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Centre Sèvres – Facultés jésuites de Paris

WHITEHEAD OU LE COSMOS TORRENTIEL: Introduction critique à une lecture de « Process


and Reality » (Fin)
Author(s): Jean-Claude DUMONCEL
Source: Archives de Philosophie, Vol. 48, No. 1 (JANVIER-MARS 1985), pp. 59-78
Published by: Centre Sèvres – Facultés jésuites de Paris
Stable URL: https://www.jstor.org/stable/43034909
Accessed: 28-10-2018 19:08 UTC

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Archives de Philosophie 48, 1985, 59-78.

WHITEHEAD OU
LE COSMOS TORRENTIEL
Introduction critique à une lecture
de « Process and Reality »*

par Jean-Claude DUMONCEL


(Fin)

VI. - Genèse et structure (1) : la genèse (théorie de la


concrescence)

1. Le vecteur préhensif

Il peut paraître aberrant et outrancier de soutenir que la philosophie


du xxe siècle, dans ses lignes de force principales, consiste en
variations sur le concept de vecteur. Les convergences, pourtant, sont
assez frappantes.
Tournons-nous d'abord vers Russell, collaborateur de Whitehead
pour la rédaction du plus grand ouvrage de logique mathématique à ce
jour, l'un des pères fondateurs de la philosophie analytique, précurseur
du positivisme logique et de l'empirisme logique qui, successivement,
ont constitué l'une des deux écoles dominantes de ce courant de
pensée. Russell explique lui-même qu'il est passé de la physique à la
métaphysique en méditant sur le parallélogramme des forces.
Si nous nous tournons maintenant vers la « philosophie continen-
tale », que l'on oppose à la philosophie analytique, l'auteur que nous
allons trouver entre l'impulsion qu'il reçoit de Brentano (ainsi que de
Frege), et l'impulsion que reçoivent de lui R. Ingarden et M. Scheler,
M. Heidegger et J.P. Sartre, c'est Husserl. Or ce qui distingue d'entrée
de jeu le point de vue de Husserl de celui de Frege (lequel nous renvoie
à la philosophie analytique), c'est le rôle que Husserl fait jouer au
concept d'intentionalité (hérité de Brentano). Et il est courant de
représenter l'intentionalité par un vecteur25. Le fait que, dans ce cas, le
vecteur va du sujet à l'objet, contrairement au vecteur whiteheadien
qui va de l'objectivé à l'unité subjective, ne doit pas nous arrêter.
Toute relation, en effet, a une converse, et à Y orientation, qui distingue
le vectoriel du scalaire, correspond toujours l'orientation opposée ;

25. V. p. ex. Bergmann, « Intentionality », in Meaning and existence.

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60 J.-CL DUMONCEL

Whitehead et Husserl ne font ainsi


transit en des sens opposés.
Un auteur aussi imposant que Bergs
vergences. Mais ce n'est qu'une appar
la « mémoire » bergsonienne constitu
sions que Whitehead concrétise par l
récent de Jean Milet27 nous montre
questions qui ne sont pas très différe
passer Russell de ses curiosités scientifiques à l'interrogation
philosophique : dans les deux cas il s'agit d'élucider les concepts fon-
damentaux de la physique.
Chez Whitehead, enfin, la res vera est l'occasion actuelle. Mais
celle-ci, comme on l'a vu, s'analyse, en préhensions. Or chaque préhen-
sion est un vecteur concret28.
Dans la plupart des cas, le caractère vectoriel de la préhension se
confond avec le fait de Yénergie fluente dans l'univers physique. Le
« Tout s'écoule » d'Héraclite, nous dit Whitehead, est à reformuler en
« Tout est vecteur » (Il va même jusqu'à parler d'un « flux de
vecteurs »).
Prenons l'exemple de la chaleur. Elle semble au premier abord une
quantité scalaire. Mais quand un corps s'échauffe, cela signifie que
l'agitation de ses molécules augmente, et non qu'il est envahi par une
masse de « calorique ». Nous sommes donc ramenés au vecteur de
l'intensité dans l'agitation. La température est la vérité de la chaleur.

2. Les phases de concrescence 29

A la concrescence correspond, comme on l'a vu, un « flux interne »,


qui est le devenir constitutif de l'occasion actuelle. Cette histoire se
déroule en quatre phases , qui sont : l'origine ; la phase créative ; la
satisfaction et l'immortalité objective.
La concrescence, dans sa totalité, consiste dans la fusion d'un
ensemble de préhensions. Chacune des phases peut être considérée
comme fusion d'un sous-ensemble déterminé de cet ensemble.
L 'origine d'une occasion O est la fusion de toutes les préhensions
physiques positives effectuées par O sur le monde ambiant (cône
arrière) de O.
La phase créative est caractérisée par l'intervention du pôle mental.
Ce sera la fusion de toutes les décisions prises par ce pôle (en référence

26. Tout au moins pour ce qui est des préhensions positives.


27. Bergson et le Calcul infinitésimal (P.U.F., 1974) Introduction et chap. I.
28. PR , Partie III, chap. III, section I, p. 105.
29. On suivra de près ici, l'exposé de R.M. Martin, Whitehead s Categoreal
Scheme , Mārtiņus Nijhoff (1975), chap. I, § 10, p. 18-9.

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aux objets éternels qu'il préhend


dire que c'est la fusion de tou
positives effectuées par O.
La satisfaction est la réunion
fusionnées respectivement lors
L 'immortalité de l'occasion est
dans la concrescence des occasi
sion appartient encore à sa conc
qui lui est propre).

3. La dualité du positif et du n

Dans la concrescence, les préh


leurs formes et par leurs données
n'entrent que par leur forme.
intervention.
Supposons un spectateur qui regarde le soleil déclinant sur la mer. Il
perçoit dans une même occasion O tel événement solaire S et le reflet
R de cet événement. Mais le reflet du soleil est déjà une préhension du
soleil. Donc notre sujet a au moins deux préhensions d'une occasion S
de référence à la surface visible du soleil. L'une, 5-0, peut être dite
préhension directe , bien qu'elle embrasse tout le train d'occasions
constituant le rayon solaire ; l'autre, S-R-0 , peut être dite indirecte .
C'est en raison des préhensions indirectes que les préhensions néga-
tives doivent entrer en jeu. En effet, lorsqu'une même occasion D! est
préhendée directement et indirectement (à travers une occasion D2),
par une occasion de référence O, certaines des préhensions qui consti-
tuent la réalité formelle de D15 doivent être occultées pour satisfaire à
sa réalité objective, c'est-à-dire en sorte que la préhension indirecte de
Dj soit compatible avec sa préhension directe. C'est ainsi que la
préhension positive s'auréole de préhensions négatives. Chaque
préhension positive doit, pour frayer son chemin vectoriel, s'aveugler
sur une partie de son monde ambiant ; cet aveuglement est une
préhension négative. Comme dans un certain hégélianisme, la contra-
diction, ici, n'est absente du réel que parce qu'elle en est éliminée par
une vigilance occulte (A cela, un leibnizien répondrait que la contra-
diction est déjà éliminée du possible , c'est-à-dire au niveau des
relations syntagmatiques entre objets éternels).
Les préhensions négatives n'étant là que pour constituer une sorte
d'environnement propice, ouaté, aux préhensions positives, on peut
dire qu'elle leur sont subordonnées. Le « fleuve Léthé » n'est qu'un
réseau de ruisselets contrariants qui moire le champ de déploiement
sans restriction offert à la mémoire bergsonienne.

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VII. - Genèse et structure (2) : la structure (théorie de la


cogrédience)

1. Goutte à goutte

Si le panpsychisme de Whitehead impliquait omniprésence de la


conscience, on pourrait définir la cogrédience comme le champ de
conscience de l'occasion actuelle. Mais en raison des restrictions dont
le panpsychisme a été assorti, nous devons opter pour une formule
plus neutre, telle que « champ psychique ». Du fait que l'occasion
actuelle, tout à l'opposé de la monade leibnizienne, n'est que portes et
fenêtres, ce champ psychique est aussi la représentation que l'occasion
actuelle se fait (consciemment ou non) de son monde ambiant. La
cogrédience est la cogitatio de l'occasion actuelle. Au sens littéral, la
cogrédience est la relation qui unit toutes les parties d'une même
expérience ou d'un même « présent spécieux ». La cogrédience est, par
ailleurs, une fonction de la concrescence.
A l'image du sablier, nous pouvons substituer ici celle du compte-
gouttes. Tandis que chaque pulsation de concrescence engendre un
grain de durée physique (c'est un instant « de sable mémorial »), la
relation de cogrédience embrasse toutes les parties d'une totalité en
train de s'arrondir sur elle-même, que nous pouvons comparer à une
goutte en formation à l'orifice d'un conduit, ou encore à une cellule
vivante. Il y a d'ailleurs correspondance biunivoque entre les deux
séries. Pour chaque grain de sable concrescent (en abcisse verticale),
une goutte de cogrédience (en ordonnée horizontale), et inversement
(cf. fig. 2).
En dépit de son caractère transversal dans le sablier, la cogrédience
n'est pas réductible à la dimension spatiale. Elle est, selon le mot de
Bergson, spatialisation . (De même, en dépit de son caractère axial, la
concrescence n'est pas à proprement parler chronologique. L'occasion
actuelle est l'atome de durée ; ses phases de concrescence ne sont donc
pas étalées dans le temps mais toutes projetées sur le même « point »
granulaire comme les segments de la tangente vectorielle en ce point.
Chaque pulsation de concrescence occupe d'ailleurs indivisiblement le
quantum de durée concrète déterminé par l'extension cogrédiente qui
lui correspond : le « grain » occupe la « goutte »). La cogrédience a une
extension spatio-temporelle (quadri-dimensionnelle). Si on additionne
toutes ces gouttes spatio-temporelles, elles se fondent les unes dans les
autres pour donner le continuum espace-temps dans sa totalité
homogène.
Qui dit quantum, extension, implique divisibilité. Ainsi nous
disons : une blanche vaut deux noires. Que va donner la division ?
Pour le savoir, il faut revenir à la concrescence, par l'intermédiaire de

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l'occasion. Une occasion est u


l'occasion achevée, cogrédien
c'est-à-dire des éléments de c
des affections {feelings ), pui
préhensions positives. Dans l
point est la terminaison de qu
1'« hypothèse de constance »
Dans les entités sophistiquées
sensible -, la division fait vio
entités brutes - où l'initiativ
division ressemblent encore au tout dont ils furent extraits.
(Comparez : analyser une harmonie et analyser une cacophonie).
Il y a d'ailleurs une nouvelle dissymétrie entre concrescence et
cogrédience, dont il faut faire état ici. La concrescence est à l'échel
- atomique - de l'occasion. (Si on peut parler de la concrescenc
d'une entité dérivée, c'est seulement comme d'un nexus de concres-
cences élémentaires). En revanche, la cogrédience est un phénomène de
synthèse vague30, floue comme le « présent spécieux », et qui peut s
développer à tous les niveaux de complexité métaphysique : non seule
ment les occasions mais les nexus, personnes, sociétés, ont leur
Umwelt cogrédient. L'exemple type en est l'instant de cogito cartésien,
ou plutôt le présent vécu bergsonien.

2. La connexion extensive

La Nature, dit Héraclite, aime à se cacher. Néanmoins, elle prête le


flanc à la mesure ; elle se soumet à un « devenir extensif » qui est
l'aspect sous lequel la surprend notre perception. De Descartes à
Bachelard, on a pensé que la science mesurait contre la perception
immédiate. Bergson, de son côté31, a tenté de montrer que perception
et mesure relèvent d'une même spatialisation par immobilisation du
devenir. D'où ce kyste mathématique dans le tissu poétique de Process
and Reality : la théorie de connexion extensive32.
Cette théorie, élaborée par Théodore de Laguna sur la base de la
méthode d'abstraction extensive de Whitehead, est la théorie mathéma-
tique de cette multiplicité partes extra partes qui est commune à la
représentation perceptive et à l'univers mesurable que décrit le physi-

30. Ce vague est susceptible de plus et de moins. Ainsi, la localisation spatiale est
plus précise dans la vision que dans l'audition.
31. Voir aussi Michel Serres, L'Interférence , Ed. de Minuit, 1972, p. 199-200
(§ 5).
32. PR , Partie IV, chap. II.

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cien. Il s'agit d'une pure topologie où


d'inclusion, de chevauchement, etc.,
toute considération quantitative ou m
On obtient dans ce cadre les définition
Y aire comme limites à l'infini d'un
raison du type de convergence de ce
Nous donnerons seulement, à titre d
serait la définition du point. Nous part
d'un cube ; dans ce cube, on peut insc
sphère, on peut inscrire un nouveau
infinie formée par l'alternance des
chaque fois dans le terme précédent con
pourra donc se définir comme le ter
séries construites sur le même princ
(On notera que les entités ici définie
dérivations : le point est la dérivée d
surface. De même que le calcul vector
de la concrescence, la cogrédience fa
lesquelles s'exercera le calcul infinité
La théorie de l'abstraction extensive est entée sur la théorie de la
cogrédience (dite aussi théorie de l'extension). Toute extension est, par
nature, cogrédiente. C'est, en termes bergsoniens, la spatialisation de
la durée. Les multiplicités extensives usuelles (espace pur, temps des

Figure 3.

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horloges, tous deux illimités


abstraction à partir de la cel
elle, est toujours limitée, qu
celles de notre champ visue
l'abstraction extensive qui t

3. Esthétique transcendantal

Une des caractéristiques de


est d'entrée de jeu et de par
dissonances constituent des ingrédients indispensables dans sa
description de la Nature. Whitehead est sans doute un des rares
philosophes chez qui est pris en considération le fait que nous pouvons
« savourer la complexité de l'univers », autrement dit ce qu'Alexander
appelle enjoyment.
De bonnes formes se dégagent, nous dit la Gestalt-theorie. Du point
de vue de Whitehead, il s'agit d'un effet particulier et grossi du conatus
dirigeant toute occasion actuelle vers la « satisfaction » (3e phase de
concrescence) qui constitue son « idéal privé ». Mais il n'y a de bonne
forme que par perspective (Songez au visage d'Albertine vu de trop
près), donc du point de vue d'une subjectivité, donc d'une synthèse
aboutie. Des notes qui se traînent seraient une mélodie pour un
« présent spécieux » plus compréhensif ; l'ancienne voie romaine n'est
décelable que vue d'avion. Ainsi l'esthétique est un effet de cogré-
dience.
Le point de vue esthétique ramène au concept de contraste. Le
contraste whiteheadien est très proche, en général, de la différence
saussurienne. Aussi y a-t-il deux types de contraste. L'un peut être
appelé syntagmatique et se réalise au sein du nexus, ou même dans
l'occasion (entre les phases de concrescence, ou entre les termes réunis
par la cogrédience). L'autre peut être dit paradigmatique et joue entre
objets éternels. Parmi les contrastes syntagmatiques, il y aurait lieu de
distinguer entre contraste de chaîne , d'une part, (correspondant sur la
fig. 2 aux chaînes causales de type AO que rassemble le faisceau de
concrescence) et, d'autre part, contraste de trame (correspondant aux
coupes de type AB sur le cône de concrescence). Dans un contraste
syntagmatique de trame, les contrastants se renforcent mutuellement.
Par exemple, deux taches de couleur juxtaposées prennent chacune une
valeur nouvelle que ne possédaient pas (dans leur contraste para-
digmatique) les objets éternels qui les ingressent respectivement.
Cependant, le contraste n'est qu'un moyen esthétique. La finalité
esthétique est constituée par la tendance vers l'harmonie.
L'harmonie est définie par Whitehead comme un juste milieu entre
deux excès qui sont le chaos (excès de différence) et le vague (excès

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d'identité). Du même coup, elle requi


excès.
(Une comparaison avec l'esthétiqu
éclairante. Dans La Naissance de la T
sous la catégorie du Dionysiaque l
l'harmonie whitheadienne - dans laq
de son Apollinien. Le Dionysiaque, en effet, est à la fois chaos
(membres dispersés de Dionysos) et indifférenciation (fond unitaire
comme origine cosmique et horizon d'une replongée dans l'ivresse).
Sur ce point, la pensée de Nietzsche paraît rencontrer celle de Carnot,
puisque l'entropie est à la fois désordre et indifférenciation).

VIII. - ÉLÉMENTS D' AXIOLOGIE

« Il y a environ 2300 ans fut donnée une leçon fameuse. L'audience


était distinguée : elle comptait entre autres Aristote et Xénophon. Le
sujet de la leçon était l'Idée de Bien. L'orateur était compétent : il
s'agissait de Platon. » Pourtant, poursuit Whitehead33, cette leçon fut
un échec. Car Platon ne réussit pas à y faire valoir son hypothèse de
travail, à savoir que les mathématiques permettent l'élucidation des
fondements de l'éthique.
Pour comprendre la tentative de Whitehead sur les traces de Platon,
il faut repartir du schéma conique de la concrescence (fig. 4). La

fini

Figure 4.

concrescence, nous l'avons vu, est dominée par la Créativité, c'est-à-


dire par le passage du multiple à l'Un. Par conséquent, si nous gardons
en mémoire le sens grec de l'infini comme indéterminé , par opposition

33. « Mathematics and the Good », dans le volume Schilpp sur Whitehead, p. 666.

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au fini qui représente le pa


elle-même, nous pouvons ajou
l'infini au fini. C'est à partir
principes axiologiques posés p
Le premier peut être dit pr
l'élément monadique. D'après c
la finitude. L'unité subjective r
de l'activité créatrice.
Mais il n'y a pas de figure sans fond (comme le dit la Gestalt-
psychologie). La finitude apparaît toujours sur un fond plus vaste, et,
d'environnement en environnement, on est amené à l'univers dans sa
totalité. D'où le second principe, que l'on peut appeler principe
« spinoziste » de la substance cosmique infinie. Il concerne la structure
minimum, c'est-à-dire l'opposition de la figure et du fond.
L'idée commune à ces deux principes est que la valeur est liée à
Pengendrement de structures. La branche des mathématiques étudiant
les structures est l'algèbre, qui constitue ainsi la partie la plus fonda-
mentale de I' Axiologie (tellement fondamentale que sa pertinence passe
généralement inaperçue dans ce domaine).
Cependant la considération de la structure n'est pas suffisante. En
peinture, on peut plaquer des couleurs qui jurent sur un dessin réussi.
Et chaque couleur, prise en elle-même, peut valoir ou ne pas valoir
(par son éclat, sa chaleur, etc.).
L'axiologie de Whitehead reste à l'état d'esquisse. Sur ce point, sa
philosophie nous paraît appeler d'elle-même un développement dans la
direction des recherches plus substantielles de Max Scheler. (Inverse-
ment, les arrières métaphysiques de l'axiologie, insuffisamment
assurés chez Max Scheler peuvent être trouvés chez Whitehead).

IX. - Dieu

La pensée théologique de Whitehead se développe suivan


axes :

1) Parachèvement du schème métaphysique par une thé


relle ;
2) Appréciation critique des idéaux religieux donnés empirique-
ment. Nous pouvons parler alors d'une théologie exégétique. Elle est
d'ailleurs constituée à la lumière de la théologie naturelle et intégrée
finalement à cette dernière.

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68 J.-CL DUMONCEL

1. Le Dieu des philosophes et des sav

Selon Whitehead, l'idée de Dieu ne


principes métaphysiques que nous adme
être leur principale exemplification.
Ainsi, comme toute entité actuelle, Dieu a une double nature,
c'est-à-dire un pôle intellectuel et un pôle physique.
La théologie naturelle de Whitehead se divise donc en deux parties
dont on pourra voir la jonction sur la figure 5.

' 'Cone des


(objets possibles
éternels) / / ļ
/ ' Multiple

' '' '''Nature


I // // // I'
' primordiale / Créativité

DIEU
fW/ I
Vm'
/ / Nature ''
Nature
/ conséquente '

///''x' / / conséquente Nature ' '


/ (occasions annuelles) '
Gerbe du Réel

Figure 5

La première partie étudie la nature primordiale de Dieu, c'est-à-dire


Dieu « avant » la création. La seconde partie est consacrée à la nature
conséquente de Dieu, c'est-à-dire à la Providence comme totalité des
relations que Dieu entretient avec ses créatures.
« Primordial » et « conséquent » doivent s'entendre ici par rapport au
monde. Dieu est l'Alpha et l'Omega.
La nature primordiale de Dieu, qui est son pôle intellectuel, consiste
dans une préhension de tous les objets éternels (variante leibnizienne :
préhension de tous les mondes possibles). Cette nature primordiale est
donc l'exemplification première de la Créativité. En elle et par elle, on

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passe de la multiplicité dispa


dessein divin. Les préhensions q
Ce sont des évaluations, qui déter
les objets éternels en vue du p
Dieu, en sa nature primordiale
de tout conatus . Toute occasion a
se réfère d'abord aux décrets éternels de Dieu comme à l'Egide
suprême. Ainsi Dieu se trouve-t-il à l'unisson de toute concrescence.
A l'instar des objets qu'elle préhende, la nature primordiale de Dieu
est marquée, d'une part par l'éternité, d'autre part par l'indétermina-
tion (ce que Frege appelle le caractère « non saturé » des fonctions
propositionnelles), car le monde des objets éternels est un monde de
prédicats en quête de sujets.
La nature conséquente de Dieu est le retentissement des créatures
dans le Créateur. C'est l'objectification du monde en Dieu. On peut
dire aussi que c'est le Jugement perpétuel de Dieu sur le monde. « Dieu
est la mémoire du monde », comme l'écrit Marcel Jouhandeau (« a
tender care that nothing be lost », dit Whitehead). La « Mémoire pure »
de Bergson tient registre au Royaume des Cieux34. Les préhensions qui
sont rassemblées ici sont donc des préhensions physiques, dont le tout
constitue le pôle physique de la Divinité.
La nature conséquente, par opposition à la nature primordiale, est
déterminée. Elle est relation à des êtres concrets. D'autre part, elle est
l'ouverture de l'éternité sur le temps et l'entrée du temps dans l'éternité,
« Apothéose du Monde ». Car le moindre événement subsiste « à
jamais » dans la mémoire de Dieu, ce qui n'est qu'une autre façon de
dire qu'il a eu lieu à jamais.
Dans les occasions, le pôle physique vient d'abord, le pôle mental
intervient ensuite. Mais quand on remonte de la créature au Créateur,
cet ordre est inversé. En Dieu, la préhension des potentialités éternelles
précède logiquement le drame de la Providence.

2. Le Dieu évangélique

Selon Whitehead, le développement de la théologie a été faussé par


trois méprises, qui sont :
1) L'éternelle idolâtrie, le péché contre l'esprit qui consiste à
concevoir Dieu comme une projection du Maître terrestre, César ou
Pharaon (Dieu de la Rome impériale) ;

34. De ce fait même disparaît le paradoxe insoutenable de la mémoire pure bergso-


nienne : celui d'un reliquaire des données immédiates de la conscience qui en seraient
venues à constituer un inconscient.

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70 J.-CL DUMONCEL

2) L'idée de Dieu comme juge (Dieu


3) L'idée de Dieu comme ultime p
d'Aristote). (Ce que rejette Whitehead
qui, de même qu'un principe ne dépe
serait pas affecté par les êtres dont i
Contre ces trois points, on peut co
Whitehead comme une tentative pou
sérieux la parole de Saint Jean (I, Je
Si Dieu est amour, il s'ensuit en par
être séparée de l'idée d'absolu. L'amou
une relation. Dieu est donc essentiell

3. Dieu et le monde

Tout comme les relations intérieures aux cônes de la figure 1, les


relations « intraconiques » de la figure 5 sont des relations internes.
Elles font partie de la nature de leurs termes. Il en résulte que les rela-
tions de Dieu aux autres êtres font partie intégrante de la nature de
Dieu38. Par conséquent, tout ce qui est rentre dans la constitution
interne de la nature divine. Par sa nature conséquente, Dieu comprend
donc la totalité du cosmos. Ainsi Whitehead parvient-il à concilier le
panthéisme avec la transcendance de Dieu. Nous nous mouvons en
Dieu, comme le dit l'Apôtre Paul, mais en même temps, par sa nature
primordiale, Dieu se situe au même degré de transcendance que les
quiddités qui seraient encore là, en quête d'existence, même si rien
n'existait. Le primat ontologique dont ces objets éternels ne sont
affublés qu'à titre d'abstractions, Dieu en jouit dans sa plénitude
concrète.
En raison de ce qui vient d'être dit, la nature primordiale de Dieu
peut être appelée nature naturante . Et la nature conséquente de Dieu,
c'est la nature naturée , autrement dit le Cosmos - ou plus exactement
le cosmos actualisé, c'est-à-dire le passé immortel (dans la Mémoire de
Dieu qui est la Mémoire pure du Monde).
L'immanence de Dieu au monde fait que le pur chaos est impos-
sible.

35. En rejetant Io et 2°, Whitehead prévient, sans l'avoir cherché, d'abord l'objection
freudienne (Dieu comme image du Père), puis l'objection nietzchéenne (Dieu comme
garant de la morale établie).
36. Cf. Brentano, Uber das Wirken des aristotelischen Gottes.
37. Le néo-whiteheadien le plus illustre, Ch. Hartshorne, a consacré un ouvrage
entier à la Relativité divine.
38. Si l'on transposait dans la doctrine aristotélicienne, il faudrait dire : la
catégorie de relation est essentielle à la catégorie d'acte pur.

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Chaque concrescence englo


est donc aussi préhension
histoire, l'univers s'informe a
conceptuelles effectuées par le
effet, une « vision en Dieu
qu'affectés des évaluations d
C'est dans cette perspectiv
aborde le problème du mal -
qu'il en propose est une gén
concrescence, on vient de le rappeler, se réfère aux évaluations
primordiales de Dieu ; et le jugement conséquent de Dieu s'exerce sur
chaque concrescence. Le cours du monde, se référant constamment au
jugement primordial infiniment prévoyant doit, par ce biais, s'ajuster
aux arrêts du jugement conséquent sur ses étapes antérieures. Ainsi
l'immanence de Dieu au monde se traduit-elle en une providence
perpétuelle qui sauve tout ce qui arrive, les joies mauvaises avec les
douleurs injustes. Le Royaume de Dieu est parmi nous. Dieu, qu'affec-
tent tous les maux, est stoïque à la place de ceux qui ne peuvent l'être
(Dieu, rappelle Whitehead, a une patience infinie) - et les cris des
martyrs s'abîment dans le sein de Dieu comme les sanglots d'un enfant
s'évanouissent dans le sein maternel.
Remarquons qu'il ne s'agit pas ici d'une simple réédition de cette
harmonie leibnizienne qui scandalisa Voltaire, bien que la position de
Whitehead en soit une généralisation (Whitehead précise qu'il s'agit là,
sous forme généralisée, du rôle esthétique des dissonances)! L'élément
nouveau peut être dit bergsonien : c'est le temps, ou plutôt la mémoire,
par la vertu qu'elle a de transmuter des malheurs anciens en simples
composantes d'un bonheur présent. Tous les malheurs du monde sont
les douleurs d'un enfantement perpétuel à l'échelle du Cosmos.

4. Dieu et la Créativité

Un heideggerien ou un thomiste, ou encore un disciple de Quine,


pourraient adresser un même reproche à la philosophie de Whitehead.
Omnubilée par le devenir , c'est, comme la doctrine de Bergson, une
philosophie qui, pour ainsi dire, manque ďétre . On ne sait comment y
appliquer le quantificateur existentiel : comment déterminer, par
exemple, s'il est applicable aux objets éternels aussi bien qu'aux
occasions ?
Toutefois, la conscience de ce défaut nous permettra de résoudre
une difficulté qui provient d'une autre direction. Whitehead dit de Dieu
qu'il est une « créature » - la première il est vrai. Au premier abord,
cela semble une négation pure et simple de l'essence divine, mais il
faut interpréter cette formule à la lumière des philosophèmes propres

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au système. Chez Whitehead, « créa


renvoyant non à la création dont pa
catégorie de Créativité qui domine t
Créativité est passage du Multiple à
Whitehead égale la Créativité à l'Êtr
(entité actuelle) est créativité. Mais il
et compréhension. De ce que les deux te
ont la même extension, il ne s'ensuit
l'essence de l'être. Supposons mainten
de la Créativité le manquant du sys
Dieu est une créature devient simple
va de soi que, si Dieu existe, Dieu doit avoir Y esse en partage
avec les cirons, la poussière et les soleils.

5. Lacunes théologiques

La théologie de Whitehead fournit sans doute le cadre le plus souple


et le plus suggestif à la spéculation théologique d'aujourd'hui. Cepen-
dant, prise telle quelle, on la découvre sujette à une objection fon-
damentale. Elle ignore, semble-t-il, la vie divine en elle-même. Entre
la nature primordiale qui n'est que l'intellection des universaux en vue
de la création du monde, et la nature conséquente qui n'est que le
retentissement de cette création dans la Quiétude éternelle, il n'y a
rien. Whitehead semble être passé à côté de cette intimité divine que la
Tradition a tenté de penser comme rapport entre les personnes
trinitaires. A la limite, son Dieu tend même à se ratatiner en Démiurge
platonicien revu et corrigé par William James. « Il ne crée pas le
monde, il le sauve », dit d'ailleurs expressément Whitehead. En un
certain sens, il n'y a là qu'une boutade, car Whitehead maintient, avec
l'immanence de Dieu, sa transcendance. Mais d'un autre point de vue,
c'est un aveu d'impuissance devant le problème du mal : Dieu ne sera
irresponsable du mal que s'il n'est pas créateur.
Si nous maintenons que la théologie whiteheadienne présente bien
l'immense lacune qui a été dite, il faut cependant remarquer que
celle-ci peut être circonscrite, et peut être résorbée, au moyen même du
schème catégoriel où on l'a décelée.
Selon Whitehead, en effet, Dieu ne fait pas exception au schème
catégoriel. Il doit exemplifier par excellence les traits métaphysiques
les plus profonds du Réel. Or tout ce que nous avons vu en matière de
théologie constitue seulement une théorie de la concrescence divine. Il
manque donc ici une théorie correspondante de la cogrédience . C'est
celle-ci qui traiterait de l'intimité divine dont nous avons signalé
l'oubli chez Whitehead. D'autre part, même dans la théorie de la
concrescence divine, la bipolarité reste un cadre presque vide que

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WHITEHEAD 73

devrait compléter une théorie


de même que, pour les occasions actuelles, la théorie des phases
internes de concrescence vient compléter le thème du sablier.

X. - Les pléiades (Situation de Whitehead)

Partons d'une énigme qui intrigua Jean Wahl. Voici un monumental


traité de logique, les Principia Mathematica , écrit par deux amis,
Whitehead et Russell, le maître et le disciple. Chacun, en outre, est
philosophe. Or, il semble qu'il n'y ait aucune parenté entre leurs philo-
sophies. Russell annonce le positivisme logique, Whitehead marche sur
les traces de Bergson. Mais regardons-y de plus près.
Russell disait que la logique formelle est à la philosophie ce que les
mathématiques sont à la physique. Chez Whitehead, il faut aller plus
loin. Ce que Russell disait de la logique doit être dit aussi de son
prolongement mathématique. Cependant, il faut d'abord prévenir, sur
ce point, un malentendu. En effet, Whitehead semble plutôt s'opposer,
comme Kant, à l'importation du modèle mathématique en philosophie.
Mais il s'agit alors de la mathématique envisagée dans sa seule forme,
c'est-à-dire de la seule méthode déductive et, qui plus est, lorsque cette
axiomatique est envisagée comme la voyaient les Anciens, c'est-à-dire
avec des axiomes admis à titre d'évidences premières. Or, selon
Whitehead, les principes métaphysiques ne sont pas plus évidents que
ceux d'une théorie physique (lesquels, comme le principe d'inertie,
peuvent même aller contre l'évidence première) ; comme ceux-ci, ils se
justifient par leurs conséquences, c'est-à-dire par leur capacité à
interpréter l'expérience. Et chez Whitehead, c'est donc le contenu
même des mathématiques qui joue un rôle en métaphysique, comme il
en joue un en physique. La méthode d'abstraction extensive qui est au
centre de la philosophie naturelle de Whitehead est une transposition
de la méthode des « coupures » de Dedekind. Process and Reality
apparaîtra peut-être à la philosophie de demain, comme l'équivalent de
ce que le calcul infinitésimal de Newton et Leibniz est à l'Analyse
épurée de Cauchy et Weierstrass. Et l'intuition du processus chez
Whitehead est peut-être à la métaphysique de l'avenir ce que l'intuition
atomistique de Démocrite fut à la physique moderne, de Newton à
Thomson, Rutherford et Bohr. Ainsi, par-dessus la rupture kantienne,
se trouve renouée la plus haute tradition philosophique, celle de la
mathesis universalis et du philosophe géomètre tel que le voulurent
Platon et Leibniz.

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L'influence la plus visible chez Whi


les mauvaises langues disent que R
Bergson d'avoir débauché Whitehead
mysticisme incontrôlé. Mais Russell es
de Wittgenstein dont le Tractatus a
comme offrant la philosophie des
philosophie de Whitehead peut se dé
une synthèse du bergsonisme et du Tractatus. La doctrine
bergsonienne de l'écoulement universel se trouve ainsi équilibrée par le
sens wittgensteinien de l'éternel. L'univers whiteheadien, dans ses
grands traits, c'est le déferlement des flux bergsoniens dans les
structures immarcescibles du Tractatus.
Cependant le grand système classique dont Whitehead est le plus
proche (bien que ce soit un de ceux auxquels il se réfère le moins39) est
sans doute celui de Leibniz. Du point de vue whiteheadien, la
Monadologie est la Philosophie de l'Organisme entravée par le subs-
tantialisme. Alors que l'autre co-auteur des Principia Mathematica
écrivit sa seule monographie d'histoire de la philosophie pour faire des
adieux nostalgiques à Leibniz, la philosophie de Whitehead peut se lire
comme une tentative pour sauver la Monadologie au moyen de la
théorie des relations due à Peirce et... Russell.
Il ne manque pas, par ailleurs, de point de rencontre entre ces deux
fils de pasteurs que sont Whitehead et John Cowper Powys. Tous deux
commencèrent leurs études à Sherborne. A Cambridge, pendant que
Whitehead est à Trinity College, Powys rentre à Corpus Christi. Outre
la ressemblance accidentelle de leur double carrière (anglaise, puis
américaine), il y a surtout ce qu'on peut appeler l'atmosphère
océanique enveloppant d'une même écume, et des mêmes embruns,
leurs œuvres respectives. Tous les deux semblent penser, avec Homère,
que l'Océan est le père de toutes choses, et, avec le premier des philo-
sophes, que tout est plein de dieux.
On a souvent reproché à Whitehead son éclectisme. Il y a un côté
arche de Noë dans sa « philosophie de l'organisme ». Mais l'imputation
d'éclectisme n'est pas, en elle-même, une objection. Il y a, en effet,
éclectisme et éclectisme. Le mauvais éclectisme , ne peut que
juxtaposer avec entêtement des pièces et des morceaux qui ne tiendront
jamais ensemble. V éclectisme génial , dont Leibniz donne le prototype,
est la marque d'un appétit supérieur. Les emprunts y deviennent
méconnaissables, fondus sous l'égide d'une intuition dominante (qui
nous paraît provenir, chez Leibniz, des mathématiques). Alors, le

39. Par une sorte de réhabilitation posthume de Y Essai contre les Nouveaux
Essais , Whitehead prétend constamment, au contraire, puiser une inspiration chez
Locke.

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WHITEHEAD 75

nombre des ingrédients ét


diversité, loin de faire écl
d'assimilation. Or on retrouv
ont fait la réussite de Leibniz :
mathématiques jouant ici, com
nance d'un thème à la fois a
préhensif de la multiplicité
présent.
La philosophie de Whitehead est comparable à un chantier comme
celui de la muraille de Chine chez Kafka, si démesuré que le directeur
des travaux ne peut s'assurer partout que le dessein d'ensemble y est
bien exécuté. C'est dire que cette philosophie peut être considérée, en
sa totalité, comme un schéma . Ce qui signifie :
1) Qu'elle est à compléter indéfiniment pour chaque région, chaque
détail de l'être ;
2) Qu'elle est, dans une large mesure, corrigible, révisable, comme
une esquisse. (L'élément inamovible, sans lequel elle ne serait plus
elle-même, est sans doute sa catégorie ultime, la Créativité, c'est-à-dire
l'utilisation cosmogonique de la thématique Un/Multiple, condensée
dans l'image du sablier.)
C'est dans cette perspective que la philosophie de l'organisme
whiteheadienne nous apparaît comme un canevas sur lequel peuvent
s'accrocher à leur place assignée, comme autant de brins, les
charmants détails de la philosophie analytique (une fois celle-ci unifiée
à partir des travaux de Montague et de Hintikka sur la « sémantique
des mondes possibles »).

XI. - L'œuvre de Whitehead

Il est devenu classique de distinguer trois grandes périodes d


production de Whitehead.
La première période est celle des œuvres mathématiques ou l
mathématiques. Elle commence avec le Treatise on Universal A
publié en 1898 et culmine avec les Principia Mathematica écr
collaboration avec Russell et dont la publication s'achèvera en
On peut ajouter à cette période l'opuscule « Sur les concepts ma
tiques du monde matériel », terminé en 1905, qui, avec l'artic
théorie relationniste de l'espace», présenté en 1914, couvre da
certaine mesure la question des fondements de la géométrie, o
quatrième volume des Principia qui ne fut pas écrit.

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On peut donc considérer que, da


Whitehead a traité 1) de l'algèbre,
avec ses développements mathématiq
géométrie.
La seconde période est consacrée à la philosophie de la Nature, sur
laquelle Whitehead débouche en passant des fondements des mathéma-
tiques aux fondements de la physique. On trouvera dans cette veine
V Enquiry concerning the Principles of Natural Knowledge ( 1919), The
Concept of Nature qui reprend des conférence de 1919 et The Principle
of Relativity de 1922, qui est un examen des théories einsteiniennes.
La troisième période, qui est celle de la métaphysique, va être
jalonnée principalement par trois livres : La science et le monde
moderne qui reprend les conférences faites à l'Institut Lowell en 1925,
Process and Reality , qui reprend les Gifford Lectures de l'année
1927-28, et Adventures of Ideas (1933). L'exposé scientifique de la
doctrine whiteheadienne est à chercher dans le grand traité Process
and Reality. Le présent article ne se veut pas autre chose qu'un guide
pour la lecture de ce traité. On se servira de La science et le monde
moderne comme d'une esquisse simplifiée et de Adventures of Ideas
comme d'une mise au point finale permettant de trancher sur les ques-
tions délicates.
La première période est déjà philosophique. L'ouvrage écrit en
collaboration avec Russell est en effet une tentative pour élucider les
fondements des mathématiques. Toutefois il apparaît presque pure-
ment scientifique si on le compare à la spéculation effrénée de la
troisième période. La seconde période peut donc être considérée
comme une transition. C'est en effet par la méditation sur les
fondements de la physique que Whitehead, comme Bergson, a
débouché sur la métaphysique.

XII. - ÉLÉMENTS DE BIBLIOGRAPHIE

Conformément à la scansion susdite, les ouvrages de Whitehead peuvent


être répartis en trois groupes, correspondant à ses trois périodes de
recherche :

1) Principes des mathématiques :


A Treatise on Universal Algebra , Cambridge UP (Cambridge, 1898)
Principia Mathematica , en collaboration avec Bertrand Russell, Cambridge
UP (Cambridge : vol. I : 1910 ; vol. II : 1912 ; vol. 3 : 1913)

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2) Principes de la Physique :
A n Enquiry concerning the Principles of Natural Knowledge , Cambridge UP
(Cambridge, 1919)
The Concept of Nature , Cambridge UP (Cambridge, 1920)
The Principle of Relativity , Cambridge UP (Cambridge, 1922)
3) Métaphysique :
Science and the Modern World , MacMillan (New-York, 1925) trad. fr. Payot
(1930)
Process and Reality , MacMillan (New-York, 1929), édition corrigée par D.R.
Griffin et D.W. Sherburne (1978)
Adventures of Ideas , MacMillan (New-York, 1933).

L'ouvrage d'Alix Parmentier, La Philosophie de Whitehead et le Problème


de Dieu , Bibliothèque des Archives de Philosophie, Beauchesne (Paris, 1968)
ne traite pas seulement de la théologie whiteheadienne : il comprend d'abord
une introduction générale et très sûre au système, contenant notamment un
lexique et une bibliographie de 48 pages serrées.
Parmi les études d'ensemble sur Whitehead, on pourra suivre l'ordre
suivant : Lowe (V'), Understanding Whitehead (Baltimore, 1962) ; Mays (W'),
The Philosophy of Whitehead (Londres, 1959).
Schilpp (P.A.) (ed)., The Philosophy of A.N . Whitehead (1941, 2de ed.
augmentée en 1951).
Leclerc (I) (ed), The Relevance of Whitehead (Londres, 1961).
Kline (G.L.) (ed.), A.N. Whitehead (Englewood Cliffs, 1963)
Lawrence (N.), Whitehead's Philosophical Development (Berkeley, 1956).
Sur la métaphysique, on commencera par Fitch (F.B.), « Sketch of a
Philosophy» (dans' Leclerc, 1961) »'« Combinatory Logic and Whitehead's
Theory of Prehensions' Philosophy of Science , 1957 (en cinq pages, sans
doute l'exposé le plus éclairant de la métaphysique whiteheadienne).
Des exposés plus développés se trouvent dans :
Leclerc (I.), Whitehead's Metaphysics (Londres, 1958)
Christian (W.), An Interpretation of Whitehead's Metaphysics (New-Haven
1959).
Paul Gochet m'a par ailleurs signalé qu'il existe un important ouvrage
inédit de Philippe Devaux sur Whitehead.
Sur la philosophie des sciences, le traité de référence est Palter (R.),
Whitehead's Philosophy of Science (Chicago, 1960).
Sur la philosophie de la religion, il existe un article d'A.E. Taylor40, « Dr
Whitehead's Philosophy of Religion » Dublin Review , 1927.
Signalons aussi un ouvrage récent, Explorations in Whitehead's
Philosophv, edited by L.S. Ford & G.L. Kline. Fordham University Press,
New- York, 1983 :

40. Selon Jean Wahl, l'interprétation du platonisme par Taylor « n'a été possible
que parce qu'il y a eu dans la philosophie contemporaine une pensée, celle de
Whitehead, sur laquelle Taylor a pu s'appuyer pour interpréter Platon » ( Traité de
Métaphysique , p. 28).

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78 J.-CL DUMONCEL

I - Whitehead as Philosopher : 1. A.H. J


with Whitehead Concerning God and C
« Whitehead's Philosophical Response to
II - The Metaphysics of process : 3. A. C
Whitehead's Metaphysics ». - 4. B. Cobb
Philosophy. - 5. « Being and Becoming in
Rorty, « Matter and Event ». - 7. G.L. Kline, « Form, Concrescence, and
Concretum ».
III - Creativity, religious experience and God : 8. D.A. Grosby, « Religion
and Solitariness ». - 9. S.L. Ely, « The Religious Availability of Whitehead's
God : A Critical Analysis ». - 10. W.J. Garland, « The Ultimacy of Creati-
vity ». - 11. G. Reeves, « God and Creativity ».
IV - Some contrasting interpretations : 12. R.C. Neville, «Whitehead on
the One and the Many.- 13. L.S. Ford, «Neville's Interpretation of
Creativity ». - 14. J. Buchler, « On a Strain of Arbitrariness in Whitehead's
System. - 15. C. Hartshorne, « Ontological Primacy : A Reply to Buchler.
Lewis S. Ford, « Afterword : A Sampling of Other Interpretations », Index.
Rappelons pour finir qu'il existe une revue consacrée aux études whitehea-
diennes, Process Studies.

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