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LIFE, DEATH, AND COMING OF AGE IN ANTIQUITY:
INDIVIDUAL RITES OF PASSAGE IN THE ANCIENT NEAR EAST
AND ADJACENT REGIONS
—
VIVRE, GRANDIR ET MOURIR DANS L’ANTIQUITÉ :
RITES DE PASSAGE INDIVIDUELS AU PROCHE-ORIENT ANCIEN
ET SES ENVIRONS
edited by
The Coronation Ritual of the Sacred Living Falcon at Edfu: A Divine, Royal
and Cyclical Rite of Passage
Carina van den Hoven..........................................................................................................................159
II. Real Life, Symbolic Life: Ritualized Life and Death in Rites of Passage
The Cyclical Character of Human Life in Ancient Egypt and Hittite Anatolia
Marie-Lys Arnette, Christian Greco and Alice Mouton .......................................................................253
Les dépôts alimentaires dans les tombes du Proche-Orient ancien d’après les
témoignages archéologiques. Études de cas
Marie-Lys Arnette, Julie Patrier and Isabelle Sachet ..........................................................................309
Rites of Passage and Purification in Greece and the Aegean: The Second and
First Millennia BC
Daniela Lefèvre-Novaro and Ian Rutherford .......................................................................................453
Indexes
La société égyptienne de la fin du IIIe millénaire/début du IIe millénaire av. J.-C. constitue
un exemple de société dans laquelle un mort, suite à des transformations rituelles, peut
tenir une place importante dans la vie sociale des communautés domestiques et locales.
La première section de cette contribution s’intéresse à l’intégration rituelle du mort
éminent dans l’unité domestique comme « saint patron du foyer » et à l’institution
corrélative de son héritier à la tête du foyer. La seconde section met quant à elle
l’éclairage sur ce même phénomène d’intégration mais à échelle locale, via l’exemple de
la communauté d’Éléphantine. Elle offre en outre une mise en contexte historique
expliquant les raisons de l’importance des morts dans la société de l’Égypte de cette
époque.
*
Maître de conférences, Université de Strasbourg
**
Chargé de recherche, UMR 8167, CNRS – France.
1
Voir également la contribution de M.-L. Arnette, C. Greco et A. Mouton dans ce volume.
Cf. aussi l’index de ASSMANN 2003, s.v. « rite of passage », ou encore ASSMANN 1983b et
WILLEMS 2001, 315.
2
VAN GENNEP 1909, 224-228.
180 S. DONNAT et J. C. MORENO GARCIA
3
CENTLIVRES 2002.
4
Une traduction en anglais a été publiée en 2010 sous le titre Cardweaving in Ancient Egypt,
traduction de Barbara Shapiro.
5
BOURDIEU 1982.
6
HERTZ 1970², 14.
7
HERTZ 1970², 15.
8
HERTZ 1970², 75.
9
HERTZ 1970², 73.
INTEGRATION DU MORT DANS LA VIE SOCIALE EGYPTIENNE 181
joue le processus de deuil – période appelée du reste « période intermédiaire » par
R. Hertz – constituant en effet une sorte d’état liminal vécu par l’âme du mort comme par
ses survivants et aboutissant à une intégration du défunt parmi les ancêtres et à une
reconstitution du tissu social, sanctionnées par une cérémonie.
Cette fonction des rites funéraires mise en lumière par R. Hertz (transformation du
mort en une nouvelle entité et réorganisation de la vie sociale) se perçoit aussi clairement
à l’examen du matériel égyptien. Lecteur de l’essai « Contribution à une étude sur la
représentation collective de la mort », J. Assmann a repris le parallèle établi par R. Hertz
entre la momification égyptienne (avec la conservation du corps pendant plusieurs
semaines avant l’enterrement dans la tombe) et le principe des doubles obsèques des
Dayak 10. Je souhaite prolonger ce parallèle en m’intéressant aux conséquences de ces
rites sur la vie sociale 11. Les conclusions tirées du matériel égyptien rejoignent tout à fait
celles émises par R. Hertz à propos des résultats du processus du deuil à l’œuvre avec les
funérailles définitives. Selon Hertz, le long processus des funérailles transforme le mort
en une nouvelle entité avec laquelle de nouvelles relations sont rituellement établies. En
conséquence, elles réorganisent, d’une certaine manière, les relations entre les survivants.
La même analyse peut être faite pour le matériel égyptien. Sur un plan pragmatique, en
Égypte ancienne, le mort (mout) est transformé grâce aux rituels sakhou (« rendre akh »),
qui incluent présentations d’offrandes et récitations spécifiques, en une nouvelle entité
appelée akh 12, capable d’interagir avec d’autres morts, les dieux, et à nouveau, mais sur
un autre plan, avec les vivants. Dans le même temps, celui qui accomplit pour le mort les
rites devient son héritier. Une loi égyptienne énonce en effet explicitement le principe que
« celui qui enterre » hérite 13. Une inscription cursive sur bol, appartenant au corpus des
lettres aux morts (dont il va être question plus loin), fait état de cette règle sous la forme
d’une injonction, injonction jadis adressée par un époux à sa femme à propos d’un
membre décédé de leur foyer et rappelée dans le texte pour légitimer une demande de
succession : « enterre-le et hérites-en 14 ».
Un certain nombre de sources témoignent de ce que la transformation du mort en
un akh révéré et celle d’un survivant, en principe le fils15, en héritier, avaient, comme il
est logique, des implications très concrètes dans la vie sociale. Cela est particulièrement
évident pour la période du tournant IIIe/IIe millénaires av. J.-C. Pour les raisons socio-
politiques exposées ci-dessous par J.C. Moreno García (cf. partie II), les relations avec
certains morts prééminents avaient une place particulièrement importante dans la vie
religieuse de cette époque, tant au sein de l’unité domestique, qu’à l’échelle plus large de
la communauté locale. À l’échelle du domaine familial per, cette importance transparaît
10
HERTZ 1970², 29-30 ; ASSMANN 2003, 59 (l’étude de Hertz est aussi mentionnée en
introduction p. 13).
11
Voir aussi DONNAT 2009, 90 et n. 160.
12
Sur la notion de akh, voir DEMARÉE 1983.
13
JANSSEN et PESTMAN 1968.
14
GARDINER et SETHE 1928, 26-27, pl. IX.
15
LOGAN 2000, 71.
182 S. DONNAT et J. C. MORENO GARCIA
Comme H. Willems 16 l’a montré, les formules 30-41 des Textes des Sarcophages doivent
être considérées comme se référant à une liturgie funéraire exécutée à la tombe à
l’occasion de certaines fêtes. Le but de cette liturgie était de renouveler le statut de akh du
seigneur défunt d’une communauté domaniale. Ces formules nous éclairent donc sur le
sens des funérailles elles-mêmes dont elles réactualisent les acquis, tant pour le mort que
pour ses proches survivants. Les premières formules de cette série (30-37), dans
lesquelles la parole du fils vivant est très présente, évoquent l’intégration du mort au
monde divin après son voyage post mortem depuis le monde des vivants, sa purification,
le rituel d’offrande et le rituel d’exécration de ses ennemis. Les dernières formules de
cette séquence (38-41) sont particulièrement intéressantes, en ce sens qu’elles ont pour
fonction, après la confirmation du statut de akh du mort, de le pacifier pour s’assurer qu’il
continuera à entretenir de bonnes relations avec ses survivants sur terre, en particulier
avec son fils héritier et tous les membres de son ancien domaine.
Ces formules se présentent comme un discours du fils vivant. Il y exprime sa crainte
de mourir prématurément. Il redoute en effet que son père défunt, désormais akh, ne
cherche à le faire mourir, de sorte qu’il hérite de sa position dans l’au-delà, de la même
façon qu’il vient d’hériter de sa place sur terre. Le fils vivant explique en conséquence à
son père décédé, mais aussi à l’assemblée divine, pourquoi il est important qu’il demeure
sur terre, tandis que son père occupe la position qu’il occupe dans l’au-delà. Il expose
ainsi une très précise répartition des devoirs entre lui, le nouveau maître du domaine, et
son père défunt, l’ancien seigneur :
« (…) tandis que tu es dans cette terre sacrée, apaisé, en tant que mon défenseur qui
est dans le tribunal divin, et tandis que je suis ici, comme ta parole qui est dans le
17
tribunal des hommes. »
16
WILLEMS 2001 et WILLEMS 2008. Sur cette série, cf. encore DONNAT 2004.
17
Formule 40, Coffin Texts I, 175i-j ; WILLEMS 2002, 336.
INTEGRATION DU MORT DANS LA VIE SOCIALE EGYPTIENNE 183
« Ô mon père qui est dans l’Occident ! Sois akh ! Sois donc divin dans l’Occident,
dans cette terre sacrée dans laquelle tu es ! (…) Je suis ici dans cette terre, occupant
ton trône et rassemblant tes affaiblis (?), (…) pendant que j’élève tes orphelins,
pendant que je renforce ton porche, que je fais vivre ton nom sur terre dans la
bouche des vivants, que je dresse ta porte (?)… Sois patient, sois patient ! Sois divin,
sois divin dans cette terre sacrée dans laquelle tu es. (…) tandis que je suis dans
cette terre des vivants construisant tes autels, maintenant tes offrandes invocatoires
18
dans la maison d’éternité… »
En d’autres mots, le père défunt, ancien maître du domaine, est la voix du domaine dans
le tribunal de l’au-delà (où les destinées des hommes sont discutées). Le fils vivant, quant
à lui, est la voix de son père défunt sur terre, c’est-à-dire qu’il prend soin de la prospérité
de sa maisonnée, condition nécessaire à la perpétuation du culte funéraire à laquelle il
veille, et de la mémoire de son père.
Ces formules témoignent donc de ce que, face au risque que constituerait un conflit
de pouvoir entre le maître défunt d’un domaine désormais appartenant à un autre monde
et son fils héritier sur terre19, les rites jouent un rôle préventif, en distribuant clairement
les tâches de chacun, relativement à la gestion du domaine. C’est précisément cette
distribution, instituée par le rite funéraire, qui, en légitimant le fils héritier à la tête du
domaine sans exclure le père défunt des affaires le concernant, permet la restauration du
tissu social déchiré par la mort de ce dernier. À l’issue des funérailles, au fils échoie la
gestion terrestre des affaires domaniales, tandis que le père défunt devient une sorte de
saint patron défendant sa maisonnée dans l’au-delà.
Ainsi les choses sont-elles établies à la fin des funérailles, puis probablement
régulièrement actualisées à l’occasion de certaines fêtes. Malgré cette organisation
efficace, les problèmes ne devaient pas manquer de surgir et la responsabilité des maîtres,
terrestre comme supranaturel, mise en cause par les membres du domaine. Les Égyptiens
n’avaient pas peur de faire part de réclamations à un supérieur par voie épistolaire si la
distance le nécessitait 20. Et ils le firent même envers les « saints patrons » de leur
domaine familiaux, ainsi qu’en atteste le modeste, quoique plein d’enseignements, corpus
des lettres aux morts 21. Les lettres aux morts constituent une source fondamentale pour
étudier les relations vivants/morts dans l’Égypte ancienne. Il s’agit de lettres de demande
18
Formule 38, Coffin Texts I, 162c-164g ; WILLEMS 2002, 328-329.
19
Sur les rapports père/fils, voir ASSMANN 1983a.
20
WENTE 1990, 42, no 40.
21
GARDINER et SETHE 1928 ; O’DONOGHUE 1999 ; WILLEMS 2001, 344-355 ; VERHOEVEN
2003 ; GESTERMANN 2006 ; WILLEMS 2008, 192-193 ; DONNAT 2009, 2010, 2012 et 2014.
184 S. DONNAT et J. C. MORENO GARCIA
adressées à un mort connu par un vivant. Ce sont donc là, cela mérite d’être souligné, des
« documents de la pratique », non des compositions idéologiques. Dans la plupart des cas,
les demandes faites au akh de la famille devaient être formulées à l’oral22, probablement
au cours de rites ad hoc. C’est en tout cas ce que suggère le faible nombre de lettres aux
morts connues à ce jour : 14 sur une période de 1500 ans, entre la fin du IIIe millénaire et
le VIIe siècle av. notre ère. Formulée ainsi, cette répartition chronologique des documents
donne une fausse image de la position du corpus dans l’histoire égyptienne. En réalité, la
majorité des lettres aux morts (10) a été écrite entre la fin du IIIe millénaire et le début du
IIe millénaire av. notre ère. Ces dix lettres constituent en outre un groupe stylistiquement
et thématiquement homogène, contrairement aux exemples plus récents, observation qui
tend à prouver que cette période est la période de prédilection du genre23. Les lettres sont
écrites à un défunt ayant le statut de akh et portent les demandes de membres de son
ancienne maisonnée. À plusieurs reprises, le demandeur est le fils héritier en personne,
mais d’autres fois, il s’agit de membres du domaine qui ne sont pas toujours
spécifiquement identifiés mais qui se désignent comme les « enfants-khérédou » du
seigneur défunt, conformément à une idéologie connue par ailleurs24, présentant le maître
de domaine comme une sorte de pater familias. Les plaintes concernent la prospérité et la
tranquillité du domaine familial (litiges successoraux, disputes au sein de la maisonnée,
maladies d’un de ses membres), et corrélativement la perpétuation du culte par les
proches.
Voici l’exemple d’une lettre adressée par un fils nommé Chepsi à son père défunt, à
propos des agissements supposés de son frère mort Sobekhotep. Celui-ci est accusé d’être
responsable, depuis l’au-delà, d’un litige concernant la possession de terrains agricoles.
La lettre est inscrite à l’intérieur d’un bol en céramique conservé au Petrie Museum de
Londres 25. La face externe est, elle, inscrite d’une lettre comparable adressée, cette fois,
par Chepsi à sa mère et accusant le même Sobekhotep de mauvais agissements. La lettre
comprend les trois sections principales de ce type de texte : a) une introduction
épistolaire, b) le rappel d’événements censé convaincre le mort d’accueillir favorablement
la demande – très souvent il s’agit, comme ici probablement, d’un rappel d’actes rituels –,
c) l’exposé du problème et la demande d’action.
a. Introduction épistolaire :
« C’est le fils qui parle à son père Iinkhenmout. »
22
BAINES 1987, 87.
23
DONNAT 2009 et 2010.
24
FRANKE 2006 ; DONNAT 2012.
25
UC 16163. GARDINER et SETHE 1928, 3-5, 19-21 et pl. II-IIIA ; DONNAT 2009, 80-86.
Photographie en ligne sur le site du Petrie Museum, University College.
INTEGRATION DU MORT DANS LA VIE SOCIALE EGYPTIENNE 185
b. Rappel :
« C’est un récapitulatif, (à savoir) : que tu chemines jusqu’à l’enclos (?), jusqu’à
l’endroit où se trouve mon frère Sobekhotep (?), alors que tu emportes la patte avant
de taureau, que ton fils-que-je-suis vient avec Nouaf, et que tu dis : “Bienvenu à
(moi) […] !” Assieds-toi et mange la chair ! »
c. Exposé du problème :
« Est-ce en ta présence que l’on agit contre moi, tandis que ton fils-que-je-suis n’a
fait aucun (mal) ? Est-ce mon frère, celui que j’ai enterré, ramené de […], placé
parmi les siens (dans la nécropole) ? Et alors qu’un montant de 30 mesures d’orge
de Haute Égypte était à son débit en tant que prêt – tissu, massue (?), 6 mesures
d’orge de Haute Égypte, un ballot de lin et une coupe – et alors que j’ai fait pour lui
ce qui n’avait pas été fait par quelqu’un d’autre, il a fait cela contre ton fils-que-je-
suis très injustement. Tu as dit à ton fils-que-je-suis : aussi longtemps que mes biens
appartiendront à mon fils Chepsi, empare-toi des terres prises par le fils de Chéri,
Hénou !
Vois, il est avec toi dans la cité unique ! Exerce ton jugement contre lui. Heureux
l’homme qui agi, car il appartient au fils. Ses serviteurs [….] »
Dans cette lettre, le fils héritier, nouveau maître du domaine, écrit donc à son père défunt,
l’ancien maître, car il a besoin de son soutien dans le tribunal divin pour opposer un
témoignage en sa faveur à celui, qui lui est défavorable, de Sobekhotep. C’est un parfait
exemple de cette répartition des tâches entre l’ancien et le nouveau maître. L’héritier y
apparaît comme le maître terrestre s’occupant des affaires terrestres, tandis que le père
mort devient compétent quand les problèmes rencontrés par les vivants trouvent leur
origine dans l’au-delà, notamment dans des témoignages défavorables portés contre eux
dans les assemblées divines. Dans ce cas, le mort akh doit prendre le parti de son fils
vivant contre celui de son fils mort, Sobekhotep, dans le tribunal de l’au-delà. Les
problèmes de possession de biens, comme il est fait état dans cette lettre, ou de
succession constituent un sujet privilégié des lettres aux morts. Dans la lettre au mort la
plus ancienne connue à ce jour, datée de la fin de l’Ancien Empire (fin IIIe millénaire
av. notre ère), le Lin du Caire, une veuve écrit à son époux défunt Sânkhenptah, pour lui
demander son soutien, ainsi que le soutien de tous ses ancêtres, dans la défense des
intérêts de leur jeune fils Irti, qui est en train d’être dépouillé de ses biens par ceux,
comprend-on, à qui le domaine avait été confié dans l’attente de sa majorité26.
Sânkhenptah est ainsi appelé, avec tous ses ancêtres, à s’opposer dans l’au-delà au
champion de la famille adverse nommément cité dans la lettre, un certain Behsti. C’est
peut-être un litige similaire qui pousse une mère, dans le Bol du Louvre, à écrire à son fils
26
GARDINER et SETHE 1928, 1-3, 13-16, pl. I-IA ; DONNAT 2009.
186 S. DONNAT et J. C. MORENO GARCIA
défunt, ancien maître du domaine, en faveur de son plus jeune fils, désormais à la tête de
la maisonnée 27. Dans d’autres lettres cependant, le défunt « saint patron » est appelé à
offrir une protection plus générale à l’ensemble des membres de son domaine, parents
comme personnel servile. C’est par exemple le cas de cette lettre écrite à l’intérieur d’une
assiette en céramique conservée au musée du Caire 28 :
I.4. Conclusion
Ces deux exemples montrent de quelle manière les lettres aux morts complètent l’image
de la destinée post mortem des défunts dessinée par les textes funéraires. Une fois le mort
séparé des vivants et intégré au monde divin, ses relations avec ses survivants ne sont pas
rompues. Elles sont maintenues mais instituées, par les rites funéraires, selon un nouveau
contrat qui prévoit une assistance mutuelle entre le mort et ses survivants. Les vivants
doivent respecter les prescriptions rituelles et l’akh doit se montrer apaisé, bienveillant et
leur accorder un soutien dans le tribunal de l’au-delà. Les lettres aux morts et les formules
38-41 des Textes des Sarcophages montrent ainsi concrètement comment le mort agrégé à
la communauté des akhou est en même temps réintégré dans la vie sociale de la
maisonnée sous une nouvelle forme et selon des modalités interdisant notamment toute
compétition entre lui et le fils héritier institué corrélativement nouveau maître de la
maisonnée en charge des affaires terrestres. Pour mesurer les champs d’action
complémentaires du « saint patron » défunt, protecteur de son ancienne maisonnée, et du
seigneur terrestre, responsable de la gestion économique et humaine courante du
domaine, il suffit de comparer le corpus des lettres aux morts au fameux « dossier
d’Héqanakht » 29, seigneur d’un domaine agricole obligé par des déplacements réguliers à
transmettre ses directives, concernant les affaires courantes comme moins courantes, par
27
PIANKOFF et CLERE 1934.
28
Catalogue Général du Caire 25375. GARDINER et SETHE 1928, 7-8, 22 pl. VI-VIA.
29
ALLEN 2002.
INTEGRATION DU MORT DANS LA VIE SOCIALE EGYPTIENNE 187
lettres 30. Parallèlement, ce même corpus (formules 38-41 des Textes des Sarcophages et
lettres aux morts) montre que l’institution du mort en akh et celle du fils héritier en
nouveau seigneur de domaine n’induisaient pas un établissement définitif de bonnes
relations entre le mort akh et sa maisonnée. Puisqu’elles en établissaient le principe sur la
base du do ut des, ces bonnes relations devaient être entretenues au prix d’une activité
rituelle régulière de la part des vivants, qui devaient s’assurer que leur akh demeurât
apaisé (hetep), par des offrandes et célébrations adéquates. C’est ce qu’indique la liturgie
particulière évoquée par les formules 30-41 des Textes des Sarcophages, mais aussi les
lettres aux morts. Un examen du volet rituel de ce corpus suggère en effet que les
demandes prenaient leur assise dans l’exécution du rituel d’offrande qui était justement le
devoir rituel qui était imposé aux survivants par l’institution de leur ancêtre en akh
protecteur. Preuve en est l’aspect matériel de ces lettres. Si certaines sont écrites sur
papyrus, la majorité était inscrite sur des bols, assiettes ou support de bol en céramique,
ce qui associait mécaniquement le texte à l’idée de la présentation d’offrandes et de
libations. Du reste, certaines lettres évoquent explicitement le rite d’offrande alimentaire :
le Bol de Qaou dont il a été question évoque la patte avant de bovidé pour le père défunt
et l’apport de cailles pour la mère défunte31 ; la Jarre de Chicago décrit expressément un
rite au cours duquel est apporté un vase à libation (mentjat) sur lequel des paroles jugeant
le mort sont prononcées 32. Agissant envers l’ancêtre comme ils le doivent envers un akh,
c’est ainsi légitimement que les survivants attendent que ce dernier agisse en retour en
qualité de akh et leur assure la protection due. Une lettre au mort écrite sur un bol, le Bol
de Hou, résume la situation par cette formule synthétique : « c’est pour un akh qui
intercède pour celui qui est sur terre que l’on fait des offrandes invocatoires » 33. Cet
argument, avancé par la plaignante pour demander au défunt (probablement son ancien
époux) d’agir en sa faveur, a toutes les apparences d’une maxime. Elle ouvre du reste vers
une perspective plus large de l’intégration sociale du mort, en suggérant une relation
possible d’entraide entre akh et vivants en dehors du strict cercle de la cellule domestique
documentée par les lettres aux morts, une relation à l’échelle d’une communauté locale,
effectivement attestée dans d’autres sources globalement contemporaines.
30
Pour une comparaison entre le corpus des lettres aux morts et le dossier d’Héqanakht, voir
DONNAT 2012.
31
Pour une interprétation funéraire, cf. DONNAT 2009. Opinion différente chez GARDINER et
SETHE 1928, 4, pour qui les textes évoquent un repas pris du vivant des parents.
32
GARDINER 1930 ; DONNAT 2009, 86-89.
33
GARDINER et SETHE 1928, 5, 20-21, pl. IV-IVA (Petrie Museum, UC 16244).
188 S. DONNAT et J. C. MORENO GARCIA
Les grandes nécropoles de l’Ancien Empire (2686-2125 av. J.-C.), notamment Gizeh et
Saqqarah, véhiculent une image puissante de pouvoir d’État, de centralisation
administrative et d’homogénéité culturelle. Autour de la pyramide du pharaon, des
rangées de mastabas servirent à inhumer les membres de la famille royale ainsi que des
courtisans, des dignitaires éminents et de hauts fonctionnaires, selon des codes qui
exprimaient la position sociale occupée à la Cour, la proximité au roi et l’appartenance à
des réseaux sociaux ou familiaux prestigieux. D’où, par exemple, l’existence de
complexes funéraires bien individualisés à l’intérieur des nécropoles royales, regroupant
les tombes de plusieurs dignitaires appartenant à la même famille. Parmi les mieux
connus on évoquera ceux des Ptahhotep/Akhethotep, des Senedjémib ou de Qar et ses
successeurs. Cependant, les circonstances politiques, voire les conflits internes au sein
des familles, laissaient leur empreinte aussi dans l’organisation des nécropoles, au point
que des dignitaires tombés en disgrâce subissaient l’effacement de leur nom et titres sur
leurs monuments funéraires, réassignés ensuite à d’autres collègues, tandis que les
espaces disponibles entre les tombes furent occupés graduellement au cour des siècles par
d’autres inhumations 34. Enfin, l’histoire des nécropoles autour de la capitale se complique
de surcroît par le développement de cultes voués à certains dignitaires devenus des
« patrons » pour les générations postérieures, un rôle qui ne fut pas étranger à certains
pharaons 35. Le paysage cultuel résultant était donc l’expression d’un ordre politique,
d’une hiérarchie courtisane et d’un système de croyances qui, malgré des altérations
inévitables au cours du temps, assuraient néanmoins la cohésion interne des élites et
exprimaient leurs valeurs dominantes36.
Un concept clé est le service à la maât, l’ordre cosmique dont le roi est l’exécutant et
le veilleur sur terre, assisté par ses dignitaires. L’ordre social qui en découle est
matérialisé dans l’espace selon des codes qui gouvernent l’aménagement des nécropoles
royales et qui sont inspirés de l’idée d’une famille étendue idéale : au centre la pyramide
et le temple funéraire royal, éléments de base du complexe mortuaire du pharaon autour
duquel étaient disposées les tombes de ses parents et de ses fonctionnaires, le tout
constituant une « grande famille », comme l’expriment des titres de la cour comme « Fils
du roi », « Fils du roi de son corps », « Ami Unique », voire « Connu du roi ». La rareté
d’indications généalogiques dépassant deux ou trois générations ou évoquant les branches
34
MORENO GARCÍA 2006, 215-223.
35
MALEK 2000 ; MORALES 2006 ; SILVERMAN 2009.
36
Cf. RICHARDS 1999 et 2005 ; BAINES et LACOVARA 2002 ; DORMAN et BRYAN 2007.
INTEGRATION DU MORT DANS LA VIE SOCIALE EGYPTIENNE 189
latérales de la famille du défunt, de même que le fait d’être inhumé loin des siens, dans
un espace prestigieux réservé et assigné par le roi, représente une sorte de déracinement
des dignitaires par rapport à leurs groupes familiaux, compensé néanmoins par leur
intégration dans un espace (celui de la nécropole royale) où ils devinrent, d’un point de
vue idéal, des parents/clients d’un souverain/patron. Autrement dit, le déracinement du
fonctionnaire par rapport à sa propre famille est compensé par un nouvel enracinement
d’ordre symbolique : l’emplacement soigneusement choisi de sa tombe dans la nécropole
qui entoure la pyramide royale évoque un ordre idéal différent, dominé par le pharaon,
qui devient ainsi le noyau d’une famille étendue considérablement large, constituée par
ses parents et, symboliquement, par ses subordonnés. L’idéologie de la famille étendue, si
importante dans les textes liturgiques et les formules épigraphiques depuis la fin du
IIIe millénaire, est par conséquent réinterprétée selon une logique d’État, où le centre de
toute loyauté et de toute obéissance, d’où émanent l’autorité, la subsistance, les
récompenses et la protection, n’est plus le chef de famille mais le roi37.
Face à cette sorte de « grande famille royale »38, qui structurait l’aménagement des
nécropoles memphites, les familles de potentats provinciaux utilisèrent les mêmes
monuments funéraires prestigieux (mastabas, hypogées) et les mêmes conventions
artistiques et épigraphiques, typiques de la haute culture palatine, que leurs collègues
inhumés dans la région memphite, dans le but d’affirmer et leur prééminence locale et
leur intégration dans l’administration pharaonique. Mais avec des nuances notables : leur
inhumation loin de la capitale et du monument funéraire royal favorisa tant des
innovations dans la composition des inscriptions « autobiographiques », voire des scènes
des tombes, qu’une visibilité accrue des liens familiaux, de l’importance des familles
étendues et des réseaux de clientélisme et de pouvoir articulés autour d’eux. Voilà
pourquoi le pourcentage des femmes qui partagent les tombes de leurs maris est plus
élevé en dehors de la région memphite, probablement parce que les familles provinciales
avaient l’habitude de partager les tombes39, comme le montrent aussi les inscriptions de
Tjemérery et Sefekh de Naga ed-Dêr ou de Senéni de Qasr el-Sayed, quand le mari
déclare avoir aménagé une tombe pour sa femme ou sa mère40. Un autre indice
remarquable de la prégnance des liens familiaux en province et de l’adaptation aux
usages locaux des monuments de la culture palatine est l’inhumation de deux
gouverneurs, père et fils, dans une même tombe41, alors que les inscriptions de l’aire
37
MORENO GARCÍA 2006, 215-223.
38
BAUD 2005².
39
Cf. les remarques de CALLENDER 2002, 308, à partir des vestiges trouvés à Akhmim.
40
MORENO GARCÍA 2006, 225.
41
Cf., par exemple, le cas de Khentika et son fils Decherou de Balat : CASTEL, PANTALACCI
et CHERPION 2001, 271-272. Ou le cas de Djaou et son fils Djaou de Der el-Gebrâwi : STRUDWICK
2005, 365.
190 S. DONNAT et J. C. MORENO GARCIA
memphite proclament l’exclusion des proches de la tombe construite par un dignitaire 42.
Enfin, fait exceptionnel, des dignitaires de certaines localités, comme Elkab, n’hésiteront
pas à indiquer dans leurs inscriptions leur généalogie, remontant jusqu’à six générations
dans les cas les plus détaillés 43.
Mais c’est surtout dans le domaine de la politique que le poids des familles de
potentats provinciaux, et leur emprise sur les territoires qu’ils contrôlaient, deviennent
plus évidents. En effet, le monde provincial se caractérise par une forte conscience
d’appartenance à des lignages prestigieux44, avec certaines familles contrôlant la vie
locale selon des rapports de force et des divisions de fonctions parmi leurs membres.
L’analyse des inscriptions de la nécropole d’El-Hawawish, par exemple, montre comment
la branche principale d’une famille de potentats provinciaux réussit à contrôler le temple
local et la fonction de gouverneur du nome pendant plusieurs générations, entre le début
de la VIe dynastie et la fin de l’Ancien Empire (2345-2160 av. J.-C.). Quant aux membres
de la branche secondaire, ils étaient spécialisés dans des activités au service des bureaux
centraux de la couronne ainsi que dans des fonctions de moindre importance locale.
Enfin, d’autres nécropoles de la province furent occupées par des familles de potentats de
rang inférieur ayant exercé des fonctions en général plus modestes, voire absentes du
registre épigraphique d’El-Hawawish. Cette circonstance confirme non seulement une
certaine spécialisation et distribution de tâches administratives et rituelles entre les élites
du nome, mais aussi qu’El-Hawawish fut le lieu d’inhumation réservé à la famille de
potentats locaux la plus éminente. Des situations comparables sont détectables ailleurs en
Haute Égypte. Les inscriptions rupestres d’Elkab, par exemple, évoquent une famille de
magnats qui domina le temple de la déesse Nekhbet, ainsi que la plupart de ses fonctions
sacerdotales, au cours de huit générations. Enfin, la province XV de Haute Égypte connut
à la même époque l’utilisation simultanée de deux nécropoles différentes. Des
fonctionnaires de rang moyen, membres de la même famille et sans connexion apparente
avec le temple local furent inhumés à Bersheh, tandis que les dignitaires responsables de
la province, qui portaient en plus des titres en rapport avec la Cour royale et le temple
local, utilisèrent la nécropole de Sheikh Said45. D’autres cas sont attestés aussi 46. Les
inscriptions d’El-Hawawish et d’Elkab éclairent sous un angle nouveau ce que l’on
connaissait déjà à partir de l’organisation des nécropoles provinciales, dont le noyau n’est
pas la tombe royale mais les tombes de la famille principale. Autrement dit, quand les
élites provinciales adoptent les moyens d’expression de statut propres de la culture
palatine, c’est pour les adapter à des fins d’élévation des familles dominantes, dont les
tombes deviennent ainsi le noyau autour duquel est disposé le reste des inhumations. Bien
42
M<Ě/,:,(& et alii, 2004, 80-82. Dans l’inscription de Wepennefret, le propriétaire autorise
son fils aîné à se faire inhumer dans un puits de sa propre tombe, mais il interdit à ses frères,
épouses ou ses autres fils de faire de même : STRUDWICK 2005, 203.
43
VANDEKERCKHOVE et MÜLLER-WOLLERMANN 2001.
44
MORENO GARCÍA 1997, 45 ; FRANKE 1998 ; FITZENREITER 2005.
45
DE MEYER 2011, 43.
46
MORENO GARCIA 2004 et 2005a.
INTEGRATION DU MORT DANS LA VIE SOCIALE EGYPTIENNE 191
que dans les deux cas (nécropoles de la capitale et nécropoles provinciales) la tombe
décorée figure comme l’élément prestigieux privilégié marquant l’appartenance à l’élite,
son insertion dans des paysages idéaux différents ouvrait la voie, dans le cas des
provinces, à l’expression de valeurs échappant partiellement aux conventions imposées
par la culture palatine, ne serait-ce qu’en raison de la distance. De telles valeurs
alternatives obéissent donc à des impératifs idéologiques plus proches des besoins des
familles locales puissantes. L’insistance sur le prestige du lignage, ou la créativité et la
richesse d’informations qui caractérisent les récits autobiographiques des tombes
provinciales, en sont de bons exemples.
La crise de la monarchie pharaonique à la fin de l’Ancien Empire toucha également
le domaine des productions artistiques et « littéraires » palatines ainsi que les réseaux de
circulation culturelle qui reliaient la Cour aux centres de pouvoir provinciaux. La division
du pays en plusieurs pouvoirs locaux, suivie d’affrontements militaires et de l’apparition
d’aspirants locaux au titre de roi, fut accompagnée en effet de la perte de la suprématie
culturelle de la Cour en tant que source de prestige, de goût et de normalisation du canon
écrit, artistique et iconographique. En effet, l’assaut du pouvoir par les élites provinciales
culmina dans certains cas par l’apparition de roitelets éphémères, comme Khouy de Dara,
Imhotep et Ity, attestés au Ouâdi Hammâmât, et Ouni à Ezbet Rushdi. En outre, l’accès
aux productions de qualité et à l’expérience des ateliers memphites, dont le financement
et la demande dépendaient du souverain, devint problématique. La contraction
quantitative et le repli géographique de la culture palatine furent d’ailleurs davantage
consolidés par la division du pays en deux royaumes rivaux, Heracléopolis au Nord et
Thèbes au Sud, le premier étant en quelque sorte l’héritier de la monarchie de l’Ancien
Empire, ne serait-ce que par son contrôle sur la région memphite. Cependant, la crise
politique et les difficultés d’accès aux productions issues des ateliers de qualité autour de
la capitale furent compensées, en province, par le développement de nouveaux centres de
production, par une diffusion plus large de l’écriture en dehors des circuits des scribes et
par une créativité et une inventivité que, sous le couvert d’une certaine maladresse
artistique et épigraphique, manifeste aussi un certain degré de liberté dans l’expression de
valeurs nouvelles et dans la composition des monuments. Libérée des entraves posées par
une culture palatine centrée sur le roi, la culture provinciale apparaît au service des
besoins idéologiques et de légitimation des élites provinciales, seule capable de la
financer en absence d’un pouvoir central fort. D’où l’expression de valeurs et de réalités
tenues jusqu’alors dans un discret second plan, des valeurs qui expriment l’importance de
la famille étendue, de la lignée prestigieuse et du défunt en tant qu’élément de cohésion
pour les membres vivants de sa famille. Ces transformations se manifestent dans
plusieurs domaines 47.
Dans le cas de l’épigraphie, les inscriptions incorporent de nouvelles formules où la
famille étendue est souvent évoquée en tant que source de légitimation pour les actes du
vivant. En effet, la formation d’unités familiales est proclamée dans les inscriptions
depuis la fin de l’Ancien Empire, tandis que le terme abet « famille, unité domestique,
47
MORENO GARCIA 2006, 227-231 et MORENO GARCIA 2010.
192 S. DONNAT et J. C. MORENO GARCIA
maisonnée » apparaît dans certains décrets royaux et dans plusieurs formules qui
expriment le dévouement d’un particulier envers les siens, que ce soit sa famille (abet) 48,
sa maisonnée 49, ses frères et sœurs – qui sont aussi nourris grâce aux soins de leur frère
plus fortuné 50 – ou même les différentes couches sociales du milieu où il habitait (les
gens, les grands, les humbles, les serfs meret). Le nouveau rôle dévolu à la famille est
reconnu dans les textes d’envoûtement de la Première Période intermédiaire, où le
châtiment n’affecte pas seulement le condamné, comme à l’Ancien Empire, mais aussi sa
famille (sa mère, son père, sa nourrice, ses enfants) 51. Enfin, des formules rituelles
comme les Textes des Sarcophages contiennent des dispositions à l’égard non pas
seulement du défunt mais aussi de sa famille-abet et, parfois, de ses travailleurs-meret 52,
sans oublier que l’apparition des lettres aux morts depuis la fin de l’Ancien Empire
exprime les préoccupations pour l’avenir de la maison familiale ainsi que le recours aux
ancêtres afin de résoudre des problèmes domestiques 53.
Un deuxième aspect est la fierté envers le lignage, son ancienneté et les ancêtres
prestigieux. Une scène unique dans une tombe de Meir, de la fin du IIIe millénaire,
représente un nombre considérable d’ancêtres du dignitaire inhumé, chacun accompagné
de son épouse et du titre hâty-a «gouverneur » 54. Iha, gouverneur du nome XV de la
Haute Égypte, fit inscrire un texte dans une tombe antérieure, de la VIe dynastie, dans la
nécropole de Sheikh Said :
« Il a érigé son monument pour ses ancêtres qui ont existé auparavant ».
Un autre nomarque de la même province, Djoutinakht, inscrit le même texte dans les
tombes de quelques dignitaires des nécropoles de Sheikh Said et El-Bersheh, où il
proclame avoir restauré les tombes de ses ancêtres :
« Il a bâti son monument pour ses ancêtres qui sont dans la nécropole, les seigneurs
de ce cimetière, en renforçant ce que l’on trouva ruiné, et en renouvelant ce que l’on
trouva démoli. Ceci n’avait pas été accompli par les ancêtres qui avaient existé
auparavant ».
48
Cf. l’expression banale « un affectueux envers sa famille » ou des variantes « je suis une
demeure douce pour sa descendance, un pourvoyeur pour sa famille afin qu’elle ne souffre pas »
ou encore « je suis un potentat pour sa ville, un enrichi dans sa maison, un grand pilier pour sa
famille ».
49
« J’ai fait ce qu’aimaient les grands et ce que louaient les gens de (ma) maisonnée, un
caractère aimé par les habitants de ma province ».
50
« J’ai nourri mes frères et mes sœurs » ou « j’ai ravitaillé mes frères et sœurs avec mes
propres biens ».
51
KOENIG 1994, 135-137.
52
MORENO GARCIA 2012.
53
DONNAT 2002 et 2010 (cf. aussi partie I ci-dessus) ; MORENO GARCIA 2010, 138-143.
54
GRAJETZKI 2005, 57-60.
INTEGRATION DU MORT DANS LA VIE SOCIALE EGYPTIENNE 193
Ils semblent donc avoir essayé de renforcer leur pouvoir et leur légitimité en établissant
des liens, réels ou fictifs, avec les dignitaires de l’Ancien Empire inhumés dans le
nome 55. Enfin, Tefib de Siout proclame :
« [...] un glorifié dans la nécropole, (avec) son fils installé dans le domaine de son
père, son souvenir étant excellent dans la ville, tandis que le domaine de sa statue est
glorifié par les descendants de sa maisonnée » 56.
Peu importe que de tels individus prestigieux du passé soient réellement des ancêtres ou
non de l’auteur des textes. L’association à de tels personnages était devenue une source
de légitimité pour les élites provinciales en l’absence d’une royauté solide. Quoi qu’il en
soit, la valorisation des ancêtres se manifeste aussi dans la fierté des proclamations
d’appartenance à une lignée prestigieuse très ancienne ou à une famille exerçant le
pouvoir depuis longtemps 57.
En troisième lieu, le repli sur la famille et le lignage, pendant cette époque de crise
de l’autorité de l’État, se manifeste également dans les déclarations des chefs provinciaux
de la Première Période Intermédiaire, où l’on constate l’importance acquise par la maison
paternelle, son maintien et sa transmission aux descendants. La maison devient ainsi le
symbole de la cohésion familiale, la base du pouvoir des particuliers et la garantie de la
continuité de la famille et de sa position sociale dans l’avenir58. D’autres expressions
manifestent l’importance de l’effort personnel, le fait d’avoir accumulé des richesses par
soi-même, en marge des récompenses et des rétributions de la royauté. Bref, la maison
familiale et l’autonomie économique sont la base de la prospérité des individus (les
nedyés des inscriptions) et dépendent uniquement de leurs actes.
Le domaine divin fut aussi adapté aux nouveaux besoins des élites provinciales,
quand l’affaiblissement de la monarchie comme source ultime de légitimité contribua au
développement de motifs nouveaux : la déclaration de servir les intérêts de la ville ou du
nome 59 ou bien l’usurpation des prérogatives jadis réservées à la royauté. Parmi ces
prérogatives figurent la proclamation de l’ascendance divine d’un simple particulier, la
présentation des actes d’un particulier comme étant inspirés par les divinités ou
comparables aux interventions divines 60, et le remplacement du souverain comme
intermédiaire des divinités. Ce phénomène contribua au développement d’un motif
présent dans certains titres et inscriptions provinciales de la VIe dynastie, qui expriment
l’accès aux sanctuaires les plus sacrés des temples, ou bien les inscriptions qui révèlent
55
DE MEYER 2005.
56
BRUNNER 1937, 45.
57
MORENO GARCIA 2005b, 225 ; FRANKE 1998.
58
Cf. « quand je suis sorti de ma maison et descendu dans ma tombe, ma maison était en bon
ordre et mon héritier avait un bras ferme » ou « j’ai mis en ordre la maison de mon père et je l’ai
comblée de richesses » : MORENO GARCIA 1997, 42-45.
59
MORENO GARCÍA 1997, 46-52.
60
MORENO GARCÍA 2005b, 227.
194 S. DONNAT et J. C. MORENO GARCIA
61
MORENO GARCÍA 2005b, 227.
62
FRANKE 1994, 160 ; MORENO GARCÍA 1997, 57-58 et 2005b, 227.
63
Décret Coptos K : STRUDWICK 2005, 119-120.
64
Décret Coptos R : STRUDWICK 2005, 123-124.
65
STRUDWICK 2005, 115.
66
CHERPION, 1999.
67
SEIDLMAYER 1990.
68
MORENO GARCÍA 2004.
INTEGRATION DU MORT DANS LA VIE SOCIALE EGYPTIENNE 195
d’imitations d’offrandes funéraires (amulettes et récipients) fabriquées dans des
matériaux plus pauvres. L’apparition et l’essor des Textes des Sarcophages, présents sur
un objet luxueux et prestigieux – le sarcophage – largement diffusé au sein des élites
provinciales de la Première Période Intermédiaire69, s’insèrent dans cette vague
d’imitations et d’adaptations.
Un autre élément qui devient très visible dans les sources de la fin du IIIe millénaire
est l’importance de la ville ainsi que des réseaux de clientélisme. La crise de l’autorité
monarchique, le repli vers le territoire immédiat (que ce soit la région ou la ville) en
absence d’une autorité suprême reconnue par tous et, par conséquent, le poids des
potentats locaux et des réseaux sociaux et politiques qu’ils contrôlèrent, trouvent un écho
dans les sources de la fin de l’Ancien Empire. Les inscriptions des particuliers, par
exemple, intègrent des expressions où le défunt est « un aimé par sa ville », tandis que les
textes funéraires énumèrent les catégories de personnes qui font partie de sa famille
étendue et de son entourage. Ainsi, à côté de son père, sa mère, ses sœurs et frères, ses
enfants et ses serfs, les formules des Textes des Sarcophages mentionnent également ses
concitoyens, ses amis, ses compagnons, ses bien-aimés, ses associés, voire ses
concubines. Dans certains cas, les expressions distinguent, d’une part, sa famille étendue
et, d’autre part, ses dépendants, subordonnés et accointances/clients. Dans d’autres cas, la
famille étendue est censée inclure les serfs ; avec les « amis », elle comprend « tous les
gens » du défunt 70.
Évidemment, le fait que la famille étendue ou les réseaux sociaux et de clientélisme
figurent pour la première fois de manière claire dans les inscriptions ne signifie pas qu’il
s’agisse d’innovations obéissant à des transformations dans la structure familiale et
sociale. Il me semble plus prudent d’affirmer que, dans un contexte où le palais ne
monopolise plus la production écrite, les textes insèrent avec plus de liberté des
expressions plus proches de la réalité sociale égyptienne, restées cachées ou ignorées
jusqu’alors par le poids des conventions de la culture palatine 71. Si, d’après celle-ci, le roi
était le centre idéal autour de qui la société était articulée, l’effondrement de la monarchie
permit de faire émerger, dans les monuments des particuliers, des références au
microcosme social dont ils étaient le centre. Voilà pourquoi les textes funéraires et les
stèles mentionnent de manière détaillée soit les catégories sociales soit les membres
constituant l’entourage social du défunt, bien au-delà des liens de sang, pour inclure aussi
des associés, des serfs ou des membres des branches collatérales de sa famille. Des
formules de filiations, des références généalogiques vinrent aussi enrichir la façon dont
les particuliers se présentent dans leurs monuments et les défunts seront aussi invoqués
par écrit par leurs familles afin de réclamer leur soutien lors de conflits divers ; ce sont les
lettres aux morts dont la plupart des exemplaires datent précisément de la fin du
IIIe millénaire (cf. la partie de Sylvie Donnat ci-dessus).
69
WILLEMS 2008. Cf. l’inscription du constructeur de sarcophages Nakhti, probablement
d’Akhmim, qui se vante d’avoir fabriqué 180 sarcophages : ROCCATI 1986.
70
MORENO GARCIA 2012.
71
BAINES 1990.
196 S. DONNAT et J. C. MORENO GARCIA
Le site d’Éléphantine, à la frontière sud de l’Égypte, est exceptionnel par la richesse des
vestiges archéologiques et épigraphiques qui témoignent des stratégies des différents
secteurs des élites locales pour se mettre en valeur72. Que ce soit la construction de
centres de culte voués aux ancêtres prestigieux, l’imitation de monuments funéraires
normalement réservés à l’élite des dignitaires du royaume ou la création de réseaux
denses de présentation d’offrandes aux défunts, la fin de l’Ancien Empire et la Première
Période Intermédiaire connurent une mobilisation exceptionnelle de ressources
symboliques qui s’explique, vraisemblablement, par la fragilité politique de la région
pendant cette période troublée et par sa condition de centre multiculturel à la limite entre
deux mondes (égyptien et nubien) entre lesquels les rapports n’étaient pas toujours
faciles. Les défunts furent ainsi « mobilisés » selon des modalités précises obéissant à des
contextes sociaux différents, où les dimensions « publique » et privée/domestique
s’enchevêtrent.
La fragilité d’Éléphantine tient aux dimensions réduites du site et à son rôle de
centre dépendant de la couronne en tant que base logistique d’où partaient les caravanes
envoyées en Nubie. La crise de la monarchie à la fin de l’Ancien Empire ouvrit la voie à
une période de troubles politiques où cette localité figure d’abord soumise à l’autorité
d’Ânkhtify, gouverneur des trois provinces les plus méridionales du pays (dont
Éléphantine), afin d’y rétablir l’ordre, étape indispensable avant de déclencher les
hostilités contre les Thébains et leur alliés de Coptos, rebelles au pouvoir memphite. Des
inscriptions et des vestiges archéologiques de la fin du IIIe millénaire révèlent que le site
était un centre important de trafic commercial international, qui jouissait, apparemment,
d’une certaine autonomie politique lui permettant d’entretenir des relations commerciales
avec les souverains héracléopolitains, rivaux des rois thébains 73. De fait, dans une
inscription postérieure, un chef de la localité proche d’Elkab se vante d’avoir mis sous
l’autorité de Thèbes les trois provinces les plus méridionales de l’Égypte74. Enfin, des
troupes nubiennes se sont battues au service tant des Héracléopolitains que des Thébains,
et une colonie de soldats nubiens fut même installée à Gébélein.
Dans ces circonstances mouvementées, l’élite locale développa des moyens de
légitimation idéologique originaux qui rappellent néanmoins ceux mis en œuvre dans une
autre base d’opérations éloignée de la capitale. Le site de Balat, dans l’oasis de Dakhla,
joua en effet le rôle de base logistique pour les caravanes et les envoyés du pharaon qui
parcouraient le désert occidental et, comme dans le cas d’Éléphantine, la fin de l’Ancien
Empire a constitué un défi pour la société locale. Des sources postérieures, du tout début
du IIe millénaire, évoquent la conquête des oasis, la reconstruction d’un système fiscal sur
72
VISCHAK 2007 ; EDEL 2008.
73
EDEL 2008, 1743-1744.
74
GABRA 1976.
INTEGRATION DU MORT DANS LA VIE SOCIALE EGYPTIENNE 197
place, voire le transfert en Égypte de fugitifs ayant trouvé refuge dans le désert. Par
conséquent, les élites de Balat et d’Éléphantine ont eu recours à une démarche originale
de légitimation de leur pouvoir consistant, d’abord, à rendre un culte aux membres de la
« dynastie » des autorités locales avant de choisir un de leurs membres comme centre
d’un culte destiné à perdurer pendant des siècles. Dans le cas de Balat, un décret du roi
Pépy II autorisa un gouverneur de l’oasis à bâtir une chapelle de culte pour lui selon une
tradition dont avaient bénéficié auparavant ses ancêtres, les gouverneurs Khentyka,
Desherou et Idouwy 75. Des années plus tard, ces chapelles furent détruites au cours d’un
incendie et seule la chapelle de Médounefer fut reconstruite ; elle continua à être en usage
jusqu’au début du IIe millénaire 76. Dans le cas d’Éléphantine, la découverte de coffrets en
bois destinés aux dignitaires vénérés dans une enceinte révèle l’existence d’un culte voué
à la lignée de dignitaires ayant occupé des positions éminentes dans le nome : Héqaib,
Sobekhotep, Sabni et Mékhou 77. Par la suite, un sanctuaire fut érigé en l’honneur
d’Héqaib et l’élite locale y déposa des statues, des bassins à libation, des stèles et des
objets votifs divers dont les inscriptions livrent un aperçu très détaillé de la composition
de l’élite locale. Néanmoins, il serait vain de voir dans ce culte une pratique religieuse
populaire. Bien au contraire, le culte d’Héqaib demeura restreint à l’élite locale qui, en
honorant un ancêtre réel ou supposé des autorités de la fin du IIIe millénaire, vit son rôle
légitimé en tant que communauté dirigeante. Même du point de vue monumental, la
position dominante de cette élite était exprimée visuellement par la localisation de ses
hypogées au sommet de la colline de Qubbet el-Hawa, qui domine le paysage
d’Éléphantine. Cependant, telle fut l’importance et le prestige du sanctuaire d’Héqaib que
les rois thébains qui inaugurèrent le Moyen Empire y déposèrent aussi des objets votifs,
contribuant ainsi à renforcer leur pouvoir et leurs alliances avec l’élite d’une localité
stratégique 78.
Par conséquent, des ancêtres prestigieux comme Héqaib à Éléphantine ou
Médounefer à Balat devinrent le centre d’installations cultuelles servant à légitimer le
pouvoir exercé par les autorités locales depuis la fin de l’Ancien Empire. À la croisée des
valeurs provinciales à la hausse (importance du lignage, de son antiquité et de son origine
noble), du vide laissé par une monarchie unique désormais inexistante, par le poids de la
famille étendue dans la société pharaonique, par l’importance des réseaux de clientélisme
et par le culte domestique dévolu aux défunts (y compris l’invocation de leur aide par les
vivants), le développement du culte aux ancêtres en province révèle une stratégie au
service des élites qui contraste avec la situation dans l’ancienne capitale, Memphis. Ici, la
crise de la monarchie de la fin de l’Ancien Empire, remplacée par des souverains
régionaux inhumés ailleurs, à Héracléopolis Magna, fut suivie par la réutilisation du
paysage funéraire. Les grands monuments des pharaons de l’Ancien Empire étaient
toujours visibles et, dans certains cas, des rois du passé devinrent des « patrons » objet de
75
STRUDWICK 2005, 115.
76
CHERPION 1999 ; SOUKIASSIAN, WUTTMANN et PANTALACCI 2002.
77
MORENO GARCIA 2006, 229.
78
FRANKE 1994.
198 S. DONNAT et J. C. MORENO GARCIA
79
MALEK 2000 ; MORALES 2006 ; SILVERMAN 2009 ; cf. aussi LEGROS 2009.
80
MALEK 2000. La pyramide attribuée par Malek au roi héracléopolitain Mérikarê
correspondrait, en fait, à celle du pharaon de la Ve dynastie Menkaouhor : COLLOMBERT 2011, 29-
30.
81
EDEL 1970, 1971 et 2008.
82
HÖVELER-MÜLLER 2006.
INTEGRATION DU MORT DANS LA VIE SOCIALE EGYPTIENNE 199
Les liens familiaux sont très fréquemment exprimés dans les inscriptions de la tombe
QH 88, ce qui a permis de reconstruire la structure de la famille au cours de plusieurs
générations. Le propriétaire de la tombe, Henbaba, portait deux titres en rapport avec
l’administration royale, ceux d’« Ami Unique » et de « Trésorier du roi » de la Basse-
Égypte. Comme son père Iyhenet portait les mêmes titres, il est possible d’imaginer
qu’Henbaba était son fils aîné et qu’il avait hérité ces fonctions importantes de son père.
Quant à sa mère, Ipi, elle gardait aussi des liens avec la Cour, comme l’indiquent ses
titres de « Noble (dame) du Roi » et d’« Ornement du Roi ». La grand-mère paternelle
d’Henbaba, Sétjithotep [I], fut aussi « Noble (dame) du Roi ». Enfin, Henbaba avait deux
sœurs et un frère. Celui-ci, Sobekhotep, était « Ami Unique » et prêtre-lecteur, ce qui
révèle une division de fonctions au sein du même groupe familial repérable également
dans d’autres sites provinciaux de la même époque : alors que le fils aîné héritait des
fonctions les plus importantes détenues par sa famille, ses frères occupaient des fonctions
de rang inférieur, souvent en rapport avec le temple local, également source de pouvoir et
de prestige pour le lignage83. Bref, les titres et la localisation de la tombe d’Henbaba dans
la nécropole utilisée par l’élite dominante locale confirment que sa famille appartenait au
secteur le plus privilégié de la société d’Éléphantine.
Enfin, les inscriptions révèlent un autre aspect des liens sociaux tissés autour de cette
famille. Non seulement de nombreux membres de la famille, mais aussi des membres
éminents de la société locale y déposèrent des offrandes. Parmi ces derniers, les chefs de
prêtres Hepi et Herou et la Noble (dame) du Roi Niânkhsobek. D’autres individus sans
titres y figurent aussi, y compris Hénouzaou, qui occupa plus tard un des puits de la
tombe. Paradoxalement, les inscriptions indiquent que les offrandes déposées dans la
tombe provenaient de deux « maisons », celle de Sobekhotep et celle d’Hénouzaou. Il
semble donc que, après la mort de son frère aîné Henbaba, Sobekhotep devint le chef de
la famille et de la « maison », au point que toutes les références des autres membres de sa
famille ne mentionnent que la maison de Sobekhotep comme lieu d’origine des offrandes
déposées dans la tombe. Ainsi, les offrandes présentées par (ou au nom de ?) son père
Iyhenet proviennent « de la maison de son fils Sobekhotep », celles de sa sœur Sétjithotep
« de la maison de son frère Sobekhotep » et celles de sa fille Ipi « junior » « de la maison
de son père Sobekhotep ». Même les offrandes de sa grand-mère Tebestja sont censées
provenir « de la maison de son fils (= descendant) Sobekhotep ». En tant que chef de
famille et responsable de la « maison », Sobekhotep figure ainsi comme le responsable
des biens familiaux et le donateur ultime des dons funéraires, sans que des références
similaires évoquent un possible rôle comparable joué dans le passé par son père Iyhenet
ou par son frère aîné Henbaba. Il est même possible que la présence de deux responsables
de prêtres (la fonction la plus importante du temple local) soit due aux contacts de
Sobekhotep avec le clergé local du fait de sa fonction de prêtre-lecteur. Enfin, les
inscriptions à l’encre du puits II de la tombe de son père Iyhenet (QH 92) confirment le
même phénomène. Sobekhotep y figure encore comme le fournisseur principal
d’offrandes, avec sa fille Ipi et avec une seule mention (par ailleurs douteuse) de son frère
83
MORENO GARCÍA 2005a ou b ; DE MEYER 2011.
200 S. DONNAT et J. C. MORENO GARCIA
Henbaba. D’autres personnes sont aussi évoquées, mais avec des liens difficiles à préciser
avec la famille de Sobekhotep. Certains même ne figuraient pas dans la tombe QH 88,
comme l’« Ami Unique » Setka ou la « Noble (dame) du Roi » Tebesnéfera. D’autres,
enfin, cités dans la tombe QH 88 sont absents du puits II de la tombe QH 92, comme le
chef de prêtres Hepi (qui figuUHHQUHYDQFKHGDQVOHSXLWV,ȆGHODPªPHWRPEH/HIDLW
que Henbaba ne soit pratiquement pas cité, que la fille de Sobekhotep (déjà adulte ?)
apporte une quantité considérable d’offrandes et que de nouveaux membres de l’élite
locale soient mentionnés dans la tombe QH 92, suggère une évolution chronologique, où
le passage du temps entraîne forcément le renouvellement de l’élite locale, mais où la
famille de Sobekhotep réussit à conserver des liens solides avec certaines familles
puissantes, comme celle des chefs de prêtres, celle d’Imi/Meries ou d’autres encore.
Un dernier élément doit être mentionné. Comme la nécropole de Qubbet el-Hawa
était réservée à l’élite dominante, les transactions relatives aux tombes constituaient
vraisemblablement pour elle une autre occasion de cimenter les liens sociaux et de
montrer tant son appartenance à un cercle choisi que son acceptation par ses pairs. Les
inscriptions de la tombe QH 88 suggèrent, nous l’avons vu, qu’un des puits avait été cédé
à Hénouzaou, un personnage qui ne semble pas être un membre de la famille de
Sobekhotep bien qu’ayant conservé des liens étroits avec elle. De plus, certains
documents trouvés dans la nécropole révèlent que des individus payaient le propriétaire
d’une tombe en échange de l’inhumation d’un de leurs parents à l’intérieur84.
84
STRUDWICK 2005, 426[A].
85
STRUDWICK 2005, 114 et 121-122.
INTEGRATION DU MORT DANS LA VIE SOCIALE EGYPTIENNE 201
sein de leurs communautés86. Il est significatif à ce propos que les chefs de village soient
évoqués comme des autorités locales à côté des administrateurs (imy-r pr) 87 ou qu’ils
possèdent, exceptionnellement, des objets prestigieux comme des statues88. D’autres
inscriptions de la VIe dynastie et de la Première Période Intermédiaire mentionnent
l’existence simultanée de plusieurs « chefs » dans une province. Aux mentions dans les
décrets royaux de la fin de l’Ancien Empire89, il faut ajouter des inscriptions postérieures,
de la Première Période Intermédiaire, qui indiquent la présence de plusieurs chefs dans
une même province : Tjébou de Dra Abou el-Nagga déclare avoir agi comme
administrateur (imy-r pr) pour six gouverneurs ; Néférou de Thèbes travailla comme
scribe pour sept chefs ; et Mérer de Gébelein présenta des offrandes pour treize
gouverneurs. L’archéologie confirme l’essor des sub-élites, quand l’affaiblissement de la
monarchie, à la fin de l’Ancien Empire, entraîna une richesse inattendue de certains
individus, qui possédaient même des objets en or. Bien qu’ils ne soient pas
fonctionnaires, le fait que leurs tombes soient entourées d’autres inhumations secondaires
constitue la preuve de leur rôle local éminent, peut-être à la tête de réseaux de
clientélisme90. Enfin, c’est aussi durant la Première Période Intermédiaire que les textes
utilisent la paire aa/nedyés « grand/petit » pour désigner les habitants des provinces,
tandis que le motif du nedyés autosuffisant, qui agit par ses propres moyens, devient
habituel dans les inscriptions 91.
De nombreuses inhumations de sub-élites provinciales consistaient en mastabas
modestes sans décor et simplement pourvus de plusieurs chambres destinées à un emploi
collectif 92. L’étude exemplaire menée par Seidlmayer dans les nécropoles de la région
d’Éléphantine à la fin de l’Ancien Empire montre les différences entre les inhumations de
l’élite – avec une tombe par personne en règle générale – et celles du reste de la
population, destinées à des groupes sociaux plus grands. Un autre aspect remarquable
souligné par cet auteur est le fait que le développement typologique de l’architecture ne
reflète que de manière limitée les pratiques habituelles d’inhumation, de telle sorte que la
signification des inhumations collectives ne s’exprime pas nécessairement dans
l’architecture. Par conséquent, la construction de mastabas n’a pas le même sens social et
symbolique pour l’élite que pour la population qui imite ce type de construction
prestigieuse pour ensevelir les siens. Même dans le cas des inhumations simples,
dépourvues d’une superstructure architecturale, leur distribution autour d’une tombe
principale, comme pendant la Première Période Intermédiaire, révèle soit l’existence de
86
MORENO GARCÍA 2005b, 222.
87
MORENO GARCÍA 2005b, 216.
88
MORENO GARCÍA 2001.
89
STRUDWICK 2005, 107-115, 121-122.
90
SEIDLMAYER 1990.
91
MORENO GARCIA 1997, 31-58.
92
SEIDLMAYER 2001, 211-223 ; GRAJETZKI 2007.
202 S. DONNAT et J. C. MORENO GARCIA
familles élargies, soit des réseaux de clientélisme centrés autour d’un potentat local93. Les
stèles de facture très grossière découvertes dans les chapelles de ka des gouverneurs de
l’oasis de Balat témoignent elles aussi de la volonté d’imitation d’un monument
prestigieux placé autour de la tombe d’un magnat provincial afin de marquer
l’appartenance à sa famille ou aux réseaux de clientélisme qu’il contrôlait94. Enfin, la
distance par rapport à la capitale et la crise des appareils de production et de contrôle
culturel de la monarchie expliquent que l’imitation locale d’un monument prestigieux
comme le mastaba, réservé antérieurement aux élites du royaume, ne soit pas toujours
accompagnée de la totalité des valeurs idéologiques que celui-ci véhiculait, mais qu’il
soit plutôt adapté aux valeurs sociales et aux pratiques funéraires des sub-élites en plein
essor.
II.3. Conclusion
BIBLIOGRAPHIE
93
SEIDLMAYER 2003 ; FRANKE 2006. De tels réseaux apparaissent aussi dans le Cimetière
Central d’Abydos, où les mastabas considérables de quelques grands dignitaires sont entourés de
mastabas secondaires et de puits disposés selon un certain ordre : RICHARDS 2005, 134-135.
94
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