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L’ÂGE ET LE PRINCIPE DE PLAISIR

Gérard Le Gouès
Dunod, Paris, 2000, 161 p.
Jean-Paul MATOT
Pédopsychiatre, 93, avenue des Lilas, B-1410 Waterloo

Dans un style simple, direct, pédagogique et éclai- financières » (p .19). Il souligne dans « l’économie
rant, Gérard Le Gouès, psychiatre, membre de la du vieillissement » (p. 31), l’écart entre l’organisa-
Société Psychanalytique de Paris, nous offre une tion sociale – notamment la retraite obligatoire à 65
réflexion à la fois structurée et ouverte sur le ans – et les capacités individuelles.
processus de vieillissement, ainsi qu’un cadre de Gérard Le Gouès aime les métaphores aéronau-
référence pour penser les prises en charge théra- tiques ; il compare le cours de la vie au « plan de
peutiques à cet âge. Cette élaboration, centrée sur vol » d’un avion : pente de montée, vol en palier,
la clinique, est traversée par une implication per- pente de descente (p 14), au cours de laquelle toute
sonnelle qui ne passe pas sous silence la question la difficulté est de maintenir une bonne « assiette
des effets du vieillissement sur l’activité mentale de descente » (à noter que la métaphore aéronauti-
du psychanalyste (p. 12). que elle-même nous ramène à une métaphore ali-
L’auteur rappelle la nécessité de prendre en mentaire, et à la question de ce qui nous nourrit
compte les trois dimensions biologique, sociologi- psychiquement mais aussi du mode de présenta-
que et psychique du vieillissement. tion de cette nourriture).
Il situe le début du vieillissement psychique à ce « Toute la question consiste à savoir comment
moment, contemporain de la crise du milieu de la le sujet vieillissant parvient à gagner de la vie
vie (E. Jaques, 1974) où « le fantasme d’éternité mentale dans la descente, comment il compense les
rencontre une limite jusque là ignorée par la pertes par des gains sur le plateau de la balance
libido ». Cette limite, pour G. Le Gouès, est posée libidinale, sachant qu’à terme ce seront les pertes
d’abord par le corps biologique, « assimilable pour qui l’emporteront ».
la psyché à un dehors … parce que les lois qui le Ainsi G. Le Gouès distingue-t-il un « vieillisse-
régissent appartiennent à un ordre non psychique ment compensé », lié aux capacités du sujet à
et parce que le registre de la scène mentale est celui relancer les sublimations et la créativité ; un
d’un corps symbolisé ». « vieillissement surcompensé », caractérisé par le
« Au cours du vieillissement, la génitalité cor- déni des pertes et la suractivité défensive ; un
porelle diminue la première, avant la génitalité « vieillissement décompensé », où la prégnance
psychique. Ce décalage temporel crée un écart du moi idéal détermine un repli narcissique morti-
dans le sujet vieillissant, écart qui ébranle son fère, qui tarit la source de renarcissisation qui passe
narcissisme jusqu’à provoquer parfois des trou- par l’objet ; et un « vieillissement aggravé » par
bles de l’identité » (p. 10). des affections somatiques invalidantes.
Sur le plan sociologique, l’auteur remarque que Il propose de différencier, par rapport aux en-
« la castration du sujet vieillissant s’étend à ses jeux existentiels, cliniques et thérapeutiques, qua-
partenaires thérapeutiques, … et au politique, tre catégories de « vieux » :
confrontés à leur tour aux limites scientifiques et

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– l’adulte vieillissant, où l’enjeu est l’élaboration le sujet dément, sur l’investissement objectal. Aussi
d’un deuil qui porte davantage sur l’idéal du le « vieillissement bien tempéré » est-il lié à « l’ha-
moi que sur la réalité : c’est-à-dire sur la ques- bileté du sujet vieillissant à se placer dans le
tion de passer de l’idée qu’on n’est pas celui carrefour interactif qui lui est favorable, ni trop
qu’on voudrait être, mais qu’on le sera un jour, excitant ni pas assez » (p. 19).
à l’idée qu’il faut accepter d’être celui qu’on Des exemples cliniques viennent illustrer la
est, car on ne sera pas celui qu’on voulait place qu’il accorde à l’analyse et à la relance du
être… ; processus de symbolisation dans le traitement du
– l’adulte vieux : il se situe « entre l’arrêt de sujet vieillissant.
l’investissement sublimatoire majeur et la du-
rée efficace de l’investissement qui lui succède Sur le plan thérapeutique, G. Le Gouès souligne
sous la forme, par exemple, d’une activité de la nécessité pour l’analyste de s’adapter aux res-
remplacement » ; sources du patient, quitte à « jouer les Ferenczi du
– le vieillard : G. Le Gouès parle du « virage des troisième âge » pour ne pas manquer « la relance
80 ans », au delà duquel le sujet, confronté à un d’un investissement » en sortant de la neutralité
fléchissement rapide de ses capacités mentales, pour encourager le cas échéant le patient à s’enga-
organise sa vie relationnelle autour de la « con- ger vers une issue sublimatoire qui s’offre à lui.
servation des acquis » ; Cependant, « la démarche analytique tardive s’ap-
– le vieillard malade : la fragilisation est accen- parente plus à la découverte d’un musée qu’à la
tuée par un handicap physique notable, qui construction d’un immeuble », écrit-il avec hu-
concerne selon G. Le Gouès environ 20% des mour, situant l’enjeu central du côté du développe-
sujets âgés. ment des capacités de symbolisation et de mobili-
sation des représentations, et non du côté des
L’auteur centre la problématique du « vieillis- tentatives de soutenir le patient dans une quête
sement compensé » sur « l’issue sublimatoire » : illusoire de réalisation dans la réalité des fantasmes
outre la transmission de la vie, c’est, au niveau d’éternité ou d’immortalité.
symbolique, la question du sentiment de « réussir
une construction utile aux autres » (p 33). Ainsi, G. Le Gouès consacre ensuite des développe-
« la pente de descente pourrait se conjuguer au ments importants et passionnants à la psychopa-
féminin » (p. 14), mettre en tension l’intégration thologie de la démence ou à ce qu’il appelle la
d’une féminité créative et de la bisexualité psychi- « psycholyse ».
que. Il postule en outre, sans développer cette Il l’envisage comme l’installation d’une « per-
position, que le processus sublimatoire est sous la ception en perte d’associations », face à laquelle le
dépendance des pulsions partielles, et différencie sujet a besoin et recherche un étayage objectal,
les régressions défensives, peu réversibles, des d’où l’importance décisive de la réponse de l’en-
régressions qu’il qualifie de jubilatoires, réversi- tourage dans l’évolution de la détérioration intel-
bles, telle la régression anale dans la création lectuelle et des réactions psycho-pathologiques
artistique. qu’elle détermine : il évoque la capacité de rester
« La meilleure façon de conserver plus long- présent sans excès ni insuffisance.
temps une jeunesse mentale semble liée à la capa- L’auteur décrit le psychisme démentiel comme
cité de se forger des représentations nouvelles, régi par une double régression fonctionnelle et
notamment de nouvelles représentations de soi » structurelle. Régression fonctionnelle « quand la
(p. 13). Ce travail de représentation, de symbolisa- pensée et le comportement du psycholysé acquiè-
tion, G. Le Gouès nous montre tout au long de son rent les caractéristiques de la vie onirique », « dès
livre qu’il repose, particulièrement chez le sujet que la pensée s’appuie plus sur des images que sur
âgé, et notamment, comme on le lira plus loin, chez
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des mots, comme au cours de la régression for- tentative de conserver l’objet sur le mode percep-
melle observable dans le rêve » (p. 134). Et régres- tif ; l’hallucination de la pensée primitive est dans
sion structurelle à propos de laquelle il évoque, ce sens proche de celle du rêve. Elle se situe dans
sans peut-être en développer suffisamment les un contexte d’effacement des limites entre soi et
voies, la diminution de la censure du surmoi. l’autre, entre dedans et dehors, ainsi que de confu-
Double régression qui est au cœur même de ce qui sion entre les représentations mentales et les per-
va se jouer entre le sujet qui se détériore et son ceptions. Ici, la capacité à investir un objet réel
entourage ou son thérapeute, car « le niveau ré- contrebalance l’hallucination : elle tient lieu d’ob-
gressé où fonctionne le psycholysé met en péril jet, elle remplace la représentation. Il est important
notre identitté d’adulte secondarisé ». de noter que, contrairement à l’hallucination psy-
G. Le Gouès situe l’atteinte démentielle par chotique, l’hallucination primitive fait surgir de
rapport à la pensée réflexive. Son modèle envisage bons objets : la pensée primitive se situe sur l’axe
les différentes étapes du travail de transformation de la satisfaction hallucinatoire du désir. Cette
effectué sur les pulsions par l’appareil à penser, du « hallucination de plaisir » (p. 148) « mérite d’être
soma à la pulsion, de la pulsion à l’affect, de protégée au lieu d’être combattue par des argu-
l’affect à la représentation de chose, de la représen- ments contradictoires ou des prescriptions de psy-
tation de chose à la représentation de mot, de la chotropes ». Quant à « l’hallucination d’angoisse »,
représentation de mot à la pensée réflexive. La elle cède facilement à une présence bienveillante,
psycholyse associe une désorganisation de ces qui permet la « réapparition » d’un bon objet in-
différents niveaux du travail psychique à une néo- terne. « Dans cet entre deux psychique, où le
construction, dont le fil rouge est pour l’auteur la dedans et le dehors ont cessé d’être clairement
permanence du désir de satisfaction (p. 137). séparés, l’hallucination peut correspondre à un
effort pour faire exister un objet relais faute de
La pensée réflexive subit ainsi une présence adéquate d’un objet réel » (p. 149).
« démentalisation », qui consiste en un effacement
progressif des représentations abstraites puis des Dans la « pensée postfigurative » (p 141),
représentations de mots (p 138), tandis que s’opère l’usage de la figuration – le niveau des représenta-
un retour de la pensée vers le pôle perceptif, avec tions de chose – est perdu ; pour qu’une représen-
un réinvestissement organisateur des représenta- tation de chose puisse être reliée à une représenta-
tions de choses. tion de mot, écrit G. Le Gouès, il faut la valeur
liante et structurante de l’affect dont le surgisse-
L’intérêt de l’analyste pour la pensée du patient ment peut être favorisé par la relation.
réactive l’intérêt de celui-ci pour sa propre pensée :
« la relance d’une pensée en recherche de signifi- Ici aussi, les illustrations cliniques apportées
cation ne semble possible, quand elle a lieu, par l’auteur (p. ex. pp. 145 et 146) sont très éclai-
qu’après un temps d’investissement de l’interlocu- rantes.
teur … le mot n’est pas retrouvé par la reconstruc- Chez le sujet dément, ces différentes modalités
tion de chose, mais grâce à une liaison affective ». de pensée se chevauchent. Ce qui ressort avec force
Au delà de la démentalisation, la « pensée dé- des théorisations de l’auteur, c’est que la psycholyse
membrée » est décrite comme une succession est une destruction de l’appareil à penser face à
d’idées imprévisibles, sans lien entre elles, sépa- laquelle tout le travail mental du patient vise à la
rées par des vides ; la relance de la pensée ne peut conservation, le plus longtemps possible, et par
se faire alors que par le biais de la perception. tous les moyens (l’hallucination, le recours à la
perception, et bien entendu l’étayage sur la pensée
La « pensée primitive » est caractérisée par le de l’autre et sa capacité de liaison psychique), d’un
retour de l’hallucination, qui correspond à une bon objet interne (p. 147).
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Ce résumé aura permis de sentir, je l’espère, son prolongement des travaux de Winnicott, ap-
combien ce livre est précieux pour tout clinicien, pelle « la fonction symbolisante de l’objet ». De ce
qu’il s’occupe ou non de personnes âgées : il offre point de vue, un des grands mérites de cet ouvrage
en effet non seulement des repères cliniques très est de nous amener, à travers une clinique encore
utiles en psychogériatrie, mais également des repè- peu répandue, à réinterroger des concepts clés de la
res pour penser le processus de vieillissement dans psychanalyse, et peut-être davantage encore leur
une perspective psychanalytique, ainsi que pour articulation : pulsion, affect, symbolisation, nar-
situer la place d’un projet thérapeutique éclairé par cissisme, relation d’objet.
la compréhension de ce que R. Roussillon, dans

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