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EXTRAITS

Une société sans école


Ivan Illich, Oeuvres complètes. Volume 1, Ed. Fayard, 2005, 792 p.

Introduction
Le système scolaire obligatoire représente finalement pour la plupart des hommes une entrave au droit
à l’instruction. 2051

Vouloir assurer l’éducation universelle par l’école représente un projet irréalisable. En effet, il ne
suffit pas de vouloir modifier l’attitude des maîtres face aux élèves, ni d’avoir recours à un matériel
pédagogique, électronique ou non, sans cesse plus encombrant, ni encore de vouloir étendre la
responsabilité du pédagogue jusqu’à lui permettre d’envahir la vie privée de ses « disciples ». À la
recherche qui ne vise en fait à découvrir que de nouvelles méthodes de « gavage », il faut opposer une
autre recherche qui entreprenne de concevoir de véritables « réseaux de communication » à dessein
éducatif, par lesquels seront accrues les chances de chacun de faire de chaque moment de son
existence une occasion de s’instruire, de partager, de s’entraider. 206

Nous devons œuvrer pour une ère nouvelle du loisir (skholê) s’opposant à une économie dominée par
les industries de service et de production. 207

Pourquoi il faut en finir avec l’institution scolaire


À l’école, l’élève apprend à confondre enseigner et apprendre, à croire que l’éducation consiste à
s’élever de classe en classe, que le diplôme est synonyme de compétence, que savoir utiliser le
langage permet de dire quelque chose de neuf… Son imagination, maintenant soumise à la règle
scolaire, se laisse convaincre de substituer à l’idée de valeur celle de service : qu’il imagine, en effet,
les soins nécessaires à la santé et il ne verra d’autres remèdes que le traitement médical ; il confondra
la sécurité individuelle et la protection de la police… 209

Riches et pauvres ont la même confiance dans les écoles et les hôpitaux. Tous considèrent que se
soigner seul est un acte irresponsable, qu’acquérir seul son instruction représente un danger. Toute
organisation communautaire qui ne serait pas subventionnée par ceux qui détiennent l’autorité leur
semblera témoigner d’un esprit de rébellion, ou ils y verront une entreprise subversive. 211

Les écoles assurent, par exemple, la garde des enfants, leur « endoctrinement » ; elles sélectionnent les
rôles que leurs élèves tiendront dans la société, et toutes ces fonctions, y compris celle de l’éducation,
sont liées de façon inextricable à l’équipement et à l’implantation scolaire, aux programmes
d’enseignement, tout autant qu’aux corps enseignant et administratif. 215

Dans le monde entier, l’école nuit à l’éducation parce qu’on la considère comme seule capable de s’en
charger. Et beaucoup en viennent à croire que ses nombreux échecs prouvent que l’éducation est une
tâche coûteuse, d’une complexité incompréhensible. L’école s’approprie l’argent, les hommes et les
bonnes volontés disponibles dans le domaine de l’éducation, et, jalouse de son monopole, s’efforce
d’interdire à d’autres institutions d’assumer des tâches éducatives. 218

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Beaucoup croient, à tort, que l’école mérite la confiance publique, alors même qu’elle n’est plus la
détentrice d’un monopole et que, loin d’égaliser les chances, elle en assure la répartition. 223

Ce que l’on a appris nous est souvent venu comme par hasard, et ce que l’on a voulu consciemment
apprendre n’a que peu de rapport avec un programme d’enseignement. Ainsi l’enfant a découvert dès
son plus jeune âge le langage, sans qu’il lui fût enseigné. 224

Des expériences conduites à Porto Rico par Angel Quintero tendraient à prouver que beaucoup de
jeunes, si on leur donne les instructions, les encouragements, les documents et les outils nécessaires,
obtiennent de meilleurs résultats que les enseignants qualifiés lorsqu’il s’agit d’amener leur camarades
à la découverte scientifique du monde des plantes, des étoiles, de la matière, ou à l’étude de la façon
dont fonctionne un moteur, un poste de radio, etc. 227

Les conditions propres à encourager la libre expérimentation des connaissances acquises, la


découverte personnelle, ne se rencontrent pas dans l’établissement scolaire. L’élève est contraint d’y
être, parce que la doctrine c’est « l’enseignement pour l’enseignement ». Il est donc là, en résidence
surveillée, en compagnie d’enseignants, et la récompense qui lui est promise, c’est d’y demeurer un
peu plus longtemps. 229

Le droit à l’instruction – le droit de tout homme de s’instruire ou de transmettre des compétences – se


voit retirer toute signification par la présence d’enseignants diplômés. De plus la séparation est
accomplie entre le temps du travail et celui du loisir. Tantôt spectateur, tantôt travailleur, l’homme,
qu’il aille à son lieu de travail ou de divertissement, succombe à la routine que d’autres ont préparé
pour lui et à laquelle il doit s’adapter. 236

Phénoménologie de l’école
L’école est un lieu où l’on rassemble des êtres humains d’un âge donné autour d’enseignants. Ils y
sont soumis à une présence obligatoire et à la nécessité de suivre certains programmes.
Les êtres humains qui se trouvent dans les établissements scolaires sont regroupés par catégories
d’âge. Cette répartition repose sur trois principes que l’on ne met pas en doute :
les enfants doivent être à l’école ;
ils apprennent à l’école ;
l’école est le seul endroit où ils peuvent apprendre.
Sans y réfléchir, nous avons accepté l’idée qu’il existe des « enfants », et nous décidons qu’ils doivent
aller à l’école, qu’ils sont soumis à nos directives, qu’ils n’ont pas de revenus personnels et ne peuvent
en avoir. Nous attendons d’eux qu’ils restent à leur place et se conduisent en « enfants ». 242
S’il n’y avait pas d’âge spécifique et défini par la loi, ni de système scolaire obligatoire, l’«enfance »
n’aurait plus cours. 244

L’école est une institution fondée sur l’axiome que l’éducation est le résultat d’un enseignement.
Le plus souvent, les élèves font leur éducation sans l’aide de leur maître, parfois malgré lui. Or la
majorité des hommes tirent leurs leçons de l’école, alors même qu’ils n’y sont jamais entrés.
C’est sorti de l’école, ou en dehors, que tout le monde apprend à vivre, apprend à parler, à penser, à
aimer, à sentir, à jouer, à jurer, à se débrouiller, à travailler. Les enfants qui, jour et nuit, sont confiés à
des maîtres ne font pas exception : qu’ils soient orphelins, débiles mentaux, fils et filles d’enseignants,
ils apprennent eux aussi la plus grande part de leur savoir en dehors du système éducatif que l’on avait
si bien défini pour eux. 245

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La moitié des êtres humains n’entrent jamais dans une école. Ils n’ont aucun contact avec des
enseignants ; ils ne jouissent pas du privilège de devenir des cancres. 246

Le rituel de l’école constitue en lui-même un véritable programme de formation (mais pour former
quoi et à quelle fin ?) contre quoi le meilleur des enseignants ne peut protéger efficacement ses élèves.
250

Le rite du progrès

À quoi peut bien servir la formation d’un diplômé d’université, sinon à le mettre au service des riches
de ce monde ? 251

Personne ne reçoit une aide de l’État pour s’éduquer pendant son temps de loisir, ou pour le droit
d’enseigner à autrui, qu’il n’ait montré ses lettres de créance, signe de sa réussite. Pour avancer sur le
parcours du jeu de l’éducation, il faut sans cesse faire la preuve que l’ordre établi peut miser sur vous
sans prendre trop de risques. 251

L’école nous enseigne à croire que l’éducation est le produit de l’enseignement.


Une fois le discrédit jeté sur l’homme ou la femme qui se seraient eux-mêmes instruits, tout ce qui ne
s’insère pas dans le cadre d’une profession nous inspire la méfiance. À l’école, nous apprenons qu’une
bonne éducation est le fruit de l’assiduité, que sa valeur ne peut que s’accroître en fonction de la durée
de notre présence, qu’enfin cette valeur est mesurable et qu’elle est garantie par les examens et
diplômes. 256
Pourtant, apprendre est de toutes les activités humaines celle qui requiert le moins l’intervention
d’autrui et se prête le moins à la manipulation. Nous ne tenons pas notre savoir, à proprement parler,
de l’instruction imposée ; ce serait bien plutôt l’effet d’une participation sans contrainte, d’un rapport
avec un milieu qui ait un sens. La meilleure façon d’apprendre, pour la plupart des êtres humains,
c’est cet accord avec les choses et les êtres.

La personne individuelle ne dispose plus d’aucune responsabilité : elle les a toutes confiées à
l’institution. Ce transfert de responsabilité est le gage de la régression sociale, en particulier quand il
est conçu comme un impératif moral. 257

Le mythe du progrès éternel


Peu importent les dépenses consenties, la logique concurrentielle veut que la consommation des
programmes s’élève sans cesse : il faut pousser l’élève à consommer toujours plus. C’est le progrès
qu’il doit accomplir, et c’est ce qui l’incite à ne pas quitter l’école. 260

Partout les enfants savent qu’ils ont des chances de gagner à la loterie nationale obligatoire de
l’enseignement - qui ne sont pas égales.

Les jeunes sont pré-aliénés par une école qui les tient à l’écart du monde, tandis qu’ils jouent à être, à
la fois, les producteurs et les consommateurs de leur propre savoir, défini comme une marchandise sur
le marché de l’école. L’enseignement fait de l’aliénation la préparation à la vie. Il prépare à
l’institutionnalisation aliénatrice de la vie en enseignant le besoin d’être enseigné. 266

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Nous sommes tous prisonniers du système scolaire ; une croyance superstitieuse nous persuade que le
savoir n’a de valeur que s’il nous est imposé, puis nous l’imposerons à d’autres – production et
reproduction du savoir. 257

L’école sert le plus important et le plus anonyme des patrons. Elle nous offre le meilleur exemple d’un
type nouveau d’entreprise, venant après la guilde, la manufacture, la société anonyme. 268
Le sang coulerait-il lors d’une libération de l’emprise scolaire ? Les fonctionnaires chargés de
réprimer l’école buissonnière, leurs alliés dans les tribunaux et les bureaux d’emploi disposent d’un
arsenal répressif dont l’efficacité est indéniable et sera cruellement ressenti par le délinquant isolé,
surtout s’il a le malheur d’être pauvre.

Les programmes des écoles « nouvelles » ou « libérées » évoquent les liturgies des messes « folk » et
« rock ».

Le risque que court la société est grand si beaucoup perdent leur foi dans le système scolaire : l’ordre
économique, construit sur la coproduction des biens et de la demande, risquerait de se trouver en
fâcheuse posture, de même que l’ordre politique fondé sur l’État-nation, auquel l’école livre ses
élèves.

L’instruction ne peut être qu’une activité personnelle.

Si nous acceptons le postulat que le savoir est une marchandise qui, dans certaines conditions, doit
être vendue de force au consommateur, nous sommes prêts à nous soumettre à la domination sans
cesse plus pesante des gestionnaires totalitaires de l’information et aux funestes parodies d’école
qu’ils nous préparent. 269

L’école, service public ?

Les écoles se fondent sur le postulat, pour le moins contestable, que l’éducation est le résultat de
l’ingestion de leurs programmes.

Les écoles faussent l’inclination naturelle qui vous porte à grandir et à apprendre, elles en font une
demande de scolarité – une perversion redoutable. 283
Prisonnier de l’idéologie scolaire, l’être humain renonce à la responsabilité de sa propre croissance et,
par cette abdication, l’école le conduit à une sorte de suicide intellectuel.

Les systèmes d’éducation publique, que leur fondation remonte à l’époque de Jefferson ou à celle
d’Atatürk, voire après la Seconde Guerre mondiale, sont tous devenus des « bureaucraties » qui
portent en elles-mêmes leur propre justification et qui ne visent qu’à la manipulation des êtres
humains. 284

La scolarité et l’éducation [deviennent] une seule et même chose, comme sont confondus soins
médicaux et santé, spectacles programmés et divertissement, faculté de se déplacer et vitesse, etc. 287

Logique de l’absurde

Nous reportons la responsabilité des changements qui doivent intervenir dans la société sur les épaules
de la jeunesse, une fois, bien entendu, qu’elle sera sortie de l’école. On considère comme un devoir
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impératif d’assurer l’éducation des générations nouvelles et on entreprend alors, en toute logique, de
définir, d’évaluer, de cataloguer les objectifs personnels d’autrui. Ces efforts me font songer (et me
font éprouver le même vertige) à une classification que nous propose Jorge Luis Borges dans un
passage d’un « Encyclopédie chinoise imaginaire » où il dit que les animaux se divisent en :
a) appartenant à l’empereur,
b) embaumés,
c) apprivoisés,
d) cochons de lait,
e) sirènes,
f) fabuleux,
g) chiens en liberté,
h) inclus dans la présente classification,
i) qui s’agitent comme des fous,
k) dessinés avec un pinceau très fin en poils de chameau,
l) et coetera,
m) ceux qui viennent de casser la cruche,
n) qui, de loin, semblent des mouches…
[De même,] la taxinomie des objectifs en matière d’éducation a un sens pour leurs savants auteurs. Et
les étudiants se soumettent aux exigences d’un programme universitaire : ce sont les buts de leur
existence qui sont ainsi catalogués… non leur bétail ! 292-293

Les novateurs en matière d’éducation n’entendent pas changer les institutions éducatives, puisqu’ils
continuent de les considérer comme des canaux de distribution des programmes qu’ils proposent. Il
importe peu que ces canaux aboutissent à une salle de classe, ou que l’on se serve de récepteurs de
télévision, ou encore que l’on délimite des « zones libérées » ; peu importe également que les
marchandises proposées soient d’une nature « riche » ou « pauvre », « chaude » ou « froide », quelles
soient mesurables, tel le niveau III en mathématique, ou impossible à évaluer, telle la « sensibilité ».
Ce qui compte, c’est que l’éducation est supposée être le résultat d’une méthode établie, gérée par
l’éducateur. Tant que les rapports continueront d’être ceux d’un fournisseur et d’un consommateur, la
recherche pédagogique ne conduira qu’à l’« escalade ». Elle se contentera d’accumuler des preuves
scientifiques de la nécessité d’une quantité accrue de marchandises éducatives et du perfectionnement
des méthodes de livraison. 295

Les réseaux du savoir

L’école a partout une structure semblable et se propose, sans que nous en ayons conscience, des
objectifs comparables. Elle façonne un consommateur qui n’accordera bientôt plus de valeur qu’aux
services rendus par les institutions. 299

Un véritable système éducatif devrait se proposer trois objectifs. À tous ceux qui veulent apprendre, il
faut donner accès aux ressources existantes, et ce à n’importe quelle époque de leur existence. Il faut
ensuite que ceux qui désirent partager leurs connaissances puissent rencontrer toute autre personne qui
souhaite les acquérir. Enfin, il s’agit de permettre aux porteurs d’idées nouvelles, à ceux qui veulent
affronter l’opinion publique, de se faire entendre.
Un tel système supposerait l’existence de garanties constitutionnelles accordées à l’éducation.
Pourquoi celui qui apprend devrait-il se soumettre à un programme obligatoire ? 301

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Ce dont nous avons besoin, c’est de nouveaux réseaux, par lesquels sont agrandies, multipliées les
chances de chacun d’apprendre et d’enseigner. 303

L’erreur consiste à se demander : « Que faut-il que quelqu’un apprenne ? ». La question serait plutôt :
« Celui qui veut apprendre, de quoi doit-il disposer, avec qui doit-il se trouver en rapport ? ». 304

Quand on pense à des possibilités éducatives, on se réfère au catalogue des programmes, définis par
l’enseignement, alors qu’il faut viser le contraire : définir quatre organismes grâce auxquels celui qui
veut s’éduquer pourra bénéficier des ressources qu’il juge nécessaire.
1. Un premier service serait chargé de mettre à disposition des « objets éducatifs », c’est-à-dire les
instruments, les machines, les appareils utilisés pour l’éducation formelle. Une partie d’entre eux
seraient présentés dans les bibliothèques, les musées, les laboratoires, les salles d’exposition ;
d’autres, utilisés dans les activités journalières, par exemple dans les usines, les aéroports, les
fermes…, pourraient être accessibles soit pendant une période d’apprentissage, soit en dehors des
heures de fonctionnement normal.
2. Un service d’échange des connaissances tiendrait à jour une liste des personnes désireuses de faire
profiter autrui de leurs compétences, mentionnant les conditions dans lesquelles elles souhaiteraient le
faire.
3. Un organisme faciliterait les rencontres entre « pairs ». Véritable réseau de communication, il
enregistrerait la liste des désirs en matière d’éducation de ceux qui s’adresseraient à lui pour trouver
un compagnon de travail ou de recherche.
4. Des services de référence en matière d’éducateurs (quels qu’ils soient) permettraient d’établir une
sorte d’annuaire où trouver les adresses de ces personnes, professionnels ou amateurs, faisant ou non
partie d’un organisme. 305

Un choix à faire

De génération en génération, nous nous sommes efforcés de parvenir à édifier un monde meilleur et,
pour ce faire, nous avons sans cesse développé la scolarité. Jusqu’à présent, l’entreprise s’est soldée
par un échec. Et qu’avons-nous appris, si ce n’est à contraindre les enfants à gravir l’escalier sans fin
de l’éducation, lequel, loin de conduire à l’égalité recherchée ne fait que favoriser celui qui part en
avance sur les autres, ou qui se trouve en meilleure santé ou bénéficie d’une meilleure préparation ?
L’enseignement obligatoire semble miner la volonté personnelle d’apprendre.
L’éducation publique est en train de perdre sa légitimité à la fois du point de vue social, pédagogique
et économique. 349

Partout les enfants doivent s’assembler par groupe d’âge, puis par trente environ prendre place devant
un maître diplômé, à raison de 500, voire 1 000 heures par année ou plus. Et qu’importe si le
programme officiel vise à enseigner les principes du fascisme ou du libéralisme, du catholicisme ou
du socialisme, ou se veuille au service d’une « libération », puisque dans tous les cas l’institution
s’arroge le droit de définir les activités propres à conduire une « éducation » légitime. Peu importe
également si le but avoué de l’école est de produire des citoyens soviétiques ou américains, des
mécaniciens ou des médecins, dans la mesure où, sans le diplôme, on ne sera pas citoyen véritable ou
docteur reconnu… 351

Plus un être humain « consomme » d’éducation, plus il fait fructifier son avoir et s’élève dans la
hiérarchie des capitalistes de la connaissance. L’éducation définit une nouvelle pyramide des classes,
dans la mesure où les gros consommateurs de savoir peuvent ensuite prétendre rendre des services
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d’une valeur plus éminente à leur société. Ils représentent les placements sûrs dans le portefeuille du
capital humain d’une société et eux seuls ont bientôt accès aux outils les plus puissants et les moins
répandus de la production. 353

[L’éducation est une invention récente.] En français, on parle pour la première fois de l’éducation des
enfants dans un manuscrit de 1498. En anglais, le mot « education » apparaît pour la première fois en
1530. 357
Dès le XVIIe siècle, l’accord se fait sur un point : l’homme est inapte à la vie sociale. Il faut en
conséquence le préparer en lui proposant une éducation. C’est ainsi que l’éducation devint l’opposé de
la compétence acquise dans la vie quotidienne, qu’elle finit par signifier une méthode de traitement
plutôt que le simple savoir des faits de l’existence et la capacité de se servir des outils qui façonnent la
vie concrète de l’homme. 358

Des verbes qui décrivaient une activité personnelle tels que « apprendre », « se loger », « se soigner »,
nous font irrésistiblement penser à des services dont la distribution est plus ou moins bien assurée.
Nous pensons qu’il faut résoudre les problèmes de l’habitat, des soins médicaux, etc., sans nous
souvenir un seul instant que les hommes pourraient se soigner ou édifier leur maison eux-mêmes. Et
l’adolescent, au lieu d’apprendre, par exemple, à s’occuper de sa grand-mère, apprend à manifester
devant l’asile de vieillards où il n’y a plus de lits disponibles ! 362

Partout dans le monde, le prix de revient de l’éducation des hommes à la société s’accroît plus
rapidement que la productivité de l’économie dans son ensemble, tandis que de moins en moins
d’hommes éprouvent le sentiment se rendre raisonnablement utiles à la communauté. 365

Aujourd’hui, les écoles, les studios de télévision, les théâtres et autres lieux similaires sont tous
conçus pour être utilisés par des professionnels. Déscolariser la société veut dire, avant tout, refuser le
statut professionnel au métier qui, par ordre d’ancienneté, vient juste après le plus vieux métier du
monde. 369

Pour qu’un homme puisse grandir, ce dont il a besoin c’est le libre accès aux choses, aux lieux, aux
méthodes, aux événements, aux documents. Il a besoin de voir, de toucher, de manipuler, de saisir tout
ce qui l’entoure dans un milieu qui ne soit pas dépourvu de sens. Cet accès lui est aujourd’hui refusé.
371

On ne s’aperçoit généralement pas que les nouvelles structures de classes, imposées par une société
scolarisée, sont encore plus aisément contrôlées par les intérêts établis. Sans aucun doute, une
organisation impérialiste et capitaliste de la société définit un ensemble social dans lequel une
minorité possède une influence disproportionnée sur l’opinion de la majorité. Mais dans une société
technocratique, le pouvoir d’un petit nombre de « capitalistes du savoir » est capable d’empêcher la
formation d’une véritable opinion publique par le contrôle des techniques scientifiques te des moyens
de communication entre les hommes. Les conquêtes techniques sont utilisées pour accroître le pouvoir
des banquiers de la connaissance, au lieu de servir à tisser les véritables réseaux qui fourniraient des
chances égales de rencontre à la majorité des êtres humains.
Déscolariser la structure sociale et culturelle exige l’utilisation de la technologie pour rendre possible
une politique de participation. 376-377

Extraits sélectionnés par Jean-Pierre Lepri.


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