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Histoire de la musique

2015-2016
Examen : un compositeur (carrière, anecdotes, grandes œuvres) : Khatchaturian, un article à lire
choisi à l’avance : Gershwin (Rhapsodie in Blue) et un test d’audition - il faut privilégier un
compositeur vu cette année qui est dans notre programme d’examen
Lectures
- Gérard Denizeau - Guide illustré de la musique - Larousse
- Biographies de compositeurs : Edition Acte Sud - Collection Classica ou Collection Solfège
- L’harmonie des peuples - Les écoles musicales nationales aux 19ème et 20ème siècles -
Editions Fillard - Collection Mirare

Les compositeurs nationalistes


Introduction - Extraits musicaux
L’Europe de l’Est est dominée par les grands empires, dont l’empire Austro-Hongrois, qui domine
entre autre le nord de l’Italie.
Verdi est né en 1813, fils d’aubergiste dans un petit village. Il a été bercé enfant par les chants
populaires des voyageurs qui passaient par cette auberge. Il devient organiste dans son village et
un mécène le repère. Il est propulsé dans l’univers artistique et on lui demande de composer pour
la Scala de Milan. Son succès est immédiat, mais son deuxième opéra est un échec. Son épouse
décède aussi précocement. Il envisage alors de complètement arrêter de composer. Mais il
compose quand même Nabucco, pour lequel il veut un histoire originale. Il parle de la civilisation
antique babylonienne (Nabuchodonosor), méconnue à l’époque. C’est donc bien une
caractéristique du romantisme : l’exotisme. Le peuple hébreux y est dominé par les babyloniens,
ce qui est interprété par les italiens comme nationalisme. Le nom de Verdi devient un acrostiche
de ralliement : Vittore Emmanuele Re D’Italia. Cette vague nationaliste évolue à travers toute
l’Europe (Grèce, Belgique…).
Puccini met un genre en évidence : l’opéra vériste. Il a composé Tosca en 1900, qui est un opéra
qui se permet d’introduire des thèmes simples comme celui d’une vie miséreuse (La Bohème…).
Ce qui marque cette période c’est donc le nationalisme mais aussi de nouveaux thèmes
beaucoup plus simples, avec des mélodies simples aussi, ce qui leur est souvent reproché, qu’ils
composaient souvent pour pouvoir manger. Comme c’est nationaliste, ils s’inspirent de chansons
locales, qui touchent particulièrement le peuple de cette région, mais pas forcément le reste du
monde.
Stravinsky fait évoluer les formes. Il fait beaucoup de recherches, puis il revient en arrière vers
quelque chose de beaucoup plus classique, ce qui s’inscrit dans le courant du néoclassicisme.


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1. La Finlande
Sibelius (1865-1957)
Violoniste de formation, il vit en Finlande occupée par la Russie. Dans ses
premières années de composition, il compose des œuvres qui traduisent les
paysages de son pays à travers la légende du Kalevala. Sa musique traduit
le terroir nationaliste de son pays, il suscite une atmosphère. Il est
professeur au Conservatoire pendant quelques années, puis il profite d’une
pension d’état (salaire de l’état) qui lui permet de composer. Sibelius fait
des rencontres, et on lui dit que ce qu’il compose est trop Finlandais, qu’il
faut qu’il exporte sa musique à l’étranger. Il fait alors des tournées, entre
autre en Grande Bretagne, ce qui fait très plaisir à la Finlande. Sibelius était
alcoolique et il a vécu dans un univers de femmes : sa mère, son épouse et
ses 5 filles, ce qui n’est pas facile pour lui (lorsqu’une de ses filles tombe malade il s’en va et ne
s’en occupe pas). Sa femme était très compréhensive et soutenante. Il s’est retiré dans sa maison
qui était au milieu de la forêt, où il a composé une 8ème symphonie qu’il a brûlé. Sa vie n’est pas si
importante : il a surtout une volonté de réfléchir la musique et de la faire évoluer.
Œuvres : Le cygne de Tuonela, il a écrit des symphonies (2ème et 5ème), le fameux Concerto
pour violon, et des Poèmes Symphoniques : Kullervo, Finlandia, Le Barde, Les Oceanides, Tapiola
(dernier), un quatuor à cordes : Voces Intimae, un poème pour soprano et orchestre : Luonnotar.

2. L’Espagne
Dans la deuxième moitié du 19ème siècle, l’Espagne souffre d’un vide culturel : il n’y a pas de
musique espagnole. Il s’inspirent de la France (le Grand Opéra Français : Meyerbeer, Gounod), de
l’Italie (Opéra Romantique de la 1ère moitié du 19ème : Bellini, Donizetti et surtout Rossini qui ont
énormément de succès) et Allemagne (Wagner). Le pouvoir politique espagnole n’a jamais eu la
bonne idée de faire émerger une musique espagnole, contrairement par exemple à la France (où
les rois/empereurs fréquentaient et commandaient des opéras). Finalement, il y a très peu de
grandes maisons d’opéra en Espagne : il n’y en a que 2 (théâtre du Liceu à Barcelone et le théâtre
Real à Madrid). Ces théâtres ont l’obligation de monter au moins un opéra espagnol par an, mais
le livret doit être en italien. C’est le grand public (l’aristocratie, la noblesse) qui assiste à ces
spectacles. À côté de ces deux grandes maisons d’opéra, il y a des petits théâtres qui sont très
fréquentés (il y en a plus à Madrid qu’à Paris ou à Londres). On y joue des plus petites
production : des opérettes, des opéras comiques (Offenbach). Il y aura même un moment la mise
en place d’un système qui est celui d’une œuvre par heure. On enchainait les productions dans la
soirée. Tous ces genres sont donc récupérés ailleurs, mais il n’y a pas de genre national.
Il y a pourtant un genre qui pourrait émerger : la zarzuela. Elle trouve son origine au 17ème siècle
dans la cour de Philippe IV (Velasquez) qui va en être le commanditaire. C’est un genre composite
et fourre-tout, l’opportunité de faire quelque chose qui n’est pas tout à fait un opéra mais inspiré
par l’opéra comique. Elle est composée pour amuser et distraire dans le palais de la Zarzuela de
Philippe IV. On y inclut des danses typiques espagnoles (boléro, jota…) et d’autres éléments issus
du folklore espagnol (par exemple des rythmes andalous où se mélangent les cultures arabe, juive
et chrétienne, ou la musique mozarabe). Au 18ème siècle, la zarzuela tombe en désuétude car
Philippe IV n’est plus là. À cette époque la noblesse allait se mêler aux fêtes de villages et aux
bals populaires. Au 19ème siècle, la zarzuela commence à refleurir dans les petites salles (car
l’opéra est le genre de l’élite : il faut être bien habillé et payer sa place). Les compositeurs vont

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avoir beaucoup de mal à la faire revenir sur le devant de la scène (il n’y a pas de mécénat). Ils vont
essayer de trouver des librettistes espagnols et catalans.
La zarzuela peut être l’opportunité de montrer la richesse de l’Espagne. Mais le problème est que
l’Espagne n’est pas vraiment un pays : c’est un ensemble de régions (le Roi n’est pas Roi
d’Espagne mais Roi de toute une série de région : Catalogne, Pays Basque, Andalousie…). Il va y
avoir un vrai conflit car les zarzuelas ne sont pas espagnoles mais elles viennent d’une région
spécifique : on ne veut pas monter un opéra catalan à Madrid. Il y a donc beaucoup de luttes de
régionalismes. La mission des compositeurs devient alors de développer un opéra digne de
l’Espagne toute entière. C’est très difficile car ils vont devoir exploiter les matériaux et non pas les
danses propres à chaque région. Ils vont devoir aller chercher l’essence même de la musique
espagnole. Certains vont travailler à cela (Pedrell).
Felipe Pedrell (1841-1922)
C’est un compositeur mais aussi surtout un musicologue. Il est né à Tortoza
et mort à Barcelone. Il est passionné de Wagner, et une partie de sa
musique s’inscrit à sa suite. C’est donc un post-romantique. C’est aussi un
immense admirateur du folklore national espagnol. Il va faire de nombreux
voyages en Espagne pour faire un travail de collecte de chants traditionnels
espagnols. Il va à la rencontre des gens dans les petits villages, à la
découverte des chansons populaires. C’est grâce à lui que toute cette
musique a pu être préservée. Il cherche la musique propre au terroir, faisant
partie de la tradition orale. Il a dit « La musique de chaque pays doit se retremper aux sources du
peuple ». Il se plonge donc dans cette tradition populaire (il n’est pas le seul à faire ce travail). Il
publie pas moins de 300 ouvrages musicaux.
Il fait aussi des ouvrages purement historiques sur la musique espagnole, et c’était aussi un très
grand didacticien. Il a concouru notamment à redécouvrir la zarzuela et ses origines (petit opéra
comique espagnol). Il a écrit Les musiciens anonymes, Le répertoire castillan du 16ème siècle et Le
chansonnier musical. Il confirme la vague espagnole qui traverse le 19ème siècle : on compose à
cette époque beaucoup autour de l’Espagne, c’est fort à la mode. Pedrell a également été
professeur au conservatoire, où ses élèves étaient entre autres Granados et de Falla. Il a écrit des
opéras, de la musique symphonique, de la musique chorale et de la musique de chambre.
Pedrell fait des recherches mais pas vraiment ethno-musicologique car il harmonise directement
les chants. Il fait aussi des recherches sur les grands compositeurs du Siècle d’Or espagnol :
Victoria, Morales et Guerrero au 16ème siècleIl redécouvre les Catigas de Santa Maria (Alphonse le
Sage, 13ème siècle)
Isaac Albeniz (1860-1909)
Albeniz est un enfant prodige : il est présenté au conservatoire de Paris en tant
que pianiste à 6 ans. À la fin de son audition, il se met à jouer avec une balle et
casse un miroir, et donc il n’est pas reçu. Il rentre alors au conservatoire de
Madrid, mais il est rapidement sollicité dans toute l’Espagne pour donner des
concerts (il y va seul en train). À 9 ans il décide de fuguer et il monte à bord
d’un bateau. Il va au Puerto Rico, à Cuba, au Brésil et aux Etats-Unis où il vit en
jouant du piano. Il finit par revenir en Europe où il achève sa formation à
Londres et Leipzig avant de revenir à Madrid où il tombe sur le compte de
Morphy, un très grand mécène qui a soutenu beaucoup de compositeurs. Albeniz va aussi à
Weimar où il a eu comme professeur Franz Liszt, et à Bruxelles. Il est en contact avec Pedrell qui
lui demande de créer une zarzuela espagnole, qui est mal reçue par la critique («  il a travaillé

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comme un cuisiner qui veut mette de la truffe dans tous ses plats »). Il a eu un rôle majeur dans la
découverte de la musique espagnole. Son œuvre Pepita Jimenez a été créée au théâtre Liceu et a
été aussi jouée à Paris et Bruxelles.
Albeniz décide de s’installer à Paris où il rencontre Debussy, Dindy, Dukas et Fauré. C’est un
pianiste virtuose qui a enseigné à la Scola Cantorum. Son œuvre Iberia, 12 pièces pour piano, est
très représentative de cette époque car la pièce courte est le genre par excellente de cette
époque (elles ont un grand succès en Espagne). C’est l’opportunité d’évoquer des ambiances
particulières et de montrer la diversité de la culture de chaque région. Ce qui est malheureux c’est
qu’Albeniz a toujours voulu promouvoir la musique espagnole mais qu’il n’a jamais été compris en
Espagne, et qu’il est finalement décédé en France, mal reconnu dans son pays.
Œuvres : opéras, pièces orchestrales : Catalogna (suite symphonique), pièces pour piano,
Asturias, España, Cordoba, Iberia (4 cahiers de 3 pièces pour piano, dont Suite Espagnole), chants
d’Espagne et une Rhapsodie espagnole.
Granados (1867-1916)
À l’âge de 13 ans il gagne sa vie lui-même en tant que pianiste. Il a fait ses
études à Barcelone où il était l’élève de Pedrell et il rencontre un grand
succès avec les Danses Espagnoles (1883). Il y a étudié le piano et la
composition. Il a poursuivi son parcours à Paris où il a été l’élève de Berio.
En 1889 il revient à Barcelone, où il rencontre un grand succès avec les
Danses Espagnoles (1883). Il a eu une carrière de pianiste, a composé les
Zarzuelas et a été professeur au Conservatoire de Barcelone. Il admirait
beaucoup le peintre Goya, et on retrouve
cette passion dans une de ses compositions, les Goyescas
(interprétées dans la salle Pleyel à Paris) pour piano qui ont été
transformées en opéra (joué au Metropolitan où la critique est
déçue car le public new-yorkais n’a pas trouvé cela assez espagnol).
En revenant de cette tournée aux USA et il est mort avec son
épouse dans le bateau de retour (le Sussex) qui a été torpillé par un
sous-marin allemand.
Œuvres : opéras (Maria del Carmen, opéra en espagnol qui a bien été reçu car il revenait de
Paris), musique de chambre, musique symphonique, 10 danses espagnoles (pour piano à l’origine,
arrangées pour orchestre), les Goyescas (1911, suites pianistiques qui déboucheront sur un opéra,
transcrites pour plein d’instruments. Granados a essayé de créer une ambiance pour évoquer les
peintures de Goya, et d’installer son ressenti), Tonadilas, les 6 scènes romantiques (hommage à
Chopin) et pièces sur des chants populaires espagnols.
Joaquin Rodrigo (1901-1999)
Il est né à Sagunto et mort à Madrid. Il fait carrière en Espagne à
l’exemption d’un moment (années ’30) où il va en France pour échapper
à la guerre civile espagnole. C’était un guitariste qui a écrit des
concertos pour guitare, violoncelle, piano, harpe… Il était aussi à la tête
du Cantico de la Esposa où il s’inspire de Saint Jean de la Croix (//Ste
Thérèse d’Avilla).
Œuvres : Fantaisie pour un gentilhomme, Concierto Andalous (4 guitares et orchestre), Concierto
Madrigal (2 guitares), Concierto Serenata (harpe) et le fameux Concierto d'Aranjuez (1939 -
guitare et orchestre).

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Manuel de Falla (1876-1946)
Il est espagnol mais il est mort en Argentine. Il commence
ses études à Cadix dans le milieu familial : sa mère lui
donne ses premiers cours. Elle n’était pas une très bonne
pianiste mais elle lui transmet la passion de la musique. Il
est bercé depuis sa plus tendre enfance par sa bonne qui
chantait des chants espagnols. Il a ensuite été étudier à
Barcelone avec Pedrell puis se perfectionner à Paris, où il
rencontre Debussy, Ravel et Dukas. Il retrouve aussi
Albeniz qui est de passage à Paris à ce moment-là. Il y a
beaucoup de grands interprètes espagnols installés à Paris,
dont Ricardo Viñes. Manuel de Falla a des réflexions sur la
musique qu’il compose : il veut exprimer ce qu’il éprouve
face aux Jardins d’Espagne (qu’il fait entendre dans sa
composition Les Jardins d’Espagne). Il est donc nationaliste
mais aussi post-romantique. Il compose une première zarzuela qui n’a pas de succès. Il écrit aussi
la Vida Breve. Il a des réflexions sur la démarche de Pedrell, qu’il ne trouve pas assez proche de la
tradition folklorique.
En 1914 à la déclaration de guerre il quitte Paris et rentre en Espagne il crée avec Diaghilev
(chorégraphe russe qui s’occupe des opéras de Stravinsky avec Picasso) son ballet Le Tricorne
(monté pour la première fois à Londres). Il reçoit aussi une commande de Rubinstein qui veut être
plongé dans l’ambiance espagnole. Il compose alors Fantasia Baetica : une pièce pour piano très
technique et difficile. Rubinstein n’est pas très convaincu (il trouve qu’il y a trop de glissando).
Manuel de Falla a aussi composé une partie du Tombeau de Debussy en écrivant une œuvre pour
guitare car il connaissait l’amour de Debussy pour la culture espagnole.
En 1920 il déménage à Grenade dans un petit carmel (endroit réduit et retiré de tout, près de
l’alhambra) où il se lie d’amitié avec le poète Frederico Garcia Lorca. Il travaille souvent avec
Lorca, en l’accompagnant au piano pendant qu’il dit ses textes. Il appréciait aussi le théâtre de
marionnettes, qu’il a utilisé lorsqu’il a reçu la commande d’un opéra de chambre. Il a composé
Les Tréteaux de Maitre Pierre, pour lequel il reprend une partie de Don Quichotte (littérature
espagnole de 17ème siècle), des romances médiévales du moyen-âge et de la littérature
castillane du 16ème siècle. Il a aussi composé un concerto pour clavecin et 5 instruments que
Maurice Ravel a trouvé renversant. A partir de 1927 il va aussi réaliser une œuvre appelée
Atlantide, un oratorio-cantate (orchestre, chœur et solistes) dans laquelle il reprend la dimension
gigantesque de l’oratorio, les solistes, le mysticisme de la religion chrétienne et l’évocation de
l’Atlantide : une région imaginaire qui reprenait toute la péninsule ibérique. Il y travaille jusqu’à sa
mort mais n’a pas l’occasion de la terminer (il s’inspire aussi de la polyphonie espagnole).
Il a été souvent mal compris car il a eu une attitude très neutre pendant la guerre civile
(1936-1940) : il n’a pas voulu prendre position et ça lui a été reproché. Son ami Lorca a été fusillé
et de Falla n’a pas réussi à le sauver. Il n’a jamais trouvé sa place en Espagne et il a contracté
plusieurs maladies sexuelles alors qu’il avait pourtant une vie bien rangée. Il avait une grande
volonté de calme et de repli sur lui même, en s’isolant du monde dans une attitude presque
mystique. En 1939 il décide de quitter Grenade et de s’installer à Buenos Aires, (où il a été invité)
en espérant qu’on l’oublie. Mais à sa mort on l’a rapatrié avec des obsèques nationales sous le
régime de Franco. L’Atlantide n’a été jouée qu’en 1961, après avoir été terminée par ses élèves.

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3. L’Angleterre
Sir Edward Elgar (1857-1934)
Si il fallait classer Elgar dans un courant, on le mettrait dans le post-
romantisme.
Il était le fils d’un accordeur de piano et d’un marchand de musique
(pianos et partitions) dans la campagne. Même si il a été baigné
dans cette ambiance pianistique, il a été organiste et violoniste et a
donné des cours dans sa région natale pour gagner sa vie (travail
alimentaire). En 1889 (à 32 ans) il se marie et s’installe à Londres
comme compositeur. Mais le succès ne vient pas, alors il retourne
dans la campagne où la cour et c’est seulement à ce moment-là
que son travail est reconnu : on s’intéresse rapidement à lui et il
devient le compositeur officiel de la cour d’Angleterre. Le grand modèle qui l’a influencé c’est
Henri Purcell. En 1920 son épouse décède et pour lui c’est la fin de la musique : il ne sait plus
composer.
Œuvres
- œuvres chorales (chœur et orchestre) : oratorios et cantates comme Le Rêve de Géronte
(portrait d’un homme sur son lit de mort).
- Variations Enigma (rébus dans lequel chacune des variations est le portrait d’un des amis du
compositeur) qui va le faire connaître.
- Pomp and Circumstance (qu’on retrouve dans le film Orange Mécanique de Kubrick).
- pièces consacrées aux cordes, dont le Concerto pour Violoncelle.
- deux symphonies et l’esquisse d’une troisième.
- musique de chambre : Musique de Nuit et Musique du Matin (violon et piano), la sonate pour
violon et piano en mi mineur, quatuor à cordes, quintette avec piano en mi mineur
- Le Salut d’Amour : pièces composée pour sa femme
- sonates pour orgues
Ralph Vaughan Williams (1872-1958)
Il a fait des études à Berlin et à Paris chez Maurice Ravel. Il est admiratif de Purcell,
Tallis et de tous les compositeurs élisabéthains (actifs à la cour de Elizabeth I). C’est
le créateur d’un style musical anglais spécifique. Le substrat est le folklore national
mais aussi les compositeurs anglais de la Renaissance et du Baroque. Il a été
professeur au Royal College of Music et a dirigé différentes compagnies musicales
anglaises. Dès 1940 il compose de la musique pour films.
Œuvres
- œuvres scéniques (musique de scène : musique jouée pour accompagner les pièces de théâtre)
dont Sir John in love (Joyeuses commères de Windsor de Shakespeare)
- 9 symphonies dont la See Symphony (1ère) avec chœur et solistes, la London Symphony (2ème)
et la Pastoal Symphony (3ème)
- concertos dont pour tuba basse, harmonica, hautbois et le Concerto Academico pour violon et
orchestre
- suites pour orchestre qui s’inspirent de chansons populaire, dont la Fantaisie sur Greensleaves
(qui donne belle place pour la flûte et la harpe)
- musique vocale : oratorios, hymnes, mélodies, harmonisations de chansons populaires (messe
en sol mineur, mélodies Sur la colline de Wenlock Edge)

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Gustav Holst (1874-1934)
Il est d’origine scandinave et il est né dans une station balnéaire anglaise en
1874 et il mourra à Londres. Il a étudié le Sanskrit (ancienne langue
mythologique en Inde) et la mythologie hindoue ainsi que la musique
ancienne anglaise (Renaissance et Baroque) au Royal College of London. Il a
été influencé par le théâtre de Shakespeare mais aussi par Wagner et
Stravinsky. Il était tromboniste et aussi directeur de musique dans l’école de
jeunes filles Saint Paul à Londres. Il s’imprégnait des modes orientaux qu’il
mariait avec les rythmes de la musique élisabéthaine, notamment dans une
pièce appelée Rig Veda (pour chœur et orchestre).
Œuvres
- musique chorale et vocale (il était aussi chef de chœur) où il arrange des chants populaires
- mélodies pour voix seule
- suites : Sint Paul’s Suite et Les Planètes (suite orchestrale - 1916, montre qu’il était passionné
d’astronomie : la première c’est Mars, dieu de la guerre, composée pendant la guerre)
- suites pour fanfare
Benjamin Britten (1913-1970)
C’est le grand compositeur anglais du 20ème siècle. Il s’est forgé une
réputation aussi bien dans l’instrument seul que dans l’opéra. C’est
véritablement un successeur de Purcell.
Œuvres
- variations sur un thème de Purcell
- Simple Simphony
- War Requiem (œuvre écrite après la guerre en commémoration)
- Peter Grimes (opéra dont les interludes musicaux ont été extraits et
appelés les Interludes Marins)
- Guide des jeunes personnes à l’orchestre (œuvre pédagogique qui
permet d’apprendre le travail des différents instruments d’orchestre)

4. La France
Introduction
Paris, Centre culturel du 19ème
A la fin du 19e siècle, Paris règne sur le monde artistique. Elle est le carrefour des arts :
- Plusieurs orchestres : Orchestre colonne, Orchestre Pasdeloup, Orchestre Lamoureux,
Orchestre de l’Opéra, Orchestre du Conservatoire
- La beauté et la grandeur des salles : l’Opéra Garnier, le Théâtre des Champs Élysée
(inauguration marquée par le Sacre de Stravinski)
- On y étudie beaucoup la musique : au conservatoire, à la schola cantorum (école qui croit en
l'enseignement de la musique de façon chronologique…)
- C'est une ville qui rassemble beaucoup de compositeurs de nationalité différentes, qu'ils y
vivent ou qu'ils y passent : Albenitz, Stravinski, Rimski-Korsakov, Scriabin, Richard Strauss
- Beaucoup de mouvements sont représentés : Symbolisme, Impressionnisme, Avant-gardes
- Quantité de poètes animent la scène culturelle : Proust, Valéry, Gide, Péguy, Mallarmé
- Serge Diagilev y monte des ballets subjuguants
- Ville où les femmes sont mises au devant de la scène

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Femmes compositrices et interprètes

Augusta Holmes : compositrice qui a inspiré la sculpture "Le triomphe de la


révolution" (montrée pendant l'exposition universelle). C’est la première fois que la
femme occupe vraiment une place importante dans le domaine musical.

Marie Jaëlle : pianiste connue pour sa méthode, première femme à s'attaquer à l'interprétation
de l'intégralité des 30 Blanche Selva
Blanche Selva : elle a aussi écrit une méthode, première pianiste à interpréter l'intégrale de
l'œuvre de Bach
Mel Bonis : elle écrit une trentaine d'œuvres pour piano

Lili Boulanger : première femme à décrocher le prix de Rome (Debussy avait


décroché ce prix) qui n'a été ouvert aux femme qu'en 1904 ; compositrice qui a écrit
une série d'œuvres de musique de chambre, dont Nocturne et Cortège

Cécile Chaminade : première musicienne française qui fait la conquête des USA,
première à recevoir la légion d’Honneur ; compositrice et interprète : elle écrit un
concerto pour flûte très connu

Autres personnalités féminines importantes à cette époque à Paris : Camille Claudel, Sonia de
Launet (influence dans domaine artistique et mode et couture), Berthe Morisot
Œuvres jouées en France
1. On joue les grands compositeurs italiens (les grands opéras sont joués)
2. Wagner : on monte ses opéras et on joue ses préludes en concert. Très fréquemment on
joue les œuvres pour piano et réductions pour piano de Wagner.
Par exemple, à l'opéra Garnier au début du siècle, on aurait au programme Parsifal de Wagner,
Richard Strauss , Stravinski…
Contexte historique
La situation est assez tendue entre l'Allemagne et la France. Le 18ème siècle est marqué de
tensions à cause de la Révolution Française (lorsqu'ils décapitent Marie-Antoinette…). Au 19ème, il
y a des tensions à cause de la guerre Franco-Prussienne (1870) : c’est à ce moment que la France
perd l'Alsace et la Lorraine dont elle ne se remettra pas et qui sera une des causes de la première
guerre mondiale. Malgré ces tensions, les compositeurs allemands resteront appréciés en France
à cette époque. La grande revue musicale de la fin de Siècle (tendance symboliste) est la revue
wagnérienne. On voit dans ces revues que les grands compositeurs allemands connaissent tout
de même un grand succès : Bach, Beethoven, Wagner…
Réactions des compositeurs français à la musique germanique
Les compositeurs de l'époque prennent position (ils ne copient pas l'Italie comme en Espagne) :
- Prendre le parti des grands germaniques (par exemple César Franck dans son Prélude, Choral
et Fugue : on reconnait l'inspiration allemande)
- S'opposer à ce courant germanique (par exemple Emmanuel Chabrier dans ses Pièces
pittoresques, et on voit également une inspiration espagnole chez lui notamment avec España)
La France à ce moment-là va beaucoup jouer sur l'imagination et les compositeurs vont vouloir
évoquer un maximum de choses dans leurs œuvres (des paysages, des saisons, des ambiances,
des cultures… : Jour d'été dans la montagne de Vincent d’Indy et La mer de Debussy…)
- En réaction à la mode des lied en Allemagne, on va avoir une quantité de chansons et
mélodies composées par les compositeurs français. (Fauré, Ernest Chausson, Debussy…)
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- En réaction aux Gedicht allemands, les français vont composer des poèmes musicaux : la
musique doit avoir le même impact, susciter les mêmes émotions qu'un poème écrit (Poème
de Chausson, Gaspard de la Nuit de Maurice Ravel…)
- Quantité de Ballets sont écrits (L’Apprenti sorcier, Festin de l'araignée d'Albert Roussel, Jeux
de Debussy, La Peri de Paul Dukas…
La vie musicale/saison des concerts à Paris sera marquée par des « tubes »,de véritables succès
qui seront joués et rejoués en France (le public réclame ces œuvres et on met une pression sur les
théâtres) : la Symphonie espagnole de Lalo, la Danse Macabre de St-Saëns et Espana de Chabrier.
Ce sont des œuvres qui ont été jouées jusqu'à l'excès puis très vite elles seront mises de côté.
Camille Saint-Saëns (1835-1921)
Il a eu une chance et un malheur. Son malheur a été d’avoir perdu
son ami Bizet, et ça chance était qu’il est le seul compositeur né
dans la décennie de 1830 à vivre, et il traversera donc le 19ème en
connaissant une assez grande renommée.
C'est le compositeur équivalent de Brahms pour les germaniques.
C’était un enfant prodige. un immense voyageur un homme très
cultivé. Debussy disait que Saint-Saëns était celui qui connaissait le
mieux la musique du monde entier. Il fait des avancées dans le
domaine de l'harmonie, de la rythmique, il lutte pour mettre en
évidence la musique de Rameau et rassembler les œuvres de celui-
ci. Il a fait beaucoup de musique pour orchestre et de musique
pour piano. Il osait également critiquer certaines choses sur
Wagner (assez rare à l’époque).
Œuvres
Il a composé 3 œuvres emblématiques :,Carnaval des animaux, Symphonie avec orgue
(deuxième mouvement : présence d'un piano) et Opéra Samson et Dalila. Il a produit ces œuvres
quand il avait 40 ans. Elles connaitront un tel succès qu'après cela, le reste de ses œuvres n’auront
plus jamais autant de succès.
Il compose aussi des études pour piano (surtout études pour la main gauche), Quatuor à cordes,
Concertos pour piano, violon, violoncelle. Il creuse dans la veine de l'opéra historique : Hélène,
Ascanio, Phryné, les Barbares, mais ces œuvres ne connaitront jamais un tel succès que Samson et
Dalila. Cantate très célèbre : Le feu céleste. Dès 1908 il compose de la musique pour film. Il écrit
notamment la musique pour le film l'Assassinat du Duc de Guise (16ème siècle en pleine guerre de
Religion en France).
Emmanuel Chabrier (1841-1894)
Chabrier était l'ami des artistes : musiciens, interprètes,
peintres, poètes… Il était apprécié par beaucoup. Il avait un
talent très spontané plein de tendresse, de cocasserie. Il a
senti l'ombre wagnérienne planer au-dessus de lui et a eu mal
à trouver sa place.
Œuvres
Il est connu pour ses œuvres pour piano (Bourrée Fantasque).
Il a écrit une grande œuvre orchestrale inachevée : Briséis.
España (Rhapsodie pour orchestre) est un tube célèbre
parisiens. Il a également composé Habanera pour orchestre.

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Jules Massenet (1842-1912)
C’est le grand compositeur d'opéra français. Il a obtenu le prix de Rome et
a été un immense professeur de composition. Il a été le prof de Bruneau,
Charpentier, Enesco, Chausson, Pierné. Il a fait la synthèse entre Wagner et
Berlioz dans le domaine de l’opéra. On trouve un grand respect de la
langue française dans le traitement du texte.C’est un très grand romantique
mais dans l’intimisme. Chez Massenet, chœurs et ballets ne sont pas
bienvenus. "J'ai mis dans cet opéra, toute mon âme et ma conscience
d’artiste" C’est un vrai compositeur d'opéra pour femmes : on dit de lui
qu'il est le musicien de la femme.
Œuvres (surtout opéras) : Manon, Thaïs, Werther (référence à Goethe), Cendrillon
Gabriel Fauré (1845-1924)
Il est l'équivalent de Massenet dans le domaine instrumental. Il succède à
Massenet au poste de composition au conservatoire de Paris en 1896, et
devient directeur de ce département de composition en 1905. Il a été formé
dans la religion, dans un esprit très classique. Il a eu pour élèves Schmidt,
Ravel, Nadia Boulanger, Enesco… Il a eu beaucoup de chance et beaucoup
de relations dans la vie qui lui ont permis une ascension sociale.
Œuvres
- Pour piano : 13 nocturnes, 13 barcarolles étendues sur 40 années de composition, 6
impromptus en hommage à Chopin, Thème et Variation en hommage à Schumann
- Quintette pour piano et cordes
- Opéra Pelléas et Mélisande (avant Debussy) créé à Londres en 1898 puis transformé en Suite
pour Orchestre
- Pelléas et Melisande en 1902 de Debussy
- Pelléas et Melisande De Schoenberg en 1903
- Pelléas et Melisande De Sibelius en 1905
- Prométhée : œuvre immense composée en 1900 qui fait une sorte d'Anti Bayreuth
- Recueil de chansons, dont Recueil de la bonne chanson sur des textes de Paul Verlaine (grand
poète symboliste de la fin du siècle), Chanson d'Eve, le Jardin clos
- Requiem : composé à la mort de sa mère en 1900
Vincent d'Indy (1851-1941)
Compositeur, pédagogue, chef de chœur et chef d’orchestre. C’était une
personnalité très importante pour la Scuola Cantorum (qui est une école qui
enseigne de façon chronologique). Il avait vraiment une vision historique et
structurée de la musique. Selon lui il faut étudier d'abord la musique dans
l'ordre. Commencer par Monteverdi, puis Bach, puis Rameau. C’est un des
premiers à diriger l'Orfeo de Monteverdi en 1904 (qu'on ne jouait jamais à
cette époque là). Il s'est beaucoup intéressé à la «  musique
ancienne  » (musique baroque). Il a fait de véritables recherches dans le
domaine de la musique folklorique (comme les espagnols) et des
recherches dans le domaine de l’ethnomusicologie.
Œuvres : Pour piano : tableaux de voyage (pièces très évocatrices), Sonate en mi (au contraire,
œuvre particulièrement austère) ; quatuor à cordes ; Pièces symphoniques : Souvenirs, Jour d'été
à la montagne . Il fait énormément de recherches dans le folklore, dont Fervaal (opéra). C’est une
sorte d'appel du berger dans la montagne française.
!10
Ernest Chausson (1855-1899)
C’est un personnage pénétré de culture, un amoureux de la poésie, de la
littérature, de la culture, disciple de César Franck et Jules Massenet.
Archétype typique de l'artiste de fin de siècle, c’était un homme animé par
le doute constant par rapport à ce qu'il crée et doté d'une mélancolie
presque incurable. Il a passé beaucoup de temps avec le jeune Debussy à
déchiffrer les partitions de Mussorgski pour se déwagneriser. Il a fait une
autocritique et autocensure… Il a mis énormément d'œuvres de côté qu'il
ne jugeait pas aboutie.
Œuvres
- Trio avec piano
- 2 quatuors (un dans lequel intervient le piano et un autre pour cordes laissé inachevé)
- Concert : œuvre composée pour violon piano et un quatuor à cordes
- Chanson perpétuelle
- Cycle de mélodies : une cinquantaine (Maurice Maeterlinck dont les Serres chaudes)
- Poème de l'amour et de la mer pour voix et orchestre (œuvre à écouter en parallèle avec les
Klagende lieder de Mahler)
- Poème pour violon et Orchestre (part d'un texte de Tourguinev)
- Symphonie en Sib
- il s’est senti obligé de s'attaquer à l’opéra avec Le roi Arthus, projet qui va l'occuper pendant
très longtemps, créé à Bruxelles. L’ouverture fait penser à l'ouverture de Parsifal de Wagner.

Scène de Bruxelles : la monnaie est très importante à cette époque. Elle a eu la réputation de
monter des œuvres contemporaines (si une œuvre composée à Paris n'est pas créée à Paris, elle
est créée à Bruxelles).

Gustave Charpentier (1860-1956 ><Marc-Antoine Charpentier)


Charpentier était quelqu'un qui digère Wagner pour pouvoir
s'en débarrasser. Il va vouloir le maitriser (l’œuvre, la musique)
pour le laisser de côté.
C’est l’homme d'une œuvre : Louise (situé dans Montmartre
1900). On dit de Louise : «  Le décor de Louise est d'une
absolue modernité. Mais cette pièce est une sorte de féérie. Il
y a introduit un personnage : le plaisir parisien  » C’est une
œuvre de la veine réaliste (inspiré du courant réaliste en
littérature), comme La Bohème de Puccini (courant vériste
influencé du courant vériste en Littérature avec Verga).

!11
Maurice Emmanuel (1863-1938)
Il a écrit la thèse de doctorat sur la musique de la Grèce Antique. Grâce
à cela, a pu enseigner l'histoire de la musique dans le conservatoire de
Paris.
Œuvres les plus connues
- Sonatine bourguignonne
- Les odelettes anacréontiques
Biographie
Maurice Emmanuel est un compositeur et musicologue français né en
1862 (la même année que Claude Debussy qui fut son condisciple à
Paris) et mort en 1938.
En tant que compositeur, il choisit très vite sa propre voie : il s’intéresse à la musique modale et
ne veut pas se limiter simplement à deux modes majeur et mineur. Comme Vincent d’Indy le fera
plus tard, il s’est beaucoup intéressé aux modes de la musique populaire (qui possèdes 3 modes
majeurs : Do, Fa, Sol et 3 modes mineurs : Ré, La, Mi) ainsi qu’aux modes grecs anciens.
Cependant, Maurice Emmanuel était un homme en avance sur son temps et a connu des débuts
très difficiles en tant que compositeur : il s’est retrouvé en effet rejeté par son maitre et par ses
compères qui n’ont pas compris sa musique. Comme il était un homme modeste, il a tenté de se
conformer aux goûts de l’époque mais réalise par la suite que cela ne lui correspond pas. À l’âge
de 60 ans, il décide de détruire 30 de ses opus dont le style ne lui correspondait pas.
Suite à ces débuts difficiles, il se fait connaitre en tant que musicologue et devient un des plus
grands musicologues de son temps et le plus grand spécialiste des modes : il écrit plusieurs
ouvrages théoriques dont un traité sur les modes du plain-chant grégorien et une histoire de la
langue musicale depuis ses origines. Cependant, sa renommée en tant que grand musicologue le
fait souffrir et l’empêche de se faire connaitre en tant que compositeur. Comment un théoricien
peut-il aussi être un grand compositeur et composer des choses joyeuses et légères ? Maurice
Emmanuel était confronté à de tels préjugés à tel point que celui-ci n’osait plus montrer ses
œuvres au monde.
Œuvres
En ce qui concerne la musique pour piano seul, Maurice Emmanuel compose principalement une
série de 6 sonatines. La première sonatine pour piano (1893) s’intitule Sonatine bourguignonne et
s’inspire de musiques populaires de Bourgogne et de modes populaires. Dans sa 4ème sonatine,
dédiée au compositeur Busoni, il se sert de modes mixtes inspirés d’Inde. Sa 5ème sonatine
(1925) prend la forme d’une suite à la française et a également été arrangée pour orchestre par le
compositeur.
On retrouve dans cette musique une liberté insaisissable (grâce au caractère suspendu, l’absence
de tonique) et une complexité dans l’écriture (notamment il y a beaucoup de changements de
mesures) et ce malgré la courte durée de ces pièces. Maurice Emmanuel était à l’avance sur son
temps. Sa musique fait penser à la musique française des années 1920. En conséquent, beaucoup
de ses œuvres ont été créées seulement dans les années 20.
Pour ce qui est du répertoire de musique de chambre, il compose une sonate pour violoncelle et
piano, deux quatuors à cordes (le deuxième évoque plus un style postromantique au début, ce
qui ne lui ressemble pas et se termine avec un quatrième mouvement évoquant la musique des
tsiganes), une sonate pour flute, clarinette et piano (1907), 3 odelettes anacréontiques pour flute,
soprano et piano (1911)…

!12
Maurice Emmanuel compose également de la musique orchestrale notamment son ouverture
pour un comte gai, composée en 1887 et publiée en 1920. Il compte dans dans ses opus deux
symphonies : sa 1ère symphonie fut composée en 1919 en hommage à un aviateur, mort lors de la
première guerre mondiale et exprime la poésie de la jeunesse et l’ardeur d’un jeune combattant.
Sa 2ème symphonie, intitulée symphonie de l’automne, est inspirée de la Bretagne.
Enfin, il s’intéressa également à la musique vocale. Une des premières œuvres vocales qu’il
compose est en 1907 lors de la mort tragique de sa mère : In memoriam constitue une sorte de
mini cantate pour mezzo-soprano, baryton (il s’agit ici d’un dialogue entre une mère et son fils),
violoncelle et piano. Cette œuvre n’a jamais été publiée de son vivant. Il publie ensuite en 1914
un recueil de 30 chansons bourguignonnes (en dialecte bourguignon) qu’il a harmonisées et mises
en musique. En effet, comme Kodaly et Bartók l’ont fait avec la musique hongroise, le
compositeur s’est intéressé à la musique folklorique de son pays. Avec toutes ses recherches sur
la musique de l’antiquité et la musique modale, il est naturel que celui-ci se soit intéressé
également à la tragédie grecque et à l’opéra. Il composa deux tragédies grecques : la première,
composée entre 1916 et 1918 (mais créée uniquement en 1959, après la mort de Maurice
Emmanuel!) s’intitule Prométhée enchainé s’inspire des modes grecs et de la métrique grecque.
Sa deuxième tragédie, Salamine (1929), s’inspire de la tragédie grecque Les Perses d’Eschyle qui
raconte la défaite des Perses par les Grecs lors de la bataille navale de Salamine.
Guy Ropartz (1864-1955)
Il a fait carrière essentiellement à l'est à Nancy puis à Strasbourg.
Œuvres
- Dimanche breton
- Symphonie pour choral breton
- 2 opéras : Le Pays et Les pêcheurs d'Islande
Dukas (1865-1935)
Compositeur qui s'inflige une autocritique terrible (comme Chausson). On a
donc un catalogue d'œuvres assez restreint (composées entre 1898-1912).
Œuvres
- Sonate pour piano sonate en mi b
- Variations, interlude et final sur un thème de Rameau pour piano
- Ballet : L'apprenti socier (le Scherzo est la partie la plus connue)
- Ballet La Peri
- Symphonie en Ut
- unique opéra : Marianne et Barbe Bleu (en collaboration avec Maeterlinck)
Alberic Magnard (1865-1914)
On lui a donné le surnom de Beethoven Français pour l'âpreté de
certaines œuvres et certaines brusqueries.
Œuvres
- Symphonies : 3ème et 4ème à écouter
- Chant funèbre
- Hymne à la justice (pour orchestre)
- Hymne à Venus
- 2 opéras : Bérénice et Guercoeur, opéras inspirés par Racine. Il fait lui-
même la musique et les livrets et les appelle véritablement des
tragédies en musique.
!13
Erik Satie (1866-1925)
Alphonse Salet l'avait surnommé l'Esotérique Satie. On l'appelait aussi le Dieu Bussy. Il a
longtemps été pianiste au chat noir (cabaret parisien). C’est le grand compositeur des avant-
gardes.
Œuvres (Album Satie par Tharaud)
- Courtes pièces pour piano (la mode est aux courtes pièces,
comme en Espagne) : à l'origine de l'esthétique du presque-
rien (minimalisme). Il y a une certaine forme de naïveté,
d'équivoque et de séduction
- Ogives (voûtes dans l'art gothique)
- Sarabandes
- Gymnopédies
- Gnossiennes
- Embryons desséchés
Il a voulu faire une cure de contrepoint à la scuola cantorum avec Roussel mais il se replie vite sur
lui-même. Il a eu beaucoup de mal à s'intégrer et à créer des rapports.
Il a composé une bonne soixantaine de pièces.
- Sport et divertissements
- Pièces en forme de poire
- Cantate pour salon (pour effectif réduit, il aimait jouer avec les formes) : Socrate
- Ballets :
- Relâche
- Parade est une collaboration entre différents artistes : Picasso (pour les décors) Jean
Cocteau, Guillaume Apollinaire (pour le programme) et Massine (chorégraphies) s'étaient
mis ensemble pour écrire ce ballet. Parade est l'œuvre qui l'avait aussi rendu célèbre. C’est
l’un des premiers écrire des bruits dans les partitions : un bouteillophone, une sirène, une
machine à écrire... dans la partition (cf cours de langage contemporain)
- La messe des pauvres

Extraits écoutés
Compositeur Œuvre Epoque Pays Autre commentaire

1 Camille Saint-Saëns Danse Macabre 19ème - 20ème France  

2 Chabrier Espana Fin 19ème France  

3 Maurice Emmanuel Sonatine Bourguignonne: 1er mouvement   France  

4 Erik Satie Embryons Dessechés d'Holothurie   France  

5 Ernest Chausson Chanson perpétuelle   France Jessie Norman

6 Gustave Charpentier Louise: depuis le Jour   France Version maria Callas

7 Wagner Ouverture de Parsifal   Allemagne  

8 Alberic Magnard Hymne à la justice   France  

9 Paul dukas Variations interlude et final sur un thème de Rameau   France  

10 Vincent D'Indy Jour d'été à la montagne   France  

11 Maurice Ravel La valse (pour orchestre)   France Dirigé par Bernstein

!14
Debussy (1862-1913)
Debussy inaugure un siècle musical en commençant à composer à 32
ans. Son style musical est qualifié d’impressionniste (arrivé à son
sommet avec Monet et Renoir). L’impression que Debussy veut
traduire passe par les 5 sens traduits en musique. Certaines de ses
déclarations vont dans ce sens, par exemple avec les Nocturnes : « ce
que ça contient d’impressions, d’ombre et de lumière ». Il a besoin de
nouveaux accords, progressions harmoniques, de nouvelles formes. Il
étudie au Conservatoire de Paris mais les nouvelles harmonies
heurtent à l’époque au Conservatoire. Le public était réticent aussi, et
il met longtemps à s’y habituer car la musique est sensuelle est les
critiques la disent chaotique. À l’origine des innovations se trouvent la
gamme par tons et les gammes pentatoniques (musique chinoise,
étrangeté), qui donnent des sonorités magiques, rêveuses et pas de
tonalité définie.
Prélude à l'après-midi d'un faune (poème de Stéphane Malarmé) : musique qui colle aux
aventures faune comme Strauss. C’est une musique rêveuse, sensuelle, il y a une forme de flou. Il
y décrit la rencontre du faune et de la nymphe.
Il n’a pas écrit de grand chef d’œuvre mais c’était un grand pianiste (digne successeur de Chopin).
Il a écrit beaucoup de préludes et études (piano), et beaucoup d’œuvres qui se raccrochent à des
œuvres d’art (estampes japonaises, Watteau).
Ravel (1875-1937)
Ses dons ont été reconnus par son père à 6 ans, et à 14 ans il entrait
au Conservatoire de Paris. Il admirait Debussy mais ne voulait pas le
copier ou s’en inspirer. Il a été marqué par Wagner (au début). Il avait
beaucoup de soin, de précision, de méticulosité (Stravinsky l’appelait
« l’horloger suisse »). Il a été influencé par le jazz américain après un
séjour aux USA en 1928.
Œuvres
Dans son Boléro, on retrouve un thème unique sur une danse
espagnole avec des variations orchestrale. Ravel était finalement
agacé que ce soit juste le boléro qui revienne tout le temps, dans
plein de films. Il ne connaissait pas l’Espagne mais il avait des
origines espagnoles par sa mère.
L'Heure Espagnole est mal accueillie, très critiquée et traitée de pornographique. Les Valses
nobles et sentimentales (Habanera), le Tombeau de Couperin, La Valse (1919, juste après la
guerre, évocation de la Belle Epoque puis la mélodie se déforme et exprime le déclin de la
société et se finit en déchirure)… Les danses marquent son œuvre.
Ballet : Daphnis et Chloé (succès grâce à son caractère mythologique) pour Diaghilev. On y
retrouve des nymphes comme avec Debussy
On reconnait ses talents d’orchestrateur dans «  le Menuet pompeux  » (Chabrier) et «  Tableaux
d’exposition » (Moussorgsky).
C’était aussi un grand pianiste : il a composé 2 concerto, un concerto pour la main gauche,
commandé par un pianiste qui a perdu son bras droit à la guerre, et un concerto en sol majeur qui
commence avec un coup de fouet terrible. 

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5. L’Allemagne/l’Autriche
Wagner (1813-1883)
Contexte
Wagner commence sa carrière de compositeur vraiment dans les années
1830-40. A cette époque dans le monde de l'opéra, Spontini (italien) et
Meyerbeer sont les compositeurs qui dominent la scène parisienne. Ce
sont deux compositeurs «  parisianisés  ». Ces opéras sont des opéras
avec quelques grands airs, trios… mais aussi et surtout avec beaucoup
de Flonflons (œuvre célèbre de Spontini : La Vestale).
Sur la scène d’un théâtre parisien de cette époque-là, on trouve au
programme le bel canto rossinien (Guillaume Tell de Rossini), la Norma
de Bellini, l'opéra Français avec des ballets (Aubert : La muette de
Portici), les Mélodrames de Meyerbeer (œuvre la plus célèbre : Les
Huguenots, les œuvres sont très classiques) et œuvres d'Alévie (opéra  :
La Juive). Quand on pense à ce qu’était la scène de l'opéra à cette
époque, on se rend compte que les débuts de Wagner ne sont pas du tout révolutionnaires.
Œuvres du début de sa carrière
- première chose qu’il a composée : Symphonie en Ut Majeur de 1832, créé à Prague
- il se lance ensuite dans l’opéra : 1833  - Les Fées (opéra classique qui fait penser à Weber).
Wagner n'est pas innovant, il s'inscrit dans la tradition allemande de l’époque.
- 1834-1836 : La défense d'aimer (Das liebesverbot), opéra peu connue et rarement jouée. Il
s'est inspiré de Shakespeare pour le livret (Measure for measure). C'est est un mix entre l'œuvre
d'Aubert et Donizetti (donc à nouveau pas innovant).
- 1838-1840 : Rienzi, sorte de copie de Spontini au niveau du style.
- 1841 : Le Vaisseau Fantôme (le Hollandais volant) achevé à Paris, influencé par Meyerbeer.
Jusqu'à cette époque, on n'a rien de novateur. Wagner va chercher ses livrets ailleurs. Mais c’est
une période de réflexion... Il est perturbé par le fait que les textes qu'il utilise dans les livrets, qui
servent de support à sa musique, ne conviennent pas car ils ne sont pas assez poétiques. En
général, un compositeur fait appel à un librettiste, mais la difficulté c’est qu'il faut écrire un texte
« chantable » : il faut faire passer le message dans un minimum de phrases. Le librettiste doit dire
le plus en écrivant le moins : le livret n’est donc pas une grande œuvre littéraire en général.
Wagner est dans une impasse musicale. Il est tiraillé car il veut absolument que le texte qui est la
base de sa musique soit aussi une œuvre d’art. Il va alors commencer à écrire lui-même ses livrets.
Méthode de composition de Wagner pour ses opéras
La méthode de travail et de composition de Wagner est structurée en 5 étapes :
1. Il ébauche son sujet en prose. Il raconte l’histoire, il fait intervenir les personnages quand il les
ajoute, il écrit un motif pour chacun d’eux. Il associe aussi des objets pour chaque personnage.
C’est une phase très littéraire et symbolique (visuelle). Dans son travail, Wagner ne compose
pas uniquement la musique, il conçoit l’œuvre conceptuellement, concrètement,
visuellement... Pour lui, une œuvre lyrique est une œuvre d'Art Total :
➡ l‘opéra est un lieu : bâtiment, salle (Wagner était mécontent des lieux théâtraux)
➡ l'opéra est peinture (par exemple : Parade avec la décoration faite par Picasso)
➡ l'opéra est texte, poème
➡ l'opéra est musique
➡ l'opéra est théâtre
➡ l'opéra est mode (costumes, cordonnier, perruquier)
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2. Il reprend son texte et ses personnages et élabore le livret en écrivant le texte poétique. Ce
qui prime avant tout c’est le support textuel. Il crée véritablement un univers poétique.
3. Wagner jette des idées musicales sur papier de tout ce qui fera la trame de l’œuvre.
4. Il fait des réductions de ce qu'il a composé dans l'étape 3 sur piano.
5. Il compose la musique pour orchestre.
Principe de la musique continue
En plus du livret, Wagner est assez déboussolé par le problème du rapport entre la voix et
l'orchestre. Il observe beaucoup de compositeurs mettent la voix en évidence et l'orchestre doit
faire comme il peut pour soutenir la voix (même chose avec les castrats au Baroque, l’orchestre
occupait une place secondaire). Dans le Bel Canto du 19ème, tous les grands airs d'opéra qui
mettent la voix en évidence. Il sera un des premiers (avec Verdi) à dire que l'orchestre n'est pas le
fond sonore pour la voix : il faut qu'il y ait un effet de complétude entre la voix et l’orchestre et il
faut que ces deux éléments soient en concordance parfaite. La musique wagnérienne délivre déjà
tout le récit, la musique imprègne et crée l'atmosphère. La musique doit être au plus près de ce
que la voix dit. A un moment donné, la voix peut se séparer entièrement de l'orchestre mais
jamais en allant contre la musique. Il y a une vraie intimité entre voix et chant, et une volonté
d'installer une continuité dans la musique qui raconte la trame et qu'il n'y ait pas de suspension
(pas de recitativo ou de parties parlées qui interrompent la musique comme dans les singspiel)
Inspiration folklorique
Der Ring der Niebelunge est inspiré des traditions, légendes, mythologies allemandes, Parsifal est
inspiré de la légende Celte et Tristan und Isolde est inspiré du Moyen-âge.
(Anecdote : Baudelaire a entendu les réductions des opéras joués par Wagner à Paris et il dit de
cette soirée "si seulement je pouvais encore entendre du Wagner ce soir...")
Ouvrages
Wagner continue sa carrière : il passe par une phase théorie et publie une série d’ouvrages :
1849 : Art et Révolution - 1849 : L'oeuvre d'Art de l’Avenir - 1850 : il publie le très célèbre Oper
und Drama (opéra et drame) - 1851: Communication à mes amis
Définition de drame wagnérien
En lisant ces ouvrages, on a une véritable définition de ce qu'est le drame wagnérien :
- c’est un rejet de la forme traditionnelle de l'opéra et du drame
- il y a un emploi de thèmes conducteurs (leitmotiv)
- il y a une fusion totale entre poésie et musique
- « le théâtre est le lieu privilégié de l'union de tous les arts »
Œuvres
Wagner conçoit les projets de tous ses opéras (sujets) dans la décennie des années 1840 puis il
passe le restant de sa vie à concrétiser et réaliser ces œuvres : Lohengrin, Tannhäuser, Parsifal, Les
Maitres chanteurs de Nuremberg, Der Ring der Niebelunge (Tétralogie de l'or du Rhin).
➡ On dit souvent que la tétralogie est un prologue et 3 journées : Prologue : l'or du Rhin
(Votan a confié son or du Rhin qui va être dérobé), 1ère journée : Walkyrie, 2ème journée :
Siegfried et 3ème journée : Le crépuscule des dieux.
Mécénat de Louis de Bavière
Dans la décennie de 1850, Wagner traverse un moment très précaire dans sa vie, surtout au
niveau financier. Louis II de Bavière, qui est roi mais aussi poète (comme Rodolphe II à Prague
avec Archimboldo), mauvais monarque mais bon constructeur, envoie en 1862 une lettre à
Wagner en lui promettant de l'aider, de le soutenir et de l’aimer. Il lui permet de construire son

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Festspielehaus (à Bayreuth), avec une fosse de l'orchestre immense invisible au spectateur (la
musique doit jaillir de nulle part pour lui). Cette salle est entièrement conçue pour y jouer les
œuvres de Wagner. Louis de Bavière lui permet aussi de construire sa villa Van Fried. Le surnom
qu'on lui donne à partir de ce moment-là est le mage du Nord.
Femmes de Wagner
Femmes qui ont marqué la vie de Wagner :
- 1836 : 1er mariage avec Mina qui meurt (c’était une union difficile pleine de conflits)
- 2ème mariage avec Mathilde Wesendonk. C'est la personne avec qui il était quand il a écrit
Tristan und Isolde et on dit que c'est elle qui l'a inspiré pour le personnage d’Isolde (Wagner
conçoit Tristan à la fin des années 40, y travaille dans les années 50 et l’œuvre n’est réellement
créée qu’en 1865.)
- Cosima Von Bullow (Liszt) qui est la fille de Liszt. Elle est beaucoup plus jeune que
lui (et était déjà mariée avec Hans Von Bullow, un de ses amis qui a dirigé
l’orchestre lors de la première de Tristan und Isolde notamment). Elle fusionne avec
lui et vice versa. Ça prend un certain temps pour que chacun divorce de leurs
compagnons respectifs mais ils finiront leur vie ensemble.
Richard Strauss (1864-1949)
Richard Strauss a bénéficié d’une éducation musicale précoce par son père
(corniste professionnel : ressort dans ses deux concertos pour cor). Marqué
par le sceau wagnérien, il ne voyait pas comment composer après lui.
Il a d’abord composé des poèmes symphoniques (car pour lui l’opéra
correspond trop à Wagner) et il pensait à Liszt en les écrivant (Don Juan,
Don Quichotte, Une vie de héros, Les joyeuses équipées de Tell l’espiègle,
Mort et transfiguration, Ainsi parlait Zarathustra).
La musique de l’époque était connue à travers les films entre autres. Un
poème symphonique doit raconter une histoire et les siens sont très
rigoureux dans le respect de l’histoire (comme chez Wagner).
- Don Juan : l’amour qui cultive les conquêtes
- Mort et transfiguration : faiblesse d’un vieillard (la musique illustre les ratés des battements du
cœur de quelqu’un qui va s’éteindre)
- Don Quichotte : vieux fou qui se bat contre des armées de moulins et de moutons
Il disait qu’il pouvait traduire n’importe quoi en musique, même le transport des couverts de
l’autre côté de l’assiette. Il reprend le Leitmotiv wagnérien et utilise des socles de tonalité
trompeuse : il fait semblant de conclure puis repart, et excelle dans l’accord final. Sa carrière a été
post-romantique : il n’a jamais abandonné la tonalité. Juste avant de mourir, il a dit « La mort est
exactement comme je l’ai décrite ». Il ne se préoccupait pas de politique.
Richard Strauss assure le relai de Wagner avec une grande quantité d’opéras :
- Salomé - 1905 : thème biblique où Strauss s’inspire d’Oscar Wide (dramaturge anglais) qui a
écrit une pièce sur Salomé. Il fait aussi une analyse freudienne du personnage.
- Ariadne auf Naxos - 1912-1916 : Strauss renoue avec l’opéra baroque.
- La femme sans ombre - 1919
- Intermezzo - 1924 : Strauss veut établir une fracture avec l’opéra vériste (dénonce la misère
sociale - Puccini). C’est un opéra qui est en quelque sorte à l’origine du feuilleton télé.
On a une volonté au tout début du 20ème siècle de faire des choses nouvelles mais de les
raccrocher à des formes anciennes et de s’inspirer d’œuvres célèbres. Strauss veut mettre en
avant des librettistes contemporains (comme Wide) et les idées de Freud.
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Librettistes du début du 20ème siècle
Zola : naturalisme - cycle des Rougons-Macquarts où Zola s’intéresse à l’idée d’hérédité. Il
France décrit la société du Second Empire (1852-1870) où Napoléon III est au pouvoir. Bruneau,
Massenet et Charpentier s’inspirent de ce naturalisme dans leurs grands opéras à la française.
Le vérisme est un courant qui s’inspire du naturalisme pour décrire la vérité. La littérature
vériste connait un très grand succès entre 1880 et 1890. C’est après cette décennie que le
Italie vérisme s’installe dans le domaine de l’opéra.
Verga : auteur d’une nouvelle portée à l’opéra : Cavaliera Rusticana. Les compositeur véristes
qui s’en inspirent sont Puccini, Leoncavallo, Mascani, Giordano, Cilea
Maeterlinck : le courant est symboliste, et l’ambiance très différente. Ce courant met l’accent
sur le rêve, l’idéal, l’amour et la mort… Il est l’auteur en 1900 de Pelleas et Mélissande. (en
Belgique
même temps que L’interprétation des rêves de Freud, qui donne également de l’importance
aux rêves). Cette pièce a été mise en musique par Debussy, qui a collaboré avec Maeterlinck.
Hugo von Hofmannsthal : c’est un écrivain très apprécié par Strauss, qui lui demande d’écrire
Allemagne des livrets pour ses opéras néo-mythologistes.

Autriche Zweig
Norvège Ibsen : univers clos et enfermé (huis clos pesants)
Irlande Shaw et Yeats
Russie Anton Tchekhov (il n’y a pas vraiment de début et de fin : déconstruction narrative)

Foisonnement
En France on a Debussy avec Pelléas et Mélisande - 1902 et Stravinsky avec L’Histoire du
Pionniers Soldat - 1918 - mélodrame ; Œdipe Roi ; Rake’s progress - opéra néo-classique.
En Autriche on retrouve Schoenberg : Moïse et Aron - opéra.
Kurt Weill : il travaille avec Brecht et ose représenter la misère et le sordide dans l’opéra
Refus des (Opéra de Quat'sous, Grandeur et décadence de la ville de Mahagony)
conventions Ernst Krenek : il introduit le jazz dans l’opéra (mais il a beaucoup de problèmes avec le
régime nazi) : Jonny spielt auf - 1927
Ravel compose L'enfant et les sortilèges et Hindemith écrit Vier Bauen Ein Stadt - 1931.
Opéras Sur une seule et même génération, Poulenc compose le dialogue des carmélites, Ravel,
pour
Milhaud, Stravinsky et Berg (Lulu et Wozzeck) composent en même temps, avec des
enfants
ambiances tout à fait opposées.

Mahler (1860 - 1911)


Autre héritier de Wagner (Strauss cherche un équilibre alors que Mahler est plus
tourmenté et névrosé), il est né en Bohème, d’une famille juive pauvre. Il a eu un
début de vie angoissant et une vie tragique : il a perdu une fille par la maladie et
s’en est voulu car avant sa mort il a écrit les Kinderstotenlieder et il a eu
l’impression d’appeler la mort. Il souffrait de cœur et il a toujours cru qu’il allait
mourir. Il a dit « Je suis trois fois apatride » : une fois car c’était un bohémien né en
Autriche, une fois car en Autriche il vivait parmi les allemands et une fois parce qu’il était un juif au
milieu du monde entier. Son père battait sa mère et les enfants et c’est pour ça qu’il a quitté sa
maison. Il a vu un orgue de barbarie qui jouait une chanson populaire, qu’il a associé au triste et
au sordide. C’est un des rares à ne pas s’intéresser à la musique populaire. Il a aussi consulté
Freud. Pour lui, la musique est les don de l’alternance entre passages forts et doux. Il exploite
bien les instruments, la beauté éthérée puis la rage et le tourment, la désolation et le triomphe.
Dans ses symphonies, il faut écouter la 2 (Résurrection) et la 4 (préférée du prof). Il était aussi
célèbre comme chef d’orchestre : il ne dirige pas mais il devient la musique. Il a dirigé l’opéra de
Budapest puis de Vienne et il a été le premier chef du Metropolitan pendant 4 saisons d’affilée.


!19
6. Le Brésil
Heitor Villa-Lobos (1887 - 1959)
Il a appris la musique en auto-didacte. Il a d’ailleurs déclaré que son premier
traité l’harmonie était la carte du Brésil. Il est guitariste et il a appris la guitare
en côtoyant les musiciens des rues. Il a fait beaucoup de voyages pittoresques :
il a arpenté la forêt tropicale, il s’est intéressé aux musiques rituelles des
indigènes auxquelles il a ajouté les rythmes des Noirs de Bahia. Au-delà de tout
ça, il a adoré la musique de son pays. À tout ce bagage culturel, il ajoute une
étude précise de Bach, Wagner et d’Indy. Il a aussi fait deux longs séjours à
Paris en 1923 et en 1930. C’est riche de tout ça qu’il décide de créer un
langage nouveau (comme Bartok). C’est un excellent pédagogue et organisateur de concerts. Il
fait aussi découvrir la musique occidentale aux brésiliens (Bach et Beethoven mais aussi les
compositeurs français de cette époque). Dans les années 1930, il devient surintendant de
l’éducation musicale et artistique brésilienne, titre qu’il reçoit du président Vargas lui-même. Il a à
son actif un bon millier d’opus, dans lesquels il arrive à garder l’aspect improvisé et le côté brûlant
de la musique brésilienne parce qu’il avait une admiration pour les chanteurs de rue brésiliens
(seresteiros). Il appréciait aussi les groupes de musique ambulants qu’on appelle les choroes.
Œuvres : Un de ses œuvres les plus célèbres est un hommage à Bach avec des effectifs très
différents : Bachianas Brasileiras, dont la plus célèbre est la n°5, avec une vocalise sur fond de 8
violoncelles. Ses autres œuvres à écouter sont La découverte du Brésil (œuvre orchestrale),
Amazones et le Concerto pour guitare

7. La République Tchèque
Janacek (1854-1928)
Il est né en Moravie et n’est vraiment pas un enfant prodige. Il est resté pendant
toute sa carrière prof et chef d’orchestre à Brno. Il compose mais n’a absolument
pas de succès. La révélation se fait avec son opéra Jenufa qui est représenté à
Prague. L’opéra Katia Cabanova fait entendre une ambiance inéluctable (ça se
termine mal). Quand il est représenté à Prague, Janacek a 63 ans, et il tombe
amoureux d’une très jeune femme (Kamila Stosslova). À partir de ce moment, il a
commencé à énormément composer.

8. L’Estonie
Arvo Pärt (1935 - )
C’est difficile de le classer car il a un style très éclectique et personnel. Durant toute son œuvre on
retrouve l’expression de sa foi profonde, qui rend sa musique parfois relaxante et méditative.
Œuvres
- Sa première grande œuvre est la Passion selon Saint Jean, qui
impressionne le public
- Stabat Mater (3 voix de solistes et trio à cordes)
- Fratres, pour piano et violon
- orchestre à cordes et cloche dans le Cantus in memoriam de
Benjamin Britten
- Tabula Rasa : concerto pour 2 violons, orchestre à cordes et piano
préparé

!20
9. La Hongrie - Roumanie
Bartok (1881-1945)
Il est né en territoire hongrois mais quand l’empire austro-hogrois
s’est découpé en 1920 la ville de naissance de Bartok a été
attribuée à la Roumanie. Il commence par faire ses études
musicales à Bratislava qui était une ville hongroise à l’époque. Il a
envie de parachever sa formation et va la poursuivre à Budapest. Il
est confronté à un enseignement de la musique tout à fait
germanisé. Il admire particulièrement Brahms, Wagner et Strauss.
Mais Bartok ne peut pas accepter qu’on mette ces compositeurs
allemands tellement en évidence : il veut trouver un passé
national. Il fait ses premiers concerts en costume traditionnel. Il
avait une sœur qui s’appelait Elisabeth mais il voulait qu’on
l’appelle avec un surnom de sa région d’origine. Il commence sa
carrière de compositeur avec un poème symphonique qu’il rédige
à la gloire d’un héros de la révolution de 1848 qui s’appelle
Kossuth. C’est une œuvre très influencée par Strauss avec un parfum de musique hongroise.
À partir de 1904 il part à la découverte de la musique populaire, par l’intermédiaire de la musique
paysanne hongroise, qui compte des milliers de champs populaires. Il fait une distinction entre la
musique populaire hongroise (très répandue, véhiculée par les orchestre tziganes) et la musique
paysanne hongroise (qu’on chante et interprète dans la campagne). La musique paysanne est très
simple, archaïque mais avec des rythmes très particuliers. Il se sent enrichi par toute cette
musique et se libère complètement de Wagner et de Strauss. En 1910 il produit son premier
quatuor à cordes qui le fait remarquer et le présente comme un compositeur et non plus
seulement comme un interprète. Ils se lance alors dans l’opéra avec Le Château de Barbe-Bleu. Il
écrit aussi une pantomime (entre le ballet et l’opéra) : Le Mandarin Merveilleux. Il se lie d’amitié
avec Kodály avec qui il parcourt la Hongrie. À un certain moment leurs points de vues se mettent
à diverger car le but de Kodály était de faire entrer la musique populaire dans la musique savante
et il se considérait comme un artisan, qui prend tous les bijoux (les chants populaires) et les met
en évidence. Mais il finit par s’écarter de cet objectif car il voulait tellement rendre les morceaux
intéressants qu’il a finit par les modifier et s’écarter de leur simplicité de départ. Bartok et Kodály
faisaient boire les gens pour les faire parler.
En 1919, après la guerre, Bartok entre dans le gouvernement communiste très éphémère. En
1926 il compose le concerto pour piano n°1 qui lance le début de ses chef-d’œuvres :
- quatuor n°5
- musique pour cordes, percussions et célesta
- sonate pour 2 pianos et percussions
- concerto pour violon
- Rhapsodie pour violon et orchestre n°1 : Bartok a essayé d’imiter les sonorités de l’orchestre
tzigane, où on retrouve le son du cymbalum.
- quatuor à cordes n°4 : laboratoire pour le langage musical
À la fin des années ’20, il obtient un poste à l’université de Hongrie, où il peut faire des
recherches dans le domaine de la musique populaire. À la fin des années ’30, il devient un
opposant farouche aux régimes totalitaires qui se développent à travers l’Europe et il décide de
quitter l’Europe en 1940, et s’exile à New-York. Il meurt là-bas dans une grande misère, après
avoir encore écrit le concerto n°3 pour piano et le concerto inachevé pour alto.


!21
10. La Russie
Scriabin (1872-1915)
Il a fait ses études au conservatoire de Moscou avec Rachmaninov. Il a été
influencé par le domaine de la philosophie (et la théosophie : mélange entre
théologie et philosophie, avec un côté mystique).
- Grandes fresques symphoniques : Symphonie n°2
- Poèmes symphoniques : poème de l'extase, Prométhée, le poème du feu
Scriabin concevait des jeux de lumière pour ses œuvres. Il était convaincu
d’une harmonie entre lumière, couleur et musique. Il beaucoup composé
pour le piano (sonates et pages brèves), en s’inscrivant à la suite de Chopin.
Rachmaninov (1873-1943)
Rachmaninov est un pur et authentique romantique russe dans la suite de
Tchaikovsky. Il a grandi à Saint-Pertersbourg où il a fait une partie de ses
études musicales. Tchaikovsky faisait partie du jury de son examen final et lui
a donné la note la plus élevée. En 1917 a lieu la révolution russe (du tsarisme
vers le communisme) et Rachmaninov décide de s’installer aux Etats-Unis, où
il est promoteur de la musique russe. Il a l’air très hermétique sur les
portraits, mais c’était quelqu’un de très chaleureux. Quand il a commencé sa
carrière de compositeur, il a commencé par une période de trou noir, où il
n’arrivait pas à composer, après l’audition de sa première symphonie qui a
été désastreuse. Il a alors sombré dans la dépression. Il a alors eu recours aux services d’un
hypnotiseur qui lui a rendu sa capacité à composer. Il a alors écrit son deuxième concerto pour
piano, qu’il a dédié à son hypnotiseur. Il a composé 4 concertos pour piano.
Khatchaturian (1903-1978)
Il est d’origine arménienne mais fait carrière en Russie. Il reste chargé du folklore
arménien et c’est un orchestrateur époustouflant. Ses œuvres les plus connues sont
les ballet Gayaneh (Danse du Sabre) et Spartacus. Il a composé une suite pour
orchestre dont il a ensuite fait un opéra qui s’appelle Mascarade, et un concerto pour
violon (aussi pour flûte).
Prokofiev (1911-1953)
Il est né juste avant la révolution et mort à Moscou. Il a eu des problèmes avec le
communisme, et on lui a fait faire l’autocritique de son œuvre. Le régime communiste
décrivait son œuvre comme faisant montre d’un « formalisme décadent ».
Œuvres : Pierre et le loup, symphonie classique, Roméo et Juliette, L’amour des trois
oranges (opéra), Alexandre Nevsky (cantate composée pour le film du même nom)
Chostakovitch (1906-1975)
C’est le compositeur phare de l’Union Soviétique (Staline), pas comme
Stravinsky qui est parti. Il doit tout le temps essayer de faire passer sa
musique alors que ne cadre par avec le régime. Il essaye de garder sa
liberté, mais parfois il obéit. À 18 ans il écrit sa première symphonie
(bruyante, provoquante et avec des harmonies dissonantes). Elle est vite
appréciée par les révolutionnaires qui s’y retrouvent. L’Union Soviétique le
célèbre parfois, par exemple avec l’opéra «  Lady Mc Beth de
Mtsensk  » (1935) qui est un succès en Russie et à l’étranger. Il bascule
!22
tout le temps entre succès et clash. Le premier grand clash c’est l’article dans la « Pravda » (chaos
au lieu de la musique, musique dangereuse, dont il faut se méfier ; on se méfie aussi de ceux qui
la défendent). Le succès s’arrête, les représentations d’opéra aussi, des étiquettes sont posées sur
les affiches, il doit être ennemi publique du peuple. Il est alors obligé de se soumettre, et l’œuvre
qui le réhabilite est sa 5ème symphonie (sous-titre : «  réplique d’un artiste soviétique à de justes
critiques  »). À la même période, il remanie son opéra et en fait un opéra socialiste qui devient
« Katerina Ismailovna ». Chaque fois qu’il sortait des sentiers battus, il était rappelé à l’ordre.
Dans sa 5ème symphonie on sent une volonté d’exprimer que l’acharnement du régime
communiste détruit l’optimisme. À l’époque, on ne peut se réjouir que quand le pouvoir le décide
(et là, on est obligé de se réjouir). Il fait comme si il passait un message communiste mais il passe
un autre message. Il a écrit la première musique jouée dans l’espace, et ses 7ème et 12ème
symphonies sont à écouter.
Stravinsky
[Voir contenu histoire de l’art]

11. Les USA


Vienne crée sa nouvelle musique, sombre et complexe, avec Schoenberg, Berg et Webern, mais
les USA préfèrent une musique à caractère optimiste et nationaliste qui véhicule espoir et énergie.
Gershwin (1899- 1937)
Né à Brooklyn, sa musique a servi à combler le fossé entre « grande
musique classique  » et «  musique populaire  ». Il est mort d’une
tumeur au cerveau.
Il se révèle avec sa composition Rhapsodie in Blue, sorte de concerto
pour piano qui n’est pas écrit pour orchestre mais pour jazz band. La
première a eu lieu en 1923 et le concert avait comme titre
«  expérience de musique moderne  ». Gershwin l’a composé en
retard : il a puisé son inspiration et les motifs dans les trajets de train,
avec les bruits et les paysages (comme John Cage). Il associe la
structure traditionnelle classique du concerto pour piano avec le jazz
américain car il était pianiste de jazz avant d’être compositeur et qu’il
l’est resté toute sa vie (ça le faisait vivre).
Il a composé pour les shows de Broadway avec son frère (qui écrivait les paroles). Il manquait de
confiance en lui, il estimait ne pas être à la hauteur (sa formation avait été très légère) et
demandait donc tout le temps des conseils à ses contemporains. Il s’était lié d’amitié avec
Schoenberg (ils jouaient au tennis ensemble) et lui demandait des conseils mais Schoenberg
refusait toujours en disant « Je ne ferai pas de vous qu’un mauvais Schoenberg alors que vous êtes
déjà un excellent Gershwin ».
Samuel Barber (1910 - 1981)
Samuel Barber fut l’auteur de la 3ème œuvre favorite des Américains :
son Adagio composé à 25 ans lorsqu’il faisait ses études au Curtis
Institute. Après la seconde guerre mondiale, il devint l’hymne non
officiel pour les jeunes soldats morts à la guerre. C’était l’époque de
l’atonalité, du dodécaphonisme, du jazz mais lui est resté
romantique (même pas post-romantique) en écrivant une musique
pleine de mélodies. À écouter aussi : Concerto pour violon.

!23
Bernstein (1918 - 1990)
Bernstein était le grand chef d’orchestre du Philharmonique de New-York
et il introduisit le jazz comme Gershwin. Il a dirigé la 9ème symphonie à la
chute du mur de Berlin, qu’il a enregistré, et chaque CD était
accompagné d’un morceau du mur.
Œuvres
La comédie musicale West Side Story le conduisit à la gloire et la fortune
avec le jazz : jouée au show de Broadway, sorte de Roméo et Juliette
américanisé, œuvre diffusée et connue qui a même été adaptée en film,
elle connut un accueil triomphal (en Europe aussi). On en a même extrait
des danses symphoniques.
Candide est un opéra adapté de Voltaire.
Il a aussi composé des œuvres plus plus graves : Kaddish, symphonie-cantate qui relate des
angoisses de la foi juive, avec une ambiance différente.

Après : l’école minimaliste


Steve Reich (1936), Philipp Glass (1937), John Adams (1947)
De courts fragments musicaux, répétés et dans lesquels on introduit des
variations très subtiles de rythmes d’harmonie. Ça met l’auditeur dans un
état second. Certains films sont totalement accompagnés par cette
musique.
John Cage (1912-1992) : il a exploité la notion de hasard. Il avait 4 postes
de radio sur des fréquences différentes et les utilisait dans ses
compositions. Il a aussi utilisé la d’introduction de l’amusement dans le
sérieux.
Œuvres : 4 minutes 33, Sonates et interludes pour piano préparé


!24
Les inspirations « exotiques »
Au 20ème siècle, les compositeurs veulent s’inspirer de musiques orientales. Il marquent ainsi la
suite du courant orientaliste qui a commencé avec le romantisme. À cette époque, quand on
parle d’orient, on parle du Proche-Orient. Mais les compositeurs étendent cette vision au sud de
l’Espagne, à l’Afrique, à l’Inde, et finalement tous les autres continents que l’Europe. Les
compositeurs veulent s’inspirer de textes et de musique différentes. Ils veulent donner à
l’orchestre une couleur orientale.

1. Mahler et les poèmes asiatiques


Par exemple, dans le cycle des Chants de la Terre, Mahler se
base sur des poèmes asiatiques, « La flûte chinoise ». Il utilise le
célesta (inspiration des «  gong  » asiatiques) et la mandoline
(Afrique du Nord). C’est en utilisant ce genre d’instruments que
les compositeurs donnent une couleur orientale à leurs
compositions. Ils utilisent aussi la « gamme chinoise » (do-ré-mi-
sol-la - pentatonique). Il utilise aussi un effectif énorme pour
pouvoir donner ces couleurs. Il n’abandonne pas les traditions
occidentales, mais d’une manière particulièrement raffinée. Les
touches asiatiques restent très sobres. Mahler a voulu donner
une impression de calme et de solitude. On peut comparer la
voix au pinceau chinois qui fait de la calligraphie. Le décor est le suivant : on est dans une vallée
au bord d’un cours d’eau, avec du brouillard et du givre, qui va jusqu’à un lac avec un pont en
croissant de lune inversé où de frêles jeunes filles cueillent des fleurs de lotus.

2. Puccini et l’atmosphère orientale


On a aussi Madame Butterfly de Puccini, souvent vu comme le dernier grand compositeur
d’opéras italiens. La maturation est très lente chez Puccini pour composer des opéras : d’abord
parce qu’il est parfois déprimé (il ne sait alors plus travailler), ensuite parce qu’il veut absolument
trouver le bon livret, mais aussi parce qu’il veut vraiment s’inspirer de l’atmosphère de l’opéra. Il
passe donc énormément de temps à collecter des documents (comme Balzac et Zola) dans
lesquels il se plonge pour pouvoir rendre l’atmosphère orientale.

3. Debussy et les estampes japonaises


Debussy aussi essaye de trouver son
inspiration ailleurs. Par exemple, dans la
deuxième partie de La Mer (les vagues), il
s’inspire d’estampes japonaises. Debussy
était un amoureux des arts, il s’inspirait
beaucoup de la peinture (voir musée Rodin à
Paris). Il était aussi en possession d’estampes
japonaises. Les estampes sont des gravures
(on peut les reproduire). C’est un bagage
cultures que l’occident découvre au 19 ème siècle (alors qu’elles ont été produites au japon en
18 ème siècle). Elles rencontrent un grand succès en surfant sur cette vague orientaliste. Samuel
Bing était un vendeur d’estampes, et son magasin était très fréquenté par Debussy. Il allait les

!25
regarder mais il avait également une belle collection en
sa possession. Les deux grands estampistes sont Hokusai
et Hiroshige. L’image ci-dessus, La grande vague de
Kanagawa, était très connue et très reproduite à cette
époque, et Debussy l’avait en tête quand il a composé Le
jeu de vagues (deuxième partie de La Mer). C’est aussi à
cette époque que les peintres impressionnistes avaient
du succès, en peignant des séries
(comme les Nymphéas de Monet),
tout comme les estampes sont souvent faites par séries (les 36 vues du
Mont Fuji). Debussy fait donc aussi une sorte de série dans sa composition
de La Mer. Les estampistes fonctionnent avec la technique de l’aplat, qui
plait aussi fort à Debussy (pour lui, chaque note posée a son importance).
Les estampes sont d’une grande lisibilité, ce qui fascine Debussy qui
aimerait faire la même chose dans sa musique. Debussy a également
composé une série qui s’appelle Estampes, et une qui s’appelle Images,
dans laquelle il y a un morceau qui s’appelle Poisson d'Or, pour lequel il
s’inspire d’une estampe qu’il avait chez lui.
Un autre grande source d’inspiration des compositeurs (surtout français),
c’est les expositions universelles. On y installe des grands pavillons qui
rappellent l’habitat traditionnel de chaque pays. C’est une sorte de vitrine
qui montre toutes sortes de choses sur le pays comme la cuisine
par exemple, mais aussi les œuvres d’art. Certains pays
d’Indonésie (Java, Bali…) apportent des instruments traditionnels
et folkloriques indonésiens, comme le gamelan. Les compositeurs
français cherchent alors à reproduire ces sonorités dans leurs
composition. Debussy compose aussi une pièce qui s’appelle
Pagodes, où il s’inspire de l’architecture.
Les compositeurs s’inspirent aussi du jazz car c’est une musique qui est composée en Amérique
mais qui trouve son origine en Afrique (les enclavent venaient de la côte ouest du continent
africain) : on retrouve cette inspiration dans Golliwog's cake walk de Debussy (comme dans les
Trois préludes pour piano de Gershwin).


!26
Aperçu de l’histoire du jazz
Les esclaves ont été transportés par bateau lors du «  trafique
triangulaire  » ou «  traite des Noirs  ». Ces négriers quittaient
l’Europe (souvent l’Angleterre) chargés de denrées à vendre
(produits fabriqués en usines, dont des armes) qui les
déchargent sur les côtes ouest africaines en échanges de
cargaison d’humains qu’on prive de leur liberté et qu’on
entasse (couchés) dans les cales. Mais ces traversées se
passaient souvent mal, avec un grand nombre de morts. Il n’y a aucun respect pour la vie
humaine. On amène ces gens sur le continent américain, où on les vent pour aller travailler dans
les champs de coton, de maïs et de canne à sucre (l’activité de ces esclaves dans les champs
influe sur les chansons qu’ils vont composer). Après ça, les bateaux se chargent de coton, du
sucre, du rhum, des fourrures (du Canada)… qui sont vendus en Europe.
Un triple phénomène est alors à l’origine du début du jazz :
- la déculturation : les Noirs sont privés de leur culture d’origine
- l’acculturation : influence de la culture des Noirs sur la culture américaine
- l’enculturation : la culture américaine (basée sur la culture européenne) s’impose sur celle des
Noirs et la détruit
Le jazz est donc d’abord une musique africaine qui se développe en Amérique avec l’influence de
la culture européenne.
Brève histoire du jazz : courants et caractéristiques
Courant Date Lieu Caractéristiques
C’est dans cette région qu’on pose les premières voies ferrées. Ce sont donc des grands chantiers
1 Ragtime 1890 Missouri dans lesquels les Noirs chantent. C’est surtout composé au piano : la main gauche fait un
accompagnement et la main droite une mélodie syncopée.
Le delta du Mississippi est un véritable carrefour. En plus du piano on utilise le cornet, le trombone,
New
2 1900 Mississipi la clarinette, et on ajoute en accompagnement basse, guitare, banjo. Ce courant est inspiré des
Orleans
marches d’Europe.
Nouvelle C'est l’apparition du jazz des Blancs : la frontière est floue entre les musiciens Blancs et Noirs. On
3 Dixieland 1910
Orléans voit un mélange de Blancs et Noirs dans un même orchestre.
Les musiciens sont venus s’installer à Chicago (on appelle parfois ça le nouveau orléanais). Avant,
l’orchestre improvisait tous ensemble, mais maintenant l’orchestre accompagne le soliste qui
4 Chicago 1920 Chicago
improvise. On utilise le saxophone, et la basse et la guitare supplantent le tuba et le banjo, et la
batterie s’impose. On en parle parfois comme du « blues classique ».
5 Swing 1930 New York Epoque des big bands blancs et des orchestre noirs ; période avec beaucoup de solistes.
Les tempos sont rapides, avec des grilles harmoniques très riches, des phrases nerveuses et
6 Be-bop 1940
précipitées. On utilise énormément le saxophone et la trompette.
C'est un be-bop enrichi mais avec un tempo plus lent. Les musiciens ont une bonne connaissance
Hard
7 1950 de l’harmonie et recherchent une perfection instrumentale. Le quintette est fort utilisé : piano-
bop New York batterie-basse-saxophone-trompette.
Ce style romp avec le cadre structuré du be-bop. C’est beaucoup plus libre, et il s’ouvre à beaucoup
(centre)
8 Free jazz 1960 d’autres cultures musicales (Inde, Afrique, Asie). On lui reproche parfois une approche bruitiste de la
et musique.
Jazz rock- 1970 Ce sont des sonorités beaucoup plus douces que dans le free jazz. On fait une combinaison entre
partout
9 jazz l’improvisation et les rythmes binaires du rock. On utilise les instruments électroniques, et les
1980 ailleurs
fusion puristes diront que ça devient fort commercial.
On croise le hard bop avec le funk et le hip hop. C’est parfois proche de la soul et du rythm&blues.
aux USA
1980 On utilise des quantités de percussions mais aussi des samplers et des rythmes électroniques. On
10 Acid jazz
1990 … veut se rapprocher de la danse, donc on utilise des rythmes ternaires, et la voix est fort utilisée, avec
de belles performances.
11 Trip hop 2000 Musique électronique répétitive avec des tempos lents liée au DJ’s, on utilise des boucles jazz.
C'est le jazz électronique, l’électro-jazz. On utilise les harmonies et instrumentations jazz qu’on
12 Nu jazz 2000
mélange avec la musique électronique. Il y a encore une grande place pour l’improvisation.

!27
1. Les origines du jazz
1.1 Les worksongs
L’expérience de la traversée de l’océan à bord d’un négrier est une expérience particulièrement
traumatisante. Les Noirs qui arrivent en Amérique ont tout perdu : leurs biens, leur famille et leur
religion. La religion occupe une place importante en Afrique de l’Ouest et les africains déracinés
essayent de s’y raccrocher, mais ce n’est pas du tout possible en Amérique. Ils ont aussi perdu
leurs traditions et leur langue. Un vide culturel s’installe alors. Sur le continent américain, ils sont
considérés comme des bêtes de sommes et travaillent dans les champs de coton (« champs de la
honte  »). Ils s’interpellent alors dans des sortes de complaintes, entre le chant et le cri. Ils
expriment ainsi leur ressenti face à cette situation traumatisante. On appelle ces appels des « field
hollers  ». Les worksongs sont des chansons très importantes dans ce contexte : la voix vient
soutenir l’effort physiques. Elles impressionnent les Blancs propriétaires.
1.2 Les négro-spirituals
Comme ils sont privés de leur religion, les Noirs adoptent celle des Blancs. Ils sont sensibles à la
vague du revivalisme (sorte de réveil évangélique) et chantent les chants des Blancs (spirituals :
hymnes, psaumes et cantiques composés en Amérique au 17ème et au 18ème siècles). Ils entendent
aussi les sermons des églises baptiste et méthodiste qui les marquent et sont particulièrement
touchés par la branche protestante (pour le rapport direct à Dieu). Ils se réunissent en assemblée
et répondent à la voix soliste. Ils scandent le chant avec leurs mains (tradition importée d’Afrique)
en frappant les temps faibles (contrairement à la tradition occidentale qui scande les temps forts).
Les thèmes bibliques sont très importants et il se produit une assimilation : les Juifs qui ont été
déportés au 6ème siècle (Lamentations de Jérémie) font écho à leur histoire (Jourdain = fleuve du
Mississippi ; terre promise/Jerusalem = Amérique du Nord). Ils trouvent donc dans cette religion
une correspondance avec leur propre situation.
1.3 Le gospel
Dès la fin du 19ème, la ferveur de ces chants se transporte. Le gospel transpose
des négro-spirituals chantés dans les églises aux salles de concerts. On les
appelle aussi les « chants évangéliques ». Ces salles sont tout de suite combles
(encore aujourd’hui). Le gospel est aussi à l’origine de la musique soul.
Mahalia Jackson était une reine du chant gospel. Elle a passé toute son enfance
à chanter dans les chorales d’églises. Elle est admirée par les Noirs comme les
Blancs et elle se produit au Carnegie Hall à New York. Elle a été une très grande
militante pour les droits civiques.
1.4 Le ragtime
À la fin du 19ème siècle dans le Missouri, quelques Noirs reçoivent un
enseignement de la musique occidentale (surtout au piano). On leur enseigne
Chopin et Liszt, surtout les marches et les polkas.
Scott Joplin a d’abord assimilé la rythmique européenne, puis l’a déchirée en
composant des mélodies basées sur des syncopes se superposant à un
balancement rythmique régulier à la main gauche. La diffusion du ragtime est très
rapide et il est exécuté dans les saloons. Ils sont enregistrés sur papier (bande perforée) qu’on
passe dans un piano mécanique. L’accord de ces instruments était approximatif mais c’est ça qui a
plu et a fait évoluer le ragtime vers le blues. Entre ragtime et blues, on retrouve le piano boogie-
woogie, joué dans les honkie-tonk (tripots). À écouter : Mapple Leaf Rag et The Entertainer.

!28
1.5 Le blues
Le nouvel élément qui s’intègre ce sont les ballads folkloriques (air un peu mélancolique) des
Blancs qui sont récupérées par les Noirs qui y voient l’opportunité d’exprimer leur désarroi. En
effet, même si l’esclavage a été aboli, la ségrégation demeure et les lynchages de Noirs sont
encore monnaie courante dans le Sud. Dans le blues, ils chantent leur vie quotidienne, qui n’est
pas très heureuse. Il est chanté dans le Mississippi, accompagné à la guitare : les guitaristes
utilisent un goulot de bouteille (bottleneck) qu’ils font glisser sur les cordes pour reproduire les
inflexions de la voix. On utilise aussi l’harmonica, adapté au statut itinérant du musicien de cette
époque. Le musicien blues est souvent marginal, vivant dans la misère et dormant dans les trains.
Ils chantent et déclament la misère sur une pulsation omniprésente (talking blues). Les thèmes
sont la misère, l’alcool, l’amour perdu, et le langage est argotique. À écouter : John Lee Hooker -
No Shoes et Son House - Delta Blues. Au même moment au Texas la guitare du bluesmen prend
des teintes espagnoles, et sur la côte est les bluesmen adaptent à la guitare la main gauche du
piano de ragtime (c’est à ce moment qu’apparait la grille de blues en 12 mesures).
Robert Johnson a vécu sur les bords du Mississippi. Il est mort très jeune,
assassiné par un mari jaloux ou à cause de rites vaudous. Il aurait croisé le
diable et accepté de vendre son âme en échange de devenir un musicien
extraordinaire. Sa tombe a été enlevée par un cyclone.
1.6 La Nouvelle-Orléans
Les créoles, fruits de l’amour extra-conjugal entre aristocrates français et esclaves noirs, ont reçu la
tradition musicale européenne. Ils ont fréquenté la musique «  blanche  » dans les salons. Ils
côtoient les Noirs de la Nouvelle-Orléans qui interprètent des danses tribales à Congo-Square. Ils
subissent les lois ségrégationnistes et doivent quitter les quartiers blancs pour aller vivre dans les
quartiers des Noirs. Il y a alors un mélange entre le blues, le ragtime… et la musique occidentale.
La Nouvelle-Orléans est une ville très musicale : on y organise bals, carnavals, cérémonies, fêtes
et aussi la musique qui accompagne les convois funèbres (qui peut être enjouée). Il y a des
fanfares dans les rues (les brass bands) et des orchestres ambulants (les wagon bands) qui
s’affrontent en joutes musicales. Certaines de ces formations musicales sont sur des chariots sur
lesquelles le cornettiste interprète des variations de la
mélodie, soutenu par le clarinettiste qui fait des guirlandes
virtuoses, et le tromboniste est assis à l’arrière pour faire
des glissandos (Tailgate Style)
King Oliver fait partie du Créole Jazz Band (dans les
années ’20). À écouter : Canal Street Blues (avec tous les
meilleurs musiciens du moment, dont Louis Armstrong en
second cornettiste).

2. Le Middle Jazz - Luxure, alcool et volupté


2.1 Chicago
Dans les années 1910, une série de musiciens décide de quitter la Nouvelle-Orléans pour
rejoindre des villes plus prospères du Nord. Quand ils s’installent à Chicago, on appelle leur
musique «  jass  ». À Chicago sont fait les premiers enregistrements dans les années 1920 avec
d’abord la musique de la Nouvelle-Orléans. On avait déjà de l’improvisation collective mais à
Chicago émergent de grands solistes : Sidney Bechet (clarinette), Earl Hynes (piano), Baby Dotts
(batterie), Louis Armstrong (cornet).

!29
Pour les premiers enregistrements, on enregistrait avec des gros pavillons sur rouleau de cire, ce
qui faisait que les musiciens qui jouaient les instruments les plus puissants devaient jouer plus loin
pour ne pas recouvrir le reste (un contrebassiste avait même été éjecté parce qu’il couvrait les
autres instruments, il avait été très vexé et avait crié sur le batteur et pour l’enregistrement suivant
on lui a demandé de chanter).
Louis Armstrong (1901-1971) était très généreux, il faisait des solos
incroyables (il utilise les accords et ne fait plus seulement des variations de la
mélodie). Il influence fort des orchestre, donne la réplique à des chanteuses
légendaires (Eva Taylor, Bessy Smith). Il avait son propre orchestre : Hot Five
puis Hot Seven. C’était aussi un grand chanteur. Ses plus grands succès sont
avec Ella Fitzgerald. Il est à la naissance du scat (Armstrong chantait Heebie
Geebies et il a eu un trou de mémoire au moment du refrain, alors il a chanté
des onomatopées). Grandes chanteuses de scat : Cab Calloway, Joe Caroll,
Ella Fitzgerald, Sarah Vaughan.
À écouter : Sidney Bechet - Texas Moaner Blues ; Armstrong + Hot Five - West End Blues ;
Armstrong - Hello Dolly et What a Wonderful World
2.2 Kansas City
À la fin des années 1920, Kansas City est la ville du crime organisé ainsi que de l’industrie du
spectacle et de la nuit. Beaucoup de musiciens ont quitté Chicago pour Kansas City car elle était
réputée pour être le monde de la nuit où on peut aller jouer et se produire. Les deux grandes
personnalités actives à cet endroit sont Coleman Hawkins et Lester Young, qui se sont affrontés
dans les bœufs (jam sessions) où ils s’affrontaient toute la nuit.
À écouter : Hawkins - Body & Soul et Lester Young (avec Billy Holliday) - All of me.
2.3 New York
Piano stride («  marcher à grandes enjambées  ») : les pianistes qui jouaient à Harlem (Fats
Waller…) veulent faire des prouesses de virtuosités. La main gauche doit faire des bonds
athlétiques sur le clavier. À écouter : James Johnson - Carolina Shout. C’est à New York que se
développent aussi les Big Bands, premiers grands orchestres de jazz. Les musiciens y sont Noir et
Blancs, l’orchestre est organisé en sections (rythmique : piano, basse, batterie, banjo et guitare ;
mélodique : trompettes, trombones, clarinettes et saxophones).
Les jazzmen à cette époque n’apprécient pas la même couleur pure que les
instrumentistes classiques. Ils aiment le son dirty et le relief. On apprécie aussi
les voix rocailleuses auxquelles on ajoute des effets expressionnistes de gorge
(growl). On utilise aussi des effets de sourdines pour les cuivres (wawa :
ventouse à déboucher), et tout ça est typique du style Jungle de Duke
Ellington.
À cette époque se développe aussi le swing : rebonds, division inégale du
temps, contretemps marqués par des accents qui créent un balancement qu’on appelle swing. La
notation solfégique traditionnelle est incapable de noter cela. Dans les années 1930 on utilise le
terme swing pour définir les grands orchestres de jazz.
Les grands musiciens de l’époque sont Benny Goodman (clarinettiste et chef d’orchestre - concert
de 1938 : Carnegie Hall Jazz Concert), Glenn Miller (1939 - In the mood, Count Basie (pianiste
élégant et fan de duels musicaux qu’il organisait entre les solistes de son orchestre - One o'clock
jump) et Duke Ellington (vedette du Cotton Club, père du style Jungle - Mood Indigo, Concerto
for Cootie, Carnegie Blues, A Midnight in Paris et Casse-Noisette).

!30
Les Blancs à New York sont séduits par le jazz. Ils vont d’abord
se maquiller en noir pour parodier et se moquer les Noirs
(Minstrel Shows, dès 1920). Il y avaient aussi des orchestres où
les Noirs s’auto-parodiaient. C’est le reflet d’un énorme racisme.
Ensuite, l’orchestre Original Dixieland Jazz Band joue du jazz
alors que les musiciens sont blancs. Il a beaucoup de succès en
Europe et en Amérique. C’est le premier à faire un enregistrement dans l’histoire du disque
(1917). Les européens entrent en contact avec cette musique par l’intermédiaire des soldats
américains qui viennent pendant la première guerre mondiale. On organise des Revues Nègres
dans les music hall parisiens, animés par Joséphine Baker qui fait danser les français au rythme du
charleston. C’est un jazz adapté pour qu’il plaise à l’Europe, mais un public de connaisseurs se
développe rapidement en Europe. Les grands compositeurs du vieux continent s’inspirent du jazz
(Stravinsky - Ragtime, Histoire du Soldat ; Milhaud - La création du monde et Ravel - 2ème
mouvement de la 2ème sonate pour violon). À New York, les compositeurs blancs teintent leurs
chansons avec du jazz et elles deviennent des standards (Gershwin - Porgy and Bess - 1935).
Dancing : à New York, les dancings ont un impact important, (comme le Savoy Ball Room) et Louis
Armstrong en est une vedette, ainsi que les clubs (Cotton Club à Harlem qui se déplace à
Broadway). Le public de ces clubs est blanc, et les programmes sont retransmis à la radio (voir film
Stormy Weather).
2.4 La comédie musicale
La comédie musicale trouve son origine dans le Music Hall anglais. Elle ne trouve ses propres
marques que dans les années 1920. Une comédie musicale a souvent une intrigue basique et un
enchainement de numéros musicaux qui sont des tubes planétaires et deviennent des standards.
Le parolier de l’époque est Cole Porter ainsi que le frère de Gershwin. Les sujets sont tantôt
légers tantôt graves. Il y a un partenariat entre Rodgers (compositeur) et Hammerstein (librettiste)
qui font de grands chef-d’œuvres (La mélodie du Bonheur…). Jérôme Robbins était chorégraphe
et a travaillé avec Bernstein pour notamment West Side Story (inspirée de Shakespeare, adaptée
plus tard au cinéma). La scène londonienne récupère ces influences dans ses musicals.

3. Le bebop
Dans les années 1940, une série de musiciens s’ennuient
dans les orchestres jazz, alors que le public est réceptif. Les
musiciens veulent faire une musique plus élitiste. Ils se
réunissent dans les clubs lors des After Hours, après les
concerts. Ils veulent faire une musique plus rapide et virtuose.
C’est à cette époque que Dizzie Gillespie (trompettiste) et
Charlie Parker (saxophoniste) récupèrent le système des jam
sessions qu’ils étendent en faisant des improvisation tout à
fait renversantes. À écouter : Charlie Parker - Koko, Parker's
Mood et Ornithology ; Dizzie Gillespie - A Night in Tunisia.
En marge du be-bop, on retrouve Nat King Cole (piano et chant - Sweet Lorraine, Nature Boy,
Unforgettable), accompagné par des big bands. On appelle ce genre de chanteurs les crooners et
ils profitent des innovation comme le microphone. Il y a aussi Bing Crosby (White Christmas) et
Frank Sinatra. Au piano, il y a Erroll Garner (Misty) et Lennie Triano (pianiste et pédagogue -
mélange la rigueur formelle de Bach, le jazz traditionnel et le be-bop entre autre dans une pièce
appelée Intuition). Il y a un retour des stars (« papys ») car le be-bop veut faire revivre la Nouvelle-
Orleans à travers le New Orleans Revivals avec Louis Armstrong.

!31
Histoire approfondie
1. Rhapsody in Blue - Gershwin (1924)
La Rhapsody in Blue a été créée le 12 février 1924 à
l’Aeolian Concert Hall de New York par l’orchestre
symphonique de New York dirigé par Paul Whitman et
a été composée comme un concerto pour piano et
orchestre. Gershwin était au piano lors de la création,
et dans la salle il y avaient des compositeurs célèbres
(Stravinsky, Rachmaninov…), des chefs d’orchestre et
des musiciens. Le succès a été triomphal dès le
premier soir. Le succès ne s’est pas démenti, entre
autres parce qu’il y a plein d’arrangements possibles. Elle fait partie du fond musical universel.
Le succès de la Rhapsodie in Blue est liée à sa facture : c’est une œuvre très cohérente malgré
qu’elle emprunte à plein de traditions musicales (classique, jazz, juif européen…). C’est un solo de
clarinette qui inaugure l’œuvre avec des trilles et un glissando. Dans les concert jazz, quand les
clarinettistes faisaient qqch du genre, le public commençait immédiatement à applaudir, et c’est
pour ça que Gershwin l’a récupéré. Le piano fait son entrée à la mesure 19 en introduisant un
nouveau motif, tranquillo, typique du ragtime. Ensuite, on retrouve le genre chorus de comédie
musicale joué par l’orchestre. L’auditeur peut ressentir une double impression : celle d’être
introduit dans l’univers du jazz mais aussi d’avoir entendu une pièce classique typique. Le piano a
un grand rôle, avec des cadences qui font penser à l’improvisation en jazz. Il a aussi un grand solo
swing juste avant la reprise du motif initial. Gershwin a utilisé de rythmes, harmonies… issus de
musiques populaires «  américaines  ». Il compose une sorte de concerto, avec exposition,
développement, solo, enchainement des mouvements. Parce qu’il voulait une liberté de parcours
dans tout ça, il a opté pour le genre rhapsodie. Certaines parties très mélancoliques reflètent
l’atmosphère blues. C’est une œuvre composite mais dont les différents éléments sont
parfaitement appareillés selon les règles de la musique classique.
Avant de s’appeler Rhapsodie in Blue, l’œuvre devait
s’appeler An American Rhapsody. Mais il n’était pas
convaincu et il a changé pour pouvoir mettre se qu’il
voulait dans son morceau. Il a en tête des grandes œuvres
du répertoire quand il compose cette rhapsodie :
rhapsodie hongroise de Liszt, 2 rhapsodies pour piano de
Brahms, rhapsodie de Debussy, rhapsodie espagnole de
Ravel (1907). Dans la Rhapsodie in Blue il y a la référence
au blues, à la nuit, à la musique noire américaine. Il vient
de composer la comédie musicale tragique, Blue Monday
Blues, où une femme tue un homme qui l’a offensée. Il a
aussi en tête les images d’un peintre : James Whistler
(Nocturne et or, Nocturne in blue…). Il a aussi en tête les
nocturnes de Chopin et Debussy. Au cours de ses années
d’apprentissage, il avait un professeur formé dans les
écoles françaises qui connaissait très bien Debussy.

!32
La Rhapsodie in Blue est l’acte de naissance de la musique américaine. C’est le chef d’orchestre
Paul Whitman qui a commandé cette œuvre pour étendre la musique américaine en se basant sur
la musique populaire. Paul Whitman avait appris à jouer et diriger du jazz pendant sa formation.
En 1922, il avait aussi dirigé la comédie musicale Blue Monday Blues de Gershwin. Il s’était dit
que c’était le compositeur idéal pour faire triompher la musique américaine de manière
internationale, parce que si Gershwin est né au USA, il est descendant de juifs russes. Il était né à
Brooklyn et il a passé toute son enfance dans les quartiers multi-ethniques de New York. Il a aussi
vécu à Manhattan et a participé à l’élaboration des comédies musicales sur Broadway. C’était
aussi un génie du piano, un très bon improvisateur et un très bon connaissance de la musique
classique européenne. Dès son adolescence, il a commencé une collection en découpant des
articles dans des journaux sur la musique européenne, et c’est ainsi qu’il a fait sa culture musicale.
Au départ, Whitman voulait que Gershwin compose une symphonie. Mais il voulait que les
matériaux de départ soient issus du jazz. Gershwin ne se sent pas prêt pour composer une
symphonie, il est trop complexé. Il se sentait plus à l’aise dans le domaine de la chanson (il avait
acquis sa notoriété en 1919 avec la chanson Swanee chantée par Hall Johnson, un juif lithuanien
maquillé en noir, qui s’est vendue à plusieurs milliers d’exemplaires). En plus, en 1923, Gershwin
était aussi occupé avec une comédie musicale, Sweet Little Devil. Paul Whitman a alors fait
publier un article le 3 janvier 1924 dans le New York Herald Tribune (journal très connu) où il
annonce que Gershwin était en train de composer un concerto (alors que ce n’était pas vrai) en le
qualifiant de « experiment in modern music ». Gershwin s’est alors senti obligé de le composer, et
il l’a plié en 6 semaine, d’abord pour 2 pianos puis il a eu recours à un arrangeur (Grofé) pour faire
une version orchestrale parce que Gershwin trouvait qu’il ne maitrisait pas assez les techniques
d’orchestration. La date avait été fixée au 12 février, date de la commémoration de la naissance
de Lincoln (à l’origine de la fin de l’esclavage) : c’est très symbolique. Le programme du concert
était très chargé. Whitman voulait une émancipation et une proclamation du jazz. Il a aussi voulu
que la rhapsodie soit très vite rejouée : elle est reprise au même endroit un mois plus tard, et le
mois suivant elle est donnée au Carnegie Hall. Il a ensuite lancé une tournée avec une 30aine de
dates au Canada et aux USA. C’est Gershwin qui l’a jouée au début, et qui l’a enregistrée dans les
semaines après la tournée.
Maurice Ravel a eu accès à cette œuvre lors de son voyage en Amérique en 1928. Il compose
ensuite son concerto en sol dès son retour, dans lequel il a conscience de la nécessité de faire
vivre le jazz dans la musique occidentale. Une chanteuse a dit à Ravel de ne pas prendre des
leçons de composition chez Gershwin, que c’était bien qu’il s’en inspire mais qu’il devait rester
Ravel et garder son individualité.

!33
2. La comédie musicale
2.1 Summertime (1935)
Summertime est extrait de Porgy and Bess de Gershwin,
opéra en 3 actes créé à Boston en 1935. C’est une
berceuse que chante Clara (femme du pêcheur Jack) pour
endormir son bébé. Elle apparait au début du 1er acte et
revient dans les deux autres actes. La mélodie est
constituée essentiellement par une tierce qui se déploie
dans une rythmique swing qui permet une grande liberté
d’interprétation. Il y a environ 20 000 versions de
Summertime, et Porgy and Bess a été représenté environ
35 000 fois. La forme est très simple : deux couplets en la
mineur (parfois transposés en ré mineur).
L’opéra se passe dans un quartier noir pauvre, à Charleston en Caroline du Sud. Il est situé au
moment de la crise économique (1929). Les interprètes sont des Noirs (et les musiciens aussi,
c’est mieux), et sûrement pas des Blancs maquillés en noir. C’est devenu un standard du jazz et
même de la musique populaire. Les interprètes qui ont joué Summertime sont très connus : Louis
Armstrong et Ella Fitzgerald, Miles Davis, Sidney Bechet, Billie Holliday… On est 10 ans après la
Rhapsodie in Blue, qui a été composée en 1924. Dans Porgy and Bess, il fait un aussi un mélange
entre classique et jazz et en fait le premier véritable opéra jazz. Il voulait qu’il soit joué au
Metropolitan Opera de New-York (Met), mais ça ne faisait pas partie des habitudes de ces
musiciens.
Porgy est un infirme, un mendiant estropié, et Bess est une jeune femme droguée qui est sous la
coupe d’un homme qui la domine. Porgy voudrait libérer Bess de ce lieu de violence et de
drogue. Gershwin pense à le faire jouer à Broadway. Quand il a composé Summertime, il a en tête
la berceuse de Maria dans Wozzeck de Berg. Il a rencontré Berg en 1928 et il a assisté à la
représentation de Wozzeck en 1931 à Philadelphie. Il s’inspire aussi de Tristan und Isolde de
Wagner (1865) et de Pelleas et Mélisandre de Debussy (1902) et évidemment Roméo et Juliette
de Shakespeare (17ème siècle).
Il avait eu l’occasion de tomber sur un livret de Heyward, mais celui-ci vit à Charleston et pas
Gershwin, donc il fait de nouveau appel à son frère comme librettiste. Porgy and Bess s’inspire
également de la musique juive d’Europe centrale. Gershwin est en contact avec cette population
qui a pu quitter l’Europe avant la prise au pouvoir de Hitler.
L’opéra est finalement assez classique, mais Gershwin y ajoute les caractéristiques de la comédie
musicale, en ajoutant des chansons et des dialogues parlés. Ça fait penser à une sorte de revue
où tous les airs les plus connus se succèdent. Gershwin a eu beaucoup de talent pour faire une
sorte de synthèse, mais la critique lui reproche de faire une suite de chansons sentimentales. Il y a
aussi une controverse dans le fait qu’un Blanc compose une «  musique de Noirs  », qui ne colle
pas avec la réalité des quartiers de Charleston, qu’il ne connait pas. Il faudra attendre les années
1980 pour qu’elle ne soit plus trop critiquée. La chanson Summertime dépasse tous ces reproches
et acquiert rapidement une dimension universelle car on peut en faire plein d’interprétations
différentes.

!34
2.2 Singing in the rain (1952)
Film produit par Arthur Freed en 1952 dans les studios
de la MGM à Hollywood et réalisé par Jen Kelly et
Stanley Doonen. C’est Jen Kelly qui chante et qui
danse, et la chorégraphie est de lui. D’un point de vue
musicale, la chanson Singing in the rain est très simple,
en sol majeur sans modulation. Il y a toujours un
décalage par rapport au temps fort qui donne un
caractère swing avec un tempo moderato et une
mesure à 4 temps.
La chanson date de 1929 et les paroles sont de Arthur
Freed qui a travaillé avec Nacho Herb Brown. Elle est
passée dans la célèbre revue Hollywood puis elle a
donc été réutilisée dans ce film. Quand le film est sorti,
il y avait la volonté de sortir un film à succès : on veut
trouver la recette pour faire LE succès commercial. Pour ça, on montre des gens heureux qui
montre leur bonheur et qui vivent dans des intérieurs aisés. La comédie musicale s’appuie sur
l’American way of life, qui montre que dès qu’on arrive aux Etats-Unis tout va bien et la vie est
belle. Le but est de faire des comédies qui sont familiales, qui peuvent aller se voir en famille
(comme les Walt Disney) et plaire à un musique très large. On n’essaye absolument pas de
dénoncer (alors qu’il y a beaucoup de problèmes à cette époque, notamment la ségrégation).
L’apparition de la télévision dans les foyers dans les années ’50 tracasse le cinéma et c’est pour ça
qu’il fait des comédies musicales si joyeuses, tout en faisant appel aux grandes pointures de
l’époque pour concurrencer la TV. On crée aussi des sociétés pour rassembler les grandes
vedettes pour les engager.
Une comédie musicale à retenir est aussi An American in Paris. On va puiser dans le répertoire
des années ’20 (années folles avant la crise) qui reflète une sorte d’âge d’or. Ce sont souvent des
chansons que les parents ont déjà dans les oreilles, et ils les ré-entendent en allant au cinéma
avec leurs enfants. On voit aussi apparaitre le standard du 15 chansons : on essaye d’avoir 15
chansons dans une comédie musicale, qui est une sorte de chiffre idéal. On a aussi la volonté
d’introduire une petite action mélodramatique, mais vraiment très légère. Les réalisateurs des
années ’50 ont essayé de ré-exploiter ce qui se passait à Broadway en l’adaptant à l’écran. On est
passé du quartier de Broadway au cinéma d’Hollywood. On fait de temps en temps appel à des
scénaristes (qui sont morts au début des années 2000). On essaye de faire une narration
continue : on s’arrange pour que la chanson fasse aussi évoluer l’action, qu’elle s’inscrive dans la
continuité des dialogues parlés. Une des grandes difficultés de l’époque est qu’on est passé du
muet au parlé. Certains acteurs avaient beaucoup de succès, mais quand ils ont dû commencer à
chanter ça n’allait pas du tout. On fait alors des doublages : on garde les stars mais des chanteurs
les doublent.
D’autres titres de ce film : You are my lucky star, I can’t give you anything but love, Be a clown…
La dimension du divertissement et de l’insouciances priment dans ces comédies musicales. Il est
aussi très important qu’on puisse rire. On voit que l’Amérique s’efforce d’aller chercher, pour
gommer tous les problèmes de cette période, dans le répertoire drôle et agréable pour que les
gens puissent échapper à leur réalité. C’est aussi à cette époque qu’on commence à bien séparer
les genres (comédie musicale, western, drame amoureux…) et les réalisateurs devaient se
cantonner à un seul style (film à voir là-dessus : Ave Cesar).

!35
2.3 Airs d’amour et airs politiques dans West Side Story (1957 - film en 1962)
Lieu de création : Winter Garden Theatre de
Broadway. West Side Story est inspirée par
Roméo et Juliette de Shakespeare. C’est une
comédie musicale, mais différente des
autres : on y voit de la misère, il y a aussi un
message politique (qui était voulu par
Bernstein) et la fin est triste (mort de Tony et
de deux autres personnages). C’est aussi une
œuvre qui s’appuie sur différents talents : le
jeu d’acteur, les chansons mais aussi la danse
et les chorégraphie, qui reçoivent une attention particulière, ainsi que les costumes et les décors.
C’est une œuvre de collaboration : Jérôme Robbins (chorégraphie, danses, mise en scène), Arthur
Laurents (livret), Irène Sharaff (costumes : elle s’est baladée dans les quartiers qui correspondaient
à la population de la comédie musicale pour s’inspirer), Jean Rosenthal (éclairage : il utilise un
éclairage au néon), Oliver Smith (décor : il fait un mélange entre brique, béton et acier, qui
apparait très brut) et Stephen Sondheim (paroles). Cette œuvre a eu un succès phénoménal et a
été jouée des centaines de fois. Ils voulaient faire un spectacle aussi populaire que Carmen. Le
film a été rapidement réalisé après, tourné dans les rues de Manhattan, et a reçu 10 oscars pour
tous les rôles importants. Il a été à l’affiche au cinéma à Paris pendant 5 ans.
Les chansons
West Side Story (qui est en 2 volets) commencent par un prologue dans lequel le lieu est fixé et
les Jets et les Sharks sont présentés (comme dans Roméo et Juliette). Après ça se succèdent une
musique de danse, Maria, Tonight, America, Cool (chef des Jets), One hand one heart (Tony et
Maria), reprise de Tonight, The Rumble (meurtres - fin de l’acte 1), I feel pretty, Somewhere, suite
d’airs chantés par Anita, les Jets etc., et finalement le final qui s’accompagne de la mort de Tony
et de la détresse de Maria.
Le scénario
Il est basé sur le Roméo et Juliette de Shakespeare de 1955, où les deux plus grandes familles de
Vérone sont rivales et veulent dominer culturellement et par leur splendeur : «  Or dans le sein
fatal de ces deux ennemis, Deux amants prennent vie sous la mauvaise étoile ; Leur malheureux
écroulement très pitoyable Enterre en leur tombeau la haine des parents. ». Roméo et Juliette est
un mythe qui aura un impact phénoménal dans le domaine de la musique (opéra de Bellini -
1830, ballet de Prokofiev - 1935, symphonie dramatique de Berlioz - 1939, opéra de Gounod -
1867, fantaisie ouverture de Tchaikovsky - 1869, un opéra de Pascal Dusapin - 1988…). La
transposition fonctionne bien vu qu’aux USA à cette époque les familles s’affrontaient. Les
Européens étaient surtout Irlandais, Polonais et Italiens, et Tony faisait partie de la deuxième
génération. Le scénario est très proche du genre de la tragédie antique : on retrouve les
chanteurs isolés et les chœurs (par exemple les portoricaines qui chantent America pour dénoncer
un message politique) et de la tragédie classique : on retrouve la règle des 3 unités : lieu (tout se
passe dans le même quartier de la 101ème rue), action (amour entre Tony et Maria) et temps (ça
dure juste un peu plus de 24h : ça commence à 17h et se termine le lendemain à minuit). Par
contre on ne retrouve pas la règle de bienséance vu qu’on voit les meurtres. Mais dans les
tragédies antiques il y avait toujours des meurtres à la fin.
Si cette comédie musicale touche énormément c’est parce qu’elle a une dimension très locale,
mais aussi une donnée universelle.

!36
Production et réalisation
Les tragédies antiques étaient l’œuvre d’une seule personne (Sophocle, Euripide…) et c’était la
même chose pour les tragédies classiques (Racine…). Ici, c’est une communauté d’idées : celui
qui est à l’origine c’est Jérôme Robbins. Il a été très tenace pour faire aboutir ce projet. Il savait
que Bernstein avait déjà composé de la musique de comédie musicale, et il a tout de suite fait
appel à lui. Une autre comédie musicale qui avait eu beaucoup de succès avait été faite en
collaboration entre Bernstein et Laurents, et c’est pour ça qu’il lui demande de faire le livret. À ce
moment là, ces 3 personnes ont en tête la haine qui ravage les quartiers américains. Ils se disent
que c’est bien de s’ancrer dans le passé mais ils veulent aussi avoir une visée politique. Ils
essayent de faire une œuvre qui aura du succès, qui du point de vue visuel et auditif est
époustouflant pour être sûr que le message politique puisse passer. Les arts sont donc vraiment
mis au service de la dénonciation de cette situation. Mais les paroles de Laurents ne conviennent
pas, alors Bernstein fait appel à Sondheim. Il y avait une grande rivalité entre tous ces auteurs qui
ont donné lieu à beaucoup de tensions. Laurents avait fait un bon travail de dramaturgie, en
réduisant les 24 scènes de Roméo et Juliette à 15 scènes.
Musique
Bernstein a voulu donner un caractère « lyrico-jazzy ». Il utilise par exemple le violon en allant du
lyrisme à la dissonance. Quand il compose West Side Story il a en tête les œuvres de Stravinsky
dans lesquelles il apprécie particulièrement les percussions. Il introduit aussi un rythme latino en
référence aux portoricains, qui sera repris dans beaucoup de comédies musicales par la suite.
Maria
C’est une chanson chantée par Tony, qui la chante slowly and freely. Il y exprime son
bouleversement amoureux. Cette chanson permet l’identification du public. Tony incarne les
«  jets  », les américains originaires d’Europe et qui vivent dans le rêve américain, qui se
considèrent comme les seuls «  vrais  » américains. Maria incarne les «  Sharks  », portoricains qui
viennent d’Amérique centrale et qui sont arrivés après les Européens. Au départ le but était de
faire affronter les Juifs et les catholiques irlandais, mais le temps que le projet prenne forme avait
eu lieu l’horreur de la guerre en Europe, et il était donc impensable de représenter ça. Tous ces
peuples qui se mélangent en Amérique représentent le « melting pot » américain.
Tonight
C’est le premier rendez-vous des amoureux, qui fait référence à
la scène du balcon de Roméo et Juliette sauf qu’elle se passe
dans un escalier de secours, dans un immeuble vétuste dans
lequel est installée Maria, qui décrit le niveau de vie et montre la
différence entre ces deux groupes de populations qui vivent aux
USA. West Side Story est une dénonciation de ce clivage social.
I feel pretty
C’est Maria qui chante, elle se sent jolie, elle chante cela brightly a la espagnola et elle se prépare
pour son rendez-vous amoureux. C’est à son tour de dire qu’elle est amoureuse. Tony a déjà pris
ses distances par rapport à son groupe, mais Maria ne se rend pas encore compte de cette
différence entre les populations.
Somewhere
Tony et Maria chantent ensemble, après que Tony ait tué Bernardo (frère de Maria, comme dans
Roméo et Juliette), ils chantent slowly. Ils chantent leur désir de vivre en paix dans un lieu sans
préjugés. La ligne mélodique s’inspire du 5ème concerto pour piano - Empereur - de Beethoven.

!37
America
Cet air repose sur une alternance entre soliste (Anita) et
ensemble (jeune portoricaines - chœur des jeunes garçons
Sharks). Cette chanson est le reflet de la société bien-pensante
américaine, qui croit que tout est rose et que tout va bien. Elle
croit que tout est pour le mieux dans le meilleur aux Etats-Unis,
alors que ce n’est pas le cas : l’actualité est très perturbée
surtout au niveau de la ségrégation :
- Boycott des autobus en Alabama : les bus étaient divisés (avant pour les Blancs avec les sièges
et arrière pour les Noirs sans sièges) et les Noirs ont voulu aller s’asseoir devant. Il y a eu des
intervention des autorités, et finalement les Noirs ont décidé de boycotter les bus en Alabama
en 1955-1956, menés par Martin Luther King. En 1954, la Cour Suprême avait voté une loi qui
permettait aux Noirs d’aller à l’école et à l’université (avant ça ça n’était pas possible). C’était
donc légalement possible, mais personne n’osait le faire. L’armée fédérale a même dû
intervenir pour laisser entrer des Noirs dans un établissement scolaire.
- La grande marche sur Washington en 1953 : elle rassemble 250 000 personnes et se termine
par le fameux discours de Martin Luther King « I had a dream ».
America montre que les gens arrivaient aux USA en étant complètement leurrés : ils n’ont pas le
même accès à la nourriture, à l’éducation et aux soins, n’ont même pas le droit de s’asseoir dans
un restaurant. C’est à ce moment là que se crée la génération des sixties, qui a conscience de ce
problème et essaye de faire changer les choses. America montre au public ce qu’eux-même
perpétuent comme ségrégation. Mais les spectateurs n’ont pas compris que c’étaient eux qui
cultivaient cette misère à laquelle ils assistaient. Ils ont même interprétés ça autrement : certains
spectateurs se seraient satisfaits d’une certaine forme de violence et de criminalité qu’ils étaient
bien contents de ne pas avoir chez eux.
Cette chanson a été reprise par plusieurs autres groupes (Emerson, Metallica…).


!38
3. Carmina Burana - Carl Orff (1937)
Introduction
Cette œuvre appartient au Genre de la cantate scénique :
- Cantate : Orff était plongé dans l'univers de Bach et de la
musique ancienne.
- Scénique : Orff avait Wagner en tête, il était baigné dans cet
univers wagnérien. L’œuvre de Wagner qui a le plus de succès à
cette époque est Les maitres chanteurs de Nuremberg (1868).
On pense toujours que cette œuvre est inspirée du Moyen-âge
mais en réalité elle est inspirée de la Renaissance (comme le
Moyen-âge est un cadre qui fait rêver, on transpose souvent les
mises en scène à cette époque).
La Volonté de Orff était de faire une mise en scène pour le Carmina Burana car, comme Wagner, il
voulait créer une œuvre totale. Il voulait y mettre des objets de mise en scène, planter un décor
kitch… (aujourd'hui ça n'est plus dans le goût donc on ne fait plus de mise en scène en général).
Orff voulait que les chanteurs mettent en scène le texte et il était très attaché au concept
d'eurythmie : il voulait aussi qu’il y ait des chorégraphies.
Orff a travaillé sur le Carmina Burana en 1935-1936 et la cantate a été montée le 8 juin 1937 à
l'opéra à Frankfurt Am-Mein.
3.1 Réception de l’œuvre
Lors de sa création, le public en raffole. L'œuvre va beaucoup circuler et va être montée dans des
tas d'autres endroits. Mais les critiques ne sont pas très enthousiastes :  ils reprochent à Orff
l'utilisation du latin car cela éloigne du public la compréhension du texte. Ils reprochent aussi la
structure : il n’y a pas d'ouverture musicale dans cette œuvre, on débute directement avec le
Chœur «  O Fortuna  » (dédié à la déesse romaine Fortune), puis 24 textes se succèdent et «  O
Fortuna  » clôt l'œuvre. La critique reproche sa simplicité, son manque d’innovation, mais Orff
disait : « Plus c'est simple, plus c'est efficace ».
Très vite se met en place une opposition entre le public friand de cette œuvre et la critique. Mais
c'est le public qui l’emporte dans cette opposition. L’œuvre n’est pas très difficile à comprendre
certes mais le public de 1937 connait et aime ça car :
- Étant donné le contexte historico-musical de l’époque, après Schoenberg et toute la musique
sérielle, ils aimaient que le Carmina Burana soit très facile d'accès.
- La chorale occupait une énorme place dans le Reich. Entre 1933-1943, on chante une panoplie
de chants populaires allemands. Dans tous les rassemblements, il fallait toujours y avoir du
chant. Dans la Reich Kultuur Kamer, il y avait une sous branche appelée la Reich Muziek Kamer
qui imposait une série de règles de censure, de composition... Dans cette chambre, le point
essentiel à respecter était la place centrale du chant. («  L'essence de la musique ne réside ni
dans l'expérimentation, ni dans l'harmonie, dans le genre… mais dans le chant, la mélodie »).
- Tout le monde pouvait s'identifier aux thèmes de l'œuvre : la louange de la nature, l'alcool, le
jeu, l’amour… Et tout cela dans l'ambiance de la parodie. C'est une œuvre qui met au centre
l'épanouissement de l'homme.
Même si le régime nazi devait proscrire l'œuvre car elle s'attachait aussi à l'Eglise (car elle était
chantée en latin), ils ne sont jamais arrivés à la proscrire à cause de sa trop grande célébrité.

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3.2 Inspirations pour le Carmina Burana
Après le succès phénoménal de l'œuvre, Orff a écrit lui-même l'histoire de cette œuvre et en
donne ses inspirations. Il dit qu’il l’a composée « par hasard ».
Codex Buranus
Orff a fréquenté la bibliothèque de Munich et a consulté le Codex Buranus (qui date du Moyen-
âge mais a été redécouvert en 1847 seulement) qui rassemble 256 textes du 11ème-12ème siècle.
Le codex date du 13ème siècle et possède des enluminures et 8 miniatures. Il s'agit d'une
anthologie de la poésie de l'époque. La qualité des textes varie énormément dans ce codex. On
y retrouve des textes sublimes, écrits par exemple par le philosophe et poète Peter Abelard ;
d'autres textes écrits par des étudiants et encore d'autres par des moines Goliards (moines
itinérants critiques qui dénonçaient les excès de l'Eglise et de l'Etat). D'autres seraient écrits par
des juristes, professeurs… 
Roue de la fortune
Parmi ces 8 miniatures, une d’elles représente le personnage de la
déesse Fortuna la Roue de la Fortune. Cette roue montre qu'on peut
être à l'apogée du succès ou au bas de celle-ci. La roue peut faire
changer l’univers : rien n'est acquis. Une personne peut être riche un
jour et tout perdre le jour suivant, un roi peut régner un jour et être
détrôné le jour suivant. Cette image va beaucoup marquer Carl Orff. Il
demande même à placer cette miniature comme fond de décor.
3.3 Orff et le parti Nazi
On dit souvent que Carl Orff a soutenu le parti nazi, mais ça n'est pas le cas : il n'a pas adhéré au
parti et il n'a pas utilisé sa musique pour justifier ses idéaux. Il a simplement eu l'intelligence de
composer l'œuvre qui plait à l'époque et au public (et au Reich). Orff a réalisé deux commandes :
il a dû écrire pour remplacer le Songe d'une nuit d'été de Mendelssohn (proscrite car
Mendelssohn était juif) et composer une œuvre pour l’ouverture des Jeux Olympiques de 1936,
d’où l’étiquette d’artiste du nazisme qu’on lui colle parfois.
Toutefois, le parti n’appréciait pas le Carmina Burana parce c’est écrit en Latin (alors que tout
devrait être écrit en Allemand comme le dicte les édits de la Reich Muziek Kamer) et aussi parce
qu’on pourrait comprendre cette image de la roue de la fortune comme une sorte de menace au
pouvoir de l’Empire. Mais l’œuvre a été sauvée par sa célébrité (comme la chanson Lili Marlene
qui était détestée par le Régime) : elle était tellement ancrée dans la culture germanique que le
régime Nazi n’a pas pu l'interdire (comme il a interdit le swing). Orff n’a pas été censuré parce
qu’on pensait aussi que l'œuvre pouvait servir au parti et parce qu’il a réalisé les commandes du
Reich et s’est soumis.
3.4 Analyse
L’orchestre est très conséquent :
- Toutes les cordes
- Bois : 3 flûtes, 2 picolos, 3 hautbois, 1 cor anglais, 3 clarinettes, 1 clarinette basse, 2 bassons, 1
contrebasson
- Cuivres: 4 cors, 3 trompettes, 3 trombones et 1 tuba
- Claviers : 1 célesta et 2 pianos
- Riche ensemble de percussions : 5 timbales, cymbales, cloches, tam tam, triangle… (à un
certain moment il faut absolument 5 percussionnistes pour tout gérer)

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O fortuna
Ce thème est très célèbre : il a été repris par Michael Jackson, dans des pubs et même pour une
campagne politique par le parti PASOK à l’époque de George Papandreou en Grèce. Il
commence par 4 mesures très spécifiques qui montrent déjà tout l'éventail de la puissance sonore
de l’orchestre. Tous les instruments y sont (du plus grave au plus aigu).
La première phrase «  O fortuna, velut luna  » signifie «  Ô fortune comme la lune  » (dans
l'imaginaire des hommes, le soleil est l'astre fixe alors que la lune croit et décroit, change toujours
et on l'associe donc avec la fortune depuis l'antiquité ). Le thème reste pareil mais à partir de la
phrase « Statu Variabilis » il devient plus rapide.
La musique est très intense et compacte. Elle débute par un appel à la fortune (O Fortuna) qui est
une référence directe au Lamento d'Ariane de Monteverdi (qui fait à un appel à la fortune). À
cette époque Orff fréquentait beaucoup les compositeurs "anciens". Dans les années ’20, Orff
montre beaucoup d'intérêt pour Monteverdi et œuvre notamment à la redécouverte de l’Orfeo.
La partie mouvementée dure 80 mesures sur pédale de ré, et le même thème se répète toujours.
Thèmes et structure de l’œuvre
Après O fortuna pour chœur, 24 textes (des enchainements d’airs solos et de chœurs) sont
partagés en 3 parties :
1. 8 premiers textes : thème du Printemps, évocation du retour du printemps, retour à la vie.
C’est une saison qu'on attend avec joie.
➡ Il a toute la tradition culturelle de la danse bavaroise et le chant bavarois en tête pour la
musique mais aussi pour sa mise en scène : il veut insérer des chorégraphies de danse
bavaroise. Cela répond à sa volonté de créer une œuvre totale.
2. 4 textes suivants : évocation des ambiances de taverne, des airs à boire et des airs de jeux.
➡ Ce qui est exprimé dans cet air, c'est le plaisir des joueurs à plumer leurs adversaires. Il y
a un caractère très parodique de ces pièces. Des voix solistes masculines interprètent ces
chants dans une sorte de responsorial : le soliste chante et le chœur reprend exactement
ce qu'il a chanté. C’est la partie la plus théâtrale du Carmina.
3. 12 derniers texte : la cour d'Amour
➡ Ce sont des chansons d'amour pour plaire au public le plus large possible. L'amour est
beaucoup représenté car il est à la source du printemps. Les textes disent que l'amour
vole partout, que l'homme doit jouir physiquement de la poussée de la nouvelle vie
apportée par le printemps. C’est interprété par une soliste soprano. Il y a des hymnes à la
vierge qui sont parodiés : « Ave bellississima » (« Salut à toi la plus belle »), on parodie un
hymne à la vierge pour louer une déesse d'amour ou n'importe quelle femme.
À la fin, on se ré-adresse à la déesse de la fortune.
3.5 Écriture du texte
Quand il est tombé par "hasard" sur ces textes qui étaient écrits en latin, il a hésité à utiliser la
tradition des textes en Allemand. Mais la langue latine l'a séduit car :
- le latin est une langue économique (on dit bcp avec peu de mots). Le texte n'est pas trop long.
- Il y a beaucoup de voyelles qui s’assimilent bien à l’écriture pour la voix.
- Il y avait tout de suite de nombreux effets de voix déjà faits et à garder.

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3.6 Mise en scène
Orff a travaillé avec Ludwig Stiever, qui avait fait sa célébrité dans les années 1920 avec la mise en
scène (la plus kitch) des Maitres chanteurs de Nuremberg. Comme ce sont des textes assemblés,
il n'y pas de mise en scène et d’intrigue véritable, mais plus des enchainements de fonds de
scène et d’actions indépendantes. Ce que Orff souhaitait aussi c'est d'avoir une chorégraphie qui
accompagne tout cela car la rythmique occupe une place très importante chez lui. Il est à l'origine
de la Orff Schulwerk (ou approche Orff) dans laquelle il promeut une approche physique de la
musique. Il dit que la musique est à la base du fonctionnement humain, et surtout du rythme.
3.7 Suite du Carmina Burana et trilogie du Trionfo
Après ce succès incroyable du Carmina Burana, il a voulu en faire une trilogie :
- 1943 : Catulli Carmina (où il reprend des textes de Catule) créé à Leipzig
- 1953 : Trionfo di Afrodite (qui s'appuie sur des poèmes de Catule, de Sappho et du tragédien
Euripide) créé à la Scala à Milan
L’objectif était de faire l'apparition triomphale d’Aphrodite et ainsi de proclamer la victoire de
l’amour. Dans cette trilogie, Orff a aussi voulu mettre en évidence tous les arts qui sont en pleine
effervescence à l’époque (le cinéma, la photographie, les arts plastiques…).
3.8 Contexte politique et historique de l’Allemagne de 1937
En 1937, le pouvoir du parti nazi est déjà installé. On ouvre les premiers camps (pas
d'extermination) : Dachau et Esterwegen, auxquels certains étaient déjà opposés. Pourquoi ne
sont-ils pas partis ? Par manque de moyens ou car beaucoup de pays avaient fermé leurs
frontières. Dans le contexte du Reich, beaucoup de choses étaient imposées au le peuple : les
jeunes notamment étaient contraints d'intégrer les jeunesses hitlériennes et de chanter.
Comment expliquer cette soumission du peuple allemand  ? L’effet de groupe y contribue mais
surtout un sentiment règne dans tout ce pays dans les années 30-40 : la peur. La police est une
force répressive, il y a les rafles… On remarque énormément le sentiment de peur dans toute la
population qui ne veut pas affirmer et proclamer ce qui lui tient à cœur. L’instinct de survie
intervient, l'effet de masse se met en place et les gens préfèrent se soumettre. 


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4. Peer Gynt - Grieg (1867)
Grieg (1843-1907) a travaillé avec Henrik Ibsen, avec qui il a eu une
grande correspondance. Ibsen a envoyé des mots-clés à Grieg pour
l’aider dans la composition de cette œuvre.
Peer Gynt est une œuvre de jeunesse, composée
en 1867. C’est un poème dramatique et une
musique de scène (qui accompagne la pièce de
théâtre). Ibsen est un grand homme de théâtre, il
a conscience que Peer Gynt va être très difficile à
mettre en scène (au départ le texte devait
seulement être lu). Il se dit qu’il va avoir besoin de
musique pour soutenir son spectacle. Il contacte
Grieg qui a 24 ans et qui voudrait composer un opéra, et qui se dit que ça
va le mettre sur le bon chemin.
On connait le mieux de Peer Gynt les deux suites qui ont été faite après coup et qui ont été
reprises pour piano, 2 pianos, violon et piano, orgue… Ces deux suites sont intéressantes au
niveau de l’orchestre qui est très varié (bois, cuivres, percussion, cordes, harpe… presque tout y
est). Il y a 4 morceaux par suite.
Suite n°1
1. Ô matin : sorte de pastorale pour grand orchestre qui commence par la flûte, qui est rejointe
par le hautbois puis les cordes. Le début est tranquille, puis une partie est plus soutenue, puis
de nouveau tranquille. Grieg veut illustrer l’éveil des oiseaux.
2. La mort de Aase : marche funèbre jouée par les cordes.
3. Danse d’Anitra : avec un tempo di Mazurka en 3 temps en la mineur. Les cordes dialoguent
avec le triangle (Anitra est une danseuse orientale).
4. Dans le hall du roi de la montagne : a la marcia, molto marcato, en si mineur en 4 temps), joué
par un très grand orchestre. Au centre le tempo s’accélère et l’utilisation des basses donne
une atmosphère fantastique.
Suite n°2
1. Lamentation d’Ingrid : grand orchestre, en sol mineur, en alternant 2 tempos (allegro furioso
pour tout l’orchestre et andante de cordes et timbales).
2. Dans arabe : allegro vivace en 4 temps avec un aspect orientalisant (utilisation du tambourin
et du piccolo).
3. Orage : allegro agitato, fa# mineur, grand orchestre, fusées de piccolo et grondement des
basses (comme dans l’Orage de la Symphonie pastorale de Beethoven).
4. La chanson de Solveig : c’est un mélodie nostalgique avec plein de douceur et de tendresse,
un tempo andante. Grieg a voulu en faire une chanson populaire pour qu’elle puisse être
chantée partout, et ça a été le cas (elle a eu beaucoup de succès chez tous les publics). Les
pièces de Grieg étaient très jouées dans les grandes salles partout en Europe, mais aussi dans
les cafés et les restaurants.
La Norvège est un pays qui a pris longtemps à être indépendant (tout début du XXème siècle),
avant ça elle était danoise puis suédoise. Elle n’avait donc pas de culture propre, et était
influencée par la culture germanique qui était très appréciée au Danemark et en Suède. Ibsen a
tout fait pour fuir la Norvège. Il a résidé en Allemagne et en Italie. Grieg ne l’a pas fuie mais il a
été faire ses études au conservatoire de Leipzig. Mais il y avait chez l’un comme chez l’autre un
sentiment de frustration de ne pas pouvoir exprimer leur culture nationale. Il se sont lancés dans

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une recherche du folklore : Ibsen s’est intéressée aux contes et Grieg aux chansons populaires
norvégiennes. Ils étaient des admirateurs de Rikart Nordraak, compositeur de l’hymne nationale
norvégienne pour qui Grieg a composé une pièce funéraire à sa mort. Au moment de Peer Gynt,
la Norvège n’est pas encore indépendante (elle le sera en 1905).
D’autres pièces scéniques :
- Egmont de Beethoven (texte de Goethe) - 1910
- Faust de Radziwill (texte de Goethe) - 1835
- Arlésienne de Bizet (texte d’Alphonse Daudet)
Le personnage de Peer Gynt est une sorte de
anti-héros qu’Ibsen a choisi car il trouvait qu’il
était à l’image du peuple norvégien qui a
manqué de courage. Peer Gynt ment à sa mère
en racontant qu’il a fait de choses
extraordinaires qui ne sont pas vraies, puis il
échappe au mariage et ne prend aucune
responsabilité dans sa vie d’adulte. Il vit des
expériences extraordinaires mais on se
demande toujours si elles ont vraiment eu lieu
(il rencontre des sorcières, le roi de la
montagne, des trolls…). Quand Ibsen a écrit sa
pièce il a voulu faire comprendre aux
Norvégiens qu’il avait une piètre idée d’eux, mais en même temps qu’ils avaient un grand
potentiel. À la fin, Peer Gynt finit par accepter sa vie un peu plus rangée après avoir fait tout ce
voyage initiatique. Ibsen se demandait si les Norvégiens allaient se reconnaitre, alors il a
beaucoup travaillé la langue et la poésie norvégienne mais aussi la dureté et la rugosité de la
langue en utilisant des expressions du terroir, pour que les Norvégiens se sentent chez eux dans
le texte. Grieg alterne les références à la culture occidentales (car la Norvège est baignée dans
cette culture à ce moment-là), le côté orientalisant et la chanson populaire norvégienne. Il donne
une unité là où il n’y en avait pas dans le texte (qui est plutôt une suite de tableaux)


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Les compositeurs nationalistes 1
Introduction - Extraits musicaux 1
1. La Finlande 2
Sibelius (1865-1957) 2
2. L’Espagne 2
Felipe Pedrell (1841-1922) 3
Isaac Albeniz (1860-1909) 3
Granados (1867-1916) 4
Joaquin Rodrigo (1901-1999) 4
Manuel de Falla (1876-1946) 5
3. L’Angleterre 6
Sir Edward Elgar (1857-1934) 6
Ralph Vaughan Williams (1872-1958) 6
Gustav Holst (1874-1934) 7
Benjamin Britten (1913-1970) 7
4. La France 7
Introduction 7
Camille Saint-Saëns (1835-1921) 9
Emmanuel Chabrier (1841-1894) 9
Jules Massenet (1842-1912) 10
Gabriel Fauré (1845-1924) 10
Vincent d'Indy (1851-1941) 10
Ernest Chausson (1855-1899) 11
Gustave Charpentier (1860-1956 ><Marc-Antoine Charpentier) 11
Maurice Emmanuel (1863-1938) 12
Guy Ropartz (1864-1955) 13
Dukas (1865-1935) 13
Alberic Magnard (1865-1914) 13
Erik Satie (1866-1925) 14
Debussy (1862-1913) 15
Ravel (1875-1937) 15
5. L’Allemagne/l’Autriche 16
Wagner (1813-1883) 16
Richard Strauss (1864-1949) 18
Mahler (1860 - 1911) 19
6. Le Brésil 20
Heitor Villa-Lobos (1887 - 1959) 20
7. La République Tchèque 20
Janacek (1854-1928) 20
8. L’Estonie 20
Arvo Pärt (1935 - ) 20
9. La Hongrie - Roumanie 21
Bartok (1881-1945) 21
10. La Russie 22
Scriabin (1872-1915) 22
Rachmaninov (1873-1943) 22
Khatchaturian (1903-1978) 22
Prokofiev (1911-1953) 22
Chostakovitch (1906-1975) 22
Stravinsky 23
11. Les USA 23
Gershwin (1899- 1937) 23
Samuel Barber (1910 - 1981) 23
Bernstein (1918 - 1990) 24
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Les inspirations « exotiques » 25
1. Mahler et les poèmes asiatiques 25
2. Puccini et l’atmosphère orientale 25
3. Debussy et les estampes japonaises 25
Aperçu de l’histoire du jazz 27
1. Les origines du jazz 28
1.1 Les worksongs 28
1.2 Les négro-spirituals 28
1.3 Le gospel 28
1.4 Le ragtime 28
1.5 Le blues 29
1.6 La Nouvelle-Orléans 29
2. Le Middle Jazz - Luxure, alcool et volupté 29
2.1 Chicago 29
2.2 Kansas City 30
2.3 New York 30
2.4 La comédie musicale 31
3. Le bebop 31
Histoire approfondie 32
1. Rhapsody in Blue - Gershwin (1924) 32
2. La comédie musicale 34
2.1 Summertime (1935) 34
2.2 Singing in the rain (1952) 35
2.3 Airs d’amour et airs politiques dans West Side Story (1957 - film en 1962) 36
3. Carmina Burana - Carl Orff (1937) 39
Introduction 39
3.1 Réception de l’œuvre 39
3.2 Inspirations pour le Carmina Burana 40
3.3 Orff et le parti Nazi 40
3.4 Analyse 40
3.5 Écriture du texte 41
3.6 Mise en scène 42
3.7 Suite du Carmina Burana et trilogie du Trionfo 42
3.8 Contexte politique et historique de l’Allemagne de 1937 42
4. Peer Gynt - Grieg (1867) 43

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