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MYCOLOGIE
À TAPER
RÉSUMÉ
SUMMARY
Au cours des 20 dernières années, l’incidence des infections fongiques,
tant superficielles que profondes, a augmenté de façon considérable.
Emergence of new fungal pathogens :
Ces pathologies surviennent le plus souvent chez des patients fragi-
general review
lisés (transplantations d’organes, greffes de moelle, chimiothérapies
The i nci d ence of f ungal i nf ect i ons has
aplasiantes, nouveaux immunosuppresseurs, …). Si les malades et les
significantly increased during the past two
traitements ont évolué, les champignons impliqués dans les pathologies
decades. These diseases mainly occur in
se sont, eux aussi, diversifiés. On observe en effet l’émergence d’espè-
susceptible patients (organ or bone marrow
ces auparavant inconnues du milieu médical, ainsi que la réémergence
transplantation, haematological malignancies,
d’espèces au pouvoir pathogène établi, mais qui sont responsables de
immunosuppressive drugs, …). Patients and
nouvelles formes cliniques, survenant sur des terrains différents. Ces
treatments have changed, as well as fungi
infections sont associées à des taux de mortalité élevés, souvent liés
which are involved in infections. Indeed, species
à un retard au diagnostic. La liste des « nouveaux champignons » iso-
that were previously unknown to the medical
lés en pathologie humaine s’allonge ainsi chaque jour. Les nouveaux
community are now emerging, likewise well
outils moléculaires ont permis d’identifier avec précision les différentes
known pathogenic species are now responsible
souches isolées.
for new clinical forms. Invasive fungal infections
Mais les infections fongiques émergent aussi chez les sujets immuno-
are associated with high mortality rates, often
compétents. Ainsi, la prévalence des mycoses à champignons « exoti-
related to delayed diagnosis. The list of “new
ques » augmente en zone d’endémie. Par ailleurs, de nombreux cham-
fungi” isolated in human is growing every
pignons filamenteux sont responsables de colonisation chronique des
day. Molecular tools allowed identifying these
voies respiratoires chez les patients atteints d’affections respiratoires
species.
chroniques comme la mucoviscidose. Les onychomycoses sont éga-
Fungal infections, however, are also emerging
lement plus fréquentes dans la population générale, et on rapporte un
in immunocompetent patients. Thus, the
nombre croissant de mycoses cutanées chez les sportifs. Le meilleur
prevalence of infections due to dimorphic
suivi des patients et la généralisation des dépistages systématiques
fungi is increasing in endemic areas. Moreover,
contribuent certainement en grande partie à cette émergence.
many filamentous fungi are responsible for
Les espèces rencontrées sont essentiellement des Ascomycètes ou
chronic colonization of the airways in patients
des formes asexuées (Deutéromycètes) apparentées à ces derniers,
suffering from chronic respiratory diseases
plus rarement des Zygomycètes (Mucorales) et des Basidiomycètes.
such as cystic fibrosis. Onychomycosis are also
Nous passerons en revue les différents groupes de champignons :
more frequent in the general population, and
levures (Candida, Cryptococcus, ...), filamenteux (Aspergillus, Fusarium,
a growing number of skin mycosis is reported
Scedosporium, Alternaria, Exophiala, …), dimorphiques (Histoplasma,
among athletes. The improved monitoring of
Coccidioides, Penicillium marneffei, ...) et les espèces assimilées d’in-
patients and the widespread use of systematic
térêt médical, en insistant sur les espèces émergentes nouvellement
screenings have probably largely contributed
décrites.
to this emergence.
The species encountered mainly belong to
Pathogènes émergents – levures – champignons filamenteux –
champignons dimorphiques – approche mycologique – revue générale. Ascomycetes or to relative Deuteromycetes, less
frequently to Zygomycetes or to Basidiomycetes.
The different groups of fungi will be reviewed:
yeasts (Candida, Cryptococcus, …), moulds
(Aspergillus, Fusarium, Scedosporium, Alternaria,
a Laboratoire de parasitologie-mycologie
Exophiala, …), dimorphic fungi (Histoplasma,
Centre hospitalier universitaire
Coccidioides, Penicillium marneffei, …) and
4, rue Larrey
relative species of medical importance, with a
49933 Angers cedex 9
special emphasis on emerging new species.
*Correspondance
Emerging pathogens – yeasts – filamentous fungi –
DoChabasse@chu-angers.fr
dimorphic fungi – mycological approach –
general review.
article reçu le 2 septembre, accepté le 14 septembre 2009.
© 2009 – Elsevier Masson SAS – Tous droits réservés.
Tableau II – Principaux champignons pathogènes ou opportunistes d’intérêt médical en extension, isolés au laboratoire
Phaeohyphomycètes (Dématiés) Hyalohyphomycètes et mucorales Principales levures Champignons dimorphiques*
Alternaria : A. alternata, Fusarium : F. solani, F. oxysporum, Candida : C. albicans, C. glabrata, Blastomyces dermatitidis
A. tenuissima, F. verticilloides C. tropicalis, C. parapsilosis, C. krusei, (Amérique du Nord)
Bipolaris sp. Aspergillus : A. fumigatus, A. flavus, C. dubliniensis Coccidioides : C. immitis, C. posadii
Cladosporium : C. carionii A .nidulans, A. terreus, A. niger, A. versicolor, Cryptococcus : Cr. neoformans var. (Régions sèches et arides du continent
Cladophialophora : C. bantiana A. groupe glaucus neoformans, Cr. neoformans var. gatti américain)
Curvularia sp. Acremonium sp. Malassezia : M. furfur, M. globosa Histoplasma capsulatum var. capsulatum
Exophiala : E. dermatitidis, Absidia : A. corymbifera Trichosporon sp. (Amérique centrale et du Nord, Asie,
E. jeanselmei Mucor : M. circinelloides Rhodotorula sp. Océanie)
Phialophora sp. Rhizopus : R. microsporus Saccharomyces sp. Penicillium marneffei
Phoma sp. Rhizomucor : R. pusillus (Extrême-Orient : Thaïlande, Laos,
Scytalidium dimidiatum Scedosporium : S. apiospernum, S. pro- Vietnam)
lificans Paracoccidioides brasiliensis
Scopulariopsis : S. brevicaulis (Amérique du Sud)
Scytalidium hyalinum
* Champignons essentiellement importés (non présents en France métropolitaine) et issus de patients ayant séjourné en zones d’endémies (entre parenthèses).
phénomène au Japon entre 2001 et 2003, chez des judokas ques » peuvent être observés (Histoplasma, Blastomyces,
ainsi que chez d’autres pratiquants de sport de combat Coccidioides, Paracoccidioides, …). Ils se présentent sous
(lutteurs, sumos et karatékas) ayant participé à des tour- deux formes, la forme levure (observée in vivo) et la forme
nois internationaux. filamenteuse (observée in vitro ou dans le milieu naturel). Ils
De façon exceptionnelle, chez des patients atteints de sida sont parfois observés plusieurs années après un séjour en
ou soumis à des thérapeutiques immunosuppressives, les zone d’endémie ; cette « réactivation » fait le plus souvent
dermatophytes peuvent adopter un comportement oppor- suite à une immunodépression récente. D’autres espèces
tuniste et être responsables de lésions sous-cutanées. tropicales, agents des chromomycoses, des mycétomes
Récemment, Trichophyton rubrum a ainsi été isolé de et de la sporotrichose, ne se rencontrent habituellement
lésions nodulaires et ulcérées, chez un patient diabétique que chez les migrants, dans un contexte de « pathologie
sous chimiothérapie et corticothérapie [12]. d’importation ». Les espèces habituellement isolées sont
listées tableau II.
2.2. Champignons potentiellement
pathogènes 2.3. Champignons apparemment
Ces espèces possèdent des facteurs de virulence et d’adap- dénués de pathogénicité
tation au parasitisme, d’où la fréquence de leur isolement Ce sont, dans la grande majorité des cas, des saprophytes
en situation pathologique chez l’immunodéprimé. Certains de l’environnement ou des espèces vivant en commen-
champignons vivent en commensaux au niveau du tube sales, colonisant le revêtement cutané ou les muqueuses
digestif ou de la peau (Candida, Malassezia, Trichosporon). de l’homme et/ou de l’animal. Appelés longtemps « conta-
Le développement d’une mycose dépend alors d’une minants de laboratoire », car isolés à partir des boîtes de
colonisation préalable et de certains facteurs favorisants culture, ils étaient écartés du diagnostic. C’est dans cette
(terrain sous-jacent). D’autres champignons, en revanche, catégorie que l’on recrute la plupart des « nouveaux »
proviennent du milieu extérieur. Ils sont le plus souvent opportunistes émergents aujourd’hui. Leur développement
saprophytes, parfois phytopathogènes ou parasites d’ani- chez l’hôte nécessite un état d’immunodépression, ou
maux, avec dans ce cas un potentiel de pathogénicité des facteurs locaux permettant l’implantation durable du
non négligeable. C’est dans ce dernier contexte que sont champignon, d’où l’appellation de champignons opportu-
décrites les levures du genre Cryptococcus, ainsi qu’un nistes. On inclut dans cette notion de réceptivité aussi bien
certain nombre de champignons filamenteux cosmopo- des facteurs de morbidité locaux (troubles circulatoires,
lites communément appelés moisissures. Il s’agit soit ulcères, brûlures, …) que généraux (déficits immunitaires
de Hyalohyphomycètes (au mycélium hyalin) comme les qualitatifs ou quantitatifs).
Aspergillus, les Fusarium ou les Scedosporium, soit de Cependant, en dépit de leur extraordinaire diversité et de
Phaeohyphomycètes (au mycélium foncé, anciennement leur remarquable adaptation (certains d’entre eux sont
dénommés dématiés) comme les Alternaria, Bipolaris, des parasites de végétaux), à peine plus d’une centaine
Curvularia, Exophiala, soit de Zygomycètes (mucorales d’espèces (sur les quelque milliers répertoriées parmi les
thermophiles) : Rhizopus, Rhizomucor, … Toutes ces moi- saprophytes ou les phytopathogènes) sont capables de
sissures ont une tendance marquée au parasitisme, mais s’implanter chez l’homme. Tous les champignons de l’envi-
leur implantation et leur diffusion chez l’homme dépendent ronnement ne sont donc pas capables de s’implanter chez
essentiellement du terrain sous-jacent. Dans tous les cas, l’homme, même en cas d’affaiblissement très important.
la contamination se produit par voie aérienne ou par voie Il semble que les champignons qui s’adaptent le mieux
cutanée. Elle peut être d’origine nosocomiale (cathéter vei- au parasitisme appartiennent aux Ascomycètes, chez les-
neux centraux, implants, …) ou accidentelle (colonisation quels on place désormais Pneumocystis jirocecii (malgré
de plaies ouvertes, traumatisme, …). l’absence de forme sexuée connue). Les méthodes de
Dans un contexte de voyage en zone intertropicale, de phylogénie moléculaire ont en effet permis de rattacher
redoutables champignons exotiques appelés « dimorphi- aux Ascomycètes de nombreuses moisissures environ-
A : Trichophyton tonsurans ; B : Absidia corymbifera ; C : Scedosporium apiospermum ; D : Paecilomyces lilacinus ; E : Exophiala dermatitidis (culture à 37 °C).
A, C, D : grossissement x 400 ; B : x 100 ; E : x 1000.
brata. En effet, dans une étude rétrospective qui portait C. lusitaniae 15 (0,7 %)
sur 137 souches de C. glabrata, 3 isolats (soit 2,2 % du C. kefyr 10 (0,5 %)
total) ont été réidentifiés comme étant des C. bracaren- C. pelliculosa 9 (0,4 %)
sis [23]. Les premiers cas ont été retrouvés au Portugal, C. famata 7 (0,3 %)
d’autres en Grande-Bretagne, au Japon et en Indonésie. C. dubliniensis 6 (0,3 %)
Sur milieu CHROMagar Candida, la levure reste blanche. C. lipolytica 6 (0,3 %)
Elle est par ailleurs résistante in vitro aux azolés. C. niva- C. norvegensis 5 (0,2 %)
riensis a été isolée en 2005 chez 3 patients espagnols.
C. inconspicua 4 (0.1 %)
Dans une étude rétrospective, 16 isolats ont été identifiés
C. utilis 2 (0,1 %)
par biologie moléculaire. Depuis, la levure a été isolée
C. sake 2 (0,1 %)
d’une candidose oro-pharyngée chez un patient VIH et
lors d’une septicémie sur cathéter. Candida sp. (non identifiée) 9 (0,6 %)
Il a été récemment mis en évidence que C. parapsilosis Association d’espèces 54 (2,4 %)
était en réalité un complexe d’espèces. Le groupe 1 cor-
respond à C. parapsilosis sensu stricto, le groupe 2 à surviendraient chez des patients ne présentant pas de
C. orthopsilosis et le groupe 3 à C. metapsilosis [24]. Une cause évidente d’immunodépression.
vaste étude espagnole portant sur 345 épisodes de can- Le genre Cryptococcus est apparenté aux Basidiomycètes,
didémies a récemment passé en revue la prévalence et la l’espèce la plus pathogène est Cryptococcus neoformans,
susceptibilité aux antifongiques des Candida isolées [25]. qui existe sous 3 variétés principales : C neoformans var.
Vingt-trois pour cent des souches isolées de ces fongémies grubii (sérotype A), C. neoformans var. neoformans (séro-
avaient été identifiées initialement comme des C. parap- type D) et C. neoformans var. gattii (sérotypes B et C).
silosis. À partir des données moléculaires (séquençage Chaque variété diffère sur le plan génétique et épidémio-
des régions ITS), 1,7 % (6/345) et 1,4 % (5/345) des épi- logique, avec des hôtes et des manifestations cliniques
sodes ont été respectivement attribués à C. metapsilosis différentes. La variété neoformans, qui est isolée surtout en
et C. orthopsilosis. Europe, est retrouvée dans le sol et les déjections d’oiseaux
Entre 2001 et 2006, l’étude ARTEMIS a identifié par des (fientes de pigeons). La variété grubii, cosmopolite, est la
méthodes conventionnelles 1 929 isolats cliniques de plus fréquemment isolée chez les patients atteints du sida.
C. parapsilosis. Par biologie moléculaire, 117 de ces isolats Ellle est retrouvée dans les déjections d’oiseaux, mais aussi
(6,1 % du total), provenant pour la plupart du continent sur les troncs d’arbres. Enfin, la variété gattii n’existe que
sud-américain, ont été réidentifiés comme des C. orthop- dans les régions tropicales et subtropicales, et son bio-
silosis, tandis que 34 souches se sont avérées être des tope naturel est représenté par les arbres (eucalyptus et
C. metapsilosis. Comparativement à C. parapsilosis, cette amandiers). Cette dernière variété est plus souvent retrou-
dernière espèce présenterait une plus grande sensibilité vée chez les patients immunocompétents, et les lésions
aux antifongiques, à l’exception du uconazole [18]. évoluent habituellement sur un mode chronique (lésions
granulomateuses pulmonaires et cérébrales) [26].
4.1.2. Les cryptocoques Les autres espèces du genre Cryptococcus sont beau-
Le nombre de cas de cryptococcoses en France métropo- coup plus rarement incriminées en pathologie humaine, et
litaine, ainsi que dans les DOM-TOM, reste stable depuis sont responsables de lésions habituellement superficielles
1997, avec moins de 100 cas déclarés chaque année. Le (Cryptococcus albidus, Cryptococcus laurentii, Cryptococ-
profil des patients s’est modifié, les sujets séropositifs pour cus uniguttulatus).
le VIH devenant moins nombreux que les patients immu-
nodéprimés pour d’autres étiologies (tumeurs solides, leu- 4.1.3. Autres levures d’intérêt médical (tableau II)
cémies, lymphomes, maladies de système, cirrhoses, …). r Le genre Malassezia regroupe des levures lipophiles,
Chez les transplantés d’organe en particulier, les chiffres qui vivent habituellement en commensales sur le revête-
augmentent et la prévalence varie entre 0,26 et 5 % selon ment cutané. Dans certaines circonstances, elles peuvent
les séries. Le rôle majeur des corticoïdes et des nouveaux exprimer un pouvoir pathogène [27]. Ces levures sont
anticorps monoclonaux anti-CD52 (alemtuzumab) utilisés d’aspect globuleux, ellipsoïdal ou cylindrique. Malassezia
au cours des traitements anti-tumoraux ou anti-rejets est furfur est l’agent principal du pityriasis versicolor, mais
à souligner. Par ailleurs, 10 à 40 % des cryptococcoses d’autres espèces peuvent également être incriminées
Autriche, Espagne), sont en augmentation ; des cas sont colonisation des téguments ainsi que d’une contamination
décrits en Guyane, mais restent limités [73]. extérieure du prélèvement. Beaucoup d’espèces étaient
récemment considérées comme de banaux « contami-
7. Conclusion nants de laboratoire »; d’autres auparavant inconnues
des mycologues émergent sans que l’on connaisse leur
biotope naturel. Si le caractère opportuniste de ces espè-
Depuis les vingt à trente dernières années, la patholo-
ces est souvent souligné, des atteintes superficielles sont
gie fongique s’est considérablement développée, avec
cependant possibles chez l’immunocompétent.
notamment l’accroissement des populations à risque
Le laboratoire joue ici un rôle essentiel. C’est en effet
(patients immunodéprimés). L’augmentation des voyages
l’identification précise (facilitée par les apports de la biolo-
intercontinentaux a en outre permis la diffusion de certains
gie moléculaire) du champignon responsable, ainsi que la
pathogènes tropicaux. Par ailleurs, le nombre d’espèces
confirmation de son développement tissulaire (à l’examen
de champignons impliqués dans des lésions humaines ne
direct et/ou histopathologique du prélèvement) qui per-
cesse d’augmenter. Les espèces incriminées, aussi bien
mettront de poser le diagnostic. Il sera alors possible de
des levures que des champignons filamenteux (moisissures)
mettre en place un traitement approprié. Cette démarche
clairs (Hyalohyphomycétes) ou foncés (Phaeohyphomycé-
permet par ailleurs de déceler les espèces émergentes,
tes), sont pour beaucoup issues du sol ; la contamination
témoins de la biodiversité des espèces fongiques poten-
se produit généralement par voie aérienne ou cutanée
tiellement pathogènes pour l’homme.
(inoculation post-traumatique).
L’implication réelle dans un processus pathologique des
champignons isolés doit être distinguée d’une simple Conflit d’intérêt : aucun