Вы находитесь на странице: 1из 13

L’école à l’épreuve de la sociologie

La sociologie de l’éducation et ses évolutions

Anne Van Haecht | de Boeck

Ébauche de travail
L’école à l’épreuve de la sociologie | A. Van Haecht

Avertissement
Vous tenez dans vos mains le résumé que j’ai pu réaliser à partir du livre L’école à l’épreuve
de la sociologie, d’Anne Van Haecht. Il ne comprend qu’une partie du premier chapitre (pp.
21-73).
Ce document n’est naturellement pas complet, ni définitif (vérifiez toujours la date d’édition,
une nouvelle version a peut-être été mise en ligne avec des ajouts ou des corrections). Si la
mention « Version béta » est présente sur la couverture, cela signifie que le document est en
cours d’élaboration.
Ce document est mis à disposition de tous, il a été téléchargé sur Webdoc (webdoc.unil.ch)
sous l’adresse caglione. (pour de l’aide sur l’utilisation de Webdoc :
http://webdoc.unil.ch/aide-webdoc/webdoc_fr.html)
Vos critiques, ajouts, commentaires, questions, sont tous bienvenus : camille-
angelo.aglione@unil.ch
Bonne lecture !
Camille-Angelo Aglione

Camille-Angelo Aglione 2 | 13
L’école à l’épreuve de la sociologie | A. Van Haecht

1. L’EMERGENCE DE LA SOCIOLOGIE « CRITIQUE » DE L’EDUCATION .............................4

1.1. DURKHEIM ET L’ ACTION EDUCATIVE .....................................................................................4


1.2. DEVELOPPEMENT DE L’EDUCATION DANS L’ APRES-GUERRE......................................................4
1.3. LES THEORIES ECONOMIQUES DE L’EDUCATION .....................................................................4
1.3.1. THEORIE DU CAPITAL HUMAIN ................................................................................................4
1.3.2. THEORIE DES « RESERVES DE TALENTS »....................................................................................5

2. LE SCHEMA DE LA REPRODUCTION : DE L’ECOLE AU SYSTEME DES CLASSES


SOCIALES ..............................................................................................................................6

2.1. QUELQUES CONCEPTS FONDAMENTAUX ..............................................................................6


2.2. UNE THEORIE DU SYSTEME D’ENSEIGNEMENT .........................................................................7
2.3. AU-DELA DE LA REPRODUCTION : LA METAPHORE ECONOMIQUE ............................................8

3. LES CRITIQUES ADRESSEES AU SCHEMA DE LA REPRODUCTION ................................11

3.1. LA CRITIQUE ONTOLOGIQUE ............................................................................................11


3.1.1. LA RUSE DE LA RAISON.........................................................................................................11
3.1.2. ET LE SUJET ? .......................................................................................................................11
3.2. LA CRITIQUE EPISTEMOLOGIQUE : UN PARADIGME CONCURRENT ...........................................11
3.2.1. INDIVIDUALISME METHODOLOGIQUE ....................................................................................12
3.2.2. L’INEGALITE DES CHANCES ..................................................................................................13
3.3. LA CRITIQUE CRITIQUEE ...................................................................................................13

Camille-Angelo Aglione 3 | 13
L’école à l’épreuve de la sociologie | A. Van Haecht

1. L’émergence de la sociologie
« critique » de l’éducation
L’auteur introduit son propos en précisant que les travaux précurseurs en sociologie de
langue française sont ceux réalisés par Durkheim. À ce propos, le célèbre sociologue
inscrivait la recherche sur les système scolaires dans deux voies essentielles : les institutions et
le conflit ainsi que le changement l’accompagnant.
Contrairement à ce qui est couramment dit de Durkheim, dont on retient plus facilement le
raisonnement fonctionnaliste, ce dernier réfléchissait donc également en termes de
domination, celle de la classe dominante, qui, par le biais de l’éducation, menait un combat
idéologique visant à imposer ses propres valeurs.

1.1. Durkheim et l’action éducative

« Pour lui, l’action éducative produit en chacun de nous l’être social, combinaison entre un
être individuel dont les états mentaux se rapportent à la seule personne et un deuxième être
nourri d’idées et d’habitudes qui expriment le(les) groupe(s) d’appartenance. » Dans ce
schéma, la responsabilité de l’Etat est lourde, puisqu’il a en charge la désignation des
principes communs, le respect de la raison et de la science notamment, dans le but
d’imposer la démocratie.
Ce que dénonce Durkheim c’est le mode de transmission des ressources, qui avantage les
classes aisées en contrant le principe méritocratique qui veut que « la richesse et la fonction
d’un individu doivent correspondre à ses talents propres ».
Finalement, Durkheim annonce une science de l’éducation possible, science qui ne
connaîtra un véritable développement qu’une fois la Seconde Guerre mondiale achevée.

1.2. Développement de l’éducation dans l’après-guerre

Au nom de l’écrasement du nazisme et du fascisme, il s’agissait en effet d’imposer les valeurs


démocratiques et l’école semblait être l’outil de prédilection pour cette action. Sans
compter la concurrence avec l’URSS, « l’idée se diffuse que le progrès économique à lui seul
ne peut se réaliser sans la multiplication des qualifications scolaires jusqu’aux plus hauts
niveaux possibles ».
Le développement du système scolaire et son adaptation nécessaire à un savoir devenu
polysémique amena la nécessité d’une théorisation à ce sujet. Les premières théories
concernèrent l’apport économique de l’éducation, les principales étaient au nombre de
deux.

1.3. Les théories économiques de l’éducation

1.3.1. Théorie du capital humain


L’accroissement des investissements scolaires y est vu comme source de bénéfices
individuels (salaire, carrière, etc.) et collectifs (taux de croissance économique). Théorie qui
fût critiquée pour deux raisons, la première étant qu’elle sous-tend qu’un ouvrier ne fait pas
fructifier son savoir tel quel et qu’il ne se transforme en capital que pour son employeur, la
seconde c’est que si l’éducation ne peut que « créer un potentiel humain susceptible par sa

Camille-Angelo Aglione 4 | 13
L’école à l’épreuve de la sociologie | A. Van Haecht

formation de jouer un rôle positif dans le développement », ce rôle ne deviendra effectif que
si l’économie est à même d’absorber ce talent et le mettre à profit dans un poste adapté.

1.3.2. Théorie des « réserves de talents »


Cette théorie, qui traversa les pays développés dans les années 1950, constate qu’à
compétences scolaires égales, ou aptitudes égales (mesurées par des tests), « les enfants des
couches supérieures ont davantage de chances de poursuivre leurs études ».
« La base du raisonnement était donc qu’il existait une « réserve réelle » (les aptitudes
scolaires du moment) et une « réserve potentielle » (les aptitudes scolaires possibles) qu’il
serait irrationnel de ne pas exploiter. »
Si ces espoirs de réformes restèrent pour la plupart vains, il n’empêche que ce courant
participa de l’engagement croissant des sociologues dans le domaine de l’éducation. En
France deux noms se détachent, il s’agit de Bourdieu et Boudon et si leurs théories ne
peuvent se réduirent l’une à l’autre, il n’empêche « qu’elles convergent au moins sur un point
qui est celui du pessimisme auquel engagent leurs conclusions ».

Camille-Angelo Aglione 5 | 13
L’école à l’épreuve de la sociologie | A. Van Haecht

2. Le schéma de la reproduction : de
l’école au système des classes
sociales
Dans le monde francophone, la théorie de Bourdieu et Passeron est certainement la plus
fameuse. Elle s’appuie et s’inspire de différents grands courants théoriques, ce qui rend sa
critique parfois périlleuse.
On peut retrouver chez Bourdieu et Passeron des éléments propres à la théorie
durkheimienne, notamment la « rupture avec le sens commun, la confrontation de la théorie
et de l’empirie et l’affirmation d’une méthode sociologique spécifique ». Elle emprunte
également des principes wébériens, tels que l’importance du fait mental, la reconnaissance
du fait scientifique comme recherche de la vérité à partir d’un rapport aux valeurs subjectif,
l’idéal-type comme instrument heuristique ou encore le questionnement sur les modalités de
la légitimation. Finalement, les bases de la réflexion marxiste, comme l’importance des
déterminations économiques, de la situation de classe dans l’espace des positions sociales,
de la détermination dernière instance par l’économie et la reconnaissance de l’école dans
la reproduction des rapports de force.

2.1. Quelques concepts fondamentaux

« La reproduction qui représente l’englobant théorique des Héritiers repose sur une théorie de
la violence symbolique dont il faut rappeler les éléments principaux. »
 Pouvoir de violence symbolique : « tout pouvoir qui parvient à imposer des significations
comme légitimes en dissimulant les rapports de force qui les sous-tendent »
 Action pédagogique : « Elle constitue objectivement la violence symbolique. Elle est
exercée par tous les membres éduqués d’une formation sociale ou d’un groupe, par les
membres du groupe familial, par les enseignants ».
 Autorité pédagogique : « Nécessairement impliquée par l’action pédagogique, elle
apparaît comme pouvoir de violence symbolique, sous la forme d’un droit d’imposition
légitime ».
 Travail pédagogique : Travail d’inculcation  formation habitus
 Habitus : produit de l’intériorisation d’un arbitraire culturel
« L’axiome fondateur de la théorie de Bourdieu et Passeron peut se résumer ainsi : tout
pouvoir de violence symbolique ajoute sa force propre aux rapports de force qui lui ont
permis de se manifester comme tel. » L’Etat par exemple en utilisant la violence symbolique
et en se passant de la violence physique1 légitime son pouvoir.
L’action pédagogique, dont traite les auteurs, relève d’un double arbitraire : « celui du
pouvoir qui instaure le rapport pédagogique et celui du contenu du message transmis ». Ainsi
l’action pédagogique en légitimant l’arbitraire dominant (le contenu), légitime également
les rapports de force qui ont placé ce contenu comme dominant.
Bourdieu et Passeron suggèrent alors de « subsumer2 l’ensemble des actes marqués par du
double arbitraire de l’imposition symbolique dans une théorie générale des actions de

1 Quoique… on peut penser à l’armée, la police, etc. mais cette violence physique est légitimée
2 Penser (un objet individuel) comme compris dans un ensemble – Petit Robert

Camille-Angelo Aglione 6 | 13
L’école à l’épreuve de la sociologie | A. Van Haecht

violence symbolique, qui appartiendrait elle-même à une théorie générale de la violence et


de la violence légitime ».
Pour rendre compte de cette théorie, il convient encore de préciser quelques concepts,
notamment l’autorité pédagogique et l’autonomie relative. L’autorité pédagogique n’est
investie d’un pouvoir qu’au titre de « mandataire des groupes ou des classes dont elle
impose l’arbitraire culturel ».
C’est cette légitimité qui lui permet de passer sous silence sa « vérité objective de violence »
et c’est cela qui lui permet d’effectuer le « travail pédagogique », qui consiste après une
longue durée, à former un habitus, « analogue dans l’ordre de la culture de ce qu’est le
capital génétique dans l’ordre biologique ».
Cette action pédagogique primaire sera le lieu de formation d’un habitus primaire, qui
teintera la perception du sujet, même si les expériences futures se déroulaient dans un
contexte fondamentalement différent. Van Haecht utilise la métaphore de l’écriture pour
illustrer ce dernier point : « Les différentes manifestations de l’habitus d’un même individu
offrent un caractère analogique : ainsi en va-t-il de l’écriture qui reste la même quel que soit
l’instrument (crayon, plume ou feutre). »
Cette vision peut être perçue comme largement déterministe (l’homme est ce qu’il naît et le
reste malgré lui jusqu’à la fin de ses jours) et c’est ce qui a valu à Bourdieu des critiques. Ce
dernier s’est défendu en arguant vouloir dépasser le dualisme subjectivisme/réalisme en
utilisant la notion d’habitus qui pour le dire très caricaturalement est un point de vue subjectif
en situation (qui elle est objective).

2.2. Une théorie du système d’enseignement

« Pour Bourdieu et Passeron, la structure et le fonctionnement de tout système


d’enseignement institutionnalisé sont à mettre directement en relation avec la double
mission qui lui est assignée :
 fonction propre d’inculcation d’abord
 fonction de reproduction d’un arbitraire culturel dont il n’est pas producteur ensuite. »
Or, l’institution est la propre productrice des agents en charge de sa mission (les enseignants),
elle détient également monopole de l’enseignement, dès lors, l’école produit des habitus qui
légitime son action mais en plus, son statut et son monopole lui assurent une apparence de
neutralité qui lui permet d’exercer la reproduction de l’arbitraire culturel.
Ces constats (émis dans le livre II de La reproduction) découlent d’enquêtes réalisées par
Passeron et Bourdieu. Lors de ces recherches, les deux auteurs postulent qu’il faut tenir
compte de l’éloignement original de la langue scolaire chez les élèves pour analyser leur
réussite, sinon on se prive de voir leur évolution pour ne tenir compte que de leurs résultats.
Dès lors ce qui apparaît c’est que les élèves des classes populaires, qui sont éloignés de la
langue scolaire, subissent un phénomène de double sélection (ou de sur-sélection) qui fait
que ceux qui restent sont pour la plupart aussi bons que les élèves des classes favorisées et
meilleurs que les élèves des classes intermédiaires.
Pour expliquer ce phénomène (qui conduit à la reproduction des inégalités sociales, tout de
même), les chercheurs expliquent que la langue professorale est utilisée par les maîtres et
avantage les élèves des classes supérieures. Dès lors, Passeron et Bourdieu « stigmatisent
cette pédagogie élitiste qui alimente les malentendus linguistiques et qui suppose que la
manière de dire (rapport au langage) et la manière de faire (hexis corporelle) sont plus
importants que ce qui est dit et fait. ».
En fait, le système d’enseignement non seulement sous couvert de l’égalité n’offre pas les
mêmes chances à chacun, ce qui favorise la distinction entre classe, mais légitimée cette

Camille-Angelo Aglione 7 | 13
L’école à l’épreuve de la sociologie | A. Van Haecht

fois, mais en plus il ne donne une information et une formation qu’à ceux qui disposent d’une
formation initiale qu’il ne dispense pas.
« Le libre jeu de l’institution est préservé au prix d’une servitude implicite : « la légitimation de
la reproduction des hiérarchies sociales par la transmutation des hiérarchies sociales en
hiérarchies scolaires ». (Bourdieu, Passeron, 1970)
« L’école, depuis la maternelle jusqu’à l’Université, est le creuset où s’opère la transformation
du capital social en capital culturel institutionnalisé, qui permet à l’hérédité sociales de se
réaliser en toute légitimité : « Instrument privilégié suprême de ne pas s’apparaître comme
privilégiés, elle (l’École) parvient d’autant plus facilement à convaincre les déshérités qu’ils
doivent leur destin scolaire et social à leur défaut de dons ou de mérites qu’en la matière de
culture la dépossession absolue exclut la conscience de la dépossession. »
Bref, l’analyse de Bourdieu n’est pas son conséquence sur la perception de l’École, si
jusqu’ici elle était vue comme une « institution naturelle, contribuant à la reproduction des
savoirs et des savoirs-faire requise par la division du travail », la critique ne la laissera pas
intacte, la révélant comme « instrument de production/reproduction des rapports de force,
c'est-à-dire de la société dans son essence même ».

2.3. Au-delà de la Reproduction : la métaphore économique

« Après la publication de la Reproduction, Bourdieu continue à explorer la thématique de


l’autonomie relative des rapports symboliques à l’égard des rapports de force ». Une pensée
centrée du la logique pratique, qui suppose que l’on dépasse la traditionnelle tension entre
objectivisme et subjectivisme.
Pour mettre en scène ces oppositions, Bourdieu choisi la théorie des classes sociales. Dans ce
cadre la mécanique des rapports de forces (une vision objectiviste) « se rallie à une
représentation réaliste de la classe en en faisant un groupe circonscrit et présent dans la
réalité » alors que la vision d’une cybernétique des rapports de sens (vision subjectiviste) se
« rallie à une représentation nominaliste de la classe, en en faisant un « groupe de statut » ».
Ces deux visions comportent leurs imperfections, la première conduit à gommer les rapports
de force qui organisent les classes, où des différences très faibles se muent en différences
radicales.
La définition des classes doit alors selon Bourdieu passer par un dépassement de
« l’opposition du subjectivisme volontariste et de l’objectivisme scientiste et réaliste ». Dès lors
l’auteur propose un tableau dont les deux axes sont :
 Le capital global (en abscisse)
 Le capital économique et le capital culturel (en ordonnée)
Et autours desquels les différents acteurs s’ordonnent en formant trois classes principales
(dominantes, moyennes, populaires).
[voir page 41 pour illustration]
« La position d’un agent déterminé dans l’espace social peut ainsi être définie par la position
qu’il occupe dans les différents champs, c'est-à-dire dans la distribution des pouvoir qui sont
agissantes dans chacun d’eux, soit principalement le capital social, ainsi que le capital
symbolique, communément appelé prestige, réputation, renommée, etc., qui est la forme
perçue et reconnue comme légitime de ces différentes espèces de capital. » (Bourdieu,
1984)
En ce qui concerne la constitution du capital culturel dont dispose chaque agent, Bourdieu
lui distingue trois formes différentes :
 Objectivée : « les biens culturels définis par la quantité de science ou d’art dont [les

Camille-Angelo Aglione 8 | 13
L’école à l’épreuve de la sociologie | A. Van Haecht

agents] sont le support »


 Incorporée : « habitus culturel acquis par socialisation »
 Institutionnalisée : « titres scolaires, dont la mobilisation dans la division du travail renvoie
à une valeur marchande ».
S’il existe une « trajectoire modale » de classe (direction plus ou moins similaire pour les
membres d’une même classe) nombre de déviations individuelles ou collectives peuvent
également être constatées.
En ce qui concerne les champs, Bourdieu théorise ainsi ce qu’il définit comme « un réseau,
ou une configuration de relations objectives entre des positions ». Les individus ou les
institutions d’un même champ sont donc en compétition pour un enjeu identique, ce qui
suppose que les règles doivent être acceptées communément. Ce qui caractérise
également un champ ce sont trois critères :
 Détermination de critères propres d’évaluation (esthétique pour l’art)
 Existence d’un corps de spécialistes
 Savoir systématique
C’est ainsi que Bourdieu appliquant sa théorie à la musique réalise une classification des
styles musicaux en regard du champ occupé par leur affecionados.
Mais attention, ce n’est pas parce que Bourdieu affirme que les classes populaires aiment la
chanson française, alors que les classes supérieures préfèrent la musique classique, qu’il
accepte de laisser tomber sa théorie dans le déterminisme. Il s’en défend en argumentant
que « Les agents tombent en quelque sorte sur la pratique qui est la leur plutôt qu’il ne la
choisissent dans un libre projet ou qu’ils n’y sont poussés par une contrainte mécanique ».
Bourdieu utilise la métaphore économique pour expliquer le comportement des agents, qui
effectuent, sans le savoir parfois un calcul investissement-intérêt. Calcul qui est d’autant plus
aisé s’il est basé sur un habitus, qui offre d’autres avantages : « Lorsque des gens n’ont qu’à
laisser faire leur habitus pour obéir à la nécessité immanente du champ et satisfaire aux
exigences qui s’y trouvent inscrites (ce qui constitue en tout champ la définiion même de
l’excellence), ils n’ont pas du tout conscience de sacrifier à un devoir et moins encore de
rechercher la maximisation du profit (spécifique). Ils ont donc le profit supplémentaire de se
voir et d’être vus comme parfaitement désintéressés. »
Appliquée à l’éducation, cette théorie peut se révéler utile pour comprendre les dernières
modifications de la pédagogie. « Surscolarisation des privilégiés, allongement de la durée
moyenne des études de tous peuvent être interprétés comme conséquences de la
dévaluation, justifiées par un calcul rationnel, celui de la « rationalité défensive d’une
stratégie de maximisation du capital scolaire dans une situation de baisse tendancielle du
rendement sociale de ce capital3. »
Le constat est alors amer, puisque les membres des classes aisées savent utiliser avec
maestria la diversification du système, tandis que les membres des classes populaires se
partagent en deux groupes. Un premier est composés des élèves « sur-sélectionnés qui
croient en la reconnaissance de l’excellence » et le second regroupe les élèves qui
« subissent dans les filières déclassées une obligation scolaire allongée ». Sans compter
qu’avec l’inflation scolaire « le capital social prendrait de l’importance au détriment du
capital scolaire dans la « composition organique du capital non économique socialement
rentable ».
Mais la théorie économique trouve sa limite dans l’utilisation de ce diplôme, dont la valeur ne
se résume pas au parchemin mais prend véritablement vie lors de l’entretien. À cette
occasion le savoir-être sera également mesuré et avantagera une fois de plus les membres

3 Car les diplômes étant de plus en plus nombreux, leur valeur va en diminuant

Camille-Angelo Aglione 9 | 13
L’école à l’épreuve de la sociologie | A. Van Haecht

des classes aisées. « La métaphore de l’efficace symbolique exige donc de ne pas s’en tenir
à la métaphore économique stricto sensu, inadéquate pour rendre compte de
l’incorporation (via l’habitus) du capital culturel et scolaire. »

Camille-Angelo Aglione 10 | 13
L’école à l’épreuve de la sociologie | A. Van Haecht

3. Les critiques adressées au schéma de


la reproduction
« Synthétiser les critiques émises à l’égard de la théorie de la reproduction telle qu’elle fut
formulées par Bourdieu et Passeron exige, si le souci d’actualité l’emporte, de minimiser
aujourd’hui la place occupée par les condamnations essentiellement idéologiques qui lui ont
été adressées du côté marxiste.
Nous privilégierons délibérément ici la critique ontologique, puis la critique épistémologique,
ce qui nous amènera à débattre de l’individualisme méthodologique. »

3.1. La critique ontologique

« Par critique ontologique, il faut comprendre une critique portant sur l’être, ici plus
particulièrement sur l’être du fait social et celui de l’acteur social. »

3.1.1. La ruse de la raison


Selon Raynaud :
« Le système accomplirait sa rationalité grâce à cela même qui pourrait en apparaître
comme sa négation ». C’est la méconnaissance qui permettrait au système de se reproduire,
méconnaissance des classes populaires qui choisissent des diplômes en déclin et
méconnaissance des classes supérieures qui adoptent des stratégies scolaires rentables et
des goûts culturellement « légitimes » qui fait que chacun a l’illusion de liberté. Liberté qui de
toute manière est une illusion dans ce système.

3.1.2. Et le sujet ?
Ferry et Renaut mettent eux à mal l’indépendance du sujet dans la théorie Bourdieusienne.
Pour eux « si les actions pratiques font l’histoire – une histoire non réductible à
l’autodéveloppement mécanique des structures -. Chaque action est pourtant le produit
d’une détermination directe par les structures objectives du monde sociale et d’une
détermination indirecte par les habitus. » Bref, les auteurs en concluent que Bourdieu en cela
ne se démarque pas vraiment du structuralisme marxiste.
Ne m’en voulez pas, je vous laisse le soin d’aborder dans le détail cette critique aux pages
52-53 pour m’en tenir à la conclusion de Van Haecht qui me suffit largement : « On aura
compris [ou pas, mais ce n’est pas la question] que ce qui est désigné comme « critique
ontologique » subsume, sous les remarques de Raynaud, Ferry et Renalt, la mise en cause du
déterminisme qui serait à l’œuvre chez Bourdieu, tant dans ses travaux réalisés sur l’école,
que plus largement dans sa sociologie de la culture, ou plus exactement de la violence
symbolique ».

3.2. La critique épistémologique : un paradigme concurrent

« Il s’agit ici de la critique portant sur les modalités de la connaissance sociologique,


envisagées dans une perspective heuristique et méthodologique ».
Van Haecht commence par rappeler qu’en sociologie deux paradigmes s’affrontes :
 Le paradigme holistique : dont le primat est la société, le tout
 Le paradigme atomistique : dont le primat est constitué du sens que donnent les acteurs

Camille-Angelo Aglione 11 | 13
L’école à l’épreuve de la sociologie | A. Van Haecht

à leur action.
Bourdieu quant à lui, bien qu’il reconnaissance la nécessité d’un « moment subjectiviste » se
situe plutôt dans une mouvance holistique. Opposé par exemple aux ethnométhodologues.
À cette première opposition, Boudon en ajoute une seconde, entre les paradigmes :
 Déterministes : « paradigmes en vertu desquels un phénomène social est expliqué en
raison d’éléments et d’événements antérieurs au phénomène à interpréter, qu’on ne
peut qualifier d’actes intentionnels (le sexe, la communauté ethnique, etc.).
 Interactionnistes : « paradigmes en vertu desquels un phénomène social est décrit
comme le produit de la juxtaposition ou de la composition d’un ensemble d’actions,
c'est-à-dire d’actes orientés vers la recherche d’une fin ».
Pour Boudon, les paradigmes déterministes ont une valeur uniquement descriptive.
L’interprétation ne peut se faire qu’en les confrontant à la logique interactionniste. Une telle
vision ne pouvait manquer d’opposer le sociologue à Bourdieu, qu’il décrit comme victime
d’une forme « d’hyperfonctionnalisme », alors que lui sera le principal représentant français
de l’individualisme méthodologique.

3.2.1. Individualisme méthodologique


Le principe même de la méthode utilisée par Boudon consiste à considérer un phénomène
social comme la conséquences d’actions individuelles. Car les individus, dit-il, ne sont pas
des « calculateurs abstraits », mais au contraire des « individus situés socialement ». De plus les
choix devant lesquels ces individus sont confrontés ne sont pas des choix abstraits, mais des
choix dont les termes « sont au contraire fixés par des institutions » par exemple.
Une autre définition de l’individualisme méthodologique figure un peu plus loin : « Ce principe
exige que l’explication d’un phénomène social passe par la reconstruction des motivations
des acteurs concernés et présente ce phénomène comme le produit de l’agrégation des
comportements individuels induits par ces motivations. »
Cette pensée ne nie pas pour autant le poids des contraintes sociales mais ne les place pas
comme déterminantes. (« un individu qui n’a pas d’intention d’achat n’est exposé à aucune
contrainte budgétaire »)
Dès lors « partant du principe que pour expliquer le comportement, les attitudes ou les
croyances de l’acteur social, il faut rechercher les bonnes raisons qu’il a d’adopter tel
comportement, telle attitude ou telle croyance, Boudon distingue différents types de
rationalités qui peuvent motiver l’action individuelle » :
 Utilitaire (satisfaction d’intérêts) et téléologique (adéquation entre moyens et fins
recherchés)
 Weberienne (complète la rationalité téléologique par la rationalité axiologique, en
rapport avec les valeurs)
 Située ou les « bonnes raisons » de toute sorte qui induisent discours, actes et croyances
La représentation schématique (voir page 57) de sa réflexion prend la forme d’une cible
dont deux anneaus extérieurs viennent s’ajouter aux quatre décrits ci-dessus et qui sont les
actes affectifs et les actions irrationnelles. Au sujet de ces dernière, Boudon déclarant
qu’elles ne peuvent ni être vécues (puisque inconscientes), ni observées, mais uniquement
inférées, elles posent un sérieux problème méthodologique, sociologique et psychologique.
« Boudon rejette donc tout homo economicus irrationnel dont le comportement n’est plus
interprétable en termes de « bonnes raisons » mais de « causes » qui agiraient sur lui sans qu’il
en prenne conscience (poids des traditions, résistance au changement, intériorisation de
l’ordre social, etc.). »

Camille-Angelo Aglione 12 | 13
L’école à l’épreuve de la sociologie | A. Van Haecht

En ce qui concerne sa critique des théories de Bourdieu, c’est la notion d’habitus qui sera le
plus sévèrement touchée. « Réfutant qu’un effet non voulu puisse être traité comme la cause
d’un comportement (…) Boudon postule que l’action doit être expliquée par les raisons
supposées de l’acteur et refuse complètement l’hypothèse que celui-ci puisse être
déterminé par des forces échappant à sa conscience. »

3.2.2. L’inégalité des chances


« Quelles sont les conséquences d’un tel modèle théorique sur l’appréhension de l’inégalité
des chances face à l’école et de la mobilité sociale ? »
Boudon se pose la question de savoir « comment arrive-t-on à telle place dans la structure
sociale ? » et distingue pour y répondre deux moments importants :
 La distribution des niveaux d’instruction, qui dépend de l’agrégation des actions
individuelles
 La distribution des positions sociales, qui elle est largement déterminée par des
contraintes économiques et technologiques.
« Le système scolaire se présente comme une succession de carrefours. (…) À chacun de ces
carrefours, l’individu est orienté et, à chaque fois, les inégalités jouent, ce qui procure à leurs
effets un caractère exponentiel. Voilà qui permettrait, d’après Boudon de rendre compte de
l’inégal succès scolaire selon l’origine sociale en évitant toute explication par des causes
finales ou postulant l’intériorisation par les individus des statistiques liées aux inégalités
scolaires. »
« La deuxième structure, renvoyant à la répartition des individus par catégorie socio-
professionnelle, vise à évaluer l’incidence des inégalités devant l’enseignement sur la
mobilité sociale. (…) Globalement, Boudon estime que les mécanismes généraux qui
régissent les comportements individuels de mobilité se traduisent par un allongement de la
scolarité. Un tel allongement de la scolarité fait peser sur les individus « un coût croissant (coût
proprement économique mais aussi coût entraîné par la prolongation d’une situation de
marginalité sociale) pour un bénéfice en terme de mobilité qui demeure à la fois incertain et
inchangé. »
L’auteur se demande alors assez logiquement « quelles formules imaginer, en termes de
politique scolaire, pour égaliser les chances scolaires ? ». Les quelques pistes avancées ne le
satisfont guère, sauf à limiter de manière intolérable les libertés individuelles, les inégalités
perdureront.

3.3. La critique critiquée

Je laisse les scientifiques à leurs contre-critiques obscures et vous laisse le soin si vous le
souhaitez de consulter les pages 64-69 pour en connaître la nature.

Camille-Angelo Aglione 13 | 13

Вам также может понравиться