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L' Écotourisme, entre l’arbre et l’écorce: De la conservation au développement viable des territoires
L' Écotourisme, entre l’arbre et l’écorce: De la conservation au développement viable des territoires
L' Écotourisme, entre l’arbre et l’écorce: De la conservation au développement viable des territoires
Ebook730 pages7 hours

L' Écotourisme, entre l’arbre et l’écorce: De la conservation au développement viable des territoires

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Comment analyser un projet à caractère touristique ? est-il écologiquement soutenable ? socialement viable ? économiquement durable ? À quelles conditions l'écotourisme peut-il créer une richesse collective, une plus-value sociale

Pour réfléchir à ces questions, nous avons privilégié : des trajectoires plurielles, en provenance de la France, des Caraïbes, de l'Australie, du Costa Rica, du Nunavut et du Québec, tantôt sous l'angle économique, social ou culturel, tantôt sous l'angle de l'écotouriste, de l'opérateur, du parc ou de la communauté ou encore sous celui de la forêt, de la terre ou de la mer.
LanguageFrançais
Release dateAug 22, 2011
ISBN9782760532786
L' Écotourisme, entre l’arbre et l’écorce: De la conservation au développement viable des territoires

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    L' Écotourisme, entre l’arbre et l’écorce - Christiane Gagnon

    Gagnon

    Introduction

    L’écotourisme

    Une innovation durable pour le développement viable des communautés locales?

    Christiane Gagnon

    Ph. D. en aménagement

    Professeure au Département des sciences humaines de l’UQAC

    Christiane_Gagnon@uqac.ca

    Serge Gagnon

    Ph. D. en géographie

    Professeur au Département de travail social et des sciences sociales de l’UQO

    serge.gagnon@uqo.ca

    Le titre du présent ouvrage, L’écotourisme entre l’arbre et l’écorce: de la conservation environnementale au développement viable des territoires, évoque de plein fouet la dialectique de l’écotourisme, à savoir la protection d’aires naturelles exceptionnelles et leur mise en valeur économique, par une forme responsable d’exploitation touristique, en vue d’un bénéfice économique pour les territoires et les communautés locales avoisinantes. Dans un contexte où l’écotourisme est une activité en forte croissance, envisagée comme une sorte d’alternative au tourisme de masse mais aussi comme une voie privilégiée du développement durable, il y a là une pertinence sociale et scientifique qui mérite notre attention.

    L’écotourisme prétend à la fois conserver, voire améliorer la diversité des écosystèmes, tout en accaparant une partie de l’énorme marché touristique, dont une partie bénéficierait aux populations locales. Un noble objectif qui repose sur une délicate alliance (Ziffer, 1989) entre les aires protégées et leur mise en valeur à des fins de développement local. Y a-t-il une alliance gagnante entre la conservation, les impératifs dominants du marché de l’industrie touristique et la qualité de vie des communautés locales, notamment les plus fragilisées? Comment maîtriser les impacts négatifs du tourisme et bonifier les impacts positifs pour ces communautés selon un mode de développement durable viable? Pour réfléchir aux tenants et aboutissants de ces questions percutantes, nous avons privilégié un éclairage par de multiples entrées: des trajectoires plurielles, en provenance de la France, des Caraïbes, de l’Australie, du Costa Rica, du Nunavut et du Québec, tantôt sous l’angle économique, social ou culturel, tantôt sous l’angle de l’écotouriste, de l’opérateur, du parc ou de la communauté, tantôt sous l’angle de la forêt, de la terre ou de la mer.

    La lecture des trajectoires plurielles et du domaine controversé de l’écotourisme pose le problème des définitions, surtout pour celui qui s’y intéresse depuis peu. L’existence de plusieurs vocables associés, de près ou de loin, à l’écotourisme tels que le tourisme vert, durable, solidaire, de la nature, scientifique, d’aventure, etc. ne facilite pas toujours la compréhension, d’autant qu’ils ne sont pas forcément équivalents, voire interchangeables (S. Gagnon, 2003). Toutefois, nuances faites, ils font partie d’une parenté élargie où chacun a sa spécificité.

    L’écotourisme peut être défini comme une forme de tourisme contribuant activement à la protection du patrimoine naturel et culturel et qui inclut les communautés locales et indigènes dans son développement afin de contribuer à leur bien-être. Cette définition s’inscrit dans la foulée des travaux de l’Association internationale sur l’écotourisme (International Ecotourism Society) et de la Déclaration de Québec sur l’écotourisme (2002). Il est intéressant de noter que cette définition a été acheminée au Sommet de la Terre sur le développement durable de Johannesburg, qui se déroulait quelques mois après le Sommet mondial de Québec. Les promoteurs de l’écotourisme y voyaient l’occasion de faire reconnaître l’écotourisme comme un secteur économique majeur, susceptible de réduire la pauvreté et de préserver l’environnement et la biodiversité. Une telle ambition s’arrime aux défis posés par l’écotourisme, en particulier, et le développement des communautés locales, indigènes, fragilisées, en général. Eu égard à l’année internationale de l’écotourisme (2002), c’est un défi que le gouvernement québécois a traduit par la maximisation des retombées locales, l’implication et la responsabilisation des communautés hôtes (Québec, 2002).

    Malgré l’incessant discours louangeur sur le tourisme, les acteurs internationaux reconnaissent tout de même que « le tourisme a des conséquences sociales, économiques et environnementales importantes et complexes qui peuvent présenter à la fois des avantages et des coûts pour l’environnement et les communautés locales » (Sommet mondial de l’écotourisme, 2002, p. 1). Dans son article Tourism and Environmental Conservation: Conflict, Coexistence or Symbiosis?, Budowski (1976) – généralement cité comme le père du concept d’écotourisme avec Ceballos-Lascurain – reconnaît que les rapports entre le tourisme et l’environnement naturel tendent à être conflictuels. Toutefois, il affirme que l’écotourisme représente un potentiel pour une relation gagnant/gagnant tant pour l’environnement, les opérateurs que pour les communautés hôtes. Lors d’une conférence récente au Chili, Budowski (2005) note que, trente ans plus tard, la cohabitation a considérablement diminué et que les conflits ont augmenté, mais qu’il y a aussi un certain nombre de succès.

    Dans un rapport des Nations Unies (2001), la Commission du développement durable déclarait que la pression exercée par le tourisme autour des années 2020 sera très forte (1,6 milliard de touristes). Selon cette Commission, il importe de redoubler d’efforts pour traiter de la question de la durabilité du tourisme et mieux planifier l’écotourisme, qui devrait continuer de progresser rapidement. Ainsi, depuis une dizaine d’années, une panoplie de réglementations nationales, de normes et de directives ont été émises par plusieurs organisations internationales, dont celles de l’Organisation mondiale du tourisme (OMT).

    Toutefois, cela est-il suffisant pour maîtriser les incidences indésirables et contribuer à un développement plus viable? L’Espagne, après avoir misé sur le modèle du tourisme de masse soleil/plage, a subi une dénaturalisation de ses côtes¹ et s’est retrouvée dépendante des tours-opérateurs internationaux pour son développement touristique ( « Espagne: la movida du tourisme », 2003). Du côté de l’écotourisme et des territoires dits sous-développées, les impacts non maîtrisés² et non souhaitables n’en sont pas moins présents (Barkin, 2003). L’inégalité criante entre les touristes et les hôtes (Duffy, 2002) demeure, et les conditions de vie préoccupantes des communautés d’accueil tardent à s’améliorer (Barkin, 2003). De même, dans les pays industrialisés – particulièrement dans le cas des Réserves de biosphère américaines –, Solecki (1994) soulève la problématique de la dépendance des territoires dont l’économie basée sur l’exploitation des ressources naturelles repose désormais sur celle du tourisme. Malgré les résultats de ces études empiriques, l’écotourisme apparaît comme une solution permettant d’atteindre des objectifs de justice sociale et environnementale, et ce, sur la base de la participation des communautés locales.

    Certes, cette alternative soulève le débat du poids du local par rapport au global et celui des stratégies d’acteurs. Mais elle soulève aussi l’épineuse question des modalités, des conditions de la participation des communautés locales voisines à la planification et au développement des aires protégés, gérées le plus souvent à l’échelle nationale. Si personne ne peut être contre la vertu de la participation des communautés, quelles « capabilités³ » les citoyens et les collectivités ont-ils de maîtriser le changement, ici l’industrie touristique, dans le sens de leurs aspirations et de la reconnaissance de leurs singularités culturelles, sociales et environnementales? La demande de participation sera-t-elle accompagnée d’un partenariat dans le sens de la répartition des avantages, voire des bénéfices de l’activité? Car la volonté de planifier/développer un créneau écotouristique ne s’accompagne pas forcément de moyens de diminuer les inégalités, dans le sens d’une équité et d’une viabilité accrues (C. Gagnon, 2004). C’est pourquoi le modèle d’écotourisme ne pourrait pas faire l’économie d’un changement dans le mode de gouvernance des aires protégées (Lequin, 2001). L’accord de Durban (UICN, 2004) a donné lieu à un engagement de 3 000 gestionnaires en faveur d’un nouveau modèle pour les aires protégées qui, toutefois, ne spécifie pas la place des communautés locales.

    Plus d’une fois, l’eldorado du tourisme n’a été qu’un miroir aux alouettes, du moins pour les travailleurs de cette industrie et les communautés d’accueil (Ziffer, 1989). Ainsi se pose la pertinence d’une grille d’analyse pour tout projet à caractère touristique: Est-il écologiquement soutenable? Socialement viable? Économiquement durable? À quelles conditions l’écotourisme peut-il créer une richesse collective, une plus-value sociale? Comment les écosystèmes, tant biologiques que sociaux, seront-ils modifiés par le changement ou le projet proposé? Enfin, quels mécanismes de suivi permettront de savoir si les faits correspondent aux engagements et promesses?

    C’est pourquoi plus d’un auteur se demande si l’écotourisme, dans sa dimension de protection du patrimoine culturel et naturel, est réellement compatible avec les mécanismes (impératifs) du marché, de la compétition entre les destinations et de la logique de rentabilisation. Un tourisme authentique, responsable et solidaire peut-il porter les germes d’un changement significatif, à plus grande échelle, dans la façon de penser et de faire le tourisme, voire le développement durable et viable des individus, des territoires et des communautés?

    L’ouvrage que nous proposons vise justement à éclairer ce questionnement. Pour ce faire, nous aborderons le phénomène de l’écotourisme à partir de quatre entrées: 1) L’écotourisme sous tension; 2) Les parcs nationaux: produit d’appel de l’écotourisme. Vers un développement viable des communautés? 3) Forêt, terre et mer. L’activité écotouristique, une alternative pour la mise en valeur des ressources? 4) L’écotourisme: un nouveau marché? En adoptant le fil conducteur, mais non réducteur, de la dialectique « conservation et développement durable viable des territoires », nous allons dans un premier temps questionner les tensions « visiteur/visité » qui illustrent bien un des enjeux de l’écotourisme. Dans cette perspective, Christiane Gagnon et Dominic Lapointe se demandent si l’écotourisme est compatible avec une fréquentation soutenue de territoires protégés; au surplus, ils posent la question en terme de développement local durable viable pour les communautés rurales, éloignées ou fragilisées. Ils avancent que l’écotourisme porte peut-être les germes d’un changement social significatif, à plus grande échelle, dans la façon de penser et de faire le tourisme et le développement. Pour ce faire, ils analysent les lieux convergents et divergents des définitions rattachées à l’écotourisme, sur la base d’un choix de textes fondateurs. Jean-Marie Breton, quant à lui, aborde la question sous l’angle de l’altération des identités locales. À l’aide de l’exemple guadeloupéen, il avance que l’activité touristique peut porter atteinte à l’authenticité des cultures et que la démarche écotouristique, qui développe une approche « holistique », peut générer des comportements nouveaux de la part des opérateurs du tourisme. Selon Breton, cette réflexion relative à la perception et à l’insertion du tourisme dans le cadre de vie et dans le vécu identitaire des populations locales a le potentiel de modifier la signification et la portée de la démarche touristique. Enfin, Luce Proulx amène la réflexion sur le terrain de la communication et de la rencontre entre deux individus, l’un individuel, soit le touriste – aussi multiple –, et l’autre collectif, soit la communauté hôte. Cet espace d’échange « interculturel » doit être compris comme un système de relations. Néanmoins, le tourisme génère des impacts sociaux et culturels positifs et négatifs. Selon Proulx, l’écotourisme sollicite la participation des deux parties dans l’expérience touristique et, à cet égard, peut constituer une des voies potentielles vers un développement local et régional communautaire.

    La deuxième partie, intitulée Les parcs nationaux: produit d’appel de l’écotourisme. Vers un développement viable des communautés?, est consacrée à des études de cas internationaux de relation entre les communautés locales et des environnements naturels protégés. Ross K. Dowling avance que pour éviter les conflits « visiteur/environnement » et « visiteur/ résident », il est impératif de connaître les points de vue de la communauté d’accueil au moment du processus de planification touristique. Selon lui, il est essentiel d’en venir à la consultation des populations locales concernées si les gestionnaires veulent assurer la conservation de l’environnement naturel, minimiser les conséquences non souhaitées, favoriser la croissance économique des communautés et développer une attitude positive envers le touriste. À l’aide de l’exemple d’une région d’Australie-Occidentale, Dowling va décrire comment la communauté d’accueil voit le développement touristique et comment l’activité touristique se répercute sur l’environnement naturel et le tissu social. Juan Antonio Aguirre G. abonde dans le même sens que Dowling en ce qui concerne l’importance de la participation des populations locales dans le processus de planification. Avec une étude comparative des communautés de Monteverde et Santa Elena, des icônes majeurs de l’écotourisme au Costa Rica, Aguirre avance que les relations communautés/aires protégées traversent une période de stress attribuable à une suite de changements et d’espoirs économiques non comblés, chez les communautés d’accueil. Cette situation de tension polarise les membres des communautés, d’un côté, et les administrateurs des réserves, de l’autre. Cela risque de détériorer les relations si elles ne sont pas réglées adéquatement. À partir d’un regard critique porté sur une recherche longitudinale de cinq années, il analyse les changements qui se sont produits dans chacune des communautés à l’étude. Il relate comment ces changements ont influencé l’état des relations et les impacts qu’ils peuvent entraîner dans les communautés. De son côté, Nathalie Lahaye aborde la dialectique conservation/tourisme des espaces naturels protégés de montagne dans le Parc national des Pyrénées, en France. À partir de la notion de conflit d’usages, lié à l’introduction d’une espèce sauvage, soit l’ours brun, et autour de projets d’aménagement en montagne à des fins touristiques, elle avance que la multifonctionnalité de la montagne est une source de tensions, voire de choix d’aménagement inappropriés. Selon Lahaye, la connaissance des enjeux qui entourent la double dynamique de protection accrue et d’usages récréatifs des espaces de montagne augmente le succès de projets territoriaux de développement durable et viable, en général, et de projets écotouristiques, en particulier. Roland Jaffuel et Marylène Pin, du Parc national des Cévennes, en France, affirment avoir trouvé des pistes de solution pour réglementer les conflits d’usages dans les espaces naturels. Depuis 2002, avec l’exemple de l’application de la Charte européenne du tourisme durable dans les espaces protégés, ce parc serait le premier en Europe à avoir démontré que cette charte lui offre la possibilité de contractualiser directement avec les entreprises touristiques du territoire. Ils nous présentent cette démarche novatrice de partenariat avec le milieu tout en s’interrogeant sur les perspectives d’application de la charte. Pour enchaîner sur le thème de la gouvernance, Marie Lequin et Isabelle Cloquet nous proposent une analyse de l’écotourisme dans un contexte de développement des communautés en milieu autochtone. En prenant comme étude de cas la création de parcs nationaux dans la région du Nunavik, elles recensent les facteurs sociologiques et politiques qui déterminent le caractère de gouvernance de l’offre écotouristique lors de la mise en valeur des espaces naturels.

    À partir de cas caraïbéens et français, les textes de la troisième partie, Forêt, terre et mer. L’activité écotouristique, une alternative pour la mise en valeur des ressources?, analysent le potentiel de mise en valeur des ressources naturelles par et pour l’activité écotouristique. À l’aide du cas martiniquais, Philippe Joseph fait la démonstration que, malgré les activités économiques, les contraintes démographiques et urbaines et la fragilisation de l’écosystème forestier, la biodiversité des écosystèmes des forêts tropicales des Antilles françaises est un élément important de l’attractivité écotouristique de ces mêmes territoires. Selon Joseph, il est impératif à cet égard de garantir leur protection et leur mise en valeur dans une perspective de durabilité. Athanasia Koussoula-Bonneton, quant à elle, avance que le développement de l’agroécotourisme dans cette région caraïbéenne constitue d’une part une solution viable au recul du secteur agroalimentaire et au tourisme balnéaire. D’autre part, l’agroécotourisme contribue à une meilleure prise en compte de l’environnement dans les décisions d’aménagement. L’auteure démontre, à cet égard, que la mise en valeur écotouristique de la « terre » permet la diversification des revenus des agriculteurs et contribue à la paix sociale par le biais de l’intégration des agriculteurs et des ruraux à un processus de développement durable. Pour boucler cette troisième partie, Jean-Pierre Augustin souligne l’importance, à la fin des années 1960, de la volonté gouvernementale de préserver les espaces littoraux de la côte Aquitaine, en France, pour l’aménagement durable d’un écotourisme de loisirs sportifs. Il précise que le gouvernement français voulait alors refuser le développement touristique ex nihilo, comme cela avait été le cas sur la côte du Languedoc-Roussillon, afin de favoriser l’aménagement des installations touristiques à partir des stations déjà existantes de la côte médocaine.

    S’agissant de L’écotourisme: un nouveau marché?, la quatrième et dernière partie de l’ouvrage aborde la notion de « marchandisation » de l’écotourisme, comme modèle de développement durable et viable, à travers une lecture critique de la labellisation des produits et, par ailleurs, le risque de banalisation de ce modèle. Marie-France Turcotte et Corinne Gendron posent la question fondamentale des réels desseins de la certification des produits et des pratiques écotouristiques. Leur réflexion s’inscrit dans le cadre général des pratiques de gouvernance des entreprises. Elles interpellent le rôle des nouveaux mouvements sociaux qui utilisent des moyens de pression économiques pour transformer les pratiques des producteurs. Quant à Jacques Perret, il avance que la loi du marché est sur le point de rattraper la pratique écotouristique. À cet égard, il fait remarquer la forte tendance à la folklorisation des cultures locales et le danger d’une rationalisation des pratiques écotouristiques favorisant une normalisation des produits, voire leur banalisation et leur dénaturisation à plus ou moins long terme.

    Tous ces textes référant à des trajectoires plurielles alimenteront la réflexion et le débat sur l’importance de la qualité de l’environnement pour des activités écotouristiques dont les bénéfices doivent profiter aux communautés locales d’accueil et ainsi contribuer au redressement des inégalités sociospatiales.

    BIBLIOGRAPHIE

    BARKIN, D. (2003). « Alleviating Poverty through Ecotourism: Promises and Reality in the Monarch Butterfly Reserve of Mexico », Environment, Development and Sustainability, vol. 5, p. 371-382.

    BUDOWSKI, G. (1976). « Tourism and Environmental Conservation: Conflict, Coexistence or Symbiosis? », Environmental Conservation, vol. 31, no 1, p. 27-31.

    BUDOWSKI, G. (2005). El ecoturismo en el siglo 21: su creciente importancia en America Latina, <www.gochile.cl/spa/guide/chileseminarioecoturismo/ponencias>.

    DUFFY, R. (2002). A Trip Too Far: Ecotourism, Politics and Exploitation, Londres, Earthscan.

    « Espagne: la movida du tourisme », L’Express, 3 juillet 2003, p. 89-96.

    GAGNON, C. (2004). « Les communautés locales face aux impacts des parcs de conservation et de l’industrie touristique », dans J.-M. Breton (dir.), Tourisme, environnement et aires protégées (Antilles-Guyane / Haïti / Québec), Pointe-à-Pitre, Karthala – Crejeta, p. 171-183.

    GAGNON, S. (2003). L’échiquier touristique québécois, Québec, Presses de l’Université du Québec, coll. « Tourisme ».

    LEQUIN, M. (2001). Écotourisme et gouvernance participative, Québec, Presses de l’Université du Québec.

    NATIONS UNIES, CONSEIL ÉCONOMIQUE ET SOCIAL (2001). Développement durable du tourisme, <www.agora21/Johannesburg/cp21.html>, 5 p.

    QUÉBEC (2002). Nature et tourisme: l’écotourisme au Québec en 2002, 150 p.

    SEN, A. (2000). Repenser l’inégalité, Paris, Seuil, 281 p.

    SOLECKI, W. D. (1994). « Putting the Biosphere Reserve Concept into Practice: Some Evidence of Impacts in Rural Communities in the United States », dans Environmental Conservation, vol. 21, no 3, p. 242-247.

    SOMMET MONDIAL DE L’ÉCOTOURISME (2002). Déclaration de Québec sur l’écotourisme, 9 p.

    UICN (2004). L’accord de Durban, Congrès mondial sur les parcs.

    ZIFFER, K. A. (1989). Ecotourism: The Uneasy Alliance, Conservation International, The Ecotourism Society, Working paper no. 1, 58 p.


    1 Le grand hôtel Atlanterra (Zahara de los Atunes), symbole de l’urbanisme sauvage des années 1970 et du tourisme de masse, a dû être détruit.

    2 Ne pensons ici qu’au cas du parc national de Banff.

    3 Au sens de Sen, c’est-à-dire les chances d’un individu de réaliser ses objectifs, de s’accomplir. La traduction définit ainsi le néologisme: « L’ensemble des modes de fonctionnement humain qui sont potentiellement accessibles à une personne, qu’elle les exerce ou non » (Sen, 2000, p. 12).

    L’écotourisme sous tension

    Écotourisme et développement durable viable

    Une dialectique, un cadre interprétatif

    Christiane Gagnon

    Ph. D. en aménagement

    Professeure au Département des sciences humaines de l’UQAC

    Christiane_Gagnon@uqac.ca

    Dominic Lapointe

    Doctorant en développement régional, UQAR

    Dominic.Lapointe@uqar.qc.ca

    Résumé

    L’écotourisme a été défini, lors du récent Sommet mondial, comme une forme de tourisme durable « qui contribue activement à la protection du patrimoine naturel et culturel, qui inclut les communautés locales et indigènes dans sa planification, son développement et son exploitation et contribue à leur bien-être » (Québec, 2002, p. 69). En principe, les activités écotouristiques reposent sur une fréquentation de lieux naturels, selon des objectifs d’observation, de récréation, de connaissances écologiques, culturelles, anthropologiques (Boo, 1990; Ceballos-Lascuráin, 1996; Fennel, 2000). Par ailleurs, l’écotourisme participe d’une mouvance élargie, celle du développement durable et responsable (Ziffer, 1989), associée à une recherche d’authenticité, du moins de la part des écotouristes. Ce type de tourisme n’est pas sans susciter un certain nombre de questions. Malgré un discours de protection de l’environnement, comme le démontre le cas des parcs nationaux de l’Ouest canadien, l’écotourisme est-il compatible avec la fréquentation soutenue de territoires exceptionnels? Peut-il être envisagé, pour les communautés rurales, éloignées, fragilisées, comme un nouveau créneau de développement économique local (Boo, 1990; Ceballos-Lascuráin, 1996; Gagnon, 1998)? Ou entre-t-il dans la logique du marché, de la compétition entre les destinations et de la rentabilisation de la nature (Duffy, 2002)? En somme, l’écotourisme porte-t-il les germes d’un changement significatif, à plus grande échelle, dans la façon de penser et de faire le tourisme et le développement? Le chapitre portera sur les lieux convergents et divergents des définitions et approches rattachées à l’écotourisme, à partir d’une analyse documentaire axée sur les liens entre le développement local viable et l’Autre tourisme.

    L’écotourisme: un tourisme prenant en compte la dimension environnementale et contribuant au développement durable et viable des communautés hôtes? Selon l’Organisation mondiale du tourisme (OMT), l’écotourisme correspond à une déclinaison du tourisme durable qui « répond aujourd’hui aux besoins des touristes et des régions qui les accueillent tout en protégeant et en améliorant les ressources pour l’avenir » (Québec, 2003, p. 8). La Déclaration finale du sommet mondial de l’écotourisme (Québec, 2002) amalgame trois composantes dans une symphonie, en apparence, harmonieuse: la satisfaction des touristes, la protection des patrimoines naturels et culturels et le bien-être des communautés locales. Mais au-delà des grands objectifs et recommandations évoqués dans cette Déclaration, il n’y a pas de référence précise au mode de résolution de conflits potentiels, aux défis posés pour arrimer concrètement l’écotourisme au développement durable viable des communautés. Cela porte à réduire l’écotourisme à un énoncé vertueux qui ne remet pas en cause les pratiques non souhaitables de l’industrie touristique et ses impacts sociaux. Cela pose les questions suivantes: est-ce que les acteurs gouvernementaux font la promotion de l’écotourisme pour faire contrepoids au tourisme de masse ou au tourisme diffus? Est-ce pour ajouter un nouveau créneau au marché répondant aux valeurs écologistes de certains consommateurs (Breton, 2001b; Duffy, 2002)? Tout se passe comme si l’écotourisme et l’industrie touristique reposaient sur un postulat non explicite, à savoir que l’environnement est une sorte d’usufruit perpétuel dans le sens où les promoteurs s’en servent comme produit d’appel afin de percevoir des revenus et des bénéfices à court ou moyen terme. Ils agissent comme s’ils disposaient de l’environnement, externalisant tous les types d’incidences à long terme. Ce postulat nous fait entrer de plein fouet dans la dialectique du concept d’écotourisme: vouloir conserver l’environnement et, en même temps, offrir des produits écotouristiques pour se positionner sur un marché international dont la demande est croissante¹ de même que répondre aux besoins fondamentaux des collectivités d’accueil. Or il ne va pas de soi, comme le démontrent plusieurs études de cas, notamment dans les pays en voie de développement, que la rencontre des objectifs d’écotourisme rencontrent ces énoncés déclaratifs.

    De l’écotourisme au développement durable, le pas à franchir, du moins conceptuellement, semble facile. Ainsi plus d’un auteur (Breton, 2001a; Place, 1998; Wall, 1997) avancent que l’écotourisme est un vecteur de développement durable (DD), une solution de rechange à une économie basée traditionnellement sur l’exploitation des ressources. Mais, dans les faits, l’écotourisme est-il créateur d’une plus-value en termes de DD? Des auteurs (Duffy, 2002; Gagnon, 2004; Avila Foucat, 2002) ont démontré, à l’aide de cas empiriques (Belize, Québec), que la création de parcs nationaux ou la promotion de l’activité écotouristique n’entraînaient pas forcément une meilleure protection de l’environnement², pas plus qu’un développement durable viable des communautés locales limitrophes (Fortin et Gagnon, 1999) ou encore un changement significatif de comportement chez les écotouristes, grands utilisateurs d’espace et d’environnement (Duffy, 2002).

    Dans un contexte où l’écotourisme est une pratique de développement relativement nouvelle (à peine trente ans), dans un contexte où elle est rattachée à une industrie touristique qui jouit d’une réputation presque intouchable comme solution de survie pour les communautés fragiles affectées par les inégalités du développement, nous assistons à un foisonnement de définitions sur l’écotourisme (Fennell, 2000). Selon certains auteurs (Higham et Carr, 2003; Dawson, 2001), cette profusion de définitions sème la confusion. S’agit-il d’une véritable confusion ou de l’essence même de la dialectique? Une sorte de dialogue faisant écho aux rapports de pouvoir d’acteurs aux intérêts multiples: opérateurs, financiers, gouvernements, écologistes, communautés locales? Quoi qu’il en soit, du point de vue de la recherche en sciences sociales, l’écotourisme offre un cadre interprétatif des rapports avec la nature et des rapports sociospatiaux comprenant les stratégies de développement des acteurs, les interactions entre le local et le global, le privé et le public, l’individuel et le collectif.

    Associer l’écotourisme au paradigme du développement durable met en exergue les caractères dialectique et complexe de cette association. Au départ, en effet, elle contient une thèse et une antithèse: conserver l’environnement et le mettre en valeur (exploiter); favoriser à la fois les opérateurs et les communautés d’accueil; structurer un marché (Perret) et instaurer une gouvernance environnementale citoyenne et équitable. Pas étonnant que cette dialectique donne lieu à de multiples interprétations de l’écotourisme et approches du DD, selon les acteurs et leur positionnement social (Gagnon, 1995; Gendron, 2004).

    C’est pourquoi il nous a semblé pertinent de porter une attention particulière au contenu des définitions de l’écotourisme, ce à quoi la première partie de ce chapitre s’attarde. Lorsqu’il est question d’écotourisme, quels sont les référents? À partir d’une analyse documentaire basée sur 25 auteurs, représentant en principe les grands courants qui traversent les définitions, nous tentons d’établir une typologie afin de dégager des métaprincipes communs à un ensemble donné. Dans un deuxième temps, comme le DD teinte le discours sur l’écotourisme, nous explicitons des approches de DD, tout en faisant ressortir les liens avec l’écotourisme. Enfin, nous revenons sur l’écotourisme comme cadre interprétatif des rapports sociaux afin de mieux situer les déclarations, les politiques ou les initiatives d’écotourisme se réclamant du DD.

    La méthodologie de recherche adoptée ici en est une d’analyse de contenu. Elle est basée sur un corpus de 25 textes portant sur l’écotourisme. Cette analyse de contenu avait pour but d’identifier les principes normatifs et les finalités de l’écotourisme invoqués par les différents auteurs. Le choix des 25 textes dans un vaste corpus repose sur un certain nombre de critères: 1) textes fondateurs tel celui de Boo (1990) et Ceballos-Lascuráin (1996), 2) types de réflexions théoriques et de positionnement (Breton, 2001a; Dawson, 2001; Fennell, 2000; Wall, 1997), 3) études de cas sur des pratiques écotouristiques (Avila Foucat, 2002; Duffy, 2002; Mitchell, 2001; Place, 1998; Ross et Wall, 2001), 4) documents officiels (Tourisme Québec, 2003; Organisation mondiale du tourisme, 2002), 5) textes portant sur écotourisme et développement (Barkin, 2003; Gagnon, 2004; Garrod, 2003; Lequin, 2001; Pforr, 2001)³. Toutefois, il faut noter que nous n’avons pas distingué les définitions portant sur le tourisme durable de celles de l’écotourisme, ce dernier étant compris dans le premier. Il ne s’agissait pas d’un facteur discriminant dans la constitution du corpus. Les 25 textes représentent un échantillon représentatif des écrits sur l’écotourisme, réalisé à partir d’une bibliographie exhaustive⁴ (voir l’annexe I). Le corpus constitué pour les fins de l’analyse condense plusieurs variations sur le thème de l’écotourisme, notamment celle liée au DDV. La chronologie de publication des textes renvoie à une période assez récente, soit les quinze dernières années. Les textes proviennent de régions du monde variées, soit l’Europe, l’Amérique, l’Océanie et des pays tant en voie de développement qu’industrialisés.

    Ce chapitre vise à explorer et expliciter les liens entre écotourisme et développement durable viable. Nous faisons une distinction importante et significative entre développement durable (DD) et développement durable viable (DDV). Celui-ci insiste sur la dimension qualitative, sociale et située du développement dont les objectifs d’équité, de justice environnementale et de qualité de vie pour l’ensemble des individus et des populations de la planète sont au centre de toute action d’aménagement et de développement; il valorise l’humain dans ses capacités de maîtriser son territoire et d’interagir, de façon responsable et solidaire, avec les multiples environnements.

    1. L’ÉCOTOURISME: UN CONCEPT POLYSÉMIQUE TEINTÉ PAR L’EXPRESSION DES RAPPORTS SOCIOSPATIAUX

    Le concept d’écotourisme a fait son apparition dans les années 1980. C’est un concept polysémique, correspondant à des réalités mouvantes, où une multitude d’approches et d’auteurs sont en concurrence, en compétition, afin de définir ce qu’est l’écotourisme et ce qu’il n’est pas. Il s’agit d’une lutte idéologique (non explicitée) pour fixer non seulement un contenu dominant mais, subséquemment, des modes d’exploitation et de mise en valeur, ancrés socialement et spatialement, qui canaliseront des ressources tant matérielles qu’immatérielles. Le fondateur de l’écotourisme, Ceballos-Lascuráin a défini, il y a dix ans, l’écotourisme comme un tourisme responsable (nous soulignons) ayant un faible impact sur l’environnement et qui procure des avantages aux populations locales:

    Environmentally responsible travel and visitation to relatively undisturbed natural areas, in order to enjoy and appreciate nature […] that promotes conservation, has low visitor impact, and provides for beneficially active socio-economic involvement of local population (Ceballos-Lascuráin, 1996, p. 20),

    Il est intéressant de noter que cette définition sous-tend au départ trois qualités normatives: 1) responsable, 2) faible impact environnemental, 3) avantages locaux. Elle a été abondamment reprise, commentée et modifiée. Par exemple, David Fennell (2000), lors d’une vaste recension d’écrits sur l’écotourisme, a, lui, dénombré treize composantes:

    l’intérêt pour la nature,

    la contribution à la conservation,

    la création de parcs et d’aires protégées,

    la présence de bénéfices pour les populations locales sur un long terme,

    l’éducation environnementale,

    l’impact environnemental faible (non consommatrice de ressources),

    la responsabilité éthique,

    la gestion de l’activité écotouristique,

    la durabilité,

    le côté satisfaisant et plaisant pour le touriste,

    l’aspect culturel,

    l’aventure,

    l’échelle réduite du tourisme (petits projets, peu de fréquentation).

    À partir de ces composantes, Fennell (2000) a formulé une définition qui se concentre d’abord sur l’expérience touristique, et ensuite sur la dimension éthique de l’activité écotouristique, tout en intégrant une autre définition, soit celle du tourisme de nature:

    Ecotourism is a sustainable form of natural resource-based tourism that focuses primarily on experiencing and learning about nature, and which is ethically managed to be low-impact, non-consumptive, and locally oriented (control, benefits, and scale). It typically occurs in natural areas, and should contribute to the conservation or preservation of such areas (Fennell, 2000, p. 43).

    Alors que cette définition met l’emphase sur l’expérience touristique, qui doit être respectueuse de l’environnement, Ross et Wall (1999) appréhendent l’écotourisme d’abord comme un moyen de protéger la ressource que sont les milieux naturels, et ce, par le biais de la création de revenus suite aux activités écotouristiques, de l’éducation à l’environnement et de l’engagement des communautés locales. C’est la protection de la ressource environnement qui est centrale dans cette définition de l’écotourisme plutôt que l’expérience touristique comme chez Fennell.

    Notons que le vocable « développement durable » n’est pas explicitement évoqué dans les définitions de Ceballos-Lascuráin, Fennell, Ross et Wall; il est plutôt question d’ « avantages pour les populations locales » chez les deux premiers auteurs. Toutefois, d’autres auteurs ont inclus le DD de manière plus manifeste dans le concept d’écotourisme. Pour Lequin (2001, p. 51), « [l]’écotourisme est une approche de développement qui favorise la conservation et la préservation des ressources naturelles pour les générations futures (développement durable), tout en contribuant à l’amélioration des conditions et qualité de vie des populations locales (développement régional) ».

    Dans le même ordre d’idées, d’autres associent l’écotourisme à la démarche de développement local viable (Gagnon, 1995), intégrant le social, l’environnement et l’économie, maîtrisée par et pour la communauté hôte, c’est-à-dire celle qui reçoit le projet ou l’activité, afin de répondre à une amélioration des conditions de vie. À la suite de Gagnon, Cater affirme: « A useful way to discern responsible community-based ecotourism is to approach it from a development perspective, which considers social, environmental and economic goals, and questions how ecotourism can "meet the needs of the host population in terms of improved living standards" » (1993, p. 85-86, cité par Scheyvens, 1999, p. 246). En effet, selon Barkin (2003, p. 371), si l’écotourisme devait se résumer prioritairement à mettre sur le marché une nouvelle offre touristique afin de répondre aux urbains en mal d’espaces verts, il ne serait pas viable: « Ecotourism will destroy itself unless it goes beyond offering attractive rural setttings to discontented urban denizens. It must encompass the social dimensions of productive organization and environmental conservation to offer viable livelihood to the direct producers of these services. » Le concept d’écotourisme engloberait donc, dans sa définition, l’appropriation par les populations locales d’activités touristiques compatibles avec leur culture et les principes de conservation de l’environnement.

    La panoplie de définitions sur l’écotourisme peut aussi être regroupée en quatre familles: 1) celles qui appuient sur la demande touristique, 2) celles qui insistent sur la ressource à protéger, 3) celles qui mettent de l’avant la communauté d’accueil (Lequin, 2001), 4) et, ajouterions-nous, celles qui mettent le développement durable viable comme étant l’objectif principal visé par l’écotourisme. Au-delà de la taxinomie, ce qu’il faut retenir, selon nous, c’est leur point commun, à savoir l’inclusion d’une dimension normative dans un segment de l’industrie touristique, reflétant une préoccupation éthique. Cette dimension normative avait déjà été soulignée par Ceballos-Lascuráin (1996) et nous tentons d’en saisir ci-dessous les quatre métaprincipes qui maillent le concept d’écotourisme.

    2. LES MÉTAPRINCIPES DE L’ÉCOTOURISME

    Lorsqu’une approche cognitive, une pratique ou une discipline nouvelles émergent, tout un arsenal de formalisation se met en branle. Forcément, entre en jeu une démarche normative pour définir les règles, les principes, le contenu que la nouvelle donne recouvre. Dans cette démarche normative s’affrontent des paradigmes, des visions du monde et des valeurs. Cela correspond davantage au besoin (du moins pour les chercheurs qui sont aussi ancrés socialement) de nommer, de définir les contours d’une nouvelle réalité, tout en laissant une souplesse pour définir un contenu qui se précise dans le temps, avec l’évolution des pratiques d’acteurs et des connaissances produites.

    Dans cette foulée, sur la base des écrits consultés, nous dégageons quatre métaprincipes structurants de l’écotourisme:

    la valorisation de la conservation de l’environnement;

    la contribution équitable au développement économique;

    la prise en compte et réponse aux besoins des communautés hôtes;

    la génération d’une expérience touristique nouvelle, authentique et responsable.

    Des principes d’écotourisme ont déjà été identifiés par d’autres auteurs, tel le respect de l’environnement, la présence d’une expérience touristique (Butler, 1992, cité dans Ceballos-Lascuráin, 1996) ou encore le partenariat avec les communautés locales (Wight, 1993, citée dans Dawson, 2001). Toutefois, à travers l’analyse de contenu des 25 textes retenus, nous explicitons la formulation de ces métaprincipes.

    2.1. VALORISATION DE LA CONSERVATION DE L’ENVIRONNEMENT

    La valorisation de la conservation de l’environnement est le métaprincipe le plus familier de l’écotourisme. Ceballos-Lascuráin rappelle que si le tourisme est dommageable pour l’environnement, ce n’est pas le cas de l’écotourisme⁵ (1996, p. 24). Selon ce point de vue, l’activité écotouristique serait non dommageable pour l’environnement. La distinction du père de l’écotourisme, partagée par la plupart des auteurs consultés, distingue donc l’écotourisme du tourisme conventionnel et a fortiori du tourisme de masse du point de vue des impacts environnementaux. En effet, selon Le Cornec: « Le tourisme conventionnel, dans son acceptation traditionnelle, est un élément étranger à l’environnement, qui ne se préoccupe d’environnement et d’utilisation des ressources naturelles que pour mieux en tirer un profit immédiat, sans se soucier des conséquences engendrées à court, moyen ou long terme » (2001, p. 59). Comme le mentionne Breton, dans sa critique du tourisme de masse:

    L’essor incontrôlé d’un seul tourisme de masse, au-delà des seuils tolérables pour les écosystèmes qu’il tend à coloniser, face aux capacités d’absorption de ceux-ci, est source de dénaturation et d’acculturation des milieux, par l’altération de l’environnement naturel, la dégradation des sites et paysages, la destruction des ressources faunistiques et floristiques (Breton, 2001a, p. 17-18).

    C’est pourquoi le projet dit d’écotourisme, selon les auteurs consultés, devrait responsabiliser le voyageur afin de promouvoir la conservation environnementale: « Environmentally responsible travel and visitation to relatively undisturbed natural areas, in order to enjoy and appreciate nature […] that promotes conservation » (Ceballos-Lascuráin, 1996, p. 20). À ce titre, les projets de parcs et d’aires protégées se définissent comme des produits attrayants pour l’écotourisme: « It typically occurs in natural areas, and should contribute to the conservation or preservation of such areas » (Fennell, 2000, p. 43).

    Toutefois, la fréquentation touristique d’espaces protégés pour leur valeur d’exemplification et de représentation d’écosystèmes singuliers porte son contraire: leur dégradation. Pensons seulement au cas de Banff (Canada). C’est pourquoi Boo (1990) suggère que cette valorisation s’accompagne de mesures de fréquentation touristique par le biais d’un indicateur de capacités de charge afin d’établir les contraintes et les seuils de fréquentation humaine et de contrôler les impacts négatifs. Ainsi, des études se sont penchées sur les impacts environnementaux du tourisme et dans certain pays, les projets touristiques, même petits, ainsi que l’exploitation du parc, sont soumis à la procédure d’évaluation environnementale.

    Ainsi, afin d’éviter les erreurs du passé, au-delà des déclarations et politiques, des indicateurs environnementaux, serait-il nécessaire de mettre sur pied une modalité d’évaluation et de suivi pour mesurer le succès ou non d’initiatives écotouristiques, et ce, en termes de valorisation environnementale? Oui. C’est du moins ce que soutient Avila Foucat (2002, p. 512), afin de soutenir la conservation et la réhabilitation des habitats naturels où se déroulent des activités d’écotourisme. D’ailleurs la France s’est dotée d’une charte du tourisme durable, assortie d’une grille de critères, afin d’évaluer les impacts et les bénéfices des projets touristiques.

    2.2. CONTRIBUTION ÉQUITABLE AU DÉVELOPPEMENT ÉCONOMIQUE LOCAL

    Le deuxième métaprincipe qui se dégage de notre analyse, soit la contribution équitable au développement économique, insère l’écotourisme dans les relations de marché où l’écotourisme doit viser la viabilité économique (Higham et Carr, 2003) tout en améliorant les produits et services aux touristes (Ceballos-Lascuráin, 1996; Higham et Carr, 2003), et ce, en créant de l’emploi local (Fennell, 2000; Lequin, 2001). L’écotourisme deviendrait donc un vecteur de développement justifiant la conservation de l’environnement pour des fins d’activités économiques. « From a conservation standpoint, nature tourism can provide an economic justification for conservation of areas that might not otherwise receive protection […]

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