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Monsieur le Ministre,
Comme vous le savez bien sûr, ce type de recours est prévu par le Code criminel, et la Loi
sur le directeur des poursuites pénales établit votre capacité d’intervenir, vous-même ou
par voie de consigne, pour que soient entamées des négociations. Nous vous demandons
de vous prévaloir de votre prérogative en vue de conclure avec SNC-Lavalin une sortie de
crise dans laquelle des milliers de personnes innocentes ne paieront pas pour les crimes
d’une poignée d’individus qui doivent, quant à eux, faire face à la justice pour leurs actes.
Le Code criminel est sans équivoque à l’article 715.31 (f) : les accords de réparation ont
pour objectif de « réduire les conséquences négatives de l’acte répréhensible sur les
personnes—employés, clients, retraités ou autres—qui ne s’y sont pas livrées, tout en
tenant responsables celles qui s’y sont livrées ». C’est précisément ce qui doit se produire
dans le dossier SNC-Lavalin.
Nous soulignons que la disposition 715.32 (3) du Code concernant l’« intérêt économique
national », tirée de la Convention de l’OCDE sur la lutte contre la corruption, n’a
aucunement pour objet d’exclure la conclusion d’un accord de réparation pour protéger des
travailleurs, comme l’a confirmé l’ancien Secrétaire général de l’OCDE, Donald Johnston, qui
était en poste au moment de l’adoption de ladite Convention en 1997.
Nous vous rappelons également que depuis les faits allégués dans la procédure pénale
contre SNC-Lavalin, l’entreprise s’est restructurée sur le plan éthique et sa direction a été
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entièrement remplacée, de même que son conseil d’administration. Nous vous soulignons
que SNC-Lavalin a récemment obtenu la « Compliance Leader Verification » de l'institut
Ethisphere, une reconnaissance remise par cet organisme international indépendant à des
entreprises dont les normes et les pratiques éthiques sont les plus exemplaires de leur
industrie.
Nous insistons de nouveau sur l’urgence d’agir. L’entreprise a perdu 1,6 milliard $ au cours
du dernier trimestre de 2018 et a subi une décote de la part de l’agence de notation
Standard & Poor’s le 12 février dernier, ce qui limite sa capacité d’emprunt. Avec une
encaisse d’à peine plus de 600 millions $ en date du 31 décembre dernier, il est évident que
SNC-Lavalin ne pourra continuer longtemps à ce rythme sans devoir faire le choix déchirant
de quitter vers les États-Unis ou la Grande-Bretagne, emportant avec elle une expertise
mondialement reconnue, créée au Québec, et sacrifiant ainsi, chez nous, les emplois qui y
sont rattachés.
Évidemment, en tant que procureur général, vous seul êtes en mesure de savoir si d’autres
facteurs inconnus du public pourraient justifier de ne pas consentir à un accord de
poursuite suspendue pour SNC-Lavalin. Si tel est le cas, nous vous demandons de le faire
savoir, sans bien sûr enfreindre le secret entourant les procédures pénales. Si ce n’est pas
le cas, nous vous demandons de ne pas attendre un contexte politique plus favorable, qui
ne se manifestera probablement pas, et de vous assurer que soient immédiatement
entamées des négociations avec l’entreprise, en vue de conclure dès maintenant un
nécessaire accord de réparation.
Pour le Bloc québécois, le principe même de justice exige que des milliers de travailleurs
n’aient pas à payer collectivement pour des gestes commis individuellement par quelques
personnes. Nous vous demandons d’agir en conformité avec ce principe sans plus tarder.
Rhéal Fortin
Porte-parole du Bloc Québécois en matière de justice
Député de Rivière-du-Nord
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