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nés : rien à prolonger, tout à reprendre. Mais, dans le
cercle plus étroit des choses de l’esprit, la crise n’est pas
moins profonde. Les formes avancées de la littérature et
de l’art, celles-là memes nui s’étaient données pour
tâche la libération de l’esprit, le surréalisme par exem
ple, après des années d’efforts louables, l’entraînent à
présent dans des activités à demi-esthétiques qui, à la
longue, prennent un caractère maniaque et purement
rituel. La philosophie se donnait depuis toujours le
même but : l’absence complète d’autorité et de méthode
ont abouti à un extrême éparpillement des points de
vue et des préoccupations, si bien que des recherches
aussi anarchiques, dépareillées et incapables de concou
rir utilement à fonder quelque conception du monde,
découragent les meilleures volontés et les plus fermes
espoirs. La science enfin se débat dans des difficultés
sans précédent qui la forcent à mettre en cause ses prin
cipes les mieux établis. C’est au point que cet esprit
rationaliste qui l’a couvée, la regarde maintenant avec
épouvante comme une conception monstrueuse et déna
turée. mais vorace et, de la physique à la psvchopatho-
logie. trouve les plus pressants sujets d’alarme dans des
découvertes et des théories que la fantaisie poétique, si
libre, n’a même pas su rêver, à sa honte, et que l’investi
gation méthodique a dû concevoir bon gré, mal gré (1),
précisément parce qu’elle n’est pas libre et qu’il n’est
pour elle de plus stricte obligation qu’une métamor
phose exhaustive et continue, transformant sans cesse
sa structure intime par l’intégration propre de la na
ture des obstacles qu’elle réduit.
Mais la description des ombres du tableau fait déjà
prévoir une possibilité de lumière, car ces ombres
mêmes apportent les unes la direction, les autres les
éléments d’une réforme qu’il faut espérer salutaire.
Dans un monde, en effet, où la confusion tient com
munément lieu de profondeur, la paresse et le hasard
(1) Il est significatif en tout cas que les tentatives les plus auda
cieuses et les mieux menées de destruction des formes de la sensibi
lité et des anticipations de la perception soient venues non de la poé
sie. mais de la science, spécialement de la physique relativiste, qui
fournit ainsi la plus importante contribution à la mise en œuvre du
long, Immense et raisonné dérèglement de tous les sens réclamé par
Rimbaud.
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d'audace et de lucidité, la négligence de maxime de
gouvernement, où l’arrogance la moins fondée se fait
passer pour génie, une certaine vigueur dans la décision
et une grande sévérité dans la réalisation doivent suf
fire à rallier les suffrages qui comptent. Quant aux
autres, il est dans leur nature de suivre et de se sou
mettre.
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qui prétendent la dépasser (2), il est plus expédient de
ne pas renoncer à une base d’opérations, très suffisante
comme point de départ d’où un travail d’extension peut
trouver carrière indéfinie.
C’est un fait d’ailleurs que les nécessités modernes
exigent qu’on ne se contente plus de ces illuminations,
que, renchérissant à peine sur Fichte (3), je décrivais
comme dispersées, instables, mal garanties, de nulle
valeur sans un acte de foi préalable et plaisantes seule-^
ment par le crédit qu’on veut bien y ajouter (4). Il est
vain de les opposer telles quelles à la logique ou à l’es
prit de système. Il faut vaincre l’adversaire avec ses
propres armes, par une cohérence plus rigoureuse et
une systématisation plus serrée, par une construction
qui l’implique et l’explique au lieu qu’elle soit réduite
et décomposée par lui. Ce procédé de la généralisa-
lion (51 nar lequel la géométrie de Riemann a résorbé
celle d’F.uclide et la physique relativiste celle de Newton
en les admettant comme cas particuliers d’une synthèse
plus compréhensive, indique la voie véritable. Dans
nuelque domaine que ce soit, l’issue de la concurrence
du systématique et du rationnel, en entendant par ce
dernier terme l’état des formes de l’intuition intellec
tuelle vis-à-vis du contenu de l’expérience (6), ne peut
plus faire de doute. Sur tous les points en conflit, le
litige sest soldé par la capitulation du rationnel devant
les exigences de la systématisation. Et il ne pouvait en
être autrement, puisque c’est celle-ci qui détermine les
différents stades de celui-là. Une telle démarche de
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connaissance ne progresse jamais sans s’enrichir de ses
conquêtes et sans s’assimiler l’essentiel de leur sub
stance, en sorte que le principe d’explication, toujours
supérieur en tout point à ce qu’il explique, du fait de
cette intégration continue, ne cesse de porter en soi le
caractère fondamental de la recherche fondée, celui qui
dans Vépreuve des forces lui assure une prestigieuse
suprématie : qu’elle rend compte de tout sans que rien
n'en rende compte.
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cite actuellement les énergies est aussi humble et pré
cise qu’elles apparaissent grandioses et peuvent sem
bler vogues. Le départ et l’arrivée participent du moins
l’un de l’autre par leur commun postulat de rigueur :
en face de la complaisance générale, c’est assez déjà
pour qu’on perçoive distinctement leur filiation. Dès
la déclaration des hostilités, il importait de signifier
avec clarté les buts de guerre : l’édification lente et
sûre d’une doctrine dont l’exactitude se situe aussi
bien sur le plan de la vérité philosophique que sur
celui des satisfactions affectives et qui, en même temps
qu’elle, donne à chacun la certitude de son destin, lui
soit concurremment un impératif moral pour tous les
conflits et la solution technique de toutes les difficultés.
Roger C a il l o is .
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