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Les textes

des sarcophages
et la démocratie
La loi du 11 mars 1957 n’autorisant, aux termes des alinéas 2 et 3 de l’article
41, d’une part, que les « copies ou reproductions strictement réservées à l’usage
privé du copiste et non destinées à une utilisation collective » et, d’autre part,
que les analyses et les courtes citations, dans un but d’exemple et d’illustration,
« toute représentation ou reproduction intégrale, ou partielle, faite sans le
consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite »
(alinéa 1er de l’article 40). Cette représentation ou reproduction, par quelque
procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les
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© Éditions Cybele 2008


Harco Willems
Les textes
des
sarcophages
et la
démocratie
Éléments d’une histoire culturelle
du Moyen Empire égyptien

Quatre conférences présentées à l’École Pratique des


Hautes Études. Section des Sciences religieuses.
Mai 2006.
À Jac. J. Janssen
SOMMAIRE

PRÉAMBULE XI
AVANT-PROPOS XIII
INTRODUCTION 1

CHAPITRE I. LA CULTURE NOMARCALE :


DIMENSIONS POLITIQUES, ADMINISTRATIVES,
SOCIALES ET RELIGIEUSES 5
L’ORIGINE DES NOMES 8
LES NOMES PENDANT LA Ve DYNASTIE 25
L’ADMINISTRATION DES NOMES PENDANT LA VIe DYNASTIE 31
L’ADMINISTRATION RÉGIONALE PENDANT LA
PREMIÈRE PÉRIODE INTERMÉDIAIRE ET AU MOYEN EMPIRE 36
LE TITRE DE NOMARQUE EN ÉGYPTIEN ET DANS L’ÉGYPTOLOGIE 59

CHAPITRE II. UN CIMETIÈRE NOMARCAL


DU MOYEN EMPIRE : DEIR EL-BERSHA 67
LES FOUILLES DE 2006 DANS LA ZONE 10 83
LES TOMBES DU DÉBUT DU MOYEN EMPIRE DE LA ZONE 2 87
LE PAYSAGE RITUEL DE DEIR EL-BERSHA 103

CHAPITRE III. LES TEXTES DES CERCUEILS


ET LA DÉMOCRATIE 131
LES RACINES DE « L’HYPOTHÈSE DÉMOCRATIQUE » 133
TRANSFORMATIONS DE L’ÉQUIPEMENT FUNÉRAIRE
PENDANT LA PREMIÈRE PÉRIODE INTERMÉDIAIRE
ET AU MOYEN EMPIRE 142

IX
LES TEXTES DES SARCOPHAGES ET LA DÉMOCRATIE

UNE PERSPECTIVE DÉMOGRAPHIQUE


SUR LES TEXTES DES CERCUEILS 149
Quantification des sarcophages décorés à Deir el-Bersha 156
Quantification des sarcophages décorés à Beni Hasan 160
Quantification des sarcophages décorés à Assiout 161

LA DISTRIBUTION GÉOGRAPHIQUE DES TEXTES DES CERCUEILS 172


Saqqara et Abousir 174
Thèbes et Licht 178
La Moyenne Égypte 182

LES TEXTES DES CERCUEILS ET LA RELIGION FUNÉRAIRE


DANS LES HAUTS-LIEUX NOMARCAUX 184

UNE HYPOTHÈSE SUR LA PORTÉE DES TEXTES DES CERCUEILS 189


Les lettres aux morts 192
Les formules 131 à 146 des Textes des Cercueils 193
La formule 149 des Textes des Cercueils 194
Les formules 30-41 des Textes des Cercueils 196
La formule 312 des Textes des Cercueils 2 01
Une conclusion 203
Le cas d’Heqata 204
Le cas des sarcophages du milieu de la XIIe dynastie 207
Conclusion 212
La vie familiale au Moyen Empire 214
Les Textes des Cercueils et les cours nomarcales 220

CONCLUSION 225

APPENDICE. QUANTIFICATION DES CERCUEILS


DÉCORÉS DU MOYEN EMPIRE 229
ÉPILOGUE 233
BIBLIOGRAPHIE 239
TABLE DES FIGURES 271
TABLE DES PLANCHES 275
INDEX 277
PRÉAMBULE

H
arco Willems, professeur à la Katholieke
Universiteit Leuven, directeur du chan-
tier de fouilles de Deir el-Bersha, et spé-
cialiste incontesté des Textes des
Cercueils est venu donner, en mai 2006,
dans le cadre de l’École Pratique des
Hautes Études, quatre conférences qu’il a accepté ensuite de
publier. L’ouvrage qui en découle est véritablement novateur. Il
permet tout d’abord de resituer l’organisation politico-admi-
nistrative de l’Égypte depuis les origines jusqu’au Moyen
Empire. Or, c’est une question qui a fait et fait encore l’objet de
nombreuses controverses, l’argumentation en faveur de tel ou
tel point de vue (création des nomes, expansion et déclin) étant
parfois peu étayée. Après cette analyse indispensable, Harco
Willems présente les résultats majeurs des campagnes de fouil-
les à el-Bersha. C’est un nouveau « paysage rituel » que nous
découvrons avec, en particulier, la route qui mène de la rive
orientale du Nil jusqu’aux pentes où furent creusés les hypo-
gées des nomarques, dont le célèbre Djéhoutihotep. On mesure
aussi combien l’extension du cimetière est plus vaste que celle
qu’on lui attribuait traditionnellement.

XI
LES TEXTES DES SARCOPHAGES ET LA DÉMOCRATIE

Dans son troisième chapitre, l’auteur remet profondément en


cause ce qu’on continue d’appeler la « démocratisation » ou
« démotisation » de la religion funéraire du Moyen Empire, en
se fondant sur la lecture des textes (Lettres aux morts, chapi-
tres des Textes des Cercueils) étroitement associée à une ana-
lyse critique de la situation politique, administrative et sociale
de l’Égypte de la Première Période Intermédiaire et du
Moyen Empire. Il en résulte que les Textes des Cercueils, loin
d’être le reflet de la religion funéraire de l’Égypte tout
entière, et toutes catégories sociales confondues, apparaissent
comme l’apanage d’une élite très spécifique qui est celle des
nomarques de Moyenne Égypte. Harco Willems offre avec ce
livre une vision profondément originale, et du coup déran-
geante, de cette religion funéraire qu’on ne doit plus, ni ne
peut plus, séparer de son contexte historique et social.
L’accent que met l’auteur sur l’influence des courants de pen-
sée contemporains ou des opinions politiques sur la recherche
égyptologique, influence trop souvent méconnue ou occultée,
me paraît aussi devoir être souligné.
Je tiens à remercier très chaleureusement Harco Willems
pour ces nouvelles perspectives qu’il nous propose, sans
oublier Jean-Pierre Montesino, directeur des Éditions Cybèle
qui a bien voulu prendre en charge la publication de cet
ouvrage, pas plus que Gwenola de Metz qui, une nouvelle fois,
a mis ses talents de graphiste au service de sa réalisation.

Christiane Zivie-Coche
Paris, le 12 septembre 2007
AVANT-PROPOS

C
e volume a été écrit sur la base de quatre
leçons académiques que j’ai présentées
comme directeur d’études invité à
l’École Pratique des Hautes Études,
Section des Sciences Religieuses à Paris
entre le 4 et le 24 mai 2006. Je tiens à
remercier très vivement ma collègue, Christiane Zivie-Coche,
directeur d’études, pour l’honneur de m’avoir invité à donner
cette série de conférences. Elle a aussi corrigé mon texte fran-
çais. De surcroît, au cours des conversations que j’ai eues avec
elle durant mon séjour à Paris, elle a fait quelques remarques
précieuses, qui m’ont incité d’approfondir divers éléments de
mon étude. Les pages consacrées à la « démographie des Textes
des Cercueils » en sont largement le résultat.
Ce volume a une longue histoire, et constitue une sorte
d’assemblage d’idées, d’abord très disparates, que j’ai dévelop-
pées pendant près de vingt ans. Une première version du pre-
mier chapitre a été conçue en 1995, dans le cadre d’un cours
intitulé « Samfund og historie » que j’ai délivré pendant un
séjour comme professeur invité à l’Institut Carsten Niebuhr de
l’Université de Copenhague. Le deuxième chapitre offre une
XIII
LES TEXTES DES SARCOPHAGES ET LA DÉMOCRATIE

sélection des acquis récents de la Mission de la K.U. Leuven à


Deir el-Bersha1. La thèse principale traitée dans le troisième cha-
pitre a été exposée pour la première fois dans la conférence
« The Coffin Texts and democracy » que j’ai prononcée au cours
de la table ronde intitulée « Textes des Pyramides et Textes des
Sarcophages », qui s’est déroulée à l’Institut français d’archéolo-
gie orientale du Caire, du 24 au 26 septembre 20012. Une ver-
sion très préliminaire et simplifiée a été publiée dans mon article
« Het nomarchaat als politieke, sociale en religieuze factor in de
Egyptische provincie », Phoenix 46.2 (2000), p. 72-104.

Harco Willems
Orp-le-Grand, 10 septembre 2006

1. Projet de fouilles réalisé grâce au support financier du Bijzonder


Onderzoeksfonds de la K.U.Leuven et du Fonds voor Wetenschappelijk
Onderzoek - Vlaanderen. En 2006, notre projet bénéficiait aussi d’une subvention
de la Nationale Bank van België.
2. Communication que, par manque de temps, je n’ai pas pu publier dans les actes
de ce colloque.
INTRODUCTION

E
n lisant le grand nombre d’études consacrées
aux nomarques égyptiens depuis plus d’un siè-
cle, on s’apercevra aussitôt que ces fonction-
naires ont été prioritairement considérés sous
leur aspect administratif et politique, ce qui est
compréhensible. Il s’agit sans aucun doute
d’une catégorie de hauts fonctionnaires régionaux qui ont
exercé une influence capitale pendant l’époque qui s’étend de
la fin de la Ve dynastie jusqu’à l’extinction de la XIIe dynastie. Il
n’a pas échappé aux spécialistes que la plupart d’entre eux
remplissaient aussi des fonctions religieuses, par exemple
comme chef des prêtres dans les temples provinciaux. Mais, si
leurs autobiographies font état de leur rôle sacerdotal, les
informations concernant ces tâches, probablement importan-
tes, ne sont souvent que très laconiques. Dans la plupart des
cas, les textes ne nous renseignent que sur le fait que le nomar-
que portait un titre tel que μm.y-r Ìm.w-nÚr, sans détailler les
spécificités de cette occupation. Moi aussi, je vais également
m’occuper principalement de l’aspect administratif de leur
situation dans la société égyptienne. Néanmoins, il me semble
que, si l’on recense toutes les indications disponibles, il s’avère

1
LES TEXTES DES SARCOPHAGES ET LA DÉMOCRATIE

possible de décrire d’une manière assez approfondie ce qu’était


leur activité religieuse. Mais pour arriver à ce résultat, ce serait
une erreur que d’aborder dès le début les aspects rituels et
théologiques qui seront le point d’aboutissement de ma présen-
tation.
Une religion ne fonctionne pas dans le vide. Les individus
qui ont produit les sources religieuses que nous connaissons
n’élaboraient pas seulement des idées religieuses, ils étaient
aussi membres d’une société qui, comme toute autre, poursui-
vait des buts économiques et politiques. De nos jours, ces
aspects sont assez strictement liés à des domaines sociaux diffé-
rents, en tout cas dans le monde occidental, bien que les der-
nières années montrent malheureusement un certain mouve-
ment dans la direction opposée. Pour les Égyptiens, une telle
ségrégation n’a jamais existé. En fait, toutes les sources dont
nous disposons, même celles que les égyptologues préfèrent
appeler « textes autobiographiques » ou « textes historiques »,
ont pour origine le cadre architectural des tombes, donc un
milieu profondément religieux. Il est important de ne pas per-
dre de vue ce fait capital.
Une des fonctions de la religion qu’on peut retrouver dans
plusieurs cultures, c’est qu’elle offre un fondement idéologi-
que à la structure sociale. Sur un plan bien connu et presque
banal, c’est aussi le cas en Égypte, où le roi lui-même revêtait
un rôle divin – ou plutôt plusieurs rôles divins à la fois.
Beaucoup d’égyptologues se sont occupés de telles questions,
en étudiant, par exemple, par quels moyens s’exprimait la divi-
nité du pharaon. Mais on pourrait aussi aborder la question
dans un sens opposé : en analysant d’abord la structure sociale
(dans le cas présent, celle des provinces de Haute Égypte) pour
mettre en lumière dans quelle mesure cette structure corres-
pond à celle de la mythologie ou au scénario des rituels.
Le premier chapitre traite du rôle historique, social, politi-
que, administratif et, bien sûr, religieux des nomarques. Notre

2
INTRODUCTION

documentation provient principalement des cimetières nomar-


caux. Un tour d’horizon des renseignements disponibles sur
ceux-ci montre tout de suite un biais à la fois dans la documen-
tation et dans le genre de questions que se sont posés les égyp-
tologues. Ainsi, concernant le site bien connu de Beni Hasan ce
sont surtout les grandes tombes des gouverneurs qui ont
retenu l’attention. Il existe, par exemple, de nombreuses étu-
des qui tentent de situer ces personnages dans le cadre histori-
que de leurs temps. Il n’est évidemment pas sans intérêt
d’aborder ce type de problématique, mais les tombes des gou-
verneurs n’occupent qu’une partie du site. Près de mille tom-
bes appartenant à l’entourage des gouverneurs et aux membres
de la communauté qu’ils dirigeaient ont été découvertes, il y a
plus d’un siècle, par Garstang. Malheureusement ce professor
of the methods and practice of archaeology à l’université de
Liverpool a détruit les contextes archéologiques de ces centai-
nes de tombes au lieu de les documenter. De surcroît, les objets
découverts ont été dispersés à travers le monde. La tentative de
S. Orel qui, il y a quelques années, a entrepris de reconstruire
les contextes archéologiques, est certes importante, mais n’en
donne qu’une idée très approximative. Ce qui implique que nos
informations sur l’organisation du site – organisation qui doit
refléter l’organisation sociale de cette communauté nomarcale
– sont assez restreintes.
Malheureusement, le site de Beni Hasan n’est pas une
exception. Le genre de fouilles entreprises au début du XXe siè-
cle à Deir el-Bersha, Meir, Assiout, Deir el-Gabrawi, Qaw el-
Kebir, ou, plus récemment, à el-Hawawish, avaient toutes pour
but de collecter des objets d’art, des textes, et des copies de
tombes décorées. Pour la plupart de ces sites, qui n’ont guère
attiré l’attention depuis les années trente du siècle passé, il
n’existe même pas un plan.
Le second chapitre sera consacré au cimetière nomarcal de
Deir el-Bersha où l’équipe de la Katholieke Universiteit Leuven

3
LES TEXTES DES SARCOPHAGES ET LA DÉMOCRATIE

a entrepris des fouilles depuis cinq ans. Là, se pose la question


de ce que l’organisation du site, c’est-à-dire la distribution spa-
tiale des tombes et des différents types de mobilier funéraire,
pourra apporter de nouveau pour évaluer dans quelle mesure
les coutumes funéraires étaient – ou n’étaient pas – partagées
pas tous les citoyens de la métropole provinciale
d’Ashmounein. Sur cette base il sera possible d’avancer des
hypothèses pour estimer comment ce que l’on appelle « la reli-
gion funéraire » se répandait à travers les différentes couches
sociales.
À cet égard, la signification des textes funéraires inscrits sur
les sarcophages du Moyen Empire est d’importance primor-
diale. Ces « Textes des Cercueils » (ou « Textes des Sarcophages »)
sont généralement considérés comme témoins de ce qu’on
appelle la « démocratisation », ou bien « démotisation », des
croyances funéraires royales de la fin de l’Ancien Empire. Cette
religion « démocratisée » est parfois considérée comme un trait
cardinal de la religion égyptienne du Moyen Empire (et de la
Première Période Intermédiaire) dans sa globalité. Le troi-
sième chapitre traitera des origines de cette idée, et essaiera de
formuler une critique de son bien-fondé. Dans ce chapitre, il
est dans mon intention d’établir plus clairement qui étaient les
utilisateurs de ces textes et, pourquoi et dans quelles condi-
tions, ils les utilisaient. Je crois pouvoir montrer que les Textes
des Cercueils ne reflètent pas du tout les sensibilités religieuses
de l’Égypte entière, mais qu’il s’agit plutôt de la religion d’une
couche influente, mais quantitativement très restreinte, de la
population égyptienne. Il me semble aussi possible de démon-
trer que les soucis des membres de cette couche sociale se tra-
duisent nettement dans le contenu des Textes des Cercueils.
CHAPITRE I
LA CULTURE NOMARCALE :
DIMENSIONS POLITIQUES,
ADMINISTRATIVES, SOCIALES
ET RELIGIEUSES
« Was und wer ist überhaupt ein “Nomarch“ ? »1

L
e titre de nomarque remonte à l’époque gréco-
romaine.Traduit littéralement, il signifie « chef
de nome ou province ». Bien que les nomar-
ques gréco-romains n’aient pas été des gouver-
neurs provinciaux au sens plein du mot2, le
terme est généralement utilisé par les égypto-
logues pour désigner les administrateurs, du rang le plus élevé,
des provinces.
Le terme « nomarque » ainsi défini est donc une invention
égyptologique. Mais même parmi les égyptologues, tous n’at-
tribuent pas à ce vocable la même signification. Aussi est-il
important tout d’abord de discuter de ce qu’étaient un nome
et un nomarque. Ces réalités sont moins faciles à définir qu’on
ne pourrait le supposer. De surcroît, on verra que les « vrais »

1. Franke, BiOr 62 (2005), col. 466.


2. Au début de la période ptolémaïque le nomarque partageait le pouvoir avec le stra-
tègos (commandant militaire du nome) qui, déjà à partir du règne de Ptolémée III, assu-
mait aussi des fonctions civiles, tandis que le titre de nomarque ne désignait qu’un fonc-
tionnaire subalterne (voir pour la structure de l’administration provinciale à l’époque
gréco-romaine Bowman, Egypt after the Pharaohs, p. 56-88 ; Hölbl, Geschichte des
Ptolemäerreiches, p. 59 et passim). À l’époque des premiers Ptolémées, la situation
n’est pas très claire (information de mon collègue Willy Clarysse).

5
LES TEXTES DES SARCOPHAGES ET LA DÉMOCRATIE

nomarques, c’est-à-dire les gouverneurs provinciaux, apparte-


naient à une couche sociale plus large, composée d’individus
qui, sans porter le titre explicite de nomarque (Ìr.y-tp ©“ n
nome3), jouaient un rôle très semblable dans leurs communau-
tés. Il faudra alors faire la distinction entre les « nomarques » au
sens restreint et un mode d’organisation sociale à plus grande
échelle que B. Kemp a appelé « la nomarchie » (Nomarchy)4.
C’est cette culture nomarcale, plutôt que les nomarques pro-
prement dit, que je me propose d’étudier. Mais il n’est évidem-
ment pas possible de pénétrer la culture nomarcale, même dans
le sens de B. Kemp, sans comprendre ce qu’étaient les nomar-
ques et les nomes.
Dans les temples de l’époque tardive, on trouve souvent des
« listes de nomes » (fig. 1)5. Elles se présentent généralement
comme des processions de personnages personnifiant les
nomes dont ils portent le symbole sur la tête. La base de ces
symboles est souvent formée d’un signe qui rend l’image d’une
série de terrains agricoles carrés, bordés de petites digues ( ),
comme on les voit encore en Égypte, de nos jours. Ce hiérogly-
phe signifie « district », et il supporte, dans le cas des nomes,
un symbole renvoyant à une région spécifique. Par exemple, le
quinzième nome de Haute Égypte, où sont établis la ville d’el-
Ashmounein et le cimetière de Deir el-Bersha, était « le Nome
du Lièvre ». Ce symbole est arboré par une des personnifica-
tions de nomes reproduites à la figure 1.

3. Voir par exemple la remarque de Baer : « It is only the Ìrj tp ©“ who seems in all
cases to be an official actually heading the administration of a nome ; only this title
should therefore be translated “nomarch” » (Rank and Title, p. 281). Voir aussi
Moreno Garcia, dans : Des Néferkarê aux Montouhotep, p. 220.
4. Kemp, CAJ 5 (1995), p. 38.
5. On trouvera la documentation de base dans Beinlich, Studien zu den
« Geographischen Inschriften », p. 1-19.

6
LA CULTURE NOMARCALE

Fig. 1 : Partie de la liste géographique de Kôm Ombo,


montrant les personnifications des XIVe et XVe nomes
de Haute Égypte
(d’après De Morgan, Kom Ombos II.3, p. 255 [891]).

7
LES TEXTES DES SARCOPHAGES ET LA DÉMOCRATIE

L’origine des nomes

Dans le cadre des temples tardifs, les listes de nomes n’of-


frent plus qu’une image figée des divisions régionales tradition-
nelles remontant à une haute antiquité, qui dans la plupart des
cas n’avaient plus rien à voir avec les unités administratives de
l’époque6. Mais ces listes ont des ancêtres plus anciens. Un des
plus beaux exemples se trouve sur la Chapelle Blanche de
Sénousret Ier à Karnak (fig. 2)7. Là, chaque nome n’est indiqué
que par son nom. La liste de Sénousret Ier donne des précisions
concernant la superficie des provinces, le niveau atteint dans
chacune d’elles par la crue du Nil, et la longueur de la coudée
conservée dans le temple principal de chaque nome. Ce qui
suggère un lien étroit, au moins à cette époque-là, entre l’ad-
ministration civile et le temple.
Plus ancien encore, le dit « temple bas » de la pyramide
rhomboïdale de Snéfrou à Dahchour, du tout début de la IVe
dynastie, comporte des représentations de processions de
dames personnifiant les domaines royaux (Ìw.t) de ce roi

6. Voir les remarques de Yoyotte, Orientalia 35 (1966), p. 46. Plusieurs auteurs se


montrent les victimes du jargon égyptologique en affirmant, par exemple, que les
nomoi de l’époque gréco-romaine étaient « the established geographical divisions
from time immemorial » (Bowman, op. cit., p. 58-59). La confusion pourrait être due
au fait que même Helck, un des plus grands spécialistes en la matière, s’exprime
d’une manière incohérente. D’une part, il soutient que les « nomes » (ég. sp“.t)
avaient disparu pour être remplacés par d’autres unités régionales (« villes », et
autres catégories de régions administratives, comme les w et les È©Ì, et, finalement,
les nomoi des époques tardives) qui, de surcroît, pouvaient être agrandies, rédui-
tes, jumelées ou abolies. D’autre part, il décrit toutes ces unités très variées (excepté
les « villes ») comme « Gaue », mot généralement utilisé en allemand pour « nome » :
voir Helck, « Gaue », LÄ II, col. 385-408, qui donne un aperçu condensé du livre
Die altägyptischen Gaue du même auteur. Dans la présente étude on utilisera le
terme nomos pour désigner les provinces gréco-romaines à la différence du terme
« nome », qui désigne les sp“.wt.
7. Lacau, Chevrier, Une chapelle de Sésostris Ier à Karnak, p. 220-237 ; pl. 25-26 ;
40-42.

8
LA CULTURE NOMARCALE

Fig. 2 : Détail du soubassement de la Chapelle Blanche,


montrant la liste des nomes de Haute Égypte
(d'après Lacau et Chevrier,
Une chapelle de Sésostris Ier à Karnak, pl. 3).

9
LES TEXTES DES SARCOPHAGES ET LA DÉMOCRATIE

(fig. 3)8 . En tête des domaines ainsi figurés on trouve des dési-
gnations de nomes, de sorte qu’un groupe de domaines est rat-
taché à un nome spécifique. Il s’agit de la plus ancienne liste de
nomes, mais il existe des inscriptions encore plus anciennes qui
ont été interprétées comme symboles de nomes. Si cette hypo-
thèse s’avérait correcte, les figurations de nomes remonteraient
alors aux premières dynasties de l’époque historique9.
Cette brève introduction montre que les symboles de nomes
sont de haute antiquité. Mais il est certain que leur signification
n’est pas demeurée aussi résistante au changement que leur
forme. À l’époque tardive, les nomes ne jouaient plus d’autre
rôle que dans la topographie religieuse de l’Égypte.Auparavant,
ils avaient désigné des entités administratives, mais, les égypto-
logues ne sont pas d’accord sur la date à laquelle les nomes
8. A. Fakhry, The Monuments of Sneferu at Dahshur II.1, p. 17-58. Faute d’alterna-
tive, je continuerai d’utiliser la traduction « domaine » pour le mot égyptien Ìw.t.
Moreno Garcia a suggéré dans une monographie fort intéressante que les Ìw.wt
étaient des institutions royales établies à travers le pays. Le bâtiment central serait
un palais en forme de tour, qui constituerait le noyau d’une unité administrative
régionale dirigeant non seulement la production agricole, mais aussi l’emmagasi-
nage et la distribution des produits, ainsi que le contrôle des localités soumises à la
Ìw.t. De surcroît, les Ìw.wt fonctionneraient aussi comme forteresses. Elles étaient
soumises directement à la couronne et n’étaient à aucun égard des propriétés pri-
vées, comme on l’a souvent pensé (Ìwt et le milieu rural). J’accepte les conclusions
de Moreno Garcia mais, malgré sa critique, la traduction « domaine royal » me
semble très appropriée pour une telle institution.
9. Pour une liste des symboles des nomes, voir W. Helck, « Gauzeichen », LÄ II,
col. 423-424. Pour la possibilité qu’une empreinte de sceau du règne de
Khâsekhemoui désigne un nome, voir Martin-Pardey, Provinzialverwaltung, p. 35,
renvoyant à Kaplony, IÄF III, fig. 781. Pour une interprétation récente, selon
laquelle certaines inscriptions datant du début de la « dynastie zéro » contien-
draient des symboles de nomes, voir J. Kahl, CdE 78, N° 155-156 (2003), p. 124-
130. Je dois avouer que je trouve l’argumentation de Kahl hautement hypothétique,
aucun des signes ne ressemblant clairement aux hiéroglyphes plus tardifs désignant
les nomes. Il a récemment été suggéré qu’une inscription à l’encre sur un vase pro-
venant de la tombe U-j à Abydos désignerait une sorte de nome (ENGEL, MDAIK
62 [2006], p. 159, cat. 19). L’hypothèse est peu probable, étant donné que les
« inscriptions » sur ce groupe de vases ne montrent pas de caractéristiques de
l’écriture hiéroglyphique (REGULSKI, Palaeographic Study I, p. 348-358). Ainsi, il
n’existe aucun indice en faveur de l’existence d’un « nome du scorpion ».

10
LA CULTURE NOMARCALE

Fig. 3 : Détail de la procession de domaines


figurés dans le « temple de la vallée » de Snéfrou à Dahchour.
Les deux dames de droite représentent deux des trois domaines
du nome du Lièvre (XVe). Inséré entre les dames 2 et 3
on voit le symbole du nome de l'Oryx, suivi de deux des cinq
domaines de ce nome (d'après Fakhry, The Monuments of
Sneferu at Dahshur II, fig. 16).

11
LES TEXTES DES SARCOPHAGES ET LA DÉMOCRATIE

furent remplacés par d’autres types de districts administratifs. Il


semble clair que les nomes étaient de vraies unités administrati-
ves vers la fin de l’Ancien Empire ; cependant, à nouveau, les
débuts du système sont difficiles à repérer.
La première source qui présente les nomes intégrés dans un
système couvrant la totalité du pays est la liste de nomes du roi
Snéfrou déjà mentionnée. Comme le montre la figure 3, ce
document définit deux éléments d’organisation régionale à la
fois : un système de domaines royaux et un système de nomes.
Les domaines sont arrangés par groupes dont chacun appartient
à un des nomes10. Ces derniers sont déjà agencés dans l’ordre
qui deviendra canonique. Tout se présente donc comme si les
domaines étaient subordonnés aux nomes.
Selon une hypothèse émise il y a longtemps par K. Sethe,
les symboles de nomes auraient désigné, à l’époque prédynasti-
que, des entités politiques indépendantes ; celles-ci auraient été
absorbées dans le nouvel état au cours du processus d’unifica-
tion de l’Égypte. Mais ces territoires auraient survécu sous la
forme des nomes, les provinces constituant alors la forme rudi-
mentaire des royaumes miniatures de la préhistoire11.
Nos connaissances archéologiques actuelles montrent que
l’hypothèse de Sethe n’a que peu de vraisemblance12. De nos
jours, les nomes sont plutôt envisagés comme le point d’aboutis-
sement, non de l’époque prédynastique, mais du début de l’épo-
que dynastique. W. Helck suggère par exemple que les nomes
pourraient avoir été originellement des territoires administrati-
vement subordonnés aux domaines royaux établis à travers le
pays13. Pour lui, cette évolution aurait pris place pendant les deux
10. Voir aussi l’ostracon Leiden J 426, de la IVe dynastie (Goedicke, JEA 54 [1968], p.
24-26 et pl. V.1), mentionnant les Ìw.wt du dixième nome de Haute Égypte.
11. Sethe, Urgeschichte und älteste Religion, § 38-68. L’idée a déjà été rejetée par
Helck, Verwaltung, p. 194.
12. Pour un aperçu des unités régionales prédynastiques, voir Kemp, Ancient Egypt.
Anatomy of a Civilization2, p. 73-92 ; 98-99.
13. Helck, Beamtentiteln, p. 78-80 ; Idem, « Gaue », LÄ II, col. 385.

12
LA CULTURE NOMARCALE

premières dynasties, et plus probablement durant la seconde.


Dans l’une de ses publications, il suppose même que les nomes
ne furent constitués que sous le règne du roi Djoser, période à
laquelle des jarres portant des mentions de nomes furent dépo-
sées dans les couloirs creusés sous la pyramide à degrés14. La
création des nomes s’expliquerait par les besoins nés des projets
de construction des pyramides, qui débutaient à cette époque. E.
Martin-Pardey a souscrit dans les grandes lignes au raisonne-
ment de Helck, mais elle relève que de grands programmes
royaux furent déjà mis en œuvre pendant les deux premières
dynasties. Selon elle, il est vraisemblable, pour cette raison, que
les nomes soient apparus dès ce moment-là15.
Pour les deux auteurs, la conception d’entités provinciales
présuppose l’existence d’un système d’administration et, consé-
quemment, d’un système d’écriture. Mais depuis que les fouilles
allemandes dans la tombe U-j à Abydos ont révélé un nombre
important de textes16, on pourrait également repousser la créa-
tion des nomes vers le début de la « dynastie zéro ». Selon une
hypothèse un peu aventureuse de J. Kahl, ces textes contien-
draient même, possiblement, des références à plusieurs nomes17.
Pour ma part, je crois que la documentation est trop res-
treinte pour pouvoir déterminer avec certitude quand les
nomes ont été élaborés et, en raison de l’absence d’une base

14. Helck, SAK 1 (1974), p. 218.


15. Martin-Pardey, Provinzialverwaltung, p. 14-40 (accepté par Wilkinson, Early
Dynastic Egypt, p. 142, qui plus tard admet une datation de l’introduction du sys-
tème des nomes sous la IIe dynastie comme la plus vraisemblable). Quelques ins-
criptions à l’encre trouvées sous la pyramide de Djoser font état du nome de
l’Oryx. Elles appartiennent à un groupe plus large, datable, selon une étude
récente de I. Regulski, du règne de Khâsekhemoui (dans : Egypt at its Origins,
p. 949-970, et communication personnelle). Elle me renvoie aussi à l’inscription
Kaplony, IÄF III, pl. 129 (781), que j’ai déjà mentionnée. Un parallèle récemment
découvert à Umm el-Qaab montrerait qu’il s’agit en fait d’un nome dont le nom
s’écrit avec un taureau.
16. Dreyer, Umm el-Qaab I, p. 113-145; 173-187.
17. Cf. supra, n. 9, p. 10.

13
LES TEXTES DES SARCOPHAGES ET LA DÉMOCRATIE

chronologique fiable, il me semble tout aussi incertain d’envi-


sager les raisons pour lesquelles ils furent institués. Plus sérieu-
sement encore, même si j’accepte l’hypothèse qu’il ait existé
des nomes sous le règne de Djoser et peut-être un peu avant,
leur signification d’un point de vue administratif ne me semble
pas du tout claire.
Les égyptologues qui se sont occupés du sujet ont générale-
ment travaillé en s’appuyant sur l’hypothèse que l’existence de
nomes équivaut à l’existence de provinces. Helck écrit par
exemple :

La mention la plus ancienne d’un nome et de son admi-


nistration se trouve sur un tesson provenant de la pyra-
mide à degrés, qui fait état d’un « chef du nome de la
gazelle ». Sous le règne de Djoser il existait donc une
répartition en nomes et une administration de nomes18.

Le fait que ce texte inclut un signe qui, plus tard, désigne-


rait une province est ainsi interprété comme indice,
1° que ce signe avait déjà sous la IIIe dynastie la même signi-
fication que plus tard, et
2° qu’à cette époque-là déjà, toutes les régions égyptiennes
étaient organisées selon le même modèle. L’hypothèse est évi-
demment envisageable, mais la documentation ne permet
aucune certitude à cet égard.
Même dans la liste de domaines et nomes de Snéfrou, rien ne
prouve qu’on a affaire à des nomes en tant que provinces, c’est-
à-dire en tant que subdivisions régionales dirigées par un gouver-
neur. Il me semble, ainsi, tout aussi possible que les domaines
aient été rassemblés en groupes régionaux désignés par un sym-

18. Helck, Beamtentiteln, p. 78 : « Die älteste Erwähnung eines Gaues und seiner
Verwaltung ist auf einer Scherbe aus der Stufenpyramide, auf der ein “Leiter des
Gazellengaues“ ... genannt wird. Unter Zoser bestand also eine Gaueinteilung und
damit eine Gauverwaltung ».

14
LA CULTURE NOMARCALE

bole qui, pour des raisons qui nous échappent, identifiait un cer-
tain espace. Mais le reste du territoire de cet espace, où l’on
n’avait pas créé de domaines, pourrait bien avoir été géré par
d’autres systèmes administratifs, systèmes qui n’ont pas nécessai-
rement laissé de traces dans les témoignages écrits. D’autres
explications sont également concevables. Pardey, par exemple,
a récemment émis l’hypothèse que les nomes, étant associés à
des symboles probablement d’origine religieuse, étaient des uni-
tés régionales originellement organisées autour de centres reli-
gieux19. Dans cette perspective, il faudrait envisager un dévelop-
pement d’unités régionales d’ordre religieux qui, au fil des
années, auraient été transformées en unités administratives. Sur
la base de la documentation existante, il n’est pas évident de
déterminer à quelle époque cette transformation aurait com-
mencé, et quand elle aurait été achevée. Il semble aussi imagina-
ble que les nomes aient conservé un aspect religieux même après
leur conversion en « provinces », ce qui pourrait expliquer pour-
quoi les nomarques plus tardifs combinent souvent des fonctions
civiles avec des charges dans les temples locaux. Mais, en vérité,
toutes ces suggestions appartiennent au domaine de la spécula-
tion, et il est peu utile de poursuivre cette piste.
Bien que les textes du début de l’Ancien Empire témoi-
gnent de l’existence de différents types d’administrateurs
régionaux, tels que les ©ƒ mr, les Ìk“ Ìw.t ©“.t, les s‡m t“ et les Ìq“
sp“.t, il me semble difficile de prouver que l’un quelconque de
ces titres ait désigné un individu qui, à lui seul, gouvernait une
province dans sa totalité20.

19. « Provincial Administration », dans : The Oxford Encyclopedia of Ancient Egypt I, p. 17.
20. Voir par exemple Martin-Pardey, Provinzialverwaltung, p. 43-63, qui interprète en
tout cas les titres ©ƒ mr, s‡m t“ et Ìq“ (+ nom de nome) comme désignations de nomar-
ques. Mais ses propositions ne tiennent pas suffisamment compte des réserves de
K. Baer qui remarque que les divers titres d’administrateurs régionaux de cette époque
pourraient renvoyer à des responsabilités plus restreintes que celles d’un gouverneur :
Rank and Title, p. 274-285. Même si ses suggestions ne concernent pas explicitement
les titres ©ƒ mr et Ìq“ (+ nom de nome), elles pourraient bien s’appliquer ici aussi.

15
LES TEXTES DES SARCOPHAGES ET LA DÉMOCRATIE

Ce qui rend difficile la compréhension du système adminis-


tratif à ces époques reculées, c’est le manque de textes explica-
tifs. Sans doute, les différentes régions étaient-elles dirigées par
des chefs locaux, mais il n’est pas du tout certain que ces per-
sonnages aient déjà été entièrement intégrés dans ce que B.
Kemp21 a appelé la culture formelle, autrement dit la culture
officielle qui se servait de l’écriture hiéroglyphique et d’une
culture matérielle typiquement « pharaonique »22. Au tout
début de l’Ancien Empire, pendant les IIIe et IVe dynasties, il
n’existe, ainsi, que très peu de tombes provinciales bâties selon
les principes de l’architecture formelle développée dans la
région memphite. Les exemples connus sont les suivants :
1. Mastabas de la IIIe dynastie23 et du début de la IVe 24 à el-Kab.
2.Tombe à el-Gebelein datant de la IVe dynastie. Rien n’est
connu concernant le type de la tombe, et l’identité de son
propriétaire, mais la présence d’une boîte contenant l’archive
d’el-Gebelein montre que la sépulture devait appartenir à un
fonctionnaire qui était intégré dans un réseau d’administra-
teurs ayant, au moins partiellement, adopté la culture for-
melle25.Tout récemment, un mastaba datant probablement de
la IVe dynastie a été découvert sur le site26. À el-Gebelein, il
existait aussi un temple d’Hathor, dont les vestiges les plus
anciens remontent à la IIIe dynastie, ou même à la IIe 27.

21. Kemp, Ancient Egypt. Anatomy of a Civilization2, p. 111-160.


22. Tout récemment, le même raisonnement a également été adopté par Moreno
Garcia, RdE 56 (2005), p. 98 ; Idem, dans : Des Néferkarê aux Montouhotep,
p. 219-220.
23. Huyge, EA 22 (Spring 2003), p. 29-31.
24. Quibell, El Kab, p. 3. Plusieurs textes trouvés dans ces tombes mentionnent le
roi Snéfrou.
25. Posener-Kriéger, I papiri di Gebelein, p. 13. Pour les textes sur la boîte même,
voir Posener-Kriéger, dans Hommages Leclant I, p. 315-326.
26. G. Bergamini, ASAE 79 (2005), p. 34-36. Le mastaba est tout à fait compara-
ble à ceux découverts à el-Tarif .
27. Curto, Aegyptus 33 (1953), p. 105-124 ; Smith, HESPOK, p. 137 ; Smith, Art
and Architecture2, p. 256, n. 45 ; Wilkinson, Early Dynastic Egypt, p. 311-312.

16
LA CULTURE NOMARCALE

3. Mastabas du début de la IVe dynastie à el-Tarif (Thèbes)28.


Les noms et les titres des défunts ne sont pas connus.
Non loin de là existait aussi un temple datant probable-
ment de l’époque « archaïque » sur une colline au nord
de la Vallée des Rois29.
4. Mastabas à Abydos, datant des IIIe-IVe dynasties, bien que
le seul objet inscrit – un sceau cylindrique – renvoie au
roi Sahourê de la Ve dynastie. Les noms et titres des
défunts ne sont pas connus30.
5. Mastabas à Beit Khallâf31. Ces tombes ont fourni une
masse de matériel inscrit, surtout des empreintes de
sceaux de l’époque des rois Djoser et Sanakht.
Aujourd’hui, l’hypothèse du fouilleur selon laquelle le
mastaba le plus grand appartenait à Djoser lui-même
n’est plus acceptée. Il s’agit plutôt de membres d’une
élite locale dont la nature reste, malheureusement, diffi-
cile à établir32. Il n’est pas possible de dire si les titres
attestés sur les scellements, et qui incluent quelques
titres sacerdotaux, mais d’autres aussi, peut-être d’ordre
strictement administratif, font référence aux propriétai-
res des tombes ou non.
6. Mastabas des IIIe et IVe dynasties à Naga el-Deir. Les noms
et titres des défunts ne sont pas connus. Une tombe
contenait un objet inscrit au nom de Snéfrou33.

28. Arnold, Gräber des Alten und Mittleren Reiches in El-Tarif, p. 11-18 ; Ginter,
Kozlowski,
/ Pawlikowski, Sliwa,
/ Kammerer-Grothaus, Frühe Keramik und
Kleinfunde aus El-Târif, p. 59-99.
29. Site qui a reçu le nom peu approprié de Thoth Hill ; voir Vörös, Pudleiner,
MDAIK 53 (1997), p. 283-287 ; Vörös, Temple on the Pyramid of Thebes, p. 55-
64.
30. Peet, Loat, The Cemeteries of Abydos III, p. 8-22.
31. Garstang, Mahâsna and Beit Khallâf, p. 8-27.
32. Voir très récemment Wilkinson, Early Dynastic Egypt, p. 97 ; 324 ; 357.
33. Reisner, Provincial Cemetery, p. 186-190.

17
LES TEXTES DES SARCOPHAGES ET LA DÉMOCRATIE

7. Mastabas des IIIe et IVe dynasties à Raqaqna. Les noms et titres


des défunts ne sont pas connus34. Plusieurs des tombes sont
très grandes. Peu d’objets portent des inscriptions, mais dans
les tombes ont été trouvés un graffito mentionnant le roi
Snéfrou et une empreinte de sceau de Khâfrê.
8. Le cimetière de Nuweirat (pl. 1). Nuweirat se trouve à une
dizaine de kilomètres au sud du site de Zawiyet el-Mayyitin,
bien connu par la petite pyramide à degrés qui y fut
construite probablement avant le règne du roi Houni (fin de
la IIIe dynastie)35. Le cimetière de Nuweirat contient un très
grand nombre de tombes rupestres, mais le site n’a guère été
étudié jusqu’à présent. Garstang l’attribuait aux IIIe et IVe
dynasties36. Cette proposition a, depuis, été contestée par

34. Garstang, The Third Egyptian Dynasty, p. 31-60.


35. Piacentini, Zawiet el-Mayetin ; pour la pyramide, voir p. 37-43. La pyramide de
Zawiyet el-Mayyitin est généralement supposée faire partie du groupe de pyramides
miniatures érigées par le roi Houni à travers l’Égypte. Mais, en fait, G. Dreyer et W.
Kaiser émettaient déjà quelques doutes à partir de la constatation que la pyramide
de Zawiyet el-Mayyitin est pourvue de blocs de revêtement, ce qui implique aussi que
sa taille est plus grande que celle des autres pyramides de Houni : Dreyer, Kaiser,
MDAIK 36 (1980), p. 50-54. Selon Piacentini, sa dimension serait comparable à
celle des pyramides plus méridionales de Houni si l’on suppose que celles-ci aussi
avaient été revêtues de blocs en calcaire, mais elle ne peut guère présenter d’argu-
ments en faveur de cette thèse. De surcroît, depuis les fouilles récentes du Conseil
Suprême des Antiquités, il est apparu clairement qu’il existe une chambre sous le mas-
sif de la pyramide (observation faite durant une visite en avril 2006) ; ce dispositif est
apparemment absent dans les autres pyramides du même type. Cette chambre avait
déjà été insérée de manière hypothétique dans un dessin de J.-Ph. Lauer, Histoire
monumentale des pyramides I, fig. 62. La pyramide occupe donc une place à part,
ce qui ne rend pas invraisemblable qu’elle date d’une autre période que celle de
Houni : soit avant Houni, soit, comme la pyramide d’el-Sayla, après lui, pendant le
règne de Snéfrou. Étant donné que la pyramide de Zawiyet el-Mayyitin diffère aussi,
typologiquement, de celle d’el-Sayla (voir la liste de Dreyer et Kaiser, loc. cit.), la pre-
mière option pourrait être la plus vraisemblable. La conséquence en serait qu’elle
daterait du règne de Djoser, de Sekhemkhet, ou de Sanakht. Pour la position chrono-
logique de Sanakht, à la fin de la IIIe dynastie, mais avant Houni, voir Seidlmayer,
dans : Haus und Palast, p. 198-200, n. 14.
36. Garstang, Burial Customs, p. 14-16 ; 26-30. Son plan suggère même que quel-
ques tombes pourraient être plus anciennes.

18
LA CULTURE NOMARCALE

Kessler qui suggère une date contemporaine des Ve et VIe


dynasties, sans doute surtout parce qu’à cette époque, la
coutume d’enterrer les grands chefs provinciaux dans des
tombes rupestres était répandue dans toute la Haute
Égypte37. Mais, comme l’équipe de la K.U.Leuven à Deir el-
Bersha a pu le constater lors d’une visite récente du site, la
céramique date de manière homogène du début de la IVe
dynastie38. Nuweirat se présente donc comme le premier
cimetière connu, comportant ce type de tombes39.

Ces huit cimetières appartiennent sans doute à des élites


locales qui ont dû assurer des charges administratives. Dans la
plupart des cas, on ne possède malheureusement pas de tex-
tes nous renseignant sur leur statut. On pourrait supposer
qu’ils étaient responsables de l’administration d’une pro-
vince, mais cela n’est pas du tout certain. Il est en tout cas
frappant de noter que la plupart de ces cimetières est locali-
sée sur des sites différents de ceux plus tardifs où l’on a
enterré les nomarques.
Les propriétaires d’une des tombes à el-Kab portait les
titres sacerdotaux de μr.y-μ≈.t nsw.t et de μm.y-r Ìm-nÚr, un autre
était μr.y-μ≈.t nsw.t et s̃ Ìm-nÚr40. Rien n’étaye l’idée qu’il s’agit
de nomarques41.
Les papyrus d’el-Gebelein font régulièrement état d’un Ìq“
« responsable », et du fils d’un Ìq“. Selon l’éditeur de ces docu-
ments, il s’agirait « sans aucun doute » d’un Ìq“ nμw.t, « respon-

37. Kessler, Historische Topographie, p. 190-199, et particulièrement p. 197.


38. Sur la base de la céramique recueillie dans le secteur nord de Nuweirat. Nous
n’avons pas encore pu nous occuper du secteur sud qui, selon Garstang, serait
plus ancien.
39. Cette découverte est due à M. De Meyer, S. Hendrickx, L. Op de Beeck et S.
Vereecken. Une étude sur la date de ces tombes par S. Hendrickx, M. De Meyer,
L. Op de Beeck, S. Vereecken, H. Willems est en préparation.
40. Quibell, el-Kab, p. 3-4 et pl. XVIII.
41. Voir aussi Moreno Garcia, dans : Séhel entre Égypte et Nubie, p. 9-10.

19
LES TEXTES DES SARCOPHAGES ET LA DÉMOCRATIE

sable d’un vill(ag)e (c. à d. domaine) »42. Elle avance clairement


que tous les documents sont à mettre en rapport avec le
domaine (pr ƒ.t) mentionné dans le papyrus IV, recto C. Cette
explication est possible, mais deux autres solutions peuvent
aussi être proposées sur la base du contenu de l’archive elle-
même.
Le recto D1 du papyrus Gebelein I fait état de la construc-
tion ( ?) d’un « temple de Snéfrou » (Ìw.t-nÚr n.t Snfrw)43, qui
pourrait être, selon l’interprétation de P. Posener-Kriéger,
soit une chapelle de Snéfrou à Mo‘alla, soit son domaine Ìw.t-
Snfrw dont le nom survit dans celui de la ville moderne de
Asfoun el-Mata‘na44. On se demandera s’il ne s’agit pas plutôt
d’un agrandissement du temple d’el-Gebelein lui-même, dont
les vestiges les plus anciens, qui remontent à la IIIe dynastie ou
même à la IIe, témoignent déjà d’un intérêt royal45. Une inscrip-
tion de la tombe de Métjen indique que celui-ci portait le titre
de Ìq“ Ìw.t-nÚr n.t Snfrw, « responsable du temple du roi
Snéfrou »46. Le papyrus Gebelein I, lui, fait référence à un éta-
blissement religieux du même ordre que celui dirigé par
Métjen, qui en était le Ìq“. Il se pourrait donc que le Ìq“ des
papyrus de Gebelein ait été un collègue de Métjen.
Un passage du recto du papyrus Gebelein III mentionne des
livraisons au Ìq“ juste à côté de celles faites au Ìw.t ©“.t, terme
qui désigne, selon Moreno Garcia, « une sorte de palais47 qui
dirigeait de vastes exploitations agricoles de la couronne, com-
prenant des domaines, des localités, du bétail et des travail-

42. Posener-Kriéger, RdE 27 (1975), p. 219. Ce point de vue a été accepté par
Moreno Garcia (Ìwt et le milieu rural, p. 95 ; 113), bien que son interprétation du
concept de « domaine » diffère de celle de Posener-Kriéger.
43. Posener-Kriéger, I papiri di Gebelein, pl. 3.
44. Op. cit., p. 14.
45. Curto, Aegyptus 33 (1953), p. 105-124 ; Smith, HESPOK, p. 137 ; Smith, Art
and Architecture2, p. 256, n. 45.
46. Urk. I, p. 7,3.
47. Il envisage un palais royal.

20
LA CULTURE NOMARCALE

leurs ; exploitations qui étaient fondées dans des régions peu


organisées du point de vue administratif ou qui avaient un grand
potentiel agricole, là où la couronne avait intérêt à affirmer sa
présence et à développer les ressources locales ». Selon son
enquête, plusieurs villages pouvaient être soumis à un Ìw.t ©“.t48.
Les chefs de telles institutions portaient le titre de Ìq“ Ìw.t
©“.t. Même si ce titre est encore rare au début de l’Ancien
Empire dans le sud de l’Égypte, il ne serait pas surprenant que
l’administrateur d’un Ìw.t ©“.t ait été désigné dans sa commu-
nauté par l’appellation abrégée de Ìq“.
Il est difficile de choisir entre les hypothèses que je viens
d’énoncer, mais pour notre discussion les conséquences de cha-
cune d’elles sont les mêmes. Selon une des manières de voir, le
Ìq“ était un fonctionnaire chargé du temple local érigé pour le
culte du roi, selon l’autre, d’un domaine pr ƒ.t. Les deux villa-
ges d’Ónr.ty et de Ó©r.w dont les papyrus d’el-Gebelein nous pré-
sentent les comptes, peuvent avoir été subordonnés soit à
l’une, soit à l’autre des deux institutions. Les deux hypothèses
ne sont d’ailleurs pas forcément contradictoires. En effet,
Séchemnéfer Ier remplissait non seulement la fonction de prêtre
à Ónr.ty, mais il finançait aussi partiellement son culte funéraire
grâce à un domaine (pr ƒ.t) appelé Ó©r.w. Il semble ainsi certain
que Ó©r.w ait vraiment été un domaine. Cependant, les domai-
nes pr ƒ.t n’étaient pas des propriétés privées, comme on l’a
souvent pensé, mais dépendaient de l’administration royale qui
manifestait sa présence dans la campagne surtout par le biais
des domaines Ìw.t 49. Il n’est donc pas exclu qu’on ait ici affaire
à un contexte où un domaine Ìw.t se trouvait dans la région
dont dépendait Ó©r.w. On sait également qu’un domaine royal

48. Op. cit., pl. 20. Moreno Garcia, ZÄS 125 (1998), p. 45-55 ; pour la citation,
voir p. 55. On notera qu’un type de personnel attaché à un Ìw.t ©“.t, les Ìm.w
nsw.t, apparaît aussi fréquemment dans les papyrus d’el-Gebelein.
49. Moreno Garcia, Ìwt et le milieu rural, p. 222-229.

21
LES TEXTES DES SARCOPHAGES ET LA DÉMOCRATIE

pouvait héberger un lieu de culte pour le roi50, de sorte que son


chef était aussi susceptible d’être responsable du « temple de
Snéfrou » mentionné dans les papyrus d’el-Gebelein.
Cela montre la présence, dans la région d’el-Gebelein, de
fonctionnaires étroitement liés, soit à la cour royale, soit au
culte local du roi, soit à un niveau plus bas, celui de chefs de
domaines (Ìq“ nμw.t). Quoi qu’il en soit, ces personnages étaient
nettement intégrés dans la culture formelle. Mais il n’existe
aucun indice en faveur de l’existence dans la région d’un gou-
verneur provincial.
On ne sait rien des membres de l’élite dont nous connais-
sons les tombes à el-Tarif, mais l’existence, à une date très
reculée, du temple du Thoth Hill rend vraisemblable l’hypo-
thèse que, là aussi, un culte religieux avait dû jouer un rôle
important.
Comme on l’a vu, les textes écrits sur les vases trouvés sous
la pyramide du roi Djoser, mais datés de la fin de la IIe dynastie,
comportent les premières mentions certaines d’un nome, et ils
ont été généralement interprétés, pour cette raison, comme un
« terminus ante quem pour la division de l’Égypte en cantons »51.
On doit néanmoins tenir compte d’un trait remarquable : ces
textes ne font état que d’un seul nome, celui de la gazelle52. On
peut supposer que le fait que seul ce nome est attesté sur ces
documents est simplement dû au hasard, mais ce n’est évidem-
ment pas du tout certain. On constate que le nome de la gazelle
qui apparaît de manière tellement insistante dans les Topfmarken
de Djoser était une région qui, au début de l’Ancien Empire,

50. Voir Seidlmayer, dans : Haus und Palast, p. 195-214.


51. Martin-Pardey, op. cit., p. 18 : « “terminus ante quem” für die Einteilung Ägyp-
tens in Gaue ».
52. Je n’ai pas pu vérifier une impression de sceau récemment découverte à Umm
el-Qaab qui, selon les informations que je dois à Ilona Regulski, représenterait un
autre nome : voir supra, n. 15, p. 13.

22
LA CULTURE NOMARCALE

semble avoir été relativement importante. Une manifestation


de cet intérêt en est la pyramide miniature construite probable-
ment entre les règnes de Djoser et de Sanakht, à Zawiyet el-
Mayyitin. Une autre marque réside dans l’existence du grand
cimetière de Nuweirat, l’un des plus considérables, consacré à
une élite provinciale, qui soit connu dans toute l’Égypte pour le
début de la IVe dynastie, et peut-être déjà plus tôt, et qui
« annonce » l’émergence des cimetières rupestres provinciaux
des Ve et VIe dynasties. Finalement, le nombre de domaines
royaux dans cette région est, selon la liste de Snéfrou, plus
élevé que dans aucun autre nome de Haute Égypte53.
Bien qu’il me soit impossible d’expliquer la situation dans
cette région, il me semble évident que le nome de la gazelle
jouissait d’un prestige extraordinaire, ce qui pourrait justifier
les mentions dans les textes du complexe de Djoser à Saqqara54.
Ces inscriptions attestent l’existence de deux administrateurs
régionaux : un s‡m t“ m“-̃ et un Ìq“ m“-̃55, ce qui est l’indice,
soit d’une hiérarchie entre ces fonctionnaires, soit d’une orga-
nisation avec des chaînes de responsabilité séparées56. On verra
que le deuxième principe était peut-être aussi en vigueur pen-
dant la Ve dynastie. En tout cas, il n’est pas du tout certain que

53. Voir la liste comparative dans Kanawati, Governmental Reforms, p. 9, fig. 3.


54. Dans un article récent, E.-M. Engel a démontré que des nomes existaient cer-
tainement dans plusieurs parties de l’Égypte durant le règne de Khâsekhemoui
(MDAIK 62 [2006], p. 152-157). L’auteur tente aussi de montrer que les nomes
existaient déjà pendant la Ire dynastie, et même avant. Les sources auxquelles elle
renvoie pour prouver cette dernière hypothèse ne sont, à mon avis, pas convain-
cantes. Malheureusement, l’article a été publié après que la présente étude avait
été mise sous presse, de sorte que, dans mon texte, je n’ai pas pu en tenir suffisam-
ment compte.
55. Firth-Quibell, Step Pyramid I, p. 137 ; II, pl. 106 (5-6) ; PD V, pl. 28, 4-5. Le
nom du nome apparaît aussi dans plusieurs autres inscriptions de vases trouvés
sous la pyramide de Djoser, mais en dehors du cadre d’un titre administratif : voir
PD V, pl. 28.
56. Étant donné l’incertitude sur la nature du régime administratif qui régnait alors,
je doute que l’on soit en droit de qualifier ces personnages de « nomarques »,
comme semble le faire Moreno Garcia, Ìwt et le milieu rural, p. 230.

23
LES TEXTES DES SARCOPHAGES ET LA DÉMOCRATIE

les autres régions aient déjà été administrées de la même


façon57.
Si j’ai assez longuement discuté ces différents points, c’est
pour montrer que, même là où nous pouvons percevoir la pré-
sence d’une élite régionale, il n’est pas du tout assuré qu’il
s’agisse de gouverneurs de nome. Au contraire, les indices en
faveur de la présence de ce genre de fonctionnaires font totale-
ment défaut, tandis qu’il existe des traces montrant que plu-
sieurs des élites régionales ont pu être liées à un lieu de culte
royal et peut-être également divin58.

Pour la IVe dynastie, les textes disponibles nous renseignent


surtout sur les fonctionnaires attachés à l’administration cen-
trale. Il est vrai que le nombre de titres provinciaux témoigne
aussi d’un accroissement. Mais si l’on jette un coup d’œil sur les
sources, on s’aperçoit aussitôt que la plupart des mentions sont
concentrées dans trois tombes du début de la dynastie : celles de
Métjen (déjà citée), de Netjer-âperef, et de Péhernefer. Dans
tous les exemples il s’agit de fonctionnaires attachés à la
Résidence qui exerçaient aussi plusieurs tâches dans différentes

57. Il est important de mentionner brièvement le projet peut-être « national » de


construire des pyramides miniatures à travers le pays qu’entreprit le roi Houni. La
distribution spatiale de ces monuments suggère que chaque pyramide de ce
groupe appartenait à un nome : Seidlmayer, dans : Haus und Palast, p. 209-210.
Selon une interprétation récente, la petite pyramide d’Éléphantine était l’élément
central d’un domaine royal (Seidlmayer, op. cit., p. 205-214, avec renvois bibliogra-
phiques à d’autres études sur les pyramides miniatures). Il semble évident qu’un tel
domaine cum pyramide devait avoir une importance plus grande qu’un domaine
sans pyramide. Le fait que plusieurs domaines pouvaient exister à faible distance
l’un de l’autre (dans la liste des domaines de Snéfrou, il n’est pas exceptionnel d’en
trouver trois, quatre, ou même cinq dans un seul nome) suggère la possibilité d’une
certaine hiérarchie administrative. On se demandera si de tels groupements ne
pourraient pas avoir été à l’origine du système de nomes tel que le présente la liste
de Snéfrou.
58. Le temple d’Hathor à el-Gebelein était évidemment consacré à une déesse,
mais en raison des liens étroits entre Hathor et le roi, ce cas n’est pas clair. Le culte
royal doit avoir joué un rôle conséquent.

24
LA CULTURE NOMARCALE

régions d’Égypte, régions qui sont désignées par des symboles de


nomes. Il est clair que l’on ne se trouve pas en présence de gou-
verneurs résidant de manière permanente dans un nome, mais de
fonctionnaires qui remplissaient une série de fonctions passagè-
res. Il se pourrait que ces charges aient été confiées aux porteurs
des titres dans le cadre de l’exécution de projets spécifiques. Il
n’y a, me semble-t-il, aucun argument pour prouver que ce
modèle avait été adopté de manière globale, partout en Égypte,
pour l’administration quotidienne des provinces59. Peut-être est-
il plus vraisemblable qu’on ait affaire à des cas assez particuliers.
Même si l’on doit reconnaître que cette hypothèse reste à
démontrer, cela est aussi vrai pour la proposition inverse60 qui
considère Métjen, Netjer-âperef et Péhernefer comme des figu-
res typiques du mode d’administration provinciale de la IVe
dynastie. Au vu de ces incertitudes, la meilleure solution me
semble être d’accepter l’idée que les principes de l’administra-
tion régionale nous échappent largement pour cette époque. Par
conséquent, l’hypothèse selon laquelle les nomes constituaient
les noyaux administratifs régionaux par excellence reste dou-
teuse, bien qu’ils soient dès cette période fréquemment men-
tionnés dans les textes. Si l’on doit admettre qu’ils jouaient un
rôle dans l’administration, il n’est pas moins difficile pour la IVe
dynastie que pour l’époque précédente de percevoir de quel
genre d’administration il s’agissait.

Les nomes pendant la Ve dynastie

Des changements profonds se produisirent dans l’état égyp-


tien au cours de la Ve dynastie. Jusque là, les plus hauts fonc-

59. Moreno Garcia a récemment émis l’hypothèse que les activités de Métjen et
de Péhernefer pourraient être mises en relation avec « la politique très active d’éta-
blissement de fondation de Ìwwt et de Ìwwt ©“t en Égypte » qu’entreprit Snéfrou :
Ìwt et le milieu rural, p. 156.
60. Accepté, par exemple, par Kanawati, Governmental Reforms, p. 1-2.

25
LES TEXTES DES SARCOPHAGES ET LA DÉMOCRATIE

tionnaires de l’administration centrale avaient été d’importants


membres de la famille royale. Ils semblent avoir été remplacés
à partir du règne de Niouserrê par des particuliers qui étaient
des administrateurs professionnels61. De plus, les inscriptions
funéraires, maintenant plus nombreuses, montrent que ces per-
sonnages portaient toute une série de titres, titres qui sont
arrangés en séries cohérentes, les title strings de K. Baer. Elles
sont généralement interprétées comme le reflet d’une tentative
de professionnalisation administrative62.
Pendant la Ve dynastie, le nombre de fonctionnaires aug-
mente considérablement. Leurs tombes restent concentrées
dans la région memphite, mais on constate parallèlement
l’émergence d’un nombre croissant de tombes de hauts admi-
nistrateurs régionaux en dehors de la capitale. Cette évolution
s’explique au moins partiellement par la tendance des adminis-
trateurs régionaux à s’installer de manière permanente loin de
la Résidence. Mais on ne doit pas exclure une hypothèse com-
plémentaire selon laquelle les élites régionales, qui doivent
avoir toujours existé, adoptaient de plus en plus fréquemment
la culture formelle dont les tombes inscrites, qui forment la
base de nos connaissances, sont une manifestation. De cette
hypothèse découle une conséquence importante : la visibilité
des administrateurs régionaux dans nos sources pourrait reflé-
ter, non seulement un essor du régime administratif, mais aussi
une formalisation de la culture matérielle qu’embrassaient les
élites locales déjà existantes63.

61. Baer, Rank and Title, p. 296 ; 299-300 et passim ; Strudwick, Administration,
p. 337 et passim.
62. Bien que le système de Baer ait été critiqué à juste titre (Strudwick,
Administration, p. 4-5), la tendance générale ne doit pas être remise en cause.
63. Pour ce raisonnement, voir aussi, tout récemment, Moreno Garcia, RdE 56
(2005), p. 95-128 (particulièrement p. 109) ; Idem, dans : Des Néferkarê aux
Montouhotep, p. 215-228 ; Idem, dans : Séhel entre Égypte et Nubie, p. 19-22.

26
LA CULTURE NOMARCALE

Quoi qu’il en soit, au cours de la Ve dynastie on compte un


grand nombre d’individus chargés de tâches administratives
régionales et, fréquemment, ils utilisent le symbole d’un nome
dans leurs titulatures, présence souvent comprise comme un
indice militant en faveur de l’existence de nomarques, et donc,
des nomes en tant que provinces64. Pour en citer un exemple, la
tombe de Khou-nes à Zawiyet el-Mayyitin contient la série de
titres μr.y-μ≈.t nsw.t m“-̃, s‡m t“ et μm.y-r wp.t, qui a été inter-
prétée par Moreno Garcia comme désignation du statut d’un
nomarque65. En étudiant les textes dans cette perspective, il
n’est malheureusement pas facile de cerner quels titres carac-
térisent un « nomarque », parce que les séries de titres qui ont
été associées par les égyptologues au nomarcat sont non seule-
ment très nombreuses, mais aussi très variables. Il s’agit de
titres comme ©ƒ mr (+ nom de nome), Ìq“-Ìw.t ©“.t, s‡m t“ (+
nom de nome)66, μr.y-μ≈.t nsw.t (+ nom de nome), μm.y-r wp.t,
μm.y-r swnw, μm.y-r nμw.wt m“w.t, et d’autres. La compréhension
de ces titres s’avère complexe. D’une part, plusieurs d’entre
eux n’étaient utilisés que dans certaines parties du pays67. De
l’autre, certains qui ont été interprétés comme titres nomar-
caux, ne le sont vraisemblablement pas. C’est par exemple le
cas pour le Ìq“ Ìw.t ©“.t qui dirigeait une institution royale
domaniale directement soumise à la couronne68. D’autres char-
ges attestées dans les provinces ne sont pas nécessairement atta-
chées exclusivement à l’administration locale. On peut ainsi
mentionner le μm.y-r wp.t, titre qui signifie « chef de mission »

64. Récemment, par exemple, Moreno Garcia, Ìwt et le milieu rural, p. 238-239.
65. Moreno Garcia, ZÄS 125 (1998), p. 47. Voir aussi, par exemple, Fischer,
Dendera, p. 9-12 ; Martin-Pardey, Provinzialverwaltung, p. 43-63 ; 78-108.
66. Selon Moreno Garcia, « une sorte de nomarque » : Ìwt et le milieu rural,
p. 234.
67. ©ƒ mr dans le Delta, s‡m t“ en Haute Égypte.
68. Martin-Pardey, Provinzialverwaltung, p. 54-57 ; Moreno Garcia, ZÄS 125
(1998), p. 45 sq. ; Idem, Ìwt et le milieu rural, p. 39 ; 234.

27
LES TEXTES DES SARCOPHAGES ET LA DÉMOCRATIE

et qui peut s’appliquer aussi bien à une tâche dans les provinces
qu’à d’autres fonctions69. Étant donné que les associations de
titres qu’on rencontre au gré des exemples ne sont pas très sta-
bles, il semble clair que leur mode d’acquisition pouvait diffé-
rer, dans une certaine mesure, d’un cas à un autre70. Il en résulte
qu’ils sont liés à différentes responsabilités qui pouvaient être
combinées entre elles par un même individu, mais ne devaient
pas obligatoirement l’être. On est donc en droit de dire que ces
personnes sont des administrateurs fonctionnant dans les

69. Je ne vois pas vraiment la nécessité de traduire μm.y-r wp.t comme « overseer
of the division », ou « Vorsteher der Teilung », ce qui a été proposé pour quelques
exemples du titre au moins : Fischer, Dendera, p. 221-223 ; Martin-Pardey, SAK 11
(1984), p. 231-251. Les raisons pour supposer que le même titre lié à des offrandes,
μm.y-r wp.t Ìtp-nÚr, devrait comporter un autre mot wp.t que « mission », « charge »,
comme le propose Fischer, m’échappent. De même, je ne comprends pas pour-
quoi le titre « chef de mission(s) » ne serait pas suffisamment spécifique pour être
celui d’un fonctionnaire provincial, comme l’a avancé Martin-Pardey. De plus, pour
elle, la traduction « chef de mission(s) » serait inadéquate, parce que cela implique-
rait que le système des nomes ne se serait pas encore imposé (p. 235-236). Non
seulement ces remarques ne sont pas nécessairement pertinentes, mais surtout, elles
tiennent comme un fait acquis l’existence d’un système nomarcal bien établi. C’est,
certes, une possibilité, mais qui reste à prouver. Ainsi, une partie importante des
prémisses du raisonnement de Martin-Pardey n’est pas fiable. Plusieurs auteurs
admettent que le titre μm.y-r wp.t suivi du nom d’un nome aurait été le titre le plus
important d’un nomarque, comme l’affirment Fischer, Dendera, p. 9 ; Martin-
Pardey, Provinzialverwaltung, p. 66 ; Kanawati, Governmental Reforms, p. 2 ;
Martin-Pardey, SAK 11 (1984), p. 231-251. Dans cette perspective, il est gênant que
ce titre, après la réforme administrative du début de la VIe dynastie, ne semble pas
être spécifiquement attribué aux Ìr.y.w-tp ©“ (Moreno Garcia, RdE 56 [2005],
p. 116). En outre, s’il ne s’agit pas du titre de nomarque même, mais seulement de
son titre le plus important, quel autre titre signifie « nomarque » ? Ce qu’on déplore
dans la discussion, c’est la manière très vague dont les auteurs utilisent parfois les
termes « fonctionnaire provincial » et « nomarque ». Cela rend difficile de compren-
dre de quel niveau administratif on discute.
70. La liste publiée dans Kanawati, Governmental Reforms, p. 2-4, démontre bien
la variabilité des title strings. Dans ses publications les plus récentes, Moreno
Garcia aussi semble avoir changé d’avis (cf. n. 65, p. 27), situant « la création du
système des nomarques vers la fin de la Ve et le début de la VIe dynastie » : RdE 56
(2005), p. 106-107 ; Idem, dans : Des Néferkarê aux Montouhotep, p. 220 ; Idem,
dans : Séhel entre Égypte et Nubie, p. 20.

28
LA CULTURE NOMARCALE

nomes, mais pas encore qu’ils sont des nomarques, bien que,
dans les circonstances où une personne portait de nombreux
titres, la différence devait être, en pratique, minime.
Pour comprendre la raison d’être de ce système administra-
tif fragmenté il convient de reprendre les idées énoncées par
N. Strudwick sur le développement de l’administration cen-
trale. Il montre l’émergence, pendant la Ve dynastie, de cinq
« directorats » ou « ministères », subordonnés respectivement
au Chef des Scribes des Documents du Roi (μm.y-r s‡<.w> ©
nsw.t), au Chef des Six Grandes Maisons (c. à. d. le Ministère de
la Justice, μm.y-r Ìw.t-wr.t 6), au Chef des Travaux du Roi (μm.y-r
k“.t nsw.t)71, au Chef du Double Trésor (μm.y-r pr.wy-̃), et au
Chef du Double Grenier (μm.y-r ‡nw.ty). Selon Strudwick, tous
ces titres peuvent apparaître accompagnant celui du vizir (t“y.ty
z“b Ú“.ty), mais la plupart d’entre eux sont également utilisés par
d’autres personnes. Le Ministère de la Justice est le seul à être
spécifiquement réservé au vizir. Les fonctionnaires dirigeant les
autres institutions ne sont donc pas forcément des vizirs, mais ils
peuvent porter des titres de rang aussi élevé que ceux accordés
à celui-ci. À cette époque, on constate donc l’existence d’un
système de cinq directorats plus ou moins indépendants, le vizir
n’étant qu’un primus inter pares entre leurs directeurs. Dans plu-
sieurs cas, le vizir était seulement à la tête du directorat de la
Justice, dans d’autres il bénéficiait aussi d’un ou plusieurs autres
titres72. Ce processus ressemble fortement à celui que nous
venons d’évoquer pour les fonctionnaires provinciaux. Dans
certaines conditions, lorsqu’un individu parvenait à réunir un
grand nombre de titres locaux, ses pouvoirs approchaient, dans

^
71. Dans une note récente, Krejci aussi discute ce titre, mais il lui attribue une place
moins prééminente dans la hiérarchie que Strudwick (Ä&L 10 [2000], p. 67-75,
^
particulièrement p. 71). Mais du fait que Krejci n’entre pas dans une analyse du
dynamisme du système administratif, discutant les occurrences datant de la IVe
dynastie à la VIe en bloc, je préfère suivre Strudwick.
72. Strudwick, Administration, p. 337-346 et passim.

29
LES TEXTES DES SARCOPHAGES ET LA DÉMOCRATIE

la réalité des faits, ceux d’un gouverneur ; dans d’autres, plu-


sieurs administrateurs pouvaient être actifs simultanément sans
que l’un soit nécessairement subordonné à l’autre.

Administration
Vizir centrale

Justice Archive Travaux Greniers Trésor


publics

Administration
régionale

Fig. 4 : Organigramme simplifié de l'administration égyptienne


entre les règnes de Niouserrê et de Djedkarê-Isési.

30
LA CULTURE NOMARCALE

Ce qui est frappant, c’est que l’administration centrale se


présente aussi morcelée que l’administration provinciale. Il n’y
a pas de vizir avec des responsabilités générales, il n’y a pas non
plus de gouverneur responsable de toute l’administration pro-
vinciale. Je ne crois pas que ce parallélisme puisse être dû au
hasard. Il est possible que la répartition administrative qui se
manifeste si clairement au niveau central ait conduit à une frag-
mentation de même nature dans les provinces. Une tentative de
visualiser et d’expliquer de manière très simplifiée comment
un tel système pourrait être envisagé a été rendue à la figure 4
– il s’agit donc d’un modèle hypothétique, qui ne prétend pas
être exact dans les détails, mais qui propose un modèle général
susceptible d’éclairer pourquoi les responsabilités sont répar-
ties de manière si fragmentée aussi bien dans l’administration
centrale que provinciale. Elle montre une situation où les fonc-
tionnaires envoyés temporairement en province, ou stationnés
là de manière permanente, ressortaient tous d’un directorat de
l’administration centrale. Au niveau provincial, cela implique
une segmentation administrative qui correspond exactement à
celle qu’on rencontre dans les textes autobiographiques des
administrateurs locaux73.

L’administration des nomes pendant la VIe dynastie

Vers la fin de l’Ancien Empire, à partir du règne de


Djedkarê-Isési, on voit apparaître une nouvelle structure dans

73. Comme hypothèse, on pourrait envisager qu’un titre tel que μm.y-r wp.t, « chef
de mission », a été utilisé par une personne envoyée, par exemple, par le bureau
du μm.y-r k“.t pour un projet spécifique : ainsi, dans l’autobiographie de Nékhébou
on lit que ce directorat dirigeait le creusement d’un canal dans le Delta. Le bureau
du μm.y-r ‡nw.ty pourrait avoir été responsable d’institutions agricoles locales, etc.
Le modèle de la figure 4 est certainement beaucoup trop simple, parce qu’il est pro-
bable que le palais royal avait aussi son propre réseau administratif dans les pro-
vinces. Dans ce contexte, des titres comme Ìq“ Ìw.t ©“.t et μm.y-r swnw (voir pour
ce dernier Moreno Garcia, ZÄS 124 [1997], p. 116-130) peuvent être envisagés.

31
LES TEXTES DES SARCOPHAGES ET LA DÉMOCRATIE

l’administration centrale, processus qui s’achève au cours de la


VIe dynastie74. Les cinq directorats continuent d’exister, mais le
vizir obtient d’office la plus haute responsabilité au Ministère de
la Justice et des Archives, tandis que les chefs des autres dépar-
tements perdent leurs titres de rang les plus élevés.Ainsi chaque
département est désormais clairement subordonné au vizir.
Il me semble important que, parallèlement à cette transfor-
mation de l’administration centrale, on constate l’apparition
d’un nouveau fonctionnaire : le nomarque, appelé en égyptien
Ìr.y-tp ©“ n Nome, « grand chef d’un nome »75. Dans la plupart
des cas, la région dont le gouverneur est responsable s’écrit
avec le symbole du nome76.Ainsi, le nouveau titre exprime clai-
rement que cette unité géographique est désormais placée sous
la direction d’un seul fonctionnaire. Dès lors, personne ne
doute que, vers le début de la VIe dynastie, le nome est une pro-
vince. Le titre Ìr.y-tp ©“ n sp“.t/Nome suggère que le nomarque
assume la responsabilité générale de celle-ci, de sorte que je
crois pouvoir élaborer l’organigramme présenté à la figure 577.
Désormais, tout comme le vizir a obtenu l’autorité globale
pour tous les directorats de l’administration centrale, le nomar-
que a plein pouvoir dans sa province. Aux deux niveaux, on
opère sur la base d’une structure top down.

74. Strudwick, Administration, p. 337-346 et passim ; Moreno Garcia, Ìwt et le


milieu rural, p. 242-248.
75. Selon Baer, ce changement se manifeste déjà à partir de la fin de la Ve dynas-
tie (Rank and Title, p. 274-284), mais les exemples les plus anciens, Isi d’Edfou et
Ounas-ânkh de Thèbes, sont, aujourd’hui, plutôt datés du début de la VIe dynastie,
ou même, dans le cas du dernier, plus tard dans cette dynastie : voir Kanawati,
Governmental Reforms, p. 132-147.
76. Dans les nomes méridionaux, le titre a toujours la forme Ìr.y-tp ©“ n sp“.t, sans
mention du nom du nome. Pour cette raison, le titre sera, dans les pages suivantes,
souvent rendu comme Ìr.y-tp ©“ n sp“.t/nome.
77. Le système n’apparaît pas partout en Haute Égypte. Les nomarques ne sont pas
attestés dans les nomes septentrionaux, probablement parce qu’ils étaient gérés
directement par des fonctionnaires memphites : Moreno Garcia, Ìwt et le milieu
rural, p. 242-248.

32
LA CULTURE NOMARCALE

Comme dans le cas de la figure 4, on doit garder présent à


l’esprit que le schéma n’a pour but que de figurer de manière
facilement compréhensible le principe d’organisation, et non
pas les détails de la structure. Ainsi, là non plus, le réseau admi-
nistratif du Palais Royal n’a pas été inséré. De surcroît,

Administration
centrale

Vizir

Justice Archive Travaux Greniers Trésor


publics

nomarque Vizir provincial


Ìr.y-tp ©“ n sp“.t/Nome

Administration
régionale

Fig. 5 : Organigramme simplifié de l'administration égyptienne


à la VIe dynastie.

33
LES TEXTES DES SARCOPHAGES ET LA DÉMOCRATIE

Moreno Garcia a récemment montré que, dans le cas du neu-


vième nome de Haute Égypte, la situation était en réalité plus
complexe que celle que je viens de décrire78. Deux branches
d’une même famille s’y occupaient de différents aspects de
l’administration. L’une, qui avait comme base de pouvoir le
temple local, fournissait aussi le nomarque, tandis que l’autre
dépendait directement des bureaux de l’administration centrale.
La raison d’être de cette répartition des charges n’est pas tout à
fait claire, mais on peut imaginer qu’il s’agissait d’un système
dans lequel les pouvoirs effectifs des nomarques devaient être
contrôlés par les représentants de l’autre branche familiale.
Le cas du neuvième nome de Haute Égypte n’est peut-être
pas unique. En fait, beaucoup d’autres nomarques portaient
non seulement le titre de Ìr.y-tp ©“ n sp“.t/Nome, mais aussi,
surtout vers la fin de l’Ancien Empire, celui de chef des prêtres
locaux (μm.y-r Ìm.w-nÚr). Selon Moreno Garcia le temple
était, en fait, l’assise des représentants des élites locales qui se
transformèrent pendant la VIe dynastie en nomarques. D’après
lui, l’importance de ces cultes régionaux a été si grande que les
rois auraient fondé leur politique régionale, dès le début de
l’Ancien Empire, sur des alliances avec les prêtrises locales79.
Ce dernier point me semble douteux comme explication
générale. L’analyse de Moreno Garcia ne permet pas de com-
prendre pourquoi les cultes divins régionaux étaient, au début
de l’Ancien Empire, concentrés dans des temples de petite
échelle et d’organisation préformelle, une situation qui s’expli-
que mal si l’on suppose, comme lui, que ces temples fonction-
naient sous le haut patronage du roi80. Un exemple révélateur,

78. RdE 56 (2005), p. 105-118 ; voir déjà Idem, Ìwt et le milieu rural, p. 242-248 ;
256-257.
79. Moreno Garcia, RdE 56 (2005), p. 95-128 ; Idem, dans : Séhel entre Égypte
et Nubie, p. 5-22.
80. Voir pour le matériel utilisé dans ce débat, et pour les points de vue de Moreno
Garcia, RdE 56 (2005), p. 96-97.

34
LA CULTURE NOMARCALE

qui me semble très clair malgré la position critique de Moreno


Garcia, est celui d’Éléphantine. L’attention royale pour le
culte du temple de Satet et celle pour le culte du roi lui-même
sont, pendant la IIIe dynastie, d’un ordre totalement différent81.
Dans le cas des autres temples régionaux (Médamoud, Abydos,
Tell Ibrahim Awad) on trouve bien sûr des indices en faveur
d’un intérêt royal, mais guère avant la VIe dynastie.
Moreno Garcia a traité le même thème avec un point de
vue différent et, je crois, plus vraisemblable, dans une étude
légèrement plus ancienne82. Il montrait que dans quelques
nomes (les troisième, cinquième et neuvième nomes de Haute
Égypte), les temples locaux jouaient un rôle conséquent dès le
début de l’Ancien Empire, et que leur présence semblait avoir
bloqué l’implantation de certaines innovations administratives
qui étaient courantes ailleurs. Dans une telle situation, la posi-
tion des élites locales a dû s’appuyer très tôt déjà sur les tem-
ples.
Mais il est beaucoup plus difficile d’entrevoir comment et
pourquoi les autres temples locaux avaient obtenu une position
influente, si manifeste dans la documentation de la fin de
l’Ancien Empire83. Cela dit, on ne peut que souscrire à l’idée
que, vers la fin de la Ve dynastie, ces temples avaient acquis une
importance fondamentale, non seulement sur le plan théologi-
que, mais aussi, à en juger par les mentions fréquentes de ter-
res et de personnel attachés au temple, sur le plan économique.
Les chefs des temples jouaient alors un rôle décisif dans leurs
communautés, rôle qu’ils parvenaient souvent à combiner avec

81. Seidlmayer, dans : Haus und Palast, p. 207. Voir aussi Kemp, CAJ 5 (1995),
p. 46-50.
82. Moreno Garcia, Ìwt et le milieu rural, p. 252-265.
83. On vient de voir qu’il existait, au début de l’Ancien Empire, des élites importan-
tes dans plusieurs régions : Éléphantine, el-Kab, el-Gebelein, Thèbes, Zawiyet
el-Mayyitin. Mais il me semble clair qu’elles étaient liées au culte royal plutôt qu’à
celui d’une divinité régionale.

35
LES TEXTES DES SARCOPHAGES ET LA DÉMOCRATIE

celui de nomarque84. Le lien entre la gestion du nome et celle


du temple local peut être d’un grand intérêt pour éclairer la
compréhension de la « Nomarchie » du Moyen Empire.
Pendant la VIe dynastie, le régime provincial s’organisa selon
ces lignes. Je n’ai pas l’intention de spéculer sur les conditions
qui ont conduit à la chute de l’Ancien Empire, mais il est clair
que, pendant l’éclipse du pouvoir royal au commencement de
la Première Période Intermédiaire, une classe dirigeante était
déjà disponible pour combler le vide.
Dans les conditions parfois chaotiques du début de cette
époque, le système administratif de l’Ancien Empire perdit sa
cohérence. Plusieurs nomes, surtout dans le sud, semblent
s’être désintégrés ; d’autres continuaient à exister, mais avec
une plus grande autonomie qu’auparavant ; et d’autres encore
se montraient si entreprenants qu’ils réussirent à conquérir des
nomes avoisinants. Sans que je puisse entrer ici dans les détails,
il me semble que les tendances à la désintégration se manifes-
taient le plus clairement dans les nomes les plus méridionaux
du pays, tandis que la situation en Moyenne Égypte était appa-
remment beaucoup moins chaotique85.

L’administration régionale pendant


la Première Période Intermédiaire et au Moyen Empire

Après la Première Période Intermédiaire, l’état égyptien fut


réunifié par le roi thébain Montouhotep II qui inaugura le Moyen

84. Moreno Garcia souligne que dans certains nomes où l’on ne connaît pas de
Ìr.y tp ©“ n sp“.t/nome, l’installation d’un nomarque pourrait avoir été bloquée par
les prêtrises locales : Séhel entre Égypte et Nubie, p. 20. Bien que le lien de cau-
salité qu’il suggère reste de l’ordre de la spéculation, l’hypothèse n’est pas exclue.
La documentation montre en tout cas a) qu’un degré de variabilité continuait à exis-
ter d’un nome à l’autre et b) que les rôles de nomarques et chefs des prêtres
devaient être en partie du même ordre dans le réseau social local.
85. J’ai abordé ce thème de façon plus détaillée dans Phoenix 46.2 (2000), p. 76-78.

36
LA CULTURE NOMARCALE

Empire. La réapparition de la titulature nomarcale dans nos sour-


ces de cette époque pourrait donner l’impression soit d’une
continuité administrative, soit d’une sorte de restauration du sys-
tème administratif de la fin de l’Ancien Empire. On serait alors
conduit à croire que l’administration provinciale de cette époque
opérait sur la base d’un système monolithique qui aurait existé à
travers toute l’Égypte, avec une répartition en nomes.
Mais cette manière de voir est certainement trop simple. La
plupart des égyptologues travaille à partir du modèle déve-
loppé par le savant allemand W. Helck86. Il supposait que le sys-
tème du Moyen Empire était plus ou moins identique, non à
celui de l’Ancien Empire, mais à celui du Nouvel Empire, épo-
que à laquelle les chefs régionaux n’étaient plus des nomar-
ques, mais des maires de grandes villes. Ils portaient des titres
tels que Ì“.ty-© n ·r.ty, « maire d’el-Tôd », titre qui contient le
nom de la ville capitale de la région, mais ne renvoie pas à celui
du nome87. Cette situation a conduit Helck à penser que le
nome n’était plus une entité administrative. Ce rôle aurait été,
dès lors, revêtu par les grandes villes provinciales. Les maires
étaient, dans le cadre de cette structure administrative, respon-
sables à la fois de ces villes et des zones agricoles avoisinantes.
On doit avouer que plusieurs inscriptions du Moyen Empire
décrivent un tel état de fait. Par exemple, le graffito 87 du
Ouadi Hammamat, daté du règne de Sénousret Ier, relate une

86. Helck, Verwaltung, p. 207-211. Pour une critique de la théorie de Helck, voir
infra, p. 62-65.
87. Pour une liste de ces fonctionnaires durant le Moyen Empire, voir Fischer,
Dendera, p. 71, n. 289 ; Gauthier, ASAE 26 (1926), p. 273 ; Czerny, Ä&L 11
(2001), p. 23-25 et, pour les chefs des forteresses nubiennes, Moreno Garcia,
dans : Séhel entre Égypte et Nubie, p. 165-166. Pardey a récemment choisi de tra-
duire aussi ce nouveau genre de titre par « nomarque » (cf. « Provincial
Administration », dans : The Oxford Encyclopedia of Ancient Egypt, p. 18-19). Bien
que des arguments puissent être avancés à l’appui de cette approche (les nomoi
de l’époque gréco-romaine étaient aussi désignés par le nom de la capitale), elle
tend à masquer la différence réelle entre les deux conceptions administratives que
Helck a mises en lumière.

37
LES TEXTES DES SARCOPHAGES ET LA DÉMOCRATIE

expédition dont l’équipe était mobilisée par les maires (Ì“.ty-©)


de plusieurs villes du sud de la Haute Égypte, aucune mention
n’étant faite des nomes88. On n’est donc pas en droit de mettre
en doute l’existence des maires pendant le Moyen Empire89.
Mais il est aussi certain qu’un nombre assez important de
personnages continue à porter le titre de nomarque ; ainsi, plu-
sieurs chefs régionaux à Assiout, Meir, Deir el-Bersha, et Beni
Hasan. Helck reconnaît ces données, mais il croit que la péren-
nité de la titulature ancienne ne reflète pas une réalité adminis-
trative, mais seulement un souci, on pourrait dire un « sno-
bisme », de certains maires, qui les aurait conduits à s’arroger
des titres administratifs peu réels, mais néanmoins glorieux90.
Helck remplace donc une théorie monolithique (« Les pro-
vinces égyptiennes furent conduites par des nomarques ») par
une autre théorie non moins monolithique (« L’Égypte provin-
ciale fut dirigée par des maires »). Depuis, cette dernière hypo-
thèse a été acceptée par plusieurs égyptologues.
En 1987, L. Gestermann publiait une nouvelle étude sur la
question91. Sa collection de données, très systématique, permet
facilement d’examiner pour quelles provinces il existe des men-
tions de nomarques (Ìr.y-tp ©“), et également, pendant quelles
périodes. Elle donne aussi une interprétation qui, d’une part,
reprend plusieurs éléments de l’hypothèse de Helck, en particu-
lier sur l’importance croissante des villes depuis la fin de l’Ancien
Empire, mais qui, d’autre part, apporte des vues nouvelles. Par
exemple, elle établit que, pendant la Première Période Intermé-
diaire, le système de gouvernorat dans la région héracléopolitaine

88. Hamm. no. 87. Pour une récapitulation récente de la problématique, voir
Franke, Das Heiligtum des Heqaib, p. 10-12.
89. Mais les stèles évoquées infra dans la note 110, p. 47, montrent que la situation
pourrait avoir été plus complexe que Helck ne le pensait.
90. Helck, Verwaltung, p. 209-210 : dans les cas où les maires dirigeaient des villes avec
une tradition nomarcale, « ... legten sie sich noch den Titel eines “Großen Oberhauptes” bei,
der aber nur eine historizierende Bezeichnung darstellt und kein Amts- oder Rangtitel ».
91. Gestermann, Kontinuität und Wandel.

38
LA CULTURE NOMARCALE

différait sensiblement de celui de la région thébaine. Dans le pre-


mier, en Moyenne Égypte, le système nomarcal de l’Ancien
Empire survivait, tandis que les rois thébains avaient établi un nou-
veau régime où il n’y avait plus de place pour les nomarques, et où
les chefs des villes assumaient un rôle prépondérant. Il existait
alors une grande différence entre les deux parties du pays92.
La disparition du système nomarcal dans le sud de l’Égypte
s’explique probablement comme une réaction aux graves problè-
mes politiques que connut cette partie du pays pendant la période
qui suivit directement la fin de l’Ancien Empire. Les textes
d’Ankhtifi à Mo©alla montrent, d’un côté, une tendance de cer-
tains nomarques à élargir leur territoire. Ankhtifi lui-même était
nomarque du troisième nome de Haute Égypte, mais, apparem-
ment, il prit également le pouvoir dans les premier et deuxième
nomes. Ses textes décrivent une alliance comparable entre les
quatrième et cinquième nomes qui s’opposaient à lui93. À la même
période, un nomarque appelé Ab-ihou dirigeait les sixième, sep-
tième et huitième nomes de Haute Égypte, tandis que Inheret-
nakht commandait les huitième et dixième nomes94. Les sources

92. Gestermann, Kontinuität und Wandel, p. 135-144 ; voir aussi Willems, Chests
of Life, p. 60 ; Franke, Das Heiligtum des Heqaib, p. 11.
93. Vandier, Mo‘alla, inscriptions 2 et 6.
94. Pour Ab-ihou, voir Fischer, Dendera, p. 195. Pour les deux planches du sarco-
phage de Inheret-nakht, voir Goedicke, dans : Gold of Praise, p. 149-152. Il date cette
personne du début du Moyen Empire, mais n’offre qu’un seul argument : l’apparition
de l’épithète m“© ≈rw après le nom du propriétaire du cercueil. À vrai dire, l’épithète
est connue déjà depuis la fin de la Première Période Intermédiaire (voir Schenkel,
FmäS, p. 76, renvoyant à TPPI, § 23). Toute une série d’autres indices suggère que le
cercueil d’Inheret-nakht doit être sensiblement plus ancien que ne l’admet Goedicke :
1) le contenu des formules d’offrandes ; 2) l’apparition du titre im.y-r ‡m©.w, « com-
mandant de Haute Égypte », pour lequel Goedicke ne peut citer que des exemples
datant de l’Ancien Empire et du début de la Première Période Intermédiaire ; 3) la
séquence d’épithètes d’Osiris ; 4) le fait même qu’Inheretnakht était un nomarque diri-
geant plus d’un seul nome, situation inconnue au Moyen Empire ; et 5) l’implication
qu’il serait un nomarque fonctionnant dans le territoire thébain – cas sans parallèle
pour le début du Moyen Empire. Pour toutes ces raisons il me semble clair qu’il vivait
au plus tard au début de la Première Période Intermédiaire.

39
LES TEXTES DES SARCOPHAGES ET LA DÉMOCRATIE

évoquent aussi une tendance opposée, conduisant vers une dés-


intégration régionale. Par exemple, bien qu’Ankhtifi présente
les quatrième et cinquième nomes comme des unités, son texte
laisse entrevoir que le « général d’Armant » qui était installé
dans une ville du quatrième nome, occupait une position plus
ou moins indépendante, et entrait dans une alliance militaire
avec le chef de Mo©alla95. La situation dans la région se compli-
que encore avec l’existence d’un nomarque appelé Ini dont le
sarcophage a été trouvé à el-Gebelein, ville qui ne semble
jamais avoir été siège de nomarque96. Dans le cinquième nome
aussi, la fragmentation est très apparente, car plusieurs villages
(Khozam, Nagada, Quft [Coptos]) avaient leurs propres chefs
dont les titres suggèrent un degré extraordinaire d’indépen-
dance97. L’image de la Première Période Intermédiaire comme
une période de problèmes politiques, de guerres, et de fami-
nes, a été construite largement sur la base des autobiographies

95. Vandier, Mo©alla, inscription 6.


96. Pour le sarcophage Turin 13.268, voir Brovarski, dans : Studies Hughes, p. 31-
37. Selon Brovarski, le nom Ónμ serait une abréviation de l’anthroponyme Ónμ-μt=f
porté par plusieurs rois de la XIe dynastie et leurs prédécesseurs, qui étaient encore
nomarques. Il suppose que le propriétaire du sarcophage de Turin était un de ces
nomarques thébains, et que le choix d’un enterrement à el-Gebelein est le reflet
d’un déménagement de la cour nomarcale thébaine vers la frontière avec le terri-
toire d’Ankhtifi. Cela est possible, mais le fait qu’Ini porte un autre titre strictement
local, « chef des prêtres dans le temple de Sobek maître de Soumenou », suggère
qu’il pourrait plutôt s’agir d’un fonctionnaire responsable de la région d’el-
Gebelein. Dans ce cas, le titre de nomarque aurait une valeur très dévaluée,
comme on le rencontre parfois avec d’autres titres. Zitman a récemment proposé
une datation d’Ini pendant le règne de Montouhotep II : The Cemetery of Assiut,
p. 86-87, n. 619. Cette proposition s’appuie sur une comparaison entre la cérami-
que trouvée avec le sarcophage d’Ini et celle de Qurna. Mais, en fait, tous les types
de céramique auxquels il renvoie sont déjà attestés dans la phase Qurna I de
Seidlmayer, phase qui remonte à une date très haute dans la Première Période
Intermédiaire : Gräberfelder, p. 395. De surcroît, si Zitman avait raison, Ini serait
le seul nomarque connu du territoire des rois de la XIe dynastie.
97. Fischer, Coptite Nome ; Mostafa, ASAE 70 (1984-1985), p. 419-429 ; Idem,
ASAE 71 (1987), p. 170-184 ; Gilbert, JEA 90 (2004), p. 73-79.

40
LA CULTURE NOMARCALE

de ces chefs locaux98. En fait, la répartition géographique des tex-


tes faisant état de ce genre de difficultés semble montrer que la
crise, en réalité, n’affectait pas toute l’Égypte dans la même
mesure, et qu’elle se concentrait dans la région méridionale du
pays. On ne dispose pas d’éléments pour penser que la même
situation prévalait de manière aussi grave en Moyenne Égypte. La
politique thébaine qui conduisit à l’éradication du nomarcat dans
le sud de l’Égypte est alors compréhensible et explique l’appari-
tion d’un nouveau type de fonctionnaires, dont deux exemples
sont connus. Le premier est un certain Hétepi, dont la stèle funé-
raire fut trouvée à el-Kab. Hétepi, qui vécut sous le règne d’Antef
II Ouah-ânkh, écrit :

L’humble serviteur (c. à d. Hétepi) prononçait sa (c. à d.


le roi) parole au sein des sept nomes méridionaux ainsi
que (dans) Abydos dans le nome thinite, tandis qu’il n’y
avait personne qui prononçait sa parole dans les troi-
sième, deuxième et premier nomes de Haute Égypte99.

Ainsi, Hétepi semble avoir joué le rôle d’administrateur en


chef de toute la région entre Assouan et Abydos. Bien que les
nomes existent encore, les nomarques (Ìr.y-tp ©“ n sp“.t) ne sont
pas mentionnés. Hétepi avait une responsabilité particulière
pour les trois nomes méridionaux. Il paraît significatif que cette
région coïncide exactement avec le territoire d’Ankhtifi avant
la conquête thébaine.

98. Moreno Garcia, dans : Séhel entre Égypte et Nubie, p. 13-14, utilise le même
matériel pour en déduire sur un plan général que l’administration régionale ne doit
pas être comprise comme un système rigoureusement fondé sur les nomes. Bien que
je sois d’accord avec l’esprit de cette argumentation, elle semble méconnaître les
circonstances très spécifiques du début de la Première Période Intermédiaire. La
fragmentation régionale de cette époque ne doit certainement pas être mise en
parallèle avec la structure diversifiée du niveau provincial pendant l’Ancien Empire.
99. Gabra, MDAIK 32 (1976), p. 48, fig. 2, l. 4-5.

41
LES TEXTES DES SARCOPHAGES ET LA DÉMOCRATIE

Juste après la fin de la Première Période Intermédiaire, un


autre fonctionnaire appelé Hénenou déclare dans son autobio-
graphie qu’il recouvrait des taxes dans la région comprise entre
les huitième et dixième nomes de Haute Égypte100. Bien que
légèrement plus tardif que l’époque qui nous occupe, il se
pourrait que Hénenou relève du même système administratif
qui opérait sur la base d’administrateurs suprarégionaux.
La disparition des nomarques dans le sud de l’Égypte coïn-
cide avec l’émergence du grand cimetière d’el-Tarif, à Thèbes-
Ouest. On y trouve non seulement les tombes gigantesques des
rois thébains de la Première Période Intermédiaire, mais aussi
des centaines d’autres grandes tombes101. Dans le reste du ter-
ritoire soumis aux rois thébains, les cimetières de l’élite dispa-
raissent presque entièrement. Cela, et la création d’un nouveau
genre d’administrateur suprarégional, semblent refléter une
politique centraliste des rois thébains, qui ne laissait plus de
place pour les nomarques.
La politique thébaine s’explique donc comme une réaction
contre les événements du début de la Première Période
Intermédiaire, période durant laquelle les administrateurs des
nomes méridionaux avaient joué un rôle actif dans la crise poli-
tique et économique qui se développait. Pour les rois héracléo-
politains, qui ne se voyaient pas confrontés à des problèmes de
cet ordre, il n’y avait aucune raison d’abolir le nomarcat.

Selon Gestermann, les données concernant les nomar-


ques, après que les Thébains eurent pris le pouvoir dans la
région héracléopolitaine, sont inexistantes, et ce fait suggère-
rait que les Thébains avaient également supprimé les nomar-
ques dans cette partie du pays102. On verra plus tard que ce

100. Hayes, JEA 35 (1949), pl. IV et p. 46, n. d.


101. Arnold, Gräber des Alten und Mittleren Reiches in el-Tarif.
102. Kontinuität und Wandel, p. 138-139 ; p. 142-143.

42
LA CULTURE NOMARCALE

point de vue n’est pas sans poser problème, mais on doit avouer
que le processus serait compréhensible. Le succès évident dans
le territoire du royaume thébain pourrait avoir poussé les rois
de la XIe dynastie à imposer un régime similaire dans les régions
qu’ils venaient d’acquérir.
Mais cette interprétation a aussi quelque chose de naïf.
Même en Allemagne après la Deuxième Guerre Mondiale, où
les alliés suivaient une politique forte de dénazification, beau-
coup de postes de responsabilité étaient occupés par d’anciens
nazis. Il me semble peu probable que dans la situation de
l’Égypte après l’Unification – période sans doute moins
politisée et moins conflictuelle que celle de l’Allemagne de
1945 – le premier but des Thébains ait été de remplacer tous
ceux qui avaient exercé des charges sous le royaume héracléo-
politain103.
Néanmoins, c’est exactement ce qui se serait passé, selon
Gestermann. Elle essaye de montrer que les nomarques, qui
avaient déjà disparu dans le sud de l’Égypte avant l’Unification
du pays, perdaient aussi leurs postes dans le nord. Mais, moins
de vingt ans plus tard, les nomarques auraient resurgi, vers la
fin de la XIe dynastie, comme le montrent par exemple les
cimetières de Moyenne Égypte.
La lecture de la thèse de doctorat de Gestermann suggère
donc l’évolution suivante :
1. Fin de l’Ancien Empire : système de gouvernement
monolithique ; l’Égypte est subdivisée en nomes gérés
par des nomarques et des chefs des prêtres, les deux
fonctions pouvant parfois être assumées par la même per-
sonne.

103. En fait, on sait que les Thébains engageaient souvent des fonctionnaires qui
font état de manière explicite dans leurs autobiographies du fait d’avoir aussi tra-
vaillé pour les rois héracléopolitains.

43
LES TEXTES DES SARCOPHAGES ET LA DÉMOCRATIE

2. Première Période Intermédiaire : développement de sys-


tèmes de gouvernement différents dans les régions thé-
baine et héracléopolitane ; disparition des nomarques
dans la région thébaine, continuité du système nomarcal
dans la région héracléopolitaine.
3. Réunification du pays par Montouhotep II : nouveau sys-
tème monolithique ; le modèle « thébain » est introduit
à travers toute l’Égypte ; les nomarques disparaissent.
Les villes sont devenues les centres les plus importants.
4. Fin de la XIe dynastie et XIIe dynastie : nouveau système
monolithique ; remise en fonction des nomarques, mais
le rôle des villes ne diminue pas. Dans le Nome de
l’Oryx, par exemple, les nomarques et les chefs des
grandes villes coexistent et sont, en fait, les membres
d’une même famille. D. Franke a travaillé à partir de ces
données, et suggère que les nouveaux nomarques en
fonction sous Amenemhat Ier et Sénousret Ier auraient été
nommés comme « hommes nouveaux qui jusqu’alors
n’avaient pas occupé une position de pouvoir dans leurs
villes »104.

Depuis Gestermann, le problème n’a jamais fait l’objet


d’une nouvelle étude systématique105, mais il me semble que
son hypothèse, ainsi que celles de Helck et Pardey106, souffrent
de plusieurs faiblesses. Pour chacun de ces auteurs, les nomes
et les villes sont des entités administratives incompatibles, opi-
nion qui donne matière à réflexion ! Certainement, les nomar-

104. Franke, Das Heiligtum des Heqaib, p. 12 : « neue Männer, die bisher über
keine Machtstellung in ihrer Heimatstadt verfügten ».
105. Dans son étude récente, Nomarque, Favry définit les rôles et responsabilités
des nomarques à l’époque de Sénousret Ier sur la base d’une collection de phrases
tirées de leurs autobiographies, mais elle n’offre pas vraiment une étude historique
du problème.
106. Pardey, « Provincial Administration », dans : The Oxford Encyclopedia of
Ancient Egypt I, p. 18-19.

44
LA CULTURE NOMARCALE

ques avaient toujours vécu dans des villes et si, dans certains
cas, un chef régional s’appelle « nomarque », cela ne peut guère
signifier qu’il n’était pas responsable de la ville capitale du
nome107. Autrement dit, le fait que les textes font état, de plus
en plus fréquemment, de l’administration de villes ne peut pas,
à lui seul, être utilisé comme l’indice de la mise à l’écart des
nomarques.
Par ailleurs, il semble clair que chacun de ces chercheurs est
animé par le souci de présenter l’administration égyptienne
comme un système très rigoureux, dans lequel chaque région
est organisée d’une seule et même manière. Pendant la
Première Période Intermédiaire, alors que le pays était frag-
menté, cette unité de conception aurait été rompue temporai-
rement, mais elle aurait resurgi très vite après le début du
Moyen Empire.
Pour comprendre ce qui se passait réellement, nous allons
reprendre les données de base sur lesquelles repose l’hypothèse
de Gestermann. Pour nous, ce qui compte surtout, ce sont les
transformations juste après la victoire de Montouhotep II et
pendant le reste du Moyen Empire. On va donc étudier la
documentation concernant chacune des provinces pour les-
quelles il existe des informations.
Pendant la XIe dynastie, immédiatement après l’Unification
de Montouhotep II, Gestermann ne trouve aucun nomarque
dans le pays tout entier. Les nomarques d’Assiout, les alliés les
plus forts des rois héracléopolitains, disparaissent tout de suite,
et aucun administrateur s’appelant Ìr.y-tp ©“ n’apparaît dans sa
documentation. Mais elle doit avouer que plusieurs textes
continuent de mentionner les nomes comme unités administra-
tives. Il s’agit de plusieurs cas semblables à celui, déjà cité, de

107. Pour Moret, le lien entre le nomarcat et la capitale du nome était encore évi-
dent, dans : Recueil d’études égyptologiques dédiées à la mémoire de J.-F.
Champollion, p. 339.

45
LES TEXTES DES SARCOPHAGES ET LA DÉMOCRATIE

Hénenou, d’hommes remplissant des charges dans des régions


désignées par le symbole d’un nome108. Gestermann explique
ce phénomène de la manière suivante :

Au moins partiellement, la mention de nomes comme


désignation des zones d’activités pourrait aussi être le
reflet du titre Ìr.j-tp ©“ (nj) + nome, qui demeurait,
durant la Période Héracléopolitaine, en usage dans le
nord du pays, et qui laisse entrevoir un maintien de
cette forme d’administration109.

La citation suggère que les nomes étaient une particularité


héracléopolitaine. Mais on vient d’étudier le cas de Hétepi ;
c’était un fonctionnaire thébain qui s’occupait de tout un
groupe de nomes qui ne paraissent pas avoir été dirigés indivi-

108. On doit aussi renvoyer au temple construit par Montouhotep II à el-Gebelein.


Parmi les fragments du décor de ce bâtiment se trouvent plusieurs éléments d’une
liste de nomes. Ce qui subsiste contient des mentions de nomes de Basse Égypte :
voir la publication récente de Fiore Marochetti, dans : Des Néferhotep aux
Montouhotep, p. 147-148 et fig. 2-8. Selon Fiore Marochetti, l’édifice daterait du
début du règne de Montouhotep II parce que son nom y figurerait sous la première
des trois formes que ce roi a adoptées au cours de son long règne. En fait, le décor
offre la deuxième forme du nom d’Horus du roi. D’autres auteurs datent la chapelle
de l’époque juste postérieure à l’Unification ; Gestermann énonce la « Vermutung ...,
daß diese Reliefs in zeitlicher Nähe zur Reichseinigung entstanden sind » :
Kontinuität und Wandel, p. 46, avec une discussion des autres opinions. Fiore
Marochetti utilise l’argument du style des reliefs en faveur de sa datation au début
du règne de Montouhotep II. En effet, on doit admettre qu’un changement profond
se produisit quand, après la réunification du pays, des artisans memphites s’instal-
lèrent à Thèbes, y introduisant le canon classique. Cependant, comme l’a remarqué
^
Jaros-Deckert, le style local continuait à être utilisé à côté du style memphite (Das
Grab des Jnj-jtj.f, p. 135-136). La présence de la liste de nomes septentrionaux sug-
gère plutôt une datation après l’Unification du pays qu’avant.
109. Gestermann, Kontinuität und Wandel, p. 139: « Zumindest teilweise dürfte die
Nennung von Gauen zur Bezeichnung des Tätigkeitsbereiches auch auf den im
Norden des Landes während des Herakleopolitenzeit noch gebräuchlichen Titel
Ìr.j-tp ©“ (nj) + Gau und dem daraus zu erschließenden Festhalten an dieser
Organisationsform zurückgehen ».

46
LA CULTURE NOMARCALE

duellement par un nomarque. La stèle Caire CG 20543, l. 10


et suivantes, datée de la fin de la Première Période
Intermédiaire, semble en effet décrire un processus de réorga-
nisation dans les dix nomes méridionaux de l’Égypte, processus
dans lequel le texte mentionne des chefs des domaines Ìw.t,
mais pas de nomarques110. Vers la fin de la Première Période

110. Pour la stèle, voir Petrie, Dendereh, pl. XV. La stèle Leiden V3 est également inté-
ressante parce qu’elle décrit, encore pendant le règne de Sénousret Ier, le cas d’un
directeur des champs, μm.y-r “Ì.t, dans « la Tête du Sud et à Abydos ». Le texte spéci-
fie ensuite exactement quelle zone de ce territoire était sous sa responsabilité : la
région entre les sixième et neuvième nomes (voir Boeser, Beschrijving I, pl. II). Bien
qu’aucun nomarque ne soit connu pour cette région, des fonctionnaires subalternes
comme le propriétaire de la stèle pouvaient, apparemment, encore définir leur ressort
d’autorité en termes de nomes. Récemment, Moreno Garcia a démontré que le terme
sp“t « nome » devient plus commun au début du Moyen Empire, fait explicable, selon
lui, comme le reflet « d’une nouvelle manière d’organiser l’espace après les boulever-
sements de la Première Intermédiaire » (Ìwt et le milieu rural, p. 148).
Il convient de discuter brièvement le cas du général Ip, dont la tombe, publiée
récemment par Fischer, contiendrait la titulature d’un nomarque des vingtième et
vingt et unième nomes de Haute Égypte, et qui daterait de l’époque entre
l’Unification du pays et la fin de la XIe dynastie (voir Fischer, The Tomb of Óp ; pour
la datation, voir p. 29-32). Cette manière de voir impliquerait que Ip appartenait
à l’administration thébaine récemment créée dans l’ancien territoire héracléopoli-
tain. Cette hypothèse me semble très invraisemblable. Ce qui étonne tout d’abord,
c’est que le « nomarque » des vingtième et vingt et unième nomes ait été enterré à
el-Saff, site qui se trouve, comme le reconnaît d’ailleurs Fischer, dans le vingt-
deuxième nome (p. 29). Fischer remarque aussi que les graphies dans la tombe
d’el-Saff sont dépourvues du signe du bras qui accompagne normalement celui de
l’arbre désignant les deux nomes, ainsi que des adjectifs « supérieur » et « infé-
rieur », qui servent à distinguer les deux provinces (p. 25). De surcroît, le titre d’Ip,
lu par Fischer comme μm.y-r n©r.t, ne suit pas le modèle commun de Ìr.y-tp ©“ +
désignation géographique. Je ne connais pas d’autres exemples du modèle de titre
envisagé par Fischer. Enfin, les titres de rang de Ip (≈tm.ty bi.ty smÌr w©.ty) sont
très modestes pour un nomarque. Prenant aussi en compte le fait que le titre de
général a clairement été considéré comme le plus important par Ip lui-même, il est
peu vraisemblable qu’il ait été nomarque.
En fait, le mot lu par Fischer comme nom de nome, serait écrit de façon assez irré-
gulière. Je propose de lire plutôt comme μm.y-r w, « commandant d’un
district ». On sait que ce type de fonctionnaires portaient parfois les titres de ≈tm.ty
bμ.ty smÌr w©.ty sƒm sƒm.t w©μ.w μm.y r ‡ny t“ aussi porté par Ip : voir Willems, JEA
76 (1990), p. 31, n. d ; Daoud, Corpus of Inscriptions, p. 72, qui lit le titre ,
incorrectement, comme μm.y-r ≈rp.w.

47
LES TEXTES DES SARCOPHAGES ET LA DÉMOCRATIE

Intermédiaire, les nomes continuaient apparemment à être per-


çus comme des unités administratives, même en plein territoire
thébain. En conséquence, ce qui s’est passé n’est pas l’abolition
des nomes, mais plutôt l’abolition de la classe administrative
des nomarques.

Gestermann souligne que les nomarques avaient disparu


dans l’ancien territoire héracléopolitain après que celui-ci avait
été soumis par les Thébains, mais que ce genre de fonctionnai-
res était réapparu vers la fin de la XIe dynastie.
Le chapitre suivant montrera que cette évolution ne se pro-
duisit certainement pas dans le nome du Lièvre, où une série
ininterrompue de nomarques existe.
Dans les autres nomes, la situation est moins claire. Pour
Assiout, on considère communément que la lignée des nomar-
ques s’arrête avec l’Unification du pays. Dans ce cas précis, on
est vraiment en droit de supposer que les Thébains avaient de
sérieuses raisons pour vouloir les supprimer, parce qu’ils
avaient été les partisans les plus acharnés des Héracléopolitains,
qui s’étaient fortement opposés aux Thébains. Aussi, affirme-t-
on, de manière très générale, que le fameux groupe des tombes
V, III et IV à Assiout n’a pas connu de suite après l’Unification,
jusqu’au moment où l’énorme tombe de Djefaihâpi Ier fut bâtie
sous le règne de Sénousret Ier. Mais les recherches récentes
entreprises sur le site par J. Kahl ont démontré l’existence de
plusieurs autres tombes de très grandes dimensions, dont quel-
ques unes pourraient être datées entre Montouhotep II et
Sénousret Ier111. La remarquable thèse de doctorat défendue
récemment à Leyde par M. Zitman offre un aperçu très com-
plet du matériel, fondé sur une masse de documentation non
publiée. Ce matériel prouve clairement qu’un nombre impor-

111. Kahl, El-Khadragy, Verhoeven, SAK 33 (2005), p. 159-167 ; Kahl, El-


Khadragy, Verhoeven, SAK 34 (2006), p. 241-247.

48
LA CULTURE NOMARCALE

tant de vastes tombes jusqu’alors inconnues doit dater, soit de


la Première Période Intermédiaire, soit de la fin de la XIe dynas-
tie ou plus tard. D’autres tombes pourraient combler l’inter-
valle entre l’Unification du pays et la fin de la XIe dynastie.
Malheureusement, ce matériel reste d’ordre si imprécis qu’il
n’est pas possible de déterminer s’il a existé ou non une inter-
ruption dans la séquence des gouverneurs locaux après la chute
du royaume héracléopolitain. Si, pour des raisons politiques, une
interruption ne semble pas invraisemblable, le matériel impose la
conclusion que, si elle s’est produite, elle a probablement été de
courte durée. Malencontreusement, plusieurs des tombes proba-
blement datables de cette époque sont anépigraphes. Il reste donc
difficile de dire si leurs propriétaires furent Ìr.y-tp ©“ et s’ils com-
blent, ou non, la période entre l’Unification du pays et le règne de
Sénousret Ier. En tout cas, l’un d’entre eux, le fameux Mésehti
dont les modèles funéraires, figurant des pelotons de soldats, sont
bien connus, daterait, selon Zitman, des règnes de Montouhotep
IV et Amenemhat Ier112. L’échelle même de ces tombes ne laisse, à
mon avis, que peu de doute sur le fait qu’un type de fonction-
naire, qu’on peut qualifier de « nomarcal », était à nouveau en
poste, même si le titre Ìr.y-tp ©“ n’apparaît pas113.
À Beni Hasan, la situation est un peu plus claire, en dépit du fait
que plusieurs nomarques ne peuvent pas être datés individuelle-
ment. Le plan (fig. 6) montre une rangée assez large de tombeaux
dont huit contiennent des inscriptions indiquant que leurs proprié-
taires étaient des nomarques. La tombe 14 appartenait au nomarque
Khnoumhotep Ier qui signale qu’il fut nommé sous le règne
d’Amenemhat Ier. Il est généralement admis que les propriétaires des
tombes 29, 33 et 27, qui étaient aussi nomarques, avaient précédé

112. Zitman, The Necropolis of Assiut, p. 11-33.


113. Je viens d’apprendre qu’une tombe récemment découverte à Assiout appartenait
à un chef des prêtres dont le père s’appelait Khéty, et le fils Mésehti. S’il s’agit du fils
du nomarque Khéty II, comme le suggère prudemment J. KAHL, on aurait ici le chaînon
manquant. Je remercie vivement J. KAHL pour ces informations.

49
LES TEXTES DES SARCOPHAGES ET LA DÉMOCRATIE

Fig. 6 : Plan de la partie méridionale des tombes nomarcales


de Beni Hasan. Les petits points indiquent la position
des tombes inférieures situées au bas des grandes tombes
rupestres (d'après Willems, Chests of Life, plan 1).

50
LA CULTURE NOMARCALE

Khnoumhotep Ier, et il est vraisemblable que les propriétaires des


tombes 15 et 17, Baqet III et Khéty, le précédaient également114.
Ce dernier point a été critiqué par Gestermann, qui soutient
que Baqet III et Khéty auraient succédé à Khnoumhotep Ier115.
Mais comme Hölzl le remarque à juste titre, c’est peu probable,
étant donné que la tombe de Khnoumhotep Ier (14) semble avoir
été creusée dans un petit recoin qui subsistait après que la tombe
de Baqet III (15) avait été construite. Hölzl développe aussi des
considérations architecturales pour montrer que la tombe de
Baqet III précédait non seulement celle de Khnoumhotep Ier, mais
aussi celle de Khéty (tombe 17)116.
On doit avouer que la datation de ces tombes reste très pro-
blématique. Mais, même la position minimale de Gestermann
présuppose que le nomarque Baqet Ier (tombe 29) était déjà en
fonction pendant la XIe dynastie. En acceptant une datation pour
les très grandes tombes 15 et 17, antérieures à Khnoumhotep Ier,
il devient presque certain que l’intervalle entre l’Unification de
l’Égypte et la fin de la XIe dynastie pourrait parfaitement être
comblé, et cela impliquerait, comme à Deir el-Bersha, une conti-
nuité du régime nomarcal. On doit aussi rendre compte du fait –
admis d’ailleurs par Gestermann – que plusieurs des grandes
tombes anépigraphes de Beni Hasan pourraient avoir été occu-
pées par des nomarques117. Il me semble alors que la chute tem-

114. Pour un aperçu de la problématique, voir Willems, JEOL 28 (1983-1984), p. 92.


115. Kontinuität und Wandel, p. 180-189 ; on notera que l’auteur n’a pas encore pu
tenir compte de mon article mentionné dans la note précédente.
116. Hölzl, dans : Sesto congresso internazionale di egittologia II, p. 279-283.
117. Il convient également de rappeler un fragment de stèle encore inédit, provenant
d’une tombe à Dendara, qui fait état d’un <Ìr.y>-tp ©“ n m“-̃, « nomarque du nome
de l’Oryx ». La datation en est malheureusement incertaine. La stèle appartenait à un
certain Rediouikhnoum qui, selon certains, serait un descendant du Rediouikhnoum,
propriétaire de la stèle bien connue du musée du Caire CG 20543. Sur la base de
cette hypothèse, le deuxième Rediouikhnoum a été daté du règne de Montouhotep II
(Gomaà, Erste Zwischenzeit, p. 116 et 152-153 ; Gestermann, Kontinuität und Wandel,
p. 171). Si cette datation peut être confirmée, on aurait une preuve indépendante de
l’existence de nomarques à Beni Hasan à cette époque.

51
LES TEXTES DES SARCOPHAGES ET LA DÉMOCRATIE

poraire des nomarques, que supposait l’hypothèse de


Gestermann, n’a que peu de vraisemblance118.
Le cas assuré de Deir el-Bersha, et les cas vraisemblables de
Beni Hasan et Assiout, peut-être avec une courte interruption
pour cette dernière, semblent indiquer qu’en Moyenne Égypte,
le régime nomarcal n’a pas été interrompu par la chute des
Héracléopolitains. Il n’est pas exclu que des circonstances com-
parables aient prévalu dans d’autres nomes de Moyenne Égypte.
Par exemple, le cimetière des gouverneurs du dix-septième
nome de Haute Égypte, à Tehna el-Gebel, a été largement
détruit, de sorte qu’on ne peut pratiquement rien dire sur l’his-
toire de ces fonctionnaires.

Pendant la XIIe dynastie, l’existence des nomarques peut


clairement être mise en évidence en Moyenne Égypte. Dans le
sud de ce qui avait été la région héracléopolitaine, à Akhmim,
on ne connaît qu’une référence à un nomarque appelé Antef, et
datable du règne d’Amenemhat Ier119. Dans le onzième nome, à
Deir Rifa, il y en a deux120. Dans le douzième nome, régnait une
famille très influente dont les tombes énormes à Qaw el-Kebir
sont parmi les plus grandes de l’époque, bien que le titre Ìr.y-
tp ©“ fasse défaut dans la documentation. Pour l’instant, on ne
s’occupera donc pas de ces personnages121. À Assiout, dans la
nécropole gigantesque qui s’y développait, il n’y a que deux
individus qui se qualifient de « nomarque » : le fameux
Djefaihâpi Ier, daté du règne de Sénousret Ier122 et Djefaihâpi II

118. Point de vue implicitement accepté par Pardey, « Provincial Administration », dans :
The Oxford Encyclopedia of Ancient Egypt I, p. 18, et Rabehl, Amenemhet, p. 11-17.
119. Stèle Caire CG 20024. Pour la datation de ce document, voir Franke,
Personendaten, p. 112 (132).
120. Tombes I et VII à Deir Rifa : voir Montet, Kêmi 6 (1936), p. 138-143 et 156-163.
121. Pour ces personnages, voir W. Grajetzki, GM 156 (1997), p. 55-62.
122. Tombe I à Assiout ; voir pour les inscriptions Griffith, Siût and Dêr Rîfeh, pl.
1-8 ; Montet, Kêmi 3 (1930-1935), p. 45-86. Pour la bibliographie, voir Zitman,
The Necropolis of Assiut, p. 34.

52
LA CULTURE NOMARCALE

qui, selon Zitman, aurait vécu à la même époque123. Plusieurs


propriétaires de grandes tombes d’Assiout étaient essentielle-
ment dotés du titre sacerdotal μm.y-r Ìm.w nÚr porté aussi par
bien des nomarques. Le fait que les tombes ont été si mal
publiées laisse soupçonner que d’autres notables enterrés dans
cette nécropole pourraient également avoir été des nomarques.
À Meir, cimetière des notables du quatorzième nome, se trouve
un groupe de tombes de chefs de prêtres dont l’un, daté du
règne de Sénousret Ier, s’appelle explicitement nomarque124.
À Deir el-Bersha et à Beni Hasan, on décompte une dizaine
environ de nomarques si bien connus qu’il n’est pas nécessaire
de les évoquer plus longuement125. L’autobiographie de
Khnoumhotep II à Beni Hasan fait aussi état de son grand-père
maternel qui aurait été nomarque du dix-septième nome126.
L’emplacement des tombes de ce dernier groupe de fonction-
naires a été clarifié, assez récemment, grâce aux fouilles japo-
naises à Tehna el-Gebel, qui ont apporté la preuve que le tem-
ple romain creusé dans la falaise de Tehna est, en fait, une vaste
tombe du Moyen Empire, réutilisée. À côté, il en subsiste plu-
sieurs autres127. Enfin, l’équipe de l’Université de Pise a décou-
vert, il y a quelques années, deux grandes tombes à Kôm el-
Khalwa, dans le Fayoum. Malheureusement, ces monuments
123. Tombe II à Assiout ; voir pour les inscriptions Griffith, Siût and Dêr Rîfeh,
pl. 10 ; Montet, Kêmi 3 (1930-1935), p. 86-89. Pour la bibliographie, voir Zitman,
loc. cit. Pour la datation, voir Zitman, op. cit., p. 28-29 et p. 33. On doit avouer
que les arguments en faveur de cette datation ne sont pas suffisamment solides
pour pouvoir exclure une date plus basse.
124. Il s’agit de Oukhhotep fils de Senbi : voir Meir II, pl. XII. Bien que les autres
fonctionnaires enterrés au même endroit ne portent pas ce titre, le cimetière semble
appartenir à une seule famille d’administrateurs. Il n’est pas douteux que les autres
font partie de la même couche sociale, même s’ils ne portent pas le titre Ìr.y-tp ©“.
Pour l’histoire de cette famille, voir Willems, Chests of Life, p. 82-87.
125. Pour un aperçu des sources, voir Willems, JEOL 28 (1983-1984), p. 81-86 ;
92 ; 102 ; Idem, Chests of Life, p. 62-81 ; Gestermann, Kontinuität und Wandel,
p. 173-189 ; Favry, Nomarque, p. 309-314.
126. À en juger par le titre Ìq“ Ónpw : Beni Hasan I, pl. XXVI, 123.
127. Akoris, p. 27-33. Pour un plan de la zone des tombes, voir p. 44.

53
LES TEXTES DES SARCOPHAGES ET LA DÉMOCRATIE

très mal préservés n’ont pas encore été publiés ; mais, à partir
d’articles préliminaires, on peut conclure que le propriétaire
Ouadj était non seulement Ì“.ty-© μm.y-r Ìm.w-nÚr / μm.y-r Ìw.t-
nÚr, mais aussi Ìr.y-tp s≈.t. Ce dernier titre semble être
construit selon le modèle du titre Ìr.y-tp ©“ n sp“.t/Nome, la
désignation géographique étant ici s≈.t, « champ », sans doute
pour désigner le Fayoum128. Pour finir, une fausse-porte trouvée
à Héliopolis, et probablement datable de la fin de la XIe dynas-
tie ou du tout début de la XIIe, fait aussi état d’un nomarque du
treizième nome de Basse Égypte129.
Il va sans dire que notre documentation est très incomplète,
mais on ne peut nier le fait que les nomarques n’étaient pas une
rareté en Moyenne Égypte, et qu’il semble possible sur la base
du dernier document cité qu’ils aient aussi existé dans le Delta.

Pour le sud de l’Égypte, la situation est complètement dif-


férente. Là, trois nomarques seulement sont connus selon
Gestermann130, auxquels Favry en ajoute un quatrième131. Il
est nécessaire d’étudier cette liste de plus près.
Une stèle du Petrie Museum de Londres mentionne un cer-
tain Montouhotep qui aurait été nomarque du quatrième
nome132. Mais, en fait, la stèle ne contient aucun indice prou-
128. Voir Bresciani, EVO 20-21 (1997-1998), p. 11 ; 14 ; 17-18 (pilastre 4, face B, D) ;
31, fig. 7. Le titre Ìr.y-tp s≈.t est discuté par Bresciani, EVO 4 (1981), p. 9 et n. e.
129. Texte publié par Simpson, JARCE 38 (2001), p. 12, fig. 1 ; p. 14 ; p. 18 ; voir
aussi Franke, Das Heiligtum des Heqaib, p. 13, n. 26. Je remercie Detlef Franke
pour m’avoir communiqué la référence de l’article de Simpson.
130. Gestermann, Kontinuität und Wandel, p. 172-173; point de vue accepté par
Müller-Wollermann, DE 13 (1989), p. 112.
131. Favry, Nomarque, p. 72-75.
132. Stèle UCL 14833; voir Goedicke, JEA 48 (1962), p. 25-35; Stewart, Egyptian
Stelae II, p. 20 et pl. 18. L’étude la plus récente de ce document est celle de Beylage,
dans : Ägypten - Münster, p. 17-32. Le point de vue selon lequel Montouhotep aurait
été nomarque est attribué par Gestermann, Kontinuität und Wandel, p. 172, et Favry,
Nomarque, p. 71-72, à Berlev ; voir BiOr 38 (1981), col. 318-319. Mais, en fait,
Berlev ne fait pas cette suggestion, et, étant donné que Gestermann et Favry n’appor-
tent aucun indice nouveau, l’hypothèse n’a que peu de vraisemblance.

54
LA CULTURE NOMARCALE

vant que Montouhotep était nomarque, sa titulature étant res-


treinte à μr.y p©.t Ì“.ty-© μm.y-r Ìm.w nÚr. De surcroît, il ressort
clairement de son autobiographie qu’il menait ses activités dans
la ville d’Armant qui, autant qu’on sache, n’a jamais été le siège
du gouverneur du quatrième nome de Haute Égypte133. Il en est
de même pour Oupouaoutaâ qui, selon Favry, aurait aussi été
nomarque. Cette interprétation se fonde sur la ligne 12 de la
stèle Leyde V4, lue par cet auteur comme « Je suis le fils d’un
dignitaire, (un homme) important du nome thinite »134. Bien
que cette traduction soit possible, on peut également compren-
dre « Je suis le fils d’un grand dignitaire du nome thinite ».
Dans les deux cas, le texte renvoie, certes, à un homme impor-
tant résidant dans le huitième nome, mais ce n’équivaut pas for-
cément à un nomarque.
Une statue aujourd’hui conservée au musée du Caire (CG
404) représente un personnage appelé Horhotep qui porte la
titulature de μr.y-p©.t Ì“.ty-© ßr.y-Ìb.t μm.y-r Ìm.w-nÚr Ìr.y-tp ©“ n
N≈n. On a indubitablement affaire à un homme qui se nomme
nomarque. Malheureusement, le contexte historique nous
échappe135. On ignore la datation exacte de la statue et, à la dif-
férence des nomarques de Moyenne Égypte, on ne connaît pas
non plus de tombe monumentale appartenant à son proprié-
taire. S’il date vraiment de la XIIe dynastie, on doit conclure
qu’il ne descend pas d’une ancienne lignée nomarcale puisque,
on vient de le voir, ces fonctionnaires semblent avoir été sup-
primés au cours de la Première Période Intermédiaire dans le
sud de l’Égypte. Il s’agirait donc d’un individu qui pourrait
avoir été nommé au cours de la XIIe dynastie.

133. Franke, lui, considère qu’il s’agit d’un maire d’Armant : Das Heiligtum des
Heqaib, p. 13 ; Idem, BiOr 62 (2005), col. 464.
134. Favry, op. cit., p. 72-75, et particulièrement p. 75. Pour le texte, voir Boeser,
Beschrijving I, pl. IV.
135. Borchardt, Statuen und Statuetten II, p. 17 et pl. 66 ; voir aussi Franke, op.
cit., p. 13, n. 26.

55
LES TEXTES DES SARCOPHAGES ET LA DÉMOCRATIE

Il reste le cas très important de Sarenpout Ier, le grand chef


du premier nome de Haute Égypte, qui a obtenu son poste pen-
dant le règne de Sénousret Ier. La famille des dirigeants
d’Assouan est très bien documentée sur la base de leurs tombes
et des textes de la chapelle de Héqaib136, mais la titulature
nomarcale n’y est pas attestée avant le règne de Sarenpout Ier.
En revanche, celui-ci inclut deux fois le titre de nomarque dans
les inscriptions de sa tombe gigantesque au Qubbet el-Hawa’137.
Plus tard, le même titre figure aussi sur la statue de Sarenpout
II (règne de Sénousret II), qui se trouvait dans la chapelle de
Héqaib à Éléphantine138.
L’apparition de ce titre pendant le règne de Sénousret Ier
dans la région d’Assouan n’est probablement pas due au hasard.
À cette époque, les Égyptiens commencèrent la colonisation de
la Nubie, signalée sur le plan archéologique surtout par la
construction des grandes forteresses nubiennes. Assouan, ville
méridionale du pays, devait avoir acquis une importance capi-
tale, comme point de passage pour les troupes militaires, pour
les bâtisseurs, et pour les exploitants des mines d’or de la
Nubie, dont le contrôle devait être assuré par les forteresses.
L’autobiographie de Sarenpout ne laisse aucun doute sur le fait
que, dans ces conditions très spéciales, un rapport étroit s’était
établi entre lui et le roi. Elle explique que le roi envoyait des
serviteurs et des centaines de bâtisseurs pour construire la
tombe monumentale du nomarque. Un passage du texte mon-
tre de manière inhabituelle que Sarenpout Ier avait une pleine
confiance en lui-même :

136. Pour une discussion approfondie, voir Franke, Das Heiligtum des Heqaib,
p. 207-210.
137. Urk. VII, p. 6, 5 et 17 ; dans Urk. VII, p. 2,11 et dans la stèle 10, x + 13 (Habachi,
The Sanctuary of Heqaib I, p. 38 et II, pl. 25), il se compare à d’autres « chefs de
nomes », Ìq“.w sp“.wt. Pour la titulature de Sarenpout, voir aussi Franke, op. cit., p.
215.
138. Voir Habachi, The Sanctuary of Heqaib I, p. 42, fig. 4 et II, pl. 37 b.

56
LA CULTURE NOMARCALE

Les dieux qui sont dans la suite d’Éléphantine mettent


en place pour moi sa Majesté en tant que roi,
et façonnent pour moi le roi de nouveau, de nouveau,
de sorte qu’il répète pour moi des millions
de fêtes-sed139.

Sarenpout semble formuler son texte d’un ton arrogant


presque sans parallèle dans la documentation égyptienne, puis-
que le pharaon est réduit à une créature mise au monde pour le
seul bien-être de son gouverneur du premier nome de Haute
Égypte. Le reste de son autobiographie dresse aussi l’image
d’un fonctionnaire sans égal. Même si l’on suppose que le texte
force la note, il reste que le statut de Sarenpout semble avoir
dépassé les limites traditionnelles, sans doute dans le contexte
des entreprises militaires et économiques en Nubie. Ce n’est
donc probablement pas une coïncidence si précisément
Sarenpout a été doté du titre de nomarque, titre qui réapparaît
dans la même famille au temps de son successeur Sarenpout II140.
Le système administratif montre alors une tendance aux varia-
tions : tandis que les nomarques de Beni Hasan et Deir el-
Bersha étaient membres d’une lignée de gouverneurs munis du
titre Ìr.y-tp ©“, le cas de Sarenpout relève d’un système dynami-
que, puisque, sans être originaire d’une lignée de gouverneurs,
il fut nommé en tant que nomarque. Un phénomène compara-
ble s’est peut-être produit également en Moyenne Égypte, à
Meir141, et pourrait aussi expliquer l’apparition de nomarques
solitaires comme Horhotep d’Hiérakonpolis et Antef

139. Urk. VII, p. 4,3-6. Voir le commentaire de Franke, op. cit., p. 24, qui traduit ce
passage comme une série de vœux.
140. Cette description suit les grandes lignes de l’analyse de Franke, Das Heiligtum
des Heqaib, p. 8-27. Mais je crois qu’il va trop loin quand il dit que Sarenpout Ier
était un « parvenu » dont aucun des ancêtres ne portait de titres officiels. Pour une
interprétation différente, voir Willems, Heqata, p. 18-20.
141. Willems, Chests of Life, p. 85-87.

57
LES TEXTES DES SARCOPHAGES ET LA DÉMOCRATIE

d’Akhmim que je viens de mentionner. Cependant, même si


l’on admet qu’il était possible, en principe, de nommer des
nomarques partout en Égypte, la comparaison quantitative
entre la Moyenne Égypte et les nomes méridionaux montre
sans le moindre doute que les nomarques sont beaucoup plus
rares dans le sud. Cette différence ne peut guère relever du
hasard.
Il me semble clair que le système administratif provincial
n’était donc pas du tout un système monolithique applicable à tra-
vers toute l’Égypte. Je crois pouvoir reconnaître deux principes
partiellement contre-productifs : traditionalisme et dynamisme.
Traditionalisme : On a examiné l’idée de Gestermann
selon laquelle, pendant une période d’une vingtaine d’années
après la victoire thébaine, le système administratif thébain aurait
été implanté dans toute l’Égypte, en supprimant les nomes dans
le nord. Par la suite, et dans toute l’Égypte encore, la subdivi-
sion en nomes aurait été réintroduite. L’enquête que je viens de
mener montre que cette vision est inexacte. Premièrement, les
nomarques n’ont pas disparu avant la fin de la XIIe dynastie. Il
continuaient d’exercer leur fonction au moins dans certaines
parties de la Moyenne Égypte et, peut-être, dans le Delta, ce qui
équivaut au territoire originairement héracléopolitain. Mais
dans le sud de l’Égypte, on ne connaît que très peu de nomar-
ques et il n’y a aucun indice attestant l’existence de lignées de
nomarques dans cette région. Il semble donc que l’unification
du pays sous Montouhotep II n’ait guère affecté l’administration
régionale. Dans le sud, il n’y avait pas de nomarques avant cet
événement, situation qui a perduré par la suite. Dans le nord, les
provinces avaient été gérées par des nomarques, et cet état de
fait se maintint également après la victoire thébaine. Ainsi, il
semble que, même après l’établissement du Moyen Empire, une
différence administrative a subsisté entre les deux régions. Il
n’existe pas d’élément permettant de supposer l’existence d’un
système monolithique dans les deux moitiés du pays.

58
LA CULTURE NOMARCALE

Dynamisme : Bien que je sois convaincu que le système


administratif différait, ou bien continuait à différer, entre le
nord et le sud, certaines nuances sont à apporter. Même dans
ces territoires, on ne dispose pas de preuves pour démontrer
l’existence d’un régime monolithique. Pour plusieurs régions,
on ne possède aucune information sur le genre d’administra-
teurs en fonction. Dans une autre publication, j’ai ainsi essayé
de montrer qu’avant le règne d’Amenemhat Ier, il n’est pas cer-
tain que des nomarques aient existé dans le quatorzième nome
de Haute Égypte142. On vient aussi de voir que le nomarque
Sarenpout Ier fut installé, apparemment sans précédent local,
pendant le règne de Sénousret Ier et, dans ce cas isolé, il semble
qu’un nomarque ait été nommé dans une région où ce type
d’administrateur n’avait jamais existé auparavant – jamais,
parce que même à l’Ancien Empire, époque où l’on suppose
que les nomarques étaient en poste presque partout en Haute
Égypte, ce n’était évidemment pas le cas dans le premier
nome143. Il faut avouer qu’il est possible que des circonstances
particulières aient conduit à l’installation, ou à la suppression,
des nomarques. Ce qui me semble clair néanmoins, c’est qu’en
Moyenne Égypte de vraies lignées de nomarques restaient en
place ici et là.

Le titre de nomarque en égyptien


et dans l’égyptologie

Notre enquête à propos des nomarques a été jusqu’ici


concentrée presque entièrement sur les Ìr.y.w-tp ©“ n

142. Willems, Chests of Life, p. 82-87.


143. Plusieurs égyptologues ont défendu l’hypothèse qu’un exemple isolé du titre
Ìr.y-tp ©“ n sp“.t existe sur une jarre inscrite à l’encre, qui fut découverte par Edel à
Qubbet el-Hawa’. Mais selon une enquête récente de M. Müller, la transcription
de Edel est à revoir : GM 194 (2003), p. 51-57.

59
LES TEXTES DES SARCOPHAGES ET LA DÉMOCRATIE

sp“.t/Nome, « grands chefs de nome », en suivant la remarque


de K. Baer, selon laquelle eux seuls étaient des vrais nomar-
ques144. Mais il n’est peut-être pas réaliste de supposer qu’il
existait toujours un rapport direct entre fonctions effective-
ment remplies et dénominations de fonctionnaires. Il pourrait
être utile de faire la comparaison avec le système actuellement
utilisé aux Pays-Bas pour l’administration provinciale. Chacune
des provinces y est dirigée par un gouverneur qui porte le titre
de « commissaire de la reine ». Il y a, toutefois, une exception
à cette règle. Le chef de la province de Limbourg, qui a les
mêmes responsabilités que ses collègues dans les autres provin-
ces, peut aussi être appelé, pour des raisons que j’ignore, « gou-
verneur du Limbourg ». Si, dans un pays moderne et haute-
ment bureaucratisé comme les Pays-Bas, un seul type de fonc-
tion peut être désigné par des titres différents, ne serait-il pas
vraisemblable qu’en Égypte ancienne la terminologie adminis-
trative ait pu être encore moins homogène ?
Tout récemment, S. Quirke a publié un petit livre sous le
titre Titles and Bureaux in Ancient Egypt où il fait des remarques
très significatives. Il souligne à juste titre que l’égyptologie a eu
tendance à considérer les titres administratifs comme le reflet
d’une hiérarchie hautement formalisée. Mais, pour lui, il est
vraisemblable que la hiérarchie véritable nous échappe dans
une grande mesure, étant dominée par des relations informel-
les, comme celles de parenté ou de statut145. C’est en fait dans
ce domaine scientifiquement presque invisible que se jouaient
les vrais enjeux du pouvoir, camouflé par le manteau de la titu-
lature qui confère une impression de formalité et d’impartia-
lité. Selon Quirke, ce qui aggrave encore la situation, c’est que
les chercheurs scientifiques, dans leur désir de comprendre « le

144. Voir supra, n. 3, p. 6.


145. Quirke, Titles and Bureaux, p. 4-5.

60
LA CULTURE NOMARCALE

système », créent des structures que les Égyptiens eux-mêmes


ne reconnaîtraient peut-être pas.
Une acceptation totale de ce point de vue impliquerait que
la titulature des fonctionnaires n’est pas significative et ne tra-
duit pratiquement pas les répartitions réelles du pouvoir dans
l’administration. Il me semble évident que ce serait là une posi-
tion de beaucoup trop extrême. Étant donné le nombre d’étu-
des fondamentales consacrées aux titres administratifs par
Quirke lui-même, il est clair que, lui non plus, ne suppose pas
que la titulature ne signifie rien. Ce qu’il me semble suggérer,
c’est qu’il faut accepter l’administration en tant que système
dynamique comportant à la fois des éléments formels et d’au-
tres informels. Ce qui implique que la titulature ne nous
informe pas complètement sur ce qui se déroulait dans le
monde des administrateurs.
Par exemple, pour l’Ancien Empire, on connaît beaucoup
de Ìr.y.w-tp ©“, mais à Assouan, ce titre n’existait pas. Là, les
plus hauts fonctionnaires, comme Hirkhouf et Héqaib, étaient
désignés par le titre de « chef d’expéditions ». Leurs tombes
présentent des caractéristiques de monumentalité comparables
à celles des gouverneurs dans les autres provinces, et leurs
autobiographies donnent l’impression que ces gens apparte-
naient au moins à la même couche sociale que les nomarques
plus au nord146. Étant donné que les Ìr.y.w-tp ©“ font, là, totale-
ment défaut, n’est-il pas plausible que les fonctions locales des
« chefs d’expédition » aient été plus ou moins comparables avec
ce qui était désigné ailleurs comme Ìr.y-tp ©“, mais avec une res-
ponsabilité supplémentaire pour les expéditions ? De la même
manière, n’est-il pas raisonnable de supposer que les Ìq“.w
wÌ“.t, « chefs de l’oasis », résidant à ©Ayn Asil dans l’Oasis de
Dakhla remplissaient plus ou moins les mêmes tâches que les

146. L’hypothèse que les nomarques résidaient à Kôm Ombo est, comme l’a remar-
qué FRANKE, Das Heiligtum des Heqaib, p. 11, sans preuve.

61
LES TEXTES DES SARCOPHAGES ET LA DÉMOCRATIE

nomarques, à côté de leur responsabilité évidente de chefs de


caravanes ?
Dans ces deux cas, la conclusion que je propose paraît vrai-
semblable du fait que ces hauts fonctionnaires provinciaux
étaient les seuls dans leur région. Un cas un peu plus difficile à
cerner est celui des μm.y.w-r Ìm.w-nÚr, « chefs des prêtres ».
Pendant l’Ancien Empire, il semble possible qu’ils aient parfois
revêtu une fonction différenciée de celle des nomarques, mais
il est généralement admis que cette répartition des rôles n’est
pas facile à dégager, surtout vers la fin de l’Ancien Empire et
pendant la Première Période Intermédiaire. Désormais, en
effet, beaucoup d’entre les nomarques portaient aussi le titre
de chef des prêtres. Il était apparemment devenu normal pour
un nomarque de diriger à la fois les institutions civiles et reli-
gieuses du nome. Il existe même des indices laissant supposer
que les temples ont pu, à maintes reprises, constituer la base du
pouvoir des nomarques à la fin de l’Ancien Empire147.
Après la Première Période Intermédiaire, la situation chan-
gea à nouveau. La Moyenne Égypte était conduite, au moins
dans plusieurs nomes, par un Ìr.y-tp ©“148. Mais dans d’autres
cas, parfois très significatifs, comme Assiout, ce titre fait pres-
que entièrement défaut. Néanmoins, les énormes tombes dans
ces nécropoles ne laissent aucun doute sur le rôle primordial de
ces personnages. Est-ce que le statut de ces chefs de prêtres
était très différent de celui des nomarques (Ìr.y-tp ©“)149 ?
Nous ne pouvons nous faire une idée sur ces fonctionnaires
qu’en nous appuyant sur deux types d’informations. Le pre-

147. Voir n. 80, 82, p. 34-35.


148. Fréquemment, ces personnes étaient aussi des chefs de prêtres.
149. Pour compliquer encore plus la situation : est-il certain que tous les chefs des
prêtres avaient les mêmes pouvoirs ? Pendant l’Ancien Empire, il existait des diffé-
rences concernant l’importance des divers temples, ce qui se reflète dans le rôle
politique des porteurs des titres. La même situation pourrait avoir existé pendant le
Moyen Empire : voir un cas possible d’un tel chef de prêtres, un certain
Montouhotep, discuté n. 132, p. 54.

62
LA CULTURE NOMARCALE

mier est leur titulature qui est très variée, et peut différer d’une
région à l’autre. Il est néanmoins un fait capital : les maires de
Helck sont pratiquement absents, sauf à Beni Hasan, mais là,
on rencontre aussi des « vrais » nomarques du type Ìr.y-tp ©“150.
Deuxièmement, un nombre assez restreint de « maires de
villes » sont connus par les textes de l’époque151. Mais on n’a
retrouvé aucun cimetière de maires comparable aux cimetières
traditionnellement appelés « nomarcaux ». À mon avis, cette
situation ne laisse aucun doute sur le fait que la classe des mai-
res existait bel et bien, mais qu’il s’agissait d’un groupe de per-
sonnes encore restreint et d’un statut social très différent de
celui des grands seigneurs provinciaux. Ces derniers, surtout
en Moyenne Égypte, possédaient de vastes monuments funérai-
res d’un type qui n’est guère connu ailleurs.
Ce point de vue va à l’encontre de l’opinion de plusieurs
égyptologues. Dans une étude récente, par exemple,
Grajetzki décrit les propriétaires des grandes tombes à Qaw
el-Kebir comme des « maires » (Ì“.ty-©)152. La titulature du type
très répandu Ì“.ty-© μm.y-r Ìm.w-nÚr a également été interprétée
comme désignation de personnes qui réunissent les fonctions
de « maire » et de « chef des prêtres »153. Cette titulature est
très fréquente à Assiout154, ainsi qu’à Qaw el-Kebir. Le titre
Ì“.ty-© associé avec μm.y-r Ìm.w-nÚr ou μm.y-r Ìw.t-nÚr apparaît

150. On connaît plusieurs cas de personnages qui étaient Ì“ty-© n Mn©t-⁄wμ=f-wμ,


« maire de Menat-Khoufou ». Il semble que pour plusieurs d’entre eux, cette fonc-
tion ait correspondu à une phase intermédiaire dans une carrière qui aboutissait au
nomarcat : voir le schéma dans Gestermann, Kontinuität und Wandel, p. 187.
151. Voir n. 87, p. 37.
152. Grajetzki, GM 156 (1997), p. 55-62.
153. Franke, Das Heiligtum des Heqaib, p. 11, n. 21, avec des renvois à d’autres
publications.
154. Voir la liste dans Zitman, The Necropolis of Assiut, p. 34-38, où l’on consta-
tera que le titre Ì“.ty-© apparaît aussi seul. Zitman, qui évite judicieusement de pren-
dre position dans le débat, désigne systématiquement les propriétaires des grandes
tombes d’Assiout comme « mayors/nomarchs ». Pour un « nouveau » Ì“.ty-© à
Assiout, voir Becker, GM 210 (2006), p. 8.

63
LES TEXTES DES SARCOPHAGES ET LA DÉMOCRATIE

également dans les tombes monumentales récemment décou-


vertes à Kôm el-Khalwa (Fayoum).
À Qaw el-Kebir, à Assiout et à Kôm el-Khalwa155, on aurait
donc affaire à un groupe social distinct de celui des nomarques
de Deir el-Bersha et de Beni Hasan. Il s’agirait des sites où sont
creusées les tombes des maires qui, apparemment, dans la plu-
part des cas, étaient aussi « chefs des prêtres ».
Je crois qu’on est ici en présence d’une confusion de termino-
logie. J’accepte la proposition de Helck avançant que l’existence
des « maires » est déjà bien établie pendant le Moyen Empire, et
que ces hommes étaient nommés Ì“.ty-© n nom de ville. Mais ceci
n’implique aucunement que le titre Ì“.ty-© avait la même connota-
tion dans d’autres constructions, comme Ì“.ty-© μm.y-r Ìm.w-nÚr156.
Pour ma part, je pense que le titulaire était fonctionnellement
chef des prêtres, et qu’il portait, comme d’autres hauts fonction-
naires, le titre de rang de Ì“.ty-©157. Dans d’autres cas, où le titre
Ì“.ty-© est suivi d’un nom de personne, il doit s’agir d’une abrévia-

155. Si l’on interprète le titre Ìr.y-tp s≈.t comme variante du titre nomarcal Ìr.y-tp
©“, les tombes de Kôm el-Khalwa devraient être écartées de cette liste : voir n. 128,
p. 54.
156. Helck, Verwaltung, p. 208-210. Les pages citées du livre de Helck ont exercé une
grande influence, mais elles ne me convainquent pas du tout. Il décrit une situation où
l’on voit, d’un côté, l’apparition d’un Ì“.ty-© n Mn©.t-⁄wμ=f-wμ, « maire de Menat-
Khoufou » à Beni Hasan et, de l’autre, le titre Ì“.ty-© placé directement devant le nom
d’un administrateur. Le seul fait de la position de ce terme suffit à Helck pour affirmer
qu’il s’agit, non d’un titre de rang, mais d’un titre désignant une profession : celle de
maire. Il en résulte un nombre très élevé de maires, parce que beaucoup de gouverneurs
sont désignés dans leurs tombes comme Ì“.ty-© N. Mais le principe général selon lequel
un titre placé dans cette position doit forcément désigner une fonction réelle ne m’a
jamais paru probant ; j’ai discuté d’un exemple problématique dans Dayr al-Barsha- I,
p. 100-102. Dans le cas spécifique des Ì“.ty-©, la situation est particulièrement délicate
parce que ce titre très répandu était souvent utilisé dans un sens honorifique (voir les
remarques de Fischer, Dendera, p. 71-72), et était employé comme titre d’adresse, un
peu comme dans notre « monsieur » (voir Conte du Naufragé, l. 2). On ne parlera donc
d’un maire que dans le cas où le titre Ì“.ty-© est suivi du nom de la ville.
157. Mon interprétation va à l’inverse de celle de Quirke, qui écrit : « Following
regular Middle Kingdom practice, the post of temple manager was held by the lea-
ding official of the main settlement (Ì“ty-©) to form a composite position Ì“ty-© μmy-
r Ìw.t-nÚr/Ìmw-nÚr » (Administration, p. 161).

64
LA CULTURE NOMARCALE

tion d’un title string comportant l’élément Ì“.ty-©. Ce qui implique


que le titre peut indiquer un maire, mais ne le fait pas forcé-
ment158. En outre, les propriétaires des grandes tombes de Qaw
el-Kebir,Assiout, et Kôm el-Khalwa bénéficiaient d’une titulature
dont les éléments (Ì“.ty-© et μm.y-r Ìm.w-nÚr) sont des traits régu-
liers dans les titulatures des nomarques.
Il est possible qu’il ait existé une différentiation réelle entre
seigneurs locaux appelés « nomarque » ou « chef des prêtres ».
Dans les cas fréquents où les nomarques étaient aussi chefs des
prêtres, il est envisageable que leurs responsabilités aient été
plus diversifiées que celles d’un « simple » Ì“.ty-© μm.y-r Ìm.w-
nÚr. Mais, on vient de le voir, un tel raisonnement fondé sur une
traduction littérale des titres pourrait conduire à des simplifica-
tions. La dimension des tombes de Qubbet el-Hawa’, Qaw el-
Kebir, Deir Rifa, Assiout, Meir, Deir el-Bersha, Beni Hasan,
Tehna el-Gebel et Kôm el-Khalwa est sans parallèle dans le
reste de la Haute Égypte, ce qui suggère qu’on a affaire à une
couche sociale très réelle, et probablement différente de celle
des « maires ». Il est vraisemblable que la taille de leurs tombes
est le reflet de l’importance de leur position durant leur vie.
Tout semble indiquer qu’on se trouve en face d’un groupe
peut-être hétérogène en titulature, mais homogène en statut.
La répartition géographique montre, de surcroît, que ces sei-
gneurs régionaux étaient actifs surtout en Moyenne Égypte.
Dans les chapitres suivants, je me propose d’envisager ces
personnages non comme fonctionnaires, mais comme membres
d’une couche sociale, comme représentants de ce que je vais
appeler, à la suite de Kemp, la « Nomarchie ».
158. Pour la variabilité des fonctions de personnes intitulées Ì“.ty-©, voir Czerny, Ä&L 11
(2001), p. 23-25. Un exemple existe encore où on peut entrevoir le contexte dans lequel
vivaient les ≈“ty-© μm.y-r Ìm.w-n†r. Il s’agit du palais des gouverneurs de Tell Basta ; voir
Van Siclen, dans : Akten des 4. int. Ägyptologenkongresses IV, p. 187-194 ; Idem, dans :
Haus und Palast im alten Ägypten, p. 239-246. De ces publications, il ne ressort pas
assez clairement qu’une partie seulement du palais a été fouillée ; le palais, estimé par
Van Siclen à une superficie d’un hectare, devait être sensiblement plus vaste.
CHAPITRE II
UN CIMETIÈRE NOMARCAL
DU MOYEN EMPIRE :
DEIR EL-BERSHA

L
es hauts-lieux de la « Nomarchie » du Moyen
Empire sont bien connus. Il s’agit des sites de
Qaw el-Kebir, Deir Rifa,Assiout, Meir, Deir el-
Bersha, Beni Hasan, Tehna el-Gebel et, en
dehors de la Moyenne Égypte, de Qubbet el-
Hawa’ et Kôm el-Khalwa (voir fig. 7). Mis à
part Tehna el-Gebel et Kôm el-Khalwa, qui n’ont été partielle-
ment fouillés qu’assez récemment mais qui restent mal
publiés, tous ces cimetières ont été l’objet de fouilles entre les
années 1890 et 1930, approximativement. À cette époque, ils
suscitaient l’intérêt pour deux raisons surtout.
En premier lieu, les tombes monumentales de ces sites
contiennent un décor parfois de haute qualité. Il s’agit non
seulement de représentations picturales, mais aussi de longs
textes autobiographiques dont plusieurs avaient déjà attiré
l’attention au XIXe siècle, et qui sont devenus, depuis, les
sources classiques de l’historiographie du Moyen Empire.
L’établissement de copies de ces tombes était dès lors
une tâche prioritaire dont l’importance fut pleinement com-
prise après la publication des inscriptions des tombes
d’Assiout et de Deir Rifa, effectuée par F. LL. Griffith en

67
LES TEXTES DES SARCOPHAGES ET LA DÉMOCRATIE

Fig. 7 : Les hauts-lieux de la nomarchie du Moyen Empire.

68
DEIR EL-BERSHA

18891. Aussitôt après, d’autres missions, surtout britanniques,


s’occupèrent de la documentation épigraphique des autres
sites2. À la même période, des fouilles commencèrent aussi
dans ces cimetières. Ces opérations de très grande échelle,
comme celles d’E. Schiaparelli à Assiout et à Qaw el-Kebir
(1905-1913), sont tout à fait remarquables à plusieurs égards.
D’une part, le matériel trouvé se chiffre à des milliers d’objets
qui sont en grande majorité du plus haut intérêt. De l’autre,
Schiaparelli ne prenait apparemment que peu de notes pen-
dant ses fouilles et ne s’intéressait guère à la publication du
matériel. Le premier volume de la publication définitive d’une
partie du matériel – il s’agit de la tombe de Henib de Qaw el-
Kebir – n’a paru qu’en 20033. Le reste est encore, de nos jours,
en très grande majorité inédit. On peut s’étonner de ce man-
que de sérieux de la part du fouilleur mais, en fait, son appro-
che ne diffère pas tellement de ce qui se passait sur d’autres
sites similaires. Seules les fouilles de Chassinat et Palanque à
Assiout4, de Garstang à Beni Hasan5, et de Petrie et
Brunton dans la région de Qaw el-Kebir6 furent rapidement
publiées, bien que, là aussi, on manque parfois d’éléments de
documentation essentiels comme, par exemple, un plan du site,
des descriptions détaillées des contextes fouillés ou une liste du
matériel trouvé. Seules les publications de Brunton permet-
tent de se faire une idée de l’ampleur de la documentation.
Dans d’autres cas, on ne possède que des articles donnant un
1. Griffith, Siût and Dêr Rîfeh. Ces textes furent copiés à nouveau par Montet,
Kêmi 6 (1936), p. 138-163.
2. Beni Hasan I-IV (1893) ; El Bersheh I-II (1895) ; Meir I-VI (1915-1951) ; Petrie,
Antaeopolis ; pour les autobiographies de Qubbet el-Hawa’, l’editio princeps est
celle de Gardiner, ZÄS 45 (1908), p. 123-140 ; voir aussi Müller, Felsengräber.
Les plus importantes des ces inscriptions ont été republiées dans Urk. VII. Voir aussi
les commentaires de Edel, Beiträge.
3. Ciampini, La sepoltura di Henib.
4. Chassinat, Palanque, Fouilles d’Assiout.
5. Garstang, Burial Customs.
6. Brunton, Qau and Badari I-III ; Petrie, Antaeopolis.

69
LES TEXTES DES SARCOPHAGES ET LA DÉMOCRATIE

aperçu général.Ainsi, les rapports d’A. Kamal et J. Clédat sur


leurs fouilles à Meir ne laissent que très rarement entrevoir où
ils travaillaient, et n’offrent qu’une présentation très incohé-
rente, en forme de listes, de panneaux de sarcophages et d’au-
tres objets retenus7. Les fouilles conduites en 1915 par G.A.
Reisner à Deir el-Bersha sont restées entièrement inédites,
mais à sa décharge, on doit remarquer qu’il rassembla au moins
une documentation assez abondante, actuellement conservée
au Museum of Fine Arts de Boston8. Alors que Kamal avait
fouillé une demi-année dans la plaine de Deir el-Bersha, aux
frais d’un certain M. Antonini, directeur de la sucrerie de la
ville de Mallawi, un seul objet fut considéré comme digne
d’une publication – une table d’offrandes en albâtre
qu’Antonini offrira plus tard au Musée du Louvre9. Aucune
forme de documentation ne permet de se faire une idée sur le
déroulement des ces fouilles importantes.
L’aperçu précédent n’a pas pour but d’être complet, mais il
donne un panorama représentatif de la qualité de la documen-
tation disponible sur les fouilles de ces sites. Depuis les travaux
de Brunton et Petrie à Qaw el-Kebir, les grands projets
archéologiques dans les cimetières nomarcaux sont arrêtés.
Tout égyptologue qui a l’intention d’entreprendre des enquêtes
nouvelles sur la culture nomarcale doit, dès lors, travailler à
partir d’une documentation fort ancienne, incomplète, et biai-
sée. Cela se reflète, par exemple, dans le livre récent de W.
Grajetzki10 qui se fonde essentiellement, en ce qui concerne le

7. Clédat, BIFAO 1 (1901), p. 21-24 ; BIFAO 2 (1902), p. 41-43 ; Kamal, ASAE 11


(1911), p. 7-39 ; ASAE 12 (1912), p. 97-127; ASAE 14 (1914), p. 45-87 ; ASAE 15
(1915), p. 246-258.
8. Voir pour la publication d’un objet de ces fouilles et un bref aperçu du déroule-
ment de la campagne, Terrace, Egyptian Paintings of the Middle Kingdom.
9. Je remercie Christophe Barbotin et Geneviève Pierrat pour m’avoir fourni des
renseignements sur cet objet (Louvre D72). Pour la publication, voir Kamal, ASAE 3
(1902), p. 276-277.
10. The Middle Kingdom of Ancient Egypt (London, 2006).

70
DEIR EL-BERSHA

problème de la culture nomarcale, sur des publications très


datées. Il ne peut en être différemment, étant donné les condi-
tions décrites, mais il est clair qu’il est difficile sur cette base de
développer des approches nouvelles11. C’est pourquoi il est
nécessaire de rouvrir des chantiers de fouille dans les cimetiè-
res nomarcaux. En 2002, la K.U. Leuven a, pour cette raison,
mis en œuvre un tel projet à Deir el-Bersha12. Récemment, une
équipe germano-égyptienne, dirigée par J. Kahl, a conçu un
programme similaire et a entrepris des travaux archéologiques
et épigraphiques à Assiout13.

Ce chapitre présentera quelques résultats des fouilles


conduites entre 2002 et 2006 à Deir el-Bersha. L’objectif n’est
pas d’offrir un rapport condensé de tous les travaux qui ont été
menés. Il ne s’agit non plus d’une présentation des objets les
plus remarquables. Il est surtout dans mon intention de pren-
dre le site de Deir el-Bersha comme point de départ pour une
approche analytique de la culture nomarcale du Moyen Empire.
Bien sûr, on évoquera aussi les types de sources qui ont toujours
attiré l’attention, comme les textes autobiographiques et les
Textes des Cercueils. Mais il est important de ne pas isoler ces
sources de leur contexte social, historique, archéologique et
religieux.

11. Une exception est l’étude de Seidlmayer, Gräberfelder, qui essaye d’interpréter
les publications anciennes sur la base d’une familiarité profonde avec les différents
types de matériel archéologique souvent publiés de manière si lacunaire dans ces
ouvrages.
12. Pour une présentation de ce projet, voir Willems, MDAIK 60 (2004), p. 243-
247. Je remercie vivement les docteurs Gaballah ©Ali Gaballah et Zahi Hawass,
Secrétaires Généraux successifs du Haut Conseil des Antiquités et les membres du
Conseil, dont je mentionne spécialement M. Samir Anis, Directeur Général des
Antiquités de Moyenne Égypte. Les fouilles sont rendues possibles grâce aux cré-
dits importants fournis par le Fonds de Recherche de la K.U.Leuven et du F.W.O. -
Vlaanderen.
13. El-Khadragy, Kahl, Engel, SAK 32 (2004), p. 233-243 ; Kahl, El-Khadragy,
Verhoeven, SAK 33 (2005), p. 159-167.

71
LES TEXTES DES SARCOPHAGES ET LA DÉMOCRATIE

Si je mentionne l’aspect religieux en dernier lieu, il y a de


bonnes raisons à cela. Les bibliothèques égyptologiques four-
millent d’études sur les dieux, les temples, et la théologie.Tout
égyptologue sait que ces aspects sont d’importance primordiale
dans les Textes des Cercueils, souvent inscrits sur les parois
intérieures des sarcophages du Moyen Empire14. La publication
de ce matériel correspond à 3412 pages de textes hiéroglyphi-
ques dont plus de la moitié a été trouvée à Deir el-Bersha. La
masse même de cette documentation implique qu’il s’agit d’un
corpus de la plus haute importance pour la compréhension de
la religion du Moyen Empire. Mais, bien que j’espère pouvoir
apporter du nouveau sur la religion funéraire égyptienne, les
renvois aux Textes des Cercueils vont être épars. Je ne m’inté-
resse pas tellement ici aux détails du contenu religieux des tex-
tes, mais au fonctionnement de la religion funéraire dans la cul-
ture nomarcale. Ce que je vais essayer de déterminer est, tout
particulièrement, qui utilisait le cimetière, comment, et, fina-
lement, pourquoi. Comme on le verra, une approche contex-
tualisée de ce matériel sur la base d’un site spécifique permet-
tra de nuancer le point de vue que les Textes des Cercueils sont
la source par excellence pour comprendre la religion funéraire
égyptienne du Moyen Empire.
L’exemple retenu de Deir el-Bersha est évidemment dû au
fait que ma recherche est axée prioritairement sur ce site. Mais
le choix de ce chantier de fouilles a été délibéré. Dans le chapi-
tre précédent, on a vu qu’il s’agit d’un des principaux cimetiè-
res nomarcaux. Toutefois, de grands secteurs n’en ont pas
encore été fouillés – à la différence de sites également impor-
tants comme Beni Hasan où presque mille tombes ont été
vidées, il y a un siècle, par Garstang. L’intérêt du site

14. Publiés entre 1935 et 2006 par l’Université de Chicago dans les huit volumes
des CT.

72
DEIR EL-BERSHA

d’Assiout pourrait bien être plus grand encore que celui de


Deir el-Bersha mais, là aussi, le terrain a été fouillé à plusieurs
reprises. De surcroît, la zone archéologique d’Assiout est,
d’une part, très vaste, et de l’autre, coupée de son environne-
ment par les structures modernes au pied de la colline et par les
banlieues de la grande ville d’Assiout.
Le site de Deir el-Bersha n’échappe pas non plus à l’expan-
sion des zones habitées, des routes asphaltées et des terrains
agricoles. Malgré tout, le paysage l’entourant est encore en
grande mesure accessible à la recherche. Cela offre des possibi-
lités pour une enquête qui englobe non seulement les vestiges
archéologiques, mais aussi l’environnement naturel dans
l’Antiquité. Notre projet envisage, dès lors, l’étude de la répar-
tition spatiale des différents cimetières et leur implantation sur
le terrain. De cette manière, on espère pouvoir retrouver des
indices concernant le fonctionnement du site dans sa globalité.
Cela inclut, dans une certaine mesure, les relations avec la com-
munauté à laquelle il appartenait. Deir el-Bersha était le cime-
tière principal de la ville d’el-Ashmounein, ancienne capitale
du nome du Lièvre, où les nomarques et leurs cours ont sans
doute vécu.
Deir el-Bersha est aussi un site-clé pour l’histoire du Moyen
Empire. Les nomarques du nome du Lièvre sont bien connus,
non seulement sur la base des textes autobiographiques de leurs
tombes, mais aussi grâce aux graffiti rupestres qu’ils ont laissés
dans les carrières de travertin, l’albâtre égyptien, à Hatnoub
(voir fig. 7)15. Les deux groupes de sources permettent de sui-
vre les événements dans cette partie de l’Égypte avec plus de
détails que sur les autres sites nomarcaux.
La région de Deir el-Bersha se trouve à environ deux cent
quatre-vingts kilomètres au sud du Caire, sur la rive orientale

15. Pour la publication de ces graffiti, voir Anthes, Hatnub.

73
LES TEXTES DES SARCOPHAGES ET LA DÉMOCRATIE

du Nil (fig. 8-9). Le site constituait au Moyen Empire la nécro-


pole la plus importante de la ville d’el-Ashmounein, centre de
culte du dieu Thot. Tandis que la capitale se situait sur la rive
ouest, le cimetière était installé de l’autre côté du Nil.
La rive orientale forme une zone restée, même de nos
jours, très isolée. À cinq kilomètres approximativement au sud
de Deir el-Bersha, juste au sud du site d’el-Sheikh Sa©id, les
falaises du Désert Oriental avancent jusqu’au bord du Nil, cou-
pant presque, ainsi, la communication avec la zone d’Amarna
plus loin au sud. Au nord du village de Deir Abou Hinnis, le
dépôt du Ouadi ©Ibada a créé un désert sablonneux qui s’étend
aussi jusqu’au Nil. Plus loin au nord, au sud du village de Sheikh
Timay, les montagnes du Désert Oriental touchent à nouveau
le fleuve.
Le terrain entre el-Sheikh Sa©id et Deir Abou Hinnis se sub-
divise en trois zones différentes sur le plan géomorphologique.
À partir du Nil vers l’est, on aperçoit d’abord d’une zone allu-
viale qui, de nos jours, atteint une extension ouest-est d’à peu
près deux kilomètres (zone blanche sur le plan). Plus vers l’est,
s’étend une zone désertique relativement plane qui se compose
de dépôts de sable et de calcaire érodé. Cette zone est indiquée
en gris clair sur le plan et occupe le centre de la photographie
(pl. 2). Plus à l’est encore, s’élèvent les falaises du désert orien-
tal, coupées, à l’est de Deir el-Bersha, par la gorge impression-
nante appelée Ouadi Nakhla (voir pl. 2). La Mission de la
K.U.Leuven s’est donné pour but de comprendre l’occupation
humaine dans toute la zone que je viens de décrire, la conces-
sion actuelle comprenant, à côté du site de Deir el-Bersha lui-
même, celui de Deir Abou Hinnis16 au nord et celui d’el-Sheikh
Sa©id au sud.

16. Notre équipe y travaille en collaboration avec l’Université de Leyde et


l’Université Libre de Bruxelles, qui s’occupent des vestiges coptes de la région.

74
DEIR EL-BERSHA

Fig. 8 : Plan de la région de Deir el-Bersha


(plan Christoph Peeters).

75
LES TEXTES DES SARCOPHAGES ET LA DÉMOCRATIE

Fig. 9 : Plan du site de Deir el-Bersha,


avec indication des zones archéologiques
(plan Christoph Peeters).

76
DEIR EL-BERSHA

À Deir el-Bersha, la recherche jusqu’au début de nos enquê-


tes s’était concentrée sur les tombes nomarcales situées dans une
zone au sommet de la pente nord de l’Ouadi Nakhla, zone que
nous appelons actuellement la zone 2 (pl. 3). La figure 9 montre
que cette zone fameuse ne constitue en fait qu’un petit secteur
de la totalité du site. Notre plan (fig. 10) encore préliminaire
révèle qu’il existe là un assez grand nombre de tombeaux. Déjà
au XVIIe siècle, puis au XIXe, le site fut souvent visité par des
curieux désireux de voir la tombe célèbre du nomarque
Djéhoutihotep de la fin de la XIIe dynastie, indiquée sur le plan
comme 17L20/117. Cette tombe attirait l’attention à cause d’une
scène renommée (pl. 4) qui montre comment la statue colossale
du gouverneur fut transportée des carrières d’Hatnoub vers un
emplacement dont on discutera plus tard. La scène est tout à fait
remarquable, puisqu’il s’agit d’une des très rares représentations
qui figure la façon dont les Égyptiens étaient capables de trans-
porter de grands blocs de pierre. Mais, à côté de la tombe de
Djéhoutihotep, plusieurs autres nomarques ont construit leurs
sépultures dans la zone 2, fait dont, jusqu’aux années 1880, très
peu d’égyptologues avaient connaissance.
À cette époque, ces tombes ont été endommagées par un
vandalisme à grande échelle, et c’est probablement après avoir
été informé de ces activités que P.E. Newberry décida d’enre-
gistrer ce qui subsistait du décor de toutes les tombes de Deir
el-Bersha. Sa campagne se déroula entre novembre 1891 et
mars 1892, et la publication, qui parut en 1895, reste la source
principale sur le site18.
Cette campagne avait comme but essentiel d’établir des
relevés épigraphiques que Newberry réalisa avec l’aide de
H. Carter et de M. Blackden. Étant donné la durée de l’en-

17. Pour notre système de numérotation des tombes à Deir el-Bersha, voir Peeters,
Willems, dans Willems e.a., MDAIK 60 (2004), p. 249-250.
18. Bersheh I-II.

77
LES TEXTES DES SARCOPHAGES ET LA DÉMOCRATIE

Fig. 10 : Plan préliminaire de la zone 2.


Pour notre discussion, les tombes les plus importantes
sont celles d'Ahanakht Ier (17K85/1), Djéhoutinakht,
Khnoumnakht et Iha (17K74/1-3), Ahanakht II (17K84/1)
et Djéhoutihotep (17L20/1). Les structures à l'ouest
de cette dernière tombe (notamment la tombe du nomarque
Djéhoutinakht VI) n'ont pas encore pu être incluses
(plan Christoph Peeters).

78
DEIR EL-BERSHA

treprise, et le fait que la mission ne comportait que quatre per-


sonnes qui, de surcroît, ne s’entendaient pas très bien19, le
résultat est remarquable. Mais Newberry n’a guère entrepris
de fouilles. Pendant les années 1899-1902, G. Daressy20 et A.
Kamal21 menèrent des travaux archéologiques d’assez grande
envergure, activité qui fut reprise en 1915 par l’Américain G.A.
Reisner. Ces archéologues mirent au jour les sarcophages grâce
auxquels Deir el-Bersha est, à juste titre, devenu célèbre. Non
seulement ils contiennent une masse énorme de Textes des
Cercueils, mais ils sont aussi décorés de frises d’objets et autres
scènes de la plus haute qualité22. Après 1915, les fouilles mar-
quèrent un temps d’arrêt pour une période prolongée.
Bien que les fouilles dans la zone 2, le plateau des tombes
nomarcales, soient les seules à avoir retenu l’attention scienti-
fique, Daressy, Kamal et Reisner avaient également fouillé au
pied de la montagne, dans ce que nous appelons actuellement
les zones 8 et 9 (voir fig. 9). Daressy n’a presque rien publié
sur ses travaux ; du moins, donne-t-il quelques précisions.
Kamal travaillait dans la plaine, mais, pratiquement rien n’a fait
l’objet d’une publication. Les fouilles de Reisner, elles, sont
restées inédites. Dès lors, peut-on dire que les zones 8 et 9
constituent une terra incognita.
Dans les années 1990, le Haut Conseil des Antiquités de
l’Égypte a fouillé dans la zone 11 (voir fig. 9), ce qui a mis en
lumière l’extension de la nécropole dans ce secteur également.
L’organisation spatiale suggère l’existence d’un cimetière
ancien ininterrompu, mais actuellement largement couvert par
le cimetière moderne et le village, entre les zones 9 et 11. En

19. Voir James, CRIPEL 13 (1991), p. 79-84.


20. Daressy, ASAE 1 (1900), p. 17-43.
21. Kamal, ASAE 2 (1901), p. 14-43 ; 206-222 ; Idem, ASAE 3 (1902), p. 276-282.
22. La publication en couleur d’un de ces sarcophages (Terrace, Egyptian Paintings
of the Middle Kingdom) donne une bonne idée de la qualité artistique de ces cer-
cueils. Voir aussi la couverture de ce livre.

79
LES TEXTES DES SARCOPHAGES ET LA DÉMOCRATIE

effet, nos ouvriers font parfois état de trouvailles d’antiquités


quand de nouvelles tombes sont creusées dans le cimetière
moderne. En avril 2006, un ouvrier en a apporté la preuve défi-
nitive quand il nous donna une cruche en céramique presque
entière, datant du début du Moyen Empire, qu’il avait trouvée
à côté d’un puits funéraire récent. L’endroit où cette décou-
verte fut faite se trouve à mi-chemin entre les zones 9 et 11.
Il est donc clair que la limite ouest de la zone 9 n’est qu’ap-
parente. En fait, au centre du village, dans ce que nous nommons
la zone 10, le cimetière se poursuit également (voir fig. 9). Ce
secteur n’a heureusement pas été détruit par des constructions
récentes.Vers la fin des années 1960, le conseil du village avait
décidé de bâtir une école à cet endroit, mais aussitôt des vesti-
ges de tombes émergèrent. Entre 1969 et 1973, plusieurs fouil-
les y ont été effectuées par les autorités égyptiennes. Depuis, la
zone 10 a été protégée par le gouvernement égyptien.
Malheureusement, ces opérations sont restées pratiquement
inédites. Pour la première fouille de 1969, le seul rapport dont
on dispose est celui que je reproduis dans sa totalité :

Les travaux de prospection archéologique dans la région


de Deir el-Borsha, à Mallawi, dans le gouvernorat
d’Assiout, ont mené à la découverte de tombes remontant
à la fin de l’époque gréco-romaine. Même une tombe du
Moyen Empire a été également mise au jour. En effet, 27
tombes ont été découvertes remontant à l’époque de la
décadence gréco-romaine. Ces tombes se trouvent à des
niveaux différents du sol, entre un mètre et trois mètres.
Chaque tombe se compose d’une seule chambre funéraire,
de la longueur du cadavre. Un puits est relié à la cham-
bre funéraire et contient des pièces d’ornement23.

23. Citation empruntée au Journal d’Égypte du 17 juillet 1970 par Leclant,


Orientalia 40 (1971), p. 234.

80
DEIR EL-BERSHA

Plus tard, pendant la saison 1971-1972, les fouilles furent


poursuivies. On ne dispose que du rapport suivant :

L’inspecteur Osiris Ghobrial a poursuivi ses recherches


sur le site d’El-Bersha. Des tombes remontant à diffé-
rentes époques ont été exhumées. La plus importante est
celle d’un nommé Khouou, où l’on a ramassé des blocs
ornés de reliefs peints. Un des puits était surmonté d’un
mastaba. Les sépultures gréco-romaines, toutes pillées,
n’ont livré que quelques poteries24.

Assez récemment, les fouilles des autorités égyptiennes ont été


reprises25, mais il n’a pas été possible de rouvrir les tombes décou-
vertes il y a plus de trente ans par Osiris Ghobrial, à cause d’une
montée de la nappe phréatique d’à peu près trois mètres, en raison
de l’intensification récente de l’irrigation. Les tombes dégagées dans
les années 1960-1970 sont donc très difficiles à atteindre actuelle-
ment. Selon des personnes qui avaient vu l’intérieur de ces sépultu-
res, leurs parois seraient ornées d’une décoration assez intéressante,
impression confirmée par quelques copies qu’a effectuées l’inspec-
teur Osiris Ghobrial lui-même, et dont je possède des doubles26.
L’intérêt des tombes réside aussi dans l’existence d’un certain
nombre de grands blocs laissés par nos prédécesseurs, qui incluent
d’énormes fausse-portes pesant plus de deux tonnes chacune,
dont l’une, aujourd’hui totalement illisible, appartenait à un vizir
nommé Khouou27. Il y a trois ans, la mission avait déjà récupéré

24. Leclant, Orientalia 42 (1973), p. 405. Nos tentatives pour récupérer la documen-
tation de fouille d’Osiris Ghobrial n’ont pas, jusqu’à présent, été couronnées de succès.
25. Fouilles de l’inspecteur Helmi Hussein Suleiman. Nous le remercions pour ces
informations. Une publication du matériel qu’il a trouvé est en préparation.
26. Je remercie Edward Brovarski de m’avoir envoyé ces copies en 1990.
27. Heureusement, ce document a été publié par Bakry, RSO 46 (1971), p. 7-8 et
pl. V. Je dois cette référence à Marleen De Meyer. Le fait que ce monument soit
passé inaperçu jusque là pourrait être dû au fait que Bakry l’avait publié dans un
article sous le titre « Recent discoveries in the Delta ».

81
LES TEXTES DES SARCOPHAGES ET LA DÉMOCRATIE

ces blocs inscrits qui se trouvent maintenant dans la maison de


fouille.
En résumé, le site comporte, selon nos connaissances
actuelles, non seulement le cimetière bien connu des nomar-
ques du Moyen Empire, mais plusieurs autres, qui se répartis-
sent chronologiquement comme suit :

IIIe dynastie Zone 8, nord28,


zone 9, sud-est

Fin de l’Ancien Zones 4 et 729


Empire

Première Zone 4, zone 9 ( ?),


Période Intermédiaire zone 1030

Moyen Empire Zones 131, 2, 432,


8, 933, 10 ( ?)34

Seconde Zones 2, 435, 936


Période Intermédiaire
et début du Nouvel
Empire

Période tardive/ Zone 437


gréco-romaine

Incertain Zone 1138

82
DEIR EL-BERSHA

Pour la présente étude, il est surtout intéressant de noter


que les cimetières furent, à l’évidence, très largement agrandis
au cours du Moyen Empire. On en déduit que la population qui
y fut alors enterrée devait être quantitativement plus impor-
tante qu’auparavant. Dans ce qui suit, on tentera de compren-
dre quand, pourquoi et comment cette évolution s’est opérée39.

Les fouilles de 2006 dans la zone 10

Une des zones jusqu’à présent la moins connue est la zone


10. Cela nous a incités, pendant la campagne de mars-avril
2006, à rouvrir un des puits fouillés au début des années 1970
par Osiris Ghobrial.

28. Découvert par Stan Hendrickx.


29. Voir pour ces deux zones, la thèse de doctorat en cours de préparation de
Marleen De Meyer. Ses fouilles ont conduit, en mars 2007, à la découverte de la
tombe inviolée de Hénou, datée de la fin de la Première Période Intermédiaire.
Mais il semble que, pour le reste, les tombes de cette région remontent en grande
majorité à l’Ancien Empire.
30. Informations de l’inspecteur Helmi Hussein Suleiman et fouille de Hendrickx et
Willems en 2006.
31. Willems, MDAIK 60 (2004), p. 255-256.
32. La preuve en sera apportée dans la thèse de doctorat de Marleen De Meyer,
en cours de préparation.
33. Voir la thèse de doctorat en cours de préparation de Christoph Peeters.
34. Informations de l’inspecteur Helmi Hussein Suleiman.
35. Bourriau, De Meyer, Op De Beeck, Vereecken, Ä&L 15 (2005), p. 101-129.
36. Voir la thèse de doctorat en cours de préparation de Christoph Peeters.
37. Voir la thèse de doctorat de Marleen De Meyer, en cours de préparation.
38. Je me fonde sur des informations du fouilleur de cette zone, l’inspecteur
Muhammad Hallaf de l’inspectorat de Mallawi.
39. La cause n’est pas forcément à chercher dans un accroissement de la popula-
tion. On sait que, pendant la Première Période Intermédiaire, un cimetière existait
aussi à el-Ashmounein même : Spencer, Ashmunein III, p. 51-71. Il était donc possi-
ble de choisir entre plusieurs cimetières. Les motivations sous-jacentes qui prési-
daient à ce choix n’ont pas encore été élucidées.

83
LES TEXTES DES SARCOPHAGES ET LA DÉMOCRATIE

Ces travaux furent assez difficiles40.Avant le début de nos acti-


vités, le terrain se présentait comme une surface très irrégulière,
situation causée par les fouilles, anciennes et plus récentes, du
Haut Conseil des Antiquités. Les cratères visibles sur la planche
5 sont le fruit de ces sondages. En outre, ce terrain ouvert au
centre du village a été utilisé depuis des années pour y jeter les
ordures. Par conséquent, aujourd’hui, les puits vidés pendant les
fouilles précédentes ont non seulement été atteints par la nappe
phréatique, mais ont aussi été remplis par des déchets, produi-
sant ainsi une soupe dégoûtante. Néanmoins, nous avons finale-
ment réussi à vider la fosse de la tombe 05P63/1, qui conduit à
une pièce entièrement bâtie en calcaire, encore couverte de son
toit, et close par deux blocs de fermeture qui avaient sans doute
été remis en place par nos prédécesseurs.
Évidemment, après des dizaines d’années sous l’eau, les
parois de la tombe étaient complètement couvertes d’algues,
de sorte qu’on ne pouvait reconnaître aucun décor. Petit à
petit, grâce aux travaux de notre conservatrice, L. Blondaux,
des restes du décor commencèrent à réapparaître. Après un
nettoyage complet, la tombe s’est avérée être soigneusement
construite en blocs très réguliers de calcaire. La chambre pos-
sède aussi un dallage en calcaire (pl. 6). Il s’agit d’une sépulture
de deux mètres quatre-vingts de longueur et d’un mètre cin-
quante de hauteur, avec une grande niche à canopes dans la
paroi sud. Dans le dallage de la niche, nous avons découvert un
bloc de fermeture encore scellé par du mortier. Bien que l’in-
térieur de la chambre ait déjà été entièrement vidé par nos
devanciers, on a retrouvé des fragments de feuilles d’or sous le
bloc de fermeture, qui devaient avoir couvert un objet en bois
maintenant entièrement disparu.

40. Ce qui suit expose les résultats des travaux exécutés en commun par Stan
Hendrickx, Marleen De Meyer, et l’auteur. Une publication complète est en prépa-
ration.

84
DEIR EL-BERSHA

La décoration des parois n’est plus en bon état (pl. 6).


Toutes les couleurs se sont effacées, sauf, partiellement, le
rouge et le noir. La paroi du fond conserve encore une frise
d’objets dont on peut aisément reconnaître les éléments prin-
cipaux : un vase à bec verseur, trois vases hes, un étendard sup-
portant peut-être un ibis, un chevet, et plusieurs tables portant
des objets.
Sur la paroi ouest, le registre supérieur comporte encore le
texte d’une formule d’offrandes et, plus bas, dans la moitié
sud, une procession de porteurs d’offrandes avançant vers le
nord. La peau de ces hommes est peinte de la couleur rouge-
brunâtre que le canon égyptien réserve pour les individus de
sexe masculin. Ce qui est intéressant, parce que sur la moitié
nord de la paroi figure une seconde procession d’hommes et de
femmes, dont la peau est uniformément indiquée en noir. Il est
ainsi clair que la procession se compose d’une part d’Égyptiens,
et d’autre part de Nègres.
De la paroi est, seule la moitié nord semble avoir été déco-
rée. On y voit une deuxième procession de porteurs d’offran-
des. Parmi les premiers d’entre eux, un homme est affublé
d’un vêtement noir avec ce qui ressemble à la queue d’un ani-
mal suspendue entre ses jambes, peut-être un prêtre-sem. Cette
paroi comporte aussi une fausse-porte. Enfin, les montants de
porte sont ornés de représentations de vases.
La tombe semble avoir appartenu à une femme appelée
Djéhoutinakht. Son nom apparaît aussi sur un des blocs en cal-
caire récupérés, il y a deux ans, au centre du village, et qui se
trouvent actuellement dans la maison de fouille. Le bloc offre
la même orthographe de l’épithète μm“≈.t suivie du nom
Djéhoutinakht, et le début du nom est écrit par le signe du pain
pointu ( ). Il est donc vraisemblable que nous disposons non
seulement de l’appartement souterrain de cette dame, mais
aussi d’un bloc qui avait orné, un jour, sa chapelle de culte funé-
raire.

85
LES TEXTES DES SARCOPHAGES ET LA DÉMOCRATIE

Ce bloc conserve encore des éléments d’une autobiogra-


phie traditionnelle. Les débuts des lignes ont disparu, mais la
nature répétitive des formules reproduites permet de reconsti-
tuer à peu près la longueur originale de cette paroi. Bien que
les passages autobiographiques soient des plus banals, ils ne sont
pas sans intérêt, car les biographies ne sont pas très courantes
dans des tombes appartenant à des femmes. Dans le cas pré-
sent, ces éléments se trouvent dans une tombe qui doit avoir
été une structure considérable.
Le statut spécial de cette femme est souligné par le titre
qu’elle porte : μr.yt p©.t m“.t, « nouvelle princesse héréditaire ».
Le titre μr.y p©.t, dont on rencontre ici la forme féminine, est le
plus haut titre de rang en Égypte41. L’adjectif exceptionnel
qu’utilise Djéhoutinakht implique qu’elle ne bénéficiait pas de
ce titre simplement parce qu’elle appartenait à une famille où
il était héréditaire, mais qu’il lui avait été conféré par le roi
comme une faveur « nouvelle ».
Malheureusement, nous n’en savons pas davantage sur cette
dame sans doute remarquable. Néanmoins, la céramique assez
mélangée provenant du puits de sa tombe, et que nous avons
analysée, contient du matériel de la fin de la Première Période
Intermédiaire ou du tout début du Moyen Empire. Le style
décoratif des peintures suggère clairement qu’une date au
cours de la Première Période Intermédiaire est la plus vraisem-
blable.
Dans les prochaines années, nous espérons poursuivre nos
fouilles, mais, dès à présent, il est patent que ce nouveau cime-
tière est de la plus haute importance. À en juger par la cérami-
que trouvée en surface, la région fut surtout utilisée comme
cimetière durant la Première Période Intermédiaire et le début
du Moyen Empire. Pour l’instant, on connaît la tombe d’une
dame de très haut rang, une tombe du même type qui n’a pas

41. Grajetzki, Die höchsten Beamten, passim.

86
DEIR EL-BERSHA

encore été ouverte, celle du vizir Khouou, et une autre cham-


bre funéraire en pierre plus à l’est. Bien que ces tombes ne
soient pas visibles en surface, le témoignage de personnes qui
ont assisté aux fouilles d’Osiris Ghobrial et aux activités plus
récentes du Haut Conseil des Antiquités dans ce secteur laisse
entrevoir qu’elles sont probablement organisées selon une ran-
gée, ce qui suggère une contemporanéité entre elles.
Les graffiti d’Hatnoub nous informent sur toute une lignée
de nomarques datant de la Première Période Intermédiaire, mais
dont, jusqu’à présent, on ne savait presque rien42. Il semble vrai-
semblable que ces personnages ont été enterrés là, au centre de
l’actuel village de Deir el-Bersha. Le fait qu’au moins l’un d’en-
tre eux portait le titre de vizir, titre jusqu’alors inconnu pour la
Première Période Intermédiaire43, suggère que cette famille de
gouverneurs disposait d’une influence considérable, mais encore
insoupçonnée, pour le royaume des Héracléopolitains.

Les tombes du début du Moyen Empire de la zone 2

On va maintenant se déplacer vers la zone 2, au sommet de


la pente nord du Ouadi Nakhla, où se trouvent les tombes des
nomarques du Moyen Empire (fig. 9 et 10). Notre but ne sera
pas de faire un tour d’horizon des résultats de nos fouilles
depuis 2002, mais plutôt de présenter quelques détails spécifi-
ques qui nous permettront de mieux comprendre l’évolution
du cimetière rupestre et sa raison d’être44. On s’occupera sur-
tout des premières tombes du Moyen Empire qui y furent

42. Voir Brovarski, dans : Studies Dunham, p. 22-23 ; De Meyer, dans :


Genealogie, p. 125-136.
43. Gestermann, Kontinuität und Wandel, p. 147-153. La date de la stèle fausse-
porte de Khouou sera traitée dans la thèse de doctorat de De Meyer.
44. La présente discussion est partiellement fondée sur les résultats d’une étude
parue en 2007 (Willems, Dayr al-Barsha- I), et n’offre, dans certains cas, qu’un
aperçu bref de l’argumentation plus poussée qu’on trouvera dans cette publication.

87
LES TEXTES DES SARCOPHAGES ET LA DÉMOCRATIE

bâties, et qui fournissent des renseignements sur les transfor-


mations socio-politiques dans la région après la Première
Période Intermédiaire. Sur la base non seulement des textes de
ces tombes, mais aussi des graffiti laissés par les mêmes person-
nages dans les carrières d’albâtre à Hatnoub45, on est très bien
renseigné sur la généalogie de cette lignée de nomarques46.
La reconstitution chronologique de la suite des nomarques
du début du Moyen Empire reposait, jusqu’ici, presque entiè-
rement sur les données concernant le nomarque Nehri Ier. Sa
tombe est actuellement dans un état très ruiné, mais nos fouil-
les récentes ont mis au jour de nombreux fragments nouveaux
qui lui appartiennent (voir pl. 7). Néanmoins, les graffiti qu’il
a laissés à Hatnoub restent essentiels pour la compréhension de
l’histoire du site. Ces textes décrivent une guerre civile qui
déchirait la Moyenne Égypte pendant le gouvernorat de Nehri Ier.
Sans qu’il soit possible de dater cette guerre très exactement, il
apparaît que Nehri décrit des circonstances de la fin de la XIe
dynastie, ou du tout début du règne d’Amenemhat Ier47. Ce qui
a des conséquences pour la datation d’un autre nomarque,
Ahanakht Ier, le propriétaire d’une des tombes les plus grandes
du site (voir fig. 10, no. 17K85/1).

45. Voir pour ces textes : Anthes, Hatnub, graffiti 10-32.


46. Après que ce chapitre avait été écrit, la dernière campagne de fouilles (2007)
a apporté des indices suggérant que la compréhension de l’évolution de cette zone
pose encore problème, puisqu’il devient de plus en plus clair que celle-ci comporte
non seulement les tombes bien connues des nomarques du Moyen Empire et de
leur entourage, mais aussi deux autres types de tombes qui, jusque là, n’ont jamais
été étudiées. Il s’agit tout d’abord d’un groupe limité de tombes qui souvent n’ont
pas été achevées avec des petits puits carrés, et qui pourraient remonter à l’Ancien
Empire. Le deuxième groupe est bien représenté à travers toute la zone 2, et com-
porte des petits puits rectangulaires qui sont peu profonds. La date de ce dernier
groupe reste pour l’instant incertaine, faute de matériel associé. Ces tombes n’ont
pas encore pu être étudiées, mais il est patent que certains éléments de l’analyse
qui va suivre pourront être remis en cause ultérieurement. Quelques réflexions pré-
liminaires seront présentées en fin d’ouvrage.
47. Voir Willems, JEOL 28 (1983-1984), p. 80-102 ; des arguments supplémentai-
res seront donnés dans Willems, Dayr al-Barsha- I, chapitre 7.

88
DEIR EL-BERSHA

Amenemhat Ier 30 ans

Nehri Ier 8 ans


Montouhotep IV 2 ans
Ahanakht II 5 ans ?
Montouhotep III 12 ans
Djéhoutinakht IV 5 ans ?
Montouhotep II 51 ans
An 39 ou 41 Ahanakht Ier 30 ans

Djéhoutinakht III durée de règne


An 14 inconnue

Période où l'unification
de l'Égypte doit avoir pris place

Fig. 11 : Reconstruction de la chronologie des nomarques


du nome du Lièvre au début du Moyen Empire
(d'après Willems, JEOL 28 (1983-1984), p. 80-102 ;
Idem, Dayr al-Barsha- I, chapitre 7)

Nous savons non seulement que celui-ci était gouverneur


avant Nehri Ier, mais aussi que lui avaient succédé ses deux fils
Ahanakht II et Djéhoutinakht IV48. À Hatnoub, il n’existe qu’un
seul graffito renvoyant à Djéhoutinakht IV (gr. 42), et aucun
datant du règne de Ahanakht II. À Deir el-Bersha aussi, la docu-
mentation concernant les deux hommes est très restreinte.
Nous avons probablement découvert la tombe d’Ahanakht II,
mais elle est très petite, et les vestiges de sa décoration mon-
trent qu’elle fut exécutée dans un style très grossier, peut-être

48. La séquence des deux derniers n’est pas claire.

89
LES TEXTES DES SARCOPHAGES ET LA DÉMOCRATIE

parce que la sépulture avait dû être achevée à la va-vite (fig. 10 :


la tombe 17K84/1 juste à l’ouest de la tombe d’Ahanakht Ier)49.
J’ai des raisons de penser que Djéhoutinakht ne possédait
même pas de tombe propre, mais qu’il fut enseveli dans celle
de son père. Il semble ainsi assez clair que les deux hommes
n’ont pas dû régner très longtemps. Dans le schéma de la figure
11, j’ai attribué un maximum de cinq ans à chacun.
La longueur exacte de ces règnes n’est cependant pas un
point crucial, parce que Ahanakht Ier a été nomarque pendant
une très longue période. Le graffito Hatnoub 11 fait état de sa
trentième année, et il est possible que la durée totale de son
nomarcat ait même été plus longue. Nous savons aussi que son
père était Djéhoutinakht III et, lui aussi, était probablement
nomarque50. Cela a des conséquences pour notre compréhen-
sion de la situation politique dans le quinzième nome de Haute
Égypte. Tout d’abord, on doit constater qu’une série ininter-
rompue de nomarques y fut en fonction entre la fin de la
Première Période Intermédiaire et la fin de la XIIe dynastie ;
apparemment, la conquête thébaine ne conduisit pas à des
changements au niveau de l’administration de ce nome, comme
l’avait supposé L. Gestermann51.
Il n’y a pas de certitude sur la date à laquelle l’Unification
eut lieu. La plupart des égyptologues pense, pour des raisons
que je ne peux pas détailler ici, que cet événement doit être
placé entre les années 14 et 39 (ou 41) du roi Montouhotep II52.
En raison de la longue durée de son règne, Ahanakht pourrait

49. Le même style grossier apparaît sur une table d’offrandes d’Ahanakht II
(Hildesheim 1891) qui pourrait provenir de la même tombe : voir Martin-Pardey,
GM 21 (1976), p. 33-36 ; Eadem, CAA Hildesheim VI, 6, 49-51.
50. De Meyer, dans : Genealogie, p. 133, avec références bibliographiques.
51. Voir p. 43-52.
52. Gestermann, Kontinuität und Wandel, p. 35-47 ; Franke, Orientalia 57 (1988),
p. 133, avec bibliographie ; Willems, Chests of Life, p. 58-60 ; Quack, Merikare,
p. 106 ; Seidlmayer, GM 157 (1997), p. 81 ; Darnell, ZÄS 131 (2004), p. 34, avec
bibliographie.

90
DEIR EL-BERSHA

avoir été nommé nomarque immédiatement après que le roi


thébain avait pris le pouvoir en Moyenne Égypte, mais il est
aussi concevable qu’il ait été désigné par un roi héracléopoli-
tain. Dans ce cas, Ahanakht aurait dirigé son nome pendant la
transition entre les périodes héracléopolitaine et thébaine.Tout
au moins, il a été témoin de cet événement capital. Cette
reconstitution chronologique repose non seulement sur les
idées que j’avais déjà conçues dans les années 198053, mais aussi
sur des renseignements nouveaux, obtenus à partir de l’analyse
des tombes d’Ahanakht Ier et d’autres, aux alentours de celle-ci.
La plus importante de ces informations ressort de l’analyse de
la céramique trouvée dans la tombe d’Ahanakht par Reisner,
et par nous-même dans une tombe d’un contemporain du
nomarque. Ce matériel inclut trois vases-modèles très grossiè-
rement façonnés à la main, et avec une base pointue (voir pl. 8).
Ce matériel est très abondant dans les tombes de la Première
Période Intermédiaire et du début du Moyen Empire à
Dendara, mais très peu de parallèles sont connus ailleurs. La
présence de ce type de céramique à Deir el-Bersha doit remon-
ter à une époque où un contact direct entre le sud du pays et la
Moyenne Égypte avait été rétabli, ce qui suggère une date pos-
térieure à la prise du pouvoir par les rois thébains en Moyenne
Égypte, c’est-à-dire après la fin de la Première Période
Intermédiaire. Comme l’a remarqué R. Freed, le style du
décor de la tombe d’Ahanakht pourrait aussi montrer des
signes d’influence du style thébain54. Pour ces raisons, il semble
maintenant clair qu’Ahanakht Ier a été nommé soit par les rois
thébains55, soit par un roi héracléopolitain, restant dans la posi-
tion de gouverneur local après l’Unification du pays. Dans les

53. Willems, JEOL 28 (1983-1984), p. 80-102.


54. Bersha Reports I, p. 53-59.
55. Idée énoncée récemment par Allen, dans : The Theban Necropolis. Past,
Present and Future, p. 23 ; 26.

91
LES TEXTES DES SARCOPHAGES ET LA DÉMOCRATIE

deux cas, la tombe devrait avoir été décorée plutôt après


l’Unification du pays.

Le nouveau projet belge s’est donné comme l’un de ses axes


prioritaires de recherche, de renouveler l’étude de la tombe
d’Ahanakht Ier et du groupe avoisinant. Il s’agit d’un ensemble
de cinq tombes dont l’analyse n’avait pas beaucoup avancé
depuis le temps de Newberry. De surcroît, trois de ces tom-
bes contiennent des textes autobiographiques dont l’un était
jusqu’ici presque totalement inconnu, tandis que même celui
d’Ahanakht n’avait guère été commenté depuis son édition en
1895.
Malheureusement, la publication des tombes d’Ahanakht Ier et
Ahanakht II n’a pas encore pu être poursuivie à cause de leur
état très fragile. Mais l’étude des trois petites tombes en face
de celle d’Ahanakht Ier a été terminée, et vient d’être
publiée56.
La tombe d’Ahanakht Ier (17K85/1, voir fig. 10) consiste en
deux pièces, mais de celle du sud, il ne subsiste que très peu.
Par endroits, des éléments du décor sont encore préservés. Le
montant est de la porte entre les pièces sud et nord est décoré
d’un beau relief figurant Ahanakht Ier (pl. 9). Le mur intérieur
oriental derrière cette scène est encore intact et comporte des
scènes de prêtres offrant la plante b“q au gouverneur, et une
scène de combat de taureaux57. La partie sud du mur oriental
subsiste également. Elle montre le nomarque assis devant une
procession de porteurs d’offrandes58. La plus grande partie de
ce mur a malheureusement été détruite par les carriers. Il ne
reste que le registre inférieur de la suite de la scène d’offran-

56. Tombes 17K74/1-3 à la figure 10 ; voir Willems, Dayr al-Barsha- I.


57. La partie supérieure de la paroi a été publiée dans Bersheh II, pl. XVII, bas. La
partie inférieure est inédite.
58. Voir Brovarski, dans : Studies Dunham, p. 17, fig. 6. Pour une photographie,
voir Willems, dans : Zij schreven geschiedenis, p. 65.

92
DEIR EL-BERSHA

des. À travers le trou créé par les carriers, on distingue les


effondrements dans la tombe avoisinante.

Un peu au sud de la tombe d’Ahanakht Ier, mais à un niveau


plus bas, se trouvent les tombes de trois fonctionnaires de la
cour nomarcale (voir fig. 10, les numéros 17K74/1-3). Le fait
que les formules d’offrandes dans ces tombes sont dédiées, non
aux propriétaires des tombes, mais à Ahanakht, indique sans le
moindre doute qu’il s’agit de collaborateurs proches de celui-ci.
Il s’agit de trois tombes de petite taille. Celle du milieu n’a
pas été achevée. Elle ne contient pas de puits et, quand
Newberry la découvrit, il a encore pu établir que la porte avait
été bloquée par de grandes herses. Ainsi, le sarcophage devait
avoir été déposé directement derrière ces blocs. Les deux
autres tombes ont une structure un peu plus courante : elles
consistent en une chapelle funéraire accessible, un puits funé-
raire, et une chambre sépulcrale. Le cas illustré à la figure 12
est celui de la tombe ouest (17K74/1).
Cette tombe, qui appartient à un homme nommé
Djéhoutinakht, avait déjà été décrite par Newberry. Selon lui,
elle était pourvue d’un long texte autobiographique qui aurait
été endommagé si gravement qu’il ne méritait plus une publi-
cation intégrale. Il ne publia que les formules d’offrandes et une
copie partielle et assez médiocre du grand texte autobiographi-
que59. Quand je visitai le monument pour la première fois en
1988, je fus alors fort surpris de trouver une tombe en assez
bon état, et de constater que pratiquement chaque signe hiéro-
glyphique pouvait encore être lu, au moins partiellement (pl.
10-11).

Le texte principal, qui se trouve sur la paroi ouest, est sur-


monté d’une longue formule d’offrandes dédiée au nomarque

59. Bersheh II, p. 43-46.

93
LES TEXTES DES SARCOPHAGES ET LA DÉMOCRATIE

Fig. 12 : Coupe de la tombe 17K74/1 vers l'ouest


(dessin Martin Hense).

94
DEIR EL-BERSHA

Ahanakht. En revanche, tout ce qui suit ne le concerne pas, lui,


mais Djéhoutinakht. La partie gauche du texte, à gauche de la
fausse-porte, contient quelques lignes d’un texte autobiogra-
phique traditionnel. La composition ne comporte que des phra-
ses laudatives sans aucun intérêt réel : Djéhoutinakht y est
décrit comme un homme d’un comportement irréprochable.
Ce qui est important, néanmoins, est que ce texte déploie des
phrases dont le seul véritable parallèle est un autre texte de la
région hermopolitaine : le graffito d’Hatnoub 12. Celui-ci date
de l’an 13 du nomarque Ahanakht Ier, et ses auteurs sont deux
hommes dont l’un s’appelle Djéhoutinakht. On se demandera
si le propriétaire de notre tombe ne pourrait pas être identique
au Djéhoutinakht du graffito.
Tout d’abord, la liste des banalités « autobiographiques »
continue de l’autre côté de la fausse-porte. Djéhoutinakht
aurait été un homme de confiance, qui savait tout et qui même
assure : « il n’y a rien que je n’ai fait ». Mais à partir de la
colonne 12, le texte devient à la fois plus difficile et plus inté-
ressant. Au milieu de la colonne 13, Djéhoutinakht se décrit
comme un être « aux ongles acérés » (n‡d ©n.wt), expression
qui, dans les temples de l’époque gréco-romaine, est utilisée
pour décrire des divinités de type faucon60. Il est assez étonnant
de rencontrer une épithète que l’on retrouvera à l’époque tar-
dive pour des dieux, dans le cadre de la description d’un
homme ordinaire. Pour le reste de la colonne, j’ai envisagé plu-
sieurs possibilités dont aucune ne me convainc vraiment. La
meilleure est peut-être la proposition de lecture suivante : μ-sÌ“
drf r μnÌ, « dont le trait est clairement visible sur le sourcil ». En
spéculant un peu plus, on pourrait penser à une métaphore
comparant l’homme à un faucon, avec des ongles dangereux et
des sourcils bien marqués, comme c’est aussi le cas pour les
faucons dans l’iconographie égyptienne. On peut s’interroger

60. Wb. II, p. 342, 13-14.

95
LES TEXTES DES SARCOPHAGES ET LA DÉMOCRATIE

sur le sens de cette formule ; peut-être Djéhoutinakht se vante-


t-il de s’être comporté violemment dans un rituel auquel par-
ticipaient des hommes-faucons, qui est effectivement attesté
dans certains Textes des Cercueils61. Bien que je doive avouer
que tout cela reste incertain, on notera que des rituels pour
combattre l’ennemi sont aussi mentionnés dans les autobiogra-
phies d’Ahanakht Ier et d’Iha, dans le même groupe de tombes62.
D’autres textes du Moyen Empire nous renseignent sur le
déroulement de tels épisodes. Par exemple, plusieurs stèles
d’Abydos décrivent la participation de leurs propriétaires aux
rituels osiriens qui y furent célébrés annuellement. L’élément
le plus important de ces festivités semble avoir été une grande
procession pendant laquelle la barque processionnelle d’Osiris
était portée de son temple à Abydos vers la tombe du dieu dans
le désert. Sur la route vers cette destination se déroulaient des
combats rituels entre deux groupes de participants, dont l’un
protégeait la barque d’Osiris contre l’autre qui jouait le rôle
des partisans du dieu Seth, et qui essayait de mettre un terme à
la procession osirienne. Ce dernier groupe devait être soumis
avant qu’Osiris puisse poursuivre son voyage63. Il est certain
que des rituels comparables furent célébrés ailleurs, et peut-être
Djéhoutinakht veut-il dire dans son autobiographie qu’il parti-
cipait à de telles joutes, combattant les ennemis du dieu local.
Les colonnes suivantes sont des plus intéressantes. Tout
d’abord, Djéhoutinakht signale qu’il connaissait les heures de la
nuit dans toutes ses périodes, et aussi « les premiers jours de la
saison d’akhet, qui conduisent aux premiers jours des saisons de

61. Bμk rmÚ.y ; voir par exemple la formule 149 des Textes de Cercueils : CT II,
226b-253g [149], texte qui doit être récité par un homme vêtu, selon 227b, comme
un ritualiste.
62. Bersheh II, pl. XIII, 8 ; XXI, 2 (haut) = Willems, Dayr al-Barsha- I, planche LIV,
col. 2.
63. La source la plus révélatrice pour ce rituel abydénien est la stèle Berlin 1204
d’Ikhernofret, lignes 17-21 ; voir Schäfer, Mysterien des Osiris, p. 20-32 et la plan-
che en fin de volume.

96
DEIR EL-BERSHA

peret et de shemou ». Il est clair que la première phrase signifie


que Djéhoutinakht était au courant des techniques pour déter-
miner l’heure pendant la nuit. Dès lors, il devait utiliser une
horloge stellaire diagonale, semblable à celles souvent repro-
duites sur les sarcophages de l’époque64. Comme j’ai essayé de
le montrer dans un article récent, dans la deuxième phrase,
Djéhoutinakht explique qu’il était capable d’ajuster son instru-
ment horologique quand son schéma ne correspondait plus à la
réalité astronomique65.
Normalement, les Égyptiens anciens n’utilisaient pas les
heures. Le seul contexte où il importait de connaître le temps
exact était celui de rituels comme la veillée horaire
(Stundenwachen) et le Stundenritual, qui étaient déterminés par
une périodicité précise. Par exemple, dans les Stundenwachen,
l’équipe de prêtres changeait de composition, chaque heure66.
Le reste du texte concerne des tâches plus mondaines.Tout
le long, Djéhoutinakht évoque son rôle dans l’administration
provinciale. On peut discerner deux catégories d’activités.Tout
d’abord, on rencontre une variété de missions liées à des titres
fonctionnels. Tous impliquent que Djéhoutinakht travaillait
dans le désert. Il était Ìr.y-tp ≈“s.wt « commandant des déserts »,
μm.y-r nw.w « commandant des chasseurs », μm.y-r mƒ“y.w
« commandant des Nubiens mƒ“ » et μm.y-r k“.t m w©r.t tn « com-
mandant des travaux dans cette nécropole ». Le dernier titre
suggère que c’est probablement Djéhoutinakht qui construisit
les tombes dont il est question. On devrait ajouter que toutes
ces tâches – même celle d’horologue, bien que cette dernière
ait facilité l’exécution de rituels religieux – étaient d’ordre pra-
tique.

64. Voir Neugebauer et Parker, Egyptian Astronomical Texts I.


65. Willems, dans: Timelines I, p. 437-445.
66. Voir pour le texte de ce rituel selon sa version gréco-romaine, Junker,
Stundenwachen. Pour la veillée horaire au Moyen Empire, voir Willems, Heqata,
p. 382-384.

97
LES TEXTES DES SARCOPHAGES ET LA DÉMOCRATIE

C’est aussi le cas pour les autres activités de Djéhoutinakht,


mais là, il ne fait mention d’aucun titre réel, sauf un. C’est le
titre de μr.y s‡p.t qui, selon Quirke, n’indique pas une personne
de haut rang, mais plutôt un commis chargé de la distribution
de rations aux ouvriers qui travaillaient pour les divers bureaux
de l’administration67. Or, Djéhoutinakht fait état de plusieurs
bureaux qu’il approvisionnait : un département des briques, un
département de la viande, et un département des dattes. Tous
semblent avoir fait partie du ‡n© provincial, une institution de
production et de stockage.
Pour le reste, il mentionne les types de personnel qui lui
étaient subordonnés : des jardiniers, des cuisiniers, des blan-
chisseurs, et même des gens « attachés à la presse, qui produi-
saient “l’odeur de l’été” », sans doute des producteurs de par-
fum.
Il semble donc que notre Djéhoutinakht était une personne
qui possédait peu de titres importants, et qui était surtout char-
gée de l’approvisionnement de plusieurs catégories d’ouvriers.
Même les titres qu’il porte effectivement nous confortent dans
l’idée qu’il n’était pas un fonctionnaire de très haut rang, parce
que, dans ce cas, il n’aurait pas eu besoin d’inventer des titres
aussi inédits que ridicules, tels que « commandant de millions,
de centaines de milliers, de dizaines de milliers, de milliers, de
centaines, et de dizaines de pâtisseries ».

Les autres autobiographies, celles de Ahanakht et de Iha, ne


sont pas moins intéressantes, mais elles sont déjà connues depuis
1895, et je les évoquerai donc de manière moins détaillée.
La tombe d’Iha (17K74/3) se trouve à côté de celle de
Djéhoutinakht et a été conçue de manière comparable. La paroi
orientale est entièrement ornée d’une scène d’offrandes qui
n’offre rien d’extraordinaire. Mais les parois ouest et nord,

67. Quirke, RdE 37 (1980), p. 119.

98
DEIR EL-BERSHA

dont la seconde est présentée à la planche 12, portent un long


texte autobiographique68. Ce texte décrit un homme tout diffé-
rent de celui que je viens d’évoquer. Djéhoutinakht semble
presque avoir travaillé de ses mains ; en tout cas, il exécutait des
travaux d’ordre hautement pratique. Iha était plutôt un intel-
lectuel. Sur la paroi ouest, il explique, par exemple, qu’il était
précepteur des enfants du roi. Sur la paroi nord, on lit de sur-
croît qu’il était chargé des scribes de la Maison de la Vie, le
scriptorium, peut-être celui du temple de Thot à el-Ashmounein.
On verra plus tard que cette charge jette une lumière très inté-
ressante sur l’évolution de la culture funéraire dans la région. Il
participait aussi au rituel d’abattre l’ennemi, rituel auquel,
comme nous venons de le suggérer, Djéhoutinakht prenait
peut-être part avec « ses ongles acérés ». Iha était, en outre, res-
ponsable des musiciens, peut-être ceux du temple local.
Finalement, il était chargé de l’μp.t nsw.t, les appartements pri-
vés du roi.

À côté de ces autobiographies de fonctionnaires subalter-


nes, on possède le récit autobiographique du nomarque
Ahanakht lui-même qui donne, évidemment, un précis de l’ad-
ministration locale d’un tout autre point de vue. Ce texte très
instructif n’a jusque là été traduit que trois fois, et n’a guère été
exploité comme source historique69. C’est cependant un texte
riche en informations. À l’ouest de la porte, Ahanakht com-
mence par décrire son rôle, non comme nomarque, mais
comme chef des prêtres. Il était responsable du culte journalier

68. L’autobiographie d’Iha a été publiée dans Bersheh II, pl. XXI, et a été fréquem-
ment commentée depuis. Une étude approfondie vient de paraître dans Willems,
Dayr al-Barsha- I, chapitre 6.
69. L’autobiographie d’Ahanakht Ier a été publiée dans Bersheh II, pl. XIII, et a été
commentée par Brovarski, dans : Studies Dunham, p. 16-21, et Willems, dans : Zij
schreven geschiedenis, p. 57-70. Ce qui suit s’appuie largement sur mon étude plus
approfondie dans Dayr al-Barsha- I, chapitre 7.

99
LES TEXTES DES SARCOPHAGES ET LA DÉMOCRATIE

du temple, dont il offre une des plus anciennes descriptions.


Ensuite, il déclare qu’il était vizir. En tant que tel, il établissait,
entre autres choses, les stèles-frontières des nomes en Haute et
Basse Égypte. Plus tard dans son précis, il explique qu’il était
président d’un conseil de nomarques, au sein duquel, dans une
période troublée qu’Ahanakht ne spécifie malheureusement
pas, il se conduisait en administrateur énergique. Il fait état de
jours difficiles, et même, me semble-t-il, de problèmes d’ordre
militaire, mais dans de telles circonstances également, il était
capable de trouver une solution.
Finalement, en nomarque, il prenait soin du cadastre, et
était responsable de l’exploitation des carrières d’Hatnoub.
Grâce aux inscriptions de ces carrières, nous pouvons véri-
fier la véracité de ces informations. Ahanakht avait envoyé six
cents hommes à Hatnoub pour fournir du calcaire pour une
construction dans le temple de Thot à Ashmounein70. La biogra-
phie donne plusieurs précisions à cet égard. Ahanakht prétend
avoir bâti un nouveau sanctuaire pour le temple de Thot, qu’il
inscrivit avec son propre nom. Il présidait aussi au rituel d’abat-
tre l’ennemi, déjà mentionné dans la biographie d’Iha et, à
cette occasion, il distribuait la viande d’un taureau parmi la
population.
De prime abord, les récits de Djéhoutinakht, d’Iha, et
d’Ahanakht ne semblent montrer que peu de cohérence. Mais
si l’on prend en compte le fait qu’on a affaire à trois hommes
qui vécurent à la même époque et qui semblent avoir appartenu
à la cour nomarcale d’Ahanakht, il est certain qu’ils se sont bien
connus et qu’ils décrivent les différents aspects d’un seul
contexte historique : celui de l’époque juste après que les rois
thébains avaient pris le pouvoir dans ce qui avait jusqu’alors été
le royaume héracléopolitain. Ahanakht, Iha et Djéhoutinakht
avaient leurs racines dans ce dernier royaume. Mais le boule-

70. Hatnub, graffiti. 12-13.

100
DEIR EL-BERSHA

versement politique que représenta sans doute l’Unification du


pays ne paraît pas avoir gravement déséquilibré leur position
sociale. On a au contraire l’impression que la situation évoluait
pour eux de manière très positive.
Djéhoutinakht semble avoir été un factotum qui s’occupait
de la gestion quotidienne de certaines institutions dans le
nome. Dans son autobiographie, la distribution de rations à
divers ateliers et bureaux paraît avoir constitué l’aspect le plus
important de ces activités. En outre, il organisait aussi des opé-
rations dans le désert où il se procurait du calcaire, et il
construisait des tombes.
L’intellectuel Iha pourrait avoir été attaché au temple local
de Thot, bien que son autobiographie ne le dise pas catégori-
quement, où il dirigeait le scriptorium et les musiciens/dan-
seurs, et participait à l’exécution de rituels. Sans doute à cause
de ses qualités de scribe, il fut nommé précepteur à l’école de
la cour royale, où il enseignait aux princes – et, en se fondant
sur la datation de ce groupe de tombes, il est vraisemblable
qu’il se soit agi des princes de la cour royale thébaine. Ce mem-
bre important de la cour nomarcale hermopolitaine doit, par
conséquence, avoir passé beaucoup de temps à Thèbes et, bien
que le texte ne le précise pas, il pourrait aussi avoir servi
comme intermédiaire entre la Résidence nationale et le bureau
nomarcal d’Ahanakht.

Ce dernier combinait, comme c’était fréquemment le cas,


les tâches de nomarque et de prêtre en chef du temple local.
Jusqu’à présent, une autre fonction n’a guère retenu l’atten-
tion, mais elle ne devait être nullement moins importante que
les activités que je viens de mentionner : celle de vizir.
Les égyptologues qui ont rendu compte de ce fait l’ont
généralement expliqué comme un vizirat honoraire. Mais si on
lit attentivement les textes de la tombe d’Ahanakht, il apparaît
qu’il prétend avoir joué un rôle très réel dans le cadre politique

101
LES TEXTES DES SARCOPHAGES ET LA DÉMOCRATIE

de son temps. On rencontre plusieurs renvois à ses interven-


tions en Haute et Basse Égypte, clairement en dehors du terri-
toire d’un simple nomarque.
Ce contexte explique aussi un aspect extraordinaire de sa
tombe. Ce monument comporte deux pièces. Bien qu’elles
soient actuellement très endommagées, on peut toujours dis-
cerner, aux quatre angles de chacune d’elles, qu’on y avait
représenté une colonne. L’angle sud-est de la pièce nord est
encore intact, et il présente une colonne papyriforme (voir pl.
13 A). Aucune des colonnes de l’autre pièce n’est complète,
mais, bien que sévèrement endommagé, le chapiteau de celle
de l’angle sud-est reste reconnaissable ; il s’agit d’une colonne
lotiforme (voir pl. 13 B). Nul doute, donc, que cette tombe
était décorée dans la pièce nord avec la plante héraldique de
Basse Égypte, et dans la pièce sud avec celle de Haute Égypte71.
Pour autant que je sache, il n’existe pas de parallèle à ce dispo-
sitif dans une tombe privée, mais sa présence pourrait s’expli-
quer par le fait qu’Ahanakht, en tant que vizir, revêtait une très
grande responsabilité dans le pays qui venait d’être réunifié. Les
plantes héraldiques ont pu être un moyen pour Ahanakht d’ex-
primer sa fierté due au fait que, non seulement il était en
mesure de poursuivre la lignée nomarcale, mais également que
le nouveau roi lui confiait une position centrale dans le réseau
administratif de l’Égypte entière.
Nous savons aussi qu’à la même époque, un autre vizir rési-
dait à Thèbes même : ou le vizir Bebi ou le vizir Dagi72. Comme
les vizirs provinciaux de la fin de l’Ancien Empire, Ahanakht
était probablement un vizir secondaire qui coordonnait l’admi-

71. Voir déjà Bersheh II, p. 8-9.


72. Allen suppose même qu’Ahanakht Ier était le seul vizir en fonction à l’époque,
et qu’il était le prédécesseur de Dagi et de Bebi, dans : The Theban Necropolis.
Past, Present and Future, p. 14-29. Cela semble moins vraisemblable, parce qu’il
aurait alors été le plus haut administrateur du pays dans un système administratif
qui, pour le reste, était entièrement thébain.

102
DEIR EL-BERSHA

nistration provinciale du nord de l’Égypte. Si l’on suit cette


piste, on commence également à comprendre comment les
Thébains réussirent à s’emparer du territoire héracléopolitain.

Le paysage rituel de Deir el-Bersha

Cette interprétation historique facilite aussi la compréhen-


sion globale du site de Deir el-Bersha. Ce qui est notable, c’est
qu’avant Ahanakht, personne n’avait eu l’idée de bâtir une
grande tombe décorée dans la zone 2. L’élite locale de la
Première Période Intermédiaire semble avoir été enterrée dans
la plaine, dans la zone 10. Dans cette perspective, la décision
d’Ahanakht de faire construire sa tombe dans un endroit pres-
que vierge, mais impressionnant, pourrait être comprise
comme une rupture consciente avec la tradition. Sans doute
avait-il pour but d’exprimer par tous les moyens possibles le
statut de la lignée dirigeante à Ashmounein.

Un nouvel élément archéologique doit maintenant être


décrit brièvement. En 2002, au début de nos fouilles, T.
Herbich a entrepris une prospection géomagnétique dans les
zones 8 et 9. Celle menée dans la zone 9 a abouti à des résul-
tats très importants. L’aire ouest de la zone 9 a une forme trian-
gulaire, due au fait que l’ouadi a abandonné des dépôts en face
de son embouchure, créant un terrain plus élevé au milieu. Là
se trouvent de nombreux tombeaux signalés, dès avant le début
de nos travaux, par les grands cratères laissés par nos prédéces-
seurs. Entre ces cratères se situe une zone longitudinale
d’orientation est-ouest, qui est beaucoup moins accidentée. La
prospection géomagnétique y a révélé l’existence d’une ano-
malie clairement visible (pl. 14)73.

73. Peeters, Herbich, Archaeologia Polona 41 (2003), p. 245-247; Herbich,


Peeters, Archaeological Prospection 13 (2006), p. 14-19.

103
LES TEXTES DES SARCOPHAGES ET LA DÉMOCRATIE

Pendant les fouilles de 2002 et de 2006, nous avons pu


constater que cette anomalie correspond à un dépôt d’argile
alluviale, matériau qui doit avoir été déposé dans le désert par
des activités humaines. Sans doute l’anomalie correspond-elle à
une ancienne rue traversant le cimetière d’ouest en est, le
limon humidifié fonctionnant comme une surface glissante
pour les traîneaux utilisés pour transporter les sarcophages vers
les tombes.
Le plan géomagnétique fait aussi apparaître plusieurs lignes
droites qui, après fouille, s’avèrent correspondre à des com-
plexes funéraires entourés d’un mur d’enceinte. Nous n’avons
pas encore pu dégager tous ces complexes, mais le tracé des
murs est révélateur : tous sont nettement orientés vers la rue
que je viens de mentionner (voir fig. 13).
Il convient de remarquer que la relation spatiale entre ces
tombes et la rue doit refléter la structure sociale de la popula-
tion. Il est clair que la plupart des fouilles précédentes ont été
effectuées au sud de la route, et à courte distance de celle-ci.
Comme l’observe C. Peeters, le fouilleur de la zone 9, l’atten-
tion des archéologues du début du XXe siècle a dû être attirée
vers ce secteur parce que des structures importantes étaient
toujours visibles à la surface. En effet, à plusieurs endroits, on
peut encore voir des puits funéraires ouverts (voir fig. 13).
Ceux-ci sont de grandes dimensions et sont pourvus de murs
parfois assez importants. On peut en déduire que leurs proprié-
taires étaient relativement riches.
À une plus grande distance de la rue, et surtout au nord de
celle-ci, Peeters a découvert au moins cinq complexes funérai-
res contenant parfois un grand nombre de tombes assez simples,
entourant quelques tombes de plus grande échelle. Mais dans
cette zone, même les tombes les plus vastes sont de dimensions
beaucoup plus modestes que celles situées à proximité de la rue.
Il semble manifeste qu’il existe un rapport direct entre, d’une
part, le statut social des propriétaires des tombes et, d’autre

104
DEIR EL-BERSHA

Fig. 13 : Plan du « gazîra » dans la partie ouest de la zone 9


(dessin Christoph Peeters).

105
LES TEXTES DES SARCOPHAGES ET LA DÉMOCRATIE

part, la proximité entre les tombes et la rue. Il est aussi impor-


tant de noter que les seuls fragments de Textes des Cercueils que
nous ayons trouvés dans la zone 9 ont été mis au jour dans une
très grande tombe située au voisinage de la rue74.

L’existence d’une rue présuppose une nécessité de circula-


tion, et on se demande alors quel était le point d’arrivée de la
rue, et quel était son point de départ. Les deux problèmes ne
sont pas difficiles à résoudre. Si l’on projette le tracé de la rue
vers l’est, la ligne aboutit au pied de la côte nord de l’Ouadi
Nakhla, exactement à l’endroit où commence la montée vers
les tombes rupestres des zones 2 et 4 (fig. 14). La projection de
la rue dans l’autre direction conduit presque en ligne directe
vers la ville d’el-Ashmounein dont Deir el-Bersha hébergeait le
cimetière. Chaque fois qu’un habitant de la ville était enterré,
et chaque fois qu’on célébrait des fêtes religieuses dans le cime-
tière, la population de la cité devait alors se déplacer selon un
trajet qui suivait plus ou moins le tracé de notre rue.Aussi sem-
ble-t-il clair que la rue a été créée pour être utilisée à de telles
occasions. Une deuxième conséquence de cette interprétation
est que les tombes nomarcales constituaient le point d’orgue de
ces processions, même si, peut-être, tous n’étaient pas autori-
sés à suivre la route jusqu’à son extrémité. Ainsi, les fêtes
devaient commencer sur le quai, sur la rive est du Nil. Ensuite,
la population se déplaçait, en empruntant la rue qui longeait les
tombes les plus grandes, situées sur ses bords. Probablement,
une majorité de la foule tournait vers la gauche ou vers la
droite pour rejoindre les tombes familiales d’échelle plus
modeste, qui occupaient des positions plus reculées. Mais
même ceux qui ne continuaient pas vers le haut de la montagne

74. Voir pour les fouilles dans cette zone, Peeters, dans Willems e.a., MDAIK 60
(2004), p. 266-269; Idem, dans Willems e.a., MDAIK 62 (2006), p. 328-337 ;
Willems, Peeters, Verstraeten, ZÄS 132 (2005), p. 181-185.

106
DEIR EL-BERSHA

Fig. 14 : Projection de la « rue » sur le « gazîra » vers l'est


(d'après Willems, Peeters, Verstraeten, ZÄS 132 (2005),
p. 183, fig. 3).

107
LES TEXTES DES SARCOPHAGES ET LA DÉMOCRATIE

pour rallier les tombes nomarcales, devaient être conscients de


leur présence visuellement dominante. Ce paysage rituel a sans
doute été utilisé assez longtemps, mais pour nous il est impor-
tant de se demander quand il fut mis en œuvre.

Une solution pourrait être que la rue avait été tracée au


moment où les premières grandes tombes avaient été construi-
tes. On peut dater ce moment avec une grande précision, car, à
côté du sentier qui escalade la montagne, il existe une tombe
exactement datée. C’est la tombe, aujourd’hui en grande par-
tie détruite, d’un certain Ia-ib. Sur sa façade, il a fait graver la
copie d’un décret royal qu’a recopiée Möller, et qui fut
publiée en 1928 par Anthes. Bien que cette publication soit de
qualité médiocre, il en ressort clairement que la tombe date de
l’époque du roi Néferefrê de la Ve dynastie75.
Mais l’hypothèse que la rue remonterait à cette époque
pose problème. Cette rue était entourée d’un grand nombre de
tombeaux construits à ses abords. Nous avons fouillé quelques
dizaines d’entre eux, et presque tous contiennent de la cérami-
que de la fin de la Première Période Intermédiaire ou du tout
début du Moyen Empire, avec quelques exceptions légèrement
plus récentes. Une prospection de terrain effectuée dans le
même secteur, mais couvrant une surface beaucoup plus
grande, a conduit au même résultat. Dans la zone 10, c’est-à-
dire la continuation du cimetière au centre du village, on a
trouvé du matériel copte et de la période tardive, dont on ne
tiendra pas compte ici, et, de nouveau, du matériel de la fin de
la Première Période Intermédiaire ou du début du Moyen
Empire. L’Ancien Empire fait totalement défaut, de sorte qu’il
est peu vraisemblable que la rue doive être mise en relation
avec les tombes de l’élite de cette époque.
75. Anthes, Hatnub, pl. 2 (inscription XV). Une copie améliorée et une interpréta-
tion chronologique seront publiées par Marleen De Meyer. Voir déjà De Meyer,
dans : Proc. 9th ICE I, p. 421-422.

108
DEIR EL-BERSHA

Il me semble aussi peu probable que la rue conduise vers des


tombes nomarcales datant de la Première Période Intermédiaire.
Comme nous l’avons noté, ces tombes se concentrent proba-
blement au centre du village.
Les grandes tombes nomarcales de la zone 2 n’apparaissent
qu’à partir du gouvernorat d’Ahanakht Ier. La taille énorme des
sarcophages qui y furent dès lors enterrés pourrait bien avoir
conduit à la construction d’une piste en limon glissant. On se
demandera s’il n’est pas vraisemblable de dater la rue de cette
époque. La céramique trouvée aux alentours de celle-ci corres-
pond d’ailleurs très bien à une telle date76. Dans cette perspec-
tive, la rue peut être envisagée comme un élément du pro-
gramme d’adaptation de l’organisation spatiale du site, dont
l’élément essentiel a consisté en la création du cimetière
nomarcal dans la zone 2.
Si l’on accepte cette hypothèse, on constate alors diverses
évolutions parallèles. D’une part, le statut administratif et poli-
tique d’Ahanakht Ier, non seulement nomarque, mais aussi chef
des prêtres et vizir, lui donnait une position prépondérante à
travers le pays, mais tout spécialement dans le nome du Lièvre.
Ce statut doit s’être reflété dans sa position sociale, et on sem-
ble en apercevoir un indice dans la création d’un paysage rituel
englobant tout le site de Deir el-Bersha. Ce paysage facilitait
des célébrations funéraires et mortuaires de très grande
échelle, incluant la circulation d’une bonne partie de la popu-
lation d’el-Ashmounein, circulation culminant dans la zone 2
qui fut instituée à cette époque.
On sait que, jusque vers le règne de Sénousret III, la zone 2
avait continué à être utilisée, et qu’on y construisait des tombes
de belle allure. L’une d’entre elles appartenait à un nomarque

76. Voir Op De Beeck, Peeters, Willems, dans : Schiestl, Seiler (éd.), Handbook of
Middle Kingdom Pottery, sous presse. Pour quelques considérations qui pourraient
nuancer ce point de vue, voir ici, p. 237.

109
LES TEXTES DES SARCOPHAGES ET LA DÉMOCRATIE

appelé Djéhoutinakht (VI). La tombe s’est complètement


effondrée, mais elle est probablement encore complète. Un
jour, j’espère pouvoir y entreprendre un programme de restau-
ration, mais cela ne sera pas envisageable avant que les fouilles
dans la région ne soient terminées77.

D’autres tombes de grande échelle existent, la plus célèbre


d’entre elles étant celle de Djéhoutihotep (17L20/1). La fouille
dans et aux alentours de cette tombe a commencé en 2002 et va
continuer encore plusieurs années. Pour l’instant nous avons déjà
trouvé environ quatre mille fragments nouveaux du décor de
cette tombe. Les plus intéressants d’entre eux proviennent d’un
texte autobiographique, mais malheureusement je n’ai pas
encore pu m’en occuper. On ne peut que souhaiter qu’il soit pos-
sible, un jour, de reconstituer non seulement ce texte, mais aussi
les autres parties détruites de la tombe.
L’élément le plus connu de cette tombe est la scène fameuse
qui montre comment la statue colossale de Djéhoutihotep fut
transportée des carrières d’Hatnoub vers son emplacement
final (pl. 4). Étant pratiquement le seul document qui repré-
sente la façon dont les Égyptiens déplaçaient des blocs d’un
grand poids, cette scène a été souvent étudiée comme source
d’information sur la technologie pharaonique. Mais la question
de savoir dans quel but la statue fut érigée n’a guère été posée.
La scène se trouve sur la paroi ouest de la tombe. De nos
jours, des éléments importants en ont malheureusement dis-
paru. La perte la plus grave est celle d’une surface carrée der-
rière le dos de la statue, où, jusque vers 1880, on lisait un texte
historique. Heureusement, plusieurs égyptologues l’avaient
copié avant sa disparition. De surcroît, une photographie prise,

77. À cause de l’accessibilité réduite de cette tombe, elle n’a pas encore été insé-
rée dans le plan reproduit à la figure 10. Le monument se trouve directement à
l’ouest de celle de Djéhoutihotep (no. 17L20/1).

110
DEIR EL-BERSHA

juste avant la destruction des textes, par le Major Hanbury


Brown a été récemment publiée78. Ainsi, possède-t-on une
documentation presque complète pour ce texte. Il relate que la
statue, d’une hauteur de presque sept mètres, provenait des
carrières d’Hatnoub et que de grandes difficultés durent être
résolues avant qu’elle n’arrive à destination. Là, elle était atten-
due par une foule excitée qui est représentée au registre supé-
rieur de la scène, accompagnée du texte suivant :

[La ville entière est en] fête, son cœur est en joie. Ses
vieillards sont rajeunis, ses jeunes gens sont vigoureux,
ses enfants poussent des cris, leur cœur étant en fête,
tandis qu’ils voient leur maître et le fils de leur maître
(étant) dans la faveur du souverain, en construisant
son79 monument80.

Plus bas, on voit quatre compagnies d’hommes, soit un total


de cent soixante-douze personnes qui sont en train de tirer le
traîneau de la statue.
Le site de son emplacement n’est pas clairement identifié
dans le texte. Newberry supposait qu’elle avait été érigée à el-
Ashmounein, point de vue qui, depuis, a été généralement
accepté. Dans un article récent, ce problème a été à nouveau
discuté, ce qui a conduit à des conclusions assez différentes81.
La première indication sur l’emplacement ressort du texte
accompagnant la compagnie de traîneurs inférieure. Chacune des
compagnies est dite appartenir à un district du nome du Lièvre.
Dans le cas présent, il s’agit de la compagnie de l’est de ce nome.
Selon le texte écrit au-dessus de leurs têtes, ils chantent :

78. Voir Davies, dans : Studies James, p. 29-35.


79. C. à d. de Djéhoutihotep.
80. Bersheh I, pl. XV, registre supérieur.
81. Pour les détails de ce qui suit, voir Willems, Peeters, Verstraeten, ZÄS 132
(2005), p. 173-189.

111
LES TEXTES DES SARCOPHAGES ET LA DÉMOCRATIE

Notre maître s’est dirigé vers (la ville de) Tjerty. Le dieu
Nemty se réjouit à cause de lui. Ses ancêtres sont en
fête, leur cœur étant en joie, se réjouissant de [ses]
beaux monuments82.

Peu importe de déterminer qui est le maître mentionné


dans le chant. Il pourrait s’agir de la statue, mais aussi de
Djéhoutihotep qui, selon la scène et le texte l’accompagnant,
marche derrière celle-ci. Dans les deux cas, l’implication est
qu’on est arrivé à une ville ou un village appelé Tjerty. La loca-
lisation de Tjerty n’est pas vraiment connue mais, du moins, il
ne s’agit pas d’el-Ashmounein (appelée en égyptien ⁄mnw). Le
fait que la destination soit mentionnée dans le chant de la com-
pagnie orientale suggère que Tjerty se trouvait sur la rive est du
Nil. En tout cas, aucun élément dans les descriptions détaillées
du transport de la statue ne renvoie à el-Ashmounein, ou n’im-
plique que la statue traversait le Nil en bateau. En revanche, un
passage du grand texte nous informe que les traîneurs étaient
« accompagnés » de bateaux de ravitaillement, remarque qui
laisse plutôt supposer que la statue était tirée parallèlement au
Nil. Il semble donc clair que son emplacement définitif doit
être recherché sur la rive droite.
La scène ne montre pas seulement le transport de la statue,
mais aussi, dans l’angle droit de la paroi, sa destination (voir
fig. 15). Il s’agit d’une chapelle appelée « L’amour de
Djéhoutihotep dans le nome du Lièvre est durable »83. Il sem-
ble donc que le contexte pour lequel la statue avait été créée
était un lieu de culte pour le nomarque.

82. Bersheh I, pl. XV, registre inférieur.


83. Bersheh I, pl. XII. Le contexte cultuel évident dans la scène et dans le texte qui
l’accompagne ne laisse que peu de doute sur le fait qu’il s’agit d’une chapelle, et
non d’un palais de gouverneur ; pour cette dernière suggestion, voir Kemp, Ancient
Egypt. Anatomy of a Civilization2, p. 340-341.

112
DEIR EL-BERSHA

Fig. 15 : La destination de la statue de Djéhoutihotep


(d'après Newberry, El Bersheh I , pl. XII et XVI).

113
LES TEXTES DES SARCOPHAGES ET LA DÉMOCRATIE

Finalement, le texte précise que Djéhoutihotep était le pre-


mier gouverneur local à avoir eu l’idée de construire un monu-
ment personnel de telles dimensions. Il écrit :

Les administrateurs (Ì“.ty.w-©) qui étaient en fonction


auparavant, et les gouverneurs provinciaux (s“b<.w> ©ƒ
mr) qui étaient en fonction [...] dans cette ville, et qui
établirent ces autels sur la rive de la fleuve, ils n’ont
même pas considéré ce que j’ai fait,(c.à d.) la construc-
tion, que j’ai entrepris pour moi-même, d’une [chapelle
de ka] inférieure établie après que cette mienne tombe
s’était mise en repos de son travail pour l’éternité 84.

La fin de ce passage semble signifier que Djéhoutihotep


avait d’abord terminé la construction de sa tombe avant d’édi-
fier un nouveau bâtiment dont, malheureusement, la désigna-
tion a partiellement disparu. Mais il s’agit sans doute de l’édi-
fice destiné à la statue, qui était une chapelle. Il est donc vrai-
semblable que le mot détruit était Ìw.t-k“, « maison de ka »,
terme désignant souvent les lieux de culte de potentats régio-
naux. Quoi qu’il en soit, l’adjectif « inférieur » sous-entend que
la structure se trouvait plus bas que la tombe que
Djéhoutihotep venait d’achever. Le texte, en tout cas, suggère
un lien entre la tombe et la chapelle.
Djéhoutihotep compare cette structure aux autels
qu’avaient bâtis ses prédécesseurs sur la rive du Nil.
Apparemment sa chapelle n’était pas une structure isolée, mais
faisait partie de toute une concentration de bâtiments similai-
res, mais de dimensions plus réduites. Cette concentration se
trouvait sur le bord du Nil.

84. Bersheh I, pl. XIV,10-12. Pour la justification de cette traduction, voir Willems,
Peeters, Verstraeten, ZÄS 132 (2005), p. 174-175.

114
DEIR EL-BERSHA

De nos jours, la rive orientale se situe à deux kilomètres


approximativement à l’ouest du centre du village de Deir el-
Bersha, mais les recherches menées par notre équipe dans la
plaine alluviale semblent indiquer qu’il est tout à fait possible
que le lit du Nil ait été beaucoup plus proche du village au
Moyen Empire. Une branche ancienne se trouve à environ cent
cinquante mètres au nord-ouest du vieux centre du village. La
campagne de 2007 a même fourni des indices selon lesquels
une autre branche passait dans ce qui est actuellement le centre
du village85. Toutes les indications justifient la conclusion que
probablement, à l’ouest du village moderne, était installé le
port où débarquaient les processions funéraires. C’est là, au
début de la rue vers le cimetière, que se dressait le quartier des
chapelles de gouverneurs, dont, à la fin de la XIIe dynastie, celle
de Djéhoutihotep était la plus impressionnante. On peut com-
parer ces données à la situation presque contemporaine à
Biahmou. Selon la reconstruction de D. Arnold, le commen-
cement de la rue conduisant de la rive du lac Moeris vers la
ville de Crocodilopolis était bordé de deux statues du roi
Amenemhat III, qui avaient la même allure et la même échelle
que celle décrite par Djéhoutihotep (voir fig. 16)86.
On constate, alors, que probablement durant toute la
période entre Ahanakht Ier (fin de la XIe dynastie) et le gouver-
norat de Djéhoutihotep (fin de la XIIe dynastie), la circulation
rituelle sur le terrain de Deir el-Bersha se déroulait entre deux
pôles entièrement consacrés au culte de la lignée des gouver-
neurs : les chapelles proches du quai, et les chapelles des tom-
bes sur le haut de la montagne. Il semble évident que la rue
reliant ces deux extrémités devait servir à un cérémonial où le
culte des gouverneurs était non moins important.

85. L’étude géographique de la plaine alluviale de la région est dirigée par Gert
Verstraeten.
86. Arnold, Die Tempel Ägyptens, p. 188.

115
LES TEXTES DES SARCOPHAGES ET LA DÉMOCRATIE

Fig. 16 : Reconstruction du début de la rue processionnelle


à Biahmou (d'après Arnold, Die Tempel Ägyptens, p. 188).

116
DEIR EL-BERSHA

Le cas de Deir el-Bersha n’était certainement pas unique.


À Qaw el-Kebir, les tombes nomarcales possédaient des rou-
tes architecturalement très impressionnantes, de nos jours
encore, qui, par leur forme et leurs dimensions, rappellent les
chaussées conduisant vers les pyramides royales (fig. 17). La
même situation se présente dans le cas de quelques tombes du
Moyen Empire à Qubbat el-Hawa’, dont l’une appartenait à
Sarenpout Ier. À Thèbes, les tombes des grands dignitaires du
début du Moyen Empire, situées à Deir el-Bahari et dans
l’Assasif, disposaient de cours en face de l’entrée de la tombe
proprement dite. Il est vraisemblable qu’une chapelle se dres-
sait à l’entrée de ces cours. À Beni Hasan, on trouve des dis-
positifs de structure plus simple : des pistes dont les bords
sont limités par des alignements de pierres non travaillées. À
Assiout, site peu accessible et largement détruit, on ne peut
plus rien reconnaître sur le terrain, mais dans l’énorme
tombe de Djefaihâpi, contemporain de Sénousret Ier, l’inscrip-
tion autobiographique fait état de la statue du gouverneur qui
aurait été placée m rd ßr.y n μs=f « à l’escalier inférieur de sa
tombe »87. La sépulture était ainsi pourvue d’un escalier des-
cendant vers la vallée, et une statue se situait au bas de celui-
ci. Si l’on n’a pas d’autre renseignement sur cette dernière,
on sait que Djefaihâpi possédait au moins une très grande
statue en bois, actuellement conservée au Louvre88. Je ne
serais pas étonné que la statue au pied de l’escalier menant
à sa tombe gigantesque ait aussi été de dimensions

87. Siut I, 308 ; voir Griffith, Siût and Dêr Rîfeh, pl. 8.
88. Delange, Statues égyptiennes, p. 76. Il n’est pas tout à fait certain qu’il s’agisse
du Djéfaihâpi qui possédait la grande tombe I à Assiout. Sinon, la statue doit avoir
appartenu à une personne enterrée à proximité de lui et qui portait le même nom.
Dans ce cas, la trouvaille d’une pièce de proportions colossales, dans une sépul-
ture sans doute beaucoup moins grande, suggère qu’il ne devait pas être très
exceptionnel de posséder une statue de telles dimensions.

117
LES TEXTES DES SARCOPHAGES ET LA DÉMOCRATIE

Fig. 17 : Reconstruction des tombes de Qaw el-Kebir


(d'après Steckeweh, Die Fürstengräber von Qâw).

118
DEIR EL-BERSHA

colossales89. La situation à Deir el-Bersha n’était peut-être pas


si exceptionnelle qu’on pourrait le penser.

Que se passait-il dans un tel paysage rituel ? On n’en est


informé que très partiellement par les textes. Une inscription
dans la tombe du nomarque It-ib à Assiout contient le passage
suivant :

Finalement j’ai abouti ici (c. à d. dans la tombe) tandis


que mon fils est sur mon trône, ... après qu’il avait com-
mencé de régner comme un enfant d’une coudée.La ville
pousse des cris de joie à cause de lui, tandis qu’elle se
souvient de ma bonté. Quant à chaque sah qui fait ce
qui est bien pour les hommes .... c’est quelqu’un dont le
souvenir reste vivant sur terre, un esprit dans la nécro-
pole, tandis que son fils reste dans sa maison. Sa
mémoire dans la ville est bonne,lui étant glorifié quand
sa statue est portée sur les épaules des serviteurs de sa
maisonnée90.

Dans les autobiographies nomarcales on trouve assez sou-


vent de telles descriptions91. Il en ressort que les gouverneurs

89. Selon une inscription de visiteur récemment découverte à Assiout, il existait


encore, au Nouvel Empire, un temple de Djefaihâpi sur le site. L’emplacement de ce
monument reste inconnu, mais il pourrait avoir été situé dans la plaine : voir Kahl, GM
211 (2006), p. 27. Dans une publication récente, M. El-Khadragy suppose aussi
qu’une chapelle de statue se dressait au pied de la montagne où se trouve la tombe
de Djefaihâpi : GM 212 (2007), p. 42 ; 54. Le même article suggère de surcroît
qu’une statue de culte de dimensions colossales se trouvait à l’intérieur de la tombe
(p. 43, n. 18 et p. 57, fig. 2). L’auteur fonde cette hypothèse sur une remarque de
Griffith, Siût and Dêr Rîfeh, p. 9 ; mais cette remarque est si imprécise qu’on n’est
guère en droit d’en conclure à l’existence d’une statue monumentale.
90. Siut III, 13-15 : voir Griffith, op. cit., pl. 11. Voir l’analyse de Willems, Phoenix
46 (2000), p. 99-100.
91. Voir les sources répertoriées par Dorn, dans : Des Néferkarê aux
Montouhotep, p. 134-135.

119
LES TEXTES DES SARCOPHAGES ET LA DÉMOCRATIE

se vantent d’avoir régné comme de bons seigneurs, jouissant


d’une grande popularité dans leurs communautés. Cela est pré-
senté sans doute comme une qualité personnelle, mais surtout
dans le cadre de la continuité de la lignée nomarcale : le fils
poursuit les actions bénéfiques de son père, et les deux sont
glorifiés publiquement pendant des célébrations où leurs sta-
tues sont portées à travers les rues de la ville, probablement à
l’occasion de fêtes religieuses.
Plusieurs tombes de l’Ancien Empire contiennent des
reliefs montrant de telles festivités. Par exemple, une scène
dans la tombe de Pépi-ânkh Heny-kem à Meir représente une
procession de porteurs d’offrandes dont l’un tient une châsse
portable abritant la statue du gouverneur ainsi qu’un vase qbÌ à
bec verseur92. Le même type de châsse est figuré dans la tombe
de Nékhebou à Giza93. Dans d’autres exemples, on rencontre
un modèle identique, mais sans la statue94. Dans la plupart des
cas, de telles scènes sont orientées vers l’intérieur des tombes
où elles sont représentées, suggérant que les châsses sont
apportées de l’extérieur vers l’intérieur. Le contexte serait
alors celui d’une procession conduisant vers la tombe.

Le même type d’objets a récemment été découvert à Élé-


phantine, et là, les conditions dans lesquelles les statues des
notables étaient portées en procession sont heureusement plus
claires. Dans le contexte cultuel de cette ville, le culte du saint
Héqaib occupait une place prépondérante. Héqaib avait été,
vers la fin de la VIe dynastie, chef d’expéditions en Nubie et,
sans doute, bien que sa titulature n’en fasse pas état, un des
fonctionnaires dirigeant le nome méridional de l’Égypte. Déjà
pendant l’Ancien Empire, et peut-être de son vivant, une petite

92. Meir V, pl. XXVI.


93. Smith, HESPOK, p. 209, fig. 80.
94. Voir les sources réunies dans Dorn, op. cit., p. 132-133.

120
DEIR EL-BERSHA

chapelle en son honneur avait été créée dans le palais des gou-
verneurs. Dans ce cas particulier, le culte du gouverneur s’était
transformé en un culte de saint, le sah Héqaib. Au cours de la
Première Période Intermédiaire, celui-ci était devenu d’une
telle importance que le roi Antef II érigea une chapelle plus
grande, non loin de l’ancienne. Au fil des ans, cette dernière
avait évolué en dépotoir pour les objets de culte utilisés pen-
dant les fêtes célébrées en l’honneur de Héqaib95. Dans ce qui
suit, je l’appellerai « la sacristie ».
Pendant le Moyen Empire, la nouvelle chapelle fut agrandie
plusieurs fois, se transformant en un centre de culte, non seu-
lement pour Héqaib lui-même, mais aussi pour tous les gouver-
neurs successifs à partir du gouverneur Sarenpout Ier96.
L’archéologie montre que le culte se déroulait non seulement à
l’intérieur de la chapelle, mais aussi à l’extérieur. En quittant la
chapelle, on se trouve dans ce qui était, au Moyen Empire, la
plus grande rue de la ville, et l’absence totale d’ordures entre
les couches successives de cette rue atteste que celle-ci fut net-
toyée régulièrement97. Il est alors évident que cette voie revê-
tait un rôle assez particulier.
La chapelle ancienne de Héqaib, convertie en dépotoir pour
les objets de culte, a été récemment redécouverte dans un état
de conservation remarquable. On y a retrouvé des objets du
même style que les châsses portables représentées sur les parois
des tombes que je viens d’évoquer. En fait, plusieurs châsses de
ce type ont été mises au jour, ainsi que des fragments de plu-
sieurs autres. Quelques-unes d’entre elles étaient inscrites et
portaient les noms des dirigeants de la ville. Elles ne conte-
naient pas de statues, mais, par ailleurs, des statues furent

95. Pour le développement des chapelles de Héqaib, voir maintenant Von Pilgrim,
dans : Timelines I, p. 403-418.
96. Pour l’interprétation de cette chapelle plus récente, voir Franke, Das Heiligtum
des Heqaib.
97. Von Pilgrim, Elephantine XVIII, p. 124-126 ; 219-220.

121
LES TEXTES DES SARCOPHAGES ET LA DÉMOCRATIE

découvertes dans le même contexte98. On peut ainsi voir les


objets concrets qui furent portés pendant les processions. Il est
remarquable que ces châsses exhumées dans des niveaux du
Moyen Empire soient inscrites non seulement au nom de
Héqaib, mais aussi de Sabni, un autre chef d’expéditions de
l’Ancien Empire. Dans le cadre du culte du sah Héqaib, on sem-
ble donc avoir affaire à la vénération non seulement de Héqaib
lui-même, mais encore d’autres grands hommes du passé. Le
texte d’Assiout cité plus haut laisse entrevoir que les statues de
nomarques récemment décédés étaient également portées en
procession. Étant donné que la « nouvelle » chapelle de Héqaib
à Éléphantine contenait des chapelles pour toute une lignée de
gouverneurs, il est vraisemblable que les effigies de ces person-
nages aient pu être associées à celles des grands hommes de
l’Ancien Empire. Il faut alors imaginer que toute une série de
telles châsses était transportée en procession. Peut-être que la
châsse contenant la statue du gouverneur régnant était la pre-
mière d’entre elles.
Pour comprendre le déroulement des processions il est
important de prendre en compte la topographie du site d’Élé-
phantine. La première chapelle de Héqaib, qui sera plus tard
transformée en sacristie, se dressait dans le palais du gouver-
neur. Juste en face du palais se trouvait le début d’une rue
conduisant vers la porte ouest de la ville. Au cours de la
Première Période Intermédiaire, une digue fut construite plus
vers l’ouest99, constituant la voie de communication avec ce qui
avait été, jusqu’alors, l’île de l’ouest, qui abritait un cimetière
datant de la fin de l’Ancien Empire et de la Première Période
Intermédiaire100. À l’entrée de la tombe de Héqaib, qui se situe

98. Pour une discussion détaillée sur les châsses, voir Dorn, op. cit., p. 129-143.
99. Voir Ziermann, MDAIK 51 (1995), p. 138-140 et fig. 1 ; pour une analyse plus
récente, voir Seidlmayer, Historische und moderne Nilstände, p. 81-82.
100. Pour ce cimetière, encore inédit, voir Seidlmayer, dans : Social Aspects of
Funerary Culture, p. 205-252.

122
DEIR EL-BERSHA

encore plus vers l’ouest, sur la rive gauche du Nil au Qubbet


el-Hawa’, on voit une scène montrant comment une châsse
mobile était portée vers la tombe101. On peut donc reconstruire
le scénario suivant : les participants à la procession s’assemblent
à proximité du palais du gouverneur. Les châsses sont récupé-
rées dans la chapelle qui se trouve à l’intérieur du mur entou-
rant le palais. Ensuite, la procession quitte la ville par la porte
ouest, traverse le cimetière sur l’ancienne île ouest, puis fran-
chit le Nil pour rejoindre la tombe de Héqaib (et d’autres) sur
le Qubbet el-Hawa’.
La construction de la nouvelle chapelle de Héqaib nécessi-
tait une adaptation du circuit rituel. Une grande rue fut tracée
en face de la chapelle, qui conduit vers l’ancien parcours rituel.
Dès lors, la procession commençait probablement dans la nou-
velle chapelle, utilisant les objets de culte stockés dans la sacris-
tie. Pour le reste, le scénario rituel doit être resté plus ou moins
le même.

La situation à Éléphantine ressemble à certains égards à


celle de Balat. La mission de l’Institut Français d’Archéologie
Orientale du Caire y a découvert, à ©Ayn Asil, une grande ville
de l’Ancien Empire et, à l’ouest de celle-ci, un cimetière de la
même époque, à Qila© ed-Dabba. La zone sud de la ville est
actuellement bien connue (voir fig. 18). Elle comporte le palais
du gouverneur local. À l’ouest de celui-ci subsistent les vesti-
ges de quatre chapelles destinées au culte des gouverneurs ; une
cinquième fut découverte au sud du palais102.
Comme à Éléphantine, le palais de l’Ancien Empire incluait
donc un lieu de culte pour les gouverneurs. La présence de
tables d’offrandes pour les gouverneurs morts dans l’habitation

101. Voir Dorn, op. cit., p. 132.


102. Pour les chapelles des gouverneurs à ©Ayn Asil, voir Soukiassian, Wuttmann,
Pantalacci, Balat VI.

123
LES TEXTES DES SARCOPHAGES ET LA DÉMOCRATIE

Fig. 18 : Plan du quartier sud de la ville d'©Ayn Asil


(d'après Soukiassian, Wuttmann, Pantalacci, Balat VI,
p. 14, fig. 2).

124
DEIR EL-BERSHA

de la famille du gouverneur également montre que ces gens


pouvaient célébrer le culte des membres défunts de la famille
en privé ; fait qui suggère que les chapelles desservaient une
activité cultuelle plutôt publique. Cette conclusion est corro-
borée par un deuxième parallélisme avec la situation à Éléphan-
tine : la plupart des chapelles est clairement associée à un sys-
tème de circulation. La rue la plus large de la ville relie le palais
des gouverneurs à la porte ouest de la cité. Quatre des cinq
chapelles se dressent au sud et au nord de cette grande rue.
Leur emplacement facilite donc la réunion d’un nombre
important de personnes en un point qui assure la jonction entre
le palais et le lieu de culte des gouverneurs. De surcroît, en
quittant la porte ouest, on se dirige presque en ligne droite vers
le cimetière de Qila© ed-Dabba. Le scénario proposé d’une pro-
cession rituelle entre le palais du gouverneur et le cimetière
semble avoir été en vigueur là aussi103.

Le paysage rituel de Deir el-Bersha n’est pas comparable à


tous égards à la situation à Balat et à Éléphantine, mais il n’y a
pas de raison de penser que le modèle du culte des gouverneurs
ne permettait aucune variation104. Les similitudes sont, en tout

103. Le fait que les chapelles des gouverneurs ont à peu près la même structure
avec un sanctuaire tripartite que les chapelles funéraires des mastabas II et V à
Qila© ed-Dabba suggère un lien entre la pratique cultuelle aux deux endroits.
104. Comme l’a déjà remarqué Kemp, CAJ 5 (1995), p. 45-46. Dans quelques cas,
des tombes de reines ou de particuliers étaient transformées en lieux de culte per-
sonnel (le cas d’Isi à Edfou ; maintenant aussi le cas des reines défuntes de Pépi Ier,
voir Berger-El-Naggar, dans : Des Néferkarê aux Montouhotep, p. 15-29 ; Berger-
El-Naggar, Labrousse, BSFE 164 [2005], p. 18-22). Dans d’autres exemples, les
lieux de culte de personnes privées se trouvaient dans des chapelles de ka dans les
temples, comme c’était le cas pour les administrateurs de Coptos de la VIIIe dynas-
tie, ou pour Djefaihâpi Ier dans le temple d’Oupouaout à Assiout. On notera qu’un
texte récemment découvert à Assiout fait état d’un « temple » de Djefaihâpi, suggé-
rant qu’il a existé, en outre, un lieu de culte indépendant de ce gouverneur (Kahl,
GM 211 [2006], p. 27). Dans ce cas, la situation pourrait avoir été très compara-
ble à celle de Deir el-Bersha.

125
LES TEXTES DES SARCOPHAGES ET LA DÉMOCRATIE

cas, aussi évidentes. À Deir el-Bersha, comme sur les autres


sites évoqués, le culte s’ordonne entre deux pôles formés par
les chapelles de culte des gouverneurs et leurs tombes.
Malheureusement, les informations relatives aux occasions
spécifiques où des fêtes religieuses étaient célébrées dans les
chapelles des gouverneurs ne sont pas nombreuses. À Balat et à
Deir el-Bersha, on ne possède aucun renseignement. En revan-
che, à Éléphantine, les textes montrent que la célébration la
plus importante de l’année prenait place le jour de la fête de
Sokar, du moins pendant le Moyen Empire105. Dans son lieu
d’origine, à Memphis, la fête comportait des cérémonies pro-
cessionnelles qui débutaient dans la ville, suivies par une pro-
cession autour des murs de la cité pour finalement rejoindre la
nécropole. Les conditions à Éléphantine, assez différentes, ne
permettaient pas de processions autour des murs mais, pour le
reste, la situation s’accorde bien avec le scénario de la fête de
Sokar106. Dans les deux cas, on est en présence d’un paysage
rituel autorisant une circulation processionnelle qui relie les
lieux du culte personnel des administrateurs locaux avec le
cimetière de la ville. En ce qui concerne le principe, la situation
à Deir el-Bersha me semble être du même ordre107.
À Éléphantine, l’occasion à laquelle cette procession se
déroulait était la fête de Sokar. Il est important de noter, cepen-
dant, que dans les textes religieux de la région d’Assouan,
Sokar ne joue pas un grand rôle. Comme l’a montré Franke,
les textes d’Éléphantine mentionnent comme élément essentiel
de la fête la possibilité de « voir la perfection de Sokar »108.

105. Franke, Das Heiligtum des Heqaib, p. 128-131.


106. Le scénario a été étudié par Franke, loc. cit., avec renvois bibliographiques.
Voir maintenant aussi Graindorge-Hereil, Le dieu Sokar.
107. Je souligne que cela n’implique pas nécessairement que la fête de Sokar était
aussi l’occasion des festivités à Deir el-Bersha ou à Balat. Mais il pourrait bien
s’agir d’une fête organisée selon des principes comparables.
108. Habachi, The Sanctuary of Heqaib I, p. 92 et II, pl. 158-159 (no. 67).

126
DEIR EL-BERSHA

D’autres textes font état de « voir le sah Heqaib, le matin de la


fête de Sokar »109. Il semble au moins que les participants aient
reconnu un degré de similitude entre l’homme devenu saint,
Héqaib, et le dieu Sokar. Ce qui est non moins remarquable,
c’est que les autres gouverneurs, les successeurs de Héqaib,
recevaient aussi un culte personnel. La différence entre le culte
personnel des gouverneurs locaux, de Héqaib, et d’une divinité
comme Sokar n’est alors pas très marquée.

B. Kemp a attiré l’attention sur le fait qu’une comparaison


entre la dimension, d’une part, des temples divins de l’Ancien
et du Moyen Empire et, de l’autre, des chapelles de culte per-
sonnel des gouverneurs de la même époque, généralement les
chapelles funéraires, montre que les premiers étaient de beau-
coup plus petits que les secondes110. De surcroît, des dispositifs
pour un culte personnel pouvaient être établis dans les temples
divins. C’était, par exemple, le cas pour le culte de Djefaihâpi
à Assiout. Selon Kemp, de telles indications suggèrent que le
culte d’individus ayant joué un rôle de premier plan dans la
communauté semble avoir occupé une place plus importante
que le culte divin. Les rapports sociaux entre le patron et sa
clientèle constituaient la matrice de la pensée religieuse, plutôt
qu’une théorie théologique. Dans ce climat, on comprend bien
le rôle des « saints » (s©Ì.w) qui sont en fait des morts qui ont
gagné dans la mémoire collective une place particulière. Kemp
renvoie dans ce contexte à l’ambiance des lettres aux morts, où
les vivants s’adressent à des morts plutôt qu’aux dieux.
Une variante intéressante, que Kemp ne mentionne pas, est
offerte par le papyrus Berlin 10482. Ce document ressemble à
une lettre aux morts parce que, comme dans d’autres exemples

109. Habachi, op. cit., I, p. 76 et II, pl. 126-128 (no. 49) ; I, p. 88-89 et II, pl. 144-
146 (no. 61).
110. Kemp, CAJ 5 (1995), p. 41-50.

127
LES TEXTES DES SARCOPHAGES ET LA DÉMOCRATIE

du genre, l’expéditeur demande l’intercession d’un ancêtre


mort pour qu’il puisse avoir des enfants. Mais à la différence
d’autres lettres aux morts, on ne réclame pas au défunt d’exau-
cer lui-même la prière, mais seulement d’exercer son influence
auprès des dieux111. Ainsi, le document témoigne de l’existence
parallèle de deux formes de religion, axées d’un côté sur les
morts, et de l’autre sur les dieux, sans qu’une tension semble
avoir été ressentie entre les deux.

Pour en revenir aux cultes des gouverneurs, il s’agit bien


sûr d’une pratique religieuse, mais d’une pratique où des hom-
mes de haut rang occupaient une position particulière dans la
pensée religieuse de la population, celle d’un « patron mort
vénéré », selon les termes de Franke112. Bien que ce dernier ait
clairement montré que même le « noble » (s©Ì) Héqaib n’a
jamais atteint la stature d’un « dieu », il est clair que la distinc-
tion n’est pas facile à définir113.
Je crois que les remarques de Kemp et de Franke, qui n’ont
guère été prises en compte dans le débat sur le rôle des Textes
des Cercueils, sont en fait d’une importance cruciale. Dans le
prochain chapitre, je tenterai de poursuivre cette piste. Mais on
ne peut pas discuter de ces questions sans se confronter direc-
tement à quelques points de vue qui sont enracinés dans la pen-
sée égyptologique d’une façon telle qu’ils ont, généralement,
presque obtenu le statut de fait acquis. Je veux parler du mythe
égyptologique de la « démocratisation des textes funéraires ».
Bien que ce terme ait perdu une partie de son attrait, étant
remplacé par l’euphémisme « démotisation », les présupposés
sous-jacents sont restés les mêmes. Mais ce modèle théorique

111. Jürgens, GM 116 (1990), p. 61-63.


112. Franke, Das Heiligtum des Heqaib, p. 140 : « verehrten toten Patron ».
113. Franke, op. cit., p. 131-142. Il en est de même pour le « saint » Isi d’Edfou. Dans
ce cas, on utilise parfois le mot nÚr « dieu » pour désigner le « patron mort ».

128
DEIR EL-BERSHA

me semble aussi trompeur qu’il a eu d’influence. Le chapitre


suivant va donc revenir sur les racines de cette expression pour
déceler les considérations qui en sont à la base. De cette
« déconstruction » il ressortira que la théorie de la démocrati-
sation des textes funéraires méconnaît entièrement le milieu
des Textes des Cercueils.
CHAPITRE III
LES TEXTES DES CERCUEILS
ET LA DÉMOCRATIE

L
’origine du terme « démocratisation » dans le
discours égyptologique remonte au début du
XXe siècle, où il fut introduit dans le cadre plus
large de l’étude de l’histoire politique de la fin
de l’Ancien Empire et de la Première Période
Intermédiaire. L’expression m’a toujours un
peu étonné. Bien que le mot « démocratisation » soit très
répandu, même de nos jours, dans les travaux sur cette époque1,
il devrait être évident que ni la fin de l’Ancien Empire, ni la
Première Période Intermédiaire, ni le Moyen Empire
n’étaient, à aucun égard, démocratiques. Il n’a jamais existé, en
Égypte ancienne, un système d’administration où la couche
dirigeante était contrôlée par les masses de la population. Et,
de fait, quand les égyptologues utilisent le terme « démocrati-

1. Le mot apparaît pour la première fois, autant que je sache, chez Moret, dans :
Recueil d’études égyptologiques dédiées à la mémoire de J.-F. Champollion (Paris,
1922), p. 331-360, et particulièrement p. 332 et 359. Quelques autres exemples :
Bonnet, RÄRG, p. 347 ; Morenz, Ägyptische Religion, p. 58-59 ; Podeman
Sørensen, dans : The Religion of the Ancient Egyptians, p. 109-125 ; Assmann, Tod
und Jenseits, p. 503 ; Ikram, Dodson, The Mummy in Ancient Egypt, p. 17 ;
Richards, Society and Death, p. 8-9 ; Wasmuth, BiOr 63 (2006), col. 68.

131
LES TEXTES DES SARCOPHAGES ET LA DÉMOCRATIE

sation », ils n’envisagent pas un tel système d’administration.


Ce qu’ils appellent « démocratisation » traduit plutôt une
manière de « prolifération » : des privilèges originellement
réservés au roi deviennent accessibles à des segments de la
population de plus en plus larges, de sorte que, finalement,
même les couches inférieures de la société les adoptent. La dis-
sémination des Textes des Cercueils est souvent comprise dans
cette perspective. L’idée est qu’à l’origine, les Textes des
Pyramides étaient strictement destinés à l’usage royal, mais
que, sous la forme des Textes des Cercueils, de tels textes
furent « usurpés » par le grand public. Plusieurs égyptologues
ont récemment utilisé le terme plus faible de « démotisation »
pour désigner ce processus2.
Selon les égyptologues des années 20 et 30 du siècle der-
nier, et encore largement après, ce changement s’était effectué
approximativement pendant la période de la chute de l’Ancien
Empire et surtout durant la Première Période Intermédiaire3.
La théorie est actuellement moins à la mode4, et ceux qui conti-
nuent à utiliser le terme de démocratisation le mettent souvent
entre guillemets. Néanmoins, les grandes lignes de « l’hypo-
thèse démocratique » restent prépondérantes, comme dans la
citation suivante, où J. Assmann fait une remarque au sujet de
« la démo(cra)tisation de l’image du roi à la fin de l’Ancien
Empire et après »5 :

2. Par exemple Assmann, Ma©at, p. 114 ; 118 ; 119.


3. Fondamentalement Moret, loc. cit. ; Kees, Totenglauben, p. 160-229 ; Vandier,
Religion, p. 86-87 ; Morenz, loc. cit ; voir encore, entre autres, Meeks, Favard-
Meeks, Daily Life of the Egyptian Gods, p. 5.
4. Voir par exemple les remarques de Quirke, Ancient Egyptian Religion, p. 155-
158 ; Mathieu, dans : D’un monde à l’autre, p. 256-257.
5. « ... die Demo(kra)tisierung dieses Königsbildes mit und nach dem Ende des
Alten Reichs ».

132
LES TEXTES DES CERCUEILS ET LA DÉMOCRATIE

Avec l’extension théorique et potentielle de cette desti-


née exclusive6 dans l’au-delà à tous les Égyptiens,
l’au-delà royal s’élargit en un espace élyséen de l’au-
delà. La distinction entre monde de la mort et Élysée
perdit son sens politique (l’Élysée pour le roi, le monde
de la mort pour les hommes)7.

Les racines de « l’hypothèse démocratique »

Je suis enclin à situer le « prélude » de « l’hypothèse démo-


cratique » en 1909, au moment où A. Gardiner publiait son
étude magistrale sur le papyrus Leyde 344 recto : le poème
d’Ipouer8. Ce document, daté de la XIXe dynastie, est écrit en
moyen égyptien et représente un des exemples les plus connus
de la littérature pessimiste égyptienne. Dans ce texte, Ipouer
décrit une société déchirée. La hiérarchie sociale traditionnelle
n’est plus observée, de sorte que les paysans et les serviteurs
prennent la place de ceux qui, jusqu’alors, avaient été leurs
maîtres. Dans ces circonstances troublées, l’administration ne
fonctionne plus. Les lois ne sont plus respectées. Personne ne
se préoccupe plus de sa propre tâche, ce qui conduit à des fami-
nes. Dans ces conditions, la violence règne partout.
Le texte est relativement clair dans ses descriptions, mais
n’offre pas d’indices décisifs pour préciser l’époque historique
qu’il évoque. Gardiner, comme de coutume, s’exprimait avec
prudence :

6. C.-à-d. : « réservée au roi » (H.W.).


7. C’est moi qui souligne. Traduction française, Mort et au-delà dans l’Égypte
ancienne, p. 560. « Erst mit der Ausweitung dieses hochexklusiven
Jenseitsschicksals auf theoretisch und potentiell alle Ägypter weitete sich auch das
königliche Jenseits zu einem elysischen Jenseitsraum. Damit verlor die
Unterscheidung zwischen Todeswelt und Elysium ihren politischen Sinn (dem König
das Elysium, den Menschen die Todeswelt) » : Tod und Jenseits, p. 503.
8. Gardiner, Admonitions. Pour une nouvelle édition du texte, avec plusieurs cor-
rections, voir Enmarch, The Dialogue of Ipuwer.

133
LES TEXTES DES SARCOPHAGES ET LA DÉMOCRATIE

The view that our Leiden papyrus contains allusions to


the Hyksos has the better support from the historical
standpoint, but philological and other considerations
seem rather to point to the seventh to tenth dynasties as
those which have provided the background of events. It
is doubtless wisest to leave this question open for the
present9.

Mais cette dernière remarque n’a, au début, guère retenu


l’attention. Après 1909, l’égyptologie suivit, presque sans
exception, l’idée que le texte décrivait les conditions de vie de
la Première Période Intermédiaire. On sait maintenant que cela
est certainement faux. En 1964, J. Van Seters a remis en cause
la datation traditionnelle, et sur la base d’une masse d’indices
historiques a proposé une date à la fin de la XIIIe dynastie10. De
nos jours, une date à la fin de la XIIe dynastie, au plus tôt, est
généralement admise, et l’historicité du texte n’est plus consi-
dérée comme un fait acquis11. Mais au début du XXe siècle, il fut
généralement accepté que le texte reflétait le chaos social de la
Première Période Intermédiaire. C’est un élément important
pour pouvoir comprendre le climat dans lequel « l’hypothèse
démocratique » fut lancée juste après la Première Guerre
Mondiale.
Au cours de cette période, l’Europe fut bouleversée par une
transformation sociale et culturelle profonde. À la fin de la
guerre, l’Ancien Régime avait disparu en Russie, en Autriche,
en Allemagne et en Turquie, étant remplacé dans ces pays par
des systèmes, soit démocratiques, soit communistes. En Russie,
où le tsar avait été détrôné, le pouvoir avait été pris par les

9. Gardiner, Admonitions, p. 18.


10. Van Seters, JEA 50 (1964), p. 13-23.
11. Voir Enmarch, The Dialogue of Ipuwer. Edition, Commentary and Analysis (non
vidi), et Idem, EA 28 (2006), p. 35 ; Burkard, Thissen, Einführung, p. 127-133 ;
Quirke, Egyptian Literature, p. 140.

134
LES TEXTES DES CERCUEILS ET LA DÉMOCRATIE

Menchéviks puis les Bolchéviks et, jusqu’au début des années


1920, le pays fut plongé dans une guerre civile. L’Allemagne
après l’abdication du Kaiser se trouvait également dans une
situation précaire, avec le gouvernement de Weimar, qui était
aussi démocratique qu’instable, et qui se voyait confronté à de
grands mouvements révolutionnaires et contre-révolutionnai-
res. En avril 1919, Munich fut même contrôlée temporaire-
ment par un comité d’ouvriers inspirés par les soviets russes,
état qui ne prit fin qu’après des combats sanglants. La situation
n’était pas aussi grave partout, mais il est clair que ces événe-
ments dominaient le débat public de l’époque.
Si l’on admet que chaque chercheur est un enfant de son
temps, il va de soi que le discours social et politique dut avoir
un effet profond sur le discours scientifique, bien que cela ne
fût sans doute pas clairement perçu à l’époque.
Je crois que l’étude de la Première Période Intermédiaire
doit rétrospectivement être comprise dans cette perspective. Il
s’agit ici aussi d’une période de transformations sociales pro-
fondes, pendant laquelle la monarchie succombait pour être
remplacée par une alternative rapidement baptisée « démocra-
tique ». Et, en effet, les bouleversements décrits dans le poème
d’Ipouer ne sont pas sans rappeler la situation dans certaines
parties de l’Europe à cette époque. Dans la manière dont les
égyptologues utilisèrent le terme « démocratisation », on sent
encore un peu les émotions des élites face aux masses populai-
res et, selon certains, incultes.

« L’hypothèse démocratique » a pris son essor avec un arti-


cle d’A. Moret12 sur « l’accession de la plèbe égyptienne aux
droits religieux et politiques sous le Moyen Empire ». Moret,
à l’époque conservateur au Musée Guimet, directeur d’études

12. Moret, dans : Recueil d’études égyptologiques dédiées à la mémoire de J.-F.


Champollion, p. 331-360.

135
LES TEXTES DES SARCOPHAGES ET LA DÉMOCRATIE

à l’École Pratique des Hautes Études et chargé de conférences


à la Sorbonne13, écrit son étude sur un ton académique et déta-
ché qui évite les comparaisons directes avec la situation politi-
que contemporaine. Mais quand il envisage les transformations
qui s’opèrent entre la fin de l’Ancien Empire et le Moyen
Empire, époque où le décorum religieux royal serait devenu
accessible à « tout homme, qu’il soit roi, laboureur ou artisan »
(p. 331), il utilise néanmoins des termes tels que « prolétaires,
laboureurs et artisans », « révolution politique et sociale »
(p. 342, 345), et « plèbe » (p. 344). L’Égypte se trouvait « aux
mains des révolutionnaires » (p. 345), et les privilèges royaux
étaient devenus « le bien commun de toutes les classes de la
population » (p. 349). « La divulgation des secrets religieux et
magiques faisait tomber le monopole des classes privilégiées, et
annonçait un régime social » (p. 347). « Cela prouve », selon
Moret, « que l’administration royale a été, elle aussi, séculari-
sée ; tous les secrets14 n’étaient-ils pas divulgués ? Les emplois
sont souvent quasi héréditaires, et peuvent être légués comme
un bien de famille, ou un atelier (...). La plèbe exerce ces droits
politiques en fournissant un fort contingent de fonctionnaires.
Tels ont été les résultats de la révolution discernables avec les
documents actuellement connus. Le socialisme monarchique
assure aux plébéiens une partie des droits que le régime démo-
cratique leur a donné ailleurs » (p. 357). Mais, finalement,
« l’Égypte n’était pas assez évoluée pour aboutir au régime
démocratique à la suite de la révolution sociale » (p. 348)15. On
a l’impression que la démocratisation qui englobait l’Europe
était perçue par Moret avec une certaine empathie.

13. Un an après la publication de son article, il fut aussi nommé professeur au


Collège de France (Dawson, Uphill, Bierbrier, WWW3, p. 295).
14. Il parle de la possibilité pour une large partie de la population de disposer de
textes religieux.
15. Moret semble faire là une comparaison implicite avec la France d’après la
Révolution de 1789.

136
LES TEXTES DES CERCUEILS ET LA DÉMOCRATIE

Son article a exercé une influence énorme qui se ressent


encore de nos jours ; mais pas directement. C’est surtout par
l’intermédiaire de l’Allemand H. Kees, dont les études sur
l’administration provinciale et la religion funéraire sont bien
connues16, que ces idées se répandirent. Kees avait une attitude
beaucoup moins bienveillante envers les tendances politiques
de l’époque que Moret, attitude qui se traduit clairement dans
ses publications17. Pour comprendre sa manière de voir, il est
nécessaire de saisir la personnalité de Kees.
En juin 1945, G. Steindorff, un égyptologue juif qui avait
quitté l’Allemagne dans les années 1930, écrivait à J. Wilson,
alors directeur de l’Oriental Institute de l’Université de
Chicago, une lettre qui contenait un rapport sur les antécédents
politiques des égyptologues allemands. De l’avis de
Steindorff, certains d’entre eux auraient dû être exclus de la
vie universitaire allemande de l’après-guerre. Dans ce cadre il
avance quelques suggestions. Sur Kees, il écrit :

I accuse
(...)
3. Dr Hermann Kees, professor of Egyptology,
University of Göttingen, a member of an old Saxon
land-owning family, a militarist and Junker. He was an
army officer in the First World War, and fought later by
all means in his power, openly and secretly, the Weimar
Republic. He is anti-democratic from the bottom of his
soul. A conservative, he at first opposed Hitlerism, but
afterwards became a Nazi.Though I do not know whe-
ther he actually joined the party, I would not trust him,

16. Kees, Provinzialkunst (1921); Idem, Totenglauben (1926 et 1956); Idem,


Provinzialverwaltung (1932-1933).
17. À la suite de deux présentations où j’avais développé les grandes lignes de ce qui
suit, j’ai eu des discussions avec Katja Goebs et Willem Hovestreydt ; je les remercie
pour leurs renseignements pertinents qui m’ont amené à repenser mon texte.

137
LES TEXTES DES SARCOPHAGES ET LA DÉMOCRATIE

even if he should say that he became Nazi only by com-


pulsion18.

Voilà un portrait assez vif d’un des principaux promoteurs


de « l’hypothèse démocratique ». Je n’insisterai pas sur l’élé-
ment nazi évoqué dans ce texte19, mais sur les racines élitistes,
antidémocratiques et autoritaires attribuées à Kees. Avec la
connaissance de ces faits, ce qu’il a écrit sur les transformations
qui conduisirent à la chute de l’Ancien Empire apparaît dans
une lumière différente.
L’exposé le plus clair et le plus condensé qu’il a publié sur
ce thème se trouve dans la première moitié du chapitre sur la
Période Héracléopolitaine dans son livre Totenglauben und
Jenseitsvorstellungen der alten Ägypter, chapitre portant le titre
« Zeichen der Zeit », « Signes du temps », et qui n’est pas sans
rappeler la littérature pessimiste égyptienne. La première édi-
tion de ce livre parut en 1926. Kees avance l’idée que
l’égoïsme des nomarques – bien entendu des individus qui

18. Cette lettre, conservée dans les archives de l’Oriental Institute à Chicago, a été
publiée le 25 octobre 1993 sur la ANE discussion list : voir http://oi.uchicago.
edu/OI/ANE/ANE-DIGEST/V01/v01.n021. En effet, Kees pourrait avoir adhéré à
la NSDAP « by compulsion ». Jusqu’en 1933, il était président de la section
Göttingen du Deutschnationale Front, un parti qui avait été créé juste après la
Première Guerre Mondiale sous le nom de Deutschnationale Volkspartei pour
défendre les intérêts politiques et économiques des élites de l’Allemagne impériale.
Le parti coopérait de plus en plus avec les nazis et en 1933 rejoignait le gouverne-
ment allemand, facilitant ainsi la nomination d’Hitler comme Reichskanzler. En juin
1933, le parti était forcé de s’intégrer à la NSDAP : voir pour le contexte histori-
que général, Kershaw, Hitler I, p. 416-420 ; 477-478, et Tollmien,
Nationalsozialismus, p. 99-105 ; pour le rôle de Kees à cette époque, voir p. 104-
105. Je remercie Willem Hovestreydt pour ses renvois à l’ANE discussion list et au
livre de Tollmien.
19. On remarquera néanmoins que Kees perdit son poste de professeur à
Göttingen après la guerre (voir Behlmer, Horn, Moers, Ägyptologie in Göttingen).
On sait que Kees signait, en 1933, une pétition de quarante-huit professeurs de
l’Université de Göttingen adressée aux autorités universitaires, les incitant à révo-
quer les professeurs juifs (voir http://www.goest.de/noether.htm).

138
LES TEXTES DES CERCUEILS ET LA DÉMOCRATIE

n’étaient pas d’origine royale! – conduisit à l’érosion du pou-


voir royal. Dans une période où la cour du pharaon n’était plus
capable de prendre soin du pays et de bâtir des pyramides, la
population non-éduquée se tournait vers la magie, terme
employé avec peu de bienveillance par Kees. Selon lui, les mots
vides se substituaient à la capacité d’agir. De plus en plus, des
gens ordinaires commencèrent à usurper des privilèges royaux
comme l’usage des Textes des Pyramides, mais, selon lui, sans
saisir vraiment la portée des ces textes difficiles. Les masses
populaires auraient simplement utilisé autant de textes que
possible, mais sans aucune compréhension réelle. « Le caractère
de ces temps est incertain et avide : on veut posséder, que cela soit
convenable ou non. Comparée à la doctrine aristocratique du
temps des pyramides, cette période se caractérise donc par la
vulgarité »20.
Cela expliquerait pourquoi les Textes des Cercueils, succes-
seurs dégénérés des Textes des Pyramides, furent écrits sur les
parois des sarcophages sans aucune logique apparente. Kees
commente ce phénomène en renvoyant aux capacités intellec-
tuelles restreintes des masses populaires. Un indice de ce man-
que de compréhension serait que l’on commença alors à
inclure des titres et des appendices explicatifs. Pendant
l’Ancien Empire, époque à laquelle les textes funéraires furent
rédigés par des prêtres compétents, cela n’avait pas été néces-
saire, mais les ignorants qui copiaient les Textes des Cercueils
avaient besoin d’un tel support intellectuel. À cette période de
déclin culturel, on constate aussi l’apparition de thèmes
repoussants dans les textes religieux, comme ceux, par exem-
ple, concernant la consommation d’excréments. Voilà le reflet
des sensibilités grossières de la population.

20. Kees, Totenglauben, p. 161 : « Der Charakter dieser Zeit ist unsicher und
begehrlich: man will besitzen, gleichgültig ob es paßt oder nicht. Der aristokrati-
schen Lehre der Pyramidenzeit gegenüber hat also diese Zeit ein durchaus vulgä-
res Gebaren » (édition de 1956).

139
LES TEXTES DES SARCOPHAGES ET LA DÉMOCRATIE

Avant de continuer, je dois souligner que je n’ai pas essayé


de dresser une caricature. Les paragraphes précédents offrent
une récapitulation assez exacte du contenu des pages 160-161
du livre cité dans l’édition de 1956. À travers l’image des mas-
ses incultes de l’Égypte ancienne, on reconnaît aisément les
soucis d’un membre de l’ancienne noblesse allemande qui
vécut à l’époque où le Kaiser disparaissait dans un climat révo-
lutionnaire.
Bien que Kees ait probablement été le représentant le plus
extrémiste de cette manière de voir, il n’était certainement pas
le seul. De surcroît, il était un des égyptologues les plus répu-
tés de son temps et, ce à juste titre. Cela explique l’acceptation
plus ou moins générale de cette hypothèse. Tout en abandon-
nant les formulations les plus radicales et les jugements mora-
listes de Kees, on persiste à expliquer la Première Période
Intermédiaire comme le résultat d’une volonté des administra-
teurs provinciaux, des personnes d’origine non royale, d’obte-
nir plus de pouvoir personnel. L’émergence de provinces plus
ou moins indépendantes continue à être envisagée comme
l’origine d’un climat social permettant que des privilèges
d’origine royale se soient répandus à travers la population. Que
la démocratisation des Textes des Pyramides sous la forme des
Textes des Cercueils s’inscrive dans cette évolution culturelle
est une manière de voir qui a encore beaucoup d’adeptes.

Mais là, se pose un problème sérieux. En 1962, Schenkel


était le premier à énoncer le point de vue que les Textes des
Cercueils ne sont apparus qu’au début du Moyen Empire21.
Quarante ans après, on doit avouer que des ancêtres plus
anciens existent : par exemple, un cas dans le cimetière de la fin

21. Schenkel, FmäS, p. 116-123. Voir aussi Schenkel, dans : Göttinger


Totenbuchstudien, p. 26-36.

140
LES TEXTES DES CERCUEILS ET LA DÉMOCRATIE

de l’Ancien Empire à Balat22. Toutefois, la position de


Schenkel s’est, dans l’ensemble, avérée correcte, et il n’y a
plus qu’un petit nombre d’auteurs qui persistent à considérer
la masse des Textes des Cercueils comme datant de la Première
Période Intermédiaire23. L’implication évidente de ce constat
est que la théorie de la démocratisation des textes funéraires est
à revoir dans sa totalité.
Les recherches récentes ont également montré que l’orga-
nisation des Textes des Cercueils sur les parois des sarcophages
était régie par des considérations assez subtiles24. Après plus de
vingt ans de recherche sur ces textes, je suis convaincu que leur
raffinement est, en fait, comparable à celui qui régit les textes
dans les temples de l’époque tardive. Ainsi, à l’instar de
Derchain, on pourrait parler aussi bien d’une « grammaire du
sarcophage » que d’une « grammaire du temple »25. Cela étant
posé, il est clair que la dérision des capacités intellectuelles des
décorateurs des cercueils par Kees ne doit pas être prise au
sérieux. De surcroît, il est apparu de plus en plus clairement
que plusieurs textes considérés à l’époque de Kees comme
appartenant au corpus des Textes des Cercueils sont déjà attes-
tés dans les pyramides de l’Ancien Empire. Il devient alors très

22. Voir Valloggia, Balat I, p. 74-78 et pl. LXII ; pour d’autres cas, voir Willems,
Chests of Life, p. 245-246.
23. Ici, « date » renvoie à la date de l’utilisation des textes pour être inscrits sur les
cercueils privés. Il n’y a pas de doute que beaucoup de textes avaient été compo-
sés bien antérieurement à ce moment. Cela est le cas pour les Textes des Pyramides
qui apparaissent sur les cercueils ; ils viennent d’être publiés dans CT VIII. Selon
Vernus, il est difficile de situer les Textes des Cercueils dans un seul état de lan-
gue. On constate les affinités les plus fortes avec l’égyptien de la Première Période
Intermédiaire, mais les Textes des Cercueils seraient encore en voie d’être remaniés
ou même élaborés pendant le Moyen Empire (dans : The World of the Coffin Texts,
p. 170-172).
24. Willems, Heqata ; Idem, dans : Studies te Velde, p. 343-372.
25. L’idée de la « grammaire du temple » fut introduite par Derchain, CdE 37,
N° 74 (1962), p. 31-35.

141
LES TEXTES DES SARCOPHAGES ET LA DÉMOCRATIE

difficile de distinguer le fondement intellectuel des Textes des


Pyramides de celui des Textes des Cercueils26.
Pour conclure, l’apparition des Textes des Cercueils sur les
sarcophages privés n’est certainement pas la conséquence du
climat culturel du début de la Première Période Intermédiaire.
Au contraire, il s’agit de textes profondément enracinés dans la
culture du Moyen Empire, même si plusieurs d’entre eux ont
été composés antérieurement. Cela dit, on doit se demander
dans quelle mesure il est encore légitime de les considérer
comme le reflet d’une « démocratisation » au sens égyptologi-
que du mot.

Transformations de l’équipement funéraire


pendant la Première Période Intermédiaire
et au Moyen Empire

Avant d’envisager cette question, il est utile de jeter d’abord


un coup d’œil sur les transformations de la culture funéraire :
autrement dit, sur l’ensemble du mobilier funéraire, et pas seu-
lement sur les documents inscrits. Ce matériel a été récemment
étudié par S. Seidlmayer27 qui reconnaît une évolution nette
dans la nature des équipements funéraires. D’après lui, la plupart
des tombes jusqu’à la fin de l’Ancien Empire ne possédait guère
d’objets spécifiquement funéraires. Le défunt était enseveli avec
un choix d’objets du même genre que ceux qu’il avait employés
de son vivant. Dans de nombreux exemples il est en fait clair que
ces pièces avaient été utilisées avant d’être déposées dans la
tombe. Et même là où ce n’était pas le cas, il s’agissait souvent
de types d’artefacts connus dans la vie quotidienne. La présence
d’objets d’usage courant dans les tombes suggère, selon lui, que

26. Cf. Baines, dans : D’un monde à l’autre, p. 30-31 ; Mathieu, dans : D’un monde
à l’autre, p. 247-262.
27. Voir pour les quatre paragraphes suivants Seidlmayer, Gräberfelder, p. 426-
429 ; Idem, dans : Social Aspects of Funerary Culture, p. 205-252.

142
LES TEXTES DES CERCUEILS ET LA DÉMOCRATIE

la vie dans l’Au-delà était considérée comme une prolongation


d’une manière de vivre terrestre. Bien entendu, il ne s’agit pas
nécessairement de la continuité des circonstances de la vie indi-
viduelle. Le contenu des tombes suggère plutôt qu’on sélection-
nait des objets renvoyant au style de vie de l’élite. Si ce mobilier
funéraire reflète donc l’aspiration de vivre la vie d’un grand sei-
gneur ou d’une grande dame après la mort, on constate égale-
ment que le monde des morts avait la structure du monde ter-
restre. C’est aussi l’impression que donne la lecture des lettres
aux morts de l’époque28.
Déjà assez tôt, ce type d’équipement funéraire commença à
être remplacé par un autre dans les tombes de l’élite. Un nou-
veau symbolisme apparaissait. Cela conduisit, entre autres, à la
pratique de la momification. Une momie ne ressemble à aucun
égard à un état connu du corps humain durant la vie terrestre.
Son aspect est tout à fait différent, par exemple, de celui d’un
dormeur. La momie est surtout un objet utilisable dans le
rituel. Dans le mobilier funéraire, on constate des transforma-
tions similaires. À côté d’objets quotidiens, on note la présence
d’artefacts non utilitaires, qui ne peuvent avoir eu qu’une fina-
lité rituelle ou symbolique. On peut mentionner, entre autres,
l’apparition de modèles ou de masques funéraires.
Finalement, la nouvelle coutume d’orienter le corps, non
plus vers la ville où avait vécu le mort, mais en fonction des
axes astronomiques, suggère l’émergence d’idées funéraires
qui considèrent l’Au-delà, non comme une continuation de la
vie terrestre, mais comme un monde céleste, désormais déta-
ché de l’environnement où avait vécu le mort.
Cette tendance se manifesta d’abord dans les cimetières
royaux, se répandit dans la haute élite et, graduellement, à tra-
vers toute la population égyptienne. Au début du Moyen

28. Voir Donnat, La peur du mort I, p. 298-307. Cette étude approfondie des let-
tres aux morts n’a malheureusement pas encore été publiée.

143
LES TEXTES DES SARCOPHAGES ET LA DÉMOCRATIE

Empire, presque tous les enterrements étaient orientés nord-


sud, face à l’est ; et des objets symboliques sont présents aussi
bien dans les tombes de l’élite que dans celles du reste de la
population.
Ainsi, on voit clairement que des idées funéraires d’origine
royale, ou au moins élitaires, se diffusaient. Suivant la coutume
égyptologique, on pourrait désigner ce processus comme une
« démocratisation » de la culture funéraire. Mais il faut retenir
ici que, dans l’analyse de Seidlmayer, les Textes des Cercueils
ne jouent aucun rôle ; ce qui est compréhensible du fait que ces
textes n’étaient encore (pratiquement) pas utilisés dans les
tombes de la Première Période Intermédiaire étudiées par lui.
Ils n’apparaissent qu’au moment où le pouvoir royal sur un pays
unifié se rétablit, évolution très difficile à expliquer selon
« l’hypothèse démocratique ». Il faut en conclure que l’émer-
gence des Textes des Cercueils doit être étudiée comme un
phénomène indépendant des bouleversements sociaux de la
Première Période Intermédiaire.
Avant de poursuivre notre enquête sur ces textes, tour-
nons-nous une dernière fois vers la composition des équipe-
ments funéraires. Il est évident que ces objets furent déposés
dans la tombe dans un cadre rituel. Or, de nombreuses scènes
montrent ces artefacts portés vers la tombe au cours des funé-
railles. Cet ensemble d’objets, nommé en égyptien qrs.t<.y>t ou
ƒb“.wt<.y>t, fait son apparition, avec le même nom et avec la
même sélection, dans les « frises d’objets » peintes sur les
parois intérieures des sarcophages du début du Moyen Empire
(on comparera un exemple des deux catégories à la fig. 19). Les
éléments caractéristiques en sont le chevet, le miroir, les col-
liers ws≈ et leurs contrepoids, les bracelets, les colliers de peti-
tes perles rondes et ovales, les arcs et les flèches, les bâtons, et
enfin les sandales. Ils sont apportés à la tombe dans cet ordre et
sont représentés sur les parois des cercueils de la même
manière, les objets associés à la tête, par exemple, étant peints

144
LES TEXTES DES CERCUEILS ET LA DÉMOCRATIE

Fig. 19 : a. Scène montrant une procession de porteurs


du mobilier funéraire (d'après Beni Hasan II, pl. VII).
b. Frise d'objets d'un sarcophage du début du Moyen Empire
montrant une sélection d'objets comparables
(d'après LD II, pl. 147b).

145
LES TEXTES DES SARCOPHAGES ET LA DÉMOCRATIE

à proximité de cette partie du corps29. Parallèlement, dans plu-


sieurs tombes de l’époque on a retrouvé les objets réels qui
doivent avoir été déposés dans la tombe pendant le rituel
ƒb“.wt<.y>t 30.Toutes ces pièces sont soit des artefacts effective-
ment utilisables, soit des modèles se rapprochant de la forme
d’objets employés au cours de la vie terrestre. Ils n’incluent pas
de pièces d’origine royale, de sorte qu’on a ici affaire à un
« rituel privé d’offrande d’objets ».
Au cours du Moyen Empire, les frises d’objets commencent
à inclure de plus en plus d’objets de provenance royale.
L’origine des ces éléments nouveaux est claire. Un choix pres-
que identique est visible sur la paroi nord des pyramides roya-
les de l’Ancien Empire, l’exemple le plus patent étant celui de
la reine Neith31. Comme les Textes des Pyramides accompa-
gnant ces représentations le montrent explicitement, ces élé-
ments de l’ornement royal étaient offerts au défunt pendant un
« rituel royal d’offrande d’objets ». Le fait que la source la
mieux conservée apparaisse dans une tombe de reine démontre
que, déjà à la fin de l’Ancien Empire, à tout le moins les fem-
mes royales avaient accès au même type de rituel. La présence
de ces objets dans le cadre des frises d’objets du Moyen Empire
suggère qu’à cette époque, les particuliers avaient aussi com-
mencé à s’intéresser à cet équipement. En m’appuyant sur l’ap-
parition régulière des objets royaux dans les frises d’objets, j’ai
longtemps présumé que les tombes des particuliers incluaient
fréquemment de tels artefacts à cette époque. Mais il a récem-
ment été démontré que cette hypothèse n’est pas fondée. Les
objets réels ne sont que très rarement attestés dans les tombes

29. Pour une analyse plus poussée, voir Willems, Chests of Life, p. 200-209.
30. Voir, par exemple, le mobilier funéraire de Gémeniemhat à Saqqara : cf., entre
autres, Jørgensen, Egypt I, p. 148-149.
31. Jéquier, Neith et Apouit, pl. VIII et XII. Pour cette analyse, voir Willems, op. cit.,
p. 205-208 et 221-228.

146
LES TEXTES DES CERCUEILS ET LA DÉMOCRATIE

des particuliers du Moyen Empire32. À partir d’une analyse de


huit sites, Op De Beeck renvoie au seul exemple du mobilier
funéraire de Nakhti, trouvé dans le cimetière d’Assiout33 et, en
dehors de ce matériel, aux tombes de la dame Sénebtisi à Licht
et des membres de la famille royale à Dahchour34. À cette petite
collection on peut ajouter d’autres exemples, mais ils sont peu
nombreux. Mésehti, propriétaire d’une des grandes tombes
d’Assiout, semble avoir possédé une sélection comparable
d’objets35. À Deir el-Bersha, le cercueil de Néferi, l’intendant
(μm.y-r pr wr) du nomarque Djéhoutihotep, contenait un choix
de modèles des mêmes pièces36.
Le matériel originaire de Licht et de Dahchour provient
d’un roi et de l’entourage immédiat des rois de la fin du Moyen
Empire. Il n’est pas exclu que les coutumes funéraires dans ce
groupe aient différé de celles des autres Égyptiens, et ces équi-
pements datent majoritairement d’une époque plus récente
que celle dont nous nous occupons ici. Nous ne pouvons donc
retenir que trois exemples attestant que le « rituel royal d’of-
frande d’objets » avait été célébré pour un particulier au Moyen
Empire37.

32. Op De Beeck, A Functional Analysis of Egyptian Burial Equipment, p. 663.


33. Chassinat, Palanque, Fouilles d’Assiout, p. 110-111.
34. Mace, Winlock, Senebtisi, p. 76-103 et pl. XXVII-XXXII ; De Morgan, Dahchour
I, p. 96 ; 100 (le roi Hor) ; 109-114 (la reine Noubhotep) ; Dahchour II, p. 45-46 et
fig. 105 (Ita) ; p. 60 (Khnoumit) ; p. 97 et fig. 141 (Sénousret III).
35. Zitman, The Necropolis of Assiut, p. 202.
36. Daressy, ASAE 1 (1900), p. 42, fig. 1.
37. On pourrait songer à ajouter à ces exemples les bâtons trouvés dans la tombe
de Gémeniemhat à Saqqara (Hassan, Stöcke und Stäbe, p. 78-80 et fig. 21). La
plupart de ces objets ne peut pas être attribuée avec certitude au rituel royal, mais
un d’entre eux, le pƒ-©Ì©, appartient à ce groupe.
Très récemment, j’ai pris connaissance de plusieurs ensembles du même type de
matériel exposés au Musée du Caire, mais je n’ai pas encore pu déterminer s’il
s’agit de matériel supplémentaire : groupe 1 : Registre temporaire no. 3/11/25/1-
3 ; 6-7 ; 9 ; 12-16 ; 18 ; 20-21 ; 23 ; 25 ; groupe 2 : no. 15/11/25/1-3 ; 5 ; 7-8 ; 11-
12 ; 15-16 ; groupe 3 : no. 7/11/25/1 ; 3-4 ; 6 ; 8 ; 12 ; 15 ; 19.

147
LES TEXTES DES SARCOPHAGES ET LA DÉMOCRATIE

Sans doute notre documentation est-elle biaisée. Les chan-


ces de préservation d’un plancher de sarcophage montrant tout
un choix d’objets sont probablement plus grandes que celles
d’un ensemble intact des objets eux-mêmes. On est donc en
droit de présumer des pertes importantes. Par ailleurs, chaque
sarcophage décoré avec une frise d’objets ne comporte pas des
objets royaux. Il ne s’agit que de quelques dizaines d’exemplai-
res. Néanmoins, la différence quantitative entre les deux grou-
pes est frappante. Il semble que le rituel royal fut moins régu-
lièrement célébré de manière effective pour les individus non
royaux que représenté sur les parois de leurs sarcophages. Le
cas n’est pas sans rappeler les renvois réguliers au rituel de
l’embaumement dans l’iconographie et dans les Textes des
Cercueils, qui contrastent avec la rareté de la momification des
particuliers à la même époque38.
Les indications que nous possédons concernant la célébra-
tion du rituel royal sont intéressantes d’un point de vue socio-
logique. Dans le cas de Mésehti, il s’agit d’un chef des prêtres
d’Assiout, titre qui désigne régulièrement l’administrateur le
plus élevé d’une communauté locale. Dans le cas de Nakhti et
de Néferi, nous n’avons pas affaire à des « nomarques », mais à
des administrateurs agissant à un niveau juste en dessous de
celui des chefs locaux. C’est donc dans ce spectre social qu’on
peut s’attendre à trouver des rituels funéraires d’inspiration
royale. Cependant, même là, les indices conservés ne sont pas
fréquents.
La quantité, de beaucoup plus importante, des sources des
Textes des Cercueils pourrait suggérer que leur diffusion était
d’ordre plus large. Et, de fait, l’égyptologie moderne semble
considérer ceux-ci comme l’expression de la religion funéraire
du Moyen Empire dans son ensemble. Pour faire la preuve de la
légitimité de ce point de vue, on devrait démontrer, première-

38. Voir infra, p. 149-150.

148
LES TEXTES DES CERCUEILS ET LA DÉMOCRATIE

ment, que les Textes des Cercueils étaient accessibles au moins


à une grande partie de la population, et, deuxièmement, qu’ils
sont attestés partout en Égypte. Les pages qui suivent seront
consacrées à l’analyse de cette problématique.

Une perspective démographique


sur les Textes des Cercueils

L’égyptologie, comme toute discipline qui s’occupe d’un


passé lointain, est condamnée à produire des généralisations sur
la base d’une documentation dont on ne peut guère estimer la
représentativité. De cette manière, on est souvent arrivé à des
conclusions qui, pour un Égyptien, pourraient avoir été assez
étonnantes. Prenons comme exemple la question de la momifi-
cation. Dans de nombreuses publications on peut lire que, pour
les Égyptiens anciens, il était d’importance capitale que le
corps soit conservé après la mort. Sinon, le ba n’aurait plus de
point sur terre auquel se rattacher, et le défunt subirait « la
deuxième mort ». C’est pour cette raison que les Égyptiens
auraient embaumé leurs morts. Cette manière de voir est très
répandue39, mais elle n’est pas sans poser problème. On s’ex-
plique mal, entre autres, que la grande majorité des Égyptiens
n’ait pas été momifiée avant les époques tardive et copte40.

39. Voir, par exemple, Spencer, Death in Ancient Egypt, 29-30, qui parle d’un
« Egyptian belief in a continued existence in which survival depended upon the pre-
servation of the body in a recognizable form. This belief was to become the driving
force behind much of Egyptian funerary practice ... » ; ou Ikram, Dodson, The
Mummy in Ancient Egypt, p. 108, qui écrivent : « The Egyptians believed that the
intact body was necessary for the afterlife ».
40. Pour la période qui nous occupe, un indice de cet état de fait est, entre autres,
la présence de vases et de boîtes à canopes. À Deir el-Bersha, de tels artefacts ont
été retrouvés dans la tombe de la dame Djéhoutinakht de la Première Période
Intermédiaire, dans quelques tombes de la zone 2 (un vase à canopes découvert en
2006 contenait encore les viscères momifiés), et dans une tombe dans la plaine.
Mais la grande masse des corps exhumés ne présente aucun signe d’avoir été momi-
fiés. Le cas de Deir el-Bersha n’est pas unique, comme le montre, par exemple,

149
LES TEXTES DES SARCOPHAGES ET LA DÉMOCRATIE

Doit-on vraiment penser que les masses populaires n’avaient


pas d’espérance d’une survie après la mort ? Je ne peux guère
le croire.
La conception égyptologique des Textes des Cercueils
comme expression générale de la religion funéraire égyptienne
de la Première Période Intermédiaire et du Moyen Empire
pourrait être d’ordre non moins problématique, surtout si l’on
croit que ces textes reflètent la pensée des couches inférieures
de la société égyptienne. Un tel point de vue implique que ces
textes expriment des idées valables pour tous. Si cela était vrai,
on s’attendrait à ce que les fouilles aient mis au jour des sarco-
phages inscrits avec des Textes des Cercueils à travers toute
l’Égypte, et que ces sarcophages aient eu des propriétaires
appartenant à toutes les couches sociales.
L’archéologie montre, en effet, que posséder un sarcophage
n’était pas un fait exceptionnel pendant la Première Période
Intermédiaire et le Moyen Empire. Malencontreusement, les
publications sont généralement très laconiques quand il s’agit
de sarcophages non décorés. Pour cette raison, il est certain que

l’analyse faite par Zitman du cimetière d’Assiout, où la plupart des défunts ne


furent apparemment pas non plus momifiés. En effet, il cite très régulièrement des
corps non momifiés (The Necropolis of Assiut, passim). Même la présence de vases
à canopes ne prouve pas que le défunt avait été embaumé, puisque ces objets
n’avaient souvent pas été utilisés ; fréquemment, ils ne pouvaient pas l’être, car il
s’agissait de simulacres massifs (Seidlmayer, Gräberfelder, p. 427). Un cas compa-
rable est celui de la dame Hétep dont Engelbach a trouvé la tombe à Riqqa
(Engelbach, Riqqeh and Memphis VI, p. 28 et pl. XXVI). La dépouille mortelle de
Hétep n’avait pas été embaumée, mais elle possédait un sarcophage du type IVaa,
sarcophage dont les parois sont décorées avec des colonnes à textes ornemen-
taux. Comme on le sait depuis l’étude par J. Assmann du texte inscrit sur le couver-
cle du sarcophage du roi Mérenptah, ce modèle sert à perpétuer la situation de la
salle d’embaumement (MDAIK 28/2 [1973], p. 130 ; pour la signification de la
décoration du type IV, voir aussi Willems, Chests of Life, p. 136-159). Le mobilier
funéraire de Hétep affirme donc la valeur de l’idée de la momification pour la
morte, mais aussi qu’elle n’avait pas été réellement momifiée. De tels indices sug-
gèrent qu’une momification effective n’était pas essentielle, bien qu’une allusion
optionelle au rituel de momification ne fût pas gênante.

150
LES TEXTES DES CERCUEILS ET LA DÉMOCRATIE

la documentation doit être très incomplète, surtout en ce qui


concerne les tombes les plus pauvres. Il se pourrait aussi que les
coutumes n’aient pas été identiques d’un site à un autre. À Deir
el-Bersha, très rares sont les cas où même une tombe pauvre ne
dispose pas d’un cercueil, et la situation pourrait être similaire
sur bien d’autres sites41. En revanche, les fouilles de Hogarth
à Assiout ont révélé beaucoup de tombes sans cercueils42, fait
remarquable, parce qu’aucun site n’a fourni autant de sarco-
phages qu’Assiout !
Quoi qu’il en soit, les cercueils ne constituent pas un élé-
ment rare. Malheureusement, dans la plupart des cas, ils ont été
fabriqués en bois local de qualité médiocre. Ce matériau se
conserve mal, même dans des conditions désertiques, comme à
Deir el-Bersha. Mais l’expérience m’a montré que, si l’on net-
toie très soigneusement ce qui reste de ces sarcophages, on
peut encore déterminer qu’ils sont généralement non décorés
ou, tout au plus, peints en rouge ou en jaune monochrome.
D’ordinaire, toute forme d’ornementation en est absente.
Les égyptologues, la plupart du temps, ne s’occupent que
des sarcophages décorés. On doit se rendre compte que la pré-
sence même de tels objets montre déjà qu’on a affaire à un
mobilier de choix. Ils sont normalement confectionnés en bois
d’une bonne qualité ; il s’agit parfois de bois de cèdre importé
du Liban, qui devait être très coûteux. La grande majorité de la
population ne possédait pas un tel artefact. De surcroît, parmi
les sarcophages décorés, une minorité seulement comporte des
Textes des Cercueils. Il est évident que l’intérêt presque exclu-
sif des archéologues pour cette minorité a introduit une distor-
sion à la fois dans la documentation et dans l’interprétation. La
chance qu’un sarcophage soit publié dépend en grande mesure
de la présence de décoration, et surtout de textes. Cela dit, le

41. Op De Beeck, A Functional Analysis of Egyptian Burial Equipment, p. 587.


42. Voir Zitman, op. cit., passim.

151
LES TEXTES DES SARCOPHAGES ET LA DÉMOCRATIE

fait qu’un défunt possède un sarcophage inscrit avec des Textes


des Cercueils est, en soi, un indicateur d’une position sociale
d’un certain niveau. Le problème est de déterminer plus exac-
tement quelle était la probabilité, pour un Égyptien, de dispo-
ser d’un ou plusieurs sarcophages portant des Textes des
Cercueils ou d’un sarcophage décoré mais sans ces textes.
Pour arriver à une conclusion fiable, il faudrait pouvoir
comparer le nombre de propriétaires de tels sarcophages avec
le nombre total de morts. Évidemment, il n’est pas possible
d’établir une quantification très exacte, mais il me semble tout
de même envisageable de proposer un ordre de grandeur.
Pour aboutir à un résultat, il convient tout d’abord d’esti-
mer la population égyptienne au Moyen Empire. Les égyptolo-
gues qui se sont occupés de la démographie égyptienne se sont
surtout intéressés à la situation à l’époque ramesside et aux
époques tardive et gréco-romaine. Même pour ces périodes
relativement bien documentées, les renseignements ne sont
malheureusement pas très clairs.
Selon l’étude récente de Kraus, l’évolution de la popula-
tion entre l’époque saïte et le premier siècle de notre ère aurait
probablement obéi à la courbe suivante :

525 av. J.C. 7 millions


282 av. J.C. 3 millions
59 av. J.C. 5 millions
75 de notre ère 8 millions

Cette évolution, y compris la baisse énorme de la popula-


tion entre 525 et 282, serait compatible avec les modèles
démographiques courants43. Mais on doit avouer que le calcul
repose, à un degré non négligeable, sur les remarques de quel-
ques auteurs classiques comme Diodore de Sicile, dont le bien-

43. Kraus, Demographie, p. 57-64.

152
LES TEXTES DES CERCUEILS ET LA DÉMOCRATIE

fondé ne peut guère être vérifié. Des nombres entièrement dif-


férents ont récemment été proposés sur la base de documents
fiscaux concernant le Fayoum, qui donnent une idée de la den-
sité de la population dans cette région. À partir de cette base,
Clarysse et Thompson ont calculé que la population égyp-
tienne du début du iiie siècle avant notre ère atteignait un mil-
lion et demi d’habitants44.
Pour le Nouvel Empire, Schaedel décomptait huit à neuf
millions d’individus, nombre qui est encore parfois utilisé, mais
dont Kraus a montré qu’il était très douteux45. Janssen admet
une évaluation oscillant entre quatre millions et demi et sept
millions46. Baer a estimé une population d’environ quatre mil-
lions et demi d’habitants47. Intuitivement, les deux estimations
me semblent très hautes. L’enquête plus poussée de Butzer
arrive à un total d’environ trois millions pour le Nouvel
Empire, nombre qui a récemment été accepté par Kemp48 et,
avec des réserves, par Kraus49.
Pour le Moyen Empire je ne peux renvoyer qu’à l’étude de
Butzer, qui calcule la population entre un million et demi et
deux millions50. Mais notre documentation provient presque
entièrement de Haute Égypte. Pour cette région, Butzer
estime la population à un million cent mille habitants51.

44. Clarysse, Thompson, Counting the People II, p. 100-102.


45. Kraus, Demographie, p. 116-117.
46. Janssen, SAK 3 (1975), p. 136.
47. Baer, JARCE 1 (1962), p. 43-44.
48. Butzer, Early Hydraulic Civilization, p. 82-98; voir surtout fig. 13, p. 85 ; Kemp,
Ancient Egypt. Anatomy of a Civilization2, p. 29-30.
49. « Zum einen fehlen Daten zu Verteilung und Größe, die über das von Karl
Butzer zusammengestellte Material hinausgehen » : Kraus, Demographie, p. 115 ;
aux p. 233-234, il opère prudemment sur la base du calcul de Butzer.
50. Renvoyant à la même étude, Kemp estime la population entre un et un million
et demi d’habitants : Trigger, Kemp, O’Connor, Lloyd, Ancient Egypt, p. 103. Cela
doit être une erreur. Malheureusement, l’étude de Kraus ne contient pas de com-
mentaire sur l’estimation de Butzer.
51. Butzer, op. cit., p. 84.

153
LES TEXTES DES SARCOPHAGES ET LA DÉMOCRATIE

Dans son étude sur la démographie égyptienne, J. Kraus


exprime des doutes sur les estimations de Butzer, qu’il quali-
fie de « relativement basses »52. Pour l’instant, il n’existe pas de
données indiquant quelle correction pourrait être réaliste ;
mais, pour ce qui suit, il est important d’avoir à l’esprit que
chaque augmentation du nombre d’habitants aurait comme
effet de renforcer les conclusions que nous allons tirer.
Par ailleurs, on doit envisager la durée de vie moyenne. Sur
ce point, les études sont aussi très éparses. Ce qui donne peut-
être une indication est la situation à Tell el-Dab©a pendant la
Seconde Période Intermédiaire. La mission autrichienne de M.
Bietak a pu déterminer que les hommes atteignaient alors un
âge moyen de 34,4 ans, et les femmes un âge de 29,7 ans, soit
une moyenne globale de 32 ans53. Cette espérance de vie au
moment de la naissance est légèrement plus haute que la limite
supérieure de 30 ans supposée par Hopkins pour l’époque
romaine sur la base de modèles démographiques, et par Kraus
pour l’Égypte ancienne en général54. Elle correspond plus ou
moins à l’estimation de J. Nunn qui conclut que la durée de vie
moyenne était d’environ 35 ans pour les membres de la famille
royale, mais certainement plus basse pour la grande masse de la
population55. Par conséquent, si l’on suppose que la moyenne

52. Kraus, op. cit., p. 233 : « relativ niedrige [..] Bevölkerungszahlen ». Tout
récemment, B. Kemp a aussi suggéré d’après les données archéologiques que les
chiffres de Butzer sont probablement trop bas. Il se demande : « should we double
it ? » ; Kemp, Ancient Egypt. Anatomy of a Civilization2, p. 406, n. 7. En effet, Butzer
lui-même écrit que « none of the numerical data are to be taken literally » : Early
Hydraulic Civilization, p. 76.
53. Pharaonen und Fremde, p. 53 ; Winkler, Wilfing, Tell el-Dab’a VI, p. 139. Les cal-
culs suivants donnent l’espérance de vie moyenne au moment de la naissance, ce qui
veut dire que la moyenne inclut les enfants. Le taux de mortalité pour les enfants jeu-
nes, qui devait être très haut, a une forte influence sur la moyenne calculée.
54. Hopkins, Comparative Studies in Society and History 22 (1980), p. 318-320 ;
Kraus, Demographie, p. 236.
55. Nunn, Ancient Egyptian Medicine, p. 22. Je remercie Emiel Kuijper pour cette
référence.

154
LES TEXTES DES CERCUEILS ET LA DÉMOCRATIE

pour Tell el-Dab©a est applicable à toute l’Égypte, on peut en


déduire que le nombre annuel de morts avoisinait trente-qua-
tre mille trois cent soixante-quinze personnes dans la région
qui nous intéresse particulièrement, la Haute Égypte.
D’autres estimations proposent une espérance de vie, au
moment de la naissance, beaucoup plus basse. Pour le cimetière
prédynastique N7000 à Naga el-Deir, Mortensen a estimé une
durée moyenne de 28,41 ans56. Pour la population d’Assouan,
qui date en grande majorité de l’époque qui nous occupe, et est
culturellement comparable, on a atteint une estimation de
25,82 ans57. L’espérance de vie moyenne calculée par Bagnall
et Frier pour l’époque romaine est encore inférieure : 22,5
ans pour les femmes, au moins 25 ans pour les hommes58. Avec
un calcul fondé sur une telle moyenne d’environ 25 ans, la
mortalité annuelle monterait à quarante-quatre mille individus.
Dans l’hypothèse où l’on suivrait ce dernier calcul, les tendan-
ces que nous croyons pouvoir déceler concernant la popularité
des Textes des Cercueils deviendraient encore plus claires. Par
souci de prudence, on n’utilisera pas ce chiffre, mais celui, plus
modeste, de trente-quatre mille trois cent soixante-quinze
morts par an.

56. Mortensen, Ä&L 2 (1991), p. 28. Pour quelques autres cimetières de la même
époque, Masali et Chiarelli ont atteint une estimation similaire de 30 ans (Journal
of Human Evolution 1 [1972], p. 161-169).
57. Rösing, Qubbet el Hawa’ und Elephantine, p. 112, tab. 18, colonne e, à l’âge
de 0 ans, et p. 115. Un nombre comparable peut être calculé pour la population
d’une tombe de la fin du Moyen Empire récemment découverte à Thèbes (voir
Graefe, Die Doppelgrabanlage « M », p. 64, fig. 1).
58. Bagnall, Frier, The Demography of Roman Egypt, p. 100. Tosha Dupras, une
anthropologue qui étudie, depuis des années, le matériel anthropologique du cime-
tière romain d’Ismant al-Kharab (Oasis de Dakhla), m’informe qu’elle a l’impres-
sion que cette estimation doit être trop basse.
Il a été suggéré que l’espérance de vie moyenne à l’époque romaine n’atteignait
même pas l’âge de 20 ans (Meskell, Archaeologies of Social Life, p. 169). Ici, on
ne tiendra pas compte de ce point de vue extrême, pour lequel aucun argument
n’est avancé.

155
LES TEXTES DES SARCOPHAGES ET LA DÉMOCRATIE

On doit aussi estimer le nombre de sarcophages décorés qui


ont originellement existé. Évidemment, les exemplaires qui
subsistent de nos jours ne représentent pas le total. Beaucoup
de tombes ont été pillées, souvent plusieurs fois et, de prime
abord, on pourrait avoir l’impression qu’il est impossible
d’aboutir à une quantification utilisable. Mais cette perspective
me paraît trop sombre.

QUANTIFICATION DES SARCOPHAGES DÉCORÉS À DEIR EL-BERSHA


À Deir el-Bersha, les sarcophages décorés et inscrits de
Textes des Cercueils font presque entièrement défaut dans la
plaine (zones 8-10) et dans la zone 4, mais on les trouve en
grande quantité dans les zones 1 et 2 (voir fig. 9) : le secteur des
tombes nomarcales. Les cinquante-cinq (parties de) sources qui
ont jusqu’ici été recensées dans la littérature proviennent pro-
bablement toutes59 de ce dernier secteur du cimetière. Sept
d’entre elles ne sont pas des sarcophages, mais des boîtes à
canopes ou des parois de tombes. Neuf autres sarcophages
décorés, mais sans Textes des Cercueils, ont également tous été
trouvés dans cette zone60. J’ai connaissance de deux (fragments
de) sarcophages supplémentaires, sans doute aussi originaires
de la zone 2 et porteurs de Textes des Cercueils. Le total atteint
alors soixante-six, dont cinquante-huit cercueils. En dehors des
zones 1 et 2, ce type de matériel est presque totalement absent.
Dans la zone 8, au pied de la montagne, Reisner a mis au jour
un très grand mastaba qui a fourni un morceau de sarcophage
inscrit. Nos propres fouilles ont conduit à la découverte d’une
autre tombe dans la zone 9, qui avait contenu un sarcophage

59. À vrai dire, il existe un nombre restreint de sarcophages dont la provenance


n’est pas connue avec certitude, mais ces sarcophages ressemblent fortement à
ceux dont l’origine est documentée, et qui proviennent tous des zones 1 et 2.
60. Voir les listes dans Lesko, Index, p. 7 ; Willems, Chests of Life, p. 20-21, p. 35 ;
Lapp, Typologie, p. 274-279.

156
LES TEXTES DES CERCUEILS ET LA DÉMOCRATIE

décoré avec des Textes des Cercueils. Il s’agit d’une tombe de


très grandes dimensions, qui n’a, dans ce secteur, aucun paral-
lèle61. Un fragment de sarcophage inscrit de Textes des
Cercueils a été trouvé dans une tombe de la zone 4. Il est clair
que les Textes des Cercueils avaient, sur ce site, une distribution
spatiale pratiquement restreinte aux zones 1 et 2.
La zone 1 ne contient que deux puits funéraires dont le plus
petit abritait les cercueils de la dame Sathedjhétep (B3C, B4C),
et l’autre des morceaux de sarcophage inscrits avec des Textes
des Cercueils, qui n’ont, malheureusement, pas été publiés62.
Chacun des deux individus enterrés là possédait donc ce type
de matériel.
Dans la zone 2, quarante-sept puits funéraires sont actuelle-
ment connus, dont la plupart est indiquée sur le plan de la
figure 10. Au moins trois d’entre eux n’ont pas encore été
explorés, de sorte qu’ils ne seront pas inclus dans la présente
enquête. Tous ces puits se trouvent dans une région qui a été
intensément fouillée, où la roche vierge est, de nos jours, pres-
que partout visible. Le seule exception est le secteur immédia-
tement à l’est de la tombe du nomarque Ahanakht Ier, où se
trouve une tombe entièrement écrasée. Là, on peut s’attendre
à l’existence de trois puits nouveaux, de sorte que le nombre
total de puits s’élèverait à une cinquantaine. Pour le reste, il est
presque certain qu’aucun puits supplémentaire n’y sera décou-
vert. Cette aire occupe une surface d’environ 40 x 105 mètres
(4200 m2). La densité moyenne des puits y est de 1,2 par 100 m2.
Plus à l’ouest, le cimetière a également été attaqué par nos
prédécesseurs, mais il est évident qu’on n’y a pas travaillé de
manière aussi soutenue. Le sol y est encore couvert, de nos
jours, par d’énormes quantités de déblais des carrières de cal-
caire et, bien que des tombes soient visibles çà et là, on ne

61. Voir Peeters, MDAIK 60 (2004), p. 268.


62. Daressy, ASAE 1 (1900), p. 18-22.

157
LES TEXTES DES SARCOPHAGES ET LA DÉMOCRATIE

connaît pas leur nombre total. Ce secteur est moins grand, et


sa surface pourrait avoisiner 1500 m2 environ. Si l’on suppose
que la densité des tombes était la même que dans l’autre par-
tie, on devrait s’attendre à trouver dix-huit puits supplémentai-
res, avec un total pour la zone 2 de soixante-huit puits.
Presque tous les puits y sont de très grande taille, générale-
ment avec une longueur d’environ 3 mètres et une largeur
approximative de 1 mètre et demi, et une profondeur variant
entre 4 et plusieurs dizaines de mètres. Il s’agit donc certaine-
ment d’un cimetière de la haute élite. Dans le cas de la tombe
de Djéhoutihotep (17L20/1)63, des cinq puits en face de celle-
ci, et des tombes nomarcales avoisinantes d’Amenemhat (à
l’est) et de Djéhoutinakht VI (à l’ouest, mais non représentée
sur la fig. 10) chaque individu possédait au moins un sarcophage
décoré dont tous, sauf un, étaient ornés de Textes des
Cercueils. Plus à l’est, dans la tombe de Nehri Ier, le seul puits
que nous avons exploré a fourni des fragments infimes d’un ou
plusieurs sarcophages décorés de Textes des Cercueils. Dans la
partie centrale, les informations disponibles ne sont pas claires,
mais encore plus à l’est, on rencontre la fameuse tombe 10 de
Djéhoutinakht trouvée par Reisner. Le nomarque et sa femme
possédaient cinq sarcophages, tous avec des Textes des
Cercueils. D’autres furent découverts dans un puits dans la
cour d’accès de la tombe64. La tombe 17K84/1 n’a pas encore
été fouillée, tandis que celle d’Ahanakht Ier renfermait les deux
cercueils du nomarque, actuellement à Philadelphie (B1-2Ph),
et je pense avoir identifié des fragments d’un autre cercueil qui
pourraient provenir de cette même tombe. Les autres cham-
bres funéraires de ce complexe, ainsi que les petites tombes
17K74/1-3, conservaient des fragments de cercueils, mais je

63. Fragments découverts par la mission belge ; voir B. Verrept, dans : Willems et
al., MDAIK 62 (2006), p. 309.
64. Les cercueils B1-8Bo ; voir pour la fouille de Reisner, Terrace, Egyptian
Paintings of the Middle Kingdom.

158
LES TEXTES DES CERCUEILS ET LA DÉMOCRATIE

n’ai pas de renseignement sur la présence, ou non, de décora-


tion. En ce qui concerne les tombes encore plus à l’est, les
informations disponibles sont, à nouveau, éparses ; la tombe la
plus orientale, celle du nomarque Nehri II, contenait un pan-
neau fragmentaire de sarcophage inscrit avec des Textes des
Cercueils65. Enfin, deux grands puits à l’ouest (dont l’un seule-
ment est indiqué sur la fig. 10) recelaient trois cercueils déco-
rés qui ne portent pas de Textes des Cercueils66.
Bien qu’il soit clair que nos connaissances restent lacunai-
res, il est vraisemblable que chaque nomarque du Moyen
Empire possédait des sarcophages ornés de Textes des
Cercueils, et que tous les défunts enterrés dans ce cimetière
devaient disposer au moins d’un sarcophage décoré. On
connaît actuellement des (fragments d’) ensembles appartenant
à environ trente-sept personnages du Moyen Empire, dont neuf
avaient un cercueil décoré, mais sans Textes des Cercueils. Dans
l’hypothèse que cette répartition soit statistiquement significa-
tive, on peut estimer que 24 % des défunts avaient un cercueil
décoré, mais sans textes, tandis que le reste (76 %) bénéficiait
des Textes des Cercueils. En outre, on constate qu’il n’était pas
très commun dans les zones 1 et 2 d’enterrer plus d’une per-
sonne dans une chambre funéraire, bien qu’un puits funéraire
conduise, parfois, à deux ou même trois salles.
Les soixante-huit puits pourraient donc avoir contenu au
plus cent trente corps environ. De ces cent trente individus, une
centaine au plus (= 76 %) disposaient d’un sarcophage avec des
Textes des Cercueils. Étant donné la rareté des indices en
faveur de la présence des Textes des Cercueils dans le reste du
cimetière, le nombre total de personnes possédant cette sorte
de documents ne pourrait guère avoir dépassé cent dix.

65. Non publié. Trouvé par la mission des Universités de Leyde et Philadelphie et
le Museum of Fine Arts de Boston en 1990.
66. Daressy, ASAE 1 (1900), p. 24-25 ; Willems, Chests of Life, p. 79 (B14C ; B4-5).

159
LES TEXTES DES SARCOPHAGES ET LA DÉMOCRATIE

Comme nous connaissons vingt-huit de ces individus, on peut


conclure prudemment qu’à Deir el-Bersha, on conserve envi-
ron 25 % du matériel originel, bien que souvent dans un état
très fragmentaire.

QUANTIFICATION DES SARCOPHAGES DÉCORÉS À BENI HASAN


Un autre exemple intéressant est celui de Beni Hasan. Bien
que très peu de ce matériel ait été publié d’une manière utili-
sable, et que la plupart des cercueils ait été dans un très mau-
vais état de préservation, on dispose néanmoins de renseigne-
ments précieux. Dans les années 1902-1904, Garstang avait
fouillé huit cent quatre-vingt huit tombes. Sa publication inclut
une liste d’objets groupés par tombe. En dépit d’un certain
nombre d’erreurs avérées dans cette énumération, elle fait état
de (fragments de) cent trente-trois sarcophages environ67.
La plupart des tombes contenait une seule inhumation, mais
il en existe aussi où l’on en a trouvé plusieurs. En supposant
que les huit cent quatre-vingt huit tombes contenaient les
dépouilles de mille morts, les (restes de) cercueils que nous
connaissons pourraient représenter 13, 3 % de la quantité ori-
ginelle (on opère ci-dessous sur la base du chiffre rond de 15 %).
Bien que la liste de Garstang manque de précision, il sem-
ble que le fouilleur spécifiait les cas où les sarcophages étaient
inscrits ou décorés. Il s’agit de quatre-vingt sept exemplaires à
peu près, donc 65 % des cent trente-trois sarcophages. Dans
l’hypothèse que ce nombre aussi représente 15 % de la quan-
tité originelle, on devrait compter avec six cent cinquante cer-
cueils décorés.
Parmi le matériel exhumé par Garstang, quatorze sarco-
phages portaient un décor à l’intérieur et donc, probablement,

67. Garstang, Burial Customs, 211-244. Garstang décrit ce matériel en termes très
vagues ; par exemple, quand il stipule avoir trouvé des « fragments of wooden cof-
fins », doit-on vraiment en déduire que les fragments appartenaient à plus d’un seul
cercueil ? Le chiffre pourrait donc être plus bas que je ne le suppose ici.

160
LES TEXTES DES CERCUEILS ET LA DÉMOCRATIE

des Textes des Cercueils. Si l’on suppose qu’on possède égale-


ment 15 % de ces sarcophages, le total originel serait d’un
ordre de grandeur d’une centaine.
On peut remarquer que la documentation de Beni Hasan
fait une impression relativement pauvre, à en juger par les pho-
tographies assez vagues de la publication de Garstang, et par
son matériel conservé actuellement à Liverpool68. Garstang se
réfère continuellement à un nombre restreint de sarcophages
décorés à l’intérieur. S’il en avait trouvé davantage, on s’atten-
drait à ce qu’il ait également mentionné ce matériel, ce qui
n’est pas le cas. Aussi nos calculs opèrent-ils sur la base de l’hy-
pothèse que chaque mort, sur ce site, possédait un cercueil, ce
qui n’est pas forcément exact. Il se pourrait donc que la pré-
sence d’un sarcophage décoré (ou même d’un sarcophage) dans
chaque tombe ne soit pas systématique. Dans ce cas, l’estima-
tion que je viens de donner pourrait bien être trop haute.

QUANTIFICATION DES SARCOPHAGES DÉCORÉS À ASSIOUT


Pour finir, jetons un coup d’œil sur le site d’Assiout. Dans
sa publication des Coffin Texts, De Buck n’utilisait que vingt-
sept sources. Mon étude sur les sarcophages du Moyen Empire
ne s’occupait pas vraiment du matériel d’Assiout dont l’évolu-
tion typologique se distingue sensiblement de ce qui était nor-
mal dans le reste de l’Égypte, mais ma liste dénombrait déjà
soixante dix-huit sources, tandis que l’étude de Lapp renvoie à
quatre-vingt huit. Bien sûr, il s’agit, dans la plupart des cas sup-
plémentaires, de sarcophages que de Buck connaissait égale-
ment, mais qui ne sont pas ornés de Textes des Cercueils. Il a
toujours été clair que ces listes plus récentes doivent, elles
aussi, être incomplètes, étant donné l’apparition fréquente de
nouveaux exemplaires d’Assiout sur le marché des antiquités
ou dans des collections privées. À cet égard, Assiout diffère

68. J’ai étudié ce matériel en 1984.

161
LES TEXTES DES SARCOPHAGES ET LA DÉMOCRATIE

entièrement des autres sites égyptiens. L’étude approfondie de


Zitman a permis de dresser une liste de deux cent quatre-vingt
douze sources inscrites69. De surcroît, il fait état de l’existence
d’un groupe supplémentaire de quatre-vingt treize sarcophages,
dont neuf modèles de sarcophages, conservés au musée de
Turin, qu’il n’a pas pu étudier. Avec ce matériel, le total s’élè-
verait à trois cent quatre-vingt quatorze exemplaires.
Cependant, plusieurs de ces sources remontent à l’Ancien
Empire et à la Première Période Intermédiaire. En outre, sa
liste inclut quelques boîtes à canopes, sarcophages anthropo-
morphes, sarcophages provenant de sites avoisinants, et des sar-
cophages dont l’attribution à Assiout est discutable. Dans ce qui
suit, je pars d’une liste légèrement modifiée de deux cent
soixante-treize sarcophages, nombre auquel on peut ajouter les
quatre-vingt treize artefacts de Turin qui existent certainement,
mais sur lesquels je n’ai pas de renseignements ; un total, donc,
de plus de trois cent soixante-six sarcophages. Tous sont des
exemplaires décorés. Assiout doit être considérée comme le
site de loin le plus riche en sarcophages décorés du Moyen
Empire. Deux questions s’imposent ici.
D’abord se pose la question de la proportion de sarcopha-
ges ornés de Textes des Cercueils. Avant d’aborder ce point, on
doit faire une remarque préliminaire.
Sur la plupart des sites, deux grands groupes de sarcopha-
ges décorés peuvent être définis :
1° sarcophages décorés à l’extérieur, mais non à l’intérieur.
Ces exemplaires ne portent généralement que peu de textes. Il
s’agit de bandes de formules d’offrande et d’autres textes sté-
réotypés, écrits en hiéroglyphes ornementaux. Bien que repro-
duits sur des sarcophages, l’égyptologie ne considère pas ces
textes comme Textes des Cercueils.
69. Pour une liste de sources, voir Zitman, The Necropolis of Assiut, p. 105-152.
L’étude récente de Hannig, opère sur la base de plus de deux cents sarcophages
(Zur Paläographie der Särge aus Assiut, p. VII).

162
LES TEXTES DES CERCUEILS ET LA DÉMOCRATIE

2° sarcophages décorés à l’extérieur et à l’intérieur. Les


Textes des Cercueils constituent normalement un des éléments
les plus significatifs de la décoration intérieure. Bien qu’il existe
des cercueils décorés à l’intérieur qui ne portent pas de Textes
des Cercueils, cela n’est pas très habituel.
À Assiout, le premier groupe diffère du matériel des autres
parties de l’Égypte car les textes ornementaux y sont plus variés
qu’ailleurs. Les formules d’offrande elles-mêmes sont souvent
constituées de manière entièrement différente, et on introduit
aussi des formules religieuses nouvelles dont on trouve, sur d’au-
tres sites, des variantes parmi les Textes des Cercueils. Il s’agit
des formules 30, 31, 32, 345 et 609. Parfois, on rencontre éga-
lement des combinaisons de formules d’offrande et de ce groupe
de textes. Cet accroissement du nombre de textes à l’extérieur
des cercueils est possible parce que les cercueils d’Assiout pré-
sentent parfois, au cours de la XIIe dynastie, un dédoublement,
ou même un triplement, des bandes de textes ornementaux. On
pourrait regrouper ces sarcophages avec l’ensemble comportant
des Textes des Cercueils. Mais il me semble plus objectif de dire
qu’on est en présence, à Assiout, d’une tradition différente dans
la formulation des textes ornementaux ; ils peuvent non seule-
ment consister en formules d’offrande, mais aussi en une sélec-
tion très réduite du matériel utilisé ailleurs sous la forme des
Textes des Cercueils. Du reste, même dans les cas les plus élabo-
rés, le programme textuel attesté à l’extérieur reste très res-
treint et relativement invariable. Pour toutes ces raisons, les cer-
cueils contenant les formules 30-32, 345 et 609 parmi leurs for-
mules ornementales sont considérés ici comme appartenant au
groupe 1. Dans cette perspective, nous définissons donc un Texte
des Cercueils comme un texte écrit en hiéroglyphes de petit
module ou en hiératique, surtout à l’intérieur des cercueils, et
non pas en hiéroglyphes de grand module à l’extérieur.
La liste de Zitman contient deux cent soixante-treize sarco-
phages provenant d’Assiout, de type rectangulaire, et datant du

163
LES TEXTES DES SARCOPHAGES ET LA DÉMOCRATIE

Moyen Empire. Cinquante-neuf sont décorés à l’extérieur et à


l’intérieur, dont au plus cinquante-deux portent des Textes des
Cercueils, donc au plus 19 %. Malheureusement, ce matériel est
en grande partie inaccessible, de sorte que je ne suis pas en
mesure de déterminer s’ils portent, vraiment tous, des Textes
des Cercueils. J’en suis certain dans vingt-neuf cas ; dans vingt-
trois autres, je n’ai pas pu vérifier la situation. De plus, une
grande partie du matériel est dans un état si fragmentaire qu’on
ne peut pas exclure la possibilité que plusieurs fragments réper-
toriés sous des numéros différents appartiennent en fait à un seul
sarcophage. Ces incertitudes ont comme effet de réduire le nom-
bre effectif de pièces. Mais pour ne pas introduire un « facteur de
correction » impossible à estimer, on part ici simplement de la
présomption qu’à Assiout, 19 % des sources contiennent des
Textes des Cercueils. Si l’on inclut les quatre-vingt treize sarco-
phages de Turin qui ne sont pas accessibles à l’étude, on obtient un
total de trois cent soixante-six sarcophages décorés. Si l’on sup-
pose que 19 % de ce total est inscrit avec des Textes des Cercueils,
on a affaire à soixante-dix sarcophages de cette catégorie.
Il est plus difficile d’estimer quelle proportion du nombre
originellement déposé dans le cimetière représente cette quan-
tité. Si l’on présume que sont conservés, comme à Deir el-
Bersha, 25 % du matériel originel, même sous forme fragmen-
taire, le total pour Assiout atteindrait plus de mille quatre cent
soixante-quatre sarcophages décorés, dont deux cent soixante
dix-huit (19 %) avec Textes des Cercueils. Sur la base de l’hypo-
thèse qu’on a retrouvé 15 % du matériel, comme à Beni Hasan,
on aurait deux mille quatre cent quarante sarcophages, dont qua-
tre cent soixante-trois (19 %) avec des Textes des Cercueils. Il
est certain que ces deux estimations sont artificielles. La seule
chose qu’on puisse dire, c’est que la comparaison avec deux
cimetières rupestres très similaires, et le nombre très élevé de
sarcophages d’Assiout connus, suggèrent qu’on possède une
proportion significative du matériel originel.

164
LES TEXTES DES CERCUEILS ET LA DÉMOCRATIE

Pour éviter la possibilité d’une sous-estimation, je travaille-


rai par la suite sur la base de l’hypothèse, probablement beau-
coup trop négative, qu’on possède, sur tous les sites d’Égypte,
un maigre 5 % des sarcophages (complets ou fragmentaires) qui
y furent originellement déposés. En fonction de ce qu’on vient
de voir dans l’étude détaillée de Deir el-Bersha, Beni Hasan et
Assiout, on sera, je l’espère, d’accord sur le fait que ce n’est pas
une quantification trop optimiste70.

À la figure 20, j’ai établi une liste quantitative des cercueils


connus à travers toute l’Égypte. Je n’ai pas tenu compte des rares
sarcophages anthropomorphes qui ne portent jamais de Textes des
Cercueils, mais seulement des artefacts rectangulaires décorés.
J’ai aussi généralement omis les exemples où une personne pos-
sède une tombe ou un autre type d’objet inscrit avec des Textes
des Cercueils ou des Textes des Pyramides. Mais j’ai inclus cette
documentation dans le cas où l’on ne connaît pas d’autre matériel
portant ces textes, appartenant au même individu. Par exemple,
la liste ne comporte pas le décompte global des masques funérai-
res. Mais à Meir, ces masques sont, dans quelques cas, les seuls
vestiges du mobilier funéraire de certaines personnes. Si ces mas-
ques sont inscrits avec des Textes des Cercueils, il est clair que le
propriétaire de la tombe avait accès à ce type de textes. Étant
donné que notre étude envisage l’accessibilité de ces textes pour
les Égyptiens, j’ai pris en compte ces exemples. La figure qui suit
est fondée sur une comparaison de la liste que j’ai publiée dans
Chests of Life avec celle de Lapp ; pour Assiout, je me suis entière-
ment appuyé sur celle de Zitman71. Les nombres pour Beni Hasan
sont basés sur les mêmes listes et sur la liste de Garstang.

70. Comme on vient de le voir, on possède, pour le premier site, (des restes de)
environ 25 % du matériel originel et, pour le deuxième, 15 % ou plus du matériel
originel.
71. Willems, Chests of Life, p. 19-40 ; Lapp, Typologie, p. 272-313 ; Zitman, The
Necropolis of Assiut, p. 105-152.

165
LES TEXTES DES SARCOPHAGES ET LA DÉMOCRATIE

Sites Sarcophages Nombre Sarcophages Nombre Nombre Nombre


avec Textes d’individus sans Textes d’individus total total
des Cercueils des Cercueils de cercueils d’individus
Assouan 1 1 1 1 2 2
el-Gebelein 3 2 9 9 12 11
Thèbes 26 23 27 17 53 3772
Dendara 73
1? 1? 1? 1?
Farshut 1 1 1 1
Abydos 3 3 5 5 8 8
Naga el-Deir 4 3 3 3 7 6
Akhmim Non inclus 74

Qaw el-Qebir 2 2 2 2 4 4
Deir Rifa 3 3 8 7 11 10
Assiout 29 (+23 ?) 24 (+23?) 221 219 250 (+ 23 ?) 243 (+ 23 ?)
Meir 71 64 61 59 132 122
Deir el-Bersha 50 28 9 9 59 37
Beni Hasan 14 9 73 72 87 81
Ihnasiya el-Medina 2 2 2 2
Sedment el-Gebel 7 5 8 7 15 12
Haraga 2 2 9 9 11 11
Hawara 1 1 1 1
Riqqa 1 1 12 12 13 13
Licht 10 10 8 7 18 17
Mazghouna 1 1 1 1
Dahchour Non inclus 75

Saqqara 36 28 26 26 62 54
Abousir 4 3 11 11 15 14
Kôm el Hisn 1 1 1 1
Qatta 1 1 1 1
Origine inconnue 10 9 3 3 13 12
Total 281 (+23 ?) 225 (-23 ?) 499 481 780 (+ 23 ?) 702 (+23 ?)

Fig. 20 : Quantification des sarcophages décorés sans Textes


des Cercueils et décorés avec des Textes des Cercueils.

166
LES TEXTES DES CERCUEILS ET LA DÉMOCRATIE

L’annexe en fin de volume reprend la même liste, augmen-


tée de renvois bibliographiques aux listes de Willems et de
Lapp et, parfois, de notices explicatives.
La figure 20 présente une quantification de sarcophages par
site, et établit une distinction entre les sarcophages avec des
Textes des Cercueils (colonne 2) et les autres sarcophages
décorés (colonne 4). Il arrive régulièrement qu’une seule per-
sonne possède plus d’un sarcophage. Le décompte du nombre
de cercueils n’indique donc pas exactement le nombre des pro-
priétaires, qui nous intéresse le plus. Les colonnes 3 et 5 offrent
cette information pour les sarcophages comportant les Textes
des Cercueils et pour les autres cercueils décorés. La colonne 6
donne le nombre total de sarcophages par site, et la colonne 7
le nombre total de propriétaires.
Le nombre de sept cent quatre-vingt (+ vingt-trois ?) cer-
cueils corrobore l’impression qu’on a affaire à une masse
énorme de matériel. De surcroît, on sait qu’il existe encore
quatre-vingt treize sarcophages d’Assiout à Turin, de sorte que
le montant s’élève à huit cent quatre-vingt seize. Finalement, si
l’on opère sur la base de l’hypothèse qu’on ne possède que 5 %
du matériel, les quantités doivent être multipliées par 20. Dans
la table suivante, le registre 2 (« total de base ») offre les totaux
de la figure 20. Le registre 3 offre la même quantification, mais
tient compte d’une estimation fondée sur les quatre-vingt
treize sarcophages supplémentaires d’Assiout (« estimation de
base »). Le registre 4 donne le total sur la base de l’hypothèse
que les sarcophages et les propriétaires actuellement connus ne
représentent que 5 % de la réalité (« quantité originelle »).

72. Non pas quarante individus, parce que plusieurs personnes possèdent à la fois
un sarcophage orné de Textes des Cercueils et un sarcophage sans ces textes.
73. Cette source avec Textes des Cercueils doit être antérieure au Moyen Empire,
ce qui explique le point d’interrogation.
74. Voir p. 172.
75. Voir p. 172-173.

167
LES TEXTES DES SARCOPHAGES ET LA DÉMOCRATIE

Sarcophages Nombre Sarcophages Nombre Nombre Nombre


avec Textes d’individus sans Textes d’individus total total
des Cercueils des Cercueils de cercueils d’individus

Total de base
304 248 499 481 803 720

Estimation
de base 322 263 574 553 896 808

Quantité
originelle 6 440 5 260 11 480 11 060 17 920 16 160

Fig. 21 : Estimation du nombre originel de cercueils décorés


(avec et sans Textes des Cercueils) et du nombre de propriétaires.

Mais même ces dernières quantités sont-elles vraiment si


énormes ? Les cercueils ont été produits entre le début du
Moyen Empire pendant le règne de Montouhotep II (pas avant
2040) et la fin de la XIIe dynastie. On admet généralement que
cette catégorie de matériel a disparu pendant le règne de
Sénousret III (1870-1831) ou, au plus tard, pendant celui
d’Amenemhat III (1831-1786)76. On doit ainsi compter avec
une durée d’environ 225 ans.
La table suivante réduit la quantification des sarcophages
originels et leurs propriétaires à une moyenne annuelle pour le
Moyen Empire :

Sarcophages Nombre Sarcophages Nombre Nombre Nombre


avec Textes d’individus sans Textes d’individus total total
des Cercueils des Cercueils de cercueils d’individus

Quantité
originelle 6 440 11 480 11 480 11 060 17 920 16 160

Quantité
annuelle 28,6 23,4 51 49,2 79,6 71,8

Fig. 22 : Quantité annuelle estimée de cercueils décorés


et de leurs propriétaires.

76. Dates sur la base de l’Oxford History of Ancient Egypt, p. 480.

168
LES TEXTES DES CERCUEILS ET LA DÉMOCRATIE

Il convient aussi de comparer ce résultat avec la mortalité


totale au Moyen Empire. La table suivante offre une comparai-
son entre celle-ci et le nombre de morts possédant des cer-
cueils décorés. Ces derniers proviennent dans leur presque
totalité de Haute Égypte, le Delta faisant pratiquement défaut
dans la documentation. C’est pourquoi on comparera la quan-
tité annuelle des propriétaires de monuments funéraires ornés
de Textes de Cercueils avec la mortalité annuelle totale pour
la Haute Égypte77. Cette relation est également exprimée en
pourcentages.

Nombre de propriétaires Nombre de propriétaires Nombre total de propriétaires


d'un (ou plusieurs) d'un (ou plusieurs) d'un (ou plusieurs)
sarcophages inscrit(s) sarcophages décoré(s), sarcophages décoré(s)
avec des Textes des Cercueils mais sans Textes des Cercueils

Quantité
annuelle 23,4 51 71,8

Mortalité
annuelle en 34 375 34 375 34 375
Haute Égypte

Pourcentage de
la population
avec un 0,68 ‰ 1,5 ‰ 2,08 ‰
sarcophage
décoré78

Fig. 23 : Estimation de la proportion de la population totale


possédant des cercueils
(avec et sans Textes des Cercueils).

Le tableau montre clairement que disposer d’un sarcophage


décoré était très exceptionnel pour un Égyptien. Les proprié-

77. Voir p. 154-155.


78. Étant donné qu’une personne peut posséder à la fois des sarcophages avec et
sans Textes des Cercueils, le pourcentage total n’équivaut pas exactement à la
somme des colonnes 2 et 3.

169
LES TEXTES DES SARCOPHAGES ET LA DÉMOCRATIE

taires d’un sarcophage inscrit avec des Textes des Cercueils


étaient encore beaucoup plus rares79. Dans l’hypothèse que 5 %
seulement de ces cercueils ont laissé une trace, un seul Égyp-
tien sur mille quatre cent soixante-dix en détenait un. On peut
m’accuser d’être parti d’un point de départ trop pessimiste, et
qu’originellement le nombre de sarcophages de ce type était
plus élevé. Cela impliquerait que les chances de préservation
étaient encore bien pires que je ne l’ai supposé. Même si l’on
croit justifiable que 1 % seulement des cercueils ait été entière-
ment ou partiellement préservé, il ne reste pas moins qu’un
faible 3,4 ‰ de la population en possédait un, donc une per-
sonne sur trois cents80. Mais en se fondant sur une analyse
détaillée, surtout de Beni Hasan et de Deir el-Bersha, cette sup-
position me paraît totalement insoutenable.
Une vérification indépendante est possible pour le site de
Deir el-Bersha, où il est relativement facile d’aboutir à une esti-
mation quantitative du nombre d’individus ayant eu accès aux
Textes des Cercueils. Les sarcophages comportant ces textes y
sont presque entièrement concentrés dans les zones 1 et 2, et on
a pu établir un pronostic sur le nombre d’individus susceptibles
d’y avoir été enterrés. Notre calcul assez optimiste aboutissait à
un total de cent dix individus pour la période de deux cent vingt-
cinq années que nous étudions. Donc, une moyenne de presque
0,5 morts par an possédait un ou plusieurs sarcophages avec des
Textes des Cercueils. Aucun autre site dans le nome du Lièvre
n’a fourni des sarcophages comportant ces textes.

79. Selon l’estimation plus basse de l’espérance de vie de 25 ans environ (voir
p. 155) on atteint une mortalité annuelle de quarante-quatre mille personnes par
an. Sur cette base, un faible 0,53 ‰ de la population aurait possédé un sarco-
phage décoré de Textes des Cercueils.
80. On retiendra aussi que les calculs démographiques de Butzer ont été qualifiés
de relativement bas par Kemp et Kraus. Une estimation plus haute aurait comme
effet de réduire le pourcentage de propriétaires de cercueils décorés.

170
LES TEXTES DES CERCUEILS ET LA DÉMOCRATIE

L’étude démographique de K. Butzer a établi une estimation


de la densité de la population des nomes au Nouvel Empire. Pour
le nome du Lièvre, avec une surface de 650 km2, il calcule une
population moyenne par km2 de cent vingt-trois personnes. Sur
cette base on aboutit à une population de soixante dix-neuf mille
neuf cent cinquante personnes pour le nome81. Après correction
pour le Moyen Empire, où la population ne se montait, selon
Butzer, qu’à environ 69 % de ce nombre82, on a affaire à cin-
quante-cinq mille personnes à peu près, soit une mortalité
annuelle d’environ mille sept cent dix-neuf personnes. Si l’on
compare ce nombre aux 0,5 morts possédant des Textes des
Cercueils, on arrive à une proportion de 0,29 ‰ (autrement dit
un individu sur trois mille quatre cent cinquante possède des
Textes des Cercueils)83. Il est évident que ce décompte n’est pas
exact, mais il constitue une vérification indépendante, d’ordre
très général, qui suggère que notre premier calcul, d’une propor-
tion de 0,68 ‰, ne devait pas être trop pessimiste. Cette conclu-
sion s’impose d’autant plus, si l’on tient compte du fait 1° que le
site de Deir el-Bersha est un des plus riches en sources des Textes
des Cercueils dans l’Égypte entière ; 2° que la quantification du
nombre originel de cercueils inscrits de ces textes y est plus
claire qu’ailleurs et 3° qu’il n’y a aucun indice, dans le nome du
Lièvre, témoignant de l’existence d’autres cimetières où ce type
de matériel aurait été déposé.
On doit en inférer que l’idée courante selon laquelle les
Textes des Cercueils étaient « en principe » accessibles à tous
méconnaît entièrement la réalité. Disposer des Textes des
Cercueils était, au Moyen Empire, aussi rare qu’il ne l’est chez

81. Butzer, Early Hydraulic Civilization, p. 74, table 3.


82. Quantification fondée sur le décompte de la population de l’ensemble de l’Égypte, de
deux millions neuf cent mille pour le Nouvel Empire et deux millions pour le Moyen Empire.
83. Sur la base d’une espérance de vie moyenne de 25 ans, on arrive à deux mille
deux cents morts par an, dont 0,5 possèdent un sarcophage inscrit de Textes des
Cercueils, donc une personne sur quatre mille quatre cents ou bien 0,22 ‰.

171
LES TEXTES DES SARCOPHAGES ET LA DÉMOCRATIE

nous de posséder une Rolls Royce. Il faut en conclure que les


termes de « démocratisation », « démotisation », et même
« prolifération » sont inappropriés.

La distribution géographique des Textes des Cercueils

La position sociale n’est pas le seul facteur déterminant


pour savoir qui possédait ce type de textes. Si tel avait été le
cas, on s’attendrait à ce que des cercueils inscrits, aussi rares
soient-ils, aient été découverts à travers toute l’Égypte. Mais si
l’on observe à nouveau la figure 20, il est clair que les choses se
présentent différemment.
À première vue, on pourrait avoir l’impression que la liste
confirme l’hypothèse que les Textes des Cercueils sont présents
partout en Égypte. Le Delta manque, bien sûr, presque entière-
ment dans l’énumération, mais en raison des conditions de pré-
servation dans cette partie du pays, cela n’a rien d’étonnant.
Pour le reste, toute l’étendue de la Haute Égypte, entre Assouan
et Memphis, est représentée. On doit alors tirer la conclusion
qu’il était en principe possible d’avoir un sarcophage décoré avec
des Textes des Cercueils n’importe où dans le pays. Néanmoins,
la liste montre aussi que les chances de trouver un document avec
ces textes ne sont pas les mêmes partout.
La liste que j’ai dressée ne prend pas en considération l’évo-
lution chronologique des sarcophages. Aussi, quelques groupes
particuliers ont-ils été laissés entièrement de côté.
L’ensemble des cercueils d’Akhmim a été omis parce qu’ils
appartiennent à la Première Période Intermédiaire, avant
l’Unification du pays. On n’y rencontre pas de Textes des
Cercueils.
Le groupe relativement important des cercueils de
Dahchour a également été laissé de côté, car il date en grande
majorité de la fin de la XIIe dynastie ou du début de la XIIIe, et
leurs propriétaires étaient presque tous membres de la famille

172
LES TEXTES DES CERCUEILS ET LA DÉMOCRATIE

royale. Dans mon étude qui envisage la culture funéraire des


particuliers, ce matériel doit conséquemment être exclu84.
De surcroît, on constate que les dix-sept monuments ins-
crits de Licht n’appartiennent que partiellement à la tradition
générale du haut Moyen Empire. Dans plusieurs cas il s’agit de
salles funéraires de la fin de la XIIe dynastie ou même de la XIIIe,
décorées, dans un style caractéristique de Licht, avec des Textes
des Pyramides. Les sarcophages du prêtre Sesenebenef (L1-2Li)
datent de la XIIIe dynastie et sont ornés d’une manière qui ne
connaît aucun parallèle en Égypte85. Ces sources se situent
typologiquement hors du développement national des cercueils
privés. Si on ne les prend pas en considération, le matériel de
Licht se réduit à un nombre de douze monuments dont dix
contiennent des Textes des Cercueils. Il est remarquable que
Licht, le cimetière de la résidence, soit comparativement pau-
vre en documents comportant des Textes des Cercueils.
On peut clairement déterminer trois groupes quantitative-
ment importants dans la documentation. Le premier est celui
de la zone memphite, avec une quarantaine de sources des
Textes des Cercueils, provenant surtout des cimetières
d’Abousir et du voisinage de la pyramide de Téti. Le deuxième
consiste en matériel de Moyenne Égypte, entre Qaw el-Kebir
et Beni Hasan, avec quelques centaines d’exemplaires. Enfin,
quelques dizaines de sources sont originaires de Thèbes.

84. La mission japonaise à Dahchour a récemment découvert un sarcophage


décoré, mais sans Textes des Cercueils. Par son apparence, ce sarcophage, du
type IVaa, se range parmi ceux de la deuxième moitié de la XIIe dynastie, mais les
fouilleurs datent l’objet de la XIIIe dynastie. En fait, le masque funéraire pourrait
conforter une telle date (Waseda University Expedition 1966-2006, no. 248-249),
et le couvercle bombé milite aussi en faveur d’une date pas antérieure à la fin de
la XIIe dynastie. Robert Schiestl m’informe que la céramique relève également
d’une datation à la XIIIe dynastie. Ces indices suggèrent qu’on a affaire à un sar-
cophage encore décoré selon le modèle classique de la XIIe dynastie après la
période qui nous intéresse dans ce livre.
85. Pour les détails, voir Allen, dans : The World of the Coffin Texts, p. 1-15, parti-
culièrement p. 2 (type IV Var.) et p. 14-15.

173
LES TEXTES DES SARCOPHAGES ET LA DÉMOCRATIE

Il me semble significatif qu’un nombre si élevé d’exemplai-


res ait été retrouvé sur ces sites, tandis qu’on n’en connaît que
très peu d’autre origine.Ainsi,Abydos était un cimetière consi-
dérable, et les conditions de préservation y sont tout aussi favo-
rables que, par exemple, à Assiout. Néanmoins, on ne recense
que trois sarcophages décorés de Textes de Cercueils, en prove-
nant. Ce qui est assez étonnant, car le culte abydénien d’Osiris
jouait un rôle primordial dans la religion funéraire de l’époque.
Dans la mesure où les conceptions religieuses d’origine abydé-
nienne sont très fréquemment mentionnées dans les Textes des
Cercueils, on aurait pu supposer que le site ait fourni une quan-
tité importante de sources. Mais le fait que les contextes funé-
raires à Abydos n’incluent que très exceptionnellement des
Textes des Cercueils ne peut pas être nié86.
On doit en conclure que ces textes auraient pu apparaître
partout, mais qu’apparemment, la nécessité de les posséder
n’était pas ressentie de la même manière d’un site à un autre. Il
devient alors intéressant de savoir qui étaient les personnes par-
ticulièrement soucieuses d’en disposer.

SAQQARA ET ABOUSIR
Dans le cas des cercueils de Saqqara, la situation est claire.
Il n’y a pas de doute que la grande majorité date du début du
Moyen Empire, de la fin de la XIe dynastie jusqu’au début du
règne de Sénousret Ier, au plus tard. Des exemplaires plus tar-
difs existent, mais ils sont rares.
Ces sarcophages contiennent beaucoup de textes déjà
connus dans les pyramides de l’Ancien Empire. Plusieurs d’en-
tre eux ont été publiés par de Buck comme des Textes des
Cercueils ; mais dans le cas des formules d’offrande, très sem-

86. Un groupe de sarcophages inscrits de textes religieux de provenance abydé-


nienne, qui a été récemment publié, est typologiquement et chronologiquement
(Deuxième Période Intermédiaire) différent du matériel envisagé ici (Grajetzki, SAK
34 [2006], p. 205-216).

174
LES TEXTES DES CERCUEILS ET LA DÉMOCRATIE

blables à celles présentes dans les Textes des Pyramides, on est


en droit de se demander s’il ne s’agit pas simplement de
« Textes des Pyramides » dont, par hasard, on ne possède que
des exemples du Moyen Empire. Il est vrai, cependant, qu’on
rencontre également des Textes des Cercueils bien attestés
comme les formules 75 ou 335. Et, en fait, il n’est pas invrai-
semblable que les scriptoria d’Héliopolis et de la région mem-
phite, qui avaient élaboré les textes utilisés dans les pyramides
de l’Ancien Empire, aient aussi conçu d’autres types de docu-
ments. Une partie au moins de ceux-ci pourrait avoir été trans-
mise au Moyen Empire sous la forme des Textes des Cercueils.
Ces sarcophages de la région memphite proviennent en
grande majorité du cimetière lié à la ville de la pyramide du roi
Téti (ƒd s.wt Ttμ), qui abritait également, semble-t-il, la prêtrise
de la pyramide du roi Mérikarê (w“ƒ s.wt Mr.y-k“-R©). Cette der-
nière se trouvait probablement à l’est de celle de Téti87.
Beaucoup de ces pièces appartenaient certainement à des prê-
tres funéraires attachés à ces complexes royaux.
Selon H. Kees, les attestations du culte de Mérikarê mon-
treraient que ce cimetière date de la Première Période
Intermédiaire88. Mais Mérikarê régnait à la fin de cette période,
et il est difficile de replacer tous les prêtres attachés à son culte
avant l’Unification du pays par Montouhotep II. On sait aussi,
maintenant, que Gémeniemhat, le propriétaire de Sq1-2X et
prêtre de Mérikarê, vécut au début de la XIIe dynastie89. Il est
donc clair que les Thébains n’ont pas supprimé le culte funé-
raire de leur opposant défunt. La liste suivante offre un aperçu
des monuments mentionnant les pyramides de Téti et de
Mérikarê.

87. Malek, dans : Hommages Leclant IV, p. 203-214.


88. Par exemple Kees, Totenglauben, p. 167. Le raisonnement de Kees est encore
suivi, mais sans arguments supplémentaires décisifs, par Daoud, Corpus of
Inscriptions, passim.
89. Allen, dans : The Theban Necropolis. Past, Present and Future, p. 17.

175
LES TEXTES DES SARCOPHAGES ET LA DÉMOCRATIE

Sources Culte de Téti Culte de Mérikarê Autres titres


Sq4C mt.y n s“ s‡ nÚr ßr.y-Ìb.t μm.y-r Ìw.t-nÚr ßr.y-Ìb Ìr.y-tp
Ìr.y s‡t“ ßr.y-Ìb wr μm.y rnp.t
Sq8C μm.y-r Ìw.t-nÚr s‡ nÚr μm.y-r Ìw.t-nÚr ßr.y-Ìb μm.y rnp.t Ìr.y
s‡t“ sÌ-nÚr
Sq10Sq s̃ n s“ sƒm sƒm.t w©μ.w μm.y-r w nty m sr.wt
≈nt.y-‡ ÌÈ“ Ìw.t-nsw.t ≈rp k“.t ≈tm.ty-
bμ.ty smÌr w©.ty μr.y-μ≈.t nsw.t m“©
Sq1-2X mt.y n s“ mt.y n s“ ≈tm.w-bμ.ty smÌr w©.ty μm.y-r pr μr.y-
μ≈.t nsw.t m“© μm.y-r ‡nw.ty. La même
personne était aussi μm.y-r pr r≈ nsw.t
w©.w 90
Sq15X mt.y n s“ s‡ nÚr
Fausse-porte91 mt.y n s“ ≈nt. ≈tm.w-bμ.ty smÌr w©.ty nty m sr.t r≈
y-‡ nsw.t m“© ≈r.y-tp nsw.t ÌÈ“-Ìw.t r≈-
nsw.t m“© ≈rp k“.t m μmn.t.t μ“b.t.t
Fausse-porte92 mt.y n s“ μm.y-r m‡©
Fausse-porte93 mt.y n s“ ≈nt.y- mt.y n s“ ≈tm.w-bμ.ty smÌr w©.ty sƒm sƒm.t
‡ w©μ.w s‡ s“b μm.y-r w μm.y-r ‡n-t“ nb
s“b μr.y N≈n r≈-nsw.t s̃ s‡.w n Ìw.t-
wr
Fausse-porte94 s‡ pr-̃ s‡ ©pr.w n nfr.w μm.y-≈t pr.wy-̃
Fausse-porte95 mt.y n s“
Fausse-porte96 Titre
incomplet
mentionnant
la pyramide
Plâtre97 Mention
incomplète de
la pyramide

Fig. 24 : Monuments mentionnant les pyramides


de Téti et de Mérikarê.

90. Voir sa stèle dans Daoud, Corpus of Inscriptions, p. 59-61 et pl. XXIA.
91. Quibell, Saqqara 1905-1906, pl. XIII ; Daoud, op. cit., p. 66-69.
92. Quibell, op. cit., pl. XII.
93. Quibell, op. cit., pl. XV ; Daoud, op. cit., p. 71-73 et pl. XXV.
94. Quibell, Saqqara 1906-1907, pl. VI ; Daoud, op. cit., p. 73-75.
95. Firth, Gunn, TPC I, p. 202 (50) ; Daoud, op. cit., p. 155.
96. Firth, Gunn, TPC I, p. 202 (51) ; Daoud, op. cit., p. 155. Mention fragmentaire
dont ne subsiste qu’une partie du nom de la pyramide de Mérikarê.
97. Daoud, op. cit., p. 155 (impression d’un texte en plâtre contenant une mention
fragmentaire du culte de la pyramide de Mérikarê).

176
LES TEXTES DES CERCUEILS ET LA DÉMOCRATIE

On est frappé par la fréquence de l’élément Gémeni-


dans les noms des personnages dont nous connaissons les cer-
cueils, comme Gémeniemhat. Il est bien établi que cet élé-
ment est le nom abrégé du vizir Kagemni de l’Ancien
Empire, dont la tombe se trouvait à proximité de la pyramide
de Téti, et dont le culte jouissait apparemment d’une telle
popularité que les parents donnaient à leurs enfants des noms
comportant l’élément Gémeni-98. Étant donné le caractère
purement local de Kagemni, on est en droit de supposer que
les porteurs de noms du type Géméniemhat étaient originai-
res de la ville de la pyramide de Téti.Tout donne donc à pen-
ser qu’on a affaire à une communauté locale qui continuait à
fonctionner après la conquête thébaine autour des pyramides
de Téti et de Mérikarê. Il s’agissait certainement d’une com-
munauté importante, ce dont témoigne le fait que
Gémeniemhat fut nommé chef des greniers et majordome,
fonctions du plus haut niveau dans le gouvernement égyp-
tien99.
La situation à Abousir est comparable : les cercueils furent
trouvés dans le cimetière utilisé pendant le Moyen Empire par
les prêtres attachés au culte du roi Niouserrê100.
Enfin, on sait que le culte du roi Pépi Ier était toujours en
service pendant la Première Période Intermédiaire et peut-
être après. En 2005, A. Labrousse et C. Berger ont décou-
vert une nouvelle pyramide dans ce complexe101. Il s’agit d’une
pyramide de très petite dimension, datée du Moyen Empire ou
de la fin de la Première Période Intermédiaire102, et apparte-

98. Voir Daoud, op. cit., p. 60, n. 637, avec références bibliographiques.
99. Pour la position de cette personne, voir Allen, dans : The Theban Necropolis.
Past, Present and Future, p. 17.
100. Schäfer, Priestergräber.
101. Berger-el-Naggar, Labrousse, BSFE 164 (2005), p. 14-28.
102. C’est maintenant l’opinion de Catherine Berger-el-Naggar (communication
orale, 11 juin 2006).

177
LES TEXTES DES SARCOPHAGES ET LA DÉMOCRATIE

nant, non pas à un membre de la famille royale, mais à un par-


ticulier. Son seul titre actuellement connu (μmy-r ≈tm.t)
conforte l’hypothèse qu’il relevait des cercles les plus élevés
de l’administration de l’Égypte103. Par ailleurs, la situation ana-
logue à Abousir et autour de la pyramide de Téti laisse envisa-
ger que cet homme pourrait avoir été attaché au culte d’un roi
de l’Ancien Empire.
Un papyrus rituel avec des Textes des Pyramides, mais daté
du Moyen Empire, a été mis au jour, il y a quelques années, dans
le temple de la pyramide de Pépi Ier104. Dès lors, il est certain
que ces textes étaient vraiment en circulation dans la pratique
rituelle du Moyen Empire.
La présence de Textes des Pyramides et de Textes des
Cercueils dans ces cimetières peut être comprise aisément
par le fait qu’un nombre assez élevé de la population partici-
pait activement au culte royal pour lequel on utilisait effecti-
vement ces textes. Ces personnes occupaient une position
sociale prépondérante, et on ne s’étonne pas que, dans le
souci de bénéficier d’un culte funéraire faisant justice à ce
rôle, ils n’aient pu résister à la tentation d’inclure ces textes
religieux dont ils avaient une connaissance professionnelle
profonde105.

THÈBES ET LICHT
Le groupe thébain date majoritairement de la même épo-
que, durant la XIe dynastie après l’Unification du pays et jusque
sous le règne d’Amenemhat Ier. Ce qui est remarquable, c’est
que la tradition des Textes des Cercueils à Thèbes se réduit
énormément à partir du règne de ce roi. Des vingt-six sarco-
phages ornés de Textes des Cercueils, sept seulement, apparte-

103. Voir sur ce titre P. Vernus, dans : Grund und Boden, p. 253-260.
104. Berger-el-Naggar, dans : D’un monde à l’autre, p. 85-90.
105. Pour une explication complémentaire, voir p. 184.

178
LES TEXTES DES CERCUEILS ET LA DÉMOCRATIE

nant à six personnes, sont plus récents106. Il n’est pas difficile de


trouver une explication à cette concentration au début du
Moyen Empire, bien que ce phénomène, autant que je sache,
n’ait pas attiré l’attention jusqu’à présent. L’utilisation de ces
textes à Thèbes coïncide chronologiquement avec la présence
dans la ville d’une cour royale. Ils émergent à l’époque où
Montouhotep II est installé comme monarque du royaume
réuni, et ils disparaissent au moment où Amenemhat Ier démé-
nage la résidence vers Itji-taouy, aux environs de Licht. Ce
changement s’explique très aisément si on suppose que les pro-
priétaires de cercueils et de chambres funéraires appartenaient
directement à la cour du roi. Et, en fait, la liste de ces proprié-
taires se lit comme la nomenclatura de l’époque. On compte
quatre reines107, un vizir108, plusieurs « ministres »109, un « géné-
ral dans le pays entier »110, ou des porteurs de titres de rang,
respectables, mais peu spécifiques111.
Dans la région thébaine, on peut déterminer deux groupes
de sarcophages et chambres funéraires, distincts. D’une part,
il existait un style décoratif qui s’était apparemment déve-

106. T1Bal, T1-3Be, T2-3L. J’ai omis les cercueils noirs de la XIIIe dynastie, qui consti-
tuent, non pas une continuation du style classique des sarcophages, mais un déve-
loppement typologique complètement nouveau. J’ai aussi omis de la quantification
le sarcophage récemment découvert par Daniel Polz à Dra Abou el-Naga, sur
lequel peu d’informations sont actuellement disponibles (EA 26 [2005], p. 29 et
photographie à la p. 28). Je trouve difficile d’accepter, en me fondant sur la pho-
tographie, l’hypothèse que le sarcophage daterait de la XIIIe dynastie, comme le
suggère Polz.
107. Les propriétaires de T3C, T8C, T3NY, et TT319.
108. Dagi, propriétaire de la tombe TT 103 et du sarcophage T2C.
109. B w“w, le propriétaire du sarcophage T9C était ≈tm.ty bμ.ty smÌr-w©.ty μm.y-r
pr (m t“ r-ƒr=f) μm.y-r ‡nw.ty μm.y-r pr.wy-̃ im.y-r μp.t nb.t m ‡m©.w t“ mÌ.w ;
Snnw, propriétaire de T3X et TT313 était μr.y-p©.t [Ì“.ty-©] ≈tm.ty-bμ.ty smÌr-w©.ty
μm.y-r pr m t“ r-ƒr=f ; ∫ty (propriétaire de TT311), Mrw (propriétaire de TT240), et
Mk.t-R© (propriétaire de T2NY) étaient des « directeurs du trésor » (μm.y-r ≈tm.t) ;
pour ce titre, voir Vernus, dans : Grund und Boden, p. 251-260.
110. Le général Antef, propriétaire de T4X.
111. Horhotep, le propriétaire de T1C, était ≈tm.ty bμ.ty smÌr w©.ty.

179
LES TEXTES DES SARCOPHAGES ET LA DÉMOCRATIE

loppé localement, entre Thèbes et Assouan. Ces cercueils


étaient ornés d’un genre très spécifique de frises d’objets, et
présentaient un programme de textes funéraires incluant
quelques formules qui ne sont pas attestées en dehors de la
région112.
Par ailleurs, il est clair que certains cercueils et chambres
funéraires furent décorés selon des types également connus
dans le cimetière au voisinage de la pyramide de Téti113. Cela
suggère soit que les Thébains ont importé ce modèle depuis la
région memphite après qu’ils avaient pris le pouvoir dans le
nord de l’Égypte, soit qu’un modèle commun s’était imposé à
cette époque.
Dans le contexte particulier de l’utilisation de ces textes à
Thèbes, on doit prendre en compte un fait important. On a
constaté que les propriétaires des cercueils étaient des person-
nages très haut placés. C’étaient des membres du gouverne-
ment égyptien, et leurs tombes se trouvaient directement
autour de la tombe du roi.
Dans le passé, l’utilisation des Textes des Cercueils et des
Textes des Pyramides a fréquemment été décrite comme un
processus d’usurpation de prérogatives royales par des parti-
culiers. À Thèbes, il me semble difficile d’accepter cette
hypothèse, car les tombes de ces « usurpateurs » ont été
bâties à proximité du temple funéraire de Montouhotep II à
Deir el-Bahari. Il est clair que le roi n’aurait pas admis une
telle usurpation s’il y était opposé : on ne doute pas que
Montouhotep II aurait eu le pouvoir de l’interdire s’il l’avait
voulu. On doit en conclure que le roi n’y avait pas d’objec-
tion. Ce qui, dans cette situation, est tout aussi notable, c’est
que ni lui, ni, pour autant qu’on sache, aucun autre roi du
Moyen Empire, n’incluait ces textes funéraires dans sa pro-

112. Willems, Heqata, p. 52-54.


113. Willems, Chests of Life, p. 106 ; Idem, Heqata, p. 24, 47-48.

180
LES TEXTES DES CERCUEILS ET LA DÉMOCRATIE

pre tombe114. Dans ces circonstances, il n’y a plus aucun sens


à parler d’une usurpation des prérogatives royales. Il serait
plus exact de dire qu’un modèle de culture funéraire, qui
avait connu son essor à la cour royale à la fin de l’Ancien
Empire, était désormais utilisé par la couche dirigeante du
pays, tandis qu’un modèle nouveau de culture funéraire était,
dès lors, adopté par le roi lui-même115.
Quand le roi Amenemhat Ier déplaça le siège du gouverne-
ment dans la capitale nouvelle d’Itji-taouy, son entourage dut
déménager avec lui. Cela conduisit à la création du nouveau
cimetière royal de Licht. Plusieurs fonctionnaires y possédaient
des sarcophages ornés des Textes des Cercueils. Mais cet usage
ne se perpétua pas de manière très vigoureuse. Dix sources
décorées avec des Textes des Pyramides et des Textes des
Cercueils sont connues, datant de la période comprise entre
Sénousret Ier et Sénousret III. Deux de ces sources sont d’un
type très différent du matériel dont je m’occupe ici. Les autres
sources de Licht sont encore plus tardives et représentent une
tradition complètement distincte116.

114. On connaît deux sarcophages de Montouhotep. Le premier fut découvert par


Carter au Bab el-Hosam. Bien que la tombe ait été retrouvée intacte, le sarco-
phage ne contenait pas de corps. Évidemment, il s’agissait d’un ensevelissement
symbolique du roi. Le sarcophage, du type I, ne portait pas de décoration à l’in-
térieur ( Carter, ASAE 2 [1901], p. 204). Un fragment qui pourrait avoir appartenu
à un sarcophage décoré à l’extérieur avec le nom royal et une fausse-porte ou
façade de palais, mais non décoré à l’intérieur, a été découvert dans la tombe
royale par É. Naville et C.T. Currely (voir Arnold, Der Tempel des Königs
Mentuhotep III, p. 48 et pl. Ic, 61a). Le cercueil du roi Hor, de l’extrême fin de la
XIIe dynastie ou de la XIIIe comporte une sélection très réduite de Textes des
Pyramides à l’extérieur (voir De Morgan, Dahchour I, p. 101-105 et pl. XXXVI. Pour
la date, voir Aufrère, BIFAO 101 [2001], p. 1-41). Aucune salle funéraire royale du
Moyen Empire n’est inscrite avec des textes religieux.
115. Quirke, Ancient Egyptian Religion, p. 155-156, exprimait déjà ce point de vue.
116. Allen, qui prépare la publication de ce matériel, reconnaît six « styles ». Les
styles I et II comportent des cercueils en bois et en pierre du modèle étudié ici. Ces
huit sources s’échelonnent entre le règne de Sénousret Ier et Sénousret III ( Allen,
dans : The World of the Coffin Texts, p. 13-14). Allen n’inclut pas dans sa liste deux
morceaux de feuille d’or décorés avec des textes funéraires et provenant de

181
LES TEXTES DES SARCOPHAGES ET LA DÉMOCRATIE

LA MOYENNE ÉGYPTE
La présence des Textes des Cercueils à Thèbes et dans la
région memphite est donc concentrée au début du Moyen
Empire. Bien que la coutume ne s’éteigne pas totalement sur
ces sites, il ne s’agit plus d’une tradition dominante. En
Moyenne Égypte, l’évolution suit un cours tout à fait différent.
Non seulement on y trouve le nombre le plus élevé de sources
(voir les colonnes 3, 5 et 6 de la figure 20), mais il est égale-
ment clair que la popularité des Textes des Cercueils ne s’éteint
pas après Sénousret Ier. Entre Assiout et Beni Hasan surtout, le
nombre de sarcophages avec ces textes reste assez important.
Cette particularité, me semble-t-il, n’a pas été remarquée
jusqu’à présent. Pourtant, c’est un fait capital, comme on le
constatera plus loin.
Une enquête récente de L. Gestermann a apporté des ren-
seignements singulièrement intéressants sur le problème de la
dissémination des Textes des Cercueils dans cette région117. Elle
prend comme point de départ l’observation que la cour thé-
baine de Montouhotep II s’était emparée des textes funéraires
en circulation dans les archives memphites. On pourrait suppo-
ser que cette politique fut mise en œuvre par le biais du trans-
fert des archives memphites à Thèbes, mais Gestermann argu-
mente autrement.
Elle constate que les sarcophages de Deir el-Bersha contien-
nent une masse de textes si variée, si originale, et si considéra-

cercueils de Licht (L2-3NY) ; voir Willems, Chests of Life, p. 24. Ces dix sources sont
prises en compte dans les figures 20 et 21. Il existe en outre deux chambres funé-
raires, mais elles sont décorées dans un style entièrement différent, bien qu’elles
contiennent des Textes des Pyramides. Elles sont datables du règne d’Amenemhat
II (Allen, dans : The World of the Coffin Texts, p. 13-14). On pourrait également
ajouter la chambre funéraire L4NY et le bloc appartenant à une chambre funéraire
L6NY, qui sont aussi décorés dans un style qui n’a rien à voir avec notre matériel.
Je ne dispose pas de suffisamment d’informations sur le fragment de sarcophage
L5NY.
117. Gestermann, dans : D’un monde à l’autre, p. 201-217.

182
LES TEXTES DES CERCUEILS ET LA DÉMOCRATIE

ble, qu’il semble certain que, durant le Moyen Empire, cette


région devait avoir un accès direct à une archive exceptionnel-
lement importante – plus importante, en fait, que dans le reste
de l’Égypte. De surcroît, les Textes des Cercueils apparaissent
plus ou moins au même moment à Thèbes et à Deir el-Bersha.
Elle en déduit que les archives de textes religieux memphites
avaient été transférées, non à Thèbes, mais à Ashmounein /
Hermopolis. Cette ville se transforma en un centre de diffusion
pour les Textes des Cercueils, d’abord à Thèbes et à Deir el-
Bersha et, plus tard, à d’autres localités de Moyenne Égypte,
également.
Nos propres investigations, présentées dans le chapitre pré-
cédent, offrent un cadre historique dans lequel on comprend
mieux cette politique. On a vu que les Thébains avaient élevé le
nomarque Ahanakht Ier au poste de vizir provincial, de sorte
qu’il supervisait les régions nomarcales récemment acquises
par ces Thébains. On a également constaté que des fonctionnai-
res enterrés à Deir el-Bersha étaient en poste à Thèbes. Le cas
le plus intéressant dans ce contexte est celui d’Iha qui, comme
précepteur des princes thébains, jouait sans doute le rôle d’of-
ficier de liaison entre la cour royale à Thèbes et la cour nomar-
cale / vizirale à Deir el-Bersha. Il était en même temps respon-
sable d’une Maison de Vie, probablement à el-Ashmounein.
C’était donc un intellectuel qui travaillait dans un scriptorium
vraisemblablement rattaché au temple de Thot. Si, dans le
contexte établi par Gestermann, on voit cet homme occuper
une position de liaison entre Thèbes et le nome du Lièvre, exac-
tement au moment où les Textes des Cercueils apparaissent
dans les deux villes118, il me paraît séduisant de supposer qu’Iha
était un des hommes personnellement responsables de la diffu-
sion des Textes des Cercueils. Le fait que, de cette manière,

118. Autant qu’on sache, le nomarque Ahanakht est la première personne enterrée
à Deir el-Bersha qui possédait des sarcophages ornés de Textes des Cercueils.

183
LES TEXTES DES SARCOPHAGES ET LA DÉMOCRATIE

Ahanakht Ier obtenait, lui aussi, accès à ces textes extraordinai-


res, peut être interprété comme un autre privilège que le roi
thébain lui accordait119.
Quoi qu’il en soit, la politique des Thébains semble, si l’on
suit l’hypothèse très convaincante de Gestermann, avoir
conduit au développement conséquent du scriptorium d’el-
Ashmounein. Il constitua le point de départ de l’apparition des
Textes des Cercueils non seulement à Thèbes et à Deir el-
Bersha, mais aussi, légèrement plus tard, dans des régions
nomarcales, ailleurs en Moyenne Égypte. On doit se demander
si la grande popularité de ces textes à Saqqara après
l’Unification du pays peut aussi être mise en relation avec les
activités du centre de dissémination textuelle du scriptorium
hermopolitain.

Les Textes des Cercueils et la religion funéraire


dans les hauts-lieux nomarcaux.

La répartition géographique des Textes des Cercueils me


paraît hautement significative. Dans le premier chapitre j’ai
essayé de montrer qu’au Moyen Empire, la « nomarchie » était
un phénomène plutôt régional, dont l’influence n’était pas du
même ordre dans les différentes parties du pays. À la fin de
l’Ancien Empire, il semble que la plupart des régions ait été
dirigée par un « nomarque », même si le titre Ìr.y-tp ©“ n’est pas
mis en évidence partout. Au cours de la Première Période
Intermédiaire, les nomarques disparurent dans la région thé-
baine, mais ils persistèrent dans la portion du pays gouvernée
par les Héracléopolitains. Finalement, pendant le Moyen
Empire, on constate l’existence d’un cadre assez diversifié. Le
type de système d’administration n’apparaît pas aussi claire-

119. Pour d’autres privilèges, voir p. 99-103.

184
LES TEXTES DES CERCUEILS ET LA DÉMOCRATIE

ment dans chaque région. Mais ce qui appert de manière cer-


taine, c’est qu’en Moyenne Égypte, des lignées de nomarques
restaient sur le trône çà et là. Les exemples les plus patents sont
les nomes où se trouvent les cimetières de Qaw el-Kebir,
d’Assiout, de Deir el-Bersha, et de Beni Hasan. Dans la région
de Meir120, un nouveau nomarcat semble avoir été installé pen-
dant le règne d’Amenemhat Ier, de sorte que toute la région
entre Qaw el-Kebir et Beni Hasan fut dirigée par des lignées de
nomarques. Il s’agit exactement des sites qui ont fourni le nom-
bre le plus élevé de sarcophages inscrits de Textes des
Cercueils121. Cette coïncidence serait-elle due simplement au
hasard ?
En examinant ce point, on doit avoir présent à l’esprit un
autre phénomène : celui de la disparition des nomarques. C’est
une question qui a été intensément discutée.
Les nomarques disparurent vers la fin de la XIIe dynastie
dans des circonstances qu’on ne comprend, pour l’instant, que
très mal. Selon E. Meyer qui supposait encore que les nomar-
ques étaient présents à travers toute l’Égypte, ces administra-
teurs auraient développé une force si menaçante pour la
monarchie, que Sénousret III les aurait abandonnés brusque-
ment pour avoir les mains libres122. Cette hypothèse, largement
acceptée pendant longtemps, a été, dans les dernières années,
l’objet de beaucoup de critiques.Actuellement, on admet géné-

120. Willems, Chests of Life, p. 84-85.


121. À Qaw, le nombre de sources des Textes des Cercueils n’est pas important,
mais les grandes tombes nomarcales qui ont été fouillées ne semblent commencer
qu’à l’époque d’Amenemhat II ; pour la chronologie, voir Grajetzki, GM 156
(1997), p. 55-65. Par ailleurs, on ne sait pas du tout précisément quelle quantité de
matériel a été trouvée par des fouilleurs comme Schiaparelli. On rappellera que
les cent cinquante-neuf sarcophages qu’il a découverts à Assiout et qui sont actuel-
lement conservés au musée de Turin étaient, jusqu’à la thèse de doctorat de
Zitman, presque entièrement inconnus. Il existe aussi du matériel dans d’autres col-
lections : voir Ciampini, La sepolture di Henib, p. 11.
122. Meyer, Geschichte des Altertums I2,2, p. 252-253 = I3,2, p. 276.

185
LES TEXTES DES SARCOPHAGES ET LA DÉMOCRATIE

ralement que la disparition des gouverneurs ne doit pas être


interprétée comme un coup de force du roi, mais plutôt
comme un processus lent qui dura plusieurs décennies.
D. Franke essaye de montrer que les « nomarques » de la XIIe
dynastie étaient les derniers représentants d’un passé glorieux,
mais il suppose qu’il n’y avait plus de place pour eux dans le cli-
mat socio-politique de l’époque. Il considère qu’au moment où
un de ces derniers « fossiles vivants » mourut, on avait simple-
ment perdu tout intérêt pour lui donner un successeur. Cela
expliquerait pourquoi l’abolition de la « nomarchie » fut une
évolution lente englobant une bonne partie des règnes de
Sénousret II, Sénousret III, et Amenemhat III.
En étudiant la famille des gouverneurs du nome de l’Oryx,
Franke décrit également ce qu’il advint des descendants des
derniers nomarques. Le fils de Khnoumhotep II de Beni Hasan,
lui aussi appelé Khnoumhotep, fut nommé à un poste impor-
tant dans la capitale où sa tombe, un très beau mastaba, a été
retrouvée123.
Bien que j’accepte plusieurs éléments du raisonnement de
Franke, je pense que les nomarques du Moyen Empire
n’étaient aucunement des « fossiles vivants ». En Moyenne
Égypte, ils restèrent une puissance redoutable durant une
bonne partie de la XIIe dynastie. Aussi, leur disparition est-elle
à revoir sur quelques points. Selon la liste établie par Franke,
les derniers représentants de la « nomarchie » seraient les sui-
vants :
• dans le premier nome, le Ì“.ty-© μm.y-r Ìm.w-nÚr Héqaib,
daté des règnes de Sénousret III / Amenemhat III.
• à Qaw el-Kebir, le Ì“.ty-© μm.y-r Ìm.w-nÚr Ouahka II, daté
des règnes de Sénousret III / Amenemhat III.

123. Franke, dans : Middle Kingdom Studies, p. 51-67. Pour une reconstitution de
ce monument, voir Arnold, dans : Timelines I, p. 37, fig. 1 ; voir aussi Arnold,
Oppenheim, ASAE 79 (2005), p. 27-28.

186
LES TEXTES DES CERCUEILS ET LA DÉMOCRATIE

• à Assiout, les Ì“.ty-© μm.y-r Ìm.w-nÚr Djefaihâpi III et IV


(Amenemhat II / Sénousret II).
• à Meir, le Ì“.ty-© μm.y-r Ìm.w-nÚr Oukhhotep IV (Sénousret
III / Amenemhat III).
• à Deir el-Bersha, le Ì“.ty-© μm.y-r Ìm.w-nÚr Ìr.y-tp ©“ n Wn.t
Djéhoutihotep (Sénousret III).
• à Beni Hasan, le Ì“.ty-© μm.y-r Ìm.w-nÚr Khnoumhotep II et
son fils Khnoumhotep III (Sénousret II / III).

Ces dates sont à reprendre sur quelques détails significatifs. À


Assiout, on connaît maintenant la tombe d’un Ì“.ty-© et μdnw
Khéty, datable du règne de Sénousret III / Amenemhat III124. Par
ailleurs, provenant de Deir el-Bersha, est conservé au musée du
Caire le sarcophage CG 28099, appartenant à un Ì“.ty-©
Djéhoutinakht qui pourrait être plus tardif que le nomarque
Djéhoutihotep. Ce dernier mentionne les rois Sénousret II et III
dans sa tombe. Si Djéhoutinakht était un dignitaire local qui avait
succédé à Djéhoutihotep, il pourrait, comme l’a déjà suggéré
Brovarski, avoir été encore en fonction au début du règne
d’Amenemhat III125. À Beni Hasan, la datation proposée par
Franke repose sur la mention de l’an 6 de Sénousret II dans la
tombe de Khnoumhotep II126. Cette date apparaît dans la scène
célèbre montrant l’arrivée d’un groupe de bédouins du désert
oriental, apportant de la galène. Ils sont introduits devant le
nomarque par un scribe qui lui présente un document officiel.
L’en-tête du papyrus commence avec la date citée. Il est clair que
Khnoumhotep devait être en fonction pendant l’an 6, mais le

124. Magee, dans : Proceedings of the Seventh International Congress of


Egyptologists, p. 717-729 ; datation et interprétation admises par Zitman, The
Necropolis of Assiut, p. 25-33.
125. Voir Brovarski, dans : Studies Dunham, p. 23 et n. 68 ; 25 et 29. On doit
avouer que sa position chronologique n’est pas aussi certaine que le suggère
Brovarski : voir Willems, Chests of Life, p. 79.
126. Beni Hasan I, pl. XXXVIII.

187
LES TEXTES DES SARCOPHAGES ET LA DÉMOCRATIE

moment où il mourut peut se situer sensiblement plus tard et,


bien que Khnoumhotep III n’ait pas achevé sa tombe, l’inscrip-
tion qui y a cependant été gravée montre qu’il fut gouverneur127.
Les dates disponibles s’échelonnent donc au cours d’une
période beaucoup moins longue que ne le pensait encore
Franke : la deuxième moitié du règne de Sénousret III et (le
début de) celui d’Amenemhat III. Il est possible, dans ces condi-
tions, qu’on ait quand même affaire à un coup politique. Mais
je ne me prononcerai pas sur cet aspect. Pour nous, il est plus
important de noter qu’aucun de ces chefs les plus tardifs ne
s’appelle plus nomarque (Ìr.y-tp ©“), ce qui pourrait signifier
qu’ils ne furent pas « démissionnés » directement, mais qu’ils
avaient déjà auparavant subi une certaine perte de statut. À
l’exception de Ouahka II de Qaw el-Kebir, leurs tombes sont
également plus petites que celles de leurs prédécesseurs. Il est
aussi intéressant de renvoyer à un Ì“.ty-© Wn.t, appelé
Oupouaouthétep, donc un notable d’el-Ashmounein. À la dif-
férence des nomarques du nome du Lièvre, celui-ci porte le
titre de maire. Il ne peut pas être rangé parmi les nomarques de
la XIIe dynastie. Typologiquement, le scarabée où apparaît sa
titulature, est datable dans un laps de temps compris entre
Sénousret II et la fin de la dynastie128. On pourrait être en pré-
sence d’un successeur des nomarques avec un statut moins
élevé. Ce ne doit pas être une simple coïncidence que l’on ne
connaisse pas de tombe pour ce personnage.

Les résultats de la discussion précédente ne sont malheureu-


sement pas très précis, mais on peut néanmoins reconnaître
trois phases historiques. Au début de la XIIe dynastie, les chefs
de province sont encore très puissants, situation qui perdura

127. Beni Hasan I, p. 7. Le titre très élevé de μr.y p©.t Ì“.ty-© ne peut guère être inter-
prété autrement sur ce site : voir Ward, GM 71 (1984), p. 51-57.
128. Martin, Egyptian Administrative and Private Name Seals, p. 36 (406) ; pour
l’interprétation, cf. Brovarski, loc. cit.

188
LES TEXTES DES CERCUEILS ET LA DÉMOCRATIE

jusque pendant le règne de Sénousret III, où plusieurs d’entre


eux portaient toujours le titre explicite de nomarque (Ìr.y-tp
©“). Pendant le règne de ce roi, et même encore après, on
constate que les potentats locaux restent en place, mais que le
titre de nomarque n’apparaît plus, et que les tombes semblent
devenir plus petites. À la fin du règne de Sénousret III et au
début ( ?) de celui de son successeur, les anciennes lignées des
chefs locaux s’effacent finalement aussi en Moyenne Égypte.
Ce qui est notable pour nous, c’est que parallèlement au
processus de perte de pouvoir, les Textes des Cercueils dispa-
raissent également : en effet, peu de sarcophages les compor-
tant peuvent être datés avec certitude d’une époque posté-
rieure au règne de Sénousret III129.

Une hypothèse sur la portée des Textes des Cercueils

L’évolution telle qu’elle est décrite ci-dessus suggère que


les Textes des Cercueils étaient, au début du Moyen Empire, les
textes funéraires des couches dirigeantes du pays, mais non pas
du roi lui-même. Aussitôt après, les membres de l’élite égyp-
tienne perdirent apparemment leur intérêt pour eux, sauf dans
les cours nomarcales, où ils demeurèrent en usage pour les
gouverneurs et les membres de leurs familles, mais aussi pour
les hauts fonctionnaires de l’administration du nome. Il semble
que ces textes, pour une raison ou une autre, y exerçaient
encore une attraction qu’ils n’avaient plus ailleurs. À cette épo-
que, on pourrait dire que les Textes des Cercueils étaient l’ex-
pression, non des idées funéraires du Moyen Empire en géné-
129. Tout récemment, Grajetzki a établi une liste de sources s’échelonnant entre la
XIIIe dynastie et la XVIIe, liste qui montrerait, selon lui, que « the tradition of placing
religious texts on coffins never really ceased » (SAK 34 [2006], p. 213-214). Mais
cette liste est très courte et suggère plutôt une baisse énorme de l’intérêt pour ces
textes. De surcroît, comme j’ai l’intention de le montrer ailleurs, les textes dont parle
Grajetzki, bien que placés sur des sarcophages, dérivent d’un cadre théologique
tout à fait différent de celui des Textes des Cercueils dont il est question ici.

189
LES TEXTES DES SARCOPHAGES ET LA DÉMOCRATIE

ral, mais surtout des couches dirigeantes de Moyenne Égypte.


La question se pose de savoir pourquoi ce groupe, sociologi-
quement très spécifique, était attiré avec tant de force par des
textes funéraires qui, dans le reste de l’Égypte, n’étaient plus à
la mode. Il est vain d’espérer que les textes nous renseignent de
façon directe, et l’interprétation que je vais proposer ne peut
être, pour cette raison, qu’une hypothèse.
Tout d’abord, on doit avoir présent à l’esprit qu’il s’agit
d’une problématique complexe, qui ne s’explique probable-
ment pas comme la conséquence d’une seule cause.
La présence de la Maison de Vie à el-Ashmounein, où de
grandes archives de textes funéraires avaient été déposées
depuis le début du Moyen Empire au moins130, doit avoir joué
un rôle important. Là, au centre du « territoire nomarcal », une
institution qui étudiait et élaborait ces textes était disponible.
Cela ne constitue sûrement pas l’unique raison de la popularité
persistante de ces textes en Moyenne Égypte, mais ce fut cer-
tainement une conditio sine qua non.
Par ailleurs, le contenu des textes a dû être jugé important.
Il faut donc que ces textes renferment des éléments qui, dans
une perspective conceptuelle, aient continué à être considérés
comme d’une haute validité. Il n’est malheureusement pas
facile de déterminer quels sont ces éléments. Les textes sont
très nombreux, très variés, et très difficiles à comprendre. Si
l’on ne veut pas suivre le verdict apodictique de Kees (« Bei der
Beschriftung der Särge herrschte kein System »131), on doit
essayer de déceler les principes directeurs de ces formules.
Mais ne sachant pas ce que nous cherchons, notre quête res-
semble à celle d’une aiguille dans une meule de foin.

130. L’hypothèse de Gestermann (voir p. 182-183), que je suis, mais que je n’ai pas
analysée dans sa totalité ci-dessus, implique non seulement que des textes d’origine
memphite furent transférés à el-Ashmounein, mais aussi qu’il existait dans cette ville
un fonds proprement hermopolitain.
131. Kees, dans : HdO Literatur, p. 61.

190
LES TEXTES DES CERCUEILS ET LA DÉMOCRATIE

Mon point de départ sera complètement différent de celui


de Kees. Bien qu’il essaye sans cesse de repérer les liens entre
la complexité des textes anciens et le monde réel – la nature,
l’astronomie, la vie quotidienne –, la manière dont il organise
sa discussion expose le lecteur, dès le début, à un bombarde-
ment de citations de textes très ardus. Ce n’est pas un repro-
che. On ne peut qu’admirer la profondeur des connaissances de
Kees. Mais ayant lu son livre, on reste avec le sentiment, d’ail-
leurs pas entièrement injustifié, que la religion égyptienne s’ap-
parente à un nœud gordien d’associations mythologiques.
Pour éviter ce problème, je ne vais pas immédiatement
envisager les textes les plus classiques et les plus riches en allu-
sions mythologiques et interprétations théologiques. Je me
concentrerai, au contraire, sur des aspects plutôt terrestres. Il
existe un petit nombre de Textes des Cercueils « sans mytholo-
gie », et un deuxième groupe quantitativement plus important
où la mythologie ne semble jouer qu’un rôle secondaire. Dans
ces textes, ce qui compte avant tout c’est la relation entre les
morts et les vivants, et aussi le monde où demeurent les morts.
Dans les Textes des Pyramides, et en grande partie également
dans les Textes des Cercueils, c’est le monde stellaire ou solaire
où les morts vivent avec les dieux qui prend la première place.
L’ensemble dont je vais d’abord m’occuper évite largement
une telle complexité symbolique. Le monde des morts semble
n’y être pas tellement différent de celui des vivants, et il existe
un grand nombre de liens entre les deux.
On rencontre la même tonalité dans les lettres aux morts
déjà évoquées en passant132. La théologie y fait presque entière-
ment défaut. Les problèmes qui se posent au traducteur ne sont

132. Pour la publication de base d’un grand nombre de ces textes, voir Gardiner,
Sethe, Egyptian Letters to the Dead ; pour des références bibliographiques plus
récentes et pour une interprétation de la façon de délivrer ces lettres aux destina-
taires, voir Willems, dans : Social Aspects of Funerary Culture, p. 337-355 ; 357-
361. Voir aussi Donnat, La peur du mort.

191
LES TEXTES DES SARCOPHAGES ET LA DÉMOCRATIE

pas à minimiser, mais il s’agit surtout d’incertitudes sur les


liens entre les personnes mentionnées ou de détails de traduc-
tion. L’aspect général de l’Autre monde tel qu’il apparaît dans
ces documents est, par ailleurs, relativement facile à compren-
dre, et notre enquête commence donc là.
Les expéditeurs des lettres évoquent leurs soucis, ainsi le
désir d’avoir des enfants, d’être guéri d’une maladie, ou d’être
délivré de problèmes sociaux ou financiers. Dans la dernière
catégorie s’inscrivent des situations où les survivants se trou-
vent confrontés à des membres de leur famille ou à des voisins
qui s’emparent de leur propriété. Dans leur désespoir, ils
appellent le mort à l’aide.

LES LETTRES AUX MORTS


Les expéditeurs sont toujours des proches parents du
mort : le fils ou la femme, par exemple. Techniquement, ils
approchent le défunt dans le contexte du rituel d’offrande.
Après avoir rétabli le contact avec lui au cours de la cérémonie,
ils terminent avec un épisode rituel qui a pour but de combat-
tre les influences nocives, soit pour le mort lui-même, soit
pour la famille qui exécute le rituel. Ce moment offre le cadre
propice où l’on peut s’adresser au défunt. Fréquemment, la let-
tre est écrite sur un bol qui vient d’être utilisé pour lui présen-
ter les offrandes. Donc, de manière très pragmatique, on consi-
dère apparemment que le mort (“≈) qui vient chercher les
offrandes ne peut rester ignorant du contenu des textes écrits
sur le contenant.
Les demandes sont plutôt d’ordre pratique. Ainsi, dans une
lettre datée de la fin de l’Ancien Empire, les expéditeurs écri-
vent qu’une autre famille de leur village cause des problèmes
qui peuvent mettre en péril la continuité de leur maisonnée. Il
est sous-entendu qu’un membre aîné de cette autre famille,
appelé Béhesti, est déjà mort et se trouve donc dans le domaine
des morts où demeure aussi le destinataire de la lettre. On

192
LES TEXTES DES CERCUEILS ET LA DÉMOCRATIE

demande à ce dernier : « Éveille ton père Iii133 contre Béhesti !


... Lève-toi contre eux avec tes ancêtres, tes frères, et tes amis,
que tu puisses combattre Béhesti et ©An©ankhi, fils d’Aai134 ». Il
est clair que les familles sont envisagées comme des lignées
dont quelques membres habitent la terre tandis que d’autres
résident dans le monde des morts. En cas de problème, on peut
s’adresser aux parents morts qui ont la possibilité de se mettre
en contact avec les parents défunts de l’autre famille. Par l’in-
termédiaire des morts, une famille essaye donc d’influencer le
comportement d’une autre famille avec laquelle les relations
quotidiennes se trouvent dans une impasse.
Le passage cité montre un monde de l’Au-delà qui ressem-
ble assez fortement au monde des vivants. On y vit avec des
parents et des amis, et on communique avec d’autres familles,
même si, dans le cas cité, la forme que prend la communication
ne semble pas très agréable. L’Au-delà s’apparente à un village
égyptien.
On se met en contact avec les parents morts pendant le rituel
d’offrande, moment crucial pour les défunts, parce qu’ils en sont
dépendants pour obtenir leur nourriture. Fréquemment, les let-
tres aux morts contiennent des remarques dépourvues de sub-
tilité qui suggèrent que l’expéditeur de la lettre ne pourra plus
offrir ces offrandes si le mort ne s’engage pas en sa faveur. Les
défunts et les vivants vivent donc dans une interdépendance
mutuelle.

LES FORMULES 131 À 146 DES TEXTES DES CERCUEILS135


Plusieurs formules des Textes des Cercueils expriment une
perception du monde des morts, très proche de la tonalité des

133. Le déterminatif montre que lui aussi était mort.


134. Apparemment un membre mort de la même famille que Béhesti. Le passage
cité se trouve dans Gardiner, Sethe, Egyptian Letters to the Dead, pl. I, 9-11.
135. CT II, 151a-205e [131-146] ; pour l’interprétation de ces formules, voir en détail
Willems, dans : Religion in Context, à paraître.

193
LES TEXTES DES SARCOPHAGES ET LA DÉMOCRATIE

lettres aux morts. Le groupe des formules 131 à 146 en offre


un bon exemple. Ces textes ont pour but d’« unifier la “b.t d’un
homme avec lui dans la nécropole »136. Le terme “b.t est souvent
traduit par « famille », mais il renvoie en fait à un groupe social
d’un caractère un peu différent : une sorte d’ensemble domes-
tique. Le mort veut donc être réintégré dans un groupe de
parenté conçu comme une unité spatiale – il est difficile de
s’imaginer un groupe domestique autrement. Mais il ne s’agit
pas d’une simple maisonnée, car, par exemple, l’épouse d’un
homme n’appartenait pas à sa “b.t. Le groupe semble plutôt
avoir été une unité sociale avec un statut juridique bien défini,
qui était responsable de la gestion de la propriété familiale.
L’idée sous-jacente qui en ressort clairement est que cet aspect
matériel et juridique importait dans l’autre monde.
À plusieurs reprises, ces textes décrivent d’ailleurs des cir-
constances remarquablement « ordinaires » de la vie funéraire.
Quand le mort arrive dans l’Au-delà, ses parents travaillant dans
les champs jettent à terre leurs outils pour le recevoir dans leur
milieu. De plus, le défunt possède un décret – selon la formule
131, un décret promulgué par un roi qui n’est autre que le dieu
Geb – qui stipule que ses parents ne sont plus obligés de travail-
ler pour Isis et certains autres dieux137. Sans doute, avec l’aide de
ce document, les morts pouvaient-ils vivre la vie seigneuriale, un
souhait qui est aussi, on l’a vu, la raison de déposer certains types
de mobilier funéraire dans les tombes depuis l’Ancien Empire138.

LA FORMULE 149 DES TEXTES DES CERCUEILS139


Un autre texte assez répandu fait état de la « famille »-“b.t :
c’est la formule 149. Lui aussi n’offre que peu d’éléments

136. CT II, 180a [146].


137. CT II, 201b-204b [146], 151a-152c [131]. L’atmosphère n’est pas sans rappeler
la formule des ouchebtis (CT VI, 1a-2k [472]), et le chapitre 6 du Livre des Morts.
138. Voir p. 142-149.
139. CT II, 226b-253g [149].

194
LES TEXTES DES CERCUEILS ET LA DÉMOCRATIE

mythologiques. On doit même se demander s’il s’agit d’un


texte religieux utilisé sur terre par un prêtre dans le contexte
de certains rituels, ou d’un texte écrit purement pour l’usage
par un défunt dans l’Au-delà. Les deux possibilités ne s’ex-
cluent d’ailleurs pas. Certains détails de la formule montrent
que le protagoniste est mort, mais il n’est pas impossible
qu’une Vorlage légèrement différente ait été utilisée dans un
cadre rituel. En tout cas, dans ce texte, le défunt doit, selon
l’introduction, se dresser comme un prêtre140, avant que l’ac-
tion, qui est très hargneuse, ne débute.
La formule a pour but de faire triompher un homme sur ses
ennemis. Le contexte est juridique : le protagoniste combat son
ennemi devant un tribunal (ƒ“ƒ“.t), parce que le second a mal agi
envers le premier. L’ennemi et sa “b.t sont présents ; on suppo-
serait sur la base des formules 131-146 que la “b.t du défunt est
aussi présente, mais le texte ne contient pas de spécifications à
cet égard. L’opposant est, de surcroît, accompagné d’un
conseiller, mais finalement le défunt sort en vainqueur. À ce
moment-là, le texte prend un tour violent. Le mort, qui a
adopté la forme d’un « faucon humain », déchire son ennemi en
présence de sa famille. L’ennemi ayant été abattu, sa maison –
dans l’Au-delà ou sur terre ? – est détruite, et sa famille terres-
tre souffre également.
On voit des familles dans l’Au-delà se combattant entre elles,
sous la direction du défunt d’un côté et de « l’ennemi » de l’au-
tre. On a l’impression que ce qui se passe dans ces circonstances
est comparable à l’intervention réclamée par Iii contre Béhesti,
selon la lettre au mort citée auparavant. Comme dans cet exem-
ple, les agissements envers les ennemis morts sont supposés avoir
des conséquences pour les membres de la famille encore vivants.
Dans la lettre au mort, leur sort n’est pas précisé, mais il est cer-

140. CT II, 226b-227b [149]. Pour une bonne traduction et interprétation du texte,
voir Grieshammer, Jenseitsgericht, p. 131-148.

195
LES TEXTES DES SARCOPHAGES ET LA DÉMOCRATIE

tain qu’après l’action que doit entreprendre Iii, ils ne seront plus
capables de gêner les expéditeurs de la lettre. Dans la formule
149, on dit qu’ils sont « chassés »141.
Les événements décrits dans la formule 149 n’ont rien de
mythologique. Mais des faits miraculeux se produisent : le
défunt se change en un oiseau prédateur pour s’emparer de son
ennemi. En outre, bien que leur présence ne soit pas essentielle
pour comprendre la trame de l’histoire que raconte la formule,
des dieux entrent en scène à l’arrière-plan, comme déjà dans
les formules 131-146. Car le tribunal est dit être celui d’Osiris
Khentamenti, et ce dieu se réjouit du succès du défunt142. Tout
donne l’impression que les défunts se trouvent dans l’autre
monde de concert avec les dieux, mais sans encore s’identifier
eux-mêmes aux dieux.

LES FORMULES 30-41 DES TEXTES DES CERCUEILS143


Pour pouvoir survivre, le mort était dépendant des offran-
des qui lui sont apportées régulièrement par sa famille. Le
groupe de formules 30-41 constitue une liturgie récitée pen-
dant certains jours de fête dans la nécropole, au moment où la
famille dépose les offrandes. Le texte est prononcé par le fils
d’un père défunt.
Le fils se présente comme le successeur du père, qui prend
soin du mort. Dans la culture égyptienne il existait un lien étroit
entre les deux : pour avoir droit à la succession, on devait s’occu-
per des funérailles – et, sans doute, du culte funéraire – du père144.

141. CT II, 245b [149].


142. CT II, 233b, 246a [149].
143. CT I, 82/83a-177h [30-41]. Pour les détails de ce qui suit, on consultera
Willems, dans : Social Aspects of Funerary Culture, p. 253-372.
144. Pour le Nouvel Empire on s’exprimait même de manière proverbiale à cet
égard ; on lit dans le P. Caire JE 58092, r° 10-11 : « “C’est à celui qui enterre qu’on
donne les possessions” dit-on, c. à d. la loi de Pharaon » ; Janssen, Pestman,
^
JESHO 11 (1968), pl. 1 ; voir aussi O. Petrie, r° 7 - vs. 1 ; vs. 4-7 : Cerný, Gardiner,
HO I, pl. XXI. Pour d’autres sources, voir Janssen, Pestman, op. cit., p. 168.

196
LES TEXTES DES CERCUEILS ET LA DÉMOCRATIE

La relation entre père et fils est donc, même après la mort du


père, une sorte de symbiose, car le fils ne peut pas obtenir sa posi-
tion sociale sans montrer un intérêt actif pour le défunt, tandis
que le père dépend du fils pour sa survie. Dans les textes qui nous
occupent, cette symbiose est parfois formulée d’une manière par-
ticulière. Le fils déclare pendant le rituel :

Tu145 es ici dans ce pays sacré où tu te trouves comme


mon avocat146 qui est dans le tribunal du dieu147, tandis
que je suis ici dans ce pays des vivants [comme] ton avo-
cat qui est dans le tribunal des hommes148.

Ce passage oppose un tribunal dans l’Au-delà avec un


autre dans le monde terrestre, ce dernier étant apparemment
une cour de justice où les vivants peuvent déposer plainte
contre un mort. On pourrait douter de l’existence réelle de
cette alternative ; cependant, Diodore de Sicile, I, 92, écrit
qu’avant le départ de la barque funéraire,

la loi permet à tous ceux qui le veulent de déposer


plainte contre le défunt. Donc, si quelqu’un s’avance
pour l’accuser et peut apporter la preuve qu’il a vécu
une vie mauvaise envers tous,les juges annoncent ce ver-
dict à tous et refusent au corps un enterrement normal.

Ce texte fait aussi état de quarante-deux juges, ce qui


prouve de manière indubitable le lien avec le tribunal divin du
chapitre 125 du Livre des Morts. Bien qu’il reste difficile d’en-
trevoir ce qu’était en réalité un tel tribunal, le passage de la for-

145. Le père.
146. Littéralement : « parleur ».
147. Osiris, comme dans la formule 149 ?
148. CT I, 176d-g [40] ; cf. CT I, 171j-172e [39]. On comparera avec CT VII, 908r
[908].

197
LES TEXTES DES SARCOPHAGES ET LA DÉMOCRATIE

mule 40 des Textes des Cercueils, traduit ici, pourrait bien


contenir une allusion à une pratique comparable ; pratique exé-
cutée non pendant les funérailles, mais durant une fête mor-
tuaire149. Le père défunt est donc déclaré en mesure de soute-
nir son fils devant un tribunal dans l’Autre Monde, tandis que
le fils est capable de soutenir son père dans le cas d’une affaire
judiciaire entreprise contre lui sur terre.
La position sociale du fils dépend du soin pieux qu’il montre
envers son père mort. Mais quelle est la base de celle du père
dans la société de l’Autre Monde? Selon les formules 30-41,
cette situation se fonde sur les mêmes critères que celle de son
fils. Le père mort mais ressuscité est conçu comme un fils qui
assume ses responsabilités dans le cadre du traitement du corps
de son père défunt que la liturgie identifie clairement à Osiris.
On peut visualiser les relations personnelles comme suit150 :
fils vivant (A) père mort (B)

père ressuscité (B)


devenu Horus le dieu mort
Osiris (C)
Dans le rituel des formules 30-37, le fils (A) transforme son
père (B) en un dieu-fils qui traverse l’Autre Monde pour accé-
der au bâtiment où le corps de son père Osiris (C) attend d’être

149. Encore au XXe siècle, Ahmad Fakhry assistait à des funérailles dans l’oasis de
Bahariya assez comparables : « When they arrive at the tomb, they lower the bier
to the ground, and one of the men addresses the others: “What do you testify about
the deceased?” The answer is always: “We testify that he (or she) was a good per-
son.” If, on a rare occasion someone in the group accuses the deceased of theft,
failure to repay a loan, or causing some sort of harm to him, the relatives of the
dead apologize or promise to pay. Only when everything is settled, all has been
forgiven, and all have repeated that the deceased was “good”, the group recites
together a short prayer, takes the body out of the bier and places it in the grave » :
Fakhry, The Oases of Egypt II, p. 53-54.
150. Ici A –> B signifie : « A exécute des rituels pour B ». La flèche verticale indique
la transfiguration du mort qui est la conséquence du rituel.

198
LES TEXTES DES CERCUEILS ET LA DÉMOCRATIE

embaumé.Au cours de la liturgie, le fils (A) s’adresse à son père


pour le guider à travers l’Autre Monde vers son lieu de desti-
nation, à Osiris pour lui annoncer la venue de son père, et à
d’autre divinités pour affirmer que son père doit passer.
Les lettres aux morts et les formules 131-146, 149 et 30-41
des Textes des Cercueils mentionnent bien sûr des dieux, mais,
de manière générale, l’Au-delà qu’elles évoquent est un monde
qui ressemble de près au monde terrestre. Les défunts y travail-
lent dans les champs, travail auquel les seigneurs échappent ; ils
y demeurent avec leur famille et leurs amis ; et ils s’y querel-
lent, problèmes qui doivent être résolus devant un tribunal. De
surcroît, aussi bien dans l’Autre Monde que sur terre, on gagne
sa position sociale en accomplissant le devoir de s’occuper du
père mort. Rien de mythologique dans ce processus.
Mais à la ligne inférieure du schéma on voit apparaître un
défunt en tant que dieu. Bien que le modèle ne soit pas enra-
ciné dans la mythologie, on constate néanmoins que l’auteur de
la composition a ressenti la nécessité d’attribuer une identité
divine au mort, identité qui n’est pas exprimée de manière abs-
traite (« le mort est un dieu »), mais de manière individualisée
(« le mort est Horus »)151. De même, le père mort du défunt
est décrit comme Osiris. Je crois que deux facteurs probable-
ment complémentaires peuvent expliquer pourquoi des identi-
tés divines sont introduites dans ce cadre qui, pour le reste, n’a
rien de mythologique.
La première explication est que le père obtient ce rôle dans
un contexte rituel. Il est en route vers la Place d’Embaumement
où se trouve son propre père mort. On sait bien que l’accès à
un tel lieu saint n’était possible que si l’on se montrait au cou-
rant de certains « secrets » sacrés, pendant des rites de passage.
Ces secrets ont un rapport avec le drame rituel qui se déroule

151. En fait, l’auteur ne va pas si loin, n’appelant le père que « le dieu jeune ». Mais
la constellation dans laquelle il opère montre clairement qu’il joue le rôle d’Horus.

199
LES TEXTES DES SARCOPHAGES ET LA DÉMOCRATIE

à l’intérieur. Pendant les funérailles terrestres, les prêtres


jouaient des rôles divins comme celui d’Anubis, d’Horus, d’Isis
ou de Nephthys. Les formules 30-41 montrent qu’on a téles-
copé ce contexte rituel avec celui de l’Autre Monde. Là-bas, les
acteurs dans le rituel sont des êtres surhumains (morts, dieux),
et il est naturel d’élaborer une image où les acteurs ne sont pas
des prêtres « jouant » Horus, etc., mais sont identiques à ces
dieux.
La seconde est que l’identification du défunt à un dieu évite
certains problèmes existentiels. L’idée sous-jacente à propos du
monde de l’Au-delà, telle qu’elle est exprimée dans les formu-
les 30-41, est que le défunt gagne sa raison d’être en fonction
de son engagement dans la pratique des rituels funéraires pour
son père défunt. Si les rôles n’avaient pas été divinisés, on aurait
le schéma suivant :

fils vivant (A) père mort (B)

père ressuscité (B) père de B (C)

On est en droit de présumer que le prédécesseur (C) de B


était, lui aussi, un défunt ressuscité, mais pour permettre au
défunt B de jouer son rôle de fils et successeur, le défunt C
devait mourir à nouveau dans l’Au-delà. Le concept de la
« deuxième mort » existe dans la religion égyptienne, mais
celle-ci a la connotation d’une mort définitive, dont l’on ne
pouvait pas être sauvé. Suivant ce modèle, la survie après la
mort impliquerait pour un défunt dans la position de C que
cette survie serait de très courte durée : une génération au
plus. Pour permettre une perspective plus acceptable, la posi-
tion C était remplie, non par un individu humain, mais par l’ar-
chétype divin d’Osiris, dispositif par lequel tout mort restait
dans la position B, et était considéré comme le fils d’Osiris,
Horus. Mais, bien qu’on utilise dans ce processus des noms

200
LES TEXTES DES CERCUEILS ET LA DÉMOCRATIE

mythologiques, les rôles sous-jacents n’évoquent pas un mythe,


mais un rituel funéraire transposé à un niveau divin.

LA FORMULE 312 DES TEXTES DES CERCUEILS152


Dans les formules 30-41, seules les personnes mortes reçoi-
vent une identité mythologique. La personne A qui figure
comme officiant dans le rituel exécuté sur terre, en revanche,
s’appelle simplement « fils ». Mais, on vient de le voir, il était
très commun d’attribuer également des rôles divins aux parti-
cipants, dans le rituel. Évidemment, on ne considérait pas ces
individus comme des « dieux », mais les dieux se manifestaient
dans le cadre rituel sous la forme de ces personnes. Pour men-
tionner un exemple beaucoup plus tardif, mais très clair, le
Papyrus Bremner-Rhind I, 2-5, concernant un rituel où deux
prêtresses jouent le rôle d’Isis et de Nephthys, spécifie :

Alors on amènera deux femmes dont le corps est pur,et qui


n’ont pas encore été ouvertes153, dont les poils ont été
rasés, et dont la tête est ornée d’une perruque, [...], por-
tant des tambourins dans leurs mains,leurs noms,(c.à d.)
Isis et Nephthys, ayant été écrits sur leurs épaules154.

Dans le cadre du rite, Isis et Nephthys sont donc présentes


sous la forme de ces deux jeunes dames. De la même manière,
Anubis est susceptible d’agir sous l’aspect d’un prêtre-embau-
meur qui, à la Basse Époque, pouvait porter un masque avec les
traits d’Anubis155. Ce ne sont que des exemples d’une coutume

152. Pour une discussion plus approfondie de ce qui suit, voir Willems, dans : Social
Aspects of Funerary Culture, p. 370-372.
153. En accouchant ; on comparera avec la pierre de Chabaka, col. 17a, qui uti-
lise l’expression wpμ ß.t, « qui ouvre le ventre », pour désigner Horus comme l’en-
fant d’Osiris. Le texte fait clairement allusion à sa naissance.
154. Faulkner, The Papyrus Bremner-Rhind, p. 1.
155. Je renvoie ici au masque Hildesheim Pelizaeus-Museum 1585 : voir Seipel,
Ägypten, p. 158-160 (125).

201
LES TEXTES DES SARCOPHAGES ET LA DÉMOCRATIE

fort bien connue et ancienne ; par ce biais, le mort peut aussi


se voir attribuer le rôle d’Osiris et le prêtre s“=f mr.y=f (« le fils
qu’il aime ») celui d’Horus. Si l’on introduit cette distribution
des rôles dans le schéma des formules 30-41, on obtient le
modèle suivant :
fils vivant
= Horus (A) père mort
= Osiris (B)

père ressuscité (B)


devenu Horus le dieu mort
Osiris (C)
La formule 312 des Textes des Cercueils traduit cette situa-
tion, mais est confrontée au problème évident que les rôles
d’Horus et d’Osiris sont joués deux fois, et par des personnes
différentes. Le texte fait une tentative pour différencier les per-
sonnalités sans rompre la répartition des rôles mythologiques.
Au début du texte, les dieux demandent à Horus (A), sur
l’ordre d’Osiris (C), de rejoindre ce dernier dans l’Au-delà pour
l’embaumer156. Horus répond qu’il n’a pas cette intention ; il se
trouve encore sur terre, où il souhaite « se promener et copuler
parmi les hommes »157 ; formulation destinée à indiquer, me sem-
ble-t-il, qu’il est encore jeune et veut continuer sa vie terrestre
afin d’avoir des enfants qui pourront poursuivre la lignée. Ce
souci est également apparent dans les formules 38-41.
En guise de remplaçant, Horus (A) envoie sa « forme »
(μr.w)158, autrement dit une personne qui n’est pas identique à
lui, mais qui lui ressemble étroitement. Je crois que c’est son

156. CT IV, 68b-70b [312].


157. CT IV, 72b [312].
158. CT IV, 73f-74f [312].

202
LES TEXTES DES CERCUEILS ET LA DÉMOCRATIE

père déjà mort (B). Dans la suite du récit, ce dernier se rend, à


travers l’Au-delà, vers Osiris, avec l’intention de l’embaumer.
Plusieurs passages de ce texte difficile sont tout à fait compara-
bles à d’autres dans les formules 30-41.

UNE CONCLUSION
Le monde de l’Au-delà peut être compris comme la projec-
tion du milieu social terrestre. Les morts interagissent selon les
rôles sociaux qui sont les leurs dans la vie quotidienne. Mais un
aspect important de la vie après la mort est de fonctionner,
dans l’Au-delà également, dans un contexte rituel, contexte qui
s’exprime de préférence par un vocabulaire emprunté à la
mythologie. Le mort devient un dieu jeune qui embaume son
père mort qui est lui-même un dieu. Finalement, un dédouble-
ment des rôles mythologiques est possible, les officiants vivant
sur terre entrant, eux aussi, dans un cadre où le discours rituel
se décline en termes mythologiques. Ce stade, qu’on atteint
dans le cas de la formule 312, a pour conséquence qu’aucune
personne n’est plus désignée en tant que personne humaine, et
que l’action semble se dérouler entièrement dans le monde
mythique. Ce dernier modèle est celui qui domine dans le reste
des Textes des Cercueils. Ces textes se présentent donc a prima
vista comme des récits n’ayant rien à voir avec la vie terrestre.
Mon impression est qu’on a affaire, là, à un déguisement voulu
qui revêt les relations sociales régissant la vie quotidienne d’une
enveloppe surnaturelle. Dans la plupart des textes, seule cette
enveloppe est thématisée. Pour nous, lecteurs qui ne sommes
pas accoutumés à penser selon les catégories sociales égyptien-
nes, cela conduit facilement à méconnaître le déguisement
mythologique, en l’interprétant comme le fond de l’affaire.
Dans ce qui suit, nous nous occuperons de compositions
plus extensives et tout à fait fondamentales du corpus des
Textes des Cercueils pour pouvoir déterminer les thèmes cen-
traux de ces textes.

203
LES TEXTES DES SARCOPHAGES ET LA DÉMOCRATIE

LE CAS D’HEQATA
C’est une matière que j’ai étudiée de manière approfondie
pour le cas du sarcophage d’Heqata (A1C)159. Ce sarcophage
date du début du Moyen Empire et a été découvert à Assouan.
Il contient une quarantaine de formules des Textes des
Cercueils. Le programme textuel est donc assez important, et
il inclut plusieurs textes qui étaient très répandus à travers
l’Égypte, comme les formules 75 et 398. Ils doivent donc se
rattacher à des courants théologiques particulièrement repré-
sentatifs. L’importance de cette source provient aussi du fait
qu’elle nous offre la possibilité d’étudier un ensemble de tex-
tes comme une composition cohérente. Évidemment, un trai-
tement identique pourrait être entrepris pour tous les autres
cercueils inscrits160, mais le seul sarcophage qui a été, jusqu’à
présent, soumis à une telle enquête est celui d’Heqata161.
Dans les textes d’Heqata, l’axe fils / ritualiste - père mort
/ bénéficiaire du rituel occupe aussi une place centrale. Le
défunt peut jouer les deux rôles. D’un côté il acquiert une vie
nouvelle parce qu’une autre personne exécute le rituel pour
lui. De l’autre, il mérite une position prépondérante parce qu’il
joue le rôle d’un fils qui embaume son père mort.
En second lieu, le discours des textes associe ces rôles à des
personnalités mythologiques. Comme dans les textes déjà ana-
lysés, le modèle dans lequel le ritualiste est un Horus, et le
bénéficiaire un Osiris est très commun, mais ce n’est pas la
seule possibilité. Dans les formules empruntées au Livre de

159. Ce qui suit se fonde sur les conclusions de Willems, Heqata ; voir surtout
p. 374-384.
160. L’auteur a entrepris une étude d’ensemble sur les cercueils de Sesenebenef de
Licht (L1-2Li), dont la publication est en cours de préparation.
161. Meyer-Dietrich, Nechet und Nil, a fait la même tentative sur la base de l’ana-
lyse du sarcophage M5C. Je dois avouer que je trouve son traitement des textes et
leur contextualisation culturelle insuffisamment poussés, et l’application de la
méthodologie de base, l’approche de la Religionsökologie, trop prématurée pour
tenir compte de ce travail dans la présente étude.

204
LES TEXTES DES CERCUEILS ET LA DÉMOCRATIE

Chou (ici, les formules 75, 77, 78, 80), le père défunt est
Atoum, le fils-prêtre est Chou. Probablement, le rituel évoqué
avait pour but de donner le souffle de vie au père mort. Pour
ce faire, il était plus commode de mobiliser un fils-Chou qu’un
fils-Horus, puisque Chou était le dieu de l’air.
Le monde théologique évoqué dans les textes peut donc
varier énormément, mais le modèle sous-jacent dans le sarco-
phage d’Heqata opère sur la base des mêmes modules. Il serait
peu utile de répéter ici ce qui a été montré dans le détail, ail-
leurs. Je me limiterai à une présentation du modèle récapitula-
tif de mon étude sur ce sarcophage (voir fig. 25). Dans la figure,
les flèches horizontales indiquent une action bénéfique des
ritualistes pour un défunt, une flèche verticale (avec pointe vers
le bas) une transformation d’un défunt, et la flèche verticale
(avec pointe vers le haut) un lien de communication entre deux
divinités. Les chiffres romains indiquent les différents rites aux-
quels il est fait allusion dans le sarcophage d’Heqata.
Tous les textes s’intègrent dans un modèle qui comprend la
vie dans l’Au-delà comme un phénomène cyclique. Quand le
défunt meurt, il est momifié. À la fin de ce procédé plutôt
« technique », on le transforme rituellement d’un mort en un
être qui a acquis une vie nouvelle. Puis, on le transfert vers la
tombe, la procession étant aussi conçue comme un rite impor-
tant pour la résurrection du mort (phase I).
Cette transformation est régulièrement répétée pendant les
rites mortuaires célébrés dans le cimetière. Comme l’a montré
J. Assmann, pendant la transmission des offrandes, on récite des
formules de « glorification » qui ont comme but d’introduire le
défunt dans le monde divin. Ce type de rituel réitère donc les
effets déjà atteints auparavant par la momification162. Ainsi, ces
rituels périodiques ont aussi pour finalité de ressusciter, c’est à
dire de transformer, le défunt en un dieu jeune (phase II).

162. Assmann, Totenliturgien I, p. 13-17 et 67-68.

205
LES TEXTES DES SARCOPHAGES ET LA DÉMOCRATIE

le fils I
(et la famille) bénéficiaire (Heqata)
procession funéraire

le fils II
(et la famille) bénéficiaire (Heqata)
visitent la tombe
pendant les jours de fêtes

Monde terrestre Monde terrestre

Autre monde Autre monde

III
déesse bénéficiaire (Heqata)
rite d'embaumement le défunt ressuscité
veillée horaire se transforme
en fils/ritualiste
IV
ritualiste (Heqata) bénéficiaire
rite d'embaumement (père mort divin)
veillée horaire

V
Osiris commande l'exécution de ritiels funéraires pour Heqata

Fig. 25 : Les contextes rituels représentés


dans la décoration du sarcophage d'Heqata
(d'après Willems, Heqata, p. 386).

206
LES TEXTES DES CERCUEILS ET LA DÉMOCRATIE

Les deux types de rituels ont ainsi tous les deux la même fin :
le mort qu’on peut, dans la dialectique de la théologie égyp-
tienne, identifier à divers dieux morts, comme Osiris ou
Atoum, se transforme en un dieu jeune et renaissant comme
Horus ou Chou.
Selon les textes funéraires d’Heqata, ces dieux-fils n’ont
qu’une seule responsabilité : celle de momifier leur père mort
(phase IV). Par conséquent, Osiris (ou Atoum) acquiert une vie
nouvelle. Ce qui est original dans le cercueil d’Heqata, c’est
que l’Osiris vivant ordonne aux dieux de donner une vie nou-
velle au défunt (phase V). D’autres textes décrivent l’exécution
de rituels funéraires pour le défunt qui doit, à ce stade, entrer
dans le rôle d’un dieu-père mort, comme Osiris (ou Atoum)
(phase III). Mais après ces rituels, il apparaît comme un dieu
rajeuni, qui peut à nouveau jouer le rôle de fils / ritualiste
(phase IV).

Ainsi, Heqata dépend pour sa survie d’une décision


d’Osiris, qui le transforme en Horus. Mais pour sa propre sur-
vie, Osiris dépend de l’activité rituelle d’Horus, dieu avec
lequel Heqata s’identifie dans les textes de son sarcophage. La
vie après la mort ressemble fortement à la relation fils-père
mort comme vue dans une perspective humaine163.

LE CAS DES SARCOPHAGES DU MILIEU DE LA XII DYNASTIE


E

Le sarcophage d’Heqata (A1C) est un cas un peu particulier.


Sa décoration inclut plusieurs éléments qui n’apparaissent que
dans un nombre très restreint d’autres sarcophages (G1T,T3C,
partiellement T3L, et quelques autres exemplaires très endom-
magés). Ces sources datent d’une époque où la décoration des
cercueils différait considérablement d’un site à un autre, phé-

163. Voir p. 198-200.

207
LES TEXTES DES SARCOPHAGES ET LA DÉMOCRATIE

nomène qu’on peut aussi observer pour d’autres catégories


d’objets. Il est donc, en principe, possible que le sarcophage
d’Heqata reflète une tradition strictement locale et peut-être
peu représentative. Il serait donc important de savoir comment
les choses se présentent dans le cas des autres sarcophages.
Malheureusement, l’étude ne serait-ce que d’un seul sarco-
phage prend beaucoup de temps, et il faudrait disposer de
résultats concernant un nombre significatif d’artefacts avant de
pouvoir se prononcer de manière plus assurée.
Il serait particulièrement utile de posséder une analyse des
sarcophages réalisés entre les règnes de Sénousret Ier et
Sénousret III, période où l’on peut observer une tendance à
décorer les cercueils selon un modèle plus ou moins rigide.
Bien sûr, les concepteurs possèdent encore, à cette époque, une
grande liberté dans les détails, et dans le choix des textes. Mais
quelques principes sont néanmoins très apparents. Bien que le
matériel soit vaste et n’ait pas encore fait l’objet de recherches
poussées, quelques lignes directrices me semblent néanmoins
claires164.
À l’extérieur, ces sarcophages ne sont pas seulement déco-
rés avec une bande horizontale de textes ornementaux et une
paire d’yeux oudjat sur le côté est, comme dans les cercueils
plus anciens (type I). Sous les registres d’inscriptions ornemen-
tales, on trouve maintenant des colonnes supplémentaires de
textes, également en hiéroglyphes ornementaux (types IV et
V). Les panneaux entre ces colonnes sont souvent ornés d’une
façade de palais (type VI)165. Pour les différents types de cer-
cueils, on verra la figure 26.
À l’intérieur, un changement très important réside dans
l’introduction d’une frise d’objets sur le côté ouest, de sorte
que, désormais, les quatre parois possèdent chacune une frise.

164. Voir Willems, dans : Studies te Velde, p. 343-372.


165. Voir Willems, Chests of Life, p. 136-164, pour les types IV-VI.

208
LES TEXTES DES CERCUEILS ET LA DÉMOCRATIE

Fig. 26 : Typologie de la décoration extérieure


des sarcophages du Moyen Empire.
La figure n'offre que les modèles les plus courants
(d'après Ikram et Dodson, The Mummy in Ancient Egypt, p. 198).

209
LES TEXTES DES SARCOPHAGES ET LA DÉMOCRATIE

La thématique des frises change aussi, car elles sont presque


entièrement réservées à des objets rituels et des éléments de
l’ornement royal166. Dans la plupart des exemples, ces cercueils
portent la formule 335 des Textes des Cercueils sur le couver-
cle, et la formule 397 sur le fond167. Ces textes sont parmi les
plus connus du corpus. Dans le premier cas, il s’agit de la ver-
sion originelle du chapitre 17 du Livre des Morts, dans l’autre
de celle du chapitre 99. Déjà au Moyen Empire, les deux tex-
tes étaient très répandus, et du fait qu’ils apparaissent souvent
dans un programme qui régit la décoration des cercueils dans
leur totalité, il n’est pas douteux qu’on est en présence de
sources-clé pour comprendre la raison d’être des Textes des
Cercueils.
La formule 397 évoque le thème du bac que le défunt veut
utiliser pour traverser le Canal Sinueux dans l’Au-delà. La des-
tination qu’il a l’intention d’atteindre se trouve dans le Champ
des Roseaux, proche de l’horizon oriental du ciel. Le texte,
comme celui qui l’a précédé dans la pyramide d’Aba, laisse
entrevoir que le corps d’Osiris se trouve en ce lieu, et que le
défunt, le fils d’Osiris, a pour but de rattacher la tête de son
père et de procéder au rituel d’Ouverture de la bouche sur ce
dernier168. Sur la base du texte lui-même et d’une comparaison
avec d’autres formules concernant le passeur du bac, on est en
droit de conclure qu’on a affaire à un thème assez général dans
ces compositions169.
Dans la formule 335, l’embaumement d’Osiris est lui aussi
thématisé. CT IV, 252/3c-272c [335] contient une description

166. Voir p. 146.


167. Willems, Chests of Life, p. 200-228, 233 et 235.
168. CT V, 78c-81a [397] ; Jéquier, La pyramide d’Aba, pl. XI, l. 591-592. Un texte
très proche, mais offrant une version légèrement différente de la formule 397,
contient le même passage (voir Bickel, dans : D’un monde à l’autre, p. 99 ; 116, l.
22-2).
169. Willems, Heqata, p. 156-177, et surtout p. 173-177 ; Idem, dans : Studies te
Velde, p. 360.

210
LES TEXTES DES CERCUEILS ET LA DÉMOCRATIE

de la Place d’Embaumement et offre une liste de sept divinités


qui constituent une partie conséquente du personnel momi-
fiant Osiris, selon les textes ptolémaïques de la veillée
horaire170.
L’autre protagoniste du texte est le dieu solaire, mais il
endosse toute une série de noms différents, comme Min et
Harendotès. Ce dernier nom171, en particulier, est notable,
parce qu’il signifie « Horus qui protège son père » ; nom qui
évoque les actes pieux d’Horus pour son père mort Osiris. Le
texte fait ressortir que le dieu solaire est en route vers Osiris,
avec l’intention patente de le faire revivre. Après cela, Rê doit
quitter Osiris pour réapparaître comme soleil renaissant – le
« sortir au jour » auquel renvoie le titre de la composition172. Ce
long texte fort complexe ne peut être traité en détail ici, mais
il semble clair qu’il concerne un thème qui nous est déjà fami-
lier : celui d’un dieu-fils – non pas Chou ou Horus, mais le dieu
solaire parfois aussi appelé Horus – qui rejoint son père défunt
pour l’embaumer173.
Le reste du programme décoratif des sarcophages étudiés
s’intègre aisément à cette conclusion. Par exemple, les bandes
verticales de textes ornementaux ont pour fonction de repré-
senter un groupe de dieux qui participent aux rituels dans la
Place d’Embaumement174. Par ailleurs, les objets royaux qui
apparaissent dans les frises d’objets sont souvent mentionnés
dans les textes décrivant les rituels d’embaumement. En effet,
les sources interprètent souvent la momification comme la vic-
toire du mort osirien. Lorsque Seth tua Osiris, celui-ci perdit
aussi sa fonction de roi d’Égypte. Après la momification

170. Junker, Stundenwachen, p. 3-5 et passim.


171. CT IV, 204/5c [335].
172. CT IV, 184/5a-186/7b [335].
173. Pour une analyse plus poussée, voir Willems, dans : Studies te Velde, p. 359-
364.
174. Voir supra, n. 40, p. 149-150.

211
LES TEXTES DES SARCOPHAGES ET LA DÉMOCRATIE

d’Osiris, les dommages causés par le crime de Seth étaient


réparés. Comme signe de victoire, Osiris fut à nouveau cou-
ronné, désormais dans l’empire des morts. Dans les scènes de
momification, on voit souvent les éléments de l’ornement royal
sous le lit d’embaumement. Les mêmes objets ont également
été retrouvés dans quelques tombes du Moyen Empire175. La
momification place donc le mort dans le rôle d’Osiris roi de
l’Au-delà.
Cependant, les éléments de l’ornement royal ne sont pas
seulement à rapprocher d’Osiris, mais aussi du fils-ritualiste
responsable de l’enterrement de son père. On a vu que celui-ci
avait le droit de succéder à son père, et les textes concernant
l’embaumement renvoient parfois au fils comme à un roi et
successeur176.
Au terme de cet examen, on doit conclure que les textes et
l’iconographie de ces sarcophages accordent à nouveau une
place centrale au rituel d’embaumement, où les rôles de ritua-
liste / fils et bénéficiaire / père mort sont des thèmes primor-
diaux. La dialectique de la décoration des cercueils n’attribue
pas un seul de ces rôles au propriétaire, mais les deux à la fois.
Dans un contexte, il peut donc figurer comme un Osiris qui
acquiert une vie nouvelle grâce aux rituels pérennisés pour lui
dans la décoration du cercueil. Dans d’autres contextes, il
apparaît comme un fils en route pour rejoindre la salle d’em-
baumement d’Osiris. Bien que les détails diffèrent, on recon-
naît aisément les rôles, actif et passif, que peut jouer Heqata
dans les phases différentes de son destin dans l’Autre Monde.

CONCLUSION
Dans chaque texte, groupe de textes, sarcophage, ou classe
de sarcophages que je viens de passer en revue, je crois pouvoir

175. Voir p. 146-148.


176. Par exemple CT I, 251f [60].

212
LES TEXTES DES CERCUEILS ET LA DÉMOCRATIE

retrouver un élément récurrent : l’emphase sur le lien familial,


et surtout sur le lien entre le fils et le père défunt. Nos sources
soulignent l’importance des rituels exécutés par le fils pour son
père. Sans eux, le père mort ne pourrait pas survivre dans l’Au-
delà, et le fils n’aurait pas de droit à lui succéder. On a constaté
que ce rapport entre père mort et fils vivant semble avoir été
projeté dans l’Au-delà, le défunt jouant fréquemment dans
l’Autre Monde le rôle d’un fils qui momifie son père.
J’ai dû me concentrer sur ce qui me paraît essentiel dans
ces textes, mais je dois admettre que d’autres spécialistes
auraient peut-être souligné d’autres éléments des Textes des
Cercueils177. Il est inutile de nier que ces textes complexes se
prêtent à plusieurs interprétations. Cependant, il me semble
aussi difficile de contester que l’axe père-fils occupait une place
prépondérante dans la pensée des hommes qui composèrent ces
Textes des Cercueils, axe dont le rôle fondamental pour la reli-
gion égyptienne a d’ailleurs été reconnu par d’autres178. En
outre, le choix de textes que je viens de présenter (650 pages
environ, donc plus de 20 % de l’ensemble des Textes des
Cercueils) est si considérable que les résultats obtenus ne peu-
vent être dus au seul hasard179.

177. En fait, dans une étude en préparation, je crois pouvoir montrer que, dans un
groupe de cercueils qui, chronologiquement et culturellement, sont à différencier de
notre matériel, les Textes des Cercueils évoquent une philosophie entièrement diffé-
rente.
178. Voir Assmann, dans : Vaterbild, p. 12-49 et 155-162 ; Idem, Tod und Jenseits,
p. 74-75.
179. Dans le passé, on a souvent exprimé l’opinion que les Textes des Pyramides
et les Textes des Cercueils représentent deux corpus strictement séparés. On ne
peut plus souscrire à cette manière de voir. Dans une étude récente, B. Mathieu a
tenté de déceler les critères qui pourraient faciliter une distinction entre les deux
groupes, mais finalement, il a abouti à la conclusion qu’il reste pour l’instant
malaisé de définir une différence entre les deux, et qu’ils puisent à un fonds com-
mun (dans : D’un monde à l’autre, p. 247-262). Pendant le colloque où il a pré-
senté cette hypothèse, le sentiment général était, en effet, qu’une différence claire-
ment identifiable ne pouvait pas être établie. Cinq ans plus tard, je ne suis plus aussi

213
LES TEXTES DES SARCOPHAGES ET LA DÉMOCRATIE

LA VIE FAMILIALE AU MOYEN EMPIRE


Dans les ouvrages de vulgarisation surtout, on lit souvent que
les scènes des chapelles funéraires montrent que les Égyptiens
supposaient que la vie après la mort était un doublet de la vie ter-
restre. C’est certainement une exagération. Même là où la vie
terrestre constituait le point de repère, le défunt n’aspirait pas
simplement à continuer son existence, mais plutôt à acquérir
dans l’Au-delà une position seigneuriale, même si son sort pen-
dant la vie avait été très différent. Comme on l’a vu plus haut180,
le mobilier funéraire entre la fin de l’Ancien Empire et le début
du Moyen Empire suggère que le défunt ne vit pas une copie de
sa vie avant la mort, mais entre dans un scénario où certains élé-
ments agréables de la vie terrestre dominent.
Dans les textes que nous venons d’étudier, un procédé de
sélection similaire est évident. Bien que les formules 131-146,
pour unifier un homme avec sa “b.t dans la nécropole, aient été
interprétées comme l’indice que le mort désirait poursuivre sa
vie familiale, une enquête plus poussée montre que la “b.t n’est
pas la famille dans le sens occidental, mais un groupe de per-
sonnes entretenant des liens d’ordre juridique et surtout finan-
cier. Je ne peux pas aborder le thème dans le détail ici, mais le
fait que la femme du défunt n’appartienne pas à la “b.t indique

convaincu sur ce point. D’une part, depuis la publication de CT VIII on peut consta-
ter que les Textes des Pyramides ne sont certes pas exceptionnels dans les cercueils
du Moyen Empire, mais aussi que les cercueils n’offrent qu’une sélection assez res-
treinte du matériel connu des pyramides de l’Ancien Empire. De l’autre, les Textes
des Cercueils contiennent quelques formules qui proviennent certainement d’un
cadre non-royal, comme les formules 131-146 et 30-41, bien qu’elles contiennent
des citations des Textes des Pyramides. Même s’il est difficile de suivre avec certi-
tude les mécanismes qui régissaient la transmission des textes, j’ai l’impression que
les cercueils du Moyen Empire comportent des textes partiellement non-royaux et
partiellement royaux. Ces derniers n’étaient sans doute pas choisis au hasard, mais
plutôt parce qu’ils comportaient des thèmes familiers à leurs utilisateurs, comme
celui du lien entre père et fils, ou qu’ils appartenaient à des liturgies utilisables dans
le cadre du culte funéraire des particuliers.
180. Voir p. 142-144.

214
LES TEXTES DES CERCUEILS ET LA DÉMOCRATIE

très clairement que ces textes ne visent pas simplement à une


continuité de la vie familiale dans toute son ampleur181. De plus,
bien que les formules 131-146 ne soient pas rares, elles ne
constituent qu’une petite minorité dans la masse des Textes des
Cercueils. Dans le reste du matériel, on ne thématise qu’un
seul élément du système de parenté : le lien entre le père mort
et le fils vivant. Les relations mutuelles entre, par exemple, frè-
res et sœurs, ou entre ceux-ci et la mère morte, ne jouent
aucun rôle dans le discours des Textes des Cercueils.
Évidemment, on n’a pas affaire, ici, au reflet de la vie nor-
male, mais à un choix conceptuel. Or, ce choix n’est pas pro-
pre aux seuls Textes des Cercueils. Dans les textes autobiogra-
phiques et dans les enseignements, l’axe père-fils domine aussi.
Bien sûr, on trouve des cas exceptionnels de textes qui laissent
entrevoir la réalité de la vie familiale, comme l’autobiographie
d’Horemkhâouf. Il écrit :

J’ai nourri mes frères et mes sœurs. Je n’ai pas permis que
l’un (d’entre eux) réclame les propriétés d’un autre, de
sorte que chacun ouvre la porte pour l’autre.J’ai pris soin
de la maison (pr) de ceux qui m’ont nourri après qu’ils
avaient été enterrés et avaient été ressuscités182.

Dans cet exemple, le soin du fils aîné pour ses parents est
thématisé, mais, détail réaliste absent des Textes des Cercueils,
il s’occupe de ses deux parents, et non seulement du père. De
même, le texte signale que, après la mort des parents,

181. Pour la femme qui n’appartient pas à la “b.t de son mari, voir déjà Goedicke,
PRAR, p. 66 ; Franke, AVMR, p. 278, 283, 287 ; Assmann, dans : Vaterbild, p. 17,
n. 22. Pour l’interprétation générale de la “b.t, voir Willems, dans : Religion in
Context, à paraître.
182. Stèle New York MMA 35.7.55,11-13 : voir Hayes, JEA 33 (1947), p. 3-11. Un
^
cas semblable est décrit sur la stèle de Mérer à Cracovie : Cerný, JEA 47 (1961),
p. 5-9.

215
LES TEXTES DES SARCOPHAGES ET LA DÉMOCRATIE

Horemkhâouf veillait sur ses sœurs et frères. Cela ne devait


certes pas être inhabituel, mais il est difficile de trouver des
textes, en tout cas dans la littérature autobiographique ou dans
les enseignements, qui offrent de tels détails183. Même en
dehors de ces genres littéraires, de semblables renseignements
sont fort malaisés à repérer184.
Ce que les autobiographies mettent surtout en lumière,
c’est que « le » fils ou, plus explicitement, « le fils aîné » éta-
blit la maisonnée. On lit souvent qu’il s’agit de la maisonnée du
père, qu’il entretient et même enrichit. Le fait que les deux
possibilités – établir ou entretenir une maisonnée – sont toutes
les deux exprimées par la même tournure (grg pr) rend parfois
délicat de décider de quelle alternative il s’agit. Mais les renvois
à une situation où le fils aîné continue la maisonnée de son père
sont, en effet, très courants. Dans la réalité, de tels cas doivent
correspondre au fait que le fils avait continué de vivre avec ses
parents, durant toute sa vie.
Il n’est guère probable que ses frères et sœurs aient fait la
même chose. On sait que les habitations égyptiennes sont norma-
lement assez petites, et ne contiennent que peu de pièces185. Il est
vrai que ce point de vue repose en partie sur l’hypothèse que les
maisons égyptiennes ne possédaient qu’un seul étage, et que cette
idée a été récemment nuancée, en tout cas pour le Nouvel
Empire, avec des arguments probants186. Mais ce qui vaut pour le
Nouvel Empire n’est pas nécessairement applicable au Moyen

183. Un cas similaire dans son réalisme se trouve sur la stèle Caire JE 46048, l. 6,
où un homme déclare qu’il a bâti des maisons pour chacun de ses enfants, qui
étaient comparables à celle qu’il possédait lui-même (Abdalla, JEA 79 [1993],
p. 248-253 ; Franke, SAK 34 [2006], p. 167-172).
184. Une liste très complète de la documentation sur la maisonnée (pr) a été ras-
semblée par Franke, AVMR, p. 257-276.
185. Pour la simplicité des plans au Moyen Empire, on consultera Bietak, dans :
Haus und Palast, p. 24-43 (Gruppe A) et Von Pilgrim, Elephantine XVIII, passim
(pour un résumé, voir p. 217-218).
186. Spence, JEA 90 (2004), p. 123-152.

216
LES TEXTES DES CERCUEILS ET LA DÉMOCRATIE

Empire187 ; et même si les maisons avaient possédé plusieurs étages,


cela ne prouve à aucun égard que les enfants mariés continuaient à
cohabiter avec leurs parents. En effet, ainsi que le remarque Franke,
il y a plusieurs allusions à des maisonnées dans la littérature du
Moyen Empire et, dans ces cas, il s’agit normalement de familles
nucléaires188. Comme il le souligne, il est alors question de familles
de paysans. Un groupe de trois papyrus fragmentaires actuellement
conservés au musée de Turin, le fameux stato civile, contient des frag-
ments de l’état civil de la rive gauche thébaine, à la fin de la
XXe dynastie. Ces documents regroupent les renseignements sur les
habitants par maisonnée, et il s’agit presque sans exception de famil-
les nucléaires. Les cas rares où un enfant marié continue de vivre avec
ses parents sont indiqués en rouge, et, selon R. Demarée, il s’agit
probablement de situations passagères189. Parfois, on rencontre aussi
des exemples où une personne âgée se joint à la famille nucléaire
d’un de ses enfants. Pour le Moyen Empire, on ne possède malheu-
reusement pas de document comparable, mais trois listes d’une seule
maisonnée à Lahoun semblent refléter une situation très similaire à
ce qu’on trouve dans le stato civile190.
187. Les arguments en faveur de maisons de plusieurs étages à cette époque ont
été évalués de manière critique par Von Pilgrim, op. cit., p. 231-233.
188. Franke, AVMR, p. 275.
189. Les documents seront publiés par Rob Demarée et Dominique Valbelle ; voir
déjà Valbelle, CRIPEL 7 (1985), p. 81-84. Je remercie le premier pour les renseigne-
ments qu’il m’a donnés. Ces remarques remplacent celles de Kraus, Demographie,
p. 100-101, qui suppose une situation beaucoup plus variée.
190. Ces documents sont étudiés par Valbelle, CRIPEL 7 (1985), p. 75-87. On peut
suivre cette maisonnée pendant une période prolongée. Bien qu’on n’ait pas
affaire à une famille nucléaire, on reconnaît aisément la dynamique du groupe. 1)
Un homme et une femme ont un fils et plusieurs filles. Les filles quittent la maison-
née, probablement quand elles se marient. 2) La mère de l’homme se joint à la mai-
sonnée, probablement quand son mari meurt ; il ne s’agit certainement pas de la
situation habituelle. 3) Le fils reste dans la maisonnée après son mariage, mais à
ce moment, son père est déjà mort. Il se peut qu’on ait affaire au cas d’un fils aîné
restant chez ses parents, thème fréquent dans les autobiographies. Mais il est aussi
possible qu’il n’ait pas établi une nouvelle maisonnée pour pouvoir soigner sa mère
et sa grand-mère restées veuves après la mort de leurs maris. Dans ce cas, on a
clairement affaire à une situation qui n’est pas la règle.

217
LES TEXTES DES SARCOPHAGES ET LA DÉMOCRATIE

Il semble donc qu’une maisonnée régulière se composait


d’une famille nucléaire (parents, enfants), avec exceptionnelle-
ment des serviteurs et des personnes supplémentaires191.
L’impression que, normalement, les enfants quittaient la
maison parentale au moment de leur mariage semble être
confirmée par nombre de textes autobiographiques où une per-
sonne dit être sortie de « la pièce de derrière de la maison du
père ». Selon l’interprétation convaincante de Franke, cette
partie de la maison abritait les pièces privées, où vivait la
famille192.
Les plans des maisons ordinaires de l’époque ne compor-
tent pas de pièces à l’arrière, mais les textes autobiographiques
sont issus, per definitionem, d’une couche sociale relativement
élevée. Or, dans les grandes maisons de l’élite, on trouve par-
fois des espaces qui peuvent être identifiés à « la pièce de der-
rière de la maison ». La planche 15 en présente un exemple :
une des grandes maisons à Lahoun193.
Il s’agit d’une très vaste demeure où habitent plusieurs
familles. Au premier coup d’œil, on pourrait en retirer l’im-
pression qu’on a affaire à une structure très différente des habi-
tations de familles nucléaires qu’on vient d’évoquer. Mais il faut
prendre en compte le fait que cette maison n’a pas une organi-
sation comparable, par exemple, à celle d’un château européen,
bâtiment qui, à lui seul, contient les quartiers d’un grand nom-
bre de personnes. À Lahoun, la structure est très différente : on
voit un espace entouré par un mur, contenant plusieurs maisons
indépendantes qui ont plus ou moins le même aspect : les mai-

191. Plusieurs auteurs ont énoncé l’hypothèse que les Égyptiens vécurent plutôt en
familles étendues (« extended families ») ; voir, par exemple, Janssen, GM 48
(1981), p. 62-65, avec références bibliographiques. Mais on ne comprend pas très
clairement si ces auteurs parlent de maisons regroupées en un ensemble, ou de
grandes maisons contenant plusieurs familles. Il est évident que les deux alternati-
ves ne reflètent pas la même réalité sociale.
192. Franke, AVMR, p. 266-267.
193. Reproduit par Bietak, dans : Haus und Palast, p. 32, fig. 12.

218
LES TEXTES DES CERCUEILS ET LA DÉMOCRATIE

sons I, II, III et IV. Les petites maisons V, VI et VI ont un plan


différent, probablement du fait qu’il s’agit simplement de piè-
ces où sont logés les serviteurs. Le modèle généralement
adopté consiste en une cour d’entrée (H), suivie d’un vestibule
transversal (V), une salle de réception, souvent avec des colon-
nes (W), et une ou deux pièces supplémentaires (N, S).
La maison centrale I est la plus grande unité et appartenait
sans doute à un haut fonctionnaire. On peut supposer qu’il uti-
lisait la pièce W comme bureau où il recevait les visiteurs. Pour
cette raison, l’unité W a, dans ce cas, été dédoublée. On
employait, en effet, la pièce W 1, comme salle de réception offi-
cielle, tandis que la pièce W 2 et la pièce latérale N 2 devaient
constituer les pièces privées de la famille. Je suggère qu’il s’agit
des « pièces de derrière de la maison » mentionnées dans les
autobiographies. C’est là que vivaient les enfants qui, après leur
mariage, quittaient la maison pour s’installer ailleurs.
La maison II mérite une attention particulière. Par son
ampleur, il s’agit de la deuxième maison du complexe, possé-
dant une cour entourée de colonnes, et une salle de réception
avec une colonne. Les personnes qui y habitaient étaient sans
doute parmi les plus importantes du complexe. On constate par
ailleurs que les quartiers privés de la maison I sont directement
reliés à ceux de la maison II (porte entre les pièces 8 et 20). Ce
dispositif ne se retrouve nulle part ailleurs, et indique un lien
très étroit entre les familles vivant dans les maisons I et II.
Bietak explique la situation en supposant que la maison I était
celle du père, et la maison II celle du fils aîné194.
Cette explication est convaincante. On voit donc qu’un des
enfants, probablement le fils aîné, reste dans le complexe
domestique de son père, tandis que les autres quittent « les piè-
ces de derrière de la maison du père » pour s’établir ailleurs.
Quand le fils aîné se marie, il obtient la maison II ; quand son

194. Op. cit., p. 34.

219
LES TEXTES DES SARCOPHAGES ET LA DÉMOCRATIE

père meurt, sa famille déménage vers la maison I. Le moment


venu, son propre fils aîné s’installe avec sa famille dans la mai-
son II. Voilà l’atmosphère concrète d’où dérive l’axe père-fils,
si largement mis en lumière dans les textes autobiographiques,
les enseignements, et les Textes des Cercueils.
Tout comme les textes, ces complexes domestiques sont
caractéristiques de la plus haute élite d’Égypte. Je vois un lien
entre ces deux constats : les Textes des Cercueils pourraient
bien avoir été écrits pour les gens qui habitent ces grandes mai-
sonnées. Si l’on me suit dans ce raisonnement, on tient à nou-
veau un argument pour considérer les Textes des Cercueils
comme marqueurs de la culture élitaire plutôt que d’une cul-
ture « démocratique ».

LES TEXTES DES CERCUEILS ET LES COURS NOMARCALES


Il est ainsi clair que les thèmes évoqués par les Textes des
Cercueils offrent un cadre théologique admirablement en
accord avec les soucis sociaux des propriétaires des sarcopha-
ges. Mais un problème se pose tout de même. L’importance de
la légitimité de la succession familiale, et de l’exécution de
rituels funéraires par le fils aîné ne se rencontre pas seulement
dans les autobiographies des régions nomarcales, mais partout
en Égypte. On a alors du mal à comprendre pourquoi les Textes
des Cercueils disparaissent largement au cours de la XIIe dynas-
tie, sauf dans les régions caractérisées par la culture nomarcale.
Pour être plus précis : les maisons déjà décrites soulignent
clairement l’intérêt accordé à l’axe père-fils, mais ces maisons
se situent à Lahoun, endroit où il n’y a presque pas de Textes
des Cercueils. Depuis quelques années, on sait que des maisons
très comparables ont également existé à Abydos, dans la com-
munauté attachée à la tombe / cénotaphe de Sénousret III195.

195. Wegner, JARCE 35 (1998), p. 1-44 ; Idem, EA 17 (2000), p. 8-10 ; Idem,


MDAIK 57 (2001), p. 281-308.

220
LES TEXTES DES CERCUEILS ET LA DÉMOCRATIE

Comme je l’ai signalé plus haut, à Abydos le nombre de sour-


ces des Textes des Cercueils est aussi très restreint.
On doit donc admettre que, jusqu’à un certain niveau, les
élites partageaient le même climat intellectuel, mais que c’était
surtout les élites provinciales qui continuaient à utiliser l’ex-
pression de ces idées sous la forme des Textes des Cercueils.
Pourquoi cette différence ?

Sans que je puisse en apporter la preuve définitive, il me sem-


ble qu’on peut reconnaître des écarts entre la structure sociale
dans les nomes de Moyenne Égypte – et parfois ailleurs –, et celle
en vigueur dans l’entourage plus immédiat du roi.
Peut-être, les nomarques n’étaient-ils pas plus influents ou
plus importants que les hauts fonctionnaires, par exemple, à
Licht ou à Lahoun. Pourtant, il existait une différence de pers-
pective. À la résidence, on comptait certainement de très hauts
fonctionnaires. Mais il y en avait beaucoup, de sorte que chacun
d’entre eux jouait un rôle relativement moins marqué, consi-
déré du point de vue de la population en général. De surcroît,
dans la communauté de la résidence, même les fonctionnaires
les plus élevés étaient de rang secondaire par rapport au roi.
Dans les provinces, la situation était évidemment perçue de
manière très différente. Il est peut-être vrai que, dans l’organi-
gramme de l’état, un chef provincial pouvait occuper une posi-
tion comparable à celle de certains fonctionnaires attachés à
l’administration centrale, mais pour la population du nome, il
se trouvait sans doute à l’apex de la pyramide hiérarchique
localement visible.
Dans ce cadre, on constate, depuis la fin de l’Ancien Empire
déjà, le développement de l’institution du Ìw.t-k“, la chapelle
où les chefs locaux recevaient un culte personnel. Cette forme
de vénération est bien attestée depuis la fin de l’Ancien Empire
autour des palais et des tombes des gouverneurs régionaux, et
de tels lieux de vénération ont probablement existé au Moyen

221
LES TEXTES DES SARCOPHAGES ET LA DÉMOCRATIE

Empire, en Moyenne Égypte. La maison de ka contenant la sta-


tue colossale du nomarque Djéhoutihotep à Deir el-Bersha
pourrait en avoir constitué un des exemples les plus impres-
sionnants.
Grâce à l’étude de la chapelle de Héqaib menée par
Franke, on sait que le culte célébré dans ce genre de sanctuai-
res n’est pas sans rappeler le culte des ancêtres qui constitue
l’assise de la religion funéraire égyptienne. Probablement dans
chaque famille égyptienne, les rituels mortuaires prenaient
l’apparence d’un tel culte. On sait aussi que le culte des « ancê-
tres » en Égypte était susceptible de s’adresser non seulement à
des membres défunts de la famille, mais également à un éven-
tail d’autres personnes, comme des collègues196. Dans cette
perspective, on peut comprendre que le culte de personnes
importantes de la communauté se soit répandu à travers des
groupes plus larges. Cela doit avoir conduit à un type de véné-
ration qu’on est tenté d’appeler le « culte du patron ». Dans le
cas des gouverneurs, on a affaire aux patrons de toute une
région ; la forme que pouvait adopter le culte de ces personna-
ges dépasse alors les limites normales de ce qui se passait géné-
ralement dans les chapelles attachées aux tombes. Comme le
montre l’exemple des chapelles des gouverneurs à Balat, à Deir
el-Bersha et à Éléphantine, on est en présence d’édifices qui ont
été conçus en vue de célébrations publiques à très grande
échelle. Les gouverneurs, comme bénéficiaires de cultes, se
rapprochent, dans ce cadre, de personnalités d’essence presque
surnaturelle – dans le cas de Héqaib d’Éléphantine, d’Isi
d’Edfou, ou des nomarques d’Assiout on leur a, en effet,
conféré le statut spécial de sah, et Isi est parfois même appelé
nÚr, « dieu »197.

196. Voir par exemple Fitzenreiter, GM 143 (1994), p. 51-71.


197. Franke, Heiligtum, p. 136, n. 407.

222
LES TEXTES DES CERCUEILS ET LA DÉMOCRATIE

On ne connaît que peu de choses des liturgies utilisées pen-


dant les cultes des gouverneurs. Seul le sanctuaire de Héqaib a
fourni un certain nombre de formules rituelles. On trouve, par
exemple, une stèle comportant la formule 219 des Textes des
Pyramides198. Ce texte apparaît parallèlement sur plusieurs cer-
cueils ornés de Textes des Cercueils199. La même stèle contient
également une formule concernant la table d’offrandes, attes-
tée aussi, de manière régulière, sur les sarcophages du Moyen
Empire200. D’autres monuments dans la chapelle de Héqaib
contiennent des textes rappelant les formules 222, 223, et 437
des Textes des Cercueils201, et les paragraphes 87, 25, 200, 598,
23, 33, 82-96, 108 et sq., 213 et 214 des Textes des Pyramides202.
Cette dernière collection provient de la chapelle de culte de
Sarenpout Ier. Un autre texte n’est pas (encore ?) attesté dans le
corpus des Textes des Cercueils, mais il appartient au même
genre. Selon l’analyse de Franke, il s’agit d’un texte de glori-
fication (s“≈.w)203.
On est donc en droit de présumer que, dans le culte des
gouverneurs, on utilisait des textes dont on connaît, dans plu-
sieurs cas, des parallèles exacts sur les cercueils de l’époque, et
qui appartiennent au domaine des formules d’offrande et des
glorifications. Les textes relevant du second genre déploient
une technique rhétorique dans laquelle l’objet de culte est
invoqué avec des qualificatifs divins, ou avec des phrases expri-
mant le désir qu’il puisse s’intégrer dans le monde des dieux.
Bien que quelques-uns de ces textes soient attestés pour la
première fois dans les pyramides des rois de l’Ancien Empire,

198. Habachi, The Sanctuary of Heqaib I, p. 35 ; II, pl. 23b ; voir Franke, Das
Heiligtum des Heqaib, p. 223-235.
199. CT VIII, 158-191.
200. Voir Franke, op. cit., p. 235-240.
201. Ibid., p. 241.
202. Ibid., p. 219. Pour une grande partie des ces textes on trouve aussi des paral-
lèles dans CT VIII.
203. Ibid., p. 245-251.

223
LES TEXTES DES SARCOPHAGES ET LA DÉMOCRATIE

il est certain que plusieurs d’entre eux n’avaient rien de spéci-


fiquement royal. C’est sans doute pour cette raison qu’on les
rencontre dans des compositions rituelles plus tardives204. Il
n’est évidemment pas impossible qu’il existe, parmi les Textes
des Pyramides, des compositions qui aient été spécifiquement
rédigées pour être employées par un roi. Mais, en fin de
compte, cette idée qui, pour beaucoup d’égyptologues, semble
être une certitude pour l’ensemble des Textes des Pyramides,
est impossible à prouver. De surcroît, les Textes des Pyramides
utilisés par des particuliers pendant le Moyen Empire ne for-
ment qu’une sélection assez restreinte du corpus. À titre d’hy-
pothèse, on peut envisager que ce groupe appartient à un fonds
de textes qui n’étaient pas nécessairement royaux, mais qui
furent simplement mobilisés dans une perspective rituelle pour
glorifier le bénéficiaire du rite, quel qu’il soit, roi, dieu, ou
« patron vénéré ». De cette hypothèse découle, par consé-
quence, le fait que l’emploi de ces textes dans le cadre du culte
des chapelles de ka ne constituait pas nécessairement une usur-
pation d’un privilège royal.
On suppose généralement que le culte des chapelles de ka,
malgré le fait que celles-ci avaient certainement une fonction
funéraire, commençait déjà durant la vie du bénéficiaire, et il
n’y a aucune raison de penser que cela n’était pas le cas dans les
Ìw.t-k“ nomarcales205. Cela implique que, déjà du vivant du

204. Voir par exemple Assmann, Tod und Jenseits, p. 323 ; Mathieu, dans : D’un
monde à l’autre, p. 256-258.
205. Plusieurs indices peuvent être évoqués en faveur de cette hypothèse. Par
exemple, la scène de la statue colossale de Djéhoutihotep montre que celle-ci
arrive à une chapelle où des rituels d’offrande sont déjà en train d’être célébrés
(voir fig. 15 : les meilleures pièces de la table d’offrande sont dites être apportées).
Deuxièmement, le graffito Hatnoub 24, l. 3-4, décrit Kay comme quelqu’un dont
l’approche de ses statues de culte (ßn.ty.w) causait la joie des hommes et des
dieux, le jour où elles se rendaient vers le temple. Du contexte il ressort clairement
que Kay fait allusion à une fête pendant laquelle lui-même officiait comme prêtre.
Le texte, écrit de son vivant, utilise la forme relative sƒm.n=f pour relater l’événe-
ment, montrant clairement que ses statues avaient déjà été portées en procession,

224
LES TEXTES DES CERCUEILS ET LA DÉMOCRATIE

nomarque, il existait un culte qui utilisait des textes ayant


comme but de le transformer en un être divin.

Conclusion

La conclusion que je voudrais tirer pourrait être formulée


de la manière suivante. Au début du Moyen Empire, la création
de l’état nouveau conduit à l’émergence d’une élite nationale
dont les monuments funéraires, essentiellement, nous sont
accessibles. À ce moment-là, le culte funéraire royal n’utilise
probablement plus les Textes des Pyramides206 ; mais une collec-
tion de textes qui en sont très proches, les Textes des Cercueils,
s’est développée pour donner expression au statut religieux de
la très haute élite, qui se sert aussi d’une sélection des Textes

et donc, qu’une chapelle fonctionnait déjà avant sa mort (à comparer Beni Hasan I,
pl. XXV, 83-84). Dans une des chapelles de ka, à Balat, on a trouvé un décret royal
où le roi déclare qu’il a permis la construction de la chapelle, mais aussi la mobili-
sation d’un corps de prêtres pour celle-ci. Le texte déclare également qu’on avait
agi de la même manière pour les prédécesseurs du destinataire du décret, fait qui
suggère qu’on n’a pas affaire à un événement singulier (Soukiassian, Wuttmann,
Pantalacci, Balat VI, p. 310-314 ; p. 521). Un autre décret fragmentaire, trouvé dans
une chapelle avoisinante, devait avoir contenu des stipulations similaires (op. cit.,
p. 315). Troisièmement, le gouverneur Médounéfer possédait une chapelle de ka
qui fut restaurée après l’incendie qui avait dévasté la ville. Or, il existe un indice
que cet incendie s’était produit pendant le règne de Médounéfer même (voir
Soukiassian, Wuttmann, Schaad, BIFAO 90 [1990], p. 355). Le décret Coptos K
est adressé au vizir Shemai. Il est sous-entendu qu’il existe déjà plusieurs chapelles
de ka lui appartenant ainsi qu’à sa femme, et, dans le décret, le roi ordonne la
nomination de probablement plus de cinquante-huit prêtres de ka. De la même
manière, les chapelles de ka du vizir Idi semblent déjà être pourvues de domaines
pour le financement du culte, lorsque le roi Démedjibtaoui fait rédiger le décret
Coptos R. Il est clair qu’à ce moment, Idi est encore vivant ; pour les décrets discutés,
voir Goedicke, KDAR, p. 207-225. Pour l’idée que le culte des chapelles de ka était
déjà activé pendant la vie des bénéficiaires, voir aussi Franke, Das Heiligtum des
Heqaib, p. 122-125, qui fait encore état d’autres exemples qui furent déjà institués du
vivant du propriétaire. Il semble donc clair que le bâtiment fonctionnait déjà de son
vivant. Voir aussi Bolshakov, AoF 18 (1991), p. 204-218, qui soutient que le culte, dans
les tombes également, commençait déjà du vivant des propriétaires.
206. En tout cas comme élément de la décoration du monument funéraire.

225
LES TEXTES DES SARCOPHAGES ET LA DÉMOCRATIE

des Pyramides. Un centre important de diffusion des ces textes


était la Maison de Vie attachée au temple de Thot à el-
Ashmounein. Il ne s’agit certainement pas d’une démocratisa-
tion, ou même d’une démotisation, pour utiliser l’euphémisme
plus à la mode de nos jours. Le point de départ de cette évolu-
tion réside peut-être dans l’existence de chapelles de ka, dans
lesquelles les grands seigneurs de l’état recevaient un culte,
parfois déjà durant leur vie. Les Textes des Cercueils, où les
particuliers s’assimilent à des dieux après leur mort, avaient
donc des antécédents dans les liturgies des chapelles de ka, qui
attribuaient des rôles divins aux hauts fonctionnaires.
Cela ne signifie pas forcément que tous les fonctionnaires
mentionnés aient disposé de chapelles de ka. En fait, je n’en
connais pas d’exemples pour l’élite des villes des pyramides et
de la capitale de l’Ancien Empire. Mais il existe des indices
qu’au moins quelques membres de l’administration thébaine du
début du Moyen Empire en possédaient207. Quoi qu’il en soit,
l’existence de cultes personnels dans les provinces est bien
attestée depuis la fin de l’Ancien Empire. À Éléphantine et à
Deir el-Bersha, mais probablement aussi sur les autres sites
nomarcaux du Moyen Empire, ces cultes ont continué au moins
jusqu’à la fin de la XIIe dynastie. On a, en effet, l’impression
que leur importance y devenait de plus en plus grande, si l’on
peut en juger sur la base de la chapelle contenant l’énorme sta-
tue de Djehoutihotep, ou des tombes colossales à Qaw el-Kebir
et à Assiout.
Dans le cadre de la continuité, et même de l’intensification,
du culte du gouverneur en Moyenne Égypte, il semble crédible
que le statut de son entourage immédiat ait également aug-
menté. Sans doute ces gens étaient-ils en bonne position pour

207. Je peux renvoyer au cas d’Antef fils de Myt, un haut fonctionnaire thébain de
l’époque de Montouhotep III (TPPI, § 33,12-13), qui possédait un « temple de
sah » (r-pr n s©Ì pn) où travaillaient des prêtres de ka.

226
LES TEXTES DES CERCUEILS ET LA DÉMOCRATIE

avoir accès à un rituel funéraire correspondant à leur niveau


social durant la vie. J’ai l’impression que l’utilisation des Textes
des Cercueils est alors un élément de tout un appareil religieux
visant à traduire leur rôle social prépondérant. Cela n’a rien à
voir avec une tendance « démocratique ».
Les chapelles de ka peuvent donc être interprétées comme
un lieu où des textes religieux furent mobilisés pour le culte des
particuliers. Mais je ne vois pas, pour autant, de raison d’en
déduire que toute personne ayant un sarcophage inscrit de
Textes des Pyramides ou des Cercueils ait aussi possédé une cha-
pelle de ka. Bien plutôt, ces chapelles pourraient avoir été les
premiers lieux où apparut l’utilisation de textes rituels pour des
particuliers208. Il n’est pas étonnant qu’ils aient voulu continuer
de bénéficier des effets de tels textes après leur mort, ce qui
conduisit à l’émergence de textes religieux dans le cadre de
leurs tombeaux. Mais on ne doit pas exclure la possibilité qu’à
partir de ce moment, ces textes aient aussi été adoptés par d’au-
tres membres de l’élite qui ne disposaient pas de chapelle de ka
indépendante de la chapelle funéraire. Cette dernière – qui était
parfois aussi appelée « chapelle de ka »209 ! – pourrait avoir
conduit à une dissémination de ces textes en dehors du groupe
probablement très restreint qui possédait un culte personnel.
Mais comme notre enquête démographique l’a montré, le nom-
bre d’utilisateurs de ces textes est toujours resté très faible.
À la fin de la XIIe dynastie, les cours nomarcales disparais-
sent et, avec elles, les derniers utilisateurs des Textes des
Cercueils. À vrai dire, il existe quelques autres sources que De
Buck a inclus dans son édition des Coffin Texts. Il s’agit bien sûr

208. Il est peut être significatif que le plus ancien exemple d’un sarcophage inscrit
avec des textes qui peuvent être comparés aux Textes des Cercueils appartienne
au gouverneur de l’Oasis de Dakhla, Médounefer. On sait qu’il possédait aussi
une chapelle de ka : Soukiassian, Wuttmann, Pantalacci, Balat VI, p. 57-84.
209. Par exemple la chapelle funéraire de Hétep à Saqqara : Firth, Gunn, Teti
Pyramid Cemeteries I, p. 275.

227
LES TEXTES DES SARCOPHAGES ET LA DÉMOCRATIE

de textes écrits sur des sarcophages, mais leur étude montre


qu’ils proviennent d’un cadre religieux totalement différent,
qui annonce déjà le Livre des Morts210.

210. Une étude de ce matériel extrêmement intéressant est en préparation.


APPENDICE
QUANTIFICATION
DES CERCUEILS DÉCORÉS
DU MOYEN EMPIRE

L
a table suivante est accompagnée des renvois
bibliographiques aux publications de cercueils
parues depuis les listes établies par Willems,
Chests of Life, p. 19-40 et par Lapp, Typologie,
p. 272-313. Elle complète les informations de
la figure 20.

229
LES TEXTES DES SARCOPHAGES ET LA DÉMOCRATIE

Sites Sarcophages Nombre Sarcophages Nombre Nombre Nombre


avec Textes d’individus sans Textes d’individus total total
des Cercueils des Cercueils de cercueils d’individus
Assouan 1 1 1 1 2 2
el-Gebelein 3 2 9 9 12 11
Thèbes 26 23 27 17 53 37211
Dendara 212
1? 1? 1? 1?
Farshut 1 1 1 1
Abydos 3 213
3 5 214
5 8 8
Naga el-Deir215 4 3 3 3 7 6
Akhmim Non inclus 216

Qaw el-Qebir 2217 2 2 2 4 4


Deir Rifa 3 218
3 8 7 11 10
Assiout 29219 (+23 ?) 24 (+23?) 221 219 250 (+ 23 ?) 243220 (+ 23 ?)
Meir 71221 64 61 59 132 122222
Deir el-Bersha 223
50 28 9 9 59 37
Beni Hasan224 14 9 18225 17 32 26
Ihnasiya el-Medina 2 226
2 2 2
Sedment el-Gebel 7227 5 8 7 15 12
Haraga 2 2 9 9 11 11
Hawara 1228 1 1 1
Riqqa 1 1 12 12 13 13
Licht 10229 10 8 7 18 17
Mazghouna 1 1 1 1
Dahchour Non inclus 230

Saqqara 36231 28 26 26 62 54
Abousir 4 232
3 11 233
11 15 14
Kôm el Hisn 1234 1 1 1
Qatta 1 235
1 1 1
Origine inconnue 10 9 3 3 13 12
Total 281 (+23 ?) 225 (+23 ?) 444 426 748 670

230
APPENDICE

211. Non pas quarante individus, parce que plusieurs personnes possèdent à la fois
un sarcophage orné de Textes des Cercueils et un sarcophage sans ces textes.
212. La source doit être antérieure au Moyen Empire ; ce qui explique le point d’in-
terrogation.
213. Aux listes de Willems et Lapp on ajoutera Aby1X, de [...]-iri/Sébekhotep (Peet,
Cemeteries of Abydos, p. 61 (X3) ; p. 123, et pl. XIII.4 ; pl. XXXVI) et Aby2X,
d’Amenemhat (op. cit., p. 62 (Z2a, 122-123)).
214. Aux listes de Willems et Lapp on ajoutera Aby2 (Grajetzki, GM 166 [1998],
p. 32 ; Aby3 ( Peet, op. cit. II, p. 58 et fig. 27) ; Aby4 ( Peet, op. cit., p. 60 (C66),
fig. 28 et pl. XIV,15) ; Aby5 ( Peet, op. cit., pl. XIII.5).
215. Il n’est pas sûr que toutes les sources appartiennent à la période étudiée ici.
Quelques unes pourraient être plus anciennes.
216. Le matériel d’Akhmim semble être généralement plus ancien que les sarcopha-
ges présentés ici.
217. Aux listes de Willems et Lapp on ajoutera la publication de Ciampini, Le sepol-
tura di Henib.
218. Une des sources est un masque funéraire décoré avec des Textes des
Cercueils.
219. À la liste de Zitman, The Necropolis of Assiut, p. 110-151, j’ai ajouté la tombe I
de Djefaihâpi Ier, qui est partiellement décorée de Textes des Pyramides. Bien qu’il
ne soit pas certain qu’on connaisse le(s) cercueil(s) de cette personne, la présence
de ces textes dans sa tombe montre qu’il y avait accès.
220. Deux propriétaires d’un sarcophage sans Textes des Cercueils possèdent
aussi un sarcophage avec Textes des Cercueils.
221. La liste inclut cinq masques funéraires (M1-2Ann, M16C, M35C, M36C) de
personnes dont on ne connaît pas de sarcophage. Bien qu’il ne s’agisse pas de cer-
cueils, le fait que les masques sont inscrits avec des Textes des cercueils montre que
le propriétaire y avait accès.
222. Hâpi-ankhtifi possédait à la fois un sarcophage inscrit avec des Textes des
Cercueils et deux sarcophages sans ce genre de textes.
223. Ici on ne tient pas compte des calculs hypothétiques signalés, p. 170-171, mais
on donne seulement les sources actuellement connues.
224. Même remarque qu’à la note précédente.
225. Aux listes de Willems et Lapp, on ajoutera le sarcophage de chien BH16
(Tooley, JEA 74 [1988], p. 207-211) ; BH17, de la dame Hétepout (Freiburg
Museum für Völkerkunde Inv. Ae20, non publié) ; BH18 de Netjer-nakht
(Callaghan, BACE 8 [1997], p. 19-32).
226. En fait il ne s’agit pas de sarcophages mais de tombes décorées avec des
Textes des Cercueils. Les sources sont incluses parce que les propriétaires de ces
tombes disposaient de ce genre de textes.
227. Au matériel inclus dans les listes de Willems et de Lapp, on ajoutera les trois sar-
cophages publiés récemment : Abdel Fattah, Bickel, BIFAO 100 (2000), p. 1-36.
228. Cercueil de Néferou-Ptah, reconstruit par Grajetzki, GM 205 (2005), p. 55-
65. On pourrait aussi attribuer ce cercueil au groupe des sarcophages avec Textes
des Cercueils, mais en fait, la décoration est restreinte à une série de formules reli-
gieuses de forme ornementale à l’extérieur.

231
LES TEXTES DES SARCOPHAGES ET LA DÉMOCRATIE

229. La tombe de Sénousret-ânkh a été incluse ici ; bien que le sarcophage ne soit
pas connu, le fait que le propriétaire disposait d’une tombe décorée avec des
Textes des Pyramides montre qu’il avait accès à ce genre de textes. Cette liste ne
comprend pas les sarcophages L1-2Li (SN1A selon la nomenclature d’Allen), ni les
sarcophages ZJ1 et X28 d’Allen (dans : The World of the Coffin Texts, p. 13-15) qui
datent de l’extrême fin de la XIIe dynastie et de la XIIIe dynastie.
230. Il s’agit d’un groupe de sarcophages de personnes appartenant à la famille
royale et à la cour. Ils sont d’un autre type que les sarcophages analysés dans ce
volume et sont aussi plus tardifs (Moyen Empire tardif).
231. Cela inclut quelques chambres funéraires décorées exactement comme un cer-
cueil du Moyen Empire. Aux listes de Willems et Lapp, ajouter le sarcophage
Sq23X mentionné dans Giddy, EA 6 (1995), p. 29, et la pyramide de
Rêhérichefnakht : Berger-El Naggar, Labrousse, BSFE 164 (2005), p. 28. ^
232. Aux listes de Willems et Lapp on ajoutera Ab1C de Khoui-ânkh : Bares, ZÄS
118 (1991), p. 89-96). ^
233. Aux listes de Willems et Lapp on ajoutera Ab7-8 : Bares, ZÄS 118 (1991),
p. 89-96).
234. En fait, il ne s’agit pas d’un sarcophage mais d’une tombe décorée avec des
Textes des Cercueils. Les sources sont incluses car les propriétaires de ces tombes
disposaient de ce genre de textes.
235. En fait, il s’agit d’une chambre funéraire décorée avec des Textes des
Cercueils.
ÉPILOGUE

L
es hypothèses que j’ai proposées dans les pages
précédentes, ont eu pour but de remettre en
cause certaines opinions répandues sur la
société et la religion du Moyen Empire égyp-
tien. Les données que j’ai utilisées compre-
naient, d’une part, une masse de documenta-
tion archéologique et philologique publiée et, de l’autre, les
acquis nouveaux des fouilles en cours à Deir el-Bersha.
Pour l’auteur, l’exercice de formuler de manière consis-
tante des idées, jusque là éparses, eut comme conséquence
inattendue que, pendant la campagne de 2007, le site de Deir
el-Bersha s’est présenté à lui sous une lumière légèrement dif-
férente. Aussi, les fouilles reprises, des informations parfois
inattendues, dont la portée n’est pas encore tout à fait claire,
sont-elles apparues, qui permettent de nuancer, ou de renfor-
cer, certaines propositions que j’avais énoncées dans mes
conférences à l’EPHE. Sans qu’il me soit possible de présenter
ici tous les détails, je crois utile d’en offrir un bilan prélimi-
naire.

233
LES TEXTES DES SARCOPHAGES ET LA DÉMOCRATIE

Un projet important de la campagne de 2007 était la réali-


sation partielle de la stabilisation de la tombe nomarcale
d’Ahanakht Ier. La salle d’entrée de cette tombe s’était déjà
effondrée avant que Newberry n’y travaille en 1891-1892 ;
mais son rapport fait aussi état de mouvements de rochers qui
se produisirent pendant sa campagne même. La situation ne
s’est pas améliorée depuis. Les fouilles de G.A. Reisner de
1915 conduisirent à un enlèvement de déblais, lui permettant
de trouver un nombre important de puits funéraires nouveaux.
Mais en évacuant ces matériaux – souvent en dynamitant des
grands blocs de calcaire tout autour de la tombe d’Ahanakht –
il déstabilisa en même temps les tombes nomarcales. En com-
parant des photographies de son époque avec la situation
actuelle, il est clair que les rochers bougent encore, l’aire pré-
sentant le plus de risques de s’effondrer étant celle de cette
tombe.
Le projet de consolidation n’est pas encore terminé. Le but
est, d’abord, de dresser des piliers de soutènement en trois
points-clé et, ensuite, de reconstruire partiellement les parois
détruites pendant que la tombe fut exploitée comme carrière.
Évidemment, certains aspects ne seront plus visibles après que
la restauration sera achevée.
Avant d’aborder ces travaux, il était donc nécessaire d’enre-
gistrer chaque détail qui pourrait être important ultérieure-
ment pour l’interprétation de l’architecture de la tombe
d’Ahanakht et de celles, peu connues, qui l’entouraient, mais
qui ont été presque entièrement démolies. P. Dils a documenté
tous ces indices. Mais, en fait, il a procédé à une étude architec-
turale de plus grande échelle qui autorise une compréhension
beaucoup plus précise de la moitié orientale du plateau des
tombes nomarcales.
Simultanément, les recherches autour de la tombe de
Djéhoutihotep se sont poursuivies. Les fouilles de L. Kuijper
ont permis d’identifier une tombe déjà partiellement explorée

234
ÉPILOGUE

par l’équipe de Newberry : la tombe « K » de Fraser1. Il est


apparu clairement que les fouilles dont fait état Fraser n’étaient
que très superficielles.
Ce qui rend importante cette tombe, c’est que ses trois puits
funéraires, que nous n’avons pas encore pu vider, sont, par com-
paraison avec la plupart des puits dans la zone 2, assez petits :
ils sont carrés, les côtés ayant une longueur d’approximative-
ment un mètre. Le même module existe dans un puits que nous
avons découvert récemment dans le caveau funéraire de
Djéhoutihotep même. Un autre, non terminé, se trouve dans le
complexe funéraire du même nomarque2. Un sixième puits du
même type, lui aussi inachevé, est creusé non loin de là.
Il est donc patent qu’il existe un groupe de tombes, typologi-
quement très distinct et jusque là non identifié : les tombes à puits
carrés. Étant donné que deux de ces puits appartenaient à l’évi-
dence à des tombes dont la chapelle a été détruite quand la tombe
de Djéhoutihotep fut construite, il s’agit clairement de tombes
plus anciennes que celles des nomarques du Moyen Empire.
Ces dernières possèdent des puits d’un caractère tout à fait
différent. Ce sont des puits rectangulaires, avec une longueur sou-
vent de plus de trois mètres, et une largeur d’un mètre cinquante
environ. Je les appellerai « les grands puits rectangulaires ».
Une autre observation n’avait pas été faite auparavant : on
reconnaît encore un troisième type de puits, qui est, comme ceux
du Moyen Empire, rectangulaire, mais d’un module beaucoup
plus petit, n’étant que légèrement plus long qu’un corps humain.
De surcroît, ce dernier groupe, qu’on nommera « les petits puits
rectangulaires », est peu profond, et partage certains éléments
architecturaux qui devront être décrits ailleurs. On compte une
dizaine de tombes environ pourvues de ce dispositif.

1. Fraser, dans : Bersheh II, p. 59. Selon lui, le complexe contenait deux puits funé-
raires.
2. Voir la reconstruction dans Verrept et Willems, dans Willems e.a., MDAIK 62
(2006), p. 317, fig. 4.

235
LES TEXTES DES SARCOPHAGES ET LA DÉMOCRATIE

Les conséquences de ces découvertes ne sont pas encore clai-


res. Cependant, on doit conclure à la présence de trois groupes de
tombes nettement différenciés, et au fait que les tombes à puits
carrés sont antérieures au Moyen Empire. Leur forme suggère
qu’une datation à l’Ancien Empire serait envisageable. Les tom-
bes à petits puits rectangulaires pourraient, elles, appartenir à des
contemporains des nomarques du Moyen Empire. Mais il est aussi
concevable qu’elles constituent le trait d’union entre les tombes à
puits carrés et les grands tombeaux nomarcaux du Moyen
Empire. Cette dernière option permettrait d’expliquer pourquoi
les tombes nomarcales du Moyen Empire s’échelonnent en deux
groupes distincts : l’un vers l’est, et l’autre vers l’ouest. La zone
entre les deux n’a jamais révélé aucune trace de tombes décorées,
mais on y rencontre plusieurs petits puits rectangulaires, qui
pourraient avoir déjà existé avant que les nomarques du Moyen
Empire n’aient construit leurs sépultures.
Il est clair que cette dernière hypothèse, si elle se confirme,
entraîne diverses conséquences. Plusieurs questions se posent.
Si les petits puits rectangulaires datent vraiment de la Première
Période Intermédiaire, qui étaient leurs propriétaires ? Les
gouverneurs ? Mais on a vu que des tombes datant aussi, pro-
bablement, de cette époque existent dans la zone 10, au centre
du village. Ces tombes sont d’une allure beaucoup plus consé-
quente ; et on sait que les personnes enterrées là appartenaient
aux couches supérieures de l’époque. S’agit-il donc de mem-
bres de l’élite, mais d’un statut inférieur, comparé à celui des
nomarques inhumés dans la zone 10 ? Nous l’ignorons.
Mais il reste que l’hypothèse que des tombes de la Première
Période Intermédiaire soient installées dans la zone 2 a des
retentissements pour l’interprétation que j’ai présentée plus
haut3. J’avais suggéré un lien entre trois constats indépendants :

3. Cf. supra, p. 91 sq. ; 108-109.

236
ÉPILOGUE

1) le fait que Ahanakht Ier fut le premier à construire une grande


tombe décorée dans la zone 2 ; 2) le fait qu’il fut nommé vizir ;
et 3) le fait que, vers la fin de la Première Période
Intermédiaire ou au début du Moyen Empire, tout le site fut
réorganisé autour d’une rue reliant l’embarcadère sur la rive
du Nil avec la zone 2. Ma supposition était que, dans le climat
politique juste après l’Unification du pays, le nouveau roi thé-
bain avait trouvé un allié en Ahanakht. Dans ce contexte, il lui
avait attribué des privilèges importants, y compris la création
d’un paysage rituel destiné à sa vénération, dans lequel la posi-
tion visuellement impressionnante de sa tombe jouait un rôle.
Je ne vois aucune raison pour mettre en doute l’essentiel de
cette proposition. Il est tout de même possible qu’Ahanakht Ier
n’ait pas été le premier de son temps à ériger sa tombe dans la
zone 2, poursuivant la démarche des propriétaires des petits
puits rectangulaires. Par ailleurs, l’existence même de ce dernier
groupe pourrait être à l’origine de la rue traversant le cimetière
dans la plaine. Elle aurait donc possiblement été conçue dès avant
le Moyen Empire. Même dans ce cas, la datation des tombes ali-
gnées sur les deux côtés de la rue suggère que cette dernière ne
peut pas remonter très en deçà de cette date.
Je dois souligner que cette alternative est une possibilité,
mais ne prouve pas que mon explication de la situation, déve-
loppée dans le chapitre II, est à écarter. Si cette alternative nou-
velle s’avère correcte, cela modifie également la chronologie de
l’établissement de certains éléments de la topographie locale,
mais non pas l’interprétation fonctionnelle du paysage rituel,
qui est fondée, pour l’essentiel, non sur les données de l’épo-
que de Ahanakht, mais sur le texte concernant la statue colos-
sale de Djéhoutihotep4. C’est cette interprétation fonctionnelle
qui importe le plus pour le présent ouvrage.

4. Cf. supra, p. 110-114.

237
LES TEXTES DES SARCOPHAGES ET LA DÉMOCRATIE

La découverte des puits carrés et des petits puits rectangu-


laires a aussi d’autres effets. Dans le troisième chapitre, j’ai éla-
boré une tentative d’explication visant à comprendre quel seg-
ment de la population utilisait les Textes des Cercueils. Dans ce
cadre, j’ai proposé des estimations sur le nombre de tombes
dans la zone 2. Mais je n’avais pas pu tenir compte du fait que
trois types de tombes existent.Autant que je sache, tous les sar-
cophages inscrits avec des Textes des Cercueils proviennent des
grands puits rectangulaires. Il n’existe aucun indice que ces tex-
tes aient aussi été reproduits sur les sarcophages trouvés dans
les petits puits. Et, en fait, dans la plupart des cas, les cercueils
célèbres de Deir el-Bersha sont simplement trop grands pour
être introduits dans les puits carrés et les petits puits rectangu-
laires. J’avais fait la remarque qu’il n’existe pas d’informations
sur des documents portant des Textes des Cercueils, qui pro-
viendraient de la partie centrale de la zone 25. C’est peut-être
parce que cette zone n’abrite que des petits puits rectangulai-
res qui ne contenaient pas ce type de matériel.
La conséquence en est que la base de mes calculs était une
estimation, de beaucoup trop haute, du nombre de sarcophages
avec des Textes des Cercueils. Même l’hypothèse qu’un faible
0,29 ‰ des morts dans le nome du Lièvre en possédait6 serait
encore trop optimiste.

5. Supra, p. 158.
6. Supra, p. 171.
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269
LES TEXTES DES SARCOPHAGES ET LA DÉMOCRATIE

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bericht », MDAIK 51 (1995), p. 128-140.
Zitman, The Necropolis of Assiut – M. Zitman, The Necropolis of
Assiut. A Case Study of Local Egyptian Funerary Culture from the
Old Kingdom to the End of the Middle Kingdom (Dissertation :
Leiden University, 2006).
TABLE
DES FIGURES

1. Détail de la procession géographique dans le temple de Kôm


Ombo, montrant les personnifications des XIVe et XVe
nomes de Haute Égypte (d’après De Morgan, Kom Ombos
II. 3, p. 255 [891]).
2. Détail du soubassement de la Chapelle Blanche, montrant la
liste des nomes de Haute Égypte (d’après Lacau et
Chevrier, Une chapelle de Sésostris Ier à Karnak, pl. 3).
3. Détail de la procession de domaines figurés dans le « tem-
ple de la vallée » de Snéfrou à Dahchour. Les deux dames
de droite représentent deux des trois domaines du nome du
Lièvre (XVe). Inséré entre les dames 2 et 3 on voit le sym-
bole du nome de l’Oryx, suivi de deux des cinq domaines
de ce nome (d’après Fakhry, The Monuments of Sneferu at
Dahshur II, fig. 16).
4. Organigramme simplifié de l’administration égyptienne
entre les règnes de Niouserrê et Djedkarê-Isési.
5. Organigramme simplifié de l’administration égyptienne à la
VIe dynastie.
6. Plan de la partie méridionale des tombes nomarcales de
Beni Hasan. Les petits points indiquent la position des tom-
bes inférieures situées au bas des grandes tombes rupestres
(d’après Willems, Chests of Life, plan 1).
7. Les hauts-lieux de la nomarchie du Moyen Empire.
8. Plan de la région de Deir el-Bersha (plan Christoph Peeters).

271
LES TEXTES DES SARCOPHAGES ET LA DÉMOCRATIE

9. Plan du site de Deir el-Bersha, avec indication des zones


archéologiques (plan Christoph Peeters).
10. Plan préliminaire de la zone 2. Pour notre discussion, les tom-
bes les plus importantes sont celles d’Ahanakht Ier (17K85/1),
Djéhoutinakht, Khnoumnakht et Iha (17K74/1-3), Ahanakht
II (17K84/1) et Djéhoutihotep (17L20/1). Les structures à
l’ouest de cette dernière tombe (notamment la tombe du
nomarque Djéhoutinakht VI) n’ont pas encore pu être incluses
(plan Christoph Peeters).
11. Reconstruction de la chronologie des nomarques du nome
du Lièvre au début du Moyen Empire (d’après Willems,
JEOL 28 (1983-1984), p. 80-102 ; Idem, Dayr al-Barsha- I,
chapitre 7)
12. Coupe de la tombe 17K74/1 vers l’ouest (dessin Martin
Hense).
13. Plan du « gazîra » dans la partie ouest de la zone 9 (dessin
Christoph Peeters).
14. Projection de la « rue » sur le « gazîra » vers l’est
(d’après Willems, Peeters,Verstraeten, ZÄS 132 (2005),
p. 183, fig. 3).
15. La destination de la statue de Djéhoutihotep (d’après
Newberry, El Bersheh I , pl. XII et XVI).
16. Reconstruction du début de la rue processionnelle à
Biahmou (d’après Arnold, Die Tempel Ägyptens, p. 188).
17. Reconstruction des tombes de Qaw el-Kebir (d’après
Steckeweh, Die Fürstengräber von Qâw).
18. Plan du quartier sud de la ville d’©Ayn Asil (d’après
Soukiassian,Wuttmann, Pantalacci, BalatVI, p. 14, fig. 2).
19A. Scène montrant une procession de porteurs du mobilier
funéraire (d’après Beni Hasan II, pl.VII).
B. Frise d’objets d’un sarcophage du début du Moyen Empire
montrant une sélection d’objets comparables (d’après LD
II, pl. 147b).

272
TABLE DES FIGURES

20. Quantification des sarcophages décorés sans Textes des


Cercueils et décorés avec des Textes des Cercueils.
21. Estimation du nombre originel de cercueils décorés (avec
et sans Textes des Cercueils) et du nombre de propriétaires.
22. Quantité annuelle estimée de cercueils décorés et de leurs
propriétaires.
23. Estimation de la proportion de la population totale possé-
dant des cercueils (avec et sans Textes des Cercueils).
24. Monuments mentionnant les pyramides de Téti et de
Mérikarê.
25. Les contextes rituels représentés dans la décoration du sar-
cophage d’Heqata (d’après Willems, Heqata, p. 386).
26. Typologie de la décoration extérieure des sarcophages du
Moyen Empire. La figure n’offre que les modèles les plus
courants (d’après Ikram et Dodson, The Mummy in Ancient
Egypt, p. 198).
TABLE
DES PLANCHES

1. Partie du cimetière du début de l’Ancien Empire à Nuweirat


(photographie Harco Willems).
2.Vue du nord-ouest vers le Ouadi Nakhla. À gauche du ouadi,
la pente nord, où les tombes de la zone 4 sont clairement
visibles. Les tombes des nomarques du Moyen Empire se
trouvent plus haut. En avant-plan, les fouilles des tombeaux
de la zone 9 (photographie Marleen De Meyer).
3.Vue de la zone 2 prise du sommet de la pente sud du Ouadi
Nakhla (photographie Harco Willems).
4. La scène du transport de la statue colossale de
Djéhoutihotep (photographie Bruno Vandermeulen).
5. Vue de la place centrale du village de Deir el-Bersha (zone
10) (photographie Harco Willems).
6. Vue de l’intérieur de la tombe de la dame Djé[houtinakht].
La photographie a été prise du nord, où se trouve l’entrée
du caveau (photographie Marleen De Meyer).
7. L’entrée de la tombe de Nehri Ier (photographie Harco Willems).
8. A. Coupe miniature trouvée dans la tombe 17K74/1 de
l’époque d’Ahanakht Ier.
B. Coupe du même type découvert par G.A. Reisner dans
la tombe d’Ahanakht Ier (Boston MFA 15-4-106) (Courtesy
Museum of Fine Arts Boston).
9. Relief sur le montant de porte nord séparant les salles sud et
nord de la tombe d’Ahanakht Ier (photographie Harco
Willems).
275
LES TEXTES DES SARCOPHAGES ET LA DÉMOCRATIE

10. Vue générale de la paroi ouest de la tombe 17K74/1 (pho-


tographie Bruno Vandermeulen).
11. Détail de l’autobiographie sur la paroi ouest de la tombe
17K74/1 (photographie Bruno Vandermeulen).
12. Paroi nord de la tombe d’Iha (17K74/3) (photographie
Bruno Vandermeulen).
13. A. La colonne dans l’angle sud-est de la salle nord de la cha-
pelle funéraire d’Ahanakht Ier.
B. Le chapiteau de la colonne dans l’angle sud-est de la salle
sud de la chapelle funéraire d’Ahanakht Ier (photographies
Harco Willems).
14. Scan géomagnétique du « gazîra » dans la partie ouest de
la zone 9 (Tomasz Herbich).
15. Plan d’une des grandes maisons à Kahoun (d’après Bietak,
dans : Haus und Palast, p. 32, fig. 12).
INDEX

ROIS ET REINES Montouhotep III, p. 89, 226.


Montouhotep IV, p. 49, 89.
Aba, p. 210. Néferefrê, p. 108.
Amenemhat Ier, p. 44, 49, 52, Neith, p. 146.
59, 88, 89, 178, 179, 181, Niouserrê, p. 26, 177.
185. Noubhotep, p. 147.
Amenemhat II, p. 182, 185, Pépi Ier, p. 125, 177, 178.
187. Ptolémée III, p. 5.
Amenemhat III, p. 115, 168, Sahourê, p. 17.
186-188. Sanakht, p. 17, 18, 23.
Antef II Ouah-ânkh, p. 41, 121. Sekhemkhet, p. 18.
Chabaka, p. 201. Sénousret Ier, p. 8, 37, 44, 47-
Djedkarê-Isési, p. 31. 49, 52, 53, 56, 59, 117,
Démedjibtaoui, p. 225. 174, 181, 182, 208.
Djoser, p. 13, 14, 17, 18, 22, Sénousret II, p. 56, 186-188.
23. Sénousret III, p. 109, 147, 168,
Hor, p. 147, 181. 181, 185-189, 208, 220.
Houni, p. 18, 24. Snéfrou, p. 8, 12, 14, 16-18, 20,
Khafrê, p. 18. 22-25.
Khâsekhemoui, p. 10, 13, 23. Téti, p. 173, 175, 177, 178,
Mérenptah, p. 150. 180.
Mérikarê, p. 175-177.
Montouhotep II, p. 36, 40, 44-
46, 48, 51, 58, 89, 90, 168,
175, 179-182.

277
LES TEXTES DES SARCOPHAGES ET LA DÉMOCRATIE

ANTHROPONYMES Hâpi-ankhtifi, p. 231.


Aai, p. 193. Hénenou, p. 42, 46.
Ab-ihou, p. 39. Henib, p. 69.
Ahanakht Ier, p. 88-93, 95, 96, Hénou, p. 83.
98-103, 109, 115, 157, 158, Héqaib, p. 56, 61, 120-123, 127,
183, 184, 234, 237. 128, 186, 222, 223.
Ahanakht II, p. 89, 90, 92. Heqata, p. 204-208, 212.
Amenemhat, p. 158, 231. Hétep, p. 150, 227.
Ankhtifi, p. 39-41. Hétepi, p. 41, 46.
Antef, p. 57, 179, 226. Hétepout, p. 231.
©An©ankhi, p. 193. Hirkhouf, p. 61.
Baqet Ier, p. 51. Horemkhâouf, p. 215, 216.
Baqet III, p. 51. Horhotep, p. 55, 57, 179.
Bebi, p. 102. Ia-ib, p. 108.
Béhesti, p. 192, 193, 195. Idi, p. 225.
Bouaou, p. 179. Iha, p. 96, 98-101, 183.
Dagi, p. 102, 179. Iii, p. 193, 195, 196.
Djefaihâpi, p. 117, 119, 125, Ikhernofret, p. 96.
127. Inheret-nakht, p. 39.
Djefaihâpi Ier, p. 48, 52, 231. Ini, p. 40.
Djefaihâpi II, p. 52. Ini-itef, p. 40.
Djefaihâpi III, p. 187. Ip, p. 47.
Djefaihâpi IV, p. 187. Ipouer, p. 133.
Djéhoutihotep, p. XI, 77, 110- Ita, p. 147.
112, 114, 115, 147, 158, It-ib, p. 119.
187, 222, 224, 226, 234, Isi, p. 32, 125, 128, 222.
235, 237. Kagemni, p. 177.
Djéhoutinakht, p. 85, 86, 93, Kay, p. 224.
96-101, 149, 158, 187. Khéty, p. 51, 179, 187.
Djéhoutinakht III, p. 89, 90. Khéty II, p. 49.
Djéhoutinakht IV, p. 89, 90. Khnoumhotep, p. 186.
Djéhoutinakht VI, p. 110, 158. Khnoumhotep Ier, p. 49, 51.
Gémeniemhat, p. 146, 147, 175, Khnoumhotep II, p. 53, 186,
177. 187.

278
INDEX

Khnoumhotep III, p. 187, 188. Sarenpout Ier, p. 56, 57, 59, 117,
Khnoumit, p. 147. 121, 223.
Khoui-ânkh, p. 232. Sarenpout II, p. 56, 57.
Khounes, p. 27. Sathedhétep, p. 157.
Khouou, p. 81, 87. Séchemnefer Ier, p. 21.
Médounefer, p. 225, 227. Senbi, p. 53.
Méketrâ, p. 179. Senenou, p. 179.
Mérer, p. 215. Sénousret-ânkh, p. 232.
Mérou, p. 179. Sesenebenef, p. 173, 204.
Mésehti, p. 49, 147, 148. Shemai, p. 225.
Métjen, p. 20, 24, 25. […]-iri/Sébekhotep, p. 231.
Montouhotep, p. 54, 55, 62.
Myt, p. 226.
Nakhti, p. 147, 148. TITRES
Néferi, p. 147, 148. μm.y-r “Ì.t, p. 47.
Néferou-Ptah, p. 231. μm.y-r μp.t nb.t m ‡m©.w t“ mÌ.w,
Nehri Ier, p. 88, 89, 158. p. 179.
Nehri II, p. 159. μm.y-r w, p. 176.
Nékhébou, p. 31, 120. μm.y-r w nty m sr.wt, p. 176.
Netjer-âperef, p. 24, 25. μm.y-r wp.t, p. 27, 28, 31.
Netjer-nakht, p. 231. μm.y-r wp.t Ìtp-nÚr, p. 28.
Ouadj, p. 54. μm.y-r pr, p. 176.
Ouakha II, p. 186, 188. μm.y-r pr (m t“ r-ƒr=f), p. 179.
Oukhhotep, p. 53. μm.y-r pr wr, p. 147.
Oukhhotep IV, p. 187. μm.y-r pr.wy-̃, p. 29, 179.
Ounas-ânkh, p. 32. μm.y-r m‡©, p. 176.
Oupouaoutaâ, p. 55. μm.y-r nμw.t m“wt, p. 27.
Oupouaouthétep, p. 188. μm.y-r n©r.t, p. 47.
Péhernefer, p. 24, 25. μm.y-r nw.w, p. 97.
Pépi-ânkh Heny-kem, p. 120. μm.y-r Ìw.t-wr.t 6, p. 29, 32.
Rediououikhnoum, p. 51. μm.y-r Ìw.t-nÚr, p. 64, 176.
Rêhérichefnakht, p. 232. μm.y-r Ìm(.w)-nÚr, p. 1, 19, 34,
Sabni, p. 122. 53-55, 62, 63, 65.
μm.y-r ≈rp.w, p. 47.

279
LES TEXTES DES SARCOPHAGES ET LA DÉMOCRATIE

μm.y-r ≈tm.t, p. 178, 179. Ì“.ty-© n ·r.ty, p. 37.


μm.y-r swnw, p. 27, 31. Ì“.ty-© n Nom de Ville, p. 64.
μm.y-r s‡<.w> © nsw.t, p. 29, 32. Ìm.w nsw.t, p. 21.
μm.y-r ‡m©.w, p. 39. Ìr.y s‡t“, p. 176.
μm.y-r ‡n-t“ nb, p. 176. Ìr.y s‡t“ sÌ nÚr, p. 176.
μm.y-r ‡ny t“, p. 47. Ìr.y-tp ©“ (nomarque), p. 5, 23,
μm.y-r ‡nw.ty, p. 29, 31, 176, 28, 38, 40, 45, 47, 49, 52,
179. 53, 57, 61-64, 184, 188,
μm.y-r k“.t, p. 31. 189.
μm.y-r k“.t m w©r.t tn, p. 97. Ìr.y-tp ©“ n Wn.t, p. 187.
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Ì“.ty-© Wnt, p. 188. ßr.y-Ìb.t, p. 55, 176.
Ì“.ty-© n Mn©.t-⁄wμ=f-wμ, p. 64. s“=f mr.y=f, p. 202.

280
INDEX

s“b, p. 176. Rê, p. 211.


s“b<.w> ©ƒ mr, p. 114. Satet, p. 35.
sm, p. 85. Seth, p. 96, 211, 212.
smÌr w©.ty, p. 47, 176, 179. Sobek, p. 40.
s̃ n s“, p. 176. Sokar, p. 126, 127.
s̃ s‡.w n Ìw.t-wr, p. 176. Thot, p. 74, 99, 100, 101, 183,
s‡ ©pr.w n nfr.w, p. 176. 226.
s‡ s“b, p. 176.
s‡ nÚr, p. 176.
s‡m t“, p. 15, 27. TOPONYMES
s‡m t“ m“-̃, p. 23. Abousir, p. 166, 173, 177, 178,
sƒm sƒm.t, p. 47, 176. 230.
t“y.ty z“b Ú“.ty, p. 29, 32. Abydos, p. 10, 13, 17, 35, 41,
47, 96, 166, 174, 220, 221,
Horologue, p. 98. 230.
Stratègos, p. 5. Akhmim, p. 52, 58, 166, 172,
230, 231.
Amarna, p. 74.
DIVINITÉS Armant, p. 55.
Anubis, p. 200, 201. Asfoun el-Mata©na, p. 20.
Atoum, p. 205, 207. Assasif, p. 117.
Chou, p. 205, 207, 211. Assiout, p. 3, 38, 45, 49, 52, 53,
Geb, p. 194. 62-65, 67, 69, 71, 73, 119,
Harendotès, p. 211. 122, 127, 147, 148, 150,
Hathor, p. 16, 24. 151, 161-167, 174, 182,
Horus, p. 198-200, 202, 204, 185, 187, 222, 226, 230.
205, 207, 211. Assouan, p. 41, 48, 56, 61, 126,
Isis, p. 194, 200, 201. 155, 166, 172, 180, 204,
Min, p. 211. 230.
Nephthys, p. 200, 201. ©Ayn Asil, p. 61, 123.
Osiris, p. 39, 96, 174, 197-200, Bab el-Hosam, p. 181.
202-204, 207, 210-212. Bahariya (oasis de), p. 198.
Osiris Khentamenti, p. 196. Balat, p. 123, 125, 126, 141,
Oupouaout, p. 125. 222, 225.

281
LES TEXTES DES SARCOPHAGES ET LA DÉMOCRATIE

Beit Khallâf, p. 17. 112, 183, 184, 188, 190,


Beni Hasan, p. 3, 38, 49, 51-53, 226.
57, 63-65, 67, 69, 72, 117, el-Gebelein, p. 16, 19-22, 24,
160, 161, 164-166, 170, 35, 40, 46, 166, 230.
173, 182, 185-187, 230. el-Hawawish, p. 3.
Biahmou, p. 115. el-Kab, p. 16, 19, 35, 41.
Canal Sinueux, p. 210. el-Saff, p. 47.
Champ des Roseaux, p. 210. el-Sayla, p. 18.
Coptos : voir Quft. el-Sheikh Sa©id, p. 74.
Crocodilopolis, p. 115. el-Tarif, p. 16, 17, 22, 42.
Dahchour, p. 8, 147, 166, 172, el-Tôd (·r.ty), p. 37.
173, 230. Éléphantine, p. 24, 35, 56, 57,
Dakhla (oasis de), p. 61, 155, 120, 122, 123, 125, 126,
227. 222, 226.
Deir Abou Hinnis, p. 74. Farshut, p. 166, 230.
Deir el-Bersha, p. XI, XIV, 3, 6, Fayoum, p. 53, 54, 64, 153.
19, 38, 51-53, 57, 64, 65, Giza, p. 120.
67, 70-72, 74, 77, 79-81, Haraga, p. 166, 230.
87, 89, 91, 103, 106, 109, Hatnoub, p. 73, 77, 87-90, 95,
115, 117, 119, 125, 126, 100, 110, 111, 224.
147, 149, 151, 156, 160, Hawara, p. 166, 230.
164-166, 170, 171, 182- Héliopolis, p. 54, 175.
185, 187, 222, 226, 230, Hiérakonpolis, p. 57.
233, 238. Ihnasiya el-Medina, p. 166, 230.
Deir el-Bahari, p. 117, 180. Ismant al-Kharab, p. 155.
Deir el-Gabrawi, p. 3. Itji-taouy, p. 179, 181.
Deir Rifa, p. 52, 65, 67, 166, Karnak, p. 8.
230. Khozam, p. 40.
Dendara, p. 51, 91, 166, 230. Kôm el-Hisn, p. 166, 230.
Dra Abou el-Naga, p. 179. Kôm el-Khalwa, p. 53, 64, 65,
Edfou, p. 32, 125, 128, 222. 67.
el-Ashmounein/Hermopolis Kôm Ombo, p. 61.
(⁄mnw), p . 4, 6, 73, 74, 83, Lahoun, p. 217, 218, 220, 221.
99, 100, 103, 106, 109, 111, Le Caire, p. 73.

282
INDEX

Liban, p. 151. Qubbet el-Hawa’, p. 56, 59, 65,


Licht, p. 147, 166, 173, 179, 67, 69, 117, 123.
181, 182, 221, 230. Quft (Coptos), p. 40, 125.
Mallawi, p. 70, 80, 83. Qurna, p. 40.
Mazghuna, p. 166, 230. Raqaqna, p. 18.
Meir, p. 3, 38, 53, 57, 65, 67, 70, Riqqa, p. 150, 166, 230.
120, 165, 166, 185, 187, 230. Saqqara, p. 23, 146, 147, 166,
Médamoud, p. 35. 174, 184, 227, 230.
Memphis, p. 126, 172. Sedment el-Gebel, p. 166, 230.
Menat-Khoufou, p. 63, 64. Sheikh Timay, p. 74.
Mo©alla, p. 20, 39, 40. Soumenou, p. 40.
Moeris (lac), p. 115. Tell Basta, p. 65.
Naga el-Deir, p. 17, 155, 166, Tehna el-Gebel, p. 52, 53, 65,
230. 67.
Nagada, p. 40. Tell el-Dab©a, p. 154, 155.
Nekhen, p. 55, Tell Ibrahim Awad, p. 35.
Nome du Lièvre, p. 6, 48, 73, Thèbes, p. 17, 32, 35, 42, 46,
109, 111, 112, 171, 183, 101, 102, 117, 155, 166,
188, 238. 173, 178-180, 182-184,
Nome de l’Oryx, p. 13, 22, 23, 230.
44, 51, 186. Thoth Hill, p. 17, 22.
Nubie, p. 56, 57, 120. Tjerty, p. 112.
Nuweirat, p. 18, 19, 23. Umm el-Qaab, p. 13, 22.
Ouadi ©Ibada, p. 74. Vallée des Rois, p. 17.
Ouadi Hammamat, p. 37. Zawiyet el-Mayyitin, p. 18, 23,
Ouadi Nakhla, p. 74, 77, 87, 27, 35.
106.
Place de l’Embaumement, Ó©r.w, p. 20.
p. 199, 211. Ónr.ty, p. 21.
Qatta, p. 166, 230. W“ƒ s.wt Mr.y-k“-R©, p. 175.
Qaw el-Kebir, p. 3, 52, 63-65, Ìw.t-nÚr n.t Snfrw, p. 20.
67, 69, 70, 117, 166, 173, ƒd s.wt Ttμ, p. 175.
185, 186, 188, 226, 230.
Qila© ed-Dabba, p. 123, 125.

283
LES TEXTES DES SARCOPHAGES ET LA DÉMOCRATIE

TERMES ÉGYPTIENS ƒb“.wt<.y>t, p. 144, 146.


“b.t, p. 194, 195, 214, 215.
“≈, p. 192. SOURCES CITÉES
μ-s≈“ drf r μnÌ, p. 95. MUSÉES
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b“, p. 149. Caire CG 28099, p. 187.
b“q, p. 92. Caire Registre temporaire n°
bμk rmÚ.y, p. 96. 3/11/25/1-3 ; 6-7 ; 9 ; 12-
pr, p. 215, 216. 16 ; 18 ; 20-21 ; 23 ; 25,
pr ƒ.t, p. 20, 21. p. 147.
pƒ-©Ì©, p. 147. Caire Registre temporaire n°
m rd ßr.y n μs=f, p. 117. 15/11/25/1-3 ; 5 ; 7-8 ; 11-
m“© ≈rw, p. 39. 12, p. 147.
n‡d ©n.wt, p. 95. Caire Registre temporaire n°
nÚr, p. 128, 222. 7/11/25/1 ; 3-4 ; 6 ; 8 ;
r-pr n s©Ì pn, p. 226. 12 ; 15 ; 19, p. 147.
Ìw.t, p. 8, 10, 12, 21, 25. Freiburg Museum für
Ìw.t ©“.t, p. 20, 21, 25. Völkerkunde Inv. Ae20,
Ìwt-k“, p. 114, 125, 221, 225- p. 231.
227. Hildesheim 1891, p. 90
s“≈.w, p. 223. Leiden V3, p. 47.
s©Ì, p. 119, 121, 122, 127, 128, Louvre D 72, p. 70.
222, 226. New York MMA 35.7.55,
sp“.t, p. 8. p. 215.
s≈.t, p. 54. UCL 14833, p. 54.
‡n©, p. 98.
q©Ì, p. 8. TEXTES
qrs.t<.y>t, p. 144. CT I, 82/83a-177h [30-41],
grg pr, p. 216. p. 196, 198-203, 214.
ƒ“ƒ“.t, p. 195. CT I, 171j-172e [39], p. 197.

284
INDEX

CT I, 176d-g [40], p. 197, 198. Livre des Morts, chapitre 99,


CT I, 251f [60], p. 212. p. 210.
CT II, 151a-205e [131-146], Livre des Morts, chapitre 125,
p. 193, 194, 196, 199, 214, p. 197.
215. Ostracon Petrie, r° 7-vs. 1 ; vs.
CT II, 226b-253g [149], p. 96, 4-7, p. 196.
194-197, 199. Ouadi Hammamat, graffito 87,
CT IV, 68b-70b [312], p. 201-203. p. 37.
CT IV, 72b [312], p. 202. Papyrus Berlin 10482, p. 127.
CT IV, 73f-74f [312], p. 202. Papyrus Bremner-Rhind I, 2-5,
CT IV, 184/5a-186/7b [335], p. 201.
p. 211. Papyrus Caire JE 58092, r° 10-
CT IV, 204/5c [335], p. 211. 11, p. 196.
CT IV, 252/3c-272c [335], Papyrus Gebelein I, r° D1,
p. 210. p. 20.
CT V, 78c-81a [397], p. 210. Papyrus Gebelein III, r°, p. 20.
CT VI, 1a-2k [472], p. 194. Papyrus Leyde 344 r°, p. 133.
CT VII, 908r [908], p. 197. Pierre de Chabaka, col. 17a,
CT VIII, 158-191, p. 223. p. 201.
Décret Coptos K, p. 225. Urk. I, 7, 3, p. 20.
Décret Coptos R, p. 225. Urk. VII, 2, 11, p. 56.
Hatnoub, graffiti 10-32, p. 88, Urk. VII, 4, 3-6, p. 57.
90, 95, 100, 224. Urk. VII, 6, 5 et 17, p. 56.
Livre des Morts, chapitre 6,
p. 194. Diodore de Sicile, I, 92, p. 197.
Livre des Morts, chapitre 17,
p. 210.

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