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Abstract
Louis-Jean Rousseau : Terminologie et aménagement des langues.
Terminology work is part of the broader field of language planning which forms nowadays a new field of experience
characterised by its theoretical approach as well as by its operating methods. This paper deals with the various approaches of
terminology in the context of language planning activities.
Rousseau Louis-Jean. Terminologie et aménagement des langues. In: Langages, 39ᵉ année, n°157, 2005. La terminologie :
nature et enjeux. pp. 93-102;
doi : https://doi.org/10.3406/lgge.2005.977
https://www.persee.fr/doc/lgge_0458-726x_2005_num_39_157_977
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1. Il s'agit ici du titre d'une loi fondamentale du Québec qui constitue à la fois un véritable énoncé
de politique linguistique et un plan d'aménagement linguistique visant tous les secteurs de la
société.
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La terminologie : nature et enjeux
2. Calvet (Louis-Jean), Pour une écologie des langues du monde, Paris, Pion, 1999.
3. Auger (Pierre), Conférence inaugurale, L'ère nouvelle de la terminologie, Québec, Office de la
langue française, 1988.
4. Voir les numéros 6 et 9 de la revue Terminologies nouvelles.
5. On entend ici par littératie la culture de l'écrit, c'est-à-dire la capacité et la propension pour une
personne à l'utilisation du langage écrit (lecture ou écriture) dans la communication et les
activités cognitives. Il existe plusieurs définitions de ce concept, dont la dénomination est parfois
critiquée.
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Terminologie et aménagement des langues
les fonctions qu'on leur a assignées (aménagement du corpus) dans le cadre d'une
politique linguistique préalablement définie. 6
L'aménagement linguistique se situe au niveau des stratégies et des moyens à
mettre en œuvre pour atteindre les objectifs d'une politique linguistique prédéfinie.
L'aménagement implique généralement des décisions d'ordre glottopolitique, mais
il englobe aussi tous les choix relatifs aux domaines et aux modes d'intervention. Ces
choix supposent une connaissance approfondie de la situation linguistique et des
enjeux sociaux du territoire visé et l'identification de problèmes à résoudre.
L'élaboration d'un plan d'aménagement linguistique comprend généralement plusieurs
étapes dont les principales sont les suivantes :
• la connaissance précise et détaillée de la situation sociolinguistique de départ ;
• le marché linguistique (national, infranational, régional, international) ;
• l'état de la description des langues ;
• l'évaluation de la demande sociale ;
• l'évaluation de la demande politique ;
• la détermination des besoins ;
• les ressources existantes ;
• la définition de la situation souhaitée ;
• la détermination du plan de travail ;
• le contrôle et l'évaluation de la stratégie et de sa mise en œuvre à la lumière des
résultats obtenus.
Certains choix de politique linguistique mèneront à une loi spécifique, alors que
d'autres seront simplement formulés de manière éparse, à l'intérieur de divers
articles de loi ou de règlements qui n'ont pas trait à l'usage de la langue, mais qui auront
des répercussions de ce type. Il est intéressant de noter que les politiques
linguistiques ne sont pas nécessairement formulées dans des textes officiels, mais qu'elles se
formalisent dans les pratiques sociales ou administratives.
Il faut bien dire qu'il n'existe pas de modèles universels de plans d'aménagement
linguistique : il n'y a que des exemples d'aménagement linguistique plus ou moins
réussis et dont on peut évaluer les résultats en fonction des caractéristiques de
départ des communautés linguistiques et des objectifs visés. En effet, la situation
linguistique de chaque société est unique et il serait vain de vouloir appliquer un
modèle universel d'aménagement linguistique, ce qui ne pourrait qu'échouer. C'est
la raison pour laquelle il faut d'abord fonder toute intervention sur l'analyse de
l'environnement linguistique. Il en va de même des grilles d'analyse, qui doivent
être adaptées aux situations. La modélisation de l'aménagement linguistique n'est
donc pas pour demain.
6. Cette proposition de définition a été élaborée sur la base des travaux du CIFLA (Conseil
international francophone des langues), organe consultatif de l'Agence intergouvernementale de la
Francophonie. Cette définition semble pouvoir s'appliquer au plus grand nombre des cas de
figures d'aménagement linguistique connus.
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La terminologie : nature et enjeux
3. L'AMÉNAGEMENT DU CORPUS
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Terminologie et aménagement des langues
permettre de remplir les fonctions qu'on leur assigne. Dans un premier temps, il
peut s'agir de réaliser une simple description de ces langues (lexique, syntaxe,
phonologie, etc.) et de les normaliser. Il peut également s'agir de doter une langue
utilisée uniquement à l'oral d'un système d'écriture ou d'en assurer la normalisation.
Il peut s'agir également d'enrichir le lexique d'une langue afin de la rendre apte à la
communication plus élaborée. Enfin, on peut également procéder à des réformes
importantes du corpus d'une langue, notamment, pour prendre des exemples
récents, des réformes de l'orthographe. De manière plus précise, voici quelques
exemples d'interventions sur le corpus :
• la réforme d'une langue : par exemple, l'introduction de l'alphabet romain en
turc, les tentatives récentes de réforme de l'orthographe en français et en
allemand ;
• l'amélioration de la pratique d'une langue (performance) : comme c'est le cas
dans la législation linguistique de la Catalogne et dans la Charte de la langue
française du Québec, où l'on parle davantage de correction et d'enrichissement
de la langue parlée et écrite ;
• la standardisation linguistique : c'est le cas du norvégien, du catalan, ou encore
de nombreuses langues africaines en voie de description et de codification. Ainsi,
si l'on souhaite qu'une langue soit écrite et numérisée, la question de la graphisa-
tion de cette langue se pose de manière importante 8 ;
• la modernisation du lexique, et plus particulièrement de la terminologie : par
exemple, le cas du catalan, du français, des langues baltes, des langues africaines,
de l'arabe, de l'hébreu, etc. Ainsi, on peut citer le travail terminologique destiné à
remplacer les emprunts lexicaux, comme cela se pratique par les commissions de
néologie et de terminologie françaises et québécoises ;
• l'harmonisation et la normalisation terminologique : par exemple, les travaux du
Comité technique 37 de Г ISO et de l'ensemble des organismes nationaux et
internationaux de normalisation. Il s'agit ici d'interventions non gouvernementales
mais celles d'organisations internationales ;
• la simplification stylistique : par exemple, les travaux sur l'anglais simplifié, de
l'administration publique américaine, les travaux actuels en France sur la
simplification du langage administratif, etc.
4. L'AMÉNAGEMENT DE LA TERMINOLOGIE
8. Cette difficulté de résoudre le problème des caractères remet en question les choix qui ont été
faits dans la graphisation de certaines langues africaines qui ont abouti à des codes graphiques
dont la complexité nuit à l'enseignement de ces langues (autant aux locuteurs natifs qu'aux allo-
phones) et à leur informatisation.
Langages 157 97
La terminologie : nature et enjeux
9. Pour illustrer cette diversité de « normes » de l'anglais, il est intéressant de noter que le
correcteur orthographique du logiciel WORD reconnaît les variantes suivantes : Afrique du Sud,
Australie, Belize, Canada, Caraïbes, États-Unis, Hong Kong, Inde, Indonésie, Irlande, Jamaïque,
Malaisie, Nouvelle-Zélande, Philippines, Royaume-Uni, Singapour, Trinité et Tobago, Zimbabwe.
10. Melander (Bjórn), Comité parlementaire de la langue suédoise, A Language Policy for Sweden -
with terminology as a central part http://www.unilat.org/dtil/aet/sommet/melander__fr.htm
1 1 . En Francophonie institutionnelle, on définit ainsi le concept de « langue partenaire du
français » : Langue qui coexiste avec la langue française et avec laquelle sont aménagées des relations
de complémentarité et de coopération fonctionnelles dans le respect des politiques linguistiques
nationales.
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Terminologie et aménagement des langues
5. L'APPROCHE SOCIOTERMINOLOGIQUE
12. Réseau international francophone d'aménagement linguistique, créé en 2000 par l'Agence
intergouvernementale de la Francophonie.
13. Voir à ce sujet le numéro 16 de la revue Terminologies nouvelles intitulé « Enquêtes
terminologiques » et qui traite des rapports entre terminologie et dialectologie.
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La terminologie : nature et enjeux
Par ailleurs, les rapports que l'on peut établir entre terminologie et
développement conduisent directement au concept de socioterminologie qui est maintenant
bien établi. En fait, plus qu'un simple concept, c'est toute une nouvelle approche de
la terminologie qui est en train de se développer à la lumière des différentes
expériences de l'aménagement terminologique et de leur évaluation en ce qui a trait à
l'atteinte des objectifs de changement linguistique. Le colloque tenu par le RINT à
Rouen en décembre 1993 sur l'implantation des termes officiels 14 et les travaux de
Loïc Depecker 15 ont bien montré toutes les difficultés que représente la volonté
d'introduire dans l'usage des termes nouveaux, notamment des termes destinés à
remplacer des emprunts eux-mêmes en voie d'implantation ou déjà bien implantés
dans l'usage d'un milieu professionnel. On se trouve alors dans une situation où,
pour une communauté socioprofessionnelle donnée, toutes les fonctions sont bien
remplies par une terminologie d'emprunt, y compris les fonctions identitaires et
symboliques. Identitaire d'abord parce que l'usage de termes particuliers, même
empruntés à une autre langue, marque l'appartenance à une communauté de
locuteurs bien identifiée et restreinte en nombre. Symbolique ensuite, car, s' agissant
généralement de termes appartenant à une langue de prestige comme l'anglais (cas
le plus fréquent), leur usage par des locuteurs de langues jugées moins prestigieuses
laisse croire à une compétence (réelle ou supposée) dans cette langue de prestige.
On comprend alors que la démarche traditionnelle du travail terminologique
mené dans les officines linguistiques ne suffit pas à la réalisation des objectifs, à
moins qu'une interaction n'intervienne entre le terminologue et les communautés de
locuteurs visés à toutes les étapes du travail terminologique. Il convient en effet de
mettre en œuvre conjointement différentes approches de la pratique
terminologique : l'approche conceptuelle (les systèmes de concepts), l'approche communica-
tionnelle, l'approche linguistique (l'analyse textuelle du discours scientifique et
technique) et l'approche socioterminologique (qui met l'accent sur les conditions
sociolinguistiques de la production du discours scientifique et technique), toutes
complémentaires les unes des autres.
Ces idées pourraient ne pas sembler nouvelles. Les premières expériences
menées sur le terrain ici ou là ont conduit à des conclusions dont il a été tenu compte
dans l'évolution des méthodes du travail terminologique. Mais souvent,
l'organisation du travail, la multiplicité des tâches à accomplir et des difficultés de toute nature
ont fait en sorte qu'il n'a pas été toujours possible aux organismes de terminologie de
maintenir des relations d'étroite proximité entre terminologues et communautés de
locuteurs. Il faut bien constater qu'il y a tout un terrain à conquérir, à la lumière des
études et des travaux de la socioterminologie.
Nous avons déjà examiné ailleurs 16 les exigences et les limites de l'aménagement
terminologique, signalant notamment la nécessité de fonder le travail
terminologique sur la description des usages, en tenant compte de la variation terminologique
dans une même langue, qu'il s'agisse de la variation géographique (variation
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