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Un supplément écrit et mis en page par Sofiène Boumaza
http://apokryph.free.fr
Présentation
Presentation
L
‘Index Librorum Prohibitorum, ou devint bientôt l’organe même de l’influen-
plus simplement l’Index, fait par- ce morale et politique de Rome sur le Siè-
tie, au même titre que l’Inquisition cle.
d’Espagne, ou plus récemment l’Opus Dei, Mais c’est un mal nécessaire. Pour
des rejetons que l’Eglise moderne préfère- une religion du Livre, une religion basée
rait voir disparaître des tablettes de l’his- plus que toute autre chose sur le texte, la
toire. Incarnation d’une époque d’intolé- maitrise de ce qui se publie et de ce qui se
rance où la Sainte Eglise romaine aposto- dit est, depuis les origines mêmes, consi-
lique pensait détenir l’autorité morale su- dérée comme une priorité vitale. Car au
prême sur ses contemporains, l’Index est milieu des nuées de pages publiées chaque
devenu au fur et à mesure de ses différen- jour dans le monde, qui pourra empêcher
tes éditions, et des différents papes qui le que soit détournée, corrompue la sainte pa-
faisaient publier, l’instrument politique role, le Verbe divin? Qui pourra empêcher
privilégié visant à édicter la ligne de pen- que les faux-prophètes se propagent à tra-
sée officielle autorisée par le Saint-Siège. vers le monde, éructant leurs discours de
Au côté de la Sainte-Inquisition, l’Index peur et de mensonges? Dans un monde où
mettait au ban de la communauté intellec- la Foi perd du terrain devant les tentations
tuelle les ouvrages les plus progressistes de l’Homme, le rôle de l’Index a changé.
dont les idées devenaient dangereuses Lorsque le pouvoir s’éloigne de la tiare, cel-
pour le Dogme et le contrôle des esprits. le-ci se doit d’apprendre à contourner les
Dans un monde en constante évolution apparences pour le salut des âmes et empê-
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morale et scientifique, plus encore avec le cher que survienne l’inévitable. L’écrit est
développement de l’imprimerie qui permit puissant et cette puissance doit impérative-
une multiplication des copies et un contrô- ment être canalisée.
le plus ardu des ouvrages édités, l’Index
Histoire
L
message de la nouvelle religion. Et rompre
a constitution de la censure ecclé- le contrôle. Car l’immense pouvoir qu’of-
siastique remonte aux origines de frait le martyr du Christ aux Douze ne tolé-
cette nouvelle communauté que rait qu’une ligne, unique, fixée pour des
l’on appellera bientôt Chrétiens. Dès les pre- siècles. Tout courant, toute doctrine qui ne
mières années suivant la mort du Christ et s’accorderait pas totalement avec ce Dog-
jusqu’au Concile de Jérusalem (en l’an 48 me devrait être combattu sans relâche, afin
de notre ère) qui établit pour la première d’éviter un morcellement de la communau-
fois le dogme officiel, la lutte contre les té en une multitude de courants du judaïs-
écrits apocryphes en tout genre s’imposa à me. Non, le message du galiléen devait être
la communauté des Apôtres. Si la Loi avait la base d’une assemblée d’hommes nou-
été posée par écrit, tout écrit pouvait facile- veaux, d’une nouvelle religion qui se sub-
ment se substitier à celle-ci et pervertir le stituerait aux anciennes croyances pour ré-
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gner sur le monde. La lutte contre les voix était controlée. Jusqu’à l’invention du ca-
discordantes devait être implacable. Mais ractère typographique la copie des ouvra-
comment parvenir à éliminer la multitudes ges restait une pratique manuelle, longue
d’écrits, tantôt attribués à Pierre, tantôt à et coûteuse, et était pour l’essentiel réalisée
Jacques, parfois même au galiléen? dans le calme des monastères. La dangero-
Au sein de la communauté primiti- sité de la publication, et plus encore de la
ve, alors que les prédications de Paul ac- copie, de ces textes en limitait naturelle-
croissaient le nombre de fidèles de façon ment le développement dans la chrétienté.
hétéroclite, il devint rapidement indispen- La marche de la censure était encore mal
sable d’établir un canon officiel des écrits organisée et tous les parchemins produits
véritables. Les nouveaux venus ne de- ne passaient pas toujours par les mains des
vaient pas s’égarer dans la lecture d’apo- censeurs, mais l’essentiel de l’attention res-
cryphes pouvant remettre en question le tait dirigée vers les Marches, où les com-
Dogme. Mais jusque là les Douze n’avaient munications commerciales avec les régions
eu affaire qu’à des écrits anonymes faciles à païennes et musulmanes impliquaient un
discréditer puisque sans réels défenseurs. risque de voir ressurgir des écrits héré-
La première confrontation véritable tiques sur les routes d’Occident. Ainsi, en
, le premier test pour la nouvelle Eglise, 1231, Grégoire IX interdit la diffusion d’u-
prit place face à l’hérésie arienne. Le prêtre ne édition arabe d’Aristote tant que le texte
Arius, dans son “Thalia”, niait la divinité n’aurait pas été entièrement traduit pour
du Christ, le cantonnant au rôle de premiè- en vérifier toute la prose...
re créature du divin. Profitant de son carac- La résurgence des hérésies mani-
tère écrit, cette doctrine se propageait rapi- chéennes cathares et vaudoises nécessita
dement dans tout l’Empire romain, exi- cependant à partir du XIII° siècle, une at-
geant une réaction sans détours de l’Eglise. tention accrue de la part du Saint-Siège. Si
Réunies en concile à Nicée en 325, les auto- les publications de listes d’ouvrages inter-
rités catholiques proclamèrent la condam- dits par Rome restait ponctuelle, dans un
4 nation d’Arius et de ses thèses comme hé-
rétiques. La possession de son livre fut
contexte de développement des commu-
nautés intellectuelles laïques dans les
interdite dans tout l’Empire sous peine de villes, le Pape se reposait alors sur les Uni-
mort et tous les exemplaires trouvés furent versités pour assurer la défense du Dogme
jetés au bûcher. L’incendie semblait avoir et des bonnes moeurs catholiques. C’est
été circonscrit. dans ce cadre qu’apparurent des prédica-
Cependant, l’avertissement avait été teurs réformateurs attachés à la traduction
enregistré. Il ne fallait pas que se reprodui- en langue vernaculaire de la Bible. Jan Hus
se cette contamination. L’Eglise devait dés- en Bohème, John Wycliff en Angleterre,
ormais agir en amont, prévenir l’émergen- pourtant tous deux issus des milieux uni-
ce des écrits hérétiques avant qu’ils ne versitaires, furent aussitôt condamnés par
commencent à être diffusés. Ainsi, en 405, le Saint-Offices et leurs ouvrages inscrits à
Innocent I° publia le “Décret Gélasien”, pre- l’Index.
mière tentative rigoureuse de classification
des écrits hérétiques, apocryphes et plus La réponse épiscopale
simplement de tout écrit pouvant porter Le Saint-Siège commença à s’inquié-
ombrage à la Parole et au Dogme. Le pre- ter de la désorganisation de la censure. Le
mier Index était né. monde changeait et l’Index n’était plus
adapté pour filtrer des manuscrits qui se
Contenir les hérésies médiévales produisaient en nombre croissant de par
Si les hérésies ne disparurent pas l’Europe. Signe de l’engorgement d’une
avec l’établissement de la censure, néam- Curie de plus en plus hiérarchisée, la réac-
moins la diffusion des idées dangereuses tion vint d’en bas, des évêques, qui prirent
Histoire
des initiatives pour contrôler les appari- Mais il fallut attendre le fameux
tions de livres dangereux sur leurs terres et concile de Trente, en 1559, pour que la pro-
en avertir Rome. L’imprimerie produisait cédure de classement et d’interdiction des
désormais des livres dans des proportions ouvrages soit rigoureusement organisée.
sans commune mesure avec ce qui avait été Les décisions du concile, connues sous le
possible depuis l’antiquité. Issues des pré- nom d’”Index Tridentin”, établirent dix rè-
dications des réformateurs du Moyen-Age, gles. Ainsi, tous les ouvrages hérétiques,
des thèses réformatrices touchaient des superstitieux, immoraux, mais également
parts croissantes de la population, notam- toutes les traductions latines du Nouveau
ment en allemagne. La Réforme de Luther Testament furent désormais interdites. Par
était imminente. Une réponse appropriée ailleurs, tout ouvrage d’un hérésiarque, de
devait venir rapidement de Rome. Le 17 quelque catégorie qu’il soit, devait être
novembre 1487, Innocent VIII prescrivait voué au feu: il s’agit alors de bannir, outre
l’universalité géopraphique de la censure les textes, l’ensemble de la pensée héré-
et en confiait officiellement l’autorité aux tique. Chaque ouvrage contenant des pas-
évêques. Quelques années plus tard, à l’oc- sages jugés hérétiques devait en être expur-
casion du concile du Latran (1515), dans sa gé avant publication, sous peine d’être
bulle “Inter sollicitudines” Léon X prescri- interdit dans sa totalité.
vait la censure à l’ensemble des publica- La censure préventive fut étendue.
tions. D’une action de contrôle désorgani- Outre les auteurs, la filière du livre toute
sée, la censure devenait une institution entière fut désormais placée sous le contrô-
structurée et coordonnée. le des censeurs. Devenait passible d’ex-
Sur le terrain les censeurs universi- communication chaque personne produi-
taires et les évêques étaient assistés par sant, éditant ou vendant un ouvrage inter-
l’Inquisition. A Rome, la charge de la cen- dit. Les possesseurs et lecteurs de tels ou-
sure revenait au Maître du Sacré Palais. Les vrages étaient soumis à la même peine par
autodafés d’écrits réformateurs et huma- l’évêque de leur juridiction. Pour contrer
nistes naissaient en nombre sur les places les tentatives de fraude, les libraires furent 5
italiennes et allemandes. Les textes de l’hu- sommés de tenir des registres exacts et à
maniste Pic de la Mirandole étaient inter- jour de leur catalogue, qu’ils se devaient de
dits sous peine d’excommunication. Toutes présenter à tout inquisiteur ou censeur qui
les thèses de Luther, écrites et à venir, fu- le lui demandait. Il fut également établi que
rent mises au ban de la communauté ca- les censeurs devaient conserver une copie
tholique. Si la Réforme protestante utilisait de tout ouvrage examiné, copie qui serait
l’imprimerie comme vecteur privilégié conservée à Rome.
dans la diffusion de ses thèses, la Contre- Ces règles furent appliquées à l’en-
Réforme utilisait le feu et une répression semble de la chrétienté et restèrent force de
sans faille. La muraille de la Foi ne devait loi durant plus de trois siècles. Entre
pas se fissurer. temps, afin de désengorger les tribunaux
de l’Institution, une congrégation spéciale
Naissance de l’Index fut constituée le 13 septembre 1572 par la
Après que le concile du Latran ait bulle “Ut pestiferarum “ de Grégoire XIII. La
décidé de confier la haute main de la ré- principale tâche de la nouvelle congréga-
pression à la Sainte-Inquisition, la censure tion, dont la direction fut confiée à un pré-
des livres passa également dans la juridic- lat de rang cardinalice, fut la publication de
tion de l’Institution. Un décret de Paul IV l’Index régulièrement mis à jour. Les condi-
institua quelques mois plus tard un index tions et la procédure de classement d’un
recensant l’ensemble des ouvrages inter- ouvrage à l’Index furent également préci-
dits depuis le début de la censure ecclésias- sées. Deux autres Index suivirent, en 1590
tique. et 1593, qui ne furent cependant jamais ap-
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ne soit au courant. Une fois rapatriés au monastiques sous voeux, qui dépendent
Vatican, les ouvrages peuvent être décorti- entièrement de leur supérieur. Celui-ci est
qués par les spécialistes des six chambres supposé contacter le service de l’Index
de l’Index, avant d’être classés selon leur pour confirmation bien que, dans la pra-
dangerosité. tique, rien ne l’y oblige. Le Vatican consi-
Sur le terrain, les évêques, s’ap- dère en effet que le danger est mineur de
puyant sur leurs prêtres de paroisse, res- voir un tel ouvrage sortir des murs d’un
10 tent les premiers relais de l’Index et des
censeurs pour repérer des ouvrages dange-
monastère.
anonyme. Dans le cas contraire l’ouvrage livres destinés à l’Index expurgatorum, prin-
est sorti des registres. Si le second censeur cipalement des biographies autorisées du
confirme la première expertise, le dossier Pape ou de prélats, voire tout ouvrage sur
est immédiatement transmis au cardinal- l’Eglise contenant des propos de ses mem-
secrétaire de la Congrégation Romaine de bres. Dans ce cas, l’ouvrage devra compor-
l’Index, pour être inscrit sur la liste des li- ter le tempon “Nihil Obstat Imprimatur” sur
vres interdits à la communauté des sa première ou dernière page.
croyants. En revanche, si la seconde exper- Quoi qu’il ressorte de l’expertise, de
tise infirme la première, un troisième cen- tout ouvrage passé par les bureaux de l’In-
seur doit prendre en charge le dossier afin dex doit être conservée une copie. Si les li-
de valider l’une ou l’autre des décisions. vres peuvent être dangereux pour les fidè-
Enfin, si ce troisième censeur n’est pas en les, certains comportent des informations
mesure de confirmer l’un des avis précé- essentielles à l’Eglise. Ainsi, trois catégories
dents, il revient au cardinal-secrétaire de de classement répartissent les ouvrages in-
prendre la décision finale. scrits à l’Index. Les ouvrages dangereux
Dans tous les cas, l’inscription d’un pour le dogme (danger théologique) et les
nouvel ouvrage à l’Index doit porter la si- ouvrages dangereux pour l’Eglise (diffa-
gnature du Gardien de la Bibilothèque du mants envers le Pape, la Curie ou l’institu-
Vatican en tant que seule autorité reconnue tion de l’Eglise) constituent l’essentiel des
pour tout ce qui touche au livre. Seul le ouvrages à l’Index. Une troisième catégorie
Saint-Père jouit du privilège d’accès et de est composée d’ouvrages à éliminer physi-
modification à l’Index Librorum Prohibito- quement. Il s’agit de cas exceptionnels,
rum sans avoir à passer par la procédure dont la copie sera envoyée aux archives se-
établie. crètes, section Chérubin ou Archange. Lors-
L’Index comprenait autrefois deux qu’un document est classé dans cette sec-
parties: l’Index Librorum purgatorum et l’In- tion, des agents sont immédiatement en-
dex Librorum expurgatorum, cette seconde voyés sur le terrain pour détruire tout
section comprenant les ouvrages autorisés exemplaire trouvé de l’ouvrage. De ces liv- 11
à être publiés après modification de cer- res, il ne doit en rester qu’un...
tains passages. Aujourd’hui rares sont les
Organigramme
1 - Organisation sont soumis à l’autorité de Mgr. della Pier-
S
ra.
’il n’apparaît pas dans les documents La congrégation est composée de six
officiels du Vatican, l’Index jouit Chambres. Le Premier-censeur de chacune
néammoins du statut de congréga- est admis au sein du collège de censure.
tion, rattachée administrativement à l’Ar- Chaque Chambre est spécialisée dans un
chivât. Son responsable est Mgr. Jouvain, domaine d’étude:
qui a donné délégation à son assesseur, le
cardinal Gian-Carlo della Pierra, archiviste 1 - Chambre de la Foi.
en chef de la Bibliothèque du Vatican. Ce- 2 - Chambre des bonnes moeurs.
lui-ci en tant que Secrétaire de la Sainte 3 - Chambre des manuscrits et incunables.
Congrégation de l’Index, préside le collège 4 - XVI°-XVII°siècles.
de six membres qui dirige le service. En son 5 - XVIII°-XIX° siècles.
sein tous, inquisiteurs comme archivistes, 6 - XX° siècle.
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ment tous les agissements de son subalter- dans sa conviction que sa méthode est la
ne. bonne. La mission de l’Index est bien plus
importante que l’on veut bien le croire...
- Armando Gasperi
Le Premier-Censeur de la troisième - Luis-Felipe Gandolfini
chambre de l’Index est un fonctionnaire Lors des restructurations entraînées
zélé. Grand escogriffe toujours vêtu de par les réformes de 1965 le personnel de la
noir, les membres allongés et le visage en congrégation a dû être partiellement re-
lame de couteau, Gasperi est entré à l’Index nouvelé, en partie pour en chasser les élé-
comme censeur après une formation d’in- ments les plus rigoristes, mais surtout car
quisiteur au Saint-Office. Agé de soixante- ce fut l’occasion de rajeunir un personnel
deux ans, le Premier-Censeur est de la vieillissant issu des purges de la chute tem-
vieille école. Il a connu l’avant Vatican II, plière. Une nouvelle fournée de jeunes prê-
l’époque où lui et ses confrères n’avaient tres très bien formés dans les instituts du
pas besoin de se cacher, où l’Eglise avançait Studium pontifical dont fit partie le père
à découvert sans honte, sans jugement. Gandolfini. Ce fut accessoirement l’occa-
Il fait aujourd’hui partie de ces nos- sion pour la secte des millénaristes dont il
talgiques d’une période révolue. Non pas fait partie, d’infiltrer pour la première fois
comme ces inquisiteurs en attente de bû- une administration vaticane !
chers improbables qu’il a si longtemps été Parvenu Premier-Censeur de la
contraint de côtoyer au Saint-Office. Non, Chambre de la Foi (première Chambre), le
Armando Gaspéri est fier plus que toute numéro trois de la cellule du Taureau a eu
autre chose, de son travail au sein de l’In- le privilège d’inaugurer une infiltration qui
dex. Mais il n’a pas véritablement assimilé a permis quelques années plus tard à Ales-
la nouvelle donne, la nouvelle position de sandro Vacceti de se faire élire à la pourpre
l’Eglise dans le monde. Il n’est pas à pro- grâce aux informations récoltées au cours
prement parler un obscurantiste. Non, de son travail à l’Index. Soumis aux ordres
Gasperi se voit plus comme un conserva- du nouveau vice-Chancelier de par la hie- 13
teur, cherchant à préserver des méthodes et rarchie vaticane, Gandolfini n’en oublie
un fonctionnement éprouvés par les siècles pas pour autant les divergeances de vues
et qui lui ont été ôté par la politique. au sein de la confrérie millénariste. Il a no-
Ses relations avec ses collègues de la tamment remarqué combien le cardinal Va-
congrégation sont difficiles. Cela ne résulte cetti semble prendre de plus en plus de li-
pas de son travail ; il est notoirement admis bertés avec la ligne générale définie entre
que son arrivée à la tête de la troisième les différentes cellules dans leur guerre
Chambre de l’Index il y a dix ans s’est ac- contre l’Eglise. Lui même respecté à l’In-
compagnée d’une nette amélioration des dex, le Premier-Censeur de la première
résultats. Mais son académisme et son diri- Chambre compte bien user de tout son
gisme lui ont apporté une réputation de ty- poids pour rappeler à Mgr. Vaccetti ce qu’il
ran au sein de la Chambre où l’on a appris lui doit et ses obligations envers ses frères
à détourner son attention sans cesse aux d’arme.
aguets pour pouvoir travailler de manière
plus libérée. Monseigneur della Pierra a
autrefois amicalement tenté de lui faire
comprendre que ses relations de travail
avec ses subordonnés s’en trouveraient
grandement améliorées s’il cessait de les
considérer comme des espions. Mais Ar-
mando Gasperi n’a pas véritablement d’a-
mis et ses états de services le confortent
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“Autodafé”
Présentation ble…) commence à apparaître dans d'aut-
res bibliothèques rattachées au Vatican…
C
e scénario est construit pour intro- et bientôt jusque dans la bibliothèque pri-
duire la nouvelle thématique que re- vée du Pape ! Les autorités commencent à
présente l'Index auprès de vos s'inquiéter de la chose. On découvre alors
joueurs. Il présente ainsi, outre une que les quelques personnes qui ont eu ac-
affaire de faux manuscrits sur fond cès à ce livre sont toutes victimes d'acci-
de censure, les principaux PNJ de l'Aide de dents …mortels ! Le Saint-Office prend la
jeu que vous venez de lire et le lieu où ils chose très au sérieux et ne souhaite pas que
s'affairent. Les locaux de l'Index sont nor- la chose s'ébruite.
malement d'accès très restreints et vos Les responsables sont un groupe
joueurs devraient profiter du privilège qui d'activistes anti-cléricaux radicaux rassem-
leur est offert puisqu'il risque de ne pas se blés autour d'un faussaire connu des servi-
reproduire de sitôt ! ces de l'Index, qui cherchent à discréditer le
Vatican. Ils ont organisé une imprimerie
clandestine artisanale dans le sous-sol d'u-
Synopsis ne librairie romaine. Les livres ressemblent
furieusement à des incunables et sont dis-
séminés avec soin grâce à des contactes,
Un ouvrage porté à l'Index (compor-
jusqu'au Vatican même. Les "fils de Luther"
tant des attaques contre l'Eglise) apparaît
commencent ensuite à placarder des affi-
14 dans la bibliothèque d'un institut de re-
cherche rattaché au Studium pontifical
ches diffamantes sur les murs du Vatican.
Ils envisagent à terme de diffuser le livre
(Rome). Une commission d'enquête est
jusqu'à l'Assemblée nationale italienne et
constituée pour définir les responsabilités
chez le président du Conseil. Le Saint-Offi-
de l'archiviste et ses aides et l'opportunité
ce doit les arrêter avant que la propagation
d'instituer un procès en hérésie. Or il s'avè-
de leurs accusations ne deviennent trop vi-
re que ceux-ci n'y sont pour rien et que le
sibles…
même ouvrage (pourtant authentifié par
les experts de l'Archivât comme un incuna-
Scénario
Acte I - Le loup dans la bergerie tut.
“Les sept collines de l'Antéchrist” a été écrit en 1455 par le prédicateur héré-
tique Arnulfo Gracco, dit Fra Arnulfo, (1418-1470), brûlé par l'Inquisi-
tion en Allemagne (dans les environs de l'actuelle Weimar) après une chas-
se à travers toute l'Europe. Fra Arnulfo faisait partie des prédicateurs
contestataires les plus violents d'Italie avant d'être contraint à la fuite. Les
heurts entre ses fidèles et les autorités des Républiques du nord de la pénin-
sule firent des centaines de morts au cours de quelques mois. Le prédicateur
considérait, comme nombre de ses contemporains, Rome comme le siège de
17
l'Antéchrist. Ses textes trouvent des références à Dante par endroits. Mais
il reste un révolutionnaire paysan, dont le style grossier, voir ordurier, n'off-
re que peu de public à ses quelques écrits. Cependant, "Les sept collines de
l'Antéchrist" marqua son époque par la violence inouïe des attaques contre le
Pape.
L'ouvrage original (aussitôt interdit et classé un siècle plus tard dans la troi-
sième catégorie de l'Index) comporte 276 pages. Les experts n'ont jamais pu
déterminer s'il s'agissait d'un incunable (en raison de la proximité temporelle
de sa publication avec la première Bible de Gutemberg) ou d'un manuscrit.
Quoi qu'il en soit il reste certain qu'aucun éditeur, même flamand n'aurait
pris le risque d'éditer à découvert un tel brûlot. La reliure est d'un épais cui-
re vert sur une illustration en relief représentant sept points (les sept collines
de Rome) au milieu desquels sinue un serpent (l'Antéchrist/le Tibre). L'al-
lusion est explicite. Le texte est écrit en un latin grossier, est une attaque à
boulets rouges contre le Pape et les prélats de l'époque, accusés de tous les vi-
ces. Après le bûcher de Fra Arnulfo tous les exemplaires de l'ouvrage ont été
brûlés, sauf un qui fut entreposé longtemps sur les rayons de l'Index avant de
réjoindre la section Chérubin des archives secrètes (raison pour laquelle il
sera si difficile, même pour Prestorius, de pouvoir consulter l'original !).
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multiplication des ouvrages. “Après tout, besogneux et n'a pas l'envergure pour ce
ajoute-t-il en confidence, ne raconte-t-on pas genre de campagne de haute volée. Il faut
dans les couloirs de la Bibliothèque vaticane, du culot, de l'intelligence et une technique
que ce gros lourdaud aurait déjà fait ce même irréprochable pour fabriquer et distribuer
genre de choses il y a longtemps pour récupérer de faux incunables interdits. Di Piazza
des originaux dans des Bibliothèques Nationa- semble, en effet, persuadé que les codex
les, en France notamment ? C'est vrai que ce sont des faux. Juste un sentiment, une in-
n'est qu'une rumeur, mais persistante au de- tuition mais venant d'un homme qui a vécu
meurant !”. Si les PJ veulent des réponses, parmi les livres anciens depuis des années.
ils devraient aller voir ce Prestorius. Quoiqu'il advienne, Mattéo di Piazza assu-
Si les PJ montrent le dossier de l'In- re les PJ de son concours.
quisition, di Piazza tente de se rebeller
mais se déballonne presque aussitôt. Il est Censure et révélations
vrai qu'il a commis une erreur par le passé. Une nouvelle fois les enquêteurs se
Mais c'était plus pour aider un ami que par présentent au bureau de Prestorius. Ce der-
conviction personnelle. Son ami, membre nier est toujours en étude des textes mais
du courant Fraticelles de l'Eglise catho- accepte de recevoir les PJ. Ce flamand de 47
lique, avait fait preuve de légèreté dans ans, au regard bleu et à la barbe blonde est
une homélie. Les propos tenus avaient été tout sauf le m'as-tu-vu qu'a décrit di Piaz-
rapportés. Et di Piazza, plutôt que de faire za. C'est un excellent professionnel. La
le mort, s'était élevé contre ceux qui vou- preuve, il déclare sans aucune ambiguïté
laient excommunier son ami. Mettant en que les manuscrits découverts sont des
avant son intégrité et son appartenance aux faux. Oh loin d'être grossiers ! Il lui a
groupes des Fraticelles, di Piazza s'était fait quand même fallu plus de cinq heures de
repérer par les hommes de la Sainte Inqui- travail pour découvrir la supercherie. Il ne
sition. Ces derniers n'avaient pas attendu s'agit même pas d'incunables (premiers ou-
très longtemps avant de lui rendre visite vrages imprimés, datés de la seconde moi-
20 pour lui demander des explications. Au
bout de deux semaines d'interrogatoires
tié du XV° siècle et difficilement reconnais-
sable de manuscrits tardifs), mais simple-
serrés et ayant réussi à échapper à la Ques- ment d'imprimés contemporains. L'homme
tion, di Piazza avait lâché le morceau sur qui a réalisé ce genre de faux est non seule-
son groupe tout en priant pour qu'ils aient ment un copiste remarquable doublé d'un
eu le temps de se mettre à l'abri. chimiste hors pair mais c'est aussi un lettré
Le moine avait donc, à l'époque, bé- cultivé. Et ce genre de personne n'existe
néficié d'une grâce et s'était retrouvé dans pas en ce bas monde ! Du moins pas à sa
un monastère. C'est là que lui est venue cet- connaissance.
te nouvelle foi pour les livres rares. Ne Si les PJ font preuve d'un peu de dis-
voulant pas retomber dans des travers qui cernement, ils peuvent peut-être s'aperce-
avaient failli l'annihiler, l'archiviste ne pen- voir que le censeur de la Troisième Cham-
sa qu'au travail. Il savait être passé très bre ment. Ses yeux fuyants, la sueur qui
près de l'excommunication et à présent perle à son front et ses tics nerveux tradui-
qu'il connaissait les méthodes du Vatican sent bien son embarras (notez que le Pre-
avec les progressistes, il s'était juré de ne mier-Censeur Gasperi est constamment sur
regarder que les livres et de garder ses im- le dos de son cryptologue et l'épie de son
pressions pour lui. bureau toujours ouvert, ce qui peut expli-
Di Piazza ne cache rien aux PJ. Un quer le stress de Prestorius). Si les paroles
peu de psychologie permet de voir qu'il est de di Piazza leur reviennent en mémoire,
sincère. Même s'il garde une rancune secrè- ils pourront suspecter que le censeur a dû
te envers ses supérieurs, il ne peut être utiliser par le passé les services de l'un des
l'instigateur du coup. L'archiviste est un faussaires dont il parle.
Scénario
Mais pas question de lui lancer de dire que seul un habitué des lieux peut y
but en blanc de telles accusations. De par sa pénétrer. L'institut est en effet situé dans
fonction de codicologue cryptographe de la un de ces nombreux immeubles apparte-
Troisième Chambre et surtout (ce qu'igno- nant au Vatican mais qui ne présente aucu-
rent les PJ) de déchiffreur de documents ne caractéristique religieuse apparente. Il
pour le Conseil Pourpre, Prestorius jouit n'y a pas même de plaque à l'entrée, pou-
d'une protection frisant l'impunité. Un seul vant préciser son appartenance à un servi-
coup de fil lui permettrait de faire remettre ce de la Curie. L'Inquisition se trouve déjà
en place vertement des PJ un peu trop caté- sur les lieux et interroge le séminariste qui
goriques dans leurs conclusions. Non que a découvert le dernier exemplaire. L'assis-
le Flamand aime à profiter de sa situation, tant déclare alors que les inquisiteurs doi-
mais il préfère se savoir protégé pour les vent apporter l'exemplaire trouvé au cen-
actions illégales qu'on lui demande quoti- seur Prestorius dans les plus brefs délais.
diennement de faire… Ce qui avec eux peut prendre des semai-
Alors que les PJ sont en train de pa- nes. A ce moment les PJ vont découvrir que
labrer avec Prestorius, un de ses aides arri- le censeur a vraiment des relations ! Il s'em-
ve en courant en soulevant maladroitement pare d'un téléphone et sans consulter son
sa bure. Un nouvel exemplaire a été décou- répertoire (preuve qu'il a sans doute l'habi-
vert à l'Institut Pontifical de la Latinité. Cet tude de faire ce numéro) appelle un inter-
institut se trouve piazza del Ateneo Sale- locuteur. Les PJ entendent distinctement la
siano, en plein cœur de Rome. Il va s'en conversation. Prestorius demande à “Son
L'HISTOIRE DE PRESTORIUS
Il fut un temps où un cardinal (dont il est obligé de taire le nom) avait décidé que le meilleur moyen
pour récupérer les originaux de certains manuscrits ou d'incunables qui se trouvaient dans des mains
étrangères, consistait à les voler. Mais pour que tout ceci passe inaperçu, le cardinal avait eu la brillante 21
idée de faire fabriquer des copies qui pourrait résister aux experts. Pour se faire il avait recruté des
hommes et avait formé un cabinet de faussaires.
Prestorius déclare alors qu'il avait été nommé chef de ce cabinet eu égard à son talent pour décrypter
les documents.
C'est ainsi que des documents sensibles avaient été dérobés au British Museum de Londres, au Metropo-
litan de New York et dans bien d'autres musées ou bibliothèques à travers le monde. Mais un jour la
belle mécanique s'était enrayée. Le faussaire, qui se nommait Campiosso, avait du remplacer celui qui
procédait aux échanges et il s'était fait pincer à la Bibliothèque Nationale de Paris. Comprenant qu'il ne
pouvait dénoncer ses employeurs, Adolfo Campiosso avait pris sur lui de se faire emprisonner sachant que
le Vatican ferait tout pour le libérer au plus vite.
Ce fut sa deuxième erreur ! Cela faisait maintenant quinze ans qu'il croupissait dans une prison françai -
se. Son complice, Raynaldo Bucci avait disparu peu de temps après, sans doute après avoir appris la
nouvelle par les média. Le quatrième membre du cabinet, un certain Gino Vanelli était un ami de di
Piazza. Ecoeuré de l'inaction du Vatican, il avait dénoncé dans une homélie particulièrement remarquée le
manque de reconnaissance des grands chefs de la Curie. Sa mutation expresse dans un monastère trap-
piste avait privé Vanelli d'une brillante carrière. Et avait fait de di Piazza un homme aigri cherchant à
assouvir une vengeance contre Prestorius qu'il considérait comme responsable de la déchéance de son ami.
Le censeur a gardé un dossier, qu'il conserve dans son coffre, avec les photos de Campiosso et ses
complices, les différentes méthodes employées ainsi que la liste des documents récupérés. Il explique que
ce mal nécessaire a permis une récolte inestimable. Bien entendu, il ne dévoile ceci que sous le sceau
du secret et niera avoir ce genre de documents en sa possession. De plus, il y a prescription et la per -
sonne qui le protège le couvrira une fois encore si nécessaire.
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Eminence” d'intervenir au plus vite pour Les affiches font références aux " placards"
que l'Inquisition ne mette pas ses grosses
insultants envers l'Eglise, affichés par des
bottes de partout. Et à voir son air satisfait,
on peut aisément comprendre que la de- protestants au XVI°siècle, qui allèrent
mande du flamand a été prise en compte. jusque sur la porte du roi François I°. Il
La démonstration impressionne. Un tel
homme ne peut être suspecté. Avec tous les s'agit d'une redite visant les mêmes buts.
appuis qu'il possède pourquoi irait-il se L'objectif final des Fils de Luther est de poser
fourvoyer dans la fabrication de faux et
ces affiches et l'ouvrage dans la bibliothèque
dans la diffusion d'écrits blasphématoires.
Il faut se rendre à l'évidence, di Piazza ne du Parlement italien et chez le président de
l'a accusé que par vengeance personnelle. la république, après en avoir envahi le
Si les PJ se montrent plus pressants mais
Vatican (et la bibliothèque privée du
respectueux, Prestorius leur conte l'histoi-
re. Pape).
Les enquêteurs ont à présent une in-
formation de tout premier choix. A eux réunion extraordinaire du Sacré-Collège
d'en tirer parti. Un simple appel télépho- est envisagée en haut lieu.
nique en France leur confirmera ce qu'ils Il ne devrait pas être trop ardu de
doivent avoir pressenti. Campiosso a été li- retrouver dans leur mémoire ou dans les li-
béré pour bonne conduite il y a environ vres les informations nécessaires sur Lu-
cinq ans et serait retourné en Italie, à Rome ther et la symbolique que peut représenter
précisément. La seule information que peu- le choix du pseudonyme des “Fils de Lu-
vent apprendre les PJ est que Campiosso a ther”. Ce choix délibéré est non seulement
un fils et que ce dernier est propriétaire une référence au perturbateur que fut le
d'une librairie dans la capitale italienne. moine allemand mais c'est aussi une réfé-
C'est au moment où les PJ décident d'aller rence aux placards qu'il fit apposer en Alle-
22 voir le fils de l'ancien faussaire que la ru-
meur recommence…
magne à son époque. Si les PJ ont l'idée de
revenir voir Prestorius, ils apprennent de la
bouche de ce dernier que c'est en cherchant
à remplacer un exemplaire de la Bible de
Acte III - l'Affaire des Placards Luther à la bibliothèque de l'Assemblée na-
tionale française par un faux de sa compo-
sition, que Campiosso a été pris. Une visite
Affichage sauvage
au fils de Campiosso devient une nécessité
Et soudain, la rumeur enfle. Elle re-
absolue.
bondit dans les couloirs du Palais Pontifi-
La petite librairie nommée “La Pres-
cal. Des affiches de propagande anti-catho-
se”, située via Carnabella est plutôt vieillot-
liques ont été découvertes sur les murs mê-
te. Sa devanture bleue à la peinture passée
mes de la Basilique Saint-Pierre. Collées là
a dû connaître des jours meilleurs. On peut
par une main anonyme, elles abreuvent
voir de l'extérieur des amoncellements de
d'insultes la religion catholique, le clergé et
livres anciens en vitrine. Un regard averti
même le Pape. Signés d'un énigmatique
peut découvrir quelques raretés manuscri-
“Fils de Luther”, les placards sont apparus
tes.
en plusieurs endroits et même à l'intérieur
Habitués à la paranoïa ambiante du
du Palais Pontifical et certains cardinaux ne
Palais Pontifical, les PJ ne peuvent se pré-
décolèrent pas. D'ailleurs un coup de télé-
senter pour ce qu'ils sont. Une visite de col-
phone du secrétariat de Mgr. Dominati
lectionneurs recherchant de rares manus-
rappelle aux PJ le mécontentement du Pré-
crits du XIVème siècle permettra d'appren-
fet du Saint-Office. Il se murmure qu'une
dre plus de choses que la menace de clercs
Scénario
hautains venus du Vatican.
L'intérieur de la boutique est somb- Pour financer sa vengeance, Adolfo Cam-
re, sûrement plus pour protéger les livres piosso fabrique des faux incunables ou ma-
que par souci de passer inaperçu. Les
nuscrits qu'il revend à des riches collection-
rayons sont pleins et les livres bien alignés.
On sent que le propriétaire des lieux est un neurs. C'est dans la cave de la librairie de
homme d'ordre et qu'il voue une véritable son fils que l'ancien détenu travaille. Il y
passion à ces vieux livres. Il n'y a pourtant met toute sa passion et surtout toute sa
là rien de bien remarquable par l'âge ou la haine. Même si le fils n'est pas d'accord avec
rareté.
les méthodes du père, ils travaillent de
C'est au moment où ils désespèrent
de trouver quelque chose qu'un petit mira- concert. Mais pas pour les mêmes raisons ! Si
cle a lieu (mystère de la Foi ?). Deux hom- Campiosso père œuvre pour la vengeance,
mes sortent d'une porte de service pour tra- Campiosso fils est plus matérialiste. Les faux
verser la librairie en devisant gaiement, un
rapportent une manne non négligeable que
petit paquet sous le bras. En regardant bien
les deux hommes, les PJ n'ont aucun mal à Pietro ne peut ignorer même s'il tremble de se
reconnaître Luccio Matteoti qui devrait, faire attraper.
soit disant, se trouver en Allemagne à l'- En termes de jeu, le jeune Pietro Campiosso
heure qu'il est. L'autre leur est complète-
devra apparaître comme quelqu'un de ner-
ment inconnu car il s'agit de Raynaldo Buc-
ci l'ami et confident de Campiosso, revenu veux, très inquiet si on le questionne et vite
là pour aider son ancien compagnon faus- débordé si on le menace un peu de révéler ce
saire. Ils font tous deux partie de la conju- qu'on sait.
ration de Campiosso.
Si les PJ pénètrent dans la boutique, ils
Suivre les deux hommes ne présente
pas de difficultés majeures. Même s'ils sont découvriront vite qu'à part dans la vitrine,
méfiants, les deux faussaires ne sont pas il n'y a que peu de documents datant d'a- 23
des agents de renseignements expérimen- vant le XVI° siècle. Pour la simple raison
tés. C'est ainsi qu'ils amènent les PJ à pro-
que Adolfo Campiosso travaille à la deman-
ximité de la via Santa Anna qui se trouve
derrière le Vatican. Les deux hommes frap- de. Il fabrique ce que les gens cherchent. Sa
pent à une porte en bois dont on peut voir culture est immense et il est capable de fa-
qu'elle n'est pas si récente. Les clous carrés briquer des copies sans model, simplement
sont rouillés et le fer forgé est pratiquement grace à sa mémoire. Durant son séjour dans
lisse. Avec un peu de chance les PJ peuvent
les geôles françaises, il avait réussi à obtenir
apercevoir que les deux hommes remettent
un paquet à la ersonne à l'intérieur. D'où ils l'autorisation de réparer des vieux livres de
sont placés, les PJ ont du mal à voir le troi- la Bibliothèque de Paris. Au fur et à mesure
sième homme. Il s'agit de Siméo Galiani. Le que la confiance s'installait, les livres qui
Conservateur du patrimoine a récemment
lui étaient confiés étaient plus en plus
prouvé aux PJ qu'il savait se diriger dans
les couloirs secrets du palais pontifical et anciens. Adolfo avait alors réussi à obtenir
qu'il en connaissait les moindres recoins. Il un appareil photo, nécessaire, selon lui, pour
ne sera pas difficile d'apprendre qu'un seul un meilleur rendu de ses travaux. Il avait
accès mène à cette porte censée être
réussi à détourner des centaines de photos, de
condamnée depuis des années et que la
seule personne susceptible d'y avoir accès quoi se constituer une formidable base de
est Galiani. En revanche ses motivations données.
restent obscures.
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Il se pourrait que les PJ tentent une loir son travail, ses connaissances, ses pro-
action inconsidérée telle que de se présen- tections et menaçant ses tourmenteurs des
ter à la porte pour surprendre les Fils de pires représailles.
Luther. Bien mal leur en prendrait. Perdus Mais il finit par se changer d'attitu-
pour perdus, les faussaires n'hésitera pas à de quand l'une des personnes présentes re-
se montrer violents. Raynaldo Bucci est marque une clef ouvragée dans le bureau.
armé et se servira de son arme pour proté- Celle-là même qui ouvre la vieille porte de
ger la fuite de ses complices. Le paquet de la via Santa Anna… Mis devant cette
nouveaux placards apportés sera jetés dans contradiction il avoue tout :
les égouts et détruit par l'eau. Les PJ se Il y a une quinzaine d'années, Siméo
trouveraient sans preuves et de toute évi- Galiani travaillait comme logisticien pour
dence sans les mêmes protections que ceux la cellule de soutien dans l'équipe de Cam-
qu'ils accuseraient. La politique la plus ré- piosso. A l'époque, il était déjà féru d'art et
aliste consiste à laisser faire et attendre des des belles choses anciennes. Mais il était
jours meilleurs. aussi un vieux routier habitué aux spécifi-
cités de la Curie. Si l'attitude de l'Opus Dei
Delendo Lutherus Filii et de Mgr. Alguesiras l'ont alors choqué, il
Les PJ savent à présent où ont été fa- n'en fut cependant pas réellement surpris.
briqués les faux livres et les placards. Ils Lorsque Campiosso fut emprisonné par les
connaissent le commanditaire et les exécu- autorités françaises et que Gino Vanelli, l'a-
tants. Pour finir, ils savent comment les mi de Mattéo di Piazza, fut sanctionné, Ga-
faux sont arrivés dans les murs du Palais liani en habitué des couloirs du Vatican, se
de Saint-Pierre. Mais ils ne possèdent aucu- montra suffisamment circonspect pour ne
ne preuve ! Et arriver bille en tête pour lan- pas se faire remarquer inutilement. Il sauva
cer des accusations sur certaines personnes sa tête et put ainsi poursuivre son ascen-
disposant de protections haut placés pour- sion.
rait, de toute évidence, avoir des répercus- Mais le remords le tenaillait depuis.
24 sions complètement inverses à l'effet es-
compté. Galiani par exemple, de par sa
Et lorsque Campiosso reprit contact avec
lui, il y a quelques mois, le conservateur du
fonction est pratiquement intouchable sans patrimoine de Saint-Pierre se dit qu'il avait
preuves flagrantes. La librairie du fils Cam- les moyens d'absoudre son inaction de l'é-
piosso se situe hors des terres vaticanes et poque… Lorsqu'il achève son récit c'est un
les PJ ne sont en rien des agents action ! homme brisé qui est emmené par les deux
La meilleure solution est de rendre inquisiteurs.
compte à leur hiérarchie de ce qu'ils ont dé- Il reste à présent à éliminer la source
couvert. Et attendre. Le secrétariat de Mgr. des documents. Mais sans faire de vagues.
Dominati ne tarde pourtant pas à les Une ultime visite à la librairie s'impose. Les
convoquer pour ce qu'il appelle la "finalisa- enquêteurs pourront souhaiter faire com-
tion" de l'opération. Il n'a peut-être pas prendre au fils Campiosso que le Vatican
échappé aux PJ lors de leur entrevue avec sait et qu'il ferait mieux de mettre fin à ses
le préfet du Saint-Office, qu'ils semblait agissements. Une solide discussion et
fort désireux de boucler cette affaire au quelques menaces gentilles devraiet logi-
plus vite. Accompagnés de deux inquisi- quement avoir raison de la détermination
teurs, les PJ débarquent chez Siméo Galia- des Fils de Luther. Mais…
ni. Pendant que qu'ils déballent ce qu'ils sa- Alors que les PJ arrivent sur place
vent devant le Conservateur du patrimoi- pour parlementer avec Pietro Campiosso,
ne, les deux inquisiteurs pratiquent une ils assistent, impuissants, à une scène qui
fouille en règle du bureau tout en interro- va les surprendre. Une Alfa Roméo noire
geant durement le vieux prélat. Ce dernier est garée devant la librairie, moteur tour-
nie avec la plus grande énergie, faisant va- nant et portes ouvertes. Si les PJ s'appro-
Scénario
chent, ils entendent distinctement des ils ignorent certainement l'utilité et de ran-
bruits de luttes, de verre brisé et ne tardent gements très bien ordonnés. Dans un coin,
pas à voir sortir trois hommes ascétiques, un lit de camp avec au dessus une étagère
tout de noir vêtus, qui maintiennent solide- qui croule sous le poids des fioles de pro-
ment un homme assez âgé qui essaye de se duits chimiques rassemblés là. Des pro-
débattre. Sans ménagement, l'homme est duits sans doute destinés à vieillir artificiel-
engouffré de force dans la voiture Mais les lement le parchemin. Dans le coin opposé,
PJ ont eu le temps de reconnaître Adolfo une vieille presse à bras dont on peut voir
Campiosso d'après les photos de son dos- qu'elle a servi récemment. Sur une table au
sier. milieu de la pièce, l'on peut voir des affi-
Attention à ne pas intervenir ! Les ches en train de sécher, du même modèle
gardes-suisses ont pour ordre prioritaire de que celles que l'on a retrouvé collées, il y a
faire "disparaître" le faussaire et ne sont au- peu, sur les murs du palais pontifical. D'u-
cunement disposés à entamer une discus- ne petite porte au fond se diffuse l'odeur
sion avec des ecclésiastiques. Ils n'auront caractéristique de la pâte à papier, laissant
aucune hésitation à se servir de leurs armes imaginer une fabrique de matière première
pour bloquer l'action de PJ trop entrepre- artisanale pour les faux. Il y a là tout le né-
nants. Leurs ordres étant de ramener Adol- cessaire pour réaliser des ouvrages de tou-
fo Campiosso, ils le ramènent. Point ! te sorte, de l'imprimé au faux parchemin.
Une fois l'Alfa Roméo partie, les PJ Pietro donne toutes les explications
peuvent pénétrer dans la librairie dévastée. nécessaires avant de jurer qu'on ne l'y re-
Les rayonnages ont été renversés, les vieux prendra plus. Les PJ, selon le profil de leur
livres gisent à terre, les vitrines ont été bri- personnages, peuvent montrer de la com-
sées comme si un cyclone avait dévasté la passion ou au contraire amener le jeune
boutique. Tout amoureux des livres est ter- homme à leur supérieur pour étayer leurs
rassé à cette vision d'apocalypse… En exa- dires.
minant un peu mieux le local, ils découv- Toujours est-il que, pour l'instant, le
rent dans l'arrière boutique un corps allon- vieux complice de Campiosso, Raynaldo 25
gé. C'est Pietro Campiosso qui gît assom- Bucci ainsi que le jeune séminariste Luccio
mé. Il ne faut que quelques instants pour le Matteoti se sortent indemnes de l'aventure.
ranimer. Il ne comprend pas ce qui est arri- Mais pour combien de temps ?
vé mais raconte quand même. Les trois A terme, les PJ peuvent tenter de
hommes, carrure d'athlète et costumes continuer leur enquête (signalez leur ce-
noirs, sont entrés et sans un mot l'ont em- pendant qu'ils n'ont plus aucune autorité
poigné pour l'amener dans l'arrière bou- pour cela) en essayant d'élucider les meur-
tique devant des clients médusés qui se tres mais ils risquent de s'attirer les foudres
sont empressés de filer. Les affreux ont des sbires de Paraña avant de trouver quoi
commencé à le frapper méthodiquement. que ce soit. On leur fait comprendre que
C'est en entendant les cris de son fils qu'A- c'est à la police de faire ce genre de travail.
dolfo est monté de la cave aménagée où il Et s'ils persistent, ils pourraient rapide-
travaillait. Aussitôt empoigné par les trois ment goûter les eaux du Tibre…
hommes de main, il a été emmené Dieu sait
où ! “Il faut immédiatement appeler la police”,
conclue-t'il terrifié. Conclusion
Les PJ peuvent facilement se douter Quelques jours plus tard, alors que
de l'identité des kidnappeurs et devraient les PJ ont repris leur train-train quotidien,
chercher à dissuader le jeune homme d'ap- un article dans la presse leur apprend que
peler les carabiniers. S'ils pensent à visiter la librairie de la via Carnabella a mysté-
la cave, ils découvrent un atelier qui, bien rieusement brûlé et que l'on a retrouvé
que petit en surface, regorge d'outils dont quatre corps défigurés à l'intérieur. Les
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dolciniens envoyés par Mgr. Paraña ont ti de prison il y a cinq ans, a décidé de se
vite lavé l'affront fait à l'Eglise. On ne joue venger en révélant au public la véritable
pas innocemment avec la Curie sans y lais- Eglise en laquelle ils croient si dévotement.
ser des plumes. Il a ouvert une librairie d'anciens et d'ou-
En y réfléchissant un tant soit peu, on peut vrages religieux, “La Presse”, située dans
facilement imaginer que les Campiosso les murs du Vatican. Il se contente de diri-
(père et fils) font partie du lot. Siméo Galia- ger la presse artisanale (à bras) installée en
ni pour avoir trahi les siens a également dû sous sol et laisse son fils tenir la boutique.
faire partie du “voyage” vers l'Hadès. Mais
qu'en est-il du quatrième corps ? Bucci ou - Mateo di Piazza
Matteoti ? Le premier n'a déjà que trop nar- Archiviste de l'Institut des Sciences
gué la Curie et le second a trahi ses pairs. Religieuses. A cinquante-huit ans, les che-
L'information risque d'être bien gardée… veux blonds bouclés de petits yeux enfon-
Ainsi, hormis le mystérieux disparu, Jan-Ja- cés lui donnant un air de rat fouineur, Ma-
kob Prestorius reste la dernière personne à teo semble totalement inoffensif. Francis-
connaître l'histoire du cabinet de faussai- cain lié un temps au groupe des Fraticelles,
res. Les autorités à l'origine de cette enquê- di Piazza a réintégré l'orthodoxie après un
te savent qu'elles n'ont que peu de soucis abus de langage d'un ami il y a 10 ans qui
de ce côté là. l'emmena devant l'Inquisition. L’archiviste
Si les PJ font bien leurs comptes, ils dut prouver son intégrité théologique et fut
devraient ainsi se rendre compte qu'il relaxé. Mais un dossier traîne sur lui.
manque quelqu'un. Et ce quelqu'un ne se- Fervent catholique, travailleur discret mais
rait-il pas prêt à venger ses amis ? Et deve- efficace, il dirige la bibliothèque où appa-
nir un ennemi particulièrement féroce en- raît le premier ouvrage. Il a sélectionné et
vers les PJ qu'il pourrait soupçonner d'a- formé la moitié des six assistants qui tra-
voir tué ses amis. vaillent à la bibliothèque (pour moitié
Enfin, personne ne sait depuis com- laïques catholiques, pour l'autres jeunes sé-