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Daniel Gouadec
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Terminologie, traduction et rédaction spécialisées
1. TERMINOLOGIE ET TRADUCTOLOGIE
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La terminologie : nature et enjeux
2. TERMINOGRAPHIE ET TRADUCTION
1. Matériau primaire = tout matériau existant déjà dans la langue de traduction et que le traduc-
teur doit, pour des raisons diverses, intégrer dans la traduction.
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Chacun sait aussi que les terminologies sont le support de systèmes de valeurs
parfois conflictuels, le motif de litiges sérieux dans leurs conséquences bien qu’ils
soient parfois futiles dans leurs causes, et la source de contestations infinies. Tout le
monde s’accorde à dire que les terminologies sont de véritables «þmines anti-traduc-
teursþ» ou, selon les métaphores du risque qu’affectionnent les professionnels, des
«þgrenades dégoupilléesþ». Il importe donc que les valeurs attachées aux termes
soient connues et, pour qu’elles soient connues, il faut qu’elles soient recensées. D’où
l’intérêt de la terminographie et des terminographes.
Et, dans leur conscience aiguë des motifs d’acceptation ou de rejet de leurs
productions, les traducteurs demandent, depuis fort longtemps, que les terminolo-
gies dont ils ont besoin soient «þdisponiblesþ». Alternativement, ils se sont vite
convaincus qu’il était de leur intérêt de maîtriser parfaitement l’ensemble des straté-
gies, techniques, procédures, et ressources de la terminographie traductive. Ainsi, les
traducteurs ont parfaitement ‘intégré’ l’intérêt de la terminographie, au point, géné-
ralement, d’en avoir fait l’un de leurs métiers annexes ou connexes.
En ce qui concerne la disponibilité des terminologies, la question mérite considé-
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leurs contrats et, accessoirement, de bénéficier d’un avantage concurrentiel sur les
autres prestataires de service en vertu de la disponibilité d’une large part de la
matière première requise.
En tout état de cause, le coût de la terminographie délibérée tend à être prohibitif,
y compris lorsque les terminologies visées ou obtenues sont d’ordre vital et répon-
dent à un besoin clairement identifié de l’institution ou organisme producteur ou
financeur. On comprend donc que cette activité soit le fait des traducteurs (qui se
gardent généralement d’en diffuser les résultats, sauf lorsqu’ils sont sur le point d’en
perdre l’exclusivité), d’étudiants exécutant, selon une tradition discutable, leurs
travaux forcés de terminologie 2 , d’institutions et organismes dont la mission
consiste, entre autres choses, à faciliter ou même assurer la communication interlin-
guistique (structures fédérales, pays ou provinces bilingues ou multilingues), d’asso-
ciations professionnelles, qui y trouvent un puissant vecteur de communication et
d’information sur leurs objectifs, actions, et activités, et d’amateurs éclairés, sinon
passionnés. Bref, la terminographie délibérée intervient lorsqu’elle sert un intérêt
commercial crucial (exécution de prestations), une obligation absolue (dossier de
2. Pour des raisons liées aux connotations respectives des deux termes, nul ne songerait à parler
ici de ‘terminographie’ alors même que c’est bien de cela qu’il s’agit dans la plupart des cas.
3. La formulation évite de s’interroger sur la double nature du terme mais il est bon de préciser
que la désignation donne accès à la fois aux informations sur la valeur conceptuelle désignée et
sur la désignation elle-même.
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gies à organisation structurée lui permettant une expression plus générale ou, au
contraire, plus spécifique, de la valeur conceptuelle pivot. Or, sauf exceptions, rares
sont les éléments de corpus qui présentent, en même temps que l’exposé d’un sujet
ou d’un point, un tableau en trois dimensions de la terminologie applicable et de
l’ensemble des corrélations entre concepts et entre désignations à l’intérieur du
domaine. Tout reste à faire dans cette perspective. Mais les conditions ne sont guère
propices car très rares sont les personnes physiques (terminographes) ou morales
(institutions ou organismes) qui sont prêtes à consacrer à la création de ce genre
d’instrument les ressources humaines et financières nécessaires. Donc, la termino-
logie réellement adaptée aux rédacteurs n’existe que rarement, sous la forme de ce
que l’on pourrait appeler des prototypes, dont la portée ne dépasse pas quelques
centaines de termes. Il est certes plus simple de s’en remettre aux ressources termino-
logiques vives que sont les «þspécialistesþ» présents dans l’environnement de travail
des rédacteurs et de laisser le soin à chaque traducteur de résoudre ses problèmes
terminologiques par l’exploitation de corpus ciblésþ: documents de même objet et/
ou de même type dans la langue de rédaction, nomenclatures et catalogues accessi-
bles sur Internet, normes techniques et linguistiques, dictionnaires unilingues spécia-
lisés (généralement d’excellente qualité), textes règlementaires, modèles
rédactionnels, etc. Pareille démarche paraît d’autant plus naturelle, comme nous
l’avons dit, que le rédacteur «þcréeþ» son texte et qu’il doit donc tout à la fois
recueillir la matière première factuelle-technique et la matière première linguistique-
terminologique-phraséologique qui sont, dans les corpus disponibles, indissociables.
Travailler sur l’une, c’est travailler en même temps sur l’autre et nul ne songerait à
prétendre que le traducteur «þperd du tempsþ» lorsqu’il effectue une recherche
d’information à la fois technique et linguistique. Au besoin, il pourrait d’ailleurs faire
valoir l’excuse que, contrairement au traducteur, il ne dispose pas de solution de
court-circuit sous la forme d’un répertoire de réponses directes à ses «þproblèmes de
terminologieþ».
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4. RÉORIENTATIONS TERMINOGRAPHIQUES
dimension que sont les relations fonctionnelles entre concepts dans les limites des
champs opératoires considérés 6).
Pour le reste (une fois assurée la disponibilité des passerelles, d’une part, et des
systèmes de corrélats, d’autre part), l’activité terminographique doit, dans l’un et
l’autre cas, basculer dans le champ de responsabilité du praticien, et demeurer
ouverte. Cela signifie que, au-delà de la composante centrale que la terminographie
systématique délibérée doit mettre en place et maintenir à jour, le traducteur comme
le rédacteur doit, puisqu’il le peut désormais, rechercher ses propres solutions aux
problèmes terminologiques que lui pose l’exécution de sa tâche particulière, pour le
compte d’un donneur d’ouvrage particulier, dans des conditions particulières.
Le schéma ci-dessus requiert simplement une massification des corpus dans
les diverses langues de travail et, si possible, une validation de leurs contenus, une
amélioration des performances des moteurs de recherche – qui se substituent très
largement et très avantageusement aux extracteurs terminologiques dans la limite
des besoins des traducteurs et des rédacteurs 7 – et surtout une meilleure forma-
tion des utilisateurs. La disponibilité des ressources et des outils impose désor-
mais une formation complète de tout traducteur et de tout rédacteur à des
pratiques terminographiques éclairées par une meilleure perception et maîtrise
6. Pour le rédacteur, il peut s’avérer extrêmement utile de disposer d’un répertoire terminologique
qui recense les relations de cause à effet entre concepts s’il a, par exemple, identifié la désignation
de la cause et perçu que le concept dont il recherche la désignation est l’effet de cette cause.
7. On note avec le plus grand intérêt que des moteurs de recherche comme Google proposent
désormais une recherche systématique de définitions et que «þGoogle terminologique Eurek@þ»
propose de véritables fonctions d’exploration ciblée de répertoires terminologiques et diction-
naires divers, en attendant que se spécialisent les explorations sur d’autres catégories de données
ou de relations.
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5. RÉORIENTATION TERMINOLOGIQUE
Pour l’essentiel, les évolutions constatées ou souhaitables de la terminographie
n’ont pas de contrepartie en matière de terminologie au sens traditionnel de ce
terme. Ce qui a changé, ce sont les conditions des applications et, singulièrement, les
conditions des applications à orientations professionnelles ciblées. Mais la modifica-
tion des conditions des applications terminographiques (émergence des corpus et
des moyens de leurs explorations et exploitations) n’affecte pas vraiment la nature
des objets traités par la terminologie et les terminologues ni les modes d’organisation
des données et informations. Ceci revient à dire que la discipline «þterminologieþ»
n’est pas affectéeþ: ses objets (données et informations terminologiques) et ses
méthodes d’analyse et de traitement de ces objets n’ont pas changé. Tout au plus
faut-il considérer que les hypothèses des terminologues peuvent être testées sur des
corpus plus larges et que la terminologie est sollicitée pour proposer des méthodes
intégrant le traitement des corpus.
En même temps, les sous-secteurs de la terminologie (ergo-terminologie, socio-
terminologie, psycho-terminologie, aménagement, et autres) ne sont pas non plus
affectés dans leurs principes et méthodes. À cet égard, la terminologie peut être
considérée comme un segment de la linguistique, dont l’objet serait l’ensemble des
sections spécialisées du lexique.
Cependant, trois axes d’évolution se dessinent du côté de la terminologie, de ses
objets, et de sa place sur l’échiquier des disciplines.
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6. BILAN
Conjoindre terminologie(s), traduction et rédaction, c’est nécessairement
s’appuyer sur une perspective de praticien et sur la réalité de besoins professionnels.
C’est adopter une perspective essentiellement terminographique, centrée à la fois sur
la collecte, le traitement, la gestion et la mise en œuvre des entités terminologiques.
C’est en même temps faire intervenir dans l’analyse tous les déterminants des condi-
tions d’exécution de prestations. C’est donc d’abord placer le besoin (réel ou
supposé) au centre de gravité de l’analyse. C’est aussi donner leur place légitime – et
incontournable – aux divers outils et instruments d’aide à l’exécution des prestations
qui préfigurent souvent de manière rudimentaire les évolutions vers l’automatisa-
tion. C’est enfin faire jour à un principe de réalité qui vise un rendement maximal de
l’activité terminographique pour une consommation minimale de ressources.
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