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 15-003-A-10

Lésions traumatiques des nerfs


périphériques (plexus brachial exclu)
G. Wavreille, A. Clairemidi, A. Sauvage, A. Arnaout, C. Brulard, A. Lasnier, C. Fontaine

Les lésions des nerfs périphériques sont fréquentes : près de 3 % de prévalence. Leur pronostic a été
transformé par les progrès de la microchirurgie. Toutefois, il faut reconnaître la difficulté de la prise
en charge secondaire et les séquelles fonctionnelles possibles. La macro- et la micro-anatomie du nerf
périphérique sont des éléments indispensables à prendre en compte dans la compréhension de ces lésions.
La dégénérescence wallérienne connue depuis plus d’un demi-siècle voit ses phénomènes biologiques
encore source de discussions. Les atteintes des nerfs périphériques sont classées selon Sunderland en
cinq degrés auxquels MacKinnon ajoute un sixième degré qui est une association de lésions différentes.
Une lésion aiguë voit dans l’exploration chirurgicale en urgence et la réparation microchirurgicale un
traitement optimal. Une lésion vue secondairement oblige à une prise en charge plus complexe, quatre
syndromes sont alors à distinguer : le syndrome d’interruption complète, le syndrome d’interruption
partielle, le syndrome de régénération, le syndrome d’irritation. Les examens paracliniques principaux
sont l’examen électrophysiologique (électromyogramme [EMG]) et l’imagerie par résonance magnétique
(IRM), chacun apportant des données complémentaires à l’examen clinique qui est à privilégier. La
réparation chirurgicale doit être effectuée pendant les trois premiers mois. La technique de suture employée
est très généralement la suture directe épipérineurale ou fasciculaire par l’intermédiaire d’une greffe
intercalée. Les neurotubes pourraient constituer un progrès notable, ils faciliteraient la repousse nerveuse
et éviteraient les séquelles au site donneur de greffon nerveux. Aucune étude n’est, pour le moment,
parvenue à conclure à la supériorité de ces chambres de régénération nerveuse par rapport aux greffons
nerveux autologues. Les lésions nerveuses fréquemment rencontrées sont décrites et la stratégie à mettre
en place pour chacune d’elle, citée. L’évaluation des réparations nerveuses reste un sujet polémique, il
apparaît plus pertinent d’utiliser une série de scores afin d’explorer au mieux toutes les facettes d’une
lésion nerveuse.
© 2013 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Mots-clés : Nerf périphérique ; Suture nerveuse ; Greffe nerveuse ; EMG ; Anatomie ; Physiologie

Plan ■ Réparation nerveuse 6


Indications 6
■ Introduction 1 Non-indications relatives 7
Principes de réparation 7
■ Anatomie chirurgicale du nerf périphérique 2 Techniques de suture 7
Fibre nerveuse 2 Autres techniques 7
Fascicule 2 Avancées techniques et technologiques 8
Topographie intraneurale 2
■ Lésions des nerfs périphériques 8
Vascularisation des nerfs 3
Lésions des nerfs du membre inférieur 9
■ Physiologie et lésions anatomopathologiques 3 Lésions des nerfs du membre supérieur 10
Biomécanique des nerfs 3 Suites postchirurgicales 11
Substances neurotrophiques 3 Évaluation après réparation nerveuse 11
Dégénérescence nerveuse 3
Régénération nerveuse 4
Classification des lésions traumatiques des nerfs périphériques 4
■ Bilan clinique et paraclinique 5
Traumatisme aigu, prise en charge initiale 5  Introduction
Traumatisme ancien ou négligé 5
Régénération nerveuse 5 Les mécanismes de lésion des nerfs périphériques aux membres
Paraclinique 6 supérieurs ou inférieurs sont multiples. Ils peuvent comporter
une part variable de compression, de contusion, de traction,

EMC - Appareil locomoteur 1


Volume 8 > n◦ 2 > avril 2013
http://dx.doi.org/10.1016/S0246-0521(13)58987-X
15-003-A-10  Lésions traumatiques des nerfs périphériques (plexus brachial exclu)

d’avulsion, et de section partielle ou totale, de brûlure ther- endofasciculaire appelé « endonèvre ». Il existe une pression endo-
mique ou chimique. Ces lésions nerveuses traumatiques ont une fasciculaire telle qu’à la coupe le tissu nerveux fait hernie au
prévalence de l’ordre de 2,8 %, avec une prédominance mascu- niveau de la tranche de section.
line [1] . Les progrès de la microchirurgie ont marqué une étape Le périnèvre a un rôle mécanique de protection et sépare
importante dans la réparation des lésions des nerfs périphériques le milieu endoneural, en connexion avec les espaces sous-
grâce aux sutures primitives et aux greffes nerveuses. Mais les arachnoïdiens, du tissu conjonctif périphérique que l’on appelle
lésions nerveuses périphériques restent grevées d’un pronostic « épinèvre », qui entoure les fascicules et s’insinue entre eux. La
fonctionnel relativement médiocre, avec des séquelles neuropa- portion d’épinèvre qui entoure les fascicules peut être qualifiée
thiques et fonctionnelles majeures, tant au membre supérieur d’épinèvre externe et la portion s’infiltrant entre eux, d’épinèvre
qu’au membre inférieur, causes d’invalidités et d’indemnisations interne ou interfasciculaire. L’épinèvre interfasciculaire est relati-
importantes. À ce stade, l’ultime recours est représenté par les vement lâche et contient de nombreuses ramifications vasculaires.
traitements palliatifs. Devant les phénomènes d’épuisement de L’épinèvre externe est une structure résistante et ancre solide-
la repousse nerveuse, les erreurs de correspondance des fascicules ment les fils de suture. La reconstitution de son étanchéité
et la dégénérescence des effecteurs, les améliorations attendues et de celle du périnèvre protègent la plaie d’une colonisation
ne peuvent venir que d’une meilleure maîtrise des paramètres fibroblastique extrinsèque. Le nombre de fascicules varie considé-
biologiques intervenant dans la réparation des lésions nerveuses rablement en fonction du nerf et du siège considérés. On parle de
périphériques, ou d’une amélioration de la qualité de la coapta- nerfs monofasciculaires, oligofasciculaires (deux à dix fascicules)
tion des fibres nerveuses. La réparation des nerfs périphériques et polyfasciculaires (supérieur à dix fascicules), ou si on utilise la
est néanmoins efficace et constitue un progrès incontestable des terminologie latine, de nerfs uni-, pauci- ou multifasciculaires [4] .
40 dernières années. Ce fascicule est l’entité chirurgicale du nerf, bien visible sous
microscope. Des groupes fasciculaires sont déterminés lorsque
plusieurs fascicules cheminent accolés les uns aux autres sur
 Anatomie chirurgicale du nerf une certaine distance. La notion de fascicule chirurgical est alors
remise en question, car le chirurgien n’observe la tranche de
périphérique section nerveuse qu’à un faible grossissement. À plus fort gros-
sissement, on s’aperçoit que le terme de « suture fasciculaire » doit
Fibre nerveuse être remplacé par celui de « suture par groupes fasciculaires ».
Le neurone constitue l’unité fonctionnelle de base du réseau
et de l’architecture du système nerveux. Il se compose de trois
parties : les dendrites qui reçoivent les stimuli, le corps cellulaire
Topographie intraneurale
renfermant un noyau, et un axone qui transporte et transmet les L’intrication des fibres motrices, sensitives et végétatives est
informations reçues jusqu’à l’arborisation terminale sous forme complexe. Les nerfs à destinée musculaire reçoivent non seule-
d’impulsions [2] . Les neurones sont spécialisés ; ils peuvent être ment des fibres motrices, mais aussi des fibres sensitives qui
moteurs, sensitifs ou végétatifs. Un neurone moteur ou végétatif renseignent le cortex sur l’état de tension des fibres musculaires et
a son corps cellulaire situé dans la corne antérieure de la moelle des tendons. On ne peut stricto sensu individualiser de véritables
épinière alors qu’un neurone sensitif a son corps cellulaire situé nerfs moteurs par opposition aux nerfs sensitifs.
dans le ganglion spinal. Les neurones moteurs propagent l’influx Le pourcentage de tissu conjonctif dans les nerfs varie de 10 à
jusqu’à la jonction neuromusculaire et commandent l’effecteur. 80 %, étant le plus souvent compris entre 50 et 70 % [2] : 63 % par
Les neurones sensitifs ramènent les informations depuis les exemple pour le nerf médian au poignet, ou 71 % pour un gref-
récepteurs périphériques cutanés, articulaires ou musculaires. Les fon de nerf sural. La proportion de tissu conjonctif est d’autant
neurones végétatifs en relation avec la chaîne sympathique laté- plus grande que le nerf véhicule des fascicules de petit calibre. Il
rovertébrale contrôlent la vasomotricité, la pilomotricité et les convient donc de réséquer l’épinèvre des extrémités des torons
sécrétions sudorales. nerveux avant suture pour que la tranche comporte le moins pos-
Les axones sont entourés par l’axolemme, fine membrane inter- sible de tissu conjonctif, dont l’hypertrophie peut être à l’origine
venant dans la propagation de l’impulsion électrique, et par des d’une cicatrice fibreuse préjudiciable pour le résultat [5] .
cellules satellites de soutien appelées « cellules de Schwann », La topographie fasciculaire est extrêmement variable d’un sujet
d’origine ectodermique. Leur rôle principal est la nutrition de à l’autre, mais également entre les côtés droit et gauche chez un
l’axone. On appelle « fibre nerveuse » l’ensemble constitué par même individu. Sunderland a montré la disposition plexiforme
l’axone, l’axolemme et les cellules de Schwann. Si plusieurs axones des fascicules ou groupes fasciculaires avec une modification de la
de faible diamètre (inférieur à 1 ␮m) sont entourés par une seule répartition axonale entre eux et de la position des fascicules d’un
cellule de Schwann, il s’agit d’une fibre dite amyélinique ou non niveau à l’autre du nerf [6] . La cartographie d’une tranche de sec-
myélinisante (système nerveux autonome et fibres de la douleur). tion nerveuse peut donc être considérée comme différente tous les
Les axones des fibres nerveuses de gros diamètre (2 à 8 ␮m) sont 10 mm. En présence d’une grande perte de substance, les sections
entourés d’un nombre variable (30 à 50) de couches spiralées nerveuses ne sont pas identiques. En réalité, cette disposition se
provenant d’une même cellule de Schwann formant la gaine de retrouve à la partie proximale des membres, alors qu’à la partie dis-
myéline, l’ensemble étant appelé « fibre nerveuse myélinisée » [3] . tale ou à proximité des divisions nerveuses les fascicules sont plus
La vitesse de conduction de la fibre nerveuse est proportionnelle individualisés en éléments moteurs ou sensitifs [7] . Le nerf radial,
au calibre de l’axone. Entre deux cellules de Schwann se trouve par exemple, ne s’individualise en fascicules moteurs et sensitifs
un rétrécissement appelé « nœud de Ranvier ». Les cellules de que sur 6 cm au-dessus de sa bifurcation en branches profonde et
Schwann semblent jouer un rôle prépondérant et central dans superficielle. À l’inverse, le tronc du nerf ischiatique est constitué
le processus de réparation des lésions nerveuses car elles synthé- sur pratiquement toute sa longueur par deux contingents tibial et
tisent des protéines de soutien et libèrent de nombreux facteurs de fibulaire bien individualisés.
croissance, créant un microenvironnement biologique nécessaire L’implication de cette disposition fasciculaire est importante
à la repousse axonale. à connaître lors du traitement des plaies nerveuses. Une plaie
partielle proximale intéressant seulement une petite portion de
Fascicule fibres destinées à de nombreux territoires n’aura parfois aucune
conséquence clinique. À l’inverse une plaie partielle distale inté-
Le fascicule est constitué par un groupe de fibres ner- ressant des contingents à destinées spécifiques aura parfois des
veuses entouré par une gaine conjonctive résistante dénommée conséquences très sélectives sur un territoire limité, comme par
« périnèvre », véritable barrière de diffusion. La coupe transversale exemple l’atteinte élective du rameau thénarien du nerf médian
d’un fascicule montre un ensemble de fibres nerveuses myélini- au poignet. Il est donc nécessaire d’obtenir une bonne concor-
sées (2 à 20 ␮m, 6000 à 8000/mm2 ) et non myélinisées (inférieures dance fasciculaire pour espérer une récupération de qualité après
à 1 ␮m, 25 000 à 50 000/mm2 ) au sein d’un tissu conjonctif suture distale.

2 EMC - Appareil locomoteur


Lésions traumatiques des nerfs périphériques (plexus brachial exclu)  15-003-A-10

Biomécanique des nerfs


“ Point important Les nerfs présentent une résistance importante à la traction, de
l’ordre de 9 à 25 kg pour le nerf ulnaire par exemple. À la rupture,
l’allongement élastique puis plastique du nerf n’aura été que de
La topographie fasciculaire, tout au moins la disposition
8 à 20 % de sa longueur initiale. Mais l’analyse histologique de
en contingents sensitif et moteur, est plus constante à
nerfs soumis à une traction lente et constante montre qu’un nerf
l’extrémité distale des nerfs périphériques. extérieurement sain peut présenter une rupture de plusieurs fas-
cicules avec des lésions de degrés différents au sein d’un même
nerf [2] . Cet aspect est tout à fait classique après rupture du nerf
fibulaire commun dans les entorses graves du genou. Les proprié-
Vascularisation des nerfs tés viscoélastiques du nerf sont responsables de sa rétraction de
plusieurs millimètres lorsqu’il est sectionné. Cette élasticité lui
La vascularisation macroscopique est constituée d’arcades vas- permet de s’adapter à la course articulaire, notamment grâce à
culaires juxtaneurales donnant des branches terminales qui un contingent épineural plus important en regard des principales
cheminent à la surface de l’épinèvre, avec une grande variabi- articulations des membres. Lors d’une réparation nerveuse, il est
lité de distribution. Elles constituent des repères chirurgicaux primordial de préserver un environnement tissulaire de qualité,
d’alignement lors de la suture des plaies nerveuses. Des autorisant l’excursion normale du nerf, et limitant les phéno-
branches plongent directement à l’intérieur du nerf, réalisant mènes d’ischémie par étirement. Jusqu’à un allongement de 5 %,
là encore des réseaux anastomotiques intraneuraux. D’autres la vascularisation des nerfs est inchangée. Au-delà de 10 %, la
branches peuvent traverser complètement de part en part un diminution du flux sanguin entraîne des lésions irréversibles [8] .
nerf sans lui donner de branches, réalisant des aspects en Les nerfs sont par ailleurs résistant à la compression grâce
boutonnière. au tissu conjonctif qui les entoure et remplit les espaces inter-
La vascularisation microscopique est constituée d’un réseau fasciculaires. Les fibres myélinisées seraient plus exposées aux
extrinsèque épineural, péri- et interfasciculaire à disposition traumatismes que les fibres amyéliniques.
plexulaire, et d’un système intrinsèque endoneural intrafas-
ciculaire également largement anastomosé. Ce système est
particulièrement vulnérable à l’étirement [8] . L’ensemble de ces
réseaux anastomotiques extraneuraux et intraneuraux sont à la
base des techniques de greffes nerveuses vascularisées pédiculées,
“ Point important
et permettent la libération d’un tronc nerveux sur une quin-
zaine de centimètres sans dévascularisation du segment libéré. Un nerf est particulièrement résistant à la rupture phy-
À l’inverse, les tentatives d’intraneurodissection sont domma- sique par étirement, toutefois dès 10 % d’allongement
geables à la vascularisation du nerf et engendrent un désordre des lésions irréversibles notamment des fibres myélinisées
fasciculaire qui peut être délétère à la bonne confrontation d’une apparaissent.
suture nerveuse.
La disposition veineuse est parallèle à la disposition arté-
rielle. Les vaisseaux lymphatiques ne seraient retrouvés que dans
l’épinèvre.

Substances neurotrophiques
L’expérimentation a montré que les deux extrémités d’un

“ Point important nerf sectionné produisaient un certain nombre de substances,


notamment des facteurs de croissance (nerve growth factor [NGF],
insulin-like growth factor [IGF-1]). Certaines produites par le moi-
gnon proximal favorisent la régénération, tandis que le moignon
La vascularisation nerveuse est organisée en deux
distal sécrète des substances trophiques orientant la direction de la
réseaux — extrinsèque et intrinsèque — largement anasto- régénération, s’adressant au cytosquelette axonal ou au bourgeon
mosés. Les vaisseaux épineuraux permettent l’orientation axonal de régénération. La régénération des nerfs périphériques
des extrémités nerveuses lors de la suture. La neurolyse est un processus biologique complexe qui comprend non seule-
d’un tronc nerveux sur une distance de moins de 12 à ment le nerf, mais aussi les autres cellules (cellules de Schwann,
15 cm n’entraîne pas de dévascularisation. fibroblastes, cellules endothéliales et macrophages) [7] .

Dégénérescence nerveuse
C’est Waller, en 1950, qui observa les dégradations du segment
 Physiologie et lésions distal du nerf chez la grenouille, d’où le nom de dégénérescence
wallérienne. Dans les heures qui suivent l’interruption anato-
anatomopathologiques mique d’un axone, le fragment distal séparé du corps cellulaire
se fragmente par action enzymatique. La dégénérescence wal-
Les axones des nerfs des membres peuvent mesurer plus de un lérienne du bout distal s’accompagne d’une dégradation de la
mètre de long pour un diamètre de 6 ␮m environ. Dans ces condi- membrane myélinique : les cellules de Schwann se fragmentent
tions, le volume de l’axone est considérablement plus important par action macrophagique. La dégénérescence aboutit à la dis-
que celui du corps cellulaire. Ce dernier réalise la synthèse de parition totale de l’axone dans le fragment distal tandis que les
produits nécessaires au métabolisme de la fibre nerveuse, trans- membranes basales se plissent en raison de la disparition du
portés ensuite par le flux axonal. Le transport axonal centrifuge contenu. Dans les jours qui suivent, les cellules de Schwann pro-
ou antérograde se fait à des vitesses différentes, de 1 à 4 mm par lifèrent et leur membrane basale forme des tubes endoneuraux
jour pour les protéines de structure (neurotubules et neurofila- qui rétrécissent progressivement en diamètre. Cela limite la réin-
ments), à 20 à 40 cm par jour pour les vésicules synaptiques. Le nervation du segment distal lorsque celle-ci est tardive. Après
transport centripète ou rétrograde des métabolites de la conduc- dénervation, les fibres musculaires s’atrophient en une semaine,
tion nerveuse se fait à raison de 15 à 20 cm par jour. Il est avec une fibrose interstitielle qui s’aggrave avec le temps durant
susceptible de véhiculer des substances pathogènes notamment la première année. Mais jusqu’à une date que l’on ne peut fixer
infectieuses. exactement, variable d’un sujet à l’autre, les canaux originels des

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fibres nerveuses sont capables de se reperméabiliser et d’attirer des


fibres en voie de régénération à partir du fragment proximal.
Degré 1
Régénération nerveuse
La rupture des axones s’accompagne d’un changement de la
structure du corps cellulaire qui se prépare au remplacement
Degré 2
de la perte axoplasmique. Après une période de latence de
quelques heures, le corps cellulaire neuronal se met à produire
les substances qui vont favoriser la repousse du fragment axonal
proximal. À partir d’un nœud de Ranvier situé en amont de la
lésion anatomique se développent des filopodes axonaux appelés Degré 3
« faisceaux de régénération ». Chacune des fibres nerveuses en pro-
duisant, le nombre des extrémités nerveuses en voie de repousse
est beaucoup plus grand que le nombre de fibres ayant subi une
lésion. Le bourgeon axonal est initialement dépourvu de gaine
myélinique et progresse vers le moignon distal par neurotropisme.
Degré 4
Les cellules de Schwann et les fibroblastes épineuraux prolifèrent.
Le bourgeon axonal qui pénètre le tissu épineural peut être empri-
sonné dans la cicatrice qui forme le névrome. Si la membrane
basale des cellules de Schwann est restée intacte, les bourgeons de
régénération vont adhérer à l’intérieur du tube qui sert de guide
à la repousse axonale. Degré 5
Lorsque la connexion distale est rétablie avec l’organe péri-
phérique, il semble qu’un signal soit adressé au corps cellulaire,
aboutissant à la dégénérescence des bourgeons du faisceau de
régénération qui n’ont pas encore atteint l’effecteur ou le récep- Figure 1. Classification des lésions nerveuses périphériques selon
teur. Au final, il ne reste qu’un axone régénéré mais plus fin que Sunderland.
l’axone original, même après remyélinisation. Il semble qu’un cer-
tain tropisme sensitif–sensitif et moteur–moteur existe dans les
nerfs mixtes. Un contact inapproprié provoque la disparition de
l’axone intéressé. La plaque motrice du muscle reste intacte, pen-
Degré 2
dant six mois à un an. La récupération fonctionnelle du muscle La continuité axonale est interrompue au site lésionnel (par
est fonction de la durée de la dénervation. Les récepteurs sensitifs étirement ou compression). La dégénérescence wallérienne du
survivent mieux à une longue période de dénervation et il est pos- segment distal est complète mais les tubes endoneuraux restent
sible de récupérer une sensibilité de protection plusieurs années intacts. La récupération est spontanée, son délai correspond au
après une lésion nerveuse. Mais la sensibilité a plus de chance temps mis par la régénération axonale pour atteindre les cibles
d’être discriminative si la réparation nerveuse est effectuée dans distales. Le signe de Tinel progresse à la vitesse de 1 mm par jour.
les trois mois qui suivent la lésion. La récupération est en général complète, sans erreur d’aiguillage,
mais une lésion très proximale peut être suivie d’une dénervation
prolongée des organes terminaux cibles, entraînant une limitation
Classification des lésions traumatiques de la récupération fonctionnelle.
des nerfs périphériques
La connaissance des facteurs influençant la régénération ner-
veuse est essentielle à l’évaluation et à la prise en charge Degré 3
d’un patient présentant une lésion nerveuse, car il y a des Outre la discontinuité des axones, les tubes endoneuraux sont
différences notables de capacité de régénération selon le type ana- détruits. Le périnèvre et une certaine disposition fasciculaire sont
tomopathologique des lésions [9] . Seddon, en 1943, a introduit préservés. La récupération spontanée est donc variable et peu
une classification fonctionnelle décrivant trois types de lésions prédictible. La récupération est toujours partielle car un certain
nerveuses : la neurapraxie, l’axonotmésis et le neurotmésis. Sun- nombre de fibres sont englobées et perdues dans la cicatrice
derland développe la classification de Seddon en incluant le fibreuse endoneurale. La membrane basale originelle des cellules
premier degré lésionnel (neurapraxie), le second degré (axonotmé- de Schwann étant lésée, une mauvaise orientation des fibres vers
sis) et le neurotmésis comme cinquième degré (Fig. 1). Le troisième les récepteurs sensitifs ou moteurs est possible.
degré correspond alors à une atteinte de l’endonèvre et le qua-
trième degré, à une atteinte interfasciculaire sévère du nerf où
aucune régénération n’est possible [6] . MacKinnon [10] a décrit un
sixième degré observé dans les lésions nerveuses en continuité. Degré 4
Il correspond à une mosaïque des différents types de lésions de
Sunderland dans différents fascicules et à des sièges variables sur Seul l’épinèvre est intact. Les autres structures, endonèvre et
le nerf [9] . périnèvre, sont détruites, et avec elles la disposition fasciculaire.
Après la dégénérescence wallérienne du bout distal, la régéné-
ration des fibres nerveuses se trouve bloquée par la cicatrice
Degré 1
lésionnelle, entraînant la formation d’un névrome intranerveux
La lésion de degré 1 de Sunderland est un bloc de conduc- en continuité. La percussion du site lésionnel donne des pares-
tion local. La continuité des axones est préservée ainsi que thésies dans le territoire sous-jacent, mais il n’y a pas progression
l’excitabilité des structures nerveuses en aval de la lésion. La levée vers la partie distale. Il n’y a pas de récupération spontanée dans
de la compression entraîne une récupération qui se fait dans ce cas. Ces lésions doivent être reconnues lors de l’exploration
des délais variables, de quasi-immédiate à jusqu’à 12 semaines. chirurgicale, réséquées et greffées malgré la persistance appa-
À titre d’exemple, l’ischémie liée au garrot provoque un bloc de rente d’une continuité anatomique. Vues secondairement, elles se
conduction. Après une pression exercée à 200 mmHg pendant manifestent par un épaississement net et un durcissement du nerf
deux heures, les transports axonaux ne reviennent à la normale à la palpation. L’imagerie par résonance magnétique (IRM) peut
qu’au bout de trois jours. Un bloc de conduction prolongé peut être utile au diagnostic de ces lésions pour décider d’une recoupe
relever de la neurolyse chirurgicale. nerveuse [11] .

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Degré 5 • S2 récupération de la sensibilité cutanée superficielle et d’une


certaine sensibilité au toucher (différenciation pique-touche,
La perte de continuité nerveuse est totale. La rupture de la struc-
pas de discrimination des deux points). Possible hyperesthésie ;
ture interne nécessite une réparation nerveuse par suture ou greffe
• S3 récupération de la sensibilité douloureuse et tactile,
pour obtenir une récupération fonctionnelle.
disparition de l’hyperesthésie, début de la discrimination
(Weber > 15 mm) ;
• S3 + retour d’une discrimination utile (Weber de 6 à 15 mm) ;
 Bilan clinique et paraclinique • S4 sensibilité normale.
Des phénomènes douloureux, sensations d’engourdissements
L’objectif initial est de ne pas méconnaître une lésion nerveuse peuvent être présents et chiffrés selon l’échelle visuelle analogique
périphérique. L’examen est d’autant plus difficile compte tenu de (EVA). Ces lésions peuvent être de type « névromateuse » (douleur
la plaie, fracture ou contusion sous-jacente. exquise très localisée à la palpation et percussion), d’hyperesthésie
ou de sensation de membre fantôme après amputation.
Il faut enfin rechercher des troubles vasomoteurs et trophiques
Traumatisme aigu, prise en charge initiale (peau sèche, squameuse voire des ulcérations trophiques) quasi
Le bilan moteur et sensitif sous-jacent en urgence est obligatoire constants mais survenant à distance du traumatisme.
pour tout traumatisme des membres (intérêt médicolégal, à consi- Chammas et al. [14] décrivent quatre grands syndromes :
gner dans le dossier médical). Le bilan peut être méconnu ou placé • syndrome d’interruption complète : il existe une anesthésie
au second plan dans certaines circonstances : patient inconscient, complète à tous les modes, une paralysie complète du territoire
polytraumatisé, plaies délabrantes avec atteinte de gros vaisseaux. concerné avec amyotrophie, hypotonie et abolition des réflexes
Un examen global et plus général est également indispensable à ostéotendineux ;
la recherche d’autres lésions associées et notamment ostéoarticu- • syndrome d’interruption partielle : toutes les associations peuvent
laires ou musculotendineuses. se voir selon le déficit partiel sensitif et moteur ;
Sur le plan moteur, chaque fonction sous-jacente à la lésion est • syndrome de régénération (1 mm/j) : un signe de Tinel évolutif
testée et relevée : absente ou présente. de distal en proximal au niveau du trajet du nerf. Réappari-
L’examen sensitif doit être plus fin et attentif surtout si des tion de la sensibilité dans la zone autonome. Réapparition de
lésions ostéoarticulaires sont associées, limitant l’examen moteur. contractions volontaires ;
Une recherche de la sensibilité discriminative sur les extrémi- • syndrome d’irritation : phénomène douloureux après un trauma-
tés digitales est effectuée, cette dernière est explorée par le test tisme nerveux.
de Weber [11] , précis et fiable, qui teste à l’aide d’un instrument
à deux branches appuyé sur la peau d’une hémipulpe digitale,
permettant au patient, les yeux fermés, de distinguer les deux Régénération nerveuse
points de contact (écart normal < 5 mm). En cas d’atteinte sévère
de la sensibilité, la sensibilité de protection, au tact est évaluée au Outre le bilan électrophysiologique plus ou moins répété que
« pique-touche ». nous détaillons plus loin, la régénération nerveuse doit faire
En cas de plaie et surtout si elle siège sur un trajet nerveux, l’objet d’un suivi régulier par le signe de Tinel [15] et l’évaluation de
seule l’exploration chirurgicale permet de préciser la nature de la la récupération sensitive et motrice en aval de la lésion nerveuse
lésion. En revanche, en cas de traumatisme fermé, l’exploration (de proximal en distal). Cette évaluation régulière et attentive
est rarement indiquée en urgence. permet d’établir le pronostic d’une lésion prise en charge ou non.
Il n’y a pas de place pour un bilan électromyographique à la Le signe de Tinel consiste à réaliser une percussion sur le tra-
phase initiale. jet du nerf qui produit un fourmillement progressant en aval.
Cette descente du point d’excitabilité traduit une régénération
nerveuse. En revanche, lorsque la symptomatologie reste loca-
Traumatisme ancien ou négligé lisée sur la zone de la lésion ou la suture, celle-ci traduit la
formation d’un névrome et donc un obstacle à la régénéra-
L’examen clinique doit être méthodique et soigneux pour être
tion. La progression du niveau du Tinel est relevée et mesurée.
en mesure de dire le nombre de territoires nerveux atteints. Ce
Plus l’intensité du Tinel migre en distal au plus le pronostic
bilan doit également être notifié dans le dossier médical avant
est bon. Au contraire, un Tinel dont l’intensité est plus forte
toute prise en charge chirurgicale.
sur le site lésionnel traduit une régénération axonale plus faible
La recherche d’un déficit moteur fait appel à la classification du
quantitativement.
British Research Medical Council (BRMC) :
La récupération sensitive doit être appréciée par le test de
• M0 pas de contraction ;
Weber. La sensibilité profonde réapparaît le plus fréquemment
• M1 contraction perceptible sans mouvement vrai ;
en premier puis viennent les sensibilités tactiles et doulou-
• M2 ébauche de mouvement ou mouvement incomplet ;
reuses. La zone périphérique déficitaire ne doit pas être prise
• M3 mouvement complet contre pesanteur ;
en compte car elle témoigne d’une suppléance par les nerfs
• M4 mouvement complet avec force anormale ;
voisins.
• M5 mouvement complet avec force normale.
Sur le plan moteur, l’étude doit également se faire de proxi-
Certaines causes d’erreurs sont possibles car il y a des variations
mal à distal. En premier lieu, on observe une récupération
anatomiques éventuelles, notamment pour les nerfs médian et
du tonus et de la sensibilité musculaire puis des contractions
ulnaire. Il peut exister des suppléances par les muscles voisins ou
volontaires.
inversement des lésions traumatiques musculotendineuses asso-
ciées simulant une atteinte nerveuse.
L’examen sensitif recherche des zones d’anesthésie dans les
territoires des nerfs possiblement lésés. Comme décrit précédem-
ment, la discrimination est étudiée selon le test de Weber. De
nombreux autres tests ont été décrits [12] et permettent égale-
“ Point important
ment l’évaluation de cette sensibilité, test de Dellon (identique
En cas de lésion aiguë, l’examen clinique doit permettre
au test de Weber mais de façon dynamique), sensibilité vibra-
toire (très précise mais de réalisation difficile) ainsi que des tests d’orienter la prise en charge vers l’exploration chirurgicale.
de reconnaissance d’objets de Möberg. Selon Alnot et al. [13] , la En cas de lésion ancienne, l’examen clinique doit per-
classification ci-dessous peut être utilisée : mettre de différencier le syndrome d’interruption totale
• S0 aucune sensibilité ; ou d’interruption partielle, le syndrome de régénération,
• S1 récupération de la sensibilité cutanée douloureuse profonde ; le syndrome d’irritation.
• S1 + récupération de la sensibilité cutanée superficielle ;

EMC - Appareil locomoteur 5


15-003-A-10  Lésions traumatiques des nerfs périphériques (plexus brachial exclu)

Paraclinique d’unité motrice polyphasique de faible amplitude) observés


en détection n’apparaissent qu’une fois que le muscle cible
Imagerie commence à être réinvesti par la repousse nerveuse.
Les radiographies standard sont toujours indispensables pour Dans les atteintes axonales, la surveillance prend tout son sens,
éliminer toutes lésions ostéoarticulaires associées et rechercher elle recherche une régénération et permet d’établir un pronos-
d’éventuels corps étrangers. tic de récupération. Cette récupération progressive se traduit par
L’échographie peut permettre, selon le siège, d’analyser l’aspect l’apparition de potentiels d’unité motrice initialement polypha-
d’un nerf traumatisé, ou encore de rechercher un phénomène siques et de faible amplitude, ainsi qu’une diminution de l’activité
compressif comme une collection ou un hématome après trau- de fibrillation. L’enrichissement progressif du tracé de détection
matisme musculaire pouvant expliquer le déficit observé. est de bon pronostic. À l’inverse si le nombre d’unités motrices
Le scanner est intéressant pour les lésions du bassin et du sacrum stagne lors des différents examens, cela prédit une faible récupé-
car il précise les rapports des éléments osseux. ration.
L’imagerie par résonance magnétique nucléaire (IRMN) est, à L’examen peut être répété tous les deux à trois mois en fonction
l’heure actuelle, le meilleur examen d’imagerie pour l’exploration de l’évolution et du tableau clinique.
des lésions nerveuses. Son intérêt réside essentiellement dans les L’électromyogramme (EMG) peut également être utile à dis-
traumatismes fermés avec suspicion de rupture de la gaine (conti- tance du traumatisme lors du traitement palliatif des lésions
nuité ou non des groupes fasciculaires intraneuraux, volume nerveuses par transfert musculotendineux. Même si l’examen
du nerf en faveur ou non de l’apparition d’un névrome) ou clinique prime, le tracé d’un muscle pauvre peut faire contre-
en cas de doute sur la qualité de la prise en charge initiale indiquer son transfert.
(qualité d’affrontement des extrémités des groupes fasciculaires,
fuite en dehors de la zone de suture, matériel de suture
employé). L’IRMN apporte également d’autres informations
complémentaires pouvant être utiles pour la prise en charge : le
degré d’atrophie des différents muscles ou les lésions tendineuses
“ Point important
associées.
L’examen électrophysiologique (EMG) n’a aucune indi-
cation avant la troisième semaine post-traumatique ou
Électrophysiologie
postchirurgicale, l’examen clinique reste le meilleur exa-
L’étude électrophysiologique des nerfs et des muscles est un men.
élément utile et indispensable de l’exploration de la patholo- L’EMG permet de séparer la neurapraxie des autres lésions
gie neuromusculaire. En revanche, il ne doit absolument pas
(axonotmésis et neurotmésis) dont la gravité est variable.
se substituer au bilan clinique mais apporter au chirurgien des
informations complémentaires dans le diagnostic, le choix des Cet examen ne permet pas de distinguer l’axonotmésis
indications opératoires, le pronostic et la surveillance des atteintes (lésion favorable) et le neurotmésis (lésion défavorable).
nerveuses périphériques traumatiques des membres [16] . L’examen Cette distinction ne peut se faire qu’après un temps
électrique habituel comporte l’étude des conductions nerveuses d’évolution ou par l’exploration chirurgicale.
motrice et sensitive des nerfs (examen de stimulodétection)
et l’électromyographie de détection en utilisant une aiguille-
électrode insérée dans le muscle [17] .
Cet examen est indiqué initialement en cas de paralysie dans
le territoire d’un nerf ne cédant pas au traitement des lésions
associées. Il n’y a aucune indication avant la troisième semaine  Réparation nerveuse [18]

postopératoire ou post-traumatique. En effet, la dégénérescence


wallérienne apparaît secondairement entre la deuxième et la qua- Devant une lésion nerveuse isolée, sa réparation anatomique
trième semaine post-traumatique. est logique. Lorsque celle-ci est associée à d’autres lésions
(osseuses, articulaires, vasculaires), la prise en charge chirurgicale
Bilan électromyographique initial est nettement plus complexe. L’intervention doit comprendre :
Il faut distinguer deux types d’atteintes : les myélinopa- l’exploration du tronc nerveux afin d’établir le diagnostic, la res-
thies (neurapraxie) dont la récupération se fait spontané- tauration de la continuité nerveuse par suture directe ou greffe
ment sans séquelles et les axonopathies aiguës (axonotmé- intercalaire, le levée d’une compression éventuelle.
sis, neurotmésis) qui sont le siège d’une dégénérescence
wallérienne.
• L’altération de la cellule de Schwann entraîne une démyé- Indications
linisation segmentaire plus ou moins étendue responsable
d’un ralentissement ou bloc de conduction plus ou moins Elles sont nombreuses :
complet [17] . Elle se traduit par des potentiels moteurs de mor- • paralysie motrice ou atteinte sensitive après plaie en regard du
phologie et d’amplitude conservées, l’absence d’activité de trajet d’un nerf : recherche d’une plaie partielle ou totale du
repos, un allongement des temps de latence distale, et une tronc nerveux ;
réduction de la vitesse de conduction voire un bloc complet. • paralysie motrice ou atteinte sensitive après traumatisme fermé
Le ralentissement de la conduction nerveuse n’est pas corrélé sévère, souvent associée à des lésions osseuses ou des parties
au degré du déficit, mais c’est l’intensité du déficit qui est direc- molles ; dans ce cas, le plus souvent, il s’agit d’une élongation
tement proportionnelle à l’intensité du bloc de conduction ou ou d’une contusion sur laquelle une neurolyse est le seul geste
de la régénérescence axonale associée. possible ;
• En cas d’atteinte axonale, on observe des potentiels moteurs de • lésion nerveuse associée à une fracture qui nécessite une
morphologie anormale. Des signes de dénervation active (acti- contention interne ou à une lésion artérielle ;
vité spontanée de fibrillation électrique) apparaissent au-delà • absence de récupération après traumatisme fermé, au-delà de
du quinzième jour. La conduction nerveuse distale peut être trois mois ;
conservée pendant cinq jours suivant la lésion puis les vitesses • douleurs persistantes évoquant une névrite.
décroissent progressivement jusqu’à cesser vers le deuxième L’exploration chirurgicale lorsqu’elle est secondaire à une lésion
mois. traumatique peut mettre en évidence un névrome ; dans ce
cas, le traitement chirurgical est spécifique mais il n’entre pas
Surveillance électromyographique dans le cadre de cet article. Lorsque la lésion neurologique
La repousse axonale comme vu précédemment est de l’ordre n’est pas réparable (suture directe ou greffe), des gestes palliatifs
de 1 mm par jour. Dans les blocs de conduction, l’examen élec- peuvent être réalisés tels des transferts tendineux et/ou des gestes
trique est donc inutile. Les potentiels de réinnervation (potentiels articulaires.

6 EMC - Appareil locomoteur


Lésions traumatiques des nerfs périphériques (plexus brachial exclu)  15-003-A-10

Le délai de réparation par un chirurgien spécialisé maîtrisant la Techniques de suture


technique de suture microchirurgicale est de l’ordre de 24 heures,
au-delà la suture nerveuse est réalisée dans des conditions moins Beaucoup d’encre a coulé au sujet des techniques de suture. Il
favorables ce qui va péjorer le résultat. Évidemment, les lésions apparaissait logique que les sutures les plus précises fasciculaires,
associées doivent être prises en charge dans un délai adapté à leur soient les plus efficaces. En réalité, il n’existe pas de diffé-
gravité. rence entre les sutures fasciculaires et les sutures épipérineurales
(Fig. 3), c’est-à-dire une suture qui permet d’orienter les groupes
de fascicules. Sauf exceptions — nerf oligofasciculaire, greffe inter-
Non-indications relatives calée, neurotisation —, c’est la suture épipérineurale qui est
utilisée.
• La suture nerveuse n’est pas une urgence vitale, elle doit La première chirurgie de suture nerveuse doit être la meilleure
donc être effectuée après les autres mesures thérapeutiques qui possible car le résultat est largement dépendant de la qualité du
peuvent alors retarder la réparation nerveuse. geste.
• En l’absence d’équipe chirurgicale spécialisée. Les sutures secondaires doivent être réalisées après résection
• Lorsque la vitalité des portions nerveuses est douteuse (plaie du névrome en continuité (névrome proximal et gliome distal)
par arme à feu). (Fig. 4). Cette résection permet de mettre en évidence une archi-
• Lorsque le risque de sepsis local ou régional est important (dans tecture fasciculaire des deux extrémités. Si la perte de substance est
ce cas, il est préférable de réaliser une suture dans un milieu trop importante, un greffon intercalaire polyfasciculaire est alors
« stabilisé »). nécessaire (Fig. 5 à 7).
• Lorsque la lésion nerveuse peut être compensée de façon sûre et
fiable par un transfert musculotendineux plus vite qu’après une
suture nerveuse (dans ce dernier cas, et lorsque le nerf est mixte, Autres techniques
une suture peut être réalisée afin de permettre une repousse des
fibres sensitives). Le collage grâce à des colles biologiques, à base de fibrine
humaine et de thrombine bovine, permet de limiter le trau-
matisme des extrémités nerveuses par l’aiguille de suture.
Cette technique est généralement utilisée en complément d’une
“ Point important suture conventionnelle plus lâche. Il faut cependant savoir
que ces colles sont résorbables au sein d’un phénomène
inflammatoire parfois pourvoyeur de fibrose ou d’adhérences
Les indications de réparations nerveuses sont larges, les importantes. Il faut éviter leur utilisation proche de sutures
non-indications sont relatives et discutables. tendineuses.
Le délai et les conditions de réparations sont primordiaux.

Principes de réparation
L’exposition doit permettre un accès large et facile au tronc ner-
veux lésé, les lésions associées doivent être prises en charge, si
possible, dans le même temps opératoire.
L’extrémité distale est stimulable électriquement pendant
72 heures environ après section.
La neurolyse externe correspond à une libération du tronc ner- Figure 3. Suture directe épipérineurale d’un nerf digital palmaire radial
veux d’un phénomène constrictif local, l’épinèvre reste intact. de l’index droit.
C’est le geste qui est réalisé lors d’une lésion nerveuse sans section
anatomique (neurapraxie). Une neurolyse interne ou interfasci-
culaire nécessite une ouverture de l’épinèvre et une manipulation
prudente des fascicules. Cette procédure permet de séparer les fas-
cicules atteints des fascicules sains (section partielle, névrome en
continuité), de prélever un fascicule moteur dans le cadre d’une
neurotisation (techniques d’Oberlin et/ou d’Oberlin II), de séparer
le tissu sain d’une tumeur intranerveuse.
Les extrémités doivent être recoupées a minima (instruments
de V. Meyer) : de 1 mm (en cas de section nette) (Fig. 2) à 1 cm
(en cas d’étirement), la recoupe est plus facile lorsque les extrémi-
tés nerveuses sont réfrigérées ou congelées brièvement. La suture
directe doit toujours être privilégiée quitte à mettre le membre
en flexion temporairement (deux à trois semaines puis mise en
extension progressive) pour permettre la suture.

Figure 4. Neurolyse et ténolyse d’une hémisection antérieure du poi-


gnet gauche. Les éléments tractés par des lacs en tissu sont de haut en bas :
l’artère radiale, le nerf médian présentant, malgré une suture, un névrome
en continuité, le nerf ulnaire présentant la même lésion. L’intervention a
consisté en une résection–greffe partielle du nerf médian et totale du nerf
Figure 2. Section du nerf digital palmaire radial de l’annulaire gauche. ulnaire.

EMC - Appareil locomoteur 7


15-003-A-10  Lésions traumatiques des nerfs périphériques (plexus brachial exclu)

Figure 5. Névrome en continuité du nerf médian droit (plaie partielle


non suturée en urgence).
Figure 7. Suture de la greffe intercalaire (même patient que sur les
Figures 5 et 6).

Figure 8. Suture d’un nerf digital palmaire radial de l’annulaire droit


avec manchon veineux.

Avancées techniques et technologiques


Afin de protéger les sutures, d’améliorer les conditions locales
voire de stimuler la repousse nerveuse (par diffusion et concen-
tration de facteurs neurotropiques et neurotrophiques), de ponter
des pertes de substance, des tubes ont été imaginés et conçus. En
cas de perte de substance, éviter la greffe nerveuse intercalaire fait
Figure 6. Résection du névrome (même patient que sur la Figure 5) et oublier les séquelles d’un prélèvement d’un nerf périphérique.
mise en place d’une greffe polyfasciculaire (torons du nerf sural). Ces neurotubes ou chambres de régénération nerveuse doivent
être souples, maintenir leur forme durant la repousse nerveuse
et résister au collapsus. Enfin ils doivent être biodégradables et
économiques.
La suture au laser peut également être utilisée mais son intérêt,
Les premiers tubes utilisés étaient des veines autologues
contrairement à la suture vasculaire, n’est pas clairement démon-
(Fig. 8), parfois remplies de fibres musculaires afin d’éviter le
tré.
collapsus [22–25] . Au-delà de 3 cm, ces greffons veineux semblent
La greffe intercalaire n’est nécessaire qu’en cas de perte de
inefficaces.
substance empêchant la suture directe. Le greffon est au mieux
L’acide polyglycolique (polyglycolic acid [PGA]) est le premier
un nerf sensitif dont le territoire est peu fonctionnel : nerf
matériau dégradable utilisé, il semble efficace pour ponter les
sural, nerf cutané latéral de l’avant-bras ; certains auteurs uti-
petites pertes de substance (3 cm) [26, 27] . Toutefois, le coût de cette
lisent : le nerf cutané médial de l’avant-bras, le nerf cutané dorsal
substance et le risque d’expulsion l’ont fait abandonner.
du nerf ulnaire, mais le déficit postopératoire ou l’apparition
Le collagène est depuis quelques années le matériau principal
d’un névrome post-prélèvement sont parfois très préjudiciables.
(Fig. 9, 10), il est parfaitement toléré, facilite la néoangiogenèse
D’autres greffons peuvent être utilisés : nerf interosseux antérieur
par son caractère poreux et est biorésorbable [28–30] . L’origine du
(en sacrifiant l’innervation du muscle carré pronateur), nerf inter-
collagène est actuellement bovine ou porcine.
osseux postérieur (au-delà du muscle extenseur de l’index). Dans
Les preuves cliniques manquent encore pour prouver la supério-
certains cas un tronc nerveux vascularisé peut servir à combler
rité de ces tubes par rapport aux techniques conventionnelles [31] .
une perte de substance étendue.
Le transfert nerveux (neurotisation) peut également être utilisé,
ce geste permet de détourner un fascicule ou un nerf moteur (nerf
neurotiseur) vers un nerf non fonctionnel (nerf neurotisé). Cette
technique largement utilisée dans les lésions du plexus brachial  Lésions des nerfs périphériques
peut cependant être d’une aide précieuse dans certaines lésions
périphériques [19–21] . Elles sont plus fréquentes au membre supérieur.

8 EMC - Appareil locomoteur


Lésions traumatiques des nerfs périphériques (plexus brachial exclu)  15-003-A-10

Dans le petit bassin


Après fracture du sacrum, les lésions sont rares (< 1 %) et souvent
partielles. L’attitude thérapeutique n’est pas univoque : traitement
conservateur ou exploration chirurgicale.
C’est une atteinte totale associée à des fragments osseux poten-
tiellement compressifs vus à la tomodensitométrie qui oriente vers
un traitement chirurgical.

Lors d’une fracture–luxation coxofémorale


Les lésions du nerf ischiatique sont peu fréquentes : 10 à
15 %. Il peut s’agir d’une compression directe (généralement
par un fragment osseux) ou d’un étirement, l’atteinte neuro-
logique touche principalement le contingent du nerf fibulaire
commun.
Le traitement est l’exploration chirurgicale. La neurolyse per-
met une récupération dans plus de deux cas sur trois.

Après chirurgie prothétique de la hanche


L’incidence est inférieure à 1 %, toutefois elle augmente lors
d’une chirurgie de reprise (5 %) ou d’une mise en place de prothèse
sur luxation congénitale (5 %).
La lésion est due à une traction (notamment lors
de l’allongement du membre), une compression (écar-
teurs), d’un traumatisme direct chirurgical (chirurgie de
reprise).
Figure 9. Névrome après section négligée du rameau antérieur de la La très grande majorité des paralysies récupère (près de 80 %),
branche superficielle du nerf radial. mais des douleurs neuropathiques peuvent persister.
En cas de paralysie totale, l’exploration chirurgicale est la règle
avant trois mois en cas de non-récupération ; en cas de paralysie
partielle, une simple surveillance est de mise.

À la cuisse
C’est l’exploration et la suture directe en urgence qui donnent
les meilleurs résultats fonctionnels.
Les lésions balistiques sont plus rares, les séries cliniques sont
courtes mais il semble qu’une lésion de plus de 4 cm au-delà
de trois mois d’évolution soit de très mauvais pronostic. La
décision chirurgicale face à ces lésions souvent partielles reste
difficile.
La suture secondaire avec utilisation d’une greffe intercalaire
pose des problèmes techniques car le capital de greffons dispo-
nibles est vite dépassé. En cas de large perte de substance, seul le
contingent tibial est greffé grâce au nerf fibulaire commun pédi-
culé [32] . Ces greffes donnent des résultats moins bons que la suture
directe mais la sensibilité de protection récupérée évite alors les
troubles trophiques plantaires.

Au genou
Seul le nerf fibulaire commun est généralement lésé.
Les plaies nerveuses suturées en urgence donnent de bons résul-
tats, si une greffe est nécessaire le résultat est logiquement moins
bon.
Lors des luxations de genou, la rupture nerveuse est géné-
ralement plus proximale, étagée et étendue, les résultats sont
médiocres. Au-delà de trois mois, l’exploration chirurgicale est
la règle si aucune récupération n’est observée. La longueur de
la greffe nécessaire est parfois trop importante pour espérer
une repousse nerveuse de qualité. Si la greffe fait moins de
Figure 10. Résection du névrome et suture avec neurotube en colla- 6 cm, seul un quart des patients a une récupération chiffrée
gène de type Revolner® . à 75 % ; si celle-ci fait plus de 6 cm, la récupération chute à
38 % puis à 16 % pour des greffes supérieures à 12 cm [33] . Une
chirurgie palliative de transfert tendineux est donc d’emblée
indiquée.
Lésions des nerfs du membre inférieur
Lésions du nerf ischiatique Lésions du nerf fémoral
L’atteinte peut siéger à la fesse, à la cuisse ou au genou. Dans Les lésions du nerf fémoral sont rares, elles peuvent être asso-
ce dernier cas, les nerfs fibulaire commun et tibial peuvent être ciées à une atteinte des adducteurs de la cuisse ou du psoas iliaque
touchés. dans le cadre d’une atteinte plexique.
Le mécanisme est la plaie par arme blanche ou par traumatisme Les causes sont :
balistique (créant ainsi une lésion par section, étirement par le • une compression par un hématome sous le fascia iliaca dans un
blast du projectile), rarement après fracture du bassin, du fémur, contexte de trouble de l’hémostase (traitement ou hémophilie) ;
la luxation du genou (dans ce cas, le nerf fibulaire commun est • une plaie de la région souvent associée à des complications
généralement le seul atteint). vasculaires ;

EMC - Appareil locomoteur 9


15-003-A-10  Lésions traumatiques des nerfs périphériques (plexus brachial exclu)

• un traumatisme peropératoire : par les écarteurs ou la position d’Oberlin II : transfert d’un fascicule moteur à destinée des extrin-
de l’opéré (chirurgie du petit bassin et du rachis lom- sèques du nerf médian sur le nerf du brachial) sont parfois
baire), lors de la cure chirurgicale d’une hernie (fixation du nécessaires.
nerf sur le tendon conjoint), lors d’une cystopexie (blessure
du nerf lors de la fixation sur le fascia du psoas), après Atteintes des nerfs du bras : nerfs médian, ulnaire
mise en place d’une prothèse totale de hanche (atteinte de et radial
la colonne antérieure acétabulaire, allongement excessif du
membre). Leur réparation directe en urgence est le traitement de choix.
Le drainage d’un hématome est aisé mais la suture des multiples Nerfs médian et ulnaire
troncs nerveux à la cuisse est aléatoire. Le contexte traumatologique de ces lésions est lourd, la suture
nerveuse directe doit être privilégiée mais n’est pas toujours pos-
sible ; en cas de perte de substance, les extrémités nerveuses
Lésions des nerfs du membre supérieur doivent être repérées et fixées pour permettre la greffe secondaire.
Atteintes des nerfs de l’épaule : nerf accessoire, Lors des traumatismes complexes du membre, c’est la suture du
nerf axillaire, suprascapulaire, musculocutané nerf médian qui doit être privilégiée car celle-ci permet une récu-
pération sensitive et motrice meilleure et plus étendue, le déficit
Nerf accessoire moteur du nerf ulnaire est compensé par des transferts tendineux.
Onzième paire des nerfs crâniens, sa branche externe prend en On pourra alors, dans certains cas, utiliser le nerf ulnaire comme
charge l’innervation motrice des muscles trapèze et sterno-cleïdo- greffon vascularisé pour reconstruire le nerf médian.
mastoïdien. Chez l’enfant, les fractures de l’extrémité distale de l’humérus
Sa lésion est presque toujours iatrogène après biopsie lympha- peuvent se compliquer d’une paralysie partielle du nerf médian :
tique dans la région supraclaviculaire postérieure, en effet cette du contingent du nerf interosseux antérieur. Les jeunes patients
chaîne lymphatique accessoire suit le trajet de ce tronc nerveux. ne peuvent alors réaliser un rond parfait entre le pouce et l’index,
La réparation nerveuse donne généralement un bon résultat, si utilisant alors le long fléchisseur du pouce et le fléchisseur profond
elle est pratiquée avant trois mois. de l’index. La surveillance de cette lésion aboutit généralement à
une récupération spontanée en quelques semaines. Les incarcéra-
Après luxation d’épaule tions du nerf médian au sein du foyer de fracture ou de l’interligne
Les lésions nerveuses sont fréquentes (un cas sur deux) après articulaire sont exceptionnelles. Le nerf ulnaire peut également
luxation d’épaule, dans près de 40 % pour le nerf axillaire, 30 % suivre une fracture–avulsion de l’épicondyle médial.
pour le nerf suprascapulaire, 20 % pour le nerf musculocutané [34] . Nerf radial
La symptomatologie neurologique est souvent masquée par la
Les atteintes du nerf radial sont fréquentes ; après fracture,
pathologie orthopédique. La récupération est heureusement la
l’atteinte est observée dans 15 % des cas et la récupération spon-
règle sauf après traumatisme violent ou atteinte des racines
tanée apparaît dans 70 % des cas. Ces chiffres ne doivent pas faire
C5-C6.
oublier les principes de base et empêcher une réparation éven-
Après le troisième mois, la décision d’une exploration chirurgi-
tuelle avant trois mois.
cale doit être prise si la récupération est absente après traumatisme
En effet, si un geste chirurgical est décidé pour fixer la fracture,
violent.
une exploration du nerf doit être réalisée dans le même temps
opératoire.
Nerf axillaire La greffe nerveuse n’est effectuée qu’à six ou huit semaines après
Historiquement, cette lésion était rarement prise en charge chi- le traumatisme.
rurgicalement. En cas de paralysie radiale après intervention chirurgicale, si le
Le lieu de l’étirement est l’espace axillaire latéral (trou carré de nerf n’a pas été repéré ou neurolysé, une exploration secondaire
Velpeau). La récupération spontanée est la règle (75 %), toutefois est indispensable.
la prise en charge d’une telle atteinte n’est pas exceptionnelle. Il faut savoir qu’en cas de paralysie isolée du nerf radial, des
Toute paralysie du deltoïde après traumatisme de l’épaule doit transferts palliatifs donnent un résultat fonctionnel correct, ces
conduire à un EMG au-delà de trois semaines d’évolution. Une transferts peuvent être réalisés d’emblée chez le patient âgé ou en
imagerie (arthroscanner ou IRM) permet d’apprécier les lésions cas de perte de substance nerveuse étendue nécessitant une greffe
de la coiffe des rotateurs. de plus de six ou 12 cm.
Le diagnostic est retardé par le suivi des lésions orthopé- Des transferts nerveux sont également envisageables même si
diques associées. Les différentes séries insistent sur une réparation leur utilisation est très majoritairement réservée aux lésions du
précoce : avant trois mois [35] . En cas de striction, le geste chi- plexus brachial [21] .
rurgical peut comprendre une résection-suture, si la perte de Au coude, le nerf interosseux postérieur, une des deux
substance est trop importante une greffe doit être réalisée. branches terminales du nerf radial, peut être lésé dans les
Certains auteurs proposent un transfert nerveux, dont les résul- fractures–luxations huméroradiales.
tats semblent meilleurs qu’une greffe intercalaire : le nerf de la
longue portion du triceps brachial sur la portion motrice du nerf Atteintes des nerfs au poignet (Fig. 4)
axillaire [19] .
Ces lésions sont toujours associées à des plaies tendineuses et
vasculaires. Tous les éléments doivent être réparés en un temps.
Nerf suprascapulaire
Les suites postopératoires sont marquées par une immobi-
La lésion de ce tronc nerveux est très généralement associée à lisation du poignet pendant 15 jours, temps de cicatrisation
une lésion du nerf axillaire. Sa prise en charge est ainsi simultanée. épineurale. La récupération sensitive des trois premiers doigts est
Nerf musculocutané indispensable pour espérer un résultat fonctionnel correct. La
récupération motrice des muscles intrinsèques de la main notam-
La lésion se situe au sein du coracobrachial. En cas de rupture,
ment les muscles interosseux est souvent moyenne.
la greffe est toujours nécessaire car les extrémités nerveuses sont
Il faut savoir que la vitesse de conduction mesurée à l’EMG ne
trop éloignées.
préjuge pas de la qualité de la récupération ni du degré de repousse
Les atteintes iatrogènes se voient après chirurgie de l’instabilité
nerveuse.
de l’épaule.
L’exploration chirurgicale doit être réalisée avant trois mois, les
résultats fonctionnels sont moins bons en raison de la néces-
Atteintes nerveuses à la main
sité d’une greffe. Les techniques de neurotisation [20] (techniques Ce sont des lésions très fréquentes, elles sont considérées
d’Oberlin I : transfert d’un fascicule moteur à destinée des extrin- comme des lésions graves car elles peuvent entraîner des douleurs
sèques du nerf ulnaire sur le nerf du biceps brachial et techniques névromateuses, des anesthésies ou hypoesthésies pulpaires.

10 EMC - Appareil locomoteur


Lésions traumatiques des nerfs périphériques (plexus brachial exclu)  15-003-A-10

Les lésions des nerfs digitaux palmaires (Fig. 2, 3) doivent être [7] Gelberman RH. Operative nerve repair and reconstruction. Philadel-
réparées en urgence par des opérateurs entraînés pour éviter en phia: JB Lippincott; 1991.
premier lieu l’apparition d’un névrome. [8] Lundborg G. Nerve injury and repair. Edinburgh: Churchill Living-
L’analyse clinique d’une plaie en regard d’un nerf digital stone; 1988.
palmaire ne retrouve aucun signe spécifique, l’hémi-anesthésie [9] Young PK, MacKinnon SE. Les lésions traumatiques des nerfs péri-
pulpaire est rarement retrouvée dans ce contexte algique phériques. Paris: Expansion Scientifique Française; 1997.
aigu. [10] MacKinnon SE, Dellon AL. Surgery of the peripheral nerve. New
Il est classique d’affirmer la nécessité de réaliser dans le York: Thieme; 1988.
même temps opératoire la réparation de l’artère digitale pal- [11] Oberlin C. Chirurgie du membre supérieur. Paris: Elsevier; 2000.
maire satellite du nerf sectionné pour des raisons de trophicité [12] Novak CB, MacKinnon SE, Kelly L. Correlation of two-point discri-
locale. mination and hand fonction following median nerve injury. Ann Plast
Les résultats sont bons, 60 % des blessés retrouvent une sensi- Surg 1993;31:495–8.
bilité au moins discriminative utile. La récupération ad integrum [13] Alnot JY, Chammas M. Lésions traumatiques des nerfs périphériques.
Paris: Elsevier Masson SAS; 2007.
n’est décrite que chez l’enfant.
[14] Chammas M, Lacombe F, Coulet B. Traumatisme des nerfs
périphériques. http://www.med.univmontp1.fr/Enseignement/cycle
2/MID/Ressources locales/Neuro/item 192-301 Traumatismes
Suites postchirurgicales des nerfs.pdf.
De nombreux facteurs semblent responsables de la qualité de la [15] Tinel J. Le signe du fourmillement dans les lésions des nerfs périphé-
repousse nerveuse et donc du résultat fonctionnel [36] . riques. Presse Med 1915;47:388–9.
Les plus classiques sont : [16] Tubiana T. Traité de chirurgie de la main. Paris: Masson; 1991.
• l’âge du blessé : avant l’âge de 10 ans la récupération est souvent [17] Bouche P. Électromyographie clinique. EMC (Elsevier Masson SAS,
excellente (au-delà de 90 %), entre 20 et 50 ans elle est évaluée Paris), Neurologie, 17-030-A-10, 2008.
à 60 %, elle chute après 50 ans ; [18] Wolfe SW, Hotchkiss RN, Pederson WC, Kozin SH. Green’s
Operative Hand Surgery. Philadelphia: Churchill Livingstone;
• le mécanisme lésionnel a une importance majeure : les contu-
2009.
sions ou traumatismes directs sont de meilleur pronostic qu’une
[19] Leechavengvongs S, Witoonchart K, Uerpairojkit C, Thuvasethakul P.
lésion étagée ou un étirement ; Nerve transer to deltoid muscle using the nerve of the long head of
• le caractère distal de la lésion : les lésions distales ont un the triceps, part II: a report of 17 cases. J Hand Surg [Am] 2003;28:
meilleur pronostic ; 633–8.
• les meilleurs résultats sont obtenus après suture directe contrai- [20] Goubier JN, Teboul F. Technique of the double nerve transfer to recover
rement à la greffe intercalaire ; elbow flexion in C5. C6 or C5 to C7 brachial plexus palsy. Tech Hand
• la récupération est meilleure pour les nerfs sensitifs ; Up Extrem Surg 2007;11:15–7.
• le délai avant chirurgie est également un facteur majeur, il [21] Goubier JN, Teboul F, Khalifa H. Reanimation of elbow extension with
semble que le délai maximal pour obtenir un résultat conve- intercostal nerves transfers in total brachial plexus palsies. Microsur-
nable soit trois mois. Au-delà de un an, seule une sensibilité de gery 2011;31:7–11.
protection peut être récupérée, les muscles dénervés ne seront [22] Chiu DT, Strauch B. A prospective clinical evaluation of auto-
pas neurotisables, seuls des transferts tendineux ou des lam- genous vein grafts used as à nerve conduit for distal sensory
beaux musculaires libres neurotisés pourraient reproduire une nerve defects of 3 cm or less. Plast Reconstr Surg 1990;86:
fonction perdue ; 928–34.
• la qualité de la suture, c’est-à-dire la compétence de l’équipe [23] Tang JB. Vein conduits with interposition of nerve tissue for peripheral
chirurgicale reste un facteur non négligeable. nerve defects. J Reconstr Microsurg 1995;11:21–6.
[24] Brunelli GA, Battiston B, Vigosio A, Brunelli G, Marocolo D. Brid-
ging nerve defect with combined skeletal muscle and vein conduits.
Microsurgery 1993;14:247–51.
Évaluation après réparation nerveuse [25] Calteux N, Bins Ely J, Schoofs M, Cowinck A. Utilisation d’un segment
Il est très difficile de comparer les résultats des séries cliniques veineux périphérique dans la réparation des nerfs périphériques. Ann
car les critères d’évaluation sont différents. L’évaluation doit Chir Main 1984;3:149–55.
[26] MacKinnon SE, Dellon AL. Clinical nerve reconstruction with a
comprendre des items moteurs, sensitifs, douloureux, trophiques.
bioabsorbable polyglycolic acid tube. Plast Reconstr Surg 1990;85:
Une étude récente [37] a conclu à l’utilisation de plusieurs items
419–24.
des scores subjectifs, objectifs concernant la récupération sensi-
[27] Weber RA, Breindenbach WC, et al. A randomized pros-
tive et motrice. Les aspects fonctionnels sont appréciés par des pective study of polyglycolic acid conduits for digital nerve
scores plus généraux dont le plus connu est le score de disa- reconstruction in humans. Plast Reconstr Surg 2000;106:
bilities of the arm, shoulder and hand (DASH) pour le membre 1036–45.
supérieur. [28] Bushnell BD, McWilliams AD, Whitener GB, Messer TM. Early expe-
rience with collagen nerve tubes in digital nerve repair. J Hand Surg
[Am] 2008;33:1081–7.
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and lower extremity peripheral nerve injuries in a popula- [30] Thomsen L, Bellemère P, Loubersac T. Treatment by collagen
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15-003-A-10  Lésions traumatiques des nerfs périphériques (plexus brachial exclu)

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G. Wavreille, Maître de conférences des Universités, praticien hospitalier (guillaume.wavreille@chru-lille.fr).


Service d’orthopédie B, Unité de chirurgie du membre supérieur, Hôpital Roger Salengro, CHRU Lille, 59037 Lille cedex, France.
Laboratoire d’anatomie, Faculté de médecine Henri Warembourg, Université de Lille b, Université Nord-de-France, 59045 Lille cedex, France.
A. Clairemidi, Chef de clinique des Universités, assistant des Hôpitaux.
Service d’orthopédie B, Unité de chirurgie du membre supérieur, Hôpital Roger Salengro, CHRU Lille, 59037 Lille cedex, France.
A. Sauvage, Assistant hospitalo-universitaire.
Service d’orthopédie B, Unité de chirurgie du membre supérieur, Hôpital Roger Salengro, CHRU Lille, 59037 Lille cedex, France.
Laboratoire d’anatomie, Faculté de médecine Henri Warembourg, Université de Lille b, Université Nord-de-France, 59045 Lille cedex, France.
A. Arnaout, Assistante hospitalière.
C. Brulard, Chef de clinique des universités, assistante des Hôpitaux.
A. Lasnier, Interne des Hôpitaux.
Service d’orthopédie B, Unité de chirurgie du membre supérieur, Hôpital Roger Salengro, CHRU Lille, 59037 Lille cedex, France.
C. Fontaine, Professeur des universités, praticien hospitalier.
Service d’orthopédie B, Unité de chirurgie du membre supérieur, Hôpital Roger Salengro, CHRU Lille, 59037 Lille cedex, France.
Laboratoire d’anatomie, Faculté de médecine Henri Warembourg, Université de Lille b, Université Nord-de-France, 59045 Lille cedex, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : Wavreille G, Clairemidi A, Sauvage A, Arnaout A, Brulard C, Lasnier A, et al. Lésions traumatiques des
nerfs périphériques (plexus brachial exclu). EMC - Appareil locomoteur 2013;8(2):1-12 [Article 15-003-A-10].

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