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SAVETIER
DU CAIRE Henri Rabaud
Direction musicale Marc Minkowski
Mise en scène Jérôme Deschamps
Licence E.S. 1-1088384 ; 2-1088385 ; 3-1088386 - Création graphique : inconitO - Illustration : © Matthieu Fappani
Du 23 au 29 avril 2018
N°201
AVRIL 2018
RCS 832 332 399 Paris
Président et directeur
de la publication : Jean-Jacques Augier
Directeur général : Stéphane Chabenat
Adjointe : Sophie Guerouazel
Directeur de la rédaction
Jérémie Rousseau
D’après une
jrousseau@classica.fr
Chef de rubrique disques et hi-fi
Philippe Venturini
pventurini@classica.fr
Secrétaire de rédaction
Valérie Barrès-Jacobs
vjacobs@emc2paris.fr
Éditorialistes : Alain Duault,
Benoît Duteurtre, Emmanuelle Giuliani,
Jean-Charles Hoffelé, Éric-Emmanuel Schmitt
Grand reporter : Olivier Bellamy
Directrice artistique
Isabelle Gelbwachs
histoire vraie
u romancier ou juste réédité en poche: rien
D
igelbwachs@emc2paris.fr
Service photo du biographe, qui sur la musique de Chostako-
Cyrille Derouineau approche au vitch, ou si peu, et pourtant
cderouineau@emc2paris.fr
mieux la vérité tout de son auteur. L’ironie
Ont collaboré à ce numéro d’un composi- intenable, la construction
Jérémie Bigorie, Jacques Bonnaure, teur ? Le second, sans nul haletante, les rouages d’un
Vincent Borel, Jean-Luc Caron, Damien
Colas, Jean-Noël Coucoureux, Michel doute : celui qui, par sa scénariokafkaïen,lamenace
Fleury, Pierre Flinois, Elsa Fottorino, rigueur scientifique, atteint omniprésente de la terreur
Xavier de Gaulle, Romaric Gergorin,
Pascal Gresset, Jean-Pierre Jackson, le cœur de son sujet en ne et de la mort dissèquent au
Pauline Lambert, Aurore Leger, Michel s’autorisant que des digres- scalpel la psychologie de
Le Naour, Sarah Léon, Franck Mallet,
Pierre Massé, Antoine Mignon, Yannick
sions vérifiées et en bannis- Dmitri Dmitrievitch, héros
Millon, Aurélie Moreau, Clément Serrano, sant toute invention person- antihéros dont le destin se
Dominique Simonnet, Sévag Tachdjian, nelle. Mais il est des cas où le romancier confond avec la tragédie du stalinisme,
Marc Vignal, Thomas Zingle
l’emporte. Lorsque, mystérieuse alchimie, broyé par sa lâcheté face à la tyrannie,mais
Publicité celui-ci sait ouvrir les portes sensorielles dont Barnes montre les tréfonds d’une âme
Team Medias Pôle musique
10, boulevard de Grenelle, CS 10817, dumusiciendontilafaitsonhéros.Onpense nue restée intacte : tout ce que disent
75738 PARIS Cedex 15 au roman Ravel de Jean Echenoz, invitation ses chefs-d’œuvre. Le volume refermé,
Tél.: 01 87 39 75 18
Présidente envoûtante à (ré)écouter sa musique,alors vous courez réécouter Lady Macbeth ou
Corinne Mrejen que pas une seule fois le romancier ne se son Quinzième Quatuor, et peut-être les
Directrice générale
Cécile Colomb
fait musicologue: c’est par son style, ellip- entendrez-vous différemment. « Ce sont
Directrice commerciale tique, sa syntaxe, maniaque, ses mots, les romans qui disent le plus de vérité sur la
Emmanuelle Astruc pesés et soupesés,son sens microscopique vie, écrit le romancier: ce qu’elle est, com-
eastruc@teamedia.fr
Directrice adjointe de la publicité du superflu, son art de caresser les choses ment nous la vivons, quel sens elle pourrait
Stéphanie Gaillard pour mieux en capter la profondeur, avoir, comment nous la goûtons et l’appré-
Courriel : sgaillard@teamedia.fr
Chef de publicité musique vivante qu’Echenoz tisse un parallèle ténu entre cions,comment elle tourne mal et comment
Judith Atlan sa langue et la personnalité de l’auteur du nous la perdons. La meilleure fiction fournit
Courriel : jatlan@teamedia.fr
Chef de publicité hi-fi/instruments
Concerto pour la main gauche. rarement des réponses; mais elle formule
Clémence Maury On ressent cette même impression avec exceptionnellement bien les questions… » X
Courriel : cmaury@teamedia.fr Le Fracas du temps de Julian Barnes, tout Jérémie Rousseau
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Tél.: 01 70 37 31 54.
Courriel : abonnements@classica.fr
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1 an, 10 numéros : 49 u
Ventes au numéro
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Diffusion : Presstalis
Prépresse
Maury Imprimeur
Imprimerie : Roularta Printing,
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Imprimé en Belgique/Printed in Belgium
DANIEL HARDING
Directeur musical
SOMMAIRE
36
58
44 72 78
Q L’ACTUALITÉ Q LE MAGAZINE
03 Éditorial 44 En couverture
07 Ça cartoon ! Vingt chefs-d’œuvre de la musique sacrée, de Machaut
Le chant en grand seigneur à Britten en passant par Bach, Mozart, Berlioz et Stravinsky.
09 La petite musique 54 L’écoute comparée
d’Éric-Emmanuel Schmitt La Missa Solemnis de Ludwig van Beethoven
« Je ne crois pas en Dieu, mais je l’aime » 58 Passion musique
10 Planète musique Didier Lockwood
Le Grand Prix Lycéen des compositeurs, 60 Musique & vin
le Pass Culture, les Victoires de la musique… Accords parfaits
25 L’humeur d’Alain Duault 68 L’univers d’un musicien
Trop belle pour eux ! Entrez dans l’intimité de Stéphane Denève
26 Sortir 72 Entretien
The Beggar’s Opera, Parsifal et Fazil Say Les confidences de Murray Perahia
à Paris, Justin Taylor en Avignon…
33 À voix haute
La chronique de Benoît Duteurtre Q LE GUIDE
34 Un air de famille 78 Les CHOCS du mois
Les Queyras 90 Les disques du mois
36 On a vu 114 Le jazz
Tristan, Salomé, Cecilia Bartoli en Alcina… 116 Les DVD du mois
43 Les carnets d’Emma 118 Hi-fi : test de six amplificateurs-convertisseurs pour casque
La chronique d’Emmanuelle Giuliani 130 Jeux
Extrait de L’Histoire de la musique en bandes dessinées de Michael Sadler, Denys Lemery et Bernard Deyries.
© Éditions Van de Velde, Paris. Reproduit avec l’aimable autorisation des Éditions Van de Velde.
David Grimal
JOUE
Jean-Sébastien Bach
© Bernard Martinez
03.06.2018
Réservations sur :
laseinemusicale.com, fnac.com
Dezsö Ranki
Programme :
Mozart, Brahms, Schubert
© Szilvia Csibi
09.06.2018
Réservations sur :
laseinemusicale.com, fnac.com
LA PETITE MUSIQUE
D’ÉRIC-EMMANUEL SCHMITT
« Je ne crois pas en
Dieu, mais je l’aime »
— Qu’est-ce donc que cette messe des morts
que vous venez de faire chanter? Fauré d’apocalypse chez Verdi, le Lacrimosa
(Les Larmes) qui bouleverse chez Mozart, et
accompagne
— C’est un requiem de ma composition, surtout le Rex tremendae (Roi redoutable)
Monsieur le curé. qui propose un Dieu juge, capable de pré-
— Connaissiez-vous le paroissien pour cipiter le défunt aux Enfers ou au Paradis.
ou console
lequel nous avons célébré la messe ? Pour Fauré, la mort apporte l’éden à cha-
— Non. cun ; il ose même ajouter un texte que
— Alors pourquoi? personne n’avait jamais intégré au requiem,
— Pour rien… pour le plaisir, si j’ose dire. In Paradisium (Au Paradis), une antienne
Voilà si longtemps que j’accompagne à l’orgue les services d’enter- qu’on chante normalement lorsqu’on se rend au cimetière.
rement! J’en ai par-dessus la tête. J’ai voulu faire autre chose. Le Paradis pour tous, un ciel étoilé célébré par des harpes
— Nous n’avons pas besoin de nouveautés,Monsieur le maître angéliques et des voix de chérubins. Quelle audace ! Ou
de chapelle. Le répertoire de la Madeleine est bien assez riche: quelle impiété ?
contentez-vous-en! Ce Requiem touche autant le croyant que l’incroyant. Celui
Voilà comment fut accueilli le requiem des requiem, celui pour qui mourir consiste à changer de forme vivante et à
que je considère comme le plus juste et le plus spirituel : passer dans l’éternité, Fauré le conduit à cette porte enchan-
le Requiem de Gabriel Fauré. tée avec une douceur émerveillée. Celui pour qui mourir
Que signifie « requiem » ? Repos. Ni désolation, ni mort, revient à quitter la vie et à passer dans le néant, Fauré lui
ni drame: repos. Seulement repos. Requiem aeterna dona ei: propose ce rien comme un soulagement. Soit sa musique
donnez-lui le repos éternel. nous accompagne, soit elle nous console. Que l’après se révèle
Personne avant Fauré n’avait mis en musique le repos. Dans videouplein,il apaisera.Lamortestnotreamie.« MonRequiem,
son Requiem inachevé, Mozart exprime la tension tragique, on a dit qu’il n’exprimait pas l’effroi de la mort, quelqu’un l’a
la tristesse, puis l’envol déterminé des voix vers le ciel dans appelé une berceuse de la mort. Mais c’est ainsi que je sens
une fugue finale, pas la quiétude. Tour à tour, Berlioz traduit la mort: comme une délivrance heureuse, une aspiration au bon-
le tourment,Verdi la terreur suivie de l’espoir exacerbé,Brahms heur d’au-delà, plutôt que comme un passage douloureux. »
l’émoi métaphysique. Par rhétorique dramatique, Je me demande si la réticence du curé de la
tous ces requiem multiplient les contrebasses, Madeleine lors de la création ne manifestait pas
agitent les timbales et sollicitent les cuivres. Fauré ÉRIC-EMMANUEL une méfiance légitime devant une œuvre intime
préfère la douceur, l’harmonium nu, la harpe, SCHMITT au fidèle autant qu’au mécréant.
une voix d’enfant. Fauré compose une musique est écrivain, dramaturge Fauré avait-il la foi ? Ni croyant ni sceptique
qui s’ouvre sur le silence. Ainsi se déroule la vie: et réalisateur. – nous apprit son fils –, il avait le sens du mystère
on vient du silence et on y retourne. Son dernier ouvrage, et la religion de l’amour. Lorsque je songe à lui,
Son œuvre anticipe la paix éternelle,le ravissement La Vengeance j’ai envie de lui attribuer la phrase que me glissa,
de la sérénité. Fauré supprime certains textes, tels du pardon, est paru un jour, un ami athée : « Je ne crois pas en Dieu,
le Dies irae (Jour de colère) qui favorise le sentiment chez Albin Michel. mais je l’aime. » X
F. TRIQUET
e 15 mars der- décerné cette année à Jean- nombreux prix lycéens pour d’élèves inscrits en option
L
nier, près d’un Baptiste Robin qui présen- la littérature ou le cinéma, musique la possibilité de ren-
millier de lycéens tait une pièce pour orgue, il n’y avait pas d’équivalent contrer des compositeurs et de
venus de toute la orchestre à cordes et timbales pour la musique classique, à se plonger dans leur création
France étaient intitulée Mechanic Fantasy. plus forte raison pour la musi- avant de choisir leur lauréat.
réunis à l’Audi- Créé en 2000 par La Lettre du que contemporaine: le Grand Il s’agit là d’un véritable tra-
torium de la Maison de la musicien et piloté depuis 2013 Prix Lycéen des Compositeurs vail de fond.
Radio pour assister à la céré- par Musique Nouvelle en a donc été conçu pour com- Six mois avant l’annonce des
monie de remise du Grand Liberté, ce concours est unique bler ce manque; il offre chaque résultats, un jury de profes-
Prix Lycéen des Compositeurs en son genre. S’il existe de année à plusieurs milliers sionnels de la musique établit
ANAËLLE TRUMKA
de Bechara El-Khoury et un nous posons au quotidien.
opéra de Brice Pauset. Il s’agit de questions, parfois
Durant les mois suivants, les même fondamentales, qui nous
élèves étudient le programme aident à faire la lumière sur
avec leurs professeurs, ana- nos parcours et nos convictions
lysent les textes en profondeur esthétiques. » L’organiste Jean-
et se familiarisent avec les Baptiste Robin, lauréat du « La passion de la musique
enjeux de la musique contem- concours 2018, a échangé sur
poraine. Les compositeurs son œuvre avec les lycéens confère une dimension
participent activement à cette dans le cadre inhabituel des
phase de découverte en se églises : « Il y a une part de unique qui apporte un sens
déplaçant dans toute la France timidité et de pudeur chez ces
pour rencontrer les lycéens et jeunes gens, mais ils brûlent de profond à la vie »
échanger avec eux. La sponta- l’intérieur.J’attendais une seule
néité est encouragée, les élèves chose : laisser opérer la sponta-
sont incités à poser toutes les néité et le naturel pour ouvrir l’orchestration avec Marc- Parfaitement adaptée à son
questions qui les taraudent : les portes de leur univers et leur André Dalbavie. Il s’est per- instrument de prédilection,
« Qu’avez-vous étudié au lycée? faire partager ma passion pour fectionné dans la classe de cette mécanique du temps
Pouvez-vous vivre de votre art? la musique. » George Benjamin, au King’s dessine des mélodies circu-
Pourquoi avoir choisi la musique College of Music de Londres. laires qui traversent toute
contemporaine ? Que pensez- HORLOGERIE MÉCANIQUE Actuellement organiste de la l’œuvre du compositeur. Au
vous de la musique actuelle ? Né en 1976, Jean-Baptiste chapelle de Versailles, il ensei- centre de la pièce, un récitatif,
Quels conseils donneriez-vous Robin s’est formé au Conser- gne aussi l’écriture dans plu- à l’architecture complexe,
à quelqu’un qui veut se lancer vatoire de Paris. Il a étudié sieurs conservatoires. exprime toute la beauté d’un
dans la musique ? » Au terme l’orgue avec Olivier Latry et Sa pièce pour orgue, orchestre instrument trop souvent can-
de ces discussions, les élèves Michel Bouvard, l’écriture à cordes et timbales, Mechanic tonné au répertoire religieux.
sont ensuite invités à rédiger avec Jean-François Zygel, Fantasy, qui a remporté le Visiblement très touché par
un petit essai qui expose les Edith Lejet, Jean-Claude Grand Prix des Lycéens,s’inspire l’engouement des lycéens
raisons de leur choix. Au prin- Henry et Olivier Trachier, et de l’horlogerie mécanique. pour sa composition, Jean-
temps, tous se retrouvent à Baptiste Robin leur délivre
Paris pour assister en direct à cet ultime message: « Je conseille
la révélation du lauréat et à un à tous les lycéens qui s’orientent
concert de musique contem- vers la musique de croire inten-
poraine live. sément en eux et de se donner
Outre le prix, l’heureux élu se pleinement dans cet art, sans
voit également offrir une relâche. Les professions musi-
commande dont la création cales sont vastes, mais cette pas-
ouvre la cérémonie de l’édi- sion leur confère une dimension
tion suivante. Au nombre des unique qui, au-delà de simple-
lauréats des années précé- ment gagner sa vie, apporte
dentes, on compte Baptiste un sens profond à la vie. »
Trotignon (Different Spaces), La 20e édition du Grand Prix
Karol Beffa (Concerto pour Lycéen des Compositeurs et
alto et orchestre à cordes), la création de Jean-Baptiste
Pierre Jodlowski (Time & Robin auront lieu le 4 avril
F. TRIQUET
NOTES ET
Blogs, Facebook,
Twitter, Instagram,
YouTube, Pinterest…
FAUSSES NOTES
Classica a surfé
sur Internet pour y
dénicher des pépites.
Par Clément Serrano
CONNAISSEZ-
VOUS LA MÈRE
DE Debussy ?
L
’INA rediffuse sur sa thèmes abordés,la musi-
chaîne YouTube les que classique fut celui
meilleures séquen- qui fit le plus de bruit: UNE PAGE
ces de la populaire « Opi-
nions sur rue », série de
fugues et autres délits de
Jean-Sébastien Bach,
CANON
A
micros-trottoirs menés relation douteuse entre mateurs
par le journaliste Gérard Chopin et des Polonai- de figures
J
e pourrais raconter le Ring en deux heures. Pas Jordan Alexander Key
« besoin d’une journée comme Wagner. Quel est faite pour vous.
idiot ! » Classic FM imagine en dix tweets Ce mois-ci, une vidéo
les réactions du président américain Donald consacrée à l’écoute
Trump face aux chefs-d’œuvre du répertoire clas- d’un canon dit
sique. Parmi ses cibles : Le Sacre du printemps de « de proportion » :
Stravinsky, La Bohème de Puccini ou les Variations Proverb du compositeur
Goldberg de Jean-Sébastien Bach. X américain Steve Reich. X
£ www.classicfm.com/discover-music/humour/ £ www.youtube.com/
donald-trump-reviews-music/ watch?v=YAWobfclhGo
L’EXCEPTION,
GAUTIER CAPUÇON
Musikverein de Vienne fait partie
des plus mythiques au monde.
Tous les grands musiciens, no-
tamment Brahms, ont joué ici.
Son atmosphère est incroyable et
Comme son frère Renaud, le violoncelliste Gautier Capuçon compte parmi son acoustique demeure l’une des
les « stars » de la musique classique. Entre deux concerts en France ou à meilleures au monde, sinon la
l’étranger, l’ancien juré de l’émission Prodiges sur France 2 répond à toutes meilleure. Parce que j’y ai fait mes
les questions… sans exception.— débuts et que j’y joue très souvent,
j’entretiens une relation très forte
avec la Musikverein.
© Bernard Rouffignac
rigueur extrêmes : on cherche tous
à se rapprocher d’une perfection
technique qui n’existe pas. C’est
d’autant plus paradoxal que, sur
scène, il faut laisser cette obses-
« Sur scène, sion de côté pour s’abandonner à
une certaine forme de lâcher-prise.
il faut Qu’est-ce qui rend Lexus
s’abandonner à particulier à vos yeux ?
LES LAURÉATS
L’édition 2018 a couronné les meilleurs
interprètes de l’année.
PASS CULTURE
L messe du candidat
Emmanuel Macron,
caractéristiques de cet instru-
ment sont encore à déterminer:
EMILIE BROUCHON
COMME
A
CLASSICA
LE MAGAZINE
BEETHOVEN
par Murray Perahia
1 • Sonate n°29 « Hammerklavier » :
ACCORD
Allegro 10’09
Extrait du CD Deutsche Grammophon
479 8353
BEETHOVEN
par Nikolaus
Harnoncourt
2 • Missa Solemnis : Kyrie 12’12
Extrait du CD Teldec 9031 74884 2
BACH
ensemble les cœurs (cordis) par Jean-Guihen
ou les cordes (chorda) , note Queyras
le Robert d’Alain Rey. Cette Suite pour violoncelle n°5
3 • Sarabande 3’20
réunion coordonnée de sons 4 • Gavottes I & II 4’59
simultanément joués possède 5 • Gigue 2’06
Extrait de l’album Harmonia Mundi HMC
SDP
SDP
C
qui règne avant présentdanstouteslesmythologies la symphonie peut commencer. W. F. BACH
l’interprétation, de l’arc Pacifique, le violon Elle sera donnée par la par Claudio Astronio
7 • Fantaisie en do mineur Fk. 16 7’01
celui d’un groupe de luciférien garantit l’unité de philharmonie, aux origines une Extrait du coffret Brilliant Classics 94240
musiciens où chacun l’harmonie à venir. Où est-il société réunissant les amoureux RAMEAU
cherche son ton. Fascinant allé la chercher? Au clavier, s’il y a de la musique. Dès lors, par Stéphane Degout
moment musical que l’orchestre un piano sur scène; peut-être sur peu importe qu’il faille jouer et Raphaël Pichon
8 • Dardanus : « Voici les tristes lieux…
émergeant de sa cacophonie. un diapason frappé dans l’ombre les désaccords de Boulez, Monstres afreux » 3’51
Rebel dans Les Éléments, des coulisses. Le terme accord les monstres de Bruckner Extrait du CD Harmonia Mundi HMM
902288
Rameau à l’ouverture de Zaïs, est apparu dans la langue ou les cathédrales de Bach, DEBUSSY
Haydn à l’aube de sa Création musicale au XIIe siècle, à la symphonie et la philharmonie par Maurizio Pollini
semblent s’en être amusés. Notre-Dame de Paris, lorsque se sont instituées utopie d’âmes Préludes, Livre II
9 • Brouillards 2’37
Puis le premier violon arrive, Léonin et Pérotin commencèrent concordantes. L’accord met 10 • Feuilles mortes 2’25
porteur de la flamme qui va à conduire les sons sur la palette notre chaos humain au même Extrait du CD Deutsche Grammophon
479 8490
mettre chacun d’accord. des tons. S’accorder, c’est diapason. Prova d’orchestra,
SCHUMANN
Comme Prométhée, ou comme étymologiquement mettre aurait dit Fellini. X V. B.
par Gérard Poulet et
Jean-Claude Vanden
Eynden
11 • Sonate pour violon et piano n°1 :
Lebhaft 5’34
Extrait du CD Le Palais des Dégustateurs
PDD011
FAURÉ
LA TRIBUNE DES CRITIQUES DE DISQUES par Billy Eidi
12 • Barcarolle n°12 3’28
TOUS LES DIMANCHES, SUR FRANCE MUSIQUE, DE 16 H À 18 H, JÉRÉMIE ROUSSEAU Extrait du CD Timpani 1C1247
PRÉSENTE « LA TRIBUNE DES CRITIQUES DE DISQUES ».
LE 1ER AVRIL: Rikadla de Janácek / LE 8 AVRIL: Autour de Donizetti, Verdi, Ofenbach RETROUVEZ CHAQUE MOIS
LE 15 AVRIL: Symphonie n°40 de Mozart / LE 22 AVRIL: Quatuor avec piano de Schumann LES CHOCS DE CLASSICA SUR
LE 29 AVRIL: Préludes de Rachmaninov
MADEMOISELLE PARADIS
Inspiré de la vie de Maria Theresia von Paradis, une pianiste
aveugle, ce film nous plonge au cœur de la société viennoise
du XVIIIe siècle. Une réalisation classique, mais bien interprétée.
SOUVENIRS
DE CHOPIN
vec la fraîcheur,
A la limpidité
et l’aptitude
à l’émerveillement
qui ont fait son succès,
Éric-Emmanuel Schmitt
C. SCHULZ
A de reconnaissance,
les Von Paradis n’as-
pirentqu’àunechose:
faire de leur fille Maria Theresia
la coqueluche des cercles mon-
ries. La venue en ville du grand
mais discutable magnétiseur
Franz Anton Mesmer sera
peut-être la solution à tous
ses maux.
cynique de la société viennoise
du XVIIIe siècle. Si la réalisation
et l’écriture peuvent paraître
un poil académique,on ne peut
que saluer la prestation des
un jour, se remémorant
un choc éprouvé,
garçonnet, par une page
de Chopin interprétée
par sa vieille tante Aimée,
dains. Seulement voilà, Maria Réalisé par Barbara Albert, acteurs. Mention spéciale à il entreprend de se
Theresia est aveugle, repous- Mademoiselle Paradis retrace Maria-Victoria Dragus dont remettre au piano.
sante, sensible et fragile. Ses l’histoire vraie de cette ren- l’interprétation de la jeune pia- Et le jeune homme
talents de pianiste font d’elle contre entre deux êtres jugés niste atteinte de cécité est de découvrir les secrets
un simple objet de curiosité, trop marginaux pour leur criante de vérité. X C. S. du compositeur,
tandis que sa vie de femme est époque, délivrant avec justesse £ Sortie en salles le 4 avril. en compagnie d’une
professeure polonaise
excentrique, vivant
au milieu de ses chats,
quement ? Évidemment non, plus question d’un adieu défi- souvenirs, à la fois tendre
la grande soprano américaine nitif à ses premières amours, et didactique. X
a plus d’une corde à son arc. seulement de réaliser un peu Jérémie Rousseau
Dans un air très jazzy, c’est elle moins de performances face à £ Madame Pylinska
qui enregistre la bande-son ce « sport olympien » qu’est et le secret de Chopin, Albin
du film La Forme de l’eau l’opéra. X L. G. Michel, 126 p., 13,50 c.
3 questions à
STÉPHANE
MOUSSU
Le chef de produits et marketing audio-
vidéo de Pioneer & Onkyo Europe présente
le marché du son et ses tendances.
C l’activité de la
marque Pioneer ?
Elle se développe sur
trois grands axes. D’abord, il y
a ce qu’on appelle le « car
monde de la haute-fidélité,
possédant toujours ses propres
usines de fabrication, qui en est
propriétaire depuis 2015.
Depuis septembre 2017,celle-ci
audio », c’est-à-dire le matériel détient les droits de distribu-
destiné à équiper les automo- tion des produits Teac (acro-
SDP
biles. Cette branche appartient nyme de Tokyo ElectroAcoustic
à 100 % à la maison mère japo- Company) qui se fit connaître
naise Pioneer Corporation qui par ses modèles destinés aux la musique. Chez soi, bien sûr, Si la dématérialisation
fête cette année ses quatre- studios d’enregistrement pro- où l’on peut accéder à une offre s’impose, pourquoi
vingts ans. S’y ajoutent les pro- fessionnels. Pioneer, Onkyo et infinie, mais aussi à l’extérieur, présenter la PD-70AE,
duits destinés aux DJ, platines Teac sont donc regroupés sous en déplacement, à l’autre bout une platine CD haut
tourne-disques et tables de une même bannière. du monde. Avec son smart- de gamme à 2 500 L ?
mixage, domaine dans lequel Quelle est la tendance forte phone, on peut disposer d’une Il ne faut pas oublier que
Pioneer est leader mondial. du marché? discothèque gigantesque. Cette Pioneer a une très grande expé-
Ce secteur appartient à un fonds La dématérialisation a incon- connexion au réseau est deve- rience dans la lecture optique,
d’investissement. Enfin, le testablement redistribué les nue un argument de vente. nécessaire à l’écoute d’un dis-
département que connaissent cartes et a vu apparaître de Nous constatons ainsi que les que compact ou d’un Blu-ray.
sans doute le mieux le grand nouveaux acteurs. Grâce aux amplificateurs connectés ont Et il faut bien avoir conscience
public et les lecteurs de Classica serveurs de musique, au strea- désormais la préférence du qu’existe un parc de CD abso-
est celui de l’audiovisuel. C’est ming et à Internet, jamais il n’a public, même s’il existe tou- lument énorme et que de nom-
Onkyo, une autre entreprise été aussi simple d’écouter de jours des amateurs tournés breux amateurs,notamment de
vers le haut de gamme, qui ne musique classique, restent atta-
cherchent qu’à écouter leurs chés à leur discothèque. Aussi
ENBREF
disques. Nous remarquons est-ce pour extraire le maxi-
également un engouement mum d’informations du dis-
soutenu pour le multiroom, que, pour pousser le CD dans
cette technique qui permet de ses derniers retranchements,
diffuser sa musique dans diffé- pour en tirer la quintessence,
DIRECTION MUNICH OPÉRATION FNAC rentes pièces à partir d’un équi- qu’a été conçue cette platine qui
Z Valery Gergiev a été Z La Fnac met en avant pement de base et d’encein- lit aussi les SACD et même les
reconduit à la tête de son catalogue classique et tes supplémentaires. L’écoute DVD-Audio. Elle pèse 18 kg,
l’Orchestre philharmonique jazz à un prix exceptionnel de qualité n’est plus réservée à arbore une épaisse façade en
de Munich. Le chef russe en déclinant deux thèmes: une seule salle, le séjour par aluminium massif et a profité
restera directeur musical les « Grandes Voix du exemple, mais elle peut investir de toutes les innovations tech-
de la formation jusqu’à la Classique et du Jazz » n'importe quelle zone: il suffit nologiques développées pour le
fin de la saison 2024-2025. (20 avril au 16 mai) et d’ajouter une enceinte active streaming et la haute résolution.
Le Staatsoper, lui, verra « Récitals instruments, ou tout autre système com- Une telle platine invite à redé-
l’arrivée de Serge Dorny Concertos et le Blues » patible pour accéder à l’inté- couvrir ses CD. X
comme directeur général à (15 mai au 27 juin). gralité de sa bibliothèque Propos recueillis
partir de septembre 2021. Un CD à 7 f et 2 CD à 10 f. musicale. par Philippe Venturini
© PHOTOS : RUNE KONGSRO / HURTIGRUTEN - RCS PARIS B 449 035 0005 - IM075100037
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dir. Raphaël Pichon
IGOR STUDIO
d’une intégrale Bach jouée à l’orgue (HM)
C
dans toutes ses Mundi et distribuée en qua- un premier poste d’organiste à Echoes (Glass,
Rachmaninov)
dimensions que
Benjamin Alard
torze volumes, avec une signa-
ture arithmétique du nom du
Arnstadt. Il inclut également
quelques pages de Böhm, Fres-
3 Henri Demarquette,
Vanessa Benelli
va consacrer son compositeur (B+A+C+H où cobaldi, Froberger, Grigny, Mosell (DG)
intégrale Bach : A = 1, B = 2, etc.). L’artiste a Kuhnau, Marchand et Pachel-
au clavecin et à l’orgue, instru- choisi un parcours chronolo- bel. « La plupart de pièces Intuition
ments qu’il juge « très complé- gique qui permettra de suivre d’orgue et de clavecin enregis- 4 Gautier Capuçon
(ERATO)
mentaires ». Une première au l’évolution d’une œuvre trées dans ce premier coffret
immense, grandie sur le ter- sont malheureusement à peine Leçons de
reau du choral allemand, pour
s’épanouir ensuite, nourrie des
connues et peu jouées. Elles sont
trop souvent méprisées, décon-
5 ténèbres
de Lambert
styles français et italien. sidérées, voire injustement qua- Marc Mauillon (HM)
Un premier ensemble de trois lifiées de mineures [alors
CD, intitulé « Le Jeune Héri- qu’elles] témoignent d’un grand
tier », nous mène sur les traces génie. » Un avocat si convaincu
du jeune musicien, orphelin à
dix ans, recueilli par son frère
devrait sans peine captiver son
auditoire. X Philippe Venturini
LES
aîné, Johann Christoph, à Ohr- £ Harmonia Mundi HMM MEILLEURES
druf, poursuivant sa formation 902450.52 (3 CD)
ÉCOUTES
CLASSICA Alain Christian Francis Drésel Lionel Esparza Marie-Aude
LES COUPS DE Q no 200
Duault
(France 3)
Merlin
(Le Figaro)
(Radio
Classique)
(France
Musique)
Roux
(Le Monde)
DU 12 AU 18 MARS
Ravel, Debussy, Dutilleux,
Quatuor Hermès RRR RRR R RRR RRR RRR Triple Concerto
La Dolce Volta de Beethoven
Nicholas Angelich,
Sacre du printemps
O. du Festival de Lucerne, Chailly RRR RRR RRR RRR RR RR 1 Anne Gastinel,
Decca Gil Shaham,
Brahms, Dvorák
Paavo Järvi (NAÏVE)
Trio Les Esprits RRR RRR RR R RRR RR Debussy L’œuvre
Mirare
Prokofiev/Suites romantiques
2 complète (ERATO)
Brussels Philh., Stéphane Denève RRR RR RR R RR RRR
DG Sonates
Beethoven, « Hammerklavier »
« Clair de Lune »/Murray Perahia
3 de Beethoven
Murray Perahia (DG)
DG
RRR RR RR RRR R RR
Sonates pour violon et clavecin
Larmes
de résurrection
Bach/I. Faust, K. Bezuidenhout
HM
RR RR RR RRR RR RR 4 La Tempête, Simon-
Debussy
Pierre Bestion (ALPHA)
Seong-Jin Cho RR RR RR RR RRR RR
DG Concertos pour
piano de Brahms
Récital Verdi
Sonya Yoncheva R RR R RR X RR 5 Adam Laloum,
Sony Kazuki Yamada
(SONY)
Nous aimons… R Un peu RR Beaucoup RRR Passionnément X Pas du tout — N’a pas écouté
NAISSANCE DE VÉNUS
Debussy · Ravel · Schmitt · Poulenc · Messiaen · Milhaud · Canteloube
ARSYS BOURGOGNE · MIHÁLY ZEKE DIRECTION
arsysbourgogne.com · paraty.fr
2017 - 2018
DIRECTEUR GÉNÉRAL MAURICE XIBERRAS • DIRECTEUR MUSICAL LAWRENCE FOSTER
La Ville de Marseille, 860 000 habitants (Bouches-du-Rhône), Capitale euroméditerranéenne, 2e ville de France, poursuit sa dynamique d’ouverture et de progrès.
Participer à son rayonnement, c’est devenir acteur d’un service public local de qualité, au plus proche des administrés.
L’Opéra Municipal de Marseille recrute pour son Orchestre Philharmonique :
SACRÉ GIOACHINO !
Fin juin, la station difusera en direct
du TCE un grand concert dédié à Rossini.
st-il besoin de pré- plus rares. Si chacun connaît et
3
10 AVRIL À PARTIR DE 9 H 30
À l’occasion de l’exposition « Napoléon à
Sainte-Hélène, la conquête de la mémoire »
du musée de l’Armée, Radio Classique installe
ses micros sous le dôme des Invalides.
12 AVRIL À 20 H 30
Les Le pianiste Nelson Goerner (photo) dans
le Concerto n°23 de Mozart et la soprano
Camilla Tilling dans la Symphonie n°4
de Mahler, accompagnés par l’Orchestre
temps
de Paris, sous la direction de Thomas
Hengelbrock.
26 AVRIL À 20 H 30
Vadim Repin et l’Orchestre du Capitole
MARCO BORGGREVE
forts
de Toulouse, dirigés par Tugan Sokhiev,
interprètent depuis la Philharmonie de Paris
le Concerto pour violon de Glazounov
et la Symphonie n°12 de Chostakovitch.
CLAVES RECORD
2018
23 AVR
20 H 00
Astrig
Siranossian violoncelliste
et l’Ensemble Appassionato
21, 22 et 23 juin
Une Fête de la musique à 103 mètres sous terre
au Gouffre de Padirac
uo7b|r-u(bu;;mvbt;v
L’HUMEUR
D’ALAIN DUAULT
C
les égouts de la haine ordinaire,les entractes sont pas, bien au contraire, de son apparence glamour qui s’ins-
bien souvent le déversoir de la bêtise satisfaite. crit parfaitement dans notre époque où le regard est souvent
Ainsi j’assistais récemment, dans le bel Audito- modelé par le cinéma. Mais Khatia Buniatishvili va jusqu’au
rium de la Maison de Radio France,à un concert bout d’elle-même, comme en son temps Maria Callas ou
de l’Orchestre philharmonique de Radio France, Jim Morrison, ces artistes qui ont su se consumer pour leur
sous la direction de son chef Mikko Franck et avec, en soliste, art : « Ce que les jeunes apprécient dans mes concerts comme
Khatia Buniatishvili pour le Concerto dans des concerts de rock, remarque-
n°2 de Rachmaninov. Interprétation t-elle, c’est que je donne tout sur
superbe, tout en contrastes subtils,
sans effet de manche, sans pathos,
mais avec une agogique continuelle-
Un ordre qui scène. Il n’y a pas de limites à la per-
formance, comme s’il n’y avait pas de
lendemain. »
ment tenue et, surtout, une profu-
sion de couleurs sans cesse réinvesties ne supporte Pourquoi les coincés voudraient-ils
que des femmes comme ces jeunes
pour dessiner le paysage intérieur pianistes soient ramenées à leur seule
(dans le deuxième mouvement en
particulier !) : mon bonheur était
pas la liberté apparence qui empêcherait de les
entendre? Mais un homme comme
complet… jusqu’à ce que j’entende
dans le brouhaha de l’entracte cette
phrase péremptoire : « Elle montre
d'allure le formidable violoniste Nemanja
Radulovic,au look et aux tenues plu-
tôt inhabituels dans le monde du
plus que ce qu’elle fait entendre ! » concert classique, a eu aussi à subir
L’imbécillité du propos alliée à la vulgarité du sous-entendu quelques moues affligées de ces mêmes tenant d’un « ordre »
graveleux signait le caractère de son auteur – mais elle renvoyait, qui ne supporte pas la liberté d’allure et veut tout encadrer dans
hélas,au-delà de cet avorton intellectuel prenant son onanisme un goulag de l’apparence. Lemonde de l’opéra est aussi plein
pour un critère de vertu, à cette dérive sexiste réelle qui (et ce de ces mêmes inquisiteurs bornés, reprochant à Angela
n’est pas nouveau) frappe les femmes artistes. Gheorghiu ou à Olga Peretyatko des décolletés plongeants
On se souvient des mines de précieux dégoûtés de tant de (dans lesquels peut-être voudraient-ils se plonger…) ou à Jonas
critiques rances au moment de l’apparition Kaufmann ou encore à Vittorio Grigolo un phy-
lumineuse d’Hélène Grimaud, trop belle pour sique de latin lover à chavirer ! Ne sont-ils pas
être une bonne pianiste !… Aujourd’hui encore, pourtant d’abord d’extraordinaires artistes ? À
la jeune Yuja Wang déclenche des tombereaux rebours, s’est-on jamais offusqué de la relative
d’insultes sur ses tenues sexy de la part de ceux laideur de certains ou certaines interprètes qui
qui semblent ne même pas écouter son jeu pourrait « gêner » une écoute « tranquille » de la
ardent. Elle a d’ailleurs fort bien répondu à cette musique?… On ne peut aujourd’hui vouloir sou-
Retrouvez
critique dans une interview au Telegraph en tenir les femmes dans leur volonté d’être respectées
2014 : « J’ai vingt-six ans, je m’habille comme une ALAIN DUAULT qu’en respectant aussi,derrière l’apparence qu’elles
dans
femme de vingt-six ans. » Quant à Khatia Bunia- « Duault classique ». se choisissent, leur vérité d’artiste – n’en déplaise
tishvili, traitée de « Betty Boop du piano » dans tous les jours, à l’imbécile aux oreilles et aux artères bouchées du
Madame Figaro (!), c’est son énergie en scène qui de 17 h à 18 h concert de Khatia Buniatishvili! X
LES ESSENTIELS
Notre sélection du 1er au 30 avril 2018
ressortissant
PARIS au genre du ballad
THÉÂTRE DES BOUFFES opera, ancêtre
DU NORD de l’opérette
et de la comédie
20, 21, 24, 25, 26, 28, 30 avril, 2 et 3 mai musicale. « Rien n’a
The Beggar’s Opéra vraiment changé
depuis la création
du spectacle,
ombien de Neuf musiciens et les thèmes de
C spectacles
ensemble ?
Beaucoup, et des
des Arts Florissants
et une quinzaine
de comédiens/
L’Opéra du gueux
continuent de
hanter la télévision
mythiques. Aussi chanteurs et le cinéma,
ne ratera-t-on s’approprieront annonce Carsen.
pas les énièmes ce conte féroce Nous essaierons
retrouvailles entre et satirique qui de faire revivre
William Christie prend place dans l’atmosphère de
et Robert Carsen, les bas-fonds de transgression et
à l’œuvre ici pour la capitale anglaise. d’inépuisable énergie
The Beggar’s Opera Voleurs, prostituées, qui anime l’œuvre
(L’Opéra du gueux) politiciens corrompus: originale. » Tournée
de John Gay et tout y passe sur et reprises à venir. X
Johann Christoph une brochette
Pepusch, créé à de chansons à £ 01 46 07 34 50.
SDP
L de la Terre est
le prétexte,
mais c’est bien la mer
des Interludes marins
de Peter Grimes de
Benjamin Britten.
qui scintillera sur Au milieu, deux
ces deux soirées créations, l’une
bretonnes des confiée à Benoît océanographe, l’autre lors d’une mission d’horizons lointains
« 40e Rugissants ». Menut, intitulée Anita, échue à Julien avec des scientifiques défileront sur grand
Du contre-amiral page en l’honneur Gauthier, musicien sur les îles Kerguelen. écran, histoire que
d’Anita Conti, voyageur qui a Durant les concerts, la musique respire
£ www.o-s-b.fr. première femme imaginé son œuvre photos d’océan et le grand air du large. X
3 avril
Fazil Say
D
es touches
jazzy, des bribes
de folklore,
des mélodies têtues
et des rythmes
pimpants, la musique
de Fazil Say accroche
d’emblée. C’est
pour Camille Thomas
MARIE STAGGAT
Q
uatre jours, qui prend la direction Coeytaux livrent Laloum autour
quatre artistique de ce tout Arpeggionne du chantre de ces
concerts, nouveau festival et Deuxième Trio soirées. À faible coût:
et le début de musique de au Théâtre Olympia 78 b pour un pass
MARCO BORGGREVE
d’une aventure: chambre, entièrement où le Quintette ouvrant aux quatre
à la fois pour placé sous le signe « La Truite » se glissera rendez-vous. X
Arcachon et pour de Schubert. Le
le Quatuor Modigliani violoncelliste Pablo £ 05 57 52 97 75/www.enkiea.fr/arcachon.
E
n oratorio, dans d’instrumentistes vous imaginez bien –
les chefs-d’œuvre des Siècles, le voilà et toujours aux côtés
GERALDINE ARESTEANU
SDP
4 avril
Jean-Christophe LYON
Spinosi et AUDITORIUM
Matheus
6 et 7 avril
i vous les avez Joshua Bell
S manqués au mois
de mars en
Bretagne, il reste deux n tout
occasions d’entendre
Jean-Christophe U Beethoven
par Joshua Bell :
JULIA WESELY
L
a tradition veut Warlikowski sous en Amfortas, Anja (le 3 avril), avec son
que, par son l’ère Mortier, il y a Kampe en Kundry, complice, le pianiste
sujet, Parsifal dix ans, le nouveau Andreas Schlager Sam Haywood, il aura
se glisse au sein Parsifal parisien en Parsifal). Huit joué Strauss, Mozart
du calendrier pascal. sera réglé par le représentations et Schubert à la
Or, là, près de Britannique Richard en tout, débutant Philharmonie de
WDR / SHEILA ROCK
SDP
SDP
15 avril
Justin Taylor
D
epuis son
Premier Prix
en 2015, à l’âge
de vingt-trois ans,
au Concours
international de
clavecin de Bruges,
Justin Taylor poursuit
NORBERT KNIAT / DG
son ascension,
en solo ou à la tête
du Consort qui porte
son nom. Il a baptisé
« Chromatismes »
SDP
U d’argent,
des voix
en apesanteur
Benjamin Pionnier,
est en fosse et, sur
scène, Jacques Vincey
de Rotterdam ont
pris leurs quartiers
avenue Montaigne :
et son plus rare
Quatrième Concerto,
où Yuja Wang promet
et un rêve d’opéra: réinvente la comédie pour leur escale d’être décoifante,
l’Opéra de Tours de Shakespeare, parisienne, ils et finiront par
JEAN-BAPTISTE MILLOT
SDP
SDP
la tragédie en musique
s’enchaînent sous la baguette de Lully et Quinault, spectacle la dernière signée Bernard
de Pappano, à la tête du du tandem Vincent Dumestre/ Foccroulle, approche: pour
Chamber Orchestra of Europe, Benjamin Lazar, enchantera le 70e anniversaire du festival,
rejoint par Lisa Batiashvili. Versailles pour quatre soirées. les places vont s’arracher.
L anglais, le texte
en allemand,
mais le King Arthur
Dryden, à grand
renfort de chanteurs
et d’acteurs. Hasard
en entier : René des calendriers :
SAM STEPHENSON
Jacobs, Sven-Eric Leonardo García
Bechtolf et Julian Alarcón et son
Crouch se lancent ensemble s’y
dans une version attellent au même
contemporaine moment, avec
et déjantée du le concours de Marcial GLYNDEBOURNE
semi-opéra de Henry Di Fonzo, au Grand OPÉRA
Théâtre de Genève,
£ www.staatsoper-berlin.de. du 26 avril au 9 mai. X
Du 19 mai au 26 août
Madame Butterfly
M Butterfly
ouvrira
l’édition 2018
d’août : Le Chevalier
à la rose (Robin
Ticciati/Richard
Saul (Laurence
Cummings/Barrie
Kosky) et Vanessa
du Festival de Jones), Giulio Cesare de Barber (Jakub
Glyndebourne, (William Christie/ Hruša/Keith
suivi de cinq autres David McVicar), Warner). X
productions qui Pelléas et Mélisande
SDP
BRUXELLES
MONNAIE
S
on Tristan et Altinoglu (photo) sont
son Tannhaüser aux commandes
ont marqué de la nouvelle
les esprits, et on production belge
s’attend à ce que où alterneront
Lohengrin lui aille Eric Cutler et Joseph
comme un gant, Kaiser dans le
avec sa mythologie rôle-titre, et Ingela
ALEXANDRE ISARD
Les principaux
chefs-d’œuvre par les plus Direction artistique : Christophe Ghristi
grands interprètes :
Les Requiem de Mozart,
Verdi, Brahms…
Les Leçons de Ténèbres OPÉRA
de Lassus, Charpentier ou LA TRAVIATA
Couperin.
Giuseppe Verdi
29.90 €* / 10 CD LA VILLE MORTE
FÉVRIER 2018 Erich Wolfgang Korngold
KOPERNIKUS
Claude Vivier
LUCREZIA BORGIA
Gaetano Donizetti
NOVA SONET HARMONIA
ENSEMBLE DISCANTUS ARIANE À NAXOS
Direction Brigitte Lesne Richard Strauss
ARIANE ET
Plain-chant et polyphonies
BARBE-BLEUE
du 13ème siècle par Paul Dukas
un des plus célèbre MAM’ZELLE NITOUCHE
ensemble de musique
ancienne, à l’occasion
Hervé
du 8ème centenaire des WERTHER
Dominicains. Jules Massenet
18.90 €*
/ 1 CD
MARS 2018 BALLET
DANS LES PAS DE NOUREEV
DON QUICHOTTE
REQUIEM MARIN / SOTO / BELARBI
ENSEMBLE DIABOLUS IN MUSICA
LA BÊTE ET LA BELLE
Direction Antoine Guerber
NIJINSKI CLOWN DE DIEU
Les deux premiers
Requiem polyphoniques
de notre histoire, deux
œuvres éblouissantes
CONCERTS ET RÉCITALS
aux sonorités graves et JEUNE PUBLIC
PROFONDES MAGNIÛÂES
par les voix d’homme de
Diabolus in Musica.
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AVRIL 2018 Abonnez-vous !
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25
–
26
Walter Crane, détail de frise de papier peint, 1878. © Victoria and Albert Museum, London. | Conception graphique : Atelier Juliane Cordes, Corinne Dury
–
27 N
mai
MAN
RD
2O18
E NO
DIRECTION ARTISTIQUE MAR IELL
Lili et Nadia
ux nostalgiques dans mon genre, des esprits irrationnelle et possessive, entièrement tournée vers ses deux
A
incisifs rappellent avec raison que la Belle fillesdontellepartage la chambre et le lit.Quant aux deux sœurs,
Époque fut celle des expéditions coloniales, elles sont à la fois proches et contrastées, comme le soulignent
de l’exploitation des enfants dans les mines, certaines photographies d’époque : Nadia, l’aînée, grande,
du comique lourd du « pétomane » et d’un sérieuse, sans charme derrière ses lunettes, et pourtant douée
machisme réduisant les femmes à la condition d’infinis talents qui lui vaudront d’être considérée comme un
de mère ou de cocotte. Je ne manque pas, alors, de rappeler à génie en herbe; Lili, la cadette, malade dès la petite enfance,
mon tour qu’en ces mêmes années, Clemenceau dénonçait mais fantasque, vive, pleine de charme, séduisante, inattendue.
la colonisation,Jaurès inspirait les luttes sociales,AlphonseAllais C’est elle qui s’imposera grâce au soutien de son maître Georges
portait l’humour à des sommets de raffinement… Et que,pour Caussade, au moment où il apparaîtra que Nadia n’a pas l’ori-
la première fois, une très jeune fille s’imposait au monde artis- ginalité des grands créateurs.Lili commence donc par admirer
tique comme un compositeur d’excep- son aînée avant de la dépasser,ce qui pro-
tion, couronnée en 1913 par le Prix de voque chez la grande sœur une souffrance
Rome et saluée à l’égal de ses pairs mascu-
lins.Elle s’appelait Lili Boulanger et n’était Le destin cachée. Mais celle-ci, à son tour, va deve-
nir porte-parole de l’art de sa cadette.
des sœurs
ni la seule, ni la première Française à se Renonçant à la carrière de compositeur,
consacrer à la composition.Mais,contrai- elle sera le plus grand professeur du
rement à celles qui l’avaient précédée, XXe siècle auquel Aaron Copland, Jean
Boulanger
la question du genre (comme on dit Françaix, Philip Glass, Quincy Jones,
aujourd’hui) ne comptait guère dans Astor Piazzolla, Michel Legrand devront,
l’appréciation de son art.Quelques années pour une part, d’être ce qu’ils sont
plus tôt,une Cécile Chaminade demeurait – certains d’entre eux, comme John
enfermée dans les stéréotypes d’un « travail de dames » avec ses Eliot Gardiner, ayant également hérité la fidélité à l’œuvre
pièces pour piano et ses mélodies charmeuses,tout en renonçant de Lili qu’ils continuent à jouer et à enregistrer.
aux ambitions symphoniques. La vaillante Augusta Holmès se Au cœur de son livre, Alain Galliari nous invite lui-même à
voyait applaudie pour la « virilité » de son inspiration distin- redécouvrir cette œuvre brève et saisissante,tendue entre la fraî-
guant « une œuvre mâle et forte et qu’on ne dirait point écrite par cheur et la mort. Depuis les prémonitoires Funérailles d’un
une femme » (Arthur Pougin).Rien de tout cela avec la merveil- soldat jusqu’au Psaume 130 et à la Vieille prière bouddhique,
leuse Lili Boulanger dont le talent éclatant allait d’emblée, tout ces compositions d’une extraordinaire puissance semblent avoir
naturellement,se voir applaudi comme une plante pris acte de la liberté acquise par les artistes à l’aube
merveilleuse ajoutée au jardin de la musique. du XXe siècle, pour édifier un monument tragique
Dans un joli récit de 170 pages, Alain Galliari BENOÎT et mystique – sans oublier le registre plus intime et
ranime cet étonnant destin brisé à l’âge de vingt- DUTEURTRE frémissant des Clairières dans le ciel. Lili Boulanger
quatre ans, et trouve le juste dosage de précision est écrivain. est morte il y a cent ans, le 10 mars 1918, quelques
historique, de finesse psychologique et de sensibi- son dernier ouvrage, jours avant Debussy qui avait salué le talent de cette
lité. Il saisit notre curiosité en dépeignant La Mort jeune femme. On peut s’étonner, d’ailleurs, que
l’incroyable famille Boulanger : Ernest, le vieux de Fernand Ochsé, notre époque, si fervente de parité, célèbre fort
père, ancien Prix de Rome et familier du milieu est paru discrètement cet anniversaire. X
musical qui défile à la maison ; Raïssa, la mère, chez Fayard. £ Lili, par Alain Galliari, Agéditeur, 170 p., 10 u
Les Queyras
JEAN-GUIHEN
ET LES AUTRES… PAR ELSA FOTTORINO
ueyras » fait penser à un paysage. Pas celui de avec la pudeur qui lui est propre, lorsqu’il me relate, entre deux
Q
la vallée éponyme des Hautes-Alpes, mais plutôt bolées de cidre dans une crêperie du 11e arrondissement de Paris,
AMOUR FOU
Jean-François Queyras était prêtre, il a aimé sa mère, a quitté
que les Queyras se sont établis il y a plus de les ordres au nom de cet amour, adopté ses enfants, leur a donné
trente ans, que les deux frères, Jean-Guihen et son nom, leur a offert un paysage. Jean-Guihen avait cinq ans.
Pierre-Olivier, et leurs épouses, toutes deux violoncellistes, ont Jean-François et Pierre-Olivier m’ont aussi raconté leur histoire,
créé les Rencontres musicales, qu’ils ont bâti la légende familiale. chacun à leur façon. Sans chercher à dissiper les zones d’ombre.
À première vue,l’histoire possède la grâce et l’innocence des matins Avec la même discrétion. Ce que je sais, c’est qu’ils ont commencé
d’été. Voici le cadre: le père, la mère, les cinq enfants, une maison leur vie à Montréal, qu’ils ont vécu ensuite trois ans en Algérie et
en pierres bien rustique, un âne (Gaspard), un piano, la nature qu’à leur retour, ils se sont installés aux « Iscles » où Jean-François
alentour. Les parents sont musiciens amateurs (flûte à bec pour devait obtenir un poste d’ingénieur agronome qui n’a finalement
lui,piano pour elle).Les cinq enfants suivent leur chemin.Les aînés, pas été financé : « Marie-France pratiquait la céramique. On a
Odile et Wilhelm, jouent de la guitare pour leur plaisir, Pierre- décidé de s’y mettre tous les deux. » C’est aussi simple que cela.
Olivier se passionne pour le violon, Jean-Guihen pour le violon-
celle,et le benjamin,Joachim,s’essaye à l’alto,au violon,à l’orgue…
« Nous avons toujours fait de la musique en famille. C’était une façon
d’être ensemble et de s’écouter les uns les autres », me confie
Jean-François Queyras, le père de cette heureuse fratrie, de sa voix
tendre et sereine. Leur album photos donne une idée du roman de
leur enfance, un parfum de liberté, une bande de joyeux lurons
dans une ambiance « baba cool ». Cette idylle pastorale ferait
presque penser au décor d’un film de Jean Delannoy, sauf que
le rôle-titre ne serait pas tenu par Michèle Morgan, mais par feue
PHOTOS: COLLECTION PRIVÉE
Vertiges de l’amour
et pulsions mortelles
À BERLIN, EN MARS,
LE TRISTAN DE
TCHERNIAKOV
ET LA SALOMÉ
DE NEUENFELS
NOUS ONT FAIT
VIVRE DES
SENSATIONS
FORTES, ENTRE
DÉSIR ET DRAME.
tourdissant
E
croisement à la
Staatsoper de
Berlin, entre
Tristan, façon
Tcherniakov, et
Salomé, façon Neuenfels, tous
deux fascinés par la puissance de
l’Éros/Thanatos qu’on n’avait pas
revue aussi magnifiée depuis
Wieland Wagner.
D e Dmitri Tcherniakov, on
attend toujours une révolution.
Pour ce Tristan, il n’en est rien.
La lecture du texte est son pro-
pos, étonnant, car de Tristan,
hymne à l’amour, il rappelle
d’abord le fondement schopen-
hauerien : c’est bien un hymne
à la mort que conte l’œuvre, où
la joie est dans l’exacerbation
d’un désir de mort irrépressible.
D’où ce couple écroulé de rire
après avoir bu la délivrance,
d’où cette magistrale explication
de texte au Duo du II, invitation
au voyage comme jamais on ne
MONIKA RITTERHAUS
PETER EÖTVÖS
Compositeur en résidence
Ausrine Stundyte et Thomas Johannes Mayer dans Salomé.
auprès de la Philharmonie
de l’Elbe, le Hongrois était
du mort, une horloge à son côté, Tristan depuis trente-cinq ans identitaire, pour dire qu’Éros/ dans la fosse du
prête à le rejoindre, sans qu’elle/ sa chose, l’adaptant à chaque Thanatos est désir de sexualité Staatsoper pour diriger
qu’on sache quand. production comme un sorcier trouvant son aboutissement dans son dernier opéra Senza
Dans des décors d’aujourd’hui, du son et de la tension, il mène la mort. Il libère un Jochanaan Sangue: « sans sang »,
salon de première d’un paque- toutes voiles dehors sa Staats- torse nu, en robe plissée à l’anda- mais pas sans passion,
bot de luxe, salle à manger aux kapelle à son plus magique. louse, de sa prison et Salomé de grâce au verbe
parois tapissées d’arbres fila- Immense soirée (11 mars). sa robe de princesse pour l’offrir incandescent d’Angela
ments,maison des parents d’une en androgyne, vêtue d’un smo- Denoke et Sergei
infinie nostalgie, Tcherniakov VERSION OSCAR WILDE king pantalon, et le fait danser Leiferkus, aux prises avec
se paye le luxe de citer les pro- Salomé paraît d’une tout autre, avec elle, arborant un masque un passé trouble, à
ductions marquantes d’hier quand s’ouvre le rideau: la cour de la mort, et lui présentera l’image d’une musique
(Konwitschny, Marthaler, Guth, pose immobile sous un godemi- quarante-deux têtes pour un pétrie de réminiscences
Chéreau, Katharina Wagner), ché de métal géant où l’on aper- finale qui laissera cependant (Hambourg, Staatsoper,
tout en les digérant en sa leçon çoit le prophète. Pas de citerne, la place à latraditionnellemortde 28/02).
personnelle. Entre Isolde, « Des- l’héroïne. La provocation est là,
perate Housewife », fouillant
nerveusement son sac à main, Une logique, sinon cohérente. La soi-
rée se tient grâce à Gerhard Siegel
FRANCESCO
PIEMONTESI
et Tristan en smoking, ce
pourrait être imbuvable, puissance de (Hérode), Marina Prudens-
kaya (Hérodias) et Nikolai
Avec une maîtrise
stupéfiante du temps
c’est absolument fasci-
nant. Il faut pour pareil l’Éros/Thanatos Schukoff (Narraboth)
superbes,ThomasJ.Mayer,
musical et un subtil
dosage de tous les
engagement des inter-
prètes libres de chant. qu’on n’avait pas formidable Jochanaan,
physique autant que
paramètres, le pianiste
suisse s’est emparé
C’est le cas d’Andreas
Schager qui ne relâche vue aussi magnifiée sonore, et Ausrine Stun-
dyte, comme toujours
avec une intensité peu
commune de l’univers des
depuis Wieland
jamais l’intensité d’un splendide, malgré le grave trois ultimes Sonates pour
chant somptueux, et plus absentetladirectiond’acteurs clavier de Schubert. Un
Wagner
encore d’Anja Kampe, furie qui la corsète trop pour lui récital qui a impressionné
puis amante attentive, aux aigus laisser sa liberté d’actrice. Tho- par sa concentration
éblouissants, diseurs parfaits mas Guggeis, l’assistant de et son engagement,
au II, chacun tenant ensuite Barenboim, remplace Christoph malheureusement
son redoutable IIIe acte de façon pas de lune, Neuenfels ne s’inté- von Dohnányi, parti avant la interrompu au dernier
magistrale. Avec Ekaterina resse guère à l’histoire pseudo- première. Strauss lui convient moment par un léger
Gubanova, Stephen Milling, biblique, mais à Oscar Wilde qui bien,même si manque l’étincelle malaise (Boulogne-
Boaz Daniel, on tient là LA dis- y conte sa défense de la liberté qui porte ce volcan qu’est Salomé Billancourt, Seine
tribution du moment. Quant à sexuelle. Il fait donc apparaî- à l’explosion dévastatrice Musicale, 12/02).
Daniel Barenboim qui a fait de tre l’auteur, paré de son sexe (10 mars). X Pierre Flinois
DANSEZ,
MAINTENANT PAR
DOMINIQUE SIMONNE
LA CARMEN(S)
DE JOSÉ MONTALVO
EST PLURIELLE
MAIS UNIVERSELLE,
ET ELLE VOIT ROUGE.
UN HYMNE FRÉNÉTIQUE
À LA LIBERTÉ OÙ
LES STYLES DE DANSES
S’ENTRECROISENT.
ouges comme le
R feu,rouges comme
le sang, rouges
comme la passion,
PATRICK BERGE
elles déboulent dès
le premier coup de cymbale de
l’Allegro giocoso de Bizet, propul-
sées par une énergie euphorique
dont elles ne se départiront pas mythique, a enfin osé s’appro- l’histoire se déroule en pointillé, qui prennent brièvement la
de tout le ballet.Sauvages,provo- cher de l’héroïne de Prosper toutjusteesquisséeetracontéepar parolepournouslivrerleurpropre
cantes,animales,elles bondissent, Mérimée et, pour mieux en cer- les interprètes devant un pupitre, vision de cette gitane universelle
ellescourent,quedis-je,ellescava- ner la complexité, a choisi de la comme lors d’une séance de post- et décidément intemporelle.
lent, explosant de vie, et nous démultiplierdanscetteCarmen(s) synchronisation de cinéma. Carmen, l’égérie des #MeToo
entraînent dans un tourbillon où plurielle qui a triomphé au Théâ- Tel qu’il en est coutumier, José qui pourraient reprendre cette
elles clament leur féminité, leur tre de Chaillot de Paris et pour- Montalvo, grand amateur de phrase sublime prononcée
désir et,évidemment,leur amour. suit sa tournée en France1. baroque, fonde sa chorégraphie avant le coup de poignard fatal
Neuf danseuses électrisées qui Mise en danse par ces diablesses sur le mélange et le métissage: la de Don José : « Jamais Carmen
ne sont en réalité que les facettes et par cinq mâles transformés en danse classique côtoie le contem- ne cédera: libre elle est née, libre
d’une même femme : Carmen, un Don José un peu dépassé par porain dans une gestuelle fréné- elle mourra. » Ni futile ni com-
la femme,libre de son corps,libre les événements, la partition de tique, les ballerines dialoguent plaisant, l’étonnant collage
de son destin. Après avoir long- Bizet vibre avec une tension nou- avec les danseuses de flamenco, chorégraphique de Montalvo,
tempstournéautourdecemonu- velle et presque primitive.Ici,pas les arabesques s’enchevêtrent œuvre de maturité pour ce créa-
ment de la littérature, de l’opéra d’entorse à l’œuvre originelle,pas avec les acrobaties du hip-hop et, teur singulier, s’impose comme
et de la danse,le chorégraphe José de concessions au fémininement parfois, les personnages dansent une ode opportune à la liberté
Montalvo, petit-fils d’une Cata- correct, et donc pas de scandale avec leurs doubles reproduits sur des femmes. X
lane féministe prénommée Car- envue:lelivretestrespecté,labelle l’écran vidéo en fond de scène. 1. Neuilly, Théâtre des Sablons,
men, fils d’une danseuse de meurt bien à la fin,mais les puris- « Carmen, c’est moi, c’est nous! » le 10/04 ; Sceaux, Les Gémeaux,
flamenco fascinée par cette figure tes le regretteront peut-être, proclament les jeunes interprètes du 3 au 6/05.
VINCENT PONTET
souffrances et à l’extraordinaire
métamorphose de ses traits
pour dire son désespoir.
Mais elle ne règne pas seule :
Jaroussky plus engagé qu’à Aix,
A de Cecilia Bartoli au
TCE s’est ajoutée, depuis
2014, une dimension royale,
années de pratique (Alcina date
de 2014), sont construites, pen-
sées autour de l’incontournable
cor » est un sommet d’émotion
intériorisée.
Confier la scène à Christof Loy
tivants du Concert d’Astrée,
mené large et allant, plus libre
que de coutume, par une
avec l’opéra, dont il fallait alors vedette qui paye chaque fois s’explique. S’il a conçu l’île Emmanuelle Haïm détendue.
encore chercher les merveilles comptant. Ce soir, Bartoli est là enchantée d’Alcina comme un Triomphe mérité. X
ailleurs,entre sa maison (Zurich) tout entière dans son besoin théâtre avec ses enchantements Pierre Flinois
et son palais (Salzbourg, à Pen- d’être diverse, entre drôlerie et au I, sur la scène trompeuse du
tecôte). Importées de la pre- profondeur, brillance et intros- baroque, ses vérités au II, dans ALCINA
mière (Otello d’abord, Alcina pection. Chapeau, l’actrice ! Si ses loges décrépites suant ce réel DE HAENDEL,
aujourd’hui) ou du second la Magicienne va comme un gant qu’on ne peut cacher, et ses Paris, Théâtre des Champs-
Élysées, le 14 mars
(Norma en 2016), ces productions, à sa voix, ce sont ses déplorations désillusions au III, dans l’envers
La voix du piano
À PARIS, UN CHOPIN CHANTANT AVEC BLECHACZ,
MOZART ET SCHUMANN SUBLIMÉS PAR LEONSKAÏA.
afal Blechacz est un habi- Trois jours plus tard, Elisabeth
ORCHESTRES
Le feu et la glace après sa création (Philharmonie,
19/02). Le concert de l’Orchestre
de Paris, avec Daniel Harding,
propose le Concerto pour alto de
Jörg Widmann (2015), joué par
Antoine Tamestit,et la Neuvième
Symphonie de Mahler. Atmos-
phère ludique de l’œuvre
contemporaine où le soliste, très
brillant,se fait acteur du son,pro-
duisant une musique à voir et à
entendre. Adieu au monde de
Mahler entre puissance destruc-
trice, ironie grinçante, danse de
la mort et confins du silence, que
le chef britannique organise avec
un savoir-faire et une technicité
hors pair, au détriment parfois
de l’intensité. Impressionnant
quand même par la concentra-
tion (Philharmonie, 21/02).
La Symphonie de Debussy
(orchestrée en 2009 par Colin
Matthews à partir d’un original
RCO-CDHEROUVILLE
I
« Week-End Pascal alsacienne tire le meilleur parti. puissance d’expression inou- démonstrative de l’autre. Il fau-
Dusapin », l’Orchestre Le Château de Barbe-Bleue de bliable de la Symphonie n°5 de dra attendre la Symphonie n°3
philharmonique de Bartók bénéficie, quant à lui, de Chostakovitch (1937). de Sibelius pour que l’orchestre,
Strasbourg montre tout la Judith brûlante de Nina sous l’autorité d’un maestro qui
le chemin qu’il a par- Stemme et du Barbe-Bleue abys- UN BRUCH ENGOURDI parle dans son arbre généalo-
couru depuis 2012 sous la direc- sal de Falk Struckmann (Philhar- En revanche,on aurait volontiers gique, transmette avec une réus-
tion de Marko Letonja. Morning monie, 18/02). Avec les forces évité la prestation des sœurs site incontestable toute l’aspérité
in Long Island du compositeur d’un Royal Concertgebouw d’un Labèque qui tentent,en première minérale et la magie sonore pré-
français (2010), évocation de équilibre stupéfiant (cordes cha- partie, de revivifier l’indigeste sentes dans le chef-d’œuvre du
balades sur les plages new- leureuses, petite harmonie sans Concerto pour deux pianos et barde finlandais (Radio France,
yorkaises,est une large pièce fine- faille, percussions à se damner), orchestre de Max Bruch retrouvé Auditorium, 01/03). X
ment ciselée et rythmiquement Semyon Bychkov (photo) livre en 1971, plus de cinquante ans Michel Le Naour
epau.sarthe.fr
EXPOSITIONS PHOTOS
A
la musique est authentique que l’autre ? On a souvent
omniprésente, on mis en question le caractère sacré de
n’a jamais fini de certaines œuvres qui paraissaient non
« mettre suffisam-
ment en valeur la
grande importance
sans raison trop « profanes », trop pro-
ches de l’opéra, comme le Requiem de
Verdi, et donc prétendument peu spiri-
psychologique et tuelles (le lyrisme ou la virtuosité vocale
MBA / RENNES / DIST. RMN-GRAND PALAIS / ADÉLAÏDE BEAUDOIN
ette Messe, composée vers 1360 parfois rugueuse, avec de rudes frot-
AKG-IMAGES
contradictoires de l’écriture : d’une £ Un disque : Ensemble
part, des mélismes assez sensuels et Gilles Binchois, dir. Dominique Vellard
souples, et d’autre part, une harmonie (Cantus).
MARC-ANTOINE GIOVANNI
CHARPENTIER (1643-1704) PIERLUIGI DA
Te Deum
PALESTRINA (1525-1594)
e prélude du Te il adopte la forme d’un le mouvement, l’explo- Messe du pape Marcel
posé à l’occasion de la lullystes en vogue,Char- Toutefois, les dix sec- La musique apparaît
victoire de Louis XIV à pentier se montre plus tions ne sont pas unifor- constamment aérée,
Steinkerque en 1692, « baroque », privilégiant mément glorieuses et lumineuse, les lignes
grandioses : certaines mélodiques se déroulent
sont franchement inti- avec un agrément qui
mistes tels que le Te per n’exclut pas la profondeur
orbem terrarum, un spirituelle. L’écriture,
charmant trio vocal, ou complexe, semble lim-
le très modeste Te ergo ans cette célèbre pide,commedésincarnée
quaesumusoùlasoprano
solo est amoureusement
accompagnée par deux
D messe composée
en 1562 à la mé-
moire du pape Marcel II,
et indiférente au texte.
La polyphonie palestri-
nienne devint la norme
flûtes et la basse conti- Palestrina a voulu que du catholicisme romain
nue. Quoiqu’il ait vécu la polyphonie et la com- pour longtemps, univer-
en marge de la vie musi- préhension des textes ne sellement admirée. Trois
cale versaillaise, Char- fussent pas incompati- siècles plus tard, Victor
pentier résume avec bles.Lapratiquedelapoly- Hugo le célébrait par ce
cette œuvre célèbre la phonie avait en efet cour- ver: « Puissant Palestrina,
diversité des styles musi- roucé les cardinaux qui vieux maître, vieux génie,
caux à l’époque de craignaient que le peu- Je vous salue ici… » X
Louis XIV. X ple ne s’attachât plus à
COSTA / LEEMAGE
A la Bienheureuse
Vierge publiées
en 1610, Monteverdi
l’âme, mais aussi la sen-
sibilité de l’auditeur au
moyen de procédés dra-
duo était « le plus parfait
et le plus touchant qui
soit sorti de la plume
postulait pour un poste matiques mettant le texte d’aucun musicien ».
de maître de chapelle en exergue et séduisant Les contretemps du
au Vatican, d’où la dédi- les cœurs et les oreilles Quem moerebat, où il
L l’an1727,lesparois-
siens de l’église
Saint-Thomas de Leip-
l’époque où Mendels-
sohn la tira de l’oubli,
la Passion selon Saint
qui en contenait assez
peu, la Passion Saint
Matthieu comportait de
zig se rendirent au culte Matthieu fut considé- nombreux airs d’une
comme chaque année à rée comme un chef- beauté et d’une éléva-
cette occasion et enten- d’œuvre absolu, ce n’est tion spirituelle inouïe
dirent, outre un long pas pour l’originalité (Erbarme dich pour alto,
sermon et des passages du concept, mais pour Können Tränen meiner
à l’orgue, une nouvelle la force dramatique, Wangen pour alto, Messe en si mineur
passion composée par émotionnelle et éven- Mache dich, mein Herze, l y a environ deux siècles, un musicologue
leur cantor.
L’œuvre obéit aux lois
du genre: c’est une lec-
tuellement religieuse
qui s’en dégage. Si Bach
n’a jamais composé
rein pour basse…).
Enfin, le chœur d’intro-
duction (double chœur
I suisse qualifia la Messe en si, alors très peu
connue et jamais exécutée, de « plus grande
œuvre de tous les temps et de tous les peuples ».
turedramatiséedel’Évan- d’opéras, de nombreu- auquel se superpose Ce jugement absolu fondera en partie la réputation
gile de la Passion du ses scènes de la Passion un magnifique chœur de Bach comme le dieu de la musique européenne.
Christ, répartie entre un dénotent un vrai tempé- d’enfants) et le grand Pourtant, cet incontestable chef-d’œuvre connut
récitant (l’évangéliste) et rament théâtral,comme chœur final, tous deux une genèse complexe. Au commencement
divers personnages. Les lorsque le chœur inter- fort développés, enca- étaient Sanctus (1724), écrit pour sa paroisse,
interpellationsdelafoule rompt violemment l’air drent ce que le modeste puis un Kyrie et un Gloria (1733), composés
font l’objet de brèves et de la soprano pour cantor de Saint-Thomas pour la cour de Dresde. Tout le reste fut ajouté
violentes interventions maudire ceux qui ont a conçu comme une progressivement, souvent en empruntant
chorales.Desairs solistes, arrêté Jésus (« Sind somptueuse cathédrale certains mouvements à des cantates antérieures.
sur des paroles d’un Blitze, sind Donner in sonore. X L’ensemble, qui excédait de beaucoup les
poète piétiste, invitent Wolken verschwun- dimensions d’une messe liturgique, fut parachevé
le chrétien à méditer sur den »), ou que la foule £ Un disque : en 1748, mais la première exécution intégrale
les événements;des cho- réclame la libération de Solistes, Collegium n’eut lieu qu’en 1859. La Messe en si a la taille
rals sur les mélodies tra- l’assassin Barrabas dans Vocale Gent, dir. d’un grand monument. Elle possède, en dépit du
ditionnelles luthériennes un hurlement unanime Philippe Herreweghe caractère complexe et aléatoire de sa composition,
scandent le déroulement et dissonant. Surtout, (Harmonia Mundi, une forte structure interne. Ainsi, le Dona nobis
du culte. contrairement à la 1999). pacem final reprend-il le Gratias agimus du Gloria
et couronne-t-il l’ensemble de manière
particulièrement grandiose. À l’autre bout,
l’accord dissonant sur lequel s’ouvre, sans nul
prélude orchestral, le Kyrie, plonge l’auditeur
in medias res dans un beau geste théâtral.
Comme dans les passions, certaines interventions
des solistes recèlent une bouleversante
intensité: le duo pour soprano et alto Christe
eleison ou l’Agnus Dei. Les chœurs montrent
le tempérament dramatique du compositeur.
L’élan du Gloria in excelsis, accompagné par
les trompettes et les timbales, est irrésistible,
tout comme le Et resurrexit, à réveiller un mort.
À chaque instant, Bach dramatise à l’extrême
GRANGER NYC / RUE DES ARCHIVES
A oratorios anglais
de Haendel sont
enquelquesortedesopé-
que le Es ist vollbracht
de la Passion selon saint
Jean de Bach. Inver-
ras sacrés sur des per- sement, les mystères
sonnages de l’Ancien heureux de l’annonce
Testament, Le Messie du Messie (« O Thou
traite de la v ie du That Tellest Good
Christ, de la crèche au Tidings »), de sa nais-
Golgotha et tout le sance (« Rejoice
texte est emprunté Greatly ») et de sa résur-
directement à la Bible, rection (le duo « O
omposée au début de l’été 1828, quelques mois avant sa mort, cette grande
Schubert l’a conçue comme une messe essentiellement chorale dans laquelle
les solistes interviennent peu. L’atmosphère générale est grave, presque austère,
très recueillie, riche en ambiances contrastées, et parfois monumentale (début
du Gloria et du Sanctus). Surtout, plutôt que de traiter l’aspect théologique du texte,
le compositeur se l’approprie comme s’il souhaitait y trouver la réponse à ses questions
ou manifester son humanité devant les mystères sacrés, par exemple dans le tendre
Et incarnatus est du Credo ou l’angélique Domine Deus rex coelestis du Gloria.
Comme souvent dans ses dernières œuvres, on ne sait si la conclusion (Dona nobis
pacem) apporte l’apaisement ou la résignation accablée. X
SDP
par la composition dix minutes sur cin- mirum impressionne
de La Flûte enchantée, quante étaient entière- avec son arioso pour
reçoit la visite d’un mes- ment composées,le reste basse accompagné par dévolu au chœur seul, l’Offertoire, ou le char-
sager lui commandant étant plus ou moins le trombone solo qui apporteunimmenseélan mant Benedictus, por-
pour son maître un lacunaire) à ses élèves s’élargit ensuite au qua- de ferveur consolatrice. tent la marque du génie.
requiem.Ils’agissaitd’un Eybler puis Süssmayr, et tuor.Si le Rex tremendae La suite est un peu plus Enfin, prudemment,
certain comte Walsegg la commande put être majestatis et le Confuta- inégaleet on ne retrouve Süssmayr a choisi de
qui commandait ainsi honorée. Mais, au-delà tis maledictis possèdent pas toujours, par force, conclure le Requiem sur
des messes à la mémoire de l’anecdote, cette une grandeur effrayante la patte de Mozart,quel- une reprise de la fugue
desonépouseets’enattri- ultime messe est signifi- (onn’estpasloindespor- ques pages ayant été du Kyrie. X
buait la paternité. Par cative des préoccupa- tes de l’effroi de La Flûte écrites dans leur totalité
contrat, Mozart s’enga- tions musicales du der- enchantée), le Recordare par Franz Xaver Süss- £ Un disque :
geait à ne pas garder nier Mozart, entre un pour les quatre solistes mayr. Cependant, cer- Chœurs et Orchestre
copie de son œuvre. ton grandiose et austère offreunmomentdebou- tains passages, tels l’aus- de la Radio bavaroise,
Après sa disparition le et une simplicité céleste leversante intériorité, tère fugue sur le Quam dir. sir Colin Davis
5 décembre, Constance, et désincarnée. tandis que le Lacrimosa, olim Abrahae, dans (RCA).
OTTO BÖHLER
la tradition liturgique
B
erlioz était agnostique narratif et psychologique. passage et les visions dan-
etcefutleministèrede Il exprime la vision de la mort tesques du Rex tremendae et autrichienne par sa dis-
l’Intérieur qui lui com- d’un jeune artiste exalté. de la fin du Lacrimosa,la par- tribution(quatresolistes,
mandacetteMessedesmorts Ce requiem est une œuvre titionestplutôtsobre.LeKyrie chœur et orchestre), sa
pourcélébrerlamémoiredes colossaleetrequiertuneffec- initial est recueilli, quoique divisionenmouvements
victimesdesjournéesdeJuil- tif important. Berlioz s’est expressif. Berlioz a recours à relativement brefs, mais
let 1830 et celle du maréchal rappelé les cantates républi- des moyens simples et à des dont l’harmonie rap-
Mortier.L’œuvrefutcrééeaux
Invalides,en1837.Apriori,rien
caines de la Révolution.
Le Tuba mirum exige, outre
effectifs réduits (Quid sum
miser) ou fait appel à des ANTON pelle parfois les poly-
phonies du XIVe siècle.
Le ton général est proche
de religieux dans tout cela.
La réussite de cette messe
lechœuretl’orchestre,quatre
fanfares de cuivres qui se
procédés néomédiévaux
(Hostias). L’Offertoire est BRUCKNER des symphonies du
est due au texte liturgique répondent dans une stéréo- un cortègesonorepsalmodié, (1824-1896) maître,avec leurs répéti-
conçu comme un programme phonie infernale. Hormis ce d’une écriture néoclassique. Te Deum tions,leurs amples déve-
Dans le Sanctus, il emploie loppements, le refus de
le ténor solo pour une mélo- ruckner composa tout pittoresque sonore.
die d’une parfaite sérénité,
suivie d’une joyeuse fugue
chorale. L’Agnus Dei et le
B le Te Deum pour
remercier Dieu
du succès inattendu de
Cet hymne possède un
caractère exalté (le début
et la fin sont écrasants).
Dona nobis pacem réutilisent sa Symphonie n°4. Écrit Il ne s’agit pas d’exalta-
des éléments antérieurs entre 1881 et 1883, il est tion guerrière, mais
(HostiasetKyrie)etapportent donc contemporain de d’extase devant le triom-
la Symphonie n°7 dont phe de la foi. X
DANIEL VORNDRAN / CC-BY-SA
A pas un requiem.
La plus longue des
œuvres de Brahms n’a
morceau, « Heureux
sont ceux qui souffrent
ici-bas… », dans lequel
s’élève peu à peu jusqu’à
une vision apocalyp-
tique du Jugement der-
rien à voir avec les les violons ne jouent pas, nier.Lebarytonannonce
messes de requiem laissant le champ libre que la mort est vaincue
catholiques. Ce n’est aux altos, plus lyriques. etlemouvements’achève
d’ailleurs en rien une Vient ensuite l’immense sur une grande fugue
œuvre liturgique, mais crescendo d’une mar- chorale d’une formi-
plutôt une cantate che lente en forme de dable puissance, hymne
funèbre sur des textes sarabande, « Car toute à la gloire de Dieu.Beau-
des deux Testaments, chair est comme coup moins complexe,
AKG-IMAGES
L grand romancier
Alessandro Man-
zoni mourut. Le projet
livret d’opéra, faisant
référence à des situa-
tions humaines (la
soprano, dans le Libera
me final,et l’air Tremens
fa c t u s s u m a p pa r-
d ’ u n re q u i e m à sa culpabilité dans l’Inge- tiennent bien au monde
mémoire naquit tout misco,laterreurpanique théâtral. Après une
MP / LEEMAGE
L jour en l’église de
la Madeleine, dont
Fauré était à l’époque
compositeur omet
d’ailleurs les passages
les plus grandioses
sensualité (la jolie mélo-
die du Sanctus,à laquelle
répondent suavement
le maître de chapelle, comme la longue les altos qui entourent
le 16 janvier 1888, à séquence du Dies irae. de leurs volutes le chœur
l’occasion de la « messe Les passages dévolus dans l’Agnus Dei, par
du bout de l’an » de aux solistes, le céleste exemple).
l’architecte Le Soufa- Pie Jesu pour soprano, Cette tendre « berceuse
ché. Fauré l’avait com- mais chanté à l’origine de la mort » ne fit pour-
posé en peu de temps, par un jeune garçon, et tant pas l’unanimité.
y intégrant un Libera les deux graves inter- Francis Poulenc trouvait
me antérieur. Il devait ventions du baryton le Requiem détestable,
le compléter un peu (Hostias et Libera me) assurant que c’était pour
plus tard. L’instrumen- ne sont en rien des airs lui « un vrai supplice »,
tation, réduite à l’ori- d’opéra et doivent être « qu’il lui ferait perdre
CHRISTEL PHOTOGRAPHY
C gnecommeVêpres
est en fait une
« grande liturgie du soir
qui utilise une large
palette de techniques
polyphoniques extrê-
et du matin ». Sur les mement savantes – jus-
quinze morceaux que qu’à huit voix.
comporte l’ouvrage, Des pages comme Béni
seuls les six premiers sois-tu, Seigneur (n°9)
sont des musiques de ou la Grande Doxologie
vêpres, les neuf autres (n°12) dominent le cycle
sont des matines. par leur intensité et la
Comme Tchaïkovski complexité de l’espace
avant lui, Rachmani- sonore. Ici, le compo-
nov a participé au siteur efface totalement
mouvement de restau- sa personnalité avec
ration d’une liturgie autant de sincérité qu’il
orthodoxetraditionnelle, la surexposait dans ses
fondée sur d’authen- concertos et ses pièces
AKG-IMAGES / SCHÜTZE / RODEMANN
J manteetpathétiqueVoixhumaine
en 1959,Poulenc s’attela à la com-
position d’un motet dans le style
lente et fluide du Domine Deus, Agnus
Dei, la fin curieusement très sobre)
sont plus conformes à ce que l’on
« Grand Siècle français ». Il était très fier attend généralement d’une œuvre
de son œuvre dont certains aspects sacrée.Avec ce Gloria, Poulenc a voulu
furent jugés un peu folâtres par de opérer la synthèse du grand motet
bonnes âmes (le chœur Laudamus Te classique,relu à la lumière de sa propre
C
War Requiem
chorale en trois reux intermède orches-
mouvements suit tral figurant le char de
de peu le retour de Stra- feu d’Elie. La fin est e War Requiem fut
vinsky à la foi ortho-
doxe, mais son mes-
sage est œcuménique
ampleetsereine.LaSym-
phonie de psaumes
refuse toute sentimen-
L composé pour l’inau-
guration, en 1962, de
la nouvelle cathédrale de
et les textes sont en talité religieuse, le com- Coventry, la précédente
latin. Composée en positeur souhaitant ayant été détruite en 1940
GETTY
que religieuse ortho- mêmefluxmusical.Quoique à huit voix célèbre Dieu, tan- Söderström, Robert Tear,
doxe, qui est aussi long de circonstance, le War dis quelepoème d’Owenqui sir Thomas Allen, City
que les deux précédents Requiem est d’une brûlante suits’interrogedouloureuse- of Birmingham Chorus
réunis, met en musi- sincérité, Britten ayant tou- ment sur la possibilité d’une and Orchestra, dir.
que le psaume 150. jours été un grand pacifiste. vie éternelle. L’Agnus Dei, sir Simon Rattle (EMI).
LA MISSA SOLEMNIS
de Ludwig van Beethoven
Drapée dans sa grandeur,
complexe et sans
concession, cette pièce
majeure du répertoire
sacré est aussi difficile
à interpréter qu’à recevoir.
Quel chef s’en fera
le meilleur apôtre?
apremièreMissaSolemnisremonte
L
à1928:KitteletlePhilharmonique
de Berlin (DG). Suivent d’autres
témoignages, exclusivement en
concert : Toscanini (1935, 1939,
1940 et 1953), Beecham (Londres,
1937,Somm),Koussevitzky(1938,
RCA) et Krauss (1940, DG).
S’ajoutent, après-guerre, Walter (1948, Music & Arts),
Erich Kleiber (1948, idem), Horenstein (1961, BBC
Legends), Wand (1963, Testament) et Steinberg (1973,
ICA). Les amateurs de raretés chercheront Mitropou-
los,Andrea,Konwitschny,Schuricht,Wallberg,Goehr,
Sawallisch, Kegel, Mackerras, Barchaï, Radu et Matl.
Parmi eux, on recommandera d’abord Toscanini
(1953, RCA) pour sa conviction et Schuricht (1957,
Archiphon) pour son humanité rayonnante.
SDP
E
dernier. Il a certes pour lui une prise de tinguent pas davantage ». PV partage ces impressions
son limpide qui valorise une direction et se sent vite écrasé par ce monument de béton
claire, « une lisibilité polyphonique » (les fugues, impassibles et igées). Heureusement,
(PV), un bon équilibre entre vents les solistes apportent un peu d’air (Söderström).
et cordes. Si les premières mesures Les trois auditeurs perçoivent d’emblée, dans la ver-
du Kyrie se dressent comme un portique, JR estime sion 1966 de Karajan, « davantage de luminosité,
que le mouvement « manque de ligne et de poésie » à de nuances, de lignes » (MLN), la volonté de
*Jérémie Rhorer
cause d’une direction « très métrique, très appuyée, « créer un espace, d’installer un climat religieux est chef d’orchestre,
trop scandée », qui init par l’étoufer. MLN perçoit et fervent, de creuser le relief » (JR), de « galber fondateur du Cercle
une « volonté de grandeur » dans cette architecture le discours, de laisser respirer la phrase et de OOO de l’Harmonie.
2
superbe », mais la considère « insuisamment nar-
LE BILAN
rative ». Mais, peu à peu, les éléments s’animent et JOHN ELIOT GARDINER
Archiv
l’édiice se dresse. JR « a adoré » la tenue de la fugue 1989
dans le « Quoniam » du Gloria, la clarté des idées
Décidé et vigoureux, volontiers
et la réalisation, « très théâtrale », tandis que MLN théâtral, le chef britannique accorde
est impressionné par « le rebond rythmique, la lui- à la messe la puissance dramatique
dité du geste, la mobilité ». des symphonies.
L’ÉNERGIE DE GARDINER
Si Herreweghe sait graduer son intensité et, en déi-
nitive, convaincre l’auditeur, Gardiner le saisit dès
les premières mesures pour ne jamais le relâcher,
3 PHILIPPE HERREWEGHE
PHI
2011
D’abord contemplative, cette version
s’organise avec une imparable
logique. La réalisation, vocale et
à l’instar de Toscanini en 1953. PV entend ainsi instrumentale, est une bénédiction.
une « humeur belliqueuse, une évocation craintive
4
du Dieu armé de la Bible ». JR note également que
« ça commence très, très bien parce que l’équilibre entre NIKOLAUS HARNONCOURT
Teldec
respiration et articulation rend justice à la forme ». 2015
MLN, quant à lui, apprécie « le respect des nuances,
Le second enregistrement
la variété des climats, la conviction du chef ». Le maî- de Harnoncourt, malgré sa limpidité
tre anglais semble enfin laisser jaillir l’énergie et son absence de lourdeur, semble
conquérante de cette « symphonie avec paroles sura- moins construit que le premier.
joutées » (Furtwängler). Pourtant réalisée avant
5
l’intégrale Beethoven, cette exécution montre un KARL BÖHM
orchestre « très éloquent » (PV) et, bien sûr, un Deutsche Grammophon
Monteverdi Choir royal (homogénéité, justesse, 1974
netteté d’articulation, diction) qui valide cette Le tempo, retenu, se veut
démarche historique. JR remarque en outre la direc- propice à la prière, mais il prive
certains épisodes d’une
tion « très active, très volontaire » de Gardiner. indispensable liberté.
« Ah, c’est beau, ça ! » lâche JR, le nez dans la par-
6
tition, en entendant le tout début de la version
d’Harnoncourt, captée en concert à Salzbourg, HERBERTVON KARAJAN
Warner Classics
en 1992. Il aime la façon dont le tutti, marqué 1974
forte, des trois premières mesures contraste avec
Plateau de luxe,prise de son généreuse,
les suivantes, demandées piano. « C’est très aéré, direction féline : il y a une noblesse
très poétique, le phrasé est idéal », ajoute-t-il. MLN, incontestable que gâchent souvent
quant à lui, aime ce climat de « recueillement et les approximations du chœur.
de tendresse, de naturel de la conduite » ainsi que
7
la « qualité et la couleur du son ». PV est déiniti- HERBERTVON KARAJAN
vement conquis par ces musiciens qui ont compris Deutsche Grammophon
que ferveur ne rimait pas avec lourdeur et que 1966
transparence ne signiiait pas indigence. Tous trois On profite d’un quatuor de
s’enthousiasment pour la clarté des lignes, la sou- chanteurs vedettes, mais
plesse du Chœur Arnold Schoenberg et l’équilibre la conduite de Karajan manque
de ductilité et de contrastes.
entre les pupitres de l’Orchestre de chambre
8
d’Europe. « Le chef parvient à uniier l’ensemble,
tout en créant des espaces de relâchement propres OTTO KLEMPERER
Warner Classics
à Beethoven », conclut JR. Longtemps considérée 1965
(ou présentée comme) impénétrable, obscurcie
La volonté de grandeur, marquée
par des vitraux opaques, la cathédrale laisse enin par une battue très verticale,
iltrer la lumière. X combinée à une absence de lyrisme,
Philippe Venturini ferme la porte à l’émotion.
L’invité
du mois DIDIER
LOCKWOOD
DISPARU LE 18 FÉVRIER, LE GRAND jouer plusieurs concertos sans ou Martial Solal, et je me suis
lire une seule note de musique. refait une éducation musicale
VIOLONISTE DE JAZZ FRANÇAIS Ensuite, la musique s’apprend complète.
EXPLORAIT TOUS LES STYLES AVEC en groupe. Les cours particu- Ça me rappelle quand Maxim
liers viendront plus tard. Au Vengerov est venu me rendre
BONHEUR. FIN 2014, IL PARTICIPAIT début, il faut que ce soit une visiteàmonécoledeDammarie-
À L’ÉMISSION. SOUVENIRS. expérience humaine,une aven- les-Lys.Ilm’ademandé:« Didier,
ture de groupe. Enfin, la musi- j’aimerais savoir improviser,mais
que se ressent dans le corps. ça reste un mystère pour moi, et
Pour que le rythme soit naturel, j’ai l’impression d’être la moitié
lbert Einstein il importe que le son et la danse d’unmusicien.Combiendetemps
A
jouait du vio- soient reliés dès le début. me faudrait-il pour savoir inven-
lonavecl’intui- J’en parle en connaissance de ter la musique avec mon violon? »
tionquelesensé cause, car j’ai fêté récemment Je l’ai questionné à mon tour:
ne devait pas mes quarante ans de liberté « Maxim, il t’a fallu combien
être séparé du alors que mon apprentissage de temps pour apprendre à jouer
sensible. Or, nous avons trop musical a commencé bien du violon? » Il a réfléchi et m’a
souvent distingué les deux dans avant. J’ai eu le même profes- répondu: « Huit ans. » Je lui ai
l’éducation musicale. C’est ce seur que mon père au Conser- alors dit: « Eh bien, il en faudra
pavé que j’ai lancé dans la mare vatoire de Calais. Ce n’était le double. »
lors d’une mission ministérielle pas le bagne, mais c’était tout
queFrédéricMitterrandm’avait de même à la dure. Au bout de ERREURSMAÎTRISÉES
confiée et qui s’est poursuivie dix ans, j’ai eu un grave acci- L’improvisateur est un compo-
par la suite. Si l’on veut éveiller dent, me brisant le bras en siteur sans gomme. Que s’est-il
les enfants de ce pays à la musi- trois parties, ce qui m’a passé pour que les plus grands
que, il faut suivre trois règles contraint d’arrêter. Je me suis musiciens cessent d’improvi-
Retrouvez d’or.D’abord,ne pas commen- servi de mon violon comme ser? Le romantisme a emmené
OLIVIER cer à lire la musique avant d’en d’une guitare et je me suis la musique vers un chemin plus
BELLAMY jouer. Un bébé apprend à par- amusé à accompagner des touffu qui nécessitait des spécia-
et son invité dans
« Passion Classique » ler avant d’apprendre à lire. disques d’oreille. Mon frère listes. Et puis l’invention du
tous les jours, L’apprentissage auditif et oral aîné m’a aidé à me trouver, disque a figé les pratiques. Pour
de 18 h à 19 h précède la lecture qui n’est pas puis j’ai rencontré des musi- enrayer ce phénomène, j’avais
obligatoire. Biréli Lagrène sait ciens tels Stéphane Grappelli proposé aux responsables du
STÉPHANIE LACOMBE
a musique et le vin sollicitent De gauche à droite : subtiles, argumentées. Leur sensibilité exacerbée
L
bien sûr des sens diférents, Alain Passard, Aubert leur permet même de percevoir des nuances qui
mais on emploie souvent de Villaine, Robert échappent à certains professionnels du vin. C’est
les mêmes adjectifs pour Levin et Éric Rouyer. très étonnant…
les apprécier: velouté, chaud, Est-ce seulement une question
soyeux, nerveux, par exemple. de perception ou y a-t-il aussi une façon
Est-ce une simple coïncidence? d’exprimer les sensations qui
Aubert de Villaine: Je ne crois pas, car il m’est arrivé rapprocheraient les deux univers ?
de participer à des dégustations avec des musiciens A. de V.: Les deux, à mon avis. Me revient ainsi en
et elles se sont toujours révélées enrichissantes, mémoire une expérience marquante. On m’avait
STÉPHANIE LACOMBE
agilité et il avait fait des fausses notes, mais derrière
s’entendait la musique à l’état pur. Là, c’était pareil:
la nature n’avait pas facilité la tâche, mais elle avait
produit un vin à l’état pur.
Est-ce à dire que, si on risque un autre
parallèle, le travail des vignerons
et celui des musiciens sont identiques, à des termes littéraires quand on parle de musique
à savoir interpréter une partition? et de vin. On repère des arômes de cassis ou de vio-
A. de V.: Oui, je le pense. Le producteur de vin inter- lette… D’une année à l’autre,un grand vin peut avoir
prète un génie qui n’est pas un homme,mais la nature. différentes déclinaisons,même si ses qualités de base
Le terroir est le compositeur. Chaque année, il pré- demeurent. Il en est de même pour une interpréta-
sente une partition différente qu’il faut accepter. tion musicale. Je peux jouer Mozart d’une certaine
Vouloir la modifier, ce qui signifie vouloir protéger façon un soir à Paris et d’une autre le lendemain
toute la vigne par des traitements,n’est vraiment pas à Berlin, en fonction du voyage, de mon état, de
la meilleure solution. Il faut au contraire savoir la météo, du piano disponible…
observer, limiter les interventions et se résoudre à ne Une autre similitude entre la vigne
pas être maître de tous les événements. Lors d’une et la musique, c’est la culture.
attaque de mildiou, une partie de la récolte pourra A. de V.: Oui, culture dans tous les sens du terme.
disparaître, mais celle qui restera mûrira mieux et Je pense d’ailleurs que la viticulture fait partie inté-
donnera un plus grand vin. Il faut rester à l’écoute grante de la culture et on devrait mieux la connaître.
du millésime et ne pas sys- Elle exprime plus de mille
tématiquement se débarras- ans d’activité. C’est ce que
ser des raisins qui ne sem- « Le producteur de vin interprète nous avons voulu rappeler
blent pas extraordinaires. en faisant inscrire, en 2015,
Le vin sera alors fidèle au ter- un génie qui est la nature. Le les Climats de Bourgogne
roir et il s’exprimera dans au patrimoine mondial de
la nuance et la subtilité. terroir est le compositeur. Tous les l’Unesco. Ce millier de par-
L’expérience permet d’envi-
sager une telle évolution
ans, il présente une partition » celles de vignes,précisément
délimitées,appelées climats,
sans jamais être complète- réparties sur un ruban d’une
ment sûr. Mais si on veut une réponse immédiate, soixantaine de kilomètres, permet de composer,
on enlève toute la rafle. La décision humaine est très à partir de deux cépages principaux, le pinot noir et
importante. La biodynamie permet ainsi d’obtenir le chardonnay, des vins différents. Et les moines qui
des résultats très intéressants. cultivaient ces parcelles, comme les artistes compo-
Nuance, subtilité, à l’écoute, exprimer… sant leur musique, œuvraient pour la gloire de Dieu.
Le vocabulaire reste définitivement musical. R. L.: Bach inscrivait en effet « JNJ » (In Nomine Jesu)
A. de V.: Oui, mais il reste toujours délicat à utiliser. en haut de ses partitions et « SDG » (Soli Deo Gloria)
Il est aussi difficile de décrire l’émotion que procure en bas. Et quand il nous fait voyager dans l’univers
une musique ou un vin. Et il n’y a rien de plus mau- des tonalités,c’est pour célébrer la grandeur de Dieu.
vais que la poésie sur le vin… On peut aussi parler des accords (encore
Robert Levin: Cela dit, quand j’enseigne, j’évoque la musique !) entre les plats et les vins.
souvent la gastronomie et le vin. Un grand chef crée, Alain Passard : Oui, même si les règles sont moins
un grand vigneron crée. Dans le vin, il y a le raisin, strictes. On a souvent trop confiné le vin dans
le cépage qui s’épanouit grâce aux talents des un espace. Certains poissons et même le homard
hommes. La viticulture est une esthétique.Onrecourt se marient très bien avec des vins rouges. OOO
HANIE LACOMBE
par le blanc, ce montrachet 2006
du domaine de la Romanée-Conti. pas du tout. On n’avait pas du tout
Éric Rouyer : C’est un hymne à envie d’entendre cette musique.
l’exubérance dans toute la retenue STÉP
À table, c’est pareil: il faut choisir
de ses nécessités expressives. Le mil- l’ordre des plats et des vins avec soin.
lésime, avec sa pointe de botrytis, Les compositeurs sont conscients
ouvre immédiatement sa partition des tonalités, les vignerons et les chefs
généreuse et ample. Il présente une aussi. Un grand chef, un grand viti-
sonorité savoureuse et charnelle, tout culteur ou un grand compositeur sont
entière dédiée à la satisfaction du dégusta- confrontés à ces subtilités.
teur. On aurait tendance à s’assoupir au contact Sans doute, mais est-ce que le grand
de tant de contentements. public peut les apprécier? Ne faut-il pas
R. L.: C’est une sorte de paresse vertueuse, une ode Alain Passard est un peu d’expérience quand même?
au dilettantisme qu’on peut percevoir dans ce vin le chef du restaurant R. L.: Oui, mais cela s’apprend. Le palais, comme
exceptionnel. Je pense à Dvorák. À sa Sixième Sym- triplement étoilé l’oreille, peut s’éduquer. Mais le mot-clé, c’est
phonie interprétée par Istvàn Kertész avec l’Orchestre L’Arpège, situé rue le goût. Il n’y a pas de bon ni de mauvais goût. On a
symphonique de Londres. de Varenne, à Paris. du goût ou pas.
Maintenant, goûtons ce rouge, un la tâche 1997, Il invente une cuisine E. R.: Mais on peut ne pas apprécier tout de suite.
toujours du domaine de La Romanée-Conti. particulièrement Quand j’ai dégusté ma première romanée-conti
E. R.: Il nous oriente dans une tout autre direction. créative, orientée 1989, je n’avais pas les capteurs. Les choses ont bien
Nous passons de la gourmandise festive au mystère vers les légumes sûr évolué depuis. Mais, devant de telles hauteurs,
du minimalisme. Comme si des chuchotements dont il fait on se tait, comme après un grand concert.
résonnaient à l’infini. Cette complexité invite au redécouvrir la variété En un demi-siècle, l’interprétation
silence et à une certaine gravité. Cette restitution et la formidable de la musique classique a profondément
presque fragile, mais jamais vulnérable, évoque richesse gustative. changé. On aimait autrefois une sonorité
une histoire destinée à des générations futures. orchestrale dense, parfois massive. Sous
Cela me rappelle la Gigue de la Première Partita de l’influence, entre autres, des « baroqueux »,
Bach que Robert Levin a enregistré pour mon label elle évolue vers plus de transparence,
en juillet 20172. Cette gigue constamment renou- plus de légèreté. Le vin a-t-il suivi
velée livre peu à peu ses secrets.L’émotion s’exprime une évolution similaire?
alors dans une pudeur et une dignité extrêmes, A. de V.: Le goût a changé, c’est certain. Il est long-
aux limites du douloureusement beau. Cela relève temps resté sous l’influence des critiques,notamment
de la quête spirituelle… de l’Américain Robert Parker qui a poussé le monde
A. de V.: Le 1997 a toujours eu une touche végétale entier vers des vins puissants,très lourds en définitive,
devenuefloraleavecletemps.Sionn’avaitpaségrappé, « Pour marqués par le bois. On revient aujourd’hui vers
le goût végétal serait trop prononcé. On en a enlevé
la moitié. Le millésime peut ainsi s’exprimer. établir des textures plus aériennes,plus légères.On recherche
davantage la finesse et la délicatesse.
R. L.: Si on s’écarte un peu du vin sans quitter la table,
la composition d’un menu appelle les mêmes pré-
une saveur, E. R.: Les millésimes 1957 et 1975 sont fragiles mais
exceptionnels.
cautions que celle d’un programme de concert.
Mon professeur Nadia Boulanger était à cet égard
il faut des A. P.: On constate la même évolution en cuisine.
Des plats comme le homard thermidor, le vol-
extrêmement exigeante.L’année de sa mort,en 1979,
elle m’avait chargé d’assurer les cours, car elle était
contrastes au-vent et la sole soufflée, des préparations riches
en crème, sont moins demandés. Il y a trente ans,
très affaiblie. Pour le jour de la fête de saint Louis,
le 25 août, je me rends au château de Fontainebleau
comme jamais je n’aurais pu imaginer qu’on pourrait s’en
passer. Mais qu’on déguste un vin ou un plat ou
où elle logeait. J’étais avec Annette Dieudonné,
son assistante,qui sera son exécutrice testamentaire.
dans la qu’on écoute une musique, il ne faut pas oublier
la notion de plaisir. C’est essentiel. X
Elle était allongée sur son lit, dans un état comateux. musique : Propos recueillis par Philippe Venturini
Je confie à Annette le programme que j’ai imaginé.
D’abord,le Kyrie de la Messe pour quatre voix de Byrd de texture, 1. « Le palais musical » d’Alain Passard, le samedi à 8h50.
puis l’Ave Verum de Mozart. Subitement, on entend 2. Parution à la rentrée 2018.
un grognement, une voix d’outre-tombe qui tonne: couleur… » 3. et 4. Choc de Classica dans ce numéro, p.82.
HERVÉ LEWANDOWSKI
SUR LES TRACES DE
BACCHUS
Musique, peinture, objets d’art…
le dieu du Vin est célébré à l’unisson.
1
5
C. PHILIPPOT
1
1. Bacchanale, par Jacques Blanchard, 1636. Huile sur toile,
Nancy, musée des Beaux-Arts.
2. Peintre de Biscoe, stamnos à figures rouges : Dionysos
tenant une coupe et deux satyres musiciens, Athènes, Ve siècle
av. J.-C. Céramique, Paris, musée du Louvre/AGER.
3. et 5. Accessoires de scène, par Joseph Pinchon,
SDP
7. Maquette
de costume pour
le Ballet des fêtes
de Bacchus par
Henry de Gissey,
8. Bouteille à vin :
bacchanale, Nevers,
vers 1680. Faïence,
Sèvres et Limoges,
SDP
Cité de la céramique,
dépôt du musée
de Cluny.
Expo
À la Cité du Vin de Bordeaux,
enivrez-vous avec un parcours
sonore ou visuel, qui vous mènera
entre bals populaires et danses bacchanales,
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Le Vin & la Musique, accords et désaccords
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Catalogue réalisé sous la direction de Florence Gétreau,
7
BNF
GRANDCRU
à travers des festivals, des crus ou l’aide aux jeunes
musiciens. Propriétaire d’une quarantaine de
domaines dont quatre grands crus classés (château-
pape-clément, château-la-tour-carnet, château-
fombrauge, clos-haut-peyraguey), Bernard Magrez
a ainsi acquis quatre instruments de prestige
Des manifestations proposent d’associer qu’il confie à de jeunes artistes. Nicolas Dautricourt
profite d’un Stradivarius (1713), tandis que Guil-
les plaisirs des papilles et de l’ouïe dans laume Chilemme a reçu un violon de Nicolas Lupot
des propriétés vinicoles. Suivez le guide ! (1795),entendu dans son disque Schubert qui paraît
ce mois-ci (voir p. 106). Lise Berthaud dispose d’un
alto d’Antonio Cassini (1660) et Camille Thomas
bénéficie d’un violoncelle Ferdinando Gagliano
u Ballet des fêtes de Bacchus, où (1788). Autre grosse entreprise vitivinicole, la Mai-
D
s’invite un jeune Louis XIV dan- son Louis Jadot soutient de nombreux événements
seur, aux bacchanales de Tann- musicaux comme Musique & Vin au Clos Vougeot
haüser, Samson et Dalila ou ou Beethoven à Beaune.Fondée en 1859,cette société
Daphnis et Chloé, musique et possède aujourd’hui 225 hectares en Bourgogne
vin ont souvent conjugué leurs dont plus de la moitié en Côte-d’or. D’aloxe-corton
sortilèges pour étourdir un à vosne-romanée, des côtes-de-nuits au beaujolais,
public qui ne demandait pas mieux. Offenbach fait sans oublier le chablisien, elle propose plusieurs
entendre une Périchole « un peu grise », Don Gio- dizaines de vins qui tous arborent la même étiquette,
vanni chante le vin dans l’air dit du « Champagne », ornée de la tête de Bacchus.
SDP
vinicoles. L’été, le Bordelais ouvre ainsi ses vastes château-fombrauge.
domaines aux artistes. Le festival Les Estivales de En haut, à gauche :
musique en Médoc présente des lauréats de grands Le domaine Gavoty S’il organise un concert avec les musiciens de
concours internationaux dans les hauts lieux du dans le Var. l’Orchestre philharmonique de Radio France
Médoc: Château Cantemerle, Château Ormes-de- En haut, à droite : (27/07), le domaine Gavoty, dans le Var, qui pro-
Pez, Château Lafite-Rothschild, Château Batailley et La Maison Louis duit essentiellement du vin rosé, entretient aussi
Château Branaire-Ducru.La 15e édition programme Jadot en Bourgogne. la mémoire d’un de ses anciens copropriétaires,
entre autres le Quatuor Akilone, les violoncellistes En bas : La cuvée le critique musical du Figaro, Bernard Gavoty
Bruno Philippe, Aurélien Pascal et Yan Levionnois, Moura Lympany. (1908-1981). Certains crus s’appellent ainsi
la soprano Elsa Dreisig ainsi que la harpiste Anaïs Cuvée Clarendon, pseudonyme de Bernard
Gaudemard (du 3 au 13/07). Ce sont des solistes Gavoty, Récital et Hautbois solo. C’est également
confirmés que réunissent Les Grands Crus musicaux en souvenir de la grande pianiste britannique
sous la houlette du pianiste Marc Laforêt. La 16e édi- Moura Lympany (1916-2005), qui avait fondé
tion reçoit Henri Demarquette, Jean-Frédéric un festival de musique à Rasiguères en 1980,
Neuburger, Anne Queffélec, David Petrlik, Yves village des Pyrénées-Orientales, qu’un côtes-du-
Henry, Emmanuel Strosser, Claire Désert, Philippe roussillon-villages proposé par le Cellier Tré-
Bianconi, le Quatuor Psophos, Dana Ciocarlie, moine en a pris le nom. X
François-Frédéric Guy, François-René Duchâble Philippe Venturini
dans les châteaux d’Yquem, Angelus, Pape Clément,
Smith-Haut-Lafitte, le couvent des Jacobins et le
domaine de Chevalier (du 10 au 26/07).
Et aussi
UN GRAND MILLÉSIME 2018
En Bourgogne, Musique & Vin au Clos Vougeot a Le tout nouveau festival Beethoven à Beaune,
réussi en dix ans à se forger une enviable réputation fondé par le violoncelliste Sung-Won Yang, invite,
grâce à une programmation de luxe. Janine Jansen, entre autres, le Quatuor Zaïde et Marie-Josèphe
Renaud et Gautier Capuçon, Joseph Calleja, Jean- Jude (du 20 au 22/04). La 16e édition des Festes
Yves Thibaudet, Frank Braley et Emmanuel Krivine baroques en terre des Graves et du Sauternais
ainsi que les solistes de l’Orchestre du MET de New aligne huit concerts autour de la musique
York et de l’Orchestre philharmonique de Berlin, ancienne dans des châteaux viticoles, suivis de
l’Orchestre Dijon-Bourgogne et l’Orchestre des Cli- dégustations de vins de Graves, Pessac-Léognan
mats de Bourgogne seront au rendez-vous pour et Sauternes. Les ensembles Masques, Sarabande,
l’édition 2018. Les jeunes ne sont pas oubliés et Les Caractères, Tokyo Baroque, le Quintette
bénéficieront d’un soutien financier : cette année, Ouranos et le pianiste Pavel Kolesnikov sont de
le trompettiste Florian Pichler et le ténor Kang la fête (du 26/06 au 9/07). Signalons encore
Wang sont les heureux élus. Comme à l’accoutu- Musique au cœur du Médoc (17/05 et 21/06),
mée, concerts et dégustations se succéderont dans Ma vigne en musique à Narbonne (du 7 au
des lieux emblématiques tels que le château du Clos- 15/04), le Festival Musical des grands crus de
Vougeot, le château de Meursault ou les Halles de Bourgogne (du 7/07 au 8/10) et Musicancy au
SDP
Stéphane Denève
SA MÉLODIE
DU BONHEUR
Des photos
de John
Williams
et de Maria
Callas,
un buste de
Beethoven,
une affiche
d’un Faust
de la Scala
qu’il a dirigé,
d’anciens
E
mais on ne sait, de Stéphane ou son home cinéma, dans une colossale bibliothèque;
son vieux d’Alma, à qui cela fait le plus Stéphane nous montre celle d’E.T. l’extraterrestre,
plaisir. D’autant que derrière portant une double dédicace de John Williams et
piano… eux, sur l’étagère de sa chambre de Steven Spielberg.
la maison d’enfant, se dresse un autre cli-
ché où un ami de la famille sou-
Stéphane Denève adore parler. Grande stature, cri-
nière blonde, barbiche taillée, léger cheveu sur la
du chef rit affectueusement à leurs côtés. langue, l’homme est délicieux. Il bavarde avec gour-
Pas n’importe quel ami: John Williams, le compo- mandise, passion, érudition: de ses chéris Debussy,
français siteur de Star Wars et d’Harry Potter, l’homme aux Roussel,Sibelius,Poulenc,Ravel,Rachmaninov.Mais
raconte cinquante et une nominations aux Oscars. Sur lui, aussi de cinéma, de voitures électriques, de jeux
Stéphane Denève ne tarit pas d’éloges, admirant vidéo, de photos numériques, de sciences. Il sort des
sa passion au moins autant le « grand génie » que la personne: rayonnages une partition de son ami Guillaume
de la « Il est l’homme le plus gentil et le plus tendre que j’ai Connesson dans laquelle est glissé un numéro de
rencontré. » Sa rencontre, assure-t-il, fut au moins Science et Vie. Et s’amuse du jour où, lui montrant
musique. aussi inspirante que celle de son professeur, le pia- un article de la revue, ce dernier en retint le titre,
niste André Dumortier, qui l’incita à devenir chef Une lueur dans l’âge sombre, pour baptiser son poème
d’orchestre et dont l’image trône, elle, sur le pupi- symphonique. Connesson est le compositeur
tre du piano, au rez-de-chaussée. La plupart des vivant que Stéphane Denève joue le plus : il vient
1AN 10 numéros
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Le cofret 30 CD
Maria Callas & La Scala de Milan
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L’ENTRETIEN
Murray Perahia
« LA MUSIQUE
OFFRE UN UNIVERS
DE PURETÉ
ET D’IDÉALISME »
Chaque jour, Mozart peuple ses rêves Il vous a fallu du temps pour incarner
cette jeunesse, cette audace, cette force vitale?
et Beethoven lui donne du courage. Depuis C’est exactement ça,il m’a fallu beaucoup,beaucoup
de temps pour atteindre l’essence de cette pièce que
une quarantaine d’années dédiées je ressens comme une impulsion, une impulsion
aux grands chefs-d’œuvre du répertoire, vers l’avant.J’ignore pour quelle raison cela demande
tant de temps. Chaque note a un sens, une nécessité.
le pianiste américain est au sommet Chaque note est inévitable… et, cependant, surpre-
de son art fait d’exigence, d’humilité et de nante. Chaque note fait partie d’une grande trame,
et pourtant, dès le début, on ne perd jamais de vue
noblesse, comme dans son dernier disque la fin. Cela exige donc beaucoup de recherches. J’ai
où figure la « Hammerklavier ». Rencontre. consacré plusieurs mois à étudier la « Hammer-
klavier » avant de la présenter au public. Je l’ai inter-
prétée la première fois à vingt-six-vingt-sept ans,
mais je n’étais pas très heureux de la manière dont
je l’avais jouée. J’y ai pensé pendant de nombreuses
a Sonate « Hammerklavier » années, puis j’ai décidé de m’y plonger à nouveau.
BIOGRAPHIE
L
me rappelle cette phrase J’ai passé des mois à ne travailler que cette sonate,
EXPRESS de Charles Péguy : puis je l’ai donnée pendant un an et demi-deux ans
1947 « Le journal du matin et, ensuite, je l’ai enregistrée.
Naissance à New York, est déjà vieux le soir, Il semble qu’il y ait une sorte de malentendu
le 19 avril mais Homère est toujours autour de cette œuvre. Certains virtuoses
1972 jeune. » À l’instar d’Homère, la considèrent comme un exploit sportif,
Remporte
Beethoven est toujours jeune grâce à vous… parce qu’on dit qu’elle est très difficile. Or,
le Concours de Leeds
1975 Vous avez absolument raison. Sa musique est si il y a quelque chose de profond et de toujours
Débute l’enregistrement présente dans nos vies émotionnelles. Tous les sen- difficile à comprendre pour les auditeurs
des Concertos de Mozart timents traversent les grands chefs-d’œuvre de et pour les musiciens. Le projet de Beethoven
aux côtés de l’English Beethoven et cette sonate en est un. En fait, reste encore mystérieux…
Chamber Orchestra
elle commence comme une comète et continue C’est vrai et c’est dû en partie au fait qu’il est si
1994
Grave le Concerto sa trajectoire jusqu’au bout. Le premier mouve- audacieux. « Audacieux » signifie qu’il suit les lois
de Schumann avec ment, il l’écrit très vite, mais c’est une expression de la musique, mais qu’il les dépasse. On le ressent
Claudio Abbado d’énergie qui atteint les plus lointaines étoiles. dès le premier mouvement,avec un deuxième thème
2000 Le mouvement lent est l’un des lamentos les plus en sol majeur qui est très loin (à l’oreille) de la tonale
Enregistre les Variations tristes qui soient. C’est un immense chant de dou- de si bémol, alors qu’on pourrait s’attendre à la
Goldberg
2002 leur. Et le dernier mouvement, qui combine dominante de fa majeur. Le développement est
Publie les Études op. 10 la fugue et la forme sonate, est extraordinaire. C’est également très inhabituel, plein de surprises,
et op. 25 de Chopin un prodige d’écriture. la détente dans la réexposition, et puis cette coda OOO
CD
Oui, même si, comme je le disais précédemment, pour l’humanité. X
vivre sa vie et vivre dans la musique peuvent être Propos recueillis par Olivier Bellamy,
deux choses distinctes. Cependant, Beethoven à Londres, le 6 décembre 2017.
nous donne du courage, parce que lui possédait Merci à Françoise Deroubaix pour son aide. CLASSICA
CD CLASSICA / PLAGE 8
REQUIEMS
FOR A DREAM
Le chef Raphaël Pichon imagine deux messes
« Les Funérailles
royales de
des morts spectaculaires. Un avant-goût de paradis. Louis XIV »
Céline Scheen (dessus),
Lucile Richardot (bas-dessus),
’est un noir pro- [le Roi] dans sa dernière demeure absolue et une intensité expres- Samuel Boden (haute-contre),
C
fond et proba- [c’est-à-dire la basilique de sive de chaque instant. Il faut Marc Mauillon (taille),
blement indélé- Saint-Denis] »,expliquelemusi- saluerla performancetechnique Christian Immler (basse-taille),
bile qui souligne cologue Thomas Leconte.Faute de la captation vidéo qui réussit Pygmalion, dir. Raphaël Pichon
la similitude de de sources précises, il faut à conserver la solennité de la Harmonia Mundi HMD 9909056.57
ces deux pro- convoquer les compositeurs et cérémonie sans modifier les (1 DVD + 1 Blu-ray). 2015. 1 h 42
grammes. L’un célèbre la mort leurs musiques requis en de superbes lumières de Bertrand
du souverain (le DVD), l’autre, telles circonstances, comme Couderc et le soin apporté à
le souvenir du chanteur Henri le De profundis de Delalande ou la réalisation signée Stéphane airs et épisodes orchestraux des
Larrivée (le CD), interprète de la Missa pro defunctis de Charles Vérité.En pareil cas,l’image n’a deux compositeurs (la miracu-
Rameau et Gluck. Tous deux d’Helfer,plutôt que celle d’Eus- rien d’accessoire et participe à leuse « Entrée de Polymnie » des
emploient l’histoire comme tache Du Caurroy. Pour cette l’accomplissement du projet. Boréades,judicieusement placée
moteur de l’imagination et rap- restitution imaginaire,proposée enconclusion),auxquelss’ajoute
pellent combien la frontière en novembre 2015 dans le cadre AU ROYAUME D’HADÈS le saisissant « Chaos » des Élé-
entre l’église et le théâtre était del’exposition« LeRoiestmort », Après le noir de la chapelle ments de Jean-Féry Rebel.
alors ténue. Raphaël Pichon et ses musiciens royale, celui des « Enfers », titre Est-il encore besoin de rappe-
« Les Funérailles royales de ont investi la chapelle royale du du disque enregistré avec Sté- ler les qualités de chanteur et
Louis XIV » propose une évo- château de Versailles de façon à phane Degout. À une classique d’interprètedeStéphaneDegout?
cation des « principales articula- spatialiser la musique,à profiter anthologie alignant des airs de Au noir charbonneux du tim-
tions musicales, à travers des œu- de la tribune et de la galerie. Rameau et Gluck,les musiciens bre, idéal en un tel séjour,
vres qui auraient pu accompagner Dans une pénombre quasi ont préféré les organiser en s’associent une diction exem-
totale,les rares points lumineux une messe des morts, inspirée plaire, une intelligence drama-
restant les diodes nécessaires à par une parodie anonyme du tique, une noblesse de ton et
l’éclairage des partitions, peut XVIIIe siècle incluant des extraits une sensibilité frémissante :
alors se dresser le grand théâtre de Castor et Pollux de Rameau la reprise,allégée,comme si,par
de la pompe funèbre, étayé de et des Fêtes de Paphos de Mon- stupeur,le souffle manquait,des
plain-chant, marche, roule- donville. Nous sommes ainsi « Monstres affreux ».Ses lauriers
ments de tambour voilé et invités à suivre les épreuves d’un sont assez généreux pour qu’il
autres « simphonies ». Tragédien, le susnommé Henri les partage avec tous les autres
La majesté du lieu,la sobre mise Larrivée, au royaume d’Hadès. chanteurs qui,le temps d’un air,
en espace,l’obscurité et le choix Des tourments des Furies à la croisent son triste sort : men-
des œuvres contribuent bien désolation des rives du Tartare tionnons ainsi Sylvie Brunet-
évidemment à installer une en passant par le jugement Grupposo, Phèdre mémorable.
« Enfers » atmosphère de ferveur.Ferveur
entretenue par tous les musi-
inflexible des Parques avant la
sérénité des Champs-Élysées,
Le chœur,l’orchestre et la direc-
tion, saisissante, de Raphaël
Extraits d’opéras
de Rameau et de Gluck ciens, chanteurs et instrumen- ce parcours permet d’entendre, Pichon,participent à cette réus-
Stéphane Degout (baryton), tistes,au point qu’en distinguer parfois avec d’autres paroles, site collective. Malgré les mises
Pygmalion, dir. Raphaël Pichon un(e) plutôt qu’un(e) autre latines (les « TristesApprêts » de en garde de rigueur, il n’est pas
MARC CAMPA
Harmonia Mundi HMM 902288. serait injuste. On signalera Castor et Polluxdeviennent ainsi dit qu’on ne prenne pas goût à
2016. 1 h 18 quand même la perfection de « Requiem æternam »), cette descente aux « Enfers ». X
la mise en place, la justesse quelques-uns des plus beaux Philippe Venturini
UN PINOCCHIO QUI NE
LAISSE PAS DE BOIS Philippe
Sur scène ou en fosse, les fils de ce conte initiatique se croisent
entre absurde, noirceur et merveilleux. Captivant. Boesmans
(né en 1936)
Pinocchio
l y a deux mondes qui comme le spectacle de Joël mais plus encore le regard du Stéphane Degout (le Directeur
Arvo Pärt
The Symphonies
Nouvel enregistrement des symphonies
d’Arvo Pärt, par le NFM Wrocław
Philharmonic sous la direction de Tõnu
Kaljuste. Quarante-quatre ans séparent
la première de la quatrième symphonie,
faisant entendre le long chemin musical
de Pärt.
Cofret 26CD+3DVD
Sortie le 4 mai
Sortie le 20 avril
laurence equilbey
GOUNOD | LISZT
SDP
CD CLASSICA / PLAGE 11
L’ÉLANDUCŒUR
GOUNOD Dans ces pages schumanniennes, le sentiment
saint françois d’assise d’urgence le dispute à l’émotion pure.
PREMIER ENREGISTREMENT MONDIAL
considérable où l’émotion se
fait bientôt sentir et qui s’avère
aussi nécessaire que valeureuse.
Aussi précieux que rare. X
Xavier de Gaulle
CD CLASSICA / PLAGES 9 ET 10
ne légende poursuit militantisme pour la musique Trente-trois minutes pour Feuilles mortes, ballet de
U le pianiste italien
Maurizio Pollini :
sa technique par-
faite servirait une conception
froide, développée dans un jeu
contemporaine, ce que dénie
ce Second Livre des Préludes,
enregistré dix-huit ans après
le Premier. Si ce n’est pas
prendre son temps pour son-
douze pièces : le geste est vif,
les harmonies brillent et se
mordorent, mais toujours
dans un rythme qui ne cède
pas, même pour La Terrasse
spectres qui semble annoncer
Canope.
Coda logique, En blanc et noir
voit réunis le père et le fils. Le
clairon, qui sonne dans le pre-
analytique, héritage de son der la grammaire debussyste ! où les éclairages sont ceux mier volet du triptyque au
d’une nuit américaine, lune milieu du bal chez les Capulet,
claire, main gauche sonnant étonne par son accent prophé-
un gong, le tout dans une tique, loin du quinquet qu’on y
palette de couleurs pleines qui fait criailler d’habitude.S’y pro-
rappelle un autre Italien: Dino filent les ombres du Lent. Som-
Ciani. Abstrait, ce Debussy ? bre, chef-d’œuvre arraché à
Naturaliste, oui! la guerre, tombeau de l’ami
Jacques Charlot tué à l’ennemi
L’IMAGINAIRE PORTÉ le 3 mars 1915, peint tout en
PAR UN PIANO ÉLOQUENT noir dans les claviers des Pollini.
On voit dans les accords Impossible de ne pas être saisi
d’Ondine la nageoire de la par cette plainte de regrets.
naïade qui bat l’eau, un cantaor Tout grand disque qui permet
dit sa plainte tout au long d’une d’espérer demain les Images,
Puerta del Vino sombre, jamais Estampes, Pour le piano, Mauri-
aussi gitane, un quasi Falla zio Pollini nous les doit, il est
(Debussy la composant recevait grand temps. X
de Falla une carte de l’Alham- Jean-Charles Hofelé
bra, Pollini le sait et le fait
accroire), la clochette qui
sonne la danse des Fées est
quasi celle de Lakmé, tout un
imaginaire s’incarne au lieu de
se suggérer, porté dans un cla-
vier en grand son,jamais saturé,
car la science des timbres
explique tout, montre tout et
dédaigne la perfection façon
Cortot.Les Tierces alternées sont
imprécises (mais irisées),
Brouillards ne sera, pour cer- Claude
tains, pas assez exact, mais vous
pourrez en nouer les écharpes Debussy
de songes. Merveilles contras- (1862-1918)
YORK CHRISTOPH RICCIUS / DG
CD CLASSICA / PLAGE 12
ONDES SUBTILES
Sous les doigts piano solo,qu’ils fussent consa-
crés à Scriabine, à Séverac ou,
délicats de Billy Eidi, récemment, à Reynaldo Hahn
les Barcarolles de et Guy Sacre, ont aussi suscité
le plus vif intérêt. La première
Fauré nous plongent qualité que l’on remarque chez
aux sources de lui, qualité toute fauréenne,
c’est l’art de la sonorité, jamais
l’émerveillement. agressive, ni acide – et bien ser-
vie par la prise de son dans le
es Barcarolles de Fauré mythique Reitstadel de Neu-
EN EAU DOUCE
Tout est soyeux,avec un raffine-
ment infini dans la respiration
TRIO SR9
A(+./Č +* */! ĕ
lard (EMI) ou celle, quelque et le phrasé qui rend l’interpré- L’art de la danse par les marimbas
peu mythique, de Jean-Michel tation très vivante. Surtout, envoûtants du Trio SR9
Damase (Accord), et en atten- il donne des treize Barcarolles
dant que Jean-Claude Penne- une image à la fois contrastée et Forqueray Allemande de la Suite pour Trois violes
tier ait achevé son intégrale homogène.Dans les quatre pre- Haendel Courante de la Suite pour clavecin n°4 HWV 437
chronologique (Mirare), l’on mières,qu’il ne considère mani- D. Scarlatti Gavotte de la Sonate pour clavecin en Ré
mineur K.64
n’oubliera pas l’excellente inter- festement pas comme moins
F. Couperin Bourrée Les Nations “L’impériale”
prétation du Canadien Sté- représentatives du compositeur,
Rameau Sarabande de la Suite en La
phane Lemelin (Atma). Tout il met en exergue la structure
Purcell Menuet - n°13 des Vingt pièces pour clavier
cela surclasse les anciennes lec- bien charpentée et,malgré le jeu
Bach Gigue de la Suite Française n°5 BWV 816
tures de Germaine Thyssens- surprenant des constantes
Satie Danse de Travers n°1 - En y regardant à deux fois
Valentin (Testament, 1956) ou modulations, il ne perd jamais
de Jean Doyen (Erato, 1972). l’auditeur en chemin et évite Debussy Tarentelle Styrienne L. 69
Billy Eidi a depuis longtemps le style de salon. La cinquième, Bartok Danse roumaine n°1 op.8a
été reconnu comme un mer- le premier grand chef-d’œuvre, Borodine Danses Polovtsiennes du Prince Igor
veilleux accompagnateur de est jouée de manière équilibrée, Satie Danse de Travers n°2 – Passer
mélodies, mais ses disques pour entre force et charme,exaltation
solaire et raffinement.Mais c’est De Falla Danse rituelle du feu de l’Amour Sorcier
peut-être dans les pages les plus Tashdjian Narnchygäer (création)
difficiles (nos8 à 11), celles avec Satie Danse de Travers n°3 – Encore
lesquelles de nombreux pia-
nistes ont du mal, et où l’audi- Concerts
teur a de la difficulté à suivre,
qu’il se montre le plus intéres- 20/03 Lyon Salle Molière
sant.Enjouantlacartedeladou- 02/04 Paris L’Européen
ceur, du clair-obscur et de la 30/04 Saint-Malo Festival “Classique au large”
simplicité,il fait sentir le mystère
Fauré, mais sans lui donner cet 06/06 Rouen Chapelle Corneille
air émacié qu’on entend parfois. 12/07 Reims Festival “Les Flâneries Musicales”
Gabriel Et, dans les deux dernières, il 19/07 Montpellier Festival de Radio France
nous ouvre à un monde lumi-
Fauré neux, rappelant la formule par
(1845-1924) laquelle Jankélévitch caracté-
Les Treize Barcarolles risaitlemeilleurdel’artducom-
Billy Eidi (piano) positeur : le « je-ne-sais-quoi »
Timpani 1C1247. 2017. 1 h 01 et le « presque rien ». X
www.sr9trio.com
Jacques Bonnaure
IDYLLES BAROQUES
La luxuriance des instruments de Scherzi Musicali se marie avec
bonheur à la justesse des solistes dans ces dialogues amoureux.
près un premier manière douloureuse, bien les nymphes, bergères et leurs Giovanni Felice
ARNOLD HECTOR
BAX
(1883-1953)
BERLIOZ
(1803-1869)
++++ +++
Concerto pour violoncelle Les Nuits d’été. La Mort
+ Bate : Concerto de Cléopâtre. Roméo et
pour violoncelle Juliette : « Scène d’amour »
Lionel Handy (violoncelle), Karen Cargill (mezzo-soprano),
Royal Scottish National Orchestre de chambre d’Écosse,
Orchestra, dir. Martin Yates dir. Robin Ticciati
Lyrita SRCD.361. 2015. 1 h Linn CKR 421. 2012. 1 h 05
BÉLA Une économie de moyens inhabi- LUDWIG VAN Le temps de quelques mesures
BARTÓK
(1881-1945)
tuelle, un lyrisme moins expansif
et des mélodies moins marquantes
peuvent expliquer la discrétion de
BEETHOVEN
(1770-1827)
de La Villanelle et le charme opère
à plein : ce sens du primesaut, ce
sourire dans la voix (émaillé d’une
++++ ce concerto (1932). Bax s’y montre ++++ pointed’espièglerie),cettelimpidité
Concertos pour violon nos 1 et 2 pourtant imaginatif, avec de beaux L’œuvre pour violoncelle deladictionportentlamarqued’une
Renaud Capuçon (violon), alliages de timbres entre les bois et piano grande artiste. Karen Cargill sait
Orchestre symphonique de et les cordes et une remarquable Valentin Erben (violoncelle), pourtantqu’ellesuccèdeàquelques
Londres, dir. François-Xavier Roth exploitation des ressources du Shani Diluka (piano) monstres sacrés, à commencer par
Erato 0190295708078. 2017. 1 h 01 violoncelle. En plus de l’enregistre- Mirare MIR 380 (2 CD). 2016. 2 h 16 l’immarcescible Régine Crespin. Le
ment historique de Beatrice Har- sens de la ligne ne se fait jamais aux
Avoir apparié au violon solaire et rison (1938), n’existe que celui de Souvent enregistré ces dernières dépens du mot (Le Spectre de la
naturellement lyrique de Renaud Raphael Wallfish (1987, Chandos). années par des duos confirmés rose) et la projection, radieuse, filtre
Capuçon la direction ciselée de Tous deux accusent le caractère (Capuçon et Braley, Salque et Le à travers un nuage dans le Lamento.
François-Xavier Roth, qui imprime dramatiqueduconcerto.Àl’inverse, Sage, Phillips et Guy, Meunier et Le Tout paraît si évident lorsqu’on
une transparence cristalline à l’Or- Lionel Handy et Martin Yates jouent Bozec, Queyras et Melnikov, etc), atteint un tel degré d’achèvement.
chestre Symphonique de Londres, lacartedeladétente.Dansdestem- l’œuvre pour violoncelle et piano Elle peut compter sur la direction
est une idée heureuse. Le mal aimé pos moins emportés, ils donnent la de Beethoven exerce toujours le diligente et cursive de Robin Tic-
Concerto n°1, fruit d’un composi- prioritéaudétaildel’ornementation même pouvoir d’attraction. À leur ciati qui, loin de lui façonner l’écrin
teur de vingt-six ans encore sous et nous permettent de savourer la tour, Valentin Erben, qui fut le vio- d’AnsermetpourCrespin(Decca)et
influences, sort grandi de cette lec- richesse harmonique et les somp- loncelliste dès l’origine du Quatuor de Barbirolli pour Baker (EMI), veille
turetouteenfinesseoùunecertaine tueux climax cuivrés, leur souplesse Alban Berg, et Shani Diluka confient aucontraireàsurlignericiuncontre-
pudeur fauréenne en tempère les au disque leur propre vision des chant,ailleursunrappelthématique.
effusions straussiennes. S’agissant cinq sonates et des trois groupes Véniel dans Les Nuits d’été, le
duConcerton°2,lespointsderepère de variations. La rencontre entre manque d’épaisseur des cordes
ne manquent pas: l’impérial Augus- ces deux personnalités que trente s’avère hautement préjudiciable,
tin Dumay (avec Nagano, Onyx) a ans séparent s’est faite en 2008 hélas, pour le reste du programme.
récemmentréaliséuneremarquable à Vienne alors que les Berg don- AussiLa Scène d’amour est-elle plus
synthèseentrelasobriétéd’Isabelle naient leur dernier concert. L’inti-
Faust(Harding,HarmoniaMundi)ou mité musicale qu’ils entretiennent
Thomas Zehetmair (Fischer, Berlin désormais, la qualité des échanges,
Classics) et les inflexions tziganes la respiration commune transpa-
d’Ivry Gitlis (Horenstein, Vox) ou raissent au travers d’un discours
Laurent Korcia (Oramo, Naïve). où le piano sait se faire lyrique sans
Renaud Capuçon semble s’inscrire se charger d’affectivité et dévelop-
davantagedanslapremièrecatégo- per tout un arc-en-ciel de couleurs
rie tant son jeu adoucit l’accentua- épousant de plus près la rhétorique (Sonates nos 1 et 2) tandis que le vio-
tion au profit de la ligne frémissante fluctuante du discours. loncelle, ennemi de toute emphase,
(en vertu d’un dosage équilibré du Le concerto de Stanley Bate (1911- semontreintenseetatteint,danssa
vibratoetduportamento),delanar- 1959), composé en 1953, donné en nudité patricienne, une vraie gran-
rationcontinueetdudialogueintime première au disque, partage avec deur (fugue de la Sonaten° 5).
aveclespupitres,quitteàsemontrer celui de Bax le caractère d’une Les trois Variations Haendel et
un peu sage sur la durée : si la main rumination passionnée, relevée ici Mozart émeuvent par la simplicité proche de Siegfried-Idyll que de la
gauche impressionne toujours par et là d’humour caustique. Il tente de ton et les réparties entre deux passion dévorante des amants de
sa sûreté et sa mobilité jusque dans la synthèse inattendue entre néo- instrumentistes qui dialoguent Vérone. Cléopâtre, qui devrait nous
les positions les plus périlleuses, la classicisme et néoromantisme, sa naturellement sans jamais éle- saisir au collet, souffre d’une réali-
main droite gagnerait par moments polyphonie fluide et aérée et les ver la voix. On continuera certes sation orchestrale trop chambriste
à donner plus de fantaisie à son inflexions folklorisantes rappelant d’écouter les versions historiques et dépareillée des nobles accents
archet. Vaughan Williams, en particulier de Casals et Serkin (Sony), Rostro- tragiques de la mezzo. Dommage.
Une version, on l’aura compris, de dans le mouvement lent au lyrisme povitchetRichter(Philips),Fournier La bouleversante Janet Baker mise
facture moins Mitteleuropa qu’in- parfaitement assumé par les inter- et Gulda (DG), Du Pré et Barenboïm à part (EMI et Philips), on se repor-
ternationale, mais d’une irrépro- prètes : justice est enfin rendue à (Warner), sans oublier certains tera donc sur la seconde gravure,
chable intégrité artistique. Aussi un musicien qui pâtit de l’ombre de duos sus-cités, mais ces nouveaux réalisée un an après celle-ci, de
peut-elle être conseillée sans hési- Britten et de l’avant-garde, et, de venusconstituentunexcellentchoix Karen Cargill avec le LSO et Gergiev
tation pour une première écoute. désespoir, se suicida. par leur musicalité. (LSO Live).
Jérémie Bigorie Michel Fleury Michel Le Naour Jérémie Bigorie
LE BILLET DE
HOFFELÉ
avant J.-C.
passait la Manche pour étudier avec Roy Henderson, le Comte
AAFJE de Busch à Glyndebourne, le mentor de Ferrier. Il ne put rien
lui apprendre, sinon ce souffle infini, la voix était formée, le goût
HEYNIS
(1924-2015)
certain, le style impeccable, la diction parfaite.
Retour en Hollande, des kilomètres de cantates et de passions,
école d’un certain dénuement, d’une économie où la voix est
d’abord instrument, serviteur. Philips, label alors local, lui fait
enregistrer quelques airs sacrés, des mélodies, disques à destina-
tion populaire, puis Eduard van Beinum lui offre ce qu’elle ne
Au disque, la contralto néerlandaise peut refuser, la Rhapsodie de Brahms. Elle entre tremblante
au Concertgebouw ce 19 février 1958, sa voix l’abandonne, Van
au timbre androgyne, si radieux Beinum l’encourage, mais le trac ne la quittera pas, trahissant
sa justesse. Pourtant, le disque paraît, elle ne peut l’empêcher, et
et si sombre à la fois, continue malgré l’intonation élimée, c’est une sorte de miracle, par la magie
d’enchanter entre ciel et terre. du timbre d’abord qui montre le voyageur dans le Harz et
déploie, lorsque le chœur élève son chant, cet exhaussement de
la voix transmuée en émotion : un acte de grâce rien moins,
qu’elle perfectionnera à Vienne pour Wolfgang Sawallisch.
ai 1945. Dans la liesse générale de la libération Les disques suivirent, toujours pour le marché local, cantates
© Michel Szabo
SSION
terprétationhautementpersonnelle PA
de Bartholomew LaFollette. Cette
vision rhétorique des œuvres sus-
cite une curiosité d’écoute perma-
DEPUIS
FOR
60 ANS
YEARS
EX
C C
Sonates pour violoncelle lisibilité des structures de mouve- ELLEN
et piano. Quatre Chants ments, au détriment également de
sérieux. Danse hongroise n°20 l’équilibre instrumental, le violon-
HAF 8905293.94
Bartholomew LaFollette celle accaparant la lumière et relé-
(violoncelle), Caroline Palmer guant le piano au rang d’accompa-
(piano) gnateur, ce qu’amplifie largement 2 CD
Champs Hill Records CHRCD134. la prise de son très généreuse en
2015. 1 h 13 réverbération. Les meilleures réus-
sites sont pourtant toujours celles
d’un duo : Starker et Sebok (Mer-
J. S. BACH
cury), DuPré et Barenboim (EMI),
Hecker et Helmchen (Alpha). MESSE EN SI MINEUR
Aussi sérieuse que classique, l’in-
terprétation de ces deux sonates Monument absolu de la musique sacrée occidentale,
par le Duo Leonore (la violoncelliste la Messe en si mineur n’a cessé d’interroger
Maja Weber et le pianiste Per Lun- les générations successives d’interprètes. Les questions
dberg) peinera à trouver sa place posées aux musicologues comme aux chefs d’orchestre
dans une discographie surabon- sont multiples et chacun s’efforce de donner sa
dante. D’une trop grande sagesse, propre lecture avec l’humilité requise. C’est dans
leur lecture manque de couleurs, cette disposition d’esprit que William Christie
de diction, et surtout de passion. abordait l’ouvrage en 2016 à la faveur d’une tournée
Cette passion, on la trouvera dans qui a marqué le public. En voici le témoignage.
++ les deux autres disques, pourtant
Sonates pour violoncelle diamétralement opposés, jusque
et piano dans la prise de son.
Duo Leonore Antoine Mignon
Solo Musica SM 269. 2016. 54
FRÉDÉRIC DMITRI
CHOPIN
(1810-1849)
CHOSTA-
+++++
Intégrale des mazurkas
KOVITCH
(1906-1975)
Eugène Mursky (piano) ++++
Profil PH16100 (2 CD). 2 h 22. 2017 Le Taon. Le Contreplan
Deutsche Staatsphilharmonie
Desesquinzeansàsamortàtrente- Rheinland-Pfalz,
neuf ans, Chopin a composé treize dir. Mark Fitz-Gerald
cycles de mazurkas. Sa dernière Naxos 8.573747. 2017. 1 h 05
œuvre inachevée est également
JOHANNES une mazurka. Ces cinquante-sept FRÉDÉRIC Composée en 1955 pour Ovod (en
pièces, structurées, élégantes français Le Taon), film d’Alexandre
BRAHMS
(1833-1897)
et distinguées, ont beaucoup de
caractère.Àl’origine,lamazurkaest
CHOPIN
(1810-1849)
Faintsimmer, la musique de Chos-
takovitch n’eut le droit à sa sortie
+++++ une danse une danse folklorique de ++++ qu’à une suite orchestrale arran-
Chant du destin. Liebeslieder- l’Europe de l’Est à trois temps qui Mazurkas op. 7, op. 33 gée par Levon Atovmian. Il a fallu
Walzer. Chant des Parques. provient de la province polonaise de et op. 59. Polonaises op. 26 attendre l’année 2016 pour que le
Nänie. Begräbnisgesang Masovie, où Chopin a grandi. Après et op. 44. Allegro de concert chef britannique Mark Fitz-Gerald
Chœur de chambre l’occupationrussedesannées1830, Louis Lortie (piano) en établisse une version complète
Eric Ericson, Orchestre Chopin ne reverra plus sa patrie. Il Chandos CHAN10943. 2017. 1 h 11 ajoutant ainsi dix-sept sections aux
symphonique de Gävle, enéprouveunenostalgiequ’Eugène douze habituelles. Afin d’en ren-
dir. Jaime Martin Mursky a particulièrement bien su Le pianiste canadien Louis Lortie forcer le caractère, il souligne les
Ondine ODE1301 2. 2017. 58 exprimer: op. 7 n°2, op. 17 nos 2 et 4, entreprend sans se presser ce qui différents épisodes d’instruments
op. 24 n°4, op. 33 nos1 et 3, op. 41 n°2. pourrait bien être une intégrale spécifiques.L’orguesymboliseainsi
Dans ces chœurs avec orchestre, Le rythme et son phrasé sont très Chopin. Ce cinquième volume l’Église et le sentiment religieux
souvent rassemblés au disque, directs : ses Mazurkas ont quitté le confirme sa capacité à entretenir (Service religieux à la cathédrale,
Jaime Martin et ses magnifiques salon pour la cour impériale. Mais avec le compositeur polonais une
interprètes suédois figurent désor- elles n’oublient pas non plus leur relation prégnante y compris dans
mais à la meilleure place. On peut caractère folklorique comme en ce bouquet de mazurkas dont on
difficilement espérer une plus belle atteste l’interprétation du pianiste connaît la difficulté d’interpréta-
aération entre les pupitres vocaux ouzbek (op. 6 nos2 et 3, op. 7 no 1, tion. La souplesse du jeu, la finesse
qui évitent les effets de masse op. 30 n° 4, op. 33 n°2). de toucher, la capacité à bien mar-
obscure ou brumeuse qu’on aime Dans ce dernier volume de son quer le rythme répondent tout à fait
faire régner sur ces opus qui n’as- intégrale Chopin pour Profil, à ce que l’on attend de ces pages
pirent qu’à la clarté ! Le Chant du EugèneMursky,quarante-deuxans, si personnelles et si ancrées dans
destin, page qui sublime le poème confirme sa place parmi les grands le souvenir. On apprécie le tact,
de Hölderlin, trouve une traduction interprètes du compositeur, âme l’absence d’effet et de surcharge,
idéale, tant dans la profondeur d’aristocrate et discours de poète. le rubato toujours contrôlé dont ne
inspirée que dans les fulgurations Son interprétation de ces Mazurkas se départ jamais le soliste.
soudaines et si remarquablement peut être placée au même rang que Les deux Polonaises op. 26 sont
misesenplace(àpartirde8’15)etle celles d’Arthur Rubinstein (RCA), prises à bras-le-corps mais l’art de Confession, Ave Maria) tandis que
retour au mystère. Il en va de même Garrick Ohlsson (Helios), Nikita la construction et l’attention por- les instruments à cordes, de type
avec les œuvres suivantes: dans le Magaloff (Philips) ou encore Jean- tée aux silences interrogent sans guitare et mandoline, évoquent le
Gesang der Partzen (Chant des Par- Marc Luisada (RCA). cesse le texte. Dans la Polonaise folklore et les idéaux révolution-
ques) de Goethe, l’avertissement Aurélie Moreau op. 44, Lortie fait preuve d’énergie naires (Tarantelle).
des divinités n’est pas moins teinté virile et de panache, dramatise le Une chose est sûre, l’orchestre
de cette urgence tragique. La Nänie discours, met en avant la grandeur prend plaisir à dérouler les images
de Schiller et la loi antique, comme épique tout en ne perdant jamais de du film sous nos yeux. Que ce soit
les Liebeslieder-Walzer, davantage vue la ligne et la gradation des plans l’esprit de révolte introduit dans
« pinte de bière », trouvent une vita- sonores. L’Allegrodeconcert, ersatz l’Ouverture ou la description peu
lité rare… L’éclatante performance d’un concerto mort-né esquissé en flatteuse de l’ennemi dans Les
de ce chœur renommé n’aurait pas 1832 et achevé en 1841, ne se prête Falaises, le Deutsche Staatsphilhar-
suffi à la réussitetotaledecette gra- guère aux atermoiements et prend, monie fait montre d’un sens aigu de
vure sans le concours du stupéfiant sous des doigts arachnéens, une la narration.
orchestre de Gävle (Gèfle en fran- dimension quasi orchestrale ser- Onnoteraégalementlaprésencede
çais) qui gagne à être connu. Jaime vie par une virtuosité sans faille numéros additionnels non retenus
Martin galvanise ce programme jusqu’au climax final. Du grand dans la version finale ainsi que des
tout en veillant à ce que l’intimité pianoquinelaissejamaisindifférent extraits issus de la bande originale
sacrée ne soit jamais reléguée. Une et peut entrer en lice avec les enre- de Le Contreplan (1932), pierre
splendeur! gistrements réalisés par Rubinstein angulaire du cinéma stalinien. Sans
Onpeutmettreenbalancecetenre- ou Kapell dans les Mazurkas (RCA), êtreessentiel,cedisqueintéressera
gistrement avec ceux, réussis, de et Rubinstein à nouveau (RCA) ou autant les cinéphiles que les ama-
Sawallisch, Abbado, Herreweghe, Pollini (DG) dans les Polonaises. En teurs d’histoire.
mais ce sang neuf est revigorant. revanche, pour l’Allegro de concert, Clément Serrano
Xavier de Gaulle il l’emporte sans hésiter.
Michel Le Naour
LES MAÎTRES
DES THÉÂTRES
Böhm, version opéra et musique vocale, implacable,
Sawallisch grisé par le cast de Cosí fan tutte et Levine
impérieux dans La Clémence de Titus.
ous les opéras engrangés par séduit King et Wunderlich. Au même Sortant du Cosí à Salzbourg, en 1974, on se
T
Karl Böhm pour l’étiquette degré de génie, les deux Berg réunissent plonge dans celui de Munich, quatre ans
jaune,mais également toute des équipes qui se transcendent dans les plus tard, enfin publié d’après les bandes
la musique avec voix, Lieder lectures implacables d’un Böhm possédé. originales: la Dorabella de Fassbaender y a
de Mahler avec Fischer- pris de l’assurance,poussée par la Fiordiligi
Dieskau, la Rhapsodie de BAGUETTE MOZARTIENNE tout feu tout flamme de Price, son aigu
Brahms avec Ludwig,le Requiem de Mozart, Les Mozart sont légendaires, mais un rien stellaire, ses phrases dardées, quel couple
des Saisons hors concurrence, deux Missa figés : Wunderlich et Fischer-Dieskau qui enivre Sawallisch de sa magie où Reri
Solemnis. Quelle somme ! Au pinacle emportent La Flûte enchantée à eux seuls, Grist vient persifler ses commentaires.
l’ensemble Strauss appris avec le composi- Les Noces de Figaro trop détaillées,deux Don Retour à Salzbourg,en 1977,où Jean-Pierre
teur, dont il faut réévaluer la Salomé de Giovanni plus terribles que grisants, le Cosí Ponnelle reprenait sa Clémence de Titus,
Hambourg (1970) où Gwyneth Jones et pris à Salzbourg auquel on préfère les enre- créée l’année précédente. Y éclate la vérité
Fischer-Dieskau se confrontent à mort dans gistrements studio de Decca (Vienne) ou d’un théâtre qui emplit les dialogues de sens
un orchestre africain de timbres, vaste noc- HMV(Londres),L’Enlèvement,La Clémence et dessine des personnages.Les conventions
turne avec lune de sang. L’Elektra (Borkh) de Titus et Idomenée (venu trop tard pour de l’opera seria laissent la place à un drame
incendiée, où une troupe impeccable Ochman) précis et parfaits, un rien studio. dessentiments dont toutel’équipe s’empare,
magnifie le texte d’Hofmannsthal,est entrée Bémol mineur qui s’efface devant le Fidelio portée à l’incandescence par la direction
dans la légende. Deux Chevalier à la rose, deDresde,noir,tragique,oùJonesconsomme altière de Levine.Pour laVitellia de Neblett,
l’un en studio à Dresde, grand style, avec son sacrifice, et le Tristan de Bayreuth, en c’est un peu trop, mais le personnage
l’Octavian entreprenant de Seefried, l’autre 1966, transfiguré par un quatuor possédé, s’impose.Hollweg assume crânement la tes-
en concert à Salzbourg, plus libre, avec la lecture radicale, comme pour Le Vaisseau siture de l’Empereur, malgré son timbre si
Maréchale deLudwigserégalant deses aigus fantôme (1971), moins tenu vocalement, peu italien,et la toute jeune Malfitano offre
et le Quinquin éperdu de Troyanos. hélas. Somme indiscutable où manquent à Servilia de singuliers arrière-plans psy-
Pas moins de trois Ariane à Naxos, DG le Ring de Philips et les gravures Decca dont chologiques.Mais c’est le couple d’amis qui
proposant enfin son édition de la soirée La Femme sans ombre de 1955, historique. transporte la soirée: Howells, bouleversant
des quatre-vingts ans du compositeur Annio au chant si pur, et Troyanos, Sesto
(Vienne, 1944), premier Compositeur de perdu qui peint ses tourments dans l’étoffe
Seefried, couple d’amants semi-divin iné- d’une voix de soie. X Jean-Charles Hofelé
galé (Lorenz-Reining), le concert de Salz-
bourg en 1954, avec Della Casa, et le stu- £ « Karl Böhm,The Operas ».DG 479 8358
dio de Munich, en 1969, toujours méjugé, (70 CD).1944-1979.81h.CHOC
où Troyanos (Compositeur) est de bout £ Mozart: Cosí fan tutte. Price, Fassbaender,
en bout géniale. Capriccio ouvragé, très Schreier, Brendel, Grist, Chœurs et Orchestre
littéraire, Arabella, ivre de scène (Reining de l’Opéra de Bavière, dir. Wolfgang Sawallisch.
spectaculaire), Femme silencieuse piquante Orfeo C 9181821 (2 CD). 1978. 2h30. CHOC
(Wunderlich, Güden, Hotter, Prey), £ Mozart: La Clémence de Titus. Hollweg, Neblett,
Femme sans ombre au couple impérial Troyanos, Howells, Malfitano, Rydl, Orchestre
immaculé (King et Rysanek) et cette philharmonique de Vienne, dir. James Levine.
Daphné faite pour Böhm, où Güden Orfeo C 9381721 (2 CD). 1977. 2h34. CHOC
LE SOUFFLE RUSSE
DE JUROWSKI
Les symphonies de Tchaïkovski par
CLAUDE Préludes. La finesse du trait, le sens
le chef du LPO. Inspiré et acéré. de l’équilibre et de la musique pure
DEBUSSY participent d’une conception subti-
lement dosée qui n’hésite pas non
La réunion en boîte embonpoint, ni alanguisse- (1862-1918)
ORCHESTRE
cartonnée des volu- ment–unAdagiode« Pathé- +++++ plus à accuser les contrastes entre
mes séparés des sym- tique » impitoyable. Images, Première Série. ombreetlumière.LesChildren’sCor-
Préludes, Livre II. Le Martyre ner, parenthèse pleine d’humour et
phonies de Tchaï- En complément, si l’on a de saint Sébastien detendresse,restentdanslemême
kovski par Vladimir connu des sonorités plus Vincent Larderet (piano) registre de pureté et de sensibilité,
Jurowski et le LPO, soyeuses dans la Sérénade, Ars Production ARS 38 240. 2017. mais la hauteur de vue et le sérieux
prises sur le vif de 2008 à VladimirJurowskiobtientdes 1 h 19 empêchentquelquepeud’apprécier
2016, permet une intéres- contrastes francs, les cor- le second degré de ces pièces faus-
sante mise en perspective des très au talon, dans une ++++ sement enfantines. Un CD qui reste
discographique. Et de musique qui peut vite regor- Préludes, Livres I et II. cependant de très haut niveau.
constater l’homogénéité ger de glucose. Reste une Children’s Corner Les deux Livres d’Études par Élodie
Paavali Jumppanen (piano) Vignon, disciple d’Hervé Billaut à
dans l’excellence de lectures FrancescadaRimininerveuse, Ondine ODE 1304-2D (2 CD). 2016. Lyon puis de Daniel Blumenthal
vives,acérées,sans une once abrupte, à l’épisode central 1 h 45 et de Nelson Delle-Vigne (héritier
de sentimentalité ou de merveilleux de lyrisme de Arrau et de Cziffra) à Bruxelles,
contenu (la clarinette, ++++ crée la surprise. Sa lecture, sen-
les violoncelles dans le Études, Livres I et II sible, souple, toujours élégante, ne
médium), au fracas Élodie Vignon (piano), dégage pas de puissance massive
conclusif dantesque Clara Inglese (récitante) (Pourlesaccords)maiss’attacheaux
Cypres CYP16678. 2017. 1 h 03 feulements de sonorités (Pour les
comme il se doit.
arpègescomposés),àunerecherche
Seule légère décep- ++ de plasticité (Premier Livre) avec
tion, une Manfred Études, Livres I et II. Étude un souci de transparence facilité
(2004) amoindrie par retrouvée, Masques. D’un cahier par la gestion de tempos modérés.
une prise de son dis- d’esquisses. L’Isle joyeuse. Le complément consacré à des
tante,opaque,noyant Nocturne. Tarentelle styrienne poèmesinéditsdeLucienNoullezen
la dramaturgie du Michael Korstick (piano) relation avec le corpus des Études,
chef r usse, qui SWR Music SWR19044CD. 2016. 1h16 malgré sa qualité, nous prive de
l’écoute d’autres pages de Claude
explose avec un L’enregistrement de Vincent Larde- de France. Dommage.
impact bien supérieur dans ret sort des sentiers battus. Il pro- Le pianiste allemand Michael Kors-
complaisance, rigoureuses des captations des sympho- pose une version, qu’il a complétée, tickpoursuituneintégralecommen-
dans l’architecture comme nies numérotées très au des fragments symphoniques du céeen2002.Aucunétatd’âmedans
dans l’engagement exigé cœur de l’agitato orchestral. MartyredesaintSébastientranscrits une conception qui s’appuie sur des
de chaque pupitre et d’un Bémol négligeable pour ces parAndréCapleten1911.Lamusica- moyens exceptionnels à la fois puis-
souffle authentiquement Tchaïkovski entre Marke- litédusoliste,sonartdestransitions sants et aiguisés ne laissant aucune
russe jamais synonyme et la quête du mystère qui se cache place à la tendresse. Dominateur
vitch et Mravinski (et très
derrièrelesapparencesconviennent danslesdouzeÉtudes,voireviolent,il
d’épaisseur. loin de Temirkanov), qui parfaitementàlaPremièreSériedes impressionnesurtoutparlejaillisse-
La verticalité du geste, une méritent un grand CHOC. X Images et au Livre II des Préludes mentdesonjeuetparunetechnique
réactivité instrumentale Yannick Millon auxquels le soliste apporte une magistraleengageanttouteslesres-
optimale, des lignes de ten- dimension orchestrale (Feux d’arti- sourcesdel’instrument.Leclimatne
sion admirablement crava- £ Piotr Ilitch Tchaïkovski: fice). Moins soucieux d’impression- s’apaiseguèredanslesautrespièces
chées irradient tout autant Symphonies nos1 à 6. nisme que de lisibilité harmonique, retenues : L’Isle Joyeuse, athlétique
dans les premiers opus Manfred. Francesca da Rimini. son éloquence (La Puerta del Vino) et à la pointe sèche, rejette cette
jouesurlanotiondecontrastesavec sensualitéquel’onirachercherchez
– un Finale de « Petite Rus- Sérénade pour cordes. London
beaucoup d’à-propos. Une pierre à Gieseking ou Samson François, et
sienne » toscaninien – que Philharmonic Orchestra, l’édifice debussyste. de manière plus radicale auprès de
dans les célèbres trois der- dir. Vladimir Jurowski. LPO live L’exactitude dont fait preuve le Fin- Bavouzet ou Kocsis.
niers volets, au feu dévo- LPO-0101 (7 CD). 2004-2016. landaisPaavaliJumppanennesigni- Michel Le Naour
rant, sans le moindre 6h04. CHOC fie pas pour autant neutralité dans
l’interprétation des deux Livres de
Photo © Inanis
par le compositeur qui ne maîtrisait SSION
PA
pas l’hébreu, le violoncelle de Marc
Coppey se taille la part du chant,
écartant toute velléité concertante
dans cette pièce d’essence spiri-
DEPUIS
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tuelle où il est rejoint par le DSO ELLEN
Berlin et un Kirill Karabits attentifs
aux timbres, et notamment à la Issu de la classe ouvrière, Dyson
coloration si particulière du célesta. bénéficia d’une bourse pour de
On n’y cherchera donc pas de grand solides études de composition
HMM 902363.64
souffle prophétique, mais les lignes suivies d’un doctorat à Oxford,
d’un violoncelle clair, très modulé, pour lequel il écrivit cette Choral
magnifiquementàl’écoutedesbas- Symphony. C’est un universitaire
sons dans les dernières secondes brillantetéruditplusqu’unnovateur 2 CD
très sombres de la pièce. comme en témoigne cette opulente
On est en revanche un peu moins partition. Elle s’inspire du Psaume
séduit par le Concerto de Dvorák,
dont les meilleurs moments
seraient le mouvement lent et le
107 relatant la captivité des Juifs
à Babylone et leur retour en Israël
par la mer. La polyphonie vocale
MARC MAUILLON
développement d’Allegro liminaire, élaborée, l’instinct de la mélodie, MICHEL LAMBERT
où violoncelle et flûte rivalisent de le sens du drame avec la capacité
transparence, mais qui demeure à amener sans effort de vastes cli- LEÇONS DE TÉNÈBRES
surladistanced’unesobriétécham- max par l’accroissement agogique DES MERCREDI, JEUDI ET VENDREDI SAINTS
briste parfois univoque, ignorant le et dynamique en les couronnant de
riches harmonies : Dyson aurait pu
MARC MAUILLON BASSE-TAILLE
bouillonnement émotionnel d’une
partition où trop d’évanescence faire carrière à Hollywood car son MYRIAM RIGNOL VIOLE DE GAMBE
finit par affaiblir le propos. Mais langage concilie simplicité et spec- THIBAUT ROUSSEL THÉORBE
au moins le chef, très sage, ne taculaire. MAROUAN MANKAR-BENNIS CLAVECIN & ORGUE
tire-t-il pas en sens inverse, et en Ce sens du technicolor est parti-
garde sous la semelle jusque dans culièrement efficace pour évoquer
la coda du finale. La transcription un décor maritime dans St Paul’s Si les Leçons de Ténèbres de Charpentier, Couperin et Lalande
du Silence de la forêt s’accommode Voyage to Melita (Voyage de saint nous sont bien connues, rares sont les musiciens qui ont osé se
en revanche parfaitement de cette Paul à Malte), qui relate en fait le mesurer à celles de Michel Lambert en raison de sources pour
pudeur. Yannick Millon retour de saint Paul de Jérusalem le moins énigmatiques. C’est désormais chose faite à l’occasion
à Rome pour y être jugé. Cette can- de cette première collaboration soliste de Marc Mauillon avec
tatepourténor,chœuretorchestre, harmonia mundi. Auteur d’une restitution inédite, il dévoile
est un véritable mini-opéra plein aujourd’hui avec brio ces toutes premières Leçons de l’histoire
d’action, La Mer de Debussy étant des Offices des Ténèbres en France. Une expérience intense,
appelée en renfort pour évoquer la portée par un continuo aussi complice qu’exceptionnel !
tempête, le miraculeux sauvetage
des captifs s’éclairant ensuite d’une
lumièrecéleste delaplusbritishtra-
dition. La direction enlevée de David
Hill sait maintenir le cap en évitant
toute dérive vers le récif des effets harmoniamundi.com
faciles, et les voix ont le pied marin.
Michel Fleury
UN LEGS BERNSTEIN
EN DIAMANT BRUT
Pour le centenaire de sa naissance, Deutsche Grammophon réédite l’intégrale
du chef américain. Mille et unes facettes d’un génie de la musique.
lors que Sony Classical a choisi une anthologie côté du miroir, une tendance à glisser du Mahler dans chaque
A
en cent CD remastérisés (Classica n°200), partition, de la transcription du Quatuor n°16 de Beethoven aux
Deutsche Grammophon préfère une intégrale symphonies de Brahms, Sibelius et Chostakovitch, voire de Schu-
non remastérisée. On ne peut que le regretter, car bert à Amsterdam.
le Fidelio et les symphonies de Beethoven, récem-
ment réédités (Classica nos194 et 198), ont rappelé MOINS D’ÉCLAT, PLUS DE PROFONDEUR
le bien-fondé d’un tel procédé. Cette édition regroupe en fait Avec le temps, les traits du visage s’étaient creusés et la silhouette
en un boîtier unique les CD distribués dans les deux coffrets de arrondie. La musique adoptait le même profil : moins d’éclat,
type disque vinyle de « The Leonard Bernstein Collection », parus mais plus de profondeur, d’ampleur du son (les basses), quitte
en 2014 et 2016, et y ajoute des DVD (une sélection). Un livre à flirter avec une sentimentalité parfois encombrante (Tchaï-
de format à l’italienne présente, entre autres, de pertinents com- kovski à New York, la « Nouveau Monde » de Dvorák avec le
mentaires de Nigel Simeone et des extraits Philharmonique d’Israël ou la Symphonie
de la correspondance de l’artiste. n°9 de Beethoven à Berlin, après la chute
Excepté les gravures new-yorkaises de Fancy du Mur, en décembre 1989). Bien sûr, les
Free et On the Town (1944-1946) puis de symphonies, le Requiem et la Messe en ut
symphonies de Beethoven, Brahms, Dvo- mineur de Mozart ou les Haydn paraissent
rák, Schumann et Tchaïkovski avec le New un rien massifs, malgré des moments de
York Stadium Symphony Orchestra en 1953 grâce. Mais Bernstein semble avoir trouvé
et les deux disques réalisés àVienne en 1966 à Vienne un instrument accordé à son
(Mozart et Mahler), l’essentiel de ce legs âme, susceptible de laisser spontanément
discographique s’échelonne sur les années la musique s’épanouir. On peut bouder
1970 et 1980, jusqu’à l’ultime concert à sa Carmen avec Marilyn Horne, très Far
Tanglewood (Britten et Beethoven) en West, sa Bohème à la (jeune) distribution
août 1990. Bernstein entreprend alors un et Tristan et Isolde où peine Peter Hof-
retour sur son répertoire. C’est aux États- mann, mais Bernstein y installe de tels
Unis, New York, Los Angeles,Washington, climats qu’il faut bien rendre les armes.
qu’il (ré)enregistre les compositeurs amé- On ne reviendra pas sur ses Mahler
ricains : Copland et Ives en priorité, Del Tredici, Gershwin, désormais historiques et on conseille de (re)voir, en DVD,
Rorem, Schuman. Pour sa propre musique, sauf West Side Story, les répétitions durant lesquelles le chef déploie une énergie à
Dybbuk et Songfest, comme pour Mendelssohn et Stravinsky, soulever les montagnes pour convaincre un Orchestre philhar-
il préfère l’Orchestre philharmonique d’Israël. Ses interprétations monique de Vienne sceptique et médusé. La vidéo, documen-
n’ont pas le même mordant, ni la même flamme que leurs pré- taire comme captation de concert, permet d’ailleurs d’appro-
cédents new-yorkais ; il cherche manifestement autre chose. cher au plus près le génie d’un musicien complet, acteur-né,
L’Américain se rapproche de plus en plus de l’Europe de ses séducteur impénitent, néanmoins capable de colères, et amou-
racines et c’est à Vienne qu’il trouvera les réponses à ses questions reux insatiable. « I love music and people », déclare-t-il. Chaque
tant musicales qu’existentielles : Vienne, la ville où Mozart, note, chaque image, en témoignent. X Philippe Venturini
Haydn, Beethoven et Brahms ont connu la gloire mais, surtout,
la ville de « son » Mahler, le compositeur-chef d’orchestre auquel £ « Leonard Bernstein, Complete Recordings on Deutsche Grammophon
il s’identifie. Aussi peut-on déceler dans le Bernstein dernière & Decca ». Deutsche Grammophon 479 8418 (121 CD + 36 DVD + 1 Blu-ray
manière, celui des années 1980, une volonté d’aller de l’autre audio). 1944-1990. CHOC
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Marie-Pierre Langlamet, de l’Or- juger le grand écart stylistique qui ELLEN
chestre philharmonique de Berlin. les sépare en passant de l’aboutis-
Reste que le Concerto n°12, le plus sementsymphonique(post)roman-
joué de la trilogie, se prête mieux à tique à la modernité orchestrale, de
la beauté sonore euphonique aux
séquelles psychologiques causées
HMM 902450.52
par le grand conflit mondial.
L’Orchestre symphonique de Seat-
tle, tonifié par le Danois Dausgaard, 3 CD
s’impose séance tenante par l’unité
de ses pupitres, la beauté de ses JOHANN SEBASTIAN BACH
timbres, sa maîtrise rythmique INTÉGRALE DE L’ŒUVRE POUR CLAVIER
et son engagement expressif. La
mise en place et le développement
VOL. 1 - LE JEUNE HÉRITIER
de l’Allegro espansivo (Symphonie La jeunesse de Bach a été un vaste champ d’observation.
n°3) magnifient cette valse irré- Depuis les années d’apprentissage à Ohrdruf où sa sensibilité
artistique précoce se manifeste de façon éclatante, jusqu’au
sistible. Les autres mouvements premier grand poste d’organiste à Arnstadt, Bach n’a cessé
rapides (Allegro un poco et finale) d’enrichir sa culture musicale, porté par une puissante
ce genre de traitement que le n°13, sont du meilleur Nielsen tandis tradition familiale, animé par le respect iconique des
dont l’original est avec trompettes que l’Andante pastorale enrichi des maîtres anciens, des affinités décisives et une curiosité
constamment en éveil… En prélude à une intégrale
et timbales, Quant au Concerto mélismes d’une soprano et d’un d’un nouveau genre, il fallait l’éloquence et l’intelligence
n°10, pour deux pianos, tradition- ténor nous conduit vers une rêve- vigilante du jeu de l’excellent Benjamin Alard pour révéler
nellement daté de janvier 1779 rie éthérée, un rien mélancolique. la maîtrise technique des premières œuvres pour clavier
de Bach et traduire l’essence même du discours musical
mais sans doute antérieur de deux Dansla Symphonien°4,toutchange, d’un jeune compositeur qui se mesure déjà à l’aune de
ans, et dont la version quatuor est un monde nouveau se dessine où ses prédécesseurs comme de ses contemporains.
due non à Mozart mais à Sylvain résonne un Poco adagio quasi
Blassel, il ne s’en tire vraiment pas andante plein d’humanité et de
mal. Marie-Pierre Langlamet y est chaude passion. À suivre.
secondéeparson élèvelajeune har- Jean-Luc Caron
piste américaine Joan Rafaelle Kim. harmoniamundi.com
Marc Vignal
ALFRED FRANZ
SCHNITTKE
(1934-1998)
SCHUBERT
(1797-1828)
+++++ +
Requiem. Symphonie n°9 « La Grande »
Trois Hymnes sacrés Brandenburger Symphoniker,
Katarzyna Oles-Blacha, Monika dir. Peter Gülke
Korybalska, Agnieszka Kuk MDG SCENE 901 2053 6. 2017. 1 h 01
(soprano), Olga Maroszek (alto),
Dominik Sutowicz (tenor), Kapellmeister discret né en 1934
Chœur de la Faculté de musique à Weimar, Peter Gülke est connu
de l’Université de Rzeszów, des discophiles pour avoir proposé
ERIK Ensemble instrumental de FRANZ ses propres arrangements orches-
l’Orchestre philharmonique traux d’esquisses de symphonies
SATIE
(1866-1925)
Artur Malawski de Rzeszów,
dir. Bozena Stasiowska-Chorbak
SCHUBERT
(1797-1828)
abandonnées de Schubert avec
la Staatskapelle de Dresde (Berlin
++++ DUX 1407. 2017. 46’ ++++ Classics, 1979). Ce qui n’en fait
Le Fils des étoiles. Quintette « La Truite ». pas un grand schubertien a priori,
Fête donnée par des chevaliers Quel chef-d’œuvre que ce Requiem Fantaisie D. 934 surtout dans cet enregistrement
normands en l’honneur d’Alfred Schnittke ! Le compo- Guillaume Chilemme (violon), peu inspiré de la Symphonie n°9, à
d’une jeune demoiselle siteur russe réussit l’exploit de Nathanaël Gouin (piano), laquelle les Allemands attribuent
Nicolas Horvath (piano) joindre l’éclectisme des références Marie Chilemme (alto), depuis des années le numéro 8,
Grandpiano GP762. 2014. 1 h 17 à l’homogénéité des moyens mis Astrid Siranossian (violoncelle), l’idée qu’une n° 7 eût existé, la
en œuvre – c’est là sa patte, son Émilie Legrand (contrebasse) fameuse symphonie perdue de
Composé par Satie en 1891 pour fameux « polystylisme ». Ainsi du Évidence Classics EVCD046. Gmunden-Gastein qui est en fait
faire office de musique de scène Credo qui fait appel à un effectif 2017. 1 h 03 « La Grande » elle-même) ayant
d’un drame antique de Péladan, Le « rock » (guitares électriques et fait long feu outre-Rhin. Un chef
Fils des étoiles ne fut jamais donné percussions) parfaitement inté- Ce quintette d’artistes parvient aux idées courtes, dont la battue
intégralement, seuls ses préludes gré. Le matériau thématique puise dès les premières mesures de « La s’affaisse régulièrement, sans
furent joués par le compositeur aux sources de diverses traditions Truite » à recouvrer ce qui est le l’once d’une majesté dans le por-
au piano en mars 1892 à la galerie religieuses (chant grégorien, litur- plus difficile, l’esprit des fameuses tique initial aux cors, dont le ton de
Durand-Ruel. Musique étonnante, gie orthodoxe…), l’écriture se veut schubertiades. Tout ici y concourt: fête populaire hors sujet dans les
une des plus longues du corpus de simpleetlisibledeboutenbout–on une sonorité jamais épaisse et tou- éclats du mouvement lent précède
Satie, cette pièce expérimentale n’ose écrire « claire », tant l’œuvre jours éminemment chambriste : un
qu’il conçut à vingt-six ans fait par- se présente comme une palette de magnifique équilibre instrumental,
tie de sa période religieuse, dans noirsetdegris,uneplongéedansles sans lutte intestine mais où le col-
laquelle il mêle allègrement provo- abysses de la souffrance humaine. lectif l’emporte toujours sur les
cation pré-dadaïste et audace for- Le chœur chuchote ou martèle individualités. La contrebasse se
melle. Avant-gardiste visionnaire, les paroles en latin, les solistes fond à merveille tout en affirmant
Satie élabore une pièce imperson- entremêlent leurs déplorations à sa couleur, quant au piano, il se
nellefaitedejuxtapositiondecourts un ensemble instrumental discret, montre volontiers partageur. Tous
motifs agencés en mosaïque, avec tandis qu’une note obsessionnelle les musiciens font montre d’une
une structure qui frise parfois le ponctue le Tuba Mirum comme un même volonté de servir l’œuvre
dodécaphonisme avant l’heure. glas. Œuvre dramatique, qui refuse avec beaucoup de simplicité voire
Nicolas Horvath s’appuie sur la nou- à l’auditeur la clarté d’un Luxæterna de pudeur. En résulte une interpré-
velle édition révisée du maître d’Ar- conclusif : la messe funèbre de Sch- tation très classique qui ne cherche
cueil, réalisée par Robert Orledge nittke s’achève comme elle a com- pas l’originalité à tout prix mais
éminent satiste. Il respecte ainsi mencé, sur les paroles du Requiem magnifie l’écriture polyphonique un Scherzo qui gratouille pénible-
les silences indiqués dans la par- æternam. Les Trois Hymnes sacrés, par ses dialogues permanents ment ses croches. Et un orchestre
tition entre les différents motifs, plus sereins et contemplatifs, et son souci du détail. On entend aux timbres plus courts encore
ce que ne faisaient pas les précé- concluent ce très beau disque. ainsi la partition telle qu’elle est : (Brandenburger Symphoniker sans
dents interprètes de cette pièce Sarah Léon une œuvre de chambre préroman- reliefniéclat,trombonesneurasthé-
si singulière. Face à la fascinante tique, magnifiquement servie par niques, trompettes prosaïques,
version du Fils des étoiles interpré- des musiciens heureux de jouer cordes malingres) desservent cette
tée par Alexei Lubimov, Horvath ensemble. exécution laborieuse, aussi plate
joue sur d’autres tableaux : clarté D’abord bien sage, la Fantaisie que le Brandebourg lui-même. La
des motifs, limpidité distanciée se libère progressivement : tout philosophie de MDG, qui cherche
et une sonorité chaude et boisée, comme le pianiste se détend au à donner l’image sonore la moins
celle d’un piano Erard 1881 ayant fur et à mesure, le jeu élégant (très retouchée possible des artistes
appartenu à Cosima Wagner. En beau vibrato) et intelligent du violo- qu’elle enregistre, n’est dans le cas
supplément vient une Fête donnée niste s’anime définitivement dans précis pas flatteuse pour les forces
par des chevaliers normands en les variations de l’Andantino, mon- en présence. À noter enfin que c’est
l’honneur d’une jeune demoiselle, trant alors une belle vélocité et des le chef d’orchestre lui-même qui
réjouissante bizarrerie qui martèle sonorités variées, sans toutefois signe un intéressant texte de pré-
des cadences répétitives animées retrouverlefeudeFaustetMelnikov sentation, traduit en français, en
de mouvements contraires. (Harmonia Mundi, 2004). faveur de l’observance de toutes
Romaric Gergorin Antoine Mignon les reprises, scrupuleusement res-
pectées. Yannick Millon
+son CD
pour s’exercer
FRANZ IGOR
SCHUBERT
(1797-1828)
STRAVINSKY
(1882-1971)
++++ +
« Notturno » Le Sacre du printemps
Trios avec piano. Notturno. Orchestre de la Philharmonie de
Sonatensatz l’Elbe, dir. Krzysztof Urbanski
Trio Élégiaque Alpha 292 (CD + Blu-ray).
Academy AP1752 (2 CD). 2016. 1 h 50 2016 2017. 36
PIANISTES
DES ANTIPODES
Le style pur de la son Mozart tenu, élégant sans afféterie,
chanté dans les timbres,très attentif à l’exac-
Tasmanienne Eileen titudedestextes,resteunmodèle.Cettepureté
Joyce et le génie virtuose des intentions sauve les romantiques de
toute sentimentalité, « Pathétique » de Bee-
du Chilien Claudio Arrau, thoven à l’architecture impeccable,Brahms le pianiste se rappelle encore ses années de
chacun dans un coffret. éloquents sans appuyer, Concertos n°2 de virtuose.Pivot du concert,une Fantaisie de
Rachmaninov et de Tchaïkovski antisenti- Schumann déclamée. Le jeu est autrement
mentaux, les Papillons de Schumann expo- serré, dru de son, intense de propos, pour
sent le contrôle de son jeu à dix doigts où le concert monographique dévolu à Chopin
ée en Tasmanie, Eileen chaque polyphonie chante, merveille !, dont le clavier est revisité, joué à pleins
N
Joyce (1908-1991) fut Chopin, Liszt, Grieg sonnent vifs, précis et registres, comme orchestré à force de cou-
remarquée par Percy carrément aussi modernes que Debussy leurs pleines et de phrasés immenses, si
Grainger, conviée par ou Rachmaninov. La rectitude des ryth- conscient de la forme – la Sonate n°3 ! –
Wilhelm Backhaus à mes,l’allégement des timbres comme de l’écriture polyphonique : son
Leipzig pour parfaire son irriguent tout le répertoire de Chopin ne ressemblait
art,puis débarquée à Londres àla suggestion virtuosité, l’exhaussant vers alors à aucun autre,écou-
de Myra Hess qui la confie àAdelina de Lara la musique pure.Les enregis- tez ses Préludes quasi abs-
et à Tobias Matthay pour recueillir l’héritage trements des années 1940 traits.La triade du concert
de Schumann et de Brahms, quel pedigree forment son âge d’or. La de 1960 (Beethoven,
pour une jeune fille des antipodes! Les dis- coda est plus triste, les Brahms, Schumann)
ques vinrent tôt illustrer son piano flam- disques Saga la montrent deviendra l’habitude au
boyant et, en ses débuts un rien fantasques, encoreenpossessiondeson cours de ces années: Arrau
la gravure directe sur 78-tours capturant les art, mais trahie par des se recentre sur l’essentiel de
timbres si formés de son jeu, la vivacité de pianos et des micros peu son répertoire, et ce faisant,
ses couleurs, son clavier très alerte, mobile, amènes. Édition amou- approfondit encore sa
qui la feront comparer à Teresa Carreño. reuse, réalisée d’après les science de l’instrument : le
Une légende dès ses vingt ans, illustrée par meilleures sources,texte documenté,icono- rare Rondo en sol surprend par l’ampleur
des albums brillants de pièces brèves faites graphieabondante,un vrai« labour of love ». de sa dramaturgie, pensé comme un pré-
franco, avec panache. On sait la suite, un lude à l’Opus 101, le Carnaval emporte dans
Concerto n°3 de Prokofiev (pas enregistré, DANS LES CIMES son tourbillon assez noir plus que ne le
hélas) joué à l’admiration du compositeur Claudio Arrau (1903-1991) venait, lui, du feront les gravures de studio, mais ce sont
– aucune femme ne l’osait alors –,les succès Chili et n’a pas été oublié. Decca annonce les Variations Haendel qui subjuguent: les
mondiaux,le cinéma qui s’en mêle (la soliste un coffret de 80 CD et SWR présente ces détails expressifs de l’Aria, la Fugue exaltée,
duConcerton°2deRachmaninovdansBrève trois récitals captés par la radio de Stuttgart la profusion harmonique des variations,
rencontre de David Lean,c’est elle),une pré- alors que l’artiste est à son absolu sommet. leur variété de climats entre narrations et
sence en scène magnétique, que relevait En 1954,le programme dit tout,commencé paysages, disent tout de ce génie. X
encore une garde-robe flamboyante. par le Rondo en ré mineur de Mozart et Jean-Charles Hofelé
Le personnage aura trop éclipsé la pianiste, refermé par le Rondo capriccioso de Men-
ce que corrige le vaste panorama rassem- delssohn: pas moins de huit compositeurs. £ «Eileen Joyce,The Complete Studio
blant en dix disques ses enregistrements de Le style brillant, le geste extraverti qui Recordings». Decca Eloquence (10 CD),
studio. Première surprise, la pureté du style brosse d’un geste Alborada, sculpte dans la 1933-1960. 12h42. CHOC
et l’absolue simplicité des conceptions, que profondeur du clavier Pour le piano ou £ «Claudio Arrau, Recitals 1954, 1960 et 1963».
ce soit chez les romantiques ou les classiques: exalte Meine Freuden (Liszt) prouvent que SWR Music SWR19054CD (5 CD). 5h01. CHOC
GIUSEPPE RICHARD
VERDI
(1813-1901)
WAGNER
(1813-1883)
++ +++
Rigoletto Airs des Maîtres-chanteurs,
Dmitri Hvorostovski (Rigoletto), du Vaisseau fantôme, de
Nadine Sierra (Gilda), Francesco Tannhäuser, Parsifal, Siegfried,
Demuro (Le duc), Andrea Mastroni L’Or du Rhin et La Walkyrie
(Sparafucile), Oksana Volkova Michael Volle (baryton), Orchestre
(Maddalena), Chœur de l’Opéra symphonique de la Radio de Berlin,
et Orchestre symphonique de dir. Georg Fritzsch
Kaunas, dir. Constantine Orbelian Orfeo C 904 171 A . 2017. 1h01
Delos DE 3522 (2 CD). 2016. 2h18 ANTONIO CHARLES-MARIE
Michael Volle s‘est imposé au-
Ce sera donc le dernier enregis-
trement de Hvorostovski, et hélas
VIVALDI
(1678-1741)
devant de la scène wagnérienne un
peu par défaut. Faute d’une voix de
WIDOR
(1844-1937)
pas le meilleur. Réalisé alors qu’il ++++ grand ambitus, aux couleurs ensor- ++++
se battait déjà contre le cancer qui Gloria. Nisi Dominus. celantes, aux graves sidérants, son Bach’s Memento. Suite Latine.
l’a emporté, il témoigne d’un chant Nulla in Mundo Pax Sincera dond’acteur,sontimbreclair,sonart Trois nouvelles pièces
aux limites inconnues auparavant Julia Lezhneva (soprano), Franco de dire le destinent plutôt à Mozart Denis Tchorek (orgue)
(grisaille du ton, aigus tendus, Fagioli (contre-ténor), Chœur (Papageno) hier ou chez Wagner Hortus 148. 2017. 1 h 19
souffle qui s’épuise) où l’incertitude de Ia Radio-Télévision suisse, à Wolfram (ici fort distingué) ou à
devientlarègle.Etd’uneincarnation I Barocchisti, dir. Diego Fasolis Beckmesser (il y fut magistral à Encore un de ces beaux disques
appuyée comme pour compenser, Decca 483 3874. 2017. 59’ Bayreuth) plutôt qu’à Wotan. Ce dont les éditions Hortus ont le
qu’on dirait sommaire n’étaient les récital l’expose clairement. Ce qui secret : les dernières œuvres
conditions de ce combat qui parfois Seul duo du disque, le Laudamus passe à la scène par la sympathie du grand compositeur et légen-
emporte l’instant en une victoire Te du Gloria confirme, s’il en était et l’engagement personnel du daire organiste de Saint-Sulpice
inattendue, si apte à susciter le besoin, la personnalité vocale chanteur est disséqué par le micro. Charles-Marie Widor, menées
souvenir des soirs somptueux de écrasante de nos deux solistes, au La harangue finale de Sachs qui avec souplesse et profondeur par
point que les timbres ne fusionnent l’ouvre - curieuse idée - montre une Denis Tchorek sur le célèbre orgue
jamais : à Franco Fagioli le galbe des voix pâle, à la recherche du ton et Mutin-Cavaillé-Coll (1922) de la
phrasés, le mezzo charnu (et ses de l’appui nécessaire. Le Hollan- collégiale Saint-Pierre de Douai.
raucités corollaires), une faculté dais dépasse en ampleur ses possi- Loin des débauches de verve et
à évoluer sur la ligne de crête qui bilités de noirceur, de vertige pour de virtuosité si souvent associées
sépare le bon du mauvais goût ses imprécations, que surligne un à Widor, les pages qui nous sont
et, plus inquiétant, un vibrato un vibrato trop présent dans l’effort. présentées, toutes en intériorité,
peu envahissant par rapport au Mêmes tensions entre timbre trop le plus souvent en demi-teinte,
précédent album Haendel, notam- peu marquant, souffle qui semble constituent l’ultime pèlerinage spi-
ment dans le « Cum dederit » du se dérober, couleurs qui se perdent rituel du maître entré dans l’hiver
Nisi Dominus où nous manque la dans la nasalité quand Amfortas de sa vie. Avec un dépouillement
fragilité contrôlée de Carlos Mena passe de la plainte aux supplica- certain, Widor se laisse porter à
(Mirare). À Julia Lezhneva la plas- tions. Sachs revient avec ses deux la libre appropriation de certaines
ce timbre et de ce legato magiques. ticité confondante de la ligne, la monologues, un rien traînants, des œuvres les plus célèbres du
Lui est historique. L’environnement franchise de l’émission qui conjure mais délicats, qui ne sollicitent pas grand « Jean Sébastien » Bach
ne l’est pas : on a l’impression d’en- toutpathosdansNullainMundoPax. l’instrument hors ses possibilités (Bach’s Memento), à l’interpréta-
tendre un de ces soirs de province Auxdeuxlatechniqueéblouissante, réelles, comme la partie centrale tion personnelle des textes de la
auquel on pardonne beaucoup la sensualité des vocalises sans les- desAdieuxdeWotan,quiparailleurs liturgie romaine (Suite Latine) ainsi
quandils’agitdetémoignagesrares, quelles l’ambiguïté profane-sacré fontregretterlesgrandsanciens,ou qu’à des méditations aussi roman-
mais qui, pour une œuvreaussi bien dont Vivaldi est coutumier ne trou- Terfel, Pape, ou Goerne même. tiques qu’archaïques pour les très
fréquentée par le disque, ne saurait blerait pas l’auditeur… même le Programme trop éclaté de plus, motoriques années 1930 (Trois
suffire : certes Nadine Sierra est un plus dévot. Mais c’est surtout sur la mais accompagnement très vivant, nouvelles pièces). Ces œuvres,
très joli rossignol, mais sans enver- direction de Diego Fasolis qu’il faut parfoismêmesurprenant,deGeorg très personnelles, magnifiées par
gure, sans prise en compte du des- insister. Une direction de coloriste. Fritzsch,etdefaitseulaiguillondece les timbres enveloppants et gras,
tin de Gilda. Le duc de Francesco On aurait tort de se focaliser sur la portrait en Wagner honorable, mais mais néanmoins précis, de l’orgue
Demuro est beau lui aussi, léger vigueur martiale du début du Glo- sous-dimensionné. Pierre Flinois de Douai, sont des témoignages
mais pas exceptionnel. Mastrosi, ria, au demeurant bien éloignée du précieux de la relation des com-
Volkova, et les seconds plans s’ou- métronome débridé d’Alessandrini positeurs du XIXe siècle aux maîtres
blienttrèsvite.EtConstantineOrbe- (Naïve), tant la suite réserve son lot anciens. Elles nous rappellent que
lian, qui offre une étonnante lecture de merveilles : effets d’échos entre leur révérence pour leurs illustres
au premier degré, sans y ajouter les pupitres, travail d’orfèvre sur prédécesseurs, particulièrement
quoiquecesoitdepersonnel,vogue les mixtures de timbres, phrasés Bach, loin de s’ankyloser dans l’ob-
entredétailsetmomentsbientenus, modulésavecdilection.Leparcours servance scrupuleuse d’un texte
et alanguissements dévastateurs. harmonique du « Propter magnum lointain, était avant tout filiale et
Pour pleurer le souvenir d’un des gloriam » (équilibre parfait entre presque sentimentale. Abordons
grands du chant d’hier, oui. Pour chœur et instruments) et du « Cum donc ces pages en gardant à l’esprit
Rigoletto, pas vraiment. dederit » (la pédale du sol grave) est l’aphorisme lisztien : « la lettre tue
Pierre Flinois conduitparungestededémiurge.À mais l’esprit vivifie ».
classer à Fasolis. Jérémie Bigorie Aurore Leger
CAVÉ
(piano)
dante. Mais tout cela est-il pertinent
danslesœuvresdecedisque?Dans
l’arrangement du Caprice de Paga-
+++++ nini, oui : la démonstration, le jeu
Beethoven : Sonates nos 1, 2 sensationnel fait partie du projet.
et 6. Haydn : Sonates DansGrieg:pasvraiment.Certes,la
Hob. XVI:32 et XVI:48 saltarelle se montre étourdissante.
Alpha 385. 2017. 1 h 15 Certes, la modernité d’écriture du
jeune Grieg, et notamment les rup-
Le pianiste suisse met intelligem- tures du discours, secoue l’auditeur
mentenmiroirdessonatesdujeune de 2018. Certes, on ne s’ennuie pas
Beethoven et de Haydn comme une seconde mais l’incapacité du
Claire-Marie Le Guay comparant quatuor à véritablement chanter
jadis avec finesse le clavier de les mélodies — les larmes sèches
Haydn et celui de Mozart (Accord). delacodadupremiermouvement…
Ce disciple d’Aldo Ciccolini, Nelson —ainsiqu’àdévelopperdespalettes
Goerner et Maria Tipo sait tisser fines de nuances et de couleurs
les liens qui unissent les deux travestit l’écriture du compositeur,
compositeurs tout en inscrivant la qu’on peine parfois à reconnaître
dialectique beethovénienne dans ainsi traité. Quant à Mendelssohn, la
une démarche à la fois d’héritier
et d’insoumis qui, loin des cadres
formels, jette avec virtuosité des
fusées à la face du public viennois.
On passe ainsi sans rupture du lan-
gage classique des deux Sonates
Hob.XVI:32et48deHaydnauxélans
volontaires des Sonates nos 1, 2 et 6
de Beethoven.
La lecture brillante, le lyrisme
contrôlé chez Haydn (Andante con
espressionede la Sonate48), la sub-
tilitédesgradationspourBeethoven
(Largo appassionato de la Sonate
n°2) portent la marque d’un soliste réponseestclairementnon:leurjeu
doté d’un sens aigu de l’équilibre expressionniste en noir et blanc vire
et toujours soucieux de l’architec- à la caricature. Les mélodies sont
ture, alliant des tempos allants à bousculées, le discours segmenté,
une rhétorique savamment dosée. rendantl’écritureincompréhensible
Au détour d’une phrase, voire d’un à maints endroits. Surtout, le qua-
mouvement, se dessinent des tuor se montre incapable d’expri-
regards croisés entre le maître et mer une quelconque émotion cré-
l’élève (l’humour de l’Allegro initial dible dans les moments tragiques
de la Sonate n°6 de Beethoven et et profonds, comme désœuvré
le Presto final de la Sonate 32 de car n’ayant pas à gesticuler. Alors,
Haydn) avec une manière com- pourquoi ce choix, et ce gâchis ?
mune d’interroger le discours. Un Les œuvres possiblement plus en
CD inventif et enregistré avec beau- adéquation avec leurs qualités ne
coup de présence. manquent pourtant pas…
Michel Le Naour Antoine Mignon
indesens.fr calliope-records.com
DE PHILIPPE
VENTURINI
ABONDANCE DE
BIENS NE NUIT PAS
ela fait des années que le CD est jugé dépassé,ringardisé Bach, Mozart, Beethoven, Debussy. D’autres se spécialisent dans
I
ans,le 1er octobre 1958, Quintessence. Frémeaux FA 3069, Composé d’un tube,d’un saxo- dier,dont voici le second album,
l’Olympia accueillait Socadisc.CHOC) phone alto (parfois remplacé est aussi talentueux que discret.
sur scène une brochette Le Duke Orchestra de Laurent par une clarinette), d’une gui- Auteur des douze belles compo-
prestigieuse de jazz- Mignard fait revivre la comédie tare électrique et d’une batterie, sitions du disque,il livre de déli-
men américains: le trio musicale Mary Poppins à le Quatuor Sébastien Texier & cats soli en compagnie d’un
du pianiste Phineas Newborn laquelle Duke Ellington avait Christophe Marguet fait preuve orgue Hammond, d’une batte-
avec Oscar Pettiford et Kenny dédié un album en 1964. C’est d’originalité, non seulement rie et d’un vibraphone, faisant
Clarke puis,avec la même ryth- la délicieuse Sophie Kaufmann dans l’instrumentation, mais ainsi naître tout un monde très
mique, le saxophoniste Lee qui interprète les chansons également dans le répertoire aérien, aux sonorités raffinées.
Konitz, suivi des trombonistes arrangées de façon nouvelle où des compositions person- (Jean-Philippe Bordier Trio, Hipster’s
Jay Jay Johnson et KaiWinding. (« Chim Chim Cheree » nelles soignées dessinent un Alley. Black & Blue 859 2, Socadisc.
Sous l’appellation de « Jazz from devient « Chem Cheminée »), univers semblable à nul autre. ++++) X
Carnegie Hall », tout un aréo-
page de brillants solistes qui
enflamme la salle parisienne où LA DISCOTHÈQUE IDÉALE 87
de chanceux spectateurs se
voient offrir un récital de
légende dont aujourd’hui la Jimmy Smith
précieuse restitution sonore
constitue un pur miracle. (Jazz Groovin’ at Smalls’ Paradise
from Carnegie Hall. Frémeaux Un disque Blue Note paru en 1958.
FA 5721, Socadisc. CHOC) Au-delà d’un monument de swing, le trio du jazzman élabore
Le saxophoniste belge Bobby une formule et un langage qui deviendront un modèle du genre.
Jaspar, mort trop tôt à trente-
sept ans, se voit consacrer une Présent dans certains foyers américains où il sert surtout
anthologie en trois CD rendant à la liturgie familiale ou de voisinage, employé occasionnellement
justice à son talent d’improvisa- avant la Seconde Guerre mondiale, entre autres par Fats Waller
teur qui séduisit les plus grands, et Count Basie, l’orgue Hammond naît comme instrument
tels Miles Davis, Milt Jackson, soliste de jazz au début des années 1950 avec Wild Bill Davis, Milt Buckner et Jimmy Smith.
ChetBakeretbeaucoupd’autres. C’est ce dernier qui le popularise, ici enregistré au club Small’s Paradise de New York, à Harlem,
Rassemblant ses faces essen- sur la 7e Avenue, en trio avec le guitariste Eddie McFadden et le batteur Donald Bailey. Les organistes
tielles captées en France et aux qui suivront adopteront cette formule instrumentale et ne manqueront pas de s’inspirer du langage
États-Unis, cette rétrospective, alors créé par Jimmy Smith, qui deviendra l’étalon du genre. Cette captation devant un public conquis
judicieusement organisée par (l’orgue Hammond dans un petit espace fait vibrer tout le corps de l’auditeur) est représentative
Alain Tercinet, permet de réé- de la période Blue Note de Jimmy Smith, bien que, contrairement à la plupart de ses autres albums
couter une des plus grandes de la même époque, le blues n’y soit pas prédominant. Par accident finalement bienheureux,
voix de la fin des années 1950 et le système de percussion de l’orgue ne fonctionnant pas ou étant désactivé, le son de son instrument
une personnalité musicale est plus fluide, ce dont il tire parti avec brio : le solo ébouriffant de près de cinq minutes sur Indiana
injustement oubliée, mais très en donne une idée impressionnante. On découvre là Jimmy Smith dans ses grandes œuvres.
Commentremplacerl’iconiquepro-
RIMSKI- Pelly joue de ses acteurs avec la
virtuosité de la dérision. Ainsi por-
ductionde Strehler?ÀMilan, Frede-
ric Wake-Walker lui rend hommage
KORSAKOV
(1844-1908)
tés à se surpasser, le Tsar balourd,
mais manquant un peu de noirceur
enjouantuneformedeméta-théâtre, Le Coq d’or et de profondeur de Pavlo Hunka,
respectueux autant qu’irrévéren- Pavlo Hunka (le Tsar Dodon), le formidable Astrologue d’Alexan-
cieux. Mais là où le charme de l’Ita- Alexey Dolgov (Le Prince der Kravets, débordant d’aigus,
lien passait, seul le jeu implacable Gvidon), Konstantin Shushakov l’opulente Amelfa d’Agnes Zwierko,
de la machine Da Ponte ressort ici (le Prince Afron), Alexander les deux princes bondissants et
en majesté. De poésie, de rêverie, Vassiliev (le Général Polkan), prétentieux d’Alexey Dolgov et de
rien ne passe la rampe. On reste Agnes Zwierko (Amelfa), Konstantin Shushakov, parfaits
partagé entre une direction au cor- Alexander Kravets (l’Astrologue), godelureaux vocaux, le Coq déli-
deau, aux détails pétillants de mobi- Venera Gimadieva (la Reine cieusement sonore de Sheva
lité, et des tics pour faire branché. de Shemakha), Sheva Tehoval/ Tehoval, invisible – c’est Sarah
Et, ici, les beaux décors d‘Antony Sarah Demarthe (le Coq d’or), Demarthe qui incarne sur scène
McDonald sont sans cohérence. Chœurs et Orchestre de La un gallinacé jaune d’or irrésis-
Welser-Möst dirige plutôt appuyé, Monnaie, dir. Alain Altinoglu, tible –, et enfin, la Reine de She-
l’orchestre prend son plaisir à cette mise en scène Laurent Pelly makha enchanteresse de Venera
battuedefaitassezlente.Leplateau Bel Air DVD BAC 147 BAC 447. Gimadieva, aussi ravissante de
s’ensort,lui,fortbien.Lerelatifman- 2016. 1 h 58 physique que de voix, rendant
quedegravedubeauFigarodeWerba son fameux et virtuose « Hymne
estsaseulefaiblesse.JolieSusanne Diable de Laurent Pelly. Alors qu’on au soleil » telles les plus grandes,
deSchultz,quiévoqueBarbaraHen- s’ennuyait ferme devant la capta- font une distribution de haut vol qui
dricks, superbe Comtesse de tion récente de la production cau- s’amuse autant qu’elle séduit.
Damrau,malgréundébutde«Porgi, tionnée par Valery Gergiev au Coup de chance, ce Coq d’or est
amor » scabreux, Comte d’Álvarez Théâtre du Mariinsky (voir Classica aussi l’acte fondateur d’une autre
somptueux et Crebassa formidable n°194), voici que son Coq d’Or rencontre réussie, celle d‘Alain Alti-
engarnementturbulentplusqu’ado- bruxellois paraît en vidéo pour noglu,entantquenouveaudirecteur
lescent amoureux. Et un Spicer nous faire retrouver un réel plaisir musical,avecl’OrchestredeLaMon-
d’exceptionenBasileetCurzio.Vidéo- à ce brûlot prémonitoire et toujours naie, choix heureux s’il en est. Si
graphie inchangée. Pierre Flinois actuel, où Rimski osait la critique la phalange n’a pas la superbe
implicite d’un régime tsariste à des forces russes, elle ne manque
l’agonie. L’absurde, qui règne dans ici ni de piquant, ni de volupté, et
son ultime opus lyrique, aussi cruel rend parfaitement les mélismes et
et caustique qu’amusant, semble la rutilance de la partition, sans rien
fait pour l’humour toujours délicat, perdre du ton narquois requis, ni
LES NOTES maisravageurdumetteurenscène: de l’esprit toujours russe de cette
DE CLASSICA rencontre heureuse. Car, avec lui, musique.Deplus,lacaptationaudio
Coup de cœur les princes déjantés, les boyards améliore franchement l’ambitus
+++++ ridicules, les camionneuses sovié- de l’orchestre que l’acoustique du
Excellent tiques callipyges et tout ce peuple palais de la Monnaie, lieu transitoire
++++ asservi jusque dans son mental et, dont on ne gardera pas un souvenir
Bon finalement, dévasté ne sont pas là ébloui, laminait quelque peu.
+++ pourassénerlourdementlesleçons Bref, c’est un enchantement, noir
Moyen del‘Histoire,maispourservirlapoé- mais irrésistible, et la référence
++ sie quasi onirique et pourtant si désormais en vidéo, la captation
Décevant
+
provocante d’un propos fidèle au du joli spectacle japonisant signé
Inutile conte qui, de Perrault à Pouchkine, Takashima et Nagano au Châtelet
+ nous dit toujours et encore de de 2002 ne pouvant lui non plus
sombres vérités. tenir la comparaison. P. F.
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USB, soit par Bluetooth. Dans Plus de 2 000 u pour un appa- équilibre tonal exemplaire,
Pour: le naturel, l’évidence son boîtier en aluminium, reil portable peut sembler privé de toute coloration mais
Contre : le prix ? il enferme un circuit de conver- totalement déraisonnable. pas de couleurs, assure une
sion maison capable de traiter Ça l’est. Mais le Chord n’a rien transmission la plus neutre,
Timbres: ++++ des signaux codés en 32 bits/ d’un modèle gros comme une c’est-à-dire la plus objective,
Transparence: ++++ 768 kHz et en DSD 512 (plus clé USB qu’on glisse dans sa du message, afin d’approcher
Restitution spatiale: ++++ de cinq cents fois la résolution poche: il peut aussi bien fonc- au plus près les intentions
Finition: ++++ du CD). Des diodes de couleur tionner en usage mobile avec des musiciens et de s’aban-
Rapport qualité/prix: +++ renseignent sur la nature du un casque qu’en mode domes- donner à la contemplation.
signal écouté, mais également tique avec une chaîne hi-fi de Quand on s’appelle Hugo… X
RHA DACAMP L1
L’ e n t r e p r i s e (sortie mini-jack ou mini- son, à faire tonner les basses,
écossaise RHA XLR) ou une chaîne hi-fi via briller les aigus ou ronronner Prix: 399,95 u
Technologies la sortie ligne (mini-jack). le médium. Pas de sourire Entrées numériques :
Limited est spé- Le RHA accepte les signaux en enjôleur ni de sucre ajouté : 1 optique, 1 USB
cialisée dans les produits audio 32 bits/384 kHz et en DSD 256 c’est garanti sans colorant. Dimensions (L x H x P) :
nomades de qualité. Elle pro- (11 et 28 MHz). La batterie Aussi quand la prise de son est 11,8 x 2 x 7,3 cm
pose ainsi des écouteurs assure une utilisation nomade un peu métallique, il y a fort à Poids: 233 g
intra-auriculaires, avec ou et possède une autonomie de parier que les tympans soient Finition: noire
sans fil (Bluetooth), logés dans dix heures, selon le fabricant. agacés par quelques piqûres Origine: Royaume-Uni
des coques en acier ou en d’aiguille. De même, si le grave Distribution: Sound & Colors
céramique, et le présent Écoute traîne, il ne sera pas ramassé. – GT Audio
Dacamp L1. De fabrication Voilà un modèle qui devrait Mais quand le travail est bien Tél.: 01 45 72 77 20
soignée et d’un design épuré, convaincre les mélomanes. fait, on se plaît parfaitement
cet appareil dispose d’un cir- Convaincre plutôt que séduire. à cerner l’acoustique du lieu, Pour: une écoute
cuit de conversion ESS Sabre Le Dacamp ne cherche à localiser chaque pupitre, très objective
par canal, de molettes de en effet jamais à à percevoir les différences de Contre : rien
réglage de volume, de gain et enjoliver le micros entre
de tonalité et d’entrées numé- les instru- Timbres: ++++
riques, USB ou optique. Il se ments et la Transparence: ++++
branche donc directement, via voix, à dis- Restitution spatiale: +++
un cordon USB, à un smart- tinguer les Finition: ++++
phone, à une tablette, superposi- Rapport qualité/prix: ++++
Android ou iOS, et à un tions de pistes.
ordinateur, PC ou Mac, Une exigence profes-
pour en récupérer le signal sionnelle et un prix d’ami.
numérique, le convertir et Une très belle réussite. X
l’acheminer vers un casque
LA MAISON DE LA HIFI
4, rue Matheron
13100 AIX-EN-PROVENCE
Tél : 04 42 26 25 37
www.lamaisondelahii.fr
HIFI 35
7, rue des Fossés
35000 RENNES
Tél : 02 23 20 54 23
www.hii35.com
L’AUDIOPHILE
33, avenue de Grammont
37000 TOURS
Tél : 02 47 05 61 19
www.hii-tours.com
www.soundandcolors.com
Tél : 01 45 72 77 20 - E-mail : info@soundandcolors.com
LA HI-FI I NOUVEAUTÉS
C
Cette enceinte compacte réu- des condensateurs à film ’est un disque épais de 7 cm
nit ainsi deux haut-parleurs polypropylène et des induc- qui, comme son nom l’indi-
de 10 cm de diamètre inspirés teurs à air laminés en acier, que,ademultiplesfonctions.
par son modèle phare, la Pla- et se connecte à un bornier Le Music Center d'Elipson com-
tinum PL500 II. Ceux-ci sont plaqué en rhodium. Monitor prendainsiunamplificateurstéréo-
protégés par un coffret en alu- Audio propose un pied spéci- phonique, un lecteur de CD (char-
minium moulé et s’appuient fique à 500 u la paire. X gement motorisé par une fente) et
sur le panneau arrière par une untunerFMRDSetDAB.Équipédu
tige métallique, de façon à Bluetoothapt-Xpourunetransmis-
assurer une rigidité maximale Prix: 1300 u la paire sion à distance depuis une tablette
à l’ensemble. Rendement: 86 dB ou un smartphone, cet appareil
Les haut-parleurs adoptent Dimensions (H x L x P): aligneaussi unebatteriede conne-
une structure composite en 34 x 15,7 x 36,1 cm xions, qui permettent d’ajouter un
sandwich dans laquelle se recouvertdecéramique.Lamem- Poids: NC caisson de grave, un amplificateur
glisse un matériau en nid brane arrière, elle, emploie Origine: Royaume-Uni depuissancesupplémentaire(sor-
d’abeille. La membrane avant la fibre de carbone tissé. Entre Distribution: PPL tie préamplificateur), un casque,
est composée d’alliage d’alu- ces deux transducteurs s’ins- Tél.: 0450170049 unecléUSB(fichierMP3ouautres),
minium et de magnésium talle un tweeter à membrane deux entrées analogiques par
prises RCA (serveur multimédia,
téléviseur),unetroisièmeparmini-
fiche jack (baladeur), une entrée
S musiquedepuisunsmart-
phone est devenue la
règle, elle doit cependant com-
sortie casque de 3,5 mm de
diamètre, mais également
d’une prise jack classique de
d’écoute. Le baladeur sup-
porte les fichiers codés en DSD
jusqu’à 5,6 MHz, en MQA
de la musique en streaming. Et
c’estavecunetélécommande,très
bien conçue, que l’on peut piloter
poser avec les limites techno- 2,5 mm à quatre pôles : elle (MasterQualityAuthenticated), cette centrale à musique. X
logiques de l’appareil. Les propose deux modes de resti- et en 32 bits/192 kHz. Sa capa-
amateurs de haute-fidélité, tution, BTL (privilégiant la cité de stockage de 16 Go peut
possesseurs d’un casque de puissance de sortie) et ACG être étendue grâce à deux cartes Prix: 999 u
qualité, peuvent espérer fran- (contrôle de gain automatique micro SD de 256 Go chacune. Puissance: 2 x 120 W/
chir le mur du son. Existent, favorisant la stabilité du signal) Il est aussi possible d’écouter 4 Ohms
pour ce faire, des baladeurs la musique en streaming en Entrées analogiques:
numériques capables de lire se connectant à une large palette 2 RCA, 1 mini-jack
des fichiers audio en haute d’appareils via les technologies Entrées optiques:
définition.LePioneerXDP-02U wi-fi et Bluetooth intégrées. La 1 optique, 1 USB
est ainsi équipé de deux gestion s’effectue à partir d’un Sortie casque: oui
convertisseurs et amplifica- large écran tactile.L’autonomie Dimensions (D x H):
teurs ESS Sabre pour assurer annoncée du Pio-neer est 33 x 7, 3 cm
une restitution optimale. de quinze heures. X Poids: 3,8 kg
Finition: noire
Origine: France
Prix: 349 u • Dimensions (L x H x P): 9,4 x 6 x 1,5 cm • Finition: rose, blanche ou bleu marine Distribution: AV Industry
Origine: Japon • Distribution: Pioneer-Onkyo Europe • Tél.: 0184884712 Tél.: 0805696304
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LA HI-FI I NOUVEAUTÉS
E
M
tactile de 16,3 cm de commander vocalement l’appel arque légendaire de la
diagonale, le nouvel d’un correspondant ou l’envoi haute-fidélité, recon-
autoradio XAV-AX205DB d’un SMS. nue pour ses appareils CLASSICA
de Sony permet de regarder Il est bien évidemment pos- à tubes,McIntosh pré- HI-FI
des DVD (sans doute pas en sible d’utiliser les cartes de sente son premier amplificateur
conduisant), de profiter d’un navigation et autres plans hybride. Hybride, c’est-à-dire
tuner FM RDS et DAB comme pour s’orienter comme d’affi- qu’ilassociedestubes,enl’occur-
du Bluetooth, mais aussi de cher les images captées par la rence deux 12AX7 et deux 12AT7
disposer de toutes les informa- ou les caméras pour faciliter dans le circuit de préamplifica-
tions, notamment les contacts, des manœuvres délicates. Une tion, à des transistors : les pre-
rangées dans un smartphone. amplification à quatre canaux miers assurent une grande
Ainsi, simplement en appuyant assure un rayonnement musi- palette de couleurs, les seconds
cal optimal dans l’habitacle de la netteté du trait. Derrière leur
l’automobile et une diffusion grille de protection, les quatre
sur les trois dimensions, hau- tubes s’illuminent et se dressent, une rare spontanéité. Adepte
teur comprise. X tel un portique, devant l’impo- des phrasés souples et d’un
sant bloc métallique noir, orné lyrisme continu, le McIntosh
d’un écran de contrôle OLED et MA252 sait aussi faire preuve
Prix: 600 u d’ailettes de refroidissement. À d’autorité (tenue du grave,
Dimensions (L x H x P): l’arrière se disposent les entrées rapidité des attaques, énergie
17,8 x 10,2 x 16,8 cm analogiques, dont une pour pla- du rythme) et de dynamisme
Origine: Japon tine tourne-disque et une autre pour mieux servir la musique.Ce
Distribution: Sony France en prises XLR, les sorties pour mariage de la carpe et du lapin
www.sony.fr enceintes et un caisson de constitue un mets de choix. X
basses. La télécommande per-
met de nommer chacune des
entrées et de gérer la tonalité Prix: 4990 u
et la balance. Puissance: 2 x 100 W
GIOVANNI FELICE SANCES Entrées analogiques:
PRISE DE SON
DU MOIS
Studio
L’Exception
Musicale
✆ 07 60 47 29 25
㑷㑹㑸㑳㒄㑹㒂㑥㒅㑨㑳㑹㑰㒂
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ɹʅ Mail : gilles.vekeman@free.fr
LA HI-FI I NOUVEAUTÉS
D
un DSP ou un suréchantillon- eux nouveaux caissons
nage à une zone d’écoute. de basses viennent enrichir
Il est possible d’installer dans la production de Triangle :
le Nucleus un disque dur leThetis 380 et le Tales 400, tous
interne, d’ajouter un disque deux conçus pour gagner de la
dur USB externe ou de conser- puissance imposante sans perdre
ver sa musique sur un NAS. de la vitesse de réaction. Le pre-
Bien que d’esthétiques rigou- mier se situe en haut de la gamme
reusementidentiques,leNucleus et utilise, pour reproduire des
et le Nucleus Plus se dis- fréquences très basses (jusqu’à
tinguent par leurs caractéris-
tiques techniques. Le second
offre une mémoire interne
(128 Go SSD) et une RAM
oon Labs a développé un ordinateur et qui doivent (8 Go) deux fois supérieures,
R un logiciel, appelé
Roon, destiné à gérer
sa bibliothèque numérique
en exploiter au mieux les pos-
sibilités. Il suffit de les connec-
ter au réseau ou, via USB, à un
et utilise un processeur diffé-
rent. Comme son apparence
le laisse supposer, le boîtier a
multimédia. L’entreprise new- DAC. Ceux-ci permettront été conçu de façon à dissiper
yorkaise propose désormais alors de piloter l’ensemble la chaleur sans recourir à un
deux serveurs audio, Nucleus des appareils compatibles avec ventilateur à l’intérieur, ce qui
et Nucleus Plus, qui intègrent la marque américaine, pour assure un silence absolu. X
Nouveaux horizons
aux basses), des entrées et sor-
ties pour enceintes ainsi que le
réglage de la fréquence de cou-
près avoir renouvelé jaune, par des membranes en pure, du volume et de la phase.
A sa prestigieuse gamme
800 en 2016, le célèbre
fabricant Bowers & Wilkins
Continuum, matériau com-
posite tressé, de finition noire.
Le tweeter, appelé Carbon
Le Tales 400 donne accès à la
marque française. Également
doté d’un haut-parleur de 30 cm,
décline ses innovations tech- Dome, est censé proposer des il permet les mêmes réglages
nologiques sur la 700 qui performances supérieures à que le Thetis. X
prend ainsi le relais de la série celle du double dôme en alu-
CM. Celle-ci comprend trois minium et peut atteindre des
enceintes compactes (dont la fréquences très élevées (mais Prix Thetis 380: 1200 u
705, CHOC de Classica), trois inaudibles) pour offrir une Prix Tales 400: 500 u
colonnes (702, 703 et 704), image plus précise et plus Dimensions Thetis (L x H x P):
Prix 702 S2: 3 998 u la paire deux enceintes centrales et détaillée. Conçu selon le prin- 38 x 42 x 38 cm
Prix704 S2: 2 398 u la paire un caisson de basses.Si les lignes cipe Nautilus propre à B&W, Poids: 19,1 kg
Prix 705 S2: 2 198 u la paire n’ont pas changé, il semble le tweeter de la 705 et de la 702 Dimensions Tales (L x H x P):
Finition: noire, blanche qu’il ne reste aucun compo- est en dehors du coffrage de 39,3 x 40,8 x 43,4 cm
ou bois de rose sant du passé. Une des modi- l’enceinte, installé dans un Poids: 11,5 kg
Origine: Royaume-Uni fications les plus visibles est tube fuselé en aluminium qui Finition: noire ou blanche
Distribution: Bowers le remplacement des mem- le préserve des vibrations. Origine: France
& Wilkins Group France branes de haut-parleurs de La finition, extrêmement soi- Distribution: Triangle
Tél.: 0437461500 médium en Kevlar, alors gnée, s’accorde avec une déco- Tél.: 0323753820
reconnaissables à leur couleur ration contemporaine. X
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remplacée par la grenadille. III. On en trouve chez Chopin ou Fauré. Attaque cérébrale. 13. Étatise. Rio. GS. 14. Énonça. Tare.
IV. Sans efet, sauf sur celui qui la regarde. Lieu de prédilection pour Giuseppe Verdi. Ui. Éole. 12. Enclumes. Harpes.
V. Police secrète. Le cinquième continent. Tribu d’Indiens. VI. Par conséquent. Prêt à 10. AB. CEE. Jam. Mal. 11. Leia. RM.
tout. VII. Figé au milieu. Fondateur du Théâtre du Vieux-Colombier. Particule virtuelle. Est. 8. Néanmoins. 9. Tessiture. Eu. As.
VIII. Cerf-volant. Première radio musicale de France. Interdit sur le panneau. IX. Triste 6. Morue. Pergolèse. 7. Ennéade. Ain.
sire. Compositeur des Indes galantes. Curie au labo. X. Une opération qui ne manque Poème. 5. Asunción. Ahuris.
pas d’intérêt. Oriente la prière dans la mosquée. XI. Met la musique en mouvements. Yser. 3. Nice. Carmen. 4. DST. Oscar.
Accroché dans les arbres. XII. J.O. de 1988. Donne un matricule à l’opus. XIII. Adulées. 1. Funérailles. Vol. 2. Ono. Gigue.
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