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ANDRÉ GIDE (1869-1915)

Romancier, critique, mémorialiste, auteur d'essais, André Gide a été (à côté de Marcel
Proust) l'un des prosateurs de la première partie du XX -e siècle qui a marqué de la manière la
plus décisive l'évolution du discours narratif dans la littérature française.
De ses œuvres, les plus remarquables, par ordre chronologique, ont été: Les cahiers
d'André Walter (1891), Le traité du Narcisse (1892), Paludes (1895), Les nourritures terrestres
(1897), Le Prométhée mal enchaîné (1899), Les Caves du Vatican (1914), Les Faux -Monnayeurs
(1925-1926), Voyage au Congo (1927), Les Nouvelles nourritures (1935), Journal (1932, 1936).
Ses écrits ont opéré un bouleversement qui s’est ressenti bien au-delà du domaine
strictement esthétique, dans la morale surtout, par des idées telles: 1a liberté et la spontanéité de
l'acte existentiel, l'affranchissement de tout préjugé hypocrite, 1e plaidoyer en faveur d'une
existence pleinière car "Toute sensation a une force infinie" {Les Nouvelles nourritures). Plus
tard, à l'âge de maturité (Les Nouvelles nourritures) il reviendra sur ses affirmations de jeunesse
en affirmant que le vrai bonheur consisterait "dans l'accomplissement d'un devoir librement
assumé envers la communauté"1.
Pour ce qui est de sa contribution au renouvellement du discours romanesque, elle est à
prendre en discussion toujours par rapport au roman balzacien, tout comme celle de Marcel
Proust. En premier lieu Gide est, peut-être, le premier à avoir adapté à la prose romanesque le
phénomène d'autoréflexivité caractéristique surtout pour une certaine partie de la poésie de la
seconde moitié du XlX-e siècle (Rimbaud, Mallarmé). Il est le créateur de ce que les critiques ont
appelé le métaroman ou "le roman du roman". Il a emprunté cette technique à la tradition des
blasons du Moyen-Âge (un blason pouvait être conçu en tant qu'inclusion d'un autre blason) mais
aussi aux peintres baroques tels Jean Van Eyck et Velasquez. Dans une toile célèbre de ce dernier,
par exemple, intitulée Les Ménines, le peintre se présente lui-même en train de peindre le tableau
que nous avons sous les yeux. Gide a appelé cette technique "mise en abyme" (Les Caves du
Vatican) et ce terme a été repris, par la suite, par la critique littéraire. Ce type nouveau de
structure romanesque brise la linéarité de la narration.
D'autres éléments encore ont contribué au renouvellement du discours narratif dont les
plus importants seraient: les interventions ironiques de l'auteur vis-à-vis de son héros (lorsque
celui-ci est amené au point de tomber dans le piège des stéréotypies traditionnelles) ainsi que ce
qu'on a appelé la théorie de l'acte gratuit (le personnage n'agit plus sous l'impulsion d'un

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déterminisme extérieur -le milieu social ou intérieur - l'hérédité - mais en vertu de sa spontanéité
et du hasard).
Les Caves du Vatican et Les Faux-Monnayeurs sont des romans dont le sous-titre donné
par Gide est celui de "soties" (une "sotie" ou "sottie" était un "genre dramatique médiéval (XIV e -
XVIe siècle) qui relève de la satire sociale ou politique"
Pour ce qui est de la technique "mise en abyme", le roman Les Caves du Vatican en est
illustratif. Les Caves du Vatican sont à la fois une sorte de roman policier, de satire politique, de
farce moyenâgeuse, de conte philosophique, de théâtre de fantoche, un divertissement d'auteur et
d'autrui, une mystification dans le sens profondément baroque. C'est pour la première fois que
Gide abandonne la forme du récit autobiographique à un seul personnage et crée une multiplicité
de points de vue, juxtaposés, de personnages les plus différents spirituellement et socialement.
En voilà un bref résumé dont nous nous voyons obligés d'exclure bon nombre de détails et
de personnages qui, par ailleurs, ne manqueraient pas d'intérêt.
De retour de Rome, où il avait rendu visite à son beau-frère Anthime (savant positiviste,
franc-maçon qui finira par devenir catholique fervent à la suite d'une guérison miraculeuse d'un
rhumatisme tenace), le comte Julius de Baraglioul, écrivain traditionnel positiviste et catholique à
la fois, trouve sur son bureau de l'appartement parisien une lettre de la part de son père lui
annonçant le triste pressentiment de son "grand départ". En plus, le vieux comte, ancien
diplomate attaché dans le temps à l'Ambassade de France à Bucarest, demande à son fils de lui
rendre un petit service: "En vue de quelques dispositions dont je vous aviserai tôt ensuite, j'ai
besoin de savoir si un jeune homme, de nom de Lafcadio Wluiki [...] habite encore au douze de
l'impasse Claude-Bernard". C'est que le vieux diplomate, dans sa jeunesse, avait eu une aventure
amoureuse avec une courtisane bucarestoise - Wanda - dont le fruit avait été le susdit Lafcadio,
demi-frère bâtard de Julius. En homme d'honneur, le vieillard, sur la fin de sa vie, voulait
pourvoir aux besoins de ce fils du hasard. Maladroit dans son entreprise, le comte Julius ne
s'avère pas assez discret de sorte que le jeune Lafcadio, vivant dans un milieu douteux et doué
d'un caractère à la mesure de ce milieu, comprend très vite l'occasion inespérée qui se présentait
car, malgré son éducation qui laissait beaucoup à désirer, il était très vif d'esprit. Il trouvera
moyen de rendre lui-même visite à son père mourant et en plus il va mettre sur pieds une
ingénieuse et vaste organisation d'escroquerie appelée "Le mille-pattes". Misant sur la naïveté de
quelques personnes riches et dévouées, il les détermine à lui verser des sommes fabuleuses sous

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le prétexte d'une action de libération du Pape qui aurait été emprisonné et remplacé sur le Saint-
Siège par un sosie de la franc-maçonnerie.
L'action se complique au moment où Lafcadio lance par la fenêtre d'un train un innocent
voyageur à la suite d'un pari qu'il s'était imposé sans aucune motivation: "Si je puis compter
jusqu'à douze, sans me presser, avant de voir dans la campagne quelque feu, le tapir est sauvé".
Malheureusement il ne parvient à compter que jusqu'à dix et le pauvre Fleurissoire (la victime)
est projeté par la fenêtre. C'est l'une des illustrations de l'acte gratuit.
C'est juste après cet événement que l'auteur met en place sa technique de "mise en
abyme". Juste avant d'apprendre la sinistre nouvelle grâce à la presse, Julius, déçu de n'avoir pas
été reçu à l'Académie, expose à Lafcadio le projet d'un roman dont le personnage commettrait un
crime "parfaitement immotivé": "- Donc, voici ce que j'imagine...Vous m'écoutez ? [...] Il s'agit
d'un jeune homme dont je veux faire un criminel. / - Je n'y vois pas de difficulté. [...] Il n'est pas
malaisé de trouver des motifs de crime. / - Sans doute... mais précisément, je ne veux point. Je ne
veux pas de motif au crime; il me suffit de motiver le criminel. Oui; je prétends l'amener à
commettre gratuitement le crime, à désirer commettre un crime parfaitement immotivé".
On peut, donc, constater comment un fragment du roman réussit à résumer l'ensemble
dont il fait partie.
Essayons de voir maintenant ce qu'il en est du fragment intitulé Un héros malgré lui. Pour
situer l'histoire qu'on y relate nous devons préciser qu'elle n'est qu'un interlude, significatif, il est
vrai, pour faire ressortir la nature du "héros". Il était en train de se diriger vers le domicile du
vieux comte Agénor de Baraglioul lorsque, en tournant la rue de Babylone, "il vit des gens
courir" et finalement un incendie qui faisait sortir "une assez maussade fumée". Sans allonger le
pas (histoire de se prouver à soi-même qu'il parvenait en toute occasion à se maîtriser) Lafcadio
arrive sur les lieux où il voit, outre l'attroupement en agitation, une belle jeune fille qui soutenait
une "pauvresse" qui se laissait secouer de sanglots à fendre l'âme. Le jeune homme se renseigna
auprès de la jeune demoiselle sur ce qui se passait. Elle lui explique que les deux petits de la
pauvre femme étaient restés bloqués par les flammes au deuxième étage et que personne n'osait
monter les sauver. Elle ajoute même qu'elle serait prête à offrir une bourse de soixante francs à
l'éventuel volontaire. En plus, elle lui indique le chemin qu'avaient emprunté une fois des voleurs
pour cambrioler un appartement mais personne ne voulait s'y hasarder, disait la jeune fille, pour
sauver des enfants.

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Imprévu et, paraît-il impressionné par la beauté de la jeune fille, Lafcadio se montre prêt à
risquer sa vie. Au début on peut avoir l'impression qu'il se comporte selon le code narratif
romantique: il met en jeu sa propre vie pour sauver celles de deux enfants menacés de brûler
vivants dans la maison incendiée. Il escalade la façade de l'édifice et, en parfait héros des romans
d'action, fait descendre à tour de rôle les deux "marmots" dans les bras de leur mère éperdue. La
foule tributaire des conventions romantiques mais socioculturelles aussi l'acclame comme un
héros (la récompense, moment final de tout modèle narratif traditionnel). Mais Lafcadio repousse
leur geste d'admiration d'une façon si brutale que le monde "s'arrête presque aussitôt de
l'acclamer et de le suivre".
Le refus du personnage d'adhérer aux mêmes valeurs que celles qui animent la foule pour
la simple raison que cela le rendrait ridicule - "on me prend pour un clown" - met parfaitement en
évidence qu'il ne s'agit plus d'un personnage traditionnel mais d'une sorte d'anti-héros,
particulièrement spécifique pour la sensibilité artistique de notre siècle, car il se comporte
polémiquement par rapport au modèle du personnage romantique, expression, ce dernier, des
valeurs absolues, transcendantes.

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