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LOIS ET DÉCRETS

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LOIS ET DÉCRETS
par
Louis BACH
Professeur émérite à la Faculté de droit de l’Université de Caen-Basse-Normandie
Doyen honoraire

DIVISION
Généralités, 1-3. § 1. – Protection du domaine réglementaire, 69-73.
CHAP. 1. – Définition de la notion de loi, 4-83. § 2. – Protection du domaine législatif, 74-78.
SECT. 1. – Lois au sens formel et lois au sens matériel, SECT. 5. – Autorité respective de la loi et du règlement,
5-7. 79-83.
SECT. 2. – Lois au double sens formel et matériel, 8-28. CHAP. 2. – Place de la loi dans la hiérarchie géné-
ART. 1. – LOIS À VALEUR CONSTITUTIONNELLE, 9-20.
rale des normes, 84-146.
§ 1. – Loi constitutionnelle ou Constitution, 10-18.
SECT. 1. – Hiérarchie des normes, 84-94.

§ 2. – Lois organiques, 19-20.


SECT. 2. – Primauté de la Constitution sur les traités et
accords internationaux et sur le droit com-
ART. 2. – LOIS ORDINAIRES, 21-28. munautaire, 95-100.
§ 1. – Lois habituelles, 22. ART. 1. – PRIMAUTÉ DE LA CONSTITUTION SUR LES TRAITÉS ET
ACCORDS INTERNATIONAUX, 95-99.
§ 2. – Lois particulières, 23-28.
ART. 2. – PRIMAUTÉ DE LA CONSTITUTION SUR LE DROIT COM-
SECT. 3. – Lois au seul sens matériel : les règlements,
MUNAUTAIRE, 100.
29-60.
SECT. 3. – Primauté de la Constitution sur les lois or-
ART. 1. – LES DIFFÉRENTES CATÉGORIES DE RÈGLEMENTS,
30-52.
ganiques et de la Constitution et des lois
organiques sur les lois internes ordinaires,
§ 1. – Règlements d’exécution ou d’application des lois, 101-106.
31-43.
SECT. 4. – Primauté des engagements internationaux
§ 2. – Règlements autonomes pris en application de l’ar- sur les lois internes ordinaires, 107-141.
ticle 37 de la Constitution, 44-45.
ART. 1. – CONFORMITÉ DES LOIS INTERNES ORDINAIRES AUX
§ 3. – Règlements pris en application des articles 38 et 11 TRAITÉS ET ACCORDS INTERNATIONAUX, 108-117.
et décisions prises en conséquence de l’article 16
de la Constitution, 46-52. ART. 2. – CONFORMITÉ DES LOIS INTERNES ORDINAIRES AU
DROIT COMMUNAUTAIRE, 118-130.
ART. 2. – LES DÉTENTEURS DU POUVOIR RÉGLEMENTAIRE,
ART. 3. – CONFORMITÉ DES LOIS INTERNES ORDINAIRES AU
53-60.
DROIT INTERNATIONAL DES DROITS DE L’HOMME,
§ 1. – Pouvoir réglementaire général du Président de la 131-141.
République et du Premier ministre, 54-55.
SECT. 5. – Hiérarchie propre aux règlements, 142-146.
§ 2. – Pouvoir réglementaire des ministres, 56.
ART. 1. – RÈGLEMENTS DANS LE DOMAINE DE LA LOI (LOCO LE-
§ 3. – Pouvoir réglementaire de certaines autorités admi- GIS), 144.
nistratives, 57.
ART. 2. – RÈGLEMENTS ADMINISTRATIFS, 145-146.
§ 4. – Pouvoir réglementaire de certaines institutions pu-
bliques ou privées, 58-60. CHAP. 3. – Vie de la loi, 147-256.
SECT. 4. – Domaine respectif de la loi et du règlement, SECT. 1. – Création de la loi, 148-237.
61-78. ART. 1. – ÉLABORATION DE LA LOI, 149-168.
ART. 1. – DISTINCTION DES DOMAINES, 62-67. § 1. – Constitution, 150.
ART. 2. – PROTECTION DES DOMAINES, 68-78. § 2. – Lois organiques, 151.

septembre 2004 - 1 - Rép. civ. Dalloz


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§ 3. – Lois ordinaires, 152-157. § 2. – Sanctions instituées comme récompense d’une ac-


tion ou d’une abstention souhaitée par le législa-
§ 4. – Ordonnances de l’article 38 de la Constitution, 158-
teur, 280.
165.
§ 5. – Décrets et arrêtés, 166-168.
SECT. 3. – Différences entre les lois en fonction de leur
domaine d’application dans l’espace, 281-
ART. 2. – PROMULGATION DE LA LOI, 169-191. 288.
§ 1. – Lois soumises à promulgation, 171-173. ART. 1. – DROIT INTERNATIONAL PRIVÉ, 282-284.
§ 2. – Autorité chargée de la promulgation, 174-179. ART. 2. – DROIT LOCAL D’ALSACE ET DE MOSELLE, 285.
§ 3. – Forme de la promulgation, 180-191. ART. 3. – DROIT APPLICABLE OUTRE-MER, 286-288.
ART. 3. – PUBLICATION DE LA LOI, 192-237. CHAP. 5. – Contrôle de la validité de la loi, 289-322.
§ 1. – Formes de la publication, 194-195. SECT. 1. – Rôle du Conseil constitutionnel, 290-303.
§ 2. – Date d’entrée en vigueur de la loi, 196-216. ART. 1. – LOI, 293-302.
§ 3. – Présomption de connaissance de la loi, 217-221. § 1. – Le Conseil constitutionnel, juge de la conformité,
§ 4. – Errata, 222-225. 294-301.
§ 5. – Entrée en vigueur et applicabilité de la loi, 226-233. § 2. – Le Conseil constitutionnel, juge de la recevabilité,
302.
§ 6. – Codification des lois, 234-237.
ART. 2. – RÈGLEMENT, 303.
SECT. 2. – Disparition de la loi, 238-256.
SECT. 2. – Rôle des juridictions ordinaires, 304-322.
ART. 1. – ABROGATION DE LA LOI, 239-255.
ART. 1. – LOI, 305-306.
§ 1. – Abrogation expresse, 242.
ART. 2. – RÈGLEMENT, 307-322.
§ 2. – Abrogation tacite, 243-252.
§ 1. – Juridictions administratives, 308-316.
§ 3. – Abrogation par désuétude, 253-255.
§ 2. – Juridictions judiciaires, 317-322.
ART. 2. – ANNULATION DE LA LOI, 256.
CHAP. 6. – Interprétation de la loi, 323-355.
CHAP. 4. – Force obligatoire de la loi, 257-288.
SECT. 1. – Nécessité d’une interprétation, 324-330.
SECT. 1. – Différence entre les lois en fonction de la
contrainte exprimée par leurs prescriptions, SECT. 2. – Méthodes d’interprétation, 331-355.
263-268. ART. 1. – MÉTHODE DE L’EXÉGÈSE, 332-344.
ART. 1. – LOIS IMPÉRATIVES OU PROHIBITIVES, 264-266. § 1. – Interprétation d’un texte obscur, 334-337.
ART. 2. – LOIS SUPPLÉTIVES OU INTERPRÉTATIVES, 267-268. § 2. – Recherche de la règle de droit en cas d’insuffisance
SECT. 2. – Différence entre les lois en fonction de la na- des textes, 338-344.
ture de la sanction attachée à la violation de ART. 2. – MÉTHODES DITES SCIENTIFIQUES, 345-348.
leurs prescriptions, 269-280.
ART. 3. – RECOURS À DES PRINCIPES D’INTERPRÉTATION, 349-
ART. 1. – NÉCESSITÉ D’UNE SANCTION, 270-273. 352.
ART. 2. – DIVERSITÉ DES SANCTIONS, 274-280. ART. 4. – RECOURS À DES PROCÉDÉS PARTICULIERS
D’INTERPRÉTATION, 353.
§ 1. – Sanctions instituées en réaction contre certaines
actions ou abstentions réprouvées par le législa- ART. 5. – RÔLE PRATIQUE DES MÉTHODES D’INTERPRÉTATION,
teur, 276-279. 354-355.

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Rép. civ. Dalloz -2- septembre 2004


LOIS ET DÉCRETS

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septembre 2004 -3- Rép. civ. Dalloz


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1. Cette rubrique qui suit les divisions énoncées en son début droit (par ex. C. civ. ; art. 212 ; imposant l’obligation de fidéli-
par le Sommaire général de l’édition Lois et décrets du Journal té entre époux), alors même que, en fait, une seule personne
officiel de la République française (JO), lequel y ajoute les ar- à la fois serait concernée (par ex., C. civ., art. 171 habilitant le
rêtés et les circulaires comme le fera aussi le contenu de cette Président de la République à autoriser la célébration d’un ma-
rubrique qui aura également à traiter des ordonnances, mérite riage après le décès de l’un des ex-futurs époux). D’autre part,
que l’on aborde la matière composite qui en est l’objet qu’après des décisions ou normes juridiques individuelles, dispositions
avoir évoqué rapidement ce vaste ensemble de prescriptions de concrètes et personnelles, visant une situation particulière im-
conduites humaines qu’est l’ordonnancement juridique. pliquant un nombre déterminé et arrêté de personnes (par ex.,
le décret par lequel le Président de la République autorise, par
2. L’ordonnancement juridique est composé de deux sortes de application de l’article 171 du code civil, la célébration, à titre
dispositions. D’une part, des règles de droit, ou, selon la termi- posthume, de tel mariage).
nologie kelsennienne (H. KELSEN, Théorie pure du droit, 1962,
Dalloz), des normes juridiques générales, dispositions générales 3. Les normes composant l’ordonnancement juridique français
et abstraites donc impersonnelles, car édictées en considéra- procèdent de plusieurs sources formelles, internationales et na-
tion, non de personnes déterminées, mais d’une situation dans tionales, qui entremêlent leurs eaux et dont la première, au plan
laquelle pourront se trouver un nombre indéterminé de sujets de interne, est la loi au sens large laquelle postule une définition.

CHAPITRE 1er
Définition de la notion de loi.
4. Le mot « loi » exige d’être défini, car on peut l’entendre de plu- en vertu de la Constitution de 1958, les dispositions adoptées
sieurs façons. Dans un sens générique, la loi désigne un acte directement par le peuple français par voie de référendum. Au
émanant de la volonté étatique, pris à la suite d’une procédure sens formel, la loi est donc susceptible de comprendre aussi bien
déterminée. Par cela la loi se distingue de la coutume, ensemble des dispositions générales et impersonnelles (normes juridiques
de règles élaborées lentement (long et constant usage) par le mi- générales) que des décisions individuelles (normes juridiques in-
lieu social qui les accepte comme s’imposant à lui (opinio juris). dividuelles). Par exemple, est une loi au sens formel, mais au
Mais, envisagée ainsi, la loi appelle une définition encore plus seul sens formel, la décision prise par le Parlement d’exonérer
précise, car on peut l’entendre dans un sens formel ou dans un des droits de mutation par décès la succession de tel citoyen
sens matériel. nommément désigné (par ex. L. no 70-1206 du 23 déc. 1970,
portant exonération des droits de mutation sur la succession du
SECTION 1re général de Gaulle, JO 24 déc.). Constitue aussi une loi au sens
formel, la loi votée par le Parlement concernant des personnes
Lois au sens formel et lois au sens matériel. formant une catégorie close, même si celles-ci ne sont pas dési-
5. Au sens formel, la loi est définie par l’organe qui l’élabore et gnées nommément (par ex. la loi amnistiant les auteurs de telle
désigne toute décision votée par le Parlement selon la procé- infraction par hypothèse consommée).
dure législative définie par la Constitution, à quoi il faut ajouter,

Rép. civ. Dalloz -4- septembre 2004


LOIS ET DÉCRETS

6. C’est dans le sens formel que l’on entend, en général, le mot 12. L’extension croissante du « bloc de constitutionnalité » pro-
« loi » dans la pratique et que l’emploie la Constitution. cède tout d’abord de ce que, alors que sous la Constitution de
1946, la jurisprudence tendait à n’imposer le respect du préam-
7. Au sens matériel, la loi est définie par son contenu et désigne bule de celle-ci qu’en tant qu’il exprimait des principes généraux
toute disposition générale et impersonnelle prise par un organe du droit (CE 7 juill. 1950, Dehaene, RD publ. 1950.691, concl.
étatique ayant compétence pour le faire, autrement dit toute Gazier, note Waline ; 7 juin 1957, Condamine, RD publ. 1958.98,
règle de droit (norme juridique générale) quelle qu’en soit l’ori- note Waline), le Conseil constitutionnel, depuis une décision du
gine, Parlement (exceptionnellement peuple français par voie de 16 juillet 1971 (D. 1972.685), reconnaît pleine valeur constitu-
referendum) ou pouvoir réglementaire. Ainsi, sont des lois, bien tionnelle, donc de droit positif au préambule de la Constitution
qu’émanant du pouvoir réglementaire, le décret no 2003-466 du de 1958. Aussi bien, la décision la plus marquante fut-elle celle
30 mai 2003 (JO 31 mai) portant statut particulier des greffiers du 16 janvier 1982 (D. 1983.169, note L. Hamon, Grandes dé-
des services judiciaires, et l’arrêté du 29 avril 2003 (JO 2 mai) cisions du Conseil constitutionnel [GDCC], Dalloz, no 31) par la-
portant création de l’École supérieure de l’éducation nationale ; quelle le Conseil constitutionnel affirma, sur le fondement des
mais ce ne sont des lois qu’au sens matériel (sur la généralité principes énoncés par la Déclaration des droits de l’homme et du
de la loi, V. H. DUPEYROUX, Mélanges Carré de Malberg, citoyen de 1789 à laquelle se réfère le préambule de la Consti-
1933, p. 137 et s.). tution de 1958, la valeur constitutionnelle du droit de propriété et
précisa les conditions auxquelles la puissance publique pouvait
procéder à des nationalisations, lesdits principes ayant « pleine
SECTION 2
valeur constitutionnelle, tant en ce qui concerne le caractère fon-
Lois au double sens formel et matériel. damental du droit de propriété dont la conservation constitue l’un
des buts de la société politique et qui est mis au même rang
8. De nombreuses lois le sont au double sens du mot, parce que la liberté, la sûreté et la résistance à l’oppression, qu’en ce
que, votées par le Parlement ou adoptées par référendum, elles qui concerne les garanties données aux titulaires de ce droit et
ne contiennent que des règles de droit (normes juridiques géné- les prérogatives de la puissance publique » (V. J. MESTRE, Le
rales). Parmi elles, on distingue les lois à valeur constitutionnelle Conseil constitutionnel, la liberté d’entreprendre et la propriété,
et les lois ordinaires. D. 1984, chron. 1 ; F. BOUYSSOU, Les garanties supra-législa-
tives du droit de propriété, D. 1984, chron. 231 ; R. LEGEAIS, Le
Conseil constitutionnel français protecteur du droit de propriété,
ART. 1er. – LOIS À VALEUR CONSTITUTIONNELLE.
Mélanges Flattet, 1985, p. 61 et s. ; H. PAULIAT, Le droit de pro-
9. Ce sont la Loi constitutionnelle ou Constitution, située au som- priété devant le Conseil constitutionnel et la Cour européenne
met de la hiérarchie des règles de droit et les lois organiques des droits de l’homme, RD publ. 1995.1445 ; N. MOLFESSIS,
auxquelles la Constitution reconnaît formellement cette qualité obs. RTD civ. 1998.796 ; sur les précisions fournies depuis par
et qui la complètent sur des points importants. le Conseil constitutionnel en ce qui concerne les limitations qui
peuvent être apportées à l’exercice du droit de propriété, V. Dé-
cis. Cons. const. no 2000-434 du 20 juill. 2000 [loi relative à
§ 1er. – Loi constitutionnelle ou Constitution. la chasse], M MATHIEU et M. VERPEAUX, JCP 2001. I. 350,
no 23).
10. De tout temps, le développement des États a été accompa-
gné par la mise en œuvre de règles ayant pour objet la dévo-
lution et l’exercice du pouvoir et s’exprimant sous la forme, soit 13. De même, le Conseil constitutionnel, dans sa décision préci-
d’une Constitution coutumière (par ex. les Lois fondamentales tée du 16 juillet 1971, a reconnu valeur de droit positif au préam-
du Royaume dans notre Ancienne France), soit d’une Constitu- bule de la Constitution de 1946 (auquel se réfère le préambule
tion écrite comme ce fut le cas pour les différentes Constitutions de la Constitution de 1958), lorsque celui-ci vise les principes
françaises depuis celle du 3 septembre 1791 jusqu’à la Consti- fondamentaux reconnus par les lois de la République (PFRLR),
tution actuelle du 4 octobre 1958. Mais pour qu’il y ait Constitu- notion qui ne manque pas de susciter la question de la déter-
tion écrite, point ne suffit que la Constitution soit rédigée, encore mination de son contenu, laissée, en réalité, à la discrétion du
faut-il qu’elle soit l’œuvre d’un pouvoir éminent, le pouvoir consti- Conseil constitutionnel ! Eux aussi font, aujourd’hui, partie du
tuant, distinct des pouvoirs subordonnés qu’il crée et organise. « bloc de constitutionnalité » (V. supra, no 11). Ainsi, ont été
considérés comme des principes à valeur constitutionnelle : la
11. Approuvée par référendum le 28 septembre 1958, la Consti- liberté d’association (Décis. Cons. const. no 71-44 du 16 juill.
tution qui a donné naissance à la Ve République a été promul- 1971, Rec. Cons. const., p. 29), la liberté de l’enseignement et la
guée le 4 octobre 1958. Mais elle n’est aujourd’hui qu’un élément liberté de conscience (Décis. Cons. const. no 77-87 du 23 nov.
de ce que l’on appelle le « bloc de constitutionnalité ». Celui-ci 1977, Rec. Cons. const., p. 42), l’indépendance de la juridiction
comprend, en effet, outre les articles de la Constitution (numéro- administrative (Décis. Cons. const. no 80-119 du 22 juill. 1980,
tés de 1 à 89, mais certains ont été multipliés par l’utilisation d’in- Rec. Cons. const., p. 46), le principe faisant de l’autorité judi-
dices, cependant que d’autres ont été abrogés), le préambule de ciaire le gardien de la propriété immobilière (Décis. Cons. const.
celle-ci et, à travers lui, la Déclaration des droits de l’homme et no 89-256 du 25 juill. 1989, Rec. Cons. const., p. 53), le res-
du citoyen du 26 août 1789 ainsi que le préambule de la Consti- pect des droits de la défense devant les juridictions répressives
tution de 1946 incluant les « principes fondamentaux reconnus (Décis. Cons. const. no 99-416 du 23 juill. 1999, Rec. Cons.
par les lois de la République » (V. infra, no 13) ; auxquels on peut const., p. 100 ; J. RIVERO, Les principes fondamentaux recon-
ajouter, dans une acception large, les lois organiques (V. infra, nus par les lois de la République, D. 1972, chron. 265 ; B. MA-
no 19 et s.). En revanche, les traités considérés par l’article 55 THIEU et M. VERPEAUX, La reconnaissance et l’utilisation des
de la Constitution comme ayant une autorité supérieure à celle principes fondamentaux reconnus par les lois de la République
des lois, sont exclus du bloc de constitutionnalité par le Conseil par le juge : la contribution de l’arrêt Koné du Conseil d’État à
constitutionnel lorsqu’il apprécie la constitutionnalité de celles-ci l’analyse de la hiérarchie des normes en matière de droits fon-
(V. infra, no 117 et s.) ; mais ils demeurent sources de la léga- damentaux, D. 1997, chron. 219).
lité à laquelle est soumise l’Administration (V. infra, no 258). La
Constitution ne peut être révisée que dans les conditions de ses 14. De même, il convient de relever l’utilisation par le Conseil
articles 11 et 89 (V. infra, no 150). constitutionnel du concept « d’objectif à valeur constitutionnelle »

septembre 2004 -5- Rép. civ. Dalloz


LOIS ET DÉCRETS

(Décis. Cons. const. no 82-141 du 27 juill. 1982, Rec. Cons. dans certaines matières qu’elle énumère limitativement, com-
const., p. 48 ; Décis. Cons. const. no 98-401 du 10 juin 1998, plètent la Constitution sur des points importants ; par ex. : moda-
Rec. Cons. const., p. 258 ; Décis. Cons. const. no 98-407 du lités d’application de l’article 6 concernant l’élection du Président
14 janv. 1999, Rec. Cons. const., p. 21 ; Décis. Cons. const. de la République ; durée des pouvoirs de chaque assemblée,
no 99-421 du 16 déc. 1999, Rec. Cons. const., p. 136 [accessi- nombre de ses membres, leurs indemnités, leurs conditions d’éli-
bilité et intelligibilité de la loi] ; Décis. Cons. const. no 99-423 du gibilité (Const., art. 23 ; V., par ex., L. org. no 2003-696 du 30 juill.
13 janv. 2000, Rec. Cons. const., p. 33). C’est ainsi que, à pro- 2003 portant réforme de la durée du mandat et de l’âge d’éligi-
pos de la loi du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au bilité des sénateurs ainsi que de la composition du Sénat, JO
renouvellement urbain (SRU), le Conseil constitutionnel a jugé 31 juill.) ; précisions et compléments pouvant être apportés à
que la possibilité pour toute personne d’obtenir un logement dé- l’énumération des matières législatives au sens strict (art. 34) ;
cent était un objectif à valeur constitutionnelle autorisant le légis- vote de la loi de finances (art. 47) ; vote de la loi de finance-
lateur à imposer des obligations particulières aux bailleurs ; mais ment de la sécurité sociale (art. 47-1) ; règles d’organisation et
le Conseil s’est efforcé de ménager les droits de ceux-ci quant de fonctionnement du Conseil constitutionnel et procédure suivie
à la durée du bail, qu’ils n’avaient signé que pour une durée dé- devant lui, notamment délais ouverts pour le saisir de contesta-
terminée, ce qui interdisait d’en imposer la prorogation (Décis. tions (art. 63) ; statut de la magistrature (art. 64 ; V., par ex.,
Cons. const. no 2000-436 du 7 déc. 2000, Rec. Cons. const., L. org. no 2003-153 du 26 févr. 2003 relative aux juges de proxi-
p. 176, JCP 2001. I. 350, no 28, note B. Mathieu et M. Verpeaux). mité [JO 27 févr.], modifiant l’ordonnance no 58-1270 du 22 déc.
1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature) ;
15. Et, tout récemment, on a pu stigmatiser la réécriture par conditions d’application de l’article 65 concernant le Conseil su-
le Conseil constitutionnel de la loi sur le pacte civil de solidari- périeur de la magistrature ; conditions d’application de l’article
té (PACS), au mépris pourtant des pouvoirs du Parlement, du 88-3 relatif au droit de vote et d’éligibilité aux élections munici-
Gouvernement et de l’autorité judiciaire (N. MOLFESSIS, La ré- pales pouvant être accordé aux citoyens de l’Union résidant en
écriture de la loi relative au PACS par le Conseil constitutionnel, France. De même, les articles 72 à 74 de la Constitution relatifs
JCP 2000. I. 210). aux collectivités territoriales, exigent, en diverses circonstances,
16. En revanche, le Conseil constitutionnel ne s’est pas en- le vote d’une loi organique.
core cru habilité à apprécier la conformité à la Constitution d’une 20. Les lois organiques, votées selon une procédure particu-
révision constitutionnelle (Décis. Cons. const. no 2003-469 lière fixée par les articles 46, 61, alinéa 1er et 88-3, de la Consti-
du 26 mars 2003, JO 29 mars, Petites affiches 8 avr. 2003, tution (V. infra, no 151), ont une autorité inférieure à celle de
p. 17, note J.-E. Schoetter, JCP 2003. II. 10066, note J.-C. Zar- la Constitution qu’elles ne peuvent modifier, mais supérieure à
ka, D. 2003.1099, Point de vue par H. Moutouh ; LIBCHABER, celle des lois ordinaires : une loi ordinaire qui contredirait une
RTD civ. 2003.563). loi organique pourrait être jugée contraire à la Constitution par le
17. L’extension des normes auxquelles se réfère le Conseil Conseil constitutionnel, ce qui en interdirait la promulgation. Bien
constitutionnel, parce qu’elle affecte des règles et des principes qu’ayant une valeur inférieure à celle de la Constitution, les lois
intéressant les droits et les libertés, est susceptible d’avoir des organiques font aussi partie du « bloc de constitutionnalité » au
incidences dans de nombreux domaines et de conduire à une sens large, car le Conseil constitutionnel s’y réfère pour contrôler
« constitutionnalisation du droit » (L. FAVOREU, Mélanges les lois ordinaires (F. HAMON et M. TROPER, Droit constitution-
Drago, 1996, p. 25 et s. ; V. aussi, du même auteur, L’influence nel, 28e éd., LGDJ, p. 733 et s.).
de la jurisprudence du Conseil constitutionnel dans les di-
verses branches du droit, Mélanges L. Hamon 1982, p. 235 ; ART. 2. – LOIS ORDINAIRES.
G. LYON-CAEN, La jurisprudence du Conseil constitutionnel
intéressant le droit du travail, D. 1989, chron. 289 ; J. LE CAL- 21. Il convient de distinguer parmi elles : les lois habituelles et
VEZ, Les principes constitutionnels en droit pénal, JCP 1985. les lois particulières.
I. 3198 ; J. FOYER, De l’influence de la Constitution sur le droit
privé, RID comp. 1981.539 ; N. MOLFESSIS, Le Conseil consti- § 1er. – Lois habituelles.
tutionnel et le droit privé, thèse Paris II, 1997 ; adde : C. ATIAS, 22. Ce sont les dispositions générales et impersonnelles, c’est-
La civilisation du Conseil constitutionnel, Journ. des Econom. à-dire les règles de droit (normes juridiques générales) votées
et des Études Humaines, oct. 1990, p. 337 ; J.-Y. CHÉROT, par le Parlement (Const., art. 34) ou adoptées par voie de réfé-
Les rapports du droit civil et du droit constitutionnel, eod. loc. rendum (Const., art. 11 ; sur les lois référendaires qui ne consti-
p. 511 ; sur l’influence du droit constitutionnel sur la procédure tuent pas une catégorie particulière de lois et qui peuvent être
civile, V. Décis. Cons. const. no 77-99 du 20 juill. 1977 [sur modifiées ou abrogées de la même manière que les lois parle-
la Cour de cassation], Rec. Cons. const., p. 63, et sur le droit mentaires, V. infra, no 48 et s.). Applicables en métropole, elles
commercial : Décis. Cons. const. no 86-207 des 25 et 26 juin le sont aussi dans les départements et régions d’outre-mer ainsi
1986 [sur les privatisations et les prix], Rec. Cons. const., p. 61, que dans les collectivités d’outre-mer, au besoin après adapta-
GDCC, no 39 ; adde, sur la « surprenante » résurrection des tions (V. infra, no 286 et s.).
principes fondamentaux reconnus par les lois de la République,
par le Conseil d’État et les juridictions judiciaires, notamment la § 2. – Lois particulières.
Cour de cassation, V. N. MOLFESSIS, obs. RTD civ. 1997.787).
23. Sont des lois particulières : les lois de finances et les lois
18. L’extension des règles constitutionnelles procède aussi de de financement de la Sécurité sociale, les lois de programme,
l’interprétation que donne de celles-ci le Conseil constitutionnel les lois de plan, les lois d’orientation, et d’autres encore, notam-
dans l’exercice du contrôle de constitutionnalité des lois qui lui ment les « Lois du pays » de Nouvelle-Calédonie et de Polynésie
sont déférées (V. infra, no 294 et s.), car cette interprétation tend, française.
en pratique, à s’incorporer aux textes constitutionnels.
A. – Lois de finances et lois de financement de la Sécurité sociale.
§ 2. – Lois organiques.
24. Les lois de finances « déterminent les ressources et les
19. Les lois organiques, auxquelles la Constitution de 1958 re- charges de l’État », et les lois de financement de la Sécurité so-
connaît formellement cette qualité et dont elle exige l’intervention ciale, « les conditions générales de son équilibre financier et,

Rép. civ. Dalloz -6- septembre 2004


LOIS ET DÉCRETS

compte tenu de leurs prévisions de recettes, fixent ses objec- le projet de loi doit être « soumis en premier lieu au Sénat »
tifs de dépenses ». Ces lois doivent être votées, d’une part, (Const., art. 39, al. 2), les lois-cadres, qui contiennent des dispo-
« dans les conditions et sous les réserves prévues par une loi sitions ne se suffisant pas à elles-mêmes et qui auront donc be-
organique » (Const., art. 34, al. 5 et 6 et art. 42, al. 5 de l’Ord. soin d’être complétées par le législateur (mais toute loi n’est-elle
no 59-2 du 2 janv. 1959 portant loi organique relative aux lois de pas congénitalement, peu ou prou, une loi-cadre appelant pré-
finances, JO 3 janv., rect. 11 janv. ; V. aussi L. org. no 2001-692 cisions et compléments, in fine de la part du juge ? V. jurispru-
du 1er août 2001 [D. 2001.2474], art. 40, dont l’entrée en vigueur dence). Sont aussi des lois particulières les lois portant diverses
de principe est fixée au 1er janvier 2005 [art. 67] et qui abroge- dispositions d’ordre social (DDOS) ou d’ordre fiscal (DDOF) (par
ra à cette date l’ordonnance de 1959), et d’autre part, dans les ex. L. no 98-546 du 2 juill. 1998, JO 3 juill., rect. 9 juill., por-
conditions prévues par l’article 47 de la Constitution pour les lois tant diverses dispositions d’ordre économique et financier), les-
de finances et par l’article 47-1 pour les lois de financement de quelles constituent les réceptacles de dispositions hétérogènes,
la Sécurité sociale. Pour les deux catégories de lois, le projet ce pourquoi l’usage a pu en être critiqué, alors même que « la
de loi doit être soumis en premier lieu à l’Assemblée nationale commodité de cette pratique [interdirait] de la proscrire complè-
(Const., art. 39, al. 2). tement » (Rép. min. du Premier ministre, JOAN 11 janv. 1993).
Il est permis d’ajouter à la liste, la loi no 2001-1168 du 11 dé-
cembre 2001 portant mesures urgentes de réformes à caractère
B. – Lois de programme et lois de plan.
économique et financier (MURCEF) (JO 12 déc.), ainsi que les
lois à caractère expérimental (Const., art. 37-1 : « La loi et le
25. Les lois de programme (V., par ex., L. no 2003-660 du 21 juill. règlement peuvent comporter, pour un objet et une durée limi-
2003 de programme pour l’outre-mer, JO 22 juill.) « déterminent tés, des dispositions à caractère expérimental » ; V., par ex.,
les objectifs de l’action économique et sociale de l’État » (Const., dès avant que la possibilité en soit prévue par la Constitution :
art. 34, al. 7). En réalité, elles ne constituent qu’un engagement L. Veil no 75-17 du 17 janv. 1975, JO 18 janv. supprimant, pour
de l’État envers lui-même et non envers les tiers, car ces lois ne cinq années, la répression de l’avortement).
peuvent permettre d’engager l’État à l’égard de ceux-ci que dans
les limites des autorisations de programmes contenues dans la
28. Il faut ajouter aujourd’hui aux lois particulières, les « Lois
loi de finances de l’année (Ord. 2 janv. 1959 portant loi or-
du pays » de Nouvelle Calédonie. En effet, la Nouvelle-Calédo-
ganique relative aux lois de finances, art. 2, al. 5, et art. 34 II
nie bénéficie d’un statut spécial dont les règles sont fixées par
4o L. préc. du 1er août 2001). Des lois de programme, il faut
la loi organique no 99-209 du 19 mars 1999 (JO 21 mars, rect.
rapprocher les lois de plan, lesquelles semblent avoir un objectif
16 avr.) prise en application du titre XIII de la Constitution dont le
plus lointain dans la prévision (V. L. no 82-653 du 29 juill. 1982
contenu actuel résulte d’une loi de révision no 98-610 du 20 juillet
sur la procédure d’élaboration des lois de plan, JO 30 juill.). Tout
1998 (JO 21 juill.). Ces règles dérogent, sur nombre de points,
plan ou tout projet de loi de programme à caractère économique
au principe de l’unité de la République. En effet, l’organe déli-
ou social doit être soumis pour avis au Conseil économique et
bérant de la Nouvelle-Calédonie (le Congrès) peut adopter des
social (Const., art. 70).
actes législatifs (les « lois du pays ») dans plusieurs matières
(art. 99 de la loi organique) qui selon l’article 34 de la Constitu-
C. – Lois d’orientation. tion, relèveraient normalement de la compétence du Parlement
de la République (assiette et recouvrement des impôts, principes
26. Elles ne font l’objet d’aucune disposition dans la Consti- fondamentaux du droit du travail, du droit syndical et de la sécu-
tution. Utilisée pour la première fois, depuis 1958, avec la loi rité sociale ; état et capacité des personnes, etc.). Ces « lois »
d’orientation agricole no 60-808 du 5 août 1960 (JO 7 août, rect. sont soumises au contrôle du Conseil constitutionnel, mais se-
26 août ; V. depuis L. no 80-502 du 4 juill. 1980, JO 5 juill., rect. lon une procédure particulière qui déroge à celle prévue par l’ar-
JO 18 juill.), l’expression a été reprise lors du vote de plusieurs ticle 61, alinéa 2 de la Constitution pour les lois de la métropole.
autres lois (Loi no 67-1253 du 30 déc. 1967 d’orientation fon- Constituent aussi des lois particulières les « lois du pays » de
cière, JO 3 janv. ; Loi no 68-978 du 12 nov. 1968, JO 13 nov., la Polynésie française, collectivité d’outre-mer dont l’autonomie
d’orientation de l’enseignement supérieur ; Loi no 73-1193 du est régie par l’article 74 de la Constitution, qui dérogent plus en-
27 déc. 1973, JO 30 déc., d’orientation du commerce et de l’ar- core que les précédentes au principe de l’unité de la République
tisanat ; Loi no 89-486 du 10 juill. 1989, JO 14 juill., d’orientation (L. no 2004-192 du 27 févr. 2004 portant statut d’autonomie de la
sur l’éducation ; Loi no 95-73 du 21 janv. 1995 d’orientation et de Polynésie française et L. no 2004-193 du 27 févr. 2004 complé-
programmation relative à la sécurité, JO 24 janv. ; Loi no 98-657 tant le statut d’autonomie de la Polynésie française, JO 2 mars).
du 29 juill. 1998, JO 31 juill., d’orientation relative à la lutte contre
les exclusions ; Loi no 2001-602 du 9 juill. 2001, JO 11 juill.,
d’orientation sur la forêt ; Loi no 2002-1138 du 9 sept. 2002, JO SECTION 3
10 sept., rect. 24 déc., d’orientation et de programmation pour la
justice ; Loi no 2002-1094 du 29 août 2002, JO 30 août, d’orien- Lois au seul sens matériel : les règlements.
tation et de programmation pour la sécurité intérieure, mod. par
L. no 2003-239 du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure, JO 29. Ce sont des règles de droit (normes juridiques générales),
19 mars, rect. 5 juin). Ayant pour finalité de servir de fonde- mais émanant du pouvoir réglementaire (par ex. arrêté municipal
ment à une politique nouvelle dans un secteur déterminé, elles fixant les règles de stationnement dans la commune). Il en existe
contiennent, tout à la fois, des règles de droit directement ap- plusieurs catégories entre les mains des divers détenteurs du
plicables et des principes d’orientation pour la législation à venir pouvoir réglementaire.
qui s’imposent au pouvoir réglementaire.

D. – Autres catégories de lois particulières. ART. 1er. – LES DIFFÉRENTES CATÉGORIES DE RÈGLEMENTS.

27. Il est permis de citer : les lois relatives à l’organisation des 30. Une distinction fondamentale s’impose, renforcée par la
collectivités territoriales et les lois relatives aux instances repré- Constitution de 1958, entre les règlements d’exécution ou d’ap-
sentatives des Français établis hors de France, pour lesquelles plication des lois et les règlements autonomes de l’article 37 de

septembre 2004 -7- Rép. civ. Dalloz


LOIS ET DÉCRETS

la Constitution. Mais il faut ajouter à la liste des moyens légaux Cour de cassation considère que la loi est immédiatement appli-
d’expression du pouvoir réglementaire les ordonnances que ce- cable, même si elle prévoit des actes réglementaires pour son
lui-ci peut prendre en application des articles 38 et 11 et les dé- application (Cass. 2e civ. 1er avr. 1987, Bull. civ. II, no 6, p. 40),
cisions que le Président de la République peut prendre en appli- mais à la condition que la loi se suffise à elle-même (Civ. 13 janv.
cation de l’article 16 de la Constitution. 1943, S. 1943. II. 74 ; Cass. soc. 22 mars 1989, Bull. civ. V,
no 242 ; Cass. 3e civ. 2 déc. 1981, Bull. civ. III, no 199 ; 4 nov.
1987, Gaz. Pal. 1988. I. 394 ; Cass crim. 1er mars 1990, Bull.
§ 1er. – Règlements d’exécution ou d’application des lois. crim., no 102 ; 18 sept. 1990, ibid. no 315, solutions consa-
crées par l’Ord. no 2004-164 du 20 févr. 2004, JO 21 févr. ;
31. Ce sont les décrets et arrêtés « d’exécution » (si l’on y voit V. infra, no 199 et s. ; sur la possible incertitude de la solution,
l’instrument pour le pouvoir réglementaire d’assurer sa mission V. J.-P. CLÉMENT, À propos de la date d’applicabilité de l’article
d’exécuter les lois [Const., art. 21]), ou d’« application », si on 1er de la loi du 31 décembre 1989 (loi Daubin) aux contrats de
les considère comme outils de création de droit nouveau par franchise, Gaz. Pal. 1992. I. doctr. 126 ; C. CHARBONNAUD,
les précisions et compléments qu’ils apportent (sur les mesures La loi du 31 décembre 1989 et la protection des franchisés, Mé-
d’application, V. VÉNEZIA, Mélanges Chapus 1992, p. 673 et s., langes Derruppé, Litec, p. 121 ; adde : CA Paris, 7 avr. 1993,
qui distingue les mesures prises pour l’application, les mesures D. 1995, somm. 75, 5e esp., obs. Ferrier).
prises en application et les mesures prises par application), et
les circulaires réglementaires.
35. Une autre catégorie de règlements existait autrefois : les rè-
glements d’administration publique pris sur l’invitation du législa-
A. – Décrets et arrêtés d’exécution ou d’application. teur en vue de l’application d’une loi. On les considérait comme
situés au sommet de la hiérarchie des actes administratifs, et l’on
32. Depuis 1789, la tradition constitutionnelle française assu- pensait même, à l’origine, qu’ils procédaient d’une délégation lé-
rait la suprématie de la loi parlementaire sur le règlement en ne gislative qui les rendait insusceptibles d’un recours pour excès
reconnaissant au Gouvernement que la mission d’assurer l’exé- de pouvoir. Depuis un arrêt du 6 décembre 1907, Compagnie
cution des lois. Mais c’était laisser au Parlement la mission im- des chemins de fer de l’Est (p. 913, concl. Tardieu, D. 1909.3.57,
possible de régler par lui-même tous les détails et d’assurer, de concl. Tardieu) le Conseil d’État, mettant l’accent sur leur carac-
la même manière, les prolongements des textes votés. Aussi tère d’acte émanant d’une autorité administrative, soumettait les
bien, dès la Constitution de l’an VIII, fut affirmé le pouvoir ré- règlements d’administration publique au contrôle du juge admi-
glementaire du Gouvernement (« Le Gouvernement propose les nistratif. Les lois organiques des 7 et 21 juillet 1980, consacrant
lois et fait les règlements nécessaires pour assurer leur exécu- la pratique du renvoi à des « décrets en Conseil d’État » sou-
tion »), réaffirmé par toutes les constitutions successives, au- mis à une procédure moins solennelle (l’avis d’une seule section
jourd’hui par la Constitution de 1958 (art. 21 : « Le Premier mi- administrative du Conseil d’État suffit, alors que la consultation
nistre assure l’exécution des lois »). de l’Assemblée générale s’imposait pour les règlements d’admi-
nistration publique) supprimèrent la catégorie et la remplacèrent
33. Procéder à l’exécution et à l’application des lois n’est pas par celle des décrets en Conseil d’État, auxquels le législateur
seulement une faculté ; c’est, pour le pouvoir réglementaire, une renvoie désormais.
obligation (J.-M. AUBY, L’obligation gouvernementale d’assurer
l’exécution des lois, JCP 1953. I. 1080 ; adde : J. CARBON- 36. Les textes concernant l’exécution et l’application des lois fi-
NIER, Effectivité et ineffectivité de la règle de droit, Année socio- gurent essentiellement dans la Constitution. Mais sans doute
logique 1957-1958, p. 3 et Flexible droit, 10e éd., 2001, p. 136), faudrait-il y ajouter certaines dispositions du titre préliminaire du
que la loi considérée ait ou non renvoyé expressément à des rè- code civil : l’article 1er relatif à la promulgation et à l’exécution
glements pour l’application de ses dispositions. En effet, si elle des lois, l’article 2 réglementant leur application dans le temps,
ne l’a pas fait, le pouvoir réglementaire est chargé par l’article l’article 3 relatif à leur application dans l’espace, l’article 4 qui
21 de la Constitution de prendre en tout état de cause les dis- assure le prolongement possible de la loi par le juge en interdi-
positions réglementaires qui s’imposent. Pour la même raison, sant à celui-ci de refuser de juger « sous prétexte du silence, de
même si les autorités réglementaires ne sont pas, en principe, l’obscurité ou de l’insuffisance de la loi », l’article 5 qui contribue
obligées de respecter le délai fixé parfois par la loi, lequel n’a à assurer la défense du domaine de la loi en interdisant aux juges
qu’une valeur indicative (CE 23 oct. 1992, Diemert, Union na- de « prononcer par voie de disposition générale et réglementaire
tionale des organisations syndicales des transporteurs routiers sur les causes qui leur sont soumises », c’est-à-dire de rendre
automobiles, p. 374, D. 1992.511, concl. Legal) le défaut d’édic- des arrêts de règlement (V. jurisprudence, no 160 et s.), l’article
tion des règlements d’application dans un délai raisonnable, est 6 qui interdit de déroger aux lois qui intéressent l’ordre public et
susceptible d’engager la responsabilité de l’État, au besoin sous les bonnes mœurs ; mais aussi le décret du Gouvernement de la
astreinte (CE 11 mars 1994, JCP 1994, II. 22333, note Lascombe Défense nationale à Paris du 5 novembre 1870 qui réglemente la
et Vandendriessche ; 3 oct. 1997, JCP 1998.161, no 1170, obs. publication des lois et décrets, ainsi que, ayant le même objet, les
M.-C. Rouault ; 28 juill. 2000, Assoc. France Nature Environ- ordonnances du 27 novembre 1816 et du 18 janvier 1817, textes
nement, Petites affiches 17 nov. 2000, p. 34, note Laquièze : aujourd’hui abrogés par l’ordonnance no 2004-164 du 20 février
condamnation de l’État français, sous astreinte de 1 000 F par 2004 (V. infra, no 199 et s.).
jour, à édicter, dans un délai de six mois, certains décrets d’ap-
plication de la loi Littorale du 3 janvier 1986, après 14 années de
retard !). B. – Circulaires réglementaires.

34. Le législateur, en prévoyant des règlements d’application, 37. Il existe deux sortes de circulaires (instructions ou direc-
peut préciser que l’entrée en vigueur de la loi sera retardée jus- tives) : les circulaires interprétatives et les circulaires réglemen-
qu’à la publication de ceux-ci. Dans ce cas, les tribunaux ne taires. Elles sont les unes et les autres soumises à publication
peuvent appliquer le texte tant qu’il est en attente de ses règle- depuis une loi no 78-753 du 17 juillet 1978 (JO 18 juill., art. 9),
ments (Cass. 3e civ. 3 oct. 1980, Bull. civ. III, no 145 ; Cass. les plus importantes étant publiées au Journal officiel de la Répu-
soc. 5 nov. 1981, Bull. civ. V, no 864 ; 25 mai 1982, Bull. civ. blique française (V., par ex., Instruction générale relative à l’état
V, no 330). En revanche, en l’absence d’une telle précision, la civil du 11 mai 1999, mod. par Instr. gén. du 29 mars 2002 ;

Rép. civ. Dalloz -8- septembre 2004


LOIS ET DÉCRETS

Circ. du 7 janv. 2004 portant manuel d’application du code des le juge, de distinguer entre circulaire interprétative et circulaire
marchés publics, JO, annexe du no 6, p. 37031). réglementaire, car le passage d’un caractère à l’autre peut être
insensible (CE 29 janv. 1954, Institution Notre-Dame du Kreis-
38. Les premières, instruments d’information à l’intérieur de l’Ad- ker, p. 64, RPDA 1954.50, concl. Tricot, GAJA 12e éd., no 80).
ministration, ont pour but, notamment, de faire connaître l’inter-
prétation que, selon le ministre ou l’autorité hiérarchique concer- 43. Des circulaires interprétatives, il faudrait rapprocher les Ré-
née, il convient de donner à un texte plus ou moins obscur. ponses ministérielles aux questions écrites posées par des par-
S’adressant aux agents des services, elles constituent, tant pour lementaires en vue d’être informés sur l’interprétation d’une loi
la Cour de cassation (Cass. req. 11 janv. 1816, S. 1816. I. 366 ; ou d’un décret (V. B. OPPETIT, Les questions ministérielles aux
13 mars 1901, D. 1901. I. 161 ; 15 mai 1923 et 7 avr. 1925, questions écrites des parlementaires et l’interprétation des lois,
DP 1926. I. 168 ; Cass. com. 23 oct. 1950, D. 1951.4, GAJC D. 1974, chron. 107, réédité in Droit et modernité 1998, p. 137
11e éd., no 7, p. 39 ; Cass. 3e civ. 26 mai 1992, Bull. civ. III, et s.). Bien que généralement émises « sous la réserve de l’ap-
no 167) que pour le Conseil d’État des mesures internes, inop- préciation souveraine des tribunaux » (que de toute manière
posables aux particuliers, lesquels ne peuvent corrélativement elles ne lient pas, V., par ex., Cass. soc. 29 janv. 1981, JCP
en réclamer l’application à leur profit, ni les attaquer devant le 1981.4.125), elles ont un effet incitatif certain, principalement au-
juge administratif. De ces circulaires, il faut rapprocher certaines près des professionnels qu’elles dissuadent de s’opposer à l’Ad-
directives ministérielles (V., par ex., Directive nationale d’orien- ministration, notamment en matière fiscale. Les réponses mi-
tation du 1er oct. 2003 relative au plan d’action gouvernemental nistérielles évoquent les rescrits par lesquels les empereurs ro-
en faveur de l’assiduité scolaire et de la responsabilisation des mains répondaient à des demandes de consultations juridiques,
familles, JO 18 oct.). et on a cru pouvoir évoquer, de nos jours, une « résurgence
du rescrit » (B. OPPETIT, La résurgence du rescrit, D. 1991,
39. Les secondes, les circulaires réglementaires, contiennent de chron. 105, réédité in Droit et modernité, p. 153 et s. ; adde
véritables règles de droit (V., par ex., Circ. 16 mai 2003 relative LIBCHABER, RTD civ. 1998.216), par exemple le rescrit fiscal
à la négociation commerciale entre fournisseurs et distributeurs, instauré par la loi no 87-502 du 8 juillet 1987 modifiant les pro-
JO 25 mai, D. 2003.1483, et D. FERRIER, La circulaire dite « Du- cédures fiscales et douanières (JO 9 juill., art. 19) et l’instruc-
treil » du 16 mai 2003 : une nouvelle approche de la négocia- tion du 16 décembre 1988 (LPF, art. L. 64 B et L. 80) qui per-
tion entre fournisseur et distributeur, D. 2003/ref, chron. 1751) met au contribuable de solliciter l’appréciation de l’administration
et constituent, mais pour le Conseil d’État seulement, des règle- des impôts sur une situation fiscale au regard d’un texte dont
ments dont les administrés peuvent se réclamer et à l’encontre les conséquences, une fois acceptées, ne pourront plus être re-
desquels ils peuvent former un recours en annulation. mises en cause. V., dans le même esprit, le règlement no 90-07,
homologué par arrêté du ministre de l’Économie et des finances
40. Mais le Conseil d’État entend parfois de manière très stricte du 5 juillet 1990, par lequel la Commission des opérations de
la notion de circulaire réglementaire et a recours à celle de cir- bourse, aujourd’hui disparue en tant que telle (V. infra, no 59), a
culaires directives dont la validité ne peut être appréciée par le admis que, « consultée par écrit préalablement à la réalisation
juge que lors d’un recours dirigé contre les décisions auxquelles d’une opération et sur une question relative à l’interprétation de
elles ont servi de fondement (CE 11 déc. 1970, Crédit foncier ses règlements », elle pourrait rendre un avis précisant qu’une
de France, p. 750, concl. Bertrand, D. 1971.673, note Loschak, opération projetée ne leur est pas contraire, l’accord donné met-
RDPA 1971.1224, note Waline, JCP 1972. II. 17232, note Fro- tant l’intéressé à l’abri de contestations futures (P. LE CANNU,
mont, GAJA 11e éd., no 7, p. 39 et s.). Le rescrit de la COB, un nouvel instrument d’interprétation du
droit boursier, Bull. Joly Sociétés 1990.927 ; M. GALLIMARD,
41. En outre, en ce qui concerne les circulaires réglementaires, Le rescrit boursier, Journ. not. 1990.1209 et s. ; N. DECOOP-
le Conseil d’État déclare que « l’interprétation que l’autorité ad- MAN, Le rescrit boursier, Rev. soc. 1991.449). Aussi bien, la loi
ministrative donne au moyen de dispositions impératives à ca- no 78-753 du 17 juillet 1978 portant diverses mesures d’amé-
ractère général, des lois et règlements qu’elle a pour mission lioration des relations entre l’Administration et le public et di-
de mettre en œuvre n’est susceptible d’être directement déférée verses dispositions d’ordre administratif, social et fiscal, a-t-elle
au juge de l’excès de pouvoir que si et dans la mesure où cette prévu que « font l’objet d’une publication régulière : 1) les direc-
interprétation méconnaît le sens et la portée des prescriptions tives, instructions, circulaires, notes et réponses ministérielles
législatives ou réglementaires qu’elle se propose d’expliciter ou qui comportent une interprétation du droit positif ou une descrip-
contrevient aux exigences inhérentes à la hiérarchie des normes tion des procédures administratives ».
juridiques » (CE 9 oct. 2002, Petites affiches 4 mars 2003, p. 18,
note G. Koubi ; V. aussi, P. COMBEAU, Une avancée dans le § 2. – Règlements autonomes pris en application de
contrôle juridictionnel des circulaires ?, Petites affiches 23 juin l’article 37 de la Constitution.
2003, p. 19 et s.)
44. S’écartant délibérément de la tradition constitutionnelle fran-
42. Certaines circulaires contiennent, tout à la fois, des dispo- çaise issue de la Révolution de 1789 qui assurait la supréma-
sitions interprétatives et des dispositions réglementaires (V., par tie du Parlement, la Constitution du 4 octobre 1958, poursuivant
ex., Circ. du 17 mars 2003 relative à l’entrée en vigueur du rè- un processus amorcé sous la IVe République avec une loi du
glement communautaire no 1346/2000 du 29 mai 2000 relatif aux 17 août 1948, a réparti le pouvoir législatif entre le Parlement
procédures d’insolvabilité, JO 30 juill. ; V. aussi Circ. 18 mai 2004 (art. 34 ; V. infra, no 61 et s.) et le Gouvernement (art. 37), en
relative à la mise en œuvre de la loi no 2004-228 du 15 mars 2004 admettant, de surcroît, une extension possible du domaine régle-
encadrant, en application du principe de laïcité, le port de signes mentaire dans ses articles 38, 11 et 16 (V. infra, no 46 et s.), si l’on
ou de tenues manifestant une appartenance religieuse dans les fait abstraction de l’article 92, qui figurait au titre XVII (abrogé par
écoles, collèges et lycées publics [JO 22 mai] qui occupe plus la loi constitutionnelle no 95-880 du 4 août 1995, JO 5 août), et
de trois colonnes du Journal officiel alors que dans la loi [JO qui, à titre transitoire (jusqu’au 4 févr. 1959), autorisait le Gou-
17 mars] l’interdiction du port de ces signes ou tenues n’occupe vernement à prendre, par ordonnances ayant force de loi bien
que sept lignes !). Considérées comme mixtes, un recours à que non soumises à ratification par le Parlement, les mesures
leur encontre n’est recevable qu’en ce qui concerne leurs dis- législatives nécessaires, notamment, à la mise en place des ins-
positions réglementaires. Mais il n’est pas toujours facile, pour titutions et au fonctionnement des pouvoirs publics.

septembre 2004 -9- Rép. civ. Dalloz


LOIS ET DÉCRETS

45. Les règlements pris en application de l’article 37, le sont B. – Ordonnances référendaires prises en application de
dans des matières réservées au pouvoir réglementaire, les- l’article 11 de la Constitution.
quelles constituent un véritable domaine réglementaire par
nature, protégé contre les intrusions de la loi parlementaire. Ces 48. L’article 11 de la Constitution dispose que : « Le Président de
matières sont définies négativement : ce sont toutes celles que la République, sur proposition du Gouvernement pendant la du-
ne réserve pas expressément au pouvoir législatif du Parlement rée des sessions ou sur proposition conjointe des deux assem-
l’article 34, alinéa 1er : « Les matières autres que celles qui sont blées, publiées au Journal officiel, peut soumettre au référendum
du domaine de la loi ont un caractère réglementaire ». Il en ré- tout projet de loi portant sur l’organisation des pouvoirs publics,
sulte que la compétence législative du pouvoir réglementaire du sur des réformes relatives à la politique économique ou sociale
Gouvernement est aujourd’hui techniquement une compétence de la Nation et aux services publics qui y concourent, ou ten-
de droit commun, le Parlement n’ayant plus qu’une compétence dant à autoriser la ratification d’un traité qui, sans être contraire
d’attribution, celle qui lui est expressément attribuée par l’article à la Constitution, aurait des incidences sur le fonctionnement des
34. Ces « règlements autonomes » n’échappent cependant pas institutions (al. 1er). Le domaine des lois référendaires est donc
au principe de légalité (R. CHAPUS, De la soumission au droit plus limité que celui des ordonnances de l’article 38, lesquelles
des règlements autonomes, D. 1960, chron. 119). Ils constituent peuvent porter sur toute matière relevant du domaine de la loi.
une catégorie d’actes administratifs susceptibles d’un recours Lorsque le référendum est organisé sur proposition du Gouver-
en annulation devant le juge administratif (CE 12 févr. 1960, Sté nement, celui-ci fait, devant chaque assemblée, une déclaration
Eky, D. 1960.263, note L’Huillier, S. 1961.131, concl. Kahn) et qui est suivie d’un débat (al. 2). Lorsque le référendum a conclu
sont soumis au respect, non seulement des règles constitution- à l’adoption du projet de loi, le Président de la République pro-
nelles, mais aussi des principes généraux du droit (CE 26 juin mulgue la loi référendaire dans les quinze jours qui suivent la
1959, Synd. général des ingénieurs conseils, D. 1959.541, note proclamation des résultats de la consultation (al. 3) ».
L’Huillier, S. 1959.202, note R. Drago).
49. Il arrive qu’une loi référendaire, à l’instar des lois d’habili-
tation de l’article 38, autorise le Gouvernement ou le Président
§ 3. – Règlements pris en application des articles de la République à prendre par ordonnances, pendant un cer-
38 et 11 et décisions prises en conséquence de tain délai, des mesures qui sont normalement du domaine de la
l’article 16 de la Constitution. loi (V., par ex., la loi adoptée par référendum du 13 avr. 1962,
disposant [art. 2] que jusqu’à la mise en place en Algérie de
l’organisation politique nouvelle, le Président de la République
A. – Ordonnances prises en application de l’article 38 de la Constitution.
pourrait arrêter par voie d’ordonnances ou de décrets pris en
Conseil des ministres, toutes mesures législatives ou réglemen-
46. L’ancienne pratique des décrets-lois, courante dans les der- taires relatives à l’application des déclarations gouvernemen-
nières années de la IIIe République et opérant délégation de tales du 19 mars 1962 [accords d’Évian]). Les ordonnances
pouvoir par le Parlement, a été consacrée sous le nom d’ordon- prises dans ces conditions ont, en raison de la qualité de leur au-
nance par la Constitution de 1958, sans qu’aucune matière ne teur une nature administrative (CE 19 oct. 1962, Canal, p. 552).
soit soustraite à cette possibilité. L’article 38 de la Constitution
dispose, en effet, que : « Le Gouvernement peut, pour l’exécu- C. – Décisions prises en conséquence de l’article 16 de la Constitution.
tion de son programme, demander au Parlement l’autorisation
de prendre par ordonnances, pendant un délai limité, des me- 50. Selon l’article 16 de la Constitution : « Lorsque les institu-
sures qui sont normalement du domaine de la loi » (V., par ex., tions de la République, l’indépendance de la Nation, l’intégrité
L. no 2003-591 du 2 juill. 2003 habilitant le Gouvernement à sim- de son territoire ou l’exécution de ses engagements internatio-
plifier le droit, JO 3 juill. et Ord. no 2003-1235 du 22 déc. 2003 naux sont menacées d’une manière grave et immédiate et que
relative à des mesures de simplification en matière fiscale et sup- le fonctionnement régulier des pouvoirs publics constitutionnels
primant le droit de timbre devant les juridictions administratives, est interrompu, le Président de la République prend les mesures
JO 24 déc. et Décr. [d’application] no 2003-1257 du 26 déc. exigées par ces circonstances, après consultation officielle du
2003 relatif à la suppression du droit de timbre devant les juri- Premier ministre, des présidents des assemblées ainsi que du
dictions administratives et modifiant la partie réglementaire du Conseil constitutionnel... ».
code de la justice administrative, JO 28 déc. La loi précitée du
2 juillet 2003 a aussi permis au Gouvernement de procéder à 51. Les décisions prises en vertu de l’article 16 ont un carac-
l’adoption et à la rectification de la partie législative de plusieurs tère réglementaire lorsqu’elles n’interviennent pas dans les do-
codes [art. 30 à 34]). maines réservés à la loi par l’article 34, ce qui les rend sus-
ceptibles d’un recours pour excès de pouvoir ; sinon, elles ont
47. Les ordonnances, prises en Conseil des ministres après avis force de loi et échappent alors au contrôle du Conseil d’État (CE
du Conseil d’État, sont signées par le Président de la République 2 mars 1962, Rubin de Servens et autres, p. 143, D. 1962.307).
(Const., art. 13, al. 1er) et entrent en vigueur dès leur publication
au Journal officiel de la République française (Const., art. 38, 52. La décision de recourir à l’article 16 est un acte de Gou-
al. 2). Elles ont un caractère réglementaire entre le moment de vernement dont il n’appartient au Conseil d’État ni d’apprécier la
leur édiction et la date limite de l’habilitation, et le conservent légalité, ni de contrôler la durée d’application (CE 2 mars 1962,
tant que le Gouvernement n’a pas, dans le délai qui lui est im- préc.). Le général de Gaulle, Président de la République, a eu
parti par la loi d’habilitation, obtenu du Parlement leur ratification recours à l’article 16, en avril 1961, lors des événements d’Algé-
ou, du moins déposé devant le Parlement le projet de loi de ra- rie.
tification, à défaut de quoi elles seraient caduques (Cass. soc.
10 juin 2003, Bull. civ. V, no 194, p. 191). Une fois ratifiées, elles ART. 2. – LES DÉTENTEURS DU POUVOIR RÉGLEMENTAIRE.
acquièrent valeur législative (sur la procédure de leur création,
V. infra, no 158 et s.). Tous les gouvernements ont eu abondam- 53. Il faut distinguer plusieurs niveaux : celui du Président de
ment recours à cette faculté, au mépris, il faut le dire, de l’équi- la République et du Premier ministre, lesquels disposent d’un
libre des pouvoirs (L. LEVENEUR, Quarante-six transpositions pouvoir réglementaire général, celui des ministres, celui de cer-
par ordonnances : où va-t-on ?, Contrats, conc, consom. févr. taines autorités administratives et celui de certaines institutions
2001.3 ; N. MOLFESSIS, obs. RTD civ. 2001.695). publiques ou privées habilitées par la loi.

Rép. civ. Dalloz - 10 - septembre 2004


LOIS ET DÉCRETS

§ 1er. – Pouvoir réglementaire général du Président de no 2004-192 du 27 févr. 2004, portant statut d’autonomie de la
la République et du Premier ministre. Polynésie française, JO 2 mars).

54. Confié au Président de la République sous la IIIe République,


puis au président du Conseil sous la IVe, le pouvoir réglemen- § 4. – Pouvoir réglementaire de certaines institutions
taire général est partagé aujourd’hui par la Constitution de 1958, publiques ou privées.
entre le Président de la République et le Premier ministre qui
58. Certains organismes publics, plus ou moins indépendants,
l’exercent par voie de décrets. Le Premier ministre est même
ont reçu délégation de la loi pour édicter des règlements (J. CHE-
l’autorité de droit commun en la matière (art. 21), sous la ré-
VALLIER, Réflexions sur l’institution des autorités administra-
serve, cependant, que c’est le Président de la République qui
tives indépendantes, JCP 1986. I. 3254 ; J.-L. AUTIN, Du juge
signe les « ordonnances et les décrets délibérés en Conseil des
administratif aux autorités administratives indépendantes : un
ministres » (art. 13, al. 1er). Mais il arrive que le Président de la
autre mode de régulation, RD publ. 1988.1213 ; Réflexions sur
République signe des décrets qui n’ont pas été délibérés de la
les Autorités administratives indépendantes, Rapport du Conseil
sorte. Dans ce cas, si le Premier ministre et les ministres dont le
d’État 2001, p. 253 et s. ; M. COLLET, Le contrôle juridictionnel
contreseing est requis l’ont contresigné, le décret est considéré
des actes des autorités administratives indépendantes, Petites
comme valable et comme étant l’œuvre du Premier ministre (CE
affiches, sept. 2003, p. 6).
27 avr. 1962, Sicard, p. 279). En revanche, lorsque le Président
de la République a signé un décret délibéré en Conseil des mi-
59. Sont des Autorités Administratives Indépendantes (AAI), par
nistres, celui-ci est considéré comme un décret du Président de
exemple, la Commission nationale de l’informatique et des liber-
la République, alors même qu’aucun texte n’imposait cette déli-
tés (CNIL) (L. no 78-17 du 6 janv. 1978, JO 7 janv.), laquelle
bération, et celui-ci reste compétent pour le modifier ou l’abroger
dispose du pouvoir réglementaire (art. 6) notamment lorsqu’elle
(CE 10 sept. 1992, Meyet, Rec. CE, p. 328, concl. Kessler).
édicte des « normes simplifiées » ou des « règlements types »
55. Il existe trois sortes de décrets : les décrets simples signés destinés à assurer la sécurité des systèmes informatiques ; le
en principe par le Premier ministre et exceptionnellement par Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA), investi d’une fonction
le Président de la République avec le contreseing d’un ou de très large de régulation de la communication audiovisuelle pu-
plusieurs ministres ; les décrets en conseil des ministres signés blique et privée ; la Commission nationale des clauses abusives
par le Président de la République après délibération en Conseil (C. consom., art. L. 132-2 et s.) ; le Conseil de la concurrence
des ministres et avec le contreseing de tous les ministres ; enfin, (C. com., art. L. 461-1 et s.) ; l’Autorité des marchés financiers
les décrets en Conseil d’État, pris après avis du Conseil d’État. (AMF) issue de la fusion de la Commission des opérations de
bourse (COB) et du Conseil des marchés financiers (CMF), ins-
tituée par la loi no 2003-706 du 1er août 2003 de sécurité finan-
§ 2. – Pouvoir réglementaire des ministres. cière (JO 2 août) et dont les moyens sont renforcés par rap-
port à ceux de la COB et les attributions précisées par l’article
56. Ceux-ci ne disposent pas d’un pouvoir réglementaire géné- 8 de la loi (édiction d’un règlement général déterminant un cer-
ral ; ils ne disposent du pouvoir réglementaire que dans deux tain nombre de règles notamment de pratique professionnelle,
cas où ils peuvent alors intervenir par voie d’arrêtés : d’une part, publié au Journal officiel après homologation par arrêté du mi-
lorsqu’en certains domaines, ce pouvoir leur est expressément nistre chargé de l’économie et instructions et recommandations
attribué (par une loi ou par un décret du Premier ministre leur aux fins de préciser l’interprétation du règlement général) ; l’Au-
déléguant certaines de ses compétences), d’autre part, en tant torité de régulation des télécommunications (ART) (art. L. 36 et
qu’ils détiennent « comme tout chef de service » un pouvoir de s. et D. 97-4 C. p. et T.) ; la Commission de régulation de l’élec-
réglementation interne de l’administration placée sous leur auto- tricité (CRE) (L. 10 févr. 2000) ; la Commission d’examen des
rité (CE 7 févr. 1936, Jamart, p. 172, S. 1937.3.113, note Rivero). pratiques commerciales (C. com., art. L. 440-1), etc.

§ 3. – Pouvoir réglementaire de certaines autorités 60. De même, certaines autorités publiques ou privées ont re-
administratives. çu le pouvoir d’édicter des dispositions générales. Ainsi en est-il
pour les assemblées parlementaires en ce qui concerne leurs rè-
57. Certaines autorités administratives (préfets, maires) glements dont la Constitution veut qu’ils soient, avant leur mise
peuvent, dans les limites de la compétence qui leur est dévolue en application, « soumis au Conseil constitutionnel qui se pro-
par la loi, prendre, par arrêtés, des dispositions de portée géné- nonce sur leur conformité à la Constitution » (art. 61). De même,
rale (par ex., arrêté préfectoral fixant les dates d’ouverture et de le règlement intérieur d’entreprise, document écrit émanant du
clôture de la chasse dans le département ou arrêté municipal chef d’entreprise, contient les mesures d’application de la ré-
réglementant le stationnement dans la commune). De même, le glementation en matière d’hygiène et de sécurité, ainsi que les
président du Conseil général dispose d’un pouvoir réglementaire règles générales et permanentes relatives à la discipline (C. trav.,
en matière de police du domaine départemental et pour assurer art. L. 122-33 et s. et R. 122-12 et s.). La Cour de cassation a
la réglementation interne des services qui sont placés sous son affirmé le caractère d’acte réglementaire de droit privé du règle-
autorité. Naguère, il fallait ajouter à la liste les délibérations ment intérieur (Cass. soc. 25 sept. 1991, Bull. civ. V, no 381,
des assemblées des territoires d’outre-mer, en réalité les déli- D. 1991, IR 241, Dr. soc. 1992.24, note J. Savatier) et déclaré
bérations de l’assemblée territoriale de Polynésie française qui que la juridiction judiciaire de droit commun avait compétence
seules, depuis la révision constitutionnelle du 20 juillet 1998, pour connaître d’une action principale en annulation d’une ou
constituaient des actes réglementaires de portée législative, plusieurs clauses de ce règlement (Cass. soc. 16 déc. 1992,
car la Nouvelle-Calédonie ayant changé de statut, les actes de Bull. civ. V, no 602, D. 1993.334, obs. X. Prétot). De même,
ses assemblées ont clairement une nature législative (V. su- les associations et les sociétés sont habilitées par la loi à éta-
pra, no 28 et L. FAVOREU et alii, Droit constitutionnel, 5e éd., blir, en vue de leur fonctionnement, des dispositions générales
2002, Précis Dalloz, no 1186 et s.). Mais il en est de même, dans leur statut. De même, certains organismes profession-
aujourd’hui, pour la Polynésie française « pays d’outre-mer au nels sont habilités à établir des règles de déontologie à destina-
sein de la République », devenue collectivité d’outre-mer dont tion de leurs membres (par ex., Conseil national de l’ordre des
l’autonomie est régie par l’article 74 de la Constitution et dont médecins et code de déontologie médicale, Décr. no 95-1000
les actes de l’Assemblée ont aussi une nature législative (L. org. du 6 sept. 1995, JO 8 sept.). Il est permis de citer aussi les

septembre 2004 - 11 - Rép. civ. Dalloz


LOIS ET DÉCRETS

Conventions collectives du travail qui ont pour objet l’aménage- sont, d’une manière générale, en ce qui concerne le droit pri-
ment des conditions d’emploi et de travail des salariés et leurs vé : les matières qui mettent en jeu la condition des personnes
garanties sociales, et qui procèdent d’un contrat passé entre une (par ex., la nationalité, l’état et la capacité) et les rapports de
ou plusieurs organisations syndicales de salariés et une ou plu- famille (par ex., les régimes matrimoniaux, les successions et
sieurs organisations syndicales d’employeurs ; mais leurs dispo- les libéralités). De même, est de la compétence de la loi : la
sitions peuvent être rendues obligatoires pour tous les salariés et détermination des crimes et des délits (mais non des contraven-
employeurs compris dans le champ d’application de la conven- tions), ainsi que des peines qui leur sont applicables (V. aussi,
tion par arrêté du ministre chargé du travail (C. trav., art. 133-8, C. pén., art. 111-2), la procédure pénale (mais non la procédure
al. 1er), ce qui a conduit à s’interroger sur leur nature juridique. civile), l’amnistie, la création de nouveaux ordres de juridiction,
le statut des magistrats, mais aussi les droits civiques et les ga-
ranties fondamentales accordées aux citoyens pour l’exercice
SECTION 4 des libertés publiques ; les sujétions imposées par la Défense
nationale aux citoyens en leur personne et en leurs biens (réqui-
Domaine respectif de la loi et du règlement.
sitions), l’amnistie, le taux et les modalités de recouvrement des
impositions de toute nature, le régime électoral des assemblées
61. Depuis 1789, la tradition constitutionnelle française assu-
parlementaires et des assemblées locales, la création des ca-
rait la suprématie de la loi parlementaire sur le règlement en ne
tégories d’établissements publics, les garanties fondamentales
reconnaissant au Gouvernement que la mission d’assurer l’exé-
accordées aux fonctionnaires civils et militaires de l’État, les na-
cution des lois. D’où le nom de pouvoir exécutif utilisé pour dé-
tionalisations d’entreprises et les transferts de propriété d’entre-
signer ses fonctions. Seul le Parlement était investi du pouvoir
prises du secteur public au secteur privé.
législatif, car seul il représentait la volonté générale dont la loi
devait être l’expression. Les règlements tendaient seulement à
l’application des lois et étaient, par conséquent, subordonnés à 64. Les autres matières de caractère législatif ne relèvent de la
celles-ci, qu’ils ne pouvaient contredire, cette subordination étant loi que pour ce qui est de leurs principes fondamentaux (« La loi
garantie par un contrôle, par les juridictions administratives, de détermine les principes fondamentaux... »), leur aménagement
la légalité des décrets et arrêtés d’application. Sans doute, la technique étant abandonné au pouvoir réglementaire. Entrent
pratique constitutionnelle française s’était-elle éloignée de cette dans cette catégorie des matières importantes du droit privé, par
tradition, d’une part, par l’admission des règlements autonomes exemple, le régime de la propriété, des droits réels et des obli-
qui régissaient les matières qui n’avaient encore donné lieu à gations civiles et commerciales, la procédure civile (le nouveau
aucune disposition législative, d’autre part, par le recours aux code de procédure civile procède d’un décret : Décr. no 75-1123
décrets-lois. Cependant, la suprématie du Parlement subsistait. du 5 déc. 1975, JO 9 déc.) et l’administration de la preuve, le
Pour les règlements autonomes, elle se manifestait par l’inter- droit du travail, le droit syndical et la sécurité sociale (sur la dé-
diction faite au Pouvoir réglementaire de modifier ou a fortiori cadence de la loi dans la Constitution de la Ve République, V.
d’abroger une loi, et pour les décrets-lois par la nécessité d’une p. DURAND, JCP 1959. I. 1470, et Colloque d’Aix-en-Provence,
habilitation préalable et d’une ratification données par le Parle- Vingt ans d’application de la Constitution de 1958 : le domaine
ment. Quant au domaine de la loi et du règlement, la règle était de la loi et du règlement, 2e éd., PU Aix-Marseille, 1978).
simple : le Pouvoir réglementaire ne pouvait intervenir ni dans
les matières réservées au Parlement, ni, en principe, dans les 65. En ce qui concerne les matières du premier groupe, le Par-
autres matières si elles avaient déjà fait l’objet d’une loi. En re- lement est seul compétent. Mais il peut charger le pouvoir ré-
vanche, le Parlement pouvait toujours modifier ou abroger un glementaire, comme il a toujours pu le faire et comme il l’a tou-
règlement, même s’il était pris dans une matière considérée (de- jours fait, de préciser les détails d’application des lois qu’il édicte
puis une loi du 17 août 1948) comme relevant du pouvoir régle- par décrets et arrêtés subordonnés à celles-ci. En revanche,
mentaire. C’est dire que le domaine de la loi parlementaire avait en ce qui concerne les matières du second groupe, le Parle-
une vocation de principe à s’étendre à l’infini. Ces règles ont ment n’est compétent que pour poser les principes fondamen-
été complètement bouleversées par la Constitution du 4 octobre taux, les règles concernant leur mise en œuvre relevant de la
1958 qui, après avoir distingué le domaine de la loi et celui du compétence propre du pouvoir réglementaire. Mais la distinc-
règlement, s’est efforcé d’assurer la protection de chacun de ces tion entre principes fondamentaux et modalités de leur aména-
domaines. gement technique n’est pas toujours facile à opérer.

66. En outre, le domaine réglementaire peut se trouver excep-


ART. 1er. – DISTINCTION DES DOMAINES. tionnellement étendu, d’une part, par application de l’article 38
de la Constitution qui permet au Gouvernement de demander
62. La Constitution énumère, dans son article 34, les matières au Parlement l’autorisation de prendre par ordonnances, pen-
législatives au sens strict, c’est-à-dire les matières réservées au dant un temps limité, « des mesures qui sont normalement du
Parlement, de sorte qu’est attribué au pouvoir réglementaire gé- domaine de la loi » (V. supra, no 46 et s.), d’autre part, par appli-
néral (décrets du Premier ministre) tout ce qui n’est pas expres- cation de l’article 11 (loi référendaire autorisant le Gouvernement
sément attribué au pouvoir législatif (art. 37 ; V. supra, no 44 ou le Président de la République à prendre par ordonnances, des
et s.). Mais les matières législatives visées à l’article 34 sont mesures qui sont normalement du domaine de la loi (V. supra,
de deux sortes (L. HAMON, Les domaines de la loi et du rè- no 49), et enfin, en conséquence de l’article 16 (droit pour le Pré-
glement à la recherche d’une frontière, D. 1960, chron. 253 ; sident de la République de prendre les mesures que pourraient
J. L’HUILLIER, La délimitation des domaines de la loi et du rè- nécessiter des événements périlleux pour la France et ses insti-
glement dans la Constitution du 4 octobre 1958, D. 1959, chron. tutions) (V. supra, no 50 et s.).
173).
67. En revanche, l’article 34 ne se flatte pas d’avoir fait œuvre
63. La première catégorie est composée de matières à caractère définitive ; il réserve les précisions et compléments qui pourraient
intégralement législatif (« La loi fixe les règles concernant... »), être apportés par le Parlement, par voie de loi organique, à l’énu-
en ce sens que ces matières relèvent du Parlement pour tout ce mération qu’il contient. Cette disposition ouvre donc la voie à
qui les concerne, c’est-à-dire aussi bien pour leurs principes fon- une extension possible du pouvoir législatif du Parlement, à l’ini-
damentaux que pour l’aménagement technique de ceux-ci. Ce tiative de celui-ci, à la suite, soit d’une interprétation différente

Rép. civ. Dalloz - 12 - septembre 2004


LOIS ET DÉCRETS

de dispositions semblant manquer de clarté, soit d’une volonté W. Sabète). Toute autre est la tradition américaine, car la Cour
pure et simple d’étendre la liste des matières totalement ou par- suprême des États-Unis accepte de se faire juge de la constitu-
tiellement législatives. Mais cette voie n’a jamais été utilisée. tionnalité des lois qu’il lui faut appliquer.

73. Il résulte de la solution française que si aucune de ces voies


ART. 2. – PROTECTION DES DOMAINES.
n’a été adoptée, la loi entre ou reste en vigueur. Aussi bien,
le juge administratif refusera-t-il d’apprécier la légalité de l’acte
68. Dès lors que la loi et le règlement avaient chacun leur do-
administratif dont il sera saisi et qui tirera son vice d’inconstitu-
maine propre, il était nécessaire d’en assurer la protection, afin
tionnalité de cette loi en application de laquelle il aura été pris,
que ni le Parlement ni le Gouvernement n’excèdent les limites
en invoquant le fait que celle-ci fait écran entre cet acte et la
fixées. C’est ce qu’a tenté de réaliser la Constitution de 1958.
Constitution (théorie dite de la « Loi écran »). Cependant, mal-
S’agissant de questions qui relèvent du droit constitutionnel, il
gré sa forme législative qui la rend susceptible d’un contrôle de
suffira d’indiquer combien la protection du domaine réglemen-
constitutionnalité par le Conseil constitutionnel, la loi n’a que la
taire est assurée de manière plus efficace que celle du domaine
valeur d’un décret, de sorte que le Gouvernement pourra, s’agis-
législatif.
sant d’une loi entrée en vigueur depuis la Constitution de 1958,
la modifier ou l’abroger par un acte de même nature, si toutefois
§ 1er. – Protection du domaine réglementaire. le Conseil constitutionnel a préalablement constaté que la ma-
tière était bien de nature réglementaire (Const., art. 37, al. 2),
69. Elle est assurée, en premier lieu, par l’irrecevabilité que peut, opérant ainsi délégalisation du texte.
au cours de la procédure législative, opposer le Gouvernement
à la discussion d’une proposition ou d’un amendement qui serait
du domaine du règlement ou qui serait contraire à une déléga- § 2. – Protection du domaine législatif.
tion accordée en vertu de l’article 38 de la Constitution En cas
de désaccord entre le Gouvernement et le président de l’assem- 74. Aucune procédure n’existe qui permette au Parlement de
blée intéressée, le Conseil constitutionnel doit être saisi, à la de- saisir le Conseil constitutionnel ou qui habilite celui-ci à statuer,
mande de l’un ou de l’autre, pour dire, dans le délai de huit jours, si le Gouvernement veut prendre un règlement alors qu’une loi
si la matière est du domaine de la loi ou de celui du règlement serait nécessaire. Si la situation vient à se présenter, le règle-
(Const., art. 41). Mais en l’absence d’opposition du Gouverne- ment anticonstitutionnel entre en vigueur, et il le restera tant que
ment, le Conseil constitutionnel, invoquant les articles 37, alinéa la juridiction administrative, saisie par un administré d’un recours
2 (V. infra, no 71), et 41, de la Constitution, ne se reconnaît pas pour excès de pouvoir, n’en aura pas prononcé l’annulation, la-
compétent pour déclarer la loi contraire à la Constitution (Décis. quelle s’imposera alors à tous (Cass. soc. 7 déc. 1993, JCP
Cons. const. no 82-143 du 30 juill. 1982, Rec. Cons. const., 1994. II. 22245, note P. Waquet : toute déclaration d’illégalité
p. 57 ; GDCC, no 33 : La Constitution « n’a pas entendu frap- d’un texte réglementaire par le juge administratif, même décidée
per d’inconstitutionnalité une disposition de nature réglementaire à l’occasion d’une autre instance, s’impose au juge civil qui ne
contenue dans une loi, mais a voulu, à côté du domaine réser- peut faire application de ce texte illégal ; V. aussi Cass. com.
vé de la loi, reconnaître à l’autorité réglementaire un domaine 20 févr. 2001, Bull. civ. IV, no 43 ; Cass. 3e civ. 17 déc. 2003,
propre et conférer au Gouvernement par la mise en œuvre des Bull. civ. III, no 240. Sur l’effet de l’annulation par le Conseil
procédures spécifiques des articles 37, alinéa 2, et 41, le pou- d’État de l’art. 173 du décret du 27 déc. 1985 dont le contenu
voir d’en assurer la protection contre d’éventuels empiétements a été repris à l’identique par l’art. L. 627-1 C. com. annulation
de la loi »). déclarée sans incidence sur ce dernier, V. Cass. 1re civ. 13 nov.
2003, Bull. civ. I, no 232). Les annulations contentieuses des
70. La protection du domaine réglementaire est assurée aus- décrets réglementaires, autrefois non publiées, sont aujourd’hui
si par la possibilité d’un recours au Conseil constitutionnel si un mentionnées au Journal officiel.
texte empiétant sur le domaine réglementaire venait à être vo-
té sans être encore promulgué. Le Conseil constitutionnel doit 75. La solution serait la même si le règlement destiné à régir
alors statuer dans le délai d’un mois, ou même de huit jours à la une matière réglementaire, empiétait incidemment sur une ma-
demande du Gouvernement en cas d’urgence (Const., art. 61, tière législative, par exemple en créant une incapacité au mépris
al. 2 et 3 : V. infra, no 303 et s.). de l’article 1123 du code civil. En effet, le principe de la sépara-
tion des pouvoirs interdit aux tribunaux de l’ordre judiciaire de
71. Enfin, la protection du domaine réglementaire peut être as- se prononcer sur la régularité des actes émanant du Pouvoir
surée dans le cadre de l’article 37, alinéa 2, de la Constitution réglementaire : les tribunaux de l’ordre judiciaire doivent sur-
lequel prévoit une procédure spéciale pouvant être utilisée par le seoir à statuer (T. confl. 16 juin 1923, Septfonds, S. 1923.3.49,
Gouvernement même après que la loi qui empiète sur le domaine note Hauriou, DP 1924.3.41, concl. Matter), c’est-à-dire refuser
réglementaire ait été promulguée. Le Gouvernement peut, en de se prononcer avant que la juridiction administrative ne l’ait
effet, modifier alors cette loi par décret, voire l’abroger si toutes fait elle-même. Du moins en est-il ainsi, si l’exception d’illégali-
ses dispositions excèdent le domaine législatif, mais après que té présente un caractère sérieux et porte sur une question dont
le Conseil constitutionnel, qu’il aura saisi, aura déclaré que la loi la solution est nécessaire au règlement au fond du litige (Cass.
empiète effectivement sur le domaine réglementaire. 1re civ. 19 juin 1985, D. 1985.426, rapp. et note P. Sargos ;
25 avr. 1990, JCP 1990, table juris. p. 234 ; comp. Cass. 1re civ.
72. Tels sont les seuls recours possibles. En effet, la tradition 24 janv. 1961, Bull. civ. I, no 57, p. 46, rapp. Lenoan ; sur le ca-
constitutionnelle française ignore le contrôle juridictionnel, c’est- ractère perpétuel de l’exception d’illégalité soulevée contre les
à-dire par les tribunaux (administratifs ou judiciaires) de la consti- actes réglementaires, V. CE 29 mai 1908, p. 580, D. 1910.3.17 ;
tutionnalité des lois (Cass. crim. 26 févr. 1974, D. 1974.273, 6 août 1910, p. 710 ; solution étendue, aujourd’hui, aux actes
concl. Proc. gal Touffait ; 12 juin 1989, D. 1989.585 ; Rapp. individuels : CE 27 sept. 1985, D. 1986.442, note J.-Y. Plouvin).
J. SOUPPE, note F. Derrida ; Cass. 1re civ. 1er oct. 1986, JCP
1987. II. 20894 : les juges ne peuvent accueillir l’exception d’in- 76. Cependant, il est admis d’une part que, saisies d’une ex-
constitutionnalité, ni relever d’office l’inconstitutionnalité d’une ception d’illégalité par un plaideur, les juridictions répressives
loi ; V. aussi : CE 8 déc. 1995, Mouvement de défense des auto- doivent refuser d’appliquer les peines prévues par un règlement
mobilistes, et 31 juill. 1996, Épx Feldkirchner, D. 1997.287, note irrégulier, serait-il autonome car pris en application de l’article 37

septembre 2004 - 13 - Rép. civ. Dalloz


LOIS ET DÉCRETS

de la Constitution (elles ne sauraient, par ex., condamner une du 15 juill. 1980, mod. par Décr. no 2001-476 du 30 mai 2001,
personne pour infraction à un arrêté illégal concernant le sta- JO 30 juin] le soin de fixer la somme au-delà de laquelle un écrit
tionnement des véhicules). La solution, autrefois affirmée par la est nécessaire pour faire la preuve d’un acte juridique), ils ne
jurisprudence, l’est expressément, depuis 1994, par le nouveau peuvent pas modifier la loi. Celle-ci, au contraire, peut toujours
code pénal (art. 111-5 : « Les juridictions pénales sont compé- modifier ou abroger les textes pris pour son application.
tentes pour interpréter les actes administratifs réglementaires ou
individuels et pour en apprécier la légalité, lorsque de cet exa- 81. À l’inverse, les décrets pris par le pouvoir réglementaire
men, dépend la solution du procès pénal qui leur est soumis »). en application de l’article 37, sont des règlements autonomes,
Mais en aucun cas, les juridictions répressives ne sauraient pro- parce que non subordonnés à la loi. L’article 37 en tire la consé-
noncer elles-mêmes la nullité de l’acte illégal. quence que les lois intervenues avant l’entrée en vigueur de la
Constitution dans les matières de la compétence aujourd’hui du
77. Il est admis d’autre part, que les juridictions civiles peuvent pouvoir réglementaire, peuvent être modifiées par décret ; mais
se prononcer sur la régularité d’un règlement dans des matières la Constitution exige que ces décrets soient pris après avis du
très exceptionnelles, traditionnellement réservées à l’apprécia- Conseil d’État (art. 37, al. 2).
tion du pouvoir judiciaire (atteintes à la liberté individuelle, à l’in-
violabilité du domicile ou au respect dû au droit de propriété : 82. Le Gouvernement dispose donc, dans l’exercice de son
T. confl. 30 oct. 1947, Barinstein, D. 1947.476, note P. L. J., pouvoir réglementaire autonome, d’une liberté qui s’apparente à
JCP 1947. II. 3966, note Fréjaville ; Cass. 1re civ. 15 janv. 1975, celle du Parlement puisque, par définition, il n’existe aucune loi
D. 1975.671, note Drago). Il en de même lorsque le règlement régissant la matière et, que, comme pour celui-ci, il n’y a au-des-
concerne les impôts ou les taxes indirectes (Cass. com. 25 avr. sus de lui que la Constitution (bloc de constitutionnalité) et les
1989, Bull. civ. IV, no 134, p. 89). règles procédant des traités internationaux ou qui constituent le
droit communautaire dérivé. Mais sa décision demeure un acte
78. Ces exceptions se justifient par l’idée que les juridictions du pouvoir exécutif, et est, comme tel, soumis au contrôle du juge
judiciaires sont traditionnellement considérées comme les gar- administratif (CE 26 juin 1959, Synd. général des ingénieurs-
diennes de la liberté individuelle et de la propriété. conseils, GAJA no 83 ; 12 févr. 1960, Sté Eky, D. 1960.263).
83. Entre les deux sortes de règlements, se situent les décrets
SECTION 5 intervenant dans des matières à propos desquelles l’article 34
n’attribue au Parlement que le pouvoir de fixer les principes fon-
Autorité respective de la loi et du règlement.
damentaux. Le Gouvernement dispose, évidemment, dans ces
79. Elle est tributaire de la distinction opérée par l’article 34 de matières d’une large autonomie, mais à la condition de respecter
la Constitution entre les matières à caractère intégralement lé- ceux-ci. Cependant, il est parfois délicat de marquer nettement
gislatif et celles qui ne relèvent de la loi que pour ce qui est de la différence entre principes fondamentaux et modalités de leur
leurs principes fondamentaux. aménagement technique (sur la difficulté suscitée par la ques-
tion de savoir si la compétence pour assortir d’une peine d’em-
80. Les décrets et arrêtés réglementaires pris en application prisonnement les contraventions aux règlements, appartenait au
d’une loi (art. 21) demeurent subordonnés à celle-ci. S’ils législateur, ainsi que le prétendait le Conseil constitutionnel, ou
peuvent la préciser, parce que le Parlement ne peut jamais au pouvoir réglementaire, ainsi que l’affirmaient le Conseil d’État
entrer dans tous les détails d’application des lois qu’il édicte (V., et la Cour de cassation, V. J. RIVERO, Peines de prison et pou-
par ex., l’art. 1341 C. civ. laissant à un décret [Décr. no 80-533 voir réglementaire, AJDA 1974.229).

CHAPITRE 2
Place de la loi dans la hiérarchie générale des normes.

SECTION 1re et le conflit entre norme constitutionnelle et norme européenne,


Mélanges Boulouis, 1991, Dalloz ; GRANET, Perturbation dans
Hiérarchie des normes. la hiérarchie des normes, Études P. Catala, 2001, Litec, p. 41 ;
SOYER, Loi nationale et Convention EDH, Mélanges J. Foyer,
84. Les diverses normes juridiques générales et individuelles 1997, PUF, p. 125 ; TOUFFAIT, Traité et loi postérieure, Études
qui composent l’ordonnancement juridique n’ont pas toutes la M. Ancel, 1975, Pédone, t. 1, p. 379 ; M. MONIN, 1989 : Ré-
même autorité. Du sommet à la base de la pyramide, les normes flexions à l’occasion d’un anniversaire : trente ans de hiérarchie
doivent respecter celles qui leur sont supérieures et s’imposent des normes, D. 1990, chron. 27 ; PUIG, Hiérarchie des normes :
elles-mêmes à celles des échelons inférieurs. Les contraintes de du système au principe, RTD civ. 2001.749 ; D. DE BÉCHILLON,
la légalité s’accroissent donc au fur et à mesure que l’on descend Hiérarchie des normes et hiérarchie des fonctions normatives de
dans la hiérarchie. Et c’est cette hiérarchie qui fait, par exemple, l’État, thèse Paris, 1996).
que l’on peut et doit apprécier différemment le commandement
d’un pirate de la route intimant l’ordre au voyageur de lui remettre 85. Utilisée d’abord par la doctrine, notamment par le grand
de l’argent et celui du percepteur réclamant à un redevable le juriste Hans KELSEN (V., aussi, QUERMONE, thèse Caen,
paiement d’un impôt. La différence tient au fait que le comman- 1952), l’expression « hiérarchie des normes » est accueillie de
dement du premier n’est pas valide au regard de l’ordonnance- nos jours, de plus en plus souvent, en législation (V., par ex.,
ment juridique, car il n’est pas fondé sur une norme qui l’auto- L. no 99-1071 du 16 déc. 1999 [JO 22 déc.] portant habilitation
riserait (ce comportement est même contraire à la loi pénale), du Gouvernement à procéder par ordonnances à la codification,
alors que le commandement du second tire sa validité de la loi à droit constant, de la partie législative de certains codes, et
qui habilite le percepteur à réclamer le paiement des impôts (sur précisant que « les dispositions codifiées sont celles en vigueur
la hiérarchie des normes, V. BEIGNIER et MOUTON, La Consti- au moment de la publication des ordonnances, sous la seule
tution et la Convention européenne des droits de l’homme, rang réserve des modifications qui seraient rendues nécessaires pour
et fonction, D. 2001, chron. 1636 ; DUBOUIS, Le juge français assurer le respect de la hiérarchie des normes et la cohérence

Rép. civ. Dalloz - 14 - septembre 2004


LOIS ET DÉCRETS

rédactionnelle des textes ainsi rassemblés et harmoniser l’état traité de commerce, ou d’un traité ou accord relatif à l’organisa-
du droit » [art. 1er, al. 3] ; V., aussi, formulant la même réserve, tion internationale ou qui engage les finances de l’État, ou qui
L. no 2003-591 du 2 juill. 2003 [préc. supra, no 46] habilitant le comporte cession, échange ou adjonction de territoire, le Pré-
Gouvernement à simplifier le droit [art. 32 et 33]). sident de la République ne peut le ratifier ou l’approuver qu’après
y avoir été autorisé par une loi votée par le Parlement ou adop-
tée par référendum (Const., art. 53 ; V., par ex., L. no 86-1275
86. On dit souvent que le respect d’une norme supérieure par
du 16 déc. 1986 autorisant la ratification de l’Acte unique eu-
celle qui la suit postule une obligation de conformité de la se-
ropéen, JO 17 déc. et L. référendaire no 92-1017 du 24 sept.
conde à la première. En réalité, l’obligation n’est, le plus sou-
1992 autorisant la ratification du Traité sur l’Union européenne,
vent, que de non-contrariété, car, à chaque niveau, l’autorité qui
JO 25 sept. ; sur la nécessité d’autoriser par une loi l’approba-
édicte une norme dispose généralement d’une certaine latitude
tion d’un traité ou d’un accord international relevant de l’art. 53
quant au contenu de celle-ci, n’étant le plus souvent liée qu’en ce
de la Constitution pour pouvoir procéder à sa publication, V. CE
qui concerne sa compétence et la procédure qu’elle doit suivre.
23 févr. 2000, JDI 2001.81, note Dehaussy). Pour la Cour de
C’est ainsi que le Parlement est habilité, par la Constitution, à
cassation, « il appartient aux tribunaux de l’ordre judiciaire de
voter les lois selon une procédure définie, sans que le contenu
vérifier la régularité de la ratification des traités internationaux »
de celles-ci ait été prédéterminé de façon précise par la Constitu-
(Cass. 1re civ. 29 mai 2001, Bull. civ. I, no 149, Gaz. Pal. 2001,
tion. De même, le pouvoir réglementaire doit agir dans le cadre
somm. 2023, obs. Niboyer, revenant sur Cass. 1re civ. 25 janv.
des lois, sans que celles-ci aient défini, en tous points, le conte-
1977, D. 1977.685, note E. Mezger). De même, le Conseil d’État
nu des règlements à venir. De même, un contrat doit seulement,
se reconnaît, aujourd’hui, le pouvoir d’apprécier la régularité de
en principe, ne pas contenir de clauses contraires aux lois et aux
la procédure de ratification ou d’approbation (CE, ass., 18 déc.
règlements, car le principe, en la matière, est celui de la liberté
1998, SARL du Parc d’activité de Blotzheim et autres, Rec. CE,
(pour une application en matière de conventions matrimoniales,
p. 484, concl. Bachelier, D. 1999, IR 56, Petites affiches 23 mai
V. C. civ., art. 1387).
2000, p. 6, note G. Béquain ; CE 23 févr. 2000, M. Bamba Dieng
et autres, D. 2000, IR 145, RFD adm. 2000.478, revenant sur
87. La hiérarchie des normes est principalement fonction de une jurisprudence contraire constante depuis CE 5 févr. 1926,
l’autorité de leurs auteurs ; notamment la hiérarchie des règles Dame Caraco, DP 1927.3.1, note J. Devaux ; adde : CE 8 juill.
écrites dépend avant tout d’un critère formel prenant en compte 2002, JCP 2003. II. 10021, note Ondoua : contrôle de constitu-
la plus ou moins grande autorité de ceux qui les édictent. C’est tionnalité et contrôle de conventionnalité).
pourquoi, sauf à admettre l’existence d’un jus cogens constitué
de normes impératives de droit international dont la violation,
lors de la conclusion de traités ou d’accords internationaux, en- 91. Quant à la publication au Journal officiel de la République
traînerait leur nullité, ce qui limiterait la liberté conventionnelle française, elle intègre de plein droit les traités internationaux
des États et conduirait à admettre la primauté de ce droit sur la dans l’ensemble des règles de droit que doivent respecter les
Constitution de chaque État (sur le jus cogens, V. F. TERRÉ, In- sujets de droit et appliquer les tribunaux, et ce, y compris dans
troduction générale au droit, 6e éd., 2003, Précis Dalloz, no 215, leurs dispositions qui leur confèrent un caractère rétroactif (CE
p. 210, et VIRALLY, Réflexions sur le jus cogens, in le Droit inter- 8 avr. 1987, M. Procopio c/ Min. de la justice, AJDA 1987.472,
national en devenir, Essais écrits au fil des ans, 1990, p. 147 et concl. Schrameck ; Cass. crim. 5 nov. 1986, Bull. civ., no 325).
s.), on trouve au sommet de la pyramide : la Constitution, suivie
par les lois organiques, les traités internationaux, les lois ordi-
naires et, enfin, les règlements au sein d’une hiérarchie qui leur 92. Cependant, l’intégration des traités n’a lieu que sous réserve
est propre. du principe de réciprocité, l’autorité du traité étant subordonnée
à son application par l’autre partie (Const., art. 55, 88-2 et 88-3 ;
V. infra, no 108). Outre son caractère très formel, il faut noter que
88. La hiérarchie des normes impose donc de préciser la pri- la clause de réciprocité est inapplicable aux pactes ou conven-
mauté de la Constitution sur les traités et accords internationaux tions sur les droits de l’homme et aussi au droit communautaire
et sur le droit communautaire, la primauté de la Constitution sur (V. M.-F. CHRISTOPHE-TCHAKALOFF et O. GOHIN, La Consti-
les lois organiques et de la Constitution et des lois organiques tution est-elle encore la norme fondamentale de la République ?,
sur les lois internes ordinaires et, enfin, celle des engagements D. 1999, chron. 120, not. p. 126 et 127 ; adde : sur la condition
internationaux sur les lois internes ordinaires, avant d’examiner de réciprocité : P. LAGARDE, L’application des traités interna-
la hiérarchie propre aux règlements. tionaux : son appréciation par le juge interne, Rev. crit. DIP
1975.39 ; R. PINTO, L’application du principe de réciprocité et
89. Mais au préalable, il convient de rappeler les conditions des réserves dans les conventions interétatiques concernant les
de l’entrée en vigueur d’un traité en France, subordonnée à sa droits de l’homme, Mélanges G. Levasseur, p. 83 ; J.-F. THÉRY,
ratification (V., par ex., L. no 2003-555 du 26 juin 2003 autori- concl. sous CE 29 mai 1981, Rekhou, D. 1981, IR 530, obs.
sant la ratification du traité entre la République française et le Delvolvé).
Royaume d’Espagne relatif à la coopération transfrontalière en
matière policière et douanière, JO 27 juin) ou à son approba-
tion lorsqu’il s’agit d’un accord en forme simplifiée (V., par ex., 93. Par ailleurs, le Conseil d’État, abandonnant sa position tra-
L. no 2003-1223 du 22 déc. 2003 autorisant l’approbation de ditionnelle, se reconnaît aujourd’hui le pouvoir d’interpréter lui-
l’accord entre le Gouvernement de la République française et le même les dispositions d’un traité sans avoir à renvoyer cette in-
Gouvernement de la République italienne relatif à une coopéra- terprétation au ministre des Affaires étrangères et sans être lié
tion sur l’observation de la terre, JO 23 déc.), et à sa publication. par cet avis s’il décidait de le solliciter (CE 29 juin 1990, Gisti,
AJDA 1990.621, concl. Abraham, note Teboul ; 25 nov. 1998,
Mme Teytaud, Rec. CE, p. 436).
90. Le pouvoir de négocier puis de ratifier ou d’approuver les
traités est dévolu au Président de la République (Const., art. 52).
Mais lorsque le traité porte sur des matières très importantes pré- 94. La Cour de cassation, opérant le même revirement, s’est
cisées par la Constitution (par ex. état des personnes) ou mo- reconnue compétente pour interpréter les traités internationaux
difie une loi, mais aussi lorsqu’il s’agit d’un traité de paix, d’un sans prendre l’avis du ministre des Affaires étrangères (Cass.

septembre 2004 - 15 - Rép. civ. Dalloz


LOIS ET DÉCRETS

soc. 29 avr. 1993, Bull. civ. V, no 120, p. 83 ; Cass. 1re civ. et fonctions, D. 2001, chron. 1636) Ces deux arrêts (Sarran et
19 déc. 1995, Bull. civ. I, no 470). Fraisse) ont été critiqués par une partie de la doctrine qui in-
voque leur contradiction avec les arrêts antérieurs Sté Jacques
Vabre et Nicolo (V. infra, no 113 et s.). Mais y-a-t-il eu vraiment
SECTION 2
contradiction ? En effet, la Cour de cassation comme le Conseil
Primauté de la Constitution sur les traités et accords d’État pouvaient difficilement prétendre que les traités prévalent
internationaux et sur le droit communautaire. sur la Constitution en vertu d’une disposition même de celle-ci
(l’art. 55) qui ne prévoit expressément la prévalence du traité
que sur la loi ordinaire.
ART. 1er. – PRIMAUTÉ DE LA CONSTITUTION SUR LES
TRAITÉS ET ACCORDS INTERNATIONAUX.
ART. 2. – PRIMAUTÉ DE LA CONSTITUTION SUR LE
95. L’article 54 de la Constitution qui interdit toute contradiction DROIT COMMUNAUTAIRE.
entre un engagement international et la Constitution, dispose
qu’un tel engagement non encore ratifié ou approuvé peut être 100. Le droit communautaire, y compris le droit communautaire
déféré au Conseil constitutionnel par le Président de la Répu- dérivé, occupe dans la hiérarchie des normes juridiques fran-
blique, le Premier ministre, le président de l’une ou de l’autre as- çaises, un rang inférieur à celui de la Constitution. Dès lors, si
semblée ou encore (depuis la révision constitutionnelle du 25 juin une contradiction apparaissait entre l’évolution de ce droit et nos
1992) par soixante députés ou soixante sénateurs. prescriptions constitutionnelles, cette contradiction devrait être,
soit invoquée par la France pour refuser la transcription dans
96. Si le Conseil constitutionnel déclare que l’engagement inter-
son droit interne des nouvelles normes communautaires, soit ré-
national comporte une clause contraire à la Constitution, l’autori-
sorbée par une révision de la Constitution. Toute atteinte à un
sation de le ratifier ou de l’approuver ne peut intervenir « qu’après
principe de valeur constitutionnelle (notamment au principe de la
révision de la Constitution » (Const., art. 54 ; V., par ex., Décis.
souveraineté nationale) pourrait être critiquée devant le Conseil
Cons. const. no 92-308 du 9 avr. 1992, Traité de Maastricht, sur
constitutionnel dans les formes prévues par les articles 54 et 61
saisine du Président de la République, Rec. Cons. const., p. 55 ;
de la Constitution (art. 54 : dans l’hypothèse d’un nouveau trai-
Décis. Cons. const. no 97-394 du 31 déc. 1997, Traité d’Am-
té contraire à la Constitution ; art. 61 : dans l’hypothèse d’une
sterdam, sur saisine conjointe du Président de la République et
loi autorisant la ratification d’un traité contraire à la Constitution
du Premier ministre, Rec. Cons. const., p. 344, GDCC no 45,
ou transposant une directive anticonstitutionnelle). Cette voie
23 bis, p. 799 [existence dans les deux cas de clauses décla-
de recours a été rappelée en 1976 par le Conseil constitution-
rées non conformes à la Constitution en raison d’atteintes pos-
nel (Décis. no 76-71 du 30 déc. 1976 évoquée dans Rép. QE
sibles aux conditions essentielles d’exercice de la souveraineté
no 32432, JOAN [Q] 24 sept. 1990, p. 4454 ; V. aussi F. CHE-
nationale], et la loi autorisant la ratification n’a pu être adoptée
VALLIER, L’exception d’inconstitutionnalité, l’État de droit et la
qu’après révision de la Constitution. En revanche, la ratification
construction de la Communauté européenne, D. 1989, chron.
de la convention a été abandonnée à la suite de la Décision du
255).
15 juin 1999 [D. 1999.598, note J.-M. Larralde] qui avait déclaré
contraires à la Constitution plusieurs clauses de la « Charte eu- 101. Mais la prévalence de la Constitution sur le droit com-
ropéenne des langues régionales ou minoritaires »). munautaire se trouve largement battue en brêche depuis la
97. Et pour le cas où il n’aurait pas été fait application de la décision qu’a rendue le Conseil constitutionnel le 10 juin 2004
procédure de l’article 54, la loi parlementaire de ratification (mais (V. Le Monde du 17 juin 2004, p. 8 et 22, et B. MATHIEU, Le
non une loi référendaire) pourrait encore être déférée au Conseil Conseil constitutionnel conforte la construction européenne
constitutionnel après son adoption par le Parlement, mais avant en s’appuyant sur les exigences constitutionnelles nationales,
sa promulgation, dans le cadre de la procédure de l’article 61, D. 2004.1739, Point de vue). En effet, saisi à propos de la loi
alinéa 2 (Décis. Cons. const. no 80-116 du 17 juill. 1980, Rec. no 2004-575 du 21 juin 2004 (JO 22 juin) pour la confiance dans
Cons. const., p. 36). l’économie numérique, adoptée le 13 mai par le Parlement, le
Conseil y affirme que, depuis la révision constitutionnelle du
98. En revanche, les actes communautaires dérivés (règlements 25 juin 1992, préalable à la ratification du Traité de Maastricht,
et directives) n’étant pas soumis à ratification, ne constituent pas qui a introduit dans la Constitution française un article 88-1
des engagements internationaux au sens de l’article 54 et ne selon lequel « La République participe aux Communautés
sont donc pas soumis au contrôle de constitutionnalité prévu par européennes et à l’Union européenne, constituées d’États qui
cet article (V. F. HAMON et M. TROPER, Droit constitutionnel, ont choisi librement, en vertu des traités qui les ont instituées,
28e éd., 2003, LGDJ, p. 767). d’exercer en commun certaines de leurs compétences », il
n’est plus habilité à censurer une loi française transposant
99. La supériorité de la Constitution et « des dispositions de une directive communautaire lorsqu’elle se borne « à tirer les
nature constitutionnelle » (par ex. une loi organique) sur les conséquences nécessaires des dispositions inconditionnelles et
traités et engagements internationaux a été affirmée, tant par précises » de celle-ci. Mais le Conseil a balisé cette évolution
le Conseil d’État (CE, ass., 30 oct. 1998, Sarran, Levacher, et jurisprudentielle, en se réservant le droit de censurer une loi de
autres, RD publ. 1999.919, note J.-F. Flauss, D. 2000.152, note transposition « en raison d’une disposition expresse contraire de
E. Aubin, RTD civ. 1999.232, obs. N. Molfessis ; adde : pour la la Constitution » ; et l’on a pu songer, pour éclairer cette réserve,
soumission d’un traité à un principe fondamental reconnu par à une directive qui imposerait une discrimination ethnique pour
les lois de la République : CE, ass., 3 juill. 1996, M. Koné, entrer dans la fonction publique en contradiction avec l’article 6
AJDA 1996, chron. 722), que par la Cour de cassation (Ass. de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen auquel se
plén. 2 juin 2000, Mlle Fraisse, D. 2000.865, note Mathieu et réfère le préambule de la Constitution de 1958. En revanche,
Verpeaux, RTD civ. 2000.672, obs. R. Libchaber ; V. aussi selon le Conseil constitutionnel, « en l’absence d’une telle
X. PRÉTOT, La Cour de cassation, la Constitution et les trai- disposition, il n’appartient qu’au juge communautaire, saisi le
tés, RD publ. 2000.1037, et « La norme internationale en droit cas échéant à titre préjudiciel, de contrôler le respect par une
français », Rapport du Conseil d’État, 2000, La Documentation directive communautaire, tant des compétences définies par les
française ; V. aussi B. BEIGNIER et S. MOUTON, La Constitu- traités que des droits fondamentaux garantis par l’article 6 du
tion et la Convention européenne des droits de l’homme, rang traité de l’Union européenne » (V. réaffirmant la solution : Décr.

Rép. civ. Dalloz - 16 - septembre 2004


LOIS ET DÉCRETS

no 2004-497 DC du 1er juill. 2004, JO 10 juill., à propos de la loi 106. Pourtant, alors qu’il ne devrait y avoir de lois en vigueur
no 2004-669 relative aux communications électroniques et aux que conformes à la Constitution, il n’en est pas toujours ain-
services de communication audiovisuelle du 9 juill. 2004, JO si, et cela, pour plusieurs raisons : d’abord parce que la pro-
10 juill.). Mais ce faisant le Conseil constitutionnel ne remet-il mulgation d’une loi la fait échapper à tout contrôle de constitu-
pas en cause la primauté de la Constitution sur le droit com- tionnalité. Cette exclusion concerne toutes les lois hâtivement
munautaire ? Certains le nieront sans doute, en invoquant le promulguées, ainsi que celles qui ont été promulguées avant
fait que cette solution a été voulue par la Constitution française l’entrée en vigueur de la Constitution de 1958. Cependant, le
elle-même. Mais si cette analyse était exacte, il ne resterait Conseil constitutionnel a facilité le contrôle de constitutionnali-
plus qu’à souhaiter que le constituant français n’aille pas plus té de ces lois en déclarant que « la régularité au regard de la
avant dans les abandons de souveraineté (à moins d’accepter Constitution des termes d’une loi promulguée peut être utilement
l’instauration d’un État fédéral européen), ce qui s’avérera, sans contestée à l’occasion de l’examen de dispositions législatives
doute, difficile si le projet de Constitution européenne est ratifié qui la modifient, la complètent ou affectent son domaine » (Dé-
qui affirme (art. 10-1) que « la Constitution et le droit adopté cis. Cons. const. no 85-187 du 25 janv. 1985, État d’urgence
par les institutions de l’Union dans l’exercice des compétences en Nouvelle-Calédonie, Rec. Cons. const., p. 43, GDCC, no 37
qui lui sont attribuées ont la primauté sur le droit des États », y et les références). Une loi peut aussi échapper à tout contrôle
compris donc sur celui issu de leur Constitution, solution déjà de constitutionnalité par suite du caractère facultatif et de la na-
affirmée par le juge communautaire (CJCE 17 déc. 1970, In- ture fondamentalement politique de la saisine du Conseil consti-
ternationale Handelsgesellschaft, Rec. CJCE, p. 1125 ; 10 oct. tutionnel en ce qui concerne les lois ordinaires (le Conseil ne
1973, Variola, Rec. CJCE, p. 981 ; 9 mars 1978, Simmenthal, peut être saisi que par certaines personnes [V. infra, no 297] ;
Rec. CJCE, p. 609). ce qui permet de faire échapper à tout contrôle de constitution-
nalité certaines lois de consensus). Un troisième facteur d’ex-
clusion procède du refus du Conseil constitutionnel de contrô-
SECTION 3 ler la constitutionnalité des lois référendaires au motif qu’elles
Primauté de la Constitution sur les lois organiques sont l’« expression directe de la souveraineté nationale » (Dé-
cis. Cons. const. no 62-20 du 6 nov. 1962, Rec. Cons. const.,
et de la Constitution et des lois organiques sur
p. 27, GDCC, no 14 et les références, à propos de l’élection du
les lois internes ordinaires.
Président de la République au suffrage universel direct, et Dé-
cis. no 92-313 du 23 sept. 1992, à propos du traité de Maastricht,
102. La Constitution prime les lois organiques, lesquelles ont
GDCC, no 45-III et les références). Enfin, une loi peut échapper
pour objet de fixer les modalités d’organisation et de fonctionne-
au contrôle de constitutionnalité, en raison de l’absence de toute
ment des pouvoirs publics (V. supra, no 19 et s.). La garantie de
procédure de contrôle juridictionnel par voie d’exception (V. in-
leur conformité à la Constitution tient au caractère obligatoire de
fra, no 297). Il en résulte qu’une loi peut constituer un élément
l’intervention du Conseil constitutionnel en ce qui les concerne
de l’ordonnancement juridique tout en étant inconstitutionnelle,
(V. infra, no 151). En revanche, comme la Constitution, les lois
faute d’être passée au crible du Conseil constitutionnel (sur l’en-
organiques ont une force juridique supérieure à celle des lois or-
semble de la question, V. M.-F. CHRISTOPHE-TCHAKALOFF et
dinaires. Une loi ordinaire qui ne serait pas conforme à une loi
O. GOHIN, article préc. supra, no 92).
organique serait contraire à la Constitution.

103. La finalité du contrôle de la constitutionnalité des lois a été SECTION 4


précisée par le Conseil constitutionnel, dans une décision ren-
due le 23 août 1985 (GDCC, no 38) à propos de l’évolution de Primauté des engagements internationaux sur
la Nouvelle-Calédonie. Le Conseil y affirme que l’un des buts les lois internes ordinaires.
du contrôle de constitutionnalité est « de permettre à la loi vo-
tée, qui n’exprime la volonté générale que dans le respect de la 107. Elle postule la conformité (en réalité, la non-contrariété :
Constitution, d’être sans retard amendée à cette fin ». V. supra, no 86) des lois internes, aux traités et accords inter-
nationaux, au droit communautaire et au droit international des
104. Mais le domaine du contrôle de constitutionnalité a évo- droits de l’homme.
lué. Pendant longtemps, on a pensé que le Conseil constitution-
nel n’était compétent que pour veiller au respect des articles 34
et 37 de la Constitution, c’est-à-dire pour assurer la protection ART. 1er. – CONFORMITÉ DES LOIS INTERNES ORDINAIRES
du domaine réglementaire contre les empiétements possibles AUX TRAITÉS ET ACCORDS INTERNATIONAUX.
du Parlement (V. supra, no 69 et s.). Mais force est d’admettre
que cette protection n’a pas toujours été assurée de manière sa- 108. La supériorité des traités (mais non de la coutume inter-
tisfaisante, ainsi qu’on a pu le relever, par suite d’une certaine nationale : CE 6 juin 1997, Aquarone, Rec. CE, p. 439, JCP
complaisance du Gouvernement à l’égard de la majorité parle- 1997. II. 22945, note G. Teboul) sur les lois internes avait été
mentaire (V. F. TERRÉ, Introduction générale au droit, 6e éd., affirmée par l’article 28 de la Constitution du 27 octobre 1946
2003, Précis Dalloz, no 211, p. 205). en réaction contre le vote par la IIIe République de lois en to-
tale contradiction avec des traités par lesquels la France avait
105. Aujourd’hui, le domaine du contrôle de constitutionnali- engagé sa parole, attitude contre laquelle la jurisprudence avait
té des lois s’est élargi et est alors efficacement assuré. Ainsi, cependant réagi par application de la « doctrine Matter » (Civ.
le Conseil constitutionnel s’est prononcé sur la conformité des 4 févr. 1936, S. 1936. I. 257, note Raynaud : toute loi nouvelle
lois au principe de non-discrimination et à celui du respect des contraire aux dispositions d’un traité doit s’entendre comme ré-
croyances (Const., art. 1er), à la règle de l’égalité des suffrages servant le jeu de celui-ci). La supériorité des traités sur les lois in-
(Const., art. 3), à l’obligation de protection de la liberté indivi- ternes est aujourd’hui affirmée, dans son article 55, par la Consti-
duelle confiée à la garde de l’autorité judiciaire (Const., art. 66), tution du 4 octobre 1958 qui, sans évoquer expressément une
etc. (sur la légitimité de la jurisprudence du Conseil constitution- dénonciation toujours possible du traité, opérée en vertu d’une
nel, V. Colloque Rennes, 1998 ; adde : Ph. ARDANT, Le Conseil clause conventionnelle, d’une clause de caducité ou d’une répu-
constitutionnel d’hier à demain, Mélanges F. Terré 1999, p. 731 diation sans doute de nature à entraîner la responsabilité inter-
et s.). nationale de l’État, ajoute la condition de réciprocité, l’application

septembre 2004 - 17 - Rép. civ. Dalloz


LOIS ET DÉCRETS

de « chaque accord ou traité » étant subordonnée à son « ap- 114. Mais, la solution adoptée par les juridictions judiciaires ne
plication par l’autre partie » (V. supra, no 92). Mais cette réserve conduit-elle pas à soumettre le pouvoir législatif à un contrôle
ne vaut, semble-t-il, que pour les traités bilatéraux, non pour les contraire à la séparation des pouvoirs législatif et judiciaire affir-
traités multilatéraux, notamment ceux concernant les droits de mée par l’article 10 de la loi des 16-24 août 1790 d’où procède
l’homme (R. PINTO, L’application du principe de réciprocité et l’interdiction pour les juges de faire obstacle à l’application des
des réserves dans les conventions interétatiques concernant les lois ?
droits de l’homme, Mélanges G. Levasseur, p. 83 ; V. cependant
contra : F. TERRÉ, op. cit., no 217 p. 212). 115. Le Conseil d’État, en revanche, après avoir adopté la même
solution que la Cour de cassation en ce qui concerne les lois
109. Cependant pour la Cour de cassation, il n’appartient pas antérieures (CE, ass., 7 juill. 1978, Klaus Croissant, p. 292 ;
aux tribunaux de l’ordre judiciaire, en se fondant sur l’article 55 CE 15 févr. 1980, Gabor-Winter, Rec. CE, p. 87 ; 22 janv.
de la Constitution, de retenir une absence de réciprocité pour 1982, Conseil régional de Paris de l’ordre des experts-comp-
mettre obstacle à l’application en France d’un traité ou d’un ac- tables, Rec. CE, p. 28), refusa longtemps de juger de la compa-
cord international (Cass. 1re civ. 6 mars 1984, Bull. civ. I, no 85 ; tibilité ou de l’incompatibilité d’une loi postérieure avec un traité
15 nov. 1989, Bull. civ. I, no 346 ; 16 févr. 1994, Bull. civ. I, no 65, (CE 1er mars 1968, Synd. général des fabricants de semoule de
Rev. crit. DIP 1995.51, 1re espèce, note P. Lagarde ; 23 mars France, p. 149, D. 1968.285, note M. L., AJDA 1968.235, concl.
1994, Bull. civ. I, no 106, Rev. crit. DIP 1995.51, 2e espèce, note Questiaux ; 22 oct. 1979, Union démocratique du travail, p. 383,
P. Lagarde ; V. aussi, P. LAGARDE, La condition de réciprocité RD publ. 1980.531 ; 23 nov. 1984, Roujansky et autres, p. 383).
dans l’application des traités internationaux : son appréciation Mais la Haute juridiction opéra un revirement de jurisprudence
par le juge interne, Rev. crit. DIP 1975.39 et infra, no 138). par un arrêt Nicolo rendu le 20 octobre 1989 (D. 1990.135, note
P. Sabourin, RFD adm. 1989.813, concl. Frydman, note B. Ge-
110. En revanche, le Conseil d’État estime que l’exception d’in- nevois), en acceptant de contrôler la conformité d’une loi électo-
exécution, lorsqu’elle est soulevée devant lui, doit être renvoyée rale au traité du 25 mars 1957 instituant la Communauté écono-
à l’appréciation du ministre des Affaires étrangères (CE, ass., mique européenne. Par cet arrêt, le Conseil d’État s’est aligné
29 mai 1981, Rekhou, Rev. crit. DIP 1982.62, concl. J.-F. Théry, sur la jurisprudence que la Cour de cassation observait depuis
note P. Lagarde, D. 1981, IR 530, obs. P. Delvolvé ; CE 27 févr. 1972 et 1975 : les traités internationaux prévalent sur les lois
1987, Nguyen Van Giano, Rec. CE, p. 77 ; 9 avr. 1999, Mme françaises tant antérieures que postérieures. La solution adop-
Chevrol-Benkeddach, RFD adm. 1999.937, note Lachaume, JDI tée par la Cour de cassation et le Conseil d’État procède pour-
2001.81, 1re espèce, note J. Dehaussy ; V. aussi Cour EDH tant d’un raisonnement sujet à discussion. Certes, la Constitu-
13 févr. 2003, Chevrol c/ France, D. 2003.931, note Moutouh, tion oblige l’État à respecter les traités qu’il signe, de sorte qu’en
RTD civ. 2003.572, obs. R. Libchaber, mettant en cause la pra- cas de violation de cette obligation sa responsabilité peut être
tique du renvoi préjudiciel au ministre des Affaires étrangères engagée. Mais nulle part l’article 55 n’entend restreindre la sou-
en vue d’apprécier la condition de réciprocité pour l’application, veraineté de l’État en lui interdisant d’édicter une loi contraire à
en France, des traités internationaux et critiquant, au nom de un traité (en ce sens, B. BEIGNIER et C. BLÉRY, Manuel d’in-
l’exigence de procès équitable, l’autorité absolue conférée par troduction au droit, 2004, PUF, no 92, p. 151 ; adde L. LEMAS-
le Conseil d’État à l’avis du ministre des Affaires étrangères). SON, La Constitution française face au droit international, pour
une défense du principe de souveraineté, RRJ 2003-2, p. 1165,
111. Mais comment doit être sanctionnée la supériorité du trai- not. p. 1178 ; sur la question de savoir s’il faut tenir compte d’une
té ? par la simple responsabilité de l’État français en cas de éventuelle incompatibilité apparue postérieurement à l’adoption
violation d’un traité par une loi ou par le pouvoir donné au juge de la loi, V. CE, sect., 2 juin 1999, M. Meyet, Rec. CE, p. 161,
français de faire prévaloir le traité sur la loi ? AJDA 1999.560).

112. Assez tôt, la Cour de cassation a cru pouvoir invoquer l’ar- 116. Aujourd’hui, seul le Conseil constitutionnel refuse de sanc-
ticle 55 de la Constitution pour faire prévaloir un traité sur une loi tionner la primauté des traités sur les lois internes (c’est ainsi
contraire antérieure (Cass. crim. 7 janv. 1972, D. 1972.497, note qu’il a refusé de vérifier si la loi sur l’interruption volontaire de
J. Rideau ; Cass. soc. 14 janv. 1987, Bull. civ. V, no 19 ; 16 févr. grossesse était ou non contraire à la Convention des droits de
1987, Bull. civ. V, no 77). En effet, la solution n’offre guère de l’homme et des libertés fondamentales, Décis. Cons. const.
difficulté soit que l’on considère que le traité a pour effet d’abro- 15 janv. 1975, D. 1975.529, note L. Hamon, AJDA 1975.134,
ger, explicitement ou implicitement, la loi antérieure, soit que l’on note J. Rivero, GDCC, no 23), au motif que l’article 61 de la
considère qu’il rend celle-ci inapplicable (sur les deux analyses Constitution ne lui conférait pas un pouvoir d’appréciation gé-
possibles, V. p. FRYDMANN, concl. sous CE, ass., 20 oct. 1989, nérale et que sa mission se limitait à vérifier la conformité des
Nicolo, JCP 1989. II. 21371, GAJA, no 98). lois à la Constitution et non aux traités internationaux ; mais en
relevant aussi que le principe de la supériorité du traité sur la
113. Mais la Cour de cassation finit par adopter la même solution loi posé par l’article 55 de la Constitution n’avait qu’un carac-
en ce qui concerne les lois postérieures (Cass. ch. mixte 24 mai tère relatif et contingent en raison de la condition de réciprocité
1975, Sté des Cafés Jacques Vabre, D. 1975.497, à propos du qui oblige à ménager la possibilité d’appliquer une loi contraire
Traité de Rome du 25 mars 1957, et reprenant la motivation d’un à un traité en cas de non-réciprocité, ce qui conduit à interdire
arrêt de la Cour de justice des communautés européennes du toute annulation a priori et générale de la loi. Le Conseil consti-
15 juillet 1964, Costa, invoquant l’intégration dans l’ordre juri- tutionnel n’a apporté une exception à sa jurisprudence qu’en tant
dique des États membres de l’ordre juridique propre institué par que juge de l’élection, c’est-à-dire lorsqu’il est saisi par applica-
ce traité [V. infra, no 119], D. 1975.497, concl. Touffait, Grands tion de l’article 59 de la Constitution (Décis. Cons. const. du
arrêts juris. civ., t. 1, 11e éd., no 2, JCP 10975. II. 18180 bis, 21 oct. 1988, D. 1989.285, note F. Luchaire). Il ne s’est pas
concl. Touffait et Cass. 1re civ. 4 juin 1985, Bull. civ. I, no 178, départi, depuis, de sa jurisprudence (V., par ex., Décis. Cons.
p. 161, à propos de la Convention européenne de sauvegarde const. 29 déc. 1989, 23 juill. 1991 et 24 juill. 1991, Chronique
des droits de l’homme et des libertés fondamentales ; adde : de jurisprudence, RD publ. 1992.62 et s. ; Décis. Cons. const.
Cass. crim. 5 déc. 1983, Bull. crim. no 352 ; Cass. 1re civ. 4 juin no 96-375 du 9 avr. 1996, Rec. Cons. const., p. 60 ; no 99-416
1985, Bull. civ. I, no 17 ; 30 oct. 1985, Bull. civ. I, no 278 ; Cass. du 23 juill. 1999, Rec. Cons. const., p. 100, à propos de la loi
com. 24 juin 1986, Bull. civ. IV, no 134 ; 5 mai 1987, Bull. civ. créant la couverture maladie universelle : « Il n’appartient pas
IV, no 109 ; Cass. crim. 3 juin 1998, Bull. crim., no 246). au Conseil constitutionnel, saisi en application de l’article 61 de

Rép. civ. Dalloz - 18 - septembre 2004


LOIS ET DÉCRETS

la Constitution, d’examiner la conformité à un traité de la loi qui communautaire, la logique de supranationalité qu’avait suivie la
lui est déférée »). Cour de justice des Communautés européennes [arrêt CJCE
15 juill. 1954, Costa, préc. supra, no 119], V. concl. sous l’arrêt
117. Le Conseil constitutionnel évite ainsi d’accroître de manière CE 20 oct. 1989, Nicolo, JCP 1989. II. 21371) ; d’autre part,
excessive le bloc de constitutionnalité auquel il peut se référer le droit communautaire est transnational, car il est directement
lorsqu’il est appelé à contrôler la constitutionnalité des lois (sur la applicable dans l’ordre juridique de tous les États membres
conformité des lois internes aux traités et accords internationaux, (F. TERRÉ, op. cit., no 249, p. 244). Et il ne semble pas que ces
V. F. TERRÉ, op. cit., no 217 à 240, p. 212 à 234). caractères puissent être efficacement atténués, en pratique, par
l’application du principe de subsidiarité introduit dans la version
consolidée du traité instituant la Communauté européenne
ART. 2. – CONFORMITÉ DES LOIS INTERNES ORDINAIRES
(art. 5, al. 2 : « Dans les domaines qui ne relèvent pas de sa
AU DROIT COMMUNAUTAIRE.
compétence exclusive, la Communauté n’intervient, conformé-
ment au principe de subsidiarité, que si et dans la mesure où
118. Ce qui, dans le droit communautaire, est antérieur à la les objectifs de l’action envisagée ne peuvent pas être réalisés
Constitution de 1958 (notamment le Traité de Rome), c’est-à-dire de manière suffisante par les États membres et peuvent donc,
à une époque où il n’existait pas de contrôle de constitutionnali- en raison des dimensions ou de l’action envisagée, être mieux
té des traités internationaux (sous la Constitution de 1946), est, réalisés au niveau communautaire »).
selon le Conseil constitutionnel, entré « dans le champ d’appli-
cation de l’article 55 de la Constitution » (Décis. Cons. const.
123. Cette évolution pouvant être ressentie légitimement comme
19 juin 1970, Rec. Cons. const., p. 15), et a donc une autorité
une atteinte à la souveraineté nationale, deux révisions constitu-
supérieure à celle des lois, faute de pouvoir soumettre rétroac-
tionnelles du 25 juin 1992 et du 25 janvier 1999 (Const., art. 88-4)
tivement les traités antérieurs au contrôle de constitutionnalité
ont imposé au Gouvernement de soumettre à « l’Assemblée na-
instauré par la Constitution de 1958. Mais il en est de même pour
tionale et au Sénat, dès leur transmission au Conseil de l’Union
les traités et décisions communautaires ratifiés et publiés depuis
européenne, les projets ou propositions d’actes des Communau-
1958, qu’ils aient ou non fait l’objet d’un contrôle de constitution-
tés européennes et de l’Union européenne comportant des dis-
nalité (V. supra, no 96).
positions de nature législative », c’est-à-dire intervenant dans le
119. La question pouvait offrir, en revanche, plus de difficulté domaine législatif au sens de l’article 34 de la Constitution. Mais
en ce qui concerne le droit communautaire dérivé, c’est-à-dire il est prévu que le Gouvernement « peut également leur sou-
les règles établies par les institutions communautaires en appli- mettre les autres projets ou propositions d’actes ainsi que tout
cation des traités fondateurs. En effet, celui-ci est immédiate- document émanant d’une institution de l’Union européenne »
ment et directement applicable dans les États membres (CJCE (V. par ex. : JO 22 juin 2004, p. 11268). Les deux assemblées
15 juill. 1964, Costa : « À la différence des traités internatio- se prononcent, selon des modalités fixées par le règlement de
naux ordinaires, le traité de la CEE a institué un ordre juridique chacune, sur « ces projets, propositions ou documents » par des
propre intégré au système juridique des États membres lors de « résolutions » qui peuvent être « votées, le cas échéant, en de-
l’entrée en vigueur du traité et qui s’impose à leurs juridictions » hors des sessions ». Mais l’intégration des textes communau-
(Rec. CJCE, p. 1141 et Décis. 9 mars 1978, Simmenthal, Rec. taires n’exige pas, pour autant, l’accord des deux assemblées !
CJCE, p. 609 ; V. aussi : Cass. ch. mixte 24 mai 1975, Sté Ca-
fés Jacques Vabre, D. 1975.497, concl. Touffait, Grands arrêts 124. Autrement, les règlements ne posent pas de problèmes
juris. civ., no 2, qui, après avoir reconnu au Traité de la CEE une particuliers. Selon l’article 249, alinéa 2, du traité instituant la
autorité supérieure à celle de la loi en vertu de l’article 55 de la Communauté européenne : le règlement « est obligatoire dans
Constitution, déclare que cette convention « institue un ordre ju- tous ses éléments et il est directement applicable dans tout État
ridique propre intégré à celui des États membres ; qu’en raison membre ». Les règlements entrent en vigueur après leur publi-
de cette spécificité, l’ordre juridique qu’il a créé est directement cation au Journal officiel de l’Union européenne « à la date qu’ils
applicable aux ressortissants de ces États et s’impose à leurs fixent ou, à défaut, le vingtième jour suivant leur publication »
juridictions » ; adde : Décis. Cons. const. 30 déc. 1977, RTD (art. 254, al. 1er du traité). À partir de là, tout administré peut
eur. 1979.142, note G. Isaac et J. Molinié ; Cass. crim. 16 juin s’en prévaloir, et une loi interne postérieure ne saurait être in-
1983, JCP 1983. II. 20044, note A. Decocq). compatible avec lui (CE 24 sept. 1990, Boisdet, Rec. CE, p. 251,
AJDA 1990.906, RFD adm. 1991.172, note Dubouis). Le projet
120. Il en résulte que l’intégration du droit communautaire dans de Constitution européenne substitue au terme de « règlement »
le droit français et sa primauté ne passent pas, faute de ratifica- celui de « loi européenne » (art. I-32 du Titre V ; sur l’ensemble
tion ou d’approbation dans l’ordre interne, par le canal de l’article des modifications proposées, V. P.-Y. MONJAL, Les instruments
55 de la Constitution (CJCE 10 oct. 1973, Variola, Rec. CJCE, normatifs de l’Union dans le projet de Constitution européenne :
p. 981). Mais cette primauté n’en est pas moins certaine (V. infra les limites de la simplification, AJDA 2003.2177).
pour les règlements et les directives).
125. Les directives, en revanche, qui fixent « un résultat à at-
121. Par conséquent, rompant avec la solution traditionnelle en teindre, tout en laissant aux instances nationales la compétence
droit international qui consiste à laisser à chaque ordonnance- quant à la forme et aux moyens » (Traité CE, art. 249, al. 3),
ment juridique le soin de situer en lui-même la place du droit in- mais qui doivent être transposées dans les États membres (V.,
ternational, on a laissé le droit communautaire fixer lui-même sa par ex., Décr. no 2003-1237 du 22 déc. 2003 relatif à la transpo-
place en droit interne (sur le déclin de la souveraineté des États sition de la IVe directive sur l’assurance automobile et modifiant
membres, V. J.-L. HALPERIN, L’Union européenne, un État en le code des assurances [partie réglementaire], JO 24 déc.), ont
voie de constitution ?, D. 2004, Point de vue, p. 219). fait problème en raison, notamment, de l’incertitude quant à leur
applicabilité directe que ne prévoit pas expressément, comme
122. Le droit communautaire dérivé se différencie donc du il le fait pour les règlements, le traité instituant la Communau-
droit international traditionnel à un double titre : d’une part, té européenne. Cet effet direct ne fait cependant aucun doute,
il est supra-national, car il peut résulter de décisions qui ne tant pour la Cour de justice des Communautés européennes que
sont pas prises à l’unanimité (sur le souci du commissaire du pour le Conseil d’État et la Cour de cassation (V. D. SIMON, La
Gouvernement FRYDMAN d’écarter, en ce qui concerne le droit directive européenne, 1997, Dalloz, Connaissance du droit).

septembre 2004 - 19 - Rép. civ. Dalloz


LOIS ET DÉCRETS

126. La Cour de justice des Communautés européennes en a la jurisprudence du Conseil d’État, Mélanges Plantey, 1995, Pe-
tiré plusieurs conséquences, notamment la possibilité, pour les done, p. 45 et s. ; V. aussi, sur la situation dérogatoire dans la-
particuliers, d’invoquer une directive même non transposée si quelle se trouve le juge administratif des référés aux regard des
elle est suffisamment précise et inconditionnelle (CJCE 8 oct. règles européennes : B. LE BAUT-FERRARÈSE, L’office du juge
1987, Kolpinghuis Nijmegen BV, JCP 1988. II. 20934, obs. Bou- administratif des référés face à la règle européenne, Petites af-
tard-Lagarde ; et 25 juill. 1991, Rec. CJCE, I. 4047) ; l’obliga- fiches 25 févr. 2004, p. 4 ; adde : I. PINGEL, La responsabilité
tion, pour le juge national, d’interpréter son droit national à la de l’État pour violation du droit communautaire par une juridic-
lumière du texte et de la finalité d’une directive (CJCE 13 nov. tion suprême [à propos de l’arrêt Köbler de la CJCE du 30 sept.
1990, Marleasing SA et Comercial International de Alimenta- 2003, Gaz. Pal. 3-4 mars 2003, 1, p. 2]).
ción, JCP 1991. II. 21658, obs. Level, en vue, en l’espèce,
d’empêcher la déclaration de nullité d’une société anonyme pour 129. Après avoir affirmé que la non-transposition d’une direc-
une cause autre que celles énumérées à son article 11 ; adde : tive dans le droit français entraînait la responsabilité sans faute
CJCE 14 juill. 1994, Paola Faccini Dori c/ Recreb Srl, JCP 1995. de l’État (CE, ass., 28 mars 1984, Sté Alivar, AJ 1984.396, note
II. 22358, note Level) ; la possibilité, pour une juridiction, d’appré- Genevois), le Conseil d’État admet aujourd’hui implicitement qu’il
cier d’office la conformité d’une réglementation nationale avec s’agit d’une responsabilité pour faute (CE, ass., 28 févr. 1992,
une directive non transposée dans les délais, même lorsqu’un Sté Arizona, AJDA 1992.210, concl. Mme Laroque ; R. KOVAR,
justiciable n’a pas invoqué le bénéfice de cette directive (CJCE Le Conseil d’État et le droit communautaire : des progrès mais
11 juill. 1991, A. Verhalen e. a. c/ Sociale Verzekeringsbank, peut mieux faire, D. 1992, chron. 207). La primauté des direc-
Rec. CJCE I. 3757) ; l’obligation, pour un État membre, de répa- tives communautaires sur le droit national est aussi affirmée par
rer les dommages découlant pour les particuliers de la non-trans- la Cour de cassation (Cass crim. 17 oct. 1994, Hilbrand, Bull.
position d’une directive (CJCE 19 nov. 1991, Francovich, Rec. crim., no 332).
CJCE, p. 1489, JCP 1992.21783, note A. Barav ; 5 mars 1996,
130. Comme toute règle de droit, les règles communautaires
SA Brasserie du Pêcheur et Factorame, Rec. CJCE. I. 1029) ;
pouvant poser des problèmes d’interprétation lorsqu’elles sont
la possibilité de condamner un État pour manquement à l’obli-
invoquées devant une juridiction nationale, celle-ci peut renvoyer
gation de transposition d’une directive (CJCE 13 mars 1997,
cette interprétation à la Cour de justice des Communautés eu-
Comm. CEE c/ France, JCP 1997. I. 22939, note J.-L. Clerge-
ropéennes (Traité CE, art. 234, al. 2 ; V., par ex., CJCE 21 nov.
rie : maintien dans l’article L. 213-1 du C. trav. de l’interdiction du
2002 sur question préjudicielle d’un TGI français à propos de la
travail de nuit des femmes dans l’industrie contredisant le prin-
compatibilité du délai de forclusion prévu par l’article L. 311-37 du
cipe d’égalité de traitement entre hommes et femmes en ce qui
code la consommation (JCP 2003. II. 10082, note G. Plaisant :
concerne l’accès à l’emploi) ; mieux encore, obligation, pour les
la cour a jugé la solution du droit français incompatible avec la di-
États membres, même pendant le délai de transposition d’une
rective ce qui a eu pour effet de lier dorénavant tout juge national
directive, de s’abstenir de prendre des dispositions de nature à
(CJCE 27 mars 1963, Da Costa, Rec., p. 59). Mais le renvoi de-
compromettre sérieusement le résultat prescrit par cette direc-
vient une obligation pour les juridictions suprêmes (Cour de cas-
tive (CJCE 18 déc. 1997, Rec. I, p. 7437). D’où, pour remédier
sation et Conseil d’État) lorsque la question est soulevée dans
aux inconvénients des retards accumulés des transpositions, la
une affaire pendante devant elles (art. 234 : lorsqu’une question
loi no 2001-1 du 3 janv. 2001, JO 4 janv., portant habilitation
de la compétence de la Cour de justice « est soulevée dans une
du Gouvernement à transposer, par ordonnances, des directives
affaire pendante devant une juridiction nationale dont les déci-
communautaires et à mettre en œuvre certaines dispositions du
sions ne sont pas susceptibles d’un recours juridictionnel de droit
droit communautaire (V. L. LEVENEUR, Quarante-six transposi-
interne, cette juridiction est tenue de saisir la Cour de justice »).
tions par ordonnances : où va-t-on ?, Contrats, conc., consom.
Le Conseil d’État, longtemps réticent à l’égard de cette obliga-
2001.3 ; N. MOLFESSIS, obs. RTD civ. 2001.695).
tion, a, aujourd’hui, abandonné sa position (CE 26 oct. 1990,
127. De la même façon, le Conseil d’État a affirmé la primauté Fédér. nationale du commerce extérieur des produits alimen-
des directives communautaires sur les lois nationales (CE 28 fé- taires, Rec. CE, p. 294, D. 1990.972).
vr. 1992, Sté Arizona, Rec. CE, p. 78, concl. Mme Laroque ;
28 févr. 1992, Rothman, JCP 1992. II. 21859 note G. Teboul ART. 3. – CONFORMITÉ DES LOIS INTERNES ORDINAIRES AU
Gaz. Pal 1992. II 741, concl. Mme Laroque : une loi française DROIT INTERNATIONAL DES DROITS DE L’HOMME.
incompatible avec une directive communautaire est inapplicable
même si elle est postérieure ; adde : CE, ass., 1er déc. 1996, des 131. La Charte des Nations Unies avait, en 1945, proclamé
arrêtés d’ouverture de la chasse au gibier d’eau pris par le minis- la « foi dans les droits fondamentaux de l’homme, dans la di-
tère de l’Environnement en méconnaissance des objectifs défi- gnité et la valeur de la personne humaine, dans l’égalité des
nis par les dispositions d’une directive concernant les oiseaux droits des hommes et des femmes ». Cette affirmation devait
sauvages, encourent l’annulation ; V. aussi, sur la transposi- conduire, trois ans plus tard, à la Déclaration universelle des
tion des directives : CE 11 mars 1994, Union des transporteurs droits de l’homme adoptée par l’Assemblée générale des Na-
en commun de voyageurs des Bouches-du-Rhône, D. 1995.49, tions Unies le 10 décembre 1948 reconnaissant aux individus
note Pastorel, traduisant une extension de l’effet obligatoire de un certain nombre de droits et de libertés (droit à la vie, à la re-
celles-ci : les autorités d’un État ne peuvent légalement édicter connaissance de sa personnalité juridique, droit d’asile, droit à
des dispositions réglementaires qui seraient contraires aux ob- une nationalité, droit à la propriété, droit à la liberté de pensée,
jectifs définis par une directive. de conscience, de religion, etc.).

128. Le Conseil d’État est même allé jusqu’à juger qu’un arrêt 132. Pour mettre en œuvre les dispositions de cette déclaration
de la Cour de justice des Communautés européennes qui avait qui n’a qu’une valeur morale, deux pactes internationaux ont été
condamné la France pour manquement à ses obligations com- élaborés par l’ONU en 1960, entrés en vigueur en 1976, aux-
munautaires, par suite de la contrariété d’un règlement national quels la France a adhéré en 1980 et qui ont été publiés en 1981 :
à une directive, avait pour conséquence de rendre ce règlement le premier, relatif aux droits civiques et politiques (droit à la vie, à
de plano inapplicable (CE 23 mars 1992, Sté Klochner France, l’intégrité corporelle, à la liberté et à la sécurité de la personne,
Rec. CE, p. 133 ; V. aussi, P. SABOURIN, Le Conseil d’État face droit de quitter n’importe quel pays, y compris le sien, droit de la
au droit communautaire, RD publ. 1993.397 ; J.-P. COSTA, La famille à la protection de la société et de l’État (V. FLAUSS [sous
prise en compte du droit international et communautaire dans la dir.], Petites affiches, 25 mai 2000, no spécial : La France et

Rép. civ. Dalloz - 20 - septembre 2004


LOIS ET DÉCRETS

le Pacte de New York relatif aux droits civils et politiques) ; le se- (art. 9), liberté de réunion et d’association (art. 11) (pour une
cond, relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (droit application récente, V. Cass. 3e civ. 12 juin 2003, D. 2004.367,
de jouir de conditions de travail justes et favorables, droit de toute note C.-M. Bénard : nullité absolue de la clause d’un bail
personne à la sécurité sociale, à un niveau de vie suffisant, etc.). commercial obligeant le preneur à adhérer à une association de
commerçants et à maintenir son adhésion pendant la durée du
133. Mais le contrôle du respect des engagements n’est pas ju- bail), respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de
ridictionnel ; il est effectué sur rapports que s’engagent à présen- sa correspondance (Conv., art. 8 ; V. infra, no 139). De même, la
ter les États sur les mesures adoptées et les progrès accomplis Convention entend garantir le droit de se marier et de fonder une
en vue d’assurer le respect des divers droits. Le pacte sur les famille (art. 12) (mais non le droit au divorce), le droit au respect
droits civils et politiques prévoit aussi un contrôle sur plainte, y des biens d’une personne physique ou morale, donc au droit
compris individuelles, pour violation du pacte, qui est assuré par de propriété (CEDH, 13 juin 1979, Marckx c/ Belgique, Série
un Comité des droits de l’homme, mais celui-ci n’est pas investi A no 31). Tous ces droits doivent être assurés en respectant
d’un pouvoir de contrainte. De même, une Convention relative la toile de fond que constitue le principe de non-discrimination
aux droits de l’enfant a été signée à New York le 26 janvier 1990 (Conv., art. 14 ; sur la répression des infractions racistes,
et ratifiée par la France par application d’une loi no 90-548 du antisémites ou xénophobes, V. L. no 2003-88 du 3 févr. 2003,
2 juillet 1990 (JO 5 juill. ; V. G. RAYMOND, La Convention des JO 4 févr. ; F. LE GUHENEC, Institution d’une circonstance
Nations unies sur les droits de l’enfant et le droit français de l’en- aggravante de racisme, JCP 2003, actualité, p. 252 ; V. aussi,
fance, JCP 1990.12363). Mais la Cour de cassation a jugé que mais en ce qui concerne l’Union européenne, A. GRUBER, Le
les dispositions de cette convention ne pouvaient être invoquées principe d’égalité et de non-discrimination dans le droit interne
devant les tribunaux puisque celle-ci ne créant des obligations des États candidats à l’Union européenne, Petites affiches
qu’à la charge des États parties, n’est pas directement appli- no 236 du 26 nov. 2003, p. 4). Il en est de même pour le droit
cable en droit interne (Cass. 1re civ. 10 mars 1993, Bull. civ. à un procès équitable, pièce maîtresse du droit européen des
I, no 203, D. 1993.361, note Massip, JCP 1993. I. 3688, no 4, droits de l’homme (Conv., art. 6 : « Toute personne a droit à
obs. Rubellin-Devichi, Rev. crit. DIP 1993.449, note Lagarde). ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement
De même, pour le Conseil d’État, certaines dispositions de la et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et
Convention qui ne produisent pas d’effets directs à l’égard des impartial ») (V. infra, no 138).
particuliers, ne peuvent être utilement invoquées pour appuyer
une demande d’annulation d’une décision individuelle ou régle- 137. Les règles procédant de la Convention européenne des
mentaire (CE 23 avr. 1997, Rec. CE, 142, D. 1998.15, concl. droits de l’homme et des libertés fondamentales s’intègrent dans
Abraham). Sont-ce là, la manifestation d’une volonté d’éviter une l’ordre juridique français à hauteur des traités ou accords inter-
extension débridée de la jurisprudence Sté des Cafés Jacques nationaux en vertu de l’article 55 de la Constitution, sauf que l’on
Vabre et Nicolo ? (V. supra, no 113 et s.). Rien n’interdit de le s’accorde pour dire que, s’agissant d’une convention multilaté-
penser. rale (plus précisément d’un traité-loi ou traité normatif dont l’objet
est de poser des règles de droit), l’exigence de réciprocité prévue
134. En revanche, pour le Conseil d’État, certaines dispositions à l’article 55 n’a pas lieu d’être. Cette intégration va jusqu’à se
bénéficient de l’effet direct, par exemple l’article 16 relatif à la trouver parfois consacrée par l’abandon bien docile de ses solu-
protection de la vie privée et de l’honneur (CE 10 mars 1995, tions par la Cour de cassation après condamnation de la France
Rec. CE, p. 610, D. 1995.617note Benhamou), ; l’article 3 relatif par la Cour européenne des droits de l’homme le 25 mars 1992
à l’attention primordiale qui doit être portée à l’intérêt supérieur (Bull. inf. C. cass. 15 juill. 1992, no 1228 ; Ass. plén. 11 déc.
de l’enfant dans toute décision le concernant (CE 22 sept. 1997, 1992, JCP 1993. II. 21991, concl. Jéol, note G. Mémeteau, GA-
Rec. CE, p. 320, D. 1998, somm. 297, obs Desnoyer, JCP 1998. JC, no 23, à propos de la mention du sexe physiologique des
II. 10052, note Gouttenoire-Cornut). transsexuels sur leurs actes de l’état civil, alors que l’interven-
tion du législateur, fût-ce à l’aide d’une loi rétroactive, aurait pu
135. De même, avait été affirmée la nécessaire défense des régler le problème sans obliger la Cour de cassation à se déju-
droits de l’homme et des libertés fondamentales par l’acte final ger par rapport à : Cass. 1re civ. 21 mai 1990 [4 arrêts] JCP
des accords d’Helsinki du 1er août 1975. Mais celui-ci n’a pas la 1990. II. 21588, rapp. Massip, concl. avocat général Flipo).
valeur d’un traité. Aussi bien, la Cour de cassation déclare-t-elle qu’il est de l’office
du juge du fond de statuer sur la compatibilité d’une disposition
136. Au contraire, mérite une attention toute particulière la de droit interne avec les dispositions de la Convention des droits
Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme de l’homme et des libertés fondamentales, de sorte qu’est inap-
et des libertés fondamentales dont en pratique le titre utilisé plicable la procédure de demande d’avis de la Cour de cassation
est souvent abrégé en « Convention européenne des droits (Cass. avis 16 déc. 2002, Bull. civ., no 6). La compatibilité des
de l’homme », signée à Rome le 4 novembre 1950 par les lois internes avec les dispositions de la Convention européenne
États fondateurs du Conseil de l’Europe entrée en vigueur le des droits de l’homme peut être appréciée par toutes les juridic-
3 septembre 1953 et ratifiée par la France en 1974, qui établit tions, opérant, selon l’expression consacrée, un « contrôle de
entre les démocraties parlementaires, membres du Conseil conventionnalité ».
de l’Europe (quarante et un États ont actuellement adhéré
à la Convention), un mécanisme de protection des droits de 138. Le droit à un procès équitable et les obligations qui en dé-
l’homme assez efficace, surtout pour celles des démocraties qui coulent pour les États, introduits par la loi no 2000-516 du 15 juin
ont accepté (dont la France depuis 1981) la clause facultative 2000 (JO 16 juin, rect. 8 juill.) dans le code de procédure pénale
reconnaissant le droit de recours individuel contre un État de- dans un article préliminaire (al. 1er : « La procédure pénale doit
vant la Cour européenne des droits de l’homme (à propos d’une être équitable et contradictoire et préserver l’équilibre des droits
limitation envisagée des recours individuels, V. F. BENOIT-ROH- des parties »), motivent nombre de décisions de justice. C’est
MER, Il faut sauver le recours individuel, D. 2003chron. 2584),. ainsi qu’il a été jugé à propos de l’application de l’article 6-1o de
Cette convention garantit dans son texte de base et ses divers la Convention, selon lequel toute personne a droit à ce que sa
protocoles un certain nombre de droits et de libertés (droit de cause soit entendue par un tribunal impartial, que violait ce texte
toute personne à la vie [art. 2], à la liberté et à la sûreté [art. 5]), la cour d’appel qui avait statué dans une composition comportant
liberté d’expression et libertés qui en découlent (par ex. liberté un magistrat qui avait déjà connu du même litige en participant
d’opinion), liberté de pensée, de conscience et de religion en première instance à une décision de caractère juridictionnel

septembre 2004 - 21 - Rép. civ. Dalloz


LOIS ET DÉCRETS

(Cass. 3e civ. 27 mars 1991, D. 1991, somm. 129, obs. Julien ; possibilités offertes au juge national par le droit européen dans
V. aussi, Cass. crim. 10 déc. 2002, Bull. crim., no 221, déclarant le cadre d’un contrôle de conventionnalité, l’une des raisons du
irrecevable le mémoire d’un procureur général à l’appui de son peu d’empressement de celui-ci à souhaiter pouvoir contrôler la
pourvoi parvenu tardivement à la Cour de cassation ; V., égal., constitutionnalité des lois ?
Cass. ass. plén. 6 nov. 1998, D. 1999.1, concl. J.-F. Burge-
lin et 24 janv. 2003, Bull. Ass. plén. no 2, p. 2 ; CEDH 6 juin
2000, Morel c/ France, D. 2001.339 ; 27 nov. 2003, D. 2004, IR
SECTION 5
32 condamnant la présence de l’avocat général au délibéré de Hiérarchie propre aux règlements.
la Cour de cassation et J.-F. BURGELIN, La paille et la poutre,
D. 2004, chron. 1249 ; adde : C. GOYET, Remarques sur l’im- 142. Les règlements sont eux-mêmes hiérarchisés. D’une part,
partialité du tribunal [opérant distinction entre impartialité objec- qu’il s’agisse de règlements pris en application d’une loi ou de rè-
tive et impartialité subjective], 2001, chron. 328 ; B. BEIGNIER glements autonomes, ils sont subordonnés à la loi, à la Constitu-
et C. BLÉRY, L’impartialité du juge, entre apparence et réalité, tion, aux traités et aux principes généraux du droit. D’autre part,
D. 2001, chron. 2427 ; V. aussi, sur la condamnation, sur le fon- les règlements sont hiérarchisés entre eux. Ils le sont en fonc-
dement de l’article 6, du « référé diplomatique » [renvoi préjudi- tion des autorités dont ils émanent ; ainsi le règlement pris par
ciel d’un traité international au ministre des Affaires étrangères une autorité supérieure prime celui que prend une autorité su-
admis par la jurisprudence du Conseil d’État ; V. supra, no 109 ; bordonnée, laquelle ne peut y déroger, et il existe des moyens
CEDH 13 févr. 2003, Mme Chevrol c/ France, D. 2003.931, note juridiques pour faire respecter cette hiérarchie (par ex. recours
H. Moutouh]). pour excès de pouvoir devant le Conseil d’État). Les règlements
sont aussi hiérarchisés en fonction de la forme dans laquelle ils
139. De même, les solutions apportées par le droit français au ont été pris ; ainsi, un décret pris en Conseil des ministres prime
problème des écoutes téléphoniques fournissent un exemple de un décret en Conseil d’État, lequel prime un décret simple.
l’intégration dans notre droit des règles et solutions découlant
de la Convention européenne. Alors que les juridictions fran- 143. Mais pour appréhender la hiérarchie propre aux règle-
çaises avaient multiplié les garanties contre les atteintes à la li- ments, il convient de distinguer entre ceux qui interviennent dans
berté individuelle résultant d’une pratique débridée des écoutes le domaine de la loi et les règlements administratifs.
téléphoniques (V., par ex., Cass. ass. plén. 24 nov. 1989,
D. 1990.34 ; Cass. crim. 27 févr. 1996, JCP 1996. II. 22629,
ART. 1er. – RÈGLEMENTS DANS LE DOMAINE DE LA LOI (LOCO LEGIS).
note M.-L. Rassat), la France ne s’en est pas moins trouvée
condamnée pour violation de l’article 8 de la Convention euro- 144. Ce sont : les ordonnances du Président de la République
péenne des droits de l’homme pour précision et donc prévisibilité prises par application de l’article 38 de la Constitution ; les dé-
insuffisantes de sa réglementation (CEDH 24 avr. 1990, Huvig crets (en conseil des ministres) du Président de la République
et Kruslin, D. 1990.353, note J. Pradel). Cette condamnation pris dans le cadre de l’art. 37 ; enfin, les décrets autonomes du
a contribué à susciter de la part du législateur français l’édic- Premier ministre pris aussi dans le cadre de l’article 37 (sans
tion de règles plus précises par une loi no 91-646 du 10 juillet être subordonnés à la loi, les « règlements autonomes » n’en
1991 (JO 13 juill., rect. 10 août) relative au secret des corres- sont pas moins subordonnés aux règles constitutionnelles et à
pondances émises par la voie des télécommunications (V. C. pr. tout ce qui se trouve à l’étage de la loi, notamment aux principes
pén., art. 100 à 100-7 et aussi C. pén., art. 226-1, 226-2 et généraux du droit [A. DE LAUBADÈRE et Y. GAUDEMET, Traité
226-15 ; adde : la directive CE no 2002-58 du 12 juill. 2002 de droit administratif, t. 1, 16e éd. 2001, LGDJ, no 1184 ; V., affir-
concernant le traitement des données à caractère personnel et mant la subordination des règlements autonomes aux principes
la protection de la vie privée dans le secteur des communica- généraux du droit : CE 26 juin 1959, Synd. général des ingé-
tions électroniques, JOCE 31 juill. 2002 L. 37, D. 2002.2312). nieurs-conseils, D. 1959.541, note L’Huillier, S. 1959.202, note
140. De même, il a été jugé que viole l’article 8 de la Conven- Drago, GAJA, no 87]).
tion européenne des droits de l’homme la filature organisée par
un employeur pour contrôler et surveiller l’activité d’une salariée ART. 2. – RÈGLEMENTS ADMINISTRATIFS.
travaillant à l’extérieur de l’entreprise (Cass. soc. 26 nov. 2002,
D. 2003, somm. 394, RTD civ. 2003.58, obs. Hauser). 145. Ils comprennent : les décrets d’application pris par le Pre-
mier ministre en vertu de l’article 21 de la Constitution ; les arrê-
141. La Convention européenne des droits de l’homme trouve tés interministériels ; les arrêtés ministériels ; les arrêtés préfec-
aujourd’hui sa consécration et un prolongement dans la Charte toraux ; les arrêtés du président du Conseil général, les arrêtés
des droits fondamentaux de l’Union européenne du 18 dé- municipaux pris par le maire de la commune, ainsi que les divers
cembre 2000, proclamée à l’issue du Conseil européen tenu à règlements pouvant être pris par les autres détenteurs du pou-
Nice du 7 au 9 décembre 2000 (JOCE no C 364 du 18 déc.). voir réglementaire (V. supra, no 58 et s.).
Cette convention a, cependant, moins l’ambition d’affirmer
de nouveaux droits que de rassembler les droits exprimés 146. Chaque autorité ne peut que compléter, mais non les
jusque-là dans diverses conventions, pactes ou déclarations contredire, les règlements de l’autorité supérieure. Et aucune
(F. BENOIT-ROHMER, La Charte des droits fondamentaux autorité ne peut déroger par un acte individuel à une règle
de l’Union européenne, D. 2001.1483). Aussi bien, peu de générale posée par l’autorité supérieure compétente, cette
domaines peuvent-ils aujourd’hui échapper à la férule des subordination de l’acte individuel à la règle générale constituant
droits de l’homme armant le bras du juge (V. D. GUTMAN, Les une garantie fondamentale de sécurité pour les administrés.
droits de l’homme sont-ils l’avenir du droit ?, Mélanges Terré, De manière plus générale, entre deux actes de même nature
1999, Dalloz, PUF, Juris-classeur, p. 329 et s. ; A. DEBET, (réglementaire ou individuelle), celui pris par une autorité subor-
L’influence de la CEDH sur le droit civil français, 2002, Dalloz, donnée est toujours lié par celui pris par l’autorité supérieure.
coll. « Bibliothèque des thèses » ; V. aussi J.-C. SOYER, La loi De même, chaque autorité doit, au sein des actes de même
nationale et la Convention européenne des droits de l’homme, nature qu’elle pose, respecter la hiérarchie tenant à la plus ou
Mélanges Foyer, PUF 1997, p. 125 et s. ; R. HOSTIOU, Les moins grande solennité des formes (ainsi, un règlement pris en
incidences de la CEDH sur le droit administratif des biens, Conseil d’État s’impose aux décrets réglementaires ordinaires,
AJDA 2003.2123). Du reste ne faut-il pas voir dans les multiples bien que tous soient pris par le Premier ministre).

Rép. civ. Dalloz - 22 - septembre 2004


LOIS ET DÉCRETS

CHAPITRE 3
Vie de la loi.
147. La vie de la loi, dont le début de l’applicabibilité ne coïn- § 3. – Lois ordinaires.
cide pas toujours avec la date de son entrée en vigueur (V. in-
fra, no 226 et s.), correspond à la période durant laquelle la loi 152. Selon l’article 39, alinéa 1er, de la Constitution, l’initiative
fait partie intégrante de l’ordonnancement juridique, et doit donc des lois ordinaires « appartient concurremment » au Premier mi-
être obéie par les sujets de droit et appliquée par les organes nistre qui établit un projet de loi délibéré en Conseil des ministres
d’application du droit, notamment les tribunaux. Cette période après avis du Conseil d’État, et aux membres du Parlement (dé-
débute avec l’achèvement de la création de la loi et se termine putés et sénateurs), lesquels peuvent présenter une proposition
avec la disparition de celle-ci. de loi précédée d’un exposé des motifs. Neuf lois sur dix ont
pour origine un projet de loi.
SECTION 1re 153. Les projets sont déposés sur le bureau de l’une ou l’autre
Création de la loi. des deux assemblées en conséquence d’un décret de présenta-
tion que le Conseil d’État considère comme un acte de Gouver-
148. La création de la loi commence par l’élaboration de celle-ci, nement. La règle est différente, cependant, pour les projets de
suivie de sa promulgation et de sa publication. lois de finances qui doivent être soumis en premier lieu à l’As-
semblée nationale qui, élue au suffrage universel, est considé-
ART. 1er. – ÉLABORATION DE LA LOI. rée comme devant avoir priorité pour établir l’impôt que devra
payer le citoyen et prévoir les dépenses et il en est de même pour
149. La procédure d’élaboration de la loi diffère selon qu’il s’agit les projets de lois de financement de la sécurité sociale (art. 39,
de lois constitutionnelles, de lois organiques, de lois ordinaires al. 2 ; V. supra, no 24). De même, les projets de lois ayant pour
ou d’ordonnances prises en application de l’article 38 de la principal objet l’organisation des collectivités territoriales et les
Constitution, de décrets ou d’arrêtés. projets de lois relatifs aux instances représentatives des Fran-
çais établis hors de France (V. supra, no 27) doivent être soumis
§ 1er. – Constitution. en premier lieu au Sénat (art. 39, al. 2).
150. La Constitution actuelle, qui a donné naissance à la Ve Ré- 154. Les propositions de loi (pour lesquelles l’avis du Conseil
publique, a été adoptée, par référendum, le 28 septembre 1958. d’État n’a pas à être sollicité, ce qui peut conduire à de graves im-
Elle ne peut être révisée, en principe, que dans les conditions perfections techniques, V. par ex., L. no 99-944 du 15 nov. 1999
de son article 89. Elle l’a été exceptionnellement et pourrait relative au pacte civil de solidarité) sont déposées sur le bureau
l’être éventuellement de nouveau dans celles de son article 11 de l’Assemblée à laquelle son ou ses auteurs appartiennent.
(V. F. HAMON et M. TROPER, Droit constitutionnel, 28e éd., Avant d’être réparties entre les commissions pour instruction, les
2003, LGDJ, p. 491 et s.). propositions de loi font l’objet d’un examen de recevabilité des-
tiné à s’assurer du respect des prescriptions de la Constitution
§ 2. – Lois organiques. dans ses articles 40 (irrecevabilité de la proposition « lorsque son
adoption aurait pour conséquence, soit une diminution des res-
151. Au lendemain de l’entrée en vigueur de la Constitution de
sources publiques, soit la création ou l’aggravation d’une charge
1958, la plupart des lois organiques ont été prises sous forme
publique » (afin d’empêcher une proposition démagogique ; par
d’ordonnances par application de l’article 92 de la Constitution
ex. une proposition tendant à faciliter l’adoption des enfants na-
qui accordait des pouvoirs exceptionnels au Gouvernement pour
turels a été déclarée irrecevable parce que son adoption pouvait
la mise en place des nouvelles institutions. La procédure prévue
entraîner une diminution des ressources publiques au titre de
depuis en la matière et précisée par l’article 46 de la Constitu-
l’impôt sur les successions, V. F. HAMON et M. TROPER, op.
tion diffère à plusieurs égards de la procédure législative ordi-
cit., p. 720), et 41 (irrecevabilité que peut opposer le Gouverne-
naire. D’une part, le projet ou la proposition de loi n’est « sou-
ment à une proposition qui n’est pas du domaine de la loi ou qui
mis à la délibération et au vote de la première assemblée saisie
est contraire à une délégation accordée en vertu de l’article 38
qu’à l’expiration d’un délai de quinze jours après son dépôt »
de la Constitution).
(Const., art. 46, al. 2). D’autre part, « faute d’accord entre les
deux assemblées, le texte ne peut être adopté par l’Assemblée 155. L’assemblée saisie confie l’étude du projet ou de la proposi-
nationale en dernière lecture qu’à la majorité absolue de ses tion, soit, en principe, à l’une des six commissions permanentes
membres » (art. 46, al. 3 ; V., par ex., L. org. no 2001-419 du qui existent au sein de chaque assemblée (Const., art. 43) (par
15 mai 2001, JO 16 mai, modifiant la date d’expiration des pou- ex. au sein de l’Assemblée nationale : Commission des lois
voirs de l’Assemblée nationale). En troisième lieu, « les lois or- constitutionnelles, de la législation et de l’Administration géné-
ganiques relatives au Sénat doivent être votées dans les mêmes rale, Commission des affaires étrangères, Commission de la Dé-
termes par les deux assemblées » (art. 46, al. 4), et il en est fense nationale), soit, exceptionnellement, à une commission
de même pour les lois organiques fixant les conditions dans les- spécialement créée à cet effet. Un rapporteur désigné au sein
quelles les citoyens de l’Union européenne peuvent bénéficier du de la commission par les membres de celle-ci, est chargé de pré-
droit de vote et d’éligibilité aux élections municipales (art. 88-3). senter ses conclusions devant l’assemblée, en séance publique
Sont considérées comme « relatives au Sénat », les lois fixant (les rapports, sources précieuses d’informations pour l’interpré-
le nombre des sénateurs, la durée de leur mandat ou leur statut, tation des textes, sont publiés par les éditions du Journal officiel).
mais non pas, selon l’interprétation restrictive du Conseil consti-
tutionnel, les lois qui affectent indirectement le Sénat (F. HAMON 156. Le projet ou la proposition ayant été inscrit à l’ordre du jour
et M. TROPER, op. cit., p. 491). Enfin, les lois organiques « ne de l’assemblée saisie, le vote a lieu en séance publique, après
peuvent être promulguées qu’après déclaration par le Conseil une discussion d’ensemble portant sur les motifs et l’opportunité
constitutionnel de leur conformité à la Constitution » (art. 46, al. 5 du projet ou de la proposition, suivie par un examen, article par
et 61, al. 1er). article, du texte ainsi que des amendements, c’est-à-dire des

septembre 2004 - 23 - Rép. civ. Dalloz


LOIS ET DÉCRETS

modifications proposées par le Gouvernement, par la commis- constitutionnel s’autorise parfois à énoncer, à l’occasion de cette
sion ou par des parlementaires. vérification, des « réserves d’interprétation » par lesquelles il
précise les conditions que devront respecter les ordonnances
157. Le texte voté est alors transmis à l’autre assemblée où il pour être conformes à la Constitution (par ex. à propos de la loi
fera l’objet d’un second vote (Const., art. 42, al. 2). En cas de no 86-825 du 11 juill. 1986 autorisant le Gouvernement à délimi-
désaccord de la seconde assemblée, le texte revient devant la ter par ordonnances les circonscriptions électorales, JO 12 juill. ;
première : c’est ce qu’on appelle « la navette », à laquelle le Décis. Cons. const. no 86-208 des 1er et 2 juill. 1986, Rec.,
Premier ministre peut mettre fin (après deux lectures par chaque p. 78, JO 3 juill. : obligation pour celui-ci de fonder cette délimi-
assemblée ou même après une seule lecture en cas d’urgence) tation sur des bases essentiellement démographiques).
en provoquant la réunion d’une commission mixte paritaire com-
posée de sept députés et de sept sénateurs désignés par leurs 161. Les projets d’ordonnance sont élaborés par le Gouverne-
collègues, laquelle tentera d’élaborer un texte commun. À dé- ment qui les soumet pour avis au Conseil d’État, avant qu’ils
faut de pouvoir y parvenir, ou si le texte commun ne recueille ne soient adoptés en Conseil des ministres. Quant aux ordon-
pas l’adhésion des deux assemblées, le Gouvernement peut, nances, elles doivent être signées par le Président de la Répu-
après une nouvelle lecture par l’Assemblée nationale et par le blique, sans faire cependant l’objet d’une promulgation. Le texte
Sénat, demander à l’Assemblée nationale de statuer définitive- de l’ordonnance se termine par l’indication que : « Le Premier
ment (V., par ex., L. no 2001-1062 du 15 nov. 2001 relative à ministre, le ministre... (suit la liste des ministres concernés) sont
la sécurité quotidienne, JO 16 nov.), celle-ci pouvant dans ce chargés chacun en ce qui le concerne de l’exécution de la pré-
cas reprendre, soit le texte élaboré par la commission mixte, soit sente ordonnance qui sera publiée au Journal officiel de la Répu-
le dernier texte voté par elle, modifié le cas échéant par un ou blique française ». Une variante récente dispose que les mêmes
plusieurs amendements votés par le Sénat (Const., art. 45 ; sur « sont responsables, chacun en ce qui le concerne, de l’applica-
l’ensemble de la question, V. F. HAMON et M. TROPER, op. cit., tion de la présente ordonnance » (V. par ex., Ord. no 2003-1059
p. 718 et s. ; L. FAVOREU et alii, op. cit., no 1155 et s., p. 710 et du 6 nov. 2003 relative aux mesures de simplification pour les
s.). De même, pour accélerer le processus, le Premier ministre emplois du spectacle et modifiant le code du travail, JO 8 nov.).
peut, après délibération du Conseil des ministres, engager la res-
162. Mais le Président de la République peut-il discrétionnai-
ponsabilité du Gouvernement devant l’Assemblée nationale sur
le vote d’un texte, lequel sera considéré comme adopté sauf si rement refuser de signer une ordonnance ? La question a fait
débat en 1986 après le refus du Président Mitterrand de signer
une motion de censure, déposée dans les vingt-quatre heures
des ordonnances proposées par le Gouvernement Chirac. Le
qui suivent, est votée (Const., art. 49, al. 3), ce qui ne laisse aux
Conseil constitutionnel ne fut pas en mesure de répondre à cette
députés que le choix de voter le texte en bloc ou de censurer le
question faute d’une procédure permettant de le saisir.
Gouvernement !
163. Enfin, le Gouvernement doit, sous peine de caducité, dé-
§ 4. – Ordonnances de l’article 38 de la Constitution. poser auprès du Parlement le projet de loi de ratification dans
le délai fixé par la loi d’habilitation. La ratification peut être ex-
158. En autorisant le Gouvernement à demander au Parlement presse, c’est-à-dire résulter de l’adoption par le Parlement du
« pour l’exécution de son programme », l’autorisation de prendre projet de loi de ratification (V. par ex., L. préc. [supra, no 46] du
par ordonnances, pendant un temps limité, des mesures qui sont 2 juill. 2003 habilitant le Gouvernement à simplifier le droit et
normalement du domaine de la loi, l’article 38 de la Constitution ratifiant plusieurs ordonnances dans ses articles, art. 30 et 31)
prévoit la possibilité de modifier temporairement la délimitation ou implicite dès lors qu’elle résulte « d’une manifestation de vo-
des domaines législatif et réglementaire, au profit du Pouvoir ré- lonté implicitement mais clairement exprimée par le Parlement »
glementaire du Gouvernement (V. supra, no 46 et s.). De là, la (Décis. Cons. const. no 72-73 du 29 févr. 1972, Participation
nécessité d’un encadrement de l’action gouvernementale par le des salariés, RJC II-48 ; V. aussi, CE 17 mai 2002, M. Hoffer et
Parlement qui se manifeste à travers une loi d’habilitation, et une autres, RTD civ. 2002.592, obs. N. Molfessis : « La ratification
loi de ratification votées par celui-ci. [...] peut résulter d’une loi qui, sans avoir cette ratification pour
objet direct, l’implique nécessairement ». Mais en pratique, le
159. L’autorisation de légiférer par ordonnances ne peut être
Gouvernement, après avoir déposé le projet de loi de ratifica-
sollicitée que par le Gouvernement, d’où la nécessité que la tion (ce dépôt a, à lui seul, pour effet de maintenir en vigueur
demande fasse l’objet d’un projet de loi d’habilitation. Celui-ci
les ordonnances prises en tant qu’actes réglementaires), le fait
doit être déposé par le Gouvernement « pour l’exécution de son
rarement discuter et voter par le Parlement.
programme », ce qui implique, selon le Conseil constitutionnel,
l’obligation pour le Gouvernement « d’indiquer avec précision la 164. Les ordonnances ont un caractère réglementaire tant
finalité des mesures qu’il se propose de prendre » (Décis. Cons. qu’elles ne sont pas ratifiées par le Parlement. Elles peuvent
const. no 76-72 du 12 janv. 1977, Rec., p. 31 ; Décis. Cons. donc être attaquées sur la voie d’un recours pour excès de pou-
const. no 2003-473 du 26 juin 2003, JO 2003 p. 11205), ainsi voir à la suite duquel elles pourront être annulées, par exemple
que le domaine d’intervention de celles-ci (Décis. Cons. const. pour non-respect des limites fixées par la loi d’habilitation ou
no 86-207 des 25/26 juin 1986, Privatisations, Rec. Cons. const., pour violation d’un principe constitutionnel ou d’un principe gé-
p. 61). néral du droit. En revanche, une fois ratifiées, les ordonnances
acquièrent valeur de loi dans leurs dispositions qui sont de la
160. La procédure se poursuit par le vote par le Parlement, se- compétence du Parlement selon l’article 34 de la Constitution, et
lon la procédure législative ordinaire, d’une loi d’habilitation qui elles ne peuvent donc plus faire l’objet d’un recours pour excès
doit indiquer, d’une part, le délai de l’habilitation, c’est-à-dire le de pouvoir (CE 24 nov. 1961, Fédér. nationale des syndicats de
délai (limité dans le temps, mais sans que la Constitution ait fixé police, D. 1962.424, note Fromont).
un délai maximum) pendant lequel le Gouvernement sera habi-
lité à prendre des ordonnances, et d’autre part, le délai maxi- 165. Le contrôle des ordonnances de l’article 38 est de la com-
mum imposé au Gouvernement pour saisir le Parlement des or- pétence du Conseil d’État tant qu’elles ne sont pas ratifiées, car
donnances prises, en vue de leur ratification. La loi d’habilita- elles demeurent alors des actes administratifs susceptibles de
tion peut être déférée au Conseil constitutionnel (Const., art. 61, recours pour excès de pouvoir, et le contrôle des lois d’habilita-
al. 2), appelé à vérifier qu’elle comporte bien toutes les indica- tion et de ratification est de la compétence du Conseil constitu-
tions prescrites, notamment quant aux délais. Mais le Conseil tionnel.

Rép. civ. Dalloz - 24 - septembre 2004


LOIS ET DÉCRETS

§ 5. – Décrets et arrêtés. l’étranger, l’obligation d’une promulgation est très souvent impo-
sée (par ex. en Allemagne, en Italie, en Belgique, mais non pas
166. Contrairement aux normes législatives, aucune condition en Angleterre).
de forme ou de procédure déterminées n’est, en principe, exigée
pour l’édiction des normes réglementaires.
§ 1er. – Lois soumises à promulgation.
167. Cependant, pour les décrets (que seuls peuvent prendre
171. En France, seules les lois au seul sens formel et aux sens
le Président de la République et le Premier ministre ; V. supra,
formel et matériel font l’objet d’une promulgation. Les règle-
no 54 et s.), certaines formalités sont parfois exigées : avis du
ments n’y sont pas soumis. Ils doivent seulement être publiés.
Conseil d’État en Assemblée ou en Section (par ex. décrets mo-
difiant ou abrogeant une loi intervenue avant l’entrée en vigueur 172. Sont soumises à promulgation, selon la Constitution de
de la Constitution dans l’une des matières devenues de la com- 1958 : les lois votées par le Parlement (art. 10), y compris les
pétence du pouvoir réglementaire), avis du Conseil économique lois de finances (art. 47, al. 4), les lois organiques (art. 61, al. 1er),
et social, délibération en Conseil des ministres, contreseing des ainsi que les lois constitutionnelles adoptées en Congrès ou par
ministres intéressés. Pour les autres actes réglementaires (ar- référendum, bien que l’article 89 de la Constitution garde le si-
rêtés ministériels, préfectoraux, municipaux, etc.), la procédure lence à leur sujet (V., en ce sens, H. PUGET et J.-Cl. SÈCHE,
est généralement simplifiée. La promulgation et la publication des actes législatifs en droit
français, Rev. adm. 1959.239 et s., not. p. 242 ; V., ayant
168. Enfin, il faut signaler, en conséquence de la réforme
fait l’objet d’une promulgation, par ex. la loi constitutionnelle
constitutionnelle du 28 mars 2003 (L. no 2003-276 du 28 mars
no 2003-267 du 25 mars 2003 relative au mandat d’arrêt euro-
2003 relative à l’organisation décentralisée de la République,
péen, JO 26 mars). De même, sont soumises à promulgation
JO 29 mars ; Const., art. 72-1, al. 2), la faculté donnée aux
les lois, autres qu’organiques, adoptées par référendum (art. 11,
collectivités territoriales, par la loi organique no 2003-705 du
al. 3).
1er août 2003 relative au référendum local (JO 2 août), de sou-
mettre à la décision des électeurs, par voie de référendum, des 173. En revanche, ne sont pas soumises à promulgation : les
projets de délibérations ou d’actes relevant de leur compétence. ordonnances des articles 11 et 38, ainsi que 47 (ordonnances
Le vote des citoyens a alors valeur de décision, contrairement prises pour assurer la mise en œuvre des dispositions du pro-
à ce qui se passe en cas de consultation des citoyens lorsqu’il jet de loi de finances dans le cas où le Parlement ne se serait
est envisagé de créer une collectivité locale dotée d’un statut pas prononcé dans un délai de soixante-dix jours) ; de même,
particulier ou d’en modifier l’organisation, car alors le résultat les décisions prises par le Président de la République en appli-
du référendum ne s’impose pas au Gouvernement (Const., cation de l’article 16 de la Constitution ne font pas l’objet d’une
art. 72-1, al. 3), comme ce fut le cas pour le référendum relatif promulgation, tout comme aussi les traités et accords internatio-
à l’organisation administrative de la Corse (L. no 2003-486 naux, sauf que, si ceux-ci font partie des traités et accords qui ne
du 10 juin 2003 organisant une consultation des électeurs de peuvent être ratifiés ou approuvés qu’en vertu d’une loi (Const.,
Corse sur la modification de l’organisation institutionnelle de la art. 53), la loi autorisant la ratification ou l’approbation est, elle,
Corse, JO 11 juin). La loi organique no 2004-192 du 27 février soumise à promulgation comme toute loi ordinaire.
2004 portant statut d’autonomie de la Polynésie française (JO
2 mars) contient une réglementation particulière concernant le
§ 2. – Autorité chargée de la promulgation.
référendum local dans cette collectivité d’outre-mer (art. 159 et
s.). 174. La promulgation est faite par le Président de la République
par la voie d’un décret, contresigné au moins par le Premier mi-
ART. 2. – PROMULGATION DE LA LOI. nistre. Selon l’article 10 de la Constitution : « Le Président de la
République promulgue les lois dans les quinze jours qui suivent
169. La promulgation est l’acte qui atteste l’existence de la loi et la transmission au Gouvernement de la loi définitivement adop-
par lequel est donné l’ordre aux autorités publiques de l’observer tée ». La Constitution de 1958 n’a donc pas repris les délais ré-
et de la faire observer (CE, ass., 8 févr. 1974, Cne de Montory, duits, en cas d’urgence déclarée par l’Assemblée nationale, pré-
p. 93, JCP 1974. II. 17703 [2e esp.], note Liet-Veaux). Elle a lieu vus par les lois constitutionnelles de 1875 (3 jours) et la Consti-
après vérification que la loi a été régulièrement établie. La pro- tution de 1946 (5 jours).
mulgation (acte juridique) authentifie, en quelque sorte, le texte
de la loi. La promulgation est l’œuvre du Président de la Répu- 175. Le délai est considéré comme un délai franc ne compre-
blique (Const., art. 10). L’acte de promulgation n’a d’autre date nant ni le jour de l’arrivée de la loi au Gouvernement, ni le jour
que celle de sa signature, bien qu’il ne prenne effet, comme la loi d’échéance. Il a pour point de départ la date de transmission
elle-même, qu’après avoir été publié dans les conditions fixées de la loi au Gouvernement, c’est-à-dire, en pratique, au Secré-
par les lois et règlements (CE, ass., 8 févr. 1974, préc.). Une tariat général du Gouvernement. Pour les lois adoptées par ré-
fois promulguée, la loi est exécutoire. férendum, le délai a pour point de départ la proclamation, par le
Conseil constitutionnel, des résultats définitifs de celui-ci ; pour
170. On a vu dans la promulgation la reprise des règles po- les révisions constitutionnelles adoptées par la voie parlemen-
sées sous l’Ancien Régime par la chancellerie pour la certifica- taire, le délai a pour point de départ la transmission de la loi au
tion du texte des édits et des ordonnances à transmettre aux Président de la République par le président du Congrès. Enfin,
cours de justice pour enregistrement (J. LAFERRIÈRE, De l’au- pour les lois organiques, le délai de promulgation de quinze jours
thenticité des textes des lois publiées au Journal officiel, RD publ. (non expressément prévu par la Constitution mais respecté en
1949.113, 130 et 157-7). De fait, la promulgation a toujours été pratique) a pour point de départ la décision du Conseil constitu-
considérée comme une nécessité par les constituants français tionnel déclarant la loi conforme à la Constitution (Ch. DEBBASH
(Const., 3 sept. 1791, Titre III, Chap. IV, sect. I, art. 1er : « De la et alii, Droit constitutionnel et institutions politiques, 4e éd., 2001,
promulgation des lois » ; Const. 5 fructidor An III, art. 128 et s. ; Economica, p. 737 et s.).
Const. 22 frimaire An VIII, art. 41 ; Chartes 4 juin 1814, art. 22 et
14 août 1830, art. 18 ; Const. 4 nov. 1848, art. 56 et s. ; Const. 176. Le délai fixé pour la promulgation est interrompu en cas de
14 janv. 1852, art. 10 ; Lois constitutionnelles 25 févr. 1875, saisine du Conseil constitutionnel par l’une des autorités habili-
art. 3 et 16 juill. 1875, art. 7 ; Const. 27 oct. 1946, art. 36). À tées à y procéder, dont le Président de la République ; de même

septembre 2004 - 25 - Rép. civ. Dalloz


LOIS ET DÉCRETS

en cas de demande d’une nouvelle délibération par celui-ci. Le 182. Lorsqu’une loi votée par le Parlement est une loi organique,
Président de la République dispose donc d’une certaine latitude la formule de promulgation est complétée par l’insertion, après
pour allonger la durée du délai, mais aussi pour choisir l’instant les mots « L’Assemblée nationale et le Sénat ont adopté », de la
de la promulgation au sein de ce délai, latitude dont il pourrait mention : « Le Conseil constitutionnel a déclaré conforme à la
se servir pour restreindre le temps pendant lequel la saisine du Constitution » (V., par ex., L. org. du 26 févr. 2003 relative aux
Conseil constitutionnel est possible. juges de proximité, préc. supra, no 19).

177. L’article 10 de la Constitution ajoute que le Président de 183. Lorsque la loi adoptée par le Parlement a été soumise à
la République peut, avant l’expiration du délai de quinze jours, l’examen du Conseil constitutionnel en application de l’article 61,
« demander au Parlement une nouvelle délibération de la loi ou alinéa 2, de la Constitution, la formule de promulgation est com-
de certains de ses articles. Cette nouvelle délibération ne peut plétée par l’insertion, après les mots « l’Assemblée nationale et
lui être refusée » (V. par ex., Décr. du 13 juill. 1983 soumet- le Sénat ont adopté », de la mention : « Vu la décision du Conseil
tant la loi sur l’Exposition universelle de 1989 à une nouvelle constitutionnel no ... en date du... ».
délibération du Parlement, JO 16 juill. ; Décr. 4 avr. 2003 sou-
mettant l’article 4 de la loi relative à l’élection des conseils ré- 184. Lorsque la loi autorise la ratification ou l’approbation d’un
gionaux et des représentants au Parlement européen ainsi qu’à engagement international dont le Conseil constitutionnel, en ap-
l’aide publique aux partis politiques, à une nouvelle délibération, plication de l’article 54 de la Constitution, a constaté la conformité
JO 5 avr.). Et le Conseil constitutionnel a admis que le Pré- à la Constitution, la mention de la décision du Conseil constitu-
sident de la République pouvait exiger cette nouvelle délibéra- tionnel doit figurer en tête de la formule de promulgation sous la
tion, même lorsque, par l’effet d’une décision du Conseil consti- forme : « Vu la décision du Conseil constitutionnel no ... en date
tutionnel, il est apparu que certaines dispositions de la loi étaient du... ».
non conformes à la Constitution, la nouvelle délibération ayant
précisément pour objet de substituer à celles-ci des dispositions 185. Lorsque la loi a été soumise au référendum en application
conformes (Décis. Cons. const. no 85-197 du 23 août 1985, ren- de l’article 11 de la Constitution, le début de la formule de pro-
due à propos de la loi sur l’évolution de la Nouvelle-Calédonie, mulgation est remplacé par la formule suivante :
D. 1986.47, note F. Luchaire). La demande d’une nouvelle déli- « Le Président de la République a soumis au référendum » ;
bération doit être contresignée au moins par le Premier ministre « Le Conseil constitutionnel a proclamé le... les résultats du ré-
(Décis. Cons. const. préc.). On admet qu’aucune promulgation férendum ; le peuple français a adopté ».
partielle ne peut intervenir avant la nouvelle délibération deman-
dée au Parlement pour certains articles de la loi (eod. loc.), mais 186. Lorsque la loi a été votée par l’Assemblée nationale seule, à
qu’il est possible d’utiliser successivement, pour un même texte, défaut d’accord avec le Sénat, le décret de promulgation débute
les deux voies : demande d’une nouvelle délibération et saisine par la formule :
du Conseil constitutionnel (eod. loc.). - « L’Assemblée nationale et le Sénat ont délibéré » ;
- « L’Assemblée nationale a adopté » ;
178. Le décret de promulgation n’est pas susceptible de recours - « Le Président de la République promulgue la loi dont la teneur
pour excès de pouvoir, car il est considéré, par la jurisprudence suit » (V., par ex., L. du 15 nov. 2001 relative à la sécurité quoti-
administrative, comme un acte de gouvernement (CE 3 nov. dienne, préc. supra, no 157).
1933, Desreumeaux, DP 1934.3.36, note Gros, S. 1934.3.9,
note critique Alibert). 187. Enfin, lorsqu’il s’agit de lois constitutionnelles, la pratique,
en l’absence de dispositions dans les décrets de 1959 et de
179. La Constitution ne dit pas expressément que promulguer 1990, suit au plus près l’élaboration de la loi en indiquant : « Le
les lois est une obligation pour le Président de la République, Congrès a adopté » (en cas de modification de la Constitution
mais la coutume constitutionnelle l’admet. Cependant, le refus par la voie parlementaire ; V., par ex., L. no 2003-267 du 25 mars
du chef de l’État ne pourrait aboutir qu’à une crise politique tant 2003 relative au mandat d’arrêt européen, préc. supra, no 172)
une sanction juridique à son encontre paraît illusoire. Le refus ou (en cas de recours au référendum) : « Le Président de la
du Président de la République serait d’autant plus préjudiciable République, conformément aux dispositions de l’article 11 de la
que la Constitution ne prévoit pas de compétence subsidiaire au Constitution, a soumis au référendum » ; « Le peuple français,
profit du Président de l’Assemblée nationale en cas de carence ainsi qu’il ressort de la proclamation faite le... par le Conseil
de sa part, comme ce fut le cas dans les Constitutions de 1848 constitutionnel des résultats du référendum, a adopté... » (V.,
(art. 59) et de 1946 (art. 36 al. 3). par ex., L. no 62-1292 du 6 nov. 1962 relative à l’élection du Pré-
sident de la République au suffrage universel, JO 7 nov.).

§ 3. – Forme de la promulgation. 188. La promulgation a trois effets : elle constate l’élaboration


régulière de la loi conformément à la procédure législative ; elle
180. La forme du décret de promulgation est précisée par le dé- confère au texte (« la teneur de la loi ») un caractère authentique ;
cret no 59-635 du 19 mai 1959 (JO 20 mai), modifié par le décret elle constitue l’ordre d’exécution de la loi (« La présente loi sera
no 90-218 du 8 mars 1990 (JO 11 mars) afin d’adapter la formule exécutée comme loi de l’État »).
de la promulgation à la procédure utilisée pour l’élaboration de
la loi. La formule ordinaire est la suivante : 189. Par ailleurs, l’usage est de considérer que la date d’une loi
- « L’Assemblée nationale et le Sénat ont adopté, le Président est celle de son décret de promulgation. C’est ainsi que la loi
de la République promulgue la loi dont la teneur suit... (suit le portant réforme des régimes matrimoniaux, votée définitivement
texte de la loi) » ; le 30 juin 1965, promulguée le 13 juillet 1965 et publiée au Jour-
- « La présente loi sera exécutée comme loi de l’État » ; nal officiel du 14 juillet, a pour date le 13 juillet 1965. De même,
- « Par le Président de la République (signature), le Premier mi- la loi relative à la dévolution du nom de famille, votée définitive-
nistre (signature du Premier ministre et du ou des ministres inté- ment le 4 juin 2003, promulguée le 18 juin 2003 et publiée au
ressés) ». Journal officiel du 19 juin, a pour date le 18 juin 2003.

181. Mais, selon les circonstances de l’élaboration de la loi, 190. En outre, pour mieux les situer et éviter les confusions
d’autres formules de promulgation sont prévues : lorsque plusieurs lois sont promulguées le même jour, les lois

Rép. civ. Dalloz - 26 - septembre 2004


LOIS ET DÉCRETS

portent un numéro d’ordre dont les premiers chiffres corres- et s. ; O. GUILLAUMONT, La réforme des règles d’entrée en vi-
pondent au millésime et les chiffres suivants au numéro de gueur des lois et règlements. Ord. no 2004-164 du 20 févr. 2004,
classement de promulgation de la loi. C’est ainsi que la loi JCP 10 mars 2004, p. 433, Aperçu rapide).
du 13 juillet 1965 portant réforme des régimes matrimoniaux
porte le numéro 65-570 pour indiquer qu’il s’agit de la 570e loi § 1er. – Formes de la publication.
promulguée en 1965. De même, la loi du 18 juin 2003 relative
à la dévolution du nom de famille porte le numéro 2003-516 194. La publication implique la reproduction, dans un document
(sur la nécessité de distinguer entre les lois en raison des officiel, du texte de la loi. Elle s’opère normalement par insertion
risques possibles de confusion : V. la loi no 94-653 du 29 juill. au Journal officiel de la République française (JO) lequel a rem-
1994 (JO 30 juill.) relative au respect du corps humain et la loi placé le Bulletin des lois (Décr. du 5 nov. 1870, art. 1er) qui a
no 94-654, également du 29 juillet 1994 (JO 30 juill.), relative au cependant continué à remplir un rôle subsidiaire en matière de
don et à l’utilisation des éléments et produits du corps humain, à publication jusqu’à sa suppression par une loi du 19 avril 1930
l’assistance médicale à la procréation et au diagnostic prénatal). (DP 1930.4.200). C’est sous l’autorité du Premier ministre que
Le même usage s’est imposé pour les décrets réglementaires doit être assurée l’insertion des textes au Journal officiel, laquelle
(ainsi un décret du 23 juin 2003 venu modifier le code de l’orga- constitue une mission de service public incombant à l’État (CE
nisation judiciaire porte le numéro 2003-542). Comme facteur 17 déc. 1997, Ordre des avocats à la Cour de Paris, Rec. CE,
d’identification des lois et décrets, il faut ajouter, à leur numéro p. 491). Mais la publication ne se limite pas à l’insertion de la loi
et à leur date, leur titre qui peut se révéler utile lorsqu’il s’agit de au Journal officiel ; elle comprend aussi l’écoulement du délai im-
les interpréter (sur le titre des lois, V. N. MOLFESSIS, Les titres posé par la loi (Civ. 26 janv. 1938, DH 1938.147 ; 13 avr. 1948,
de la loi, Mélanges Catala, 2001, Litec, p. 47 et s.). Bull. civ. no 343 : « La publication comprend l’ensemble des faits
qui ont pour objet de porter à la connaissance du public le texte
191. Mais l’ordre d’exécuter la loi ne s’impose aux sujets de droit de loi, savoir son insertion au Journal officiel et l’expiration du
que par la publication de celle-ci. délai d’un jour franc après l’arrivée de celui-ci au chef-lieu d’ar-
rondissement » ; V. aussi : CE 19 juin 1959, Cazes, D. 1959.370,
ART. 3. – PUBLICATION DE LA LOI. concl. Braibant). Aussi bien, a-t-il été jugé (Cass. 3e civ. 1er juin
1994, Bull. civ. III, no 111) que la mention dans une loi (L. 13 janv.
192. Alors que la promulgation est le dernier acte de la procé- 1989, art. 3 : étalement de la hausse des loyers) de sa date de
dure législative, la publication est la condition de l’opposabilité publication, devait s’entendre comme visant le jour de son en-
de la loi aux sujets de droit (Décr. 5 nov. 1870). La publication trée en vigueur et non le jour de sa parution au Journal officiel.
(acte matériel) a pour but (mais non pas, à vrai dire, pour résul-
tat assuré) de porter la loi à la connaissance des sujets de droit. 195. L’insertion au Journal officiel, du moins lorsque la loi n’a
La publication, qui détermine la date d’entrée en vigueur de la pas prévu un mode spécial de publicité (V., par ex., CE 26 juill.
loi mais pas toujours celle de son applicabilité (V. infra, no 226 et 1950, Rec. CE, p. 465), concerne aussi les décrets, qu’ils soient
s.), obéit à des règles de forme précises. réglementaires (V., par ex., CE 12 avr. 1972 [1er arrêt], Brier,
D. 1973.228, note Delvolvé ; Cass. 1re civ. 31 janv. 1989, Bull.
193. Celles-ci viennent d’être modifiées par une ordonnance civ. I, no 50) ou individuels, la loi (le décret du 5 novembre 1870)
no 2004-164 du 20 février 2004 (JO 21 févr.) prise en applica- n’opérant aucune distinction entre les décrets. Cependant, la
tion de la loi du 2 juillet 2003 (préc. supra, no 46) habilitant le jurisprudence semble admettre que les décrets individuels ne
Gouvernement à simplifier le droit et notamment de son article sont pas soumis à l’exigence d’une publication au Journal offi-
4. Cette ordonnance s’inspire largement des propositions faites ciel (V. en ce sens, par ex., CE 26 nov. 1943, Rec. CE, p. 272),
par le Conseil d’État dans l’étude qu’il a consacrée à la question mais ils restent soumis à l’exigence d’une mesure de publicité,
à la demande du Premier ministre formulée dans une lettre de car ils doivent à tout le moins avoir été notifiés pour pouvoir pro-
mission en date du 9 novembre 2000 (Étude sur la publication duire leurs effets à l’égard de leurs destinataires, ce que ne pour-
et l’entrée en vigueur des lois et de certains actes administratifs, rait pas remplacer, du reste, leur publication (CE 24 oct. 1934,
adoptée par l’Assemblée générale du Conseil d’État le 27 sep- Moreau, p. 952 ; 16 mars 1951, Deprez, p. 167 ; 29 juin 1951,
tembre 2001). Elle est entrée en vigueur (art. 7) « le premier Lavandier et autres, p. 380 ; 28 janv. 1966, Braeckmann, p. 66, à
jour du quatrième mois suivant sa publication au Journal officiel propos d’un décret ayant la nature d’une mesure individuelle). La
de la République française », soit le 1er juin 2004 si l’on admet solution devrait demeurer inchangée car l’ordonnance du 20 fé-
que c’est par inadvertance que le législateur a modifié la formule vrier 2004 exclut de son champ d’application « les actes indivi-
habituelle en ne précisant pas que le texte entrera en vigueur duels » (art. 1er devenu l’article 1er du code civil).
le premier jour du quatrième mois suivant « celui » de sa pu-
blication. L’ordonnance ne concerne ni les actes des collectivi- § 2. – Date d’entrée en vigueur de la loi.
tés territoriales et des autorités déconcentrées de l’État (V. infra,
no 204), ni les actes individuels, et elle ne comporte, à dessein, A. – Solution de principe.
aucune disposition relative à l’outre-mer car, d’une part, confor-
mément au principe d’assimilation législative, le régime nouveau 196. Le décret de 1870 (art. 2) disposait que « Les lois et décrets
est destiné à s’appliquer, tel quel, aux départements et régions seront obligatoires à Paris un jour franc après la promulgation (le
d’outre-mer, et d’autre part, il ne pourra être rendu applicable texte confondant promulgation et publication, il fallait lire « publi-
dans les collectivités d’outre-mer à statut spécial (Mayotte, Nou- cation » ; en ce sens : CE 27 juin 2001, D. 2001, IR 2873), et par-
velle-Calédonie, Polynésie française, Saint-Pierre-et-Miquelon, tout ailleurs, dans l’étendue de chaque arrondissement, un jour
Terres australes et antarctiques françaises, îles Wallis-et-Futu- franc après que le Journal officiel qui les contient sera parvenu
na) qu’en vertu d’une disposition spéciale. Jusque-là, ces col- au chef-lieu de la circonscription », c’est-à-dire de l’arrondisse-
lectivités resteront donc soumises au régime actuel de la publi- ment et non du département (contrairement à : Cass. 2e civ.
cation et de l’entrée en vigueur des actes. Les modifications 28 juin 2001, Bull. civ. II, no 124, p. 83, RTD civ. 2002.173, obs.
résultant de l’entrée en vigueur de l’ordonnance seront insérées R. Libchaber). On entend par « jour franc » un jour entier de 0
à leur place dans le texte de la présente rubrique (V. C. BLÉRY, heure à minuit, sans qu’il soit tenu compte, par conséquent, ni
Les nouvelles règles d’entrée en vigueur des lois et de certains du jour de la parution du Journal officiel, ni du jour de l’arrivée
actes administratifs, Rev. Lamy Droit civil, no 5, mai 2004, p. 47 de celui-ci. Ainsi, une loi dont le texte avait été inséré au Journal

septembre 2004 - 27 - Rép. civ. Dalloz


LOIS ET DÉCRETS

officiel du 15 novembre n’était obligatoire à Paris qu’à partir du qui a prévalu (CE 3 mars 1915, Mme Memmi et M. Zimmermann,
17 novembre à 0 heure (le 16 novembre de 0 h à 24 h constituant p. 120).
le jour franc), et à Caen, si l’on suppose que le Journal officiel
n’y était arrivé le 16 novembre, qu’à partir du 18 novembre à 0 201. L’ordonnance du 20 février 2004 précise aussi les forma-
heure (le 17 novembre de 0 h à 24 h constituant le jour franc). lités requises pour assurer l’entrée en vigueur des textes. Une
publication concomitante sur papier et par voie électronique (ce
197. Les lois et les décrets n’entrant en vigueur que par l’effet qui est déjà la solution de fait avec Légifrance) est devenue juri-
de leur publication au Journal officiel il a été jugé que, sont enta- diquement nécessaire, étant précisé que l’authenticité des deux
chés d’excès de pouvoir les textes fixant pour leur exécution une versions, diffusées en même temps, sera également assurée,
date antérieure à celle résultant des prescriptions légales (CE comme l’est déjà en matière de preuve dans le cadre des rela-
12 avr. 1972, D. 1973.228, note P. Delvolvé). Mais si l’applica- tions contractuelles l’écrit sous forme électronique et l’écrit sur
tion d’une loi nouvelle était subordonnée à l’arrivée du Journal support papier (C. civ., art. 1316-1). La mise à disposition de la
officiel qui la contenait au chef-lieu de l’arrondissement (Cass. version électronique sera, de surcroît, gratuite et permanente,
soc. 30 juin 1949, Bull. civ. III, no 626 ; Ass. plén. 1er mars l’obligation de permanence conduisant à conserver une possibi-
1950, D. 1950.363), elle ne l’était pas à la condition que l’arrivée lité d’accès à tout numéro du Journal officiel publié après l’entrée
du Journal officiel fût constatée sur un registre ouvert à cet effet en vigueur de l’ordonnance (V. Rapport au Président de la Ré-
(Cass. 1re civ. 6 janv. 1994, JCP 1994. II. 22216, note Y. Gau- publique, JO 2004, p. 3512).
demet, cassant CA Montpellier, 8 févr. 1993, D. 1993.306, note
Vidal ; dans le même sens, V. Cass. crim. 21 juin 1995, Bull. 202. Par ailleurs, l’article 4 de l’ordonnance du 20 février 2004
crim., no 232). La mise à disposition du public étant une ques- confie à un décret en Conseil d’État le soin d’exclure de la pu-
tion de fait, sa preuve peut être rapportée par tout moyen par blication par voie électronique certains actes individuels, afin
celui qui s’en prévaut (Cass. crim. 14 déc. 1932, DH 1933.38 ; de prévenir le risque que des données à caractère personnel
Cass. civ. 26 janv. 1938, DH 1938.147 ; Cass. 1re civ. 6 janv. puissent faire l’objet de traitements automatisés illicites (V. Décr.
1994, préc.) et ne peut être soulevée pour la première fois de- no 2004-459 du 28 mai 2004 fixant les catégories d’actes indivi-
vant la Cour de cassation (Cass. com. 1er févr. 1960, Bull. civ. duels ne pouvant faire l’objet d’une publication sous forme élec-
III, no 44). tronique au Journal officiel de la République française, JO 29 mai
2004 : décrets portant changement de nom, décrets d’acquisi-
198. La loi publiée au Journal officiel de la République française tion de la nationalité française, ou de naturalisation, ou de ré-
entre en vigueur dans les mêmes conditions qu’en métropole intégration dans la nationalité française, ou encore de perte ou
dans les départements et régions d’outre-mer ainsi qu’à Mayotte. de déchéance de la nationalité française, décrets de francisation
En revanche, en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française, de nom ou de prénoms, etc. (art. 1er) ; de même : demandes de
dans les territoires des îles Wallis-et-Futuna et des Terres aus- changement de nom et annonces judiciaires et légales mention-
trales et antarctiques françaises, la règle résultant de textes par- nant les condamnations pénales (art. 2). Cette précaution avait
ticuliers à chacun de ces territoires, mais identique, est, sauf en déjà conduit à ce que certains de ces textes ne soient pas acces-
ce qui concerne les lois de souveraineté, c’est-à-dire celles qui sibles sur le site Légifrance : le décret du 28 mai 2004 impose
ont vocation par nature à s’appliquer sur tout le territoire de la Ré- désormais cette solution (art. 3).
publique, que la loi publiée au Journal officiel de la République
française n’entre en vigueur qu’à compter de sa publication au 203. De même, l’article 5 de l’ordonnance du 20 février 2004
Journal officiel particulier au territoire, laquelle doit être assurée confie à un décret en Conseil d’État le soin de définir « les ca-
par le représentant de l’État dans ce territoire (pour la Polyné- tégories d’actes administratifs dont, eu égard à leur nature, à
sie française, V., art. 167 L. org. no 2004-192 du 27 févr. 2004 leur portée et aux personnes auxquelles elles s’appliquent, la
[préc. supra, no 28] portant statut d’autonomie de la Polynésie publication au Journal officiel sous forme électronique suffit à
française). assurer l’entrée en vigueur », organisant ainsi leur « dématé-
rialisation » (V. Décr. no 2004-617 du 29 juin 2004 relatif aux
199. L’ordonnance du 20 février 2004 (préc. supra, no 193), modalités et effets de la publication sous forme électronique de
abandonnant le système du jour franc en vue de rendre les textes certains actes administratifs, au Journal officiel de la République
publiés au Journal officiel applicables partout au même instant, française (JO 30 juin) énumérant d’une part, les actes dont la
pose dans son article 1er destiné à être codifié dans l’article 1er du publication sous forme électronique suffit à assurer leur entrée
code civil, que « les lois et lorsqu’ils sont publiés au Journal of- en vigueur (art. 1er), par exemple, « les actes réglementaires
ficiel de la République française, les actes administratifs entrent des autorités administratives indépendantes et des autorités pu-
en vigueur à la date qu’ils fixent, ou, à défaut le lendemain de leur bliques indépendantes dotées de la personnalité morale, autres
publication ». En l’absence de mention expresse dans l’acte, que ceux qui intéressent la généralité des citoyens » ; d’autre
c’est donc la règle de l’entrée en vigueur le lendemain de l’in- part, « les décisions individuelles et l’ensemble des autres actes
sertion au Journal officiel qui s’applique. « Toutefois, [ajoute le dépourvus de valeur réglementaire [...] dont une loi ou un décret
texte], l’entrée en vigueur des lois et décrets publiés au Journal prévoit la publication au Journal officiel », et faisant exclusive-
officiel dont l’exécution nécessite des mesures d’application est ment l’objet d’une publication sous forme électronique (art. 2) ;
reportée à la date d’entrée en vigueur de ces mesures ». enfin, les décisions individuelles pour lesquelles la publication
sous forme électronique fait courir le délai du recours ouvert aux
200. L’ordonnance du 20 février 2004 détermine dans son ar- tiers contre elles (art. 3).
ticle 2 les catégories d’actes qui devront être publiées au Jour-
nal officiel ; ce sont « les lois, les ordonnances, les décrets et, 204. Aucune disposition d’ensemble n’a été édictée, en re-
lorsqu’une loi le prévoit, les autres actes administratifs », cette vanche, en ce qui concerne les règlements autres que les
dernière mention visant notamment ceux des actes des autorités ordonnances et les décrets (arrêtés ministériels, préfectoraux,
administratives indépendantes qui doivent être publiés au Jour- municipaux, etc.). Bien évidemment, ceux-ci ne sont obliga-
nal officiel (Rapport au Président de la République). Mais pen- toires qu’à la condition d’avoir été au préalable l’objet d’une
dant longtemps on s’est demandé si le délai de recours contre mesure de publicité par ex., insertion dans le Journal officiel
ces actes commençait à courir à compter de leur date d’entrée mais sans que ce mode de publication leur soit, en principe,
en vigueur (CE 8 févr. 1929, Sieur Otto et autres, p. 172) ou de imposé (Civ. 24 juin 1918, DP 1922. I. 89, 13e espèce, S. 1920.
leur insertion dans le Journal officiel. C’est la seconde solution I. 148 ; V., cependant, contra : CE 21 oct. 1949, Rec. CE,

Rép. civ. Dalloz - 28 - septembre 2004


LOIS ET DÉCRETS

p. 428 ; 9 juill. 1956, p. 312) ; cependant, un souci de sécurité 206. Telles sont les règles de principe gouvernant l’entrée en
juridique conduit souvent les autorités centrales à prévoir la vigueur des lois et des décrets. Mais il existe deux exceptions
publication au Journal officiel d’un nombre important d’arrêtés à la règle (supplétive) qu’exprimait l’article 2 du décret du 5 no-
ministériels et de circulaires. De même, peut valoir publicité vembre 1870 et qu’exprimait, aujourd’hui, l’ordonnance du 20 fé-
appropriée l’insertion dans les recueils administratifs ou dans vrier 2004 : le législateur peut avancer la date d’entrée en vi-
une note de service (CE 20 janv. 1950, p. 49 ; 10 nov. 1953, gueur de la loi ou la retarder.
p. 601), ou une publication par affiches ou même dans la
presse (CE 19 mai 1954, p. 281 ; 24 févr. 1999, D. 1999, IR
97). Seules existent des prescriptions particulières. C’est ainsi B. – Entrée en vigueur avancée.
que les arrêtés réglementaires du maire n’étaient obligatoires
qu’après avoir été portés à la connaissance des intéressés par
voie de publication ou d’affiches (C. communes, art. L. 122-29, 207. Une ordonnance du 27 novembre 1816 complétée par une
aujourd’hui abrogé depuis l’entrée en vigueur du code général ordonnance du 18 janvier 1817 prévoiyait une procédure accé-
des collectivités territoriales, lequel prévoit [art. L. 2122-29] lérée pour les lois à propos desquelles il y avait une particulière
que, dans les communes de 3 500 habitants et plus, les arrêtés urgence à ce qu’elles entrent en vigueur (sur la publication d’ur-
municipaux à caractère réglementaire sont publiés dans un gence, V. Civ. 4 mars 1931, DH 1931.201 ; CE 19 juin 1959,
recueil des actes administratifs dans des conditions fixées par Cazes, p. 372, D. 1959.370, concl. Braibant). Quand il en ju-
décret en Conseil d’État ; en ce qui concerne les collectivités geait ainsi, le Gouvernement faisait parvenir le texte de la loi aux
locales, adde : CGCT art. L. 3131, L. 3131-1 et L. 4141-1). préfets par les moyens les plus rapides (de nos jours : téléscrip-
De même, en ce qui concerne la signalisation routière, l’article teur, télégraphe, téléphone, etc.). Les préfets faisaient afficher
R. 441-25 du code de la route prévoit la fixation par arrêté mi- le texte de la loi, et celle-ci devenait obligatoire à partir du jour de
nistériel publié au Journal officiel de la République française des cet affichage (CE 24 nov. 1950, Leblanc, S. 1951.328, p. 571 ;
conditions dans lesquelles est établie cette signalisation pour comp. Civ. 17 févr. 1932, Gaz. Pal. 1932.1.636, affirmant que la
porter à la connaissance des usagers la réglementation édictée loi devenait obligatoire le lendemain du jour où l’affichage avait
par l’autorité compétente (V. J.-P. GRIDEL, Le signe et le droit, été réalisé ; V. aussi, se prononçant dans le même sens : CE
les bornes, les uniformes, la signalisation routière et autres, 19 juin 1959, préc.). Cette procédure présentait un grand intérêt
thèse Paris II, 1979, p. 207 et s.). La publication ou l’affichage en matière de contrôle des changes, car elle permettait d’éviter
des actes des collectivités territoriales peut « également être les manœuvres des spéculateurs pendant le jour franc. Elle est
organisée à titre complémentaire mais non exclusif sur support susceptible, aujourd’hui encore, de se révéler utile en matière
magnétique » (art. 6 L. no 2002-276 du 27 févr. 2002, JO 28 fé- fiscale, douanière ou économique.
vr., rect. JO 24 déc. relative à la démocratie de proximité). Mais
la présomption de connaissance ne concerne que les actes
réglementaires publiés au Journal officiel. Les autres modes de 208. L’ordonnance du 20 février 2004, sans faire état expres-
publication ne bénéficient, en principe, d’aucune présomption sément de techniques particulières permettant une diffusion ra-
analogue. Aussi bien, de nombreuses autorités administratives pide des textes, probablement parce que la publication par voie
indépendantes ont-elles vu le législateur prévoir que leurs actes électronique y pourvoira, prévoit aujourd’hui que « en cas d’ur-
devraient, en totalité ou en partie, faire l’objet d’une publication gence, entrent en vigueur dès leur publication les lois dont le
au Journal officiel (V. auj., Décr. no 2004-617 du 29 juin 2004 décret de promulgation le prescrit ». Elle entend donc conférer
précité, imposant, à tout le moins, publication au Journal officiel au Président de la République le pouvoir de décider de l’entrée
sous forme électronique, pour assurer leur entrée en vigueur, en vigueur immédiate de la loi « en le reliant au pouvoir de pro-
des actes réglementaires des autorités administratives indé- mulgation des lois que lui confère l’article 10 de la Constitution »
pendantes et des autorités publiques indépendantes dotées (Rapport au Président de la République, JO 2004, p. 3512). Mais
de la personnalité morale, autres que ceux qui intéressent la la faculté de décider de l’entrée en vigueur immédiate de la loi
généralité des citoyens. en cas d’urgence « ne saurait évidemment permettre de modifier
une date d’entrée en vigueur fixée par une disposition expresse
de la loi » (eod. loc.). Le Président de la République ne pourrait
205. Lorsque les textes sont muets ou imprécis, le Conseil d’État donc hâter l’application d’une loi dont l’entrée en vigueur aurait
retenant le « principe général selon lequel les actes administra- été différée par le législateur.
tifs ne sont opposables aux tiers que lorsqu’ils ont été effecti-
vement publiés » (concl. G. BRAIBANT sur CE 19 juin 1959,
D. 1959.372), recherche si l’acte en cause a reçu une publicité 209. De même (art. 2, Décr. 5 nov. 1870), le Gouvernement, par
suffisante et appropriée compte tenu des circonstances de l’es- une disposition spéciale, pouvait ordonner l’exécution immédiate
pèce et notamment de la qualité de ses destinataires (V., par ex., d’un décret (V., par ex., Décr. no 81-888 du 30 sept. 1981, JO
pour des arrêtés préfectoraux : publication dans la presse locale 1er oct., sur la suppression de l’anonymat dans le commerce de
admise : CE 11 juill. 1947, Dame Vve Mayade, p. 314, mais non l’or [art. 2], texte aujourd’hui abrogé [Décr. no 86-744 du 21 mai
pas en cas d’insertion au recueil des actes administratifs du dé- 1986, JO 22 mai] ; V., aussi, Décr. no 2000-1305 du 29 déc. 2000
partement : CE 9 déc. 1953, Dlle Larne, ibid., p. 532). La Cour [JO 30 déc., rect. 20 janv. 2001] prévoyant « vu l’urgence », une
de cassation formule les mêmes exigences (V., par ex., Cass. entrée en vigueur immédiate [« À compter de leur publication
crim. 5 mars 1991, Bull. crim., no 111 : la seule insertion d’un au Journal officiel de la République française »] de plusieurs dé-
acte au recueil des actes administratifs du département n’établit crets et arrêtés, JO 30 déc. ; sur la compatibilité du système avec
pas que cet acte ait été porté à la connaissance des intéressés ; la Constitution et la Convention européenne de sauvegarde des
CA Paris, 3 oct. 1986, D. 1987.149, note H. Groutel : ne commet droits de l’homme et des libertés fondamentales, V. Cass. crim.
aucune faute l’automobiliste qui a laissé son véhicule en station- 17 oct. 1991, Bull. crim., no 357, Gaz. Pal. 1992. I, chron. dr.
nement sur le bord d’une voie urbaine empruntée par une course crim. p. 89 [à propos de l’entrée en vigueur du décret du 29 déc.
cycliste, alors qu’il n’avait pas été informé des dispositions muni- 1989 élevant le maximum de la peine applicable aux contraven-
cipales interdisant le stationnement durant l’épreuve ; V. aussi : tions de 4e classe]). Et la jurisprudence administrative précisait
Cass. soc. 12 déc. 2000, Bull. civ. V, no 419 : la notification in- qu’il appartenait au seul Premier ministre d’utiliser la possibili-
dividuelle aux personnes concernées peut constituer la publicité té ouverte au Gouvernement d’une entrée en vigueur immédiate
appropriée). des actes réglementaires.

septembre 2004 - 29 - Rép. civ. Dalloz


LOIS ET DÉCRETS

210. La Cour de cassation, de son côté, interprétait strictement alors, en contradiction avec le principe de la séparation des pou-
la possibilité, pour le Gouvernement, d’ordonner, par une dispo- voirs, paralyser la volonté du législateur. De fait, les exemples
sition spéciale, l’exécution immédiate d’un décret : elle considé- ne sont pas rares de lois n’ayant pu, pour cette raison, être
rait que celle-ci devait être expressément et littéralement affir- appliquées qu’avec beaucoup de retard. C’est ainsi que la loi
mée (Cass. 2e civ. 5 juin 1950, Bull. civ. II, no 195). Le texte no 75-1351 du 31 décembre 1975 relative à la protection des
était alors applicable dès le jour de son insertion au Journal offi- occupants de locaux à usage d’habitation (JO 4 janv.) qui avait
ciel (Cass. civ. 11 janv. 1936, Bull. civ., p. 18 ; CE 26 juill. 1947, organisé diverses mesures de protection des locataires a vu plu-
p. 355). sieurs de ses dispositions suspendues jusqu’à la publication du
décret no 77-742 du 30 juin 1977 (JO 9 juill.) ; de même, les
211. L’ordonnance du 20 février 2004 prévoit qu’« en cas d’ur- textes réglementaires prévus par l’article 17 de la loi no 72-626 du
gence, entrent en vigueur dès leur publication les actes adminis- 5 juillet 1972 (JO 9 juill.) qui avait institué un juge de l’exécution
tratifs pour lesquels le Gouvernement l’ordonne par une disposi- appelé à connaître de tout ce qui a trait à l’exécution forcée des
tion spéciale » (pour une première application, V. Décr. no 2004- jugements, n’ont jamais été édictés, avant que la loi no 91-650 du
582 du 22 juin 2004 relatif à l’entrée en vigueur de l’arrêté du 9 juillet 1991 (JO 14 juill., rect. 12 mai 1992) portant réforme des
17 juin 2004 fixant le prix et les modalités d’attribution d’actions procédures civiles d’exécution, n’ait prévu, de nouveau, l’institu-
de la société SNECMA, JO 23 juin 2004). La solution de la juris- tion d’un juge de l’exécution (adde : à titre d’exemple de retard
prudence administrative devrait donc rester applicable qui décla- inadmissible : CE 28 juill. 2000, Assoc. France Nature Environ-
rait qu’il appartient au seul Premier ministre de faire usage par nement, Petites affiches 17 nov. 2000, p. 14, note Laquièze :
décret de cette possibilité comme devrait perdurer la position de condamnation sous astreinte de l’État français à édicter dans un
la Cour de cassation interprétant strictement la possibilité ou- délai de six mois certains décrets d’application de la loi littorale
verte au Gouvernement d’une entrée en vigueur immédiate des de 1986 après... quatorze années de retard [V. supra, no 33] ;
actes réglementaires. sur l’obligation, pour le Premier ministre, chargé d’assurer l’exé-
cution des lois [Const., art. 21], de prendre dans un délai rai-
C. – Entrée en vigueur différée. sonnable les mesures qu’implique nécessairement l’application
de la loi, V., aussi, CE 28 juin 2002, D. 2002, IR 2236, RTD civ.
212. Le législateur peut retarder la date d’entrée en vigueur 2002.785, obs. Hauser). Aussi bien, y eut-il plusieurs tentatives
d’une loi (ou d’un règlement). Il le fait généralement afin de pour mettre fin à cette situation (G. LARCHER, Du vote de la loi
laisser le temps nécessaire aux sujets de droit et aux praticiens à son application : vers une fracture réglementaire ?, RD adm.
du droit pour étudier le texte de la loi et ses conséquences et févr. 2004.5).
pour leur permettre de prendre toutes dispositions utiles. Et c’est
pourquoi ce sont, le plus souvent, les lois réalisant de grandes 215. Le législateur, en prévoyant des règlements d’application,
réformes, bouleversant des pans entiers de la législation, qui bé- peut préciser que l’entrée en vigueur de la loi sera retardée jus-
néficient d’une entrée en vigueur différée. C’est ainsi que la loi qu’à la publication de ceux-ci ; dans ce cas, les tribunaux ne
no 65-570 du 13 juillet 1965, portant réforme des régimes ma- peuvent appliquer le texte tant qu’il est en attente de ses règle-
trimoniaux (JO 14 juill.) a vu son entrée en vigueur retardée au ments (Cass. 3e civ. 3 oct. 1980, Bull. civ. III, no 145 ; Cass.
1er février 1966, ou que la loi no 72-3 du 3 janvier 1972 sur la soc. 5 nov. 1981, Bull. civ. V, no 864 ; Cass. soc. 25 mai 1982,
filiation est entrée en vigueur le 1er août 1972 (JO 5 janv.), ou Bull. civ. V, no 330 ; Cass. soc. 22 mars 1989, Bull. civ. V,
encore que la loi no 75-617 du 11 juillet 1975 portant réforme du no 242 ; Cass. 3e civ. 19 nov. 2003, Bull. civ. III, no 203). En
divorce (JO 12 juill.) est entrée en vigueur, pour la généralité de revanche, en l’absence d’une telle précision, la Cour de cassa-
ses dispositions, le 1er janvier 1976. De même, la loi no 85-1372 tion considère que la loi est immédiatement applicable, même si
du 23 décembre 1985 relative à l’égalité des époux dans les ré- elle prévoit des actes réglementaires pour son exécution (Cass.
gimes matrimoniaux et des parents dans la gestion des biens des civ. 18 mars 1952, Gaz. Pal. 1952.1.376 ; Cass. soc. 19 mars
enfants mineurs (JO 26 déc.), est entrée en vigueur le 1er juillet 1987, Bull. civ. V, no 172), à la condition cependant que la loi se
1986. De même encore, l’entrée en vigueur du nouveau code suffise à elle-même (Cass. civ. 13 janv. 1943, S. 1943. I. 74 ;
pénal issu de quatre lois du 22 juillet 1992 a été reportée au Cass. soc. 22 mars 1989, Bull. civ. V, no 242 ; Cass. 3e civ.
1er mars 1994 (mais le législateur peut aussi profiter du report 2 déc. 1981, Bull. civ. III, no 199 ; 4 nov. 1987, Gaz. Pal. 1988.
de la date d’entrée en vigueur de la loi pour corriger ses imper- I. 394 ; Cass. crim. 1er mars 1990, Bull. crim., no 102 ; 18 sept.
fections, comme ce fut le cas pour la loi no 2002-304 du 4 mars 1990, ibid., no 325 ; sur la possible incertitude de la solution,
2002 [JO 5 mars] relative au nom de famille qui a dû être modi- V. J.-P. CLÉMENT, À propos de la date d’applicabilité de l’article
fiée par la loi no 2003-516 du 18 juin 2003 [JO 19 juin], relative 1er de la loi du 31 décembre 1989 [Loi Doubin] aux contrats de
à la dévolution du nom de famille !). L’entrée en vigueur de la loi franchise, Gaz. Pal. 1992. I, doctr. 126 ; C. CHARBONNAUD,
est alors reportée à une date certaine. La loi du 31 décembre 1989 et la protection des franchisés, Mé-
langes Derruppé, 1991, Litec, p. 121 ; V. aussi, CA, Paris, 7 avr.
213. Mais il arrive que le législateur reporte la date d’entrée 1993, D. 1995, somm. 75, obs. Ferrier).
en vigueur de la loi à une date incertaine parce qu’il fait dé-
pendre celle-ci de la réalisation hypothétique d’un événement 216. L’ordonnance du 20 février 2004 confirme les solutions ju-
futur. C’est ainsi que la loi relative au redressement judiciaire et risprudentielles lorsqu’elle dispose (C. civ., art. 1er) que l’entrée
à la liquidation judiciaire des entreprises en difficulté comprenait en vigueur des dispositions des lois et des actes administratifs
un article 243 qui précisait que ses dispositions entreraient en autres qu’individuels publiés au Journal officiel « dont l’exécution
vigueur à une date fixée par décret, au plus tard le 1er janvier nécessite des mesures d’application est reportée à la date d’en-
1986. trée en vigueur de ces mesures ».

214. Dans les deux cas, aucune incertitude n’existe quant à la § 3. – Présomption de connaissance de la loi.
date (du moins limite) d’acquisition par la loi de son caractère
obligatoire. En revanche, irritante est la difficulté, ou même l’im- 217. Régulièrement publiés, les lois, ordonnances, décrets et
possibilité, d’appliquer parfois une loi par suite du seul retard, arrêtés sont obligatoires pour tous, même pour ceux qui, en fait,
dont on ne sait combien de temps il durera, mis par le pou- les auraient ignorés. C’est, en effet, une maxime de notre droit
voir exécutif à édicter les dispositions réglementaires qui condi- que « Nul n’est censé ignorer la loi » (Nemo legem ignorare cen-
tionnent son entrée en vigueur. En effet, l’Administration peut setur ; art. 4 a contrario Décr. 5 nov. 1870 ; V. aussi CE 19 juin

Rép. civ. Dalloz - 30 - septembre 2004


LOIS ET DÉCRETS

1959, Cazes, p. 372, D. 1959.370, concl. Braibant, étendant le ordonnance du 17 nov. 1958, d’un « Office parlementaire d’éva-
régime de présomption de connaissance de la loi à tous les actes luation de la législation »). De fait, des circulaires, des bulletins
réglementaires publiés au Journal officiel, même ceux pour les- professionnels, des revues spécialisées, la radio, la télévision
quels ce mode de publicité ne s’impose pas, comme c’est le cas concourent à l’information effective du public. C’est ainsi que les
en principe, pour les arrêtés). C’est ainsi qu’il a été jugé (Cass. automobilistes apprennent l’existence de nouvelles dispositions
2e civ. 16 févr. 1987, Bull. civ. II, no 78, p. 55) qu’un assuré les concernant dans le code de la route, davantage par les « mé-
qui n’avait pas adressé, comme le lui imposait la loi, les feuilles dias » que par une lecture assidue du Journal officiel. Les juges,
de maladie dans le délai voulu, ne pouvait prétendre ignorer les de leur côté, s’efforcent de remédier à l’ignorance de la règle de
sanctions attachées à son manquement, pour ne pas perdre ses droit par les personnes non initiées, en imposant aux profession-
droits à remboursement ; comp. Cass. 1re civ. 1er janv. 1989, nels, par exemple aux notaires, une obligation de renseignement
Bull. civ. I, no 50, p. 33, affirmant qu’un particulier avait eu et de conseil dont l’inexécution entraîne leur responsabilité (V.,
nécessairement connaissance d’un décret déclarant d’utilité pu- à cet égard, la jurisprudence abondante rapportée dans le code
blique des travaux à entreprendre par une commune, puisqu’il civil Dalloz sous l’article 1147).
avait été indemnisé des dommages en résultant, de sorte que
ses ayants droit n’étaient pas fondés à soutenir que ce décret ne 219. On ne saurait non plus ignorer, mais à destination sur-
leur était pas opposable en raison de son absence de publica- tout des juristes professionnels, l’existence d’un « fichier législa-
tion au Journal officiel). Néanmoins, on admet que la présomp- tif » tenu par le Secrétariat général du Gouvernement, de même
tion de connaissance de la loi publiée a un champ d’application que le site Internet Légifrance (www.legifrance. gouv.fr, que lais-
limité au territoire de la République ; elle ne concerne donc pas sera subsister l’entrée en vigueur de l’ordonnance du 20 févr.
les Français résidant à l’étranger, pour lesquels la loi ne devient 2004) qui, depuis le 4 janvier 2001, donne accès gratuitement à
obligatoire que du jour où ils en ont connaissance, les tribunaux la totalité des lois et décrets en vigueur en version consolidée,
devant déterminer, dans chaque cas, si la loi était ou non connue de même qu’au Journal officiel depuis le 1er janvier 1990, ainsi
d’eux (sur la maxime, V. R. GUILLIEN, « Nul n’est censé ignorer qu’aux conventions collectives ayant fait l’objet d’un arrêté d’ex-
la loi », Mélanges Roubier, t. 1, 1961, Dalloz-Sirey, Paris, p. 253 ; tension au niveau national et à tous les codes, également un
F. TERRÉ, Le rôle actuel de la maxime « Nul n’est censé igno- accès direct au droit communautaire ainsi qu’à la jurisprudence
rer la loi », Et. dr. contemp., Trav. de l’Inst. de dr. comp. de du Conseil constitutionnel et de la Cour des comptes et à une
l’Université de Paris, XXX, p. 91). sélection de la jurisprudence du Conseil d’État et de la Cour de
cassation). Contribuent aussi grandement à la connaissance ef-
fective de la législation les différentes publications des Éditions
218. Ce n’est pas sa vraisemblance qui fait l’autorité de cette des Journaux officiels (www.journal-officiel.gouv.fr), notamment
maxime, mais sa nécessité. Il y aurait anarchie si l’obéissance l’édition « Lois et décrets », la collection « Aux sources de la
à la loi pouvait être mise en échec par l’ignorance des sujets loi » donnant des informations pour mieux comprendre une loi
de droit. L’autorité de la loi ne peut dépendre ni de la volon- nouvelle (le contexte de son adoption, une sélection des dis-
té, ni de la connaissance de ceux-ci (V. p. DEUMIER, La pu- cussions au Parlement et des questions parlementaires avec
blication de la loi et le mythe de sa connaissance, Petites af- réponses des ministres et son impact sur le droit en vigueur),
fiches 6 mars 2000, p. 6). Encore conviendrait-il, pour justifier de même que, sur des sujets précis, les collections « Législa-
cette autorité, que la publication des textes (législatifs et régle- tion et réglementation » et « La loi au quotidien ». Mais il faut y
mentaires) s’accompagne d’une information appropriée des ci- ajouter les divers recueils dus à l’initiative privée qui, en même
toyens, et que les modifications apportées aux textes existants temps qu’ils assurent la diffusion de la jurisprudence, portent à
soient d’une lecture aisée (V., à cet égard, Décis. Cons. const. la connaissance de leurs lecteurs les textes nouveaux, législa-
no 99-421 du 16 déc. 1999, Rec. Cons. const., p. 136, affir- tifs et réglementaires, assortis pour certaines revues d’un com-
mant l’objectif de valeur constitutionnelle d’accessibilité et d’in- mentaire : Recueil Dalloz, Juris-Classeur périodique, Gazette du
telligibilité de la loi ; M. FRISON-ROCHE et W. BARANÈS, Le Palais, Revues trimestrielles : de droit civil, de droit commercial,
principe constitutionnel de l’accessibilité et de l’intelligibilité de etc. (V. Jurisprudence).
la loi, D. 2000, chron. 361 ; J.-M. LARRALDE, Intelligibilité de
la loi et accès au droit, Petites affiches 19 nov. 2002, p. 11 ; 220. La présomption de connaissance de la loi connaît cepen-
V. LASSERRE-KIESOW, La compréhensibilité des lois à l’aube dant deux exceptions : d’une part, en matière pénale, selon l’ar-
du XXIe siècle, D. 2002, chron. 1157 ; N. MOLFESSIS, La sécu- ticle 4 du décret du 5 novembre 1870 (abrogé depuis l’entrée en
rité juridique et l’accès aux règles de droit, RTD civ. 2000.662, et vigueur de l’ordonnance du 20 février 2004) lorsqu’une contra-
Les illusions de la codification à droit constant et la sécurité juri- vention avait été commise dans le délai de trois jours francs à
dique, RTD civ. 2000.186 ; H. MOYSAN, L’accessibilité et l’intel- compter de la publication de la loi créant l’incrimination, les tri-
ligibilité de la loi. Des objectifs à l’épreuve de la pratique norma- bunaux pouvaient écarter la peine encourue si le contrevenant
tive, AJDA 2001.428 ; V. aussi L. no 2000-321 du 12 avr. 2000, prouvait son ignorance. Mais, en pratique, ce texte trouvait très
JO 13 avr., relative aux droits des citoyens dans leurs relations rarement l’occasion de s’appliquer, car le législateur diffère le
avec l’Administration, affirmant « la liberté d’accès aux règles de plus souvent l’entrée en vigueur des dispositions nouvelles bien
droit applicables aux citoyens » ; Circ. du 18 avr. 1988 relative à au-delà de l’expiration d’un délai de trois jours (V., par ex., CE
la présentation des dispositions modificatives, JO 21 avr. ; Circ. 9 juill. 1993, Assoc. « Collectif pour la défense du droit et des
du 26 août 2003 relative à la maîtrise de l’inflation normative et libertés », Rec. CE, p. 590, à propos d’un décret portant inter-
à l’amélioration de la qualité de la réglementation, JO 29 août et diction de fumer dans certains lieux, dont la date d’entrée en
Circ. du 30 sept. 2003 relative à la qualité de la réglementation, vigueur avait été fixée au premier jour du sixième mois suivant
JO 2 oct. ; V. aussi, Pour une meilleure qualité de la réglemen- sa publication au Journal officiel ; aussi bien, l’ordonnance du
tation, Rapport au Premier ministre du groupe de travail prési- 20 février 2004 ne reprend-elle pas cette exception. Mais le code
dé par B. LASSERRE, La Documentation française 2004, et, en pénal contient, aujourd’hui, un texte de portée plus générale, l’ar-
vue de réduire l’inflation législative, la lettre adressée aux dé- ticle 122-3 qui tend à reconnaître l’irresponsabilité pénale de « la
putés par Jean-Louis DEBRÉ [extraits dans le Figaro du 4 août personne qui justifie avoir cru, par une erreur sur le droit qu’elle
2004, p. 5] : « La machine législative s’emballe... » ; adde : Circ. n’était pas en mesure d’éviter, pouvoir légitimement accomplir
20 oct. 2000, JO 31 oct., sur le décompte des alinéas composant l’acte », et pour une application de ce texte : Cass. crim. 17 fé-
un article de loi ou de décret ; à noter aussi la création, par une vr. 1998, D. 1999, somm. 153, obs. Roujou de Boubée).

septembre 2004 - 31 - Rép. civ. Dalloz


LOIS ET DÉCRETS

221. D’autre part, en matière civile, l’erreur de droit étant le plus Gaz. Pal. 1933.2.329 ; Cass. soc., sect., 20 mai 1948, Gaz.
souvent assimilée à l’erreur de fait, permet d’invoquer, soit la Pal. 1948.2.29 ; Cass. 3e civ. 5 avr. 1960, Bull. civ. III, no 141,
bonne foi à laquelle le droit attache d’importantes conséquences p. 127).
(par ex. mariage nul produisant néanmoins ses effets à l’égard
des époux ayant ignoré que le lien de parenté existant entre eux § 5. – Entrée en vigueur et applicabilité de la loi.
interdisait leur union en l’absence d’une dispense par le chef de
l’État), soit le vice du consentement qui peut justifier l’annula- 226. La notion d’« entrée en vigueur » recouvre, au vrai, deux
tion de l’acte juridique passé en conséquence d’une telle erreur réalités, le plus souvent confondues, mais qui méritent rationnel-
(Cass. 1re civ. 4 nov. 1975, D. 1977.105, note J. Ghestin). lement d’être distinguées.

§ 4. – Errata. 227. D’une part, celle de la date de l’entrée de la loi dans l’or-
donnancement juridique à partir de laquelle la loi doit donc être
222. Il arrive qu’après l’insertion du texte d’une loi ou d’un règle- prise en considération par ses destinataires (sujets de droit et or-
ment au Journal officiel, on découvre des erreurs dans le texte ganes d’application du droit, juges notamment), afin d’examiner
publié. Pour réparer celles-ci, le législateur peut recourir à une sa « teneur », selon l’expression utilisée par la formule du dé-
nouvelle loi ou à un nouveau règlement. Mais ces nouvelles dis- cret de promulgation, c’est-à-dire les prescriptions de conduite
positions, sauf si elles ont été rendues expressément et vala- qu’elle contient. C’est cette réalité que certains auteurs appellent
blement rétroactives (ce qui ne saurait être le cas pour un rè- la « date d’observation » de la loi (P.-A. CÔTÉ, Contribution à
glement ; V. Conflits de lois dans le temps), ne deviennent obli- la théorie de la rétroactivité de la loi, Revue Barreau canadien,
gatoires qu’à partir de leur publication. C’est pourquoi le Gou- mars 1989, p. 60 et s., not. p. 68 et s. ; J. HÉRON, Le temps et la
vernement se borne le plus souvent à insérer un erratum (au norme, in Penser la norme, publication du Centre de recherche
pluriel, des errata), c’est-à-dire un rectificatif (selon la formule sur la logique et son histoire, Université de Rennes I, 1995, et
habituelle : « au lieu de..., lire... »), qui corrige ou complète le Principes du droit transitoire, Dalloz 1996, p. 28 et s.). C’est en
texte primitivement publié (M. FRÉJAVILLE, La pratique des er- ce sens qu’a été utilisée précédemment la notion d’entrée en vi-
rata au Journal officiel et la taxe de compensation sur les locaux gueur (V. supra, no 196 et s.).
insuffisamment occupés, JCP 1948. I. 677).
228. D’autre part, celle de la date des actes de conduite humaine
223. La valeur des errata a été discutée, car ils apparaissent que la loi a vocation à régir, et que les auteurs précités nomment
souvent comme l’œuvre des services ministériels intéres- la « date d’applicabilité » de la loi.
sés. Aussi bien, les solutions (nuancées) de la jurisprudence
sont-elles les suivantes : 229. Le plus souvent, les deux dates coïncident : la loi fait partie
intégrante de l’ordonnancement juridique à la date que déter-
224. Si le rectificatif est de pure forme, c’est-à-dire s’il n’a pour minent les procédures de sa promulgation et de sa publication
but que de corriger une erreur ou une omission purement maté- conformément à la solution de principe prévue naguère par le
rielle que la simple lecture du texte permet de découvrir (par ex., décret du 5 novembre 1870 et, aujourd’hui, par l’ordonnance du
faute d’orthographe ou de ponctuation), l’erratum est considéré 20 février 2004 (ou que détermine seulement la procédure de sa
comme valable. Telle est la position de principe adoptée par la publication lorsqu’il s’agit d’un règlement) : insertion au Journal
Cour de cassation (Cass. civ. 18 déc. 1933, D. 1934. I. 101, officiel et, sous l’empire du décret de 1870, écoulement du délai
note P. Voirin ; adde : Cass. 3e civ. 12 juill. 1976, Bull. civ. III, d’un jour franc, après l’insertion pour Paris, et après l’arrivée du
no 314, p. 329). L’erratum fait alors corps avec le texte rectifié Journal officiel au chef-lieu d’arrondissement pour la province,
et a donc la même date d’entrée en vigueur que lui (Cass. com. et le lendemain de son insertion au Journal officiel avec l’ordon-
5 avr. 1960, Bull. civ. III, no 141 ; V. aussi, Cass. soc. 8 mars nance du 20 février 2004. Et à partir de cette date, la loi a voca-
1989, Bull. civ. V, no 187, p. 111 : taux de cotisation d’accidents tion à s’appliquer à tous les actes postérieurs (la situation étant
du travail erroné, et rectifié par la publication d’un erratum). identique lorsque le législateur décide de retarder la date d’ap-
plicabilité de la loi, car il retarde alors, par le fait même, la date
225. En revanche, lorsque l’erratum modifie le sens du texte pu- d’observation de celle-ci).
blié, il faut, selon la Cour de cassation, distinguer suivant que le
texte rectifié émane du pouvoir réglementaire ou du Parlement. 230. Mais il existe une exception à la concomitance prévue par
Dans le premier cas (ordonnance, décret, arrêté), la Cour de la loi entre les dates d’observation et d’applicabilité. Le législa-
cassation dénie, en principe, toute validité au rectificatif, car rien teur peut, en effet, avancer la date d’applicabilité de la loi, jus-
ne permet de vérifier que le texte rectifié est conforme au texte qu’à décider qu’elle régira des actes antérieurs à la date de son
original (Cass. civ. 18 déc. 1933, préc. DP 1934. I. 17, note observation, autrement dit, de son entrée dans l’ordonnance-
P. Voirin ; Cass. ch. réunies 5 févr. 1947, D. 1947.177 ; Cass. ment juridique. C’est la solution de la rétroactivité. C’est ainsi
3e civ. 12 juill. 1976, JCP 1976. IV. 300 ; Cass. com. 7 juin 1948, qu’un décret du 27 septembre 1914 déclara nuls tous les actes
Gaz. Pal. 1948.2.115 ; adde : VOIRIN, notes au DP 1930. I. 101 et contrats passés depuis le 4 août 1914 par des Français avec
et DP 1934.1.17). Elle n’admet la validité du rectificatif que s’il des sujets allemands. Ce décret n’a été observable (après publi-
est conforme à une interprétation intrinsèque du texte que les cation) que postérieurement au 27 septembre 1914, mais il était
particuliers eux-mêmes auraient pu réaliser (Cass. crim. 7 févr. applicable aux actes passés depuis le 4 août 1914. De même,
1961, Gaz. Pal. 1961.1.260 et 28 mai 1968, D. 1968.509, note une loi du 27 juillet 1940, publiée au Journal officiel du 29 juillet
Costa). Le Conseil d’État adopte une solution différente, car les 1940, disposait que, à compter du 10 mai 1940 (date du début
juridictions administratives, à la différence des juridictions judi- de l’offensive allemande), les compagnies de chemin de fer se-
ciaires, peuvent se faire communiquer le texte officiel original raient exonérées de toute responsabilité pour la perte des mar-
(CE 31 déc. 1945, Gaz. Pal. 1946. I. 30). Dans le deuxième chandises qui leur avaient été confiées. Cette loi fut observable
cas, c’est-à-dire lorsque le texte qui a été rectifié émanait du Par- après sa publication, c’est-à-dire postérieurement au 29 juillet
lement, la Cour de cassation admet la validité du rectificatif dès 1940, mais elle fut applicable dès le 10 mai 1940.
lors qu’il rétablit le texte voté tel qu’il ressort des débats parle-
mentaires publiés au Journal officiel. Elle refuse au contraire 231. C’est uniquement la date d’observation de la loi que vise, en
toute valeur au rectificatif s’il modifie le texte voté (Cass. ch. réalité, le législateur lorsqu’il fixe la « date d’entrée en vigueur »
réunies 5 févr. 1947 D. 1947.177 ; Cass. civ. 15 mai 1933, d’une loi (ce qui présente pour lui, ainsi qu’on l’a fait remarquer,

Rép. civ. Dalloz - 32 - septembre 2004


LOIS ET DÉCRETS

l’avantage de pouvoir « masquer la rétroactivité de la loi nou- Recodifier, RTD civ. 2001.833 ; Ph. REMY, Recodification civile,
velle ») (J. HÉRON, Principes du droit transitoire, préc., no 26, Droit 1997/26 3 ; C. LECOMPTE, De la difficulté de codifier, Pe-
p. 31). C’est ainsi que la loi no 75-617 du 11 juillet 1975 relative tites affiches 2003, no 227).
au divorce (préc. supra, no 212), entrée en vigueur le 1er jan-
vier 1976 (art. 25, al. 1er), admettait que le divorce ou la sépa- 235. Il existe deux sortes de codification : la codification clas-
ration de corps pourraient être demandés, dans les cas prévus sique et ce que l’on peut appeler la codification administrative
par la loi, « même si les faits [s’étaient] produits avant son en- (OLIVIER, La codification administrative, thèse dactyl. Paris,
trée en vigueur ». De même, la loi no 2002-305 du 4 mars 2002 1958) qui n’est qu’une codification-compilation (J. CARBON-
(JO 5 mars) relative à l’autorité parentale, venue modifier l’article NIER, Droit civil, Introduction, no 110, p. 220).
372 du code civil, a étendu à tous les parents la solution, admise A. – Codification classique.
précédemment pour les seuls parents légitimes, selon laquelle :
« Les père et mère exercent en commun l’autorité parentale ». 236. La codification classique reflétant une unité de pensée et
Cette loi, faute de disposition spéciale dérogatoire au décret de de style, est celle qu’avait réalisée le législateur de l’époque na-
1870, est entrée en vigueur lorsque a été achevé le processus poléonienne avec la rédaction des grands codes : code civil de
de sa publication. Mais elle a été déclarée « applicable, aux en- 1804, code de procédure civile de 1807, remplacé en majeure
fants nés antérieurement [à son entrée en vigueur] » dès lors partie en 1976 par un nouveau code de procédure civile, code de
qu’ils [avaient] été reconnus par leurs père et mère dans l’année commerce en 1808, encore que l’œuvre fut très imparfaite, code
de leur naissance » (L. 4 mars 2002, art. 11-II). pénal de 1810, rénové sinon remplacé par un nouveau code pé-
nal en 1994, etc., et l’on évoque, aujourd’hui, l’idée d’un code ci-
232. Par conséquent, l’entrée en vigueur de la loi concerne tout vil européen dont la perspective inquiète, à juste titre, tant le droit
à la fois l’obligation faite aux destinataires de celle-ci de prendre civil est, à maints égards, l’expression de la culture du peuple
en considération dorénavant la loi nouvelle (l’observation de la qu’il régit (V., à ce sujet, Y. LEQUETTE, Quelques remarques à
loi) et la détermination des « faits et gestes » qui se trouvent régis propos du projet de code civil européen de M. Von Bar, D. 2002,
par la loi nouvelle (l’applicabilité de la loi). chron. 2202 ; B. FAUVARQUE-COSSON, Faut-il un code civil
européen ?, RTD civ. 2002.463 ; adde : G. CORNU, Un code ci-
233. Sans doute, la notion d’entrée en vigueur rend-elle compte
vil n’est pas un instrument communautaire, D. 2002, chron. 351 ;
parfaitement de cette double réalité lorsque les deux dates
J. HUET, Nous faut-il un « euro » droit civil ? Propos sur la com-
d’observation et d’applicabilité coïncident, c’est-à-dire lorsque,
munication de la commission concernant le « droit européen des
conformément au principe (C. civ., art. 2), la loi nouvelle n’est
contrats » et, plus généralement, sur l’uniformisation du droit civil
pas rétroactive. En revanche, en cas de rétroactivité, la notion
au niveau européen, D. 2002, Point de vue, p. 2611 ; sur l’avenir
d’entrée en vigueur de la loi n’exprime plus que la date d’ob-
d’un droit civil européen, V. C. NOURISSAT, Droit civil de l’Union
servation de celle-ci, c’est-à-dire la date à partir de laquelle
européenne [second semestre 2003], D. 2004, chron. 1321).
ses destinataires devront prendre la loi nouvelle en considé-
ration pour l’appliquer aux faits, même antérieurs, régis par B. – Codification administrative.
elle. La rétroactivité apparaît donc bien comme consistant en
la rétro-applicabilité de la loi, même si cette rétro-applicabilité 237. La codification administrative ou codification-compilation,
est techniquement irréalisable au plan normatif, ne serait-ce est apparue à la suite de la prolifération démesurée des textes
que parce que la loi nouvelle (norme générale) dont il est fait nouveaux dont on a pensé qu’ils méritaient d’être réunis pour fa-
application rétroactive s’évanouit pour laisser la place à une ciliter leur recherche en vue d’une meilleure connaissance. Ces
série de décisions, donc de normes juridiques individuelles compilations peuvent résulter d’une initiative privée comme c’est
(V., à ce sujet, l’excellente thèse de P. FLEURY, Contribution à le cas pour le code administratif Dalloz, « code d’éditeur » né en
l’analyse normative des conflits de lois dans le temps en droit 1907 « de la volonté de mettre à la disposition des lecteurs une
privé interne, thèse dactyl., Caen, 2003, no 171 et s., p. 95 et s.). sélection de textes les plus significatifs ou les plus fréquemment
utilisés » (V. préface à la vingt-sixième édition). Le plus souvent,
§ 6. – Codification des lois. il s’agit de la réunion, par les pouvoirs publics eux-mêmes, de
textes épars au sein de l’ordonnancement juridique. Cette caté-
234. La codification consiste à réunir en un même ouvrage des gorie tend de nos jours à s’étendre. Parmi ces nouveaux codes,
lois (au sens large) ayant le même objet, par exemple concer- il convient de citer, tout particulièrement, en raison de son impor-
nant une même branche du droit, dans le souci de donner à l’en- tance pour le droit civil, le code de la consommation, publié en
semble ainsi constitué, unité et cohérence, et avec l’espoir de annexe à une loi du 26 juillet 1993. Mais il en existe une infinité
conférer une certaine pérennité aux dispositions rassemblées. d’autres : par exemple, le code des pensions civiles et militaires
En effet, on est moins enclin à modifier les dispositions d’un de retraite (1951), le code de la santé publique (1953), le code
code, à plus forte raison à l’abroger dans sa totalité, qu’à chan- des Postes et Télécommunications, le code de la famille et de
ger, même entièrement, les éléments d’un texte séparé. La co- l’aide sociale (1956), le code du travail (1973), le code de l’ex-
dification opère une certaine sacralisation du droit. En revanche, propriation (1977), le code de l’organisation judiciaire (1978), le
réglementer les institutions par des textes séparés peut présen- Livre des procédures fiscales, le code des douanes, etc. L’avan-
ter l’avantage de permettre de mieux sauvegarder l’esprit de cha- tage de cette codification « à droit constant » est que l’absence
cune. Cela dit, il n’y a pas lieu de faire de différence, quant à de modifications de fond des dispositions législatives permet de
leur force obligatoire, entre les textes qui sont codifiés et ceux procéder à la codification par voie réglementaire. Mais la mé-
qui ne le sont pas (sur la pratique de la codification, V. J. GAU- thode ne manque pas d’engendrer de regrettables malfaçons
DEMET, La codification, ses formes et ses fins, Études J. Eglé- (LE NINIVIN, Les discordances de la codification par décrets,
sias, 1988, Madrid, p. 28 ; F. TERRÉ, La codification, Européan JCP 1980. I. 2982 ; N. MOLFESSIS, Les illusions de la codifica-
Review of private law, 1.1993, p. 31 ; Revue Droits, La codi- tion à droit constant et la sécurité juridique, RTD civ. 2000.186).
fication, 1996-1997, no 24 et 26 ; B. BEIGNIER et J. FOYER Aussi bien, est-il regrettable que le Gouvernement tende au-
[sous la dir., ouvrage collectif], La codification, 1996, Dalloz, ; jourd’hui à obtenir souvent du Parlement l’autorisation de codifier
S. GUY, De la codification, Petites affiches 1997, no 31 ; OP- et plus encore de légiférer par ordonnances en invoquant l’en-
PETIT, Essai sur la codification, 1998, PUF ; G. TAORMINA, La combrement de l’ordre du jour parlementaire (L. no 99-1071 du
codification est-elle encore utile ? Éléments pour une métho- 16 déc. 1999, JO 22 déc., autorisant le Gouvernement à pro-
dologie historique, Dr. prospectif 2002.1.21 ; R. CABRILLAC, céder par ordonnances à l’adoption de la partie législative de

septembre 2004 - 33 - Rép. civ. Dalloz


LOIS ET DÉCRETS

neuf codes importants dont le code rural, le code de l’éduca- telle ou telle disposition législative antérieure. L’abrogation est
tion, le code de justice administrative et le code de la route et alors pure et simple. Le plus souvent, elle est jointe à une ré-
L. no 2003-591 du 2 juill. 2003 [préc. supra, no 46 et 193] habi- glementation nouvelle qui se substitue à la réglementation abro-
litant le Gouvernement à simplifier le droit, notamment à modi- gée (V., par ex., art. 32-II, L. no 2003-495 du 12 juin 2003, JO
fier, par ordonnances, les parties législatives de plusieurs codes 13 juin, renforçant la lutte contre la violence routière : « L’article
[code rural et code général des collectivités territoriales, art. 32, L. 234-10 du même code [code de la route] est abrogé » ; art. 21,
et à adopter la partie législative du code du patrimoine, du code Décr. no 2002-76 du 11 janv. 2002 relatif à la discipline des avo-
de la recherche, du code du tourisme et du code de l’organisa- cats au Conseil d’État et à la Cour de cassation, JO 18 janv.,
tion judiciaire, art. 33]). Pourtant, le Conseil constitutionnel n’a rect. 30 mars : « Le décret du 28 octobre 1850 [...] est abrogé » ;
pas pensé que cette habilitation pouvait méconnaître les strictes art. 12, Arr. 2 août 2000 : « L’arrêté du 22 novembre 1991 [...]
conditions d’application de l’article 38 de la Constitution (Décis. est abrogé »). Une variante de l’abrogation expresse consiste à
Cons. const. no 99-421 du 16 déc. 1999, JO 1999, p. 19041, déclarer que tel texte antérieur « est ainsi rédigé », ou « est ainsi
RTD civ. 2000.186, obs. N. Molfessis ; no 2003-473 du 26 juin modifié » ou encore « est remplacé par » (V., par ex., art. 1er,
2003, JO 2003, p. 11205 affirmant même que cette codification Ord. no 2004-164 du 20 févr. 2004, JO 21 févr. relative aux
répond à l’objectif de valeur constitutionnelle d’accessibilité et modalités et effets de la publication des lois et de certains actes
d’intelligibilité de la loi) (Sur l’évolution en matière de codification, administratifs : « L’article 1er du code civil est remplacé par les
V. F. TERRÉ, Introduction générale au droit, Précis Dalloz, 6e éd., dispositions suivantes »).
2003, no 339 et s., p. 337 et s., not. sur la codification adminis-
trative no 340, et sur la codification par ordonnances no 341). § 2. – Abrogation tacite.
Ces codes compilation comportent tous trois parties : la partie
législative (les lois) chaque numéro d’article étant précédé par 243. L’abrogation tacite (ou implicite) résulte, en dehors de toute
la lettre L, la partie réglementaire (les décrets), chaque article déclaration formelle, de l’incompatibilité logique de la disposi-
commençant par la lettre R (décrets réglementaires) et la partie tion nouvelle avec l’ancienne. Comme les deux dispositions ne
consacrée aux arrêtés, chaque article commençant par la lettre peuvent être dans le même temps appliquées, il faut bien en
A. De même, le numéro de chaque article entend fournir des in- conclure, si l’on ne veut pas prêter au législateur une contradic-
formations sur la place de celui-ci dans le code en débutant par tion, qu’il a entendu abroger la disposition ancienne (Cass. soc.
trois chiffres qui indiquent le livre, le titre et le chapitre du code, 4 mars 1987, Bull. civ. V, no 104 ; Cass. crim. 21 mai 1992, Bull.
suivis par un indice indiquant le numéro de classement de l’ar- crim., no 203).
ticle au sein du chapitre. C’est ainsi que l’article L. 131-1 du code
de l’organisation judiciaire relatif à la présidence des chambres 244. Il s’ensuit que la loi ancienne n’est abrogée que sous la
de la Cour de cassation figure en partie législative du code (L) et condition et dans la mesure de cette incompatibilité (Cass. crim.
constitue au sein du Livre Ier, dans le Titre III, plus précisément 28 mai 1964, Bull. crim., no 183 ; 22 juin 1992, Bull. crim.,
dans le chapitre Ier de ce titre le premier article. no 247) ; mais il n’est pas toujours facile d’apprécier le caractère
inconciliable des dispositions anciennes et nouvelles toutes les
fois qu’elles ne sont pas toutes deux générales ou toutes deux
SECTION 2 spéciales. Quand les dispositions successives ne sont pas de
Disparition de la loi. même nature, on tire de la nécessité d’éviter une contradiction,
la conséquence qu’une disposition particulière n’est pas abrogée
238. Le mode habituel de disparition de la loi est son abroga- par une mesure générale nouvelle contraire parce qu’une ex-
tion. S’y ajoute un mode exceptionnel : l’annulation (sur la dis- ception n’est pas incompatible avec une règle générale (Cass.
tinction entre annulation, même non rétroactive, et abrogation, com. 28 janv. 1992, Bull. civ. IV, no 43). De même, une dis-
V. J. CARBONNIER, note sous Civ. 16 juill. et 18 déc. 1945, position particulière nouvelle n’abroge pas une disposition gé-
D. 1946.322). nérale contraire, car l’introduction d’une exception n’est pas in-
compatible avec le maintien d’une règle générale (R. GASSIN,
ART. 1er. – ABROGATION DE LA LOI. Lois spéciales et droit commun, D. 1961, chron. 91). Cepen-
dant, on admet qu’une loi spéciale nouvelle déroge, même si
239. On appelle abrogation l’acte par lequel la loi est privée, elle ne l’abroge pas, à une loi générale, la première prévalant
pour l’avenir, de sa force obligatoire. sur la seconde dans le domaine particulier de son application,
240. Le pouvoir d’abroger les lois suppose celui de les établir : la loi générale continuant de demeurer applicable par ailleurs :
un décret ne peut donc pas abroger une loi. Il n’en est autre- « Specialia generalibus derogant » ; par exemple, la règle gé-
ment (Const., art. 37, al. 2) que lorsqu’il s’agit d’une loi interve- nérale du régime de la communauté interdisant à chacun des
nue avant l’entrée en vigueur de la Constitution de 1958 dans époux de disposer entre vifs, à titre gratuit, d’un bien commun
l’une des matières devenues, depuis, de la compétence du pou- sans le consentement de son conjoint (C. civ., art. 1422) voit son
voir réglementaire selon l’article 37, alinéa 1er, de la Constitution. domaine d’application restreint par la règle spéciale qui permet à
Mais la Constitution exige alors que ces décrets soient pris après chaque époux de disposer seul de ses gains et salaires (C. civ.,
avis du Conseil d’État. Il en est de même si la loi a été indûment art. 223). Mais la réciproque n’est pas vraie. En effet, lorsque
édictée dans une matière réglementaire selon, ici aussi, l’article la loi postérieure est générale, elle ne déroge pas ipso facto à
37, alinéa 1er, de la Constitution. Mais il faut alors que le Conseil la loi spéciale antérieure (« Legi speciali per generalem non de-
constitutionnel ait préalablement déclaré la nature réglementaire rogatur ») ; tout dépend de l’intention du législateur (Cass. civ.
des textes contestés. 21 avr. 1942, DA 1942.127).

241. Il existe deux modes habituels d’abrogation : l’abrogation 245. Les mécanismes de l’abrogation expresse et de l’abroga-
expresse et l’abrogation tacite ou implicite. On discute d’un troi- tion tacite intéressent toutes les lois, y compris les lois tempo-
sième mode : l’abrogation par désuétude. raires. Celles-ci présentent la particularité suivante : alors que
la force obligatoire de la loi est, en règle générale, permanente,
§ 1er. – Abrogation expresse. certaines lois de circonstances sont destinées à ne s’appliquer
que pendant une période déterminée (WALINE, note sous CE
242. Il y a abrogation expresse lorsque le législateur prend soin, 16 mars 1945 D. 1946.290). Ces lois sont, en effet, souvent
dans une disposition formelle, de priver de sa force obligatoire édictées à titre d’essai, c’est-à-dire dans l’attente des résultats

Rép. civ. Dalloz - 34 - septembre 2004


LOIS ET DÉCRETS

que leur application produira, mais aussi sans doute parfois dans législateur suspende une loi jusqu’alors en vigueur (V. N. MOL-
le but, jamais avoué, d’accoutumer le corps social à des disposi- FESSIS, La loi suspendue, D. 2003, chron. 139, à propos de
tions nouvelles à l’égard desquelles on peut craindre qu’il n’ex- la loi du 3 janvier 2003 portant relance de la négociation collec-
prime quelque réticence ! Tel fut le cas, semble-t-il, pour la loi tive en matière de licenciements économiques ; I. DESBARATS,
no 75-17 du 17 janvier 1975 relative à l’interruption volontaire de La réforme de la modernisation sociale, D. 2003, chron. 219 ;
la grossesse (JO 18 janv.) (dont le titre édulcoré, évitant le mot rappr. la possibilité qu’offre l’article 72 de la Constitution aux
avortement, permettait de présenter la loi sous un jour plus favo- collectivités territoriales et à leurs groupements, dans certains
rable !). L’article 2 de cette loi n’en avait prévu l’application que domaines et aux conditions prévues par une loi organique, de
pendant une période de cinq ans (aujourd’hui, des règles d’ap- déroger, lorsque la loi ou le règlement l’ont prévu, à titre expé-
plication permanente lui ont été substituées par la loi no 79-1204 rimental et pour un objet et une durée limités, aux dispositions
du 31 déc. 1979, JO 1er janv. 1980). De même, la loi no 94-654 législatives ou réglementaires qui régissent l’exercice de leurs
du 29 juillet 1994, JO 30 juill., relative au don et à l’utilisation des compétences [L. org. no 2003-704 du 1er août 2003 relative à
éléments et produits du corps humain, à l’assistance médicale à l’expérimentation par les collectivités territoriales, JO 2 août]).
la procréation et au diagnostic prénatal, devait faire l’objet d’un
nouvel examen par le Parlement dans un délai de cinq ans après 251. Enfin, le développement aujourd’hui de la technique du
son entrée en vigueur. renvoi (rédaction de textes se référant à d’autres) est suscep-
tible de créer des « abrogations par ricochet », voire « par mé-
246. Constituent aussi, en quelque sorte, des lois temporaires, garde » (N. MOLFESSIS, RTD civ. 2001.691) Dans ce cas, on
les « dispositions transitoires au sens strict » qui, écartant l’ap- peut, semble-t-il, hésiter entre deux solutions, suivant les cir-
plication pure et simple de la loi nouvelle et de la loi ancienne, constances. Si le texte auquel il est référé a été remplacé par
prévoient, pour une période déterminée, un régime particulier qui de nouvelles dispositions, on peut penser qu’il convient d’appli-
souvent combine l’ancien et le nouveau (V. Conflits de lois dans quer celles-ci. Lorsque le texte auquel il est référé est abrogé
le temps). sans être remplacé, on peut estimer que le texte référant conti-
nue d’avoir la teneur qui était la sienne lorsqu’il se référait au
247. Lorsqu’une loi temporaire est édictée, deux situations
texte aujourd’hui abrogé. Les mêmes solutions s’appliquent mu-
peuvent se présenter : ou bien le législateur a précisé que la loi
tatis mutandis aux règlements administratifs (Cass. crim. 4 mai
cesserait de s’appliquer à telle date (par ex. « le 31 décembre 1976, D. 1976, IR 174 : les arrêtés ou règlements, légalement
2006 » ou « à la cessation des hostilités ») ; auquel cas,
pris par l’autorité compétente, revêtent un caractère de perma-
l’arrivée du terme (certain dans le premier exemple, incertain
nence qui les fait survivre aux lois dont ils procèdent tant qu’ils
dans le second) entraîne abrogation expresse de la loi. Ou
n’ont pas été rapportés ou qu’ils ne sont pas inconciliables avec
bien le législateur, sans fixer un terme à l’application de la
les règles tracées par une législation nouvelle ; V., déjà en ce
loi, a manifestement édictée celle-ci pour des circonstances
sens, Cass. crim. 20 mai 1837, Bull. crim., no 202 ; 21 janv.
exceptionnelles et temporaires ; auquel cas, la disparition de 1944, ibid., no 27).
ces circonstances doit, normalement, entraîner celle de la loi
par abrogation tacite. 252. Mais il peut y avoir aussi abrogation (expresse ou tacite)
de l’abrogation. Dans ce cas, il a été jugé que les règles édic-
248. Mais il arrive que des textes soient abrogés après avoir
tées par les textes abrogés ne peuvent pas, à défaut de disposi-
fait l’objet, à l’identique, d’une codification (V. supra, no 234 et
tions législatives contraires, redevenir en vigueur du seul fait de
s.). La jurisprudence déclare que l’abrogation de la loi à la suite
l’abrogation ultérieure de l’abrogation ou même de la modifica-
de sa codification à droit constant ne modifie ni la teneur des
tion des textes qui les avaient remplacées (Cass. soc. 16 mai
dispositions transférées, ni leur portée (Cass. crim. 4 mai 1995,
1979, Bull. civ. V, no 421 ; contra : CA Paris, 20 déc. 1960, JCP
Bull. crim., no 163, D. 1995, IR 181 ; 16 oct. 1996, Bull. crim.,
1961. II. 11929, note J. Mazeaud, S. 1961.186, note Meurisse).
no 367, D. 1997, IR 24 ; Cass. com. 13 mai 1997, Bull. civ. IV,
no 138 ; Cass. civ. 1re 27 févr. 2001, Bull. civ. I, no 50, D. 2001,
AJ 1025, obs. Lienhard ; Contrats, conc., consom. 2001, no 130, § 3. – Abrogation par désuétude.
note Raymond ; comp. Cass. 1re civ. 13 nov. 2003, Bull. civ. I,
253. L’existence de ce mode de disparition de la loi est vivement
no 232 [préc. supra, no 74] ; V. aussi Cass. 3e civ. 19 mars 2003,
Bull. civ. III, no 68, malgré, en l’espèce, une nouvelle rédaction contesté : l’abrogation de la loi par désuétude, c’est-à-dire par
le seul fait qu’elle a cessé d’être obéie et sanctionnée depuis
du texte ; sur les abrogations dans le cadre d’une codification à
longtemps, peut-elle être admise en droit français ? La question
droit constant, adde : A. LIENHARD et C. RONDEY, D. 2000, dr.
est celle de la coutume contra legem, et l’on se demande si les
aff., chron. 521 ; D. BUREAU et N. MOLFESSIS, Le nouveau
lois peuvent être abrogées par un usage qui leur est contraire.
code de commerce ? Une mystification, D. 2001, dr. aff., chron.
361 ; Th. LE BARS, Nouvelles observations sur la codification à 254. Dans un système de droit écrit comme le nôtre, on ne peut
droit constant. L’article 691 était abrogé [...] depuis 1991 », JCP admettre qu’un doute soit jeté sur l’existence d’une règle légale,
2000, Actualité, p. 48). sous le prétexte qu’en fait, elle n’est ni obéie, ni appliquée. C’est
249. Par ailleurs, de même que le législateur peut différer la date la position de principe : la loi ne cesse pas d’être obligatoire
d’entrée en vigueur d’une loi, il peut différer celle de son abroga- du seul fait qu’elle n’est pas respectée. C’est ainsi que la Cour
tion ; par exemple, prévoir que la loi par laquelle il abroge une de cassation n’a pas admis que la violation, par le notariat, des
incrimination ne prendra effet qu’après la publication d’un décret conditions que la loi du 25 ventôse an XII imposait pour la vali-
à venir. Dans le cas où ce décret serait prévu pour intervenir dité de certains actes notariés (présence d’un notaire en second
dans un délai déterminé, il a été jugé que l’abrogation, à défaut ou de deux témoins instrumentaires), ait pu être légitimée par
de décret, devient effective à l’expiration dudit délai (Cass. crim. le grand nombre des contraventions constatées (Civ. 25 janv.
3 oct. 1994, Bull. crim., no 311 ; adde, à propos d’une abroga- 1841, S. 1841.109). Aussi bien, fallut-il que le législateur, par
tion incertaine : Cass. crim. 16 janv. 2002, Bull. crim., no 6, une disposition rétroactive, valide les actes passés antérieure-
D. 2002.1225, note M. Dobkine, « Nul n’est censé ignorer que la ment qui étaient menacés d’annulation (V. de même : Cass.
loi... est abrogée »). crim. 28 mai 1964, Bull. crim., no 183 : les lois et les règlements
ne sont abrogés que si l’abrogation est expresse ou si elle ré-
250. De même, existe-t-il peut-être une nouvelle forme d’abro- sulte implicitement de dispositions nouvelles inconciliables avec
gation : l’abrogation temporaire. Il est arrivé, en effet, que le les dispositions anciennes ; dans le même sens : Cass. crim.

septembre 2004 - 35 - Rép. civ. Dalloz


LOIS ET DÉCRETS

22 juin 1992, Bull. crim., no 247, Crim. 12 mai 1960, JCP 1960. conféré le nom de code Napoléon est théoriquement toujours
II. 11765, note R. Rodière : les lois et les règlements ne peuvent en vigueur pour n’avoir pas été abrogé). La désuétude permet
tomber en désuétude par suite d’une tolérance plus ou moins d’autre part, de corriger, par la résistance du corps social, la mal-
prolongée). façon des lois. À ce titre, il est difficile de n’en tenir aucun compte
au plan sociologique, sinon au plan normatif.
255. La solution procède de l’idée qu’il existe une hiérarchie des
sources du droit (V. supra, no 84 et s.). Or, la tradition consti-
tutionnelle française, issue de la Révolution de 1789, affirme la ART. 2. – ANNULATION DE LA LOI.
prééminence de la loi. Mais cette prééminence suppose que le
législateur ne fasse pas de lois inutiles (« quand il n’est pas né- 256. Il s’agit d’un mode exceptionnel de disparition qui réalise
cessaire de faire une loi, il est nécessaire de ne pas en faire », l’abrogation rétroactive d’une loi, en général vivement contes-
MONTESQUIEU), et qu’il veille avec autant de soin à abroger tée, car le plus souvent édictée dans des circonstances particu-
les lois devenues inutiles qu’à en faire de nouvelles ; enfin, lors- lièrement troublées. C’est ainsi que les règles du Gouvernement
qu’il en élabore de nouvelles, qu’il ne fasse pas une violence insurrectionnel de la Commune de Paris ont été jugées n’avoir
déraisonnable au milieu social pour lequel il légifère. La désué- jamais existé (Cass. civ. 27 nov. 1872, 3 arrêts, DP 1973.203)
tude permet, d’une part, d’éliminer les lois archaïques ou inop- ou que les dispositions législatives et réglementaires du Gouver-
portunes non abrogées (V., par ex., Cass. 1re civ. 6 janv. 1994, nement de Vichy portant confiscation des biens possédés par les
JCP 1994.22216, note Y. Gaudemet [cassant Montpellier, 8 fé- Israélites ont été annulées à la Libération par le Gouvernement
vr. 1993, D. 1993.306, note H. Vidal], écartant l’application de provisoire de la République française (Ord. 9 août 1944 sur le ré-
l’article 12 d’une loi du 19 vendémiaire an IV, pourtant non abro- tablissement de la légalité républicaine, JO 10 août et 12 sept. ;
gée [mais qui l’est aujourd’hui par l’ordonnance no 2004-164 du V. les textes visés au tableau I de l’ordonnance), ce qui a conduit
20 févr. 2004, JO 21 févr. : V. supra, no 193 et s.] exigeant à restituer ces biens à ceux qui n’auraient jamais dû en être dé-
que l’arrivée, au chef-lieu d’arrondissement, du Journal officiel possédés. En effet, une loi annulée doit être considérée comme
qui contient une loi ait été constatée sur un registre spécial, dont n’ayant jamais été applicable (Cass. civ. 27 mars 1985, Bull.
l’usage veut qu’il ne soit plus aujourd’hui tenu ou ne soit plus civ. I, no 110 : est rétroactivement dépourvue de base légale la
tenu avec exactitude ; de même, c’est un usage qui a redonné décision d’une cour d’appel prise sur le fondement d’un acte ad-
au code civil son nom, alors que le décret de 1852 qui lui avait ministratif qui a été ensuite annulé par le Conseil d’État).

CHAPITRE 4
Force obligatoire de la loi.
257. Le principe est que la loi oblige tous ses destinataires : légalité connaît aussi des limites en cas de circonstances excep-
Administration, juges ou particuliers. Mais elle n’a pas toujours tionnelles durant lesquelles est tolérée une légalité de crise (par
la même force contraignante et son domaine d’application dans ex. en ce qui concerne la légalité des examens ne respectant
l’espace n’est pas toujours le même. pas les formalités habituelles lors des événements de mai-juin
1968 : CE 12 juill. 1969, Chambre de commerce et d’industrie
258. Administration. — Les actes de l’Administration sont sou- de Saint-Étienne, p. 379), bien que, parfois (CE 28 nov. 1973,
mis au principe de légalité, lequel domine toute la théorie des Bertrand, p. 670), les mesures prises aient été jugées illégales,
actes administratifs (Ch. EISENMANN, Le droit administratif et car méconnaissant, sans raison valable, les garanties des can-
le principe de la légalité, EDCE 1957.25). Les sources de la lé- didats (V. J. MORAND-DEVILLER, Cours de droit administratif,
galité sont nombreuses. Ce sont, d’une part, les règles écrites 8e éd., 2003, Montchrestien, p. 283 et s.).
extérieures à l’Administration : la Constitution et plus largement
le « bloc de constitutionnalité » (V. supra, no 11), les divers trai- 260. Juges. — De la même façon qu’elles s’imposent à l’Ad-
tés internationaux et les règlements communautaires, les lois, ministration, les lois s’imposent à l’autorité judiciaire chargée de
ainsi que les règles affirmées par les juges dans le cadre de ce leur application. Plusieurs conséquences résultent de la sou-
que l’on appelle la jurisprudence, sous la forme notamment de mission des juges à la loi : d’une part, la violation de la loi par
principes généraux du droit (à valeur « supra-décrétale », mais un juge est un motif de cassation ; d’autre part, le juge n’a pas
« infra-législative » [CHAPUS]) dont le juge impose le respect à de pouvoir d’appréciation pour limiter les effets d’un texte (Cass.
l’Administration en dehors de tout texte et en l’absence de texte soc. 22 juill. 1954, D. 1954.665 ; 15 déc. 1955, Bull. civ. IV,
législatif contraire (par ex. égalité des citoyens devant l’autori- no 912) ; enfin (C. civ., art. 5), les juges ne peuvent rendre d’ar-
té publique, non-rétroactivité des actes administratifs, faculté de rêts de règlement, c’est-à-dire de décisions qu’ils déclareraient
contester la légalité de tout acte administratif devant le juge, prin- obligatoires pour eux-mêmes et pour les juridictions de leur res-
cipe de la liberté du commerce et de l’industrie ; V. p. WEIL et sort (V. Jurisprudence).
D. POUYAUD, Le droit administratif, 19e éd., 2001, PUF, « Que
sais-je ? », p. 84 et s.) ; et, d’autre part, les règles édictées par 261. Mais la soumission des juges à la loi connaît des déro-
l’Administration elle-même sous la forme de règlements, de dé- gations. Sans doute, l’article 12 du nouveau code de procédure
cisions individuelles et de contrats. civile dispose-t-il (al. 1er) que : « Le juge tranche les litiges confor-
mément aux règles de droit qui lui sont applicables », et il en tire
259. Cependant, la soumission de l’Administration au principe la conséquence (al. 2) que le juge « doit donner ou restituer leur
de légalité connaît une certaine souplesse par suite de la dis- exacte qualification aux faits et actes litigieux sans s’arrêter à la
tinction opérée par la jurisprudence administrative, en vue de dénomination que les parties en auraient proposée » ; mais le
préciser le contrôle effectué par le juge, entre la compétence dis- texte ajoute (al. 3) que, cependant, le juge « ne peut changer la
crétionnaire et la compétence liée de l’Administration. En cas de dénomination ou le fondement juridique, lorsque les parties en
compétence discrétionnaire, le juge n’est appelé à exercer qu’un vertu d’un accord exprès et pour les droits dont elles ont la libre
contrôle restreint excluant le contrôle de qualification juridique disposition, l’ont lié par les qualifications et points de droit aux-
des faits, alors qu’il exerce un contrôle normal en cas de com- quels elles entendent limiter le débat ». De même (al. 4), « Le li-
pétence liée. La soumission de l’Administration au principe de tige né, les parties peuvent [...] dans les mêmes matières et sous

Rép. civ. Dalloz - 36 - septembre 2004


LOIS ET DÉCRETS

la même condition, conférer au juge mission de statuer comme 266. Mais le fait qu’une loi soit qualifiée de loi d’ordre public est
amiable compositeur, sous réserve d’appel si elles n’y ont pas susceptible d’entraîner d’autres conséquences que l’interdiction
spécialement renoncé ». De son côté, l’article 4 du code civil, de sa mise à l’écart par une volonté contraire des sujets de droit.
en faisant obligation au juge de statuer malgré le silence, l’obs- C’est ainsi qu’une loi nouvelle considérée comme d’ordre public
curité ou l’insuffisance de la loi, habilite celui-ci à suppléer aux empêche, en principe, la loi ancienne de survivre (V. Conflits de
manquements de celle-ci, soit qu’il doive seulement l’interpré- lois dans le temps).
ter lorsqu’elle est obscure, soit qu’il doive combler ses lacunes
volontaires, soit qu’il entreprenne de combler les lacunes invo- ART. 2. – LOIS SUPPLÉTIVES OU INTERPRÉTATIVES.
lontaires de celle-ci, ce qui le conduira à créer du droit de fond
nouveau, en marge de la loi (praeter legem) dans les deux pre- 267. Est supplétive ou interprétative (sous-entendu de la volonté
miers cas et même contra legem dans le troisième cas (V. Juris- des sujets de droit), la loi qui statue pour l’hypothèse où ceux-ci
prudence). n’en auraient pas autrement disposé, et dont, par conséquent,
ils peuvent écarter l’application par une manifestation de volon-
262. Particuliers. — Enfin, la loi est obligatoire pour les parti- té contraire. Ainsi, l’article 1400 du code civil dispose que les
culiers. C’est pourquoi aucune autorité ne peut dispenser un époux qui se marient sans avoir fait de contrat de mariage sont
sujet de droit de l’obligation de la respecter. Cependant, la placés sous le régime de la communauté réduite aux acquêts. La
possibilité de dispenses est parfois prévue par le législateur règle est supplétive, car il est loisible aux futurs époux de choi-
lui-même ; mais elles sont très rares, car contraires au principe sir un autre régime matrimonial par contrat de mariage (C. civ.,
d’égalité entre les citoyens. Il est permis cependant de citer, art. 1387) On pourra aussi la dire interprétative si l’on présume
à titre d’exemple, en matière de mariage les dispenses d’âge, que le régime légal répond aux souhaits des futurs époux qui
de parenté ou de publication qui peuvent être accordées aux n’ont pas fait de contrat de mariage. Mais le fondement de cette
futurs époux, tantôt par le Président de la République (parenté : présomption n’étant nullement prouvé scientifiquement, mieux
C. civ., art. 164), tantôt par le procureur de la République (âge : vaut, sans doute, utiliser la qualification de règle supplétive qui
C. civ., art. 145, et publication : C. civ., art. 169). n’a que l’ambition d’exprimer une réalité technique. Un autre
exemple de règle supplétive est fourni par l’article 1609 du code
SECTION 1re civil. En effet, lorsqu’une chose mobilière fait l’objet d’une vente,
cet article prévoit que cette chose doit être livrée à l’acheteur à
Différence entre les lois en fonction de la contrainte l’endroit où elle se trouvait au moment du contrat. Mais les par-
exprimée par leurs prescriptions. ties peuvent fixer autrement le lieu de la livraison.
263. Les lois au sens large sont susceptibles de degrés en ce 268. La distinction entre lois impératives et lois supplétives est
qui concerne leur force obligatoire, et l’on distingue les lois impé- facile à opérer si la loi précise elle-même sa nature (par ex. « Le
ratives ou prohibitives et les lois supplétives ou interprétatives. présent texte est d’ordre public » ou « Toute clause contraire
est nulle » sont des indications qui témoignent du caractère im-
ART. 1er. – LOIS IMPÉRATIVES OU PROHIBITIVES. pératif de la loi ; de même, l’expression « s’il n’en a été autre-
ment convenu » témoigne de l’existence d’une loi supplétive).
264. On qualifie de loi impérative (ou de loi prohibitive) la loi qui Dans le cas contraire, il appartient au juge de découvrir la nature
ordonne (ou défend) telle conduite sans que les sujets de droit de la loi, l’article 6 du code civil pouvant lui être d’un grand se-
puissent s’y soustraire par un acte de leur volonté. Tel est le cas cours, qui dispose qu’« on ne peut déroger par des conventions
en matière de mariage, pour les règles qui en fixent les condi- particulières aux lois qui intéressent l’ordre public et les bonnes
tions de validité ou qui déterminent les obligations que le mariage mœurs » (sur ces notions, V. supra, no 265).
fait naître entre époux. C’est ainsi qu’au nombre de ces der-
nières règles, l’article 1388 du code civil dispose que « Les époux
ne peuvent déroger ni aux devoirs ni aux droits qui résultent pour SECTION 2
eux du mariage ». Serait nulle, par exemple, la convention de Différence entre les lois en fonction de la nature de la
non-fidélité que concluraient deux époux. De même, la règle qui sanction attachée à la violation de leurs prescriptions.
prohibe les pactes sur successions futures (C. civ., art. 1130) est
une règle impérative. 269. La loi tire sa force obligatoire de la sanction prévue en
cas de violation de ses prescriptions. L’existence d’une sanction
265. Les règles impératives se sont multipliées, notamment s’impose donc, et le droit connaît plusieurs sortes de sanctions.
dans le droit des contrats, en écho à l’article 6 du code civil
qui, dès le début du code, annonce l’existence de telles règles
ART. 1er. – NÉCESSITÉ D’UNE SANCTION.
lorsqu’il dispose qu’« on ne peut déroger par des conventions
particulières aux lois qui intéressent l’ordre public et les bonnes 270. La notion de sanction est inhérente à la notion même de
mœurs ». L’ordre public, c’est-à-dire les intérêts généraux règle, et c’est la raison pour laquelle toute règle de droit, donc
fondamentaux de la société : ordre public classique comprenant toute loi, comporte une sanction. Contrairement à ce que l’on
les règles nécessaires au bon fonctionnement des institutions, pourrait penser, ce n’est pas parce qu’une disposition obligeant à
auquel s’ajoute aujourd’hui l’ordre public économique et l’ordre une certaine conduite a été violée qu’elle doit être sanctionnée ;
public social, du fait de l’intervention croissante de l’État en au plan normatif, c’est parce qu’elle est sanctionnée que cette
matière économique et en matière sociale. L’ordre public écono- disposition oblige à cette conduite (H. KELSEN, Théorie pure du
mique se divise lui-même en ordre public de protection, lequel droit, p. 152 et s.).
tend à protéger les contractants les plus faibles (par ex. l’assuré
dans le contrat d’assurance) et en ordre public de direction 271. Toute règle de droit comporte une sanction, si l’on qualifie
contenant les mesures qui permettent aux pouvoirs publics de de « sanction » d’une règle, tout procédé de contrainte par lequel
réaliser certains objectifs économiques (par ex. législation sur est assuré le respect de celle-ci. Sans doute, la plupart des lois
les prix afin de freiner la hausse de ceux-ci). Bonnes mœurs, sont-elles obéies parce qu’elles expriment les aspirations pro-
c’est-à-dire les règles de morale sociale (par ex. de morale fondes du corps social, à tout le moins, à un certain ordre res-
sexuelle) considérées comme fondamentales pour l’ordre établi senti comme nécessaire. Ainsi, c’est plutôt volontairement que
dans la société. par contrainte que l’on respecte la propriété d’autrui : chacun y

septembre 2004 - 37 - Rép. civ. Dalloz


LOIS ET DÉCRETS

voit la garantie du respect de sa propre propriété. Mais on ne 275. En revanche, d’autres mesures constituent effectivement
saurait méconnaître que la « peur du gendarme » constitue un des sanctions, car leur mise en œuvre suppose accompli l’acte
facteur important de la propension des sujets de droit à respec- ou la conduite que la loi tend, d’ailleurs, soit à empêcher, soit
ter l’ordre établi, surtout de nos jours où le rôle de la morale et de au contraire à susciter. En effet, il existe deux sortes de sanc-
la religion comme régulateurs des rapports sociaux s’est consi- tions stricto sensu. La mise en œuvre des premières suppose
dérablement atténué ! la violation de la prescription de conduite à laquelle elles sont
attachées. La loi les institue comme réaction contre certaines
272. Mais il faut aller plus loin : une disposition juridique sans actions ou abstentions, en pensant qu’elles seront ressenties
sanction ne statue pas une obligation. C’est au plus un souhait comme un désagrément par ceux qui n’auront pas obéi à la pres-
exprimé par son auteur. Ainsi, l’article 104 du code civil dispose cription édictée. La mise en œuvre des secondes suppose au
que la preuve de l’intention de changer de domicile « résultera contraire la réalisation d’une action ou d’une abstention souhai-
d’une déclaration expresse, faite tant à la municipalité du lieu tée par le législateur.
que l’on quittera, qu’à celle du lieu où l’on aura transféré son do-
micile ». Mais l’absence de déclaration n’est assortie d’aucune § 1er. – Sanctions instituées en réaction contre certaines
mesure de contrainte. L’article 104 ne constitue donc pas une actions ou abstentions réprouvées par le législateur.
obligation en tant qu’il vise la double déclaration évoquée. En
revanche, il exprime une obligation pour les personnes chargées 276. Si l’on fait abstraction tant des sanctions administratives
de recueillir ces déclarations, car pourrait être sanctionné (à tout que les autorités administratives ont le pouvoir d’infliger à des
le moins disciplinairement) l’agent municipal qui refuserait l’en- particuliers afin de réprimer un comportement fautif de leur part,
registrement de celles-ci. que des sanctions disciplinaires destinées à réprimer une faute
commise dans l’exercice d’une activité professionnelle, il existe
273. Quant à la « sanction » qui donne à la loi son caractère deux grandes catégories de sanctions : les sanctions civiles et
contraignant en même temps que la mesure de l’intensité de ce les sanctions pénales.
caractère (V. par ex. la loi no 2004-800 du 6 août 2004 relative
à la bioéthique qui interdit le clonage tant reproductif que théra- A. – Sanctions civiles.
peutique, mais dont le premier relève du crime contre l’espèce
humaine, C. pén., art. 214-2 et s., art. 28 de la loi, alors que le 277. Il en est de plusieurs sortes. Les unes constituent des pro-
second n’est qu’un simple délit, C. pén., art. 511-18-1, art. 32 cédés de contrainte directe, comme l’expulsion par la force pu-
de la loi), on doit la reconnaître dans toute disposition statuée blique de l’occupant sans titre d’une maison ou comme le retour
par l’ordre juridique en conséquence de la conduite d’un sujet obtenu manu militari de l’enfant qui a abandonné la résidence de
de droit. Une disposition constitue une « sanction » lorsque la ses père et mère où la loi l’oblige à demeurer. D’autres, consti-
conduite (action ou abstention) d’une personne figure au nombre tuent des procédés de contrainte indirecte, par exemple la sai-
des conditions imposées pour l’application à cette personne de sie des biens d’un débiteur défaillant (par ex. un débiteur d’ali-
la disposition considérée. Plus précisément, toute conséquence ment). D’autres consistent dans la réparation du trouble qu’a
attachée à la violation d’une prescription de conduite humaine occasionné la violation de la prescription légale. Elles ont pour
ne peut être qualifiée de « sanction » qu’autant qu’il apparaît que objet de remettre les choses dans l’état dans lequel elles se se-
ses destinataires pourront se voir appliquer ladite conséquence raient trouvées s’il n’y avait pas eu violation de la loi. Ainsi, celui
ou s’y soustraire selon la conduite qu’ils adopteront. Mais la qui a causé, par sa faute, un dommage à autrui, doit verser à
sanction ne doit pas seulement être prévue par l’ordonnance- la victime une indemnité pour en assurer la réparation (C. civ.,
ment juridique ; encore faut-il qu’elle soit appliquée en fait, au art. 1382 et 1383). La réparation du dommage peut être considé-
risque sinon de rendre la prescription qui en est assortie ineffec- rée comme la sanction de la faute (volontaire, art. 1382 ou invo-
tive. C’est là tout le problème de l’effectivité ou de l’ineffectivité lontaire, art. 1383) commise par l’auteur de celui-ci. De même,
du droit (V. J. CARBONNIER, Flexible droit, 10e éd., p. 136 et l’annulation des actes juridiques accomplis illégalement consti-
s.). tue la sanction de leur irrégularité. Ainsi, la reconnaissance d’un
enfant naturel devant avoir lieu par acte authentique (C. civ.,
art. 335), une reconnaissance faite par acte sous seing privé (par
ART. 2. – DIVERSITÉ DES SANCTIONS. ex. dans un testament olographe) est sujette à annulation (Cass.
1re civ. 2 févr. 1977, Bull. civ. I, no 63).
274. Le droit connaît plusieurs sortes de procédés de contrainte.
Encore qu’il convienne d’en signaler l’existence, ne méritent pas B. – Sanctions pénales.
le qualificatif de sanction les mesures préventives instaurées
pour éviter que la loi ne puisse être violée. Ainsi, pour empêcher 278. La violation de certaines règles de droit constitue une in-
la célébration de mariages irréguliers, la loi impose aux futurs fraction, qualifiée de crime, de délit ou de contravention suivant
conjoints la présentation de documents destinés à permettre de sa gravité, laquelle entraîne contre le délinquant une peine qui
vérifier que les conditions de validité de leur mariage sont bien peut aller depuis la réclusion à perpétuité pour les crimes consi-
remplies, et la loi prévoit une procédure d’opposition, pour que, dérés comme les plus graves, jusqu’à une amende d’un montant
prévenu d’un empêchement à mariage, l’officier de l’état civil re- minime pour les contraventions les plus légères.
fuse de procéder à la célébration de celui-ci (C. civ., art. 172 à
179). Ce sont là, sans conteste, des mesures qui visent au res- C. – Complémentarité des deux sortes de sanctions.
pect de la loi, mais ce ne sont pas des sanctions, du moins au
sens strict, car elles sont instituées pour intervenir avant la réa- 279. Les deux sortes de sanctions interviennent souvent en sy-
lisation de l’acte ou de la conduite que la loi proscrit. De fait, les nergie. C’est ainsi que dans le droit de la consommation, la loi
mesures de ce genre tendent aujourd’hui à se multiplier par suite protège certains consommateurs en leur conférant le droit de
de l’impossibilité devant laquelle croit se trouver l’État de pouvoir renoncer à leur achat dans un délai de sept jours (sanction ci-
sanctionner effectivement telle ou telle conduite illicite (par ex. vile, C. consom., art. L. 121-25) et érige en délit (sanction pé-
les divers ralentisseurs qui sur les routes interdisent matérielle- nale) l’abus, par un démarcheur, de la faiblesse ou de l’ignorance
ment tout excès de vitesse pourtant prohibé juridiquement). d’une personne pour lui faire souscrire, par le moyen de visites à

Rép. civ. Dalloz - 38 - septembre 2004


LOIS ET DÉCRETS

domicile, des engagements au comptant ou à crédit (C. consom., l’on veut éviter que des Français ne s’expatrient pour pouvoir se
art. L. 122-8). soustraire aux contraintes de la loi française (par ex., pour divor-
cer ou pour échapper à une incapacité).
§ 2. – Sanctions instituées comme récompense d’une action
ou d’une abstention souhaitée par le législateur. 284. Mais le droit pénal connaît aussi des cas d’application de la
loi française pour des faits réalisés à l’étranger. C’est ainsi que
280. II est, en effet, d’autres procédés de contrainte que ceux sont soumis, en principe, à la loi française les crimes et les délits
dont le législateur escompte qu’ils seront ressentis comme un commis à l’étranger, mais par des Français (C. pén., art. 113-6)
désagrément. Certaines mesures visent à inciter les sujets de ou contre des Français (C. pén., art. 113-7), ainsi que les crimes
droit à avoir tel comportement que le législateur estime souhai- et les délits portant atteinte à certains intérêts fondamentaux de
table et que par conséquent il s’efforce de faire adopter. De fait, la France et les crimes et délits contre les agents ou les locaux
par diverses faveurs (primes, déductions d’impôt, baisse du taux diplomatiques ou consulaires français commis hors du territoire
de la taxe sur la valeur ajoutée [TVA], etc.), la loi peut s’efforcer de la République (C. pén., art. 113-10).
d’assurer la réalisation de buts aussi divers que le mariage, l’ac-
croissement de la natalité, la construction de logements, l’acqui- ART. 2. – DROIT LOCAL D’ALSACE ET DE MOSELLE.
sition de valeurs mobilières françaises ou la diminution du chô-
mage et l’éradication de la pratique du « travail au noir » dans 285. Dans les départements d’Alsace (Haut-Rhin et Bas-Rhin)
un secteur déterminé d’activité ! La sanction de la loi, c’est donc et de Moselle, l’application des lois françaises, depuis le retour
aussi bien la récompense attachée à l’observation de ses pré- de ces départements à la France en 1918, a laissé subsister
ceptes que la peine attachée à la violation de ses défenses. nombre de lois locales héritées de la législation allemande. C’est
ainsi qu’en ce qui concerne le droit civil, une loi du 1er juin 1924
qui a introduit l’ensemble de la législation civile française dans
SECTION 3
les départements d’Alsace et de Moselle à partir du 1er janvier
Différences entre les lois en fonction de leur 1925, a maintenu l’application du droit local dans certaines ma-
domaine d’application dans l’espace. tières (par ex. l’institution du Livre foncier qui régit la publicité des
constitutions et des transferts de droits réels). Cependant, la loi
281. Le principe est que la loi française s’applique sur l’ensemble no 90-1248 du 29 décembre 1990 (JO 3 janv.) a tenté une harmo-
du territoire français et ne s’applique que sur ce territoire (sys- nisation du droit local et du droit français général, notamment en
tème de la territorialité des lois). Mais ce principe connaît des ex- matière de régimes matrimoniaux et d’incapacités (V. F. LOTZ,
ceptions, tant en droit international privé qu’en ce qui concerne La loi du 29 décembre 1990 portant diverses mesures d’harmo-
le droit applicable dans les départements d’Alsace et de Moselle nisation entre le droit local alsacien-mosellan et le droit français
et celui qui l’est outre-mer. général, JCP 1991, éd. N, I. 93), mais cette harmonisation est
loin d’être achevée, que l’on décide de modifier le droit français
ART. 1er. – DROIT INTERNATIONAL PRIVÉ. général en y introduisant telle ou telle solution du droit local jugée
meilleure, ou que l’on rende applicables dans les départements
282. Même si les règles françaises du droit international privé, d’Alsace et de Moselle les solutions du droit général. L’existence
destinées à régir les situations juridiques comportant un élément de ce droit local peut conduire à des conflits avec le droit fran-
d’extranéité (par ex., un Français conclut un contrat en France çais général lorsqu’une situation juridique se rattache par ses
avec un étranger) restent fidèles au système de la territorialité éléments à l’un et à l’autre. Une loi du 24 juillet 1921 complétée
des lois, par exemple en ce qui concerne « les lois de police et par celle du 1er juin 1924 a posé des règles en vue de permettre
de sûreté » (C. civ., art. 3, al. 1er) donc les infractions pénales la solution de ces conflits.
(C. pén., art. 113-2), mais aussi les délits qui sanctionnent la
violation des règles du droit de la famille (bigamie, abandon de
ART. 3. – DROIT APPLICABLE OUTRE-MER.
famille par ex.), de même en ce qui concerne les règles relatives
aux immeubles même ceux possédés par des étrangers (C. civ., 286. D’une part, le droit français applicable en principe de plein
art. 3, al. 2), auxquels la jurisprudence a ajouté les meubles, de droit (principe d’identité législative) peut faire l’objet d’adapta-
même encore en ce qui concerne les lois régissant les faits juri- tions commandées par les caractéristiques et contraintes parti-
diques, l’application du système de la personnalité des lois rete- culières de ces collectivités lorsqu’il s’agit de le rendre applicable
nu en certaines matières conduit parfois à rendre une loi étran- aux départements et régions d’outre-mer : Martinique, Guade-
gère applicable à un étranger qui pourtant réside en France et à loupe, Guyane et Réunion (Const., art. 73).
rendre la loi française applicable à un Français qui pourtant ré-
side à l’étranger. 287. D’autre part, dans les collectivités territoriales d’outre-mer
(Mayotte, Saint-Pierre-et-Miquelon, îles Wallis-et-Futuna), les
283. Cela tient, en droit civil, notamment à ce que sont sou- lois françaises ne sont en principe applicables qu’en vertu d’une
mis à la loi nationale de la personne : l’état et la capacité de disposition expresse et parfois à la suite d’une promulgation
celle-ci (C. civ., art. 3, al. 3, par ex. nom et prénoms [attribution locale dans les conditions fixées par une loi organique (Const.,
ou changement], conditions de fond du mariage, établissement art. 74). Cependant, le Gouvernement peut, dans les matières
de la filiation légitime ou naturelle [mais sous les réserves et les qui demeurent de la compétence de l’État, étendre par or-
conditions des articles 311-14 à 311-18 du code civil], incapaci- donnances avec les adaptations nécessaires, les dispositions
tés générales d’exercice [âge de la majorité, protection des inca- de nature législative en vigueur en métropole, sous réserve
pables : administration légale, sauvegarde de justice, curatelle, cependant que la loi n’ait pas exclu, pour les dispositions en
tutelle, etc.]). La soumission du statut de la personne à la loi na- cause, le recours à cette procédure (Const., art. 74-1).
tionale se justifie de plusieurs façons : l’état de la personne ne
doit pas changer au gré de ses déplacements à l’étranger ; la 288. Quant aux Terres australes et antarctiques françaises, elles
loi française, faite pour le tempérament français, doit continuer sont soumises à un régime spécifique et à une organisation par-
de s’appliquer même lorsque les Français demeurent à l’étran- ticulière (Const., art. 72-3, al. 4 ; L. no 55-1052 du 6 août 1955
ger et ne doit pas s’appliquer aux étrangers même demeurant [mod.], JO 9 août, leur conférant l’autonomie administrative et fi-
en France ; enfin, la défense de la loi française exige le main- nancière), comme le sont aussi, aujourd’hui (V. supra, no 28), la
tien de son application aux Français demeurant à l’étranger si Nouvelle-Calédonie (L. org. no 99-209 du 19 mars 1999 [mod.],

septembre 2004 - 39 - Rép. civ. Dalloz


LOIS ET DÉCRETS

JO 21 mars, rect. JO 16 avr., relative à la Nouvelle-Calédonie) JO 2 mars, portant statut d’autonomie de la Polynésie française)
et la Polynésie française (L. org. no 2004-192 du 27 févr. 2004, (Const., art. 74 et 77).

CHAPITRE 5
Contrôle de la validité de la loi.
289. La hiérarchie des normes (V. supra, no 84 et s.) veut A. – Saisine obligatoire.
que toute norme inférieure soit conforme (non contraire : V. su-
pra, no 86) à celles qui lui sont supérieures. Les lois constitu- 295. Le Conseil constitutionnel est obligatoirement saisi des lois
tionnelles étant situées au sommet de la hiérarchie, toutes les organiques avant leur promulgation (le délai de leur promulga-
autres normes leur sont donc subordonnées. Pour que soit res- tion étant alors suspendu, V. supra, no 151) et des règlements
pectée cette hiérarchie, la Constitution de 1958 a institué un des assemblées parlementaires avant leur mise en application
Conseil constitutionnel chargé notamment d’opérer un contrôle (Const., art. 61, al. 1er). Il doit alors statuer dans le délai d’un
de constitutionnalité des lois. Les tribunaux ordinaires contrôlent mois, réduit à huit jours en cas d’urgence invoquée par le Gou-
aussi la constitutionnalité, non pas des lois au sens formel, mais vernement (Const., art. 61, al. 3).
des normes posées par le pouvoir réglementaire.
B. – Saisine facultative.

SECTION 1re 296. La saisine facultative concerne les lois ordinaires et les
Rôle du Conseil constitutionnel. engagements internationaux (Const., art. 54).

290. Le Conseil constitutionnel, organe juridictionnel, a princi- 297. Selon l’article 61, alinéa 1er, de la Constitution, seuls
palement pour mission de contrôler la constitutionnalité des lois. peuvent saisir le Conseil constitutionnel : le Président de la
Le Conseil constitutionnel est composé (Const., art. 56) de neuf République, le Premier ministre, le président de l’Assemblée
membres nommés pour neuf ans et non renouvelables (trois par nationale, le président du Sénat, ainsi que soixante députés ou
le Président de la République, trois par le président de l’Assem- soixante sénateurs, les tentatives pour autoriser les particuliers
blée nationale et trois par le président du Sénat), dont un pré- à soulever, au cours d’un procès, une exception d’inconsti-
sident qui a voix prépondérante, nommé par le Président de la tutionnalité de la loi, n’ayant pas, jusqu’ici, abouti (V., not.,
République, ainsi que de membres de droit à vie (les anciens L. FAVOREU, L’élargissement de la saisine du Conseil constitu-
présidents de la République). tionnel aux juridictions administratives et judiciaires, RFD const.
1990.581 et s. ; R. BADINTER, L’exception d’inconstitutionnali-
291. Le Conseil constitutionnel a une compétence strictement li- té, garantie nécessaire du citoyen, JCP 1992. I. 3584).
mitée par les textes. Il statue par décisions motivées publiées
au Journal officiel, lesquelles ont l’autorité de la chose jugée 298. En ce qui concerne les lois, la saisine du Conseil n’est
(Const. art. 62, al. 2 : « Les décisions du Conseil constitution- possible que pour les lois parlementaires, non pour les lois ré-
nel ne sont susceptibles d’aucun recours. Elles s’imposent aux férendaires (Décis. Cons. const. 6 nov. 1962, D. 1963.398,
pouvoirs publics et à toutes les autorités administratives et juri- note L. Hamon et no 92-313 du 23 sept. 1992, Rec., p. 94). Le
dictionnelles »). Bien que le respect de cette règle ne puisse être Conseil peut être saisi tant que le texte n’a pas fait l’objet d’un
imposé par le Conseil constitutionnel, ses décisions sont géné- décret de promulgation, celle-ci étant d’ailleurs impossible aussi
ralement respectées, ce qui conduit parfois à des revirements longtemps que le Conseil ne s’est pas prononcé sur la constitu-
de la Cour de cassation (V., par ex., Cass. crim. 25 avr. 1985, tionnalité de la loi. La saisine du Conseil suspend le délai imparti
D. 1985.329, concl. Dontemville ; Cass. soc. 25 mars 1998, au Président de la République pour promulguer la loi jusqu’à la
D. 1998, somm. 388) ou du Conseil d’État (CE 20 déc. 1985, publication de la décision du Conseil constitutionnel au Journal
Sté des établissements Outters, p. 382, D. 1986.283). Mais pour officiel. Le Conseil constitutionnel doit statuer dans le délai d’un
la Cour de cassation, les décisions du Conseil constitutionnel ne mois et même de huit jours à la demande du Gouvernement en
s’imposent, notamment pour ce qui est des motifs qui en sont cas d’urgence (Const., art. 61). La question de savoir si les lois
le soutien nécessaire, « qu’en ce qui concerne le texte soumis constitutionnelles peuvent être déférées au Conseil constitution-
à l’examen du Conseil » (Ass. plén. 10 oct. 2001, Petites af- nel est restée incertaine jusqu’à la décision du Conseil constitu-
fiches 30 oct. 2001, p. 11 ; P. AVRIL et J. GICQUEL, Rev. adm. tionnel no 2003-469 du 26 mars 2003 dans laquelle celui-ci saisi
2001.637, chron. G. Drago), affirmation qui semble témoigner de à propos de la loi de révision constitutionnelle no 2003-276 du
sa volonté de ménager son indépendance de jugement à l’égard 28 mars 2003 relative à l’organisation décentralisée de la Répu-
de toute interprétation dépourvue à ses yeux de toute autorité de blique (JO 29 mars) adoptée par le Parlement réuni en Congrès
la Constitution par le Conseil constitutionnel (RTD civ. 2002.169, le 17 mars 2003, a expressément affirmé qu’il ne tenait « ni de
obs. N. Molfessis). l’article 61, ni de l’article 89 ni d’aucune autre dispositions de la
292. Mais le rôle du Conseil constitutionnel diffère selon qu’il Constitution le pouvoir de statuer sur une révision constitution-
s’agit d’une loi ou d’un règlement. nelle » (P. JAN, L’immunité juridictionnelle des lois de révision
constitutionnelle, Petites affiches 2003, no 218, p. 4 et s.).
ART. 1er. – LOI. 299. Si elle a été jugée non conforme, la loi ne peut être promul-
293. Le Conseil constitutionnel est juge de la conformité des lois guée, ni mise en application (Const., art. 62). Il en est autrement,
à la Constitution (bloc de constitutionnalité). Il est aussi juge de cependant, si le Conseil n’a jugé non conformes que quelques
la recevabilité des propositions de loi et des amendements. dispositions de la loi, mais à la condition que celles-ci soient dé-
tachables des autres (ce qui est le cas le plus fréquent), cette
§ 1er. – Le Conseil constitutionnel, juge de la conformité. circonstance autorisant une promulgation partielle (V., par ex.,
Décis. Cons. const. no 2003-468 du 3 avr. 2003, JO 2003,
294. Le Conseil constitutionnel est alors saisi, tantôt obligatoire- p. 6493 ; à propos de la loi no 2003-927 du 11 avril 2003 rela-
ment, tantôt facultativement. tive à l’élection des conseillers régionaux et des représentants

Rép. civ. Dalloz - 40 - septembre 2004


LOIS ET DÉCRETS

au Parlement européen ainsi qu’à l’aide publique aux partis poli- contrôle de constitutionnalité des lois, au sens formel du terme
tiques, le Gouvernement ayant substitué un seuil égal à 10/100 (V., M. MIGNON, Le contrôle juridictionnel de la constitutionna-
du nombre des électeurs inscrits au seuil de 10/100 du total des lité des lois, D. 1952, chron. 45 ; Cass. crim. 26 févr. 1974,
suffrages exprimés retenu par le projet de loi soumis au Conseil D. 1974.273, concl. procureur général Touffait ; 12 janv. 1989,
d’État). D. 1989.585, rapp. J. Souppe, note Derrida ; Cass. 1re civ.
1er oct. 1986, JCP 1987. II. 20894 : les juges ne peuvent
300. De même, le Conseil constitutionnel s’est reconnu le pou- accueillir l’exception d’inconstitutionnalité, ni relever d’office l’in-
voir de ne reconnaître la constitutionnalité d’une disposition lé- constitutionnalité d’une loi ; CE 8 déc. 1995 et 31 juill. 1996,
gislative que sous réserve qu’elle soit interprétée, pour son appli- D. 1997.287, note W. Sabete, et cela quelle que soit la date de
cation, dans le sens qu’il définit lui-même, empiétant ainsi sur les leur promulgation, fût-elle antérieure à la Constitution de 1958 :
prérogatives tant du pouvoir exécutif que des juridictions (V., Les Cass. crim. 18 nov. 1985, Bull. crim., no 359).
réserves d’interprétation dans la jurisprudence du Conseil consti-
tutionnel, 1999, LGDJ ainsi que, à titre d’exemples, les nom- 306. Il en résulte qu’un particulier ne peut pas se prévaloir de
breuses réserves d’interprétation émises par le Conseil dans sa l’inconstitutionnalité d’une loi ; celle-ci est absolument incontes-
décision no 2004-504 du 12 août 2004, JO 17 août, p. 14657, à table à compter de sa promulgation. Sans doute, peut-on pen-
propos de la loi no 2004-810 du 13 août 2004 relative à l’assu- ser que la Constitution, en prévoyant un contrôle préalable par le
rance maladie, JO 17 août ; adde Jurisprudence). Conseil constitutionnel, a, par le fait même, exclu tout contrôle a
posteriori par les juridictions ordinaires (V. J. RIVERO, note AJ-
301. Les engagements internationaux peuvent aussi être DA 1971.537, not. p. 539, 1re col., dernier al.). Mais laisser les
soumis, par les mêmes autorités (V. supra, no 297), au Conseil tribunaux appliquer une loi inconstitutionnelle n’est-ce pas, fina-
constitutionnel, et si l’un d’eux comporte une clause contraire à lement, accepter que ceux-ci puissent violer la Constitution ?
la Constitution, l’autorisation de ratification ou d’approbation ne
peut intervenir qu’après la révision de celle-ci (Const., art. 54 :
ART. 2. – RÈGLEMENT.
V. supra, no 95 et s.). S’il n’a pas été fait application de cette
procédure et que la ratification a eu lieu par la voie parlementaire 307. Les juridictions administratives comme les juridictions judi-
(et non par la voie référendaire), la loi de ratification peut encore ciaires sont appelées à contrôler la légalité des actes de l’exé-
être déférée au Conseil constitutionnel après adoption par le cutif, mais avec des compétences différentes.
Parlement, dans le cadre de l’article 61, alinéa 2 tant qu’elle n’a
pas été promulguée (Décis. Cons. const. 17 juill. 1980, Rec. § 1er. – Juridictions administratives.
Cons. const., p. 36).
308. C’est au titre du principe général de légalité (V. supra,
§ 2. – Le Conseil constitutionnel, juge de la recevabilité. no 258) que les juridictions administratives contrôlent les actes
administratifs, soit directement par la voie du recours pour excès
302. S’il apparaît au cours de la procédure législative qu’une de pouvoir, soit, incidemment, par celle de l’exception d’illégalité.
proposition de loi ou un amendement n’est pas du domaine de
la loi ou est contraire à une délégation de pouvoir accordée en A. – Recours pour excès de pouvoir.
vertu de l’article 38 de la Constitution, le Gouvernement peut op-
309. Il tend à faire annuler par le juge administratif un acte ou
poser l’irrecevabilité, c’est-à-dire s’opposer à la discussion du
une décision administrative illégale. Il n’est pas un « procès fait
texte (V. supra, no 69). En cas de désaccord entre le Gouver-
à une partie », mais « un procès fait à un acte » (LAFERRIÈRE,
nement et le président de l’assemblée intéressée, l’un ou l’autre
2e éd., Traité, t. 2, p. 561).
peut saisir le Conseil constitutionnel pour qu’il dise si la matière
relève du domaine de la loi ou de celui du règlement (Const., 310. Le recours pour excès de pouvoir tend seulement à l’an-
art. 41, al. 1er). Le Conseil doit alors se prononcer dans le délai nulation de l’acte illégal. Cependant, les pouvoirs d’injonction
de huit jours (Const., art. 41, al. 2), et sa déclaration, motivée, donnés au juge par la loi du 8 février 1995 permettent d’obtenir
doit être notifiée au président de l’assemblée intéressée et au de celui-ci qu’il enjoigne à l’Administration, une fois l’acte annu-
Premier ministre. lé, de prendre les mesures propres à rétablir la légalité d’une
situation irrégulière (V., par ex., CE 13 janv. 1997, Viscontini,
ART. 2. – RÈGLEMENT. Rec. CE, tables, p. 664 ; adde : D. CHABANOL, La pratique du
contentieux administratif, 5e éd., 2003, Litec, no 292 et s., p. 195
303. Si, après l’entrée en vigueur de la Constitution, un texte a et s.).
été pris en la forme législative dans une matière qui est du do-
maine du règlement et que le Gouvernement se propose de le 311. Tout acte administratif exécutoire faisant grief peut être dé-
modifier par décret, le Conseil constitutionnel doit être saisi par féré au juge de l’excès de pouvoir, ce qui exclut les circulaires
le Premier ministre, et le texte ne pourra être modifié de la sorte interprétatives et les directives (V. supra, no 38). Le recours pour
qu’après que le Conseil aura reconnu son caractère réglemen- excès de pouvoir peut être exercé aussi bien contre les décrets
taire (Const., art. 37, al. 2 ; V. supra, no 71). Cette procédure est du Président de la République que contre ceux du Premier mi-
de moins en moins utilisée ; son utilité apparaît surtout avant la nistre (règlements autonomes de l’article 37, par ex. les décrets
codification des textes, c’est-à-dire lorsqu’un code est en prépa- par lesquels le Gouvernement crée des contraventions), mais
ration. aussi contre les ordonnances de l’article 38 tant qu’elles ne sont
pas ratifiées par le Parlement et contre les ordonnances prévues
par une loi référendaire (CE 19 oct. 1962, Canal, Robin et Go-
SECTION 2 dot, p. 552, à propos de la loi no 62-421 du 13 avr. 1962), ainsi
Rôle des juridictions ordinaires. que contre les règlements et décisions administratives soumis
au principe de légalité. Le Conseil d’État est seul compétent, au
304. Il diffère, aussi, selon qu’il s’agit de lois ou de règlements. titre des juridictions administratives, pour contrôler la légalité des
ordonnances et des décrets.
ART. 1er. – LOI.
312. Cette voie de recours est dispensée du ministère d’avo-
305. La position des juridictions, tant judiciaires qu’administra- cat tant devant les tribunaux administratifs que devant le Conseil
tives, est identique et n’a jamais varié : elles se refusent à tout d’État, sauf en cassation. Le délai de droit commun du recours

septembre 2004 - 41 - Rép. civ. Dalloz


LOIS ET DÉCRETS

pour excès de pouvoir est de deux mois à partir de la publica- citer devant eux les administrateurs pour raison de leurs fonc-
tion (acte réglementaire) ou de la notification (acte individuel) tions » ; adde : Décr. 16 fructidor an III).
de la décision attaquée (sur le recours pour excès de pouvoir,
V. G. BRAIBANT et B. STIRN, Le droit administratif français, 318. Aussi bien, n’est-il jamais possible d’attaquer directement
6e éd., 2002, Presses de Sciences Po et Dalloz, p. 591 et s.). un règlement devant une juridiction judiciaire. La question de sa
validité ne peut se poser qu’à titre accessoire lorsqu’elle est un
313. Échappent cependant au recours pour excès de pouvoir les élément de solution du procès principal. En outre, le contrôle
actes de Gouvernement, lesquels bénéficient d’une totale immu- exercé par le juge judiciaire varie selon qu’il statue au pénal ou
nité de juridiction, et spécialement les décrets de promulgation au civil.
du Président de la République (V. supra, no 178) ; de même les
mesures prises par le Président de la République en application A. – Juridictions répressives.
de l’article 16 de la Constitution lorsqu’elles interviennent dans 319. Très tôt, les juridictions répressives ont accepté de contrô-
le domaine de la loi (CE 2 mars 1962, Rubin de Servens, JCP ler la légalité des actes administratifs qui, à titre incident, était
1962. II. 12613, concl. Henry, S. 1962.147, note Bourdoncle ; contestée devant elles (première décision en ce sens : Crim.
V., aussi, MORANGE, Le contrôle des décisions prises au titre 3 août 1810 ; V. MERLIN, Questions de droit, 4e éd., Vo Préfet,
de l’article 16, D. 1962, chron. 109). Échappe aussi au recours T. 11, p. 358). Cette solution est fondée sur l’idée que la mission
pour excès de pouvoir le décret par lequel le Président de la du juge étant d’appliquer la loi, il ne saurait accepter de prêter la
République soumet un projet de loi au référendum (CE, ass., main à une illégalité commise par l’Administration. Et le contrôle
19 oct. 1962, Brocas, p. 553, S. 1962.307, D. 1962.701 ; CE de celle-ci par le juge pénal ne fit que s’accentuer. Le Tribunal
29 avr. 1970, Comité chômeurs de Marne, p. 279) ; cependant, des conflits a tout d’abord consacré la « théorie de la plénitude
le Conseil constitutionnel accepte de contrôler la légalité des de juridiction du juge pénal » (T. confl. 5 juill. 1951, Avranches et
actes par lesquels est organisé le référendum dans la mesure Desmarets, D. 1952.271, note Blaevoët, S. 1952.3.1, note Au-
où l’irrecevabilité qui serait opposée risquerait de compromettre by). À partir de cette décision, le juge répressif a eu compétence
gravement l’efficacité du contrôle par ses soins des opérations pour apprécier, non seulement la légalité des actes administratifs
référendaires (Décis. Cons. const. 25 juill. 2000, Hauchemaille, servant de fondement à la poursuite et dont il assure la sanction,
RFD adm. 2000.1004, note Ghévontian). Et le Conseil d’État mais aussi celle des actes simplement invoqués comme moyen
estime, aujourd’hui, que cette voie de recours parallèle rend ir- de défense, ce qui fait que, en pratique, le juge répressif a pu
recevable la contestation des mêmes actes devant lui (CE, ass., être amené à apprécier la légalité de n’importe quel règlement
1er sept. 2000, Larrouturou, Meyet et autres, Rec. CE, p. 365, administratif. Ainsi, les décrets par lesquels le Gouvernement
concl. Savoie, RFD adm. 2000.989, concl. Savoie). peut créer des contraventions sont des actes administratifs pou-
314. L’annulation porte en principe sur l’acte entier ; elle peut ce- vant faire l’objet d’un recours pour excès de pouvoir devant le
pendant n’être que partielle si l’illégalité ne frappe qu’une partie Conseil d’État statuant au contentieux ; mais ils peuvent aussi
détachable de l’acte. Elle vaut erga omnes et s’impose aux tiers, être soumis au contrôle de légalité par le juge répressif comme
à l’Administration et aux juridictions administratives et judiciaires les autres règlements administratifs. Et si le tribunal de police
(Cass. com. 20 févr. 2001, Bull. civ. IV, no 43 ; Cass. 3e civ. estime qu’ils sont illégaux, il doit refuser d’en faire application et
17 déc. 2003, Bull. civ. III, no 240). Elle a une portée rétroactive, de prononcer la peine qu’ils prévoient (Cass. crim. 30 oct. 1989,
en ce sens que l’acte annulé est censé n’être jamais intervenu. Bull. crim., no 357), à la condition, cependant, que cette peine
soit attachée à la violation du règlement et que l’infraction soit dé-
315. En revanche, la décision de la juridiction administrative af- finie en termes clairs et précis (Cass. crim. 1er févr. 1990, Bull.
firmant la légalité d’un acte, n’interdit pas au juge judiciaire, dans crim., no 56). Mais restaient exclus du contentieux de la légalité
la mesure où il a lui-même compétence pour apprécier la légalité par le juge répressif, les actes non réglementaires. La Cour de
de cet acte, de se prononcer différemment. cassation a fini par passer outre cette limitation et accepte au-
jourd’hui de contrôler tant les actes réglementaires (Cass. crim.
B. – Exception d’illégalité. 2 févr. 1971, Bull. crim., no 37 ; 11 févr. 1971, ibid., no 51 ;
18 avr. 1971, ibid., no 56), que les actes individuels (Cass. crim.
316. La légalité d’un acte administratif peut aussi être critiquée,
21 déc. 1961, D. 1962.102, rapp. Costa ; Cass. crim. 29 mars
devant la juridiction administrative, de façon incidente en invo-
1962, JCP 1962. II. 12728 bis, note Lamarque).
quant une exception d’illégalité (par exemple, à l’encontre d’un
acte qui n’a pas fait l’objet d’un recours pour excès de pouvoir 320. Aujourd’hui, la compétence du juge pénal est confirmée
dans les délais légaux). On peut, en effet, au cours d’une ins- par l’article 111-5 du code pénal selon lequel : « Les juridictions
tance, se prévaloir de l’illégalité d’un acte afin qu’il soit privé d’ef- pénales sont compétentes pour interpréter les actes administra-
fet dans le litige en cause. L’acte ne sera pas alors annulé ; il sera tifs, réglementaires ou individuels, et pour en apprécier la légalité
seulement déclaré inapplicable en l’espèce. Toute juridiction ad- lorsque, de cet examen, dépend la solution du procès pénal qui
ministrative compétente pour l’affaire principale est compétente leur est soumis ». Néanmoins, l’affirmation, par le juge répressif,
pour se prononcer sur l’exception d’illégalité, et celle-ci est per- de l’inconstitutionnalité ou de l’illégalité de l’acte n’aboutit pas à
pétuelle en ce qui concerne les actes réglementaires (CE 29 mai l’annulation de celui-ci. Faisant toujours partie intégrante de l’or-
1908, Sieur Poulin, Rec. CE p. 580, D. 1910.3.17 ; 6 août 1910 donnancement juridique, il peut continuer à servir de base à des
Cie des tramways de Paris et du département de la Seine, Rec. décisions répressives ultérieures. Le pouvoir d’annulation n’ap-
CE p. 710), mais aussi, aujourd’hui, en ce qui concerne les actes partient, en effet, qu’aux juridictions administratives.
individuels (CE 27 sept. 1985, D. 1986.442, note J.-Y. Plouvin).
321. De même, le refus, par la juridiction répressive, d’appliquer
§ 2. – Juridictions judiciaires. un texte incriminateur n’a qu’une autorité relative de chose jugée,
de sorte que deux tribunaux peuvent se prononcer différemment
317. L’intervention des juridictions judiciaires doit tenir compte sur le même texte (V., par ex., à propos de l’obligation du port de
du principe de la séparation des pouvoirs (art. 13 du titre 2 de la ceinture de sécurité prévue par le code de la route : pour l’illé-
la loi des 16-24 août 1790 : « Les fonctions judiciaires sont dis- galité de l’article R. 53-1, al. 3 : T. pol. Bressuire, 26 févr. 1976,
tinctes et demeureront séparées des fonctions administratives. Gaz. Pal. 1977.1.12, note P.-J. Doll, et en sens contraire : T. pol.
Les juges ne pourront, à peine de forfaiture, troubler, de quelque d’Albertville, 2 mai 1978, D. 1978.429, note Morange, dont la so-
manière que ce soit, les opérations des corps administratifs ou lution a été approuvée par la Cour de cassation : Cass. crim.

Rép. civ. Dalloz - 42 - septembre 2004


LOIS ET DÉCRETS

20 mars 1980, D. 1980, IR 521 ; V. J.-H. ROBERT, Droit pénal Tribunal des conflits lui-même, dans le cas où l’acte administratif
général, 4e éd., Thémis, p. 123 et s. ; G. STÉFANI, G. LEVAS- porte une atteinte grave au droit de propriété (arrêt préc.), à la
SEUR et B. BOULOC, Droit pénal général, 18e éd., 2003, Précis liberté individuelle ou à l’inviolabilité du domicile (T. confl. 30 oct.
Dalloz, no 119 et s., p. 118 et s. ; J.-Cl. SOYER, Droit pénal et 1947, Barinstein, D. 1947.476, note P. L. J., S. 1948.3.1, note
procédure pénale, 17e éd., 2003, LGDJ, no 126 et s., p. 75 et s.). Mestre, JCP 1947.3966, note Fréjaville ; adde : G. VEDEL, De
l’arrêt Septfonds à l’arrêt Barinstein, JCP 1948. I. 682). La so-
B. – Juridictions civiles. lution est aujourd’hui prévue par l’article 136, alinéas 3 et 4, du
code de procédure pénale dont on peut penser que par la géné-
322. En ce qui les concerne, la décision de principe est l’arrêt ralité de ses termes, il vaut pour toutes les juridictions judiciaires,
Septfonds rendu par le Tribunal des conflits le 16 juin 1923 (DP en écho, du reste, à l’article 66 de la Constitution qui qualifie l’au-
1924.3.41, concl. Matter, S. 1923.3.49, note Hauriou), selon le- torité judiciaire de « gardienne de la liberté individuelle » (pour
quel les juges judiciaires, s’ils peuvent interpréter un texte régle- une application de cette jurisprudence en ce qui concerne le droit
mentaire comme ils interprètent une loi formelle, ne peuvent en de propriété, V. Cass. 1re civ. 15 janv. 1975, D. 1975.671, note
apprécier la légalité. La légalité d’un acte administratif constitue Drago). Il en est de même lorsque le règlement concerne les
pour eux une question préjudicielle (Cass. 2e civ. 18 nov. 1959, impôts ou les taxes indirectes (Cass. com. 25 avr. 1989, Bull.
Bull. civ. II, no 759). Une exception a pourtant été admise, par le civ. IV, no 134, p. 89).

CHAPITRE 6
Interprétation de la loi.
323. Plusieurs méthodes d’interprétation ont été proposées par aujourd’hui, à l’initiative du législateur lui-même, à l’aide des
la Science du droit pour répondre à la nécessité d’interpréter la lois interprétatives par lesquelles celui-ci s’efforce d’éclairer le
loi. texte d’une loi antérieure. Ces lois sont considérées comme
obligatoires, par exception au principe de la non-rétroactivité
des lois (C. civ., art. 2), depuis le jour où la loi qu’elles ont
SECTION 1re
pour mission d’interpréter était elle-même devenue applicable.
Nécessité d’une interprétation. Mais pour cela il faut, selon une jurisprudence constante, que
la loi présentée comme interprétative par le législateur le soit
324. Pour appliquer la loi, il faut souvent l’interpréter, c’est-à-dire réellement, c’est-à-dire qu’elle n’ajoute pas à la loi interprétée
définir le sens des règles qu’elle contient. En effet, le législateur des dispositions substantielles nouvelles (V, à propos de la loi,
ne s’exprime pas toujours très clairement, car les termes qu’il MURCEF [Mesures urgentes d’ordre économique et financier],
emploie peuvent être ambigus, faute d’une définition précise. En L. no 2001-1168 du 11 déc. 2001) déclarée interprétative, de
outre, le législateur n’a pas toujours pensé aux cas à propos des- sa propre initiative, par la Cour de cassation et donc automati-
quels il s’agira d’appliquer la loi (sur la nécessité d’interpréter la quement rétroactive (Cass. 3e civ. 27 févr. 2002, D. 2002, AJ,
loi en vue de son application, V., par ex., Cass. 1re civ. 17 janv. p. 1142, obs. Y. Rouquet, RTD civ. 2002.599, obs. N. Molfessis
1979, Bull. civ. I, no 25 ; Cass. soc. 11 juill. 1989, D. 1990.582 et p. 507, obs. J. Mestre et B. Farges ; pour un refus d’appli-
[deux arrêts], note Ph. Malaurie ; Cass. com. 28 janv. 1992, cation de cette loi aux procédures en cours : CA Versailles,
Bull. civ. IV, no 43 ; Cass. 1re civ. 28 janv. 1992, Bull. civ. I, 6 févr. 2003, D. 2003.720, note P.-Y. Gautier ; V. aussi déniant
no 32, p. 24). De même, une bonne législation doit éviter d’en- un caractère interprétatif à une loi : Cass. 1re civ. 18 mars 2003,
trer, par trop, dans les détails ; ainsi que l’affirmait PORTALIS Bull. civ. I, no 80 ; adde : Conflits de lois dans le temps).
(Discours préliminaire au projet de code civil) : « L’office de la
loi est de fixer, par de grandes vues, les maximes générales du 327. L’interprétation peut aussi être le fait des organes d’appli-
droit ; d’établir des principes féconds en conséquences, et non cation du droit : l’Administration s’exprimant par la voie des ré-
de descendre dans le détail des questions qui peuvent naître sur ponses ministérielles aux questions écrites des parlementaires
chaque matière ». Mais la contrepartie de cette attitude, quelque ou des circulaires (V. supra, no 43) ; les juges, lesquels, depuis
peu délaissée par le législateur contemporain, est la nécessité 1837 (L. 1er avr. 1837) ont été chargés d’interpréter la loi. Aussi
de préciser et de compléter la loi par voie d’interprétation. bien, le législateur a-t-il institué la saisine pour avis de la Cour de
cassation (L. no 91-491 du 15 mai 1991, JO 18 mai) qui permet
325. Or, l’interprétation est essentielle, d’abord pour les sujets de aux juridictions de l’ordre judiciaire de saisir la Cour suprême afin
droit qui entendent conformer leur conduite à la loi ; ensuite, pour qu’elle donne son avis « sur une question de droit nouvelle pré-
les organes d’application du droit, notamment pour les juges qui, sentant une difficulté sérieuse et se posant dans de nombreux
appelés à dire si la conduite de tel sujet de droit était ou non li- litiges » ; cet avis cependant ne lie pas la juridiction demande-
cite, devront connaître exactement la teneur et le sens de la règle resse. La même possibilité de saisine a été prévue aux mêmes
qui devait être obéie (V. : L’interprétation par le juge des règles conditions au bénéfice des juridictions administratives en direc-
écrites, Travaux de l’Association Capitant t. XXIX ; P.-A. CÔTÉ, tion du Conseil d’État, par une loi du 31 décembre 1987, ar-
Interprétation des lois, 3e éd., 1999, Les éditions Thémis, Mont- ticle 13.
réal).
328. La doctrine, aussi, est appelée à interpréter la loi, mais son
326. L’interprétation des lois peut être organisée de manière interprétation n’a aucun caractère juridiquement contraignant, à
différente. Elle peut l’être d’abord par un « retour à l’envoyeur », la différence de ce qui eut lieu à Rome lorsque des empereurs ro-
c’est-à-dire à l’autorité qui a fait la loi, censée être la mieux mains eurent décidé que les opinions de certains jurisconsultes,
placée pour en dévoiler le sens (Ejus est interpretari cujus est émises dans leurs consultations ou dans leurs livres, s’impo-
condere legem). Le système a été utilisé dans notre Ancien saient aux juges. La doctrine ne donne que son opinion, son
droit au profit du roi, puis, entre 1790 et 1837, au profit des avis, mais ceux-ci ne sont jamais obligatoires pour personne.
assemblées parlementaires sous le nom de référé législatif La doctrine vaut non ratione auctoritatis, sed auctoritate rationis
(V. Jurisprudence ; HUFTEAU, Le référé législatif et les pou- (non en raison de son autorité, mais en raison de l’autorité de
voirs du juge dans le silence de la loi, 1965, PUF). Il l’est son raisonnement).

septembre 2004 - 43 - Rép. civ. Dalloz


LOIS ET DÉCRETS

329. De fait, rares sont les lois qui n’exigent pas d’être inter- A. – Le recours aux travaux préparatoires.
prétées. On peut citer cependant celles dont l’application est
automatique au-delà d’un seuil chiffré fixé par le législateur lui- 335. C’est-à-dire aux exposés et discussions qui ont précédé le
même (par ex. l’article 1341 du code civil exige un écrit pour la vote ou l’élaboration du texte (exposé des motifs des projets de
preuve d’un acte juridique excédant une somme ou une valeur loi, rapports présentés au nom des commissions parlementaires,
de 800 euros). De même, un texte parfaitement clair et précis discussions à l’Assemblée nationale et au Sénat, etc.). Ces tra-
n’a pas à être interprété ; il doit être appliqué purement et simple- vaux permettent souvent de découvrir le sens que ses auteurs
ment (Civ. 22 nov. 1932, DH 1933.2 ; Cass. crim. 24 déc. 1909, ont voulu donner à celui-ci (sur le recours aux travaux prépara-
S. 1910. I. 411 ; comp. T. civ Seine, 24 avr. 1952, JCP 1952. toires pour corroborer la lettre de l’article 334-10 C. civ. interdi-
II. 7108 : « Toute recherche de la volonté du législateur par voie sant l’établissement du double lien de filiation en cas d’inceste
d’interprétation est interdite au juge, lorsque le sens de la loi tel absolu, fût-ce par la voie de l’adoption pourtant non expressé-
qu’il résulte de sa rédaction, n’est ni obscur ni ambigu, et doit par ment prévue, V. Cass. 1re civ. 6 janv. 2004, D. 2004.362, concl.
conséquent être tenu pour certain ; qu’il n’y aurait exception que J. Sainte-Rose et note D. Vigneau). Mais les travaux prépara-
si l’application du texte aboutissait à quelque absurdité » (V., à toires ne peuvent servir qu’à interpréter une loi au sens formel.
cet égard, Cass. crim. 8 mars 1930, DP 1930.101, note P. Voi- En effet, lorsque le texte est celui d’un règlement ou d’une or-
rin, à propos d’un décret relatif à la police des chemins de fer qui donnance, il ne donne pas lieu à de tels travaux, du moins sous
interdisait aux voyageurs de monter ou de descendre « lorsque la forme de débats publiés. Au mieux, ces textes sont précé-
le train est complètement arrêté » et non « avant que le train ne dés d’un exposé des motifs qui ne fournit souvent que peu d’in-
soit complètement arrêté »). formations. En outre, une jurisprudence constante affirme que
les travaux préparatoires sont inopérants contre un texte clair
330. Mais l’interprétation, même si l’on entend le mot au sens (Cass. civ. 22 nov. 1932, DH 1933.2 ; Cass. crim. 3 mars
strict, n’est pas seulement « constatation », « traduction » ou 1949, D. 1949.205 ; CA Paris, 9 janv. 1947, D. 1947.141 ; Cass.
« restitution fidèle » de la règle de droit ; elle est aussi, peu ou 3e civ. 11 janv. 1972, D. 1972.271 ; CA Versailles, 7 mars 1988,
prou, créatrice de droit nouveau dans la mesure où elle ajoute D. 1988, somm. 324). Cependant, l’intérêt de recourir aux tra-
à la règle objet d’interprétation, de la même manière que toute vaux préparatoires a resurgi lors des réformes législatives opé-
interprétation par un musicien ajoute à la partition qu’il exécute rées depuis les années 60 (COUDERC, Les travaux prépara-
(V. Jurisprudence). toires de la loi ou la remontée des enfers, D. 1975, chron. 249 ;
comp. H. CAPITANT, Les travaux préparatoires et l’interprétation
SECTION 2 des lois, Mélanges Gény, 1934, t. II, p. 204 et s. ; et L’interpréta-
tion des lois d’après les travaux préparatoires, DH 1935, chron.
Méthodes d’interprétation.
77 ; adde : sur l’obligation, pour les tribunaux français appelés
331. Pour interpréter la loi, la Science du droit s’est efforcée à interpréter une loi interne qui s’est inspirée d’une directive eu-
de proposer des méthodes d’interprétation qui procèdent toutes, ropéenne, de se référer à celle-ci : Cass. 1re civ. 3 mars 1998,
peu ou prou, de la conviction que la loi est cohérente dans ses JCP 1998. II. 10049).
dispositions, car elle procède d’un acte de volonté raisonnable.
Ce sont, en schématisant beaucoup, d’une part, la méthode exé- B. – Le recours aux précédents historiques.
gétique qui entend rester très près du texte interprété ; d’autre
part, les méthodes dites scientifiques qui font preuve de plus de 336. Ils permettent de préciser le sens d’un texte lorsqu’on a la
distance à l’égard des textes, auxquelles il faut ajouter le recours certitude que ses auteurs ont entendu reprendre une institution
à certains principes d’interprétation ainsi qu’à des procédés par- ancienne, ou du moins s’en inspirer. C’est ainsi que pour inter-
ticuliers d’interprétation. préter la législation relative au régime légal de la communauté
de meubles et acquêts avant son remplacement par le régime
ART. 1er. – MÉTHODE DE L’EXÉGÈSE. de la communauté réduite aux acquêts, par la loi du 13 juillet
1965, il était possible de se référer au régime de la communau-
332. C’est la méthode qui fut suivie généralement au cours té de meubles et acquêts de la coutume de Paris dont s’étaient
du XIXe siècle, d’une part, parce que la loi faisait alors l’objet inspirés les rédacteurs du code civil.
d’un véritable culte, d’autre part, parce que la promulgation des
codes étant encore très récente, les règles qui s’y trouvaient C. – Le recours aux principes généraux du droit.
édictées répondaient très généralement aux besoins de la socié-
té (J. BONNECASE, L’école de l’exégèse, 2e éd., 1924 ; E. GAU- 337. Il s’agit de principes nulle part affirmés expressément, mais
DEMET, L’interprétation du code civil en France depuis 1804, qui se trouvent, en quelque sorte, en suspension dans divers
1935, 2e rééd. 2002, éd. La mémoire du droit ; CHARMONT textes qui en font application (B. JEANNEAU, La nature des prin-
et CHAUSSE, Les interprètes du code civil, Livre du centenaire, cipes généraux du droit en droit français, Et. dr. contemp., Tra-
t. I, p. 131 et s. ; comp. RÉMY, Éloge de l’exégèse, Rev. Droits vaux et recherches de l’Inst. de dr. comp. de l’Université de Pa-
no 1-1985 p. 115 et s., relevant le caractère excessif de certaines ris, t. XXIII, p. 175 ; adde : M. DE BÉCHILLON, La notion de prin-
présentations de l’œuvre des premiers commentateurs du code cipe général en droit privé, 1998, PU Aix-Marseille ; SARGOS,
civil ; L. HUSSON, Examen critique des assises doctrinales de Les principes généraux du droit privé dans la jurisprudence de
la méthode de l’exégèse, RTD civ. 1976.431). la Cour de cassation, JCP 2001. I. 306). Ainsi en est-il du prin-
333. Pour l’exposé de cette méthode qui présente de nos jours cipe que nul ne doit s’enrichir injustement aux dépens d’autrui
encore un intérêt certain pour les textes récents, il convient de (C. civ., arg. art. 555 et 1437) ; de celui selon lequel nul ne peut
distinguer suivant qu’il s’agit d’interpréter un texte obscur ou de transférer plus de droits qu’il n’en a lui-même (Nemo plus juris ad
dégager une solution lorsque la loi apparaît insuffisante. alium transferre potest quam ipse habet ; C. civ., arg. art. 1021,
1599 et 1635) ; de celui selon lequel toute promesse de mariage
§ 1er. – Interprétation d’un texte obscur. est nulle en soi comme portant atteinte à la liberté qui doit exister
au moment de la formation du mariage (C. civ., arg. art. 146), ou
334. La méthode exégétique utilise un certain nombre de pro- encore du principe du nominalisme monétaire selon lequel le dé-
cédés par lesquels elle espère découvrir l’esprit du texte au-delà biteur ne doit jamais restituer que la somme empruntée, même
de sa lettre, et dont les principaux sont les suivants : si depuis, la monnaie s’est dépréciée (C. civ., arg. art. 1895).

Rép. civ. Dalloz - 44 - septembre 2004


LOIS ET DÉCRETS

§ 2. – Recherche de la règle de droit en cas C. – Le raisonnement a contrario.


d’insuffisance des textes.
342. Il consiste, lorsque la solution n’a pas été prévue par les
338. La méthode exégétique emploie, alors, essentiellement les textes, à appliquer la solution contraire à celle que les textes
procédés de la logique, c’est-à-dire : ont prévue pour un cas opposé ; en effet, si la loi a énoncé une
règle, elle a, par là même, exclu la proposition contraire (qui dicit
A. – Le raisonnement par analogie ou a pari. de uno, de altero negat). Mais il est permis de penser que le rai-
339. Celui-ci franchit pourtant les limites de l’interprétation pour sonnement a contrario n’ajoute rien à la proposition sur laquelle
entrer dans le domaine de la création du droit, car il consiste à il prend appui. Et quand il y ajoute, il peut conduire à des résul-
faire état de la solution donnée par les textes pour un cas voisin tats hasardeux. C’est ainsi qu’au motif que l’article 102 du code
de celui pour lequel on recherche la règle de droit applicable, et civil dispose que « le domicile de tout Français [...] est au lieu où
à appliquer cette règle au cas envisagé. Par exemple, si la loi il a son principal établissement », on avait cru pouvoir conclure
ne contient pas de règles régissant cette catégorie de sujets de au XIXe siècle que les étrangers n’avaient pas de domicile en
droit qu’on appelle les « personnes morales », on peut se fon- France ! C’est pourquoi il semble que l’on ne puisse voir dans
der sur l’analogie qui existe entre les personnes morales et les le raisonnement a contrario une démarche intellectuelle accep-
personnes physiques pour transposer aux premières les règles table que lorsqu’il invite, à partir d’une disposition exceptionnelle,
édictées par le législateur pour les secondes (dire, par exemple, à revenir au principe que l’exception a écarté. C’est ainsi que l’ar-
que le domicile de toute personne physique étant, selon l’article ticle 6 du code civil interdisant de déroger par des conventions
102 du code civil, au lieu où elle a son principal établissement, le particulières aux lois qui intéressent l’ordre public et les bonnes
domicile d’une société est au lieu où elle a son siège social). Les mœurs, il apparaît a contrario qu’on peut déroger aux lois qui
cas sont fréquents de raisonnements par analogie. C’est ainsi n’intéressent ni l’ordre public ni les bonnes mœurs ; en effet, ce
qu’avant la réforme du 3 janvier 1972, la loi (C. civ., art. 762) ex- raisonnement opère un retour au principe de la liberté contrac-
cluait les enfants adultérins ou incestueux de la succession de tuelle.
leurs père et mère. En revanche, elle ne fournissait aucune indi-
343. Le droit de la filiation a été, ces dernières années, le do-
cation quant aux droits des père et mère adultérins ou incestueux
maine d’élection du raisonnement a contrario, par exemple lors-
dans la succession de leur enfant. Par analogie, ils furent exclus
qu’il s’est agi d’interpréter l’article 334-9 du code civil. Ce texte
de celle-ci (sur le raisonnement par analogie, V., par ex., Cass.
dispose que la reconnaissance d’un enfant est nulle quand ce-
com. 19 avr. 1985, Bull. civ. IV, no 117, p. 101 : le principe de
lui-ci a une filiation légitime déjà établie par la possession d’état.
l’indivisibilité de l’aveu posé par l’article 1356 du code civil pour
La jurisprudence en a conclu, qu’a contrario, la reconnaissance
l’aveu judiciaire, peut être transposé à l’aveu extrajudiciaire, les
était valable lorsque la filiation légitime ne résultait que de l’acte
juges du fond disposant d’un pouvoir souverain pour affirmer la
de naissance (Cass. 1re civ. 9 juin 1976, Bull. civ. I, no 211,
valeur des éléments de preuve qui leur sont soumis).
D. 1976.593, note Raynaud, GAJC, 11e éd., no 42 ; 25 nov. 1980,
340. Cependant, la jurisprudence se montre parfois hostile à JCP 1981. II. 19661, note Paire ; adde : sur l’interprétation a
ce mode de raisonnement, notamment lorsqu’il s’agit de textes contrario de l’art. 322, al. 2, C. civ. : Cass. 1re civ. 27 févr. 1985,
d’interprétation stricte (V., par ex., Cass. 1re civ. 25 févr. 1964, 2 arrêts, D. 1985.265, et émettant des réserves sur l’emploi de ce
D. 1964.312 ; 5 juin 1969, JCP 1969. II. 16133 : on ne peut mode de raisonnement : J. VIDAL, L’enfant adultérin "a contra-
conclure de la situation d’un copropriétaire à celle d’un loca- rio", Portée du principe de la liberté d’établissement de la filia-
taire ; Cass. 1re civ. 11 juin 1996, D. 1998.20, note Ph. Del- tion adultérine, JCP 1972. I. 2539 ; E. AGOSTINI, L’argument
mas Saint-Hilaire, RTD civ. 1996.877, obs. Hauser, refusant "a contrario", D. 1978, chron. 149 ; rappr. Ch. ATIAS, Jurispru-
d’étendre au contrat d’assurance-vie l’art. 504, C. civ., applicable dence a contrario ?, D. 1997, chron. 297, le problème évoqué
au testament du majeur protégé ; Cass. 1re civ. 2 oct. 2001, étant celui de la possibilité pour « un arrêt de fonder l’application
Petites affiches 24 mai 2002, no 104, note Chaillé de Néré, re- à une espèce contraire, de la solution inverse de celle qu’il avait
fusant d’appliquer les art. 490 et 508 C. civ. au-delà des termes retenue »). Mais pour pouvoir recourir à ce mode de raisonne-
du texte : refus d’étendre la protection de la curatelle prévue ment, encore faudrait-il que la jurisprudence soit une source for-
pour altération des facultés mentales pour cause de maladie à melle du droit, ce qu’elle n’est pas (V. Jurisprudence). De même,
une autre espèce d’altération des facultés personnelles ; V., ce- il a été jugé qu’il résulte a contrario de l’article 61-3 du code ci-
pendant, consacrant le recours à l’analogie, « en tant que de vil subordonnant le changement de nom au consentement per-
raison » : Cass. 1re civ. 23 oct. 1990, D. 1990, IR 214 : applica- sonnel de l’enfant de plus de treize ans quand ce changement
tion de la réglementation relative à la prestation compensatoire ne résulte pas d’un changement d’état, que, lorsque le change-
en matière de divorce à l’annulation du mariage ; 18 déc. 1990, ment de nom est consécutif à l’établissement ou à la modification
D. 1991, IR 433 : extension de l’article 373-3, al. 2, C. civ. [an- d’un lien de filiation, donc à un changement d’état, le consente-
cienne rédaction] à la filiation naturelle). Mais il arrive que la ment de l’enfant n’est pas exigé dès l’âge de treize ans, mais
loi elle-même autorise le juge à raisonner par analogie (V., par seulement à partir de sa majorité (CA Toulouse, 20 juin 2001,
ex., l’article 1578, al. 3, C. civ. invitant le juge à transposer « en D. 2002.131, note Mirabail, Petites affiches 17 mai 2002, note
tant que de raison » les règles prévues pour le partage judiciaire Massip, RTD civ. 2002.269, obs. Hauser).
des successions et communautés à la liquidation du régime de
D. – L’induction et la déduction.
la participation aux acquêts).

B. – Le raisonnement a fortiori. 344. L’induction consiste, en partant de cas particuliers, à re-


monter au principe dont ces cas particuliers sont des applica-
341. Il consiste à appliquer la règle prévue pour un cas voisin tions. Une fois le principe dégagé, la déduction consiste à en
parce qu’il y a des raisons plus grandes encore de l’appliquer tirer de nouvelles conséquences. Par exemple, plusieurs ar-
dans le cas envisagé. Par exemple, si un texte interdit à un in- ticles du code civil ont trait à la condition de l’enfant simplement
capable de procéder à la vente de l’un de ses biens, il est per- conçu : l’article 725 prévoit qu’un tel enfant peut recueillir une
mis de penser qu’a fortiori, c’est-à-dire qu’à plus forte raison, il succession ; l’article 906 lui permet de recevoir une donation.
lui défend d’en faire donation, car la donation serait, pour son Par induction, il semble que l’on puisse dire que le législateur a
patrimoine, un acte plus dangereux encore parce que consenti entendu doter l’être humain de la personnalité juridique dès sa
sans la contrepartie d’un prix. conception. Par déduction, il est alors possible de tirer de ce

septembre 2004 - 45 - Rép. civ. Dalloz


LOIS ET DÉCRETS

principe de nouvelles conséquences, par exemple, la possibilité 1997. II. 22243 : l’article 1741 du code civil ne distingue pas se-
de reconnaître un enfant naturel dès cet instant (jurisprudence lon que la perte de l’immeuble s’est produite par cas fortuit ou
constante en ce sens). par une faute du preneur ; 24 mars 1999, Petites affiches 11 mai
1999, p. 9, en ce qui concerne l’application de l’article 595, al. 4,
ART. 2. – MÉTHODES DITES SCIENTIFIQUES.
C. civ. : celui-ci ne comportant aucune distinction entre renouvel-
lement et conclusion du bail initial, il n’y a pas lieu de faire cette
345. Elles ont eu pour promoteurs, essentiellement, GÉNY et distinction).
SALEILLES. Elles partent de la constatation que la méthode exé-
gétique devient de plus en plus insuffisante à mesure que les 350. Autre principe d’interprétation, celui qui veut que la loi cesse
textes vieillissent, car elle ne permet plus de résoudre les diffi- là où cessent ses motifs (Cessante ratione legis, cessat ejus dis-
cultés nouvelles que le législateur n’a pu prévoir, mais que, pour- positio). Ainsi, l’article 456, alinéa 2, du code civil dispose que
tant, toute vie sociale ne cesse de susciter. Les méthodes scien- le tuteur peut, sans autorisation du conseil de famille, aliéner à
tifiques visent donc essentiellement à combler le silence ou l’in- titre onéreux les meubles d’usage courant du mineur, parce qu’il
suffisance des textes. Deux variantes peuvent être distinguées. les considère comme étant des biens de faible valeur. Mais, s’il
s’agit de meubles précieux, le motif n’existe plus et l’article 456
346. Pour certains auteurs, dont SALEILLES, face à des situa- doit cesser de s’appliquer (solution que l’article 457 consacre
tions nouvelles et imprévues par le législateur, il convient tou- d’ailleurs). De même, en est-il pour la « formalité du double »
jours d’utiliser les textes existants, sauf à les déformer si le be- qu’impose, pour les contrats synallagmatiques, l’article 1325 du
soin s’en fait sentir. C’est le système de l’interprétation défor- code civil. Le souci du législateur a été d’éviter que l’une des
mante que SALEILLES a résumé par la formule : « Au-delà du parties, bien que créancière, puisse être dépourvue de moyen
code civil, mais par le code civil » (Préface de l’ouvrage de F. GÉ- de preuve. Mais précisément, si l’original de l’acte a été dépo-
NY, Méthodes d’interprétation et sources en droit privé positif, sé entre les mains d’un tiers (par ex. un notaire) dans l’intérêt
1re éd., 1899, 2e éd. 1919). commun des cocontractants, toutes les parties sont sur un pied
d’égalité et il n’y a plus de raison d’imposer la formalité du double
347. Pour d’autres auteurs, dont GÉNY (op. cit.), un texte ne original. La jurisprudence accepte cette solution dite de l’« en-
peut être sollicité à l’infini. À partir d’un certain seuil, il y a un vide tiercement » (Cass. 1re civ. 17 mars 1979, Bull. civ. I, no 25,
qu’il faut combler. On comblera celui-ci par la libre recherche p. 21 ; Cass. 1re civ., sect., 17 oct. 1955, D. 1956, somm. 36 ;
scientifique, méthode selon laquelle l’interprète doit purement et 19 juin 1957, D. 1957, somm. 130 ; Cass. 3e civ. 5 mars 1980,
simplement élaborer la solution qui lui paraît la meilleure, compte Bull. civ. III, no 52). Mais ce principe d’interprétation peut aus-
tenu d’un certain nombre de données susceptibles de faire naître si tenir en échec le principe Ubi lex non distinguit... C’est ainsi
et de façonner une règle de droit (données réelles, données his- que, bien que l’article 2232 du code civil relatif à la prescription
toriques, données rationnelles, données idéales), et faire vérita- vise toutes les actions tant réelles que personnelles, y échappe
blement œuvre de législateur. C’est là, la méthode que consacre l’action en revendication de la propriété immobilière considérée
explicitement le code civil suisse lorsqu’il dispose que (art. 1er) : par la jurisprudence comme imprescriptible.
« À défaut d’une disposition légale applicable, le juge prononce
suivant le droit coutumier, et, à défaut d’une coutume, selon les 351. De même, un principe veut que les exceptions soient d’in-
règles qu’il établirait s’il avait à faire acte de législateur » (sur terprétation stricte (Exceptio est strictissimae interprétationis).
l’œuvre de GÉNY, V. B. OPPETIT, François Gény et le droit na- C’est ainsi que toute personne est, en principe, capable de
turel, Droit et modernité, 1998, p. 231 et s. ; « François Gény, contracter (C. civ., art. 1123) ; par exception, les mineurs non
Mythe et réalité, 1899-1999 », Centenaire de Méthodes d’inter- émancipés et les majeurs protégés sont frappés d’incapacité
prétation et sources en droit privé positif, Essai critique [sous (C. civ., art. 1124). Cette énumération légale des incapables
la dir.] Cl. THOMASSET, J. VANDERLINDEN et Ph. JESTAZ, doit être considérée comme limitative.
2000, éd. Yvon Blais, Dalloz, Bruylant, not. articles de Ch. JA-
MIN [p. 3 et s.] et de Ph. JESTAZ [p. 37 et s.]). 352. Cependant, pour accorder du crédit à cette démarche intel-
lectuelle, encore faudrait-il limiter son emploi aux dispositions qui
348. Autres méthodes d’interprétation proposées : la Méthode non seulement constituent une exception à un principe général,
du but social et la Méthode historique. La première, de caractère mais encore qui peuvent être considérées comme inopportunes.
évolutif, entend détacher la loi une fois promulguée de la volonté En effet, certaines exceptions peuvent se justifier à l’égal du prin-
de ses auteurs pour lui permettre d’acquérir une vie propre en cipe général qu’elles écartent ; par exemple, celle que formule
rapport avec le but social qu’on peut lui prêter au moment où l’article 215, alinéa 3, du code civil ne permettant pas aux époux
il s’agit d’en faire application. La seconde va plus loin encore de disposer, l’un sans l’autre, « des droits par lesquels est assu-
dans le sens de la liberté de l’interprète, car celui-ci est invité ré le logement de la famille ni des meubles meublants dont il est
à rechercher quelle serait la volonté probable du législateur si garni ». La pérennité de ces biens est essentielle en tant qu’ils
celui-ci avait été confronté à la difficulté d’interprétation qui fait constituent le cadre de vie de la famille, et elle ne l’est pas moins
aujourd’hui problème (V. G. CORNU, Droit civil : Introduction. que ne l’est, pour la liberté de chacun des époux, le principe de
Les personnes. Les biens, 11e éd., 2003, Montchrestien, p. 165). la libre disposition des biens communs affirmé par l’article 1421,
alinéa 1er, du code civil, auquel l’article 215, alinéa 3, apporte
ART. 3. – RECOURS À DES PRINCIPES D’INTERPRÉTATION.
une exception.

349. Il s’agit de principes communément admis, tel le principe ART. 4. – RECOURS À DES PROCÉDÉS PARTICULIERS
selon lequel il est défendu de distinguer là où la loi ne distingue D’INTERPRÉTATION.
pas (Ubi lex non distinguit, nec nos distinguere debemus). Ainsi,
l’article 457 du code civil exigeant une autorisation du conseil de 353. Des procédés particuliers d’interprétation ont pu être propo-
famille pour l’aliénation des immeubles du mineur, on ne saurait sés qui n’excluent pas les méthodes précédentes, mais qui sont
faire cette distinction que les immeubles de faible valeur peuvent susceptibles d’aider à une meilleure compréhension des textes,
être aliénés sans autorisation (pour des applications du principe, par exemple l’interprétation grammaticale (V., par ex., sur le rôle
V. Cass. 1re civ. 20 nov. 1990, Bull. civ. I, no 254, JCP 1991, de la ponctuation, E. BECQUÉ, note au JCP 1943. II. 2651 ;
Tableau de jurisprudence, p. 23 ; 23 févr. 1982, JCP 1984, Ta- le point sur la virgule [art. 10, al. 1er, L. 17 mars 1909], Mé-
bleau de jurisprudence, p. 80 ; Cass. 3e civ. 22 janv. 1997, JCP langes Derruppé, 1991, p. 355 et s. ; R. VAREILLE, obs. RTD civ.

Rép. civ. Dalloz - 46 - septembre 2004


LOIS ET DÉCRETS

1996.221). De même, l’interprétation psychologique visant à la « Il est très remarquable [... ] que les ouvrages considérables
recherche de l’exacte volonté des auteurs d’un texte législatif ou du doyen Gény sur les méthodes d’interprétation du droit n’aient
réglementaire (sur ces procédés particuliers, V. F. TERRÉ, op. exercé aucune influence sur l’interprétation judiciaire »). Mais
cit., no 444, p. 438). cela tient au fait que l’acte d’interprétation est, au-delà d’un acte
de connaissance, un acte de volonté (H. KELSEN, Théorie pure
ART. 5. – RÔLE PRATIQUE DES MÉTHODES D’INTERPRÉTATION. du droit, p. 458 et s. ; V. aussi Jurisprudence).

354. On a pu douter de l’influence pratique des méthodes d’inter- 355. Et c’est le fait que l’interprétation soit, aussi, à base de vo-
prétation proposées par la Science du droit (V., par ex., Ph. MA- lonté, qui explique que toutes les méthodes d’interprétation pro-
LAURIE, La jurisprudence combattue par la loi, Mélanges Sava- posées aux juges ne pourront jamais conduire qu’à une solution
tier, t. 2, p. 607 : « C’est pure question doctrinale que de juger possible, mais pas à une solution qui serait seule exacte. De
de la rectitude de la jurisprudence et de dire laquelle est ou n’est même, le fait que l’interprétation soit, aussi, à base de volonté
pas fidèle à la loi » ; CARRÉ DE MALBERG, Contribution à la explique pourquoi les textes pénaux doivent faire l’objet d’une in-
théorie générale de l’État, t. 1, 2e éd., 2004, Dalloz p. 712 : « La terprétation stricte ; c’est là l’un des aspects du principe de la lé-
décision qui est émise par le juge en considération des travaux galité des délits et des peines (V. aujourd’hui C. pén., art. 111-4,
préparatoires, des intentions du législateur ou des circonstances consacrant une jurisprudence constante). En effet, la volonté
quelconques qui ont entouré la confection de la loi, repose [...] pouvant servir de fondement à l’incrimination et à la sanction ne
en définitive sur l’appréciation du juge, c’est-à-dire sur sa propre doit être que celle du législateur (Const., art. 34 et 37). Mais elle
puissance juridictionnelle » ; V. aussi cette constatation désen- doit aussi être toute la volonté du législateur, ce qui condamne à
chantée (MAZEAUD, t. 1, 11e éd., 1996 par F. CHABAS, no 110 : égalité toute interprétation restrictive.

INDEX ALPHABÉTIQUE
Abrogation 239 s. – composition 290. – droit à un procès équitable 136 s. Domaine de la loi et du règlement
– de l’abrogation 252. – conformité des lois 290 s. – principe de non discrimination 136. 61 s.
– codification 248 : à droit constant – contrôle des règlements 303. – valeur juridique 137. – autorité respective 79 s.
248. – saisine 295 s. Conventions collectives du travail – distinction 62 s.
– disposition spéciale et mesure gé- Conseil d’État 60. – protection 68 s. : du domaine légis-
nérale 244. – exception d’inexécution pour ab- Date d’entrée en vigueur 196 s. latif 74 s. ; du domaine réglemen-
– dispositions transitoires 245 s. sence de réciprocité 109. – cas d’urgence 209. taire 69 s .
– expresse 242 s. Constitution 9 s. – entrée en vigueur avancée 208 s . Droit communautaire
– loi ancienne 244. – du 4 octobre 1958 11. – entrée en vigueur différée 213 s. – conformité des lois internes 118 s .
– loi temporaire 245 s. – art. 11 48. – exécution immédiate d’un décret – dérivé 119.
– par désuétude 253 s. – art. 16 50 s. 210 s. – directive anticonstitutionnelle 100.
– par mégarde 251. – art. 34 44. – Mayotte 198. – directives 126 s. : primauté sur lois
– par ricochet 251. – art. 38 46 s. – mention expresse ou non dans nationales 128.
– tacite 243 s. – bloc de constitutionnalité 11 s . l’acte 199 s . – primauté de la constitution 100.
– temporaire 250. – clause contraire (engagement inter- – métropole 196 s. – principe de subsidiarité 123.
Acte de gouvernement 52. national) 96. – Nouvelle-Calédonie 198. – règlements 125.
– immunité 313. – contrôle de constitutionnalité 103 s. – ordonnance du 20 février 2004 Droit international des droits de
Actes communautaires dérivés 98. – création 150. 199 s . l’homme 131 s.
Alsace et Moselle – objectif à valeur constitutionnelle – Outre-mer 198. V. Convention européenne de sau-
– application de la loi 285 s. 14. – Polynésie française 198. vegarde des droits de l’homme.
Annulation 256 s. – préambule 11 s. – principe 196 s. Droit international privé 282 s.
Application des lois dans l’espace – primauté sur droit communautaire – publication au JO 196 s. V. Publi- Élaboration de la loi 149 s.
281 s. 100 . cation de la loi. Entrée en vigueur et applicabilité
Arrêté – primauté sur lois organiques 101 s . – Terres australes et antarctiques 226 s.
– d’application ou d’exécution 32 s . – primauté sur traités et accords inter- françaises 198. – date d’applicabilité 228 s.
– ministériel 145. nationaux 95 s. – Walis et Futuna 198. – date d’observation 227 s.
– municipal 145. – principes à valeur constitutionnelle V. Entrée en vigueur et applicabili- V. Date d’entrée en vigueur.
– pouvoir réglementaire des ministres 13. té. Erratum 222 s.
56, 145. – révision 150. Date de la loi 189. Étranger
– du président du conseil général Contrôle de la validité des lois – décret de promulgation 189. – application de la loi dans l’espace
145. 289 s. Déclaration des droits de l’homme 283.
– procédure 166 s. – acte de gouvernement 313. et du citoyen 11. Exception d’illégalité 316.
Assemblées parlementaires – constitutionnalité des lois 103 s . Déclaration universelle des droits Force obligatoire de la loi 257 s.
– règlement 60. V. Conseil constitutionnel. de l’homme 131 – actes de l’administration 258 s.
Association – contrôle juridictionnel de la constitu- V. Convention européenne de sau- – juges 261.
– statut 60. tionnalité 305. vegarde des droits de l’homme. – particuliers 262.
Autorités administratives indépen- – décrets de promulgation 313. Décret Hiérarchie des normes 84 s.
dantes – exception d’illégalité 316. – d’application ou d’exécution 32 s., – hiérarchie propre aux règlements
– pouvoir réglementaire 58 s. – juridictions administratives 308 s. 145. 142 s.
Charte des droits fondamentaux de – juridictions civiles 322. – en conseil d’État 55. Immunité
l’Union européenne 141. – juridictions répressives 319 s. – en conseil des ministre 55, 144. – acte de gouvernement 313.
Circulaire – question préjudicielle 322. – décret-loi 46 s. V. Ordonnances . – décrets de promulgation 313.
– directive 40. – recours pour excès de pouvoir – exécution immédiate 210 s . – référendum (décret) 313 .
– interprétative 37 s. 309 s . – pouvoir réglementaire du président Interprétation de la loi 323 s.
– réglementaire 37, 39 s. – référendum 313. de la république et du premier mi- – doctrine 328.
Codification 234 s. – rôle des juridictions ordinaires 304 s nistre 54 s. – induction et déduction 344.
– abrogation 248. . – procédure 166 s. – interprétation d’un texte obscur 334
– administrative 237. Convention européenne de sauve- – de promulgation 178. .
– classique 236. garde des droits de l’homme – simple 55. – loi interprétative 326.
– à droit constant 248. – charte des droits fondamentaux de Dispositions transitoires 245 s. – méthode de l’exégèse 332 s .
Conseil constitutionnel 290 s. l’Union européenne 141. Doctrine – méthodes dites scientifiques 345 s .
– compétence 291. – conformité des lois internes 131 s . – interprétation de la loi 328. – précédents historiques 336.

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LOIS ET DÉCRETS

– principes d’interprétation 349 s . – temporaire 245 s. Précédents historiques – autonome (pris en application de
– principes généraux du droit 337 . – traités (supériorité) 108. – interprétation d’un texte 336. l’art. 37 de la constitution) 44 s., 81,
– raisonnement : a contrario 342 ; a Maire Préfets 144.
fortiori 341 ; par analogie ou a pari – pouvoir réglementaire 57, 145. – pouvoir réglementaire 57. – domaines (art. 37 et art. 34) 61 s.
339. Mayotte Présomption de connaissance de la V. Domaine de la loi et du règle-
– travaux préparatoires 335. – application de la loi française 287. loi 217 s. ment.
Journal officiel de la république – entrée en vigueur de la loi 198. – exceptions 220 s. – d’exécution et d’application des lois
française 194 s. Normes juridiques 2, 5 – "nul n’est censé ignorer la loi" 217 . 31 s. V. Arrêtés, Décrets.
Loi V. Hiérarchie des normes. Principe de subsidiarité 123. – hiérarchie propre aux règlements
– ancienne 244. Nouvelle-Calédonie Principes à valeur constitutionnelle 142 s.
– application de la loi française 288. 13. – intérieur d’entreprise 60.
– autorité 79 s.
– date d’entrée en vigueur de la loi Principes généraux du droit 337. – loco regis 144.
– cadre 27.
198 . Procédure législative 149 s. – pris en application des art. 11 et 38
– constitutionnelle. V. Constitution.
« Nul n’est censé ignorer la loi » Projet de loi 153. de la constitution 46 s. V. Ordon-
– date d’entrée en vigueur 196 s. nances.
V. ce mot. 217. Promulgation 169 s.
Objectif à valeur constitutionnelle – date de la loi 189. V. Pouvoir réglementaire.
– date de la loi 189. Règles de déontologie 60.
– définition 4 s. 14. – décret de promulgation 178.
Opposabilité de la loi 192. – délai 175. Réponses ministérielles aux ques-
– domaine (art. 34 et art. 37) 61 s. tions écrites 43.
V. Domaine de la loi et du règle- Ordonnance – effets de la promulgation 188 s.
– interprétation de la loi 327.
ment. – art. 16 de la constitution 50 s. – examen du Conseil constitutionnel
Rescrit 43.
– droit communautaire (conformité) – art. 38 de la constitution 46 s. : 182 s .
Saisine pou avis de la Cour de cas-
118 . V. Droit communautaire. procédure 158 s. – forme 180 s.
sation 327.
– de financement de la sécurité so- – décret-loi 46 s. – loi constitutionnelle 187.
Sanction 270 s.
ciale 24. – du président de la république 144. – loi ordinaire 186.
– civiles 277 s.
– de finances 24 s. – référendaire (art. 11) 48 s . – loi organique 182 s.
– contrainte directe ou indirecte 277.
Ordonnancement juridique 1 s. – loi soumise au référendum 184 s .
– habituelle 22 s. – notion 270 s.
Outre-mer – lois soumises à promulgation 171 s
– impérative 264 s. – pénales 278 s.
– application de la loi française 286 s .
– inconstitutionnelle 106. Séparation des pouvoirs 317 s.
. – nouvelle délibération 177. Société
– interprétative 267 s., 326.
– date d’entrée en vigueur de la loi – par Président de la République – statut 60.
– opposabilité 192. 174 s.
198 . Statut des associations et sociétés
– ordinaire 21 s. – refus du chef de l’État 179.
Pacte civil de solidarité 15. 60.
– organique 11, 19 s., 151 s. : primau- Personnalité des lois 282. Proposition de loi 154 s.
té sur loi ordinaire 101 s. ; procé- Terres australes et antarctiques
Polynésie française Publication 192 s. françaises
dure 151. – date d’entrée en vigueur 196 s.
– date d’entrée en vigueur de la loi – application de la loi française 287.
– d’orientation 26. 198 . V. ce mot.
– particulière 23 s. – date d’entrée en vigueur de la loi
Pouvoir – forme 194 s. 198 .
– "du pays" 28. – exécutif 61. V. Pouvoir réglemen- – journal officiel de la république fran- Territorialité des lois 281 s.
– de plan 25. taire . çaise 194 s. Texte obscur ou clair
– procédure 152 s. – législatif 44 s. V. Loi . – opposabilité de la loi 192. – interprétation 334 s.
– de programme 25. Pouvoir réglementaire 44 s. – sous forme électronique 201 s. Traités et accord internationaux
– prohibitive 264 s. – autonome 81 s. Recours pour excès de pouvoir – loi antérieure à traité 112.
– projet 153. – des autorités administratives (pré- 309 s. – loi postérieure à traité 113 s.
– promulgation de la loi 169 s. V. ce fets, maires) 57. Référé législatif 326. – primauté de la constitution 95 s .
mot. – des autorités administratives indé- Référendum – primauté sur lois internes ordinaires
– proposition 154 s. pendantes 59. – constitution, art. 11 48. (const., art. 55) 107 s.
– publication de la loi 192 s. V. ce – des ministres 56. – local 168. Travaux préparatoires 335.
mot. – du président de la république et du – promulgation de la loi 185. Wallis et Futuna
– référendaire 22, 48 s. premier ministre 54 s. Règlements 29 s. – application de la loi française 287.
– supplétive 267 s. V. Arrêtés, Décrets, Règlement. – administratifs 145 s. – date d’entrée en vigueur de la loi
– suspendue 250. Préambule de la constitution 11 s. – d’administration publique 35. 198 .

Rép. civ. Dalloz - 48 - septembre 2004

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