompent. Le concept de crime contre l’Humanité a, en réalité, été créé en droit français et puni
en tant que tel par la Convention au moment de la première abolition de l’esclavage en 1794. Il
réapparait dans le décret d’abolition de 1848 qui abolit définitivement l’esclavage, après que
Napoléon l’eut rétabli en 1803, et le déclare «crime de lèse-humanité».
La pratique de la traite ou l’achat de nouveaux esclaves est puni de la déchéance de la
nationalité. S’exprimant au nom du gouvernement, Victor Schœlcher déclare alors : «La qualité
de maître devient incompatible avec le titre de citoyen français: c’est renier son pays que d’en
renier le dogme fondamental». C’est un moment important de l’histoire de France et même du
monde dont tous les Français pourraient être fiers. Pourtant, il reste le plus souvent méconnu.
Une histoire, plus difficile à écrire encore, est celle de la colonisation. Car si personne ne
conteste aujourd’hui l’horreur et l’immoralité de l’esclavage, la colonisation fait, quant à elle,
l’objet de vives querelles d’interprétation.
Cette histoire-là, il faut pourtant l’enseigner. Elle fait partie de l’histoire de France et il faut que
chacun la connaisse au même titre qu’il apprend à connaître l’histoire de la France d’Europe. La
majorité des républicains – il y a des exceptions comme Clemenceau- voyaient en la
colonisation l’inverse de l’esclavage, puisque les colonisés étaient traités en être humains à
civiliser. Mais la colonisation ce fut, les massacres, les violences et les discriminations
institutionnelles. Les valeurs de la République étaient bafouées, mais elles ont contribué à
inspirer les combats et la décolonisation.
C’est donc bien une histoire de progrès que l’on peut ici raconter comme telle sans pour autant
écrire un roman: sous les Rois de France, se pratiquaient l’esclavage et la colonisation. La
République a aboli l’esclavage mais elle a continué de coloniser. Puis la décolonisation est venue
fruit du combat anticolonial d’abord menés par les colonisés, soutenu aussi en métropole. C’est
en connaissant mieux et en partageant cette histoire commune que nous pourrons mieux
nous considérer compatriotes. C’est la thèse centrale de mon livre.
On assiste à l’émergence dans une part de plus en plus grande de la population de nouvelles
craintes liées à l’immigration. On a vu fleurir dans l’espace public des expressions comme
«Grand Remplacement» ou «remigration». Comment interprétez-vous cette angoisse de voir
son identité noyée dans un métissage destructeur ? Si l’étude scientifique révèle que
l’intégration se passe mieux qu’on ne le dit, que répondre à ceux qui ressentent le contraire
dans leur vie quotidienne ?
La République est aujourd’hui un marqueur partagé par la majorité des Français. C’est une
référence absolue de moins en moins remise en question et constitutive de notre identité
politique. Mais c’est surtout un mot dont le sens a été dévoyé et dont les traductions sont
flottantes et soumises à des interprétations antagonistes. En effet, il existe aujourd’hui un
tropisme fort qui oppose ceux qui veulent une République forte et intransigeante, à ceux qui la
somment de se réformer en appelant à des accommodements raisonnables. De quelle
République parlez-vous ?
Avant toute chose, une définition des termes s’impose. La République est d’abord un régime
politique fondé sur la souveraineté de citoyens égaux devant la loi. Longtemps être républicain
c’était s’opposer à la monarchie ou à l’empire; pour faire prévaloir ce régime, ce fut d’une longue
bataille politique. Mais en République, les citoyens ne tiennent ensemble, non par l’attachement
à la couronne – à la Reine ou au Roi – comme sous une monarchie, mais par la définition et la
redéfinition d’un bien commun, qui lui donne sens; se contenter d’un simple «vivre ensemble»
c’est dévitaliser la république, la vider de sa substance.
Ce bien commun s’inscrit dans des valeurs construites par l’histoire. J’identifie à ce titre quatre
piliers de l’identité nationale républicaine: le principe d’égalité, la mémoire de la Révolution
française, la langue française et la laïcité.
Le premier est l’égalité devant la loi et nous vient du catholicisme dans le cadre duquel tous les
croyants sont égaux devant l’Eglise. Il a été étatisé, laïcisé sous les Rois de France, amplifié
pendant la Révolution avec par exemple l’abolition des privilèges. Plus tard, le code civil, pour la
première fois en Europe, a proclamé l’égalité dans l’héritage de tous les enfants, mâles ou
femelles. Le principe d’égalité proclamé n’est jamais abouti mais il continue de travailler en force
la société française et d’inspirer des réformes fondamentales comme le mariage pour tous.
La langue, instrument de puissance du royaume puis d’unification de la république, et de l’école
pour tous a, en France, un statut particulier. Elle donne à l’intellectuel une place sans pareille et
rayonne dans le monde. La mémoire -le plus souvent positive- de la Révolution, a des
conséquences jusqu’à aujourd’hui sur le mode d’expression politique des Français même de
droite: le peuple français s’exprime souvent dans la rue, et il est connu pour cela dans le monde
entier. Enfin, il y a la laïcité fondée sur la liberté de conscience.
Notre République s’est construite à travers ces piliers qui nous unissent et nous distinguent,
nous Français, des autres pays. Connectés les uns aux autres, ces quatre piliers donnent sens à
ce que nous sommes et tracent les contours de notre destin commun. Ils se conjuguent ainsi
sans contradiction avec un très grand respect de la diversité des Français. L’opposition entre
fermeté et accommodement est donc artificielle, elle révèle une méconnaissance de ces
principes et de notre histoire. Prenons l’exemple de la laïcité.
C’est d’abord du droit: la loi de 1905- est fondée sur la liberté de conscience, d’où découlent la
séparation des Eglises et de l’Etat, et le respect de toutes les options spirituelles ou religieuses.
Mais il existe souvent une grande différence entre le droit et les croyances sociales. Aux Etats-
Unis par exemple on peut blasphémer, brûler la bible ou le coran, c’est légal. Mais si vous
émettez le moindre doute sur l’existence de Dieu, vous n’avez aucune chance d’être élu dans une
élection. Une partie importante des Américains ne font pas confiance aux non croyants. Chez
nous, le droit est assez proche du droit américain, mais la majorité des Français sont athées ou
agnostiques. Et c’est quand on est croyant que l’on ressent qu’une partie de ses compatriotes ne
vous font pas confiance car ils tiennent parfois même la foi pour une forme d’arriération.
La laïcité est d’abord un régime juridique fondé sur la liberté de conscience y compris la liberté
de croire. On peut être croyant et adhérer totalement à la laïcité dès lors que cette croyance
s’exerce sans pression. L’article 31 de la loi de 1905 punit d’ailleurs pénalement toutes les
pressions exercées soit pour forcer soit pour empêcher d’exercer un culte. Pour mieux l’assurer,
cette liberté de conscience s’organise différemment selon les espaces et selon les publics. Dans
une école publique par exemple, les règles communes de neutralité s’imposent qui ne sont pas
les mêmes sur une plage !
Alors, si on est rationaliste ou athée, on peut se désespérer d’un retour du religieux chez certains
de nos compatriotes. S’il est librement consenti c’est leur droit le plus absolu. Et si l’on veut le
réduire, alors il faut offrir à chacun des perspectives vers d’autres façons de penser que la
religion. Je pense notamment aux programmes d’histoire et aux bibliothèques, par excellence
lieux de savoir, de curiosité et d’ouverture d’esprit. Des lieux qui en France plus qu’ailleurs ont des
horaires très limités alors qu’y accéder devrait être un droit quasi permanent et gratuit; car les
bibliothèques sont au fondement de la lutte contre les inégalités d’accès aux savoirs et à
l’information et tant elles sont les phares de la laïcité.
5 commentaires
"Dans cet ouvrage salutaire, loin des passions et des fantasmes qui entourent
généralement les questions migratoires, il prône une vision équilibrée de ces
phénomènes tout en décryptant avec rigueur leurs effets sur la société
française."
Mon dieu, mais quels propos niais, creux et irénique. Il ne suffit pas de
prendre le contrepied de Finkielkraut pour avoir raison. S'en prendre à
l'excellente étude de l'institut Montaigne, dont on peut toujours discuter les
détails et les méthodes bien sûr, est calamiteux - étude dont il faut rappeler
qu'elle est le fruit d'une réflexion au sein de l'élite de culture arabo-
musulmane, bien placée pour mesurer la difficulté des questions. Weil et ses
( )
semblables (à Médiapart probablement...) sont un élément du problème, pas
la solution.
A relire l'entretien, on se rend compte qu'il dit n'importe quoi sur le plan
historique, avec un mélange maladroit de références communes. Ce qui fait
penser dans un genre différent, mais en moins délirant, aux élucubrations de
Todd sur les manifestations de 2015, et la France Zombie.
Je suis d'accord pour dire que les références historiques posent problème: il
est juste de parler du rôle de la guerre d'Algérie mais je ne vois pas en quoi
cela invalide l'étude de 'lInstitut Montaigne - au contraire, la guerre d'Algérie a
inscrit le Musulman comme une catégorie en droit français (vue comme
étrangère au peuple français après l'indépendance de l'Algérie - cf le livre de
Tod Shepard qui l'explique bien).
Ensuite la référence à De Gaulle est délirante - l'obsession de Vichy renvoie à
un imaginaire collectif de la nation ethnique (largement refoulé et pourtant
bien présent) et de Gaulle est plutôt allé à l'encontre (avec toutes les réserves
qu'on pourrait émettre sur la décolonisation - fondée sur une domination au
moins implicite de la métropole, voir la Françafrique et la suite...)
LITTÉRATURE • recension • Ségolène DARGNIES ARTS VISUELS • recension • Emmanuel BÉRARD HISTOIRE • recension • Cécilie CHAMPY
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