Laurent DECHÂTRE
1
Voy. par ex., respectivement considérants 5 et 7 de la Décision n° 2007-560 DC du 20 déc.
2007 sur la conformité à la Constitution du Traité de Lisbonne.
2
Voy. par ex., BVerfGE 123, 267 (2ème sénat, 30 juin 2009, Lisbonne), pt 223. Pour la version
française, voy. [http://www.bundesverfassungsgericht.de].
3
BVerfGE 111, 307 Görgülü.
58 LA PRATIQUE DU DROIT INTERNATIONAL EN FRANCE ET EN ALLEMAGNE
4
BVerfGE 111, 307 Görgülü, pts 31-32. Les traductions des affaires citées sont, sauf
précision, personnelles.
5
Voy. par ex., BVerfGE 123, 267, pt 225.
6
Art. 79 al. 3 LF : « Toute modification de la présente Loi fondamentale qui toucherait à
l’organisation de la Fédération en Länder, au principe du concours des Länder à la législation ou aux
principes énoncés aux articles 1 et 20, est interdite ».
7
Décision n° 2006-540 DC, Rec., p. 88 ; JORF du 3 août 2006, p. 11541.
8
En ce sens : dans le cadre des commentaires de jurisprudence, l’exposé de la décision
n° 2006-543 DC du 30 nov. 2006, Loi relative au secteur de l’énergie, dans les Cahiers du Conseil
constitutionnel, n° 25, 2008, p. 98 ; O. DUTHEILLET DE LAMOTHE, « Le contrôle de
conventionalité », intervention lors de la visite à la Cour constitutionnelle italienne le 9 mai 2008,
p. 4, [http://www.conseil-constitutionnel.fr].
9
Décision n° 2006-540 DC, cons. 19.
10
Ibid.
L. DECHÂTRE 59
constitutionnelles et les lois référendaires quel que soit leur objet, ceci
entraînant une différence quant à la nature de la limite à l’ouverture au droit
international et européen (I). L’image de l’obstacle potentiellement constitué
par l’identité constitutionnelle ne peut toutefois être complète qu’après avoir
pris connaissance de l’interprétation qu’en donne les juges constitutionnels
(II).
A. – L’identité constitutionnelle :
limite matérielle au pouvoir de révision de la constitution ?
11
On présente généralement Roger Bonnard comme l’auteur ayant formalisé en France la
distinction entre pouvoir constituant originaire et pouvoir constituant institué (R. BONNARD, Les
actes constitutionnels de 1940, Paris, LGDJ, 1942, p. 36) et Georges Vedel comme ayant imposé le
terme de « pouvoir constituant dérivé ».
12
C. SCHMITT, Théorie de la Constitution (Verfassungslehre), préface de O. BEAUD, coll.
« Léviathan », Paris, PUF, 1993, p. 152.
60 LA PRATIQUE DU DROIT INTERNATIONAL EN FRANCE ET EN ALLEMAGNE
13
Ibid. p. 148.
14
Ibid. p. 157.
15
G. ANCHÜTZ, Die Verfassung des deutschen Reichs vom 11 August 1919, Darmstadt,
Wissenschaftliche Buchegesellschaft, 14ème éd., 1933, rééd. 1960, p. 401.
16
A. SIMARD, « L’échec de la constitution de Weimar et les origines de la ‘démocratie
militante’ en RFA », Jus Politicum, juill. 2008, n° 1, p. 11 citant G. ANCHÜTZ, ibid.
17
Ibid., pp. 13-14.
L. DECHÂTRE 61
18
Interdiction de réviser la Constitution selon l’article 89 al. 4 C si « atteinte à l’intégrité du
territoire », selon l’article 7 en cas de vacance de la présidence, et selon la jurisprudence du Conseil
constitutionnel en cas d’application de l’article 16 (Cons. 19 de la décision n° 92-321 DC du 2 sept.
1992, Maastricht II).
19
G. LIET-VEAUX, Droit constitutionnel, Paris, éd. Rousseau, 1949, p. 163 ; F. LUCHAIRE,
« L’Union européenne et la Constitution », RDP, 1992, p. 1591.
20
J. GICQUEL, J.-E. GICQUEL, Droit constitutionnel et institutions politiques, 22ème éd.,
Paris, Montchrestien, 2008, pp. 187-188.
21
R. BADINTER, « Le Conseil constitutionnel et le pouvoir constituant », in Mélanges
Jacques Robert : Libertés, Paris, Montchrestien, 1998, p. 220.
22
L. FAVOREU, P. GAÏA, R. GHEVONTIAN, J.-L. MESTRE, G. SCOFFONI,
O. PFERSMANN, A. ROUX, Droit constitutionnel, 2ème éd., Paris, Dalloz, 1999, p. 789.
23
M. TROPER, F. HAMON, Droit constitutionnel, 31ème éd., Paris, LGDJ, 2009, p. 35.
24
F. MELIN-SOUCRAMANIEN, P. PACTET, Droit constitutionnel, 25ème éd., Paris,
Armand Collin, 2006, p. 549.
25
Voy. dans le même sens : « un détournement de procédure » pour L. FAVOREU,
« Souveraineté et supraconstitutionnalité », Pouvoirs, 1993, n° 67, p. 76, et « théoriquement
douteuse » pour F. MELIN-SOUCRAMANIEN, P. PACTET, Droit constitutionnel, 26ème éd., Paris,
Armand Colin, 2007, p. 72.
62 LA PRATIQUE DU DROIT INTERNATIONAL EN FRANCE ET EN ALLEMAGNE
plus souvent pas de recours contre les lois constitutionnelles. Dans le cas de
l’existence d’un contrôleur, l’argument de la révision de la révision ne tient
pas, le projet de révision de la Constitution concernant la clause de révision
pouvant être déclaré inconstitutionnel. Ainsi, l’article 79 al. 3 LF bénéficie
de la même intangibilité à peine d’être vain. Les limitations posées au
pouvoir de révision de la Constitution dans la doctrine de Carl Schmitt et
appliquées notamment par les Cours constitutionnelles allemande,
autrichienne et italienne, vont alors être fréquemment qualifiées de
supraconstitutionnelles par une grande partie de la doctrine française26, ce
qui permet de justifier leur rejet dans la perspective positiviste. La confusion
a pu être alimentée par certains auteurs qui défendent l’existence de limites
matérielles ; Chawki Gadde par exemple parle de « valeur
supraconstitutionnelle » quand il les vise27, alors même qu’il estime qu’une
manière de « dépasser ces limites matérielles est de mettre fin à la
constitution en vigueur »28. On peut certes concéder à Francis Hamon et
Michel Troper qu’un tel contrôle de constitutionnalité des lois
constitutionnelles peinerait à s’imposer en France alors que la limitation du
pouvoir du Parlement par le contrôle de constitutionnalité des lois ordinaires
fait déjà l’objet de contestations29 ; il n’en demeure toutefois pas moins qu’il
est ici fait référence à des dispositions de la Constitution, et non à des
principes supraconstitutionnels30.
La lecture proposée par la majorité de la doctrine française conduit à
une constitution précaire, alors que, comme le souligne Carl Schmitt,
« quand une constitution prévoit la possibilité de révisions
constitutionnelles, elle ne veut pas, par là, fournir une méthode légale à
26
M. TROPER, F. HAMON, op. cit. note 23, p. 36 et 504 ; K. GÖZLER, Le pouvoir de
révision constitutionnelle, Villeneuve d’Ascq, Presses universitaires du Septentrion, 1997, p. 105
(Thèse accessible en ligne [http://www.anayasa.gen.tr/these.htm]).
27
C. GADDES, « Pouvoir constituant et limites matérielles au pouvoir de révision de la
constitution », in Le pouvoir constituant aujourd’hui, Cinquièmes journées tuniso-françaises de droit
constitutionnel, Tunis, 16-17 novembre 2006, p. 17 [http://www.atdc.org].
28
Ibid, p. 12.
29
M. TROPER, F. HAMON, op. cit. note 23, p. 36 et 504.
30
Voy. O. JOUANJAN, « La forme républicaine du Gouvernement, norme
supraconstitutionnelle ? », in B. MATHIEU, M. VERPEAUX (dir.), La République en droit
français, Actes du colloque de Dijon, 10 et 11 déc. 1992, Paris, Economica, 1996, p. 285 ;
D. BLANC, « La justiciabilité des limites au pouvoir constituant sous la Ve République », in 50ème
anniversaire de la Constitution de 1958, VIIe Congrès français de droit constitutionnel, p. 5,
[http://www.droitconstitutionnel.org]. On doit distinguer le contrôle qui serait effectué par rapport à
des principes supraconstitutionnels de celui qui se baserait sur des dispositions constitutionnelles
traduisant les principes constitutionnels essentiels : voy. supra concernant la jurisprudence de
Karlsruhe. Olivier Beaud indique ainsi que « la doctrine de la limitation matérielle de la révision n’a
pas du tout besoin d’invoquer une ‘supraconstitutionnalité’ au sens d’un ‘droit naturel
constitutionnel’ », qu’« il lui suffit de s’appuyer sur le texte constitutionnel pour en déduire un
principe de légitimité inhérent à toute constitution » (O. BEAUD, La puissance de l’État, Paris,
PUF, 1994, p. 349).
L. DECHÂTRE 63
31
Legalität und Legitimität, 3ème éd., Berlin, Duncker und Humblot, 1932, réed. 1980, p. 61.
Cité par Olivier Beaud qui partage ce point de vue (O. BEAUD, État et souveraineté : éléments pour
une théorie de l’État, Lille, A.N.R.T., 1989, p. 404). Aussi en ce sens D. BLANC, ibid., p. 6,
[http://www.droitconstitutionnel.org].
32
BVerfGE 1, 14 (2ème sénat, 23 oct. 1951, Südweststaat), pt 77. Karlsruhe cite la position de
la Cour constitutionnelle de Bavière qu’elle fait sienne.
33
BVerfGE 3, 225 (décision du 1er Sénat du 18 déc. 1953, Gleichberechtigung), p. 231.
34
Procédure de contrôle de constitutionnalité des lois sur renvoi préjudiciel.
35
BVerfGE 3, 225, p. 230, pt 17. envoyant à BVerfGE 1, 184 (1er sénat, 20 mars 1952), pt 44
(elle concluait par l’interprétation téléologique et systémique que seules les lois au sens formel, par
opposition aux règlements, pouvaient faire l’objet d’un contrôle de constitutionnalité).
36
Voy. BVerfGE 3, 225 (Gleichberechtigung), pp. 230-231.
64 LA PRATIQUE DU DROIT INTERNATIONAL EN FRANCE ET EN ALLEMAGNE
considère ainsi les missions qui lui ont été confiées, la nécessité d’assurer
l’effectivité des limites posées à la Loi fondamentale et la terminologie
employée qui ne distinguait pas les modifications de la Constitution du
pouvoir de législation. L’article 79 LF se place en effet dans un VII intitulé
« la législation de la fédération » et le terme « loi » y est employé pour viser
la modification de la Loi fondamentale. Afin de s’attribuer un monopole
dans l’invalidation de lois constitutionnelles, elle souligne le risque d’une
atteinte plus importante au pouvoir constituant dérivé si d’autres juridictions
disposaient d’une telle compétence. En dehors du cadre de l’article 100 LF,
elle peut procéder à un contrôle abstrait de constitutionnalité des lois sur la
base de l’article 93 al. 1 2ème phrase LF, et être saisie de la conformité d’une
loi par toute personne s’estimant lésée dans ses droits fondamentaux issus de
la Loi fondamentale par le biais de l’article 93 al. 1 4a LF, et donc procéder
par extension dans ces deux cas à un contrôle de constitutionnalité des lois
constitutionnelles.
La Cour proposera une interprétation de la portée de l’article 79 al. 3
LF dans une décision Abhörurteil du 15 décembre 197037. Elle estime qu’il
interdit simplement la remise en cause des fondements des principes
auxquels il renvoie mais autorise au-delà des adaptations pour des raisons
appropriées afin de tenir compte de situations particulières38. Selon cette
perspective, l’article 79 al. 3 LF doit être interprété « comme une disposition
d’exception qui ne doit pas conduire à ce que le législateur soit empêché de
modifier par des lois constitutionnelles des éléments même essentiels des
principes constitutionnels »39. La Cour l’explique en soulignant que
« l’article 79 al. 3 LF a pour but d’empêcher qu’une modification de la
constitution légale au plan formel puisse supprimer les fondements de
l’ordre juridique constitutionnel en vigueur, notamment qu’une évolution
légale vers un régime totalitaire puisse avoir lieu »40. Bien que l’origine de
cet article puisse être trouvée dans la possibilité d’évolution légale de la
République de Weimar au régime nazi, le contenu de cette disposition va au-
delà ; ainsi la protection de la structure fédérale de l’Allemagne n’est pas un
élément indispensable à la prévention de la mise en place d’un régime
totalitaire quand bien même elle peut être considérée en pratique comme une
garantie supplémentaire41. Michael Sachs estime par ailleurs que les
expressions employées dans cette décision, interdiction « d’un abandon de
principe (prinzipielle Preisgabe) » et simple nécessité qu’« il soit tenu
37
BVerfGE 30, 1 (2ème sénat, 15 déc. 1970, Abhörurteil).
38
BVerfGE 30, 1, p. 24.
39
Ibid., p. 25.
40
Ibid., p. 24.
41
En ce sens M. SACHS, « Artikel 79 GG », in M. SACHS, Grundgesetz : Kommentar, 5ème
éd., Munich, Beck, 2009, p. 1586.
L. DECHÂTRE 65
42
BVerfGE 30, 1, p. 24, pt 99.
43
M. SACHS, « Artikel 79 GG », op. cit. note 41, p. 1586.
44
BVerfGE 84, 90 (1er sénat, 23 avr. 1991, Bodenreform).
45
Ibid., p. 121, pt 131.
46
M. SACHS, « Artikel 79 GG », op. cit. note 41, p. 1586. Dans le même sens d’une
interprétation rejetant la présentation restrictive de la décision Abhörurteil : H. MÖLLER, Die
verfassungsgebende Gewalt des Volkes und die Schranken der Verfassungsrevision, Berlin, 2004,
p. 153 et 158 (Thèse accessible via [http://www.dissertation.de]) ; G. DÜRIG, « Zur Bedeutung und
Tragweite des Article 79 Abs. III des Grundgesetzes (ein Plädoyer) », in Festgabe für Theodor
Maunz, Beck, Munich, 1971, p. 47 ; H. DREIER, « Artikel 79 GG », in H. DREIER, Grundgesetz,
Kommentar, Band III, Tübingen, 2000, pt 13 ; C. VISMANN, « Kommentierung zu Article 79
GG », in E. DENNINGER (Hrsg.), Kommentar zum Grundgesetz für die Bundesrepublik
Deutschland, Reihe Alternativkommentare, 3. Aufl., Neuwied, 2002, pt 42 ; B.-O. BRYDE,
« Kommentierung zu Article 79 GG », in I. VON MÜNCH, P. KUNIG (Hrsg.), Grundgesetz
Kommentar, Band 3, 4ème éd., Munich, 2003, pt 28 ; K. STERN, Das Staatsrecht der Bundesrepublik
Deutschland, Band III, 2, Munich, Halbband, 1994, p. 1106.
47
BVerfGE 84, 90, p. 121, pt 131. Voy. aussi : BVerfGE 94, 49 (2ème sénat, 14 mai 1996, loi
sur l’asile (Sichere Drittstaaten)), pt 209, où la Cour affirme par renvoi à sa décision Bodenreform
que des modifications de ces principes sont possibles ; BVerfGE 109, 279 (1er sénat, 3 mars 2004,
Großer Lauschangriff), p. 310, pt 109-11, où la Cour répète aussi ce qu’elle dit dans Bodenreform,
notamment que l’article 79 al. 3 comme disposition d’exception doit être interprétée strictement
(pt 111).
66 LA PRATIQUE DU DROIT INTERNATIONAL EN FRANCE ET EN ALLEMAGNE
48
Art. 1 al. 3 LF : « Les droits fondamentaux énoncés ci-après lient les pouvoirs législatif,
exécutif et judiciaire à titre de droit directement applicable ».
49
Ayant à statuer dans le cadre d’une procédure de divorce, le tribunal estimait qu’il était
contraire aux principes supérieurs de sécurité juridique et de séparation des pouvoirs en tant qu’il
prévoyait que des pans entiers du droit de la famille étaient abrogés avant l’adoption d’une loi
d’adaptation à la Loi fondamentale (art. 117 al. 1 LF se lisait comme suit : « toute règle contraire à
l’article 3, al. 2 reste en vigueur jusqu’à ce qu’elle ait été mise en conformité avec cette disposition
de la Loi fondamentale, mais pas au-delà du 31 mars 1953 »).
50
BVerfGE 3, 225 (1er Sénat, 18 déc. 1953, Gleichberechtigung), p. 231, pt 20.
51
Ibid., p. 232, pt 21 : « La validité absolue du principe selon lequel le pouvoir constituant
originaire peut tout ordonner selon sa volonté signifierait un retour à l’état d’esprit d’un positivisme
dépourvu de valeur, tel qu’il a été dépassé dans science juridique et la pratique depuis longtemps ».
52
Ibid., pp. 232-233, pt 21.
53
Ibid., pp. 234-235, pt 26.
L. DECHÂTRE 67
54
Ibid., pp. 235-236, pt 27.
55
BVerfGE 84, 90 (1er Sénat, 23 avr. 1991), p. 121, pt 131.
56
BVerfGE 123, 267, pt 217 : « la question de savoir si, en raison de l’universalité des valeurs
de dignité, de liberté et d’égalité, cette restriction s’applique même à l’encontre du pouvoir
constituant, c’est-à-dire également au cas où le Peuple allemand se donnerait, en pleine liberté de
décision mais en continuité avec le régime constitutionnel établi par la Loi fondamentale, une
nouvelle constitution […] peut demeurer sans réponse ici ».
57
BVerfGE 23, 98 (2ème sénat, 14 fév. 1968, Ausbürgerung).
58
Art. 116 LF : « Les anciens nationaux allemands déchus de leur nationalité entre le
30 janvier 1933 et le 8 mai 1945 pour des raisons politiques, raciales ou religieuses ainsi que leurs
descendants doivent être réintégrés à leur demande dans la nationalité allemande. Ils sont considérés
comme n’ayant pas été déchus de leur nationalité s’ils ont fixé leur domicile en Allemagne après le
8 mai 1945 et s’ils n’ont pas exprimé une volonté contraire ».
68 LA PRATIQUE DU DROIT INTERNATIONAL EN FRANCE ET EN ALLEMAGNE
59
BVerfGE 23, 98, p. 106.
60
Ibid., pp. 106-107.
61
BVerfGE 84, 90 (1er sénat, 23 avr. 1991, Bodenreform).
62
Ibid., p. 122 et 124.
63
Ibid., p. 124.
64
Ibid., p. 126.
65
Ibid., p. 127.
L. DECHÂTRE 69
droit »66 et que l’on puisse estimer que Karlsruhe propose un bon équilibre
entre respect de l’État de droit et jeu démocratique par son
« autolimitation »67, le reproche de gouvernement des juges peut toujours
surgir68. La Cour constitutionnelle opère une interprétation stricte des
dispositions intangibles et a jusqu’alors toujours réussi à « sauver » les lois
constitutionnelles d’une déclaration d’inconstitutionnalité en posant un
cadre d’interprétation conforme strict à celles qui étaient plus
problématiques. Dans le cas d’une constatation d’incompatibilité avec
l’article 79 al. 3 LF, le recours au pouvoir constituant originaire serait
nécessaire69. Il est à cet égard à noter que la Cour semble, dans sa décision
Lisbonne, valider l’interprétation doctrinale en vertu de laquelle l’article 146
LF est l’expression du pouvoir constituant originaire70. Elle affirme ainsi
plus particulièrement concernant l’UE, qu’« à côté des conditions
matérielles énumérées à l’article 23 alinéa 1 phrase 1 LF [qui renvoie aux
dispositions intangibles de l’article 79 al. 3], l’article 146 LF trace l’ultime
limite jusqu’à laquelle la République fédérale d’Allemagne peut participer à
l’intégration européenne » et que « seul le pouvoir constituant a le droit
d’abandonner l’État créé par la Loi fondamentale », « le pouvoir constitué
ne dispos[ant] pas de ce droit »71.
La Cour constitutionnelle manie l’alternance de menace de principe et
de souplesse dans l’application concrète, manifestation de son
autolimitation. Dans sa décision Görgülü, elle indique qu’il n’est « pas
contraire à l’objectif d’ouverture à l’égard du droit international public
qu’exceptionnellement le législateur ne respecte pas le droit international
conventionnel, dès lors qu’il s’agit là de la seule manière permettant d’éviter
une atteinte à des principes fondamentaux de la Constitution »72. Après avoir
renoncé au contrôle de constitutionnalité du droit communautaire au regard
des droits fondamentaux allemands tant que le niveau de protection assuré
par l’UE serait équivalent à celui procuré par la Loi fondamentale, la Cour
66
Voy. par ex., le discours de Gerda Hasselfeldt, vice-présidente du Bundestag, en l’honneur
du remplacement à la présidence de la cour constitutionnelle de Jürgen Papier par Andreas
Voßkuhle, 14 mai 2010, [http://www.bundestag.de].
67
Discours de Gerda Hasselfeldt, ibid.
68
Voy. infra par rapport à la décision Lisbonne.
69
« [S]ous l’angle du principe de démocratie, une violation de l’identité constitutionnelle
protégée par l’article 79 alinéa 3 GG est en même temps une atteinte au pouvoir constituant du
peuple », BVerfGE 123, 267, pt 218.
70
« L’article 146 LF confirme le droit pré-constitutionnel de se donner une constitution qui
met en place et lie le pouvoir constitué », ibid., pt 179.
71
Ibid., pt 178. Elle le répète au point 228 en visant la perspective de l’entrée dans un État
fédéral européen en indiquant qu’« en raison du transfert irrévocable de souveraineté à un nouveau
sujet de légitimité qu’un tel pas impliquerait, ce dernier est réservé à un acte de volonté exprimé
directement par le Peuple allemand ».
72
BVerfGE 111, 307, pt 35 ; réaffirmé dans BVerfGE 123, 267 (Lisbonne), pt 340.
70 LA PRATIQUE DU DROIT INTERNATIONAL EN FRANCE ET EN ALLEMAGNE
78
M. TROPER, F. HAMON, op. cit. note 23, p. 511 (note 34) et 593.
79
Cons. 5, JORF du 31 mars 2005, p. 5834.
80
Décision n° 92-313 DC du 23 sept. 1992.
81
M. TROPER, F. HAMON, op. cit. note 23, p. 593.
82
Décision n° 92-313 DC du 23 sept. 1992, Maastricht II, cons. 4.
72 LA PRATIQUE DU DROIT INTERNATIONAL EN FRANCE ET EN ALLEMAGNE
83
M. TROPER, « La Constitution et ses représentations sous la Ve République », Pouvoirs,
n° 4, 1978, p. 72.
84
François Mitterrand indique en 1988 que « l’usage établi et approuvé par le peuple peut
désormais être considéré comme l’une des voies de la révision, concurremment avec l’article 89 »
(F. MITTERRAND, « Sur les institutions », Entretien avec Olivier Duhamel, Pouvoirs, n° 45, avril
1988, p. 138). Qualification proposée par Georges Vedel (Le Monde, 22 déc. 1968).
85
Comme le relève Kemal Gözler, Maurice Duverger passe de la critique de l’usage de
l’article 11 C (Le Monde, 17 oct. 1962 ; et concernant le référendum 1969 : « La carte forcée », Le
Monde, 22-23 déc. 1968) à la reconnaissance que « l’article 11 et l’article 89 sont désormais placés
sur le même pied » (M. DUVERGER, Le système politique français, 20ème éd., Paris, PUF, 1990,
p. 385) (cité par K. GÖZLER, Le pouvoir de révision constitutionnelle, p. 159, note 97).
86
M. PRELOT, Le Monde, 15 mars 1969.
L. DECHÂTRE 73
à adopter, et l’on sait que l’article 11 C a été utilisé pour passer outre le
blocage du Sénat. Le problème ne réside pas tant dans la violation de la
procédure prévue par la Constitution étant donné qu’un référendum a été
utilisé, que dans le refus de contrôler les lois référendaires, conduisant à ce
qu’une modification par ce biais de la Constitution qui violerait également la
substance constitutionnelle ne ferait pas non plus l’objet d’un contrôle. On
rejoint la position d’Olivier Beaud relativement à la critique de ce qu’il
nomme la thèse « ultra-démocratique », se focalisant sur le critère
organique, adoption par le peuple ou le parlement, et niant toute hiérarchie
des normes87. Selon cette thèse, le peuple peut toujours tout, sans se
préoccuper de l’objet de sa décision88. Si les lois référendaires étaient une
expression directe de la souveraineté nationale comme l’a affirmé le Conseil
constitutionnel, elles ne devraient pouvoir être abrogées ou modifiées que
par une autre loi référendaire, ce qui n’est pas le cas en pratique89. Le
recours au pouvoir constituant originaire doit être exceptionnel, alors que le
recours au peuple sous d’autres formes peut être très fréquent mais doit alors
s’inscrire dans le cadre de l’habilitation constitutionnelle. Il ne s’agit pas
d’empêcher le peuple de modifier sa constitution, mais simplement de lui
permettre de se prononcer en connaissance de cause : doit-il s’exprimer sur
une simple loi, une loi constitutionnelle, voire une nouvelle constitution au
sens matériel dans le cas d’une modification des éléments de l’identité
constitutionnelle ? Dans cette perspective, l’intervention obligatoire
préalable d’un organe de contrôle permettant au peuple de voter de façon
éclairée se justifierait. Un contrôle a posteriori conserve l’intérêt de
souligner une inconstitutionnalité, mais on concède qu’il est politiquement
plus difficile à expliquer à la population90. Cela ne fait que renforcer les
arguments en faveur d’un contrôle préalable, à l’instar de l’Italie91. François
Mitterrand écrivait le 7 avril 1988 dans une Lettre à tous les français qu’il
souhaitait donner la possibilité au peuple de « trancher par référendum les
problèmes majeurs qui naissent de l’évolution de notre société », mais
87
O. BEAUD, État et souveraineté, op. cit. note 31, p. 398. Dans le même sens, Didier Blanc
écrit que « l’argument de l’absence de différentiation en fonction du type d’adoption est pertinent,
celui de la nature de l’organe est artificiel » car « en tant que pouvoir institué, le contrôle du pouvoir
de révision ne pose aucun problème théorique » (D. BLANC, op. cit. note 30, p. 9).
88
Comme exemple de cette thèse, Olivier Beaud rapporte qu’en 1852 Edouard Laboulaye
avait proposé de faire un appel direct au peuple pour contourner la procédure de révision
constitutionnelle qui était trop complexe pour être mise en œuvre en pratique. Il justifiait cette
violation de la Constitution en arguant que le peuple était doté « d’un droit antérieur et supérieur à la
Constitution (...), en vertu de cette souveraineté qui domine toutes les lois politiques et leur sert à
toutes de base et d’appui » (O. BEAUD, ibid., p. 398) ; E. LABOULAYE, Questions
constitutionnelles, Paris, Charpentier, 1872, p. 201.
89
O. BEAUD, ibid., p. 415.
90
M. TROPER, F. HAMON, op. cit. note 23, p. 595.
91
Ibid, p. 595.
74 LA PRATIQUE DU DROIT INTERNATIONAL EN FRANCE ET EN ALLEMAGNE
92
Cité par M. TROPER, F. HAMON, ibid., p. 595.
93
G. VEDEL, M.-F. BECHTEL, Rapport du comité consultatif pour la révision de la
Constitution, JORF du 16 fév. 1993, pp. 2249-2250.
94
JO, AN, 12 juill. 1995, p. 917, cité par M. TROPER, F. HAMON, op. cit. note 23, p. 595.
95
L. FAVOREU, « L’injusticiabilité des lois constitutionnelles », RFDA, n° 4, 2003, p. 793.
96
Les explications apportées par des membres du Conseil constitutionnel de l’époque,
notamment Robert Badinter, avaient été considérées comme permettant de lever tout doute ; en ce
sens L. FAVOREU, ibid., p. 793 ; J.-E. SCHOETTL, « Le Conseil constitutionnel peut-il contrôler
une loi constitutionnelle ? », Petites Affiches, 8 avr. 2003, p. 20.
97
Cons. 2 de la décision n° 2003-469 DC du 26 mars 2003.
98
En ce sens J.-E. SCHOETTL, op. cit. note 96, p. 19. Soulignant la précision de la
Constitution de 1958 par rapport à celle de la IIIème République, il estime qu’« il est difficile de ne
pas en déduire que, lorsque la Constitution parle de « loi » (sans autre précision), il ne peut s’agir de
L. DECHÂTRE 75
106
BVerfGE 30, 1 (2ème Sénat, 15 déc. 1970, Abhörurteil), p. 24 : la Cour précise que l’article
20 vise à la fois plus et moins que le respect de l’État de droit puisqu’il ne vise que certains des
principes spécifiques qui y sont rattachables, et en vise également d’autres qui ne le sont pas.
107
En ce sens Michael Sachs, cours de droit constitutionnel allemand dispensé à la faculté de
droit de l’Universté de Cologne, juillet 2005.
108
BVerfGE 68, 1 (2ème sénat, 18 déc. 1984, Nato-Nachrüstung ou Atomwaffenstationierung),
pt 9.
109
Ibid., pt 101. Par contre, considérant que rien n’exclut que le Bundestag ait vu ses droits
violés par l’accord gouvernemental, elle juge recevable le moyen tiré de la violation de l’article 79
al. 1 LF lu en combinaison avec l’article 24 al. 1 LF ainsi que de l’article 59 al. 2 1ère phrase LF lu
en combinaison avec l’article 20 al. 3 LF (ibid., pt 99) ; il conclut toutefois au caractère infondé de
l’argument.
110
BVerfGE 89, 155.
111
BVerfGE 123, 267, pt 249.
78 LA PRATIQUE DU DROIT INTERNATIONAL EN FRANCE ET EN ALLEMAGNE
112
En ce sens, A. LEVADE, « Analyse de la décision de la Cour Constitutionnelle Fédérale
Allemande du 30 Juin 2009 relative au Traité de Lisbonne », in Les conséquences du jugement de la
cour constitutionnelle fédérale allemande sur le processus d’unification européenne, Paris, Konrad
Adenauer Stiftung Publikation, deutsch-französischer Dialog, Heft Nr.1, 2009, p. 48.
113
Le Conseil parle en effet d’un « ordre juridique communautaire intégré à l’ordre juridique
interne et distinct de l’ordre juridique international », formule ressemblant fortement à celle
employée par la CJCE dans l’arrêt Costa c/ Enel (15 juill. 1964, aff. 6/64, Rec. p 1141), là où la
Cour se penche sur les concepts utilisés classiquement par la doctrine.
114
M.F. BECHTEL, « L’arrêt du 30 juin 2009 de la cour constitutionnelle et l’Europe : une
révolution juridique ? » [http://www.fondation-res-publica.org].
115
BVerfGE 123, 267, pt 227.
L. DECHÂTRE 79
116
Décision Lisbonne, pt 215.
117
Développement not. pts 212 à 215.
118
Dans sa décision Solange II (BVerfGE 73, 339 [2ème sénat, 22 oct. 1986]), la Cour
constitutionnelle renverse la perspective de la mise en garde qu’elle avait formulée dans sa décision
de Solange I (BVerfGE 37, 271 [2ème sénat, 29 mai 1974]). Elle affirme que tant qu’une protection
équivalente à celle de la Loi fondamentale sera assurée au niveau européen, elle ne procèdera pas à
un contrôle des actes européens de droit dérivé.
119
P. BLACHER, G. PROTIERE, « Le Conseil constitutionnel, gardien de la Constitution
face aux directives communautaires », RFDC, n° 70, 2007, p. 135 ; cité par S. JOSSO, « Le
Caractère social de la République, principe inhérent à l’identité constitutionnelle de la France ? », in
50ème anniversaire de la Constitution de 1958, VIIe Congrès français de droit constitutionnel, 2008,
p. 4, [http://www.droitconstitutionnel.org].
120
O. DUTHEILLET DE LAMOTHE, op. cit. note 8, p. 4. L’auteur était membre du Conseil
constitutionnel de 2001 à 2010.
80 LA PRATIQUE DU DROIT INTERNATIONAL EN FRANCE ET EN ALLEMAGNE
121
F. MELIN-SOUCRAMANIEN, P. PACTET, op. cit. note 24, p. 551.
L. DECHÂTRE 81
122
S. JOSSO, op. cit. note 119, p. 6.
123
Art. 2 de la loi du 14 août 1884 portant révision partielle des lois constitutionnelles de
1875 : « Le paragraphe 3 de l’article 8 de la même loi du 25 février 1875 est complété ainsi qu’il
suit : ‘La forme républicaine du gouvernement ne peut faire l’objet d’une proposition de révision
[...]’ ».
124
Il considère que « la ‘forme républicaine’ contiendrait des principes comme le suffrage
universel, le régime représentatif, la séparation des pouvoirs » (D. MAUS, « Sur ‘la forme
républicaine du gouvernement’. Commentaire sous la décision n° 92-312 DC du 2 septembre
1992 », RFDC, n° 11, 1992, p. 412). Dans le même sens, Louis Favoreu a écrit qu’elle « constitue
l’héritage républicain et [...] inclut toute une série de valeurs fondamentales inscrites dans l’article 2
de la Constitution et dans les ‘principes fondamentaux reconnus par les lois République’ », ce qui
est selon lui « est en harmonie avec le texte constitutionnel de 1958 » (L. FAVOREU,
« Commentaire sous la décision n° 92-312 DC du 2 septembre 1992, Maastricht II », RFDC, n° 11,
1992, p. 738). Déjà, Maurice Hauriou considérait que « le gouvernement républicain exige que les
gouvernants élus ne le soient pas à vie, mais seulement pour un temps », que la République
« devient une forme d’État où la souveraineté nationale est plus pleinement réalisée que dans les
autres, parce que la mainmise du suffrage majoritaire sur les pouvoirs de gouvernement est plus
complète […] et tend à s’identifier avec celle-ci, ainsi qu’avec la démocratie » (M. HAURIOU,
Précis de droit constitutionnel, Paris, Sirey, 1929, réimpression par les Éditions du CNRS, 1965,
p. 343).
125
Georges Vedel estimait que « politiquement et sentimentalement le mot de République vise
bien autre chose que cette définition négative, mais juridiquement l’interdiction de changer la forme
82 LA PRATIQUE DU DROIT INTERNATIONAL EN FRANCE ET EN ALLEMAGNE
135
Par sa décision n° 82-138 DC du 25 février 1982, Loi portant statut particulier de la région
de Corse (cons. 9), le Conseil estime la possibilité de créer un statut particulier conforme au principe
d’indivisibilité de la République. Et si, dans sa décision n° 2001-454 DC du 17 janvier 2002, Loi
relative à la Corse (cons. 20-21), le Conseil déclare que la « possibilité de procéder à des
expérimentations » viole l’article 3 de la Constitution en vertu duquel « la souveraineté nationale
appartient au peuple » et « aucune section du peuple ne peut s’en attribuer l’exercice », cette
décision a été surmontée par la création générale d’une possibilité d’expérimentation par le biais de
la loi constitutionnelle sur la décentralisation de 2003.
136
Décision n° 91-290 DC, Loi portant statut de la collectivité territoriale de Corse
(considérants 13-14), JO du 14 mai 1991, p. 6350.
137
Cons. 10, JO du 18 juin 1999, p. 8964.
138
Cons. 18, JO du 24 nov. 2004, p. 19885.
139
S. JOSSO, op. cit. note 120, p. 15.
L. DECHÂTRE 85
140
Voy. l’exposé de la décision n° 2008-564 DC du 19 juin 2008, Loi relative aux organismes
génétiquement modifiés dans les Cahiers du Conseil constitutionnel, n° 25, 2008, p. 98.
141
C’est l’objet de l’article de S.JOSSO, op. cit. note 119, plus particulièrement p. 18 et s.
142
Décision Lisbonne, pt 240, dans laquelle elle fait aussi référence à BVerfGE 89, 155
Maastricht (p. 188) et Conseil d’État, Ass., 8 fév. 2007, Sté Arcelor Atlantique et Lorraine et autres
(arrêt n° 287110).
LA JURISPRUDENCE DU CONSEIL CONSTITUTIONNEL
FRANÇAIS ET DU TRIBUNAL CONSTITUTIONNEL
FÉDÉRAL ALLEMAND SUR L’ÉVOLUTION
DES TRAITÉS EUROPÉENS
UN CONTE D’AIGUILLEURS
ET DE GARDIENS DU PONT
Mattias WENDEL
1
Pour la notion de « perméabilité » dans le sens juridique, voy. M. WENDEL, Permeabilität
im europäischen Verfassungsrecht, Tübingen, Mohr Siebeck, 2011, p. 5 et s.
2
Comme l’article 23 de la Loi Fondamentale allemande ou les articles 88-1 et s. de la
Constitution française.
3
Pour une analyse systématique et comparative des clauses d’intégration et leur évolution
transnationale, voy. M. WENDEL, op. cit. note 1, chap. 4-11. Pour un aperçu Voy. C. GREWE,
« Constitutions nationales et droit de l’Union européenne », Rép. Communautaire, Dalloz et
C. GRABENWARTER, « National Constitutional Law Relating to the European Union » in
88 LA PRATIQUE DU DROIT INTERNATIONAL EN FRANCE ET EN ALLEMAGNE
A. VON BOGDANDY, J. BAST (dir.), Principles of European Constitutional Law, 2nde éd., Oxford,
Hart, 2009, p. 83 et s.
4
Cf. A.-E. KELLERMANN et al. (dir.), EU-Enlargement - The Constitutional Impact at EU
and National Level, La Haye, T.M.C. Asser Press, 2001 ; A.-E. KELLERMANN et al. (dir.), The
Impact of EU Accession on the Legal Orders of New Member States and (Pre-) Candidate
Countries, La Haye, T.M.C. Asser Press, 2006 ; A. ALBI, EU Enlargement and the Constitutions of
Central and Eastern Europe, Cambridge, Cambridge University Press, 2005, pp. 67-121 ; A. ALBI,
« ‘Europe’ Articles in the Constitutions of Central and Eastern European Countries », Common
Market Law Review, vol. 42, 2005, p. 399 et s.
5
Ce processus d’adaptation continue actuellement dans plusieurs États membres,
voy. récemment la réforme du droit constitutionnel finnois (cf. J. SALMINEN, « Manifestations of
the European Union Membership in the Constitution of Finland », Europarättslig Tidskrift, 2010, p.
509 et s.), du droit constitutionnel autrichien de juillet 2010 (JO autrichien I No 57/2010) et du droit
constitutionnel suédois, entrée en vigueur le 1er janvier 2011 (loi No 2009/10:80 introduisant une
nouvelle clause générale sur la participation de la Suède dans l’UE ainsi que réformant la clause
d’intégration déjà existante). Voy. aussi le plaidoyer du Conseil d’État espagnol (Consejo de Estado)
pour une nouvelle clause d’intégration, déjà exprimé dans son opinion n° E 1/2005 du 16 fév. 2006,
http://www.consejo-estado.es.
6
Tribunal constitutionnel espagnol, déclaration du 13 déc. 2004, 1/2004, Traité établissant
une Constitution pour l’Europe, avec la distinction entre les catégories de primauté (primacía) et de
suprématie (supremacía). Voy. F. CASTILLO DE LA TORRE, Common Market Law Review, vol.
42, 2005, p. 1169 et s. ; C.B. SCHUTTE , European Constitutional Law Review, vol. 1, 2005, p. 281
et s.
7
Tribunal constitutionnel polonais, jugement du 11 mai 2005, K 18/04, Traité d’adhésion.
Pour un sommaire en anglais http://www.trybunal.gov.pl. Pour des annotations
Voy. M. BAINCZYK, U. ERNST, Europäischer Rat, 2006, p. 247 et s. ; A. ŁAZOWSKI, European
Constitutional Law Review, vol. 3, 2007, p. 148 et s. ; S. BIERNAT, « Offene Staatlichkeit », in
A. VON BOGDANDY, P.-M. HUBER (dir.), Ius Publicum Europaeum, vol. 2, C.F. MÜLLER,
Heidelberg, 2008, § 21 Polen, para. 45.
8
Pour une analyse comparative Voy. A. ALBI, « Ironies in Human Rights Protection in the
EU: Pre-accession Conditionality and Post-accession Conundrums », ELJ, vol. 15, 2009, p. 46, p. 52
et s. ; A. ALBI, « Supremacy of EC Law in the New Member States », European Constitutional Law
Review, vol. 3, 2007, p. 25, p. 48 et s. ; W. SADURSKI, « “Solange, chapter 3”: Constitutional
Courts in Central Europe – Democracy – European Union », ELJ, vol. 14, 2008, p. 1, p. 6 et s.
M. WENDEL 89
9
Voy. J. KOMAREK, « European constitutionalism and the European Arrest Warrant – in
Search of the Limits of ‘Contrapunctual Principles’ », Common Market Law Review, vol. 44, 2007,
p. 9, p. 16 et s. ; Z. KÜHN, « The European Arrest Warrant, Third Pillar Law and National
Constitutional Resistance/Acceptance », Croatian Yearbook of European Law and Policy, vol. 3,
2007, p. 99 et s.
10
Décision n° 2004-505 DC du 19 nov. 2004, Traité établissant une Constitution pour
l’Europe. Pour des commentaires, voy. G. CARCASSONNE, European Constitutional Law Review,
vol. 1, 2005, p. 293 et s. ; F. CHALTIEL, Revue du Marché Commun et de l’Union, n° 484, 2005,
p. 5 et s. ; X. MAGNON, RFDC, vol. 62, 2005, p. 329 et s. ; J. ROUX, RDP, 2005, p. 59 et s.
11
Décision n° 2004-496 DC du 10 juin 2004, Loi pour la confiance dans l'économie
numérique. Voy. les commentaires de J. DUTHEIL DE LA ROCHÈRE, Common Market Law
Review, vol. 42, 2005, p. 859 et s. ; J.-H. REESTMAN, European Constitutional Law Review, vol. 1,
2005, p. 302 et s. ; F.C. MAYER, Europäischer Rat, 2004, p. 925 et s. (également relatif à la
décision sur le Traité constitutionnel). Ensuite, Décision n° 2006-540 DC du 27 juill. 2006, Loi
relative au droit d’auteur et aux droits voisins dans la société de l’information. Voy. F. CHALTIEL,
RFDC, 2006, p. 837 et s. ; C. CHARPY, European Constitutional Law Review, vol. 3, 2007, p. 436,
p. 445 et s.
12
CE, Ass., n° 287110, Société Arcelor, arrêt du 8 fév. 2007, para. 11. Voy. les commentaires
de P. CASSIA, RTDE, 2007, p. 406 et s. ; F. CHALTIEL, Revue du Marché Commun et de l’Union,
2007, p. 335 et s. ; X. MAGNON, RFDA, 2007, p. 578 ; A. LEVADE, RFDA, 2007, p. 564 et s.,
spéc. p. 577 ; C. CHARPY, European Constitutional Law Review, vol. 3, 2007, p. 436 et s., spéc.
p. 440 et p. 452 et s. ; F. C. MAYER, E. LENSKI, M. WENDEL, Europarecht, 2008, p. 63 et s.
13
CE, Ass., n° 298348, Mme P., arrêt du 30 oct. 2009, para. 9 ; Voy. C. CHARPY, European
Constitutional Law Review, vol. 6, 2010, p. 123 et s. ; C. D. CLASSEN, Europarecht, 2010, p. 557
et s.
14
Pour une analyse comparative Voy. M. WENDEL, « Lisbon Before the Courts: Comparative
Perspectives », European Constitutional Law Review, vol. 7, 2011, p. 96 et s. ; J.-H. REESTMAN,
« The Franco-German Constitutional Divide », European Constitutional Law Review, vol. 5, 2009,
p. 374 et s. ; A. WEBER, « Die Europäische Union unter Richtervorbehalt », Juristenzeitung,
vol. 65, 2010, p. 157 et s.
15
Décision n° 2007-560 DC du 20 déc. 2007, Traité de Lisbonne.
90 LA PRATIQUE DU DROIT INTERNATIONAL EN FRANCE ET EN ALLEMAGNE
16
Cour constitutionnelle autrichienne, décision SV 2/08-3 et al. du 30 sept. 2008, Traité de
Lisbonne I.
17
Cour constitutionnelle tchèque, décision Pl ÚS 19/08 du 26 nov. 2008, Traité de Lisbonne I.
Pour un commentaire Voy. P. BRIZA, European Constitutional Law Review, vol. 5, 2009, p. 143 et
s. (une traduction anglaise est disponible sur http://angl.concourt.cz/).
18
Cour constitutionnelle lettonne, décision n° 2008-35-01 du 7 avr. 2009, Traité de Lisbonne
(une traduction anglaise est disponible sur http://www.satv.tiesa.gov.lv/).
19
Cour constitutionnelle fédérale allemande, décision 2 BvE 2/08 et al. du 30 juin 2009, Traité
de Lisbonne (une traduction française est disponible sur http://www.bundesverfassungsgericht.de/).
Pour la multitude des commentaires, voy. les 9 pages (sic !) de la bibliographie du « Sonderheft »
Europarecht, 2010, pp. 325-333. Pour des commentaires plutôt critiques, voy. D. THYM, Common
Market Law Review, vol. 46, 2009, p. 1795 et s. ; R. BIEBER, European Constitutional Law Review,
vol. 5, 2009, p. 391 et s. ; C. SCHÖNBERGER, German Law Journal, vol. 10, 2009, p. 1201 et s. ; D.
HALBERSTAM, C. MÖLLERS, German Law Journal, vol. 10, 2009, p. 1241 et s. ; C. D. CLASSEN,
Juristenzeitung, vol. 64, 2009, p. 881 et s. ; M. JESTAEDT DER STAAT, vol. 48, 2009, p. 496 et s. ;
U. EVERLING, Europäischer Rat, 2010, p. 91 et s. ; J. SCHWARZE, Europäischer Rat, 2010, p. 108
et s. ; C. TOMUSCHAT, ZaöRV, vol. 70, 2010, p. 251 et s. ; T. EIJSBOUTS, European Constitutional
Law Review, vol. 6, 2010, p. 199 et s. Pour des commentaires plutôt affirmatifs, voy. F. SCHORKOPF,
German Law Journal, vol. 10, 2009, p. 1219 et s. ; D. GRIMM, European Constitutional Law Review,
vol. 5, 2009, p. 353 et s. ; K. F. GÄRDITZ, C. HILLGRUBER, Juristenzeitung, vol. 64, 2009, p. 872 et
s.
20
Cour constitutionnelle tchèque, décision Pl ÚS 29/09 du 3 nov. 2009, Traité de Lisbonne II.
Pour une traduction anglaise, voy. J. KOMAREK, European Constitutional Law Review, vol. 6,
2009, p. 345 et s. Voy. I. LEY, Juristenzeitung, vol. 65, 2010, p. 165 et s.
21
Cour constitutionnelle autrichienne, décision SV 1/10-9 du 12 juin 2010, Traité de Lisbonne
II.
22
Cour constitutionnelle hongroise, décision n° 143/2010 du 12 juill. 2010, Traité de
Lisbonne.
23
Tribunal constitutionnel polonais, décision K 32/09 du 24 nov. 2010, Traité de Lisbonne.
24
Cour suprême danoise, décision du 11 janvier 2011, Traité de Lisbonne (un communiqué de
presse en anglais est disponible sur http://www.loc.gov/). Voy. J.-H. DANIELSEN, « One of Many
National Constraints on European Integration: Section 20 of the Danish Constitution », European
Public Law, vol. 16, 2010, p. 181, spéc. p. 190.
25
Conseil d’État néerlandais, avis n° W02.07.0254/II/E du 12 sept. 2007 (une traduction
anglaise est disponible sur http://www.raadvanstate.nl/). Voy. J. ZILLER, « The Law and Politics of
M. WENDEL 91
the Ratification of the Lisbon Treaty », in S. GRILLER, J. ZILLER (dir.), The Lisbon Treaty,
Vienne, Springer, 2008, p. 309, spéc. p. 319 et s.
26
Ministère de la Justice danois, avis du 4 déc. 2007. Par la suite, le 11 décembre 2007, le
gouvernement danois a décidé de soumettre la ratification au régime général du § 19 de la
Constitution et non pas au régime du § 20 qui règle spécifiquement le transfert des compétences aux
entités supranationales.
27
House of Lords, « The Treaty of Lisbon: an impact assessment », rapport du 13 mai 2008,
disponible sur http://www.publications.parliament.uk/.
28
Particulièrement Tribunal constitutionnel fédéral allemand, décision 2 BvR 2661/06 du
6 juill. 2010 Honeywell (publiée le 26 août 2010) et décision 2 BvR 987/10 et al. du 7 sept. 2011,
Euro.
29
Tel est particulièrement le cas en ce qui concerne le volume et l’exhaustivité des décisions.
Contrairement à son équivalent français qui comprend 34 considérants, la décision allemande
comprend une totalité de 421 paragraphes.
30
Pour la multitude de perspectives Voy. F. C. MAYER, « Rashomon à Karlsruhe », RTDE,
2010, p. 77 et s.
31
Para. 102 de l’opinion dissidente à la décision Honeywell, préc. note 28.
92 LA PRATIQUE DU DROIT INTERNATIONAL EN FRANCE ET EN ALLEMAGNE
1. Contrôle a priori
Le Conseil constitutionnel français a été saisi par le président de la
République le 13 décembre 2007, en application de l’article 54 de la
Constitution française, de la question de savoir si l’autorisation de ratifier le
Traité de Lisbonne devait être précédée d’une révision de la Constitution.
Ayant déjà rendu une décision sur la constitutionnalité du Traité établissant
une Constitution pour l’Europe32, le Conseil constitutionnel était la seule
(quasi-)juridiction constitutionnelle en Europe à avoir rendu une décision de
fond33 sur les deux projets de réforme. Étant donné que les deux traités sont
quasiment identiques quant à leur substance et qu’ils diffèrent avant tout par
des aspects de terminologie et d’utilisation des symboles étatiques34, il n’est
pas étonnant que les deux décisions du Conseil constitutionnel soient
largement congruentes. Dans sa deuxième décision, le Conseil pouvait donc
régulièrement se référer à sa décision sur le Traité constitutionnel par
laquelle il avait décidé que l’autorisation de ratifier le traité nécessitait une
révision préalable de la Constitution française.
La raison pour exiger une telle révision n’était, d’après le Conseil, ni le
nouveau caractère obligatoire de la Charte des droits fondamentaux, ni le
32
Préc. note 10.
33
La Cour constitutionnelle autrichienne a rejeté les recours comme irrecevables.
34
Un aspect souligné particulièrement par le Conseil d’État dans son avis consultatif sur le
mandat de la CIG, préc. note 25, pt 3.4. Cf. J. ZILLER, op. cit. note 25, p. 322.
M. WENDEL 93
35
Not. la déclaration du Tribunal constitutionnel espagnol, préc. note 6, pts II-4 et II-6. Pour
la position du Conseil d’État belge Voy. F. DELPÉRÉE, « Le Conseil d’État de Belgique et le traité
établissant une Constitution pour l’Europe », RFDA, vol. 21, 2005, p. 242 et s. ; pour la position du
Conseil législatif suédois (lagrådet), cf. J. NERGELIUS, « Sweden’s Possible Ratification of the EU
Constitution: A Case-study of ‘Wait and See’ », in A. ALBI, J. ZILLER (dir.), The European
Constitution and National Constitutions, La Haye, Kluwer, 2007, p. 183, spéc. p. 187.
36
Not. l’introduction de la méthode communautaire.
37
Décision sur le Traité constitutionnel, préc. note 10, para. 27 et s. et décision sur le Traité
de Lisbonne, préc. note 15, para. 18 et s. Dans sa décision Lisbonne, le Conseil a demandé – en
dehors de ce qu’il avait déjà statué dans sa décision sur le Traité constitutionnel – une révision de la
Constitution aussi à l’égard de l’article 81.3 TFUE et le mécanisme de contrôle du principe de
subsidiarité en vertu de l’article 7.3 du Protocole n° 2 (paras. 30-32 de la décision Lisbonne).
38
Lois constitutionnelles n° 2005-204 du 1er mars 2005 et n° 2008-103 du 4 fév. 2008. En
dehors de cela, les dispositions de la Constitution française relatives à l’UE on été amendées par la
loi constitutionnelle n° 2008-724 du 23 juill. 2008.
39
Les deux clauses d’habilitation étaient prévues respectivement dans un deuxième
paragraphe de l’article 88-1 qui disposait que la France « peut participer à l’Union européenne dans
les conditions prévues par » le Traité constitutionnel (loi constitutionnelle n° 2005-204) ou, plus
tard, le Traité de Lisbonne (loi constitutionnelle n° 2008-103). Avec l’entrée en vigueur du Traité de
Lisbonne ce deuxième paragraphe a été automatiquement abrogé. L’article 88-1 dans sa rédaction
actuelle dispose : « La République participe à l’Union européenne constituée d’États qui ont choisi
librement d’exercer en commun certaines de leurs compétences en vertu du traité sur l’Union
européenne et du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, tels qu’ils résultent du traité
signé à Lisbonne le 13 décembre 2007 ».
40
Art. 88-4, 88-6 et 88-7 de la Constitution. D’après l’article 88-6 alinéa 3 – similaire à la
règle de l’article 23 alinéa 1a de la Loi Fondamentale allemande – le recours pour violation du
principe de subsidiarité est un droit de la minorité parlementaire.
94 LA PRATIQUE DU DROIT INTERNATIONAL EN FRANCE ET EN ALLEMAGNE
2. Contrôle a posteriori
La situation est plus délicate si le processus de ratification est déjà
achevé et si la cour constitutionnelle est dès lors confrontée à la demande
41
Voy. not. I. PERNICE, F.C. MAYER, « De la constitution composée », RTDE, 2000, p. 623
et s. Particulièrement dans le contexte de du Traité de Lisbonne, cf. I. PERNICE, « The Treaty of
Lisbon: Multilevel Constitutionalism in Action », Columbia Journal of Eeuropean Law, vol. 15,
2009, p. 349 et s.
42
Pour une analyse en détail, voy. J. ZEMANEK, « The Two Lisbon Judgments of the Czech
Constitutional Court », in I. PERNICE, J.-M. BENEYTO PEREZ (dir.), Europe’s Constitutional
Challenges in the Light of the Recent Case Law of National Constitutional Courts, Baden-Baden,
Nomos, 2011, p. 45 et s.
43
Art. 39 al. 4 de la Constitution tchèque. Néanmoins, le transfert des compétences en vertu
de l’article 10a ne mène pas à une révision textuelle de la constitution.
M. WENDEL 95
d’un contrôle a posteriori. Les problèmes qui se posent dans un tel cas de
figure sont bien illustrés par les décisions Lisbonne en Hongrie et en
Pologne.
En Hongrie, la ratification a été achevée sans que la Cour
constitutionnelle n’ait effectué de contrôle préventif de constitutionnalité.
Bien qu’une telle procédure soit expressément prévue dans la constitution44,
aucun des requérants potentiels – ni le Parlement, ni le président ou le
Gouvernement – n’a introduit une action devant la Cour. Cependant, une
personne agissant à titre privé a introduit une action (actio popularis) devant
la Cour constitutionnelle hongroise contre la loi interne de promulgation du
Traité de Lisbonne45. Alors que la Cour constitutionnelle a déclaré l’action
recevable, elle a rejeté l’affaire au fond46. Dans ses motifs elle traite
expressément de la question d’une intervention après la ratification, en
indiquant que même si le traité en question était déclaré inconstitutionnel, le
respect des engagements juridiques découlant du droit de l’Union ne serait
pas menacé. Dans la situation (hypothétique) d’incompatibilité, il
reviendrait, d’après la Cour, plutôt au législateur de trouver une solution
dans laquelle les obligations découlant du droit de l’Union seraient
observées sans violation de la Constitution hongroise47. Mais la Cour n’a pas
été d’avis qu’elle était confrontée à un tel scénario et a jugé le Traité de
Lisbonne – et par conséquent aussi la loi interne de promulgation –
conforme à la Constitution. Néanmoins, dans un obiter dictum la Cour a fait
un appel exprès aux acteurs politiques en soulignant qu’il serait
« souhaitable » que le mécanisme de contrôle a priori soit utilisé en
présence d’une réforme majeure comme celle déclenchée par le Traité de
Lisbonne48.
En Pologne, un groupe de députés et de sénateurs a demandé un
contrôle de constitutionnalité a posteriori du traité49. Dans son arrêt du
24 novembre 2010, le Tribunal constitutionnel polonais a déclaré le Traité
de Lisbonne conforme à la Constitution polonaise50. Prenant en
considération que la ratification polonaise avait été autorisée par une
44
Voy. l’ancien article 36.1 de la loi sur la Cour constitutionnelle.
45
Loi n° CLXVIII de 2007.
46
Cour constitutionnelle hongroise, préc. note 22. La décision a été accompagné par deux
« opinions séparées » (soutenant le résultat général, mais différentes quant aux motifs) et une
opinion dissidente.
47
Ibid., pt IV.2.
48
Ibid., pt IV.2.2.
49
Art. 188 n° 1 de la Constitution polonaise.
50
Tribunal constitutionnel polonais, préc. note 23. Pour des particularités procédurales –
notamment la protestation d’un député pendant l’audience principale – cf. M. WENDEL, op. cit.
note 14, p. 107.
96 LA PRATIQUE DU DROIT INTERNATIONAL EN FRANCE ET EN ALLEMAGNE
51
L’art. 90 al. 2 de la constitution prévoit une procédure même plus exigeante que celle qui
s’applique dans le cas d’une révision constitutionnelle (art. 235 al. 4).
52
La requête présentée par le groupe parlementaire du parti « La Gauche » (Die Linke) dans le
cadre d’une procédure de règlements des litiges entre organes de la Fédération a été déclarée
nettement irrecevable par le Tribunal constitutionnel fédéral.
53
N° 2 BvR 839/05 et n° 2 BvE 2/05.
54
Cet argument a été présenté aux parties dans une lettre du juge rapporteur Broß.
M. WENDEL 97
55
Cour constitutionnelle fédérale allemande, décision 2 BvR 2134 et al. du 12 oct. 1993,
Traité de Maastricht, BVerfGE 89, p. 155, spéc. p. 171 et s.
56
Art. 38 al. 1 de la Loi fondamentale.
57
Para. 208 de la décision Lisbonne, préc. note 19.
58
Ibid., para. 210.
59
Ibid., para. 168 et 181 et s. Désormais, le Tribunal a déclaré irrecevable le recours dans la
mesure où celui-ci était fondé sur une violation du principe de l’État de droit et du principe de la
séparation des pouvoirs, car les requérants, selon le Tribunal, n’avaient pas établi un tel lien (para.
183).
60
Ibid., para. 178.
98 LA PRATIQUE DU DROIT INTERNATIONAL EN FRANCE ET EN ALLEMAGNE
61
Pour une critique de ce concept, T. EIJSBOUTS, « Wir sind das Volk: Notes About the
Notion of ‘The People’ as Occasioned by the Lissabon-Urteil », European Constitutinal Law
Review, vol. 6, 2010, p. 199 et s.
62
Para. 179 de la décision Lisbonne, préc. note 19.
63
Ibid., paras. 179 et 228. Pour une critique de cette idée de pré-constitutionnalité, voy. not.
M. JESTAEDT, « Warum in die Ferne schweifen, wenn der Maßstab liegt so nah? », Der Staat, vol.
48, 2009, p. 496, p. 501 et p. 512. Un problème analogue à celui de pré-constitutionnalité se pose
pour la conception de supra-constitutionnalité. Selon E. DUBOUT, « Les règles ou principes
inhérents à l’identité constitutionnelle de la France : une supra-constitutionnalité ? », RFDC, 2010,
p. 451, spéc. p. 463, qui soulève la question de supra-constitutionnalité dans le contexte du débat sur
l’identité nationale et selon qui « le seul moyen de résoudre la contradiction intrinsèque au concept
de supra-constitutionnalité est de considérer qu’il désigne à la fois ce qui se trouve hors de la
Constitution et dans la Constitution, comme point de passage entre la morale et le droit qui se
confortent ainsi mutuellement ».
64
Dans le même sens, D. HALBERSTAM, C. MÖLLERS, « The German Constitutional
Court says ‘Ja zu Deutschland!’ », German Law Journal, vol. 10, 2009, p. 1241, spéc. p. 1256.
D’après le Tribunal (para. 180) le « fait que l’article 146 LF ne contienne pas de droit fondamental
individuel au sens de l’article 93 alinéa 1 n° 4a LF et dont la violation pourrait être contestée de
manière autonome dans le cadre d’un recours constitutionnel ne fait pas obstacle à la possibilité de
critiquer dans le cadre d’un procès constitutionnel un éventuel ‘abandon de la qualité d’État’ de
l’Allemagne […]. En effet, la faculté d’alléguer une violation de l’article 146 LF combinée à l’un
des droits fondamentaux ou droits équivalents à des droits fondamentaux visés à l’article 93 alinéa 1
n° 4a LF – ici l’article 38 alinéa 1 phrase 1 LF – n’est pas écartée ».
65
Para. 274 et s. de la décision Lisbonne, préc. note 19.
M. WENDEL 99
66
Ibid., para. 406 et s.
67
Voy. 4. b) du dispositif de la décision Lisbonne, préc. note 19 : « Avant l’entrée en vigueur
des dispositions légales, exigées de par la Constitution, aménageant les droits de participation du
Bundestag et du Bundesrat, les instruments de ratification par la République fédérale d’Allemagne
du Traité de Lisbonne […] ne peuvent être déposés », http://www.bundesverfassungsgericht.de.
68
Cette loi relève de l’article 1 de la loi fédérale du 22 septembre 2009, JO 2009 I n° 60,
p. 3022 et s. Voy. aussi les nouvelles lois du même jour relatives à la coopération entre le
gouvernement fédéral et le Bundestag (JO 2009 I n° 60, p. 3026 et s.) et à la coopération entre le
gouvernement fédéral et les Länder (JO 2009 I n° 60, p. 3031 et s.). Pour des commentaires,
voy. M. NETTESHEIM, « Die Integrationsverantwortung – Vorgaben des BVerfG und
gesetzgeberische Umsetzung », Neue Juristische Wochenschrift, vol. 63, 2010, p. 177 et s. et
A. VON ARNAULD, U. HUFELD (dir.), Systematischer Kommentar zu den Lissabon-
Begleitgesetzen, Munich, C.H. Beck, 2011. Les recours dirigés contre cette nouvelle législation ont
été déclarés irrecevables immédiatement, Cour constitutionnelle fédérale allemande, décision 2 BvR
2136/09 du 22 sept. 2009, Législation d’accompagnement.
69
Voy. déjà C. TOMUSCHAT, « Die Europäische Union unter der Aufsicht des
Bundesverfassungsgerichts », EuGRZ, 1993, p. 489 ; K.-M. MEESSEN, « Maastricht nach
Karlsruhe », Neue Juristiche Wochenschrift, 1994, p. 549, spéc. p. 550.
70
Cour constitutionnelle fédérale allemande, décision 2 BvR 987/10 et al. du 7 sept. 2011,
Fonds européen de stabilité financière, para. 101.
71
Pour un aperçu des juridictions « constitutionnelles » dans l’UE, voy. F. C. MAYER,
« Multilevel Constitutional Jurisdiction », in A. VON BOGDANDY, J. BAST (dir.), Principles of
European Constitutional Law, Oxford, Hart, 2nde éd., 2009, p. 399, spéc. p. 400.
100 LA PRATIQUE DU DROIT INTERNATIONAL EN FRANCE ET EN ALLEMAGNE
garantie qu’un citoyen, agissant à titre privé, puisse attaquer le transfert des
compétences à l’Union européenne par le biais d’un recours individuel. Cela
est bien illustré par la jurisprudence de la Cour constitutionnelle
autrichienne qui a poursuivi une approche extrêmement restrictive. Déjà en
2005, la Cour avait déclaré irrecevables les recours dirigés contre le Traité
constitutionnel72. Par décision du 30 septembre 2008, elle a également rejeté
comme irrecevables les deux recours individuels (Individualanträge) dirigés
contre la ratification du Traité de Lisbonne en décidant que ni l’acte de
ratification, ni l’acte parlementaire d’approbation ne pouvaient faire l’objet
d’un tel recours. Par ailleurs, le traité lui-même ne pouvait pas, selon la
Cour, être soumis à l’examen tant qu’il n’était pas en vigueur et pas publié
au Journal officiel autrichien73. Ainsi, un particulier n’avait aucun moyen
juridique de contester, d’une manière préventive, la ratification du Traité de
Lisbonne en Autriche. Par une décision du 12 juin 2010, la Cour
constitutionnelle autrichienne a également rejeté le recours individuel qui
avait été déposé après l’entrée en vigueur du Traité de Lisbonne. Cette fois
le requérant était un groupe de députés qui n’avait pas obtenu la majorité
parlementaire nécessaire pour introduire un contrôle obligatoire de
constitutionnalité auprès de la Cour. Selon le droit constitutionnel
autrichien, un recours individuel n’est déclaré recevable que si le requérant
démontre prima facie être directement lésé dans le cadre d’un « droit
personnel ». Les requérants ont allégué que leur droit constitutionnel de
participer à un référendum national avait été violé74 et que l’attribution des
compétences à l’UE limitait le pouvoir du parlement d’une manière
incompatible avec les articles 24 (pouvoir législatif du Parlement) et 26
alinéa 1 (droit de vote) de la Constitution fédérale. Étant donné ces
parallèles entre les situations procédurales en Allemagne et en Autriche, il
est intéressant d’observer que la Cour constitutionnelle autrichienne a
déclaré les requêtes irrecevables d’une manière globale75.
En Lettonie, la Cour constitutionnelle a trouvé une voie médiane entre
la solution d’irrecevabilité totale (comme en Autriche) et l’exercice d’un
contrôle de constitutionnalité exhaustif (comme en Allemagne). Les
requérants ont invoqué l’article 101 de la Constitution lettone selon lequel
chaque citoyen letton a le droit de participer aux travaux de l’État et du
72
Cour constitutionnelle autrichienne, décision G 62/05-4 du 18 juin 2005, Traité établissant
une Constitution pour l’Europe.
73
Pt II.2 de la décision Lisbonne I, préc. note 16.
74
Dans le cas de l’Autriche, il n’y avait pas de référendum national, ni en vue du Traité
établissant une Constitution pour l’Europe, ni en vue du Traité de Lisbonne.
75
Pt II.3 de la décision Lisbonne II, préc. note 21.
M. WENDEL 101
76
Dans la traduction anglaise, http://www.saeima.lv/ : « Every citizen of Latvia has the right,
as provided for by law, to participate in the work of the State and of local government, and to hold a
position in the civil service. [...] ».
77
Deux dispositions constitutionnelles étaient en cause : Premièrement, l’article 68 alinéa 4
selon lequel des « changements substantiels » à l’égard de l’Union européenne sont soumis à un
référendum si un tel référendum est demandé par (au moins) la moitié des membres du Parlement (le
dernier mot sur l’organisation d’un référendum dans ce cas de figure revient donc au parlement) ;
deuxièmement, l’article 77, qui exige un référendum pour la révision de certains articles de principe,
comme l’article 2 sur la souveraineté.
102 LA PRATIQUE DU DROIT INTERNATIONAL EN FRANCE ET EN ALLEMAGNE
en plus une voix forte dans l’arène politique et dont les juges s’expriment
régulièrement sur des questions, d’autre part.
Ne nous y trompons pas : la décision du Conseil constitutionnel
français (statuant sur la nécessité d’une révision préalable) et l’obiter dictum
de la Cour constitutionnelle hongroise illustrent bien l’efficacité et la
praticabilité d’un contrôle objectif et préventif. Mais la question cruciale
n’est pas celle de la praticabilité, mais celle de la légitimité. Dans le cas dans
lequel les conditions formelles d’un contrôle objectif de constitutionnalité ne
sont pas remplies, une cour constitutionnelle est-elle légitime pour exercer
un tel contrôle par voie d’une interprétation large des stipulations
procédurales et substantielles (comme l’art. 38 de la LF), ou s’agit-il plutôt
d’une « auto-autorisation »78 illégitime ?
79
Cette expression est utilisée par le Tribunal constitutionnel fédéral allemand dans sa
décision Lisbonne, préc. note 19, para. 239 et 411.
80
Art. 48 al. 6 TUE (norme générale) ainsi que les art. 42 al. 2 § 1 TUE et 25 al. 2 ; 218 al. 8 §
2 ; 223 al. 1 § 2 ; 262 ; 311 al. 3 TFUE (normes spécifiques).
81
Art. 48 al. 7 TUE (norme générale) ainsi que les art. 31 al. 3 TUE et 81 al. 3 § 3 ; 153 al. 2 §
4 ; 192 al. 2 § 2 ; 312 al. 2 § 2 ; 333 al. 1 ; 333 al. 2 TFUE. L’art. 48 al. 7 pourrait être appliqué, par
exemple, dans les cas des art. 82 al. 2 § 2 lit. d ; 83 al. 1 § 3 ; 86 al. 4 et 308 al. 3 TFUE.
82
L’art. 352 TFUE (l’ancien art. 308 TCE).
83
Art. 48 al. 2, 82 al. 3 et 83 al. 3 TFUE, d’après lesquels un État membre peut demander que
le Conseil européen soit saisi, ce qui mène à une suspension de la procédure législative ordinaire.
84
Voy. l’art. 83 al. 1 § 3 TFUE.
85
Paras 412-419 de la décision Lisbonne, préc. note 20.
86
Pour la différence entre ces deux modes, voy. I. PERNICE, « Motor or Brake for European
Policies? Germany’s new role in the EU after the Lisbon-Judgment of its Federal Constitutional
Court », in I.PERNICE, J.-M. BENEYTO PÉREZ (dir.), op. cit. note 42, p. 355, spéc. p. 377 et s.
104 LA PRATIQUE DU DROIT INTERNATIONAL EN FRANCE ET EN ALLEMAGNE
91
Para. 151 et s. de la décision Lisbonne I, préc. note 17.
92
Ibid., para. 173 : « The Treaty of Lisbon transfers powers to bodies that have their own
regularly reviewed legitimacy, arising from general elections in the individual member states.
Moreover, the Treaty of Lisbon permits several ways of involving domestic parliaments (the
possibility for a parliament, or one of its chambers, to directly express its lack of consent, is one of
the forms of participation by domestic parliaments) », ital. aj.
106 LA PRATIQUE DU DROIT INTERNATIONAL EN FRANCE ET EN ALLEMAGNE
deuxième décision Lisbonne, les juges tchèques mettent l’accent encore plus
clairement sur cet aspect en se référant à l’avocat général Poiares Maduro
qui avait souligné le caractère composé du principe de démocratie
représentative quelques mois plus tôt93. Ce qui est particulièrement
intéressant dans notre contexte est le fait que la Cour constitutionnelle
tchèque s’oppose expressément à certains arguments clés de son homologue
allemand : « Insofar as [Article 10.1] of the TEU provides that ‘The
functioning of the Union shall be founded on representative democracy’,
that does not mean that only processes at the European level should ensure
fulfilment of that principle. That article is directed at processes both on the
European and the domestic level, not only at the European Parliament, as
stated by the German Constitutional Court in point 280 of its decision [...].
In other words, the democratic process on the Union and domestic
levels mutually supplement and are dependent on each other. [...]
For similar reasons, one cannot see conflict of Article 14.2 of the TEU,
which governs the number of members of the European Parliament, with the
principle of equality [...]. As pointed out above, the European Parliament is
not the exclusive source of democratic legitimacy for decisions adopted on
the level of the European Union. That is derived from a combination of
structures existing both on the domestic and on the European level, and one
cannot insist on a requirement of absolute equality among voters in the
individual Member States »94.
La Cour constitutionnelle tchèque exprime donc un certain degré de
confiance dans la structure composée du processus de légitimation
démocratique dans l’UE et, en particulier, dans la capacité du Parlement
européen à assurer (en coopération avec d’autres institutions aux différents
niveaux) un degré de légitimité démocratique suffisant, bien que ce
parlement représente les citoyens d’une façon « dégressivement
proportionnelle ». Dans ce contexte, la Cour tchèque souligne aussi le
concept de souveraineté partagée95.
En revanche, le Bundesverfassungsgericht juge qu’un degré suffisant de
légitimité démocratique de l’autorité publique européenne ne peut – pour le
moment – dériver que du « Peuple allemand en tant que citoyens de l’État
allemand » (Staatsvolk). En particulier le Parlement européen ne pourrait
pas, en raison de sa structure de représentation « dégressivement
proportionnelle », assurer un tel degré de légitimité. En conséquence, le
Tribunal constitutionnel fédéral se croit tenu, comme nous l’avons vu, de
soumettre l’application des clauses passerelles et les autres dispositions
93
Para. 138 de la décision Lisbonne II, préc. note 20 avec référence aux conclusions de
l’avocat général Poiares Maduro du 26 mars 2009, C-411/06, Commission c/ Parlement et Conseil.
94
Ibid., para. 137 et s., ital. aj.
95
Ibid., para. 147 et para. 104 de la décision Lisbonne I, préc. note 17.
M. WENDEL 107
96
Paras 236, 280, 289 et 293 de la décision Lisbonne, préc. note 19, ital. aj.
97
Ibid., para. 248 : « La préservation de la souveraineté dans son acception ouverte à
l’intégration et au droit international public voulue par la Loi fondamentale, préservation exigée par
le principe de démocratie dans le cadre du système constitutionnel en vigueur, ne signifie pas en
elle-même qu’un nombre déterminable à l’avance ou que certains types de droits de souveraineté
doivent demeurer auprès de l’État », ital. aj.
98
Ibid., para. 211.
99
Ibid., para. 286. Voy. aussi para. 284 : « À cet égard et en raison du contingentement des
sièges selon les États membres, le Parlement européen demeure sur le fond un organe de
représentation des peuples des États membres. Le principe de proportionnalité dégressive que
l’article 14 alinéa 2 sous-alinéa 1 phrase 3 TUE Lisbonne impose en ce qui concerne la composition
du Parlement européen se situe à mi-chemin entre le principe de droit international public d’égalité
entre les États d’une part, et le principe de l’égalité des suffrages dans le cadre d’un État d’autre
part ».
100
Ibid., para. 297 : « Déjà sur la base du droit actuellement en vigueur la Commission s’est
glissée dans le rôle d’un gouvernement européen, fonction qu’elle partage avec le Conseil et le
Conseil européen. Il n’est pas possible de discerner comment ce processus d’autonomisation
politique pourrait être poussé encore plus loin sans rattachement à des élections par le peuple
conformes au principe d’égalité, élections qui gagneraient leur efficacité du fait qu’elles incluent la
possibilité d’un changement de majorité. Si, comme le souhaitent certaines propositions pour
l’avenir de l’Union européenne, ce décalage du centre de gravité de l’action politique au profit de la
Commission se poursuivait et que l’élection du président de la Commission avait lieu, en droit
M. WENDEL 109
comme en fait, par le seul Parlement européen (cf. l’article 17 alinéa 7 TUE), alors l’élection des
députés serait en même temps – plus que cela est le cas en vertu des règles déjà en vigueur
actuellement – une décision relative à un gouvernement européen. Pour la situation juridique d’après
le Traité de Lisbonne cette considération confirme que sans un lien démocratique la rattachant aux
États membres, l’action de l’Union européenne est dépourvue d’une base de légitimité suffisante ».
101
Cour constitutionnelle fédérale allemande, décision 2 BvR 987/10 et al. du 9 nov. 2011,
avec deux opinions dissidentes (dont celle du juge rapporteur !). Les raisons pour cette
différenciation sont, selon la majorité des juges, d’une part l’existence (de facto) d’une stabilité
parlementaire suffisante qui relèverait de la force intégrative des groupes politiques du Parlement
européen et, d’autre part, qu’au sein du Parlement européen, il n’y aurait pas une nécessité
comparable (à celle au niveau national) de majorités parlementaires capables de soutenir, dans une
manière durable et prévisible, un gouvernement.
102
Le Tribunal demande que les « exigences démocratiques devraient être respectées à un
degré correspondant totalement à la légitimité d’une entité de pouvoir organisée sous la forme d’un
État » (ibid.), para. 263. Néanmoins, la norme de référence pour une telle demande reste obscure,
étant donné que la Loi fondamentale serait, dans un tel cas, sans vigueur et que le droit de participer
à la création d’une nouvelle constitution est actuellement, selon le Tribunal, seulement reflété dans
l’article 146 de la Loi fondamentale.
103
Ibid., paras 179, 229, 263, 298 et 334. Voy. D. HALBERSTAM, C. MÖLLERS, op. cit.
note 64, p. 1255.
110 LA PRATIQUE DU DROIT INTERNATIONAL EN FRANCE ET EN ALLEMAGNE
104
British European Union (Amendment) Act du 19 juin 2008 (disponible sur
http://www.statutelaw.gov.uk/).
105
Para. 320 de la décision Lisbonne, préc. note 19.
106
Loi n° 162/2009.
107
Para. 165 de la décision Lisbonne I, préc. note 17, confirmé par la décision Lisbonne II,
préc. note 20, para. 134.
M. WENDEL 111
108
Plus détaillé sur ce point M. WENDEL, op. cit. note 1, p. 246 et s.
112 LA PRATIQUE DU DROIT INTERNATIONAL EN FRANCE ET EN ALLEMAGNE
1. Limites substantielles
Il est important de distinguer deux catégories de limites à cet égard.
D’une part, il y a des seuils de constitutionnalité au-delà desquels existe la
nécessité d’une révision de la constitution (limites constitutionnelles
« surmontables ») ; d’autre part, il y a des lignes rouges marquant le noyau
inaliénable d’un ordre constitutionnel qui, dans certains pays, ne peut même
pas faire l’objet d’une révision constitutionnelle (limites constitutionnelles
« insurmontables » dans le système constitutionnel actuel)109.
La jurisprudence du Conseil constitutionnel français se range dans la
première catégorie. Selon une jurisprudence bien établie, l’autorisation de
ratifier des engagements internationaux appelle une révision constitutionnelle
lorsque ceux-ci « contiennent une clause contraire à la Constitution, remettent
en cause les droits et libertés constitutionnellement garantis ou portent atteinte
aux conditions essentielles d’exercice de la souveraineté nationale »110.
Statuant que le Traité de Lisbonne et le Traité constitutionnel portaient atteinte
à ces conditions essentielles, le Conseil constitutionnel a démontré, encore une
fois, que le troisième critère est le plus important dans la pratique
jurisprudentielle établie depuis la fameuse décision sur le Traité de
Maastricht111. Bien que l’article 89 alinéa 5 de la Constitution française puisse
être, au regard de son libellé, interprété comme établissant des limites « supra-
constitutionnelles »112, le Conseil constitutionnel n’a pas interprété cette
clause d’une manière qui entraîne des limites constitutionnelles à l’intégration
européenne. Ainsi, l’article 89 al. 5 C ne figure pas parmi les normes de
référence, ni dans la décision sur le Traité constitutionnel, ni dans celle sur le
Traité de Lisbonne. De plus, le Conseil a exprimé clairement qu’il n’est pas
autorisé à examiner des révisions constitutionnelles113. Le rôle du Conseil
109
C. GREWE, op. cit. note 3, para. 156 et s. ; C. GREWE, J. RIDEAU, « L’identité
constitutionnelle des États membres de l’Union européenne : flash back sur le coming-out d’un
concept ambigu », in J.-C. PIRIS et al. (dir.), Chemins d’Europe : Mélanges en l’honneur de Jean
Paul Jacqué, Paris, Dalloz, 2010, pt II.B.
110
Para. 9 de la décision Lisbonne, préc. note 15 et para. 7 de la décision Traité établissant
une constitution pour l’Europe, préc. note 10.
111
Décision n° 92-308 DC du 9 avr. 1992, Maastricht I.
112
Pour ce débat Voy. E. DUBOUT, op. cit. note 63, p. 458 avec d’autres références.
113
Décision n° 2003-469 DC du 26 mars 2003, Révision constitutionnelle relative à
l'organisation décentralisée de la République, para. 2 : « […] que le Conseil constitutionnel ne tient
ni de l’article 61, ni de l’article 89, ni d’aucune autre disposition de la Constitution le pouvoir de
statuer sur une révision constitutionnelle […] ». La prudence ou réticence du Conseil constitutionnel
à cet égard est aussi bien illustrée par sa deuxième décision sur le Traité de Maastricht du 2 sept.
1992, n° 92-312, Maastricht II, para. 19 : « Considérant que sous réserve, d’une part, des limites
touchant aux périodes au cours desquelles une révision de la Constitution ne peut pas être engagée
M. WENDEL 113
ou poursuivie, qui résultent des articles 7, 16 et 89, alinéa 4, du texte constitutionnel et, d’autre part,
du respect des prescriptions du cinquième alinéa de l’article 89 en vertu desquelles « la forme
républicaine du gouvernement ne peut faire l'objet d'une révision », le pouvoir constituant est
souverain ; qu'il lui est loisible d’abroger, de modifier ou de compléter des dispositions de valeur
constitutionnelle dans la forme qu’il estime appropriée ; qu’ainsi rien ne s’oppose à ce qu’il
introduise dans le texte de la Constitution des dispositions nouvelles qui, dans le cas qu’elles visent,
dérogent à une règle ou à un principe de valeur constitutionnelle ; que cette dérogation peut être
aussi bien expresse qu’implicite », ital. aj. Voy. sur ce point J. ZILLER, « Sovereignty in France:
Getting Rid of the Mal de Bodin », in N. WALKER (dir.), Sovereignty in Transition, Oxford, Hart,
2003, p. 261, spéc. p. 271.
114
L. FAVOREU, La politique saisie par le droit, Paris, Economica, 1988, p. 30.
115
Para. 252 de la décision Lisbonne, préc. note 19, ital. aj.
116
Ibid., paras 253-260.
117
Voy., parmi d’autres, C. SCHÖNBERGER, « Lisbon in Karlsruhe: Maastricht’s Epigones
At Sea », German Law Journal, vol. 10, 2009, p. 1201, spéc. p. 1208 qui parle même d’une
usurpation de pouvoir.
114 LA PRATIQUE DU DROIT INTERNATIONAL EN FRANCE ET EN ALLEMAGNE
125
J. ILIOPOULOS-STRANGAS, « Offene Staatlichkeit », in A. VON BOGDANDY, P.-M.
HUBER (dir.), op. cit. note 7, § 16 Griechenland, para. 43 et s.
126
M. POIARES MADURO, « EU Law and National Constitutions: Portugal », manuscrit
pour le BIICL (dir.), FIDE XX Congress London, Londres, BIICL, vol. 1, 2002, p. 13 et s.
127
Voy. DUCULESCU, A. RUXANDRA, « Romania », in A.-E. KELLERMANN et al. (dir.),
The Impact of EU Accession on the Legal Orders of New Member States and (Pre-)Candidate
Countries, La Haye, T.M.C. Asser Press, 2006, p. 113, spéc. p. 118 et s.
128
Voy. N. EMILIOU, « Cyprus », in A.-E. KELLERMANN et al. (dir.), ibid., p. 303, spéc.
p. 304 et s.
116 LA PRATIQUE DU DROIT INTERNATIONAL EN FRANCE ET EN ALLEMAGNE
requirement of absolute legal certainty [...]. The attempt to define the term
‘sovereign, unitary and democratic state governed by the rule of law,
founded on respect for the rights and freedoms of the man and of citizens’
once and for all (as the petitioners, supported by the president, request)
would, in contrast, be seen as an expression of judicial activism, which is,
incidentally, consistently criticized by certain other political figures »129.
Le raisonnement de la Cour constitutionnelle tchèque dépasse le seul
aspect des limites constitutionnelles à l’intégration européenne et aborde, de
manière plus générale, la relation entre le droit et la politique. Autrement dit,
le tribunal tchèque soulève la question du choix institutionnel, c’est-à-dire la
question de savoir s’il revient à la Cour de (ré-)écrire la Constitution par des
moyens d’interprétation ou plutôt de déléguer ce pouvoir au législateur130.
La réponse donnée est clairement en faveur du processus politique. Les
juges tchèques ainsi que les membres du Conseil constitutionnel français
renvoient la balle dans l’arène politique131. En revanche, le Tribunal
constitutionnel fédéral allemand – bien qu’il se soit limité à la sanction des
violations évidentes et ait respecté la marge d’appréciation du législateur en
ce qui concerne les mécanismes d’aides à la zone Euro132 – se déclare
compétent pour déterminer les limites à l’intégration européenne, limites
insurmontables sous le régime de la Loi fondamentale.
Alors que le Conseil constitutionnel et la Cour constitutionnelle tchèque
trouvent une solution sur la base du système constitutionnel en vigueur, le
Bundesverfassungsgericht dépasse l’ordre constitutionnel en vigueur (par
lequel il est constitué) en se référant à un droit pré-constitutionnel de se
donner une constitution comme seule possibilité de surmonter des limites à
l’intégration européenne imposées par la clause d’éternité133.
129
Paras 110-113 de la décision Lisbonne II, préc. note 20, ital. aj.
130
Voy. J. KOMAREK, op. cit. note 9, spéc. p. 38 dans le contexte du mandat d’arrêt
européen.
131
Cela ne veut pas dire que la Cour constitutionnelle tchèque déléguerait la décision au
législateur dans tous les cas. Mais, selon la Cour, l’« interference by the Constitutional Court should
come into consideration as ultima ratio » seulement, voy. décision Lisbonne I, préc. note 17, para.
109.
132
Para. 130 de la décision Fonds européen de stabilité financière, préc. note 70.
133
Para. 179 de la décision Lisbonne, préc. note 19.
M. WENDEL 117
145
Voy. A. VON BOGDANDY, S. SCHILL, op. cit. note 142, p. 1420.
146
Pt II-3 de la déclaration Traité constitutionnel, préc. note 6. Voy. F. CASTILLO DE LA
TORRE, Common Market Law Review, vol. 42, 2005, p. 1169, spéc. p. 1195.
147
F. CASTILLO DE LA TORRE, ibid., p. 1193 et p. 1201.
148
Para. 13 de la décision Traité constitutionnel, préc. note 10.
M. WENDEL 119
149
Para. 7 de la décision Loi pour la confiance dans l'économie numérique, préc. note 11 et
para. 4 de la décision n° 2004-498 DC du 29 juill. 2004, Loi relative à la bioéthique.
Voy. F. CHALTIEL, « Constitution française, constitution européenne, vers l’osmose des ordres
juridiques ? », Revue du Marché Commun et de l’Union, n° 488, 2005, p. 280 et s. ; F.C. MAYER,
« Europarecht als französisches Verfassungsrecht », Europäischer Rat, 2004, p. 925 et s.
150
Para. 19 de la décision Loi relative au droit d’auteur et aux droits voisins dans la société de
l’information, préc. note 11. Voy. F. CHALTIEL, « Nouvelle précision sur les rapports entre le droit
constitutionnel et le droit communautaire », RFDC, 2006, p. 837 et s. ; C. CHARPY, « The Status of
(Secondary) Law in the French Internal Order : the Recent Case-Law of the Conseil constitutionnel
and the Conseil d’État », European Constitutional Law Review, 2007, p. 436, spéc. p. 445 et s.
151
Dans ce sens les conclusions de l’ancien Rapporteur public au Conseil d’État dans l’affaire
Arcelor, M. GUYOMAR, RTDE, 2007, p. 378, spéc. p. 385. Pour une autre conception qui décrit
l’identité constitutionnelle comme « un ensemble de valeurs protégées dans des normes d’une
importance essentielle pour le système juridique auquel elles appartiennent et que seul le pouvoir
constituant originaire agissant comme tel peut altérer », E. DUBOUT, op. cit. note 63, 482.
152
Pour d’autres différences voy. l’excellente analyse de J.-H. REESTMAN, op. cit. note 14,
p. 384 et s., particulièrement pp. 388-390.
153
Pour un concept d’identité constitutionnelle de la France, voy. E. DUBOUT, op. cit. note
63, pp. 480-482.
120 LA PRATIQUE DU DROIT INTERNATIONAL EN FRANCE ET EN ALLEMAGNE
156
Ibid.
157
Para. 59 de la décision Honeywell, préc. note 28.
158
F.C. MAYER, « Rashomon in Karlsruhe – A Reflection on Democracy and Identity in the
European Union », Jean Monnet Working Paper 5/10, p. 39.
159
Dans ce sens D. THYM, « In the Name of Sovereign Statehood », Common Market Law
Review, vol. 46, 2009, p. 1795, spéc. p. 1807.
160
M. WENDEL, op. cit. note 1, p. 573 et s. ; L. BESSELINK, « National and Constitutional
Identity before and after Lisbon », Utrecht Law Review, 2010, p. 36, spéc. p. 44 et s.
161
Voy. F.C. MAYER, « Verfassungsgerichtsbarkeit », in A. VON BOGDANDY, J. BAST
(dir.), op. cit. note 155, p. 559, spéc. p. 588. Dans le même sens, I. PERNICE, « Der Schutz
nationaler Identität in der Europäischen Union », Archiv des öffentlichen Rechts, vol. 136, 2011,
p. 185 et s. ; A. VON BOGDANDY, S. SCHILL, op. cit. note 143, p. 1417 et s. ; C. GREWE,
J. RIDEAU, op. cit. note 109 ; L. BESSELINK, ibid., p. 44 et s.
122 LA PRATIQUE DU DROIT INTERNATIONAL EN FRANCE ET EN ALLEMAGNE
162
Rapport de travail du Groupe de travail V, CONV 375/1/02 REV 1, p. 11 : « À ce dernier
égard, il a été indiqué que cette disposition ne constituait pas une clause dérogatoire. Les États
membres demeurent tenus de respecter les dispositions des traités. [...] S’il devait être attribué à la
Cour de justice une compétence à l’égard d’un tel article dans un futur ‘traité fondamental de portée
constitutionnelle’, ce serait peut-être celle d’être l’interprète en dernier ressort de cette disposition au
cas où les institutions politiques outrepasseraient leur marge raisonnable d’appréciation ». Voy. aussi
les conclusions de l’avocat général M. Poiares Maduro du 28 octobre 2008 dans l’affaire C-213/07,
Michaniki, para. 32.
163
F. CASTILLO DE LA TORRE, op. cit. note 147, p. 1201.
164
M. WENDEL, supra note 1, p. 572 et s. ; voy. A. VON BOGDANDY, S. SCHILL, op. cit.
note 142, p. 1431 : « gateway that opens EU law vis-à-vis domestic constitutional law ».
M. WENDEL 123
CONCLUSION
165
Jusqu’à l’entrée en vigueur du Traité de Lisbonne, la CJCE n’était pas compétente, en vertu
de l’ancien article 46 du TUE-Nice, d’interpréter l’ancienne clause d’identité (art. 6 al. 3 TUE-
Nice).
166
En particulier CJCE, Aff. C-36/02, arrêt du 14 oct. 2004, Omega, paras 32-41. Pour une
analyse plus profonde de la jurisprudence de la CJCE, voy. M. WENDEL, op. cit. note 1, pp. 583-
586 et pp. 590-595.
167
En particulier les conclusions de l’avocat général M. Poiares Maduro dans l’affaire
Michaniki, préc. note 163, para. 32. Voy. aussi les conclusions de l’avocat général M. Poiares
Maduro du 30 sept. 2009, dans l’affaire C-135/08, Rottmann, para. 25 ; Conclusions générales de
l’avocat général Colomer du 25 juin 2009 dans l’affaire Rs. C-205/08, Umweltanwalt von Kärnten,
para. 47 ; Conclusions de l’avocat général Kokott du 4 sept. 2008, dans l’affaire C-222/07, UTECA,
para. 93 ; Conclusions de l’avocat général Kokott du 8 mai 2008, dans les affaires C-428/06 et C-
434/06, UGT-Rioja, para. 54 et s.
168
CJCE, Aff. C-208/09, arrêt du 22 déc. 2010, Sayn-Wittgenstein, paras 91-94 avec référence
à l’arrêt Omega. Voy. A. VON BOGDANDY, S. SCHILL, op. cit. note 142, pp. 1423-1425.
124 LA PRATIQUE DU DROIT INTERNATIONAL EN FRANCE ET EN ALLEMAGNE
169
Voy. maintenant le président du Tribunal constitutionnel fédéral, A. VOSSKUHLE,
« Multilevel cooperation of the European Constitutional Courts: Der Europäische
Verfassungsgerichtsverbund », European Constitutional Law Review, vol. 6, 2010, p. 175 et s.