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ì
DE LA MANIERE
D' É C R I R E
U HISTOIRE,
a a IK â m A.j ;ia
S E I O T Z I H U
DE LA MANIERE
D'ÉCRIRE
»
^HISTOIRE.
A PARIS,
Rue Dauphine, h Vtntrit , du côté du Pont-Ntus^
Chez Alexandre Jombert jeune, Libraire
pour l'Artillerie & le Génie.
M. DCC. LXXXIII.
Avec Approbation , & Privilège du Roi,
11
>.
JiI.îAÎ A
.. . : l'jilij u
i . .'. . .. .1
' ,7. . ; '.\ » 'j « no's...' v.-.' - v.-'j^.
DE LA MANIERE
D' É C R I R E
L' H I S T O I R E.
PREMIER ENTRETIEN.
*
récrire l'Histoire. 77
immense qu'il y a entre Rome nais
sante &c Rome maîtresse du Monde.
Dès lors je prends intérêt aux peti
tes choses qu'on me raconte de
.Romulus & de ses successeurs. Rien
ne m'annonce encore les prémices
d'un grand Empire ; mais heureu
sement pour les Romains , Tarquin
se rend odieux & se fait chasser.
L'Historien réveille mon attention
& ma curiosité , en . m'avertissant
que ce n'étoit que sous Tarquin
que la liberté devoit être établie ,
pour que les citoyens n'en abusas
sent pas. Ces mots me préparent
à la grandeur & à la décadence de
la République. Voilà l'objet que .je
me propose de connoítre. Je dévore
avec plaisir les premieres guerres
des Romains contre les Eques ,
les Volsques , les Toscans , les Sa-
D iij
78 De la manieri
bins *&c. &; les distendons éternelles
des Patriciens & des plébéyens. Pour
quoi ? c'est que je vois un peuple
qui dans des entreprises & des dé
mêlés en apparence peu impor
tants , acquiert de grandes vertus
& de grands talents , se prépare à
faire de plus grandes choses , & ap
proche quoique lentement du terme
où- les destinées ou plutôt ses mœurs
& son gouvernement l'appellent.
.En voyant rassembler les matériaux
immenses d'un vaste édifice , vous
les considéreriez avec plaisir ; par-
ceque votre imagination se feroic
d'avance un tableau magnifique du
Palais qu'on va élever : il en est
de même de l'Histoire Romaine.
Qnand vous rencoHtrerez , mon
cher Théodon , quelqu'un de ces
Lecteurs qui prétendent que la pre
d'écrire l'Histoirî. 79
miere' Décade de Tite Live est in
férieure aux autres , ne balancez
point à écrire que c'est un de ces
Lecteurs qui ne savent pas lire &
ne voient pas dans Tévénement qui
est sous ìeurs yeux , celui qui doit
le suivre.
Cette unité d'action , & d'inté
rêt si recommandée au Poète épi
que pour m'intérelser aux entrepri
ses de son héros , n'est pas moins
nécessaire à l'historien : car elle est
fondée sur la nature même de no
tre eíprit, qui ne peut s'occuper de
plusieurs objets à la fois , sans se
partager , recevoir par conséquent
une impression moins vive, se las
ser, s'embarrasser, se dégoûter & ne
tirer enfin aucun fruit de ses étu
des. Homere m'intéresse au retour
d'Ulisse à Itaquë , & Virgile à l'é-
D iv
80 De LA MANIERE
tablissement d'Énée en Italie. Ils
n'oublient jamais que c'est là le but
de leur Poeme , & pour fixer mon
attention ils me le rappellent sou
vent. De même l'Historien doit ne
point me laisser perdre de yúe le
terme où il a promis de me con
duire. Alors l'histoire devient en
quelque sorte un Poëme épique ;
elle marche à son but à travers les
obstacles qu'opposent les.passions ôc
les événements de la fortuné.
Les Gaulois dans Rome embrasée,
Pyrrhus & Annibal en Italie tien
nent lieu du merveilleux d'Homere
& de Virgile ; & ne m'inquiétent
pas moins sur le sort des Romains ,
que Junon & Neptune sur celui
d'Énée & d'Ulisse.
Après Tite Live , je puis vous
citer Grotius. Son histoire des guer
d'écrire l'Histoire. Si
res qui ont donné naissance à la
République des provinces ^^nies ,
est un " ouvrage qui mérite les plus
grands éloges. Je ne vous dirai pas
qu'il est rempli de maximes que la
politique doit adopter , que les pas
sions y sont peintes avec autant de
force que d'adresse ; ce n'est pas sous
ce point de vue que je le considere
actuellement. Rappellez-vous avec
quel soin Grotius me fait connoître
les mœurs & le génie d'un peuple
qui peut souffrir un maître , mais
non pas un tyran ; qui s'essaie à
secouer le joug, & conserve par ha
bitude les préjugés qu'il doit à son
ancien gouvernement. Vous le voyez
qui se défie de lui-même , qui dou
te , qui hésite , qui suit sa colere en
tatonnant ; & qui n'ayant plus le
caractere convenable à la Monar-
D v
Sz De la manieri
chie , n'a pas cependant encore ce
lai qui convient à des Républicains,
tion
C'est incertaine
pour mieuxque
peindre
Grotius
cettedonne
situa-
habitent.
pas
damne
étrangers
pasIls
à tout
doivent
dansignorer
le prendre
monde
, ne soient
qu'ils
dans
l^ur
de FHistoire
éducation
Universelle.
une idée Dans
générale
ces
DE LA MANIERE
D'ÉCRIRE
L' H I S T O I R E.
SECOND ENTRETIEN.
K vj .
Il8 De LA MANIERE
de l'exposition inutile que fait Vol
taire , vous voyez qu'il auroit pu
la rendre très belle & très intéres
sante , s'il eût su qu'elle doit servir
à expliquer les causes des événe
ments.
Malheureusement Voltaire a fini
tous ses Ouvrages , avant que d'a
voir bien compris ce qu'il vouloit
faire. N'êtes-vous pas étonné qu'un
Historien qui oublie de vous expo
ser la situation actuelle de la Sue
de ; & qui ne prévoyant pas que
le caractere extraordinaire de son
héros doit causer une révolution dans
les mœurs & le gouvernement des
Suédois , ne s'occupe que du mo
ment présent ; porte tout d'un coup
fes regards sur í'avenir pour ne
faire qu'une nouvelle faute ? en ef
fet au lieu de me peindïe dans son
d'écrire l'Histoire. 129 .
exposition le Czar Pierre I , tèl
qu'il étoit encore quand la guerre
cornmençoit , il le représente tel
qu'il parut lorsque ses disgraces ,
qui n'avoient pu l'abattre , eurent
développé toutes les ressources de
son génie. Il naît de tout cela un
embarras dont certains Lecteurs ne
s'apperçoivent pas , mais qui gêne
ceux qui cherchent à se , rendre
compte des événements. Après une
exposition si vicieuse , vous auriez
tort de vous attendre à une histoire
raisonnable. Le héros agira sans
savoir pourquoi , & PHistorien mar
chera comme un fou à la suite d'un
fou.
Je ne dois pas oublier de vous
parler de lmposition d'Hérodien
qui réunissant toutes les qualités
qu'on peut desirer, est présentée
. Î3° LA MANIERE
de la maniere la plus ingénieuse,
Marc Auréle parvenu à un âge fort
avancé , & touchant à sa fin , ou
vre la scene la plus touchante.
Je partage les vives inquiétudes
dont ce Prince est agité , en pen
sant qu'un pouvoir sans bornes va
passer dans les mains d'un enfant
de quinze ou seize ans. Ce pere si
vertueux se rappelle les excès de
Denys le Tyran; les violences, les
cruautés , le délire des successeurs
d'Alexandre , & je tremble pour le
sort des Romains. Ma crainte aug
mente , quand paflant à des exem
ples domestiques il me présente les
excès monstrueux de Néron , les
cruautés plus récentes de Domitien , ,
& cette patience des Romains qui
sollicite en quelque sorte les vices
de leurs maîtres. Je rie doute plus
S'écrire l'Histoire. i-yi
alors que Commode ne soie cor
rompu &: par sa fortune & par les
mœurs publiques. Je suis attendri en
lisant le discours que Mare Aurèle
mourant tient à ceux de ses amis
qu'il a chargés de l'éducation de
son fils. Servez-lui de pere , leur
dit~il , & répétez lui souvent les
dernieres instructions que je viens
de lui faire entendre. Voilà un
de ces traits de génie qu'on ne peut
trop admirer ; & pour juger des
malheurs que l'Empire doit éprou
ver , soit au-dedans soit au-dehors ,
òc des causes qui les produiront ,
je n'ai qu'à me rappeller les der
niers moments de Marc Auréle
que je ne puis oublier ; tous les
faits naissent les uns des autres ,
& je démêle d'avance la ruine de
l' Empire,
271 De LA MANIERE
Mais avant que d'abandonner
rette matiere , permettez-moi d'ob
server que l'expofítion d'une histoire
particuliere exige des détails plus
circonstanciés , suivant que le peu
ple dont voulez m'entretenir a un
gouvernement, des loix, des mœurs
& un caractere qui ont une plus
grande influence dans les événe
ments. Mais une nation n'est-elle
plus composée de citoyens , est elle
sans action sous la main qui la meut
& la gouverne ? il vous suffira de
me faire connoître le caractere , les
moeurs & les talents de ce person
nage important.
Je suis ravi , me dit Cidamon en
m'interrompant , & j'attendois avec
impatience que vous en vinifiez à
ces portraits qui répandent en effet
la plus gtande lumiere sur L'His
d'écrire l' Histoire. 133
toire , & en sont un des plus beaux
ornements. Je les rencontre toujours
avec plaisir. Tant mieux pour vous ,
mon cher Cidamon, repartis-je; nos
Historiens ne vous en laisseront pas
manquer , & leur imagination les
sert à merveille. Mais pour moi ,
je vous l'avouâ,.je suis plus diffici
le , & ce n'est qu'à de certaines
conditions que j'aime ces orne
ments. Quand il paroît sur la
scene un homme extraordinaire par
ses vertus , ses vices ou ses talents ,
qui change les intérêts de son pays,
donne une nouvelle force à fa cons
titution ou y porte atteinte , ayez
soin de m'en faire un tableau. Ce
seroit négliger de m'instruire , de
me porter au bien ou de me détour
ner du mal , que de ne pas peindre
un Aristide , un Thémistocle , un
*34 £>E LA MANIER!
Périclès
le , un Décius
, lin Alcibiade
, un Fabricius
, un Garnit-*
, un
trop tard,
Je n'ai point lu l'histoire de l'A-
mérique par Robertson , mais si on
ne m'a point trompé dans l'espece
d'écrire l'Histoire. z6j
d'extrait qu'on m'en a fait , il me
semble que cet ouvrage rempli de
choses curieuses & même excellen
tes , ne peut pas cependant être
proposé comme un modele. Pour
quoi , je vous prie , perdre tout le
premier livre à me parler de la na
vigation des anciens , de leur com
merce & de leurs découvertes géo
graphiques ? tout ce morceau peut
être fait avec beaucoup d'érudition ,
de justesse & de précision ; mais
ce n'est pas cela que je cherche, je
veux savoir sur quelles raisons on
soupçonnoit l'existence d'un nou
veau monde ; je veux connoître
Christophe Colomb , & les rares
& grandes qualités qui le mettent
en état d'exécuter l'entreprise pro
digieuse qu'il médite. Tout le se
cond livre , m'a-t-on dit , est desti-
Mij
i£8 De LA MANIERE
né à satisfaire cette curiosité ; mais
par le détail qu'on m'en a fait y je
demande si Tite Live nauroit pas
été plus court. Se seroit-il permis
de m'apprendre mille choses qu'il
est bon de savoir , mais dont je ne
me soucie point dans le moment
où je suis impatient d'apprendre
comment les Européens ont sou
mis un vaste pays , qui en nous
prodiguant l'or &c l'argent nous a
appauvris , éc dont la possession est
devenue parmi nous un nouveau
germe de querelles, de dissentions
& de guerres ?
' Le troisieme livre contient l'his-
toire de la découverte & de la con
quête des Iíles , & le récit de quel
ques tentatives sur le continent. C'est
dans le livre suivant , m'a-t-on ajou
té , que l'Auteur traite de la vie des
d'écrire l'Histoire. 269
sauvages , la compare à la vie civi
lisée èc commence à parler des
moeurs Américaines. Je crois que
tous ces différents morceaux sont
dignes du plus grand Philosophe ;
mais je crains toujours que la grande
envie d'étaler de la Philosophie &
des connoissances , ne gâte l'histoire
qui doit marcher sans ostentation ,
rejetter tout ce qui n'est pas néces
saire , & ne se parer que des orne
ments qui lui conviennent : ne sen
tez-vous pas que tout ordre est bou
leversé ? en plaçant le quatrieme
livre avant le troisieme; il me sem
ble que j'aurois lu avec plus de
plaisir & d'intérêt les exploits de
Colomb & des Espagnols. Robert-
son n'auroit pas dit , il est vrai ,
une foule de choses que je ne lui
demande pas dans ce moment ,
M iij
170 De la masure
exposition
mais il auroit
dontfait
j'ai une
besoin.
excellente
Mvj
176 De LA MANIERE
ils sont négligents à cet égard , n'ont
jamais fait attention que c'est de
là que résulte cette magie , ce char
me secret qui embellit les beautés
mêmes , & attache & entraîne le
Lecteur sans qu'il s'en apperçoive.
Les autres , dominés par une imagi
nation qui fait tort à leur juge
ment , ne voient jamais que le
morceau qu'ils traitent ; & sans
égard ni à ce qui précede ni à ce
qui doit suivre, se contentent de
faire de belles tirades , croyant
que c'est de là que dépend la per
fection d'un ouvrage. Mais conten
tons-nous de quelques réflexions
relatives à l' art d'écrire l'Histoire.
Quoique la chronologie , c'est-à-
dire Tordre des temps , doive être
respectée , l' Historien cependant
n'en doit point être esclave. Quand
d'écrire l'Histoire. 277
vous avez entamé un fait important
gardez-vous , en le hachant &: en
le découpant, de le dégrader ; ne
l'abandonnez point dans le moment
que vous avez excité ma curiosité.
Cette regle est d'autant plus cer
taine, que les plus grands Histo
riens , tels que Tacite & Grotius ,
s'y sont soumis dans leurs Annales
mêmes ; forme d'histoire qui étant
très propre , comme nous en som
mes convenus , à faire connoître
comment se sont formées les loix ,
les mœurs & les coutumes d'un
peuple, à sa naissance ou dans le cours
d'une révolution importante , se sait
une loi de rapporter les faits par
ordre de date. Ces deux Historiens
connohToient les hommes, & sa
chant que pour les instruire il faut
leur plaire & les attacher , ils ont
De LA MANIERE
quelquefois anticipé sur les temps ,
& se sont contentés d'en avertir
leurs Lecteurs. Tacite s'est oublié
une fois dans le troisieme livre de
son histoire. Cest quand , frappé des
grands troubles de la Germanie qui
faillirent à ruiner les affaires des
Romains sur cette frontiere , il les
annonce & promet d'en parler bien
tôt. C'est, fi je me trompe, une
mal-adreíTe d'annoncer les faits
importants qu'on ne raconte pas
sur lé champ* L'esprit inquiet du
Lecteur se partage , il se potte en
avant , est distrait de l'objet qui est
sous ses yeux & le laisse échapper.
On a dit quet Fart des transitions
est l'art le plus difficile pour un
Historien , & j'avoue que dans la
plupart de nos histoires elles sont
triviales x insipides , plates x dures
d'écrire l'Histoire. 27^
ou forcées» Mais je crois avoir re
marqué que ce défaut rebutant
tient à la précipitation avec laquelle
on commence son ouvrage , avant
que d'avoir sérieusement médité
sur toutes ses parties & sur la place
qu'elles doivent occuper.. Tant
que je n'ai point découvert la liai
son, la plus naturelle des événe
ments , il faut nécessairement que r
pour les coudre les uns aux autres r
j'emploie une ou deux phrases dé
goûtantes , ou que dans ce passage
trop brusque mon Lecteur éprouve
un soubresaut violent. Je marche
au contraire sans embarras à la
fuite d'un Historien ami de Tor
dre ; un mot lui suffira pour faire
une transition ; & souvent même
lui sera inutile y si sa narration eJGL
rapide & son style serré.
a8o De la manière
Si vous êtes obligé d'interrompre
votre narration pour donner un
éclaircissement nécessaire , soyez
sûr que vous avez manqué Tordre
que vous deviez suivre. Retournez
sur vos pas , voyez s'il ne manque
rien dans votre exposition. Peut-
être qu'un mot heureusement placé
deux ou trois pages plus haut , au-
roit suffi à votre Lecteur. Quoi
qu'il en soit , travaillez , méditez
jusqu'à ce que vous ayez trouvé le
secret de vous passer de cet éclair
cissement ou de le rendre agréable.
Les habiles Historiens se servent
alors d'une harangue qui anime: la
narration , ou m'instruiront en me
peignant les inquiétudes & les
alarmes publiques. Enfin j'aimerois
encore mieux ces Historiens gros
siers qui bonnement mettent au
d'écrire l'Histoire. 281
bas des pages en guise de notes ,
ce qu'ils n'ont pas l'art d'enchasser
dans leur narration.
II me semble que l'histoire du
Concile de Trente par Fra-Paolo ,
est à l'égard de l'ordre, un modele
qu'on ne peut trop étudier & imiter.
Cette histoire particuliereest,en quel
que sorte , l'histoire générale de l'Eu-
rope , pendant les temps qu'elle fut
barbarement déchirée par les que
relles envenimées des Théologiens ,
le fanatisme aveugle des peuples ,
ôc l'ambition mal-entendue des
Princes & des Grands. Dans ces
fatales circonstances on crut qu'un
Concile général , en rapprochant les
esprits , pourroit calmer les haines ,
éclairer l'erreur & rendre à la Re
ligion sa dignité. Jamais exposition
d'une histoire particuliere n'em-
iSi De la manierë
premier
choisie , tort
& il, en
ne yréparera
joignant pas
encore
ce .
F I N.
APPROBATION.
J'ai lu , par ordre de Monseigneur le Garde des Sceau*
un Manuscrir qui a pour ritre : De la Maniere d'écrire
l'Histoire , pur As. r'Abbé de Mably. Le nom de l'Aurcur ,
le sujer qu'il traire , & la façon dont cerre matiere ell trai
tée , rendent cer Ouvrage (gaiemenr imporrant. D'aprés
de pareils principes , s'ils l'onr suivis , no is aurons de meil
leurs Hiliotiens & des Lecteurs plus éclairés.
A Paris , ce 1 9 Octobre 1 781. 1) E S A N C Y.
PRIVILEGE DU ROI.
1< O U I S , par la Grace de Dieu , Roi de France & de
Navarre: A nosamésSc féaux Conseillers, les Gens renanrs
nos Cours de Parlement, Maîtres des Requêres ordinaires de
notre Hôrel , Grand Conseil, Prévôt de Patis. Baillis , Séné
chaux, leurs Lieurenants Civils, Se autres nos Justicier!
qu'il appartiendra , Salut. Norre bien amé le sieur Abbé
de Maily , Nous a fairexpoler qu'il desireroit faire im
primer & donner au Public un Ouvrage de fa composition,
intitulé : De la Maniere d'écrire l'Hiftoire ; s'il nous plai-
íbit lui accotder nos Lertres de Privilege â ce néceflaïres s
A ces causes , voulant favorablement rrairer l'Expofant ,
Nous lui avons permis & permerrons de faire imprimer le
dir Ouvrage .-rutant de fois que bon lui semblera , 8c de le
Tendre , faire vendre par tout Notre Royaume. Voulons
qu'il jouiíle de l'effer du préient Privilége , pour lui 8c ses
hoirs à perpéruité , pourvu qu'il ne le rérrocéde à personne;
& si cependant il fugeoic à propos d'en faire rine cession ,
l'Acte qui la conriendra fera cnrep.istré ea la Chambre Syn
dicale de Paris , á peine de nullité , tanr du Privilége que
de la cession; 8c a lois par le fair seul de la cession enregis
trée , la durée du présent Privilége sera réduire à celle de
la vie de l'Expofant , ou à celle de dix années á comprer
île ce jour , si l'Expofant décéde avant ['expiration defaires
dix années ; le rout conformémenr aux arricles IV Sc V de
l'Arrêr du Conseil du 50 Août 1777. porrant Réglement
fur la durée des Priviléges en l ibrairie. Faisons défenses
à rous Imprimeurs , Libraires & autres personnes , de quel
que qualiré & condition qu'elles soient , d'eu inrroduire
d'impression étrangere dans aucun lieu Je notre obcillan-
ce ; comme aussi d'imprimer ou faire imprimer , vendre ,
faire vendre , débirer , ni contrefaire ledit Ouvrage sous
quelque prérexre que ce puille ítre fans la permission ex
presse 8c par écrir dudir Exposant, ou de celui qui le repré -
scEtsta, à peine de saisie k confiscation des EïejBpIairei
ctarrrcfaili, de six mille livres d'amende, qui ne pourra être
modérée , pour la première fois , de pareille amende &
de déchéance d'état , en cas de récidive, te de rous dé.
pens , dommages 8t intérêts, conformément à l'Arrêt du
Conseil du jo Août 1777 , concernant les contrefaçons. A
' la charge que ces Présentes seront eiKégistréeï tout au long
sur le Registre de la Communauté des Imprimeurs 8c Li
braires de Paris , dans trois mois de la date d'icelles : que
. l'impression dudit Ouvrage sera faire dans notre Royaume
& non ailleurs , en beau papier Se beaux caractères, confor
mément aux Règlements de la Librairie, à peine de dé"'
chéance du présent Privilège ; qu'avant de les exposer en
vente , le Manuscrit qui aura'seivi de copie á lmpression
dudit Ouvrage, sera remis dans le même état o.ù l'Ag.*\
probation^aura été dortnée, èsmsins de uotre très chef
féal Chevalier , G.irdc des Sceaux de Fraqce , le (ïjíur Ht/k'
DE Mir.omenil, qu'il en fera ensuite remis deuxcxcmplai-
tes dans notre Bibliothèque publique , un dans celle de
notre Château du Louvre ,' un dans celle de notre tris cher
8c féal Chevalier , Chancelier de France, le.sieur de Mau-
ttovj , & un dans celle duditsieur Hue de Miromenii. ;
le tout à: peine de nullité clés- présentés. Du contenu des
quelles vous mandons & enjoignons ^de faite jouir ledit
Exposant 8: ses hoirs pleirîement' & paisiblement, fans
souffrir qu'il leur soit fait ' aucun "trouble ou empêche
ment. Voulons que la copie des présentes , qui sera im
primée tout au long au commencement ou à la fin dndit
Ouvrage, soit tenue 'pout duemeht signifiée, 8c qu'aux
cônes coilationnécs par l'unde'nôs amés & féaux Con
seillers 8: Secrétaires , foi soit ajotftéc comme á l'Origina!.
Commandons au premier 'notre Huiflte£<>u Sergent fur ce
requis , de faire pour i'exécutiou d'icelles , rous Actes
requis íí nfeeslaircs , fans demÀ'nder autre permission , 8C
nonobstant clameur de Haro , Charre Normande , £c Let-
rie à ce contraire: Car tel est Notre plaisir. Donné ì
Paris, le quatrieœr jour de Décembre , l'an de grace mit
sept cent quatre-vingr deux , 8: de notre Règne , le u«l«
vicme. Pat le Roi en son Conseil.
Signé , L E BEGUE.
Regiflrésur le Registre XXI de la Chambre Royale 6V
Syndicale des Libraires & Imprimeurs de Pari) , N° I684,
fvlioyji , conformément aux dispositions énoncées dans le
présent Privilège ,6» d la charge de remettre à ladite
'Chambre les huit exemplaires prescrits par l'Ârt. CVlll
du Ríglaffeînir^iyiì- ~d Paris , ce 7 Décembre 1781.
/' ' ï k * 'A Sigm , LE CLERC, Syndic.
N