Les Annales de la recherche

urbaine

Le transport urbain est-il un outil de régulation du système urbain ?

M. Giblin

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Giblin M. Le transport urbain est-il un outil de régulation du système urbain ?. In: Les Annales de la recherche urbaine, N°4,
1979. pp. 120-123;

doi : https://doi.org/10.3406/aru.1979.966

https://www.persee.fr/doc/aru_0180-930x_1979_num_4_1_966

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 Le transport urbain est-il un outil

de régulation du système urbain ?

M. Giblin *

La première question sur laquelle éminent de régulation. Je dirais que

il est nécessaire de s'interroger, c'est
ce qu'on entend par régulation.
Plusieurs des intervenants ont essayé
de préciser ce qu'ils entendaient par
là : pour moi, intervention ne signifie
pas régulation. Il me semble qu'il n'y
a régulation que lorsqu'il y a une
volonté de correction de trajectoire,
une volonté de prévenir, de corriger
des écarts par rapport à des normes
sociales, de limiter des tensions qui
peuvent apparaître dans le corps
social, qui peuvent résulter de conflits
entre intérêts divergents ou d'inéga¬
lités entre les individus.
En deuxième lieu, il me paraît évi¬
dent, et je crois que ça l'est pour tout
le monde, que, par essence, l'Etat et
les collectivités publiques ont un rôle
c'est presque leur fonction même. Et
que l'Etat, qui est par définition le
super-pouvoir, qui fait les lois qui
s'imposent à tous, à tout ce qui est
en dessous, c'est-à-dire à toutes les
organisations politiques, que l'Etat
donc a un pouvoir d'intervention qui
n'est pas limité, qu'il est difficile de
limiter. Alors, la question que l'on
doit se poser pour avancer sur ce
thème est de savoir si l'Etat exerce
effectivement ou non un rôle de régu¬
lation dans les différents secteurs qui
nous intéressent.
Je commencerai par le problème de
la sécurité routière, sur laquelle je ne

de * l'Equipement.
Chef du service des transports urbains, Direction des transports terrestres, ministère

120
 un outil de régulation du système urbain ?

centrerai pas mon intervention. Il me Je vais passer maintenant aux deux

paraît clair que la fonction régulatrice
de l'Etat dans ce domaine de la sécu¬
rité routière — et plus généralement
dans celui de la circulation automo¬
bile — est naturelle. L'Etat est la
seule instance politique qui peut pren¬
dre en charge ce secteur, cela a
d'ailleurs été dit. La question qui
m'est venue (en particulier, en voyant
le montage) est de savoir si, au fond,
dans ce problème de sécurité, il y a
une possibilité de réguler de manière
efficiente en se limitant au strict
champ de la circulation, plus exacte¬
ment en prenant comme une donnée
la circulation sans poser le problème
de la circulation automobile : c'est
bien l'interrogation posée dans la
troisième partie du montage. Autre¬
ment dit, pour me résumer sur ce
point, que l'Etat intervienne me paraît
nécessaire, indispensable ; intervient-il
sur ce problème au bon niveau, c'est-
à-dire dans un système suffisamment
large ? C'est à mon avis une des ques¬
tions qui pourraient être débattues.
premiers exposés.
J'ai senti que centrer le thème de ce
matin sur 1' « intervention régulatrice
de l'Etat », c'était emprisonner un peu
le débat : d'abord, parce que si, dans
la période récente tout au moins,
l'Etat est intervenu, il n'est pas inter¬
venu comme régulateur au sens que
j'ai indiqué tout à l'heure : ses inter¬
ventions ont été plutôt déstabilisatrices
(pour reprendre une expression de
Chapoutot), elles ont provoqué de
manière délibérée un certain nombre
de déséquilibres.
Je donne un exemple : il me semble
que, par l'apport même de ressources
financières, l'institution du versement
transport a rompu un certain équili¬
bre qui venait de la contrainte finan¬
cière qui s'imposait aux exploitants
de transports et a provoqué un pro¬
cessus d'évolution très rapide. A ce
titre, je pense qu'il n'y a pas eu régu-

Interventions régulatrices de l'État

dans le domaine des transports

M. Giblin
exposés
J.-J.
étatiques
champ
publiques
Chapoutot
de» dans
; :laetM.sécurité
M.
le(article
Lhoste,
secteur
Benattar,
routière
ci-dessus)
des
« Représentations
par
transports
» ; ; leurs
B. Haumont,
M. Madre,
».interventions,
sociales
« Les
« Transports
deeffets
ont
l'intervention
ouvert
redistributeurs
régionaux
la de
discussion
etl'Etat
interventions
des finances
dans
sur les
le

121
transport urbain
lation de la part de l'Etat. Il est inter¬
venu au niveau du Parlement en
faisant voter cette loi. Il ne me semble
pas que cette intervention ait été en
quoi que ce soit régulatrice : au
contraire, elle a provoqué une dyna¬
mique qu'il s'agit sans doute de régu¬
ler maintenant. J'y reviendrai. On
pourrait dire la même chose de ce qui
se passe dans les schémas régionaux
de transport : la volonté de se sortir
du carcan réglementaire des textes de
1949 est une volonté de déstabiliser
un système qui avait son mécanisme
interne de régulation.
Une chose m'a frappé dans l'ana¬
lyse que les deux conférenciers ont pu
faire de l'origine du processus de déve¬
loppement des transports urbains et
de schémas régionaux : à aucun
moment je n'ai entendu prononcer le
mot automobile — ou alors il m'a
échappé. Pourtant, ce problème me
semble fondamental (c'est un pont que
je jette entre les deux séries d'expo¬
sés). Le développement de l'automo¬
bile a provoqué l'éclatement des villes,
a entraîné toute un série d'inégalités
dans le corps social (il y a ceux qui
ont une automobile et ceux qui n'en
ont pas). J'y trouve l'origine de ce
retour aux transports en commun,
beaucoup plus que dans l'apparition,
dans les années très récentes, de ce
qu'on a appelé la crise. Pour moi, la
crise, notamment la crise pétrolière, a
été le révélateur d'une situation. Mais
il n'y a pas de lien de causalité : le
processus d'éclatement des villes,
d'éclatement des activités, de division
de l'espace, est engagé depuis vingt
ans, depuis trente ans ; il ne date pas
de la guerre du Kippour.
122
Je voudrais maintenant dire com¬
ment je vois apparaître le souci de
régulation du processus, après que
l'Etat a engagé des actions que j'ai
appelées déstabilisatrices.
Il me semble tout d'abord qu'il y a
actuellement une volonté de l'Etat de
décentraliser des responsabilités vers
les collectivités locales, tout particu¬
lièrement dans le secteur « urbanisme-
transport ». Cette volonté de décentra¬
lisation s'est marquée par les décisions
que j'ai dites : le versement transport
participe de cette stratégie — il s'agit
de donner aux collectivités locales des
moyens pour qu'elles assument des
responsabilités.
Il n'est pas évident que les collec¬
tivités locales soient toujours deman¬
deresses. On a parfois l'impression, du
côté de l'Etat, qu'elles entrent dans ce
système à reculons, parce que, même
avec des ressources financières nou¬
velles, prendre des responsabilités
avec des enjeux financiers qu'on ne
sent pas très bien à long terme, c'est
un risque. Je comprends parfaitement
cette attitude. Je crois que l'Etat,
ayant cette volonté de décentralisation,
se préoccupe de la régulation du phé¬
nomène du renouveau des transports
en commun urbains ou régionaux.
J'analyserai son intervention comme
une tentative pour aider ou convaincre
les collectivités locales de mettre en
place des instruments de gestion per¬
mettant de maîtriser leur problème.
C'est un petit peu l'idée que l'on
trouve dans les plans de développement
à cinq ans, les contrats de développe¬
ment, où l'action de l'Etat consiste, en
dehors du fait qu'il apporte une aide
financière, à essayer de développer le
 un outil de régulation du système urbain ?

souci, la préoccupation de la planifi¬ j'ai le sentiment que, dans l'évolution

cation et d'une vision à moyen terme que nous vivons à l'heure actuelle, le
de l'évolution (tout en imposant des développement du transport en com¬
normes, donc sa vision du problème mun apparaît, à une échelle plus
et de ses critères de jugement, c'est grande — c'est-à-dire l'échelle urbaine
certain). ou de l'aménagement du territoire —,
comme investi d'une certaine mission
Voilà ce que je voulais dire sur de régulation. Je parle là du transport
l'action de l'Etat. Pour me résumer, de personnes. Autrement dit, et je
il ne me paraît pas que, dans ce sec¬ rejoins une de mes définitions, il me
teur, il y ait eu une intervention de semble que le transport en commun
régulation de l'Etat très nette ; au joue un rôle de limitation de tension
contraire, l'intervention a été fonciè¬ sociale à l'intérieur des aggloméra¬
rement non régulatrice dans un certain tions, de réduction des inégalités ;
nombre de cas récents. Actuellement, c'est d'ailleurs une des motivations du
avec cette volonté de décentralisation, programme d'action prioritaire claire¬
l'Etat cherche à mettre en place des ment affichées par le gouvernement.
mécanismes de régulation au niveau En sortant d'une vision trop sectorielle
local, beaucoup plus qu'à réguler lui- du problème de transport, je crois qu'il
même ce qu'il a décentralisé. faut s'interroger sur le rôle du trans¬
port en tant qu'outil de régulation d'un
système plus vaste qui est celui de la
vie urbaine et de l'aménagement régio¬
La question que je poserai pour en nal.
terminer avec ces problèmes de trans¬
ports en commun est la suivante : M. Giblin