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Parasitologie et mycologie médicales - Guide des analyses et des pratiques diagnostiques, par
l’ANOFEL, coordonné par S. Houzé et F. Botterel-Chartier. 2018. 512 pages.
Bactériologie médicale. Techniques usuelles, par F. Denis, M.-C. Ploy, C. Martin, V. Cattoir. 2016.
600 pages.
Pharmacie clinique et thérapeutique, par l’ANEPC, coordonné par G. Aulagner, S. Limat, A. Dupuis,
P. Fagnoni, B. Demoré, C. Fernandez, 5e édition. 2018. 1360 pages.
Guide de thérapeutique, par L. et G. Perlemuter, 9e édition. 2017. 2560 pages.
Pharmacie clinique pratique en oncologie, par l’ANEPC, coordonné par G. Aulagner, J.-L. Cazin,
F. Lemare, S. Limat. 2016. 344 pages.
Processus inflammatoires et infectieux, par O. Lortholary, C. Duvivier. 2013. 280 pages.

Du même auteur
Pharmacologie cardiovasculaire et respiratoire, par la SFPT, coordonné par J. Bellien
et J.-L. Cracowski. 2016. 256 pages.

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Pharmacologie
des anti-infectieux
Société Française de Pharmacologie
et de Thérapeutique

Collège National de Pharmacologie Médicale


Coordonné par Marie-Clémence Verdier
Service de pharmacologie clinique, CHU de Rennes, Université de Rennes 1

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Elsevier Masson SAS, 65, rue Camille-Desmoulins, 92442 Issy-les-Moulineaux cedex, France
Pharmacologie des anti-infectieux, 1re édition, de la Société Française de Pharmacologie et de Thérapeutique et du Collège National
de Pharmacologie Médicale, coordonné par M.-C. Verdier.
© 2018 Elsevier Masson SAS
ISBN : 978-2-294-75300-8
e-ISBN : 978-2-294-75423-4
Tous droits réservés.

Les figures 6.2, 8.1, 8.2, 16.2 et 21.3 ont été réalisées par Carole Fumat.
Les indications et posologies de tous les médicaments cités dans ce livre ont été recommandées dans la littérature
médicale et concordent avec la pratique de la communauté médicale. Elles peuvent, dans certains cas particuliers,
différer des normes définies par les procédures d’AMM. De plus, les protocoles thérapeutiques pouvant évoluer dans le
temps, il est recommandé au lecteur de se référer en cas de besoin aux notices des médicaments, aux publications
les concernant et à l’Agence du médicament. L’auteur et l’éditeur ne sauraient être tenus pour responsables des pres-
criptions de chaque médecin.

Tous droits de traduction, d’adaptation et de reproduction par tous procédés, réservés pour tous pays. Toute repro-
duction ou représentation intégrale ou partielle, par quelque procédé que ce soit, des pages publiées dans le présent
ouvrage, faite sans l’autorisation de l’éditeur est illicite et constitue une contrefaçon. Seules sont autorisées, d’une part,
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part, les courtes citations justifiées par le caractère scientifique ou d’information de l’oeuvre dans laquelle elles sont
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particulièrement dans le domaine universitaire, le développement massif du « photo-copillage ».
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Les auteurs

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Laurent Bourguignon, service de pharmacie, Fabien Lamoureux, laboratoire de pharmaco-
hôpital Pierre Garraud, Lyon. logie et toxicologie, CHU de Rouen, Rouen.
Yoann Cazaubon, laboratoire de pharmacologie Françoise Lapicque, service de pharmacologie
et toxicologie, hôpital Maison Blanche, CHU clinique et toxicologie, hôpital central, CHU
de Reims, Reims. de Nancy, Nancy.
Éric Dailly, laboratoire de pharmacologie et Florian Lemaitre, service de pharmacologie cli-
toxicologie, CHU de Nantes, Nantes. nique, CHU de Rennes, Rennes.
Zoubir Djerada, laboratoire de pharmacologie et David Metsu, laboratoire pharmacocinétique et
toxicologie, hôpital Maison Blanche, CHU de toxicologie, Institut fédératif de biologie (IFB),
Reims, Reims. Toulouse.
Catherine Feliu, laboratoire de pharmacologie et Damien Montange, service de pharmacologie
toxicologie, hôpital Maison Blanche, CHU de clinique et biologie, hôpital Jean Minjoz, CHU
Reims, Reims. de Besançon, Besançon.
Nicolas Gambier, service de pharmacologie cli- Élise Pape, service de pharmacologie clinique et
nique et toxicologie, hôpital central, CHU de toxicologie, hôpital central, CHU de Nancy,
Nancy, Nancy. Nancy.
Rodolphe Garaffo, hôpital Pasteur, CHU de Julien Scala-Bertola, service de pharmacologie
Nice, Nice. clinique et toxicologie, hôpital central, CHU
Sylvain Goutelle, service de pharmacie, hôpital de Nancy, Nancy.
Pierre Garraud, Lyon. Thomas Schiestel, service de pharmacologie cli-
Claire Gozalo, laboratoire de pharmacologie et nique et toxicologie, hôpital central, CHU de
toxicologie, hôpital Maison Blanche, CHU de Nancy, Nancy.
Reims, Reims. Aurélien Schrapp, laboratoire de pharmacologie
Matthieu Grégoire, laboratoire de pharma- et toxicologie, CHU de Rouen, Rouen.
cologie et toxicologie, CHU de Nantes, Caroline Solas, laboratoire de pharmacociné-
Nantes. tique et de toxicologie, AP-HM, hôpital la
Romain Guilhaumou, service de pharmacologie Timone, Marseille.
clinique, AP-HM, hôpital la Timone, Marseille. Nicolas Venisse, service de toxicologie et pharma-
Jean-Yves Jouzeau, service de pharmacologie cocinétique, CHU de Poitiers, Poitiers.
clinique et toxicologie, hôpital central, CHU Marie-Clémence Verdier, service de pharmaco-
de Nancy, Nancy. logie clinique, CHU de Rennes, Rennes.
Vincent Jullien, service de pharmacologie, hôpi- Christian Woloch, pharmacien, CHU de
tal européen Georges Pompidou, Paris. Limoges Dupuytren, Limoges.

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 Abréviations

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AAG Alpha-1-acid glycoprotein CMF Concentration minimale
ABCG2 ATP-binding cassette sub-family fongicide
G member 2 CMI Concentration minimale
ADN Acide désoxyribonucléique inhibitrice
AINS Anti-inflammatoires CMS Colistiméthate sodique
non stéroïdiens Crés ou Cmin Concentration résiduelle
ALT Alanine transaminase ou concentration minimale
AMM Autorisation de mise CMMG 9-carboxyméthoxy-
sur le marché méthylguanine
ANSM Agence nationale de sécurité Cmoy Concentration moyenne
du médicament et des produits CMP Concentration minimale
de santé parasiticide
ARA II Antagoniste de l’angiotensine II CMV Cytomégalovirus
ARN Acide ribonucléique CO Contraceptif oral
ARNm ARN messager CPM Concentration prévenant
ARNr ARN ribosomique l’émergence de mutants
ARNt ARN de transfert bactérien CPK Créatine phosphokinase
AST Aspartate transaminase CGP Coccis à Gram positif
ASMR Amélioration du service médical CRAT Centre de référence
rendu sur les agents tératogène
ATU Autorisation temporaire CSH Cellules souches
d’utilisation hématopoïétiques
AUC Area under the curve (aire sous Css Concentration à l’équilibre
la courbe) CXCR4 C-X-C chemokine receptor
AVK Antivitamines K type 4
BAAR Bacilles acido-alcoolorésistants DCI Dénomination commune
BGN Bacilles à Gram négatif internationale
BCRP Breast cancer resistance protein DHFR Dihydrofolate réductase
CatA Cathepsine A DHODH Dihydroorotate déshydrogénase
C1G, C2G, C3G Céphalosporine de 1re, 2e, 3e DFGe Débit de filtration glomérulaire
générations, etc. estimé
CCR5 C-C chemokine receptor type 5 DUJ Dose unique journalière
CD Concentration-dépendant EASL European Association
CES1 Carboxylestérase 1 for the Study of the Liver
ClCr Clairance de la créatinine EBLSE Entérobactéries productrices
CLHP Chromatographie en phase de bêtalactamases à spectre élargi
liquide à haute performance EBV Virus d’Epstein-Barr
Cmax Concentration plasmatique ECG Électrocardiogramme
maximale EI Endocardite infectieuse
CMB Concentration minimale Elisa Enzyme-linked immunosorbent
bactéricide assay
CME Concentration minimale efficace Elispot Enzyme-linked immunospot

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XII Abréviations

EPA Effet postantibiotique MDR Multidrug-resistant


ERV Entérocoques résistants MELD Model for end stage liver disease

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à la vancomycine MLSB Macrolide-lincosamide-
EUCAST European Committee streptogramin B
on Antimicrobial Susceptibility NADH Hydrure de nicotinamide
Testing adénine dinucléotide
FPIA Fluorescence polarization NAG N-acétyl glucosamine
immunoassay NAM N-acétyl muramique
γ-GT Gamma glutamyl- NDPK Nucléoside diphosphate kinase
transpeptidases NORB Névrites optiques rétrobulbaires
G6PD Glucose-6-phosphate OATP Organic anion transporting
déhydrogénase polypeptide
GVH Réaction du greffon contre OCT2 Organic cation transporter 2
l’hôte OMS Organisation mondiale de la santé
HAS Haute Autorité de santé PABA Acide para-aminobenzoïque
HHV-6 Herpèsvirus humain type 6 PFOR Pyruvate : ferredoxine
Hint1 Histidine triad oxidoréductase
nucleotide-binding protein 1 P-gp Glycoprotéine P
HMGCoA Hydroxy-méthyl-glutaryl- PK/PD Pharmacocinétique/
coenzyme A pharmacodynamie
HSV Herpes simplex virus PLP Protéines liant la pénicilline
IC50 Concentration inhibant 50 % RCP Résumé des caractéristiques
de la réplication du produit
IDR Intradermoréaction SA Semaines d’aménorrhées
IDSA Infectious Diseases Society SAMS S. aureus méticilline-sensible
of America SARM S. aureus résistant à la méticilline
IEC Inhibiteurs de l’enzyme SCN Staphylocoques à coagulase
de conversion négative
IGRA Interferon gamma release assay SNC Système nerveux central
IMAO Inhibiteurs de la monoamine STP Suivi thérapeutique
oxydase pharmacologique
IMC Indice de masse corporelle STR Single tablet regimen
INI Inhibiteurs d’intégrase STRP Streptocoques A, B, C, G et non
INNTI Inhibiteurs non nucléosidiques groupables
de la transcriptase inverse TD Temps-dépendant
INSTI Integrase strand transfer TDM Tomodensitométrie
inhibitor TNF Tumor necrosis factor
INTI Inhibiteurs nucléosidiques UMP-CMPK Pyrimidine nucléoside
de la transcriptase inverse monophosphate kinase
INR International normalized ratio UGT Uridine-diphosphate
IPP Inhibiteurs de la pompe glucuronyltransférase
à protons UV Ultraviolet
IRIS Syndrome inflammatoire Vd Volume de distribution
de reconstitution immunitaire VHB Virus de l’hépatite B
ISRS Inhibiteurs sélectifs VIH Virus de l’immunodéficience
de la recapture de la sérotonine humaine
ITK Inhibiteurs de la tyrosine kinase VISA ou GISA Vancomycin ou glycopeptid
LBA Liquide bronchoalvéolaire intermediate S. aureus
LCS Liquide cérébrospinal VRSA Vancomycin resistant S. aureus
LPP Liaison aux protéines VZV Virus varicelle-zona
plasmatiques XDR Extensively drug-resistant
LPS Lipopolysaccharide

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Pharmacologie des anti-infectieux :

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généralités sur les relations
pharmacocinétique-pharmacodynamie
Vincent Jullien, Claire Gozalo

Points-clés l’adaptation individualisée des posologies via le


j L’efficacité des anti-infectieux dépend en grande STP.
partie du rapport entre leur concentration et la Ce chapitre résume donc les points essentiels
sensibilité du micro-organisme à la molécule utilisée. concernant la PK/PD des anti-infectieux.
j Les anti-infectieux sont caractérisés par
des relations concentration/effet qu’il est
important de connaître pour optimiser le choix
des molécules, leurs posologies, ainsi que Différentes relations PK/
pour l’interprétation des résultats de suivi PD : de l’in vitro à l’in vivo
thérapeutique pharmacologique (STP).
L’efficacité des anti-infectieux résulte en général
du rapport entre la concentration de la molécule
Introduction active obtenue au niveau du site d’action et la
sensibilité du micro-organisme à cette molécule.
De nombreuses études expérimentales ont Cette sensibilité est évaluée in vitro par la
démontré l’existence d’une corrélation entre la mesure de la concentration minimale inhibitrice
concentration des anti-infectieux et leur effet sur (CMI), de la concentration minimale efficace
l’inoculum microbien. Les modèles in vitro et (CME), ou de la concentration inhibant 50  %
in vivo chez l’animal ont permis d’identifier les de la réplication (IC50) :
relations pharmacocinétique/pharmacodynamie • la CMI est la plus petite concentration per-
(PK/PD) régissant cet effet. La pertinence de mettant d’inhiber la multiplication du micro-
ces relations a ensuite été vérifiée chez les patients organisme ;
dans des études ayant montré une amélioration de • la CME s’applique à certains antifongiques
l’efficacité microbiologique et/ou clinique du trai- vis-à-vis des champignons filamenteux, et
tement chez les sujets pour lesquels la probabilité est la plus petite concentration permettant
d’atteindre les critères d’efficacité PK/PD était d’obtenir une altération morphologique du
optimisée. champignon ;
La connaissance de la pharmacologie des anti- • l’IC50, qui s’applique essentiellement aux anti-
infectieux et de leurs relations PK/PD est donc viraux, est la plus petite concentration permet-
un prérequis nécessaire pour l’optimisation des tant d’inhiber 50 % de la réplication virale.
traitements, aussi bien au niveau du choix des Dans la suite de ce chapitre, mis à part dans
molécules prescrites, de leurs posologies et de certains cas spécifiques, le terme CMI sera utilisé
leurs modalités d’administration, qu’à celui de par défaut dans un souci de simplification.

Pharmacologie desRetrouvez
anti-infectieux
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4 Généralités

Mesures de la CMI postantifongique  » ou effet «  postantibiotique  »


(EPA).

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Selon les recommandations internationales, la Les antifongiques/antibiotiques se séparent en
méthode par dilutions successives en milieu deux catégories selon le type de relations PK/PD
solide est la méthode de référence pour déter- qui les caractérise (figure 0.1) :
miner la sensibilité bactérienne aux antibio- • les molécules dont l’efficacité est dite « concen-
tiques. Or d’autres méthodes sont disponibles, tration-dépendante », c’est-à-dire qui augmente
notamment à partir d’automate (milieu liquide) avec la dose administrée. L’efficacité est donc
ou de bandelettes E-test déposées sur gélose corrélée à la concentration maximale (Cmax) ou à
ensemencée. Ces trois méthodes n’étant pas l’aire sous la courbe (AUC) des concentrations.
formellement équivalentes, il est donc possible Les critères PK/PD prédictifs de l’efficacité sont
que les cibles de concentrations totales ou libres les rapports Cmax/CMI et AUC/CMI ;
(free [f] : libre), calculées par rapport à la CMI • les molécules dont l’efficacité est dite « temps-
puissent varier de manière potentiellement non dépendante », c’est-à-dire qui augmente avec
négligeable. le temps pendant lequel la concentration
est maintenue au-dessus d’un seuil d’effica-
cité. Ce seuil d’efficacité est théoriquement
Antibiotiques, antifongiques égal à la CMI vis-à-vis du micro-organisme
considéré, mais une efficacité maximale
Dans le cas des antifongiques et des antibio- nécessite parfois l’obtention d’une concen-
tiques, ces essais in vitro permettent également tration égale à plusieurs fois la CMI. Le
de différencier les molécules qui «  tuent  » le paramètre PK/PD prédicitif de l’efficacité
micro-organisme considéré (action fongicide/ est donc le pourcentage de temps entre deux
bactéricide) de celles qui se contentent d’en inhi- administrations ou sur 24  heures pendant
ber la multiplication (action fongistatique/bac- lequel la concentration en antibiotique est
tériostatique). Les molécules dont l’activité est supérieure à la CMI ou à un multiple de
essentiellement bactério-/fongistatique néces- la CMI (T  >  CMI ou le fT  >  CMI si l’on
siteront donc l’apport du système immunitaire considère la fraction libre).
pour éradiquer le micro-organisme. À l’inverse, Ces molécules temps-dépendantes peuvent à
les molécules fongicides/bactéricides ne néces- leur tour se subdiviser en deux catégories selon la
sitent pas l’action du système immunitaire et durée de l’EPA. Ainsi :
seront donc privilégiées dans toutes situations • les molécules dont l’EPA est long auront leur
d’immunosuppression, qu’elles soient systé- efficacité corrélée préférentiellement au rapport
miques (neutropénie, etc.) ou limitées au foyer AUC/CMI ;
infectieux (endocardite, méningite, etc.). L’acti- • les molécules dont l’EPA est faible auront leur
vité fongicide/bactéricide sera d’autant plus mar- efficacité corrélée préférentiellement au temps
quée que les concentrations minimales fongicides pendant lequel la concentration est supérieure
et bactéricides (CMF et CMB  : concentrations à la CMI (T > CMI) (tableaux 0.1 et 0.2).
qui réduisent un inoculum d’au moins 99,9  %) Parmi les antibiotiques et les antifongiques, cer-
seront peu différentes des CMI. tains seront également sensibles à l’effet inocu-
Une autre caractéristique pharmacodynamique lum. Cet effet se traduit par une augmentation de
des antifongiques et antibiotiques pouvant être la CMI en présence d’un inoculum bactérien ou
caractérisée in vitro est leur aptitude à inhiber la fongique important. Les molécules sensibles à cet
multiplication du micro-organisme une fois que effet, comme les bêtalactamines et l’amphotéricine
leur concentration est descendue à une valeur B, verront donc leur efficacité diminuer dans les
inférieure à la CMI. Cet effet est appelé «  effet infections sévères à fort inoculum.

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Généralités sur les relations pharmacocinétique-pharmacodynamie 5

encore plus complexe dans le cas des analogues


nucléosidiques/nucléotidiques. En effet, ces

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molécules sont des prodrogues qui nécessitent
d’être phosphorylées au niveau intracellulaire
pour être actives. En conséquence, leur relation
PK/PD sera également fonction de la relation
entre l’exposition plasmatique à la prodrogue et

|
m
o
l’exposition intracellulaire au métabolite actif.

c
t.
o
p
Dans le cas des antipaludéens, l’efficacité est

s
g
lo
.b
liée au maintien de la concentration au-dessus

s
in
Figure 0.1. Principaux paramètres PK/PD

c
du seuil d’efficacité maximal, lequel correspond

e
d
des anti-infectieux en fonction de la CMI

e
m
à la concentration minimale parasiticide (CMP).

s
du micro-organisme causal.

e
rd
Lorsque ce seuil est atteint, l’efficacité est reflétée

o
s
e
tr
par le taux de réduction de la parasitémie, qui

e
/l
Antiviraux, antipaludéens

:/
p
est fonction du couple molécule/plasmodium.

tt
h
|
Par exemple, les dérivés de l’artémisinine rédui-

s
in
c
e
Dans le cas des antiviraux, l’efficacité serait cor- sent en général la parasitémie d’un facteur 104

d
e
M
rélée au maintien de la concentration au-dessus

s
à chaque cycle de reproduction asexuée, quand,

e
rD
o
d’un certain seuil d’efficacité, lequel pourrait pour d’autres antipaludéens, ce taux de réduction

s
re
T
correspondre à l’IC50, sans que cela ait été for- est compris entre 10 et 100. Lors d’un traitement,
e
/L
e

mellement démontré. La détermination de la


.m

l’objectif sera donc de maintenir les concentrations


/t
:/

relation PK/PD des antiviraux, déjà difficile en au-dessus de la CMP pendant un nombre suffisant
s
p
tt
h

raison du site d’action intracellulaire et de l’accu- de cycles de reproduction asexuée pour permettre
|
s
in
c

mulation de certains antiviraux à ce niveau, est l’éradication du parasite.


e
d
e
M
s
e
rD
o
s

Tableau 0.1. Profils d’activité et critères PK/PD pertinents des antifongiques.


re
T
e
/L

Molécule Micro-organisme Activité EPA Critère PK/PD


s
p
u
ro

Amphotéricine B Candida Fongicide, CD Long Cmax/CMI


/g
m
o
.c

Aspergillus Fongicide, CD Long


k
o
o
b

Flucytosine Candida Fongistatique, TD Court T > CMI


e
c
a
.f
w

Azolés Candida Fongistatique, TD Long AUC/CMI


w
w
|

Aspergillus Fongicide, TD Long


s
in
c
e

Echinocandines Candida Fongicide, TD Long AUC/CMI


d
e
M
s

CD : concentration-dépendant ; TD : temps-dépendant.


e
rD
o
s
re
T
e
/L
m
o
.c

Tableau 0.2. Profils d’activité et critères PK/PD pertinents des antibiotiques.


k
o
o
b
e

Molécule Activité EPA Critère PK/PD


c
a
.f
w
w

Bêtalactamines Bactéricide, TD Court T > CMI


w
|

Linézolide Bactéricide, TD Court T > CMI, AUC/CMI


Glycopeptides Bactéricide, TD Long AUC/CMI
Macrolides, tétracyclines, Lincosamides Bactériostatique, TD Long AUC/CMI
Polymixines Bactéricide, CD Court AUC/CMI
Aminosides Fluoroquinolones Daptomycine Bactéricide, CD Long Cmax/CMI, AUC/CMI

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6 Généralités

Relations PK/PD • une infection par une population microbienne


et optimisation du mode sensible, mais dont l’inoculum élevé, associé

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à la probabilité de mutations spontanées, a
d’administration permis l’apparition de mutants résistants au
traitement ;
Ces relations PK/PD permettent de définir les • une infection par une population microbienne
schémas d’administration optimaux. Ainsi : sensible, mais dont certains éléments ont acquis
• les molécules dont l’efficacité est corrélée au des mutations de résistance par transfert géné-
rapport Cmax/CMI seront préférentiellement tique à partir de micro-organismes déjà présents
administrées en perfusion courte afin de maxi- dans l’organisme.
miser le Cmax ; Dans ces deux derniers cas, la concentration
• les molécules dont l’efficacité est corrélée au de l’anti-infectieux administré peut favoriser la
rapport AUC/CMI seront administrées en sélection des mutants résistant par rapport au
doses espacées ; reste de la population microbienne, amplifiant
• les molécules dont l’efficacité est corrélée au ainsi le phénomène. Ces mutants sont caractérisés
critère temps T supérieur à CMI seront admi- par une CMI plus élevée que celles des micro-
nistrées en doses unitaires plus faibles mais aussi organismes sensibles. Leur éradication nécessite
plus rapprochées, selon la demi-vie d’élimination donc un niveau de concentration plus élevé.
de la molécule. Elles pourront également être L’objectif est en fait de dépasser un certain
administrées en perfusions prolongées sur plu- seuil de concentration appelé «  concentration
sieurs heures, la finalité étant l’administration prévenant l’émergence de mutants  » (CPM).
en perfusion continue. Atteindre cette concentration limite l’émergence
L’importance du mode d’administration vis-à-vis de mutants résistants. La zone de concentration
de l’efficacité a été démontrée dans de nombreuses située entre la CMI des micro-organismes sen-
études. Par exemple, l’efficacité des aminosides sibles et cette CPM est appelée « fenêtre de sélec-
dans les infections à bacilles à Gram négatif, qui est tion de mutants ». Lorsque la concentration entre
liée au rapport Cmax/CMI, est meilleure lorsqu’ils deux administrations se maintient trop longtemps
sont administrés en dose unique journalière que au sein de cette fenêtre, les micro-organismes
lorsque la dose journalière est divisée en deux ou sensibles sont préférentiellement éradiqués, ce qui
trois prises. De même, il a été prouvé que l’efficacité favorise la sélection de mutants.
des bêtalactamines, qui est corrélée au facteur T
supérieur à CMI, est améliorée par une adminis-
tration en perfusion continue ou en perfusion Relations PK/PD et STP
prolongée par rapport à la perfusion courte.
Le mode d’administration doit cependant être Le STP des anti-infectieux est de plus en plus
adapté au profil de tolérance des molécules. Par recommandé, notamment pour les patients de
exemple, l’amphotéricine B conventionnelle pré- réanimation dont les paramètres pharmacociné-
sente un risque d’effets indésirables immédiats tiques sont très variables et qui présentent souvent
d’autant plus élevé que la durée de perfusion est des infections à micro-organismes de moindre
courte. sensibilité.
Les concentrations d’intérêt vont dépendre
du profil PK/PD de la molécule. Dans le cas
Relations PK/PD d’administration discontinue, une concentration
et émergence de résistances résiduelle (les notations sont équivalentes concen-
tration résiduelle [Cres] ou C0 ou concentra-
Plusieurs situations sont à distinguer : tion minimale [Cmin] ou encore vallée) sera plus
• une infection par un micro-organisme d’emblée pertinente pour une molécule dont l’efficacité
résistant issu de l’environnement ; est corrélée au paramètre T supérieur à CMI.
Généralités sur les relations pharmacocinétique-pharmacodynamie 7

À l’inverse, un pic plasmatique, prélevé généra- mesurée à la CMI du micro-organisme ciblé, en


lement 30 minutes après la fin de l’injection (et tenant compte du pourcentage de fixation.

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autrement appelé [Cmax]), sera privilégié pour Ce principe n’est cependant pas applicable
une molécule dont l’efficacité dépend du rapport lorsque la diffusion des molécules depuis l’espace
Cmax/CMI. Pour les molécules dont l’effet est vasculaire vers le site d’action est réduite par une
corrélé au rapport AUC/CMI, l’idéal serait de barrière physiologique (liquide cérébrospinal
pouvoir estimer l’AUC des patients à partir d’un [LCS], humeur aqueuse, prostate, etc.), est modi-
nombre limité de prélèvements via des méthodes fiée par des systèmes de transports actifs, ou lorsque
bayesiennes. Néanmoins, une concentration le foyer infectieux se trouve au niveau intracellulaire
mesurée à un temps donné peut parfois être et que les molécules s’accumulent à ce niveau. Il
suffisamment corrélée à l’AUC pour être utilisée faut alors tenir compte du pourcentage de diffusion
comme marqueur de l’exposition. au niveau du site d’action pour interpréter la
• Dans le cas d’administration en continu, schéma concentration plasmatique. Si possible, un dosage
privilégié pour les antibiotiques à activité temps- de l’anti-infectieux au niveau du milieu pertinent
dépendante, le prélèvement devra être fait au (LCS, sécrétions bronchiques, etc.) sera réalisé.
« plateau », lorsqu’on aura atteint l’équilibre phar-
macocinétique ou l’état dit « stationnaire », soit
après 5 à 7 demi-vies du médicament concerné. Conclusion
On parle de concentration moyenne [Cmoy], ou
de concentration circulante, ou (injustement) de Le STP des anti-infectieux est un outil en plein
concentration à l’équilibre [Css]). essor, et reconnu comme indispensable par de
Si l’interprétation des concentrations mesurées nombreux cliniciens à la suite d’études ayant mon-
chez les patients dépend des relations PK/PD, il tré un impact de la concentration sur la réponse
faut cependant prendre en considération qu’il n’y au traitement, y compris en termes de mortalité.
a pas toujours de consensus sur les concentrations Des travaux ont ainsi permis de définir des
à atteindre. concentrations cibles faisant, depuis, l’objet d’un
L’interprétation d’un dosage se fonde alors sur consensus international, notamment pour certains
des principes pharmacocinétiques généraux : antibiotiques (aminosides, glycopeptides, fluo-
• la forme libre du médicament, c’est-à-dire non roquinolones) et certains antifongiques azolés.
liée aux protéines plasmatiques, est la forme Cependant, de nombreuses molécules ne font
active car pouvant diffuser au niveau du site pas l’objet d’un consensus concernant le niveau
d’action ; de concentration à atteindre. Dans ce cas, l’inter-
• la concentration de la forme libre est uniforme prétation des dosages de STP doit se fonder sur
dans l’organisme lorsque l’état d’équilibre les principes PK/PD et intégrer les contextes cli-
pharmacocinétique est atteint et si la diffusion nique, microbiologique et biologique du patient
de cette forme libre n’est régie que par des (micro-organisme, localisation du foyer infectieux,
phénomènes de diffusion passive. état immunitaire, cotraitements, fonctions rénale
Lorsque les foyers infectieux sont situés dans et hépatique, etc.) afin d’optimiser au mieux le
l’espace extravasculaire, la concentration de la forme traitement. Idéalement, la prise en charge des
libre au niveau plasmatique reflète normalement patients devrait faire l’objet d’une réflexion multi-
celle présente au niveau du site d’action. Cela per- disciplinaire associant cliniciens, microbiologistes
met une comparaison directe de la concentration et pharmacologues.
Chapitre 1

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Bêtalactamines
Christian Woloch, Damien Montange

Médicaments existants Tableau 1.1. Pénicillines et céphalosporines


disponibles en France.
DCI Voies d’administration
Les bêtalactamines demeurent la famille d’anti-
biotiques la plus utilisée en France et dans le Pénicillines
monde. Cela s’explique principalement par le Pénicilline G
nombre de spécialités disponibles couvrant un Benzylpénicilline Intraveineuse
spectre bactérien relativement large. Homogènes (pénicilline G)
sur le plan structural, les bêtalactamines parta- Benzathine benzylpénicilline Intramusculaire
gent un élément commun, le cycle bêtalactame Pénicilline V
(figure  1.1). Selon la nature de l’hétérocycle Pénicilline V Orale
accolé au cycle bêtalactame, on peut les clas-
Pénicilline M
ser en quatre groupes  : les pénicillines et les
céphalosporines (tableau  1.1), les carbapénèmes, Oxacilline Intraveineuse
les monobactam, auxquels on peut ajouter les Cloxacilline Orale
inhibiteurs de bêtalactamases qui n’ont pas d’acti- Intraveineuse
vité antibactérienne formelle, mais préviennent Pénicilline A et apparentée
la dégradation de la bêtalactamine qui leur est Aminopénicilline
associée (tableau 1.2). Amoxicilline Orale
Intramusculaire/intraveineuse
Amidinopénicilline
Pivmecillinam Orale
Pénicilline antipyocyanique
Uréidopénicilline
Piperacilline Intraveineuse
Carboxypénicilline
Ticarcilline Intraveineuse
Témocilline Intraveineuse
Céphalosporines
C1G
Céfaclor Orale
Céfadroxil Orale
Figure 1.1. Cibles d’action des différentes classes
Céfalexine Orale
d’antibiotiques (en rouge : noyau bêtalactame). x

Pharmacologie des anti-infectieux


© 2018 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
14 Antibiotiques

x Céfradine Orale Trois carbapénèmes et un monobactame sont


disponibles et constituent la dernière ligne de

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Céfazoline Intraveineuse
traitement des infections sévères à bactéries résis-
C2G
tantes aux groupes des pénicillines et des cépha-
Céfuroxime-axétil Orale
losporines en raison de leur stabilité vis-à-vis des
Céfoxitine Intraveineuse bêtalactamases. Administrés par voie injectable, ils
Céfamandole Intraveineuse sont soumis exclusivement à un usage hospitalier.
C3G Quatre inhibiteurs de bêtalactamases sont
Céfixime Orale actuellement disponibles en association à des
Céfotiam-hexétil Orale pénicillines (acide clavulanique, sulbactam, tazo-
bactam et avibactam). Ces molécules ont une
Cefpodoxime-proxétil Orale
structure apparentée aux bêtalactamines. Enfin,
Céfotaxime Intraveineuse
deux nouveaux inhibiteurs de bêtalactamases,
Ceftazidime Intraveineuse dont la structure est non apparentée aux bêtalac-
Ceftriaxone Intraveineuse tamines, utilisés en association avec des carbapé-
Sous-cutanée/intramusculaire nèmes (vaborbactam et relebactam) sont en cours
C4G d’évaluation dans des essais cliniques de phases
Céfépime Intraveineuse II et III.
C5G
Ceftobiprole médocaril Intraveineuse
Ceftaroline Intraveineuse
Mécanisme d’action
DCI : dénomination commune internationale.
Bêtalactamines
Le cycle bêtalactame est instable en milieu Les bêtalactamines agissent sur la synthèse du
acide et basique. L’instabilité plus ou moins mar- peptidoglycane en inhibant les protéines liant la
quée selon les antibiotiques interdit pour certains pénicilline (PLP).
l’utilisation par voie orale. À l’exception des Le peptidoglycane est le constituant majeur de
pénicillines A, V et de quelques céphalosporines, la paroi des bactéries à Gram positif. À l’inverse
toutes sont administrées par voie parentérale pour chez les bactéries à Gram négatif, le peptido-
un usage hospitalier. glycane est beaucoup moins épais et enchevêtré
Les pénicillines peuvent être classées en cinq entre deux membranes dans l’espace périplas-
sous-groupes qui se différencient selon la nature mique (figure  1.2) [1]. L’unité de base du pep-
du spectre couvert et de leur tolérance aux péni- tidoglycane est un disaccharide pentapeptide
cillinases (mécanisme de résistance) produite par synthétisé dans le cytoplasme et constitué par
les bactéries. On peut distinguer les pénicillines des chaînes de N-acétyl glucosamine (NAG) et
G (forme retard) et V (forme orale) sensibles aux d’acide N-acétyl-muramique (NAM) où est fixé
pénicillinases, les pénicillines M antistaphylococ- un pentapeptide (L-alanine-D-glycine-L-lysine-
ciques, les pénicillines A dites « à spectre élargi » D-alanine-D-alanine). Après franchissement de la
et, enfin, les pénicillines antipyocyaniques. Éga- membrane cytoplasmique, cette unité de base est
lement, les céphalosporines peuvent être classées associée au peptidoglycane préexistant par l’inter-
en cinq sous-groupes ou «  générations  » qui se médiaire des PLP.
différencient selon la nature du spectre couvert Les PLP ont une activité transglycosylase,
et du type de céphalosporinase tolérée. Plus la transpeptidase et carboxypeptidase. Les bêtalac-
génération est élevée, plus le spectre est restreint tamines bloquent les activités transpeptidase et
et ciblé et meilleure est la tolérance aux céphalos- carboxypeptidase, compte tenu de leur analo-
porinases. gie structurale avec le substrat de ces enzymes,
Chapitre 1. Bêtalactamines 15

le dipeptide terminal (D-Ala-D-Ala) du penta- Tableau 1.2. Carbapénèmes, monobactam


peptide. Elles se comportent comme des substrats et association de bêtalactamines et d’inhibiteurs de

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bêtalactamases disponibles et en développement.
«  suicide  » de ces enzymes. Les bêtalactamines
se lient au site actif de la PLP pour former un DCI Voies d’administration
complexe précovalent, puis le cycle bêtalactame Carbapénèmes
s’ouvre pour former une liaison covalente irré- Ertapénem Intraveineuse
versible avec la sérine de la poche catalytique des Imipénem-cilastatine Intraveineuse
PLP. L’inhibition des PLP produit un arrêt de la
Méropénem Intraveineuse
synthèse du peptidoglycane et de la croissance
Monobactam
bactérienne. L’effet bactéricide résulterait d’une
activation dérégulée d’autolysines conduisant à la Aztréonam Intraveineuse
lyse bactérienne. Bêtalactamine-inhibiteur de bêtalactamase
L’efficacité des bêtalactamines est donc condi- Amoxicilline-acide clavulanique Intraveineuse/orale
tionnée par leur quantité au contact de la cible, Ticarcilline-acide clavulanique Intraveineuse
leur affinité pour la cible et leur tolérance aux Piperacilline-tazobactam Intraveineuse
bêtalactamases.
Ampicilline-sulbactam Intraveineuse
Ceftolozane-tazobactam Intraveineuse
Inhibiteurs de bêtalactamases
Ceftazidime-avibactam Intraveineuse
La production de bêtalactamases par les bactéries À venir
constitue un des mécanismes de résistance les Méropénem-vaborbactam Intraveineuse
plus efficaces contre l’action des bêtalactamines. Ceftaroline-avibactam Intraveineuse
Par analogie avec le milieu militaire, l’activité
Imipénem-relebactam Intraveineuse
transpeptidase des PLP est la cible, la bêtalacta-
mine le missile, la bêtalactamase l’anti-missile et
l’inhibiteur de bêtalactamase est l’anti-anti-mis-
sile. Les inhibiteurs de bêtalactamases avec en les classes A, C, D sont des enzymes à sérine
chef de file l’acide clavulanique présentent une active, B des métalloenzymes à zinc. L’acide
analogie structurale avec les bêtalactamines et clavulanique est actif sur la classe A et inactif
agissent également comme des substrats suicides sur les autres. Seuls les nouveaux inhibiteurs de
des bêtalactamases. bêtalactamases (tableau 1.2) sont actifs également
Selon la classification structurale d’Amber, il est sur les classes C et D, promettant de nouvelles
décrit quatre classes de A à D de bêtalactamases, perspectives thérapeutiques.

Figure 1.2. Paroi des bactéries à Gram positif et à Gram négatif.


Source : d’après [1].
16 Antibiotiques

Spectre et indications utilisées dans de nombreuses indications. Toute-


fois, la tendance actuelle tend à « réserver » cer-

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taines d’entre elles à une indication et pour une
Spectre localisation particulière ou à des bactéries dont le
Les bêtalactamines possèdent un spectre relative- profil de résistance (notamment productrice de
ment large, incluant aussi bien une activité sur les bêtalactamase) est identifié. Certaines bêtalacta-
coccis à Gram positif (CGP) et négatif (Neisseria mines pourront être utilisées en bi- ou trithérapie
meningitidis), bacilles à Gram négatif (BGN) avec d’autres antibiotiques de familles différentes
et positif (Listeria monocytogenes) aérobies, les pour couvrir des infections polybactériennes en
anaérobies et les spirochètes (tableau  1.3). Et, traitement probabiliste (bactéries suspectées mais
par voie de conséquence, les bêtalactamines sont non identifiées) ou curatif (bactéries identifiées).

Tableau 1.3. Spectre d’activité des bêtalactamines sur les principales bactéries isolées en clinique.
DCI Bactéries aérobie Bactéries Spirochète
anaérobie
Pénicilines CGP BGN
SAMS SARM STRP E. faecalis ENTB EBLSE PSDM
Péniciline G
Pénicilline G x x x
Benzathine x x
Benzylpénicilline
Pénicilline V
Pénicilline V x x x
Pénicilline M
Pénicilline M x x x (oxacilline)
Pénicilline A
Amoxicilline x Staphylococ- x x x
cus aureus x
Pimvecillinam x
Pénicilline antipyocyanique
Pipéracilline xa x x x x x
Ticarcilline xa x x x x x
Témocilline x
DCI Bactéries aérobie Bactéries Spirochète
anaérobie
Céphalosporines CGP BGN
SAMS SARM STRP ENTC ENTB EBLSE PSDM
C1G
C1G x x x (céfazoline) x (céfazoline)
C2G
C2G x x x x
C3G
Céfixime x x x
Cefotiam-hexétil x x x x x
Chapitre 1. Bêtalactamines 17

x Cefpodoxime- x x x x

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proxétil
Céfotaxime x x x x
Ceftazidime x x x
Ceftriaxone x x x
C4G
Céfépime x x x x x
C5G
Ceftobiprole x x x x
médocaril
Ceftaroline x x x x
DCI Bactéries aérobie Bactéries Spirochète
anaérobie
Carbapénèmes CGP BGN
SAMS SARM STRP ENTC ENTB EBLSE PSDM
Ertapénem x x x x x
Imipénem- x x x x x x
cilastatine
Méropénem x x x x x x
Monobactam
Aztréonam x x
DCI Bactéries aérobie Bactéries Spirochète
anaérobie
Bêtalactamines- CGP BGN
inhibiteurs
SAMS SARM STRP ENTC ENTB EBLSE PSDM
Ampicilline- x x x x
sulbactam
Ceftolozane- x x x x
avibactam
Ceftaroline- x x x x x
avibactam
SAMS : Staphylococcus aureus méticilline-sensible ; SARM: Staphylococcus aureus résistant à la méticilline ; ENTC : Enterococcus faecalis; ENTB : entérobactéries ;
PSDM: Pseudomonas aeruginosa ; STRP : streptocoques A, B, C, G et non groupables ; EBLSE : entérobactéries productrices de bêtalactamases à spectre élargi.
a Pipéracilline et ticarcilline active sur SAMS sous forme Tazocilline® ou Timentin®.

Staphylococcus aureus
à SAMS, SCN quelle que soit l’indication. En
méticilline-sensible (SAMS),
revanche, en ville, les céphalosporines orales
staphylocoques à coagulase négative
seront privilégiées. On peut de plus noter que
(SCN), streptocoques A, B, C, G et
l’association d’inhibiteurs de bêtalactamases
non groupables (STRP)
à la pipéracilline ou à la ticarcilline restaure
Globalement, toutes les bêtalactamines sont leur activité sur les SAMS. De même, sauf
actives sur ces bactéries. Toutefois à l’hôpital, les quelques exceptions, toutes les bêtalactamines
pénicillines du type M dites «  antistaphylococ- sont actives sur les STRP, l’amoxicilline ou la
ciques  » (oxacilline, cloxacilline) demeurent le péncilline G étant les antibiotiques de première
traitement de première intention des infections intention.
18 Antibiotiques

Enterococcus faecalis Pseudomonas aeruginosa


et Enterococcus faecium

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P.  aeruginosa est un pathogène majeur res-
Peu de bêtalactamines (pénicilline A ou carba- ponsable essentiellement d’infections acquises à
pénèmes) sont actives sur ENTC, cette bactérie l’hôpital et en général de traitement difficile.
présentant une résistance naturelle aux céphalos- P.  aeruginosa possède la particularité d’associer
porines. Plus problématique concerne le trai- un haut niveau de résistance aux bêtalactamines.
tement des infections à E.  faecium où aucune Dans ce contexte, certaines bêtalactamines sont
bêtalactamine n’est disponible en première ou réservées au traitement des infections à P. aeru-
seconde intention, éventuellement et, selon les ginosa, ce sont les pénicillines antipyocyaniques,
données de l’antibiogramme, l’amoxicilline ou la ceftazidime, le céfépime, les carbapénèmes
les carbapénèmes décrits comme inconstamment et, enfin, les nouvelles associations céphalospo-
sensibles pourront être utilisés. rines-inhibiteur de bêtalactamases, l’aztréonam
constituant éventuellement une alternative en
S. aureus résistant à la méticilline cas d’allergie aux pénicillines ou aux céphalos-
(SARM) porines.
À l’exception des C5G (ceftaroline et ceftobi-
Anaérobies et spirochète
prol) d’apparition récente et pour des indi-
cations ciblées type endocardite, infections Le traitement des infections à bactéries anaéro-
pulmonaires ou ostéoarticulaires, aucune des bies (Peptostreptococcus, Prevotella, Clostridium
autres bêtalactamines n’était jusqu’à présent perfringens) ou spirochètes (Treponema pallidum,
active sur le SARM. agent de la syphillis) fait appel aux pénicillines
G ou A, Clostridium difficile étant résistant aux
Entérobactéries et entérobactéries bêtalactamines.
productrices de bêtalactamases
à spectre élargi (EBLSE)
Indications
À l’exception des pénicillines G, V et M, toutes
les bêtalactamines à des degrés divers sont Le spectre et les indications des bêtalactamines
actives sur les entérobactéries. En effet, cer- sont étroitement liés au tropisme préférentiel
taines entérobactéries rencontrées fréquemment (portage asymptomatique) des bactéries. Le choix
en pratique clinique comme Proteus vulgaris, d’une bêtalactamine pour une indication donnée
Morganella morgani, Klebsiella pneumonia, (tableau 1.4) fait notamment intervenir :
Enterobacter aerogenes, Enterobacter cloacae, • ses caractéristiques pharmacocinétiques comme
Serratia marcesens demeurent naturellement la voie d’élimination (tableau  1.5) pour les
résistantes à l’amoxicilline ou aux C1G, C2G. infections urinaires et intra-abdominales ou
Dans ce contexte, devant une infection à BGN le volume de distribution pour les infections
impliquant des entérobactéries, en fonction des hématogènes du type septicémie ;
données de l’antibiogramme, les antibiotiques • ses capacités de diffusion au site de l’infection
de choix demeurent par ordre les C3G, C4G, pour des localisations hors site hématogène
éventuellement la tazocilline. Le pivmecillinam, type infections pulmonaires, ostéoarticulaires,
prodrogue du mecillinam présente une seule ou du système nerveux central (SNC), notam-
indication dans le traitement des infections ment de type méningite.
urinaires à entérobactéries. Le traitement des Pour les infections du type endocardite les péni-
EBLSE repose sur l’utilisation des carbapénèmes, cillines ont une indication, mais compte tenu de
de la témocilline et des associations céphalos- fort inoculum bactérien régulièrement rencontré
porines-inhibiteurs de bêtalactamases déjà dis- et que ces antibiotiques sont soumis à cet effet, de
ponibles (ceftolozane-tazobactam, ceftazidime/ fortes doses au long cours seront nécessaires. Les
ceftaroline-avibactam). carbapénèmes non soumis à cet effet constituent
Tableau 1.4. Principales indications des bêtalactamines.
Indications, infections
DCI Septicémie Endocardite Pulmonaires ORL Cutanées Chirurgie SNC Neutropénies fébriles Intra-abdominales Ostéoarticulaires Urinaires
Pénicillines
Pénicilline G

Pénicilline G x x x x x x x x
Benzathine x x x
Benzylpénicilline
Pénicilline V
Pénicilline V x x x
Pénicilline M
Oxacilline x x x x x x x
Cloxacilline x x x x x x x x
Pénicilline A
Amoxicilline x x x x x x xa x x
Pimvecillinam x
Pénicilline antipyocyanique
Piperacilline x x x xb x x x
Ticarcilline x x x x x x
Temocilline x x x x
Céphalosporines
C1G x x
Céfazoline x x x x x x x
C2G
Céfuroxime-axétil x x
Céfoxitine Prophylaxie
Céfamandole Prophylaxie x
Chapitre 1. Bêtalactamines 19

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x Indications, infections
20

DCI Septicémie Endocardite Pulmonaires ORL Cutanées Chirurgie SNC Neutropénies fébriles Intra-abdominales Ostéoarticulaires Urinaires
C3G
Céfixime x
Céfotiam-hexétil x x
Cefpodoxime-proxétil x x
Antibiotiques

Céfotaxime x x x x x
Ceftazidime x x x x x x x x x
Ceftriaxone x x x x x x x x x
C4G
Céfépime x x x x x
C5G
Ceftobiprole médocaril x x x x x
Ceftaroline x x x xd
Carbapénèmes
Ertapénem x x x x x
Imipénem-cilastatine x x x x x x x x
Méropénem x x x x x x x x
Monobactam
Aztréonam x x x xc x x
Bêtalactamines-inhibiteurs bêtalactamases
Ampicilline-sulbactam x x x x x x x
Ceftolozane-tazobactam x x x
Ceftazidime-avibactam x x
aEn ambulatoire. b Forme Tazocilline®. c Alternative si allergie aux autres groupes. d Utilisation hors autorisation de mise sur le marché (AMM).

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Tableau 1.5. Principaux paramètres pharmacocinétiques des bêtalactamines.
Absorption Distribution Métabolisme Élimination
DCI
F ( %) LPP ( %) Vd (l/kg)a Hépatique ( %) Rein ( %) Bile ( %) Hémodialyse (coefficient d’extraction) T1/2 (h)
Pénicillines
Pénicilline G

Pénicilline G 40-60 0,35 15-20 60-90 Oui 0,5


Benzathine 55 0,35 85-95 5 Oui 0,5
Benzylpénicilline
Pénicilline V
Pénicilline V 55-60 65-80 0,54 ?   ? 0,5-1
Pénicilline M
Oxacilline 90-95 0,40 45 60 10 Non 0,5-1
Cloxacilline 70 90-98 0,14 70-80 20-30 Non 0,75
Pénicilline A
Amoxicilline 80 17 0,30 20 70-80 5-10 Oui (47 %) 1
Pivmécillinam 75 10-15 0,41 20 40 ? Oui (50-70 %) 1
Pénicillines antipyocyaniques
Pipéracilline 21 0,25 60-80 10-20 Oui (20-50 %) (+tazobactam 40 %) 1
Ticarcilline 45 0,21 100 Oui (20-50 %) (+ acide clavulanique 34 %) 1-1,5
Témocilline 85 0,30 80 Oui (ND) 4,5 (intraveineuse)
5,4 (intramusculaire)
Céphalosporines
C1G
Céfaclor 80-90 25-50 0,37 80-90 Oui (30 %) 0,6-0,9
Céfadroxil 80-90 15-20 0,33 80-90 Oui (75 %) 1,6-2
Céfalexine 85-90 6-10 0,26 > 90 Oui (58 %) 0,75-1,1
Céfradine 100 6-30 ? ? 0,75-1,1
Céfazoline 85-90 0,14 60-80 Oui (62 ± 8 %) 1,5-2,5 x
Chapitre 1. Bêtalactamines 21

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x Absorption Distribution Métabolisme Élimination
22
DCI
F ( %) LPP ( %) Vd (l/kg)a Hépatique ( %) Rein ( %) Bile ( %) Hémodialyse (coefficient d’extraction) T1/2 (h)
C2G
Céfuroxime-axétil 30-40 33 0,39 85 Oui (25 %) 1,4
Céfoxitine 65-80 0,11 85 Oui (20-50 %) 0,75-1
Céfamandole 56-78 0,18 65-85 Non 1,1
C3G
Antibiotiques

Céfixime 50 70 0,21 ? 16-20 25 Non 3-4


Céfotiam-hexétil 45 40 0,50 ? 30-35 Oui (30-40 %) 1
Cefpodoxime-proxétil 40-50 40 0,43 80 Oui (22 %) 2,4
Céfotaxime 20-40 0,20 Métabolite actif 60 Oui (ND) 0,6 (intraveineuse)
1,3 (intramusculaire)
Ceftazidime 3-15 0,19 95 Oui (55 %) 2
Ceftriaxone 95 0,14 50 40 Oui (40 %) 8
C4G
Céfépime 20 0,26 85 Oui (72,2 ± 6,4 %) 2
C5G
Ceftobiprole médocaril 16 0,26 ?   Oui (ND) 3
Ceftaroline 20 0,29 ? 88 Oui (ND) 2,5
Carbapénèmes
Ertapénem 90 0,11 6 80 Oui (30 %) 4
Imipénem-cilastatine 20 0,16 (imipénem 80 Oui (54,8 %) (+ cilsatatine 62,9 %) 1
0,14 (cilastatine)
Méropénem 2 0,30 28 70 Oui (ND) 1
Monobactam
Aztréonam 50 0,16 ? 50 Oui (38 %) 1,5
Bêtalactamines-inhibiteurs bêtalactamases
Acide clavulanique 25 0,20 ? 40-65 Oui (34 %) 1
Tazobactam ? 80 Oui (40 %) 1
Ampicilline 28 0,33 80-85 Oui 1
Sulbactam 38 0,33 75-80 Oui 1
Avibactam 0,31 Oui 2
Ceftolozane-tazobactam 16-20 0,19 95 Oui (ND) 3
Les données d’hémodialyse sont issues du site www.sitegpr.com. ND : non déterminé. a Vd exprimé en l/kg pour un individu de 70 kg.

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Chapitre 1. Bêtalactamines 23

une éventuelle alternative mais ne sont actuelle- Relations PK/PD et STP


ment pas le traitement de première intention.

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Peu de bêtalactamines sont indiquées dans le
traitement des neutropénies fébriles. Ce contexte
Relations PK/PD
particulier impose l’utilisation des bêtalactamines Les bêtalactamines sont des antibiotiques bactéri-
à spectre large ou les dernières lignes (C3G, C4G, cides dit « temps-dépendants », dont l’efficiacité
carbapénèmes). dépend du temps T > CMI (ou de fT > CMI) (cf.
Enfin, la plupart des bêtalactamines sont indi- « Bêtalactamines »). Les protocoles d’administra-
quées dans les infections oto-rhino-laryngolo- tion dits « optimaux », c’est-à-dire aptes à maxi-
giques (ORL) type angine à streptocoque A, miser ce paramètre PK/PD, s’effectuent soit :
notamment les C1G (unique indication) et cuta- • en administration en perfusion discontinue d’une
nées. D’autres sont indiquées en prophylaxie en dose journalière fractionnée en doses unitaires
chirurgie en postopératoire. administrées à intervalle de temps régulier sur
24 heures (1 g toutes les 12, 8, 6 et 4 heures) ;
• en administration en perfusion continue
d’une dose journalière pleine (exemple  :
Pharmacocinétique 2 g/24 heures). La perfusion continue devant
être si possible toujours précédée par une dose
Les bêtalactamines administrées par voie orale de charge (administrée en flash/bolus intravei-
sont caractérisées par une absorption digestive neux : durée de perfusion courte).
variable (tableau  1.5). La biodisponibilité F est À l’heure actuelle, il est très important de souli-
satisfaisante pour les pénicillines A, M et C1G et gner qu’il n’existe pas de cible de T  >  CMI ou de
moyenne pour les pénicillines V, C2G et C3G. fT  >  CMI validée en clinique pour une bêtalacta-
La liaison aux protéines plasmatiques (LPP) mine en particulier ou un groupe, selon le germe,
permettant d’évaluer la forme libre (forme active selon l’indication. Cela suggère par conséquent la
et diffusible au site de l’infection) est, à quelques nécessité d’études cliniques à grandes échelles pour
exceptions près, relativement stable dans chaque les déterminer. Trois paramètres devront être clai-
groupe. Ce paramètre est important à prendre en rement définis : la valeur de la cible PK/PD (quels
considération (cf. « Relations PK/PD et STP », patients, quelles bactéries), la méthode de mesure
ci-après) notamment pour les bêtalactamines de la CMI (éventuellement mesure selon toutes les
dont la LPP est supérieure à 40  %. Le volume méthodes possibles) et, enfin, l’indication.
de distribution (Vd) qui s’échelonne entre 0,11
et 0,54  l/kg indique que les bêtalactamines se
distribuent préférentiellement dans l’eau plas-
Quelles cibles PK/PD ?
matique et extracellulaire, leur capacité de dif-
fusion tissulaire (où siègent les infections) est a Les seules données disponibles proviennent d’études
priori faible. PK/PD in vitro ou in vivo chez l’animal qui néces-
Peu de bêtalactamines subissent un métabo- sitent d’être confirmées en clinique, comme cela a
lisme hépatique et sont éliminées par voie biliaire été démontré notamment pour les aminosides (cf.
(amoxicilline, pipéracilline, ceftriaxone). Toutes « Aminosides »). Ces données sont les suivantes :
sont éliminées majoritairement par voie rénale • pénicillines : fT supérieur à CMI 50 % ;
et, par conséquent, la plupart des bêtalactamines • céphalosporines : fT supérieur à CMI 60-70 % ;
peuvent être éliminées par hémodialyse. Enfin, à • carbapénèmes : fT supérieur à CMI 40 % ;
l’exception de la ceftriaxone, les bêtalactamines • bêtalactamines : fT supérieur à CMI 100 %.
présentent des demi-vies d’élimination (T1/2) D’autres cibles ont été proposées toutes bêta-
très rapides, de l’ordre d’une heure, ce paramètre lactamines confondues, notamment testées par
ayant une certaine importance, notamment dans simulation à partir de modèles pharmacociné-
le cadre du STP des bêtalactamines. tiques de population tels que :
24 Antibiotiques

• T supérieur à CMI 100  % équivalente à T la perfusion suivante ces médicaments ayant des
supérieur à 4 CMI 60-70 % ; demi-vies d’élimination rapides (tableau 1.5) ;

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• T supérieur à 4 CMI 100 % dans les infections • en perfusion continue, un prélèvement au pla-
particulièrement sévères ou chez les patients de teau est habituellement recherché. Notons qu’il
réanimation. est habituellement recommandé, quel que soit
le médicament justifiant d’un STP, d’attendre
Quel pourcentage de diffusion l’état stationnaire (obtenu à partir de cinq à
au site d’action ? sept demi-vies d’élimination) pour effectuer le
premier prélèvement (C0 ou Css).
Enfin, pour complexifier la situation, il est néces-
saire que la bêtalactamine puisse diffuser au site
d’action ce qui nécessite d’avoir a priori et pour Cibles de concentrations ?
une indication donnée (ostéoarticulaire, pulmo-
Les cibles PK/PD n’étant pas disponibles pour
naire, SNC, urinaire, cutanée) le pourcentage de
chaque groupe de bêtalactamines, certaines
diffusion au site d’action.
hypothèses doivent donc être formulées pour
Tous ces éléments concourent par conséquent
construire ces cibles de concentrations et impli-
à la réalisation d’un STP des bêtalactamines.
quent:
Cette activité est à l’heure actuelle réalisée sur des
• le choix du paramètre PK/PD de T ou fT
hypothèses de cibles PK/PD à optimiser chez un
supérieur à CMI (si fT  >  CMI, la LPP de la
patient pour une indication et un germe donné et
bêtalactamine doit être prise en considération) ;
demeure nécessaire compte tenu de l’émergence
• la bactérie en cause et sa CMI (si une valeur
de bactéries multirésistantes pour lesquelles les
vraie n’est pas disponible, il est habituelle-
options thérapeutiques s’amenuisent. Il est en
ment utilisé la CMI du clinical breakpoint de
effet clairement démontré en clinique qu’une
l’European Committee on Antimicrobial Sus-
concentration initiale d’antibiotique inefficace
ceptibility Testing [EUCAST]) ;
dans les premières 48 heures est souvent associée
• la localisation (et donc l’indication).
à un risque d’échec thérapeutique avéré.
Nous présentons par la suite deux scénarios
ne différant que par la localisation de l’infection.
STP Dans le premier cas (tableau  1.6), nous suppo-
sons que la bêtalactamine est disponible à 100 %
Longtemps considéré comme inutile en raison (par exemple dans le compartiment vasculaire),
du profil de tolérance de ces médicaments relati- dans le second, sa disponibilité (ou sa diffusion
vement large (cf. « Effets indésirables »), le STP au site d’action) est à 10  % (tableau  1.7). Pour
des bêtalactamines a pour objectif de satisfaire les deux tableaux, la colonne 1 collige le nom de
rapidement une contrainte d’efficacité. l’antibiotique, les colonnes 2 à 6, les bactéries
Toutes les bêtalactamines sont candidates, tou- dont la CMI pour l’antibiotique est fournie
tefois seules celles bénéficiant d’un usage exclu- par les Clinical Breakpoint de l’EUCAST, les
sivement hospitalier font l’objet d’un STP. Ce colonnes 7 à 11 fournissent les cibles de concen-
sont notamment l’amoxicilline, la cloxacilline, les tration C0 à rechercher dans le plasma pour satis-
pénicillines antipyocyaniques, les C3G, C4G et les faire une des quatre contraintes PK/PD (T > 1
carbapénèmes. CMI ou T > 4 CMI = 100 % ou fT > 1 CMI ou
En pratique, compte tenu du paramètre PK/ fT> 4 CMI = 100 %) pour les onze antibiotiques.
PD (T ou fT supérieur à CMI) à optimiser, le Plusieurs remarques peuvent être formulées à
prélèvement de choix est fonction du protocole partir du tableau 1.6 et du tableau 1.7.
d’administration : Quel que soit le paramètre PK/PD, pour un
• en perfusion discontinue, un prélèvement en médicament qui diffuse peu au site d’action
situation dite « résiduelle » est suffisant. Précisons (tableau  1.7) les concentrations résiduelles plas-
que ce prélèvement doit être effectué juste avant matiques calculées sont difficilement atteignables
Chapitre 1. Bêtalactamines 25

Tableau 1.6. C
 ibles de concentration plasmatique résiduelle totale mesurée pour une diffusion de 100 % au site
d’action et selon l’objectif PK/PD à atteindre.

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Cibles C0 (mg/l)
DCI SAMPS STRP ENTC Entérobacter PSDM T > CMI T > 4 CMI LPP ( %) fT > CMI fT > 4 CMI
100 % 100 % 100 % 100 %
Pénicilline M 0,5 0,5 2 95 10 40
Amoxicilline 4 4 16 17 5 19
Pipéracilline 16 16 64 21 20 81
Ticarcilline 8 8 32 45 15 58
Céfotaxime 4 4 16 30 6 23
Ceftazidime 8 8 32 9 9 35
Ceftriaxone 0,064 0,064 0,256 95 1 5
Céfépime 8 8 32 20 10 40
Ertapénem 1 1 4 90 10 40
Imipénem- 4 4 16 20 5 20
cilastatine
Méropénem 2 2 8 2 2 8
Aztréonam 1 1 4 50 2 8

Tableau 1.7. C
 ibles de concentration plasmatique résiduelle totale mesurée pour une diffusion de 10 % au site
d’action et selon l’objectif PK/PD à atteindre.
Cibles C0 (mg/l)
DCI SAMPS STRP ENTC ENTB PSDM T > CMI T > 4 CMI LPP ( %) fT > CMI fT > 4 CMI
100 % 100 % 100 % 100 %
Pénicilline M 0,5 5 20 95 100 400

Amoxicilline 4 40 160 17 48 193


Pipéracilline 16 160 640 21 203 810
Ticarcilline 8 80 320 45 145 582
Céfotaxime 4 40 160 30 57 229
Ceftazidime 8 80 320 9 88 352
Ceftriaxone 0,064 0,64 2,56 95 13 51
Céfépime 8 80 320 20 100 400
Ertapénem 1 10 40 90 100 400
Imipénem-cilastatine 4 40 160 20 50 200
Méropénem 2 20 80 2 20 82
Aztréonam 1 10 40 50 20 80

avec les doses maximales habituellement utilisées Dès lors que le médicament a une LPP supé-
en pratique clinique pour tous les médicaments, à rieure à 90  %, il est possible de satisfaire une
l’exception des pénicillines M et de la ceftriaxone contrainte type fT    >    1 ou 4  CMI    =    100  %
pour les T  >  1 ou 4 CMI  =  100 % ou de tous uniquement si la CMI est très faible (pénicilline
les médicaments (à l’exception de l’imipénem et M et ceftriaxone) ou si la diffusion au site d’action
de l’ertapénem) pour le T  >  CMI = 100 %. est excellente (proche de 100 %).
Tableau 1.8. Pharmacovigilance des bêtalactamines.
26

Interactions médicamenteuses Effets indésirables Contre-


indications
Gros-
DCI
AVK Métho- Autres Allergie SNC Néphrologiques Hématologiques Hépatologiques Troubles gastro- Hypersensibilité Autres sesse
trexate intestinaux
Allergie
Pénicilines
Péniciline G
Antibiotiques

Péniciline G x x Bupropion, x x x x x x
chloroquine,
tétracyclines, myco-
phénolate mofétil,
probénécide, IPP,
tiagabine, tramadol
Benzathine x x AINS, probénécide, x x x x Flash x
Benzylpéni- CO, digoxine intraveineux
cilline
Péniciline V
Péniciline V x x x x x x
Péniciline M
Oxacilline x x Bupropion, x x x x x x x
chloroquine,
tétracyclines, myco-
phénolate mofétil,
probénécide, IPP,
tiagabine, tramadol
Cloxacilline x x x x x x x x x
Pénicilline A
Amoxicilline x x Allopurinol, bupro- x Mononucléose x
pion, chloroquine, infectieuse
tétracyclines, myco-
phénolate mofétil,
probénécide, IPP,
tiagabine, tramadol
Pivmécilli- x x Allopurinol x x
nam x

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x Pénicilline antipyocyanique
Pipéracilline x x x x x x Mononucléose x
infectieuse
Ticarcilline x x x x x x x x
Temocilline x x ?
Céphalosporines

C1G
Céfaclor x x
Céfadroxil x x
Céfalexine x x
Céfradine x x
Céfazoline x x Alcool x x x x
C2G
Céfuroxime- x x x x x
axétil
Céfoxitine x x x x x x x Enfants  x
< 15 ans
Céfaman- x x x x x x x Alcool x
dole
C3G
Céfixime x x x x
Cefotiam- x x x x x x x Insuffisants x
hexétil hépatique et
rénaux
Cefpo- x x x
doxime-
proxétil
Céfotaxime x x x x x x x x x
Ceftazidime x x x x x x x x
Ceftriaxone x x x x x x x x Nouveau- x
né < 28 j
Chapitre 1. Bêtalactamines 27

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x Interactions médicamenteuses Effets indésirables Contre-
28
indications
Gros-
DCI
AVK Métho- Autres Allergie SNC Néphrologiques Hématologiques Hépatologiques Troubles gastro- Hypersensibilité Autres sesse
trexate intestinaux
Allergie
C4G
Céfépime x x x x x x x x
C5G
Antibiotiques

Ceftobiprole Statine x x x Non


médocaril
Ceftaroline x x x x
Carbapénèmes
Ertapénem x x x x Non
Imipénem- x Ganciclovir, x x x x x Non
cilastatine acide valproïque
Méropénem x probénécide, x x x x x Non
acide valproïque
Monobactam
Aztréonam x x x x x
Bêtalactamines-inhibiteurs bêtalactamases
Acide Antécédents :
clavulanique ictère,
insuffisant
hépatique
Ampicilline x x Mycophénolate x x
mofétil, allopurinol
Sulbactam x
Ceftolozane- x x x
tazobactam
IPP : inhibiteurs de la pompe à protons ; AINS : anti-inflammatoires non stéroïdiens ; CO : contraceptifs oraux.

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Chapitre 1. Bêtalactamines 29

Enfin, pour les carbapénèmes (à l’exception incluant des atteintes digestives, hépatologiques
du méropénem), il est difficile de satisfaire les ou hématologiques. Les effets indésirables de

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contraintes de fT supérieure à CMI, même dans des gravité élevée sont relativement rares et sont
conditions d’excellente diffusion au site d’action. essentiellement de type allergique ou de type
Tenant compte de ces différents scénarios, plu- encéphalopathie (observée lors d’insuffisance
sieurs combinaisons de cibles de concentration sont rénale sous traitement par bêtalactamines).
possibles. Néanmoins, en pratique clinique, on cible
régulièrement un T  >  4 CMI ou fT > 4 CMI. Contre-indications
Interactions La principale contre-indication au traitement par
médicamenteuses bêtalactamines est l’antécédent connu d’allergie
ou d’hypersensibilité à cette classe (tableau 1.8).
Peu d’interactions médicamenteuses sont rencon-
trées avec les bêtalactamines (tableau  1.8). On Grossesse
peut noter principalement pour l’ensemble de
ces médicaments des interactions avec les anti- À quelques exceptions près, toutes les bêtalacta-
coagulants oraux (antivitamines K [AVK]) avec mines peuvent être administrées pendant la gros-
des risques de déséquilibre de l’international sesse si un réel bénéfice est attendu.
normalized ratio (INR) ou le méthotrexate par
inhibition de sa sécrétion tubulaire avec majora- Référence
tion de son risque de toxicité hématologique.
[1] Gutmann L, Williamson R. Paroi bactérienne et bêta-
lactamines. Med Sci 1987;3(2):75–81.
Effets indésirables
Les effets indésirables des bêtalactamines demeu-
rent pour la plupart de faible gravité (tableau 1.8),
Chapitre 2

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Glycopeptides
Sylvain Goutelle, Romain Guilhaumou

Points-clés Tableau 2.1. Glycopeptides disponibles en France


j La vancomycine et la téicoplanine sont les en 2017.
principaux glycopeptides utilisés en thérapeutique.
j Les glycopeptides sont des antibiotiques DCI Spécialités
bactéricides utilisés en première intention dans le Vancomycine Générique
traitement des infections sévères causées par des Téicoplanine Targocid®
bactéries à Gram positif, par voie parentérale. Générique
j Vancomycine et téicoplanine sont presque Télavancine Vibativ®
exclusivement éliminés par le rein sous forme
Oritavancine Orbactiv®
inchangée. Leur clairance et leur demi-vie sont
directement corrélées à la fonction rénale. Dalbavancine Xydalba®
j Le principal effet indésirable des glycopeptides est la
néphrotoxicité survenant essentiellement en cas de
concentrations plasmatiques élevées ou d’association
à d’autres médicaments nephrotoxiques.
La surveillance de la fonction rénale et des
Structure
et mécanisme d’action
j

concentrations sanguines est indispensable


pour optimiser la balance bénéfice/risque des
glycopeptides au cours du traitement. La vancomycine est un antibiotique d’origine
naturelle (produit par l’actinomycète Amycola-
Médicaments existants topsis orientalis) de haut poids moléculaire (envi­
ron 1450 Da). Sa structure comporte un noyau
Actuellement, cinq glycopeptides sont commer­ heptapeptidique. La téicoplanine est en fait
cialisés en France (tableau  2.1), toutes à pres­ un mélange de cinq composés majeurs (téico­
cription hospitalière dont deux rétrocédables planine A2-1 à A2-5) et de quatre composés
(vancomycine et téicoplanine). Toutes sont admi­ mineurs (RS-1 à RS-4). Ces composés sont de
nistrables par voie intraveineuse, la téicoplanine grosses molécules qui comportent une chaîne
étant également administrable par voie orale (sus­ alkyl hydrophobe. Chimiquement, la téico­
pension buvable). Dans ce chapitre sont détaillées planine fût ainsi le premier des lipoglycopep­
les propriétés pharmacologiques de la vancomy­ tides. Télavancine, dalbavancine et oritavancine
cine et de la téicoplanine qui sont les glycopep­ possèdent également une chaîne hydrophobe
tides les plus anciens, les plus utilisés et ayant comme la téicoplanine. Les structures chimiques
les indications les plus larges. Les spécificités des comparées de la vancomycine, de la téicoplanine
nouveaux glycopeptides (télavancine, oritavancine et de la dalbavancine sont présentées dans la
et dalbavancine) sont résumées en fin de chapitre. figure 2.1.

Pharmacologie des anti-infectieux


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32 Antibiotiques

Les glycopeptides inhibent la synthèse des bac­ résistants à la méticilline, méti-S et méti-R), strep­
téries à Gram positif en se fixant à l’extrémité tocoques (dont pneumocoque), entérocoques,

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D-alanyl-D-alanine du pentapeptide de base du Listeria sp, corynébactéries et anaérobies à Gram
peptidoglycane (figure 2.2). Du fait de leur grande positif dont C. difficile.
taille, les molécules de glycopeptide bloquent ainsi Les résistances acquises existent et concernent
par encombrement la transglycosylation et la trans­ en particulier les entérocoques et S. aureus. Des
peptidation indispensables à la fabrication de la souches d’E. faecium et E. faecalis résistantes à la
paroi. Autre conséquence de leur taille, les glyco­ vancomycine ont été observées depuis la fin des
peptides ne peuvent traverser la membrane externe années 1980. Concernant les staphylocoques,
des bactéries à Gram négatif et sont donc inactifs sur des souches de sensibilité diminuée ont d’abord
ces germes. Les glycopeptides sont bactéricides, mais émergé (souche dite vancomycin ou glycopeptid
cette bactéricidie est lente et temps-dépendante. intermediate S.  aureus [VISA ou GISA]) dans
les années 1990, puis des souches résistantes
(vancomycin resistant S. aureus [VRSA]) ont
Spectre et indications rapidement été décrites ensuite, la résistance
étant croisée entre vancomycine et téicoplanine.
Les glycopeptides ne sont actifs que sur les bacté­ À noter que certaines souches de staphylocoque
ries à Gram positif : staphylocoques (sensibles et à coagulase négative méti-R peuvent être résis­

Figure 2.1. Structures comparées de la vancomycine (A), de la téicoplanine (B) et de la dalbavancine (C).
Source : dictionnaire de l’Académie nationale de pharmacie. http://dictionnaire.acadpharm.org/w/Acadpharm:Accueil).
Chapitre 2. Glycopeptides 33

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Figure 2.2. Mécanisme d’action des glycopeptides : structure moléculaire du peptidoglycane de la paroi bactérienne.
Les glycopeptides empêchent la formation du pont pentaglycine (en bleu) entre les chaînes pentapeptidiques (en vert)
par liaison à l’extrémité D-alanyl-D-alanine du pentapeptide et encombrement stérique.

tantes à la téicoplanine mais sensibles à la van­ par voie parentérale, car ces molécules de
comycine. Cette dernière sera donc privilégiée grande taille ne sont pas ou peu absorbées
dans les infections graves liées à ce germe dans le tube digestif. Pour la vancomycine,
spécifique. seule la voie intraveineuse est possible, en per­
Les glycopeptides sont des antistaphylococ­ fusion discontinue (1  heure) ou continue. La
ciques majeurs et la vancomycine constitue tou­ téicoplanine peut être administrée par voies
jours le traitement de référence des infections intraveineuse, intramusculaire et, parfois, sous-
graves à staphylocoques méti-R : staphylocoque cutanée. L’administration sous-cutanée de la
doré (S. aureus méti-R, désigné par l’acronyme téicoplanine, bien que non autorisée officielle­
SARM ou MRSA en anglais) et staphylocoques ment, est assez courante en France et peut être
à coagulase négative (staphylocoques blancs), utile en cas d’accès veineux difficile (gériatrie,
en particulier Staphylococcus epidermidis. Les soins palliatifs). La voie sous-cutanée semble
indications sont notamment les bactériémies, présenter une biodisponibilité et une tolérance
endocardites, péritonites, infections ostéoar­ satisfaisantes, bien que peu de données publiées
ticulaires, infections pulmonaires, infections soient disponibles [1-3].
des voies urinaires, infections sur cathéters, La vancomycine et la téicoplanine sont égale­
méningites. ment indiquées dans le traitement des infections
La vancomycine est également utilisée dans digestives à C.  difficile, bactérie responsable
le traitement des neutropénies fébriles en cas de diarrhées postantibiothérapie. Dans ce cas
d’infection à CGP résistants à la méticilline uniquement, les glycopeptides sont adminis­
suspectée ou prouvée et en prophylaxie de trés par voie orale. Il est nécessaire de faire
certaines chirurgies dans les services ou chez boire la préparation injectable au patient car il
les patients à risque élevé d’infections à SARM. n’existe pas de forme orale adaptée à cet usage
Les glycopeptides constituent une alternative en France.
en cas d’allergie aux bêtalactamines pour le À titre indicatif, les posologies initiales de
traitement des infections graves à staphylocoque vancomycine et de téicoplanine recommandées
méti-S ainsi qu’à streptocoque, entérocoque et dans les résumés des caractéristiques du produit
pneumocoque. (RCP) sont indiquées dans le tableau 2.2. Cepen­
Dans toutes les indications précitées, la van­ dant, les besoins posologiques sont très variables
comycine et la téicoplanine sont administrées d’un individu à l’autre et la posologie doit
34 Antibiotiques

Tableau 2.2. Posologies initiales standards de la vancomycine et de la téicoplanine chez le patient normorénal.

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Glycopeptide Population/ indication Posologie standard
Vancomycine Adulte : toutes indications 30 mg/kg/j
2 à 4 administrations/j ou perfusion continue
Enfant : toutes indications 40 à 60 mg/kg/j
2 à 4 administrations/j ou perfusion continue
Téicoplanine Adulte : endocardites et infections Dose de charge : 800 mg (12 mg/kg) toutes les 12 h pendant 3 à 5 administrations
ostéoarticulaires Dose d’entretien : 12 mg/kg en 1 administration/j
Adulte : autres indications Dose de charge : 400 mg (6 mg/kg) toutes les 12 h pendant 3 administrations
Dose d’entretien : 6 mg/kg en 1 administration/j
Enfant de 2 mois à 12 ans : toutes Dose de charge : 10 mg/kg toutes les 12 h pendant 3 administrations
indications Dose d’entretien : 6 à 10 mg/kg en 1 administration/j
Nouveau-né et enfant < 2 mois : Dose de charge : 16 mg/kg, dose unique le 1er jour
toutes indications Dose d’entretien : 8 mg/kg en 1 administration/j

impérativement être individualisée dans le traitement 12 heures chez l’adulte normorénal. La demi-vie
des infections systémiques par voie parentérale, est considérablement allongée en cas d’insuffi­
en fonction notamment de l’indication, de la sance rénale, jusqu’à 150 heures chez les patients
fonction rénale, de l’âge, des concentrations plas­ ayant une clairance de la créatinine (ClCr) infé­
matiques (voir ci-après) et de la sensibilité de la rieure à 10  ml/min [4]. Quand la vancomycine
bactérie identifiée. est administrée par voie orale, le passage sys­
témique semble faible, voire nul.
Concernant la téicoplanine, sa diffusion tissulaire
Pharmacocinétique est similaire à celle de la vancomycine. Le Vd est
de 0,9 à 1,6 l/kg. Elle semble mieux diffuser dans
Après administration par voie intraveineuse, la l’os mais ne pénètre pas dans les méninges. Elle est
vancomycine diffuse dans la plupart des tissus. La davantage liée aux protéines plasmatiques que la
diffusion dans l’os est limitée d’où la nécessité de vancomycine (90-95 %). La téicoplanine n’est pra­
posologies et de concentrations plasmatiques plus tiquement pas métabolisée (2 à 3 % de la dose) et
élevées dans le traitement des infections ostéoar­ est éliminée presque exclusivement par le rein sous
ticulaires. La pénétration dans les méninges saines forme inchangée. Sa demi-vie terminale est parti­
est très faible, mais elle est augmentée en cas culièrement longue, de l’ordre de 83 à 168 heures.
d’inflammation. Dans le traitement des ménin­ Seul un tiers de la dose est éliminé après 24 heures
gites, il est recommandé d’administrer la vanco­ et l’élimination de la totalité de la dose nécessite
mycine en perfusion continue afin de maintenir 25  jours Par conséquent, l’état d’équilibre des
une concentration élevée constante dans le LCS. concentrations n’est pas atteint avant plusieurs
Le volume de distribution varie entre 0,4 et jours (sept à dix  jours), délai rallongé en cas
1  l/kg. La liaison aux protéines plasmatiques d’insuffisance rénale. Du fait de cette demi-vie
est faible, elle varie entre 25 et 55  % d’après la longue, un schéma posologique spécifique est
littérature. La vancomycine se lie principalement utilisé avec une dose de charge répartie sur les
à l’albumine et aux immunoglobulines A (IgA). premiers jours de traitement afin d’atteindre rapi­
La vancomycine n’est pas métabolisée dans dement des concentrations efficaces.
l’organisme. Elle est excrétée par le rein sous La vancomycine et la téicoplanine étant prin­
forme inchangée, 75 à 90  % de la dose sont cipalement éliminées par voie rénale sous forme
éliminés dans les urines après 24  heures chez le inchangée, on observe une forte variabilité de la
patient normorénal après administration d’une pharmacocinétique et des besoins posologiques
dose unique. La demi-vie terminale est de 6 à dans les populations caractérisées par une
Chapitre 2. Glycopeptides 35

modification de la fonction rénale  : insuffisant vancomycine n’est pas le temps passé au-dessus
rénal, sujet âgé, nouveau-né. de la CMI (T  >  CMI) mais le ratio AUC/CMI

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Chez le nouveau-né, la clairance plasmatique [12]. Au final, l’effet de la vancomycine apparaît
de la vancomycine dépend de la fonction rénale, exposition-dépendant tout en étant relativement
mais aussi du poids et de l’âge gestationnel [5-7]. indépendant du pic de concentration.
Des recommandations posologiques chez le Une relation entre la Cmin et l’efficacité du
nouveau-né prenant en compte ces différentes traitement a été montrée dans plusieurs études
variables sont disponibles (http://www.adhb. cliniques avec la vancomycine, une concen­
govt.nz/newborn/). tration comprise entre 15 et 20  mg/l étant
Chez le sujet âgé et l’insuffisant rénal, l’altéra­ généralement associée à un meilleur taux de
tion de la fonction rénale provoque une baisse de réponse au traitement [13]. Par ailleurs, des
la clairance plasmatique et une augmentation de la données récentes de la littérature indiquent que
demi-vie de la vancomycine et de la téicoplanine. le rapport AUC0-24/CMI est un facteur prédictif
Des schémas d’adaptation posologique selon la de l’efficacité du traitement par vancomycine,
fonction rénale sont proposés dans les RCP et une valeur seuil de 400 étant suggérée comme
dans de nombreux documents, par exemple la cible à atteindre. Ces valeurs sont identiques
base de médecine factuelle UpToDate (http:// pour une administration discontinue (Cmin) ou
www.uptodate.com/home). continue (Cmoy). Toutefois, des concentrations
Concernant la pharmacocinétique des glyco­ résiduelles ou moyennes plus élevées peuvent
peptides chez le patient dialysé, la vancomycine est être indiquées dans certains contextes compli­
en partie éliminée par les différentes techniques qués (endocardite, infection ostéoarticulaire,
d’épuration extrarénale, mais la clairance de la van­ germe de sensibilité diminuée, etc.), allant
comycine varie de façon considérable en fonction jusqu’à 30  mg/l en cas d’administration dis­
des caractéristiques de la méthode d’épuration continue et 40 mg/l en perfusion continue.
(type de filtre, débit) allant de 15 à 100 ml/min La relation concentration-néphrotoxicité de la
[8, 9]. La téicoplanine est aussi éliminée en partie vancomycine reste encore aujourd’hui discutable.
par hémodialyse et hémofiltration, mais moins Certaines données récentes retrouvent une corré­
efficacement que la vancomycine, du fait de sa lation significative entre la Cmin de vancomycine
plus forte liaison aux protéines plasmatiques. et la néphrotoxicité. Une méta-analyse a estimé
À l’inverse, dans certaines situations (choc que maintenir des Cmin initiales de vancomycine
septique, patient jeune, obèse, grand brûlé ou supérieures ou égales à 15  mg/l augmentait le
neutropénique), on observe une augmentation de risque de néphrotoxicité d’un facteur 3 environ
la clairance rénale de la vancomycine, ce qui jus­ par rapport à des valeurs inférieures à 15  mg/l
tifie l’emploi de posologies supérieures pour être [14]. Dans le cadre d’une administration conti­
efficace [10, 11]. nue, il a été observé qu’une concentration de
vancomycine à l’état d’équilibre supérieure ou
égale à à 28 mg/l était corrélée à un risque plus
Relations PK/PD important de néphrotoxicité [15]. Deux éléments
sont toutefois à préciser  : la vancomycine étant
Vancomycine et téicoplanine sont des antibio­ principalement éliminée par filtration gloméru­
tiques qualifiés traditionnellement de temps- laire, toute cause d’altération de la fonction rénale
dépendant (cf. « Généralités »). Pour cette raison, entraîne une augmentation des concentrations
l’indice d’exposition le plus utilisé pour le suivi plasmatiques compliquant ainsi l’interprétation
thérapeutique des glycopeptides a longtemps de la relation concentration-neéphrotoxicité de
été la concentration résiduelle), mesurée juste la vancomycine. Par ailleurs, la néphrotoxicité
avant l’administration de la dose suivante de dépend également d’autres facteurs dont la durée
l’antibiotique. Cependant, le paramètre PK/PD du traitement, la coadministration d’agents
le mieux corrélé à l’effet bactéricide de la néphrotoxiques dont les aminosides, très souvent
36 Antibiotiques

associés, ou d’agents vasopresseurs et la présence mélange de composés, l’interprétation du dosage


d’une fonction rénale altérée au début du traite­ doit tenir compte de la méthode utilisée et du

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ment. La mise en place d’un suivi thérapeutique ou des composé(s) quantifié(s). Les méthodes
pharmacologique permettra de mieux contrôler d’immuno-dosage quantifient la somme des
l’efficacité et la toxicité de la vancomycine [16]. composés actifs. Les techniques de chromatogra­
Concernant l’ototoxicité de la vancomycine, phie, plus spécifiques, peuvent parfois ne quantifier
celle-ci est très rare en monothérapie. Les don­ que le composé A2-2 majoritaire. Pour une même
nées disponibles sont pauvres et n’indiquent pas concentration réelle de téicoplanine totale, le
de relation avec les concentrations sanguines de résultat par un dosage en HPLC sera dans ce
vancomycine [17]. Les autres effets indésirables cas inférieur à celui obtenu avec une technique
de la vancomycine ne semblent pas être corrélés à immuno-enzymatique comme la fluorescence pola-
la concentration. rization immunoassay (FPIA) [23]. C’est la raison
Pour la téicoplanine, des données cliniques plus pour laquelle des cibles différentes pour le STP
limitées indiquent également une relation concen­ sont indiquées dans le RCP de la téicoplanine.
tration-effet, une Cmin supérieure à 10 mg/l étant Cependant, quand la somme des composés A2
associée à un taux de guérison plus élevé que des est quantifiée par HPLC, il n’y a pas de différence
valeurs inférieures à ce seuil [18, 19]. Des données significative entre les deux méthodes [23].
plus récentes indiquent que le ratio AUC/CMI Le STP de la vancomycine et de la téicoplanine
serait, comme pour la vancomycine, prédictif de est recommandé dans le RCP de ces deux antibio­
l’efficacité et de la prévention de la résistance acquise tiques et par le groupe de travail « Suivi thérapeu­
[20,  21], mais des études confirmatoires sont tique pharmacologique  » de la Société française
nécessaires. Des données non publiées du fabricant de pharmacologie et thérapeutique [16, 24]. En
ont montré une incidence significativement accrue effet, ces antibiotiques réunissent les critères jus­
d’élévation de la créatininémie chez des patients tifiant un STP :
ayant des Cmin supérieures à 60 mg/l par rapport • variabilité pharmacocinétique interindividuelle
à ceux ayant des concentrations comprises entre est importante ;
20 et 40  mg/l (11 versus 33  %) [22]. Des cas • relation quantitative entre les concentrations et
d’ototoxicité associée à l’utilisation de téicoplanine les effets pharmacologiques recherchés ainsi que
ont été décrits, mais aucune relation concentration- les effets toxiques à éviter (néphrotoxicité) ;
effet n’a été établie. Comme pour la vancomycine, • marge thérapeutique limitée  : l’efficacité et la
les autres effets indésirables de la téicoplanine ne toxicité augmentent avec les concentrations
semblent pas être corrélés à la concentration. (taux résiduel en particulier) et la zone cible de
concentration optimale est étroite.
L’intérêt clinique du STP a été montré dans
STP plusieurs études et une méta-analyse. Il permet
globalement d’augmenter l’efficacité et de dimi­
Le dosage des glycopeptides peut être réalisé sur nuer la néphrotoxicité [25].
plasma ou sérum. Pour la vancomycine, il existe de Les cibles de concentration usuelle pour les
nombreuses méthodes de dosage immuno-enzyma­ glycopeptides sont indiquées dans le tableau 2.3.
tiques sur automates. Avec ces méthodes, le résultat La concentration résiduelle (Cmin) cible des
est obtenu en moins d’une heure. La vancomycine glycopeptides, vancomycine et téicoplanine est
peut également être dosée par des techniques de à moduler en fonction de la CMI du germe
chromatographie liquide, mais leur emploi est plus et du risque individuel de néphrotoxicité. La
rare. concentration de vancomycine doit toujours être
La téicoplanine peut également être dosée par supérieure à 10 mg/l pour prévenir l’émergence
des méthodes immuno-enzymatique sur auto­ de résistance, mais une Cmin comprise entre 15
mates ou par des techniques de chromatogra­ et 20  mg/l est nécessaire en cas d’infection à
phie liquide (HPLC). La téicoplanine étant un S.  aureus avec une CMI supérieure à 1  mg/l
Chapitre 2. Glycopeptides 37

Tableau 2.3. Cibles de concentration des glycopeptides


majorant potentiellement le risque de néphro­
toxicité et d’ototoxocité. La coadministration de la

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pour le suivi thérapeutique.
vancomycine ou de la téicoplanine avec d’autres
Glycopeptide Cible de concentration
médicaments néphrotoxiques ou ototoxiques est par
Vancomycine Toutes infections :
perfusion discontinue : Cmin : 15-20 mg/l jusqu’à
principe à éviter, en particulier les aminosides, la
30 mg/l dans les infections ostéoarticulaires ou colistine, l’amphotéricine B, la ciclosporine, le cis­
AUC/CMI > 400 platine, le furosémide. On retiendra surtout l’asso­
perfusion continue : Cmoy : 20-25 mg/l allant ciation aminoside et vancomycine qui, bien que
jusqu’à 40 mg/l dans les infections ostéoarticu-
laires ou AUC/CMI > 400
parfois nécessaire dans le traitement de certaines
infections (endocardites), présente une «  synergie
Téicoplaninea Endocardite infectieuse : Cmin > 30 mg/l
Infections ostéoarticulaires : Cmin > 20 mg/l
toxique » établie. Dans ce contexte, la mise en place
Autres infections : Cmin > 15 mg/l du STP de ces deux molécules prend tout son sens.
aPour la téicoplanine, les cibles indiquées sont celles valables pour la Des données croissantes semblent confirmer
méthode de dosage FPIA. l’existence d’une interaction entre la pipéracil­
line/tazobactam et la vancomycine, l’association
[16, 17]. Cependant, des Cmin plus importantes, majorant la néphrotoxicité par rapport à l’asso­
de l’ordre de 25 à 30 mg/l en discontinu et 25 ciation de la vancomycine avec d’autres bêtalac­
à 40  mg/l en continu peuvent être nécessaires tamines [27]. Le mécanisme n’est pas élucidé,
en cas d’infections sévères (endocardite) ou pro­ mais il est connu qu’il existe une incompatibilité
fondes comme les infections ostéoarticulaires, afin physicochimique entre ces deux molécules. Cette
de maximiser la concentration au niveau du site association à large spectre étant assez courante à
infecté, mais au prix d’un risque accru de toxicité. l’hôpital, il convient désormais d’en tenir compte.
Des données récentes suggèrent d’atteindre un Il existe par ailleurs des incompatibilités phy­
ratio AUC0-24/CMI supérieur ou égal à 400 sicochimiques entre les glycopeptides et divers
pour optimiser la réponse au traitement. Ce ratio médicaments. La vancomycine ne doit pas être
pourrait constituer une nouvelle cible pour le STP administrée en mélange ou en Y avec les céphalos­
[17, 26] mais pose deux problèmes : l’obtention porines injectables, la pipéracilline/tazobactam,
de la CMI du pathogène en routine et le calcul de les IPP, le furosémide et l’héparine sodique. La
l’AUC. En effet, bien que partiellement corrélée, la téicoplanine est incompatible avec les amino­
Cmin ne constitue pas un bon prédicteur de l’AUC, sides (pharmacie des Hôpitaux Universitaires de
celle-ci pouvant varier d’un facteur 3 à 5 pour une Genève, http://pharmacie.hug-ge.ch/).
même Cmin de vancomycine administrée de façon
discontinue. Au final, seule l’approche bayésienne
permet une détermination simple et fiable de Effets indésirables
l’AUC et pourrait être particulièrement utile pour
contrôler la cible AUC0-24/CMI supérieure à 400 Avec les glycopeptides, on craint principalement
pour la vancomycine en routine clinique. la néphrotoxicité. Ils peuvent provoquer une
Concernant la téicoplanine, les Cmin cibles nécrose tubulaire aiguë ou une néphrite intersti­
indiquées dans le RCP varient en fonction de la tielle, généralement réversible, se traduisant bio­
méthode de dosage (cf. supra) et de l’indication, logiquement par une hausse de la créatininémie et
allant de 15 à 30 mg/l. une baisse de la ClCr. Comme ces médicaments
sont éliminés presque exclusivement par le rein,
toute altération de la fonction rénale provoque
Interactions une accumulation des glycopeptides qui peut elle-
médicamenteuses même aggraver le problème rénal, créant un cer­
cle vicieux de toxicité. Le risque de néphrotoxicité
Les interactions médicamenteuses cliniquement augmente avec la durée du traitement, la concen­
significatives des glycopeptides sont celles tration plasmatique, l’existence d’une insuffisance
38 Antibiotiques

rénale préexistante et la coadministration d’agents Contre-indications


néphrotoxiques. La téicoplanine semble moins

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néphrotoxique que la vancomycine. Les seules contre-indications officielles des gly­
Parmi les autres effets indésirables, on retiendra : copeptides sont les antécédents de réactions
• des réactions d’intolérance locale et des throm­ d’hypersensibilité et l’allaitement maternel pour la
bophlébites au point d’injection, surtout avec vancomycine uniquement, mais celle-ci ne semble
la vancomycine. Elles sont favorisées par l’usage pas fondée (cf. infra).
de la perfusion continue et de solutions concen­
trées ;
• le « red man syndrome », en français syndrome
de l’homme (ou du cou) rouge. Il s’agit d’une Grossesse et allaitement
réaction d’histamino-libération avec rougeurs,
chaleurs et bouffées vasomotrices (« flush ») au La vancomycine franchit le placenta, avec un ratio
niveau de la tête et du cou, prurit et douleurs de concentration sanguine fœtus-mère estimé à
musculaires du haut du corps. Cette réaction 0,76 et passe dans le lait maternel (fraction de la
survient principalement avec la vancomycine, dose maternelle estimée à 6  % d’après le Centre
surtout si elle est administrée trop rapidement de référence sur les agents tératogène (CRAT)
en intraveineuse. Pour la prévenir, les perfu­ (http://lecrat.fr/). Cependant, aucun effet téra­
sions doivent durer au moins une heure ; togène ni fœtotoxique n’a été observé, chez
• des troubles hématologiques  : neutropénie, l’animal comme chez l’homme. La vancomycine
éosinophilie, rapidement réversibles à l’arrêt du est donc utilisable en cas de grossesse quel que
traitement ; soit le terme. Elle est utilisable aussi en cas d’allai­
• l’ototoxicité, mais beaucoup plus rare qu’avec tement, sauf chez un enfant prématuré ou avec
les aminosides. une altération de la fonction rénale.
Les données disponibles sont beaucoup plus
pauvres concernant la téicoplanine. Le RCP

Tableau 2.4. Caractéristiques des nouveaux lipoglycopeptides (d’après [28]).


Molécule Indications autorisées Posologie Pharmacocinétique Pharmacodynamie
Télavancine Pneumonies nosocomiales ClCr > 50 ml/min : 10 mg/ Liaison aux protéines : 93 % Bactéricide concen-
de l’adulte à SARM kg/24 h Vd : 0,12 l/kg tration-dépendante
SMR insuffisant, non ClCr de 30 à 50 ml/min : 7,5 mg/ Excrétion rénale : 72 % Actif sur VRSA et
remboursé (avis HAS 2015a) kg/24 heures Demi-vie terminale : 7,5 heures C. difficile
Oritavancine Infections aiguës de la peau Dose unique de 1200 mg en Liaison aux protéines : 90 % Bactéricide concen-
et des tissus mous de perfusion de 3 heures Vd : 1,08 l/kg tration -dépendante
l’adulte Excrétion rénale : < 5 % Actif sur VRSA et C.
ASMR V (avis HAS 2015)b Demi-vie terminale : 195 heures difficile
Dalbavancine Infections aiguës de la peau ClCr > 30 ml/min : dose unique Liaison aux protéines : > 99 % Bactéricide non
et des tissus mous de de 1500 mg ou 1000 mg puis Vd : 10-15 l/kg concentration-
l’adulte 500 mg une semaine après Excrétion rénale : 42 % dépendante
ASMR V (avis HAS 2016)c ClCr < 30 ml/min demi-vie terminale : 257 heures Inactif sur VRSA,
Dose unique de 1000 mg ou actif sur C. difficile
750 mg puis 375 mg une
semaine après
Perfusion de 30 min
HAS : Haute Autorité de santé ; ASMR : Amélioration du service médical rendu.
a http://www.has-sante.fr/portail/upload/docs/application/pdf/2015-08/vibativ_pic_ins_pa_retrait_def_ct14189.pdf
b http://www.has-sante.fr/portail/upload/docs/evamed/CT-14548_ORBACTIV_PIC_INS_Avis2_CT14548.pdf
c http://www.has-sante.fr/portail/upload/docs/evamed/CT-15615_XYDALBA_PIC_INS_Avis1_CT15615.pdf
Chapitre 2. Glycopeptides 39

mentionne une toxicité périnatale et sur la repro­ vancomycin in neonates, infants and children. Clin
duction chez l’animal, mais il n’y a aucun élément Pharmacokinet 1997;33:32–51.

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[6] Anderson BJ, Allegaert K, Van den Anker JN, Cossey
inquiétant rapporté chez l’homme à ce jour. Le
V, Holford NH. Vancomycin pharmacokinetics in
passage dans le lait maternel n’est pas connu, mais preterm neonates and the prediction of adult clea­
la demi-vie longue peut être un facteur de risque rance. Br J Clin Pharmacol 2007;63:75–84.
d’accumulation. Lorsqu’un glycopeptide est indiqué, [7] Marsot A, Boulamery A, Bruguerolle B, Simon N.
il est ainsi recommandé de préférer la vancomycine Vancomycin: a review of population pharmacokinetic
à la téicoplanine en cas de grossesse et d’allaitement. analyses. Clin Pharmacokinet 2012;51:1–13.
[8] Touchette MA, Patel RV, Anandan JV, Dumler F,
Zarowitz BJ. Vancomycin removal by high-flux
polysulfone hemodialysis membranes in critically ill
Lipoglycopeptides patients with end-stage renal disease. Am J Kidney
Dis 1995;26:469–74.
Les caractéristiques notables des trois lipoglyco­ [9] Joy MS, Matzke GR, Frye RF, Palevsky PM.
Determinants of vancomycin clearance by conti­
peptides, télavancine, dalbavancine et oritavan­
nuous venovenous hemofiltration and continuous
cine, sont résumées dans le tableau 2.4 [28]. On venovenous hemodialysis. Am J Kidney Dis
retiendra que la télavancine a des propriétés phar­ 1998;31:1019–27.
macocinétiques proches de celles de la vancomycine [10] Udy AA, Putt MT, Shanmugathasan S, Roberts
et qu’elle peut être active sur des souches de sta­ JA, Lipman J. Augmented renal clearance in the
phylocoque résistantes à celle-ci. Oritavancine et Intensive Care Unit: an illustrative case series. Int J
Antimicrob Agents 2010;35:606–8.
dalbavancine sont caractérisées par une excrétion
[11] Hirai K, Ishii H, Shimoshikiryo T, Shimomura T,
rénale faible et une demi-vie d’élimination très Tsuji D, Inoue K, et  al. Augmented Renal Clea­
prolongée permettant des schémas posologiques rance in Patients With Febrile Neutropenia is
particuliers avec une administration unique ou Associated With Increased Risk for Subtherapeutic
deux administrations très espacées. Contrairement Concentrations of Vancomycin. Ther Drug Monit
à l’oritavancine, la dalbavancine est inactive sur les 2016;38:706–10.
[12] Rybak MJ. The pharmacokinetic and pharmaco­
staphylocoques résistants à la vancomycine.
dynamic properties of vancomycin. Clin Infect Dis
2006;42 Suppl 1:S35–9.
Références [13] Kullar R, Davis SL, Levine DP, Rybak MJ. Impact
[1] Barbot A, Venisse N, Rayeh F, Bouquet S, Debaene of vancomycin exposure on outcomes in patients
B, Mimoz O. Pharmacokinetics and pharmacody­ with methicillin-resistant Staphylococcus aureus bac­
namics of sequential intravenous and subcutaneous teremia: support for consensus guidelines suggested
teicoplanin in critically ill patients without vasopres­ targets. Clin Infect Dis 2011;52:975–81.
sors. Intensive Care Med 2003;29:1528–34. [14] van Hal SJ, Paterson DL, Lodise TP. Systematic
[2] Forestier E, Paccalin M, Roubaud-Baudron C, Fraisse review and meta-analysis of vancomycin-induced
T, Gavazzi G, Gaillat J. Subcutaneously administered nephrotoxicity associated with dosing schedules
antibiotics: a national survey of current practice from that maintain troughs between 15 and 20 milli­
the French Infectious Diseases (SPILF) and Geriatric grams per liter. Antimicrob Agents Chemother
Medicine (SFGG) society networks. Clin Microbiol 2013;57:734–44.
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Chapitre 3

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Fosfomycine
Sylvain Goutelle, Romain Guilhaumou

Points-clés Tableau 3.1. Présentation de fosfomycine disponible


j La fosfomycine est un antibiotique bactéricide à en France en 2017.
large spectre, seul représentant de sa classe. DCI Spécialités
j Sur le plan pharmacocinétique, la fosfomycine
Fosfomycine sodique Fosfocine®
est caractérisée par une demi-vie courte et une
Générique
forte élimination rénale sous forme inchangée.
j La fosfomycine est commercialisée sous deux Fosfomycine-trométamol Monuril®
Uridoz®
formes chimiques, la fosfomycine sodique et
Générique
la fosfomycine-trométamol, dont l’utilisation
et les indications sont distinctes.
j La fosfomycine sodique est utilisée en perfusion
intraveineuse dans le traitement des infections
sévères dues à des germes souvent multirésistants de la paroi bactérienne des bactéries à Gram
et doit toujours être associée à un autre antibiotique positif et négatif en agissant à une étape très
pour prévenir l’émergence de résistances acquises.
précoce. La fosfomycine inhibe l’énoltransférase
j La fosfomycine-trométamol est le traitement de choix
des infections urinaires non compliquées de la femme
pyruvate, enzyme indispensable à la biosynthèse
(enceinte ou non enceinte), en dose unique per os. d’un précurseur de l’acide N-acétylmuramique,
motif de base du peptidoglycane de la paroi
bactérienne. C’est un antibiotique bactéricide.
Médicaments existants La fosfomycine pénètre dans les bactéries en
utilisant deux systèmes de transport possible  :
La fosfomycine est l’unique médicament de sa celui du glycérophosphate et celui des hexose-
classe. Découverte en 1969, elle est commer- monophosphates, ce dernier nécessitant la pré-
cialisée en France sous deux présentations  : une sence de glucose-6-phosphate pour être actif.
forme injectable de fosfomycine sodique réservée Un mécanisme important de résistance à la
à l’usage hospitalier et une forme orale d’un fosfomycine est la modification de ces systèmes
sel stable de fosfomycine-trométamol (ou tro- de transport.
methamine en anglais). Ces deux présentations
correspondent à des indications différentes de
l’antibiotique (tableau 3.1).
Spectre et indications
Structure La fosfomycine possède un spectre antibacté-
et mécanisme d’action rien large, incluant des bactéries à Gram positif
dont les staphylocoques (sensibles et résistants
La fosfomycine est une petite molécule dérivée à la méticilline), les entérocoques, le pneumo-
de l’acide phosphorique et un analogue du coque (Streptococcus pneumoniae) et des espèces à
phosphoénolpyruvate. Elle inhibe la synthèse Gram négatif dont la plupart des entérobactéries
Pharmacologie des anti-infectieux
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42 Antibiotiques

responsables d’infections urinaires (Escherichia compliquée de la femme. Une prise unique de


coli, Klebsiella sp, Proteus sp, Enterobacter sp), mais 3 g est suffisante dans cette indication (traitement

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aussi N.  meningitidis, Pseudomonas aeruginosa minute). Cet antibiotique peut également être
et Haemophilus influenzae. À noter cependant utilisé dans l’antibioprophylaxie des cystites réci-
que l’espèce Staphylococcus saprophyticus parfois divantes (prise hebdomadaire de 3 g pendant au
à l’origine d’infection urinaire est naturellement moins six mois).
résistante, de même que les streptocoques. La Les infections urinaires de la femme enceinte
concentration critique séparant les souches sen- (colonisation gravidique et cystite aiguë gravi-
sibles des souches résistantes varie de 8 à 32 mg/l dique) peuvent également être traitées par fos-
selon les espèces (données de l’EUCAST, http:// fomycine-trométamol en prise unique [1]. La
www.eucast.org/). Il existe un regain d’intérêt fosfomycine-trométamol n’est pas indiquée dans
pour cet antibiotique ancien en raison de son le traitement des infections urinaires masculines.
activité sur des bactéries multirésistantes comme Des publications récentes suggèrent cependant
les staphylocoques résistants à la méticilline et à la son intérêt potentiel dans les prostatites dues à
vancomycine et les EBLSE. Cependant, lorsque des germes multirésistants, qui est soutenu par
la fosfomycine est utilisée en monothérapie par des données pharmacocinétiques indiquant une
voie générale, la résistance acquise apparaît rapi- bonne diffusion prostatique.
dement. Les mécanismes principaux de résis-
tances sont les mutations chromosomiques des
gènes codants pour les systèmes de transport
Pharmacocinétique
intrabactérien de la fosfomycine et l’inactivation
intracellulaire de la fosfomycine (mécanisme plas- La fosfomycine n’est pas absorbée par voie orale.
midique). De ce fait, la fosfomycine doit toujours Par voie injectable, la fosfomycine est administrée
être utilisée en association pour le traitement des en perfusion prolongée (4 heures) pour éviter une
infections systémiques (hors cystite). veinite locale. La posologie recommandée chez
Les indications officielles de la fosfomycine l’adulte et l’enfant est de 100 à 200  mg/kg/j
injectable sont peu détaillées. Selon le RCP, ce en plusieurs perfusions d’une durée de 4 heures,
sont les «  infections sévères dues aux germes pour une fonction rénale normale. Chez l’adulte,
définis en pharmacodynamie comme sensibles  ». les schémas usuels sont de 4 g toutes les 6, 8 ou
En pratique, les indications les plus courantes de 12 heures.
la fosfomycine par voie parentérale incluent :
• les méningites et infections cérébrales (ventricu- Distribution
lites) à staphylocoque, y compris les souches résis-
tantes à la méticilline. Dans cette indication, on La fosfomycine diffuse très bien dans la plupart
associe généralement la fosfomycine à une C3G ; des tissus du fait de sa petite taille, de son hydro-
• les infections ostéoarticulaires, en association à solubilité et de sa faible fixation aux protéines
une C3G ; plasmatiques (< 10 %). Elle pénètre notamment
• les endocardites à staphylocoques, en associa- bien au niveau du SNC, des tissus mous, des
tion avec la vancomycine ; poumons, des valves cardiaques et du tissu osseux
• Les infections des tissus mous et du pied diabé- où elle est partiellement chélatée [2].
tique, souvent en association avec la clindamy-
cine ou le méropénem ; Métabolisme
• Les infections à P.  aeruginosa, en association
avec un autre antibiotique actif, le plus souvent Élimination : la fosfomycine n’est pas métabolisée
la ciprofloxacine. et n’est pas excrétée dans la bile. Elle est élimi-
La fosfomycine-trométamol est actuellement née exclusivement sous forme inchangée dans les
l’antibiotique recommandé en 1re intention dans urines. Sa demi-vie est courte chez les patients ayant
le traitement probabiliste de la cystite aiguë non une fonction rénale normale, environ deux heures.
Chapitre 3. Fosfomycine 43

Elle s’allonge sensiblement en cas d’altération de la antibiotiques, son usage peut être associé à une
fonction rénale, atteignant en moyenne 16 heures augmentation de l’INR chez les patients sous AVK.

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chez des patients ayant une ClCr moyenne de L’absorption de la fosfomycine-trométamol est
18 ml/min [3]. Cela justifie d’adapter la posologie diminuée par les aliments. La prise à jeun est donc
en cas d’insuffisance rénale. Le RCP propose de recommandée pour optimiser l’efficacité.
conserver la dose unitaire de 4 g chez l’adulte mais Enfin, il convient d’éviter l’association de la fos-
d’allonger l’intervalle posologique par palier selon fomycine injectable à d’autres médicaments riches
la ClCr, à partir de 60 ml/min. en sels chez les patients présentant une hyper-
Les propriétés physicochimiques de la fos- natrémie ou ayant un régime hyposodé.
fomycine (faible poids moléculaire, hydrophilie)
et sa très faible liaison aux protéines sont des
facteurs favorisant a priori son élimination par les Effets indésirables
techniques d’épuration extrarénale, et cela a été
confirmé par plusieurs études [4,  5]. Une étude Par voie orale, les effets indésirables les plus
récente chez des patients sous hémofiltration sug- fréquents de la fosfomycine-trométamol sont les
gère que l’épuration extrarénale est suffisamment troubles gastro-intestinaux, les vaginites, les maux
efficace pour ne pas réduire la posologie et utiliser de tête et vertiges [2]. La forme injectable de
les mêmes doses que chez les patients avec une fosfomycine sodique peut provoquer en outre des
fonction rénale normale [6]. réactions au point d’injection (veinite).
Concernant la forme orale, l’association au tro-
métamol permet d’obtenir une biodisponibilité
de 40 à 50 % environ par la formation d’une paire
Contre-indications
d’ions entre les deux molécules. Le pic est atteint
après 2 à 2,5 heures. La demi-vie moyenne est de La fosfomycine sodique injectable représente un
5,7 heures chez l’adulte normorénal. Après une apport en sel important (1 g de fosfomycine sodique
dose orale de 3  g, les concentrations urinaires contient 0,8 g de NaCl). Elle peut donc provoquer
sont fortes et se maintiennent à des niveaux bac- une hypernatrémie. Ce risque doit être pris en
téricides (> 128 mg/l) pendant 24 à 48 heures. compte chez les patients nécessitant un régime
hyposodé ou en cas d’hypernatrémie préexistante.
La surcharge sodée peut également provoquer une
Relations PK/PD hypokaliémie secondaire. La seule contre-indication
est une hypersensibilité connue à la fosfomycine.
Les relations PK/PD de la fosfomycine sont
encore mal connues. Des données in vitro et in
vivo suggèrent un effet concentration-dépendant
sur les entérobactéries et le pneumocoque [7, 8],
Grossesse et allaitement
tandis que d’autres études ont rapporté une bac-
téricidie temps-dépendante vis-à-vis de S.  aureus Les données sur la fosfomycine chez la femme
[9]. L’émergence de la résistance semble être un enceintes sont limitées (environ 20 grossesses au
phénomène temps-dépendant chez E.  coli [10]. 1er trimestre, 300 aux 2e et 3e trimestres) mais
Du fait de ce manque de données PK/PD, le STP rassurantes. Aucun effet malformatif, fœtotoxique
n’est pas recommandé pour la fosfomycine. ou néonatal n’a été rapporté. Par ailleurs, plusieurs
études ont validé son efficacité dans le traitement
de la colonisation urinaire gravidique [1].
Interactions Concernant l’allaitement, la fosfomycine diffuse
médicamenteuses peu dans le lait maternel (moins de 1 % de la dose
maternelle) et aucun effet n’a été signalé chez les
Il n’y a pas d’interaction médicamenteuse majeure enfants exposés. L’utilisation est donc possible en
avec la fosfomycine. Comme de nombreux cas d’allaitement (CRAT : www.lecrat.fr).
44 Antibiotiques

Références venovenous haemofiltration. J Antimicrob Chemo-


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pharmacokinetics of fosfomycin during continuous
Chapitre 4

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Antituberculeux
Élise Pape, Thomas Schiestel, Françoise Lapicque, Jean-Yves Jouzeau, Nicolas Gambier, Julien Scala-Bertola

Points-clés • diffusion par le circuit lymphatique et atteintes


j Traitement 1re ligne : quadrithérapie (rifampicine, extrapulmonaires (formes méningées, cutanées,
isoniazide, pyrazinamide et éthambutol) rénales, intestinales ou génitales).
pendant deux mois puis bithérapie (rifampicine Lors d’une primo-infection, la tuberculose
et isoniazide) pendant quatre mois.
pulmonaire apparaît après une phase asymptoma-
j Effet inducteur enzymatique puissant de la
rifampicine : risques d’interactions médicamenteuses
tique pouvant durer de un à trois mois. La tuber-
(antirétroviraux, immunosuppresseurs, anticancéreux, culose se caractérise par une toux prolongée, une
médicaments cardiovasculaires, etc.). hémoptysie, des douleurs thoraciques, une perte
j Nombreux effets indésirables : hépatiques, de poids, une asthénie et de la fièvre. La maladie
neurologiques, oculaires, cutanés, gastro-intestinaux. peut prendre par la suite d’autres formes : tuber-
j Toxicité hépatique majorée par l’association culose miliaire, tuberculose extrapulmonaire.
isoniazide-rifampicine-pyrazinamide.
j Facteurs de risque : atteintes hépatiques ou
rénales, carences en pyridoxine, antirétroviraux,
acétyleurs lents, intermittence des traitements. Objectifs du traitement
j Surveillance : observance du traitement,
surveillance clinicobiologique et radiographique, Le traitement antituberculeux a trois objectifs
plus ou moins STP (inobservance, insuffisance principaux :
hépatique, antirétroviraux, etc.). • diminuer rapidement le nombre des bacilles
en croissance afin de réduire la sévérité de la
Rappels physiopathologiques maladie et de prévenir la transmission de l’agent
infectieux ;
La tuberculose est provoquée par Mycobacterium • éradiquer tous les foyers restants afin de garantir
tuberculosis (bacille de Koch), une bactérie non une guérison durable et prévenir une éventuelle
sporulante et aérobie stricte, caractérisée par la rechute après arrêt du traitement ;
présence d’une paroi, formée notamment d’acides • prévenir l’apparition de résistances au traite-
mycoliques. La bactérie se transmet à l’homme ment.
par voie aérienne (gouttelettes). La physiopa-
thologie de la maladie est à ce jour bien connue :
• infiltration de la bactérie dans le parenchyme Principales molécules
pulmonaire ;
• phagocytose par les macrophages avec réaction La polychimiothérapie antituberculeuse est un
inflammatoire localisée ; traitement long d’une durée minimale de six
• formation d’un granulome (lésion primaire) ; mois. Le traitement curatif de première ligne
• guérison spontanée ou bien calcification du gra- associe de façon synergique dans sa phase intensive
nulome et naissance d’une caverne tuberculeuse initiale d’une durée de deux mois la rifampicine,
(lésion secondaire) ; l’isoniazide, le pyrazinamide et l’éthambutol.
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46 Antibiotiques

Cette quadrithérapie initiale est poursuivie pendant et EmbB) et des lipoarabinomannanes (EmbC),
quatre mois par une bithérapie de consolidation constituants essentiels de la paroi cellulaire des

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associant rifampicine et isoniazide. Dans le cas de mycobactéries. Les principales cibles pharmaco-
formes multirésistantes, le traitement de deuxième logiques des médicaments antituberculeux actuels
ligne fait appel à d’autres molécules (streptomy- et en devenir sont représentées dans la figure 4.1
cine, aminosides, fluoroquinolones, etc.). [1].

|
m
o
c
t.
o
Mécanisme d’action Relations PK/PD et STP

p
s
g
lo
.b
s
in
c
e
La rifampicine est l’antibiotique majeur du traite- En fonction de leur mode d’action, les médica-

d
e
m
ment antituberculeux. La rifampicine appartient ments antituberculeux peuvent être bactéricides

s
e
rd
à la famille des rifamycines, antibiotiques bac- (rifampicine, isoniazide, pyrazinamide) ou bacté-

o
s
e
tr
téricides bloquant la synthèse d’acide ribonu- riostatiques (éthambutol).

e
/l
:/
p
cléique (ARN) par inhibition de la sous-unité β La rifampicine est un antibiotique concen-

tt
h
|
s
de l’ARN polymérase bactérienne acide désoxy- tration-dépendant et demeure l’agent stérilisant

in
c
e
d
ribonucléique (ADN)-dépendante. L’isoniazide le plus puissant de l’arsenal thérapeutique antitu-

e
M
s
est le second antibiotique majeur du traitement berculeux. Il présente une efficacité tant contre

e
rD
o
antituberculeux. Après activation par la catalase/ les bacilles intracaverneux à croissance rapide,

s
re
T
peroxydase bactérienne KatG en adduits réactifs les bacilles intracaséeux à métabolisme ralenti
e
/L
e
.m

INH-NAD, l’isoniazide inhibe deux enzymes – que les bacilles intramacrophagiques quiescents.
/t
:/
s

InhA et KasA – impliquées dans la biosynthèse Les ratios AUC/CMI et Cmax/CMI sont les
p
tt
h

des acides mycoliques, constituants majeurs de la principaux paramètres PK/PD associés à une
|
s
in
c

paroi mycobactérienne. Contrairement aux autres efficacité de la rifampicine mais aussi à la pré-
e
d
e
M

agents antituberculeux, le pyrazinamide permet vention des échecs thérapeutiques. La valeur


s
e
rD

d’éliminer les mycobactéries à l’intérieure du gra- de Cmax habituellement observée deux heures
o
s
re

nulome. Cette capacité particulière du pyrazina- après une prise de 600  mg, dose actuellement
T
e
/L

mide a permis de réduire la durée du traitement recommandée, se situe entre 8 et 24 mg/l. Une
s
p
u
ro

de 9-12  mois à 6 mois. L’activité antitubercu­ concentration inférieure à 8 mg/l est considérée
/g
m
o

leuse  du pyrazinamide, spécifique à M.  tuber- comme insuffisante. Il n’y a pas d’utilité à mesu-
.c
k
o

culosis, semble liée à sa conversion en acide rer la concentraton résiduelle de rifampicine qui
o
b
e
c

pyrazinoïque – dont le système d’efflux est défi- est bien souvent indétectable.
a
.f
w
w

cient chez M. tuberculosis – par la pyrazinamidase, L’isoniazide est l’antibiotique le plus rapide-
w
|
s

enzyme absente des souches résistantes à cette ment bactéricide. L’activité bactéricide de l’iso-
in
c
e
d

molécule. Cependant, l’action de l’acide pyrazi- niazide est ainsi maximale lors des deux à quatre
e
M
s

noïque n’est pas totalement élucidée à ce jour. premiers jours de traitement lorsque la très grande
e
rD
o

Les principales hypothèses actuelles évoquent une majorité des bacilles sont en phase de multiplica-
s
re
T
e

inhibition de l’acide gras synthase de type I (FasI) tion. Au-delà de cette période, cet effet décline
/L
m
o

participant à la synthèse des acides mycoliques et drastiquement et l’isoniazide présente peu ou


.c
k
o

une inhibition du transport des nucléotides et des pas d’efficacité sur les bacilles des foyers caséeux.
o
b
e
c

acides aminés, nécessaires à la synthèse d’ARN L’activité bactéricide de l’isoniazide est corrélée
a
.f
w
w

et des protéines, par diminution du potentiel avec le ratio AUC/CMI mais aussi secondaire-
w
|

membranaire. L’éthambutol, considéré comme ment avec le ratio Cmax/CMI. La Cmax attendue,
le quatrième antibiotique de la quadrithérapie observée une à deux heures après une prise à jeun,
initiale, exerce son activité antituberculeuse par se situe entre 3 et 5 mg/l et entre 9 et 15 mg/l
inhibition de trois arabinosyltransférases : EmbA, pour des schémas d’administration respectifs de
EmbB et EmbC. Ces enzymes sont impliquées 300 mg par jour et de 900 mg deux à trois fois
dans la biosynthèse des arabinogalactanes (EmbA par semaine.
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Chapitre 4. Antituberculeux 47

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Figure 4.1. Cibles des médicaments antituberculeux.
Cibles actuelles (gauche) : Acide gras synthase (Fasl) ; énoyl-ACP réductase (InhA) ; β-ketoacyl ACP synthase (KasA) ;
arabinosyltransférase (EmbAB) ; D-alanyl-D-alanine ligase (Ddl) ; ARN polymerase ADN dépendante (RNA pol) ; ADN
gyrase, ribosome. Cibles potentielles (droite) : maltosyltransférase (GlgE) ; ATP synthase ; L,D-transpeptidase (Ldt) ; deca-
prenylphosphoryl-β-D-ribose 2’-epimerase (DprE1/E2) ; ATP phosphoribosyl transferase (HisG) ; mycothiol ligase (MshC) ;
mycolic acid cyclopropanation ; DosR (DevR) ; CarD ; methionine aminopeptidase (Fmt) ; deformylase (Def) ; complexe
proteasome ; isocitrate lyase (lcl).
Source : d’après [1].

Le pyrazinamide est un antibiotique bactéricide sur les bacilles intracaverneux et sur les bacilles
stérilisant dont l’efficacité est dose-dépendante. intramacrophagiques. L’utilisation de cet anti-
Néanmoins, l’optimisation d’efficacité pouvant biotique lors des deux premiers mois de phase
être obtenue par augmentation des doses doit initiale intensive permet d’empêcher l’apparition
être mise en balance avec la toxicité hépatique de résistance à la rifampicine dans le cas d’une
décrite avec le pyrazinamide dont la fréquence résistance non encore connue à l’isoniazide.
est jugée inacceptable au-delà de 50  mg/kg/ La dose recommandée pour l’éthambutol est
jour. La dose de 35 mg/kg/jour semble être une comprise entre 15 et 25  mg/kg/jour afin de
dose optimale permettant de garantir l’efficacité garantir l’efficacité du traitement tout en pré-
comme la sécurité du traitement. D’un point servant le patient du risque de toxicité oculaire
de vue PK/PD, un ratio AUC/CMI supérieur concentration-dépendante. La concentration
à 11 semble être le paramètre qui présente la maximale observée deux à trois heures après une
meilleure association avec l’activité stérilisante de prise de 20 à 25 mg/kg/jour se situe habituelle-
cette molécule. La Cmax habituellement observée ment entre 2 et 6 mg/l.
une à deux heures après la prise du médicament
se situe dans des valeurs comprises entre 20 et
60 mg/l. Des Cmax supérieures à 35 mg/l ont été Pharmacocinétique
le plus souvent associées à une évolution favorable
de la maladie. Le tableau 4.1 [2] récapitule les principaux para-
L’éthambutol est un antibiotique bacté- mètres pharmacocinétiques utiles des molécules
riostatique concentration-dépendant efficace de la quadrithérapie initiale antituberculeuse.
48 Antibiotiques

Tableau 4.1. Principaux paramètres pharmacocinétiques de la rifampicine, de l’isoniazide, du pyrazinamide

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et de l’éthambutol ainsi que la Cmax après administration d’une dose usuelle (respectivement
600, 300, 1600 et 1100 mg) (d’après [2]).
Molécule Biodisponibilité Liaison aux Tmax (h) Demi-vie (h) Élimination Cmax (µg/ml)
( %) protéines ( %)
Rifampicine 90 89 1-3 3,5 Biliaire après métabolisme 8-24
(métabolite actif : 25-désacétylri-
fampicine)
Isoniazide 40-80 ≈0 1-2 1,1 (acétyleur Urinaire sous forme inchangée 3-5
rapide) (9-30 %) et biliaire après
3,1 (acétyleur lent) métabolisme
Pyrazinamide 73 40 1-2 10 Urinaire après métabolisme 20-60
hépatique (métabolite actif in
vitro : acide pyrazinoïque)
Éthambutol 80 10-30 2-3 2-4 Urinaire sous forme inchangée 2-6
(80 %)

Sources de variabilité Considérations


de la réponse pharmacocinétiques
Absorption
Résistance aux antibiotiques
Effets de la nourriture
Contrairement à beaucoup d’autres antibio- Après administration orale, l’isoniazide peut pré-
tiques, la résistance aux médicaments antituber- senter un retard et une réduction d’absorption
culeux résulte de mutations chromosomiques importante – jusqu’à 50 % sur la valeur de Cmax en
à une fréquence de l’ordre de 10-6 à 10-8 présence d’un repas riche en graisses ou en glucides
réplications. L’acquisition d’une résistance lors – recommandant sa prise à jeun ou 30 minutes
d’une tri- ou d’une quadrithérapie est ainsi de avant la prise d’aliments. Cette recommandation
l’ordre de 10-18 à 10-32 réplications. Néanmoins, peut également s’appliquer par précaution à la
cette fréquence peut être nettement revue à la rifampicine dont les valeurs de Cmax et Tmax peu-
hausse en cas d’inobservance au traitement ou vent être diminuées en présence d’aliments.
lors de certaines interactions médicamenteuses.
Les principaux mécanismes de résistance aux Interactions médicamenteuses
médicaments antituberculeux sont présentés La rifampicine est un inducteur de transporteurs
dans le tableau 4.2. d’efflux tels que MDR1 (glycoprotéine P) et

Tableau 4.2. Principaux mécanismes de résistance aux médicaments antituberculeux.


Médicament Gène muté Effet CMIsauvage (mg/l)
Rifampicine rpoB Perte d’inhibition de l’ARN polymérase 0,1-0,4
Isoniazide katG Perte d’activité de la catalase/peroxydase 0,025-0,050
inhA Diminution d’affinité d’InhA pour le NADH
Surexpression des sites de liaison
Pyrazinamide pncA Perte d’activité de la pyrazinamidase 6-50
Ethambutol embB Perte d’inhibition de l’arabinosyltransférase 0,5-1,5
NADH : hydrure de nicotinamide adénine dinucléotide.
Chapitre 4. Antituberculeux 49

MRP2 impliqués dans la limitation de l’absorp- Interactions médicamenteuses


tion intestinale mais aussi dans l’élimination

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La rifampicine est un puissant inducteur enzy-
rénale et biliaire de nombreux médicaments (anti- matique des CYP450, en particulier 3A4 hépa-
cancéreux, antirétroviraux, immunosuppresseurs, tiques et intestinaux mais aussi 1A2, 2C9, 2D6,
médicaments cardiovasculaires, etc.). intervenant dans le métabolisme de nombreux
médicaments (antalgiques, antidiabétiques,
Facteurs génétiques
antibiotiques, antifongiques, antiviraux, psycho-
Dans certaine population, et notamment noire tropes, médicaments cardiovasculaires, etc.). Ce
africaine, certaines études du polymorphisme phénomène d’induction peut conduire à revoir
génétique du gène SLCO1B1 codant pour la la posologie de ces médicaments à la hausse, en
protéine d’influx organic anion transporting poly- particulier ceux à marge thérapeutique étroite,
peptide (OATP)1B1, à tropisme majoritairement afin de compenser l’augmentation de leur méta-
hépatique mais aussi retrouvée au niveau intesti- bolisme.
nal, ont pu montrer une diminution d’exposition
de l’ordre de 40 % à la rifampicine chez les patients
porteurs du polymorphisme SLCO1B1 c.463 CA.
Une augmentation des doses de rifampicine serait Populations particulières
ainsi nécessaire chez ces patients.
Contexte d’insuffisance rénale
Métabolisme
Parmi les médicaments de première ligne de la
Facteurs génétiques quadrithérapie antituberculeuse, seul l’éthambu-
L’isoniazide est métabolisé au niveau hépatique tol présente un risque réel d’accumulation. Ce
en acétylisoniazide par une enzyme polymorphe : médicament, peu métabolisé et principalement
la N-acétyltransférase 2 (NAT2). En fonction éliminé par voie rénale, est retrouvé jusqu’à
de leur polymorphisme génétique, les patients 80  % sous forme inchangée dans les urines.
peuvent être acétyleurs lents, intermédiaires ou En cas d’insuffisance rénale, la demi-vie de
rapides, les premiers étant plus à risque d’hépa- l’éthambutol peut passer de 4 à 20  heures.
totoxicité et les derniers plus à risque d’échec Les recommandations les plus récentes quant
thérapeutique. Le profil d’acétylation des patients à son adaptation posologique chez les insuf-
peut être déterminé par génotypage de nat2 ou fisants rénaux préconisent un maintien de la
par méthode de Vivien faisant appel à la concen- dose (comprise entre 15 et 25  mg/kg) et une
tration d’isoniazide mesurée trois heures après la diminution de la fréquence d’administration en
prise orale (C3h). fonction de l’atteinte rénale. L’élimination de
l’éthambutol au cours des séances d’hémodialyse
Formule de Vivien : I3 = (C 3 + 0, 6) / D
est significative (>  25  %) et son administration
est donc recommandée après ces séances. Enfin,
Avec : son utilisation chez des patients dont la ClCr
• I3  : indice d’acétylation à la 3e heure après serait inférieure à 10  ml/min est particulière-
administration orale ; ment à risque de toxicité oculaire et devrait être
• C3  : concentration plasmatique d’isoniazide évitée. En cas d’impérative nécessité, une sur-
trois heures après prise orale ; veillance ophtalmologique devra être pratiquée
• D : dose administrée en mg/kg. en cours de traitement.
Un patient sera considéré comme acétyleur Concernant le pyrazinamide, son adaptation
rapide si son indice d’acétylation à la 3e heure est posologique est recommandée chez les patients
inférieur à 0,45 et acétyleur lent si cet indice est dont la ClCr est inférieure à 30 ml/min afin d’évi-
supérieur à 0,65. Aussi, la concentration C3h cible ter tout risque d’accumulation de la molécule
attendue est comprise entre 1 et 2 mg/l. et de son métabolite actif, l’acide pyrazinoïque
50 Antibiotiques

responsable d’hyperuricémie et d’arthralgie. Contexte d’une co-infection


Cette adaptation posologique consiste à réduire tuberculose/virus de

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la fréquence d’administration de moitié. En cas de l’immunodéficience humaine (VIH)
dialyse, l’administration du pyrazinamide devrait
être réalisée après la session d’hémodialyse, le Malgré le risque important d’interactions médi-
pyrazinamide et l’acide pyrazinoïque étant poten- camenteuses et de syndrome inflammatoire de
tiellement dialysables. reconstitution immunitaire (IRIS), il est recom-
L’influence d’une insuffisance rénale sur mandé d’associer les traitements antituberculeux
la pharmacocinétique de la rifampicine et de et antirétroviral chez les patients co-infectés par la
l’isoniazide reste mineure. Dans ce contexte tuberculose et le VIH. Idéalement, le traitement
particulier, aucune adaptation posologique n’est antirétroviral devrait être initié dans les deux pre-
recommandée. Si l’administration de rifampicine, mières semaines après instauration du traitement
non dialysable, peut se faire au cours de la séance antituberculeux si le taux de CD4 est inférieur à
de dialyse, celle de l’isoniazide, potentiellement 50/mm3 et dans les 8 à 12 semaines si le taux
dialysable, sera à réaliser après la séance. Une de CD4 est supérieur à 50/mm3. Le traitement
accumulation de monoacétylhydrazine, métabo- antituberculeux repose sur une prise quotidienne
lite hépatotoxique de l’isoniazide, pouvant être de la quadrithérapie associant rifampicine, isonia-
observée, une surveillance de la fonction hépa- zide, pyrazinamide et éthambutol pendant deux
tique est à recommander. mois puis de la bithérapie associant rifampicine et
Face à un contexte d’insuffisance rénale, le suivi isoniazide pendant quatre mois. Chez les patients
thérapeutique pharmacologique de ces quatre traités par inhibiteurs de protéase ou inhibiteurs
médicaments peut se révéler utile. non nucléosidiques de la transcriptase inverse
(INNTI), antirétroviraux métabolisés par les
CYP450, la rifabutine, inducteur moins puis-
sant des CYP450, constitue l’alternative de la
Contexte d’insuffisance hépatique rifampicine. Face à la complexité des interactions
médicamenteuses pouvant survenir entre les
L’adaptation posologique en cas d’atteinte hépa- médicaments antirétroviraux et antituberculeux,
tique doit être à considérer pour la rifampicine, le STP de ces médicaments ne peut être que
l’isoniazide et le pyrazinamide pour lesquels une fortement recommandé afin de prévenir la sur-
modification des paramètres pharmacocinétiques venue d’effets indésirables comme la sélection de
peut être observée. La rifampicine et l’isonia- souches résistantes.
zide, médicaments à faible extraction hépatique
(<  30  %), voient leur élimination ralentie mais
leur biodisponibilité peu modifiée. En l’absence Population pédiatrique
d’un modèle fiable d’estimation de la clairance
hépatique, l’adaptation posologique uniquement Comme nombre de traitements, la difficulté du
de la dose d’entretien de ces deux médicaments traitement antituberculeux dans la population
est à réaliser en fonction de la réponse pharmaco- pédiatrique résulte d’une relative absence de don-
logique et de la toxicité éventuellement observée. nées pharmacocinétiques comme pharmacothéra-
À titre indicatif, une administration de 50 et de peutiques dans cette population. Si la tendance
25 % de la dose d’entretien peut être respective- générale a été le plus souvent de normaliser les
ment recommandée pour les patients de classes doses administrées chez l’adulte de façon propor-
A et B du score de Child-Pugh. Cette adaptation tionnelle au poids des enfants, ces doses respon-
posologique pourra également s’appuyer sur le sables de nombreux sous-dosages ont été revues à
STP de ces médicaments. En cas d’insuffisance la hausse en 2010 par l’Organisation mondiale de
hépatique, l’utilisation du pyrazinamide est à la santé (OMS). Les doses pédiatriques actuelle-
contre-indiquer. ment recommandées sont respectivement de
Chapitre 4. Antituberculeux 51

10 à 20 mg/kg pour la rifampicine, 7 à 15 mg/kg isoniazide-rifampicine pendant trois mois. Elle


pour l’isoniazide, 30 à 40 mg/kg pour le pyrazi- doit être débutée au moins trois semaines avant la

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namide et de 15 à 25 mg/kg pour l’éthambutol. première cure d’anti-TNFα.
Les formes pulmonaires comme extrapulmonaires
peuvent bénéficier du traitement antituberculeux
initial classique associant rifampicine, isoniazide, Effets indésirables
pyrazinamide et éthambutol pendant deux mois.
Le traitement de consolidation associera la rifam- Les effets indésirables principaux des médica-
picine et l’isoniazide pendant quatre mois dans les ments de la quadrithérapie antituberculeuse sont
formes pulmonaires, et pendant six à neuf mois regroupés dans le tableau 4.3.
dans les formes extrapulmonaires, à l’exception de
la méningite tuberculeuse où la plupart des sociétés
recommandent au moins 12 mois de traitement.
Contre-indications

Tuberculose latente Les contre-indications relatives aux quatre antitu-


berculeux majeurs sont présentées en tableau 4.4.
et traitement par anti-tumor
necrosis factor (TNF)α
Utilisés dans le traitement des maladies inflamma- Surveillance des effets
toires chroniques rhumatismales ou intestinales,
les anti-TNFα exposent à un risque deux à quatre Bilan initial de base
fois plus élevé de développer une tuberculose. Les
tuberculoses rencontrées chez les patients traités • Examen clinique  : contexte épidémiologique,
par anti-TNFα sont, le plus souvent, des tubercu- signes généraux, signes respiratoires, signes
loses extrapulmonaires ou de formes disséminées extrarespiratoires.
survenant au cours de la première année de traite- • Bilan radiographique  : radiographie pulmo-
ment et la conséquence, dans la très grande majo- naire  ±  tomodensitométrie (TDM) thoracique
rité des cas, d’une réactivation d’une tuberculose et imagerie extrapulmonaire.
latente. Avant instauration d’un traitement par • Bilan bactériologique  : recherche de bacilles
anti-TNFα, il sera donc nécessaire d’évaluer, pour alcoolorésistants (BAAR) à l’examen micro-
chaque patient, le risque de tuberculose et de scopique et culture, tests de sensibilité aux
mettre en route, si besoin, une chimioprophylaxie antituberculeux du traitement standard.
chez tous les sujets présentant une tuberculose • IDR à la tuberculine chez l’enfant.
latente. La recherche d’une tuberculose latente • Test de détection de la production d’interféron
repose sur l’intradermoréaction à la tuberculine gamma par Elisa ou Elispot (aide au diagnostic
(IDR) qui présente néanmoins un risque de faux de tuberculose latente et des formes extra-
négatifs chez les patients immunodéprimés et un pulmonaires).
risque de faux positifs chez les patients vaccinés • Anatomopathologie  : aide au diagnostic (si
par le vaccin bilié de Calmette et Guérin (BCG). présence de caséum ou de granulome giganto-
Les tests de production de l’interféron-γ (inter- cellulaire non nécrosant).
feron gamma release assay [IGRA]) par méthode • Bilan biologique :
enzyme-linked immunosorbent assay (Elisa) ou – hémogramme ;
enzyme-linked immunospot (Elispot), plus sen- – transaminases, bilirubine, phosphatases
sibles et plus spécifiques, peuvent également être alcalines et gamma glutamyl-transpeptidases
utilisés dans cette indication. La prophylaxie de la (γGT) ;
tuberculose repose sur une utilisation de l’isonia- – créatininémie, natrémie, uricémie ± sérologie
zide seul pendant neuf mois ou sur l’association de dépistage VIH et hépatites B et C.
52 Antibiotiques

Tableau 4.3. Principaux effets indésirables des quatre antituberculeux majeurs.

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Molécule Effets indésirables
Isoniazide Hépatiques Augmentation des transaminases (20 %)
Hépatite cytolytique ou mixte (rare)
Risque augmenté chez le phénotype acétyleur lent et en cas d’association avec la
rifampicine
Neurologiques Neuropathies périphériques : polynévrites, névrites optiques
Facteurs de risque : carence en pyridoxine, dénutrition, éthylisme chronique,
acétyleur lent, traitement pour infection VIH
Prévention par pyridoxine (vitamine B6)
Cutanés Érythème, photosensibilisation, syndrome lupique (1 %)
Rifampicine Coloration des liquides biologiques Coloration orangée (urines, liquides lacrymales, salives, sueurs)
Hépatiques Augmentation transaminases isolée
Cholestase hépatique
Facteurs de risque : âge avancé, éthylisme chronique, hépatopathie, association
d’autres médicaments hépatotoxiques (isoniazide)
Gastro-intestinaux Nausées, vomissements, douleurs abdominales
Colite pseudomembraneuse (rare)

Réactions immuno-allergiques Urticaire, œdème, insuffisance rénale aiguë, choc anaphylactique, syndrome pseudo-
grippal, arthralgies
Purpura thrombocytopénique immuno-allergique (nécessite l’arrêt du traitement)
Facteur de risque : traitement intermittent
Pyrazinamide Hépatiques Hépatite cytolytique (dose dépendante)
Hépatite fulminante, hépatite granulomateuse (rare)
Facteurs de risque : âge avancé, éthylisme chronique, hépatopathie, association
d’autres médicaments hépatotoxiques (notamment isoniazide et rifampicine)
Métaboliques Hyperuricémie (fréquente)
Articulaires Polyarthralgies (sensibles aux AINS)
Gastro-intestinaux Nausées, vomissements, douleurs abdominales
Cutanés Rash urticarien diffus, érythème, acné
Éthambutol Troubles oculaires Névrite optique
Cutanés Rashs cutanés

Bilan ophtalmologique : vision des couleurs. • Bilan ophtalmologique.


Recherche d’une grossesse chez la femme en • Bilan neurologique.
âge de procréer. • Bilan biologique :
– bilan hépatique régulier ;
Bilan de suivi – bilan rénal ;
– hémogramme
• Examen clinique  : observance du traitement  :
entre J10 et J15 puis M1, M2, M4, M6, M9,
M12 et M18. Grossesse et allaitement
• Examen radiographique: M2, M6, et M18.
• Examen bactériologique : entre J10 et J15 puis Les médicaments de la quadrithérapie antitubercu-
M2 et M6. leuse peuvent être admnistrés à la femme enceinte
Chapitre 4. Antituberculeux 53

Tableau 4.4. Contre-indications des quatre principales molécules antituberculeuses.

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Médicament Contre-indication Commentaire
Rifampicine Hypersensibilité aux rifamycines ou à l’un Facteurs prédisposant au choc anaphylactique :
des composants de ce médicament sexe masculin
existence d’un déficit immunitaire acquis (VIH)
administration intermittente et discontinue à fortes doses
(900 à 1200 mg/j)
Porphyries Risque de porphyrie aiguë intermittente avec crises neuroviscérales sans
signes cutanés
Association avec : inhibiteurs de protéases, Risque de perte d’efficacité et d’échec thérapeutique pour les médicaments
praziquantel, télaprévir, voriconazole associés
Isoniazide Hypersensibilité connue à l’isoniazide ou à Réactions d’hypersensibilité essentiellement de type cutané
l’un des constituants
Insuffisance hépatique sévère Alternative thérapeutique si traitement indispensable : association
éthambutol, aminoside et moxifloxacine
Pyrazinamide Insuffisance hépatique Éviction du pyrazinamide si transaminases augmentées
Hyperuricémie Risque d’aggravation par l’inhibition de la sécrétion tubulaire rénale de
l’acide urique
Porphyrie Contre-indication par précaution en l’absence de données cliniques
pertinentes.
Éthambutol Hypersensibilité connue à l’éthambutol Allergie exceptionnelle
Névrite optique Risque d’aggravation
Patients allergiques au blé (autre que Seulement pour la spécialité Dexambutol® contenant de l’amidon de blé
maladie cœliaque)

quel que soit le terme de la grossesse selon le Autres antituberculeux


schéma thérapeutique habituel. Si la rifampicine
est poursuivie jusqu’à l’accouchement, prévoir la Outre la quadrithérapie de première intention, il
prescription de vitamine K1 à la mère à la posologie existe un certain nombre d’autres molécules dont le
de 10 mg/j par voie orale pendant les 15 derniers recours peut être intéressant dans certains contextes
jours de grossesse et administrer au nouveau-né particuliers (tuberculose multirésistante ou myco-
1 mg en intramusculaire ou en intraveineuse lente bactéries atypiques) et dont certaines restent sous
de vitamine K1 pour limiter le risque d’hémorragie autorisation temporaire d’utilisation (ATU) en France.
néonatale précoce chez le nouveau-né. On peut ainsi citer :
En cas de traitement par isoniazide, l’adminis- • les aminosides : la streptomycine et l’amikacine ;
tration de vitamine B6 (pyridoxine) est recom- • les fluoroquinolones  : moxifloxacine et lévo-
mandée à la dose de 50  mg/j pendant la durée floxacine ;
du traitement afin de prévenir les éventuels effets • la rifabutine  : molécule proche de la rifampi-
neurotoxiques de l’isoniazide. cine présentant toutefois un effet inducteur
Il n’y a pas de contre-indication à l’allaitement enzymatique de moindre importance que la
au cours d’un traitement anti-tuberculeux toute­ rifampicine ;
fois, une faible fraction des traitements peut être • la cyclosérine (sous ATU en 2017) ;
absorbée par l’enfant. La décision d’allaiter pen- • la capréomycine (sous ATU en 2017) ;
dant un traitement antituberculeux sera donc prise • l’éthionamide (sous ATU en 2017) ;
au cas par cas. • l’acide para-amino-salicylique (PAS) ;
54 Antibiotiques

• le linézolide ; [2] Verbeeck RK, Günther G, Kibuule D, Hunter C,


• la bédaquiline (Sirturo®) ; Rennie TW. Optimizing treatment outcome of

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first-line anti-tuberculosis drugs: the role of thera­
• le delamanid (Deltyba®).
peutic drug monitoring. Eur J Clin Pharmacol
2016;72:905–16.
Références
[1] Lamichhane G. Novel targets in M. tuberculosis:
search for new drugs. Trends Mol Med 2011;17:25–
33.
Chapitre 5

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Aminosides
Damien Montange

Points-clés aminoside, découvert en 1943), tobramycine. Les


j Indications limitées aux infections sévères. aminosides comprennent également des molé-
j Index thérapeutique étroit (existence d’une cules obtenues à partir de bactéries du genre
néphrotoxicité et d’une ototoxicité). Micromonospora (suffixe « -micine ») : amikacine,
j Prescription le plus souvent en association avec
gentamicine, isépamicine, netilmicine.
d’autres antibiotiques (bêtalactamines, glycopeptides).
j Modalités d’administration : en dehors
Actuellement, en France, seules sont dispo-
de cas particuliers, utilisation d’une nibles l’amikacine, la gentamicine, la néomycine,
dose unique journalière (DUJ), par voie la streptomycine et la tobramycine. On les utilise
intraveineuse (perfusion de 30 minutes). sous des formes galéniques parentérales (en intra-
j PK/PD : bactéricidie rapide veineuse ou intramusculaire) ou topiques (solu-
concentration-dépendante ; effet postantibiotique tion auriculaire, collyre, pommade ophtalmique,
prolongé ; absence d’effet inoculum. capsule gynécologique).
j Propriétés pharmacocinétiques : faible volume
de distribution (0,2 à 0,4 l/kg) ; demi-vie ●● En pratique
d’élimination d’environ deux heures chez les Les aminosides sont des médicaments indiqués
sujets à fonction rénale normale (variabilité dans les infections sévères (chocs septiques,
interindividuelle très importante) ; pas de infections à risque (nosocomiales ou sur matériel
métabolisation ; élimination par voie rénale. implanté) touchant des patients fragiles (immuno-
j Toxicité : essentiellement rénale (réversible), déprimés, nouveau-nés) en traitement probabiliste
auditive et vestibulaire (irréversible). ou en traitement documenté.
j Surveillance du traitement : dosage de la
concentration résiduelle prédictive de la
toxicité ; dosage du pic plasmatique permettant
d’évaluer l’efficacité (effet thérapeutique Mécanisme d’action
maximal si rapport Cmax/CMI ≥ 8 à 10).
Les aminosides sont des inhibiteurs de la synthèse
protéique des bactéries. Ils se fixent de manière
Principales molécules irréversible sur la sous-unité 30  S du ribosome
procaryote, plus précisément sur certaines des 21
Utilisée depuis 50  ans, la famille des aminosides protéines ribosomales de cette sous-unité ainsi que
(ou aminoglycosides) comprend des molécules sur la molécule d’ARN ribosomique (ARNr) 16S.
obtenues par hémisynthèse ou bien extraites La fixation irréversible d’un aminoside sur le
directement à partir de bactéries de l’ordre des ribosome bactérien entraîne des perturbations
actinobactéries (ou actinomycètes). Elle comporte dans la synthèse des protéines :
notamment des molécules obtenues à partir de • soit en empêchant l’initiation de la traduction
bactéries du genre Streptomyces (et pour les- des molécules d’ARN messager (ARNm) ;
quelles les DCI ont comme suffixe « -mycine ») : • soit en provoquant la fin prématurée de la syn-
kanamycine, néomycine, streptomycine (premier thèse du polypeptide ;
Pharmacologie des anti-infectieux
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58  Antibiotiques

• soit en provoquant l’intégration d’acides Les aminosides sont principalement efficaces


aminés ne correspondant pas aux codons de contre les bacilles à Gram négatif aérobies.

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l’ARNm. Ainsi, le nombre d’erreurs dans la Suite au développement de résistances, la strep-
synthèse protéique augmente et les protéines tomycine a un spectre d’activité limité par rapport
non fonctionnelles s’accumulent, conduisant à aux autres aminosides et n’est plus utilisée qu’en
la mort de la bactérie. association obligatoire dans la prise en charge des
infections à M. tuberculosis. La gentamicine et la
tobramycine ont des spectres d’activité très sem-
Pharmacodynamie : points blables entre eux. L’amikacine résiste à de nom-
intéressants en clinique breuses enzymes inactivant les autres aminosides
et peut donc, en théorie, être utilisée dans la prise
en charge des infections causées par ces germes.
Mécanisme de pénétration
Il est important de garder en mémoire que le
intrabactérie développement et la propagation rapide des résis-
Les aminosides présentent la particularité de tances rend nécessaire la vérification de la sensi-
diffuser de manière passive à travers la mem- bilité de chaque espèce bactérienne à l’aminoside
brane externe de la paroi des bactéries à Gram considéré, soit via les données de l’EUCAST,
négatif (via des protéines canaux type porines). En soit par la réalisation d’un antibiogramme ou
revanche, le passage à travers la membrane cyto- recherche des CMI.
plasmique se fait par transport actif dépendant de Certains CGP aérobies comme les strepto-
la chaîne respiratoire procaryote. Ce mécanisme coques et les entérocoques présentent une résis-
est donc oxygéno-dépendant et peut être limité tance de bas niveau aux aminosides. Elle peut
ou bloqué par la présence de cations divalents être levée en cas d’utilisation synergique avec des
(Mg2+ ou Ca2+), une hyperosmolarité, des condi- bêtalactamines.
tions anaérobies ou une diminution du pH. Les bactéries anaérobies strictes sont résistantes
A contrario, la pénétration des aminosides à aux aminosides (du fait du mécanisme d’action
travers la paroi bactérienne peut être renforcée oxygéno-dépendant), de même que les bactéries
par la coadministration de médicaments ciblant la intracellulaires.
paroi bactérienne (bêtalactamines, glycopeptides).
●● En pratique
La gravité des indications pour lesquelles ils sont
Spectre d’activité utilisés et la fréquence des résistances acquises
aux aminosides imposent la réalisation d’un anti-
Les aminosides présentent une bactéricidie rapide, biogramme lorsque l’utilisation de ces molécules
est nécessaire.
intense et concentration-dépendante contre les
germes sensibles (tableau 5.1).

Caractéristiques PK/
Tableau 5.1. Bactéries sensibles in vitro aux
aminosides.
PD des aminosides
Espèces La bactéricidie des aminosides est de type
Bacilles à Gram négatif Entérobactéries, P. aeruginosa, «  concentration dépendante  ». Ainsi, l’efficacité
aérobies Acinetobacter spp.,
est maximale lorsque le rapport Cmax/CMI (ou
CGP aérobies SAMS quotient inhibiteur) est compris entre 8 et 10
Bacilles à Gram positif L. monocytogenes, Bacillus spp, (figure 5.1).
aérobies corynébactéries De plus, les aminosides possèdent un effet
Bacilles acido- Mycobacterium sp. (amikacine, postantibiotique important  : l’activité antibio-
alcoolo-résistants aérobies streptomycine)
tique persiste jusqu’à plusieurs heures après que
Chapitre 5. Aminosides 59

Leur Vd est faible et variable, de l’ordre de 0,2


à 0,4  l/kg. Ils diffusent relativement mal dans

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de nombreux tissus (graisses, os, muscles striés)
tandis qu’ils peuvent s’accumuler dans le paren-
chyme rénal ou l’oreille interne.
Le passage de la barrière hémato-encéphalique
est médiocre mais la diffusion dans les méninges
peut être augmentée en cas d’inflammation.
Les aminosides passent la barrière placentaire et
passent également dans le lait maternel.
Les aminosides ne sont pas métabolisés et
sont éliminés sous forme active par voie rénale,
sans sécrétion biliaire ni digestive. Leur demi-vie
d’élimination est d’environ deux heures chez les
patients ayant une fonction rénale normale.
Les aminosides sont dialysables.
Figure 5.1. Pharmacocinétique d’un aminoside :
évolution des concentrations plasmatiques en fonction
du temps. Visualisation du quotient inhibiteur : rapport
●● En pratique
Cmax/CMI.
Pour une action systémique, l’administration
par voie intraveineuse est à privilégier. Elle doit
être obligatoirement réalisée en perfusion de
30 minutes. L’administration en DUJ est désormais
les concentrations d’antibiotiques dans l’orga- privilégiée ayant montré une efficacité comparable
nisme soient devenues inférieures à la CMI. et une toxicité moindre que l’administration d’une
Enfin, les aminosides sont peu sensibles à l’effet même dose en deux ou trois injections. La DUJ
permet en effet d’obtenir un pic de concentration
inoculum (leur efficacité antibiotique ne dimi-
élevé et de diminuer les concentrations rési-
nue pas en présence d’une quantité massive de duelles.
bactéries).

●● En pratique
La prescription des aminosides en monothérapie
Sources de variabilité
est rare. Ils sont le plus souvent associés à de la réponse
d’autres antibiotiques afin d’obtenir une synergie
bactéricide pour provoquer une diminution rapide Mécanismes de résistances
de l’innoculum bactérien dès l’initiation du traite-
ment et élargir le spectre antibactérien.
aux aminosides
Trois principaux mécanismes de résistance aux
aminosides ont été identifiés :
Pharmacocinétique • la production d’enzymes inactivant les amino-
sides, par adénylation, acétylation ou phospho-
Les propriétés pharmacocinétiques des amino- rylation. Les gènes codant pour ces enzymes
sides sont comparables. Ces molécules ne sont sont le plus souvent portés par des plasmides.
pas absorbées par voie orale (elles ne sont pas Le phénomène de transmission plasmidique
dégradées dans le tractus gastro-intestinal). Pour pose des problèmes épidémiologiques impor-
une utilisation systémique, seule la voie paren- tants. Ce mécanisme de résistance est le plus
térale est possible. Ce sont des molécules très fréquemment rencontré ;
polaires, très hydrosolubles et peu liposolubles. • le blocage de l’influx de l’aminoside dans la
Elles présentent une faible fixation aux protéines, bactérie. Ce mécanisme peut résulter de la
de l’ordre de 20 %. mutation d’un gène codant pour une protéine
60  Antibiotiques

des porines ou pour une protéine impliquée Surveillance des effets : STP
dans le maintien du potentiel de membrane.

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De plus, la diminution de l’influx des amino- En dehors du suivi des marqueurs cliniques et
sides dans la bactérie peut être aussi d’origine biologiques de l’infection, un traitement par
environnementale comme lors de la croissance aminosides nécessite les surveillances :
bactérienne en condition anaérobie ; • de la ClCr et/ou autres marqueurs de la fonc-
• la mutation des protéines ribosomales de la tion rénale ;
sous-unité 30  S ciblée par les aminosides. Ce • de la fonction auditive (survenue d’acou-
mécanisme, peu fréquent, provoque une dimi- phènes  ? Perte d’audition subjective  ? Réalisa-
nution de l’affinité des aminosides à leur cible tion d’audiogrammes) ;
cellulaire. • des concentrations plasmatiques des amino-
sides : réalisation d’un STP.

Variabilités d’ordre
pharmacocinétique STP au pic plasmatique
intra- et interindividuelles
Le dosage des concentrations plasmatiques au
Les aminosides sont caractérisés par une variabilité pic (Cmax) permet exclusivement d’évaluer l’effi-
pharmacocinétique interindividuelle considérable. cacité antibiotique du traitement. Ce dosage est
Ainsi, en fonction des patients, leurs demi-vies conseillé dès la 1re injection chez tous les patients
d’élimination peuvent varier de façon très impor- fragiles, surtout si des modifications des para-
tante (de 2 à plus de 70 heures). Il en va de même mètres pharmacocinétiques sont attendues ou
pour le volume apparent de distribution qui peut probables (augmentation du Vd et/ou diminu-
passer de 0,15 à 0,8  l/kg. Les facteurs de cette tion de la diffusion tissulaire).
variabilité (et leurs conséquences) sont résumés Le prélèvement sanguin pour un dosage de la
dans le tableau 5.2. Cmax doit être obligatoirement effectué 30 minutes

Tableau 5.2. Facteurs de variabilités pharmacocinétiques des aminosides.


Facteurs de variabilité Conséquences
Insuffisance rénale ↑ des demi-vies d’élimination
Accumulation de l’aminoside dans l’organisme
↑ des concentrations plasmatiques
Nouveau-né Grande variabilité en fonction de l’âge gestationnel et de l’âge postnatal (et de la maturation de la fonction rénale)
Volume apparent de distribution plus grand
↑ des demi-vies d’élimination
Sujet âgé Perturbations possibles du volume apparent de distribution (patients maigres, déshydratés)
Attention à l’état de la fonction rénale qui s’altère de façon physiologique dès 60 ans (cf. ci-dessus : « insuffisance
rénale »)
Patients brûlés graves ↑ de la clairance des aminosides
Perturbations importantes du volume apparent de distribution
Patients atteints de ↑ de la clairance des aminosides
mucoviscidose Augmentation du volume apparent de distribution
↓ des concentrations plasmatiques
Patients en réanimation Augmentation du volume apparent de distribution
↓ des concentrations plasmatiques
Patients obèses Diminution du volume apparent de distribution (rapporté au poids)
Risque de surdosage si posologie non calculée avec le poids corrigé
Chapitre 5. Aminosides 61

après la fin de la perfusion de l’aminoside (dont la La réadministration de l’aminoside ne se fera


durée est de 30 minutes) (figure 5.2). que lorsque la Cmin (contrôlée régulièrement)

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Des concentrations inférieures aux objectifs deviendra inférieure aux valeurs données dans
attendus ou qui donneraient un rapport Cmax/ le tableau  5.3. Des Cmin supérieures à celles
CMI inférieur à 8 doivent entraîner une augmen- indiquées nécessitent d’adapter le traitement en
tation de la posologie lors de l’injection suivante. espaçant les injections d’aminoside.
Si le traitement est prolongé au-delà de cinq En cas d’impossibilité de doser les aminosides,
jours, un nouveau contrôle est fortement conseillé la fréquence d’administration est déterminée par
48 heures plus tard. la valeur de la ClCr (tableau 5.4).

●● En pratique ●● En pratique
Des études cliniques ont mis en évidence que les Concernant le STP, en 2010, le groupe de travail
toxicités rénales et auditives des aminosides ne de STP de la Société Française de Pharma­
sont pas corrélées à la concentration plasmatique cologie et de Thérapeutique classait le STP des
obtenue au pic (Cmax). aminosides comme «  indispensable  » dans le
cas d’administrations en plusieurs fois par jour
et comme «  fortement recommandé  » dans le
STP en résiduelle cas d’administration en dose unique journalière.
En 2011, l’Agence nationale de sécurité du
Le dosage des concentrations plasmatiques en médicament et des produits de santé (ANSM)
résiduelle (Crés ou Cmin) est uniquement prédictif publiait une mise au point sur le bon usage des
de la toxicité des aminosides. aminosides pour intégrer le STP dans la routine
Ce dosage est en principe réservé à certaines clinique.
situations :
• durée de traitement supérieure à cinq jours
(dosage à effectuer après 48  heures de traite- Effets indésirables
ment) ;
• insuffisance rénale préexistante. L’index thérapeutique des aminosides est étroit,
Le prélèvement sanguin pour un dosage de la avec l’existence de toxicités rénales et auditives
Cmin doit être effectué juste avant l’administration importantes (incidences respectives de 5 à 20  %
de l’aminoside (figure 5.2). et de 1 à 5  %). La toxicité rénale est réversible

Figure 5.2. Illustrations des prélèvements au pic et à la vallée pour la réalisation du STP des aminosides.
62  Antibiotiques

• cirrhose sévère de grades B et C selon la clas-


Tableau 5.3. Intervalles thérapeutiques recommandés
sification de Child-Pugh.

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(en mg/l) pour le STP des aminosides. Recomman-
dations ANSM 2011. À noter que les Cmax présentées De même, il convient de prendre en compte
ne sont valables que pour des espèces bactériennes les situations majorant le risque d’atteinte
sensibles aux aminosides. rénale :
Concentrations Concentrations plas- • néphropathie préexistante ou concomitante ;
plasmatiques au pic matiques résiduelles • association avec des médicaments néphro-
(Cmax) en mg/l (Cmin) en mg/l
toxiques (organoplatines, produits de contraste
Amikacine 60 à 80 < 2,5 iodés, vancomycine, amphotéricine B, coli-
Gentamicine 30 à 40 < 0,5 mycine, antiviraux («  -ciclovirs  »), métho-
Tobramycine 30 à 40 < 0,5 trexate, pentamidine, foscarnet, ciclosporine et
tacrolimus).
Pour les toxicités auditive et vestibulaire, il
faudra faire attention dans le cas d’association
Tableau 5.4. Délais recommandés entre deux adminis- des aminosides avec d’autres médicaments oto-
trations d’aminosides en fonction de la ClCr (ANSM
2011 ; tiré du normograme de Hartford Hospital).
toxiques (vancomycine, furosémide ou certains
anticancéreux comme le cisplatine).
ClCr (ml/min) Délai entre deux administrations Les aminosides sont susceptibles de provoquer
d’aminosides
des blocages neuromusculaires (très rares, inci-
90-60 24 heures
dence < 1/10 000), notamment chez les patients
60-40 36 heures ayant reçu des administrations de curares ou
40-20 48 heures victimes de troubles neuromusculaires.
< 20 Dosage de la Cmin impératif
●● En pratique
En cas de surdosage ou de réaction toxique grave,
l’administration de l’aminoside doit être inter-
à l’arrêt de l’aminoside. Les toxicités auditive et
rompue. Une diurèse forcée peut être appliquée.
vestibulaire au niveau de l’oreille interne sont Il est également possible d’effectuer une dialyse
irreversibles. Les risques de survenue de toxicités péritonéale ou une hémodialyse.
rénale et auditive sont majorés : Les sels de calcium sont indiqués afin de neu-
• en cas de traitement supérieur à cinq-sept traliser l’effet curarisant. En cas de paralysie
jours ; respiratoire, une ventilation artificielle peut être
• en cas d’utilisation de posologies d’aminosides nécessaire.
élevées ;
• chez les personnes âgées (plus de 75 ans).
Ils sont également majorés chez l’insuffisant Tableau 5.5. Résumé des contre-indications
rénal et pour toutes les situations cliniques favori- à la prescription des aminosides.
sant une hypoperfusion rénale : Contre-indications Molécules concernées
• déshydratation (souvent présente chez le sujet
Myasthénie grave Amikacine, gentamicine,
âgé) ; streptomycine, tobramycine
• administration d’autres médicaments (surtout Hypersensibilité à une molécule Amikacine, gentamicine,
diurétiques de l’anse tels que furosémide, mais de la famille des aminoglyco- streptomycine, tobramycine
aussi inhibiteurs de l’enzyme de conversion sides ou à l’un des excipients du
[IEC] ou antagonistes de l’angiotensine  II médicament
[ARA II], AINS) ; Administration simultanée d’un Gentamicine
• insuffisance ventriculaire gauche, hypovolémie, autre aminoside
état de choc ; Cirrhose de grades B et C selon Gentamicine
• hypoalbuminémie ; la classification de Child-Pugh
Chapitre 5. Aminosides 63

Contre-indications Utilisation des aminosides


et précautions d’emploi chez les patients obèses

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Pour éviter un surdosage, la posologie en mg/kg
Les contre-indications des aminosides disponibles
pour les patients obèses doit être calculée avec le
en France sont résumées dans le tableau 5.5.
poids corrigé.
Poids corrigé = poids idéal + (0,43 × surcharge
Utilisation des aminosides pondérale) avec :
chez les patients en • surcharge pondérale = poids total – poids idéal ;
• poids idéal calculé selon la formule de Lorentz.
insuffisance rénale
Dans le cas d’un patient avec une insuffisance
rénale préexistante, les aminosides ne doivent Grossesse et allaitement
être utilisés que s’ils sont absolument nécessaires.
Dans ce cas, il faut : Les aminosides traversent la barrière placentaire
• privilégier l’administration en DUJ ; et des cas de surdité irréversible ont été signalés
• privilégier la durée la plus courte possible du chez des enfants dont les mères avaient reçu de la
traitement ; streptomycine durant la grossesse. Ainsi, malgré
• mettre en place une surveillance des effets du l’absence de données cliniques concernant les
traitement (cf. « Surveillance des effets : STP ») ; autres aminosides, on ne peut pas exclure la sur-
• adapter le traitement en fonction des résultats venue d’ototoxicité fœtale. À ce jour, aucun cas
des concentrations à la vallée (Cmin). de toxicité rénale n’a été décrit.
En cas de besoin absolu d’utilisation d’un amino-
side chez la femme enceinte, il convient de respecter
Utilisation des aminosides les modalités de traitement habituelles et de prévoir
au cours de la dialyse un bilan auditif complet chez le nouveau-né.
Pour les femmes qui allaitent, il convient de pri-
Si épuration extrarénale en continu, l’adaptation vilégier la gentamicine ou la tobramycine. Néan-
du traitement par aminosides ne peut s’envisager moins, considérant le fait de la non-absorption
que grâce aux dosages de la Cmin (cf. «  Sur- des aminosides par voie orale, le risque majeur
veillance des effets : STP »). consisterait en une modification de la flore intes-
Si séances d’hémodialyse ou de dialyse périto- tinale de l’enfant.
néale, les recommandations usuelles sont de faire
un dosage des concentrations plasmatiques juste Pour en savoir plus
avant la séance et une réinjection après la séance
AFSSAPS. Mise au point sur le bon usage des aminosides
si la concentration « préséance » est inférieure aux administrés par voie injectable : gentamicine, tobra-
seuils recommandés pour la Cmin (tableau  5.4). mycine, nétilmicine, amikacine. Mars 2011.
Des données récentes suggèreraient néanmoins Résumés des caractéristiques des produits – Base de
l’intérêt d’administrer l’aminoside deux à quatre données publique des médicaments. http://base-
heures avant la séance de dialyse afin de bénéfi- donnees-publique.medicaments.gouv.fr/index.php.
Venisse N, Boulamery A. groupe de Suivi thérapeutique
cier de tous les avantages des aminosides et de
pharmacologique de la Société française de pharma-
diminuer le risque d’accumulation (et donc de cologie et de thérapeutique. Niveau de preuve du
toxicité) de l’antibiotique puisque ces derniers suivi thérapeutique pharmacologique des aminosides.
sont dialysables. Thérapie 2011;66:39–44.
Chapitre 6

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Macrolides
Marie-Clémence Verdier

Points-clés Tableau 6.1. Classification des macrolides


j Les macrolides sont une classe d’antibiotiques et apparentés.
largement prescrits, en particulier dans les Macrolides Lincosamides Streptogramines Kétolide
infections ORL et bronchopulmonaires.
j Leur spectre se focalise sur les germes Macrolides Clindamycine Pristinamycine Télithro-
à gram positif mais certains germes à extractifs mycine
gram négatif y sont sensibles.
Érythromycine
j Ils ont une forte diffusion tissulaire et Josamycine
intracellulaire sauf dans le LCS. Spiramycine
j Le risque d’interactions médicamenteuses
est essentiellement lié à leur caractère Macrolides
synthétiques
inhibiteur du CYP450 3A4 mais toutes les
molécules de la classe n’ont pas la même Azithromycine
puissance d’inhibition (érythromycine > Roxithromycine
Clarithromycine
roxithromycine > clarithromycine >
Midécamycine
azithromycine = josamycine > spiramycine).
j Les principaux effets indésirables sont digestifs,
cardiaques avec risque de torsades de pointes,
et hépatiques avec augmentation des Structure
transaminases.
j Ils peuvent être prescrits pendant la grossesse. et mécanisme d’action
Les macrolides sont une classe d’anti-infectieux
Médicaments existants assez homogène en termes de structure chimique
(cycle lactone à 14, 15 ou 16 atomes de carbone
Actuellement, huit antibiotiques de la classe lié à des oses) et de spectre antibactérien (figure
des macrolides sont commercialisés en France. 6.1). Les variations de structure par rapport à
On associe généralement à cette classe deux l’érythromycine (présence de radicaux spécifiques,
apparentés, les lincosamides (clindamycine) et intégration d’un atome d’azote dans le cycle lac-
les streptogramines (pristinamycine). Ils font tone, etc.) permettent d’améliorer la stabilité en
l’objet d’une large prescription en 1re intention, milieu acide, la diffusion ou la tolérance, digestive
en particulier dans les infections ORL et bron- en particulier. Les macrolides dits « à 16 atomes »
chopulmonaires. Seuls l’érythromycine (sous (spiramycine, josamycine, midécamycine) présen-
forme de sel), la spiramycine, la clarithromycine teraient moins d’interactions médicamenteuses
et la clindamycine sont administrables par voie car ils n’interfèreraient pas avec les CYP450,
injectable. Les autres sont administrables per os cependant quelques cas d’interactions avec la
(tableau 6.1). josamycine ont pu être décrits.

Pharmacologie des anti-infectieux


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66  Antibiotiques

Ils seront inactifs sur Pseudomonas sp et sur les


entérobactéries du fait de l’imperméabilité de la

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paroi bactérienne.
Ce sont des antibiotiques bactériostatiques
dont certains et selon les souches bactériennes, à
forte concentrations atteignables par voie intravei-
neuse, deviennent bactéricides.

Pharmacocinétique
Figure 6.1. Structure de l’érythromycine, premier
macrolide extrait de la bactérie Streptomyces,
Absorption
découvert en 1950.
Du fait d’une certaine instabilité en milieu acide,
même si plusieurs d’entre eux sont beaucoup plus
Les macrolides et apparentés vont agir en inhi- résistants que l’érythromycine, il est préférable de
bant la synthèse protéique bactérienne par fixation prendre les macrolides per os avant un repas (au
réversible à la sous-unité 50  S du ribosome, plus moins 15 minutes), ou plus de deux heures après.
précisément au niveau du complexe 23 S du ARNr. Dans l’ensemble, leur absorption est moyenne
Ils vont ainsi inhiber la peptidyl-transférase, ce qui avec une biodisponibilité autour de 40 %.
va empêcher l’intégration des nouveaux acides ami- Leur biodisponibilité va dépendre de leur sta-
nés formés aux chaînes peptidiques. L’arrêt de la bilité au pH gastrique, de leur résorption intes-
synthèse protéique conduit à la mort de la bactérie. tinale et d’un éventuel effet de premier passage
hépatique. Si la clarithromycine est très stable en
milieu acide, l’azithromycine et la roxithromycine
Spectre et indications vont subir 20 à 30  % de dégradation au niveau
de l’estomac et leur absorption sera diminuée si
Le spectre antibactérien, assez vaste, est essen- elles sont administrées au cours d’un repas. L’éry-
tiellement ciblé sur les germes à gram positif car ils thromycine base sera complètement dégradée par
pénètrent mal au travers de la membrane externe dégradation du macrocycle et cyclisation intra-
des bactéries à gram négatif, à quelques excep- moléculaire et son métabolite intermédiaire sans
tions près (très utiles en clinique : Neisseria spp, activité antibiotique peut être incriminé dans les
Helicobacter pylori, Campylobacter, Legionella effets indésirables digestifs liés à l’érythromycine.
pneumoniae entre autres). Parmi les molécules subissant un effet de premier
Spectre préférentiel : passage hépatique, on retrouve l’azithromycine, la
• bactéries intracellulaires  : Chlamydophila sp., clarithromycine dont certains métabolites sont
Mycoplasma sp., Legionella pneumophila, Barto- actifs (métabolites déméthylés de l’azithromycine
nella henselae (maladie des griffes du chat) ; et le 14-hydroxyclarithromycine par exemple).
• cocci à gram positif : streptocoques bêtahémo- La plupart des macrolides sont substrats de
lytiques, SARM ; la protéine d’efflux glycoprotéine-P [1], ce qui
• bacilles à gram positif : Corinebacterium dyphte- contribue aux interactions médicamenteuses
riae, Actinomyces ; imputables aux macrolides.
• cocci à gram négatif : Branhamella catarrhalis,
méningocoque ; Distribution
• bacilles à gram négatif : H. pylori (clarithromy-
cine), Campylobacter jejuni, Bordetella pertussis, Compte tenu de leur lipophilie, les macrolides
Treponem pallidum. ont une bonne diffusion dans de nombreux tissus
Les macrolides ont également une activité sur et en intracellulaire. Ils se concentrent dans les
Toxoplasma gondii. phagocytes, où les concentrations d’azithromycine
Chapitre 6. Macrolides 67

et de clarithromycine peuvent être 400 à 800 fois de la clarithromycine en 14-OH est saturable à


supérieures à celles du sérum. Leur pénétration concentrations élevées.

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tissulaire est également importante (poumons, Il est important de noter que tous les macro-
prostate, sphère ORL, peau, foie, rein, sauf dans lides, sauf la spiramycine, forment via le CYP3A4
le LCS du fait de leur taille) où ils peuvent des métabolites de type nitrosoalcane, qui ont la
atteindre des concentrations 10 à 100 fois supé- capacité d’interagir avec le fer ferreux du CYP3A4.
rieures à celles du sérum. Leur relargage à partir Cela forme donc un complexe qui va inhiber
des tissus est lent et l’azithromycine présente des l’activité de ce cytochrome [3,  4] (figure  6.2).
propriétés particulières du fait de sa structure Ainsi, ces molécules, inhibitrices du CYP3A4
chimique. Sa demi-vie tissulaire est très longue, feront l’objet de nombreuses interactions médica-
de deux à quatre jours, permettant une adminis- menteuses d’origine pharmacocinétique.
tration unique par jour et une durée de traitement
raccourcie dans la plupart des situations [2].
Ils se lient préférentiellement à l’alpha-1-glyco- Élimination
protéine, dans des proportions variables selon
La voie principale d’élimination des macrolides
la molécule (80 à 95  % pour l’érythromycine
est la voie biliaire. Les demi-vies d’élimination
et la roxithromycine, 10 à 30  % pour les autres
sont très variables : deux à trois heures pour l’éry-
macrolides) [site pharmgkb.org  : https://www.
thromycine, la josamycine et la clarithromycine,
pharmgkb.org/pathway/PA166160731].
huit à dix  heures pour la roxithromycine et la
spiramycine et plus de deux jours pour l’azi-
Métabolisme thromycine.
L’insuffisance hépatique contre-indique l’usage
La roxithromycine n’est pas métabolisée au des macrolides. En revanche, l’insuffisance rénale
niveau hépatique, les autres macrolides passent ne demandera pas d’adaptation posologique
par la voie du CYP450 3A4. Pour chaque molé- particulière, excepté pour la clarithromycine du
cule sauf l’érythromycine, on retrouve un ou fait du risque d’accumulation de son métabolite
plusieurs métabolites bactériologiquement actifs. actif 14-OH-clarithromycine. En cas de ClCr
Le 14-hydroxyclarithromycine a la particularité inférieure à 30 ml/min, la demi-vie d’élimination
de présenter une additivité, voire une synergie est multipliée par 3 pour la clarithromycine et
avec la molécule-mère, la clarithromycine, tandis multipliée par 4 pour la 14-OH clarithromycine
que les autres métabolites ont globalement une avec un risque d’accumulation important. Une
activité antibactérienne inférieure à celle de la diminution de la dose par prise ou un espacement
molécule-mère correspondante. Le métabolisme des prises sera donc nécessaire.

Figure 6.2. Mécanisme de la métabolisation de l’érythromycine par le CYP450 3A4 et de la complexation


de son métabolite nitrosoalcane au CYP450 3A4, conduisant à l’inhibition de l’enzyme.
68  Antibiotiques

Relations PK/PD • colchicine (conséquences potentiellement


fatales) ;

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Les macrolides sont des antibiotiques à efficacité • dihydroergotamine, par risque accru de nécrose
temps-dépendante, qui nécessitent, pour optimi- des extrémités.
ser leur efficacité, une concentration supérieure Les associations déconseillées sont :
à la CMI du germe pendant au moins 50  % du • agonistes dopaminergiques dérivés de l’ergot de
temps entre deux administrations. Seule l’acti- seigle (lisuride) ;
vité de l’azithromycine dépend davantage de • les immunosuppresseurs  : ciclosporine, tacro-
l’exposition globale à l’antibiotique, c’est-à-dire limus, sirolimus, évérolimus qui verront leurs
de l’AUC. concentrations augmentées par inhibition de
leur métabolisme hépatique.
Les associations nécessitant des précautions
STP d’emploi sont :
• les AVK, par déplacement de leur liaison aux
Le STP des macrolides n’est pas actuellement protéines plasmatiques ;
recommandé. La seule molécule faisant l’objet de • les statines : par inhibition de leur métabolisme
discussions est la clarithromycine dont la pharma- via le CYP3A4 mais également potentiellement
cocinétique très variable, en particulier dans les par inhibition des transporteurs hépatiques
infections respiratoires, peut conduire à des effets SLCO1B1 et SLCO1B3. Le risque de rhab-
indésirables par surdosage, ou à une efficacité du domyolyse est accru en cas d’association entre
traitement par sous-dosage [5, 6]. Des différences macrolide et statine métabolisée par le CYP3A4
d’AUC d’un facteur 10 et de Cmax d’un facteur 16 (atorvastatine, simvastatine) mais une surveil-
ont pu être observées chez des patients atteints lance s’impose également pour les statines non
de mucoviscidose, tant pour la clarithromycine métabolisées (rosuvastatine, pravastatine) [7] ;
que pour son métabolite actif. Cette variabilité • la digoxine  : par augmentation de sa biodis-
peut être attribuée à l’absorption mais également ponibilité via l’altération de la flore intestinale
à l’activité du CYP450 3A4, comme l’ont montré responsable d’une hydroxylation de la digoxine
les travaux de Dalbøge et al. [6]. Pour autant, il en métabolites moins actifs ;
ne semble pas y avoir aujourd’hui de zone théra- • le midazolam par inhibition de son métabo-
peutique clairement définie pour cette molécule, lisme et prolongement de l’effet sédatif ;
les Cmin attendues se situant entre 2 et 3 mg/l, les • la carbamazépine par inhibition de son métabo-
Cmax entre 3 et 5 mg/l. lisme ;
• les hypoglycémiants  : répaglinide, glibencla-
mide, glimépiride car majoration du risque
Interactions d’hypoglycémie par augmentation de leur
médicamenteuses absorption et de leurs concentrations ;
• la rifabutine : augmentation des concentrations
Interactions pharmacocinétiques de rifabutine avec risque majoré d’uvéite ; aug-
mentation du métabolisme de la clarithromy-
Les interactions médicamenteuses cliniquement cine par la rifabutine, avec augmentation des
significatives des macrolides sont nombreuses du fait concentrations en 14-OH-clarithromycine ;
de leur caractère inhibiteur du CYP450 3A4. L’éry- • la rifampicine  : diminution des concentra-
thromycine est le plus puissant de ces inhibiteurs, tions de clarithromycine et augmentation des
puis viennent la roxithromycine, la clarithromycine, concentrations en 14-OH ;
puis l’azithromycine et la josamycine qui sont • ainsi que, dans l’ensemble, tous les médica-
faibles inhibiteurs. La spiramycine est celle qui ments métabolisés par le CYP3A4.
présente le moins de risques d’interactions. La spiramycine est à associer avec prudence à
Les associations contre-indiquées sont : l’association lévodopa/carbidopa du fait de la
Chapitre 6. Macrolides 69

diminution de l’absorption de carbidopa pouvant extrémités  ; l’association aux anti-histaminiques


entraîner une diminution des concentrations de H1 non sédatifs qui va majorer le risque de

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lévodopa. torsades de pointe  ; l’association au pimozide,
pour majoration du risque de torsades de pointes.
Bien sûr, l’hypersensibilité à l’une ou l’autre
Interactions des molécules de cette classe contre-indique leur
pharmacodynamiques utilisation ultérieure.

Il est contre-indiqué de coadministrer tout


médicament susceptible d’induire des torsades Grossesse et allaitement
de pointes (antihistaminiques H1 non sédatifs,
pimozide, cisapride, etc.). Les macrolides font partie des antibiotiques
pouvant être prescrits pendant la grossesse. En
revanche, la prescription pendant l’allaitement
Effets indésirables n’est pas recommandée du fait du risque de diar-
rhées importantes du nourrisson.
La tolérance aux macrolides est globalement
bonne. La toxicité digestive est la plus marquée,
particulièrement pour l’érythromycine, due à Télithromycine
une irritation gastrique et à la stimulation du
péristaltisme de l’estomac (l’érythromycine a une La télithromycine, de la famille des kétolides, est
action agoniste sur les récepteurs à la motiline). un antibiotique de synthèse qui a pour principal
Cette toxicité digestive est diminuée pour les intérêt son action antibactérienne sur des souches
autres macrolides mais reste présente  : vomisse- résistantes à l’érythromycine. En effet, son affinité
ments, diarrhées, douleurs abdominales pouvant pour la cible ribosomale est 10 à 20  fois supé-
conduire à l’arrêt du traitement. rieure à celle des autres macrolides, et la présence
Les macrolides sont également impliqués dans d’un motif « kéto » qui remplace le sucre neutre
la survenue de troubles du rythme cardiaque à l-cladinose empêche l’induction de la production
type de torsades de pointes, allongement du QT. de méthylase responsable de la résistance de type
Quelques cas de troubles hépatobiliaires avec macrolide-lincosamide-streptogramin B (MLSB).
augmentation des transaminases ont été décrits, La télithromycine est également moins bon subs-
pouvant aboutir, mais rarement, à une hépatite trat des pompes d’efflux responsables de résis-
cholestatique. Des troubles de l’audition, le plus tances.
souvent survenant après exposition prolongée La télithromycine a une activité augmentée
ou à forte dose, ont été décrits  : acouphènes, sur les germes résistants à l’érythromycine,
hypoacousie généralement réversibles. Enfin, notamment ceux impliqués dans les infections
des manifestations allergiques peuvent survenir : respiratoires comme S.  pneumoniae, L.  pneumo-
œdème de Quincke, rash cutané, photosensibi- phila, Chlamydia spp. et Mycoplasma spp. Elle est
lisation. indiquée dans les pneumonies communautaires,
les sinusites aiguës, les exacerbations aiguës des
bronchites chroniques et les angines et pharyn-
Contre-indications gites dues à Streptococcus pyogenes dans les zones
de résistance.
Les contre-indications des macrolides concer- En termes pharmacocinétique, la télithromycine
nent  : les interactions médicamenteuses avec la présente une biodisponibilité d’environ 60 % et une
colchicine, pour augmentation potentiellement bonne diffusion tissulaire. Elle est partiellement
fatale de ses effets indésirables, les dérivés de métabolisée au niveau hépatique et est éliminée
l’ergot de seigle pour risque de nécrose des par les voies biliaire et urinaire. Sa demi-vie de sept
70  Antibiotiques

à dix heures permet une administration uniquoti- La clindamycine est relativement bien tolé-
dienne. Elle ne nécessite pas d’adaptation de poso- rée, elle présente des effets indésirables digestifs,

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logie en cas d’insuffisances rénale ou hépatique quelques cas d’hépatotoxicité et de survenue de
modérées. Son profil de tolérance est bon, tout neutropénies ont été décrits. L’administration de
en conservant le risque de torsades de pointe et le clindamycine est une cause fréquente de survenue
risque d’hépatotoxicité, comme les autres macro- de diarrhées et colites pseudomembraneuses à
lides. Elle est également inhibitrice du CYP3A4. C.  difficile (incidence  : 0,01 à 10  % par traite-
ment). En termes d’interactions médicamenteuses,
la clindamycine est connue pour potentialiser
Clindamycine l’action des curares. C’est un inhibiteur modéré
du CYP3A4 donc susceptible d’augmenter les
La clindamycine agit exactement selon le même concentrations des médicaments métabolisés par
mécanisme que les macrolides, ce qui lui confère cette enzyme. Elle est contre-indiquée durant la
un risque de résistance croisée avec les macrolides. grossesse et l’allaitement.
Elle agit sur les streptocoques, les staphylocoques
et les pneumocoques mais les entérocoques et les Références
organismes aérobies à gram négatif lui sont natu-
rellement résistants du fait de l’imperméabilité [1] Sugie M, Asakura E, Zhao YL, Torita S, Nadai M,
Baba K, et al. Possible involvement of the drug trans-
de leur membrane externe. Ses indications privi- porters P glycoprotein and multidrug resistance-asso-
légiées sont les dermohypodermites bactériennes ciated protein Mrp2 in disposition of azithromycin.
nécrosantes à S. pyogenes ; les infections cutanées Antimicrob Agents Chemother 2004;48:809–14.
à S.  aureus producteur de toxine leucocidine de [2] Fourtillan JB. Propriétés pharmacocinétiques des
Panton-Valentine  ; le traitement des infections à nouveaux macrolides. À propos de l’azithromycine.
Médecine Mal Infect 1995;25:1142–52.
flore mixte telles que celles rencontrées chez les
[3] Van Bambeke F, Verhaegen J, Tyteca D, Auckentha-
diabétiques. Elle peut être indiquée en relai d’une ler R, Tulkens PM. Érythromycine et néomacrolides
antibiothérapie injectable antistaphylococcique et actuels, usages cliniques et perspectives. Louvain
également dans le traitement de seconde inten- Medical 2000;259–86.
tion des toxoplasmoses de l’immunodéprimé, en [4] Periti P, Mazzei T, Mini E, Novelli A. Pharmacokine-
association au pyriméthamine, en cas d’allergie tic drug interactions of macrolides. Clin Pharmacoki-
net 1992;23:106–31.
aux sulfamides.
[5] Gilljam M, Berning SE, Peloquin CA, Strandvik B,
En termes pharmacocinétique, la clindamycine Larsson LO. Therapeutic drug monitoring in patients
présente une bonne biodisponibilité orale, non with cystic fibrosis and mycobacterial disease. Eur
modifiée par l’alimentation. Elle a une très bonne Respir J 1999;14:347–51.
diffusion tissulaire, comme les macrolides, si l’on [6] Dalbøge CS, Nielsen XC, Dalhoff K, Alffenaar JW,
excepte le LCS. Son pourcentage de liaison aux Duno M, Buchard A, et  al. Pharmacokinetic varia-
bility of clarithromycin and differences in CYP3A4
protéines plasmatiques est proche de 90  %. Elle activity in patients with cystic fibrosis. J Cyst Fibros
subit un métabolisme hépatique par le CYP3A4 2014;13:179–85.
donnant lieu à deux métabolites actifs  : clin- [7] Li DQ, Kim R, McArthur E, Fleet JL, Bailey DG,
damycine sulfoxide et N-desméthylclindamycine. Juurlink D, et al. Risk of adverse events among older
L’élimination est essentiellement biliaire. Une adults following co-prescription of clarithromycin
and statins not metabolized by cytochrome P450
insuffisance rénale sévère augmentera cependant
3A4. CMAJ 2015;187:174–80.
la demi-vie à six heures sans pour autant justifier [8] Wynalda MA, Hutzler JM, Koets MD, Podoll T,
une adaptation de la posologie. Cette molécule Wienkers LC. In vitro metabolism of clindamycin in
n’est pas dialysable. La clindamycine est un inhi- human liver and intestinal microsomes. Drug Metab
biteur modéré du CYP3A4 [8]. Dispos 2003;31:878–87.
Chapitre 7

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Tétracyclines
Marie-Clémence Verdier

Points-clés Structure
Les tétracyclines voient leur usage limité du
et mécanisme d’action
j

fait de nombreuses résistances acquises, sauf


la tigécycline qui conserve un large spectre
du fait d’une structure un peu différente. Comme les macrolides, c’est une classe d’anti-
j Elles sont généralement administrées infectieux assez homogène en termes de structure
per os, sauf la tigécycline. chimique (figure  7.1). Les différentes molécules
j Ce sont des molécules à forte diffusion sont synthétisées à partir de la même structure
tissulaire et intracellulaire. Leur absorption de base tétracyclique sur laquelle différents subs-
est très diminuée par les cations di- et
tituants sont positionnés sur les carbones 5, 6 ou
trivalents (Fe2+, Ca2+, Mg2+, Al3+, etc.)
que l’on retrouve dans le lait, les
7 (substituants R de type OH, H, Cl ou CH3).
pansements gastriques par exemple. Les tétracyclines sont des inhibiteurs de tra-
j Leurs principales contre-indications sont l’hyper- duction. Après pénétration dans la cellule par
sensibilité à l’une des molécules de la classe ; diffusion passive (membrane externe) et transport
la grossesse, l’allaitement, l’enfant de moins actif (membrane cytoplasmique), les tétracyclines
de 8 ans ; l’association aux rétinoïdes. vont se lier de façon irréversible sur un site de
j Les effets indésirables principaux sont des forte affinité de la sous-unité 30  S du ribosome
troubles digestifs, une photosensibilisation, et sur des sites de faible affinité des sous-unités
une toxicité vestibulaire pour la minocycline,
30 S et 50 S. Elles vont ainsi empêcher la liaison
la coloration des dents et hypoplasie de
l’émail ; une hépatotoxicité ; une hypertension
de l’ARN de transfert bactérien (ARNt) à son site
intracrânienne bénigne chez l’adulte. accepteur, ce qui va empêcher l’élongation de la
chaîne peptidique en cours de formation. Leur
activité procède également d’une inhibition des
Médicaments existants systèmes enzymatiques par complexation ionique.
Ce sont des antibiotiques bactériostatiques.
La première cycline, la chlortétracycline, a été
découverte en 1948. Dans les années 1960-
1970, des tétracyclines semi-synthétiques dites
« de deuxième génération », ont été commercia-
lisées, présentant de meilleures caractéristiques
pharmacocinétiques. Elles sont aujourd’hui assez
peu prescrites et cinq molécules subsistent sur
le marché français  : doxycycline, lymécycline,
métacycline, minocycline. La tigécycline, réservée
Figure 7.1. Structure de base des tétracyclines et
aux hôpitaux, fait partie du sous-groupe des position des différents substituants définissant les tétracy-
glycylcyclines. clines (R1, R2, R3, R4) et les glycylcyclines (R en orange).

Pharmacologie des anti-infectieux


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72  Antibiotiques

Spectre et indications cyclines au ribosome, chez les bactéries à gram


positif (système Tet[M]). Là encore, la tigécy-

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Le spectre antibactérien initial des tétracyclines cline n’est pas soumise à cette résistance du fait
était large, mais il s’est beaucoup réduit du fait d’un encombrement stérique qui empêche la
de l’acquisition de résistances. Actuellement, le liaison de type Tet(M) au ribosome ;
spectre utile est le suivant : • inactivation enzymatique.
• germes habituellement sensibles : Brucella, Pas- Les indications des tétracyclines aujourd’hui
teurella, H. influenzae, Chlamydia, Mycoplasma sont de fait conditionnées à leur spectre antibac-
pneumoniae, Ureaplasma urealyticum, Rickett- térien qui se réduit (tableau 7.1).
sies (Coxiella burnetii), T.  pallidum, Borrelia Les formes à usage local sont indiquées dans
burgdorferi, Leptospires, Propionibacterium acnes; les infections ophtalmiques superficielles et les
• germes inconstamment sensibles  : Neisseria dermatoses impétigineuses.
gonorrhoea, Vibrio cholerae;
• germes fréquemment résistants : staphylocoques
méti-S, streptocoques, pneumocoques, Salmo- Pharmacocinétique
nella typhi, Clostridium, Bacteroides, Fusobacte-
rium. Absorption
On distingue trois mécanismes de résistance
acquise, principalement d’origine plasmidique Elle est variable selon les molécules, de 60  %
et procurant une résistance croisée entre les pour la métacycline (limitée par l’alimentation) à
tétracyclines : 95-100  % pour la doxycycline et la minocycline
• résistance par efflux ou par diminution de (indépendamment de l’alimentation). Le Tmax est
l’influx, essentiellement chez les bactéries à atteint en deux à trois heures, plus tardif pour la
gram négatif (systèmes Tet[AE] et Tet[K]). minocycline (trois à quatre heures).
La tigécycline échappe à cet efflux, n’étant L’absorption est limitée par la présence de
pas un substrat de ces pompes. Doxycycline cations divalents (Ca2+, Mg2+, Fe2+) ou trivalents
et minocyclines ne sont pas des substrats des (Al3+) du fait d’un phénomène de chélation. Il
pompes Tet(K) ; est donc déconseillé de prendre simultanément
• protection ribosomale par production d’une des produits laitiers ou des topiques gastro-intes-
protéine qui interfère avec le site de liaison des tinaux. Les antiacides diminuent également de

Tableau 7.1. Principales indications des tétracyclines disponibles en France (2017).


Doxycycline, lymécycline, minocycline (si résistance aux autres cyclines) Tigécycline à usage curatif Métacycline
Infections respiratoires à mycoplasmes, Chlamydia pneumoniae, Chlamydia psittaci, Infections intra-abdominales Infections à germe
C. burnetii (fièvre Q) compliquées sensible limitées
Infections ORL et bronchopulmonaires à H. influenzae, en particulier exacerbations Infections compliquées de la aux localisations
aiguës des bronchites chroniques, peau et des tissus mous suivantes :
Brucelloses (en association à la rifampicine), rickettsioses, pasteurelloses, infections odonto-stoma-
à spirochètes : Lyme ou leptospirose si allergie à la pénicilline, choléra tologiques et
Infections génitales : parodontologiques
- urétrites, salpingites, orchi-épididymites, prostatites, anorectites à Chlamydia systémiques, res-
trachomatis, Mycoplasma hominis et U. urealyticum piratoires et génito-
- syphilis et autres tréponématoses si allergie à la pénicilline urinaires
- acné : à faible dose et au long cours acné
Doxycycline :
paludisme : accès palustre non compliqué au décours d’un séjour en Asie du Sud-
Est ou Amazonie, en association avec la quinine ;
chimiprophylaxie du paludisme (100 mg/j) en zone III
Chapitre 7. Tétracyclines 73

façon importante l’absorption intestinale des des tétracyclines. Il est recommandé de les
cyclines en augmentant le pH. administrer à distance avec un délai d’au moins

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La résorption intestinale de la tigécycline étant deux heures ;
très mauvaise, elle doit être administrée par voie • les tétracyclines vont augmenter l’effet des
intraveineuse. anticoagulants oraux impliquant une modifi-
cation de l’INR. Une surveillance accrue est à
prévoir ;
Distribution • des cas d’hyperazotémie extrarénale due à un
Les cyclines se distribuent largement dans les tis- effet anti-anabolique et majorée par la prise de
sus et en intracellulaire, excepté dans le LCS où diurétiques ont pu être décrits ;
les concentrations n’atteignent que 10 à 25 % des • les traitements anticonvulsivants, inducteurs des
concentrations sériques. La minocycline diffuse enzymes microsomiaux hépatiques, favorisent
particulièrement bien dans le liquide salivaire. l’élimination de la doxycycline et diminuent ses
Les plus lipophiles (doxycycline et minocycline) concentrations. Une adaptation de la posologie
vont se concentrer de manière très importante (deux prises par jour) est recommandée ;
dans la bile. • la didanosine va diminuer l’absorption de la
Du fait de leur capacité à se lier au calcium, les doxycycline du fait de l’anti-acide incorporé
tétracyclines se lient particulièrement aux tissus dans le comprimé ;
osseux et dentaire en phase de croissance provo- • sur la base d’une étude in vitro, la tigécy-
quant des colorations dentaires, des hypoplasies cline est un substrat de la glycoprotéine  P.
de l’émail. Chez le fœtus, cela peut entraîner L’administration concomitante d’inhibiteurs de
des déformations osseuses et des inhibitions de la glycoprotéine P (comme le kétoconazole ou
croissance. la ciclosporine) ou d’inducteurs de la glycopro-
téine P (comme la rifampicine) pourrait affecter
la pharmacocinétique de la tigécycline.
Métabolisme et élimination
Les tétracyclines sont peu métabolisées et prin- Effets indésirables
cipalement éliminées sous forme inchangée. La
minocycline est la plus métabolisée, à environ La toxicité digestive est attribuable à une irritation
50  %. Les tétracyclines ont une élimination locale, ou à une modification de la flore intestinale
mixte  : biliaire et urinaire. Elles ne sont pas du fait de la fraction non absorbée éliminée par les
dialysables. Seule la posologie de la doxycycline fèces. On retrouvera classiquement des nausées,
injectable nécessite une adaptation en cas d’insuf- vomissements et diarrhées, des épigastralgies.
fisance rénale. Les formes orales devront être absorbées avec
un grand verre d’eau de façon à éviter l’adhésion
des formes solides à la muqueuse œsophagienne,
Interactions susceptible de provoquer des ulcérations locales et
médicamenteuses des dysphagies.
Photosensibilisation : l’exposition au soleil est
Les tétracyclines sont l’objet de peu d’interactions à limiter au maximum durant le traitement. La
médicamenteuses : coloration des dents et l’hypoplasie de l’émail
• l’association aux rétinoïdes par voie générale surviendront chez l’enfant né de mère traitée
est contre-indiquée du fait du risque d’hyper- pendant la grossesse et chez l’enfant de moins de
tension intracrânienne ; 8  ans traité par tétracycline. Des pigmentations
• l’association avec des sels de fer, de calcium, de la peau ont été observées, réversibles à l’arrêt
des pansements gastriques contenant des du traitement, survenant lors de traitements au
cations di- ou trivalents diminue l’absorption long cours.
74  Antibiotiques

Une hypertension intracrânienne a pu être Les tétracyclines se dégradent sous l’effet de la


décrite sous tétracycline, surtout chez le nourris- lumière et de l’humidité. L’absorption de tétracy-

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son chez qui elle peut être grave. Les manifes- clines périmées peut conduire à des néphropathies
tations bénignes chez l’adulte de type vertige et avec acidose tubulaire rénale.
céphalées disparaîtront à l’arrêt du traitement.
La toxicité hématologique est rare  : anémie
hémolytique, neutropénie, thrombocytopénie. Contre-indications
Toxicité hépatique : augmentation des enzymes
hépatiques, ictère, hyperbilirubinémie, particu- Les contre-indications des tétracyclines concer-
lièrement en cas d’administration de fortes doses nent l’hypersensibilité à une molécule de la classe
intraveineuses. Si sa prescription ne peut pas être et l’insuffisance rénale (sauf doxycycline).
évitée, la posologie de la minocycline doit être Toutes les cyclines sont contre-indiquées à
adaptée en cas d’insuffisance hépatocellulaire. La partir du 5e mois de grossesse et sont à proscrire
toxicité vestibulaire est fréquente sous minocy- pendant l’allaitement et chez l’enfant de moins de
cline : vertiges, nausées, vomissements (35 à 70 % 8  ans. L’association aux rétinoïdes par voie sys-
des patients traités). témique est contre-indiquée.
Les cas d’hypersensibilité à la minocycline de
type réaction cutanée (rash ou dermite exfo-
liative), pancréatite aiguë, syndrome lupique, Grossesse et allaitement
pseudo-maladie sérique, accompagnés de fièvre,
éosinophilie, arthralgies, œdème articulaire, hépa- Toutes les cyclines sont contre-indiquées à partir
tite, et parfois fatales, ont conduit à restreindre du 2e trimestre de grossesse et sont à proscrire
son utilisation aux situations de résistances aux pendant l’allaitement et chez l’enfant de moins
autres tétracyclines. de 8 ans.
Chapitre 8

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Oxazolidinones
Yoann Cazaubon, Catherine Feliu, Zoubir Djerada

Points-clés j en cas de surdosage, le linézolide est dialysable


Le linézolide et le tédizolide sont des antibiotiques (dialysance 30 % après trois heures d’hémodialyse).
de synthèse ayant une excellente biodisponibilité Tédizolide :
orale, un relais per os est donc préconisé dès j le tédizolide est indiqué dans le traitement des

que la situation clinique du patient le permet. infections bactériennes aiguës de la peau et des
Linézolide : tissus mous chez l’adulte à partir de 18 ans ;
j le linézolide est indiqué dans le traitement des j le tédizolide n’est pas dialysable ;

j le tédizolide interagit avec de nombreuses cibles


infections compliquées de la peau et des tissus
mous, des pneumopathies communautaires et enzymatiques : CYP3A4, CYP2B6, CYP2C9 et
nosocomiales suspectées à bactéries à Gram protéique : P-gp. Il existe un potentiel inhibiteur de
positif chez l’adulte à partir de 18 ans ; la breast cancer resistance protein (BCRP) par le
j le linézolide a une excellente pénétration dans tédizolide. Il inhibe aussi le transporteur d’anions
tous les tissus et organes incluant le SNC ; organiques (OATP1B1). De nombreuses inter-
j il existe une grande variabilité inter-individuelle actions d’ordre pharmacocinétique sont à prévoir ;
j tout comme le linézolide, c’est un inhibiteur des
des concentrations plasmatiques du
linézolide, requérant ainsi un suivi thérapeutique, monoamines oxydases. Son utilisation en association
surtout pour les infections graves ; avec d’autres molécules interagissant avec la
j la clairance plasmatique du linézolide est diminuée sérotonine doit être entreprise avec prudence ;
j le manque de données et de recul sur le
de 50 et de 20 % pour les patients en insuffisance
hépatique sévère ou en insuffisance rénale terminale, plan clinique ne permettent pas d’édicter des
respectivement. Contrairement aux premières recommandations concernant une adaptation
données, la pharmacocinétique du linézolide de posologie individualisée. Plus d’études
est significativement impactée par la fonction cliniques sont nécessaires pour caractériser la
rénale, l’âge, le poids et les comédications ; variabilité inter-individuelle et évaluer le rôle
j le linézolide est un inhibiteur des monoamines du suivi thérapeutique pour le tédizolide.
oxydases et peut induire un syndrome
sérotoninergique quand il est associé Les oxazolidinones sont une famille d’antibio-
à d’autres agents sérotoninergiques ; tique synthétique unique. Ils ont été initialement
j l’incidence de ces effets indésirables peut être
développés comme antidépresseurs inhibiteurs
réduite par le biais du suivi thérapeutique et d’une de la monoamine oxydase (IMAO) tout en leur
adaptation des posologies. Une Cmin inférieure à reconnaissant, par la suite, des propriétés anti-
9 mg/l ou une AUC0-24 inférieure à 400 mg.h/l permet biotiques. Les premières molécules à émerger en
de réduire le risque de survenue d’une toxicité
tant qu’antibiotiques avaient une très forte activité
hématologique, notamment de thrombocytopénie ;
j une efficacité optimale du linézolide est atteinte
contre les bactéries à Gram positif, mais leur
lorsque les concentrations plasmatiques sont développement s’est interrompu du fait de leur
au-dessus de la CMI ( %T > CMI) pendant au toxicité importante. Plus tard, deux oxazolidi-
moins 85 % de la durée du traitement ou quand nones ont été synthétisés  : épérézolide et linézo-
le ratio AUC0-24/CMI est supérieur à 100 ; lide. Le linézolide a finalement montré le profil

Pharmacologie des anti-infectieux


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76  Antibiotiques

pharmacocinétique le plus favorable pour une uti-


lisation chez l’homme. Très récemment, le phos-

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phate de tédizolide a fait son apparition sur le
marché comme oxazolidinone de deuxième géné-
ration. D’autres membres de cette classe d’antibio-
tique sont encore en cours d’investigation clinique.

Médicaments existants
Deux oxazolidinones sont actuellement commer-
cialisés en France  : le linézolide et le phosphate
de tédizolide :
• le linézolide est commercialisé sous forme
injectable et orale (liste I, médicament sou-
mis à prescription hospitalière et rétrocession
possible). La posologie recommandée est de
600 mg deux fois par jour pour une durée de
10 à 14 jours, pouvant aller jusqu’à 28 jours ;
• le phosphate de tédizolide (Sivextro®), est Figure 8.1. Mécanisme d’action des oxazolidinones
commercialisé sous forme injectable et orale dans la bactérie.
(liste I, médicament soumis à prescription hos-
pitalière et rétrocession possible). La posologie
du phosphate de tédizolide est de 200 mg une Le linézolide, en plus de son activité antibac-
fois par jour pour une durée de six jours. Par térienne, inhiberait l’expression de facteurs de
mesure de simplification, le métabolite actif du virulences des CGP  : diminution de l’expression
phosphate de tédizolide étant le tédizolide, le de la coagulase et des α- et δ-hémolysines de
terme tédizolide sera utilisé par la suite. S. aureus, inhibition de la streptolysine O et de la
DNase de Streptococcus pyogenes et augmentation
de la sensibilité à la phagocytose à des concen-
Mécanisme d’action trations sub-inhibitrices.

Les oxazolidinones sont des inhibiteurs de la syn-


thèse protéique bactérienne. Ils agissent par un Spectre et indications
mécanisme original en bloquant à un stade très
précoce la traduction au niveau de la phase d’ini- Le spectre d’action des oxazolidinones comprend
tiation. Ils se lient au domaine V de l’ARNr 23 S principalement les bactéries à Gram posi-
de la sous-unité ribosomale 50 S empêchant ainsi tif (tableau  8.1), incluant plusieurs espèces de
son assemblage à la sous-unité 30 S. La sous-unité souches résistantes, telles que le SARM, les pneu-
30 S étant associée à l’ARNm et à l’ARNt (FMet- mocoques résistant à la pénicilline et les entéro-
ARNt) transportant le premier acide aminé, la coques résistants à la vancomycine (ERV) :
méthionine, cela conduit au défaut de formation • aérobies : S. aureus (sensibles ou résistants à la
du complexe d’initiation fonctionnel 70S et donc méticilline, SAMS ou SARM), staphylocoques
à l’interruption de l’initiation de la synthèse bac- non dorés, streptocoques (dont pneumo-
térienne (figure 8.1) [1]. Ce mécanisme d’action coques), entérocoques ;
étant unique, par conséquent, une résistance croi- • anaérobies : C. perfringens.
sée entre les oxazolidinones et d’autres classes Bien que le linézolide soit indiqué dans
d’antibiotiques est peu probable. les infections à CGP tels que S.  aureus,
Chapitre 8. Oxazolidinones 77

Tableau 8.1. Concentrations critiques pour le linézolide et le tédizolide (d’après l’EUCAST https://mic.eucast.org/

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Eucast2/SearchController/search.jsp?action=init).
Espèce Linézolide Tédizolide
S R S R
Staphylococcus spp ≤4 >4 ≤ 0,5 > 0,5
Enterococcus spp ≤4 >4 ≤ 0,5 > 0,5
Streptococcus pneumoniae ≤2 >4 ≤ 0,5a > 0,5a
Streptococcus spp ≤2 >4 ≤ 0,25b > 0,5b
a Streptocoques bêtahémolytiques des groupes A, B, C, G.
b Streptocoques du groupe viridans (groupe Streptococcus anginosus seulement).

E.  faecalis, E.  faecium et S.  pneumoniae, des SARM, les S. aureus de sensibilité intermédiaire/
études d’efficacité ont été réalisées sur d’autres hétérogène aux glycoprotéines (GISA/hGISA)
germes moins fréquemment isolés à l’hôpital ainsi que les ERV.
mais potentiellement dangereux. Elles ont mis Le linézolide est indiqué dans le traitement des
en évidence une activité antibactérienne sur les pneumopathies nosocomiales et communautaires
bactéries à Gram positif suivantes  : Bacillus, et des infections compliquées de la peau et des
Corynebacterium, Rhodococcus, Listeria, Actino- tissus mous chez les adultes à partir de 18  ans
myces et Nocardia spp. Le linézolide est actif lorsqu’elles sont documentées ou suspectées à
contre toutes les espèces de Nocardia, notam- Gram positif.
ment, démontré avec les succès cliniques dans
le traitement d’abcès du cerveau. Le linézo-
lide a également une bonne activité in vitro Infections à bactéries à Gram
et in vivo sur M.  tuberculosis, y compris sur positif multirésistantes
les souches multirésistantes (multidrug-resis-
tant [MDR]  : résistantes à l’isoniazide et à la Son efficacité a été démontrée dans les infections
rifampicine) et ultrarésistantes (extensively drug- à SARM ou à ERV.
resistant [XDR]). De plus, cet antibiotique est
actif in vitro sur d’autres mycobactéries comme
Mycobacterium marinum, Mycobacterium kan-
Infections pulmonaires
sasii et Mycobacterium szulgai. En revanche, Le linézolide est utilisé comme traitement des
le linézolide a une activité discutable sur des pneumopathies communautaires à bactéries
souches de mycobactéries atypiques telles que à Gram positif, il ne doit cependant pas être
Mycobacterium avium, Mycobacterium abscessus considéré comme un antibiotique de première
et Mycobacterium chelonae. intention. Dans les pneumopathies nosocomiales
Il est inactif sur certaines bactéries à Gram à SARM, l’efficacité du linézolide a bien été
négatif aérobies dont les entérobactéries, Pseudo- établie. Il a montré une supériorité d’activité
monas, Neiseiria, Mycoplasma et Chlamydia. antibactérienne par rapport à la vancomycine.
Le tédizolide agit sur les bactéries à Gram
positif, comme le linézolide, avec toutefois une
activité in vitro sur des souches résistantes au Infections de la peau
linézolide. Tout comme le linézolide, il n’est et des tissus mous
généralement pas actif contre les bactéries à
Gram négatif. L’intérêt clinique potentiel du Les infections cutanées constituent la troisième
tédizolide réside dans son activité in vitro sur les indication du linézolide (S.  aureus et S.  pyogenes
78  Antibiotiques

représentent les deux bactéries les plus fréquem- Pharmacocinétique


ment mises en cause). Il a démontré une efficacité

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clinique et bactériologique identique à celle de Les oxazolidinones sont des molécules de petites
l’oxacilline. Il a été aussi comparé à la vancomy- tailles (< 400 Da), amphiphiles. Leurs propriétés
cine pour les infections de la peau et des tissus pharmacocinétiques sont peu comparables mais
mous à SARM et s’est montré plus efficace que la caractérisées par une bonne diffusion tissulaire
vancomycine pour une même tolérance. (tableau 8.2) [2].
Au cours d’infections cutanées à bactéries
aérobies et anaérobies (Fusobacterium, Prevotella,
Peptostreptococcus), après morsure d’animaux, le Linézolide
linézolide a montré une efficacité comparable à
celle des macrolides, il peut éventuellement être Les paramètres pharmacocinétiques du linézolide
utilisé après documentation bactériologique. en font un antibiotique de choix, notamment en
relais per os des traitements par glycopeptides.
Après administration orale du linézolide,
Efficacité du linézolide l’absorption est rapide. La biodisponibilité orale
dans des indications hors AMM est complète (proche de 100  %) avec un pic
plasmatique entre une et deux heures. La prise
Bien que n’ayant pas l’AMM dans ces indications alimentaire n’affecte pas de manière significative
thérapeutiques, le linézolide a été utilisé dans les l’absorption du linézolide. La prise d’antiacides
infections suivantes, souvent à des posologies ou l’administration par sonde nasogastrique
supérieures aux posologies habituellement pres- (forme suspension buvable) n’altère pas la bonne
crites (> 25 mg/kg/jour) et/ou à des durées de absorption du linézolide.
traitement supérieures à la durée recommandée Le linézolide se distribue largement dans les
(> 28 jours) : tissus et les fluides. Son volume de distribution à
• endocardites bactériennes à SARM ou ERV ; l’état d’équilibre est compris entre 40 et 50 litres
• méningite, ventriculite à SARM ou ERV ; chez l’adulte sain. Il est augmenté chez l’enfant, le
• infections osseuses dont infections à prothèse sujet obèse en sepsis sévère et en cas d’épuration
totale de hanche, spondylodiscite à SARM,
infection sur os périphérique, infection sternale
Tableau 8.2. Paramètres pharmacocinétiques des
ou infection sur pied diabétique. oxazolidinones.
Caractéristiques Linézolide Tédizolide
Utilisation du linézolide pharmacocinétiques (600 mg 2/j) (200 mg/j)
chez l’enfant Biodiponibilité ( %) > 95 % ≥ 90 %
Cmin (mg/l) 2-8 0,4
En France, le linézolide n’a obtenu l’AMM que Cmax (mg/l) 10-20 1,5-2,5
chez l’adulte à partir de 18  ans. Cependant,
Tmax (h) 1,0-2,0 1,0-3,0
si une utilisation du linézolide est nécessaire,
l’augmentation de la clairance chez l’enfant de AUC0-∞ (mg.h/l) 80-140 20-30
moins de 12  ans nécessite que l’administration Vd (l) 40-50 67-80
soit réalisée toutes les huit heures à la posologie Demi-vie plasmatique (h) 4-7 11-12
de 10 mg/kg/j. Au-delà de 12 ans, la posologie Clairance (l/h) 4-6 7-9
et la fréquence sont identiques à celles de l’adulte. Liaison aux protéines 30 70-90
Les indications du linézolide chez l’enfant sont les plasmatiques ( %)
mêmes que celles de l’adulte. Élimination Métabolites : 50 % Métabolites : 20 %
Le tédizolide est indiqué uniquement dans les urine/10 % fécès ; urine/80 % fécès
infections aiguës bactériennes de la peau et des linézolide : 30 %
tissus mous chez les adultes à partir de 18 ans. urine
Chapitre 8. Oxazolidinones 79

extrarénale. Le taux de liaison aux protéines plas- Relations PK/PD et STP


matiques est de l’ordre de 30  %. La pénétration

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moyenne du linézolide dans la plaie du pied Les oxazolidinones sont bactériostatiques contre les
diabétique est de 100 %. D’autres études chez le entérocoques et les staphylocoques, et bactéricides
volontaire sain ont aussi montré une bonne dis- sur certaines espèces de streptocoques telle que
tribution au niveau du liquide bronchoalvéolaire S. pneumoniae ainsi que quelques bactéries anaé-
(LBA) avec un ratio LBA-plasma de 3,2 :1. Quand robies (Bacteroides fragilis, C.  perfringens). Des
les méninges ne sont pas en état inflammatoire, concentrations plus élevées in vitro n’entraînent
les concentrations dans le LCS sont inférieures à pas d’augmentation de l’activité antibactérienne.
celles du plasma (ratio, 0,7 :1). La concentration Les oxazolidinones sont des antibiotiques temps-
dans l’os et les muscles par rapport au plasma est dépendants avec une importance du  %T  >  CMI
de 0,6 :1 et 0,9 :1, respectivement. plus marquée pour le linézolide. Pour les deux
D’autres sites pour lesquels les concentrations molécules, le rapport AUC0-24/CMI est un index
locales sont supérieures aux concentrations plas- pharmacodynamique également pertinent.
matiques, fondés sur des études animales, incluent Il est clairement établi que le risque de déve-
le rein, la glande surrénale, le foie et le tractus lopper une toxicité hématologique est augmenté
gastro-intestinal. quand la Cmin du linézolide est supérieure à
Le linézolide est métabolisé par oxydation non 9  mg/l ou quand l’AUC0-24h est supérieure à
enzymatique (65 %) pour donner principalement 400  mg.h/l. Afin de la prévenir, un STP est
deux métabolites inactifs. Ce processus méta- à envisager, notamment dans les populations à
bolique n’est pas médié par le CYP450 mais risque (insuffisants rénaux sévères, sujets âgés).
contribue cependant à générer de la variabilité Des preuves moins concluantes sont décrites
inter-individuelle. quant au rôle du suivi thérapeutique pour opti-
Sa principale voie d’élimination est la voie miser l’efficacité, principalement par manque de
urinaire (85 %), sous forme inchangée (30 %), ou cibles thérapeutiques bien définies.
sous forme de métabolites inactifs (50  %). Seuls Pour le linézolide, une efficacité antibacté-
10 % sont excrétés dans les fécès. rienne optimale est atteinte lorsque les concen-
trations plasmatiques sont au-dessus de la CMI
Tédizolide ( %T > CMI) pendant au moins 85 % de la durée
du traitement ou quand le ratio AUC0-24/CMI
Le phosphate de tédizolide est une prodrogue. est supérieur à 100.
Après administration dans l’organisme, il est déphos- Un recul insuffisant vis-à-vis du tédizolide ne
phorylé, libérant le tédizolide (métabolite actif). permet pas encore d’établir des recommandations
Après administration orale du phosphate de sur l’optimisation de la balance bénéfice/risque.
tédizolide, l’absorption est rapide. La biodis- Une cible d’efficacité est pour le moins proposée
ponibilité orale est supérieure à 90 % avec un pic à partir de données chez l’animal neutropénique :
plasmatique entre une et trois heures. La prise fAUC0-24/CMI supérieure à 50.
alimentaire d’un repas riche en graisse n’affecte
pas de manière significative l’absorption du phos-
phate de tédizolide.
Son Vd à l’état d’équilibre est compris entre 67 Interactions
et 80 litres chez l’adulte sain. Le taux de liaison aux médicamenteuses
protéines plasmatiques est d’environ 70 à 90 %. Il
n’est pas substrat des enzymes du CYP450. Le D’après différentes études in vitro, le linézolide
tédizolide est métabolisé par plusieurs sulfotrans- n’apparaît pas comme substrat, inhibiteur ou
férases pour former un conjugué sulfaté inactif. inducteur des CYP450. Il a été suggéré que le
Sa principale voie d’élimination est la voie fécale linézolide soit substrat de la glycoprotéine P sans
(80 %). Seuls 20 % sont excrétés dans les urines. que cela n’ait été confirmé. Plus tard, d’autres
80  Antibiotiques

études ont montré qu’une coadministration avec Tout comme le linézolide, le tédizolide est un
la clarithromycine, qui inhibe la glycoprotéine P inhibiteur des monoamines oxydases. À cause

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et le CYP3A4, entraînait une augmentation de de cet effet, un risque de crise hypertensive est
plus de 50  % de la concentration en linézolide. à prévoir en cas d’association avec un médica-
Le ritonavir, inhibiteur de la glycoprotéine P et ment adrénergique. Il est aussi prévisible qu’une
du CYP3A4, augmente l’exposition au linézo- association avec des médicaments inhibant la
lide. L’exposition au linézolide est modestement recapture de la sérotonine expose à un risque de
réduite quand il y a une coadministration avec survenue de syndrome sérotoninergique.
la rifampicine, puissant inducteur de la glyco- Contrairement au linézolide, le tédizolide
protéine P et du CYP3A4. Cet effet peut persister interagit avec les CYP450. C’est un inducteur
jusqu’à trois semaines après l’arrêt de la rifampi- des CYP3A4, CYP2B6, CYP2C9 et de la gly-
cine. Le CYP3A4 aurait donc un rôle mineur dans coprotéine P. Il existe un potentiel inhibiteur
le métabolisme du linézolide. de la BCRP par le tédizolide. Il inhibe aussi
Le linézolide est un inhibiteur non sélectif réver- l’OATP1B1. Une interruption de la comédication
sible de la monoamine oxydase et, par conséquent, interagissant avec les cibles enzymatiques et/ou
a le pouvoir d’interagir avec les neurotransmet- protéiques citées précédemment doit être envisa-
teurs du système adrénergique et sérotoniner- gée pendant la durée du traitement par tédizolide.
gique. Les patients recevant du linézolide peuvent
expérimenter un renforcement réversible de la
réponse vasopressive en agissant indirectement sur Effets indésirables
les agents sympathomimétiques, vasopresseurs ou
dopaminergiques. Chez les patients sains normo- La plupart des effets indésirables rapportés sont
tendus, le linézolide renforce l’augmentation de la légers ou modérés, avec, tout de même, des réac-
pression sanguine liée à l’utilisation de substances tions suffisamment sévères conduisant à un arrêt
sympathomimétiques type pseudoéphédrine. Au du traitement (< 3  %). Les effets indésirables
vu des interactions potentielles, chez les patients communs sont d’ordre gastro-intestinal (diarrhée,
recevant des inhibiteurs sélectifs de la recapture de nausée, vomissement et altération du goût [métal-
la sérotonine (ISRS), antidépresseurs tricycliques, lique]) et des maux de tête. La survenue d’une
sympathomimétiques, vasopresseurs, la péthidine complication à C. difficile est d’environ 0,2 %.
ou la buspirone, il est recommandé que le liné- Une élévation des transaminases ou de la phos-
zolide ne soit coadministré que si un monitorage phatase alcaline (anomalies transitoires) se produit
de la pression artérielle est facilité. De plus, les dans un peu plus de 1  % des cas. Des réactions
patients traités par linézolide devraient éviter de cutanées, incluant rashs, dermatite, prurit, dia-
consommer des aliments riches en tyramine tels phorèse sont rares.
que les fromages affinés, les extraits de levure, des Le linézolide a des effets indésirables rares
boissons alcoolisées non distillées et des produits (<  1  %) mais graves, notamment d’ordre héma-
à base de soja. tologique et neurologique. Il peut aussi causer
Bien que son utilisation soit déconseillée avec des acidoses lactiques. Ces trois types d’effets
les ISRS, si la situation clinique le requiert, indésirables seraient la conséquence de la liai-
une utilisation du linézolide est possible mais son du linézolide aux structures homologues de
avec un suivi très attentif des signes cliniques l’ARN 16S mitochondrial humaines aboutissant à
et symptômes du syndrome sérotoninergique. une réduction de la synthèse des composants clés
Si un syndrome sérotoninergique est suspecté, de la chaîne respiratoire I, III, IV et l’ATP-syn-
les médicaments sérotoninergiques doivent être thase, et d’une altération de la phosphorylation
arrêtés promptement. oxydative. Ces composants dans la mitochondrie
Lors d’une administration concomitante de sont partiellement codés par l’ADN mitochon-
warfarine, une réduction de 10  % de la valeur drial, et les mutations dans les gènes de l’ARNr
moyenne maximale de l’INR est observée. 16S (A2706G et G3010A) ont été associées à
Chapitre 8. Oxazolidinones 81

l’induction de la toxicité mitochondriale. Le Les effets indésirables neurologiques sont des


complexe II est codé dans le noyau et est syn- névrites optiques rétrobulbaires (NORB) et des

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thétisé par les ribosomes cytoplasmiques. Par neuropathies périphériques. Leur survenue est
conséquent, il n’est pas affecté par un traite- très rare mais grave. La plupart des cas réperto-
ment par linézolide (figure 8.2) [1]. Les notions riés sont associés à des traitements d’une durée
de temps et de dose-dépendance interviennent supérieure à 28  jours (médiane  : cinq mois).
dans la survenue de ces effets indésirables. Ils Les NORB sont en général réversibles à l’arrêt
se produisent en général chez les patients traités du traitement, contrairement aux neuropathies
pendant plus de 28 jours et/ou à des doses supé- périphériques.
rieures aux doses recommandées. Un lien direct L’acidose lactique peut survenir dans la semaine
entre l’induction par le linézolide de l’inhibition suivant le traitement mais est plus souvent obser-
de la synthèse protéique mitochondriale humaine vée lors d’un traitement prolongé (médiane : six
et l’inhibition de la prolifération cellulaire a bien semaines).
été démontré, clarifiant ainsi le rôle du linézolide Un autre effet indésirable rare est le syndrome
dans la myélosuppression. sérotoninergique, survenant en général lors
Les effets hématologiques qui surviennent sont d’association avec des médicaments interagissant
en général des thrombopénies et des anémies. Ils avec le système sérotoninergique (IMAO, ISRS).
sont dépendants de l’exposition au traitement Cet effet indésirable survient souvent précoce-
caractérisée par l’AUC et de la durée du traite- ment et est résolutif à l’arrêt du traitement (fonc-
ment. Ils surviennent plus fréquemment chez tion de la demi-vie d’élimination du traitement
les patients insuffisants rénaux sévères et sont coadministré).
réversibles à l’arrêt du traitement. Une prévention Le tédizolide a un profil d’effets indésirables
ou une réversion des cytopénies a été décrite avec similaire au linézolide.
une administration concomitante de vitamine B6.

Contre-indications
Linézolide
Les contre-indications à l’utilisation du linézolide
sont les suivantes :
• hypersensibilité à la substance active ou au
tédizolide ou à l’un de ses excipients ;
• patients recevant un IMAO A ou B (sélégiline,
rasagiline, moclobémide, toloxatone) ou dans
les deux semaines suivant la prise de ces médi-
caments ;
• le linézolide ne sera pas administré aux patients
présentant une hypertension artérielle non
contrôlée, un phéochromocytome, un carci-
noïde, une thyréotoxicose, une schizophrénie,
une dépression bipolaire, une confusion mentale
ou aux patients prenant concomitamment l’un
des traitement suivants : ISRS, triptans, sympa-
thicomimétiques directs et indirects (dont les
bronchodilatateurs adrénergiques et la pseudoé-
Figure 8.2. Toxicité du linézolide dans la mitochondrie phédrine), vasopresseurs (par exemple : adréna-
humaine. line, noradrénaline, dobutamine, dopamine) ;
82  Antibiotiques

• allaitement ; et le tédizolide ne doivent pas être administrés


• colite pseudomembraneuse. pendant la grossesse, sauf en cas d’absolue néces-

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sité et si le bénéfice maternel attendu est supérieur
aux risques potentiels pour le fœtus.
Tédizolide Le linézolide et ses métabolites sont excrétés dans
le lait maternel, l’allaitement devra être interrompu
Les contre-indications à l’utilisation du tédizolide
avant et pendant l’administration. Concernant le
sont les suivantes :
tédizolide, le recul est moins important. On ne sait
• hypersensibilité à la substance active ou au
pas si le tédizolide ou ses métabolites sont excrétés
linézolide ou à l’un de ses excipients ;
dans le lait maternel. Un risque pour l’enfant ne
• nouveau-né, nourrisson, enfant de moins de
peut être exclu. Il convient donc d’interrompre
6 ans ;
l’allaitement ou bien d’arrêter le traitement en
• colite pseudomembraneuse ;
mettant en balance le bénéfice de l’allaitement pour
• gossesse et allaitement.
l’enfant et le bénéfice du traitement pour la mère.

Grossesse et allaitement Références


[1] Wasserman S, Meintjes G, Maartens G. Linezolid
Les études animales sont d’interprétation difficile, in the treatment of drug-resistant tuberculosis: the
challenge of its narrow therapeutic index. Expert Rev
les effets (diminution du poids fœtal et de l’ossifi-
Anti Infect Ther 2016;14:901–15.
cation des sternèbres, retards de maturation) ayant [2] Cattaneo D, Alffenaar JW, Neely M. Drug moni-
été observés pour des doses maternotoxiques. Les toring and individual dose optimization of antimi-
données animales suggérant un risque potentiel et crobial drugs: oxazolidinones. Expert Opin Drug
les données cliniques étant absentes, le linézolide Metab Toxicol 2016;12:533–44.
Chapitre 9

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Acide fusidique
Catherine Feliu, Yoann Cazaubon, Zoubir Djerada

Points-clés Mécanisme d’action


j Compte tenu de la survenue d’anomalie
hépatique, la surveillance de la fonction
hépatique (transaminases, bilirubine, L’acide fusidique est un inhibiteur de la synthèse
phosphatases alcalines) doit être envisagée. protéique de la bactérie par fixation au facteur
Cette fonction est perturbée, notamment d’élongation (EF-G) qui est responsable de la
en cas de traitement long et/ou à forte translocation de la chaîne des peptides.
posologie ainsi que chez les nouveau-nés
et prématurés, du fait de l’immaturité des
fonctions métaboliques. En cas d’insuffisance
hépatique, son emploi est contre-indiqué.
Spectre et indications
j Il n’est pas nécessaire de procéder à un STP
par dosage plasmatique de l’acide fusidique. L’acide fusidique possède un spectre d’activité
j Les statines sont contre-indiquées, d’une ne couvrant que les bactéries à Gram positif,
manière absolue, lors d’un traitement particulièrement le S.  aureus et S.  pyogenes. La
par acide fusidique. sélection de souches résistantes en cours de trai-
j En cas d’insuffisance rénale, l’acide fusidique tement empêche l’usage de l’acide fusidique en
peut être employé sans adaptation de posologie. monothérapie. Il est indiqué dans les traitements
j La dialyse ne permet pas une augmentation
des infections à staphylocoques multirésistants en
de la clairance de l’acide fusidique, celui-ci
présentant une excellente diffusion association à un autre antibiotique (aminoside ou
dans l’organisme. bêtalactamine) :
• la Fucidine®, en crème ou pommade, est indi-
quée dans les infections de la peau dues à sta-
Médicaments existants phylocoque et streptocoque  : traitement local
pour les impétigos et dermatoses impétiginisées
L’acide fusidique existe sous différentes formes dans les formes localisées à petit nombre de
pharmaceutiques : lésions ou en association à une antibiothéra-
• Fucidine® 2 % crème ou pommade ; pie générale adaptée dans les formes les plus
• Fucidine® comprimés 250  mg ou suspension étendues. Ces formes topiques sont également
buvable 250 ou 100 mg ; indiquées dans la désinfection des gîtes micro-
• Fucithalmic® 1 % gel ophtalmique. biens cutanéomuqueux, chez les porteurs sains
Le service médical rendu par ces spécialités est de staphylocoques, et après staphylococcie,
important pour les formes orales (comprimés et notamment furonculose ;
suspension buvable) et le gel ophtalmique dans • en traitement systémique, la Fucidine®, en
leurs indications. Cependant, pour les formes comprimé ou suspension buvable, est indiquée
topiques (pommade et crème) dans toutes en association dans les infections staphylococ-
leurs indications le service médical rendu reste ciques, notamment dans leurs localisations
modéré. cutanées, osseuses et articulaires, mais aussi à
Pharmacologie des anti-infectieux
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84 Antibiotiques

localisation bronchique au cours de la mucovis- Tableau 9.1. Paramètres pharmacocinétiques de l’acide


cidose.

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fusidique (500 mg toutes les huit heures en intravei-
• le Fucithalmic®, en gel ophtalmique, est indi- neuse).
qué dans le traitement local des conjonctivites, Caractéristiques pharmacocinétiques 1re dose 9e dose
des kératites, des ulcères cornéens, des blépha- Biodiponibilité ( %) 90 % ≥ 90 %
rites et de l’orgelet dus à des germes sensibles à
Cmax (mg/l) 52,4 123,1
l’acide fusidique.

|
m
o
La prévalence de la résistance acquise à l’acide AUC0-∞ (mg.h/l) 411 804

c
t.
o
p
fusidique peut varier en fonction de nombreux

s
Vd (l/kg) 0,30 0,21

g
lo
.b
paramètres (lieux, temps). Il est donc utile de Demi-vie plasmatique (h) 9,8 14,1

s
in
c
disposer d’informations sur la prévalence de la

e
d
Clairance (ml/min) 21,4 11,1

e
m
résistance locale, notamment pour le traitement

s
e
Liaison aux protéines plasmatiques ( %) > 90 > 90

rd
des infections sévères. Ces données ne peuvent

o
s
e
Élimination Biliaire Biliaire

tr
apporter qu’une orientation sur les probabilités

e
/l
:/
p
de la sensibilité d’une souche bactérienne à cet

tt
h
|
antibiotique.

s
in
c
e
d
e
M
d’administrations répétées. Ce phénomène est dû

s
e
rD
Pharmacocinétique à une auto-inhibition de la clairance d’élimination

o
s
re
T
de l’acide fusidique. En raison de cette auto-
e
/L
e

inhibition d’élimination, l’état d’équilibre peut


.m

L’absorption est bonne (90 %) et rapide par voie


/t
:/

être obtenu plus tôt. Le tableau  9.1 résume les


s

orale avec une Cmax atteinte environ deux heures


p
tt
h

après la prise. La prise alimentaire concomitante paramètres pharmacocinétiques de l’acide fusi-


|
s
in

dique et démontre l’accumulation de ce dernier


c

peut diminuer la biodisponibilité de l’acide fusi-


e
d
e

après prises répétées.


M

dique de 18 %.
s
e
rD

L’acide fusidique présente une bonne diffu-


o
s
re

sion humorale, tissulaire (50  % dans les tissus)


T
e

Relations PK/PD et STP


/L

et dans les tissus mal vascularisés (peau, os


s
p
u
ro

aseptique ou infecté, tissu conjonctif infecté,


/g
m
o

synoviale, sécrétions hépatobiliaires, sécrétions L’acide fusidique possède une action bactériosta-
.c
k
o

bronchiques, mucus, humeurs aqueuse et vitrée, tique à faible dose et bactéricide à doses plus
o
b
e
c

pus). La liaison aux protéines plasmatiques est élevées. La concentration critique séparant les
a
.f
w
w

supérieure à 90 %. souches sensibles des souches de sensibilité inter-


w
|
s

L’acide fusidique subit une métabolisation médiaire est de 2 mg/l. Celle séparant les souches
in
c
e
d

hépatique en de nombreux métabolites. Le princi- de sensibilité intermédiaire des souches résistantes


e
M
s

pal métabolite est un glucoronoconjugué (15 %). est de 16 mg/l (source EUCAST). Afin d’éviter
e
rD
o

D’autres métabolites, plus mineurs sont des déri- l’apparition de mutants résistants en cours de
s
re
T
e

vés dicarboxyliques et hydroxylés. Un certain traitement, l’association avec un autre antistaphy-


/L
m
o

nombre de ces métabolites présentent encore une lococcique est recommandé. Il n’est pas néces-
.c
k
o

activité antibactérienne, mais plus faible que celle saire de procéder au STP par dosage plasmatique
o
b
e
c

de l’acide fusidique. de l’acide fusidique.


a
.f
w
w

La demi-vie sérique est de 16  ±  3  heures en De nombreuses études de modélisation et


w
|

moyenne. de simulations pharmacocinétiques ont permis


L’acide fusidique est éliminé par voie biliaire et d’étudier différents schémas posologiques. Dans
subit un cycle entérohépatique. Son élimination les infections bactériennes aiguës de la peau,
urinaire est pratiquement nulle (moins de 1 %). le schéma posologique à 1500  mg deux fois le
Une importante propriété pharmacocinétique premier jour suivi de 600 mg deux fois par jour
de l’acide fusidique est son accumulation au cours pendant 10 à 14  jours a été considéré comme
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Chapitre 9. Acide fusidique 85

efficace dans une étude clinique de phase  2. complémentaires, le même raisonnement est à
Une seconde étude clinique de phase  1 a mis appliquer pour les médicaments à marge théra-

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en évidence que les schémas avec doses élevées peutique étroite et qui sont métabolisés via le
(soit 750  mg/12  heures pendant huit jours, CYP3A4.
soit 1500  mg/12  heures le premier jour suivi
de 600  mg/12  heures) permettent d’attein-
dre plus rapidement l’état de stabilisation des Effets indésirables
concentrations plasmatiques que le schéma à
500 mg/12 heures. L’acide fusidique peut provoquer des anoma-
lies du bilan hépatique (hyperbilirubinémie avec
ou sans ictère, avec ou sans modification des
Interactions enzymes hépatiques, comme les phosphatases
médicamenteuses alcalines en particulier). Cette augmentation de
la bilirubine doit faire interrompre le traitement.
La principale interaction médicamenteuse de Le retour des constantes biologiques vers la nor-
l’acide fusidique se manifeste lors de son utili- male est habituel et en général rapide (environ
sation concomitante avec les statines. En effet, une semaine).
un risque majoré d’effets indésirables (concen- Des atteintes hématologiques, notamment des
tration-dépendants), notamment de rhabdo- agranulocytoses, et plus rarement des anémies et
myolyses, est à craindre. Des cas de décès sont des thrombopénies parfois sévères, ont également
survenus chez des patients traités par statine été rapportées.
ayant reçu de l’acide fusidique dans le cadre L’acide fusidique peut également provoquer
d’infections ostéoarticulaires. Le mécanisme de des troubles musculosquelettiques et du tissu
cette interaction n’est pas clairement défini à ce conjonctif et des os. Une rhabdomyolyse (fai-
jour mais une étude récente a démontré l’inhi- blesse, gonflement et douleur musculaire, urine
bition de certaines enzymes du métabolisme foncée, myoglobinurie, taux élevé de créatine
et du transport des xénobiotiques par l’acide kinase plasmatique, insuffisance rénale aiguë,
fusidique. L’acide fusidique semble inhiber arythmie cardiaque) peut survenir, en particulier
l’ATP-binding cassette sub-family G member 2 lors d’une coprescription avec une statine.
(ABCG2), l’OATP1B1 ainsi que le CYP3A4. D’autres effets indésirables comme l’intolérance
Ces trois voies de transports et de métabolisation digestive et les réactions allergiques avec éruption
semblent affecter la clairance des statines. Par cutanée sont également décrits.
conséquent, le traitement par statine doit être
arrêté pendant toute la durée du traitement par
acide fusidique. Il pourra être réintroduit sept Contre-indications
jours après la dernière dose d’acide fusidique.
Il est recommandé d’informer le patient de Les contre-indications à l’usage de l’acide fusi-
l’importance de consulter immédiatement un dique sont les suivantes :
médecin en cas de faiblesse, de douleur ou de • hypersensibilité à la substance active ou à l’un
sensibilité musculaire. des excipients ;
Le traitement concomitant de l’acide fusidique • traitement concomitant par statines ;
avec la ciclosporine nécessite une précaution • infection urinaire staphylococcique  : l’acide
d’emploi du fait du risque de l’augmentation fusidique diffuse dans le parenchyme rénal mais
des concentrations sanguines en ciclosporine, ne s’élimine pas dans les urines ;
probablement par inhibition du CYP3A4. Un • insuffisance hépatique (l’acide fusidique étant
contrôle du suivi thérapeutique de la ciclospo- métabolisé au niveau hépatique et éliminé par
rine est judicieux en cas de traitements par acide voie biliaire).
fusidique. En attendant la parution d’études
86 Antibiotiques

Grossesse d’utiliser une famille mieux connue en cours de


la grossesse (pristinamycine, cloxacilline). En

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Peu de données publiées sont actuellement l’absence d’alternative, l’acide fusidique pourra
disponibles chez des femmes enceintes exposées être envisagé quel que soit le terme de la gros-
à l’acide fusidique. Aucun élément inquiétant sesse. Par voie oculaire ou cutanée, l’acide
n’a été signalé à ce jour. En cas de traitement fusidique est possible quel que soit le terme de
oral antistaphylococcique, il est préférable la grossesse.
Chapitre 10

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Quinolones
Florian Lemaitre, Rodolphe Garraffo

Points-clés Mécanisme d’action


j Les quinolones sont des antibiotiques
bactéricides agissant par inhibition des
topo-isomérases bactériennes. Les quinolones sont des antibiotiques bactéricides
j Les molécules les plus utilisées appartiennent à la agissant par inhibition des topo-isomérases II
classe des fluoroquinolones (présentant un atome bactériennes, les gyrases (chez les bactéries à
de fluor en 6 sur le noyau quinolone) qui ont une Gram négatif) ainsi que des topo-isomérases IV
diffusion large dans l’organisme et un spectre élargi. (chez les bactéries à Gram positif). Ces enzymes
j Leur effet bactéricide est concentration-dépendant sont impliquées dans la réplication de l’ADN en
relié au rapport AUC/CMI, lequel doit être supérieur à raison de leur implication dans le surenroulement
125 pour le traitement des bactéries à Gram négatif. de la molécule d’ADN et la décondensation
j La connaissance de la pharmacocinétique des
de la chromatine. Leur inhibition va entraîner
fluoroquinolones permet un bon usage des molécules
de la classe et le choix de la molécule à utiliser la lyse bactérienne. Les quinolones hydrophiles
selon des caractères de diffusion tissulaire et atteignent leur cible intracellulaire en pénétrant
d’élimination. Le bon usage des fluoroquinolones la membrane au travers de porines tandis que
peut être guidé par STP dans certains cas. les quinolones lipophiles passent au travers des
j Le profil de sécurité est dominé par des effets lipides membranaires.
indésirables de classe (troubles musculosquelettiques, La fixation d’un atome de fluor en position 6
notamment tendinopathies et troubles du SNC) sur le noyau quinolone a permis d’obtenir des
ou propres à chaque molécule de la classe quinolones de 2e génération ou fluoroquinolones
(allongement de l’espace QT avec la moxifloxacine).
(figure 10.1) [1-5].
Les fluoroquinolones sont plus lipophiles et
ont ainsi une diffusion plus large, y compris intra-
Médicaments existants cellulaire, que les quinolones de 1re génération.
Leur activité est également augmentée vis-à-vis de
Quinolones de 1re génération (ou urinaires) : bacilles à Gram négatif sur lesquels les quinolones
• acide pipémidique : voie orale ; de 1re génération sont inactives. Certaines fluo-
• fluméquine : voie orale. roquinolones présentent également une activité
Quinolones de 2e génération ou fluoroquino- élargie vers certains CGP (moxifloxacine et lévo-
lones (ou systémiques) : floxacine).
• ciprofloxacine voie orale ou intraveineuse ;
• lévofloxacine : voie orale ou intraveineuse ;
• loméfloxacine : voie orale ; Spectre et indications
• moxifloxacine : voie orale ou intraveineuse ;
• norfloxacine : voie orale ; Les quinolones sont principalement indiquées dans
• ofloxacine : voie orale ou intraveineuse ; les infections à enterobactéries (E. coli, Proteus sp.,
• péfloxacine : voie orale ou intraveineuse. Klebsiella sp., Salmonella sp., Shigella sp,  etc.)

Pharmacologie des anti-infectieux


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90  Antibiotiques

– en relais dans les infections urinaires hautes


graves,

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• la légionellose et la fièvre Q ;
• certaines infections digestives ;
• les infections liées au bioterrorisme (charbon
notamment) ;
• en 2e intention dans les pneumopathies
communautaires graves pour les fluoroquino-
lones antipneumococciques (lévofloxacine et
moxifloxacine).
Figure 10.1. Structure chimique du noyau quinolone. Et sur documentation microbiologique :
En position 8 : atome C ou N. • les infections génitales ;
• les infections ostéoarticulaires en association et
en raison de leur efficacité sur ces bactéries à en relais. Dans le traitement du staphylocoque
Gram négatif. Le spectre des molécules de 2e sensible à la méticilline, le traitement par fluo-
génération ou fluoroquinolones est élargi vers : les roquinolone et rifampicine est le traitement de
CGP (staphylocoques sensibles à la méticilline), première intention lors du relais oral (HAS,
dont les streptocoques pour la moxifloxacine et Recommandations, 2014) ;
la lévofloxacine, les bacilles à Gram négatif parti- • la tuberculose multirésistante (moxifloxacine en
culièrement résistants aux antibiotiques comme association avec deux à trois autres antitubercu-
P. aeruginosa, Acinetobacter baumanii et Entero- leux) ;
bacter cloacae pour la ciprofloxacine (avec cepen- • les infections à bactéries sensibles nécessitant
dant un niveau de résistance qui peut être élevé une diffusion tissulaire élevée.
pour ces bactéries)  ; les bactéries intracellulaires
comme Chlamydia pneumoniae et Mycoplasma
hominis pour la lévofloxacine et la moxifloxacine Pharmacocinétique
ainsi que certaines bactéries anaérobies : P. acnes
et pour la ciprofloxacine, la lévofloxacine et la Les fluoroquinolones ont un profil pharmacolo-
moxifloxacine : Peptostreptococcus sp. Par ailleurs, gique intéressant dans le cadre du traitement des
la moxifloxacine a démontré une activité bactéri- infections en raison d’une biodisponibilité élevée
cide contre M. tuberculosis. autorisant les traitements par voie orale, d’un
La tendance est à la restriction des indications volume de distribution important (1,3 à 5 l/kg)
des quinolones en raison de l’émergence des résis- expliquant une diffusion tissulaire large et d’une
tances à cette classe d’antibiotique et des effets élimination rénale pour plusieurs d’entre elles
indésirables éventuels rencontrés sous traitement. générant des concentrations locales importantes
Les fluoroquinolones prescrites aujourd’hui au niveau des voies urinaires. Les principales
sont très majoritairement  : la ciprofloxacine, la caractéristiques pharmacocinétiques de la cipro-
lévofloxacine, la moxifloxacine et l’ofloxacine. floxacine, de la lévofloxacine, de la moxifloxa-
Les indications des quinolones de première cine et de l’ofloxacine sont résumées dans le
génération sont limitées et réservées à certaines tableau 10.1.
cystites. La demi-vie longue de la moxifloxacine autorise
Les indications principales des fluoroquino- une administration uniquotidienne (400 mg/j par
lones sont : voie orale ou intraveineuse). Les concentrations
• Les infections urinaires : importantes obtenues avec la lévofloxacine per-
– infection urinaire haute aiguë non grave pour mettent également dans certains cas l’administra-
la ciprofloxacine, la lévofloxacine, l’ofloxacine, tion de 500 mg une fois par jour par voie orale ou
– en alternative lors des infections urinaires intraveineuse. La ciprofloxacine (500 à 750  mg
basses, par prise par voie orale et 200 à 400 mg par prise
Chapitre 10. Quinolones 91

Tableau 10.1. Caractéristiques pharmacocinétiques des principales fluoroquinolones.

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Ciprofloxacine Lévofloxacine Moxifloxacine Ofloxacine
Biodisponibilité ( %) 70 99 90 98
Liaison protéique ( %) 20-40 24-38 50 32
Métabolisme Hépatique à 15 % < 5 % Hépatique à 52 % < 5 %
Élimination Urinaire et biliaire Urinaire Urinaire et biliaire Urinaire
Demi-vie (h)a 4 6-8 12 9
Dose per os (mg) 500/12 h 500/24 h 400/24 h 400/24 h
Cmax (µg/ml)b 3,0 5,7 ± 1,4 4,5 ± 0,5 4,6
Cmin (µg/ml)b 0,5 ± 0,2 1,0 ± 0,1
AUC0-24 (µg/ml)b 27,4 47,5 ± 6,7 48,0 ± 2,7 41,2
a Fonctions rénale et hépatique normales.
b Doses multiples, à l’équilibre.

Source : d’après les résumés des caractéristiques de produits Floxin®, Levaquin®, Cipro®, Avelox® (FDA) [1-3, 5].

par voie intraveineuse) et l’ofloxacine (200  mg préférée en cas d’infection des voies biliaires (The
par prise par voie orale ou intraveineuse) néces- sandford guide to antimicrobial therapy, 2014).
sitent deux administrations par jour à 12  heures
d’intervalle, voire dans certains cas jusqu’à trois
administrations par jour. Relations PK/PD et STP
Bien que de nombreuses études aient été menées
Diffusion tissulaire chez l’animal, les données de PK/PD dispo-
nibles chez le patient sont plus rares. Les pre-
Eu égard à leur capacité de diffusion dans diffé- mières études faisant le lien entre exposition aux
rents tissus, il est possible de proposer des critères fluoroquinolones et succès clinique remontent
de choix préférentiels selon le type d’infection. aux années 1990. Ainsi, les travaux de Forrest et
al. montrent un lien entre le rapport des AUC
Infections du SNC des concentrations des 24 heures sur la CMI de
La moxifloxacine est vraisemblablement la molé- la bactérie à traiter, et le succès clinique lors d’un
cule dont la diffusion dans le système nerveux traitement par ciprofloxacine [6]). Un rapport
central est la plus importante. C’est également la AUC/CMI supérieur ou égal à 125 assurait un
molécule de choix lors d’infections de l’œil. succès clinique dans 80 % des infections (majo-
ritairement des pneumopathies à P.  aeruginosa)
Infections urinaires contre seulement 42 % des cas lorsque le rapport
était inférieur à 125. Ces travaux ont été repro-
Ofloxacine et lévofloxacine sont les molécules duits pour les bactériémies à entérobactéries
de choix dans les infections urinaires de par leur avec des résultats relativement similaires par
élimination majoritaire par cette voie [4]. Pour les Zelenitsky et al., lesquels retrouvent un rapport
infections prostatiques, la ciprofloxacine pourrait AUC/CMI supérieur à 250 associé au succès
disposer d’une diffusion tissulaire supérieure aux clinique [7].
autres fluoroquinolones. Pour ce qui est du traitement des CGP, les
données chez le patient sont limitées. Dans un
Infections digestives travail mené chez 376 patients traités par gati-
La diffusion de la ciprofloxacine dans la bile est la floxacine ou lévofloxacine pour une exacerba-
mieux documentée et cette molécule devrait être tion de bronchite chronique à S.  pneumoniae,
92  Antibiotiques

un rapport AUC/CMI supérieur à 33,7 était Interactions


prédictif de l’éradication bactérienne [8]. Le médicamenteuses

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rapport maximisant l’efficacité de la lévofloxacine
sur le staphylocoque est plus élevé. Preston et
al. ont montré qu’un rapport Cmax/CMI (ou À l’exception de la moxifloxacine et, dans une
quotient inhibiteur) supérieur à 12,2 équivalent à moindre mesure, de la ciprofloxacine, lesquelles
un rapport AUC/CMI de 110 était prédictif du disposent d’un métabolisme hépatique, les fluo-
succès clinique chez 313 patients présentant des roquinolones sont rarement victimes d’induction
infections respiratoires, urinaires et cutanées [9]. ou d’inhibition enzymatique médiées par le sys-
Face à ces données, le STP paraît une tème du CYP450. En revanche, les fluoroquino-
approche pertinente d’optimisation du traite- lones peuvent êtres complexées lorsqu’elles sont
ment antibiotique, en particulier dans les cas administrées par voie orale avec des cations ou
d’infections complexes et/ou à bactérie résis- de résines et voir leurs concentrations diminuer
tante ainsi que lorsque des modifications phar- de manière drastique. Cette forte diminution
macocinétiques sont attendues chez le patient de l’absorption des fluroquinolones peut être à
(réanimation, surpoids, insuffisance hépatique l’origine d’échecs thérapeutiques. Ainsi les spé-
ou rénale, âges extrêmes, etc.). La nécessité cialités contenant de l’aluminium, du magnésium,
d’avoir accès à l’AUC rend néanmoins le STP du calcium ou du fer au même titre que les
plus complexe à mettre en œuvre que pour résines comme le sucralfate doivent être admi-
d’autres antibiotiques. Si la réalisation d’une nistrées deux heures après les fluoroquinolones
cinétique complète n’est pas envisageable, le afin de limiter le risque de complexation. Pour
recours à une mini-cinétique (un prélèvement la ciprofloxacine, la même précaution doit être
avant la prise, un prélèvement au pic (une à prise avec les produits laitiers riches en calcium
deux heures après la prise orale ou en fin de (tableau 10.2).
perfusion) et un à deux points prélevés dans la En raison de son métabolisme hépatique, la
phase d’élimination du médicament) peut être moxifloxacine peut être victime d’interactions
envisagé. Une estimation de l’AUC à l’aide de médicamenteuses. Son association avec des induc-
modèles faisant appel à un schéma limité de teurs enzymatiques puissants (rifampicine, carba-
prélèvement a également été proposée, notam- mazépine, éfavirenz, etc.) peut être à l’origine de
ment pour la ciprofloxacine [10, 11]. L’objectif diminutions importantes de ses concentrations
du traitement est alors d’atteindre un rapport tandis que sa comédication avec des inhibiteurs
AUC/CMI supérieur à 125 pour le traitement enzymatiques (antifongiques azolés, ritonavir, jus
d’une infection à bactérie à Gram négatif, supé- de pamplemousse, etc.) peut, au contraire, entraî-
rieur à 35 pour le traitement du streptocoque et ner une surexposition avec risque de survenue
supérieur à 110 pour le traitement du staphylo- d’effets indésirables.
coque. Enfin, dans le cas où il est possible de Enfin, la ciprofloxacine est un inhibiteur modéré
ne faire qu’un seul prélèvement, la mesure de la du CYP1A2 et peut donc occasionner des inter-
concentration au pic est sans doute l’approche actions médicamenteuses avec les médicaments
la plus pertinente. métabolisés par cette voie. Son association à la

Tableau 10.2. Effet des cations et du sucralfate sur la biodisponibilité des fluoroquinolones.
Effet de l’association sur la biodisponibilité Mg2+/Al3+ Fe3+ Ca2+ Sucralfate
Ciprofloxacine ↓75-85 % ↓60 % ↓40 % ↓95 %
Lévofloxacine/ofloxacine ↓55-80 % ↓80 % Pas d’effet Pas d’effet
Moxifloxacine ↓45 % ↓40 % Pas d’effet Pas de données
Source : d’après [4].
Chapitre 10. Quinolones 93

clozapine, à la duloxétine, à l’agomélatine, à également rencontrés au cours des traitements


la caféine et la théophylline nécessite donc la par fluoroquinolones. La fréquence de cet effet

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prudence. indésirable est estimé à 1/2000 et paraît plus
La prudence s’impose également en cas d’asso- élevée chez les personnes âgées ainsi qu’en cas de
ciation des fluoroquinolones aux AVK (risque traitement concomitant par corticoïdes [12]. Le
d’hémorragie et surveillance accrue de l’INR) mécanisme cellulaire toxique semble impliquer la
ainsi qu’aux AINS (augmentation des concen- modification de métalloprotéases au niveau des
trations en fluoroquinolones et risque de crise cellules des tendons [13].
convulsive).
À nouveau, dans le contexte d’un risque d’inter-
actions médicamenteuses, le STP des fluoroqui- Système cardiovasculaire
nolones peut être justifié.
Les fluoroquinolones peuvent être à l’origine
de troubles du rythme cardiaque, notamment
des allongements de l’espace QT. La principale
Effets indésirables complication en est la survenue de torsades de
pointe pouvant conduire à l’arrêt cardiaque. Le
En dehors des effets généraux associés à tout risque d’allongement du QT semble plus élevé avec
médicament (troubles digestifs, hypersensibilité, la moxifloxacine et, dans une moindre mesure, la
etc.), les fluoroquinolones entraînent un certain lévofloxacine tandis que la ciprofloxacine paraît
nombre d’effets indésirables spécifiques. être la molécule la moins à risque [14,  15]. Le
risque paraît plus important chez les femmes,
SNC les patients avec une pathologie cardiaque sous-
jacente, l’hypokaliémie, l’hypomagnésémie, en cas
Les fluoroquinolones induisent des effets indé- de surdosage, en cas d’association à des médica-
sirables par toxicité directe sur le SNC, en ments allongeant le QT et d’anti-arythmiques de
particulier des maux de tête et des épisodes classes Ia et III et d’antécédents d’allongement
de confusion, plus rarement des hallucinations congénital du QT [13]. La connaissance de ces
et autres manifestations psychiatriques. L’inci- facteurs de risque permet d’évaluer le bénéfice/
dence de ces effets indésirables peut aller jusqu’à risque lors de la prescription d’une fluoroquino-
2 %. Les quinolones pourraient interagir avec le lone.
GABA ou les récepteurs au glutamate au travers
de la liaison des résidus fixés en position 7 du
noyau quinolone. En raison de leur ressemblance Troubles cutanés
structurale avec les agonistes du GABA, les
Les réactions cutanées lors d’un traitement par
quinolones pourraient également être procon-
fluoroquinolone sont rares. Malgré tout, les
vulsivantes. Des cas de décollements de rétine
fluoroquinolones sont photosensibilisantes et
sont également rapportés au décours de l’utilisa-
des mesures de précaution vis-à-vis du soleil
tion des fluoroquinolones mais les résultats à ce
doivent être proposées aux patients (éviction
sujet sont controversés. La plupart de ces effets
de l’exposition). Le risque paraît plus prononcé
pourraient être concentration-dépendants d’où
avec les molécules contenant un fluor addition-
l’intérêt renouvelé pour le STP afin de prévenir
nel en 8 (loméfloxacine) tandis que la présence
leur survenue.
d’un méthoxy à ce niveau semble protectrice
(moxifloxacine). Parmi les molécules les plus
Troubles musculosquelettiques récentes, le risque de phototoxicité paraît plus
élevé avec la ciprofloxacine. Suivent ensuite la
Les tendinopathies, allant jusqu’à la rupture du lévofloxacine, l’ofloxacine et, enfin, la moxi-
tendon d’Achille, sont des effets indésirables floxacine.
94  Antibiotiques

Contre-indications être utilisée dans le cas d’infections sévères et


une suspension buvable adaptée à l’enfant est

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• Hypersensibilité à l’une des molécules ou à la commercialisée. Une posologie de 10 à 20 mg/
classe des quinolones. kg/12 heures (maximum 750 mg par prise) peut
• Patients avec antécédents de tendinopathies aux alors être prescrite.
fluoroquinolones.
• Enfants ou adolescents en période de croissance
Insuffisance rénale
(sauf ciprofloxacine).
• Femmes enceintes ou allaitantes (ofloxacine, L’ofloxacine et la lévofloxacine sont principale-
lévofloxacine). ment éliminées par voie urinaire et leur posologie
• Patients épileptiques (ofloxacine, lévofloxa- doit être adaptée chez l’insuffisant rénal. Les
cine). posologies doivent être divisées par deux (adminis-
• Association à la tizanidine (ciprofloxacine). tration en une prise par jour) dès 50 ml/min de
• Allongement du QT, hypokaliémie non cor- clairance rénale et par quatre (administration d’une
rigée, bradycardie cliniquement significative, demi-dose en une prise par jour) dès 25 ml/min
insuffisance cardiaque par réduction de la frac- (lévofloxacine) ou 20 ml/min (ofloxacine).
tion d’éjection ventriculaire gauche clinique- La posologie de la ciprofloxacine doit être
ment significative, antécédents de troubles du divisée par deux (administration en une prise
rythme cliniquement significatifs (moxifloxa- par jour) quand la clairance rénale du patient est
cine). inférieure à 30 ml/min.
L’élimination mixte de la moxifloxacine fait
qu’aucune adaptation de posologie n’est néces-
Populations particulières saire avec cette molécule quel que soit le degré
(grossesse, pédiatrie, d’insuffisance rénale.
insuffisance rénale
et hépatique)
Insuffisance hépatique
Grossesse Les données publiées chez le patient insuffisant
hépatique montrent qu’aucune adaptation de
Les fluoroquinolones sont généralement contre-
posologie n’est nécessaire lors d’un traitement
indiquées pendant la grossesse (sauf la cipro-
par fluoroquinolones. L’absence de métabolisme
floxacine laquelle n’est pas recommandée) en
hépatique et l’élimination quasi exclusive par voie
raison d’un risque malformatif osseux supposé.
rénale de l’ofloxacine et de la lévofloxacine en
Néanmoins, pour la ciprofloxacine, les données
font néanmoins des molécules de choix en cas
lors du 1er trimestre sont nombreuses et ras-
d’insuffisance hépatique [4].
surantes tandis qu’aucune malformation n’a été
rapportée lors des 2e et 3e trimestres sur plus de
200 grossesses [16]. Références
[1] FDA. Floxin® tablets (Ofloxacin Tablets) https://
w w w. a c c e s s d a t a . f d a . g o v / d r u g s a t f d a _ d o c s /
Pédiatrie label/2008/019735s059lbl.pdf.
[2] FDA. Levaquin® (levofloxacin) Highlights of pres-
En raison du risque d’atteinte cartilagineuse et cribing information. https://www.accessdata.
osseuse chez l’enfant, l’utilisation des fluoro- fda.gov/drugsatfda_docs/label/2013/020634-
s065,020635s071,021721s032lbl.pdf.
quinolones dans cette population doit être res-
[3] FDA. Cipro® (ciprofloxacin hydrochloride Tablets.
treinte. Même si les données d’utilisation au long Cipro® (ciprofloxacin oral suspension). https://www.
cours font défaut, le risque toxique chez l’enfant accessdata.fda.gov/drugsatfda_docs/label/2009
pourrait être minime. Ainsi, la ciprofloxacine peut /019537s073,020780s030lbl.pdf.
Chapitre 10. Quinolones 95

[4] Aminimanizani A, Beringer P, Jelliffe R. Compara- pharmacokinetic model and optimal sampling strate-
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Chapitre 11

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Sulfamides antibiotiques
Marie-Clémence Verdier

Points-clés doivent le synthétiser à partir de composants


j Parmi les sulfamides antibactériens, le cellulaires tels que l’acide para-aminobenzoïque
sulfaméthoxazole associé au triméthoprime (PABA). Les sulfonamides agissent en inhibant
(cotrimoxazole) est le plus utilisé. la synthèse de l’acide tétrahydrofolique. Ce sont
j Ce sont des molécules relativement bien
des analogues structuraux du PABA qui vont
tolérées sauf à forte dose, en particulier
chez le patient vivant avec le VIH.
inhiber de façon compétitive la dihydropteroate
j Leur suivi thérapeutique pharmacologique peut synthétase, enzyme catalysant la première étape
être indiqué, en particulier dans le traitement de de la synthèse des folates (figure 11.1).
la pneumocystose où une zone thérapeutique a Le sulfaméthoxazole est systématiquement
pu être définie. Les concentrations-cibles dans associé au triméthoprime, association identifiée
les autres indications sont encore mal définies. sous la DCI cotrimoxazole (triméthoprime-sul-
faméthoxazole). Cette association est synergique.
Le triméthoprime est un inhibiteur compétitif
Médicaments existants de la dihydrofolate réductase (DHFR), enzyme
catalysant la réduction du dihydrofolate en tétra-
La classe des sulfamides est une classe d’antibiotiques hydrofolate (figure 11.1).
relativement ancienne, commercialisée au début des La conséquence finale est le blocage de la
années 1950. Elle ne comporte aujourd’hui plus synthèse des bases puriques. Ce blocage par le
que cinq molécules dont l’une indiquée exclusive- sulfaméthoxazole met plusieurs générations bac-
ment dans la prise en charge du paludisme : tériennes à s’installer tandis que le blocage de la
• le sulfaméthoxazole, associé au triméthoprime DHFR par le triméthoprime est assez rapide.
(Bactrim® ou Cotrimoxazole®) ; Le triméthoprime (Delprim®) est également
• la sulfadiazine (Adiazine® cp, Flammazine® indiqué seul dans le traitement des infections
1  % crème, Flammacérium® en association au urinaires de la femme adulte et adolescente.
nitrate de cérium) ;
• le sulfaméthizol (Rufol®) ;
• le sulfafurazole (sulfisoxazole), associé à l’éry- Spectres d’activité
thromycine (Pediazole®) ; et indications
• le sulfadoxine associé à la pyriméthamine (Fan-
sidar® utilisé comme antipaludéen). Le spectre d’activité des sulfamides était initia-
lement très large, ce qui a conduit au succès de
leur utilisation. Mais peu à peu des résistances
Mécanisme d’action sont apparues, de nature chromosomique ou plas-
midique. Ces résistances peuvent être liées à une
Les bactéries ne pouvant pas assimiler l’acide diminution de la perméabilité au cotrimoxazole
folique provenant de leur environnement, elles (Klebsiella pneumoniae et Serratia marcescens), ou

Pharmacologie des anti-infectieux


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98  Antibiotiques

Tableau 11.1. Organismes sensibles à l’association

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sulfaméthoxazole-triméthoprime.
Pathogènes du tractus E. coli
urinaire K. pneumonia
Proteus mirabilis
Enterobacter sp.
M. morgani
Pathogènes respiratoires S. pneumoniae
H. influenzae
Moraxella catarrhalis
P. jirovecii
Pathogènes gastro- Enterotoxigenic E. coli
intestinaux Shigella sp.
Salmonella typhi (et autres espèces)
Vibrio cholerae
Cyclospora cayetanensis
Isospora belli
Yersinia
Autres pathogènes Nocardia sp.
L. monocytogenes
M. marinum
Figure 11.1. Cibles d’action des sulfamides Source : https://www.uptodate.com/contents/image?imageKey=-
antibactériens et du triméthoprime. ID%2F54746&topicKey=ID%2F493&source=see_link

à des changements au niveau de la cible : muta- La sulfadiazine par voie systémique est indiquée
tion de résistance sur le gène de la dihydropte- dans le traitement de la toxoplasmose, particu-
roate synthétase (Pneumocystis jirovecii) ou sur le lièrement chez l’immunodéprimé, en association
gène de la DHFR (E. faecalis and Campylobacter habituellement à la pyriméthamine.
jejuni) ; hyperproduction d’enzymes ou produc- L’association sulfafurazole/érythromycine
tion d’enzymes additionnelles par exemple. (Pediazole®) est indiquée dans le traitement de
Parmi les résistances naturelles, on retrouve l’otite moyenne de l’enfant, en particulier due à
P.  aeruginosa dont la résistance est liée à l’exis- Haemophilus influenzae résistant aux bêtalacta-
tence d’un système d’efflux médié par les pro- mines (ou si allergie aux bêtalactamines).
téines membranaires OprM et OprJ, ainsi que les
bactéries anaérobies strictes.
L’association triméthoprime-sulfaméthoxazole Pharmacocinétique
est également active sur certains protozoaires, en
particulier Pneumocystis  jirovecii (Pneumocystis Les sulfonamides peuvent se différencier selon leur
carinii) (tableau 11.1). durée d’action. Les molécules à action courte sont
Cette association est ainsi le traitement de la sulfadiazine, le sulfaméthizol et le sulfafurazole
première intention des pneumocystoses, en curatif (sulfisoxazole) ; le sulfaméthoxazole a une durée
mais également en prophylaxie chez l’immunodé- d’action intermédiaire tandis que la sulfadoxine a
primé (VIH, transplantation, greffe de moëlle). une durée d’action très longue conduisant à un
Les autres indications sont : les infections uro- schéma posologique en une prise unique ou prises
génitales chez l’homme (prostatite) et la femme ; répétées espacées de huit jours en cas de nécessité.
les otites et sinusites infectieuses, après documen- La plupart des molécules ayant des indications
tation bactériologique. très limitées, nous nous focaliserons sur deux d’entre
Le triméthoprime (Delprim®) est également elles : l’association triméthoprime-sulfaméthoxazole
indiqué seul dans le traitement des infections et la sulfadiazine. Le tableau  11.2 résume leurs
urinaires de la femme adulte et adolescente. caractéristiques pharmacocinétiques principales.
Chapitre 11. Sulfamides antibiotiques 99

Tableau 11.2. Caractéristiques pharmacocinétiques des sulfonamides les plus courantes.

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Molécule Demi-vie (h) Biodisponibilité orale Métabolisme-élimination Dialysable
Sulfaméthoxazole 9-11 h ≈ 90 % Métabolisme par acétylation (85 %), métabolites inactifs Oui
Tmax per os : 3 h Élimination rénale 80 % sous forme inchangée et
métabolisée
Triméthoprime 10-12 h ≈ 90 % Partiellement métabolisé (25 %)
Tmax : 1-4 h Molécule très liposoluble à diffusion intracellulaire
Sulfadiazine 10-12 h ≈ 95 % Métabolisme partiel par acétylation (30 %), métabolites Oui (25 %)
Tmax : 3-6 h inactifs
Élimination rénale majoritaire

Concernant l’association triméthoprime-sulfa- non plus d’effet inducteur ou inhibiteur sur ces
méthoxazole, voici quelques points supplémen- enzymes.
taires qui peuvent être utiles. Chez le prématuré et le nouveau-né, la demi-
Les caractéristiques pharmacocinétiques propres vie est allongée du fait de l’immaturité hépatique.
du sulfaméthoxazole et du triméthoprime ne sont En revanche chez l’enfant à partir de 8-10  ans,
pas modifiées lorsque les deux molécules sont la demi-vie sera semblable à celle de l’adulte. Par
associées. conséquent les rythmes d’administration seront
plus rapides chez l’enfant avec une administration
toutes les 8  heures contre une administration
Distribution toutes les 12 heures chez l’adulte.
Les sulfonamides sont bien distribuées dans le
compartiment extracellulaire. Elles diffusent rapi-
dement dans les tissus et dans les sécrétions  : le Élimination
LCS, l’oreille moyenne, les amygdales et la salive,
La demi-vie augmente avec l’âge et semble direc-
les poumons et les sécrétions bronchiques, la
tement corrélée à la clairance de la créatinine.
prostate et le liquide séminal, les sécrétions vagi-
Cependant en cas d’insuffisance rénale, c’est
nales, l’os. Elles traversent la barrière placentaire
essentiellement la demi-vie du triméthoprime
et passent dans le lait maternel. Leur volume de
qui sera affectée, et celle du métabolite N-acétyl-
distribution est de 0,2 à 0,5 l/kg. Le volume de
sulfaméthoxazole. Il semble que le métabolisme
distribution du sulfaméthoxazole est plus élevé
hépatique du sulfaméthoxazole soit augmenté
chez l’enfant que chez l’adulte.
en cas d’insuffisance rénale, la fraction éliminée
Le triméthoprime est plus lipophile avec une
sous forme inchangée diminuant lorsque la fonc-
diffusion intracellulaire importante. Son Vd est
tion rénale se dégrade [1]. Les recommandations
élevé, de l’ordre de 1 à 2 l/kg.
del’AMM sont de diminuer la posologie de moi-
tié en cas de clairance de la créatinine entre 15
Métabolisme et 30 ml/min, cependant, le risque est d’obtenir
des concentrations de sulfaméthoxazole infra-
Ces molécules subissent un métabolisme hépa- thérapeutiquestandis que les concentrations du
tique par acétylation. Ce métabolisme peut être métabolite inactif augmenteront. Pour une clai-
modifié chez les sujets dits «  acétyleurs  lents  », rance de la créatinine inférieure à 15  ml/min,
chez qui la molécule-mère peut alors s’accumuler l’administration n’est pas recommandée si le
ou au contraire chez les «  acétyleurs rapides  » patient n’est pas hémodialysé. Dans ce cas, une
chez qui le métabolite N-acétyl-sulfaméthoxa- posologie réduite de moitié administrée après
zole, inactif, peut s’accumuler. Ces molécules dialyse est recommandée. Un suivi des concen-
ne sont pas substrats des CYP450 et n’ont pas trations plasmatiques est préconisé. Enfin, la
100  Antibiotiques

clairance du sulfaméthoxazole est augmentée également un effet inoculum, de même que le


par des urines alcalines, à l’inverse, la clairance triméthoprime.

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du triméthoprime sera augmentée par des urines
acides (par modification de la réabsorption). Concentrations-cibles
Aucune étude n’a permis de définir clairement les
Dialyse concentrations optimales de sulfaméthoxazole et
de triméthoprime à atteindre. Les cibles seront
L’hémodialyse a pour principal intérêt d’accélérer différentes selon le type de germe [2].
la clairance du triméthoprime et du métabolite P. jovenii  : la zone thérapeutique a été définie
N-actéylsulfaméthoxazole qui ont tendance à à partir de plusieurs études ayant démontré une
s’accumuler en cas d’insuffisance rénale. Environ meilleure efficacité pour des concentrations au
50  % des quantités de sulfaméthoxazole total pic de triméthoprime supérieures à 5  mg/l et
(molécule mère  +  métabolite) et de trimétho- des concentrations au pic de sulfaméthoxazole
prime sont éliminés lors d’une séance de quatre supérieures à 100 mg/l. Une plus forte incidence
heures d’hémodialyse. des effets indésirables ayant été démontrée pour
La dialyse péritonéale ambulatoire en continu des concentrations élevées, la zone thérapeutique
aura une efficacité très variable sur le sulfaméthoxa- a donc été définie entre 5 et 8  mg/l pour le
zole selon les conditions, allant de 8 à 60 % élimi- triméthoprime et entre 100 et 200 mg/l pour le
nés, et une faible efficacité sur le triméthoprime. sulfaméthoxazole, au pic de concentration (Cmax)
L’hémodiafiltration veino-veineuse en continu entre deux administrations.
peut conduire à une clairance du sulfaméthoxa- Stenotrophomonas maltophilia : les concentrations
zole proche de celle du patient normorénal, voire optimales pour traiter les infections à S. maltophilia
augmentée, les réductions de posologie préconi- ne sont pas connues. Les CMI breakpoint définies
sées sont à appliquer avec prudence de façon à par l’EUCAST atteignent 4/76 mg/l pour le trimé-
éviter des concentrations inefficaces. thoprime et le sulfaméthoxazole, respectivement. Si
ces concentrations peuvent être atteintes aux poso-
logies habituelles, il semble toutefois que l’effet
Relations PK/PD et STP soit simplement bactériostatique. Pour atteindre un
effet bactéricide, il faudrait atteindre des concen-
Malgré l’ancienneté de ces molécules, la classifica- trations très mal tolérées. Une prise en charge par
tion des sulfamides comme antibiotiques temps- d’autres antibiotiques peut être préférable.
ou concentration-dépendants n’est pas clairement Burkholderia pseudomallei (Melioidosis)  : pour
établie. L’association triméthoprime-sulfamé- ce type d’infection, il semblerait que l’atteinte de
thoxazole présente une activité bactériostatique concentrations bactériostatiques soit suffisante.
temps-dépendante, avec une activité bactéricide L’obtention de concentrations supérieures à la
concentration-dépendante sur certains organismes CMI 60 % du temps ou d’un rapport AUC/CMI
spécifiques, en particulier sur les bactéries à Gram supérieur à 25 a été suggérée comme une cible
positif comme S. aureus. L’action sur les bactéries thérapeutique satisfaisante.
à Gram négatif comme E. coli est davantage discu- SARM : compte tenu des CMI breakpoints des
tée, certaines études, déjà anciennes, ont montré SARM (2/38  mg/l), il semble que les concen-
une activité bactériostatique temps-dépendante trations atteintes aux posologies habituelles soient
pour des concentrations de 2  mg/l trimétho- suffisantes. Cependant, les études ayant prouvé
prime et 40 mg/l sulfaméthoxazole, d’autres une l’efficacité de l’association triméthoprime-sulfa-
activité bactéricide pour des concentrations de méthoxazole dans les infections à SARM n’ont pas
triméthoprime supérieures à 2 mg/l. mesuré les concentrations plasmatiques associées
Les sulfamides présentent un effet postanti- au succès thérapeutique. Dans ces conditions,
biotique de deux heures environ. Ils présentent l’obtention de concentrations supérieures à la
Chapitre 11. Sulfamides antibiotiques 101

CMI 100 % du temps entre deux administrations Les associations déconseillées sont :
semble être une cible raisonnable. • la phénytoïne  : par inhibition de son méta-

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bolisme, le triméthoprime-sulfaméthoxazole
entraîne une augmentation significative des
Relation concentration-toxicité concentrations de phénytoïne ;
• les médicaments hyperkaliémiants tels que
Si la relation concentration-effet n’est pas claire-
les sels de potassium, les diurétiques hyper-
ment établie pour l’association triméthoprime-
kaliémiants, les IEC, les ARA II, les AINS, les
sulfaméthoxazole, il semble toutefois qu’une
héparines (de bas poids moléculaire ou non
relation concentration-toxicité ait pu être démon-
fractionnées), la ciclosporine et le tacrolimus ;
trée dans des études datant des années 1980-
• la zidovudine  : l’augmentation de la toxicité
1990, en particulier chez les patients séropositifs
hématologique par inhibition additive de la
au VIH traités pour pneumocystose. Suite à ces
DHFR implique un contrôle plus fréquent de
travaux, les concentrations maximales au pic (fin
l’hémogramme ;
d’injection ou 1h30 à 2 heures après une prise orale)
• les antidiabétiques oraux : aggravation du risque
ont été définies à 8 mg/l pour le triméthoprime et
d’hypoglycémie.
à 200 mg/l pour le sulfaméthoxazole [2, 3].

Contre-indications Effets indésirables


et interactions
médicamenteuses • L’association triméthoprime-sulfaméthoxazole
est globalement bien tolérée à faibles doses, elle
Les contre-indications à l’utilisation de l’associa- pose plus de problèmes en particulier chez le
tion triméthoprime-sulfaméthoxazole sont : patient VIH ;
• antécédents d’hypersensibilité à un composé • les troubles digestifs sont relativement fré-
de la famille des sulfamides (antibiotique ou quents, augmentant à forte dose ;
hypoglycémiant) ; • la fréquence des réactions allergiques est très
• déficit en glucose-6-phosphate déhydrogénase augmentée chez le patient VIH pouvant attein-
(G6PD)  : risque de déclenchement d’une dre les 40  % contre 8-10  % dans d’autres
hémolyse ; populations.
• atteinte sévère du parenchyme hépatique ; On décrit un certain nombre d’effets concen-
• grossesse, particulièrement au premier trimestre tration-dépendants sans pour autant que les seuils
(risque tératogène) et allaitement. de concentrations toxiques soient bien définis,
L’association au méthotrexate est contre-indi- peu d’études ayant mesuré les concentrations
quée pour des raisons à la fois pharmacocinétique plasmatiques au moment de la survenue des
et pharmacodynamique. En effet, le sulfamé- effets. La survenue de leucopénies a été décrite
thoxazole va diminuer l’excrétion tubulaire rénale pour des concentrations de triméthoprime ou de
du méthotrexate par compétition au niveau du sulfaméthoxazole élevées ayant conduit à limiter
transporteur impliqué, diminuant l’élimination du la zone thérapeutique à 5-8 mg/l pour le trimé-
méthotrexate de moitié environ. Un déplacement thoprime et 150 à 200  mg/l pour le sulfamé-
de la liaison du méthotrexate aux protéines plas- thoxazole, au pic de concentration.
matiques pourrait également contribuer à cette Compte tenu de l’action du triméthoprime sur
augmentation des concentrations plasmatiques de la dihydrofolate réductase, une supplémentation
méthotrexate. Enfin, méthotrexate et trimétho- en acide folique est recommandée pour éviter les
prime-sulfaméthoxazole agissent en inhibant la effets liés à la déplétion (anémie mégaloblastique,
DHFR, ce qui va augmenter les effets de toxicité neutropénie). Cette supplémentation sera sans
hématologique du méthotrexate. conséquence sur l’effet de l’antibiotique puisque
102  Antibiotiques

les bactéries n’assimilent pas l’acide folique de Grossesse


l’environnement (tableau 11.3).

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L’association triméthoprime-sulfaméthoxazole est
Tableau 11.3. Toxicités du cotrimoxazole et lien avec considérée comme tératogène et contre-indiquée
les concentrations plasmatiques. avant 10  semaines d’aménorrhées (SA). Au-delà
de 10 SA, un traitement par cotrimoxazole pourra
Toxicité idiosyncratique Toxicité concentration-
dépendante être envisagé. L’association triméthoprime-sulfa-
Réaction cutanée allergique Apraxie
méthoxazole peut être prescrite à la femme qui
allaite, les quantités ingérées par l’enfant étant très
Cholestase Délire
faibles. Elle est contre-indiquée en cas de risque
Crise hémolytique Hyperkaliémie
de déficit en G6PD.
Hépatite Hypoglycémie
Néphrite interstitielle Méninigite aseptique Références
Methémoglobinémie Acidose métabolique [1] Baethke R, Golde G, Gahl G. Sulphamethoxazole/
Syndrome de défaillance multi- Myoclonies trimethoprim: pharmacokinetic studies in patients
organe with chronic renal failure. Eur J Clin Pharmacol
1972;4:233–40.
Pancréatite Psychose
[2] Brown GR. Cotrimoxazole - optimal dosing in the
Parotidite Obstruction tubulaire rénale critically ill. Annals of Intensive Care 2014;4:13.
Syndrome de Stevens-Johnson Tremblements [3] Joos B, Blaser J, Opravil M, Chave JP, Lüthy
R. Monitoring of co-trimoxazole concentrations
Thrombocytopénie
in serum during treatment of pneumocystis cari-
Torsades de pointe nii pneumonia. Antimicrob Agents Chemother
Source : d’après [2]. 1995;39:2661–6.
Chapitre 12

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Lipopeptides cycliques
Laurent Bourguignon, Sylvain Goutelle

Points-clés caractère amphiphile, et explique également son


j La daptomycine est le seul lipopeptide mécanisme d’action.
cyclique actuellement commercialisé. Commercialisée sous le nom de Cubicin®, la
j L’intérêt principal de son spectre est son activité daptomycine n’est disponible que sous la forme
sur les bactéries à Gram positif résistantes aux
de poudre pour solution injectable, son absorp-
autres antibiotiques, telles que SARM, GISA et ERV.
j Sa pharmacocinétique lui confère un intérêt
tion digestive étant pratiquement nulle du fait de
dans le traitement des infections de la peau et sa grande taille (figure 12.1).
des tissus mous et de certaines endocardites.
La daptomycine est également utilisée dans les
sepsis et infections ostéoarticulaires, hors AMM.
j La toxicité musculaire doit faire l’objet
Mécanisme d’action
d’une surveillance durant le traitement
(créatine phosphokinase [CPK]). Le mécanisme d’action de la daptomycine fait
j La posologie peut être optimisée grâce au suivi intervenir la partie lipophile de la molécule, qui
thérapeutique pharmacologique par mesure de la va interagir avec la membrane de la bactérie et
concentration au pic (Cmax, 30 min après la fin de la provoquer la formation de pores, conduisant
perfusion) en lien avec l’efficacité, et de la Cmin, juste à la sortie de potassium et à la mort cellulaire.
avant l’injection, en lien avec la toxicité musculaire.
Il s’agit d’un mécanisme calcium-dépendant.
Ce mécanisme hypothétique demeure toutefois
discuté. Son incapacité à passer la membrane
Principales molécules externe des bactéries à Gram négatif rend la
daptomycine inefficace contre ces bactéries,
La daptomycine est le premier et seul représentant même en cas d’altération de cette membrane
actuellement commercialisé de la famille des lipo- externe.
peptides cycliques. Bien que sa découverte soit
relativement ancienne, son utilisation a longtemps
été retardée en raison d’une toxicité musculaire
observée lors des premiers essais cliniques, pro-
bablement en lien avec le schéma d’administration
biquotidien utilisé à l’époque. Cette molécule a
présenté un regain d’intérêt avec l’augmentation
des résistances aux antibiotiques développées par
les bactéries à Gram positif.
La structure de la daptomycine se compose
d’un cycle de 13 acides aminés et d’une chaîne
latérale se terminant par un acide décanoïque.
Cette structure confère à la daptomycine un Figure 12.1. Structure chimique de la daptomycine.

Pharmacologie des anti-infectieux


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106  Antibiotiques

Cette action de la daptomycine se traduit par cœur droit ou à une infection compliquée de la
une activité bactéricide s’exerçant sur les bactéries peau et des tissus mous ;

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en phase de croissance, mais également sur les Elle est globalement indiquée dans les infections
bactéries en phase stationnaire avec une vitesse avec bactériémie, à posologie plus élevée, de 6 à
remarquable. La vitesse de bactéricidie de la 8 mg/kg/j, voire au-delà en cas d’échec antérieur
daptomycine sur S.  aureus est supérieure à celle de la vancomycine pour le traitement d’une infec-
de la vancomycine. tion à S. aureus (10 mg/kg/j) [4]. À noter que la
La daptomycine présente un effet postantibio- daptomycine sera inefficace pour les localisations
tique dont la durée a été estimée à 2,5 heures en pulmonaires compte tenu de son inactivation par
moyenne sur les staphylocoques (il peut varier le surfactant pulmonaire (formation d’agrégats
entre 1,1 et 6,2 heures), contribuant à l’efficacité séquestrant l’antibiotique) [5].
du traitement en une seule administration par jour.

Spectre d’action Pharmacocinétique


et indications
La pharmacocinétique de la daptomycine est
La daptomycine a un spectre incluant la grande linéaire jusqu’à 12  mg/kg et est décrite par un
majorité des bactéries à Gram positif, dont modèle bicompartimental.
S.  aureus, y compris les souches résistantes à La demi-vie est prolongée (huit heures en
la méticilline (SARM) ou de sensibilité réduite moyenne chez l’adulte normorénal), et le volume
aux glycopeptides (GISA), mais aussi Enterococcus de distribution d’environ 0,1 l/kg, ce qui corres-
spp, y compris les ERV. Par ailleurs, la daptomy- pond à une distribution principalement extracel-
cine est également active sur les bactéries anaéro- lulaire. La fixation aux protéines plasmatiques est
bies à gram positif. L’apparition de résistance à la très forte, de l’ordre de 90  %, principalement à
daptomycine reste rare [1] et les germes dont la l’albumine. Cette fixation est légèrement dimi-
CMI est supérieure à 1 mg/l sont encore anecdo- nuée chez l’insuffisant rénal. Il semble également
tiques en France. Cependant, des échecs cliniques que cette fixation se fasse avec une affinité plus
et microbiologiques avec élévation des CMI et faible que celle se produisant avec la membrane
acquisition de résistances sous traitement ont été bactérienne : plusieurs études montrent une effi-
documentés lors de traitements d’infections sur cacité de la daptomycine supérieure à celle que la
matériel étranger lorsque celui-ci est maintenu fraction libre pouvait laisser attendre [6].
(prothèse ostéoarticulaire). La daptomycine diffuse peu ou pas dans le
D’une manière intéressante, des études in vitro LCS, sauf en cas d’infections neurologiques [7].
montrent que la daptomycine ne perturbe pas Sa diffusion dans les tissus des valves cardiaques
l’action des autres antibiotiques, et qu’un effet syner- et des végétations est, en revanche, intéressante
gique peut parfois être observé sur les entérocoques en cas d’endocardite [8]. Des études sur modèle
avec la ceftriaxone, la rifampicine et l’imipénem [2], animal mais également chez le malade suggèrent
ainsi que sur S. aureus avec la gentamicine [3]. une bonne diffusion osseuse [9].
La daptomycine est actuellement indiquée dans L’élimination de la daptomycine est principale-
les infections suivantes en France : ment rénale (54 à 78 %), avec une clairance d’envi-
• chez l’adulte et l’enfant (âgé de 1 à 17  ans) ron 7 à 9 ml/min/kg, dont 4 à 7 ml/min/kg de
présentant des infections compliquées de la clairance rénale [7]. La métabolisation hépatique
peau et des tissus mous ; semble limitée, avec une implication minime des
• chez l’adulte présentant une endocardite infec- enzymes du CYP450. Une étude de pharmaco-
tieuse (EI) du cœur droit due à S. aureus ; cinétique de population a montré une relation
• chez l’adulte présentant une bactériémie à linéaire entre la clairance de la daptomycine et
S.  aureus lorsqu’elle est associée à une EI du la clairance de la créatinine [9]. En revanche,
Chapitre 12. Lipopeptides cycliques 107

le poids corporel ne semble pas être relié au volume être augmentées d’un facteur 2 ou 3. En cas de
du compartiment central [9, 10]. Enfin, de récents clairance de la créatinine inférieure à 30 ml/min,

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travaux suggèrent une implication de la glycopro- il est recommandé d’espacer les administrations
téine P dans la clairance de la daptomycine [11]. de 48 heures [1].
D’une manière générale, les caractéristiques Aucun ajustement ne semble nécessaire chez le
PK/PD de la daptomycine orientent vers un ajus- sujet âgé, ni chez l’insuffisant hépatique.
tement de l’intervalle posologique en fonction de
la clairance de la créatinine et la détermination de
la posologie en fonction du poids du patient [10]. Effets indésirables
La posologie usuelle chez le patient normorénal
varie entre 6 et 10 mg/kg en une administration Dans les essais cliniques évaluant la daptomycine
par jour. Cette posologie doit être réduite à une dans les infections de la peau et des tissus mous,
administration toutes les 48 heures chez l’insuffi- des effets indésirables étaient observés chez 18 %
sant rénal et le patient dialysé. des patients et consistaient principalement en des
Chez le patient dialysé nécessitant ce traitement, troubles digestifs, des céphalées et des douleurs
du fait de son épuration en hémodialyse (15 % en au point d’injection [6]. La toxicité musculaire,
quatre heures) il est recommandé d’administrer la évoquée lors des premières utilisations de la dap-
daptomycine après la séance, les jours de dialyse. tomycine dans les années 1980 n’est pas retrouvée
de manière nette dans les études plus récentes  :
une élévation des CPK est observée chez 9,3  %
Paramètres PK/PD des patients, et seuls 0,2  % des patients ont
présenté une myalgie ou une faiblesse musculaire
L’indice PK/PD le plus prédictif de l’efficacité [6]. L’augmentation des CPK a été reliée à une
semble être le rapport AUC/CMI [12]. Cet concentration plasmatique résiduelle supérieure à
indice doit atteindre une valeur supérieure à 666 24 mg/l [14].
pour un effet bactéricide sur S. aureus. Le rapport Plus récemment, une possibilité de complica-
Cmax/CMI peut également être un paramètre per- tions pulmonaires de type pneumonie à éosino-
tinent, une valeur comprise entre 60 et 100 pour philes a été décrite [15]. Des atteintes hépatiques
le S. aureus étant recommandée. Si l’on se réfère à sont également possibles [16].
la concentration libre de daptomycine, un rapport
fAUC/CMI à 35 semble nécessaire pour obtenir
un effet bactéricide supérieur à 80  % de l’effet Contre-indications
maximal [13]. À noter toutefois que ces résultats et précautions d’emploi
issus d’études animales doivent être considérés
avec réserve pour une application clinique. La seule contre-indication à la daptomycine est
l’hypersensibilité au principe actif ou à un excipient.
Comme décrit ci-dessus, un ajustement de
Sources de variabilité l’intervalle d’administration sera nécessaire chez
de la réponse l’insuffisant rénal sévère et chez le patient dialysé.

Chez les patients de soins intensifs, le Vd et la


fraction libre de la daptomycine sont augmentés. Surveillance des effets
Le Vd a été estimé à 0,19 l/kg dans cette popu-
lation [11]. En prévention de la survenue d’une toxicité mus-
Comme l’élimination de la daptomycine est culaire, il est recommandé de mesurer le taux
majoritairement rénale, son utilisation chez plasmatique de CPK au préalable, puis une fois
l’insuffisant rénal sévère ou les patients dialysés par semaine durant le traitement. Cette surveil-
doit être prudente, la demi-vie et l’AUC pouvant lance doit être renforcée chez les patients ayant un
108  Antibiotiques

risque élevé de développer une myopathie (insuf- bacteria. Clin Microbiol Infect Off Publ Eur Soc Clin
fisant rénal, autres médicaments myotoxiques). Microbiol Infect Dis 2006;12(Suppl 1):24–32.

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[7] D’Avolio A, Pensi D, Baietto L, Pacini G, Di Perri
Par ailleurs, les paramètres pharmacocinétiques
G, De Rosa FG. Daptomycin Pharmacokinetics
de la daptomycine sont très dépendants de la and Pharmacodynamics in Septic and Critically Ill
fonction rénale du patient et de la situation cli- Patients. Drugs 2016;76:1161–74.
nique. La variabilité interindividuelle n’est pas [8] Tascini C, Di Paolo A, Poletti R, Flammini S, Emdin
négligeable, particulièrement chez les patients de M, Ciullo I, et  al. Daptomycin concentrations in
réanimation, les patients en insuffisance rénale, les valve tissue and vegetation in patients with bac-
terial endocarditis. Antimicrob Agents Chemother
patients obèses, ce qui peut conduire à la nécessité 2013;57:601–2.
d’un STP se fondant sur le rapport Cmax/CMI [9] Rouse MS, Piper KE, Jacobson M, Jacofsky DJ,
pour l’efficacité [17,  18] et sur la Cmin pour la Steckelberg JM, Patel R. Daptomycin treatment of
toxicité [14]. Pour une infection à staphylocoque, Staphylococcus aureus experimental chronic osteo-
un rapport Cmax/CMI supérieur à 60 sera préco- myelitis. J Antimicrob Chemother 2006;57:301–5.
nisé, tout en maintenant une Cmin inférieure à [10] Dvorchik B, Arbeit RD, Chung J, Liu S,
Knebel W, Kastrissios H. Population pharmacokinetics
24 µg/ml. of daptomycin. Antimicrob Agents Chemother
Peu d’interactions médicamenteuses sont 2004;48:2799–807.
actuellement décrites avec la daptomycine. Il est [11] Di Paolo A, Tascini C, Polillo M, Gemignani G,
légitime de renforcer la surveillance des CPK avec Nielsen EI, Bocci G, et  al. Population pharmacoki-
les médicaments présentant une toxicité musculaire netics of daptomycin in patients affected by severe
Gram-positive infections. Int J Antimicrob Agents
comme les inhibiteurs de l’hydroxy-méthyl-glu-
2013;42:250–5.
taryl-coenzyme A (HMGCoA) réductase, il est [12] Safdar N, Andes D, Craig WA. In vivo pharmaco-
recommandé de suspendre ces traitements dans la dynamic activity of daptomycin. Antimicrob Agents
mesure du possible. De même, les médicaments Chemother 2004;48:63–8.
réduisant la filtration glomérulaire comme les AINS [13] Jehl F. PK/PD des glycopeptides et lipopeptides
pourront réduire la clairance de la daptomycine. (Oritavancine, Dalvabancine, Daptomycine). Anti-
biotiques 2004;6:57–60.
[14] Bhavnani SM, Rubino CM, Ambrose PG, Drusano
Références GL. Daptomycin exposure and the probability of
[1] Steenbergen JN, Alder J, Thorne GM, Tally FP. Dap- elevations in the creatine phosphokinase level: data
tomycin: a lipopeptide antibiotic for the treatment from a randomized trial of patients with bacteremia
of serious Gram-positive infections. J Antimicrob and endocarditis. Clin Infect Dis Off Publ Infect Dis
Chemother 2005;55:283–8. Soc Am 2010;50:1568–74.
[2] Steenbergen JN, Mohr JF, Thorne GM. Effects of [15] Akcaer M, Karakas A, Tok D, Coskun O, Sari S.
daptomycin in combination with other antimicrobial Eosinophilic pneumonia : Daptomycin-induced lung
agents: a review of in vitro and animal model studies. complication. Med Mal Infect 2016;46:166–8.
J Antimicrob Chemother 2009;64:1130–8. [16] Abraham G, Finkelberg D, Spooner LM. Daptomy-
[3] Credito K, Lin G, Appelbaum PC. Activity of dapto- cin-induced acute renal and hepatic toxicity without
mycin alone and in combination with rifampin and rhabdomyolysis. Ann Pharmacother 2008;42:719–
gentamicin against Staphylococcus aureus assessed by 21.
time-kill methodology. Antimicrob Agents Chemo- [17] Falcone M, Russo A, Cassetta MI, Lappa A, Tritapepe
ther 2007;51:1504–7. L, d’Ettorre G, et al. Variability of pharmacokinetic
[4] Senneville E, Caillon J, Calvet B, Jehl F. Towards parameters in patients receiving different dosages of
a definition of daptomycin optimal dose: Lessons daptomycin: is therapeutic drug monitoring neces-
learned from experimental and clinical data. Int sary ? J Infect Chemother Off J Jpn Soc Chemother
J Antimicrob Agents 2016;47:12–9. 2013;19:732–9.
[5] Silverman JA, Mortin LI, Vanpraagh ADG, Li T, [18] Canut A, Isla A, Betriu C, Gascón AR. Pharmacoki-
Alder J. Inhibition of daptomycin by pulmonary sur- netic–pharmacodynamic evaluation of daptomycin,
factant: in vitro modeling and clinical impact. J Infect tigecycline, and linezolid versus vancomycin for
Dis 2005;191:2149–52. the treatment of MRSA infections in four western
[6] Rybak MJ. The efficacy and safety of daptomycin: European countries. Eur J Clin Microbiol Infect Dis
first in a new class of antibiotics for Gram-positive 2012;31:2227–35.
Chapitre 13

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Polymyxines
Laurent Bourguignon, Sylvain Goutelle

Points-clés Principales molécules


j Deux polymyxines sont actuellement utilisées : la
colistine (ou polymyxine E), par voie systémique,
et la polymyxine B, par voie locale Deux polymyxines sont actuellement utilisées :
j Leur intérêt est de demeurer efficaces • la colistine (ou polymyxine E), commercialisée
contre des bactéries multirésistantes comme sous le nom de Colimycine®, Colobreathe® et
P. aeruginosa, A. baumannii et K. pneumoniae. Tadim® ;
j La colistine est administrée par voie générale • la polymyxine B, présente dans des médica-
sous forme d’une prodrogue (colistiméthate ments à usage local, principalement en asso-
sodique [CMS]). L’indice PK/PD le mieux ciation avec la néomycine et un corticoïde,
corrélé à l’efficacité clinique serait fAUC/ tels que Polydexa® (polymyxine B, néomycine,
CMI, et la toxicité rénale serait plus fréquente
dexaméthasone), Antibio Synalar® (polymyxine
en cas de Cmin supérieure à 2,2 mg/l.
j Les toxicités principales sont rénale B, néomycine, fluocinolone), ou Maxidrol®
(fréquente et dose limitante) et neurologique (polymyxine B, néomycine, dexaméthasone).
(rare mais potentiellement mortelle). Ces deux molécules ne diffèrent que d’un
j L’utilisation de la colistine devrait être seul acide aminé. Dans les spécialités pour usage
réservée au traitement des infections sévères parentéral, la colistine est administrée sous
documentées dues à des bactéries aérobies forme de colistiméthate sodique (CMS), qui
à Gram négatif sensibles, chez des patients est une prodrogue de la colistine. Pour cette
pour lesquels les alternatives thérapeutiques raison, le pic de concentration plasmatique
sont limitées, si possible en association
de colistine peut apparaître avec un retard de
pour limiter l’émergence de résistance.
j La colistine fait partie des antibiotiques plusieurs heures après l’administration de la
de dernier recours vis-à-vis des prodrogue.
bactéries à Gram négatif.

Les polymyxines représentent un groupe


d’antibiotiques de structure polypeptidique, Mécanisme d’action
dont la découverte remonte aux années 1940,
produits par différentes souches de Bacillus Les polymyxines agissent sur les phospholipides
polymyxa. de la membrane bactérienne, par fixation sur le
Leur utilisation par voie systémique a été inter- lipopolysaccharide (LPS) de la membrane externe,
rompue dans les années 1970 en raison d’une provoquant le déplacement de cations divalents et
toxicité rénale et neurologique. Un regain d’inté- l’altération de la membrane (augmentation de la
rêt pour ces molécules s’observe ces dernières perméabilité de la membrane, fuite du contenu
années, en raison de leur efficacité sur certains cellulaire et, par suite, mort cellulaire). Cette
germes à Gram négatif multirésistants dont Pseu- action semble impliquer en particulier le lipide
domonas et Acinetobacter. A du LPS. Pour cette raison, un grand nombre

Pharmacologie des anti-infectieux


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110 Antibiotiques

des mécanismes de résistance aux polymyxines Pharmacocinétique


comportent une modification de ce lipide A, ne

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permettant plus la fixation de l’antibiotique. Les études pharmacocinétiques de la colistine
sont rendues complexes en raison de l’utilisation
d’une prodrogue (CMS). En effet, cette pro-
Spectre et indications drogue est responsable de difficultés analytiques,
le CMS se dégradant en colistine ex vivo si le
Les polymyxines sont principalement actives prélèvement n’est pas rapidement analysé. In
contre les bactéries aérobies à Gram négatif, vivo, cette prodrogue inactive, qui permet une
alors que les bactéries à Gram positif et les réduction des douleurs au point d’injection et de
anaérobies sont usuellement résistantes. Parmi la néphrotoxicité, est transformée en colistine par
les bactéries à Gram négatif, les genres Neis- hydrolyse. Environ 30 % du CMS est transformé
seria, Proteus, Serratia, Providencia, Brucella en colistine chez les sujets sains, mais cette trans-
et Edwardsiella ne sont pas sensibles aux formation est plus importante chez l’insuffisant
polymyxines. De manière intéressante, les rénal  : chez les patients avec une clairance de la
polymyxines sont efficaces contre des bacté- créatinine inférieure à 30 ml/min, cette transfor-
ries multirésistantes comme P.  aeruginosa, mation pourrait atteindre 60 à 70 %. Sachant que
A. baumannii et K. pneumoniae. Une activité a la colistine est principalement éliminée par voie
également été rapportée contre certaines myco- non rénale, c’est cette augmentation de la forma-
bactéries, dont M. tuberculosis. tion de colistine à partir du CMS chez les patients
Les résistances aux polymyxines peuvent être insuffisants rénaux qui expliquerait la diminution
croisées entre colistine et polymyxine B. Les de la clairance apparente de la colistine dans cette
principaux mécanismes de résistance sont une population. Le CMS est éliminé principalement
modification du LPS (via une modification du par les reins par filtration glomérulaire.
lipide A), la mise en jeu de protéine d’efflux, Les données pharmacocinétiques initialement
ou des modifications de la membrane externe. limitées [1] se complètent désormais de plusieurs
Les résistances acquises sont considérées comme études de pharmacocinétique de population
rares, probablement en raison du faible usage des [2-4]. Après administration intraveineuse d’une
polymyxines par voie systémique. dose de 2 millions d’UI et de 2,8 millions d’UI
La colistine est indiquée dans le traitement de CMS, le pic de concentration de colistine
des infections sévères dues à des bactéries aéro- a été mesuré à 2,21  µg/ml (± 1,08  µg/ml)
bies à Gram négatif sensibles, chez des patients et 2,93  µg/ml (± 1,24  µg/ml) respectivement
pour qui les options thérapeutiques sont limi- chez des patients de soins intensifs [5, 6]. Cette
tées. Pour éviter l’apparition de résistances, une Cmax est observée environ sept heures après le
association avec un autre antibiotique doit être début d’une perfusion de 15 minutes [3]. La
envisagée. demi-vie d’élimination terminale varie entre 5,9
La posologie usuelle est de 9 MUI/jour, répar- et 18,5  heures [5,  7]. Le Vd de la colistine est
tie en deux à trois doses. Chez des patients d’environ 0,09  l/kg, et la clairance totale de
présentant un état sévère, une dose de charge de 0,35  ml/min/kg [8] chez des patients atteints
9 MUI peut être administrée. de mucoviscidose, mais des volumes de 1,5 l/kg
À noter, des spécialités pour utilisation par sont rapportés pour des patients de soins intensifs
nébulisation ou inhalation sont commercialisées [1]. Concernant le CMS (la prodrogue), sa
(Colimycine®, Colobreath® et Tadim®), dont clairance a été estimée à 13,1  l/h et sa demi-
l’indication est la prise en charge des infections vie d’élimination terminale à 2,2 heures [4]. La
pulmonaires chroniques dues à P.  aeruginosa colistine et le colistiméthate sodique peuvent être
chez les patients atteints de mucoviscidose. éliminés par hémodialyse.
Chapitre 13. Polymyxines 111

En raison de la lente transformation du CMS en le STP n’est actuellement pas jugé pertinent pour
colistine, plusieurs jours peuvent être nécessaires cette famille d’antibiotiques.

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avant obtention d’une concentration sanguine en
colistine suffisamment élevée : l’utilité d’une dose
de charge fait encore débat. Effets indésirables
La colistine présente une activité bactéricide
de type « concentration dépendante » [1]. Chez La toxicité de la colistine est principalement repré-
l’animal, c’est le ratio fAUC/CMI qui est le sentée par une néphrotoxicité le plus souvent
mieux corrélé avec l’activité antibactérienne. réversible, fréquente en cas d’administration systé-
Aucune valeur cible n’est actuellement proposée mique. Cette toxicité se manifeste par une nécrose
en routine clinique. tubulaire aiguë et est dose-limitante  : même
Aucune relation notable entre les indices PK/ en suivant les recommandations posologiques
PD et le risque de toxicité n’a été établie [8], mais actuelles, environ 50  % des patients présentent
certaines études suggèrent que la néphrotoxicité une atteinte rénale [4]. La fréquence des atteintes
serait plus fréquente lorsque la Cmin est supérieure rénales rapportées varie notablement suivant les
à 2,2 mg/l [9, 10]. études, principalement en raison de la diversité des
définitions possibles de la toxicité rénale (valeur
de la créatininémie, réduction de la clairance de
Sources de variabilité la créatinine, dépassement d’un seuil de clairance,
de la réponse etc.). Ce risque semble concerner entre 6 et 55 %
des patients. Cette toxicité se manifeste principale-
En raison des effectifs très limités des études ment lors des premiers jours de traitement.
menées avec la colistine, peu de facteurs ont Certains facteurs de risque de néphrotoxicité
pu être corrélés à la pharmacocinétique ou à la ont été identifiés : doses élevées, durée de traite-
réponse clinique de la colistine. La covariable ment prolongée, âge avancé, insuffisance rénale
la plus influente semble être la fonction rénale  : préexistante, hypoalbuminémie, association à
les posologies actuelles ne permettent pas aux d’autres médicaments néphrotoxiques.
patients présentant une bonne fonction rénale Une neurotoxicité est également décrite, dont
l’atteinte de concentrations suffisantes en colis- les manifestations pourront prendre la forme
tine, en particulier pour des CMI supérieures à de  : paresthésies, vertiges, faiblesse musculaire,
1  mg/l [4]. Pour cette raison, certains auteurs troubles visuels ou auditifs. Les paresthésies sont
recommandent l’utilisation de la colistine en la manifestation la plus fréquente (environ 27  %
association dès lors que la CMI est supérieure ou des patients) et sont réversibles à l’arrêt du traite-
égale à 1 mg/l et que la clairance de la créatinine ment. Plus rarement, des blocages neuromuscu-
est supérieure à 70 ml/min/1,73m2 [4]. laires ont été rapportés, pouvant potentiellement
conduire à un arrêt respiratoire [11-13].

Surveillance des effets


Contre-indications
Au-delà des surveillances cliniques et biologiques et précautions d’emploi
usuelles et du suivi de la survenue d’éventuelles
toxicités, aucune modalité de surveillance particu- Les contre-indications à l’utilisation de la colis-
lière n’est proposée pour les traitements par colis- tine sont peu nombreuses, et principalement liées
tine. Bien que le ratio fAUC/CMI soit considéré aux antécédents d’hypersensibilité à la colistine
comme prédictif de l’efficacité clinique, aucune ou à sa prodrogue, ainsi qu’aux autres poly-
valeur cible ne fait actuellement référence. Enfin, myxines. Des précautions seront nécessaires en cas
112 Antibiotiques

d’insuffisance rénale (adaptation de la posologie), [5] Imberti R, Cusato M, Villani P, Carnevale L,


chez le nourrisson de moins de 1 an (immaturité Iotti GA, Langer M, et al. Steady-state pharmacoki-

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netics and BAL concentration of colistin in critically
de la fonction rénale), ou en cas de myasthé-
Ill patients after IV colistin methanesulfonate admi-
nie en raison de la possibilité de blocage de la nistration. Chest 2010;138:1333–9.
jonction neuromusculaire. Enfin, bien qu’aucune [6] Markou N, Markantonis SL, Dimitrakis E, Panidis D,
association ne soit formellement contre-indi- Boutzouka E, Karatzas S, et  al. Colistin serum
quée, l’utilisation concomitante de colistine et concentrations after intravenous administration
d’autres médicaments néphrotoxiques (produits in critically ill patients with serious multidrug-
resistant, gram-negative bacilli infections: a pros-
de contraste iodés, aminosides, organoplatines, pective, open-label, uncontrolled study. Clin Ther
méthotrexate à fortes doses, aciclovir et valaciclo- 2008;30:143–51.
vir, ciclosporine ou tacrolimus) doit être prudente. [7] Mohamed AF, Karaiskos I, Plachouras D, Karvanen
De même, l’association de colistine avec certains M, Pontikis K, Jansson B, et  al. Application of a
médicaments à marge thérapeutique étroite peut loading dose of colistin methanesulfonate in critically
perturber l’action de ces derniers. C’est le cas par ill patients: population pharmacokinetics, protein
binding, and prediction of bacterial kill. Antimicrob
exemple de l’association avec les AVK, pouvant Agents Chemother 2012;56(8):4241–9.
conduire à une augmentation de l’INR. [8] Reed MD, Stern RC, O’Riordan MA, Blumer JL.
The pharmacokinetics of colistin in patients with
Références cystic fibrosis. J Clin Pharmacol 2001;41:645–54.
[9] Sorlí L, Luque S, Grau S, Berenguer N, Segura C,
[1] Roberts JA, Lipman J. Pharmacokinetic issues for Montero MM, et  al. Trough colistin plasma level is
antibiotics in the critically ill patient. Crit Care Med an independent risk factor for nephrotoxicity: a pros-
2009;37:840–51. quiz 859. pective observational cohort study. BMC Infect Dis
[2] Couet W, Grégoire N, Gobin P, Saulnier PJ, 2013;13:380.
Frasca D, Marchand S, et  al. Pharmacokinetics of [10] Tran TB, Velkov T, Nation RL, Forrest A, Tsuji BT,
colistin and colistimethate sodium after a single Bergen PJ, et  al. Pharmacokinetics/pharmacodyna-
80-mg intravenous dose of CMS in young healthy mics of colistin and polymyxin B: are we there yet?
volunteers. Clin Pharmacol Ther 2011;89:875–9. Int J Antimicrob Agents 2016;48:592–7.
[3] Plachouras D, Karvanen M, Friberg LE, Papado- [11] Shrestha A, Soriano SM, Song M, Chihara S. Intrave-
michelakis E, Antoniadou A, Tsangaris I, et  al. nous colistin-induced acute respiratory failure: A case
Population pharmacokinetic analysis of colistin report and a review of literature. Int J Crit Illn Inj Sci
methanesulfonate and colistin after intravenous 2014;4:266–70.
administration in critically ill patients with infections [12] Wahby K, Chopra T, Chandrasekar P. Intravenous
caused by gram-negative bacteria. Antimicrob Agents and inhalational colistin-induced respiratory fai-
Chemother 2009;53:3430–6. lure. Clin Infect Dis Off Publ Infect Dis Soc Am
[4] Garonzik SM, Li J, Thamlikitkul V, Paterson DL, 2010;50:e38–40.
Shoham S, Jacob J, et al. Population pharmacokinetics [13] Myint T, Evans ME, Burgess DR, Greenberg RN.
of colistin methanesulfonate and formed colistin in Respiratory Muscle Paralysis Associated With Colis-
critically ill patients from a multicenter study provide tin, Polymyxin B, and Muscle Relaxants Drugs: A
dosing suggestions for various categories of patients. Case Report. J Investig Med High Impact Case Rep
Antimicrob Agents Chemother 2011;55:3284–94. 2016;4. 2324709616638362.
Chapitre 14

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Antifongiques azolés
Aurélien Schrapp, Fabien Lamoureux

Points-clés des infections opportunistes, consécutives à


j Les triazolés sont utilisés par voie systémique pour un ou plusieurs de ces facteurs de risque.
prévenir ou traiter des infections fongiques sévères. Elles sont une cause majeure de morbidité et
j Les triazolés présentent une marge thérapeutique de mortalité. Parmi les agents pathogènes les
étroite, une variabilité interindividuelle
plus fréquents, on retrouve des levures (Can-
importante d’exposition, un risque de toxicité
et d’interactions médicamenteuses.
dida, Cryptococcus, etc.) et des champignons
j Le STP des antifongiques azolés est recommandé filamenteux (Aspergillus, Mucorales, etc.)
pour optimiser ces traitements à partir des (figure 14.1).
concentrations plasmatiques résiduelles.

Médicaments existants
Rappels physiopathologiques
Les antifongiques azolés sont des médicaments
On estime actuellement que les infections fon- que l’on peut diviser en deux groupes selon leur
giques représentent 5 à 10  % des pathologies structure chimique  : les triazolés et les imi-
infectieuses dans les pays développés. La fré- dazolés (figure  14.2). Malgré un mécanisme
quence des infections par les champignons s’est d’action pharmacologique commun, ils sont
considérablement accrue au cours des dernières caractérisés par des indications et des paramètres
décennies, en particulier du fait de l’évolution
continue des pratiques médico-chirurgicales.
Cette évolution des pratiques est paradoxale-
ment associée à une augmentation de facteurs
de risque d’infections opportunistes, de par leur
caractère invasif  : interventions chirurgicales,
poses de cathéters ou de prothèses, traitements
immunosuppresseurs, chimiothérapies antican-
céreuses ou antibiothérapies à large spectre.
Des facteurs physiopathologiques et environne-
mentaux contribuent également à la survenue
d’infections fongiques : âges extrêmes, patholo-
gies du système immunitaire, infections préexis-
tantes, cancers, pathologies hématologiques,
dénutrition ou encore travaux de rénovation Figure 14.1. Aspergillus fumigatus, bleu lactophénol,
grossissement × 400.
des infrastructures hospitalières. Les infections Source : http://www.medical-labs.net/aspergillus-flaus-under-
fongiques sont de ce fait majoritairement microscope-1450/

Pharmacologie des anti-infectieux


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116 Antifongiques

pharmacocinétiques variables. Les triazolés sont à fongique. De plus, au niveau cellulaire, l’accumu-
usage systémique et les imidazolés à usage local. lation de lanostérol altère la perméabilité membra-

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L’arrivée des triazolés au cours des trois dernières naire, la chaîne respiratoire ainsi que la synthèse de
décennies a considérablement élargi l’arsenal thé- chitine provoquant la mort du champignon. Les
rapeutique dans le traitement des infections fon- azolés ont montré une plus grande sélectivité
giques, longtemps constitué par l’amphotéricine pour les enzymes du CYP450 fongiques que pour
B dont le maniement et la toxicité étaient sus- les autres systèmes enzymatiques du CYP450
ceptibles de limiter son utilisation (tableau 14.1). mammifères.
Sur le plan moléculaire, un des atomes d’azote
(le N-3 chez les imidazolés et le N-4 chez les
Mécanisme d’action triazolés) se lie à l’atome de fer de l’hème situé
au niveau du site actif du CYP51 fongique,
L’activité thérapeutique des azolés est fongista- inhibant de manière irréversible l’activité de ce
tique, elle résulte de l’inhibition du CYP450 cytochrome. Certains azolés présentent un mode
fongique (CYP51) qui catalyse la déméthyla- d’action complémentaire, susceptible d’élargir
tion du 14-α-lanostérol, phase essentielle de la leur spectre d’action : le voriconazole possède par
biosynthèse de l’ergostérol fongique (figure 14.3). exemple une activité 24-methylène-dihydrolanos-
Cette inhibition entraîne une accumulation de térol déméthylase sur certaines levures/filamen-
14-α-méthylstérol associée à une diminution de teux et l’itraconazole un pouvoir inhibiteur de
l’ergostérol dans la membrane cellulaire fongique la chitine synthase chez les levures. On observe
qui conduit à une inhibition de la croissance cependant une augmentation croissante d’échecs

Figure 14.2. Structure chimique des antifongiques azolés. A. Antifongiques triazolés à usage systémique. B. Princi-
paux antifongiques imidazolés à usage local (liste non exhaustive).
Chapitre 14. Antifongiques azolés 117

Tableau 14.1. Antifongiques azolés à usage systémique.

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Molécule Voies d’administration Indications Traitement prophylactique
Fluconazole orale, IV Candidoses : Oui
Systémiques
Muqueuses
Cryptococcoses neuroméningées
Coccidioïdomycoses
Isavuconazole orale, IV Aspergillose invasive, mucormycosea Non
Itraconazole orale Aspergillose invasive, bronchopulmonaire et Nona
aspergillome
Kératites fongiques
Dermatophyties impossible à traiter
localement
Infections à mycoses rares
Posaconazole orale, IV Aspergillose invasivea Oui
Fusariose
Chromoblastomycose et mycétome
Coccidioïdomycosea
Voriconazole orale, IV Candidémie du patient non neutropénique Oui
Aspergillose invasive
Mycoses graves à scedosporium ou fusarium
Candidoses invasives résistantes au
fluconazole
a En seconde intention en traitement curatif.

thérapeutiques associés à la sélection de souches Spectres d’activité et indications


multirésistantes du fait de l’utilisation intensive
des fongicides ou fongistatiques en santé humaine Les triazolés sont utilisables par voie systémique
ou en agriculture. Le choix du traitement doit dans le traitement curatif et/ou prophylactique
se faire selon la nature et la sensibilité de l’agent des infections fongiques. Le traitement pro-
pathogène, le spectre d’action du médicament, phylactique est particulièrement utile chez les
l’état clinique du patient, les comédications sus- sujets présentant des facteurs de risque d’infec-
ceptibles d’interférer avec l’antifongique. Au tions fongiques (neutropénies, cancer, greffes
cours des infections systémiques impliquant des de cellules souches hématopoïétiques, trans-
agents pathogènes rares et/ou en cas d’échec plantation d’organe, immunodépression, etc.).
thérapeutique, un antifongigramme est recom- Le fluconazole, le voriconazole et le posaco-
mandé pour déterminer la CMI du germe. Il sera nazole sont indiqués dans les traitements pro-
accompagné de l’identification d’espèce et pourra phylactiques et curatifs d’infections fongiques
conduire au choix de la molécule au rapport à levures ou filamenteux. L’isavuconazole et
efficacité/coût le plus favorable. l’itraconazole sont indiqués dans les traitements
uniquement curatifs des infections fongiques.
Les spectres d’efficacité indicatifs des antifon-
giques azolés à usage systémique sont présentés
dans le tableau 14.2.
Par ailleurs, il existe de nombreux antifongiques
imidazolés, ce sont des agents topiques actifs
contre une variété de pathogènes dont  : Epider-
Figure 14.3. Mécanisme d’action des antifongiques mophyton, Microsporum, Trichophyton, Candida
azolés. ou Malassezia.
118 Antifongiques

Tableau 14.2. S
 pectres indicatifs des antifongiques azolés à usage systémique sur les principaux agents fongiques
rencontrés.

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Aspergillus Scedosporium Mucorales Fusarium Cryptococcus Candida
fumigatus terreus apiospermum prolificans glabrata krusei Albicans
et parap-
silosis
Fluconazole – – – – – – + Variable – +
Isavuconazole + + Variable – ++ Variable + Variable + +
Itraconazole + + + – – + + – – +
Posaconazole + + variable - + Variable + variable + +
Voriconazole + + variable - – variable + variable + +

Pharmacocinétique et variabilité d’expression d’enzymes du métabo-


lisme ou de transporteurs.
Les antifongiques azolés à usage systémique pos- Les données relatives au suivi thérapeutique
sèdent une variabilité pharmacocinétique intra- des antifongiques azolés sont présentées dans le
et interindividuelle importante. Leurs propriétés tableau  14.4. Le STP des antifongiques azolés
physicochimiques, leur mode d’élimination et repose généralement sur le dosage de la Cmin à
leur spectre d’action variable en font une classe l’équilibre. Le dosage de la concentration au pic
thérapeutique hétérogène. Une dose de charge peut également être utile pour contrôler l’obser-
peut être utilisée pour certaines molécules du vance et la capacité d’absorption du traitement
fait d’une demi-vie d’élimination généralement par voie orale. Les triazolés sont des antifongiques
importante. Les principales caractéristiques phar- temps dépendant et leur efficacité optimale est
macocinétiques des antifongiques azolés à usage obtenue en maximisant le ratio AUC/CMI, ce
systémique sont résumées dans le tableau 14.3. ratio étant différent selon chaque agent fongique.
Il est à noter que chez les patients présentant des
difficultés d’adaptation des doses thérapeutiques
Relations PK/PD et STP de voriconazole, il peut être informatif d’explorer
des variants génétiques fréquents du CYP2C19
à la recherche de métaboliseurs lents ou rapides.
Les antifongiques azolés sont souvent caracté-
Enfin, le caractère réfractaire d’un champi-
risés par un index thérapeutique étroit et des-
gnon est défini par la progression de l’infection
tinés à prévenir ou à traiter des infections graves,
ou l’absence d’amélioration après un minimum
susceptibles de menacer le pronostic vital des
de sept jours de traitement par un antifongique
patients. Ces caractéristiques justifient un suivi
efficace aux doses thérapeutiques et doit faire
thérapeutique pharmacologique systématique de
penser à réévaluer le traitement.
ces médicaments.
Parmi les principaux facteurs susceptibles
d’influencer l’exposition aux antifongiques azolés,
on retrouve notamment l’observance du traite-
Contre-indications
ment par le patient, les difficultés d’absorption de et interactions
certains azolés en fonction des conditions de prise médicamenteuses
(prise pendant un repas, acidité et contenu lipi-
dique de celui-ci), les comorbidités (notamment Les contre-indications majeures des azolés
insuffisance rénale ou hépatique, troubles diges- comprennent la grossesse et les associations
tifs de type diarrhées, mucites, réaction du greffon donnant lieu à des interactions médicamenteuses
contre l’hôte [GVH]-intestinales), comédications empruntant les voies de métabolisation des
Chapitre 14. Antifongiques azolés 119

Tableau 14.3. Caractéristiques pharmacocinétiques des triazolés.

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Molécule Demi-vie (h) Biodisponibilité orale Métabolisme/élimination Dialysable
Fluconazole 30 h ≈85-95 % Élimination rénale sous forme ++
Pic : 0,5-1,5 h inchangée majoritaire
Faible métabolisme hépatique (11 %)
Pharmacocinétique linéaire
Inhibiteur de CYP : 2C9, 3A4, 2C19
Isavuconazole 100 h ≈98 % Prodrogue isavuconazonium sulfate Non
non affecté par le pH gastrique et le repas activée par estérases plasmatiques
Pic : 2-3 h Métabolisme hépatique par CYP3A4/5
Inhibiteur de CYP : 3A4
Itraconazole 20-30 h Suspension buvable Métabolisme hépatique saturable Non
Variable (> gélule) Pharmacocinétique non linéaire
pH indépendant mais réduit par le repas Métabolite OH-itraconazole actif
Pic : 2-3 h Substrat CYP3A4 et glycoprotéine P
Inhibiteur de CYP : 3A4
Gélule
Variable ≈ 55 %
↑ par baisse du pH gastrique et repas
Pic : 4 h
Posaconazole 30-48 h Suspension buvable Élimination par voie biliaire sous forme Non
Variable, absorption saturable inchangée majoritaire
↑ par baisse du pH gastrique et repas Élimination non linéaire
Pic : 3 h Peu de métabolites CYP-dépendant
Glucuronidation glucuronosyltrans-
Comprimé
férases (18-28 %)
Variable (> suspension)
Inhibiteur de CYP : 3A4
Pic : 4-5 h
Voriconazole 6-10 h ≈85-92 % Autoinduction ±
Réduction de l’AUC si administré avec repas (–35 %) Non linéaire saturable
Pic : 2 h Variabilité 2C19
Inhibiteur de CYP : 3A4

Tableau 14.4. STP des antifongiques azolés à usage systémique.


Délai avant dosage Cibles thérapeutiques
Molécule Dose de charge (si dose de charge) indicatives (Cmin) Commentaires
Fluconazole Oui 3J 10-15 µg/ml Un ratio AUC/CMI > 100 est associé à
une efficacité optimale
Isavuconazole Oui 3J 1-5 µg/ml (données HAS, cibles à
préciser en l’absence de données
PK/PD suffisantes à ce jour)
Itraconazole Non 6J 0,5-4 µg/ml (prophylaxie) Métabolite OH-itraconazole actif
1-4 µg/ml (curatif) (1 à 1,6 fois les concentrations en
itraconazole)
Posaconazole Oui 3J (comprimé) > 0,7 µg/ml (prophylaxie) La forme comprimé présente une
6J (suspension) > 1 µg/ml (curatif) meilleure biodisponibilité
(Cmin multipliée par 2)
Voriconazole Oui 2J 1-5 µg/ml CYP2C19 :
25-30 % de métaboliseurs inter-
médiaires ou lents
25-30 % de métaboliseurs ultrarapides
120 Antifongiques

cytochromes hépatiques. Il est indispensable d’éva- Enfin, il convient de suivre les concentrations
luer le risque d’interaction avant tout changement plasmatiques des azolés chez les patients insuffi-

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de comédication associée aux antifongiques azolés. sants hépatiques et d’adapter les doses en consé-
Les azolés, de par leur mécanisme d’action, quence.
sont des inhibiteurs de certains isoformes des
cytochromes hépatiques humains (3A4 pour
l’itraconazole, l’isavuconazole et le posacona- Effets indésirables
zole ; 3A4, 2C9 et 2C19 pour le voriconazole).
Un certain nombre de molécules endogènes De manière générale, les triazolés sont associés à un
sont métabolisées par ces mêmes cytochromes risque de troubles digestifs, de cytolyse hépatique,
(hormones stéroïdiennes, etc.), cependant, aux de réactions allergiques ou de cholestase. Certaines
doses thérapeutiques, aucun effet clinique notable spécialités peuvent contenir des cyclodextrines, un
résultant d’une modification de leur métabolisme excipient ajouté afin d’augmenter la solubilité du
n’a été décrit. Par ailleurs, une grande majorité principe actif, (itraconazole, voriconazole, etc.)
des médicaments emprunte la voie métabolique mais qui aurait été associé à des risques de toxicité
des CYP450 hépatiques. Cela peut, par consé- rénale. L’itraconazole peut causer des neuropathies
quent, entraîner des interactions avec les azo- périphériques ainsi que des insuffisances cardiaques
lés et implique la nécessité d’une surveillance congestives par effet inotrope négatif. Le voricona-
rapprochée de potentiels effets indésirables liés zole peut provoquer, et ce de manière concentra-
à des traitements concomitants. Les interactions tion-dépendante à partir de résiduelles supérieures
les plus importantes d’un point de vue clinique à 5-6 mg/l, des troubles cardiaques, neurologiques
sont les anti-infectieux de type inhibiteurs de et visuels de type photopsie, hallucinations, encé-
protéases, les alcaloïdes de l’ergot de seigle, phalopathies, en plus d’effets indésirables à plus
les médicaments susceptibles d’allonger le QT long terme au niveau cutané de type photosensi-
(cisapride, pimozide, halofantrine, bépridil), les bilisation ou carcinogenèse. L’isavuconazole qui,
immunosuppresseurs et les statines. Les puissants en l’état actuel des connaissances, semble pos-
inducteurs enzymatiques comme la rifampicine, séder une efficacité identique au voriconazole dans
la carbamazépine, le millepertuis et la phénytoïne le traitement de l’aspergillose invasive, aurait un
doivent être évités dans la mesure du possible. De meilleur profil de tolérance.
façon intéressante, les IPP et les anti-H2, qui sont
fréquemment associés aux antifongiques azolés,
diminuent l’acidité gastrique et sont susceptibles Grossesse
d’entraîner une baisse de la biodisponibilité des
azolés, en particulier celle du posaconazole. Les antifongiques azolés sont considérés comme
Parallèlement, plusieurs IPP sont inhibiteurs du tératogènes et doivent être évités pendant la gros-
CYP2C19 (omeprazole, esomeprazole, lanso- sesse à moins que les bénéfices attendus ne soient
prazole), ce qui peut contribuer à diminuer le estimés supérieurs aux risques encourus par le
métabolisme du voriconazole et ainsi augmenter fœtus, selon la gravité de la pathologie à prévenir
l’exposition au traitement. ou à traiter.
Chapitre 15

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Échinocandines
Nicolas Venisse

Points-clés impliquées sont : C. albicans, C. glabrata, C. tropicalis,


j Les échinocandines présentent une activité fongicide C. parapsilosis et C. kruzei [2]. Moins fréquentes,
vis-à-vis de la plupart des espèces de Candida et les infections à Aspergillus spp surviennent chez les
une activité fongistatique vis-à-vis d’Aspergillus. patients immunodéprimés, surtout chez ceux ayant
j Les échinocandines constituent le traitement
reçu une greffe de moelle et chez ceux présentant
de référence et de première intention des
candidémies documentées. Leur utilisation
une neutropénie prolongée ou une greffe pulmo-
dans le traitement des aspergilloses invasives naire. Aspergillus fumigatus est l’espèce la plus
n’est recommandée qu’en sauvetage. souvent rencontrée dans les aspergilloses inva-
j L’administration d’une dose de charge est sives, suivie par A. flavus, A. terreus et A. niger.
recommandée pour la caspofungine et L’arrivée des médicaments de la classe des échino-
l’anidulafungine. Leurs propriétés PK/PD candines dans l’arsenal thérapeutique a constitué
permettent une seule administration par jour. une avancée majeure pour la prise en charge de
j Le potentiel d’interaction médicamenteuse ces infections en raison d’un profil pharmacociné-
est faible mais il existe des différences entre
tique et pharmacodynamique favorable et de leur
les trois médicaments de la classe.
j L’efficacité est liée au rapport AUC/CMI
excellente tolérance.
et/ou au rapport Cmax/CMI.
j La tolérance de ces médicaments est bonne.
Les réactions survenant lors de la perfusion Principales molécules
de l’anidulafungine peuvent être contrôlées
en réduisant le débit de perfusion. Les échinocandines sont des lipopeptides ou
des peptides obtenus par hémisynthèse à partir
de produits de fermentation issus de champi-
Rappels gnons. Les molécules disponibles à ce jour et les
physiopathologiques posologies recommandées sont décrites dans le
tableau  15.1. Elles doivent toutes être adminis-
Le traitement des infections fongiques sys- trées par voie intraveineuse.
témiques constitue un challenge en clinique.
Elles sont à l’origine d’une morbidité et d’une
mortalité importantes. Parmi elles, les candidoses Mécanisme d’action
systémiques sont une cause majeure des infections
liées aux soins. Leur survenue est liée à l’utilisa- Les médicaments de cette classe partagent tous
tion croissante de l’antibiothérapie à large spectre, le même mécanisme d’action. Ce sont tous des
de chimiothérapie cytotoxique, de la greffe inhibiteurs de la synthèse du glucane. En se liant
d’organes solides ou de cellules et de procé- à la (1,3)-β-D-glucane synthétase, ils inhibent la
dures chirurgicales invasives. En réanimation, une synthèse du bêta (1,3)-D-glucane, un constituant
prévalence de 6,9 pour 1000 patients a été rappor- essentiel de la paroi cellulaire de nombreux cham-
tée [1]. Les espèces de Candida les plus souvent pignons filamenteux et levures [3]. La proportion

Pharmacologie des anti-infectieux


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122 Antifongiques

Tableau 15.1. Médicaments disponibles dans la classe des échinocandines et posologies recommandées (RCP 2017).

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DCI Nom de spécialité Posologies recommandées
Anidulafungine Ecalta® Dose de charge : 200 mg le premier jour puis 100 mg/j en une injection, vitesse maximale de
perfusion 1,1 mg/h afin d’éviter les réactions liées à la perfusion
Caspofungine Cancidas® Dose de charge : 70 mg le premier jour puis DE : 50 mg/j en une injection. Ajustements
posologiques chez le sujet de plus de 80 kg (dose de charge : 70 mg, dose d’entretien : 70 mg)
et chez le sujet présentant une insuffisance hépatique modérée à sévère (dose de charge :
70 mg, dose d’entretien : 35 mg)
Micafungine Mycamine® Pas de dose de charge. Posologie de 50 à 150 mg/j chez les patients de plus de 40 kg et de 1
à 3 mg/kg chez les patients ≤ 40 kg en une injection. Si réponse insuffisante, augmentation
possible à 200 mg/j ou 4 mg/kg/j

de glucane dans la paroi varie selon les espèces et entre chacun des représentants de la classe des
est prédictive de l’activité de ces molécules. Le échinocandines sont minimes.
glucane prédomine dans les parois de Candida En revanche, l’effet est fongistatique sur la
et Aspergillus mais est absent chez les Zygomycetes plupart des espèces d’Aspergillus. Pour Aspergillus
[4]. Le bêta (1,3)-D-glucane n’est pas présent spp, la CMI ne peut être utilisée pour évaluer
dans les cellules de mammifères (RCP), ce qui l’activité in vitro. À la place, il est recommandé
explique son profil de toxicité favorable. Chez d’évaluer la CME qui permet de définir la Cmin
aspergillus spp, le complexe enzymatique est situé associée à des modifications morphologiques
à l’apex des hyphes en croissance et son inhibition microscopiques des filaments [6]. Les activités
diminue donc la capacité invasive. sur Aspergillus sont équivalentes pour les trois
représentants de cette classe avec des CME variant
d’inférieure ou égale à 0,25 à inférieure ou égale
Spectre et indications à 0,125 mg/l [7].
Les échinocandines ne sont pas actives sur les
L’effet est fongicide sur la plupart des espèces de mucorales (Fusarium spp, Scedosporium spp), sur
Candida, y compris celles résistantes aux azolés Trichosporon spp et Cryptococcus neoformans.
(C.  kruzei et C.  glabrata) et à l’amphotéricine Les RCP de ces médicaments définissent les
B (C.  lusitaniae). Les concentrations minimales indications suivantes :
inhibitrices (CMI) limites pour chaque espèce de • traitement des candidoses invasives chez l’adulte
candida et pour chaque molécule sont rapportées (anidulafungine, caspofungine, micafungine) et
dans le tableau  15.2 [5]. On peut noter que les chez l’enfant (caspofungine et micafungine) ;
CMI pour C.  parapsilosis sont plus élevées que • traitement de l’aspergillose invasive chez les
celles pour C.  albicans et que les différences patients adultes ou pédiatriques réfractaires

Tableau 15.2. CMI vis-à-vis des différentes espèces de Candida d’après le Clinical and Laboratory Standards
Institute (CLSI) pour chaque médicament de la classe des échinocandines.
CMI limites (mg/l) d’après CLSI
C. albicans C. glabrata C. kruzei C. parapsilosis C. tropicalis
S R S R S R S R S R
Anidulafungine 0,25 > 0,5 0,12 > 0,25 0,25 > 0,5 2 >4 0,25 > 0,5
Caspofungine 0,25 > 0,5 0,12 > 0,25 0,25 > 0,5 2 >4 0,25 > 0,5
Micafungine 0,25 > 0,5 0,06 > 0,12 0,25 > 0,5 2 >4 0,25 > 0,5
Chapitre 15. Échinocandines 123

ou intolérants à l’amphotéricine B, à des sauvetage pour la caspofungine et la micafungine.


formulations lipidiques d’amphotéricine B et/ Ces dernières peuvent toutefois être utilisées en

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ou l’itraconazole. L’état réfractaire est défini par première intention pour le traitement empirique
la progression de l’infection ou par l’absence ou préemptif des aspergilloses invasives.
d’amélioration après un minimum de sept jours
d’un traitement antifongique efficace aux doses
thérapeutiques (caspofungine) ; Pharmacocinétique
• traitement de la candidose œsophagienne chez
les patients pour lesquels un traitement intravei- Il existe des différences pharmacocinétiques entre
neux est approprié (micafungine) ; les trois représentants de la classe des échinocandines.
• traitement empirique des infections fongiques Une dose de charge est nécessaire pour l’ani-
présumées (notamment à Candida ou Aspergillus) dulafungine et la caspofungine alors qu’elle
chez les patients adultes ou pédiatriques neu- ne l’est pas pour la micafungine. Par ailleurs,
tropéniques fébriles (caspofungine) ; chaque molécule présente des voies métabo-
• prévention des infections à Candida chez les liques spécifiques. Les principales caractéris-
patients bénéficiant d’une allogreffe de cel- tiques pharmacocinétiques sont résumées dans
lules souches hématopoïétiques ou chez les le tableau 15.3.
patients chez qui une neutropénie est attendue Il existe également des différences entre les
(taux absolu de neutrophiles inférieur à 500  trois représentants en termes d’interactions médi-
cellules/µl) pendant au moins dix jours, chez camenteuses.
l’adulte et l’enfant (micafungine).
Les échinocandines constituent le traitement de
référence et de première intention des candidé- Anidulafungine
mies documentées (niveau de preuve AI) [1]. En
revanche, leur utilisation dans le traitement des Il n’y a pas d’interactions médicamenteuses impli-
aspergilloses invasives n’est recommandée qu’en quant le métabolisme avec l’anidulafungine.

Tableau 15.3. Principales caractéristiques pharmacocinétiques des échinocandines.


Anidulafungine Caspofungine Micafungine
Biodisponibilité par voie orale 2-7 % ND ND
Linéarité de la pharmacocinétique Oui entre 15 et 300 mg Oui entre 15 et 210 mg à dose Oui entre 12,5-200 mg et entre
unique. Modeste non linéarité à 3-8 mg/kg
doses répétées
Atteinte état équilibre des concen- Dès J2 après dose croissante J6 après dose croissante, dose J4-J5
trations plasmatiques dépendant
Fixation protéique 99 % 92-97 %, majoritairement à > 99 % indépendante de la
l’albumine concentration, majoritairement à
l’albumine
Vd 0,6 l/kg 25 l (voriconazole) 18-19 l
Métabolisme Non enzymatique. Métabolite Hydrolyse puis N-acétylation CYP, arylsulfatase, catéchol-O-
sans activité méthyltransférase
Élimination Biliaire, élimination rénale Urinaire (40 %) et biliaire (34 %) Biliaire (71 %) et urinaire (12 %)
négligeable
t1/2 40-50 h 10-15 h (t1/2 bêta) 14-15 h
45 h (t1/2 gamma)
Transporteur ND Substrat OATP1B1 Pas d’inhibition de la
glycoprotéine P
ND : données non disponibles.
124 Antifongiques

Micafungine est augmentée chez le nourrisson (3-24 mois) et


diminuée chez l’enfant et l’adolescent (2-17 ans)

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Bien que la micafungine soit un substrat du en comparaison de ce qui est observé chez
CYP3A, aucune interaction à ce niveau n’est l’adulte. L’exposition de la micafungine est
attendue car cette voie d’élimination n’est pas réduite chez le nouveau né, nécessitant des doses
majeure. La micafungine augmente l’exposition plus élevées (exprimées en mg/kg) que chez
à l’itraconazole, au sirolimus et à la nifédipine l’adulte.
mais sans que cela soit cliniquement significatif.
L’augmentation de l’exposition de l’amphotéri- Patient obèse
cine B en présence de micafungine doit conduire La clairance de l’anidulafungine et de la micafungine
à la prudence. augmente avec le poids chez le volontaire sain
et chez le patient. De même, le volume de dis-
tribution et la clairance de la caspofungine aug-
Caspofungine
mentent avec le poids du patient. La posologie
La rifampicine à doses répétées provoque une des échinocandines doit donc être augmentée
diminution des concentrations résiduelles de cas- chez ces patients.
pofungine avec un effet limité sur l’AUC. La co­
administration avec des médicaments inducteurs Insuffisance hépatique
du CYP3A (rifampicine, éfavirenz, névirapine, Aucune influence d’une insuffisance hépatique
phénytoïne, dexaméthasone, carbamazépine et légère à modérée sur la pharmacocinétique de
étravirine) nécessite une augmentation de la poso- l’anidulafungine n’a été retrouvée, en revanche,
logie de caspofungine. La caspofungine n’inhibe l’insuffisance hépatique sévère provoque une
pas et n’induit pas les enzymes du CYP450 et n’est augmentation de sa clairance et de son Vd (pro-
pas substrat de la glycoprotéine P. Elle est substrat bablement causée par l’ascite et l’œdème) mais
du transporteur OATP1B1 responsable de son aucun ajustement posologique n’est nécessaire.
transport dans les hépatocytes. La ciclosporine Aucun ajustement de dose de la micafungine n’est
augmente l’AUC de la caspofungine de 35 % sans nécessaire, quel que soit le degré d’insuffisance
effet réciproque de la caspofungine sur la ciclospo- hépatique. En revanche, une réduction de la dose
rine. Cette augmentation de l’exposition de la cas- d’entretien (35 mg) de la caspofungine est néces-
pofungine nécessite une surveillance des enzymes saire chez les patients présentant une insuffisance
hépatiques. En revanche, la caspofungine réduit hépatique modérée en raison d’une diminution
l’exposition au tacrolimus de 20 à 30 % sans que de la clairance chez ces patients mettant pro-
le mécanisme de cette interaction ne soit connu. bablement en jeu les transporteurs hépatocytaires
Bien que la diminution soit modeste, un suivi des OATP1B1.
concentrations de tacrolimus est nécessaire en cas
de coadministration des deux médicaments. Insuffisance rénale
Aucune modification de la pharmacocinétique
Sources de variabilité de l’anidulafungine et de la micafungine n’a été
observée quel que soit le degré d’insuffisance
de la réponse rénale. En revanche, si aucune modification de
la pharmacocinétique de la caspofungine n’a été
Sources de variabilité notée chez les patients présentant une insuffisance
de la pharmacocinétique [8] rénale légère, une augmentation de l’exposition a
été mesurée chez ceux présentant une insuffisance
Nouveau-né, enfant et adolescent rénale modérée, sévère ou terminale. Toutefois,
L’utilisation de l’anidulafungine n’est pas indiquée aucun ajustement posologique n’est nécessaire
chez ces patients. L’exposition de la caspofungine quel que soit le degré d’insuffisance rénale.
Chapitre 15. Échinocandines 125

Relations PK/PD Micafungine

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Les effets indésirables fréquents (>1/100 à
Vis-à-vis de Candida, les trois molécules présen-
<1/10) sont la leucopénie, la neutropénie et
tent un effet fongicide concentration-dépendant.
l’anémie, l’hypokaliémie, l’hypomagnésémie,
In vivo, l’efficacité est liée au rapport Cmax/CMI
l’hypocalcémie, les maux de tête, la phlébite, les
ou au rapport AUC/CMI. Un effet postanti­
nausées, les vomissements, la diarrhée, les dou-
fongique a été mis en évidence.
leurs abdominales, l’augmentation des enzymes
Vis-à-vis d’Aspergillus, l’activité fongistatique
hépatiques (phosphatases alcalines, ALT, AST,
est dépendante de la concentration et est corrélée
bilirubine), le rash et la fièvre.
in vivo au rapport Cmax/CME [6].

Effets indésirables Contre-indications


La tolérance des échinocandines est bonne et les Les contre-indications à ces traitements sont
trois représentants de la classe présentent un profil l’hypersensibilité à la substance active ou à l’un
d’effets indésirables proche. des excipients ou à un autre médicament de la
classe des échinocandines.

Anidulafungine Références
Ils sont très fréquents (≥ 1/10) : l’hypokaliémie, [1] Cornely OA, Bassetti M, Calandra T, Garbino J,
les diarrhées et nausées  ; fréquents (≥  1/100 Kullberg BJ, Lortholary O, et al. ESCMID* guide-
à <1/10) l’hyperglycémie, les convulsions, line for the diagnosis and management of Candida
diseases 2012: non-neutropenic adult patients. Clin
les maux de tête, l’hypo- et l’hypertension, les
Microbiol Infect 2012;18:19–37.
bronchospasmes, la dyspnée, les vomissements, [2] Pappas PG, Kauffman CA, Andes DR, Clancy CJ,
l’augmentation des enzymes hépatiques (alanine Marr KA, Ostrosky-Zeichner L, et al. Clinical Prac-
transaminase [ALT], aspartate transaminase tice Guideline for the Management of Candidiasis:
[AST]) et de la bilirubine, la cholestase, le rash, le 2016 Update by the Infectious Diseases Society of
prurit et l’augmentation de la créatinine sérique. America. Clin Infect Dis 2016;62:409–17.
[3] Denning DW. Echinocandin antifungal drugs. Lancet
Les réactions liées à la libération d’histamine de 2003;362:1142–51.
type rash, prurit, hypotension, bronchospasme et [4] Chen SC, Slavin MA, Sorrell TC. Echinocandin
angio-œdème sont souvent transitoires et peuvent antifungal drugs in fungal infections: a comparison.
être réduits en diminuant le débit de perfusion Drugs 2011;71:11–41.
[5] Perlin DS. Echinocandin resistance, susceptibility tes-
ting and prophylaxis: implications for patient mana-
gement. Drugs 2014;74:1573–85.
Caspofungine [6] Kurtz MB, et al. Morphological Effects of Lipopep-
tides against Aspergillus fumigatus Correlate with
Jusqu’à une dose de 150 mg, la caspofungine est bien Activities against (1,3)-1-D-Glucan Synthase. Anti-
tolérée. Les effets indésirables fréquents (≥ 1/100 à microb Agents Chemother 1994;38(7):1480–9.
<  1/10) sont  : une diminution de l’hématocrite, [7] Aguilar-Zapata D, Petraitiene R. Petraitis V.
une leucopénie, l’hypokaliémie, les maux de tête, Echinocandins: The Expanding Antifungal
la phlébite, la dyspnée, les nausées, les diarrhées, Armamentarium. Clin Infect Dis 2015;61:S604–11.
[8] Muilwijk EW, Lempers VJ, Burger DM, Warris A,
les vomissements, l’augmentation des enzymes
Pickkers P, Aarnoutse RE, et  al. Impact of spe-
hépatiques (ALT, AST, phosphatases alcalines et cial patient populations on the pharmacokinetics
bilirubine), le rash, le prurit, l’érythème, l’arthralgie, of echinocandins. Expert Rev Anti Infect Ther
la fièvre, les frissons et l’hypoalbuminémie. 2015;13:799–815.
126 Antifongiques

Pour en savoir plus RCP Ecalta®. https://ec.europa.eu/health/documents/


RCP Cancidas®. https ://ec.europa.eu/health/documents/ community-register/2007/2007092029770/

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community-register/2017/20170424137757/ anx_29770_fr.pdf.
anx_137757_fr.pdf. RCP Mycamine ®. http://www.astellas.fr/wp-content/
uploads/2017/02/Mycamine-anx_135253_fr.pdf.

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Chapitre 16

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Inhibiteurs nucléosidiques/
nucléotidiques
de la transcriptase inverse
Claire Gozalo, Caroline Solas

Points-clés noms commerciaux, leurs formes galéniques et les


j Actifs sur VIH-1 et VIH-2. posologies usuelles.
j Inhibition compétitive de la transcriptase inverse Le tableau  16.2 présente les molécules dispo-
après phosphorylation intracellulaire. nibles sous forme de combinaison fixe de plusieurs
j Barrière génétique à la résistance modérée.
INTI dont l’objectif est de faciliter l’observance
j Peu métabolisés au niveau hépatique (sauf
abacavir et zidovudine) → en général pas
thérapeutique. La zidovudine, la stavudine et la
d’adaptation de posologie en cas d’insuffisance didanosine, médicaments historiques, ne sont plus
hépatique. Abacavir : indiqué uniquement si recommandées en 1re ligne de traitement, et leurs
insuffisance hépatique légère, envisager un STP. utilisations restent marginales à ce jour, au profit
j Élimination majoritairement rénale (sauf abacavir des autres molécules présentant un meilleur profil
et zidovudine) → adaptation posologique en cas de tolérance avec moins d’effets indésirables.
d’insuffisance rénale. En partie dialysable, sauf Le schéma de traitement initial recommandé
abacavir et zidovudine. Ténofovir : adaptation de la en 2016 (actualisations 2016 des recomman-
posologie en fonction de la ClCr, surveillance accrue
dations pour la prise en charge des personnes
de la réponse clinique et de la fonction rénale.
j Peu d’interactions médicamenteuses.
vivant avec le VIH. Rapport Morlat) repose sur
j Effet indésirable de classe : toxicité l’association de deux INTI à un INNTI, ou à un
mitochondriale (myalgies, asthénie, lipoatrophie, inhibiteur de protéase boosté par le ritonavir ou
neuropathies périphériques, etc.). à un inhibiteur d’intégrase (INI).
j Risque d’hypersensibilité à l’abacavir accru chez Certains INTI existent aussi sous forme d’associa-
les patients porteurs de l’allèle HLA-B*5701 : tions fixes comprenant le 3e agent, en une seule prise
à rechercher avant mise sous traitement. quotidienne toujours dans le but de faciliter l’obser-
j STP non recommandé en routine sauf pour vance thérapeutique et l’adhésion au traitement. Ces
le ténofovir en cas d’insuffisance rénale.
associations sont présentées dans le tableau  16.3.
On les regroupe sous le terme de single tablet
Molécules existantes regimen (STR) : trithérapie en comprimé unique.
(figure 16.1)
Les inhibiteurs nucléosidiques de la transcriptase Mécanisme d’action
inverse (INTI) sont des dérivés chimiques ana-
logues de nucléosides ou de nucléotides (téno- La liaison du VIH à sa cellule-cible par le récep-
fovir). Les molécules actuellement disponibles teur CD4 et son corécepteur conduit à la fusion
sont présentées dans le tableau  16.1, avec leurs de la membrane virale avec la membrane cellulaire
Pharmacologie des anti-infectieux
© 2018 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
132 Antiviraux

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Figure 16.1. Schéma de synthèse des cibles des médicaments antirétroviraux.
Source : d’après [1].

et donc à l’internalisation des éléments génétiques qui est l’étape limitante, puisque variable en fonc-
et enzymatiques viraux nécessaire à sa réplication. tion des cellules et de la phase du cycle cellulaire
Après décapsidation, une première enzyme virale dans laquelle elles se trouvent. On obtient ainsi
intervient, la transcriptase inverse, pour transcrire une conversion plus rapide et plus complète en
l’ARN viral en ADN proviral simple brin, qui sera produit actif triphosphorylé.
ensuite répliqué en ADN double brin. Le dérivé triphosphorylé va alors inhiber la trans-
Comme leur nom l’indique, les INTI sont des criptase inverse selon deux mécanismes (figure 16.3) :
analogues de nucléosides/nucléotides naturels • par compétition avec les nucléosides triphos-
qui vont inhiber la transcriptase inverse et bloquer phorylés naturels lors de l’incorporation dans la
le cycle de réplication viral. Les INTI sont des chaîne d’ADN en cours de synthèse ;
prodrogues et, comme les nucléosides naturels, ils • par effet «  terminateur de chaîne  » corres-
nécessitent une « activation » intracellulaire sous pondant à l’arrêt prématuré de la synthèse de
forme de dérivés mono-, di- et triphosphorylés. la chaîne d’ADN lorsque les analogues sont
Ces phosphorylations intracellulaires sont effectuées incorporés, du fait de l’absence de groupement
par des enzymes cytoplasmiques ou mitochondriales 3’-hydroxyle indispensable à l’élongation.
cellulaires et non virales (figure 16.2). Les analogues La synthèse de l’ADN proviral est alors bloquée
nucléosidiques nécessitent trois étapes de phospho- et le cycle de réplication du virus est interrompu.
rylation, alors que le ténofovir, analogue nucléo- Les INTI agissent à un stade précoce du cycle
tidique n’en nécessite plus que deux. L’avantage de réplication virale, avant son intégration au sein
d’utiliser un dérivé déjà monophosphorylé est de du génome cellulaire de l’hôte et donc principale-
court-circuiter la 1re étape de phosphorylation, ment sur les cellules nouvellement infectées.
Chapitre 16. Inhibiteurs nucléosidiques/nucléotidiques de la transcriptase inverse 133

Tableau 16.1. INTI disponibles en France en 2016.

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DCI Spécialités Formes et dosages Posologie usuelle chez l’adulte
Analogue de la Abacavir Ziagen® Solution buvable 20 mg/ml 300 mg × 2/j
guanosine Comprimés pelliculés 300 mg ou 600 mg × 1/j
Analogues de la Emtricitabine Emtriva® Solution buvable 10 mg/ml 200 mg ×1/j
cytidine Gélules 200 mg
Lamivudine Epivir® Solution buvable 10 mg/ml 150 mg × 2/j
Comprimés pelliculés 150 ou 300 mg ou 300 mg × 1/j
Analogues de Ténofovir disoproxil Viread® Comprimés pelliculés 123, 163, 204 ou 245 mg 245 mg × 1/j
l’adénosine fumarate Granulés enrobés 33 mg/g
Ténofovir Uniquement en
alafénamide association fixe
(cf. tableau 16.2)
Didanosine Videx® Gélules gastro-résistantes 125, 200, 250 ou Fonction du poids (> ou
400 mg < 60 kg) : 400 mg × 1/j
Comprimés à croquer/dispersibles 25, 50, 100 ou 250 mg × 1/j
ou 150 mg
Poudre pour solution buvable 2 g
Analogues de la Zidovudine Retrovir® Gélules 100 ou 250 mg 300 mg × 2/j
thymidine Solution buvable 100 mg/10 ml
Solution à diluer pour perfusion 10 mg/ml
Stavudine Zerit® Gélules 20, 30 ou 40 mg Fonction du poids (> ou
Poudre pour suspension buvable 200 mg < 60 kg) : 30 mg × 2/j
ou 40 mg × 2/j

Tableau 16.2. Combinaisons fixes d’INTI disponibles en France en 2016.


Spécialités Molécules associées Formes et dosages
Kivexa® Abacavir/lamivudine Comprimés pelliculés 600 mg/300 mg
Truvada® Emtricitabine/ténofovir disoproxil fumarate Comprimés pelliculés 200 mg/245 mg
Descovy® a Emtricitabine/ténofovir alafénamide Comprimés pelliculés 200 mg/10 mg
Comprimés pelliculés 200 mg/25 mg
Combivir® Lamivudine/zidovudine Comprimés pelliculés 150 mg/300mg
Trizivir® Abacavir/lamivudine/zdovudine Comprimés pelliculés 300 mg/150 mg/300 mg
a Non disponible en France actuellement.

Tableau 16.3. Trithérapies disponibles en combinaisons fixes en France en 2016. En gras, les INTI.
Spécialités Molécules associées Formes et dosages
Atripla® Emtricitabine/ténofovir disoproxil fumarate/éfavirenz Comprimés pelliculés
200 mg/245 mg/600 mg
Eviplera® Emtricitabine/ténofovir disoproxil fumarate/rilpivirine Comprimés pelliculés
200 mg/245 mg/25 mg
Stribild® Emtricitabine/ténofovir disoproxil fumarate/élvitégravir Comprimés pelliculés
cobicistat 200 mg/245 mg/150 mg/150mg
Triumeq® Abacavir/lamivudine/dolutégravir Comprimé pelliculé 600 mg/300 mg/50 mg
134 Antiviraux

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Figure 16.2. Activation intracellulaire des INTI.
ABV : abacavir ; AMPD : adénosine monophosphate désaminase ; AMPK : adénosine monophosphate kinase
(adénylate kinase) ; APT : adénosine phosphotransférase ; CBV : carbovir ; dCK : désoxycytidine kinase ;
dCMPK : désoxycytidine monophosphate kinase ; ddA : 2’,3’-dideoxyadenosine (didésoxyadénosine) ; ddI : didanosine ;
DP : diphosphate ; d4T : stavudine ; FTC : emtricitabine ; gK : guanylate kinase ; MP : monophosphate ; PMPA : ténofovir
(PMPA DP est un analogue triphosphorylé) ; TDF : ténofovir disoproxil fumarate ; TP : triphosphate ; ZDV : zidovudine ;
3TC : lamivudine ; 5’NDPK : 5’ nucléoside diphosphate kinase ; 5’NT : 5’ nucléotidase.
Source : adapté de Anderson PL et al. The cellular pharmacology of nucleoside- and nucleotide-analogue reverse-transcriptase inhibitors
and its relationship to clinical toxicities. Clin infect Dis 2004 ; 38 : 743-53.

Figure 16.3. Mécanisme d’action des INTI.


Chapitre 16. Inhibiteurs nucléosidiques/nucléotidiques de la transcriptase inverse 135

Spectre et indications la plupart des tissus. Le ténofovir alafénamide


est également rapidement absorbé, il diffuse pas-

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Les INTI sont actifs sur le VIH-1 et le VIH-2. sivement dans les cellules puis est hydrolysé en
La lamivudine, l’emtricitabine et le ténofovir ténofovir au niveau intracellulaire par la cathepsine
présentent de plus une activité contre le virus de A (CatA). Cette nouvelle formulation permet de
l’hépatite B (VHB). diminuer de 90 % environ les concentrations plas-
De nombreuses mutations de la transcriptase matiques de ténofovir, responsable de la toxicité
inverse sont décrites comme entraînant une résis- rénale et d’atteindre des concentrations intra-
tance à un ou plusieurs INTI (résistance croisée). cellulaires de ténofovir diphosphate plus élevées
Si le schéma thérapeutique de base associe sys- (facteur 4 à 5) que lorsque celui-ci est administré
tématiquement deux INTI, toutes les combinai- sous forme de ténofovir disoproxil fumarate
sons ne sont pas possibles et certaines associations La fixation des INTI aux protéines plasmatiques
sont même défavorables (cf. « Interactions médi- est faible (< 5 %) sauf pour la zidovudine (35 %) et
camenteuses »). l’abacavir (49 %) qui présentent une liaison modérée.
L’abacavir présente un risque élevé de réactions Ils sont peu ou pas métabolisés au niveau
d’hypersensibilité pouvant mettre en jeu le pro- hépatique, à l’exception de la zidovudine et de
nostic vital (cf Effets indésirables). Ce risque est l’abacavir (> 80 %). La zidovudine subit principa-
augmenté chez les personnes porteuses de l’allèle lement une glucurono-conjugaison et l’abacavir
HLA-B*5701. Ainsi, le statut HLA-B*5701 du est principalement métabolisé par l’alcool dés-
patient doit toujours être recherché avant de hydrogénase et la glucuronyl-transférase.
débuter le traitement. L’élimination des INTI se fait majoritairement
par voie rénale (> 80 %) sous forme inchangée, sauf
pour la zidovudine et l’abacavir qui sont en partie
Pharmacocinétique glucurono-conjugués et la didanosine en partie
éliminée sous forme d’hypoxanthine. Ils subissent
principalement une filtration glomérulaire et, pour
Les INTI présentent généralement une bonne
certains, une sécrétion tubulaire active (zidovudine,
biodisponibilité (50 à > 90  %). L’influence des
ténofovir, didanosine et stavudine).
repas est plus particulièrement importante pour la
Leur demi-vie plasmatique est courte (< 3 h),
didanosine (diminution des concentrations) et le
mais la demi-vie intracellulaire du dérivé triphos-
ténofovir (augmentation des concentrations). Seul
phorylé est beaucoup plus importante, ce qui per-
le ténofovir présente une très mauvaise biodisponi-
met pour la plupart une prise unique quotidienne.
bilité liée au fait qu’il est monophosphorylé. Afin
Les INTI présentent une bonne diffusion au
de permettre son administration par voie orale avec
niveau tissulaire. Le passage au niveau du LCS
une bonne biodisponibilité, des modifications chi-
est variable, maximal pour la zidovudine et plus
miques ont été nécessaires. Le ténofovir disoproxil
favorable pour l’abacavir et l’emtricitabine.
fumarate est un ester hydrosoluble rapidement
Toutes ces caractéristiques sont regroupées
absorbé et transformé au niveau du compartiment
dans le tableau 16.4.
sanguin en ténofovir qui diffusera ensuite dans

Tableau 16.4. Résumé des caractéristiques pharmacocinétiques des principaux INTI.


Paramètres pharmacocinétiques Abacavir Emtricitabine Lamivudine Ténofovir disoproxil fumarate
Biodisponibilité 83 % 75-93 % 80-85 % 25 %
Prise/repas Indifférent Indifférent Indifférent Pendant
Demi-vie intracellulaire 21 h 39 h 16-19 h 50-55 h
Élimination Urinaire Urinaire Urinaire Urinaire
136 Antiviraux

Relations PK/PD et STP En revanche, il existe un certain nombre


d’interactions médicamenteuses pharmacodyna-

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Les INTI sont des promédicaments dont la forme miques non recommandées ou nécessitant une
active est la forme triphosphorylée intracellulaire, précaution d’emploi avec une surveillance parti-
non accessible au dosage en routine. Il n’y a pas de culière : les médicaments présentant une toxicité
relation clairement établie entre les concentrations hématologique risquent de potentialiser celle de
intracellulaires des INTI et leurs concentrations la zidovudine, les médicaments néphrotoxiques
plasmatiques. Ainsi le STP n’est pas recommandé doivent être utilisés avec précaution avec le téno-
en routine pour les INTI, à l’exception du téno- fovir et les médicaments présentant des risques de
fovir dont la toxicité rénale est cumulative et neuropathies avec la didanosine ou la stavudine.
concentration-dépendante. Ainsi la mesure de
la concentration plasmatique résiduelle Cmin du
ténofovir présente un intérêt pour adapter les
Effets indésirables
posologies et prévenir la néphrotoxicité. La zone
thérapeutique est définie entre 20 et 80 ng/ml. Les INTI présentent un effet indésirable de classe,
la toxicité mitochondriale, conséquence de leur
mode d’action  ; même si elle est moins impor-
Interactions tante que pour la rétro-transcriptase virale (ou
médicamenteuses transcriptase inverse), les INTI présentent une
affinité pour les ADN-polymérases cellulaires, en
Il y a peu d’interactions médicamenteuses pharma- particulier pour l’ADN-polymérase γ mitochon-
cocinétiques avec les INTI. Certaines associations driale. L’inhibition de cette dernière entraîne
d’INTI ne sont pas recommandées en raison d’un une augmentation de la production de lactates
antagonisme intracellulaire (zidovudine + stavu- provoquant différentes manifestations de types
dine), d’une toxicité majorée (didanosine + sta- neuromusculaires (neuropathies périphériques,
vudine) ou d’une interaction pharmacocinétique myalgies, etc.), hépatiques (stéatose, etc.), méta-
couplée à une puissance virologique non optimale boliques (acidose lactique, lipoatrophie, etc.) ou
(didanosine + ténofovir disoproxil fumarate). encore : pancréatite, perte de poids et fatigue. Le
Deux interactions avec les inhibiteurs de pro- type de symptômes et leur intensité sont variables
téase ont été décrites pour le ténofovir : selon les molécules, les molécules les plus récentes
• le ténofovir diminue les concentrations plas- présentant un profil de tolérance amélioré.
matiques de l’atazanavir par un mécanisme Un certain nombre de facteurs de risque ont
non encore élucidé  ; cette interaction peut été décrits pour la toxicité mitochondriale : l’âge,
être significative si l’atazanavir n’est pas utilisé l’exposition aux INTI mais aussi aux inhibiteurs
boosté par le ritonavir ; de protéase, la durée cumulée d’exposition, les
• les concentrations de ténofovir sont augmen- traitements associés (hydroxyurée, ribavirine,
tées d’environ 30 % si associé avec un inhibiteur interféron), le sexe féminin, la surcharge pondé-
de protéase couplé au ritonavir, ou avec le rale, la grossesse, etc.
cobicistat (autre potentialisateur pharmacoci- Les INTI présentent d’autres effets indésirables
nétique utilisé en association avec l’elvitégravir communs, de type fatigue, céphalées, nausées,
ou un inhibiteur de protéase), dues à l’effet vomissements, diarrhées, éruptions cutanées,
inhibiteur du ritonavir et du cobicistat sur la vertiges auxquels s’ajoutent ensuite, en fonction
glycoprotéine  P, augmentant ainsi la biodis- des molécules, d’autres effets indésirables plus
ponibilité du ténofovir. Cet effet est plus parti- spécifiques.
culièrement marqué avec l’atazanavir/ritonavir, Les réactions d’hypersensibilité à l’abacavir se
le lopinavir/ritonavir, le darunavir/ritonavir et manifestent quasi-systématiquement par de la fièvre
l’elvitegravir/ritonavir, ce qui justifie d’autant et une éruption (type maculopapuleuse). Elles
plus une surveillance rénale étroite. peuvent également s’accompagner de nausées,
Chapitre 16. Inhibiteurs nucléosidiques/nucléotidiques de la transcriptase inverse 137

vomissements, diarrhée, douleurs abdominales  ; Enfin, la coadministration de stavudine et de dida-


dyspnée, toux  ; céphalées, léthargie, malaise  ; nosine est contre-indiquée en raison de possibles

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myalgies  ; perturbations du bilan hépatique. effets indésirables graves, voire mortels, notamment
Toute manifestation d’hypersensibilité doit faire acidose lactique, anomalies de la fonction hépa-
cesser le traitement de manière définitive. tique, pancréatite et neuropathie périphérique.
Les principaux effets indésirables des INTI sont
exposés dans le tableau 16.5.
Grossesse
Contre-indications La seule molécule à disposer d’une AMM spé-
cifique pour la femme enceinte (prévention de
La principale contre-indication pour toutes ces la transmission mère-enfant) est la zidovudine.
molécules est l’hypersensibilité à la molécule ou Dans le RCP de la lamivudine, l’utilisation pen-
aux excipients utilisés. dant la grossesse est indiquée comme possible
L’abacavir ne doit pas être utilisé chez les si elle est justifiée d’un point de vue clinique.
patients porteurs de l’allèle HLA-B*5701 car Pour toutes les autres molécules, l’utilisation
ils présentent un risque élevé de développer une pendant la grossesse est déconseillée, sauf en cas
réaction d’hypersensibilité à l’abacavir. de réelle justification clinique.
La zidovudine est également contre-indiquée Les INTI passent facilement la barrière placen-
en cas de troubles hématologiques sévères (taux taire et se concentrent dans le liquide amniotique.
d’hémoglobine <  7,5  g/dl ou taux de neutro- Les effets indésirables chez la femme enceinte
philes <  0,75  ×  109/l) et chez les nouveau- sont les mêmes qu’en-dehors de la grossesse. Le
nés ayant une hyperbilirubinémie nécessitant un risque de malformations chez les enfants exposés
traitement autre que la photothérapie ou ayant n’est pas globalement augmenté, même s’il existe
des taux de transaminases de plus de cinq fois la une augmentation des cardiopathies congénitales
limite supérieure à la normale. associée à l’utilisation de la zidovudine.

Tableau 16.5. Principaux effets indésirables des INTI.


Nom de la molécule Principaux effets indésirables
Abacavir Réactions d’hypersensibilité potentiellement graves. Risque particulièrement important chez les patients porteurs
de l’allèle HLA-B57*01, ce qui justifie une recherche obligatoire de cet allèle avant la mise sous traitement. En cas
de manifestations évoquant une hypersensibilité sous abacavir, l’arrêt de l’abacavir doit être immédiat et définitif
Emtricitabine Effets indésirables de faible intensité et transitoires de type troubles gastro-intestinaux, rash, céphalées
Lamivudine Effets indésirables de faible intensité et transitoires de type céphalées, nausées, malaise, fatigue, toux, etc.
Neutropénie
Ténofovir disoproxil Atteinte rénale : tubulopathie, syndrome de Fanconi. La posologie du ténofovir doit donc être adaptée à la
fumarate clairance rénale. Hypophosphorémie modérée
Troubles digestifs
Didanosine Pancréatite aiguë
Neuropathie périphérique (dose-dépendante)
Zidovudine Toxicité hématologique : anémie, neutropénie, thrombopénie
Dose-dépendante, favorisée par des CD4 < 100/mm3 ou troubles hématologiques préexistants
Myopathie, stéatose hépatique, acidose lactique, lipoatrophie
Stavudine Lipoatrophie, pancréatite
Neuropathie périphérique
Élévation modérée des transaminases, hyperlipidémie
138 Antiviraux

Les molécules recommandées en première Référence


intention pendant la grossesse, associées à un inhi-

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[1] Maartens G, Celum C, Lewin SR. HIV infection:
biteur de protéase boosté par le ritonavir, sont : epidemiology, pathogenesis, treatment, and preven-
• l’association abacavir + lamivudine, en l’absence tion. Lancet 2014;384(9939):258–71.
d’allèle HLA-B*5701 ;
• l’association ténofovir + emtricitabine ;
• l’association zidovudine + lamivudine.
Chapitre 17

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Inhibiteurs non nucléosidiques
de la transcriptase inverse
Claire Gozalo, Caroline Solas

Points-clés forme de combinaison fixe associées à deux INTI


j Actifs sur VIH-1 uniquement. dans le but de faciliter l’observance thérapeutique.
j Inhibition directe et non compétitive
de la transcriptase inverse.
j Faible barrière génétique.
j Élimination rénale faible ou minoritaire. En cas Mécanisme d’action
d’insuffisance rénale : pas d’adaptation de posologie ;
utiliser avec précaution et sous surveillance
Contrairement aux INTI, les INNTI ne sont pas
accrue en cas d’insuffisance rénale sévère.
j Caractère dialysable : névirapine : oui, partiellement ;
des prodrogues et ne nécessitent pas d’activa-
éfavirenz, étravirine, rilpivirine : peu probable tion intracellulaire. Ils agissent par un mécanisme
(forte liaison aux protéines plasmatiques). direct et non compétitif, en se liant directement
j Fortement métabolisés au niveau hépatique : à la transcriptase inverse au niveau de son site
→ importante variabilité pharmacocinétique catalytique. Ils perturbent ainsi son activité et
interindividuelle, prudence en cas d’insuffisance bloquent la synthèse de l’ADN proviral. Ce sont
hépatique modérée et non recommandés des inhibiteurs puissants et très sélectifs de la
voire contre-indiqués en cas d’insuffisance transcriptase inverse.
hépatique sévère. Insuffisance hépatique légère
et éfavirenz : surveillance effets indésirables
dose-dépendants ; → pas d’adaptation
posologique en cas d’insuffisance rénale. Spectre et indications
j Nombreuses interactions médicamenteuses,
effet inducteur enzymatique.
Les INNTI sont actifs sur le VIH-1 mais, contrai-
j Principaux effets indésirables : hépatotoxicité,
éruptions cutanéomuqueuses, troubles neurologiques. rement aux INTI, inactifs sur le VIH-2. Ils n’ont
j STP recommandé en routine (suivi des Cmin). pas non plus d’action sur les ADN polymérases
eucaryotes, et donc n’entraînent pas de toxicité
mitochondriale.
Médicaments existants Ce sont des molécules à faible barrière géné-
tique : si la réplication virale persiste sous traite-
Les inhibiteurs non nucléosidiques de la trans- ment, des mutations de résistance seront acquises
criptase inverse (INNTI) constituent une famille facilement. Les résistances sont souvent croisées,
de dérivés chimiques hétérogènes. Les molécules surtout entre les deux molécules de première
actuellement disponibles sont présentées dans le génération, l’éfavirenz et la névirapine. C’est
tableau  17.1, avec leurs noms commerciaux, leurs pourquoi, ils doivent toujours être prescrits dans
formes galéniques et les posologies usuelles. Le le cadre d’une trithérapie, associés à deux autres
tableau 17.2 présente les molécules disponibles sous antirétroviraux pleinement actifs.
Pharmacologie des anti-infectieux
© 2018 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
140 Antiviraux

Tableau 17.1. INNTI disponibles en France en 2016.

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DCI Spécialités Formes et dosages Posologie usuelle chez l’adulte
Névirapine Viramune® Suspension buvable 50 mg/5 ml 200 mg × 2/j
Comprimés 200 mg ou 400 mg LP × 1/j
Comprimés LP 100 ou 400 mg
Éfavirenz Sustiva® Comprimés pelliculés 600 mg 600 mg × 1/j
Gélules 50, 100 ou 200 mg
Étravirine Intelence® Comprimés 25, 100 ou 200 mg 200 mg × 2/j ou 400 mg × 1/j
Rilpivirine Edurant® Comprimés pelliculés 25 mg 25 mg × 1/j

Tableau 17.2. Combinaisons d’INTI disponibles en France en 2016. En gras, les INNTI.
Spécialités Molécules associées Formes et dosages
Atripla® Efavirenz/emtricitabine/ténofovir disoproxil fumarate Comprimés pelliculés 600 mg/200 mg/245 mg
Eviplera® Emtricitabine/rilpivirine/ténofovir disoproxil fumarate Comprimés pelliculés 200 mg/25 mg/245 mg

Pharmacocinétique la névirapine, environ 60  %. Ils sont fortement


métabolisés au niveau hépatique majoritairement
Les propriétés pharmacocinétiques des INNTI par le CYP4503A4 et éliminés majoritairement
sont synthétisées dans le tableau 17.3. Les INNTI par voie biliaire. Leur demi-vie plasmatique est
présentent une absorption digestive rapide, avec longue (30-60  heures), ce qui permet une prise
une biodisponibilité variable, la prise du traite- unique quotidienne.
ment au cours du repas permettant d’augmen- La névirapine auto-induit son propre méta-
ter les concentrations d’éfavirenz, d’étravirine et bolisme, ce qui se caractérise par une augmen-
de rilpivirine. Leur fixation aux protéines plas- tation de la clairance apparente de la névirapine
matiques est importante : supérieure à 99 % sauf après deux à quatre semaines de traitement.

Tableau 17.3. Résumé des principales caractéristiques pharmacocinétiques des INNTI.


Paramètres Névirapine Éfavirenz Étravirine Rilpivirine
Pharmacocinétiques
Biodisponibilité > 90 % 42 % ND ND
Prise/repas Indifférent Avant Après Pendant
Tmax 4 h 3-5 h 4 h 4-5 h
Liaison aux protéines 60 % > 99 % > 99 % > 99 %
plasmatiques
Métabolisme Hépatique Hépatique Hépatique Hépatique
CYP3A4, 2B6 CYP3A4, 2B6 CYP3A4, CYP2C9/2C19, CYP3A4
UGT
Effet sur les CYP Inducteur Inducteur CYP3A4 , Inducteur CYP3A4 Non
CYP3A4, CYP2B6 CYP2B6. Faible inhibiteur Faible inhibiteur (faible inducteur du CYP3A4 considéré
CYP3A4, CYP2C9/2C19 CYP2C9/2C19 comme non significatif à 25 mg/j
Élimination Urinaire (> 80 %) Fécale majoritaire et Fécale (> 90 %) Fécale (> 80 %)
urinaire (< 35 %)
Demi-vie d’élimination 25-30 h 40-55 h 30-40 h 45 h
ND : non disponible.
Chapitre 17. Inhibiteurs non nucléosidiques de la transcriptase inverse 141

Cette auto-induction résulte en une diminution recommandée ou contre-indiquée avec les INNTI
de la demi-vie plasmatique terminale, qui passe sauf avec l’éfavirenz dont la posologie devra être

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d’environ 45 heures (dose unique) à environ 25 à augmentée à 800 mg/jour. Les autres comédica-
30 heures après administration réitérée de 200 à tions fréquentes pouvant diminuer l’exposition
400 mg par jour. aux NNRTI concernent les antiépileptiques de
1re génération (carbamazépine, phénobarbital,
phénytoïne), le millepertuis ou la rifabutine avec
Relations PK/PD et STP la rilpivirine.
Les INNTI, particulièrement les plus anciens
Le dosage plasmatique des INNTI se justifie comme la névirapine et l’éfavirenz, mais aussi
d’une part par les interactions médicamenteuses l’étravirine, sont également des inducteurs enzy-
nombreuses dont ils font l’objet et d’autre part, matiques du CYP3A4 et, à un moindre degré,
par leur faible barrière génétique qui implique un de l’uridine-diphosphate glucuronyltransférase
fort risque d’échec virologique et de résistances (UGT)1A, entraînant donc une diminution
croisées en cas de sous-dosage. (variable selon les patients) des concentrations plas-
Le dosage est tout particulièrement recom- matiques des médicaments associés, eux-mêmes
mandé lors de l’instauration d’un nouveau traite­ substrats du CYP3A4  et/ou de l’UGT1A1. Ce
ment en cas d’interaction médicamenteuse phénomène d’induction est maximal deux à quatre
attendue, en cas d’insuffisance hépatique ou chez semaines après la mise en route du traitement. Il
les patients co-infectés par le VHB ou le VHC, faudra donc être particulièrement vigilant en cas
chez les personnes ayant un indice de masse cor- d’association avec une pilule contraceptive (utiliser
porelle (IMC) anormal, chez l’enfant ou la femme une formulation « normodosée » ou préférer une
enceinte dans certaines situations ou encore en contraception mécanique efficace), en cas de traite­
cas de malabsorption. Il permettra ainsi d’adapter ment substitutif par méthadone où le risque de
la posologie pour optimiser l’efficacité du traite- syndrome de manque est augmenté ou encore avec
ment tout en minimisant sa toxicité. certaines statines ou antifongiques azolés.
Le dosage est également recommandé en cas L’éfavirenz est également contre-indiqué avec
d’échec virologique précoce (réduction insuffi- des médicaments à index thérapeutique très étroit
sante de la charge virale) ou lors d’un rebond (cf. « Contre-indications »).
virologique après obtention d’une charge virale La rilpivirine ne présente pas d’effet inducteur
indétectable. enzymatique à la posologie de 25 mg en une prise
Enfin, le dosage plasmatique des INNTI peut par jour mais les médicaments augmentant le pH
permettre d’expliquer certaines manifestations de gastrique peuvent diminuer ses concentrations
toxicité dose-dépendante, comme par exemple les plasmatiques et, par conséquent, son efficacité.
troubles neuropsychiques sous efavirenz. Ceux-ci sont donc formellement contre-indi-
qués (IPP), ou nécessitent un décalage de prise
(anti-H2  : 12  heures avant ou quatre heures
Interactions après ; anti-acides : deux heures avant ou quatre
médicamenteuses heures après).

Tous les INNTI sont des substrats de différentes


isoenzymes du CYP450 (CYP3A4, CYP2C9, Effets indésirables
CYP2C19, etc.). Les médicaments inducteurs ou
inhibiteurs de ces isoenzymes sont donc sus- Les INNTI sont des molécules présentant habi-
ceptibles de diminuer ou d’augmenter les concen- tuellement une bonne tolérance et une moindre
trations plasmatiques des INNTI associés. Le toxicité à long terme, plus particulièrement les
risque principal concerne la rifampicine, induc- molécules de 2e génération (étravirine, rilpivirine).
teur puissant du CYP3A, majoritairement non Les principaux effets indésirables rencontrés sont :
142 Antiviraux

• une hépatotoxicité, avec élévation des trans- certains antimycobactériens (rifampicine, rifapen-
aminases, syndrome de cytolyse  ; de rares cas tine) ou encore la dexaméthasone (sauf en cas de

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d’hépatite fulminante fatale ont été décrits avec traitement à dose unique). Les IPP peuvent éga-
la névirapine uniquement, nécessitant une sur- lement diminuer les concentrations plasmatiques
veillance rapprochée en début de traitement ; de la rilpivirine par augmentation du pH gastrique
• des éruptions cutanéomuqueuses, plus fré- et sont donc contre-indiqués.
quentes et plus sévères avec la névirapine (cas La névirapine et l’éfavirenz sont contre-indi-
de Stevens-Johnson et de syndrome de Lyell) qués chez les patients présentant une insuffisance
qu’avec les autres molécules. Ces réactions hépatique sévère.
surviennent habituellement à l’initiation du L’éfavirenz est également contre-indiqué en
traitement  ; elles ne nécessitent pas d’arrêt cas de grossesse ou de traitement concomitant
du traitement sauf en cas d’atteinte cutanée par un médicament substrat du CYP3A4 à marge
extensive, associée à une atteinte muqueuse ou thérapeutique étroite (alcaloïdes de l’ergot de
à de la fièvre, auquel cas l’arrêt sera définitif ; seigle, terfénadine, bépridil, cisapride, astémizole,
• des troubles neurologiques et/ou neuropsychia- pimozide, midazolam, triazolam) : risque d’effets
triques de type cauchemars, vertiges, difficultés indésirables graves par compétition sur le site de
d’endormissement ou de réveil, rêves anormaux, fixation du cytochrome (effet inhibiteur in vitro
insomnies, troubles de l’humeur pouvant aller sur le CYP3A4).
plus rarement jusqu’à des dépressions sévères,
tentative de suicide (rapportés principalement
avec l’éfavirenz et chez des patients présentant Grossesse
des troubles/antécédents psychiatriques). Ces
troubles sont plus marqués avec l’éfavirenz, lors Les INNTI traversent bien le placenta et se
de l’initiation du traitement, et sont habituelle- concentrent dans le liquide amniotique, comme
ment réversibles spontanément ou s’atténuent les INTI. L’éfavirenz est contre-indiqué en France
en quelques jours à quelques mois. au premier trimestre de grossesse en raison d’un
risque de tératogénicité retrouvé chez l’animal.
Il est cependant utilisable à partir du deuxième
Contre-indications trimestre.
Un traitement par névirapine peut être pour-
L’administration d’un INNTI est contre-indi- suivi en cas de découverte de grossesse chez
quée en cas d’hypersensibilité à la molécule ou une femme antérieurement sous névirapine. En
à ses excipients et avec les préparations à base de revanche, la mise sous névirapine d’une femme
millepertuis, inducteur enzymatique puissant, du enceinte est déconseillée en raison du risque
fait du risque de diminution des concentrations hépatique, surtout en cas de CD4 supérieur à
plasmatiques et donc d’une perte d’efficacité. 350/mm3 ou d’hépatite virale associée.
La rilpivirine est également contre-indiquée en Enfin, du fait du manque de données concer-
association avec d’autres inducteurs enzymatiques nant l’utilisation de l’étravirine et de la rilpivirine
comme certains anticonvulsivants (carbamazé- chez la femme enceinte, leur utilisation en cas de
pine, oxcarbazépine, phénobarbital, phénytoïne), grossesse est déconseillée.
Chapitre 18

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Inhibiteurs de protéase
David Metsu, Florian Lemaitre

Points-clés de la classe avaient néanmoins une faible bar-


j Les inhibiteurs de la protéase virale de dernière rière génétique, de nombreux effets indésirables,
génération, atazanavir et darunavir, sont des digestifs et métaboliques ainsi qu’une demi-vie
molécules présentant une importante activité d’élimination courte nécessitant donc des prises
antirétrovirale, associée à une barrière génétique
fréquentes de nombreux comprimés.
élevée notamment pour le darunavir. Seul le
darunavir reste indiqué en première intention
Les dernières molécules commercialisées et
chez le patient naïf de traitement. Les deux encore employées sont l’atazanavir et le darunavir.
molécules sont également incluses dans les Ce sont des molécules présentant moins d’effets
stratégies d’allègement thérapeutique chez indésirables, la possibilité d’une seule prise
le patient en succès virologique prolongé. journalière et une barrière génétique plus éle-
j L’atazanavir et le darunavir sont des antirétroviraux vée, notamment pour le darunavir. Seules ces
efficaces, permettant de remplir les objectifs du dernières molécules, avec le ritonavir en poten-
traitement antirétroviral, à savoir : obtenir un tialisateur pharmacocinétique (booster  ou   phar-
succès immunovirologique tout en étant bien
maco-enhancer  en anglais), seront décrites dans ce
tolérés, en préservant la qualité de vie du patient
et en diminuant le risque de transmission du VIH.
chapitre.
j Il est possible d’employer ces deux inhibiteurs de
protéase en une seule prise par jour. Cependant,
aucune combinaison avec d’autres antirétroviraux ne Mécanisme d’action
permet la prise d’un unique comprimé quotidien.
j Ce sont des médicaments dont le profil de sécurité Les inhibiteurs de protéase jouent leur rôle antir­
est satisfaisant, même si les troubles digestifs ou étroviral très en aval du cycle viral. En effet, ils se
métaboliques sont fréquemment rencontrés dans les
lient à la protéase virale, empêchant l’enzyme de
stratégies comprenant les inhibiteurs de protéase.
Cependant, la présence d’un potentialisateur cliver des précurseurs de protéines essentielles à
pharmacocinétique, le ritonavir, amène à des la formation des particules virales. L’action des
nombreuses interactions médicamenteuses souvent inhibiteurs de protéase a pour conséquence la
contre-indiquées ou non recommandées. production par les cellules de particules virales
immatures non infectives. Leur action postérieure
à l’intégration virale dans l’ADN de la cellule hôte
Médicaments existants les rend peu intéressants dans les stratégies de
traitements postexposition ou de préexposition.
L’atazanavir et le ritonavir sont administrés par
voie orale et disponibles sous forme de comprimés
ou de suspension buvable. Spectre et indications
La classe des inhibiteurs de protéase a permis
l’initiation de la trithérapie et le traitement plus Actuellement, lors de l’initiation d’un traitement
efficace de l’infection. Les premières molécules antirétroviral chez un patient diagnostiqué naïf

Pharmacologie des anti-infectieux


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144 Antiviraux

de tout traitement, il est nécessaire d’associer maintenu, associant la lamivudine à l’atazanavir,


deux INTI (ténofovir disoproxyl fumarate et a été étudiée lors de deux essais (ATLAS-M

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emtricitabine ou abacavir et lamivudine) à un et SALT, bithérapie contre trithérapie) [5,  6].
troisième agent parmi les trois classes disponibles. L’efficacité virologique a été maintenue dans les
Seul le darunavir reste recommandé en première deux bras. Les paramètres biochimiques osseux
intention chez le patient naïf dans la classe des et de fonction rénale se sont améliorés dans le
inhibiteurs de protéase. bras bithérapie, probablement suite à l’arrêt
de l’association d’INTI avant l’utilisation de la
lamivudine ;
Stratégies thérapeutiques : • atazanavir-raltégravir  : une autre stratégie de
niveau de preuve bithérapie, associant l’atazanavir et le raltégravir
a été évaluée [7]. L’efficacité virologique a
Trithérapies : été la même entre les deux bras, même si un
• atazanavir versus lopinavir : lors des essais recher- nombre plus élevé de rebonds virologiques
chant à démontrer l’efficacité, l’atazanavir a été a été observé dans le bras bithérapie. Une
comparé au lopinavir, inhibiteur de protéase le même proportion d’effets indésirables a été
plus utilisé lors de la période de l’essai (étude observée dans les deux bras. En respectant cer-
ATLAS, chez 833 patients naïfs, à une posologie taines conditions (indétectabilité de la charge
de 300/100 mg d’atazanavir et ritonavir, asso- virale sous traitement de 12 mois, connaissance
ciés à l’association ténofovir disoproxyl fumarate des génotypes de résistance, élimination d’une
et emtricitabine). La non-infériorité de l’ataza- éventuelle encéphalite à VIH, STP avant et
navir par rapport au lopinavir a été démontrée, après « déboost » afin de s’assurer de la bonne
avec une efficacité immunologique proche à exposition à l’atazanavir), il est également pos-
48 puis 96 semaines [1, 2] entre les deux bras sible de supprimer le ritonavir de la straté-
de l’essai. En revanche, le profil lipidique était gie tout en maintenant une même efficacité
meilleur dans le bras atazanavir, comparé au bras conservée et en améliorant le profil de sécurité
lopinavir (augmentation moins importante du clinicobiologique. Dans ce cas, la posologie
cholestérol total et des triglycérides) ; d’atazanavir sera augmentée à 400 mg par jour.
• darunavir versus lopinavir  : le darunavir, à sa À noter que la monothérapie d’atazanavir n’est
posologie actuellement employée (800/100 mg pas recommandée, de nombreux échecs virolo-
de darunavir et ritonavir), a été évalué face au giques ayant été décrits lors de son utilisation ;
lopinavir chez le patient naïf de traitement • darunavir-lamivudine : l’association de darunavir/
(étude ARTEMIS, chez 699  patients). Les ritonavir et de lamivudine dans la stratégie
résultats de l’essai, à 48 et 96 semaines [3, 4], d’allègement est en cours d’évaluation (2017) ;
ont mis en évidence une non-infériorité de • darunavir-raltégravir : la bithérapie associant le
l’efficacité immunovirologique du darunavir darunavir/ritonavir et le raltégravir a montré,
par rapport au lopinavir. En revanche, le daru- sur des études à effectif restreint, une bonne
navir a montré sa supériorité dans la sous-popu- efficacité de l’association.
lation des patients avec une forte charge virale Monothérapies : la monothérapie de darunavir/
(>105 copies/ml), ainsi qu’une meilleure tolé- ritonavir a, elle, montré son efficacité dans l’allè-
rance clinique, digestive notamment, et biolo- gement thérapeutique. Ainsi, cette stratégie a été
gique, avec une moindre perturbation du bilan évaluée dans deux études (MONET, MONOI)
lipidique. [8, 9] et a montré sa non-infériorité virologique
Le darunavir et l’atazanavir font également comparativement au bras poursuivant la trithérapie.
partie des stratégies d’allègement étudiées. La monothérapie entraîne néanmoins un plus
Bithérapies : grand nombre d’échecs virologiques dans cer-
• lamivudine-atazanavir  : une bithérapie, si l’on taines sous-populations de patients, sans toutefois
ne considère pas le ritonavir qui doit être sélection de mutation de résistance et avec retour
Chapitre 18. Inhibiteurs de protéase 145

à l’indétectabilité après réintensification du trai- en jouant sur diverses pompes d’efflux dont la
tement. L’utilisation de la classe des inhibiteurs glycoprotéine  P. L’exposition est améliorée par

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de protéase est importante pour le traitement la prise de nourriture (+70  % d’AUC et +57  %
du VIH-2. Cependant, le VIH-2 semble avoir lors d’une administration avec un repas léger).
une sensibilité réduite à l’atazanavir. Il est donc La pharmacocinétique de l’atazanavir est non
préférable d’employer le darunavir. linéaire sur des doses allant de 200 à 800  mg,
avec une absence de proportionnalité entre
l’AUC et la dose.
Pharmacocinétique L’atazanavir se lie aux protéines plasmatiques
(86  %) et majoritairement à l’alpha-1-acid glyco-
protein  (AAG). Ce mécanisme de liaison explique
Les caractéristiques pharmacocinétiques des anti-
les concentrations diminuées lors de la grossesse
protéases sont résumées dans le tableau 18.1.
mais sans impacter la concentration libre, non
liée aux protéines plasmatiques et considérée
Atazanavir comme pharmacologiquement active. L’atazana-
vir diffuse relativement mal dans le LCS, avec un
L’atazanavir est habituellement associé à 100 mg rapport des concentrations LCS/plasma proche
de ritonavir pour réduire son métabolisme hépa- de 1 %. En revanche, la distribution de l’atazana-
tique, impliquant majoritairement le CYP450 vir dans le liquide séminal est bien meilleure, avec
3A4 et pour améliorer sa biodisponibilité, réduite des concentrations dans le sperme représentant
par le métabolisme intestinal et hépatique ainsi 10 % des concentrations sanguines.
que par l’efflux entérocytaire médié par la glyco- L’atazanavir est métabolisé par les CYP3A4 et
protéine  P. Le ritonavir améliore également la 3A5 en deux métabolites pharmacologiquement
distribution de l’atazanavir dans différents tissus inactifs. La majorité de la molécule est éliminée

Tableau 18.1. Caractéristiques pharmacocinétiques des inhibiteurs de protéase.


Paramètres Darunavir Atazanavir
Biodisponibilité 82 % Non déterminée
Liaison protéique 94 % 86 %
Voie d’élimination Hépatique Hépatique
Voie enzymatique CYP3A4 CYP3A4
T1/2 terminale 10-15 heures Avec ritonavir : 7,5-8,8 h
Sans ritonavir : 6,5 h
Inhibiteur/inducteur Non Inhibiteur : UGT1A1, CYP3A4, 2C8, glyco-
protéine P
Cmin 600 mg × 2 : 3539 (1255-7368) ng/ml 300 mg avec 100 mg RTV : 862 ± 838 ng/ml
800 mg × 1 : 2041 (368-7242) ng/ml 400 mg sans ritonavir : 273 ± 298 ng/ml
Cmax 600 mg × 2 : 6500 ng/ml 300 mg avec 100 mg RTV : 4422 ng/ml
400 mg sans ritonavir : 2298 ng/ml
Tmax 2-3 heures 2-3 heures
Seuils concentration Efficacité 2000 ng/ml (naïf) Efficacité : 200 ng/ml (naïf)
Toxicité : 800 ng/ml
Prise avec de la nourriture Obligatoire Pas obligatoire mais améliore l’absorption et
la tolérance digestive
Association avec le ritonavir Obligatoire Oui/non dans certaines conditions
Cmin : concentration résiduelle, juste avant la prise ; Cmax : concentration maximale ; Tmax : temps après la prise où la concentration est maximale. NA : non applicable.
146 Antiviraux

via la bile puis les fèces (79 %, dont 20 % d’ata- tôt, le darunavir voit ses valeurs de concentrations
zanavir inchangé) et minoritairement par les reins totales diminuer en parallèle de la diminution de

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(13  % dont 7  % sous forme inchangée). Le l’AAG, secondaire à l’hémodilution de la gros-
ritonavir inhibe le métabolisme de l’atazanavir, sesse.
expliquant des demi-vies d’élimination différentes Le darunavir est principalement métabolisé par
selon l’administration d’atazanavir avec (T1/2 le CYP3A4 hépatique. Trois métabolites sont
entre 7,5-8,8  heures) ou sans ritonavir (environ actifs sur le VIH sauvage mais ont une activité
6,5  heures). L’équilibre pharmacocinétique est inférieure à 10 % de l’activité de la molécule mère.
obtenu entre quatre et huit jours. Les voies minoritaires d’élimination du daruna-
De par son action directe d’inhibition de vir font intervenir des phénomènes d’hydrolyse
l’UGT1A1, l’atazanavir entraîne une hyperbiliru- et de glucuronidation. Le darunavir est éliminé
binémie à bilirubine libre concentration-dépen- majoritairement dans les fèces (∼80  %, dont
dante  : plus la concentration d’atazanavir est 7  % inchangé), le reste étant éliminé dans les
élevée, plus la bilirubine libre sera élevée. urines. La demi-vie d’élimination est proche des
15  heures en présence de ritonavir, la clairance
après administration d’une dose intraveineuse de
Darunavir darunavir/ritonavir a été calculée à 5,9 l/h.

Le darunavir doit obligatoirement être associé au


ritonavir pour assurer une biodisponibilité orale STP
optimale. En absence de ritonavir (association
darunavir/ritonavir), le darunavir est métabolisé Pour l’atazanavir, la zone thérapeutique recom-
rapidement par les CYP3A4/5 entérocytaires puis mandée pour la Cmin est de 200 à 800 ng/ml. La
hépatiques. Le darunavir est également substrat probabilité d’hyperbilirubinémie est augmentée
de la glycoprotéine  P intestinale, limitant son d’un facteur 3 à partir d’une Cmin de 800 ng/ml.
absorption en l’absence de ritonavir. L’adjonction Les patients sous atazanavir avec ritonavir ont
de 100  mg de ritonavir permet une absorption des concentrations plus élevées, en comparaison
rapide et efficace avec un Tmax compris entre des patients sous atazanavir sans ritonavir. De
2,5 et 4 heures. Pour favoriser la solubilisation fait, la probabilité d’hyperbilirubinémie libre sous
du darunavir dans le tractus gastro-intestinal, il atazanavir est plus importante lorsqu’un patient
doit être administré avec la nourriture. La prise est cotraité par ritonavir [10].
du darunavir/ritonavir pendant un repas permet
d’augmenter l’AUC et la Cmax de 42 et 35  %
respectivement, comparativement au groupe de Facteurs de variabilité
sujets à jeun. de la réponse au traitement
L’effet du ritonavir sur la pharmacocinétique
du darunavir est important. Ainsi, la biodisponi- Pédiatrie
bilité orale passe de 37 à 82  % avec le ritonavir.
Le darunavir est à la fois substrat de protéines Les doses administrées chez les enfants, de
d’influx, comme l’OATP1B1, ou de protéines 205 mg d’atazanavir/m2 de surface corporelle et
d’efflux comme la glycoprotéine P (ABCB1) et 100 mg de ritonavir/m2 de surface corporelle, ne
MRP2 (ABCC2). permettent pas d’obtenir systématiquement une
Le darunavir présente globalement une bonne exposition optimale. Il semble ainsi préférable
diffusion tissulaire, majorée par la coadminis- d’effectuer un STP chez les enfants traités par
tration de ritonavir. Le darunavir est fortement atazanavir afin d’adapter les doses d’atazanavir et
lié aux protéines plasmatiques (environ 94 %), sa de ritonavir.
liaison se faisant majoritairement à l’AAG. Avec Chez l’adolescent (12-18 ans), le darunavir est
le même mécanisme que l’atazanavir décrit plus utilisé à une dose identique à celle de l’adulte.
Chapitre 18. Inhibiteurs de protéase 147

L’exposition à ces doses est, en moyenne, simi- moyennes efficaces. Cependant, un STP est recom-
laire à celle des adultes. Les doses prévues en mandé pour adapter la posologie si besoin [14].

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pédiatrie sont calculées en fonction du poids, L’influence d’une altération de la fonction
avec des doses de 375/50  mg de darunavir et hépatique sur la pharmacocinétique du darunavir
ritonavir pour un poids allant de 15 à 30  kg, a été explorée chez des patients non VIH. Ainsi,
450/60  mg de darunavir et ritonavir pour un chez des sujets avec une insuffisance hépatique
poids allant de 30 à 40 kg, 600/100 mg de daru- légère et modérée, l’exposition des concentrations
navir et ritonavir pour un poids supérieur à 40 kg. totales du darunavir n’est pas modifiée. Aucune
Toutefois, le suivi des concentrations dans les étude n’a été réalisée chez les patients en insuffi-
études pédiatriques montre des expositions chez sance hépatique sévère [15].
les enfants différentes de celles habituellement
observées chez l’adulte. Un STP peut être entre-
pris afin d’effectuer une adaptation de dose et Interactions
d’obtenir une exposition optimale au darunavir/ médicamenteuses
ritonavir [11].
L’atazanavir et le darunavir peuvent aussi bien
être à l’origine d’interactions qu’en être victimes.
Insuffisance rénale En effet, les deux molécules sont substrats du
CYP3A4/5 et de transporteurs jouant un rôle
Peu d’informations sont disponibles concernant
dans l’absorption et l’élimination des deux molé-
la pharmacocinétique de l’atazanavir chez les
cules. Le ritonavir joue d’ailleurs sur ces deux
patients avec une IR, avec ou sans hémodialyse.
voies pour optimiser la pharmacocinétique des
Ainsi, en comparaison à des sujets à fonction
deux molécules, rendant ainsi possible la prise
rénale conservée, les patients hémodialysés voient
quotidienne d’un seul comprimé pour les deux
leur exposition d’atazanavir, Cmax, AUC et Cmin,
molécules. Ainsi toute molécule inhibant ces
chuter (30-50 % en moyenne), sans que le méca-
voies aura pour effet d’augmenter l’exposition
nisme ait été expliqué. Si un patient VIH est
des deux molécules, ainsi que celle du ritonavir,
dialysé et poursuit un traitement par atazanavir, il
faisant croître le risque de survenue d’effets
est préférable d’effectuer un STP afin de vérifier
indésirables. Inversement, toute molécule ayant
l’exposition et adapter la dose si nécessaire.
un effet inducteur réduira l’exposition aux antiré-
Il n’existe pas de données sur l’influence d’une
troviraux et entraînera un risque d’échec virolo-
dégradation de la fonction rénale sur la pharmaco­
gique avec une potentielle sélection de mutations
cinétique du darunavir. Ce dernier étant faible-
de résistances [15].
ment éliminé dans l’urine (<  10  %), on peut
L’effet inhibiteur sur le CYP3A4/5 et la P-gp du
s’attendre à une faible influence de l’altération de
darunavir est en réalité indirect, par l’action du rito-
la fonction rénale sur les concentrations de daru-
navir, qui est obligatoirement associé au darunavir.
navir/ritonavir. Cependant, les données contra-
L’atazanavir possède un effet inhibiteur propre
dictoires publiées chez le patient dialysé invitent à
du CYP3A4/5 et de la glycoprotéine  P qui
la prudence [12, 13].
pourra amener à des interactions, même lors
d’une utilisation sans ritonavir. Ce dernier permet
Insuffisance hépatique généralement d’atténuer l’effet d’un inducteur.
Ainsi, malgré son effet inhibiteur propre, la phar-
L’insuffisance hépatique altère significativement macocinétique de l’atazanavir subira tout l’effet
la pharmacocinétique de l’atazanavir. Ainsi, chez d’un inducteur [15].
des patients présentant une insuffisance hépatique Le ritonavir, connu pour son effet inhibiteur du
modérée à sévère, l’AUC augmenterait en moyenne métabolisme, présente la particularité d’être éga-
de 42  %. L’administration de 400  mg d’atazana- lement un inducteur, notamment de l’UGT1A1,
vir sans ritonavir permettrait d’obtenir des Cmin amenant à plusieurs interactions médicamenteuses
148 Antiviraux

pouvant cependant être complètement contreba- Les principales interactions sont reportées sur
lancées par l’effet inhibiteur de l’atazanavir si les le tableau 18.2.

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deux molécules sont associées [16].

Tableau 18.2. Interactions entre les inhibiteurs de protéase et les molécules pouvant être coadministrées
(liste non exhaustive).
Molécules associées Exposition Exposition Exposition de la molécule associée
de l’ATV du DRV
Ténofovir Diminuée Augmentée Augmentée
Abacavir, emtricitabine, Inchangée Inchangée
lamivudine, zidovudine
Névirapine Diminuée Inchangée Augmentée
Éfavirenz Diminué Diminué Augmenté
Étravirine Diminuée Diminuée Augmentée
Rilpivirine Inchangée Augmentée
Raltégravir Inchangée Diminuée Atazanavir : augmentée ; darunavir : inchangée
Elvitegravir (avec cobicistat) Augmentée Augmentée si utilisation avec ritonavir (CI)
Dolutégravir Inchangée Atazanavir : augmentée ; darunavir : diminuée
Maraviroc Inchangée Augmentée
Daclatasvir Inchangée Augmentée
Sofosbuvir/lédipasvir Augmentée Inchangée LDV augmentée, SOF inchangée
Grazoprevir/elbasvir Inchangée Inchangée Augmentée (CI)
Velpatasvir Augmentée Inchangée Atazanavir : augmentée ; darunavir : diminuée
Rifampicine Diminuée (CI relative) Inchangée
Rifabutine Inchangée Augmentée Augmentée
Voriconazole Diminuée Non documenté Atazanavir : variable (fonction statut CYP2C19
du patient)
Darunavir : diminuée
Posaconazole Augmentée Augmentée Inchangée
Itraconazole Augmentée Augmentée
Fluconazole Inchangée Inchangée
Macrolides Inchangée Clarithromy- Inchangée Augmentée
cine : augmentée
Antiacides Diminuée (CI relative IPP) Inchangée Inchangée
Hypolipémiants Inchangée Statines augmentées (CI : simvastatine, lovas-
tatine)
Antihypertenseurs Inchangée Augmentées : inhibiteurs calciques (CI
lercanidipine)
Anticoagulants Inchangée Augmentées : xaban (CI)
Diminution effet AVK
Antiagrégants Inchangée Augmentée : ticagrelor (CI)
Diminunée : clopidogrel, dipyridamole
Immunosuppresseurs Inchangée Utilisation non recommandée (exposition
fortement augmentée) x
Chapitre 18. Inhibiteurs de protéase 149

x Corticoïdes (même inhalés) Inchangée Augmentée (CI : inhalés sauf béclométasone,

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triamcinolone)
Opioïdes Inchangée Augmentée
Antidépresseurs Inchangée (sauf millepertuis : diminution) (CI) Augmentée
Neuroleptiques Inchangée Augmentée (CI : quétiapine, pimozide)
Diminuée : olanzapine, asénapine
Anxiolytiques Inchangée Augmentée
Antiépileptiques Phénobarbital, phénytoïne, oxcarbazépine : décroissance Phénobarbital, phénytoïne, acide valproïque (si
(carbamazépine si atazanavir sans ritonavir) ritonavir), lamotrigine (si ritonavir) : diminution
zonisamide, ethosuximide, carbamazépine :
augmentation
Anticancéreux Inchangée Augmentée : ITK, dérivés alcaloïdes
CO Inchangée Augmentée (sauf estrogènes et noréthindrone
diminués)
Stupéfiants Inchangée Augmentée
CI : contre-indiqué ; IPP : inhibiteurs de la pompe à protons ; ITK : inhibiteurs de la tyrosine kinase.

Effets indésirables Contre-indications


L’utilisation d’atazanavir avec du ritonavir a • Hypersensibilité à l’atazanavir, au darunavir, au
un impact sur le bilan lipidique, notamment ritonavir ou à l’un des excipients.
sur le taux de triglycérides. L’influence de • Insuffisance hépatique sévère (ou modérée
l’atazanavir sur le bilan lipidique dépendrait de pour atazanavir associé au ritonavir).
la concentration, des valeurs élevées augmen- • Certaines associations : simvastatine, lovastatine,
teraient le taux de triglycérides et de choles- rifampicine, sildénafil, millepertuis ainsi qu’avec
térol. Néanmoins, le ritonavir augmentant la les substrats du CYP3A4 à marge thérapeutique
concentration d’atazanavir mais ayant égale- étroite.
ment un effet hyperlipémiant, il est difficile
de distinguer l’effet de l’atazanavir seul. Une
analyse catégorisant les patients en fonction de Grossesse
l’association avec le ritonavir ou non a pu mon-
trer que la concentration d’atazanavir expliquait L’atazanavir a montré son efficacité lors de la
à elle seule les résultats du bilan lipidique [10]. grossesse pour le couple mère-enfant, mais sans
Des cas de lithiases et de cristalluries ont été étude randomisée. Aucune transmission mère-
décrits avec l’atazanavir. Le mécanisme de sur- enfant n’a eu lieu chez les mères viro-contrôlées
venue de lithiase urinaire n’est à ce jour pas avec des concentrations efficace d’atazanavir. Les
totalement élucidé et seuls certains facteurs conséquences d’une exposition fœtale à l’ata-
de risque ont été identifiés (maladie rénale zanavir sont à ce jour mal connues. À court
préexistante, antécédent de litihiase urinaire, terme, aucun effet indésirable ni malformation
hyperbilirubinémie et co-infection au virus de spécifique n’ont été observés, le nombre de
l’hépatite C entre autres). Toutefois, hormis malformations n’est pas plus élevé que dans la
les lithiases, l’atazanavir ne semble pas être population générale. Cependant, certaines études
plus néphrotoxique que d’autres combinaisons ont relevé une relation entre l’exposition fœtale et
d’antirétroviraux [17, 18]. un faible poids à la naissance, mais aussi entre des
150 Antiviraux

concentrations dans le méconium et le déve- on stable treatment with two nucleos(t)ide reverse
loppement neurologique (langage et développe- transcriptase inhibitors  +  atazanavir/ritonavir with

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virological suppression (Atazanavir and Lamivudine
ment social/affectif) [19]. Avec, d’une part, la
for treatment Simplification, AtLaS pilot study). J
bonne diffusion transplacentaire de l’atazanavir Antimicrob Chemother 2013;68:1364–72.
et, d’autre part, l’effet inhibiteur de l’UGT1A1 [6] Perez-Molina JA, Rubio R, Rivero A, Pasquau J,
sur un système enzymatique encore immature Suárez-Lozano I, Riera M, et  al. GESIDA 7011
à la naissance, les hyperbilirubinémies chez le Study Group. Dual treatment with atazanavir-ritona-
nouveau-né sont fréquentes [20]. vir plus lamivudine versus triple treatment with ataza-
navir-ritonavir plus two nucleos(t)ides in virologically
De nombreuses études ont décrit la diminu- stable patients with HIV-1 (SALT): 48 week results
tion de l’exposition totale en darunavir, tout en from a randomised, open-label, non-inferiority trial.
soulignant la constance de la concentration libre, Lancet Infect Dis 2015;15:775–84.
considérée comme pharmacologiquement active, [7] Van Lunzen J, Pozniak A, Gatell JM, Antinori A,
tout au long de la grossesse. La recommanda- Klauck I, Serrano O, et  al. Brief Report: Switch
tion actuelle est de proposer un traitement par to Ritonavir-Boosted Atazanavir Plus Raltegravir in
Virologically Suppressed Patients With HIV-1 Infec-
darunavir/ritonavir 600/100  mg deux fois par tion: A Randomized Pilot Study. J Acquir Immune
jour, même si des éléments laissent penser qu’une Defic Syndr 2016;71:538–43.
adaptation de posologie n’est peut-être pas néces- [8] Arribas JR, Horban A, Gerstoft J, Fätkenheuer G,
saire. Aucune étude n’a décrit à ce jour les consé- Nelson M, Clumeck N, et  al. The MONET trial:
quences au long terme sur l’enfant suite à une darunavir/ritonavir with or without nucleoside ana-
logues, for patients with HIV RNA below 50 copies/
exposition plus importante du fœtus au darunavir.
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Chapitre 18. Inhibiteurs de protéase 151

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Chapitre 19

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Inhibiteurs d’intégrase
Florian Lemaitre, David Metsu

Points-clés Tous les inhibiteurs d’intégrase sont adminsi­


j Les inhibiteurs d’intégrase (INI) sont des molécules trés par voie orale. Le raltégravir est disponible en
présentant une activité antirétrovirale puissante comprimés ou suspension buvable ; l’elvitégravir
empêchant l’intégration de l’ADN viral au sein est disponible en association fixe avec l’emtrici­
de l’ADN cellulaire humain et permettant une
tabine, le ténofovir disoproxil et le cobicistat
décroissance rapide de la charge virale.
j Ils sont indiqués dans le cadre d’un premier
ou avec l’emtricitabine, le ténofovir alafénamide
traitement chez le patient vivant avec le et le cobicistat. Le dolutégravir est disponible
VIH ou en traitement de maintenance chez seul ou en assocation fixe avec l’abacavir et la
le patient en succès virologique. lamivudine.
j Ce sont des médicaments dont le profil Les INI dits de 1re génération sont le ralté­
de sécurité est satisfaisant mais il s’agit gravir et l’elvitégravir. Ce sont des antirétroviraux
également de la classe de médicaments puissants, assurant une cinétique de décroissance
antirétroviraux pour laquelle on dispose d’un importante et rapide de la charge virale lors
plus faible recul en termes d’utilisation.
de l’utilisation chez les patients naïfs. Cepen­
j Le raltégravir est une molécule dont le profil en
termes d’interactions médicamenteuses est le
dant, le premier nécessite actuellement une bi-
plus favorable mais son administration en deux prise quotidienne, à l’heure où la majorité des
prises par jour est un frein à son emploi. traitements sont en une prise journalière (une
j L’elvitégravir nécessite d’être coadministré forme à 1200  mg en prise uniquotidienne est
avec un potentialisateur pharmacocinétique, en développement). Le second, sous la forme
le cobicistat, qui est à l’origine de restriction d’une association fixe avec l’emtricitabine et le
d’utilisation en raison du risque d’interactions ténofovir (disoproxyl fumarate ou alafenamide),
médicamenteuses. Son administration au sein exige l’emploi d’un potentialisateur pharmacoci­
d’une association fixe contenant du tenofovir et
nétique, le cobicistat, pour une prise quotidienne.
de l’emtricitabine facilite néanmoins sa prise.
j Le dolutégravir est une molécule qui présente
Par ses effets inhibiteurs des CYP4503A et du
une efficacité sur des virus résistants à transporteur d’efflux glycoprotéine P, le cobicis­
d’autres molécules de la classe mais son tat entraîne un important risque d’interactions
utilisation est limitée par la survenue d’effets médicamenteuses, notamment chez les patients
indésirables neuropsychiatriques. polymédiqués.
Le dolutégravir est un INI de 2e génération.
En effet, celui-ci reste efficace sur des virus
Médicaments existants résistants au raltégravir et à l’elvitégravir. Il pré­
sente également l’avantage de pouvoir ou non
Il existe actuellement (2017) trois inhibiteurs être utilisé en association fixe avec l’abacavir et
d’intégrase (INI, ou INSTI en anglais pour inte- la lamivudine, sans l’utilisation de potentialisateur
grase strans transfer inhibitor) sur le marché, et pharmacocinétique. Toutefois, une double dose
deux autres sont en cours d’évaluation dans des est nécessaire pour une efficacité optimale en
essais cliniques. présence de certaines mutations associées à des
Pharmacologie des anti-infectieux
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154 Antiviraux

résistances ou lors d’interactions pharmacociné­ raltégravir, le dolutégravir et l’elvitégravir (boos­


tiques. tée avec du cobicistat) ou bien associé à l’abaca­

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Le bictégravir est un autre INI, au profil d’uti­ vir et à la lamivudine pour le dolutégravir [2].
lisation proche du dolutégravir, actuellement L’association du raltégravir avec le darunavir (et
en phase d’essais cliniques. Il est développé pour le ritonavir) constitue également une option de
une administration en association fixe avec l’emtri­ premier traitement dans les cas de contre-indi­
citabine et le ténofovir alafénamide, sans potentia­ cation aux INTI et uniquement chez les patients
lisateur pharmacocinétique. Les quelques données dont le zénith de charge virale était inférieur à
actuelles semblent montrer un profil de sensibilité 100 000 copies/ml et le nadir de CD4 supérieur
du virus proche de celui du dolutégravir, tout en à 200/mm3 [2].
présentant moins d’interactions médicamenteuses.
Les derniers développements galéniques ont
conduit à une forme injectable de nanoparticules, Optimisation de traitement
le cabotégravir. La galénique employée permet Les INI sont également indiqués dans le cadre
une utilisation en long acting, correspondant d’une optimisation d’un traitement antirétroviral
à une administration intramusculaire toutes les en succès virologique prolongé. Ainsi, la non-
quatre semaines. L’utilisation sous forme injec­ infériorité d’une stratégie de «  switch  » d’une
table sera précédée par une période «  d’essai  » multithérapie contenant du ténofovir, de l’emtri­
d’un mois pour écarter toute réaction d’hyper­ citabine et un inhibiteur de protéase (deux à
sensibilité d’un patient à la molécule, celle-ci ne trois comprimés) vers une multithérapie en un
pouvant être éliminée rapidement après adminis­ comprimé contenant du ténofovir, de l’emtrici­
tration. Actuellement, le cabotégravir est en cours tabine et de l’elvitégravir boosté par le cobicistat
d’essais en stratégie d’allègement thérapeutique a été démontrée chez le patient en succès dans
sous forme de bithérapie avec la rilpivirine, égale­ une étude randomisée (n  =  438) (essai STRA­
ment en formulation injectable. TEGY-PI) [2]. La non-infériorité d’un « switch »
d’une multithérapie contenant du ténofovir, de
l’emtricitabine et un INNTI vers une multithé­
Mécanismes d’action rapie contenant du ténofovir, de l’emtricitabine
et de l’elvitégravir boosté par le cobicistat (en un
L’action antirétrovirale s’effectue par une liaison comprimé) a également été démontrée (n  =  434)
réversible à l’intégrase virale, enzyme permettant (essai STRATEGY-NNRTI) [2]. Enfin, une étude
l’intégration de l’ADN viral au sein de l’ADN cel­ randomisée ayant inclus 551 patients a démontré
lulaire humain. L’intégrase est ainsi une enzyme la non-infériorité du «  switch  » d’une trithéra­
clé du cycle de réplication virale. Dans les cellules pie vers l’association en un comprimé associant
quiescentes, l’ADN intégré constitue une forme abacavir, lamivudine et dolutégravir (essai STRII­
de réservoir viral qui ne peut pas actuellement être VIING) [3]. L’association de raltégravir avec un
éradiqué, d’où l’intérêt du mécanisme d’action de inhibiteur de protéase boosté par le ritonavir, mal­
ces antirétroviraux [1]. gré un faible nombre de patients inclus dans les
essais testant cette stratégie, peut être considérée
dans certains cas, notamment lorsqu’il est néces­
Spectre et indications saire de se passer des INTI [2].
Récemment, la bithérapie dolutégravir et rilpi­
Stratégies thérapeutiques virine a été évaluée dans une étude randomisée en
double aveugle de phase III contre une trithérapie
Traitement de première ligne antirétrovirale chez les patients virologiquement
Les INI sont indiqués en première ligne dans contrôlés (n  =  1014). Cette association pourrait à
le cadre d’un premier traitement antirétroviral terme permettre de s’affranchir également des INTI
associé au ténofovir et à l’emtricitabine pour le dans le cadre des traitements de maintenance [4].
Chapitre 19. Inhibiteurs d’intégrase 155

Tableau 19.1. Descriptif des caractéristiques pharmacocinétiques des trois INI disponibles.

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Paramètres Dolutégravir Elvitégravir Raltégravir
Liaison protéique 99 % 99 % 76-83 %
Voie d’élimination Hépatique Hépatique Hépatique
Voie enzymatique UGT1A1 (majeur) CYP3A4 (majeur) UGT1A1
CYP3A4 (mineur) UGT (mineur)
T1/2 terminale 11-12 h 8,6 h 9h
Inhibiteur enzymatique Non Non Non
Cmin moyenne (ng/ml) 830 450 114
Très grande variabilité
Inter- et intra-individuelle
Tmax 2-3 h 4-5 h 1-3 h ; importante variabilité
inter- et intra-individuelle
Seuils concentration Efficacité 1000 ng/ml (naïf) Non défini Non défini
Prise avec nourriture Pas obligatoire mais
améliore absorption
Association avec un pharmaco-potentialisateur Non Oui Non

Pharmacocinétique sur une étendue de doses extrathérapeutiques


(100-1600  mg), cependant la Cmin est linéaire
Les caractéristiques pharmacocinétiques des INI sur une gamme de doses plus restreinte (100-
sont résumées dans le tableau 19.1. 800  mg), avec une augmentation moins impor­
tante que la dose si celle-ci dépasse 800 mg. La
liaison aux protéines plasmatiques est modérée
Raltégravir (76-83  %) et quasi-exclusive à l’albumine. Le
raltégravir est majoritairement métabolisé par
Le raltégravir est rapidement absorbé avec glucuronoconjugaison via l’UGT1A1 et, dans
un Tmax obtenu après une à trois heures. La une moindre mesure, les UGT1A3 et 1A9. À ce
prise alimentaire augmente sa biodisponibilité titre, les patients présentant un polymorphisme
mais également la variabilité de l’absorption de l’UGT1A1  (UGT1A1*28/*28) conférant
du raltégravir. Cependant, cette interaction est un phénotype de métaboliseur lent présentent
complexe. En effet, un repas léger décroît de une accumulation du raltégravir (augmentation
manière importante l’exposition au raltégravir d’AUC de 41  %) [5]. Ainsi, une hyperbilirubi­
alors qu’un repas plus consistant a tendance à némie libre isolée, signant un syndrome de Gil­
faire augmenter cette exposition. Cette variabilité bert, pourrait être un facteur pronostique d’une
est accentuée par la possibilité de décalage du surexposition au raltégravir. Les métabolites glu­
Tmax, sans qu’un mécanisme expliquant complè­ curoconjugués sont éliminés dans le tube digestif
tement cette particularité soit identifié. Par ail­ via la bile. Le raltégravir conjugué éliminé par
leurs, des phénomènes de cycle entéro-hépatique voie biliaire peut être déconjugué dans l’intestin
ou d’absorption décalée surviennent inconstam­ par la flore digestive et réabsorbé, conduisant à
ment, entraînant un double pic. Cette variabilité un cycle entérohépatique avec apparition d’un
pharmacocinétique est extrêmement importante second pic d’absorption. Le raltégravir présente
avec le raltégravir avec des coefficients de varia­ une bonne distribution dans les différents tissus
tion de l’AUC des concentrations atteignant les et a même tendance à s’accumuler (par exemple
200  %. L’exposition du raltégravir est linéaire dans les tissus génitaux). La distribution dans
156 Antiviraux

le LCS est bonne, avec toutefois un quotient pauvre, moyenne et riche en lipide augmente
inhibiteur (Cmin/concentration inhibitrice 50) l’AUC (+33, +41 et +66 %), la Cmax (+46, +52 et

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relativement bas, comparé à d’autres molécules +67 %) et la Cmin (+33, +45 et 73 %) du doluté­
de la même classe. gravir. Il est toutefois important de noter que
l’influence du repas lors de la prise a été étudiée
uniquement chez des sujets sains.
Elvitégravir Le dolutégravir est majoritairement métabolisé
par conjugaison via l’UGT1A1 puis de manière
L’elvitégravir boosté par du cobicistat est dispo­
minoritaire par le CYP3A4 et les UGT1A3 et
nible en association avec l’emtricitabine et soit le
1A9. C’est également un substrat de la glycopro­
ténofovir disoproxil, soit le ténofovir alafénamide.
téine P et de la BCRP. La molécule inhibe puis­
La biodisponibilité de l’elvitégravir est améliorée
samment l’organic cation transporter 2 (OCT2)
de 30 à 50  % par la prise alimentaire. Le pic de
mais n’est, en revanche ni inducteur ni inhibiteur
concentration est obtenu quatre à cinq heures
des cytochromes ou des UGT. La demi-vie du
après administration. L’elvitégravir est fortement
dolutégravir chez le patient vivant avec le VIH est
lié aux protéines plasmatiques, en particulier à
d’environ 12 heures [5].
l’albumine. La molécule est substrat du CY3A4 et
des UGT1A1 et A3. Les métabolites formés n’ont
pas d’activité antivirale notable. L’élimination de Cabotégravir
l’elvitégravir se fait principalement par voie biliaire
avec une demi-vie de l’ordre de neuf heures [5]. Le cabotégravir est un analogue structurel du
dolutégravir actuellement en phase III de son
développement. Sa faible hydrosolubilité, sa puis­
Dolutégravir sance antivirale élevée ainsi que sa longue demi-
vie ont permis de formuler cette molécule sous
Le dolutégravir est disponible en comprimé de forme de nanoparticules pour un traitement à
50  mg ou en association fixe avec deux INTI, longue durée d’action ou « long acting » [7].
l’abacavir (600  mg) et la lamivudine (300  mg).
L’utilisation du comprimé seul, qui peut être
administré à raison de 50  mg deux fois par Bictégravir
jour, est recommandée en présence de mutations
associées à une résistance virale pour obtenir une Le bictégravir est également un INI en déve­
activité antirétrovirale optimale. Le comprimé loppement en association avec l’emtricitabine
de dolutégravir seul permet des adaptations de et le ténofovir alafénamide au sein du même
posologie dans le cadre d’interactions médica­ comprimé. Le bictégravir présente une biodispo­
menteuses, notamment avec des inducteurs du nibilité de 70 % et est fortement lié aux protéines
CYP3A ou de l’UGT1A1. plasmatiques (99 %). La molécule est métabolisée
Les essais de bioéquivalence, effectués en croisé, par le foie, principalement par le CYP3A4 et
ont démontré la bioéquivalence entre la forme dolu­ l’UGT1A1 [8].
tégravir seule ou associée à l’abacavir et à la lamivu­
dine. Il est ainsi possible de passer de l’une à l’autre
des deux formulations sans modification significative Populations particulières
de l’exposition aux différentes molécules [6].
L’absorption du dolutégravir est rapide Insuffisants hépatiques
(2,5 heures) et importante. La prise d’un repas et
la composition de celui-ci influent considérable­ Raltégravir
ment sur l’absorption et donc sur l’exposition du L’insuffisance hépatique légère à modérée
dolutégravir. Ainsi, comparé à une prise à jeun, n’entraîne pas de modification de l’exposition
la prise pendant un repas avec une composition en raltégravir. En revanche, un score de model
Chapitre 19. Inhibiteurs d’intégrase 157

for end stage liver disease (MELD) supérieur à Relations PK/PD et STP
15 ainsi qu’une cirrhose sont à l’origine d’une

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augmentation de l’exposition de raltégravir [5]. Les seuils de concentrations efficaces sont définis
chez des patients avec une forte réplication virale
Elvitégravir
et aucun seuil n’a été établi pour maintenir
L’impact de l’altération de la fonction hépatique une efficacité chez les patients virologiquement
sur la pharmacocinétique à l’équilibre de l’elvité­ contrôlés de longue date.
gravir a été évalué chez des patients séronégatifs.
L’exposition en elvitégravir a été augmentée de
35 % dans ce cas sans modification de la fraction Raltégravir
libre d’elvitégravir [9].
Les relations entre la Cmin et l’efficacité virologique
Dolutégravir n’ont pas abouti à l’élaboration d’un seuil. Il sem­
blerait en revanche qu’une Cmoy à l’équilibre soit
Une étude en dose unique a comparé la phar­ reliée à l’efficacité du raltégravir, indiquant une
macocinétique du dolutégravir chez des patients relation à rechercher entre l’exposition totale au
présentant une insuffisance hépatique modérée raltégravir et l’activité antirétrovirale. Néanmoins,
(score Child-Pugh : 7-9) et chez des sujets sains l’importante variabilité inter- et intra-individuelle
à fonction hépatique conservée, appariés sur les et la présence de doubles pics avec un possible
caractéristiques démographiques des patients du décalage des Tmax rendent difficile l’élaboration
bras à fonction hépatique altérée. Les paramètres d’un modèle pharmacocinétique de population,
pharmacocinétiques de concentration totale permettant une bonne estimation de l’exposition
(Cmax, Cmin, AUC) étaient similaires entre les au raltégravir.
deux bras (ratio moyen ≤ 5 %). En revanche, les
patients insuffisants hépatiques présentaient des
concentrations libres de dolutégravir plus élevées Elvitégravir
que les sujets sains. Ainsi, l’insuffisance hépatique,
même modérée, altère la pharmacocinétique du La relation concentration-effet de l’elvitégravir a
dolutégravir sans que cela soit visible par la simple été explorée dans les études de phase III menées
mesure des concentrations totales [10]. chez le patient naïf avec l’association elvitégra­
vir/cobicistat/emtricitabine/ténofovir avec une
bonne réponse virologique à S48 quel que soit le
Insuffisance rénale niveau d’exposition. Le STP de l’elvitégravir vise
donc essentiellement à confronter l’exposition
En raison de leur métabolisme hépatique, il n’est mesurée chez un patient à l’exposition moyenne
pas nécessaire d’adapter les posologies du ralté­ attendue afin de détecter d’éventuels problèmes
gravir et du dolutégravir en cas d’insuffisance d’observance, absorption ou accumulation du
rénale. Sans qu’une explication n’ait pu être médicament.
fournie, les concentrations en dolutégravir se sont
révélées plus faibles chez les patients insuffisants
rénaux sévères ce qui nécessite une surveillance Dolutégravir
particulière chez ces patients [11]. L’elvitégravir
n’est pas recommandé chez les patients dont la Pour la pratique de routine hospitalière, le mar­
clairance de la créatinine est inférieure à 70 ml/ queur privilégié est la mesure de la concentration
min et doit être arrêté chez les patients dont la résiduelle (Cmin). Celle-ci a été évaluée chez
clairance est inférieure à 50  ml/min. Chez les les patients naïfs de traitement, période où la
patients hémodialysés, deux articles ont souli­ charge virale est importante. Dans cette situation,
gné le faible taux de dolutégravir éliminé par la une Cmin cible à 1  mg/l semble être associée
dialyse [12, 13]. à une efficacité du traitement par dolutégravir.
158 Antiviraux

D’autres auteurs proposent un seuil d’efficacité dolutégravir/éfavirenz/étravirine entraîne égale­


dès 0,8 mg/l [14, 15]. ment une diminution de l’exposition de 57 et 71 %

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Chez les patients présentant des mutations respectivement [12]. L’ajout de ritonavir à l’asso­
de résistance aux INI, les données issues des ciation dolutégravir-étravirine compense la diminu­
études VIKING semblent indiquer un intérêt tion de concentration décrite avec l’étravirine.
au doublement de la dose afin de s’assurer de
l’efficacité du dolutégravir. Malheureusement, les Elvitégravir
concentrations cibles n’ont pas été recherchées En raison de sa coformulation avec le cobicis­
dans ces situations de mutations préexistantes tat, puissant inhibiteur du CYP3A4, l’elvitégravir
et il n’existe donc pas de seuil d’efficacité défini, partage les mêmes interactions que les inhibiteurs
rendant toute adaptation de posologie complé­ de protéase boostés, moins les effets sur les UGT
mentaire délicate. En revanche, aucun seuil n’a obtenus avec le ritonavir et l’atazanavir.
été établi chez les patients en allègement théra­
peutique.
Autres molécules hors
stratégie antirétrovirale
Interactions
médicamenteuses Raltégravir
Les antiacides à base d’hydroxyde d’aluminium
Avec les autres antirétroviraux ou de magnésium ou de carbonate de calcium
réduisent la biodisponibilité du raltégravir jusqu’à
En dehors des interactions générées par le cobicis­ 50 %. Ces médicaments doivent être administrés à
tat associé à l’elvitégravir, les INI sont rarement une distance d’au moins six heures du raltégravir.
à l’origine d’interactions médicamenteuses. Ils À l’opposé, les antihistaminiques H2 et les IPP
peuvent néanmoins être victimes des inducteurs entraînent une augmentation d’environ 40 % des
ou des inhibiteurs enzymatiques. concentrations de raltégravir.

Raltégravir Elvitégravir
En raison de son métabolisme par les enzymes de Un grand nombre de médicaments sont contre-
phase II, le raltégravir est la molécule la moins à indiqués avec l’association elvitégravir-cobicistat
risque d’interaction médicamenteuse. L’atazanavir (cf. « Contre-indications »).
entraîne une augmentation de l’exposition en
raltégravir de l’ordre de 70  % (par inhibition Dolutégravir
vraisemblable de l’UGT1A1) réduite à 30-40 % en Le dolutégravir ne doit pas être administré en
cas d’association au ritonavir (qui est un inducteur même temps que les cations qui sont à l’origine
de l’UGT1A1). A contrario, l’association à l’éfa­ d’une importante diminution de la biodisponibi­
virenz ou au maraviroc induit une diminution des lité du dolutégravir (de 40 à 75  %). Le magné­
concentrations du raltégravir d’environ 35 % [16]. sium, l’aluminium, le calcium et le fer doivent
être administrés deux heures avant la prise de
Dolutégravir dolutégravir [12, 13].
Dans une étude conduite en vie réelle, Cattaneo Les inducteurs enzymatiques puissants entraî­
et al. ont montré que la Cmin du dolutégravir nent une diminution de l’exposition en dolutégra­
est augmentée en association avec l’atazanavir vir. Ainsi la carbamazépine induit une diminution
(AUC multipliée par 2) et, inversement, dimi­ de 50 % de l’AUC de dolutégravir tout comme la
nuée avec le darunavir boosté [11]. L’association rifampicine [12, 17].
dolutégravir/darunavir/ritonavir n’est pas bonne Le dolutégravir, de son côté, provoque l’accumu­
sur le plan pharmacocinétique. L’association lation de la metformine en raison de son caractère
Chapitre 19. Inhibiteurs d’intégrase 159

inhibiteur du transporteur rénal OCT-2 [18]. Elvitégravir


L’association doit être maniée avec prudence,

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Les données d’évaluation de l’EVG chez la femme
celle-ci pouvant conduire à un risque d’acidose enceinte sont insuffisantes pour pouvoir recom­
lactique. mander l’utilisation de cette molécule au cours
de la grossesse. On observe toutefois une baisse
de l’exposition pendant les deuxième et troi­
Effets indésirables sième trimestres, comme pour les autres INI, avec
un mécanisme similaire. Cependant, des données
Les INI sont généralement des médicaments issues d’une petite population ne semblent pas
présentant un bon profil de sécurité. Cepen­ indiquer un contrôle parfait de l’efficacité virolo­
dant, en dépit de ce bon profil de sécurité, de gique [22].
nombreuses études ont révélé la fréquence de
troubles neuropsychiques, se déclarant dès l’ini­
tiation du traitement, décrivant des symptômes Dolutégravir
comme des vertiges, maux de tête, insomnies, L’étude IMPAACT décrit la baisse des paramètres
agitation, dépression, pensées suicidaires et d’expositions de concentration totale (Cmax, AUC
anxiété [19]. et Cmin) tout au long de la grossesse, avec une
normalisation en post-partum. Les mesures de
dolutégravir effectuées chez les nouveau-nés de
Contre-indications mère sous dolutégravir indiquent une difficulté
d’élimination (demi-vie d’élimination à trois fois
• Hypersensibilité aux INI ou à leurs excipients. celle de l’adulte) par immaturité enzymatique,
• Antécédents d’effets indésirables rénaux chez notamment du système UGT1A1, et donc une
les patients antérieurement traités par ténofo­ surexposition dont les conséquences ne sont pas
vir (pour l’association elvitégravir/cobicistat/ évaluées à ce jour. Il n’est donc pas recommandé,
emtricitabine/ténofovir). en l’absence de données, en dehors de situation
• Pour l’elvitégravir  : association avec l’alfuso­ de renforcement thérapeutique sur une prise en
zyme, les antiarythmiques (amiodarone, qui­ charge tardive d’une patiente enceinte à charge
nidine), les antiépileptiques (carbamazépine, virale élevée, d’employer le dolutégravir chez la
phénytoïne, phénobarbital), la rifampicine, femme enceinte [23].
les dérivés de l’ergot de seigle, le cisapride,
le millepertuis, la lovastatine, la simvastatine, Références
le pimozide, le sildénafil, le midazolam, le
[1] Raffi F, Wainberg M. Traitement de l’infection VIH
triazolam. par inhibiteurs d’intégrase: plus d’options. Virology
• Pour le dolutégravir : association au dofétilide. 2013;17:54–60.
[2] Morlat P. Prise en charge médicale des personnes
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Grossesse d’experts. Mise à jour 2017.
[3] Trottier B, Lake JE, Logue K, Brinson C, Santiago L,
Raltégravir Brennan C, et al. Dolutegravir/abacavir/lamivudine
versus current ART in virally suppressed patients
L’exposition au raltégravir est réduite lors des (STRIIVING): a 48-week, randomized, non-inferio­
second et troisième trimestres de la grossesse sans rity, open-label, Phase IIIb study. Antivir Ther 2017
que cela n’influe sur l’efficacité du traitement Apr 12.
ni sur le risque de transmission virale mère- [4] Llibre JM, Hung C, Brinson C, Castelli F, Girard
enfant [20, 21]. Parmi les INI, seul le raltégravir P, Kahl L, et al. Phase III SWORD 1&2: switch to
DTG + RPV maintains virologic suppression through
bénéficie d’un recul suffisant pour être proposé 48 wks [Internet]. CROI. Abstr 44LB; [cited 2017
comme traitement des patients vivant avec le VIH Feb 5]. Available from: http://www.croiwebcasts.
et ayant un désir de grossesse [2]. org/p/2017croi/2017;croi33381.
160 Antiviraux

[5] Podany AT, Scarsi KK, Fletcher CV. Comparative Integrase Inhibitors From the French Named Patient
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Chapitre 20

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Inhibiteurs de fusion/d’entrée
Claire Gozalo, Caroline Solas

Points-clés CD4, qui permet au VIH de s’attacher à ses


j Surveillance du traitement : enfuvirtide : STP cellules-cibles une fois qu’il a pénétré dans l’orga-
non recommandé, pas de suivi particulier ; nisme. Cette première liaison est ensuite renforcée
maraviroc : STP recommandé (relation par une liaison à des corécepteurs de chimiokines,
concentration-réponse virologique et potentiel
C-C chemokine receptor type 5 (CCR5) et/ou
élevé d’interactions médicamenteuses).
j Surveillance de la fonction hépatique.
C-X-C chemokine receptor type 4 (CXCR4). La
j IR : enfuvirtide : pas d’adaptation de posologie ; liaison du VIH à sa cellule-cible par le récepteur
maraviroc : adaptation de posologie uniquement CD4 et son corécepteur conduit ainsi à la fusion
en cas d’association à un inhibiteur puissant de la membrane virale avec la membrane cellulaire
du CYP3A4 et utilisation avec précaution (grâce à la glycoprotéine 41) et donc à l’internali-
en cas d’insuffisance rénale sévère. sation des éléments génétiques et enzymatiques
j Caractère dialysable (hémodialyse) : viraux nécessaires à sa réplication.
possible pour le maraviroc. L’enfuvirtide est un polypeptide synthétique de
j Insuffisance hépatique : utilisation avec
36 acides aminés. Par sa liaison au domaine HR1
précaution (manque de données).
de la glycoprotéine  41, il empêche le réarrange-
ment structural de cette dernière et inhibe ainsi
la fusion des membranes du virus et de sa cellule
Médicaments existants cible et la libération de la capside virale dans le
cytoplasme cellulaire.
Il n’existe à l’heure actuelle qu’un inhibiteur de Le maraviroc a pour particularité d’agir non pas
fusion, l’enfuvirtide, et un inhibiteur d’entrée, le sur le virus en réplication mais sur la cellule cible
maraviroc. L’enfuvirtide (Fuzeon®) est administré de l’hôte, en bloquant spécifiquement la liaison
par voie sous-cutanée, le maraviroc est administré du corécepteur CCR5 et donc la pénétration du
par voie orale en deux prises par jour. virus dans les cellules CD4 + (voir figure 16.1).

Mécanismes d’action
Spectre et indications
Ces deux médicaments vont agir très précocement,
empêchant l’infection de la cellule par le virus. L’enfuvirtide est actif uniquement sur le VIH-1,
Le VIH est un rétrovirus enveloppé portant en le VIH-2 étant naturellement résistant. En raison
surface deux glycoprotéines : 120 et 41. Il a pour de sa cible spécifique, l’enfuvirtide reste actif en
cible les cellules porteuses de récepteurs CD4, présence d’un virus résistant à d’autres molécules
principalement les lymphocytes T mais aussi les antivirales. À l’inverse, la résistance à l’enfuvirtide,
monocytes, macrophages, cellules dendritiques et liée à des mutations de la glycoprotéine  41, ne
microglies cérébrales. C’est la glycoprotéine 120, devrait pas être croisée avec la résistance à d’autres
du fait de sa grande affinité pour les récepteurs classes d’antirétroviraux.
Pharmacologie des anti-infectieux
© 2018 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
162 Antiviraux

Le maraviroc est actif sur les VIH-1 et -2 mais Le maraviroc est un inhibiteur puissant de
uniquement à tropisme CCR5. Cela implique que la réplication virale et la valeur de sa Cmin est

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le tropisme du virus du patient soit déterminé préa- prédictive de l’efficacité virologique. Le STP de
lablement à la mise en route du traitement : le mara- cette molécule est donc recommandé : il n’existe
viroc est inefficace sur les virus à tropisme CXCR4 pas de concentration-cible mais une valeur de
majoritaire et moins efficace en cas de tropisme concentration résiduelle Cmin supérieure à 50,
mixte CCR5/CXCR4. La résistance au maraviroc voire à 75  ng/ml semble associée à une meil-
peut être liée à la sélection de virus pouvant utiliser leure probabilité de réponse virologique.
le corécepteur CXCR4 ou de virus utilisant tou- Le STP est également recommandé pour le
jours le corécepteur CCR5 mais accumulant des maraviroc compte tenu des recommandations
mutations au niveau de la glycoprotéine 120. d’adaptation de posologie nécessaire en fonction
des antirétroviraux auxquels il est associé (cf.
« Interactions médicamenteuses »).
Pharmacocinétique
Les caractéristiques pharmacocinétiques de ces Interactions
deux molécules sont résumées dans le tableau 20.1.
L’enfuvirtide, de par sa nature peptidique, n’est médicamenteuses
administrable que par voie sous-cutanée. Sa demi-
vie d’élimination est courte, trois à quatre heures, L’enfuvirtide, de par sa structure peptidique, a
nécessitant une administration biquotidienne. un mode d’administration par voie injectable
L’absorption du maraviroc est variable, et réduite (sous-cutanée) et un métabolisme spécifique, ne
lors de la prise avec un repas riche en graisses. passant pas par les CYP450. Il ne présente donc
pas d’interactions médicamenteuses.
En revanche, le maraviroc est un substrat
Relations PK/PD et STP du CYP3A4. L’administration concomitante
d’inducteurs ou d’inhibiteurs de ce cytochrome
peut entraîner une diminution ou une aug-
Aucune relation n’a été mise en évidence entre
mentation de ses concentrations ayant pour
la concentration sanguine de l’enfuvirtide et ses
conséquence un risque d’inefficacité, ou de toxi-
effets thérapeutiques ou toxiques. Le STP de
cité. Ainsi, en présence d’inducteurs puissants
cette molécule n’est donc pas recommandé.
comme la rifampicine, l’éfavirenz ou l’étravirine,
un doublement de la posologie de maraviroc est
Tableau 20.1. Résumé des principales caractéristiques conseillé, soit 600  mg deux fois/j. À l’inverse,
pharmacocinétiques de l’enfuvirtide et du maraviroc. en présence d’inhibiteurs puissants du CYP3A4,
Paramètres Enfuvirtide Maraviroc comme le kétoconazole, la claryithromycine ou
pharmacocinétiques la plupart des inhibiteurs de protéase boostés
Prise/repas Indifférent Indifférent par le ritonavir, une diminution de 50  % de
Tmax 7 h 0,5-4 h la posologie du maraviroc est recommandée,
soit 150  mg deux fois/j. Le maraviroc, quant
Liaison aux protéines 97 % 76 %
à lui, n’est ni inducteur, ni inhibiteur des iso-
Métabolisme Peptidases Hépatique :
CYP3A4
enzymes du CYP450 et ne modifie donc pas
l’exposition des molécules qui lui sont associées.
Effet sur les CYP Pas d’effet Peu d’effet
En l’absence d’association avec des inhibiteurs
Élimination Hydrolyse en Biliaire et/ou inducteurs (puissants ou modérés) du
acides aminés
CYP3A, la posologie recommandée est de
Demi-vie d’élimination 3-4 h 14-18 h
300 mg deux fois/j.
Chapitre 20. Inhibiteurs de fusion/d’entrée 163

Effets indésirables pourrait être diminuée par le maraviroc, ce qui


devra être pris en compte lors de leur traitement.

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La tolérance de l’enfuvirtide est globalement
bonne, il ne présente que peu d’effets indésirables.
Le principal effet indésirable est une réaction au Grossesse
niveau des sites d’injection, sous forme de nodules,
qui survient chez la plupart des patients, le plus Malgré des données sur l’animal rassurantes, aucune
souvent en début de traitement. Ces réactions sont étude de l’enfuvirtide n’a été menée chez les femmes
en général modérées et transitoires mais peuvent enceintes. Par conséquent, ce dernier ne doit être
devenir rapidement invalidantes au long cours, administré en cas de grossesse que si le bénéfice
limitant l’utilisation prolongée de cette molécule attendu justifie le risque potentiel pour le fœtus.
en pratique clinique. On retrouve également dans De même, on ne dispose d’aucune donnée sur
les essais cliniques plus de pneumonies et de lym- l’utilisation du maraviroc chez la femme enceinte
phadénopathies dans les groupes sous enfuvirtide. mais les études sur animal ont montré une toxicité
Les effets indésirables les plus fréquemment sur la reproduction à des doses élevées. Le mara-
rapportés avec le maraviroc sont des effets généraux viroc ne devra donc être utilisé pendant la gros-
de type nausées, diarrhées, fatigue, céphalées. On sesse que si le bénéfice attendu justifie le risque
retrouve également des atteintes hépatiques se mani- potentiel chez le fœtus.
festant par une élévation des enzymes hépatiques
(fréquente) et pouvant aller jusqu’à une hépatite ●● En bref
toxique ou une insuffisance hépatique (rare). Ces Enfuvirtide :
manifestations hépatiques peuvent s’accompagner • actif sur VIH-1 uniquement ;
de réaction allergique systémique qui nécessite • voie sous-cutanée ;
l’arrêt du traitement. Enfin, en cas de surdosage, • inhibition de la fusion des membranes virale et
cellulaire nécessaire à la pénétration du virus ;
un risque d’hypotension orthostatique peut être
• métabolisé par des peptidases ;
observé avec malaise, perte de connaissance. • pas d’adaptation posologique en cas d’insuffi-
sance rénale, utilisation avec précaution en cas
d’insuffisance hépatique ;
Contre-indications • pas d’interaction médicamenteuse ;
• principaux effets indésirables : réactions au site
L’enfuvirtide ne présente qu’une seule contre- d’injection (nodules) ;
indication : l’hypersensibilité à l’enfuvirtide ou à • STP non recommandé.
Maraviroc :
l’un des excipients associés. Il n’y a pas ou peu de
• actif sur VIH à tropisme CCR5 uniquement
données chez les patients à fonction hépatique ou (détermination du tropisme viral obligatoire) ;
rénale altérée. L’enfuvirtide doit être utilisé avec • inhibition de l’entrée du virus dans la cellule-
précaution dans ces populations. hôte par blocage du corécepteur CCR5 ;
Le maraviroc est contre-indiqué en cas d’hyper- • fortement métabolisé au niveau hépatique →
sensibilité au maraviroc ou à l’un des excipients utiliser avec prudence en cas d’insuffisance hépa-
associés. Il doit être utilisé avec prudence chez tique ;
les patients à fonction hépatique altérée ou chez • pas d’adaptation posologique en cas d’insuf-
les patients présentant une pathologie cardiovas- fisance rénale sauf si associé à des inhibiteurs
puissants du CYP3A4 ;
culaire sévère du fait de données limitées dans ces
• nombreuses interactions médicamenteuses
populations. La prudence est également de mise avec les inducteurs/inhibiteurs du CYP3A4 néces-
en cas d’antécédents d’hypotension orthostatique sitant une adaptation de posologie ;
ou d’association à des médicaments hypotenseurs. • principaux effets indésirables  : nausées, diar-
Enfin, la réponse immunitaire à certaines infections rhées, fatigue, céphalées, hépatotoxicité ;
(tuberculose, infections fongiques invasives, etc.) • STP recommandé en routine.
Chapitre 21

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Antiviraux d’action
directe contre le VHC
Caroline Solas, Rodolphe Garraffo

Points-clés VIH) à près de 75 %. Ces molécules dites de « 1re


j Actifs sur VHC, choix du traitement selon génération  » ont depuis été remplacées par des
les recommandations d’experts. molécules plus puissantes (taux de guérisons supé-
j Action directe par inhibition des différents rieur à 90 %) et beaucoup mieux tolérées permet-
enzymes du cycle de réplication du VHC (protéase
tant une durée de traitement beaucoup plus courte
NS3/4A, polymérase NS5B ou NS5A).
j Activité pangénotypique pour la plupart.
en les associant entre elles. Par conséquent, le
j Métabolisés au niveau hépatique (sauf sofosbuvir bocéprevir et le télaprévir ont été retirés du marché
et faible pour lédipasvir, ombitasvir) → pas en 2015 et ne seront pas traités dans ce chapitre.
d’adaptation de posologie en cas d’insuffisance Actuellement, les antiviraux à action directe regrou-
hépatique légère mais non recommandation, pent 13 molécules de structure chimique hétérogène
voire contre-indication si modérée à sévère réparties au sein de trois classes thérapeutiques :
pour les associations grazoprévir/elbasvir et • les inhibiteurs de protéase ou NS3/4A : simé-
paritaprévir/ritonavir/ombitasvir ± dasabuvir. prévir, paritaprévir, grazoprévir, glécaprévir et
j Élimination majoritairement biliaire (sauf
voxilaprévir ;
sofosbuvir) → pas d’adaptation posologique en cas
d’insuffisance rénale. Sofosbuvir non recommandé
• les inhibiteurs de la NS5A : daclatasvir, lédipasvir,
en cas d’insuffisance rénale sévère ou terminale ; ombitasvir, elbasvir, velpatasvir et pibrentasvir ;
si prescrit, surveillance clinique + STP. • les inhibiteurs de la NS5B : sofosbuvir et dasabuvir.
j Bon profil de tolérance. Les molécules actuellement disponibles sont
j Surveillance du traitement : STP utile dans certaines présentées dans le tableau 21.1, avec leurs noms
situations complexes : interactions médicamenteuses, commerciaux, leurs formes galéniques et les poso-
cirrhose décompensée (Child-Pugh B/C), échec à logies usuelles. La plupart sont disponibles sous
un 1er traitement par antiviraux d’action directe forme de combinaison fixe de plusieurs antiviraux
ou chez l’hémodialysé pour le sofosbuvir.
à action directe dont l’objectif est de faciliter
l’observance thérapeutique. Le paritaprévir a la
particularité d’être associé au ritonavir, qui agit en
Médicaments existants tant que potentialisateur pharmacocinétique per-
mettant une administration unique journalière.
En 2011, le bocéprévir (Victrelis®) et le télaprévir
(Incivo®) ont été les 1ers antiviraux à action directe
à obtenir une AMM pour le traitement de l’hépatite Mécanisme d’action
C, marquant ainsi un tournant majeur dans la prise
en charge de cette pathologie en augmentant le Le génome du VHC code pour une polyprotéine
taux de succès virologique de 20 à 60 % (selon le composée d’environ 3500  acides aminés qui est
génotype VHC et la présence d’une co-infection clivée en une dizaine de protéines virales matures.
Pharmacologie des anti-infectieux
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168 Antiviraux

Tableau 21.1. Antiviraux à action directe disponibles en France en 2017.

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DCI Spécialités Formes et dosages Posologie usuelle chez l’adulte
Siméprévir Olysio® Comprimés à 150 mg 1 comprimé par jour
Sofosbuvir Sovaldi® Comprimés à 400 mg 1 comprimé par jour
Daclatasvir Daklinza® Comprimés à 30 et 60 mg 1 comprimé par jour
Sofosbuvir + lédipasvir Harvoni® Comprimés de sofosbuvir 400 mg et lédipasvir 90 mg 1 comprimé par jour
Dasabuvir Exviera® Comprimés à 250 mg 1 comprimé matin et soir
Paritaprévir/ritona- Viekirax® Comprimés de paritaprévir 75 mg, ritonavir 50 mg et 2 comprimés 1 fois par jour
vir + ombistasvir ombistasvir 12,5 mg
Grazoprévir + elbasvir Zepatier® Comprimés de grazoprevir 100 mg et elbasvir 50 mg 1 comprimé par jour
Sofosbuvir + velpatasvir Epclusa® Comprimés de sofosbuvir 400 mg et velpatasvir 100 mg 1 comprimé par jour
Glécaprévira + pibrentasvir* Comprimés de glécaprévir 100 mg et pibrentasvir 40 mg 3 comprimés 1 fois par jour
Sofosbuvir + velpatas- Comprimés de sofosbuvir 400 mg, velpatasvir 100 mg et 1 comprimé par jour
vir + voxilaprévir* voxilaprevir 100 mg
a Non disponible en France actuellement.

La protéine C (core protein) ainsi que les glyco- de l’ARN viral. Le génome viral code ainsi deux
protéines d’enveloppe E1 et E2 participent à la modules fonctionnels  : un module d’assem-
construction de la particule virale. Les protéines blage (C→NS2) et un module de réplication
p7 et NS2 participent à l’assemblage des parti- (NS3→NS5B) (figure 21.1) [1].
cules. Les autres protéines issues du clivage de L’identification et la caractérisation des diffé-
la polyprotéine précurseur (NS3, NS4A, NS4B, rentes protéines du cycle de réplication du VHC
NS5A et NS5B) interviennent dans la réplication ainsi que de leurs unités fonctionnelles (p7, NS2,

Figure 21.1. Organisation du génome du VHC et typologie membranaire des protéines virales.
Source : d’après Pawlotsky J-M. Hepatitis C virus. Med Sci (Paris) 2002 ; 18 : 303–314.
Chapitre 21. Antiviraux d’action directe contre le VHC 169

NS3, NS4A, NS4B, NS5A et NS5B) ont consti- intracellulaire pour former un analogue de
tué une avancée majeure. Leur reconnaissance l’uridine triphosphate (GS-461203) actif sur

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en tant que potentielles cibles thérapeutiques a le plan pharmacologique, qui est incorporé
permis le développement des antiviraux à action dans l’ARN viral par la polymérase NS5B et
directe (figure 21.2) [2] : agit comme terminateur de chaîne,
• les inhibiteurs de protéase NS3/4A agissent – non nucléosidique, le dasabuvir, qui bloque
par inhibition directe de la sérine protéase l’activité catalytique de l’enzyme par inhibi-

|
m
o
NS3/4A par fixation sur le site actif sérine tion directe du site actif de la NS5B.

c
t.
o
p
(Ser139) de la protéase NS3, bloquant ainsi le

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clivage protéolytique de la polyprotéine codée

s
Spectre et indications

in
c
du VHC (en formes matures des protéines

e
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NS3, NS4A, NS4B, NS5A, et NS5B), essentiel

s
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rd
à la réplication virale ; Les antiviraux d’action directe sont indiqués dans

o
s
e
tr
• les inhibiteurs de la NS5A agissent par inhi- le traitement de l’hépatite C chronique, en asso-

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p
bition directe de la protéine non structurale ciation de deux ou trois antiviraux à action directe

tt
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|
NS5A impliquée dans la réplication mais dont de classe thérapeutique différente. Ils peuvent être

s
in
c
e
le rôle est mal connu. Elle interviendrait au encore associés à la ribavirine pour le traitement

d
e
M
de certains génotypes pour réduire la durée du

s
niveau du complexe de réplication du VHC, en

e
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traitement, ou pour optimiser le taux de réponse

o
agissant sur l’assemblage des virions ;

s
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• les inhibiteurs de la NS5B agissent par inhibi- chez les patients cirrhotiques.
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Ces molécules sont apparues en deux vagues


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tion de l’ARN polymérase ARN-dépendante


/t
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NS5B essentielle pour la réplication du virus. Il avec des antiviraux à action directe dits «  de 1re
s
p
tt
h

existe deux sortes d’inhibiteurs : génération  », bocéprévir et télaprévir, dépour-


|
s
in

vus d’activité pangénotypique, c’est-à-dire actifs


c

– nucléo(s)tidique, le sofosbuvir, prodrogue


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uniquement sur le génotype  1 et possédant une


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d’un nucléotide qui subit une métabolisation


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|

Figure 21.2. Cycle de réplication du VHC et cibles des antiviraux à action directe.
Source : d’après [2].

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170 Antiviraux

tolérance médiocre suivis des antiviraux à action Pharmacocinétique


directe dits «  de 2e génération  » plus efficaces,

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beaucoup mieux tolérés et pour la plupart pangé- Les antiviraux d’action directe présentent une
notypiques in vitro et in vivo. bonne biodisponibilité orale, variable de 50 à
Le siméprévir, paritaprévir/ribavirine, ombitas- 70 % selon les molécules lorsqu’elle a été détermi-
vir, grazoprévir et elbasvir n’ont l’AMM que dans née. La prise au cours d’un repas augmente géné-
les génotypes  1 et 4, le dasabuvir uniquement ralement l’exposition pour la plupart d’entre eux
dans le génotype 4 et le lédipasvir n’a pas d’AMM mais seuls le paritaprévir/ritonavir, l’ombistasvir
pour le génotype 3. Le sofosbuvir et le daclatasvir et le dasabuvir doivent être pris obligatoirement
ont été les premiers antiviraux à action directe au cours d’un repas.
à présenter une activité pangénotypique in vivo Les principales caractéristiques pharmaco-
suffisamment puissante leur permettant d’être cinétiques des antiviraux à action directe dis-
indiqués pour tous les génotypes, suivis du velpa- ponibles sont présentées dans le tableau 21.2 et le
tasvir puis des deux dernières associations, gléca- tableau 21.3. Les antiviraux à action directe sont
prévir  +  pibrentasvir et du voxilaprévir associé à tous fortement liés aux protéines plasmatiques et
sofosbuvir/velpatasvir. majoritairement métabolisés au niveau hépatique
Le choix et la durée (8 à 16 semaines) du trai- par les isoformes du CYP450.
tement de l’hépatite chronique C sont fonction Aucune adaptation de posologie n’est requise
du génotype, de la présence d’une cirrhose et/ chez l’insuffisant hépatique léger pour tous les
ou d’une cirrhose décompensée, ou d’un échec antiviraux à action directe. Seuls le sofosbuvir,
à un premier traitement par antiviraux à action le daclatasvir, le lédipasvir et le velpatasvir sont
directe avec ou sans anti-NS5A. Des recomman- aussi autorisés sans adaptation de posologie chez
dations d’experts mises à jour régulièrement au l’insuffisant hépatique modéré et sévère. Le simé-
vu de l’évolution rapide des traitements pro- prévir est non recommandé chez l’insuffisant
posent un choix de traitement gradé en fonc- hépatique modéré à sévère. Les associations gra-
tion du niveau de preuve. Les recommandations zoprévir/elbasvir et paritaprévir/ritonavir/ombi-
françaises émises par l’Association française pour tasvir  ±  dasabuvir sont contre-indiquées chez
l’étude du foie (AFEF) sont actualisées tous les l’insuffisant hépatique modéré et sévère. Une
six mois (http://www.afef.asso.fr) [3]. Elles particularité pour l’association paritaprevir/rito-
sont en accord avec les recommandations euro- navir/ombitasvir ± dasabuvir qui est non recom-
péennes (European Association for the Study of mandé chez l’insuffisant hépatique modéré selon
the Liver [EASL]) et internationales (Infectious les RCP européennes (European product label)
Diseases Society of America [IDSA]) actualisées mais contre-indiqué par les RCP américaines (US
annuellement. product label). Les données ne sont pas encore

Tableau 21.2. Principales caractéristiques pharmacocinétiques des inhibiteurs de protéase NS3/4A.


Simeprévir Paritaprévir/ritonavir Grazoprévir Voxilaprévir Glécaprévir
LPP > 99,9 % ∼97-98,6 % > 98,8 % ND 97,5 %
Métabolisme CYP3A4 + + CYP3A4 + + CYP3A4 CYP3A4 Hépatiquea
CYP2C8/2C19 ? CYP2C8
Transporteur Glycoprotéine P, MRP2 Glycoprotéine P, BCRP, Glycoprotéine P, Glycoprotéine P, Glycoprotéine P,
OATP1B1/1B3/2B1 OATP1B1/1B3 OATP1B1/1B3 BCRP, OATP1B BCRP, OATP
Élimination Biliaire Biliaire (> 88 %) Biliaire Biliaire (> 94 %) Biliaire
T1/2 10-13 heures 5,5 heures 31 heures 29-42 heures 6-9 heures
LPP : liaison aux protéines plasmatiques ; ND : non disponible.
a Données non disponibles concernant les enzymes impliquées dans le métabolisme du glécaprévir et pibrentasvir.
Chapitre 21. Antiviraux d’action directe contre le VHC 171

Tableau 21.3. Principales caractéristiques pharmacocinétiques des inhibiteurs de NS5B et NS5A.

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Sofosbuvir Dasabuvir Daclatasvir Lédispavir Ombitasvir Elbasvir Velpatasvir Pibrentasvir
LPP 61-65 % > 99,5 % > 99 % > 99,8 % > 99,9 % > 99,9 % > 99,5 % > 99,8 %
(GS-331007
minime)
Métabolisme Pas de CYP2C8 ++ CYP3A4 Faible Hydrolyse des CYP3A4 CYP3A4, Hépatiquea
métabolisme CYP3A4 (oxydatif) amides +  CYP2C8, 2B6
hépatique métabolisme
(figure 21.3) oxydatif
Transporteur P-gp, BCRP P-gp, BCRP P-gp P-gp, BCRP P-gp, BCRP P-gp P-gp, BCRP, P-gp, BCRP,
OATP1B1/1B3 OATP
Élimination Rénale Biliaire Biliaire Biliaire Biliaire Biliaire Biliaire Biliaire
(> 80 % dont (> 94 %) (> 85 %) (> 90 %) (> 99 %)
78 % en
GS-331007)
T1/2 0,5 heure 5,5-6 heures 12-15 47 heures 21-25 heures ∼24 12-13 heures 20-22
(GS-331007 : heures heures heures
27 heures)
a Données non disponibles concernant les enzymes impliquées dans le métabolisme du glécaprévir et pibrentasvir.

disponibles pour les plus récents, voxilaprévir, sain recevant une dose unique de 400 mg, atteint
glécaprévir/pibrentasvir. d’insuffisance rénale légère, modérée ou sévère.
Le sofosbuvir, promédicament, présente un Cette augmentation était plus faible chez le
profil pharmacocinétique particulier. Le sofos- patient hémodialysés (28 et 60 % respectivement
buvir n’est pas métabolisé au niveau hépatique avant et après dialyse pour le sofosbuvir et d’un
mais au niveau intracellulaire par la CatA, la facteur 10 et 20 pour le GS-331007).
carboxylestérase 1 (CES1) et l’histidine triad Une étude récente conduite chez 12 patients
nucleotide-binding protein 1 (Hint1). Le dérivé infectés par le VHC hémodialysés recevant
triphosphate actif, GS-461203, est formé après un traitement par sofosbuvir à la posologie de
plusieurs étapes de phosphorylation par la pyri- 400  mg trois fois par semaine ou de 400  mg
midine nucléoside monophosphate kinase (UMP- tous les jours, n’a pas montré d’accumulation
CMPK) et la nucléoside diphosphate kinase significative du sofosbuvir ou de son métabolite,
(NDPK). Il est ensuite hydrolysé en GS-331007, malgré une exposition du GS-331007 très aug-
principal métabolite retrouvé aux niveaux sanguin mentée par rapport aux patients à fonction rénale
et urinaire (figure 21.3). normale. Les tolérances clinique et biologique
Aucune adaptation de posologie chez l’insuffi- ont été bonnes chez tous les patients mais deux
sant rénal n’est recommandée et le choix des anti- échecs sont survenus chez les patients traités trois
viraux d’action directe dans cette population tient fois par semaine, conduisant les auteurs à recom-
compte surtout des données des essais cliniques mander le maintien de la posologie journalière
disponibles ou des interactions médicamenteuses associé à une surveillance clinique et pharmacolo-
(patient greffé ou co-infecté par le VIH). gique [4]. Sur le plan réglementaire, le sofosbuvir
Concernant le sofosbuvir qui présente une élimi- n’est pas recommandé chez l’insuffisant rénal
nation majoritairement rénale, une augmentation sévère (débit de filtration glomérulaire estimé
significative de son exposition (de 62 à 171  %) [DFGe] < 30 ml/min/1,73m2) en l’absence de
et de celle de son métabolite GS-331007 (de données sur la sécurité d’emploi et la dose appro-
57 à 451  %) a été rapportée chez le volontaire priée ainsi qu’en cas d’insuffisance rénale terminale
172 Antiviraux

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Figure 21.3. Métabolisme et élimination du sofosbuvir.

nécessitant une hémodialyse. Les données ne Interactions


sont pas encore disponibles pour les plus récents, médicamenteuses
voxilaprévir, glécaprévir/pibrentasvir.
Par ordre de fréquence et de gravité, les interac-
tions médicamenteuses sont plus fréquentes avec
Relations PK/PD et STP les inhibiteurs de protéase (-prévir) puis avec les
inhibiteurs de la NS5A (-asvir), et moins fré-
Les antiviraux d’action directe présentent pour quentes avec les inhibiteurs de la NS5B (-buvir).
la plupart, à l’exception du sofosbuvir, une rela- Au niveau des enzymes du métabolisme, le simé-
tion PK/PD, la concentration résiduelle étant prévir, le paritaprévir/ritonavir et le grazoprévir
considérée comme le paramètre PK prédictif de la sont des inhibiteurs du CYP3A4, l’ombitasvir
réponse virologique. et le dasabuvir inhibent l’UGT1A1. Au niveau
Le STP des antiviraux d’action directe n’est des transporteurs, la plupart, à l’exception du
cependant actuellement pas recommandé de sofosbuvir dont le profil d’interaction est le plus
manière systématique en pratique courante, du neutre et de l’ombitasvir, sont des inhibiteurs
fait des taux de réponses élevés et des bons profils légers à modérés de la glycoprotéine P et/ou
de tolérance observés avec les traitements par anti- de la BCRP et/ou des transporteurs d’influx
viraux d’action directe, et en l’absence de niveau hépatique OATP (principalement OATP1B1 et
de preuve validant son utilisation. Cependant, des 1B3).
dosages plasmatiques d’antiviraux d’action directe Toutes les comédications doivent donc être sys-
peuvent être envisagés dans les situations difficiles, tématiquement listées et les interactions recher-
en particulier en cas d’antécédent d’échec à un chées avant la mise sous traitement et pendant toute
premier traitement par antiviraux d’action directe, la durée du traitement lors des réunions de concer-
en cas de cirrhose Child B, C ou décompensée, tations pluridisciplinaires avec le pharmacologue
d’interactions médicamenteuses (adaptation de référent, ou à l’aide de sites régulièrement actua-
posologie recommandée avec certains antirétrovi- lisés et facilement accessibles (http://www.hep-
raux), ou chez les hémodialysés. druginteractions.org ; www.afef.asso.fr).
Chapitre 21. Antiviraux d’action directe contre le VHC 173

Les interactions médicamenteuses sont plus Il faut également tenir compte du risque
nombreuses, notamment dans la population co- d’interaction avec les autres comédications. Une

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infectée VIH-VHC avec les traitements antiré- attention toute particulière doit être portée sur le
troviraux. En cas d’interactions attendues ou non risque d’interactions avec notamment :
étudiées, le traitement antirétroviral peut être • les hypolipémiants (statines), qui devront
modifié en privilégiant des molécules antirétro- parfois être interrompues temporairement le
virales n’ayant peu ou pas d’interaction signifi- temps de la durée du traitement anti-VHC ;
cative avec les traitements anti-VHC (exemple  : • les traitements à visée neuropsychiatrique ;
rilpivirine, raltégravir, dolutégravir, maraviroc, • les traitements de substitution de la pharmaco-
enfuvirtide, inhibiteurs nucléis(t)idiques de la trans- dépendance aux opiacés ;
criptase inverse), sous réserve que la modification • les traitements par nouveaux anticoagulants par
n’implique pas de risque d’échappement virolo- voie orale ;
gique VIH, après analyse détaillée des antécédents • les traitements immunosuppresseurs.
thérapeutiques et de l’ensemble de mutations de Enfin, il convient de vérifier auprès des patients
résistance (sur génotype historique cumulé). la consommation de drogues illicites, quels que
Dans les situations où il existe des interactions soient le mode et la fréquence de consommation,
multiples et où il n’est pas possible d’effectuer une qui peuvent également conduire à des toxicités
optimisation du traitement antirétroviral, on peut potentiellement fatales avec certaines drogues.
recommander :
• un STP des antirétroviraux et/ou antiviraux
d’action directe ; Effets indésirables
• une adaptation de posologie des antirétroviraux
et/ou antiviraux d’action directe associés à un Les antiviraux d’action directe de 2e génération
STP ; présentent un bon profil de tolérance, ce qui
• une surveillance biologique et clinique renfor- a permis une avancée majeure en comparaison
cée ou spécifique. aux AAD de 1re génération et à la bithérapie
C’est par exemple le cas avec la rilpivirine ribavirine/interféron pégylé qui conduisaient à de
pour laquelle le risque d’allongement du QTc est nombreux arrêts de traitement.
directement corrélé à des concentrations élevées Des effets indésirables généraux sont cependant
de rilpivirine (généralement  >  300-350  ng/ml retrouvés chez plus de 5 à 10  % des patients
en résiduel) alors que les valeurs retrouvées dans (nausées, insomnies, céphalées, asthénie, diar-
les essais thérapeutiques sont de 60 à 100 ng/ml. rhée). Ils sont le plus souvent de grade 1 à 2 et
L’association avec des « boosters » ou des molé- n’entraînent que rarement un arrêt du traitement.
cules inhibant le CYP3A4, comme le paritaprévir/ D’autres, plus sévères mais plus rares, doivent
ritonavir doit donc faire indiquer un monitoring être systématiquement recherchés  : tachycardies
pharmacologique associé à une surveillance de ou bradycardies (par troubles de la conduction
l’ECG. Ce risque doit être également évalué associés au sofosbuvir et favorisés par la prise
en cas d’association avec d’autres comédications concomitante d’amiodarone et qui est, de ce
allongeant le QTc (exemple : méthadone). fait, contre-indiquée), décompensation de cir-
Le degré de l’inhibition est souvent variable rhose. Enfin, quelques cas d’hypertension arté-
d’une molécule à l’autre et selon les individus rielle pulmonaire apparaissant sous traitement par
et ne conduit pas toujours à des concentrations antiviraux d’action directe ont été décrits chez des
toxiques. Cependant, en l’absence de marqueur patients cirrhotiques en attente de transplantation
permettant de prédire le résultat de cette inhi- hépatique.
bition chez un individu donné, le STP permet Au niveau biologique, il convient toujours de
d’accompagner et de valider l’association avec une surveiller le risque d’anémie chez les patients
sécurité maximale, associé à une surveillance cli- traités par ribavirine mais également des augmen-
nique et/ou biologique selon la toxicité attendue. tation des ALAT à plus de dix fois la normale
174 Antiviraux

supérieure (ce qui constitue un critère d’arrêt Contre-indications


du traitement par antiviraux d’action directe)  ;

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en raison de son caractère exceptionnel, il faut La principale contre-indication commune à toutes
toujours rechercher une autre cause avant l’arrêt ces molécules est l’hypersensibilité à la molécule
du traitement par antiviraux d’action directe ou aux excipients utilisés.
(notamment une réactivation VHB). Une atten- Certains, comme vu précédemment sont
tion particulière doit donc être portée à ce risque, contre-indiqués en cas d’insuffisance hépatique
en cas de traitement d’une infection VHC chez modérée ou sévère (grazoprévir/elbasvir ; parita-
une personne ayant une antigénémie HBs positive prévir/ritonavir/ombitasvir ± dasabuvir).
ou un profil de type anti-HBc isolé. Enfin, les contre-indications absolues, spéci-
Enfin, il est recommandé de surveiller l’appa- fiques à chaque molécule sont présentées dans
rition ou l’aggravation d’une insuffisance rénale, le tableau  21.4. En pratique clinique, d’autres
favorisée par certaines interactions (ledipasvir- contre-indications sont préconisées par les socié-
ténofovir ou velpatasvir-ténofovir) ou par l’exis- tés savantes et les recommandations d’experts
tence d’une cirrhose, d’autant plus si elle est mais ne sont listées ci-dessous que les contre-
décompensée et/ou si néphropathie préexistante. indications réglementaires des monographies.

Tableau 21.4. Contre-indications médicamenteuses des antiviraux d’action directe.


DCI Contre-indications médicamenteuses
Siméprévir Millepertuis (Hypericum perforatum)
Sofosbuvir Inducteurs puissants de la glycoprotéine P : rifampicine, rifabutine, millepertuis (H. perforatum), carbamazépine,
phénobarbital et phénytoïne)
Daclatasvir Inducteurs puissants du CYP3A4 et de la glycoprotéine P : phénytoïne, carbamazépine, oxcarbazépine, phénobar-
bital, rifampicine, rifabutine, rifapentine, dexaméthasone à usage systémique et le millepertuis (H. perforatum)
Sofosbuvir + lédipasvir Rosuvastatine
Inducteurs puissants de la glycoprotéine P : rifampicine, rifabutine, millepertuis (H. perforatum), carbamazépine,
phénobarbital et phénytoïne
Dasabuvir Médicaments contenant de l’éthinylestradiol tels que la plupart des CO combinés ou des anneaux vaginaux
contraceptifs
Inducteurs enzymatiques puissants ou modérés : carbamazépine, phénytoïne, phénobarbital, éfavirenz,
névirapine, étravirine, enzalutamide, mitotane, rifampicine, millepertuis (H. perforatum)
Puissants inhibiteurs du CYP2C8 : gemfibrozil
Cf. contre-indication paritaprévir/ritonavir/ombitasvir, car toujours associé
Paritaprévir/ritonavir  Médicaments contenant de l’éthinylestradiol tels que la plupart des CO combinés ou des anneaux vaginaux
+ ombitasvir contraceptifs
Médicaments dont la clairance est fortement dépendante du CYP3A : chlorhydrate d’alfuzosine, amiodarone,
astémizole, terfénadine, cisapride, colchicine chez les patients avec une IR ou IH, dronédarone, ergotamine,
dihydroergotamine, ergonovine, méthylergométrine, acide fusidique, lovastatine, simvastatine, atorvastatine,
lurasidone, midazolam oral, triazolam, pimozide, quétiapine, quinidine, ranolazine, salmétérol, sildénafil (lorsqu’il
est utilisé dans le traitement de l’hypertension artérielle pulmonaire), ticagrélor
Inducteurs enzymatiques puissants ou modérés : carbamazépine, phénytoïne, phénobarbital, éfavirenz,
névirapine, étravirine, enzalutamide, mitotane, rifampicine, millepertuis (H. perforatum)
Inhibiteurs puissants du CYP3A4 : cobicistat, indinavir, lopinavir/ritonavir, saquinavir, tipranavir, itraconazole,
kétoconazole, posaconazole, voriconazole, clarithromycine, télithromycine, conivaptan
Grazoprévir + elbasvir Inhibiteurs d’OATP1B : rifampicine, atazanavir, darunavir, lopinavir/ritonavir, ritonavir, saquinavir, tipranavir,
cobicistat, ciclosporine
Inducteurs du CYP3A ou de la glycoprotéine P : éfavirenz, phénytoïne, carbamazépine, bosentan, étravirine,
modafinil, millepertuis (H. perforatum)
Sofosbuvir + velpatasvir Inducteurs puissants de la glycoprotéine P et des CYP450 : rifampicine, rifabutine, millepertuis (H. perforatum),
carbamazépine, phénobarbital et phénytoïne
Chapitre 21. Antiviraux d’action directe contre le VHC 175

Grossesse Références

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[1] Bartenschlager R, Lohmann V, Penin F. The molecu-
Les données sur l’utilisation des antiviraux lar and structural basis of advanced antiviral therapy
for hepatitis C virus infection. Nat Rev Microbiol
d’action directe chez la femme enceinte sont très
2013;11:482–96.
limitées. À l’exception du velpatasvir pour lequel [2] Asselah T, Benhamou Y, Marcellin P. Protease and
un lien possible avec une toxicité sur la repro- polymerase inhibitors for the treatment of hepatitis
duction (effet tératogène potentiel retrouvé chez C. Liver Int 2009;29 Suppl 1:57–67.
le lapin uniquement) a été mis en évidence, les [3] Recommandations AFEF sur la prise en charge de
différentes études effectuées chez l’animal n’ont l’hépatite virale C. Mars 2017. Avec le soutien de la
Société de pathologie infectieuse de langue française
pas mis en évidence d’effets délétères directs ou
(SPILF). Disponible sur http://www.afef.asso.fr/.
indirects sur la reproduction. Cependant, par [4] Desnoyer A, Pospai D, Lê MP, Gervais A, Heurgué-
mesure de précaution, l’utilisation des antiviraux Berlot A, Laradi A, et al. Pharmacokinetics, safety and
d’action directe pendant la grossesse n’est pas efficacy of a full dose sofosbuvir-based regimen given
recommandée. daily in hemodialysis patients with chronic hepatitis
En cas d’association avec la ribavirine, la gros- C. J Hepatol 2016;65:40–7.
sesse devient une contre-indication absolue
compte tenu des effets tératogènes et/ou embryo-
toxiques significatifs démontrés chez toutes les
espèces animales exposées à la ribavirine.
Chapitre 22

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Anti-Herpesviridae
Marie-Clémence Verdier

Points-clés Inhibiteurs de la synthèse


j Les médicaments actuels ciblent l’ADN des acides nucléiques-analogues
polymérase virale. Aciclovir, ganciclovir,
penciclovir et cidofovir (sous ATU) nécessitent
nucléos(t)idiques
une étape de phosphorylation intracellulaire
• Aciclovir/valaciclovir (voies intraveineuse, orale,
médiée par des enzymes virales.
j Leur pharmacocinétique montre une grande
cutanée, ophtalmique).
variabilité interindividuelle, or une relation • Ganciclovir/valganciclovir (voies intraveineuse,
concentration-efficacité ainsi qu’une relation orale, ophtalmique).
concentration-toxicité ont pu être mises en • Penciclovir (voie locale)/famciclovir (voie orale).
évidence, au moins pour l’aciclovir et le • Cidofovir (voie intraveineuse).
ganciclovir. Un suivi des concentrations Parmi ces molécules, le valaciclovir est une pro-
plasmatiques peut donc être recommandé. drogue de l’aciclovir  ; le valganciclovir est
j La fonction rénale a un fort impact sur une prodrogue du ganciclovir  ; le famciclovir
ces molécules qui ne sont pas ou très peu
est une prodrogue administrable per os du
métabolisées, ce qui justifie une adaptation des
posologies à la clairance de la créatinine.
penciclovir qui est la molécule active utilisée
j Les principaux effets indésirables sont d’ordre essentiellement en topique.
neurologique (encéphalopathie sous aciclovir en
intraveineuse), myélosuppression (ganciclovir), Inhibiteurs non nucléosidiques
et néphrotoxicité (cidofovir, coadministré avec
du probénécide et foscarnet). Une bonne
de la synthèse des
hydratation et un débit d’injection lent permettent acides nucléiques
de limiter ces effets néphrotoxiques.
Foscarnet (voie intraveineuse).

Médicaments existants Mécanismes d’action [1]

Pour prévenir ou traiter les infections virales On peut décrire trois grands mécanismes d’action
par virus de type herpès, nous disposons de ces molécules anti-Herpesviridae (figure 22.1).
aujourd’hui de cinq molécules parmi lesquelles
seules l’aciclovir et le ganciclovir et leurs formes Inhibition de l’ADN
orales peuvent être indiquées en prophylaxie polymérase virale
(tableau 22.1). Plusieurs molécules sont à ce jour
en cours d’évaluation dans des essais cliniques L’aciclovir, le ganciclovir et le penciclovir inter­
de phases 2 et 3. Les médicaments aujourd’hui rompent l’élongation de l’ADN viral après
disponibles peuvent être différenciés selon leur une étape d’activation par triphosphorylation
mécanisme d’action. intracellulaire. La première étape de phosphorylation

Pharmacologie des anti-infectieux


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178 Antiviraux

Tableau 22.1. Nomenclature des virus herpès.

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Nomenclature Définition Infection opportuniste Médicaments indiqués
HHV-1 HSV-1 Herpès cutanéomuqueux extensif Aciclovir/valaciclovir ; famciclovir ; foscarnet
HHV-2 HSV-2 Herpès cutanéomuqueux extensif Aciclovir/valaciclovir ; famciclovir ; foscarnet
HHV-3 VZV Varicelle maligne Valaciclovir, famciclovir
Zona
HHV-4 CMV Pneumopathie, rétinite Ganciclovir/valganciclovir ; valaciclovir ;
Encéphalite, colite Patient immunodéprimé : foscarnet ; cidofovir
HHV-5 EBV Mononucléose infectieuse /
HHV-6, HHV-7 6e et 7e HHV Pneumopathie, rétinite, encéphalite, hépatite /
HHV-8 8e HHV Maladie de Kaposi, maladie de Castleman, /
lymphome primitif des séreuses

Figure 22.1. Cibles d’action des médicaments indiqués dans les infections à CMV.
Source : d’après [1].

est catalysée par des thymidines kinases virales Les valaciclovir, valganciclovir et famciclovir
(aciclovir, penciclovir), ou par la phospho­ agissent exactement de la même façon mais doi-
transférase virale UL97 (ganciclovir). Les deux vent préalablement être transformés en aciclovir,
autres phosphorylations sont ensuite effectuées ganciclovir et penciclovir, respectivement. Le
par des enzymes intracellulaires. Ces trois molé- valaciclovir et le valganciclovir sont des L-valine
cules actives, aciclovir, ganciclovir et penciclovir, esters rapidement hydrolysés respectivement en
sont des analogues de la guanine qui entrent en aciclovir et ganciclovir par des enzymes de type
compétition avec la déoxyguanosine triphosphate hydrolase ou estérases intestinales et hépatiques.
en s’incorporant dans l’ADN viral, ou en inhibant Le famciclovir est transformé en penciclovir par
de façon compétitive l’ADN polymérase virale. l’action d’aldéhyde oxydase.
Chapitre 22. Anti-Herpesviridae 179

Inhibition de l’ADN essais allant de 200 à 800 mg/j. D’autres études


polymérase virale après sont en cours pour confirmer ces données.

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diphosphorylation (cidofovir) Le létermovir, de la nouvelle classe des quinazo-
lines, agit après la synthèse de l’ADN viral en inhibant
Le cidofovir est un analogue nucléotidique de la la sous-unité protéique pUL56 qui, conjointement
cytosine. Après double phosphorylation par les avec pUL89, est un élément clé du complexe enzy-
kinases cellulaires, le cidofovir va s’incorporer matique nommé terminase, directement impliqué
dans l’ADN viral, ou inhiber l’ADN polymérase dans le clivage de l’ADN viral et son empaquetage
virale, provoquant une terminaison prématurée dans les virions nouvellement formés. Son méca-
de la synthèse de l’ADN viral. nisme d’action différent lui confère une efficacité
contre les virus résistants aux autres molécules. Il a
d’ores et déjà montré une efficacité en prophylaxie
Inhibition directe de l’ADN et dans le traitement préemptif des infections à CMV
polymérase virale (foscarnet) chez les patients transplantés [3, 4].
Le brincidofovir est un conjugué lipidique du
Le foscarnet est un analogue du pyrophosphate cidofovir qui a montré une activité in vitro 420 fois
qui va bloquer le site de liaison au pyrophos- supérieure à celle du cidofovir, probablement due
phate de l’ADN polymérase, ce qui va bloquer le à son caractère lipophile qui facilite la pénétration
clivage du pyrophosphate à partir du nucléoside intracellulaire. Après sa conversion intracellulaire
triphosphate terminal ajouté à la chaîne d’ADN en cidofovir diphosphate, il va inhiber l’ADN
en croissance [2]. polymérase virale UL54. Il est actif in vitro contre
Les molécules nécessitant une activation par les les virus à ADN double brin de type adénovirus,
enzymes virales s’accumulent uniquement dans herpèsvirus, papillomavirus humain, polyomavirus
les cellules infectées et non dans les cellules saines, (dont BK virus) et orthopoxvirus. Cependant,
ce qui leur procure une moindre toxicité et un une étude de phase III (étude Suppress), visant à
moindre risque d’interactions médicamenteuses comparer l’efficacité du brincidofovir versus pla-
sans qu’elles en soient toutefois exemptes. En cebo dans la prévention de l’infection à CMV chez
contrepartie, ces voies de phosphorylation sont des patients ayant bénéficié de greffe de cellules
aussi des voies de développement de résistances souches hématopoïétiques, a échoué à montrer la
aux traitements. Typiquement, la mutation du supériorité du brincidofovir. Deux autres études
gène UL97 codant pour la phosphotransférase (Sustain et Surpass) évaluant l’efficacité du brin-
virale provoque une résistance des virus au ganci- cidofovir chez les patients transplantés rénaux
clovir. Ainsi, le cidofovir pourra rester actif contre ont été menées et sont en attente des résultats
ces souches dont les thymidines kinases ou les (résultats non publiés en juillet 2017) [5].
phosphotransférases ont été rendues déficientes.
D’autres molécules ont montré une certaine Spectres et indications
efficacité contre le CMV.
Le maribavir, après un faux départ (échec lors Spectres
d’une étude de phase 3) se révèle finalement
intéressant. Il a un mécanisme d’action un peu • Aciclovir : a une activité clinique majeure contre
différent des précédentes en agissant par inhibition HSV-1 et HSV-2, moindre contre VZV. In vitro,
de l’activité protéine kinase UL97. Cela conduit à il est faiblement actif contre le virus d’Epstein-
l’inhibition de la réplication de l’ADN du CMV, Barr (EBV), contre le cytomégalovirus (CMV)
inhibition de la maturation, de l’encapsidation et contre herpèsvirus humain type 6 (HHV-6).
et de la sortie du noyau des capsides virales. Des • Ganciclovir  : présente une activité in vitro
études ont montré une efficacité du maribavir dans contre CMV, Herpes simplex virus (HSV), virus
les infections à CMV résistant chez les patients varicelle-zona (VZV), EBV, HHV-6 et HHV-8.
transplantés, à des doses supérieures aux premiers Son activité contre le CMV est estimée 100 fois
180 Antiviraux

supérieure à celle de l’aciclovir. En clinique, il Infections à HSV


est indiqué dans les infections à CMV chez le

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L’utilité d’une prophylaxie primaire chez les sujets
patient transplanté. immunodéprimés n’est pas clairement tranchée.
• Foscarnet : présente une activité in vitro contre Le valaciclovir serait la molécule de choix dans
HSV, VZV, CMV, EBV, HHV-6, HHV-8 et cette situation. La mise en place d’une pro-
également VIH-1. En clinique, il est indiqué phylaxie secondaire suite à plusieurs récurrences
dans les infections à CMV et HSV. d’infections à HSV, en particulier infections
• Cidofovir  : actif in vitro contre HSV, VZV, génitales tant chez le sujet immunocompétent
CMV, EBV, HHV-6, HHV-8, adénovirus, qu’immunodéprimé, semble moins discutée mais
poxvirus, polyomavirus et le papillomavirus. Le pose la question de la sélection de mutants résis-
cidofovir n’est plus commercialisé en France et tants. Dans cette situation, le valaciclovir ou le
fait l’objet désormais d’une ATU. famciclovir sont les molécules de choix. Pour
le traitement curatif des infections à HSV, le
valaciclovir ou le famciclovir sont indiqués dans
Indications les formes non graves et l’aciclovir injectable est
Infections à CMV privilégié pour les formes sévères.

Les infections à CMV chez le sujet immunocompé-


tent sont rarement graves et ne peuvent nécessiter un
traitement qu’en cas de lésions tissulaires associées Pharmacocinétique
à une charge virale élevée ou en présence de CMV
retrouvé localement. Dans cette situation, le valgan- Aciclovir/valaciclovir
ciclovir semble être le traitement de 1re intention.
Les principales situations à risque d’infection Absorption
à CMV sont les patients transplantés d’organe L’aciclovir est très mal absorbé (environ 20 % de
solide, les greffes de cellules souches hématopoï­ la dose administrée), tandis que le valaciclovir a
étiques et les patients atteints du sida. L’infection à une absorption trois à cinq fois supérieure. La
CMV chez ces patients n’est pas toujours sympto- conversion du valaciclovir en aciclovir se fait en
matique mais peut avoir des conséquences graves 30 à 100 minutes.
(rejet de greffon, atteintes viscérales, risque de La cinétique du valaciclovir n’est pas linéaire,
GVH, etc.). C’est pourquoi une prophylaxie est avec une évolution des concentrations maximales
souvent recommandée dans les premiers mois qui non proportionnelles à la dose, l’absorption
suivent la greffe, et une prise en charge précoce diminuant lorsque la dose augmente. La vitesse
dès l’augmentation de la charge virale sans atten- d’absorption diminue également lorsque la dose
dre les manifestations cliniques est la stratégie augmente, ce qui va retarder le Tmax. L’absorption
dominante. La prophylaxie par ganciclovir est la semble indépendante de la prise de repas.
stratégie dominante, particulièrement chez les
transplantés d’organe solide, en cas de sérologie
Diffusion
positive chez le donneur d’organe et négative
chez le receveur (D+ R–). L’aciclovir a une bonne diffusion tissulaire. Il
Les conditions de mise en place d’un traitement diffuse également dans le LCS à hauteur de 25 %
préemptif après charge virale positive ne sont pas environ (ratio des AUC). La cinétique de l’aci-
clairement définies entre la définition d’un seuil clovir dans le LCS est stable, montrant peu de
de charge virale minimale ou selon la cinétique de fluctuations entre deux administrations du fait
réplication. Dans tous les cas, le (val)ganciclovir d’un équilibre des concentrations très lent entre
est la molécule de premier choix, suivie du fos- le plasma et le LCS. La liaison aux protéines plas-
carnet si intolérance au ganciclovir et du cidofovir matiques est relativement faible, de l’ordre de 10
en cas de résistance aux deux précédents. à 30 %.
Chapitre 22. Anti-Herpesviridae 181

Métabolisme et élimination intestinal et hépatique (Tmax 2 à 3 heures). La prise


du valganciclovir au cours d’un repas augmente

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L’aciclovir est métabolisé en 9-carboxymé-
thoxy-méthylguanine (CMMG) par l’alcool dés- l’absorption, ce qui se traduit par une augmenta-
hydrogénase et l’aldéhyde déshydrogénase et en tion du Cmax et de l’AUC. L’exposition après une
8-hydroxy-aciclovir (8-OH-ACV) par l’aldéhyde prise de 900 mg per os est équivalente à celle d’une
oxydase. Les concentrations respectives de ces deux injection intraveineuse de 5 mg/kg de ganciclovir.
métabolites semblent modifiées chez le patient
insuffisant rénal par rapport au patient normorénal Distribution
(environ 12  % de CMMG et 1  % de 8-OH-aci- Le ganciclovir a une diffusion assez large, avec
clovir chez le normorénal versus 25 et 2,9 % en cas un Vd d’environ 0,7 l/kg. Il diffuse dans le LCS
d’insuffisance rénale) [6]. Il n’y a pas de métabo- avec un ratio concentrations LCS/plasmatique
lisme médié par les CYP450 pour cette molécule. d’environ 50 %. À noter une très bonne diffusion
L’élimination de l’aciclovir se fait majoritaire­ oculaire avec des concentrations équivalentes aux
ment sous forme inchangée dans les urines. La concentrations plasmatiques. Le ganciclovir n’est
demi-vie d’élimination est relativement brève, pas lié aux protéines plasmatiques (1 à 2 %).
allant de 1,5 à 3  heures selon les études et les
populations étudiées. Elle semble plus courte Métabolisme et élimination
chez l’enfant que chez l’adulte [7].
L’élimination de l’aciclovir est corrélée à la fonc- Le ganciclovir est très faiblement métabolisé.
tion rénale, impliquant la nécessité d’une adapta- Il est éliminé par voie rénale (filtration glomé-
tion de la posologie en fonction de la ClCr, passant rulaire  +  sécrétion tubulaire active) sous forme
de 5 mg/kg intraveineuse toutes les 8 heures chez inchangée. Il semblerait que la nature de l’organe
le normorénal à 5  mg/kg toutes les 12  heures transplanté ait une influence sur la clairance du
entre 25 et 60 ml/min de ClCr et 5 mg/kg toutes ganciclovir, avec une clairance significativement
les 24 heures si la ClCr est inférieure à 25 ml/min. inférieure chez les transplantés cardiaques et
Chez le patient hémodialysé, la posologie recom- hépatiques (–40 et –13 %) par rapport aux trans-
mandée est de 2,5  mg/kg toutes les 24  heures, plantés rénaux [8]. L’exposition au ganciclovir est
administrés après la séance de dialyse les jours de corrélée à la fonction rénale, ce qui implique une
dialyse. L’aciclovir est dialysable (posologies don- adaptation de la posologie en fonction de la clai-
nées pour exemple, correspondant au traitement rance de la créatinine. En effet, en cas d’insuffi-
d’une infection par HSV, hors méningo-encépha- sance rénale, le Cmax va doubler (5,7 ± 1,1 µg/ml
lite (données du site GPR http://sitegpr.com). chez le normorénal versus 10,5 ± 2,7 µg/ml pour
une ClCr < 10 ml/min), le Tmax va être retardé
(2 versus 7,3 ± 3,9 heures), le temps de demi-vie
Ganciclovir/valganciclovir va passer de 3,8 ± 0,5 h à 10,2 ± 4,4 h pour une
ClCr entre 20 et 50 ml/min, et 21,8 ± 5,2 heures
Le ganciclovir présente une très grande variabilité pour une ClCr entre 10 et 20 ml/min [9].
pharmacocinétique interindividuelle, avec, à dose Par conséquent, les posologies recommandées
identique, des AUC pouvant aller du simple au pour le traitement d’une infection à CMV par voie
double et des concentrations résiduelles décrites intraveineuse est de 5 mg/kg toutes les 12 heures
pouvant aller de 0,06 à 11,7  µg/ml chez le chez le sujet normorénal ; 2,5 mg/kg toutes les
patient transplanté. 12  heures si la clairance est entre 30 et 60  ml/
min ; 2,5 mg/kg toutes les 24 heures pour une
Absorption
clairance inférieure à 30 ml/min et 1,25 mg/kg
La biodisponibilité orale du ganciclovir est très toutes les 24 heures pour une clairance inférieure
faible tandis que le valganciclovir atteint une à 15  ml/min. Chez le patient hémodialysé, la
biodisponibilité de 60  %. Le valganciclovir est posologie recommandée est de 1,25 mg/kg trois
rapidement transformé en ganciclovir au niveau fois par semaine, à administrer après la dialyse les
182 Antiviraux

jours de séance du fait du caractère dialysable du Létermovir


ganciclovir (50 à 60  % éliminés au cours d’une

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séance de dialyse) (posologies données à titre Peu de données sont encore disponibles sur la
indicatif, d’après http://www.sitegpr.com). pharmacocinétique du létermovir. Le létermovir
administré par voie orale est rapidement absorbé
avec un Tmax à 1,5 heure, légèrement retardé chez
l’insuffisant hépatique (2 heures). Les données de
Cidofovir
diffusion tissulaires ne sont pas encore connues. Il
Le cidofovir n’est disponible que par voie injec- n’est pas lié aux protéines plasmatiques (1,33 %)
table et il est coadministré avec du probénécide et n’est pas métabolisé par les CYP450. Il est
(inhibiteur de la sécrétion tubulaire active des éliminé à 90  % par voie biliaire via les trans-
molécules acides) pour en limiter la toxicité rénale. porteurs OATP1B1 et OATP1B3. 70 % de la dose
Il n’est pas métabolisé et est éliminé par voie rénale se retrouvent sous forme inchangée, le principal
sous forme inchangée (filtration + sécrétion) avec métabolite décrit est le O-glucuronide-létermovir
une clairance rénale de 149  ml/h/kg, réduite à (6  % de la dose administrée). Le létermovir
96,1 ml/h/kg lorsqu’il est administré avec du pro- a été identifié comme étant un inhibiteur de
bénécide. La demi-vie intracellulaire relativement l’UDP-glucuronosyltransférase 1A1 (UGT1A1).
longue du métabolite actif diphosphorylé, estimée Sa pharmacocinétique est modifiée chez le sujet
à 17  heures, permet un mode d’administration insuffisant hépatique, avec une augmentation de
hebdomadaire en traitement d’induction puis l’AUC de 1,59 fois et une augmentation du Cmax
toutes les deux semaines en traitement d’entretien. de 1,37  fois. En cas d’insuffisance hépatique
sévère, l’AUC est 3,8 fois plus élevée que chez le
patient à fonction hépatique normale [10].
Foscarnet Il semblerait que l’insuffisance hépatique aug-
mente également l’exposition au létermovir sans
Du fait d’une très mauvaise biodisponibilité, le fos- qu’elle nécessite une adaptation de la posologie [11].
carnet n’est disponible que par voie injectable intra-
veineuse. Il est éliminé exclusivement par le rein mais
seuls 80  % de la dose administrée sont retrouvés Relations PK/PD et STP
dans les urines, les 20 % restant se fixant au niveau
de l’os. Son Vd est estimé à 5  l/kg, sa demi-vie Aciclovir
d’élimination est très longue, décrite entre 45 et
80 heures. Sa diffusion tissulaire est bonne, il diffuse La grande variabilité interindividuelle des concen-
également dans le LCS avec des concentrations attei- trations d’aciclovir, la pharmacocinétique dépen-
gnant environ 60 % des concentrations plasmatiques. dante de la fonction rénale et le contexte clinique
souvent critique des patients nécessitant un traite-
ment par aciclovir peuvent justifier la nécessité d’un
Famciclovir STP. L’aciclovir a une efficacité temps-dépendante,
qui sera donc optimisée si la concentration reste
Le famciclovir est rapidement et totalement dés-
supérieure à la CMI entre deux administrations. La
acétylé et oxydé en penciclovir. Sa biodisponibilité
concentration résiduelle cible est entre 2 et 3 µg/
est de plus de 70 %, indépendante de la prise d’un
ml. Il ne semble pas justifié de mesurer la concen-
repas. Le penciclovir n’est pas métabolisé, il est
tration plasmatique au pic de concentration.
éliminé sous forme inchangée dans les urines. On
retrouve également dans les urines son précurseur
le 6-désoxy-penciclovir. La demi-vie plasmatique Ganciclovir
du penciclovir est d’environ 2 heures, sa demi-vie
intracellulaire est beaucoup plus longue, de 7 à Le niveau de preuve de l’intérêt du STP de ganci-
20 heures. clovir n’est pas parfaitement établi, pourtant un
Chapitre 22. Anti-Herpesviridae 183

faisceau d’arguments plaide en faveur de cette sur- Interactions avec le ganciclovir


veillance. Comme l’aciclovir, l’exposition au ganci-

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clovir va dépendre de la qualité de l’absorption de L’association imipénem-ganciclovir est à éviter car
la prodrogue et de la fonction rénale. Plusieurs elle augmente le risque de convulsions. Compte
travaux ont montré l’importance de la variabilité tenu de la toxicité hématologique et de l’effet
interindividuelle de cette exposition mettant à mal myélosuppresseur du ganciclovir, tout médica-
la relation dose-concentration. La relation concen- ment pouvant induire le même type de toxicité
tration-efficacité a pu être mise en évidence dans dif- sera coadministré avec prudence : triméthoprime,
férentes études montrant un lien entre la survenue mycophénolate mofétil, stavudine, etc.
d’une virémie sous prophylaxie ou sous traitement
curatif et l’AUC et la Cmin de ganciclovir. Concer-
nant la relation concentration-toxicité, il semblerait Interactions avec le cidofovir
que les toxicités hématologiques et neurologiques Attention, en cas de coadministration de pro-
du ganciclovir soient concentration-dépendantes bénécide, prendre en compte le risque d’inter-
bien que cela soit faiblement démontré. actions médicamenteuses liées à ce médicament
La zone thérapeutique recommandée actuelle- inhibiteur de la sécrétion tubulaire de nombreux
ment pour le ganciclovir est de 1 à 2  µg/ml en autres médicaments.
résiduelle (Cmin). Une concentration au pic en fin
de perfusion inférieure à 20  µg/ml est recom-
mandée [12, 13]. Interactions avec le foscarnet
Les autres molécules anti-herpesviridae, cido-
fovir et foscarnet, n’ont pas montré d’intérêt du Si un traitement d’appoint par diurétiques est
suivi des concentrations plasmatiques et nous nécessaire, les thiazidiques sont recommandés. En
n’avons pas encore d’arguments plaidant en raison de leur mécanisme d’action, les diurétiques
faveur du STP des nouvelles molécules comme le de l’anse ne sont pas recommandés, ils peuvent
maribavir ou le létermovir. aggraver la toxicité du foscarnet.

Interactions Effets indésirables


médicamenteuses
Aciclovir/valaciclovir
Compte tenu du faible métabolisme hépatique
L’aciclovir est globalement bien toléré à condi-
de ces médicaments, les risques d’interactions
tion de respecter les précautions d’administration :
métaboliques sont assez limités. En revanche, les
hydratation importante, débit de perfusion lent. On
principales interactions cliniquement significatives
décrit des nausées, diarrhées et céphalées. L’admi-
avec ces molécules concernent la sécrétion rénale.
nistration intraveineuse peut être associée à une
En effet, aciclovir, ganciclovir, foscarnet et cido-
toxicité rénale (cristallurie, néphrite interstitielle) et
fovir font l’objet d’une sécrétion tubulaire active
neurologique (tremblements, délire, convulsions),
et tout médicament inhibant cette sécrétion ou
réversibles en diminuant la posologie ou à l’arrêt
pouvant entrer en compétition avec l’un de ces
du traitement, et majorées par l’insuffisance rénale.
antiviraux aura un impact sur les concentrations
plasmatiques, de même que la néphrotoxicité
induite par un certain nombre de molécules  : le Ganciclovir/valganciclovir
probénécide bien sûr (association recherchée avec
le cidofovir), la cimétidine mais également d’autres L’effet indésirable le plus courant est la myélosup­
antiviraux comme le ténofovir, la lamivudine, pression, particulièrement après administration
l’emtricitabine, l’adéfovir et l’entécavir, certains intraveineuse. On note des leuconeutropénies sévères
antinéoplasiques, les aminosides par exemple. chez 15  % des patients et des thrombocytopénies
184 Antiviraux

chez 4  % des patients. Une relation concen- alopécie (12 %) ont été rapportés à des fréquences
tration-toxicité a été évoquée sans qu’un seuil relativement élevées. Le cidofovir est mutagène,

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de concentration ait pu vraiment être défini. gonadotoxique et embryotoxique.
D’autres effets neurologiques de type convul-
sions, hallucinations, troubles du comportement
ont été décrits, ainsi que des troubles gastro-
intestinaux, des neuropathies périphériques et
Grossesse et allaitement
une hépatotoxicité, plus rares. Le ganciclovir est
mutagène, carcinogène et embryotoxique à dose Aciclovir
élevée chez l’animal.
Les nombreuses données disponibles sont assez
rassurantes. Un traitement par aciclovir peut être
Foscarnet poursuivi ou entrepris pendant la grossesse, quel
que soit le terme. Cependant, l’utilisation d’aci-
Les effets indésirables les plus fréquents du foscar- clovir pendant toute la durée de la grossesse n’a
net sont la néphrotoxicité, observée chez 30 % de pas été évaluée.
patients environ, ainsi que les troubles hydroélec-
trolytiques (hypocalcémie : 30 % ; hypokaliémie :
16 % ; hypomagnésémie : 15 % ; hyperphospho- Ganciclovir
rémie : 8 %). L’hypocalcémie serait due à la ché-
Le traitement est contre-indiqué en l’absence de
lation des ions divalents par le foscarnet, aggravée
contraception efficace ou si une grossesse est en
par l’association à la pentamidine. Elle augmente
cours.
le risque de crises convulsives cérébrales. Des
nausées, vomissements, une augmentation des
enzymes hépatiques ; un risque d’anémie est éga-
lement décrit avec le foscarnet. Des effets locaux
Foscarnet
peuvent apparaître, de type ulcérations génitales Les études animales ne permettant pas d’exclure
(ulcérations du pénis), liées à la forte concen- un risque tératogène, le foscarnet ne doit pas être
tration de médicament ionisé dans les urines. Ces administré, sauf en cas de nécessité absolue.
effets peuvent être évités par une bonne hygiène
locale après miction.
Cidofovir
Cidofovir Le traitement est contre-indiqué en l’absence de
contraception efficace ou si une grossesse est en
Le principal effet indésirable du cidofovir est cours.
sa toxicité tubulaire proximale dose-dépendante
(protéinurie : 41 % ; élévation créatinémie : 16 %), Références
qui peut être réduite d’une part par la coadminis-
tration de probénécide mais également par une [1] Hantz S, Mazeron MC, Alain S, Leruez-Ville M.
Traitement des infections à cytomégalovirus humain
préhydratation importante avant l’administration. (CMV). Médecine Thérapeutique 2009;15:211–22.
Cette néphrotoxicité est cause d’arrêt de traite- [2] Biron KK. Antiviral drugs for cytomegalovirus
ment dans 10 à 25 % des cas. On relève également diseases. Antiviral Res 2006;71:154–63.
sous cidofovir une oculotoxicité pouvant aboutir [3] Chemaly RF, Ullmann AJ, Stoelben S, Richard MP,
à une diminution persistante de l’acuité visuelle, Bornhäuser M, Groth C, et  al. letermovir for cyto-
megalovirus prophylaxis in hematopoietic-cell trans-
avec baisse de la pression intraoculaire (>  50  %
plantation. N Engl J Med 2014;370:1781–9.
dans 9  % des cas). Des neutropénie (20  %), [4] Stoelben S, Arns W, Renders L, Hummel J, Mühlfeld
asthénie (20 %), fièvre (18 %), éruptions cutanées A, Stangl M, et  al. Preemptive treatment of Cyto-
(13  %), nausées et vomissements (12-13  %), megalovirus infection in kidney transplant recipients
Chapitre 22. Anti-Herpesviridae 185

with letermovir: results of a Phase 2a study. Transpl ganciclovir in renal impairment. Clin Pharmacol Ther
Int 2014;27:77–86. 2002;72:142–50.

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[5] Maffini E, Giaccone L, Festuccia M, Brunello L, [10] Kropeit D, McCormick D, Erb-Zohar K, Moiseev VS,
Busca A, Bruno B. Treatment of CMV infection after Kobalava ZD, Stobernack HP, et al. Pharmacokinetics
allogeneic hematopoietic stem cell transplantation. and safety of the anti-human cytomegalovirus drug
Expert Rev Hematol 2016;9:585–96. letermovir in subjects with hepatic impairment: Leter-
[6] Smith JP, Weller S, Johnson B, Nicotera J, Luther movir pharmacokinetics and safety in subjects with
JM, Haas DW. Pharmacokinetics of acyclovir and its hepatic impairment. Br J Clin Pharmacol 2017 jul 18;.
metabolites in cerebrospinal fluid and systemic circu- [11] Kropeit D, Scheuenpflug J, Erb-Zohar K,
lation after administration of high-dose valacyclovir Halabi A, Stobernack HP, Hulskotte EGJ, et  al.
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Antimicrob Agents Chemother 2010;54:1146–51. anti-human cytomegalovirus drug, in patients with
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Chapitre 23

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Médicaments antipaludéens
Éric Dailly, Matthieu Grégoire

Rappels
physiopathologiques
Cinq espèces appartenant au genre Plasmodium
sont responsables du paludisme chez l’homme :
• Plasmodium falciparum, espèce courante sous
les tropiques, à l’origine de la majorité des
formes graves et décès ;
• Plasmodium vivax et Plasmodium knowlesi
(parasite du singe) pouvant aussi provoquer des Figure 23.1. Le cycle de vie du parasite.
infections graves ;
• Plasmodium ovale (rare, Afrique subsaharienne)
cycles de maturation, apparaissent dans les
et Plasmodium malariae.
hématies des formes sexuées non pathogènes, les
Les sporozoïtes du Plasmodium envahissent
gamétocytes. Lors d’une piqûre de moustique
les cellules hépatiques après piqûre par un mous-
chez une personne impaludée, les gamétocytes
tique femelle appartenant au genre Anopheles.
sont aspirés par le moustique et se transforment
Les schizontes deviennent matures dans les
en sporozoïtes infectieux (figure 23.1).
hépatocytes. Dans l’infection à P. falciparum et
P. malariae, les hépatocytes parasités libèrent en
une seule fois dans la circulation sanguine des Principales molécules
mérozoïtes qui envahissent les hématies. Dans et mécanismes d’action
l’infection à P. vivax et P. ovale, des formes para-
sitaires quiescentes, les hypnozoïtes, persistent Dérivés de la quinine
également dans les hépatocytes et sont à l’ori-
gine de récidives plusieurs années après la primo- La quinine extraite de l’écorce du quinquina (Cinchona
invasion. Les mérozoïtes se transforment dans officinalis) est le traitement historique de l’accès
les hématies en trophozoïtes puis en schizontes. palustre. Elle agit comme tous les dérivés des quino-
Durant cette phase érythrocytaire, le parasite léines (chloroquine, méfloquine, luméfantrine) sur
utilise l’hémoglobine pour son développement. l’utilisation de l’hémoglobine par le parasite.
L’hémoglobine est la principale source d’acides La quinine et ses dérivés sont des bases faibles qui
aminés de l’hématozoaire. Elle est ingérée dans s’accumulent dans la vacuole digestive du parasite
la vacuole digestive du parasite et dégradée. et diminuent son acidité. La ferriproto­porphyrine
L’hème non digéré et toxique sous forme libre IX libérée après protéolyse de l’hémoglobine
est cristallisé sous forme d’hémozoïne (appelé est toxique pour le Plasmodium. Le parasite
également pigment malarique). Après plusieurs se protège de cette toxicité en polymérisant ce

Pharmacologie des anti-infectieux


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190 Antiparasitaires

produit de dégradation de l’hème en un pigment s’explique par la synergie d’action pour empêcher
insoluble cristallisé, l’hémozoïne. Les dérivés des la synthèse des bases pyrimidiques du parasite.

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quinoléïnes inhibent la détoxification des produits De plus, une résistance à l’atovaquone due à des
de dégradation de l’hème en bloquant l’hème mutations sur le gène du CYB du parasite est
polymérase chargée de ce processus. prévenue par l’association avec le proguanil.
On peut distinguer trois sous-familles de dérivés
de la quinine : les 4-aminoquinoléines comme la
chloroquine, les amino-alcools comme la quinine Doxycycline
et les 8-aminoquinoléines comme la primaquine
Le mécanisme de l’action antipaludéenne de la
qui présente la particularité d’être active sur les
doxycycline, un antibiotique de la famille des
hypnozoïtes P. vivax et P. ovale.
tétracyclines, n’est pas parfaitement connu. La
doxycycline agirait en inhibant la synthèse pro-
Dérivés de l’artémisinine téique mitochondriale. La doxycycline pourrait
également agir sur l’apicoplaste, une structure
Ces molécules sont dérivées de l’artémisinine
cellulaire essentielle au parasite.
extraite de l’armoise annuelle (Artemisia annua).
Le fer de l’hème érythrocytaire catalyse une réac-
tion de scission du pont endoperoxyde de l’artémi-
sinine entraînant la production de radicaux libres Pharmacodynamie :
dans la vacuole digestive du parasite. Les radicaux effets utiles en clinique
libres formés provoquent par la suite une altération
des protéines et membranes du parasite. Les repré- L’apparition de résistance et en particulier la chlo-
sentants de cette famille de molécule sont l’artémé- roquino-résistance au P. falciparum due à l’appa-
ther, l’artésunate et la dihydroartémisinine. rition de système d’efflux au niveau de la vacuole
digestive limite l’utilisation de la chloroquine.
Inhibiteurs de la synthèse Les dérivés de l’artémisinine jouent un rôle
des acides nucléiques clé dans le traitement curatif du paludisme à
P. falciparum particulièrement dans les situations
Durant la phase de multiplication intraérythrocy- de multirésistance. Les dérivés de l’artémisinine
taire, le parasite synthétise rapidement des acides n’ont pas d’indication en prophylaxie en raison de
nucléiques. La proguanil est un promédicament leur courte demi-vie d’élimination plasmatique.
dont le métabolite actif, le cycloguanil, possède Certains médicaments sont indiqués en curatif
une spécificité d’action vis-à-vis de la dihydrofolate et en chimioprophylaxie pour les sujets se ren-
réductase du Plasmodium. Le métabolite actif de la dant surtout dans les zones d’endémie avérée à
proguanil inhibe la dihydrofolate réductase. Cette P.  falciparum. Les médicaments chimioprophy-
inhibition empêche la synthèse de l’acide folinique lactiques sont efficaces car ils tuent les parasites
nécessaire à la synthèse des bases pyrimidiques et érythrocytaires avant qu’ils se multiplient suffi-
bloque la multiplication de l’hématozoaire. samment pour causer la maladie avec ses manifes-
L’atovaquone inhibe le transport des électrons tations cliniques (tableau 23.1 et tableau 23.2).
au niveau du cytochrome B des mitochondries du
parasite. Par cette inhibition, la régénération de
l’ubiquinone qui est l’accepteur d’électron pour
la dihydroorotate déshydrogénase (DHODH),
une enzyme essentielle pour la synthèse des bases Pharmacocinétique
pyrimidiques, n’est plus assurée.
La proguanil n’est pas utilisée en monothérapie La chloroquine possède une bonne biodispo-
mais en association avec la chloroquine ou avec nibilité par voie orale améliorée par la prise
l’atovaquone. L’association avec l’atovaquone simultanée d’aliments. Son Vd est important en
Chapitre 23. Médicaments antipaludéens 191

Tableau 23.1. Médicaments antipaludéens utilisés en curatif.

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DCI Noms commerciaux Voie Souches sensibles Indications
Chloroquine Nivaquine® Per os P. ovale, P. malariae, Pour les espèces autres que
P. knowlesi, P. vivax (sauf si P. falciparum sans vomissements
présemption de résistance)
Quinine Quinimax®, Intraveineuse P. falciparum (peut manquer Forme non compliquée avec vomis-
Surquina® d’efficacité sur quelques sements (1re intention)
souches en provenance d’Asie Paludisme grave (2e intention)
du Sud-Est
Quinine Lafran®, Per os Forme non compliquée sans vomis-
Surquina® sements (2e intention)
Méfloquine Lariam® Per os P. falciparum, y compris Forme non compliquée sans vomis-
chloroquinorésistant sements (2e intention)
Luméfantrine  Riamet® Per os P. falciparum, y compris Forme non compliquée sans vomis-
+ artéméther chloroquinorésistant sements (1re intention)
Pipéraquine  Eurartésim® Per os P. falciparum, y compris Forme non compliquée sans vomis-
+ dihydroartémisinine chloroquinorésistant sements (1re intention)
Atovaquone  Malarone® Per os P. falciparum, y compris Forme non compliquée sans vomis-
+ proguanil chloroquinorésistant sements (1re intention)
Artésunate Malacef® ATU Intraveineuse P. falciparum, y compris Paludisme grave (1re intention :
nominative chloroquinorésistant réduction significative de la mortalité
par rapport à la quinine intraveineuse)
Primaquine ATU nominative Per os P. vivax, P. ovale En association à la chloroquine pour
éradiquer les hypnozoïtes hépatiques
ATU : autorisation temporaire d’utilisation.

Tableau 23.2. Médicaments antipaludéens utilisés en chimioprophylaxie.


DCI Noms commerciaux Schéma d’administration Indications
Chloroquine Nivaquine® Pendant le séjour et 4 semaines après avoir quitté la zone Zone sans chloroquino-résistance
d’endémie
Chloroquine  Savarine® Au moins 24 heures avant le départ, pendant le séjour et Zone de résistance modérée à la
+ proguanil Nivaquine® 4 semaines après avoir quitté la zone d’endémie chloroquine et au cycloguanil
+ Paludrine®
Atovaquone  Malarone® Au moins 24 heures avant le départ, pendant le séjour Zone de résistance modérée, de
+ proguanil et 1 semaine après avoir quitté la zone d’endémie (pres- multirésistance ou à forte prévalence
cription limitée à 3 mois) de chloroquino-résistance
Méfloquine Lariam® 1re prise 10 jours avant le départ et 2e prise 3 jours Zone de multirésistance ou à forte
avant le départ. Les prises suivantes se feront toutes les prévalence de chloroquino-résistance
semaines à jour fixe. La dernière prise aura lieu au moins
3 semaines après le retour de la zone d’endémie
Doxycycline Doxypalu® Au moins 24 heures avant le départ, pendant le séjour et
4 semaines après avoir quitté la zone d’endémie

raison d’une forte fixation tissulaire, notamment La quinine possède également une bonne dis-
dans les tissus riches en mélanine et dans les ponibilité par voie orale. La quinine est forte-
érythrocytes. La longue demi-vie d’élimination ment liée aux protéines plasmatiques (alpha-1
plasmatique (10 à 30  jours) s’explique par une glycoprotéine acide). Plus le Vd est diminué,
libération tissulaire lente. plus l’infection est grave car la quinine se lie au
192 Antiparasitaires

parasite et diffuse dans les érythrocytes de façon intraveienuse, l’artésunate est rapidement métabo-
proportionnelle à la parasitémie. En raison de la lisé en un métabolite actif, la dihydroartémisinine.

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liaison érythrocytaire au parasite, plus la demi-vie La primaquine possède une bonne biodisponi-
d’élimination augmente, plus l’infection est grave. bilité par voie orale et une large distribution tissu-
La quinine est métabolisée par le CYP3A4. Son laire. Son métabolisme fait intervenir le CYP2D6.
élimination est biliaire à 80 % et urinaire à environ L’influence du polymorphisme du CYP2D6 sur
20 % sous forme inchangée. l’efficacité de la primaquine reste à définir.
La biodisponibilité de la méfloquine est bonne La doxycycline, bien absorbée par voie orale,
par voie orale. Elle possède une forte liaison plas- possède une large distribution tissulaire et une
matique et une large distribution tissulaire. Son élimination mixte, urinaire et biliaire.
élimination est lente (demi-vie d’élimination de
20 j) permettant une administration par semaine
en prophylaxie. L’élimination est essentiellement Sources de variabilité
biliaire dans les fèces sous forme de méfloquine et de la réponse
de métabolites acides.
L’association luméfantrine  +  artéméther doit
Les principales interactions médicamenteuses sus-
être prise par voie orale au cours d’un repas pour
ceptibles d’avoir des conséquences cliniques sont
améliorer la biodisponibilité de ces principes actifs.
récapitulées dans le tableau 23.3.
Les deux principes actifs sont métabolisés par le
CYP3A4. L’artéméther est rapidement métabolisé
en un métabolite actif, la dihydroartémisinine. La
luméfantrine inhibe le CYP2D6. L’artéméther et Surveillance
la dihydroartémisinine ont une demi-vie d’élimi- des effets et STP
nation plasmatique courte d’environ deux heures,
d’où l’intérêt de les associer avec un principe actif Dans les formes graves du paludisme à P. falciparum
ayant une vitesse d’élimination lente comme celle traités par la quinine par voie intraveineuse, si
de la luméfantrine. l’artésunate n’est pas disponible, il est recom-
L’association pipéraquine + dihydroartémisinine mandé de faire un électrocardiogramme (ECG)
doit être prise par voie orale à jeun car la bio- avant le début du traitement et quotidiennement
disponibilité de la pipéraquine augmente avec pendant toute sa durée. Une surveillance électro­
des aliments gras, ce qui risque d’augmenter la cardioscopique, et un contrôle glycémique sont
toxicité cardiaque de la pipéraquine. La pipéra- également instaurés. Le STP de la quinine est éga-
quine est un inhibiteur du CYP3A4. La pipéra- lement recommandé (cf. « STP de la quinine »).
quine possède une vitesse d’élimination lente, En curatif, un suivi parasitologique microscopique
ce qui explique l’intérêt de l’association avec la (au minimum à H72, J7 et J28 ou quotidien
dihydroartémisinine qui s’élimine rapidement. pour les formes graves) est recommandé jusqu’à
L’association atovaquone + proguanil doit être négativation pour suivre l’efficacité du traitement.
prise au cours d’un repas pour améliorer la biodis- Un suivi hématologique pour les patients traités
ponibilité de l’atovaquone. Aucun métabolisme par artésunate doit être assuré pour dépister une
de l’atovaquone n’a été mis en évidence, contrai- éventuelle anémie hémolytique retardée.
rement à la proguanil métabolisée partiellement La primaquine utilisée pour éradiquer les hyp-
par le CYP3A et 2C19 en métabolites dont le nozoïtes hépatiques de P.  vivax et P.  ovale pos-
cycloguanil responsable de l’activité pharmaco- sède une toxicité hématologique chez les patients
logique. Le proguanil et ses métabolites sont ayant un déficit en G6PD. Cet éventuel déficit
éliminés par voie urinaire, contrairement à l’ato- doit être recherché avant d’initier un traitement
vaquone qui est éliminé par voie biliaire. par primaquine.
L’artésunate est un dérivé hydrosoluble adminis- L’association dihydroartémisinine-pipéraquine
trable par voie intraveineuse. Après administration possède un plan de gestion des risques comportant
Chapitre 23. Médicaments antipaludéens 193

Tableau 23.3. Principales interactions médicamenteuses des médicaments antipaludéens.

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Médicaments Contre-indication/déconseillé Précautions d’emploi/à prendre en compte
Chloroquine Médicaments susceptibles de donner des torsades de pointes Topiques gastro-intestinaux anti-acides
(citalopram, l’escitalopram et la dompéridone ) (↓ absorption chloroquine)
Ciclosporine (↑ ciclosporinémie)
Quinine Voir méfloquine
Méfloquine Acide valproïque (effet proconvulsivant de la méfloquine et ↑ du Médicaments susceptibles de donner des
métabolisme de l’acide valproïque) torsades de pointes
Quinine, respecter un minimum de 12 heures entre la fin de Médicaments bradycardisants (bêtabloquant)
l’administration intraveineuse de quinine et le début de l’adminis- Médicaments abaissant le seuil épileptogène
tration de méfloquine
Luméfantrine  Médicaments métabolisés par CYP2D6 Inducteur CYP3A4 (névirapine, éfavirenz)
+ artéméther Médicaments ↑ QTc inhibiteur CYP3A4 (ritonavir)
Puissant inducteur CYP3A4 (rifampicine)
Pipéraquine  Médicaments ↑ QTc Inducteur CYP3A4 (rifampicine) et inhibiteur
+ dihydroartémisinine CYP3A4 (ritonavir)
Atovaquone  Inducteurs enzymatiques (rifampicine, efavirenz, ritonavir)
+ proguanil
Doxycycline Rétinoïdes (risque hypertension intracrânienne)

une surveillance électrocardioscopique. Il est la prise en charge et prévention du paludisme à


recommandé de pratiquer un ECG chez tous les P. falciparum », Société de pathologie infectieuse
patients avant la prise de la dernière des trois doses de langue française, révision 2007).
quotidiennes et environ quatre à six heures après En raison de la forte liaison protéique de la qui-
la dernière dose pour dépister un allongement de nine à l’alpha-1 glycoprotéine acide et des varia-
l’espace QTc pouvant être associé à un risque de tions de la concentration en alpha-1 glycoprotéine
tachyarythmie ventriculaire. Si cet allongement acide, il a été récemment proposé d’effectuer un
est constaté, l’ECG doit être surveillé pendant les suivi de la concentration libre plasmatique de la
24 à 48  heures suivantes et un autre traitement quinine. Cette approche reste à valider.
antipaludéen doit être instauré.

STP de la quinine Effets indésirables


Dans le traitement des formes graves de palu- Les principaux effets indésirables des dérivés de
disme à P.  falciparum traités par la quinine par la quinine et l’artémisinine sont des troubles du
voie intraveineuse, un contrôle quotidien de la rythme cardiaque. En plus de cette toxicité, la
concentration totale plasmatique de la quinine quinine expose le patient à des hypoglycémies
pendant une durée minimale de 72  heures (le par stimulation de la libération d’insuline et au
contrôle de la 72e heure étant indispensable pour cinchonisme (nausées, céphalées, acouphène,
évaluer un sur- ou un sous-dosage) est recom- troubles neurosensoriels, vertiges).
mandé. En cas d’insuffisance rénale ou d’insuffi- La méfloquine expose le patient à des troubles
sance hépatique, ce suivi est recommandé pendant neuropsychiatriques pouvant survenir plusieurs
toute la durée du traitement. Le prélèvement est semaines après l’arrêt du traitement du fait de la
effectué en fin de perfusion lors d’une administra- longue demi-vie de la méfloquine. La tolérance
tion discontinue. La cible pour la concentration digestive de l’association proguanil-atovaquone
plasmatique totale en quinine doit être comprise est médiocre. Les principaux effets indésirables
entre 10 et 12  mg/l («  Recommandations pour sont détaillés dans le tableau 23.4.
194 Antiparasitaires

Tableau 23.4. Principaux effets indésirables des médicaments antipaludéens.

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Médicaments Effets indésirables
Chloroquine Troubles ophtalmologiques, troubles auditifs, toxicité cardiovasculaire (allongement de l’espace QTc),
cutanés (prurit), hématologiques (effet myélosuppresseur) ou neurologiques (exceptionnellement
troubles du comportement, convulsions)
Quinine Allongement de l’espace QTc, cinchonisme, hypoglycémie, hémolyse (déficit en G6PD)
Méfloquine Nausées, vomissements, vertiges, cauchemars fréquents, plus rarement réactions neuropsychia-
triques graves, troubles du rythme cardiaque
Luméfantrine + artéméther Allongement de l’espace QTc
Pipéraquine + dihydroartémisinine Allongement de l’espace QTc
Atovaquone + proguanil Troubles digestifs
Artésunate Allongement de l’espace QTc, neutropénie réticulocytopénie (rare)
Primaquine Nausées, douleurs épigastriques, leucopénie (rare), hémolyse méthémoglobinémie si déficit G6PD
Doxycycline Photosensibilisation, troubles digestifs, urticaire

Contre-indications Grossesse et pédiatrie


Les principales contre-indications qui viennent Les molécules indiquées en pédiatrie et pendant
s’ajouter à celles liées aux interactions médica- la grossesse sont détaillées dans le tableau 23.6.
menteuses sont détaillées dans le tableau 23.5.

Tableau 23.5. Principales contre-indications des médicaments antipaludéens.


Médicaments Contre-indications
Chloroquine Rétinopathies, déficit en G6PD (risque d’anémie hémolytique), porphyrie (risque de crise aiguë)
Quinine Déficit en G6PD
Méfloquine Antécédents psychiatriques, de convulsions, troubles de la conduction cardiaque
Luméfantrine + artéméther Antécédents personnels ou familiaux d’un allongement de l’espace QTc, Anomalies du ionogramme sanguin
(hypokaliémie)
Pipéraquine  Antécédents personnels ou familiaux d’un allongement de l’espace QTc
+ dihydroartémisinine Anomalies du ionogramme sanguin (hypokaliémie)
Atovaquone + proguanil IR sévère (clairance de la créatinine < 30 ml/min)
Primaquine Déficit en G6PD, déficit en NADH méthémoglobine réductase
Chapitre 23. Médicaments antipaludéens 195

Tableau 23.6. Médicaments antipaludéens, grossesse et pédiatrie.

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Enfants Grossesse
Chloroquine Peut être prescrit chez le jeune enfant Administration possible
Quinine Peut être prescrit chez l’enfant Administration possible
Méfloquine Peut être prescrit chez l’enfant (> 5 kg) Administration possible
Luméfantrine  Peut être prescrit chez l’enfant (> 5 kg) Administration déconseillée pendant le 1er trimestre et
+ artéméther envisageable pendant les 2e et 3e trimestres en fonction de la
balance bénéfice/risque
Pipéraquine  Peut être prescrit chez l’enfant (> 5 kg) Administration déconseillée particulièrement pendant le 1er
+ dihydroartémisinine trimestre
Atovaquone  Peut être prescrit chez l’enfant (> 11 kg) Administration possible en l’absence d’alternative
+ proguanil
Artésunate Peut être prescrit chez l’enfant Administration déconseillée sauf si le bénéfice escompté pour la
mère est supérieur au risque potentiel encouru par le fœtus
Primaquine Peut être prescrit chez l’enfant de plus de 6 ans Administration contre indiquée
Doxycycline Peut être prescrit chez l’enfant de plus Administration à éviter pendant le 1er trimestre de la grossesse
de 8 ans par mesure de précaution et contre indiquée pendant les 2e et 3e
trimestres (coloration en jaune dents de lait du futur enfant)
Chapitre 24

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Autres antiparasitaires
Damien Montange

Points-clés d’autres organismes (hôtes). Les parasites sont, de


j Au niveau mondial, les parasitoses représentent par leur morphologie et leur biologie, extrême­
un problème de santé publique majeur (grande ment divers et peuvent être des protozoaires
prévalence, existence de zones d’endémies, unicellulaires  ; des métazoaires multicellulaires
déplacement des populations ou des parasites).
comportant notamment les vers ronds (néma­
j La prise en charge des parasitoses doit prendre
en compte les cycles parasitaires, les réservoirs
todes), les vers plats dont les cestodes et les
parasitaires et le phénomène de réinfestation. trématodes (figure  24.1) et, enfin, des arthro­
j La très grande diversité des parasites implique podes, mollusques, annélides ou parathropodes.
l’utilisation d’un très grand nombre d’antiparasitaires. Les parasitoses représentent actuellement le
j Parmi les antiprotozoaires, les molécules majeures problème de santé publique le plus répandu dans
sont l’amphotéricine B, les nitro-5-imidazolés le monde. Leur prévalence est particulièrement
et l’antimoniate de méglumine. Pour les importante chez l’homme et plus encore chez
antihelminthiques, ce sont les benzimidazolés, l’animal.
l’ivermectine et le praziquantel.
L’épidémiologie est caractérisée par :
j Le profil de tolérance des antiparasitaires est
très variable : excellent pour certaines molécules
• des cycles parasitaires dont l’homme peut faire
à action digestive ; mauvais pour l’antimoniate partie comme hôte habituel ou comme hôte
de méglumine ou la pentamidine. De plus, accidentel ;
pour de nombreuses parasitoses, la mort des • l’existence de réservoirs de parasites (exemple :
parasites peut provoquer des effets indésirables porteurs sains) qui augmentent le risque de dis­
importants (exemple : syndrome de Mazzotti). sémination des pathologies ;
j L’administration des antiparasitaires en association • des modes d’infestation divers : voies orale, trans­
est de plus en plus recommandée. cutanée, aérienne, transplacentaire, sexuelle ou
j Le développement des résistances aux antiparasitaires
par vectorisation (exemple : par le biais d’insectes
est un problème majeur de la médecine
vétérinaire et impacte la médecine humaine.
piqueurs).

À noter que, dans ce chapitre, nous ne traiterons


pas des molécules indiquées pour la prise en
charge du paludisme (traitées dans le chapitre
précédent) ni des ectoparasitoses.

Rappels
physiopathologiques
Figure 24.1. Exemples de parasites : vers ronds :
nématodes. Vers plats : cestodes et trématodes.
Les parasitoses sont des pathologies causées par Source : http://parasite.org.au/para-site/contents/helminth-
des organismes (parasites) qui vivent au dépend intoduction.html.

Pharmacologie des anti-infectieux


© 2018 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
198 Antiparasitaires

La relation entre le parasite et l’hôte peut aller Principales molécules


du portage simple asymptomatique à la maladie et mécanismes d’actions

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aiguë ou chronique. Les parasitoses peuvent être
particulièrement graves (exemple  : onchocercose
Les molécules antiparasitaires appartiennent à de
ou cécité des rivières  ; éléphantiasis due à une
nombreuses familles chimiques ayant des méca­
filariose) et être mortelles si non traitées ou si
nismes d’action différents. Les principales carac­
elles surviennent dans des populations à risque,
téristiques de ces molécules sont :
dénutries ou immunodéprimées (exemple : leish­
• de cibler spécifiquement le parasite par rapport
maniose viscérale ou kala-azar, amibiases et échi­
à l’hôte ;
nococcoses).
• d’avoir une activité sur les différents stades para­
Les manifestations cliniques sont rarement
sitaires ;
pathognomoniques et sont dues :
• de diffuser et d’agir au niveau des localisations
• à des actions du parasite contre l’hôte : spolia­
des parasites.
tions de l’hôte (anémies, spoliations nutritives),
Il y a trois grands types de cibles pharmacolo­
irritations, lésions des tissus, occlusions, libéra­
giques :
tions de substances toxiques, facilitations des
• certaines enzymes ou structures spécifiques des
co-infections (bactériennes ou virales) ;
parasites ;
• à des réactions de l’hôte contre le parasite
• certaines enzymes communes aux parasites et à
(réponse du système immunitaire).
l’homme mais qui sont essentielles aux parasites ;
La prise en charge de ces pathologies comprend
• certaines fonctions biochimiques communes
des traitements individuels préventifs ou curatifs
avec l’hôte mais pharmacologiquement diffé­
mais aussi des programmes nationaux et inter­
rentes chez les parasites.
nationaux de contrôle des endémies parasitaires,
Les principales molécules antiparasitaires dis­
surtout en zone tropicale, qui visent notamment
posant d’une AMM en France, les parasites ciblés
à casser les cycles parasitaires, à lutter contre
et les mécanismes d’action sont résumés dans le
les réservoirs parasitaires ou à lutter contre les
tableau 24.1.
vecteurs.

Tableau 24.1. Principales molécules indiquées pour le traitement des parasitoses et leurs mécanismes d’action.
Molécules Indications (parasites ciblés) Cibles et mécanisme d’action
Antiprotozoaires
Amphotéricine B Leishmania sp Interaction avec l’ergostérol présent dans la membrane des parasites pour
former des pores perméables aux ions et lyser la cellule
Antimoniate de méglumine Leishmania sp Mécanisme d’action encore peu connu. L’activité serait due à l’antimoine
pentavalent Sb5+
Métronidazole E. histolytica Le métabolite actif (forme réduite) peut se lier de façon covalente sur les brins
d’ADN → mort cellulaire
Ornidazole E. histolytica Le métabolite actif (forme réduite) peut se lier de façon covalente sur les brins
G. intestinalis d’ADN → mort cellulaire
T. vaginalis
Pentamidine diiséthionate Leishmania sp Mécanisme d’action encore peu connu
Trypanosoma sp
Pyriméthamine T. gondii Inhibition de la dihydrofolate-synthétase → inhibition de la synthèse d’acide
folique
Secnidazole E. histolytica Le métabolite actif (forme réduite) peut se lier de façon covalente sur les brins
G. intestinalis d’ADN → mort cellulaire
T. vaginalis x
Chapitre 24. Autres antiparasitaires 199

x Spiramycine T. gondii Inhibition de la synthèse protéique par liaison sur les ribosomes

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Sulfadiazine T. gondii Inhibition de la dihydroptéroate synthase → inhibition de la synthèse d’acide
folique
Tinidazole E. histolytica Le métabolite actif (forme réduite) peut se lier de façon covalente sur les brins
G. intestinalis d’ADN → mort cellulaire
T. vaginalis
Tiliquinol + Tibroquinol E. histolytica Antiamibien de contact
Antihelminthiques
Albendazole Ankylostomes Le métabolite sulfoxyde est la forme active.
Ascaris Inhibition de la polymérisation de la tubuline et déstructuration
Echinococcus granulosus des microtubules → inhibition de l’absorption du glucose → inhibition
Echinococcus multilocularis synthèse d’ATP
Oxyures
Strongyloides stercoralis
Taenia saginata
Taenia solium
Trichocéphales
Diéthylcarbamazine Brugia sp Inhibition du métabolisme de l’acide arachidonique chez le parasite →
Loa loa sensibilisation du parasite à l’action du système immunitaire
Onchocerca volvulus
Wuchereria bancrofti
Flubendazole Ascaris Inhibition de la polymérisation de la tubuline et déstructuration
Ankylostomes des microtubules → inhibition de l’absorption du glucose → inhibition
Oxyures synthèse d’ATP
Trichocéphales
Ivermectine Onchocerca volvulus Augmentation de la perméabilité membranaire aux ions chlorures par
Wuchereria bancrofti interaction avec des canaux chlorure glutamate-dépendants des cellules
nerveuses et musculaires
Interaction avec les récepteurs canaux GABAergiques du système nerveux →
paralysie neuromusculaire
Mébendazole Ankylostomes Inhibition de la polymérisation de la tubuline et déstructuration
(ATU nominative) Ascaris des microtubules → inhibition de l’absorption du glucose → inhibition
E. granulosus synthèse d’ATP
Echinococcus multilocularis
Oxyures
Strongyloides stercoralis
T. saginata
T. solium
Trichocéphales
Niclosamide T. saginata Blocage du cycle de Krebs mitochondrial et donc blocage de la synthèse
T. solium d’ATP
Diphyllobotrium latum
Hymenolepis nana
Praziquantel Schistosoma sp Augmentation de la perméabilité membranaire aux ions calcium → paralysie
Douves du foie musculaire
Douves pulmonaires Destruction des téguments par vacuolisation
Pyrantel Ascaris Agoniste des récepteurs cholinergiques nicotiniques → paralysie
Ankylostomes neuromusculaire
Oxyures
Triclabendazole Douves du foie Le métabolite sulfoxyde est la forme active
Inhibition de la polymérisation de la tubuline et déstructuration
des microtubules → inhibition de l’absorption du glucose → inhibition
synthèse d’ATP
200 Antiparasitaires

Pharmacodynamie : Pentamidine di-iséthionate


effets utiles en clinique

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Administrée par voie parentérale, la pentamidine
a été utilisée dans le traitement des trypano­
Antiprotozoaires somiases dès 1935, puis dans le traitement des
leishmanioses à partir des années 1940. Elle a
Amphotéricine B été notamment administrée en Afrique coloniale
L’amphotéricine B est un antiprotozoaire majeur dans le cadre de campagne de chimioprophylaxie
pour la prise en charge des leishmanioses. Elle ne de masse dite «  de lomidinisation  » (du nom
sera pas traitée dans ce chapitre. de la spécialité en France  : Lomidine®) de
1945 à 1960 malgré la survenue de nombreux
effets indésirables graves (exemple  : l’accident
Nitro-5-imidazolés
de Yokadouma en novembre 1954 qui provoqua
Les molécules appartenant à la famille des 32 morts).
nitro-5-imidazolés ont été synthétisées à partir
d’un isolat de Streptomyces dans les années 1960.
Le métronidazole (chef de file) et ses dérivés Antihelminthiques
(ornidazole, secnidazole et tinidazole) sont des
molécules majeures pour la prise en charge des Benzimidazolés
infections à protozoaires. Les nitro-5-imidazolés Les molécules de cette famille présentent une
sont actifs uniquement sur les organismes anaé­ structure chimique commune comprenant un
robies ou micro-aérophiles capables de les réduire cycle imidazole et un cycle benzène. Ce sont
en métabolites hautement réactifs qui dégradent des antihelminthiques majeurs, administrés par
les molécules d’ADN. voie orale et particulièrement actifs contre les
nématodes et sur la plupart des cestodes du
Tiliquinol + tilbroquinol tube digestif. L’albendazole et le triclabendazole
Ces deux molécules sont dérivées de l’hydroxy-8 peuvent être utilisées pour des indications plus
-quinoléine et sont associées au sein d’une même spécifiques, respectivement les échinococcoses et
spécialité pharmaceutique. Ce sont des amoebi­ les facioloses.
cides de contact actifs sur les formes minuta et
kystique d’Entamoeba histolytica. Ils sont adminis­ Diéthylcarbamazine
trés par voie orale afin de décontaminer la lumière
Administrée par voie orale, la diéthylcarbamazine
intestinale, souvent en association avec les amoe­
est un dérivé de la pipérazine (molécule retirée du
bicides tissulaires comme les nitro-5-imidazolés.
marché en France) et est utilisée depuis les années
1950. Le traitement doit être mené en milieu hos­
Médicaments indiqués dans la prise pitalier car il peut provoquer une lyse parasitaire
en charge de la toxoplasmose massive qui entraîne des effets indésirables graves
Le traitement de référence est l’association (syndrome ou réaction de Mazzotti).
pyriméthamine + sulfadiazine. Pour les femmes
enceintes, la spiramycine (molécule de la famille Ivermectine
des macrolides) est utilisée en première intention.
Dérivée de l’avermectine isolée à partir de
Streptomyces avermitilis (travaux pour lesquels
Antimoniate de méglumine –
William C. Campbell et Satoshi Omura ont reçu
Mis sur le marché au milieu des années 1940, le prix Nobel de physiologie ou médecine en
l’antimoniate de méglumine est administré uni­ 2015), l’ivermectine a pris une place primordiale
quement par voie parentérale. Sa structure chi­ dans la prise en charge des filarioses et des anguil­
mique comporte un cation d’antimoine Sb5+. luloses (hors AMM).
Chapitre 24. Autres antiparasitaires 201

Niclosamide Médicaments indiqués dans la prise


en charge de la toxoplasmose

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Mise sur le marché dans les années 1960, la
niclosamide est administrée par voie orale pour Après une prise par voie orale, la biodisponibilité
une action locale sur les tæniasis digestives. de la spiramycine est faible, de l’ordre de 30  %,
en raison d’une résorption incomplète et d’un
Praziquantel effet de premier passage hépatique. Sa liaison
Le praziquantel est un antiparasitaire majeur indi­ aux protéines plasmatiques est de 10  %. Elle va
qué pour le traitement des bilharzioses et des diffuser correctement dans les tissus (exemple  :
distomatoses. Il est aussi devenu le traitement de poumon, foie, bile, reins, ou amygdales) mais ne
référence des tæniasis digestives (hors AMM). passe pas la barrière hématoencéphalique. Son
métabolisme est hépatique et son élimination est
Pyrantel principalement biliaire. Sa demi-vie d’élimination
est de quatre à cinq heures.
Le pyrantel est utilisé pour le traitement des
Concernant l’association pyriméthamine +
parasitoses digestives causées par les helminthes.
sulfadiazine, les deux molécules sont bien résor­
bées après administration orale. La diffusion de
la sulfadiazine est bonne et elle passe la barrière
Pharmacocinétique hématoencéphalique et la barrière placentaire. Les
deux molécules sont excrétées dans les urines, en
Antiprotozoaires partie sous forme de métabolites pour la pyrimé­
thamine. Leur demi-vie plasmatique est d’environ
Nitro-5-imidazolés quatre jours pour la pyriméthamine et 13 heures
pour la sulfadiazine.
L’absorption des nitro-5-imidazolés est rapide et
importante avec une biodisponibilité des formes
Antimoniate de méglumine
orales quasi-totale. La relation entre posologies
et concentrations plasmatiques est linéaire pour Cette molécule est peu ou pas absorbée au niveau
des posologies comprises entre 200 et 2000 mg. intestinal. L’administration doit être parentérale. La
La distribution tissulaire est excellente avec un diffusion tissulaire est bonne, notamment au niveau
passage de la barrière placentaire et de la barrière hépatique et son élimination est urinaire. Sa demi-vie
hématoencéphalique. Les molécules passent éga­ d’élimination est rapide, de l’ordre de deux heures.
lement dans le sperme et les sécrétions vaginales.
La liaison aux protéines plasmatiques est faible Pentamidine diiséthionate
(> 20  %). Le métabolisme hépatique de ces Après administration parentérale, la pentamidine
molécules est variable. Trente à 50 % du métroni­ se distribue largement au niveau tissulaire. Son
dazole est ainsi métabolisé tandis que l’ornidazole métabolisme est mal connu, seuls 10 % de la dose
est métabolisé à 95  %. L’élimination est essen­ administrée sont retrouvés dans les urines sous
tiellement urinaire, sous forme inchangée (10 à forme inchangée. La demi-vie d’élimination après
20 %) et sous forme de métabolites (qui peuvent une dose unique est de l’ordre de six heures après
être actifs comme ceux du métronidazole). Les administration intraveineuse et de l’ordre de neuf
demi-vies d’élimination sont respectivement de heures après administration intramusculaire.
huit à dix heures pour le métronidazole, de 12 à
14 heures pour l’ornidazole et le tinidazole et de
12 à 22 heures pour le secnidazole. Antihelminthiques
Tiliquinol + tilbroquinol Benzimidazolés
Ces deux molécules ne sont peu ou pas absorbées En raison d’une grande lipophilie et/ou d’un effet
au niveau intestinal. de premier passage important, la biodisponiblité
202 Antiparasitaires

des benzimidazolés est mauvaise. Pour le flu­ Praziquantel


bendazole dont les seules indications sont les

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Le praziquantel est rapidement résorbé après
parasitoses intestinales, cela ne pose pas de pro­ administration orale et sa biodisponibilité est de
blèmes. Pour l’albendazole, le mébendazole ou 80 %. Néanmoins, la molécule mère subit un effet
le triclabendazole, lorsqu’un passage systémique de premier passage hépatique important et est
est recherché, l’absorption peut être améliorée rapidement dégradée en de nombreux métabolites
par la prise du médicament au cours d’un repas inactifs. L’élimination est principalement urinaire
riche en graisses. Les molécules mères d’albenda­ (70-80  % de la dose administrée). La demi-vie
zole et de triclabendazole sont très rapidement plasmatique du praziquantel est de 1 à 1,5 heures.
métabolisées en métabolites actifs, les sulfoxydes
(albendazole-sulfoxyde et triclabendazole-sul­ Pyrantel
foxyde). Le métabolisme est hépatique et met
notamment en jeu des cytochromes CYP450 Cette molécule n’est peu ou pas absorbée au
(notamment CYP3A4 ; 1A1, 1A2). L’élimination niveau intestinal.
est principalement biliaire et les demi-vies d’éli­
mination des formes actives sont respectivement
de 8 et 11 heures et de 3 à 6 heures pour l’alben­ Sources de variabilité
dazole-sulfoxyde, le triclabendazole-sulfoxyde et de la réponse
le mébendazole.
Réinfestation
Diéthylcarbamazine
Le phénomène de réinfestation des patients trai­
La diéthylcarbamazine est presque complètement
tés n’est pas à proprement parler une mauvaise
résorbée par voie orale et diffuse largement dans
réponse au traitement antiparasitaire. Néanmoins,
les tissus non graisseux. Son élimination se fait
ses conséquences sont similaires à un échec du
très majoritairement par voie urinaire, sous forme
traitement car le patient se recontamine même
inchangée. Un métabolite actif, le DEC-N-oxyde,
si le traitement a été efficace. En zone tropicale
est obtenu au niveau hépatique. La demi-vie plas­
d’endémie, des mesures pour prendre en charge
matique est de l’ordre de 6 à 12 heures lorsque la
ce phénomène sont déployées sur une large
fonction rénale est normale. L’alcalinisation des
échelle : lutte contre le péril fécal, lutte contre les
urines peut induire une diminution de l’élimina­
réservoirs parasitaires, éducation des populations,
tion de la molécule.
changement des pratiques à risques, etc. Pour les
parasitoses diagnostiquées en France, la préven­
Ivermectine
tion de la réinfestation est plus simple. Par exem­
Après administration par voie orale, l’ivermec­ ple, pour les oxyuroses, des mesures d’hygiène
tine est absorbée à environ 50  %. La liaison rigoureuses sont recommandées  : toilette quo­
aux protéines plasmatiques est d’environ 90  %. tidienne de la région anale, brossage des ongles
L’ivermectine est un substrat des pompes d’efflux plusieurs fois par jour, etc. De plus, comme il est
glycoprotéine P et ne passe pas la barrière héma­ fréquent que l’infestation soit asymptomatique, il
toencéphalique. Son métabolisme est hépatique faut envisager le traitement de tous les membres
et met en jeu des CYP450 (3A4 notamment). de la famille en même temps.
L’ivermectine est dégradée en une dizaine de
métabolites qui sont éliminés à 99  % dans les
fèces. Sa demi-vie plasmatique est de 12 heures.
Développement de résistances
aux antiparasitaires
Niclosamide Le développement de résistances aux antiparasi­
Cette molécule n’est peu ou pas absorbée au taires est une problématique très importante en
niveau intestinal. médecine vétérinaire. En médecine humaine, à
Chapitre 24. Autres antiparasitaires 203

cause d’un nombre croissant de sujets en situa­ Sources de variabilité


tion d’immunodépression (VIH, sujets greffés inter- et intra-individuelles

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ou sous chimiothérapie), ce phénomène prend pour les antiparasitaires
une dimension inquiétante de santé publique,
d’autant plus qu’avec le grand nombre de voyages Interactions médicamenteuses
(cas importés) et les changements climatiques
Les benzimidazolés, le praziquantel et l’ivermec­
(migration des insectes vecteurs), la dissémination
tine ont un métabolisme hépatique important,
géographique de certaines parasitoses progresse.
impliquant notamment les CYP450. À ce titre,
Mécanismes de résistances et même si des études d’interactions manquent
aux nitro-5-imidazolés toujours pour certaines molécules (ivermectine,
triclabendazole), il convient de faire attention
Les cas de résistances aux nitro-5-imidazolés ont à toute association avec un médicament inhi­
été décrits pour Giardia intestinalis et Trichomo- biteur ou inducteur des CYP450. Ainsi, pour
nas vaginalis. Deux mécanismes ont été identifiés : l’albendazole, tant le ritonavir (inhibiteur) que les
• la mutation de gènes codant pour des enzymes anticonvulsivants inducteurs enzymatiques et la
impliquées dans l’activation des prodrogues rifampicine ont provoqué une diminution impor­
(ferredoxine, pyruvate  : ferredoxine oxidoré­ tante des concentrations plasmatiques d’albenda­
ductase [PFOR]) rendant les mutants moins zole et de son métabolite actif.
sensibles à l’action des antiparasitaires ; Lorsque l’association ne peut être évitée, il
• l’augmentation locale des concentrations en est important de surveiller la réponse clinique et
oxygène inactive les métabolites actifs des biologique ainsi que les effets indésirables, et de
nitro-5-imidazolés. réaliser une adaptation éventuelle des posologies.

Mécanismes de résistances État de la fonction rénale


aux benzimidazolés
En cas d’insuffisance rénale, il est nécessaire de
Les mécanismes de résistance aux benzimidazolés diminuer les posologies pour la diéthylcarbama­
ont été trouvés chez différentes espèces de néma­ zine et la sulfadiazine qui sont éliminées sous
todes. Des mutations sur le gène de la β-tubuline forme inchangée dans les urines.
sont responsables de la diminution de l’affinité
des benzimidazolés pour leur cible et, donc, des
résistances observées. Effets indésirables
Mécanismes de résistances Antiprotozoaires
à l’ivermectine
Des sous-populations d’Onchocerca volvulus ont Nitro-5-imidazolés
été identifiées comme étant résistantes à l’iver­ Les nitro-5-imidazolés présentent assez peu
mectine. Pour l’instant, les mécanismes précis ne d’effets indésirables. Ont été rapportés des
sont pas connus. Des hypothèses ont été posées troubles digestifs (nausées, vomissements, gastral­
concernant : gies) ; des affections cutanés à type d’urticaires ou
• la mutation des gènes des cibles de l’iver­ de prurit ; des troubles neurologiques : céphalées,
mectine même si, à ce jour, aucune mutation somnolence, ataxie, confusion et, à très fortes
explorée n’a pu être corrélée à la résistance à la posologies : des hépatites et leucopénies.
molécule ; À noter que le métronidazole colore les urines
• la mutation des gènes codant pour des pro­ en rouge-brun. De plus, en cas de consommation
téines d’efflux comme la glycoprotéine P et d’alcool, les nitro-5-imidazolés provoquent un
MDR1 ; effet antabuse (chaleur, rougeur, vomissement,
• la mutation des gènes codant pour les CYP450. tachycardie).
204 Antiparasitaires

Tiliquinol + tilbroquinol été rapportés. Les autres effets indésirables sont :


céphalées, malaise général, dyspnée, rash cutané,

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Ces molécules ne passant pas au niveau sys­
témique, elles présentent de très rares effets œdème de la face et douleurs abdominales, aug­
indésirables à type d’élévations réversibles des mentation des enzymes hépatiques.
transaminases ; de réactions cutanées d’hypersen­
sibilisation (urticaire, œdème de Quincke) et de Pentamidine diiséthionate
très rares atteintes neuropathiques périphériques La pentamidine entraîne des effets indésirables
ou oculaires lors de traitements prolongés. particulièrement graves et fréquents. Surviennent
fréquemment des IR aiguës (mais réversibles), des
Médicaments indiqués dans la prise abcès et nécroses musculaires au point d’injection,
en charge de la toxoplasmose des crises hypotensives sévères et syncopes, des
Les effets indésirables de la spiramycine sont rares. affections hématologiques (leucopénie, anémie),
Les plus fréquents sont les troubles digestifs et les des troubles digestifs, des troubles du métabo­
signes cutanés à type d’éruptions et prurit. De lisme (hypoglycémie, hyperglycémie, voire dia­
rares atteintes hépatiques ont été décrites. bète, azotémie, hyperkaliémie) et des élévations
La tolérance de l’association pyriméthamine des enzymes hépatiques. Plus rares sont les pan­
+ sulfadiazine est mauvaise  : dans 40  % des cas, créatites aiguës, les troubles cardiaques à type
l’interruption du traitement doit être envisagée. d’allongement du QT, d’arythmies et de torsades
De plus, certains des effets indésirables peuvent de pointe et les syndromes de Stevens-Johnson.
être gravissimes :
• troubles digestifs : nausées, douleur abdominale Antihelminthiques
haute ;
• affections hématologiques et du système lym­ Benzimidazolés
phatique : thrombopénie, anémie hémolytique Le flubendazole présente très peu d’effets indé­
immuno-allergique, neutropénie, anémie méga­ sirables, principalement des troubles digestifs et
loblastique due à un déficit en acide folinique ; d’hypersensibilisation cutanée.
exceptionnellement aplasie médullaire, hémo­ Lors des traitements de courte durée, les effets
lyse (chez les porteurs d’un G6PD). L’adminis­ indésirables de l’albendazole et du mébendazole
tration d’acide folinique aide à prévenir les sont rares  : troubles digestifs (notamment dou­
affections hématologiques ; leurs, diarrhées pouvant être liés à l’expulsion
• affections cutanées  : rash, urticaire, photo­ des parasites intestinaux morts)  ; de réactions
sensibilisation, très rares cas de syndrome de cutanées à type prurit ou urticaire et de cépha­
Stevens-Johnson et de nécrolyse épidermique lées et vertiges. Quelques syndromes de Stevens-
toxique (syndrome de Lyell) ; Johnson et des perturbations des enzymes hépa­
• affections du rein et des voies urinaires : calcul tiques ont été décrites. Lors des traitements chro­
rénal, colique néphrétique, hématurie, IR aiguë ; niques, les effets indésirables sont plus fréquents
• affections hépatobiliaires  : transaminases aug­ (exemple  : pour le traitement des échinococ­
mentées, hépatite ; coses), avec notamment les troubles digestifs
• troubles neurologiques : ataxie, tremblements, (douleurs, nausées vomissements), l’élévation
crises convulsives. légère à modérée des enzymes hépatiques, une
alopécie réversible et la survenue rare d’hépatites
Antimoniate de méglumine
et d’aplasie médullaire ou de leucopénie. De plus,
Cette molécule présente de nombreux effets indé­ pour le mébendazole, des convulsions ont été
sirables dont une toxicité cardiaque (allongement observées très rarement.
du QT, arythmies graves) et pancréatique (pan­ Pour le triclabendazole, les effets indésirables
créatites aiguës), notamment en cas de dose totale sont plus fréquents mais certains sont liées à l’éli­
élevée. Des cas d’insuffisance rénale aiguë ont mination des douves mortes : urticaire, sudation,
Chapitre 24. Autres antiparasitaires 205

malaise, fièvre, douleurs abdominales et/ou de Niclosamide


l’hypochondre droit, perturbations du bilan hépa­

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Les effets indésirables de la niclosamide sont
tique à type de cholestase et/ou de cytolyse rares  : troubles digestifs et exceptionnellement,
hépatique. choc anaphylactique.

Diéthylcarbamazine Praziquantel
Les effets indésirables sont variables en fonction Les effets indésirables du praziquantel sont fonc­
de la parasitose traitée. tion de la dose administrée et de la durée du trai­
Chez les sujets infestés par Onchocerca tement. La plupart du temps, ils sont transitoires à
volvulus, l’administration de diéthylcarbamazine type de troubles digestifs (douleurs abdominales,
peut entraîner, dès la première dose, une réac­ nausées, vomissements, diarrhées) ou de troubles
tion inflammatoire appelée réaction de Mazzotti. neurologiques (céphalées, somnolence, vertiges).
Elle est causée par la libération de produits de Des cas de myalgies, fatigue, malaise et fièvre
lyse des parasites. Son intensité dépend de la ont été également décrits ainsi que de rares cas
dose de médicament administrée et de la charge d’arythmies.
parasitaire (filarémie). Ses symptômes peuvent
être intenses :
Pyrantel
• altération de l’état général : hypotension orthosta­
tique, collapsus, détresse respiratoire, vertiges, Les effets indésirables du pyrantel sont généra­
fièvre, arthralgies, myalgies et céphalées ; lement peu intenses et transitoires. Des troubles
• réactions cutanées  : prurit, éruption urtica­ digestifs (anorexie, nausées, vomissements, dou­
rienne, œdème qui peuvent rester locaux ou se leurs abdominales, diarrhée) et augmentation
généraliser ; faible et transitoire des transaminases. De façon
• réactions oculaires  : photophobie, conjoncti­ exceptionnelle surviennent des céphalées, ver­
vite, iridocyclite aiguë, œdème au niveau de la tiges, asthénie, rash cutané, troubles du sommeil.
cornée et élévation de la pression intraoculaire.
Si le traitement est prolongé, une dégénéres­
cence du nerf optique et de la cornée peut être Contre-indications
observée. et précautions d’emploi
Des symptômes proches de la réaction de
Mazzotti peuvent être également observés lors Les contre-indications des antiparasitaires
du traitement des filarioses lymphatiques ou des disponibles en France sont résumées dans le
infections par Loa loa. De plus, des cas de tableau  24.2. Le tableau  24.3 présente les pré­
méningo-encéphalites et de coma ont été décrits cautions d’emploi, les situations à risques et les
chez des sujets présentant une microfilarémie interactions médicamenteuses (autres que celles
massive à Loa loa. contre-indiquées et décrites dans le tableau 24.2)
des antiparasitaires disponibles en France.
Ivermectine
Les principaux effets indésirables de l’ivermectine
sont bénins et transitoires  : troubles digestifs, STP
troubles neurologiques (vertige, somnolence) et
des perturbations biologiques (cytolyse hépatique Seuls les traitements par albendazole et mében­
modérée, hyperéosinophilie, etc). En revanche, dazole dans le cadre de la prise en charge des
des réactions de Mazotti (cf ci-dessus) ont été échinococcoses sont concernés par le STP.
observées lors de l’administration d’ivermectine En effet, dans ces indications, ces molécules
à des patients atteints d’onchocercose ou de ne sont pas parasitocides et les traitements
filariose. s’envisagent sur du long terme, voire à vie.
206 Antiparasitaires

Tableau 24.2. Résumé des contre-indications à la prescription des antiparasitaires.

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Molécules Contre-indications
Nitro-5-imidazolés Hypersensibilité à une molécule de la famille
Grossesse (1er trimestre sauf pour le métronidazole qui peut être utilisé grâce au recul que l’on a sur cette
molécule)
Tiliquinol + tilbroquinol Hypersensibilité à une molécule
Spiramycine Hypersensibilité à la molécule
Pyriméthamine  Hypersensibilité à l’un des constituants
+ sulfadiazine Patients présentant une allergie au blé (autre que la maladie cœliaque)
IR ou hépatique sévère
Relative : grossesse (1er trimestre) pour la pyriméthamine
Antimoniate de méglumine Hypersensibilité à la molécule
IR, insuffisance cardiaque ou insuffisance hépatique
Pentamidine diiséthionate Hypersensibilité à la molécule
Association avec des molécules provoquant des torsades de pointe
Association avec des molécules néphrotoxiques
Grossesse et allaitement
Benzimidazolés Hypersensibilité à la molécule
Grossesse (1er trimestre)
Association avec cisapride, pimozide, quinidine → inhibition du métabolisme de ces médicaments par le
triclabendazole → risque de torsades de pointe
Association avec les dérivés de l’ergot de seigle → inhibition du métabolisme de ces médicaments par le
triclabendazole → risque de nécrose des extrémités
Diéthylcarbamazine Hypersensibilité à la molécule
Atteinte oculaire grave dans le cadre de l’onchocercose
Grossesse et allaitement
Ivermectine Hypersensibilité à la molécule
Niclosamide Hypersensibilité à la molécule
Praziquantel Hypersensibilité à la molécule
Cysticercose oculaire → risque de lésions oculaires irréversibles
Association avec la rifampicine → induction du métabolisme du praziquantel → risque d’inefficacité du traitement
Pyrantel Hypersensibilité à la molécule

Dans ce cas, il est important d’optimiser l’effi­ et le mébendazole une, deux et 12 semaines
cacité thérapeutique et de limiter la survenue après l’initiation du traitement, puis une à deux
des effets indésirables. semaines après toute modification thérapeutique
Le STP de l’albendazole se fait par dosage ou si évolution de la pathologie. Le prélèvement
des concentrations plasmatiques de l’albenda­ sanguin pour la réalisation du STP doit être fait
zole-sulfoxyde. Pour le mébendazole, le STP quatre heures après l’administration du médica­
se fait par dosage des concentrations plasma­ ment. L’intervalle thérapeutique recommandé est
tiques de la molécule mère. En 2010, Brunetti 0,65 à 3,00 µmol/l pour l’albendazole-sulfoxyde.
et al. recommandaient, dans une conférence de Pour le mébendazole, il est recommandé d’avoir
consensus, de monitorer l’albendazole-sulfoxyde des concentrations supérieures à 0,25 µmol/l.
Chapitre 24. Autres antiparasitaires 207

Tableau 24.3. Précautions d’emplois et situations à risques des antiparasitaires.

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Molécules Précautions d’emplois et situations à risques
Nitro-5-imidazolés Prise d’alcool → risque d’effet antabuse
Association avec le disulfirame → risque de bouffées délirantes ; état confusionnel
Association avec les anticoagulants oraux → augmentation du risque hémorragique par diminution du
métabolisme de l’anticoagulant (observé avec la warfarine)
Tiliquinol + tilbroquinol Surveillance des transaminases
Utilisation prolongée → risque de survenue de neuropathies
Association avec d’autres molécules dérivées de l’hydroxy-8-quinoléine (antipaludéens)
Spiramycine Déficit en G6PD → risque d’anémie hémolytique
Pyriméthamine + sulfadiazine Déficit en G6PD → risque d’anémie hémolytique
Administration d’acide folinique → prévention des effets indésirables hématologiques
Diurèse alcaline abondante → prévention du risque de lithiase
Surveillance de la numération formule sanguine deux fois par semaine pendant la durée du traitement
Surveillance biologique renforcée si insuffisance hépatique et rénale
Faire attention à tout autre médicament inhibant le métabolisme de l’acide folique
Antimoniate de méglumine Alimentation riche en protéines pendant toute la durée du traitement
Correction d’une carence en fer ou de toute autre carence spécifique avant instauration du traitement
Surveillance de la fonction cardiaque (ECG), des fonctions hépatique et rénale pendant toute la durée du
traitement
Pentamidine diiséthionate Administration chez un patient allongé et dont la pression artérielle est étroitement surveillée (si adminis-
tration par voie parentérale)
Surveillance quotidienne : NFS, bilan électrolytique sanguin, urémie, glycémie à jeun, fonction rénale,
fonction hépatique
Surveillance de la fonction cardiaque (pression artérielle, ECG) avant et régulièrement pendant la durée du
traitement, particulièrement si allongement du QT congénital
Faire attention à tout autre médicament bradycardisant ou provoquant des arythmies ventriculaires
Benzimidazolés Surveillance de la numération formule sanguine ; fonction hépatique (si traitement au long cours par
albendazole et mébendazole)
Administration d’un traitement antispasmodique → diminution des effets indésirables liés à l’expulsion des
parasites morts (si traitement par triclabendazole)
Diéthylcarbamazine Traitement en milieu hospitalier
Augmentation progressive des posologies + corticothérapie → prévention de la réaction de Mazzotti
Ivermectine Corticothérapie → prévention de la réaction de Mazzotti
Prise de l’ivermectine à jeun, avec un délai de 2 heures avant et après pour toute prise de nourriture
Niclosamide Pour le traitement des tæniasis, administration en deux prises séparées d’une heure : avant la prise, il faut
être à jeun depuis la veille. Après la deuxième prise, attendre 3 heures avant toute prise de nourriture
Praziquantel Ne pas utiliser à la phase aiguë (invasion) de la bilharziose → inefficacité sur les schistosomules immatures. De
plus, des réactions immunitaires paradoxales peuvent survenir et mettre en jeu le pronostic vital des patients
Pyrantel Diminution des posologies en cas d’insuffisance hépatique

Pour en savoir plus Lamand V, Spadoni S, BohandX. Médicaments antiparasi­


taires (paludisme exclu). EMC (Elsevier Masson SAS,
Brunetti E, Kern P, Vuitton DA. Writing Panel for the Paris), Maladies Infectieuses, 8-006-G-10, 2014.
WHO-IWGE. Expert consensus for the diagnosis Résumés des caractéristiques des produits. Base de données
and treatment of cystic and alveolar echinococcosis publique des médicaments. http://base-donnees-
in humans. Acta Trop 2010;114:1–16. publique.medicaments.gouv.fr/index.php.
Campus de parasitologie-mycologie. ANOFEL. Univer­
sité médicale virtuelle francophone. Cours 2016 -
http://campus.cerimes.fr/parasitologie/index.html.
Lachenal G. Le médicament qui devait sauver l’Afrique –
un scandale pharmaceutique aux colonies. Éditions
La découverte. Octobre 2014.

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